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membre du réseau<br />

Le<br />

caractère<br />

urbain<br />

Saint-valentin<br />

Les nouveaux<br />

forfaits amoureux<br />

alain monnier<br />

L’objet du désir<br />

veniSe<br />

La face cachée<br />

Numéro #47 | février 2012 | toulouse | spiritmagaziNe.fr | gratuit<br />

Culture | touriSme | Habitat | mode | GaStronomie | SortieS | Famille


OFFRE SPÉCIALE OUVERTURE*<br />

toulouse sud<br />

1, route de lézat<br />

31860 Pins-Justaret<br />

(RN 20 direction Foix)<br />

- 20% et 20 fois sans frais<br />

*Offre valable jusqu’au 18 février 2012 (hors pose, accessoires et électroménager).<br />

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toulouse nord<br />

339, avenue des Étas-unis<br />

31200 toulouse<br />

(Face au KFC)


#47<br />

FÉVRIER 2012<br />

4 GiVE ME 5<br />

6 BruiTS DE CouLoir<br />

8 ruMEur buzz<br />

10 MAGASiNAGE basIcs !<br />

12 ENTrE NouS<br />

La tRInItÉ sELon MonnIER<br />

14 C’EST DANS L’Air<br />

LEs nouVEaux<br />

codEs aMouREux<br />

18 ouVrE-ToiT<br />

22 L’ENDroiT La MaIson saLVan<br />

24 TABLES & CoMPToirS<br />

La RôtIssERIE dEs caRMEs<br />

26 EN ViLLE<br />

du côtÉ dEs sEpt dEnIERs<br />

28 ÉCHAPPÉE BELLE<br />

La FacE cachÉE dE VEnIsE<br />

34 ACCroCHAGES<br />

aMandInE uRRuty<br />

38 ÉCrANS<br />

ELLEs<br />

42 ENTrE ACTES<br />

L’IVREssE du pouVoIR<br />

46 iNTErViEw danIEL daRc<br />

48 SoNo aGEnda<br />

50 EN FAMiLLE L’Eau, L’Expo<br />

54 PLAN rAPProCHÉ<br />

un pIonnIER dE<br />

L’habItat paRtIcIpatIF<br />

Vraie-fausse partie de jambes<br />

en l’air. L’homme, assis,<br />

masqué, semble attendre<br />

une héroïne de David Lynch.<br />

La jeune photographe<br />

américaine Dani Bogenhagen<br />

affectionne ces entre deuxmondes<br />

atmosphériques.<br />

Toulousaine depuis six mois,<br />

elle a shooté la série « Folies<br />

passagères» à Mix’Art Myrys,<br />

lors d’un cabaret érotique.<br />

Coup de cœur.<br />

danibogenhagen.com<br />

Lundi matin. Métro<br />

Jeanne d’Arc.<br />

ÉDITO<br />

Les quais sont<br />

bondés. Pour une<br />

fois, les regards<br />

ne draguent pas<br />

le sol, mais flirtent<br />

avec un écran plat<br />

suspendu au plafond. Fond noir, lettres<br />

roses ! Tisséo aurait-il changé sa charte<br />

graphique ? Défile alors une série de messages<br />

au style télégraphique et à la préoccupation<br />

monomaniaque : l’amour !<br />

« 17h20 métro Balma tu m’as effleuré,<br />

assis à côté tu es descendue aux Arènes.<br />

Je n’ai pu te rattraper ». À la lecture de<br />

ces mots tendres, impossible de ne pas<br />

repenser au plaisir presque coupable que<br />

l’on ressent devant les petites annonces<br />

de Libé. En quelques instants, on comprend<br />

que l’idée de transformer le transport<br />

en commun en transport amoureux<br />

vient de Sophie Calle. Ce n’est pas la<br />

première fois que l’artiste transforme des<br />

