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tables & comptoirs<br />
au boNheur des carmes<br />
À La rôtisserie des carmes, alain chabrier délivre une cuisine roborative et chatoyante<br />
qui ravit les gourmets. Par Christian authier<br />
Cela fait plus de dix ans qu’Alain<br />
Chabrier dispense ses tours et ses<br />
atours gastronomiques dans une<br />
ville où son restaurant s’est hissé<br />
sans peine au rang des meilleures adresses.<br />
C’est pourtant en amateur éclairé et en autodidacte<br />
que cet homme tranquille à la voix chaude<br />
s’est rangé du côté des fourneaux, notamment<br />
sous l’aile du grand Gérard Garrigues. Sa cuisine<br />
porte la patte d’un parcours atypique qui a tourné<br />
le dos aux faux-semblants : elle ne s’encombre<br />
pas de fioritures, s’appuie sur des produits,<br />
rappelle que nous n’allons pas au restaurant<br />
pour manger les rideaux. Tout ici est tranchant,<br />
évident, solide, très bon.<br />
À midi, des formules au rapport qualité/prix difficilement<br />
égalable ouvrent leurs bras généreusement<br />
: plat du jour à 12,70 €, « à la carte »<br />
(entrée/plat ou plat/dessert) à 17 €, « menu de<br />
saison » à 22,30 € On peut croiser là un œuf<br />
de poule poché aux pleurotes et à la crème, un<br />
mesclun aux foies de volaille sautés, un tartare<br />
de bœuf au couteau avec ses pommes de terre<br />
frites, un merlu à la meunière et ses haricots<br />
vapeur, une salade d’oranges aux zestes confits.<br />
24 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />
Le soir, la formule menu de saison à 27,40 € réitère<br />
la performance tandis que la carte offre, pour<br />
un ticket moyen autour de 55 €, de belles émotions<br />
gustatives avec, par exemple, des noix de<br />
Saint-Jacques rôties et beurre blanc ; un quasi<br />
de veau aux morilles, jus tranché et gnocchi au<br />
parmesan ; un magret de canard rôti au Banyuls<br />
avec sa polenta crémeuse ; des pruneaux d’Agen<br />
pochés au Corbières et aux épices douces ; une<br />
assiette de trois fromages d’Auvergne de chez<br />
Xavier… Les ascètes sont priés de passer leur<br />
chemin. Le service est discret, efficace et gentil.<br />
On a le sentiment que le mot d’ordre est de faire<br />
plaisir. C’est réussi.<br />
À Croquer À PleineS dentS<br />
Mais la grande cuisine se mesure aussi (surtout<br />
?) à sa capacité à magnifier des plats<br />
simples ou traditionnels. Chez Chabrier, nous<br />
avons mangé les meilleures brandades de<br />
morue de notre vie. Le cassoulet fut parfois renversant.<br />
L’andouillette impeccable (évidemment<br />
labellisée « AAAAA », mieux encore que la note<br />
de la France sur les marchés). À la saison de la<br />
chasse, la cuisson parfaite de palombes saisies<br />
en plein vol nous cloua le bec. Pour accompagner<br />
cela, la carte des vins affiche des valeurs<br />
sûres ne portant guère à la mélancolie : le muscadet<br />
de Joseph Landron, les vins de Gaillac de<br />
la famille Plageoles, le morgon de Lapierre, les<br />
faugères de Didier Barral…<br />
Dans la cave – à laquelle le personnel accède<br />
par une trappe située devant la porte d’entrée,<br />
ce qui donne un petit côté clandestin à certaines<br />
commandes – des trésors dorment sagement<br />
avant d’être réveillés par des clients curieux.<br />
Naguère, nous en fîmes extraire des merveilles<br />
comme ces vieux jurançons du maître Charles<br />
Hours. Des vers des Contrerimes de Paul-Jean<br />
Toulet revinrent alors à notre mémoire : « Un<br />
Jurançon 93 / Aux couleurs de maïs / Et ma<br />
mie, et l’air du pays / Que mon cœur était aise ».<br />
De fait, à La Rôtisserie des Carmes, il faut amener<br />
ses meilleurs amis et des âmes sensibles<br />
au regard mutin dont le souvenir, plus tard, bien<br />
plus tard, nous rappellera encore Toulet : « Que<br />
ce fut douce, hélas ; que c’est lointaine chose /<br />
Votre jupe bleu-lin, et ce transparent rose. » En<br />
attendant, voici du bonheur sans nostalgie. Ici et<br />
maintenant. À croquer à pleines dents.<br />
La Rôtisserie<br />
des Carmes<br />
38, rue des Polinaires<br />
31000 Toulouse<br />
Ouvert du lundi<br />
au vendredi<br />
05 61 53 34 88<br />
© Polo Garat - Odessa