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depuis son lit, amandine urruty dessine au crayon de couleur un univers foutraque,<br />
enfantin et dérangeant. après bordeaux, Paris et berlin, la jeune toulousaine installe<br />
son bestiaire baroque et bariolé sur les murs de la librairie ombres blanches, pour la<br />
sortie de son livre Robinet d’amour. Par Stéphanie Pichon<br />
l’amour<br />
au bestiaire<br />
Espérances, Robinet<br />
! » Ainsi résonnait, il y<br />
a peu, la langue rabelai-<br />
«amour,<br />
sienne sur une scène de<br />
théâtre toulousaine. Il n’aurait pas paru incongru<br />
que la dessinatrice Amandine Urruty aille<br />
piocher dans l’univers fantasque de Rabelais<br />
pour trouver un titre à son dernier ouvrage. Mais<br />
non. C’est au-dessus du pubis d’un légionnaire,<br />
(dans un livre de photos) qu’elle a lu « Robinet<br />
d’amour ». Bingo ! Aujourd’hui, le livre sorti chez<br />
les Requins Marteaux donne lieu à une exposition<br />
à Ombres Blanches.<br />
enfantin et répugnant à la foiS<br />
C’est d’abord la couleur qui saute aux yeux.<br />
Éclatante, de préférence avec du rose, et beaucoup<br />
de détails autour. Amandine Urruty, tout<br />
juste 30 ans, aime les univers flashy, qui rappellent<br />
l’enfance, et les bonbons acidulés. Ses<br />
dessins, qu’il faut prendre le temps d’examiner<br />
longtemps, pratiquent l’accumulation à outrance.<br />
Dans cette jungle luxuriante peuplée de créatures<br />
hybrides façon Muppet Show, on décèle de jolis<br />
minois à la truffe humide, des poils multicolores,<br />
des chevelures lisses agrémentées d’objets<br />
fantasques, des groins sexys et griffes rouge<br />
vermillon. Les yeux – sa marque de fabrique –<br />
sont partout, sur les genoux, sur les seins, sur<br />
les robes… Mouillés, presque tendres, un brin<br />
désespérés, ils vous regardent sans méchanceté.<br />
C’est là, la patte « Urruty »: faire croire à un dessin<br />
enfantin, qui se révèle, à bien y regarder, inquiétant,<br />
voire gentiment répugnant, sans jamais<br />
tomber dans l’agressif ou le dégueulasse.<br />
Il y a de l’amour aussi dans ces personnages<br />
alanguis, ces couples à tête de castors, ces<br />
belles à tatouages qui portent leurs seins en<br />
écharpe. « Et lassata viris necdum satiati recessit<br />
» peut-on lire en sous-titre de son ouvrage<br />
Robinet d’amour. Traduit, ça donne : « elle quitte<br />
[les lieux de débauche] épuisée par des hommes,<br />
mais non pas repue ». Le ton est donné. Les<br />
femmes occupent le devant de la scène, souvent<br />
au centre, telle des déesses que regardent d’en<br />
bas de petites créatures incongrues : saucisses<br />
cravatées ou escargots baveux…<br />
loGique additive<br />
Armée de ses crayons de couleur – même si<br />
pour l’exposition à Ombres Blanches, l’artiste<br />
a eu recours aussi à la gouache et au feutre –<br />
Amandine semble résolue à se laisser aller à « la<br />
logique additive » pour réaliser ses planches.<br />
Du genre « castors + saucisses + barbapapa =<br />
cool » décrit-elle. C’est vrai qu’on n’est pas loin<br />
de l’ambiance fête foraine sur certains dessins.<br />
Dans d’autres c’est le rock qui domine. Rien<br />
d’anormal pour une jeune fille qui a débuté en<br />
chantant (faux, précise-t-elle) dans un obscur<br />
groupe de chanson toulousain, s’apercevant<br />
rapido qu’elle préférait dessiner les affiches<br />
plutôt que s’égosiller dans les caves. Depuis,<br />
la petite Toulousaine a fait son chemin, depuis<br />
son lit, l’endroit où elle travaille le mieux. En<br />
2008, elle croise la route de Philippe Katerine<br />
dans les coulisses de la Star Academy et<br />
devient son body-painter attitré pour sa tournée.<br />
Aujourd’hui, elle a rejoint le collectif Arts Factory,<br />
multiplie les expositions liées à son livre Robinet<br />
d’amour, et s’est faite inviter par Pictoplasma,<br />
à Berlin et Paris, pour donner des conférences.<br />
À 30 ans, elle va peut-être devoir accepter de<br />
passer moins de temps en chambre.<br />
amaNDINe semble RÉsOlue à se laIsseR alleR à<br />
la lOgIQue aDDITIve. Du geNRe CasTORs + sauCIsse +<br />
baRbaPaPa = COOl.<br />
Amandine Urutty<br />
jusqu’au 18.02,<br />
salle de conférence,<br />
Ombres blanches,<br />
entrée libre<br />
Robinet d’amour<br />
Amandine Urruty,<br />
Les Requins Marteaux,<br />
17 €<br />
Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 35