rames en atelier. En 2006, à Paris, sur la<br />

ligne 3 du tramway, elle avait installé une<br />

cabine téléphonique. Sophie Calle s’était<br />

par Léa Daniel<br />

« Folies Passagères », une série de Dani bogenhagen.<br />

même engagée à l’appeler plusieurs fois<br />

par semaine et taper la causette avec<br />

le chaland qui décrocherait le combiné.<br />

« Qu’est-ce que l’amour ? Le besoin de<br />

sortir de soi » comme le dit si bien Baudelaire.<br />

Sophie Calle se rallie à ce point de<br />

vue et ose les contrastes, quand l’amour<br />

se décline en rose et rouge sur les affiches<br />

des restos organisateurs de soirées Saint-<br />

Valentin. Cucu la praline, gnangnan ou<br />

trop commercial, il semblerait que l’on ne<br />

puisse d’ailleurs rien sauver du 14 février.<br />

Et ce ne sont pas les 54 % de célibataires<br />

que compte la ville rose qui me contrediront.<br />

L’amour, est déjà coincé dans le dictionnaire<br />

entre amortisseur et amouracher.<br />

Pas la peine d’en rajouter en lui faisant sa<br />

fête. Au contraire, flirtez, courtisez, batifolez,<br />

roucoulez, marivaudez... les 366 jours<br />

de cette nouvelle année. Et laissez-nous<br />

vous annoncer une nouvelle alliance. <strong>Spirit</strong><br />

convole dès février avec À Nous, le réseau<br />

de city-magazines qui existe déjà sur des<br />

villes comme Paris, Lyon ou encore Lille.<br />

Nouvelle maquette, nouvelles rubriques,<br />

et toujours la même envie de vous faire<br />

plaisir. AAA nous, la ville. À vous Toulouse.<br />

SPIRIT est un magazine gratuit édité par Urban Press, www.urban-press.com - 18 rue des Couteliers, 31000 Toulouse - tél. 05 61 14 03 28 fax. 05 61 14 25 22 - info@urban-press.com / Retrouvez SPIRIT sur www.spiritmagazine.fr<br />

Directeur de la publication : Laurent Buoro - Directeur du développement : Loïc Blanc - Rédaction : Léa Daniel, Carole Lafontan, Baptiste Ostré, Stéphanie Pichon, Mathilde Raviart, redaction@spiritmagazine.fr / Graphisme : Julie Leblanc, Christophe Gentillon, Cécile Fauré. Ont collaboré<br />

à ce numéro : Christian Authier, Philippe Bertrand, Isabelle Bonnet-Desprez, Karine Chapert, Thomas Delafosse, Isabel Desesquelles, Anaïs Florance, Karine Jamin, Maylis Jean-Préau, Valérie Lassus, Anne Le Stang, Alex Masson, Cécile Maury, Laurent Sorel / Photos : Polo Garat, Sébastien<br />

Maurette, Cassandra da Chicha, Élise Boularan / Publicité : Damien Larrieu, Sophie Hemardinquer, + 33 5 61 14 78 37 - pub@urban-press.com / Administration : adm@urban-press.com / Imprimerie : Roularta (Belgique). Papier issu des forêts gérées durablement (PEFC)<br />

Dépôt légal à parution - ISSN : 2116-3146 - L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que<br />

l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. Ne pas jeter sur la voie publique.<br />

SPIRIT est membre du réseau A nous, Éditions A nous. Régie nationale, 01 75 55 11 86, sandrine.geffroy@anous.fr, paule-valerie.bacchieri@anous.fr<br />

