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2012, année politique. Le tnt profite de l’appel aux urnes pour ausculter « L’ivresse du<br />

pouvoir ». qui mieux que shakespeare pouvait en rendre compte ? avec l’Othello du berlinois<br />

thomas ostermeier et le Macbeth de Laurent Pelly, violence, folie et ambition s’invitent sur<br />

le plateau. La poésie aussi. Par Stéphanie Pichon<br />

Jeux<br />

de massacres<br />

dans Shakespeare, point d’élection,<br />

ni de joute électorale. Ici les campagnes<br />

sont plutôt guerrières, et le<br />

pouvoir se conserve par le sang,<br />

le meurtre et les intrigues. Pourtant ces pièceslà,<br />

en l’occurrence Othello mis en scène par le<br />

Berlinois Thomas Ostermeier, et Macbeth, la<br />

toute nouvelle création du codirecteur du TNT,<br />

résonnent étrangement dans notre présent.<br />

Assez pour que le théâtre national toulousain les<br />

rassemble sous la thématique « L’ivresse du pouvoir<br />

», qui comptera aussi deux pièces de Jean<br />

Genet. « Dans Macbeth il est question de barbarie,<br />

d’assassinats, de rebelles, cela fait forcément<br />

écho à une actualité récente dans le monde<br />

arabe. La fin de Kadhafi, c’est exactement la mort<br />

de Macbeth ! », estime Laurent Pelly.<br />

traHiSon, raCiSme et intriGueS<br />

Dans Othello, Ostermeier a choisi un Iago plus<br />

fourbe que jamais, maître du double jeu et de<br />

la manigance, rongé par l’ambition au point de<br />

faire sombrer définitivement le général Othello,<br />

son supérieur qui ne l’a pas promu. Le metteur<br />

en scène de la Schaubühne a choisi de<br />

faire d’Othello « le noir », là où Shakespeare<br />

l’avait décrit comme « Le maure de Venise ».<br />

Peu importe finalement, (d’ailleurs le comédien,<br />

Sebastian Nakajew, est blanc comme un linge !),<br />

puisqu’ici la vraie question est celle du racisme<br />

exacerbé, d’un étranger rejeté par une société<br />

qui, au moindre faux pas, lui balance son altérité<br />

à la figure. Une fois de plus, Ostermeier cultive<br />

ce théâtre à l’allemande si engagé dans le jeu,<br />

si énergique grâce à une scénographie qui compose<br />

avec des éléments, des couleurs, de la<br />

vidéo et de la musique. Un cocktail explosif de<br />

trahison, jalousie et ambition, qui entraîneront<br />

Othello le rationnel, dans la spirale de la folie.<br />

abSurdité et violence<br />

Le Macbeth de Laurent Pelly n’est pas moins<br />

perdu, bien que tyran. Poussé par sa femme,<br />

il bascule dans une criminalité qui n’a d’autre<br />

but que de conserver le pouvoir. Réunissant<br />

14 comédiens, dont Thierry Hancisse, pensionnaire<br />

de la Comédie Française, dans le rôle-titre,<br />

Laurent Pelly prend les commandes de la mise<br />

en scène, mais aussi de la scénographie et<br />

des costumes pour une pièce de la démesure,<br />

absurde et violente, habitée de forces surnaturelles.<br />

« C’est d’un suspense et d’une modernité<br />

incroyable », souffle Laurent Pelly. « Dire que ça<br />

a été écrit en 1606 ! On pourrait aujourd’hui faire<br />

un film noir splendide à partir de ce scénario ». Un<br />

scénario où l’amour du pouvoir s’accompagne<br />

de sang et de larmes. Dans les urnes françaises,<br />

le combat devrait être moins sanglant. Mais tout<br />

aussi impitoyable.<br />

Le 17.03, 16h, conférence-débat « L’énigme<br />

du pouvoir, entre domination et servitude<br />

volontaire » avec Eugène Enriquez, et<br />

Vincent de Gaulejac, Petit Théâtre, entrée<br />

libre sur réservation 05 34 45 05 05.<br />

Othello,<br />

mise en scène de<br />

Thomas Ostermeier,<br />

les 3 et 4.02<br />

Macbeth,<br />

mise en scène de<br />

Laurent Pelly,<br />

du 29.02 au 24.03,<br />

7 à 23 €, TNT,<br />

www.tnt-cite.com<br />

interview<br />

laurent Pelly,<br />

codirecteur du tnt<br />

Monter Macbeth en pleine année électorale,<br />

cela s’est imposé ?<br />

J’avais d’abord pensé à Ubu Roi qui s’inspire<br />

d’ailleurs beaucoup de Macbeth, dont c’est<br />

une sorte de parodie. Puis j’ai pensé à le monter<br />

en diptyque avec Macbeth. Mais c’était trop<br />

lourd matériellement. Finalement je me suis lancé<br />

dans Macbeth, l’une des plus belles pièces<br />

du répertoire. Chaque ligne est passionnante.<br />

Il y a une richesse infinie et en même temps<br />

beaucoup de simplicité. Dans cette pièce, c’est<br />

la course au pouvoir par le crime, a eu pouvoir<br />

pour le pouvoir, qui conduit à la folie. Comme<br />

toujours chez Shakespeare, on mêle l’humain<br />

et le grave, la tragédie et l’humour.<br />

Le théâtre a-t-il encore quelque influence<br />

sur le cours des choses politiques ?<br />

Non. Mais le théâtre a encore tout à dire,<br />

comme la littérature ou le cinéma.<br />

Comment avez-vous imaginé la mise en<br />

scène de ce monument ?<br />

Sur cette pièce je fais aussi la scénographie<br />

et les costumes. C’est la première fois que je<br />

prends en charge une scénographie aussi importante.<br />

Il a fallu inventer un monde absurde<br />

et dérisoire. J’ai choisi l’idée d’un labyrinthe aux<br />

murs mobiles qui symbolise le cauchemar dans<br />

lequel est enfermé Macbeth. Cela évoque aussi<br />

l’idée d’une forteresse, d’un ennemi extérieur.<br />

Avez-vous ancré la pièce dans une époque ?<br />

Par le biais des costumes, j’ai choisi un entredeux,<br />

quelque part entre la période médiévale et<br />

l’époque actuelle. Pour les soldats par exemple,<br />

je garde le heaume et quelques armes d’époque,<br />

mais j’y ajoute un uniforme d’aujourd’hui.<br />

le ThÉâTRe a<br />

eNCORe TOuT à DIRe<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 43

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