le CaraCtère Urbain <strong>Spirit</strong> • 3


give me five<br />

le 01.02<br />

5S’il fallait en retenir 5,<br />

voici les événements<br />

qui méritent une place<br />

dans votre agenda.<br />

cinéma<br />

elles<br />

Sur le sujet casse-gueule de la<br />

prostitution étudiante, Malgorzata<br />

Szumowska s’en tire avec<br />

brio, et vient titiller là où on ne<br />

s’y attendait pas. Ou comment<br />

filmer avec élégance un conflit<br />

générationnel. Entre la journaliste<br />

quadra (Juliette Binoche) et<br />

les deux jeunes étudiantes aux<br />

mœurs très libérées, c’est plus<br />

qu’un phénomène de société<br />

qui se joue, mais la remise en<br />

question de la morale, des<br />

conventions, des utopies postsoixaantehuitardes<br />

et des vraies<br />

impudeurs. Le tout dans une<br />

mise en scène élégante. On y<br />

court.<br />

page 38<br />

4 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

Jusqu’au<br />

11.02<br />

© Haut et Court<br />

exPo<br />

amandine urruty<br />

Adeptes de castors à perruque,<br />

cochonnes tatouées, knackis<br />

cravatées, bienvenue dans le<br />

bestiaire chatoyant de la Toulousaine<br />

Amandine Urruty qui<br />

double la mise : un livre Robinet<br />

d’amour aux Requins marteaux,<br />

et une exposition à Ombres<br />

Blanches. Dessinant presque<br />

exclusivement au crayon de<br />

couleurs, et accessoirement<br />

depuis son lit, cela commence à<br />

faire un bail qu’elle nous abreuve<br />

de ses planches bariolées,<br />

bizarrement chargées, débordantes<br />

de détails salaces, mais<br />

pas trop. Alors, on ouvre grand<br />

les vannes, et on laisse couler<br />

l’imagination débordante d’une<br />

jeune fille pas rangée.<br />

page 34<br />

le 29.02<br />

musique<br />

daniel darc<br />

Rescapé des années dope,<br />

rock, punk, Daniel Darc semble<br />

résolu à 52 ans, à nous présenter<br />

sa face lumineuse, voire<br />

illuminée. Balade gainsbourienne<br />

en terres sacrées La taille de<br />

mon âme s’écoute comme la<br />

litanie apaisée d’un monsieur<br />

de la chanson ayant laissé les<br />

excès des années Taxi Girl<br />

derrière lui. Voix joliment abimée,<br />

orchestrations inspirées, l’album<br />

marque une nouvelle ère. <strong>Spirit</strong><br />

l’a rencontré avant son passage<br />

au Bikini. Interview rédemption.<br />

Page 46<br />

Dinette © Amandine Urruty<br />

dès le<br />

18.02<br />

© Julien Lachaussée / Sony Music<br />

en famiLLe<br />

l’eau<br />

2012, année de la Garonne à<br />

Toulouse. Le Muséum prend<br />

les devants avec son exposition<br />

phare de l’année consacrée<br />

à l’eau. Rien n’a échappé<br />

au regard scientifique, ni les<br />

catastrophes qu’elle génère<br />

(tsunamis, déluges…), ni sa<br />

rareté, ni ses états changeants,<br />

ni la façon de l’apprivoiser. Le<br />

parcours foisonnant et ludique<br />

s’arpente en famille, avec ou<br />

sans bottes de pluie !<br />

Page 50<br />

à partir<br />

du 03.02<br />

Bangladesh : le grand débordement<br />

© Laurent Weyl<br />

théâtre<br />

l’ivresse du pouvoir<br />

« Enivrez-vous sans cesse de<br />

vin, de poésie, de vertu, à votre<br />

guise ». L’injonction baudelairienne<br />

avait oublié l’ivresse du<br />

pouvoir, celle qui fait tourner<br />

les têtes, trahir ses amis, et à<br />

l’extrême pousse au meurtre, à<br />

la tyrannie et à la folie. C’est le<br />

thème qu’a choisi le TNT pour<br />

présenter une ribambelle de<br />

pièces en cette année furieusement<br />

électorale. Ainsi le théâtre<br />

s’engouffre dans les coulisses<br />

peu reluisantes du pouvoir,<br />

avec une prédilection pour une<br />

version shakespearienne, sanglante<br />

et violente qu’il s’agisse<br />

d’Othello proposée en version<br />

allemande par Thomas Ostermeier<br />

ou Macbeth, la nouvelle<br />

création de Laurent Pelly. On<br />

vous promet des combats nonédulcorés,<br />

ni censurés. Et des<br />

joutes épiques et poétiques.<br />

Page 42<br />

Othello © Tania Kelley


uits de couloir<br />

6 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

reza<br />

sur garoNNe<br />

Cet automne les berges de la<br />

Garonne recevront sur leurs<br />

murs de briques, 30 ans de<br />

luttes, de combats et d’espoirs.<br />

Ceux immortalisés par le grand<br />

photographe iranien Reza.<br />

Un nom qui claque pour un<br />

monument de la photographie.<br />

Déjà parrain au printemps<br />

dernier du festival MAP, Reza<br />

a choisi les quais toulousains<br />

pour « sa » grande exposition<br />

qui se tiendra du 12 septembre<br />

au 11 novembre prochains,<br />

en partenariat avec la ville de<br />

Toulouse. Exilé en France depuis<br />

la révolution iranienne de 1979,<br />

le photographe a été de toutes<br />

les lignes de front, photojournaliste<br />

tendance humaniste pour<br />

Géo, Paris Match ou National<br />

Geographic. Cet automne, il ne<br />

viendra pas qu’avec ses photos<br />

grand format, il a aussi tenu à<br />

partager son savoir et sa vision<br />

d’un journalisme libre avec les<br />

élèves du quartier de la Reynerie,<br />

qu’il accompagnera toute<br />

l’année scolaire sur le chemin<br />

de l’apprentissage de l’image,<br />

du décodage, de la pratique.<br />

Un prélude à l’ouverture de la<br />

future Maison de l’Image, qui<br />

devrait être inaugurée fin 2013<br />

à la Reynerie.<br />

C’est le nombre de SCOP (sociétés<br />

coopératives et participatives),<br />

crées en 2011 sur Toulouse Métropole,<br />

d’où a été lancée officiellement par<br />

les Nations Unies, l’année internationale<br />

des coopératives. Ces modèles<br />

de sociétés emploient 627 personnes<br />

sur l’agglomération.<br />

voyage en hétérotoPie<br />

Rien à voir avec un voyage pour célibataires hétéros ! « L’hétérotopie » est la thématique 2012 de la caravane de solidarité internationale au long<br />

cours organisée chaque année par l’association Via Brachy. Autrement dit « la localisation physique de l’utopie, un espace concret qui héberge<br />

l’imaginaire » qui devrait se situer entre Toulouse et Dakar, le trajet emprunté par les voyageurs. Concrètement les voyageurs s’engagent à<br />

bord de 4X4 chargés de matériel logistique et de dons, dans l’idée de partir à la rencontre de l’Autre, prêt au partage et à l’échange avec les<br />

partenaires de l’association, du Maroc à la Mauritanie. La caravane recrute ses volontaires lors d’un marathon de rendez-vous toulousains. Les<br />

prochains auront lieu (entre autres) le 09.02 au local Friture, le 15.02 au Vélo Sentimental, le 17.02 au Café Plum. Départ prévu en juillet.<br />

© Association Viabrachy<br />

Tous les rendez-vous et infos sur www.viabrachy.com<br />

miNimum vital<br />

Devant l’ENSA, un drôle d’objet habitable non identifié a atterri<br />

sur la pelouse depuis le 5 janvier, comme arrivé du futur.<br />

Incongruité architecturale oblongue qui dévoile ses secrets<br />

une fois qu’on s’y engouffre : on comprend alors qu’ici, on<br />

est censé y dormir, y manger, se laver, y vivre en somme. Les<br />

Abattoirs, propriétaires de l’œuvre Tampa Skull signée Joep<br />

van Lieshout, l’ont installée sur le campus du Mirail jusqu’à la<br />

fin juin. Quand il l’a créée en 1998 pour sa série Mobil Home,<br />

le designer hollandais voulait imaginer une unité habitable<br />

aux proportions minimales. Claustrophobes s’abstenir.<br />

ENSA Toulouse, du lundi au vendredi de 9h à 19h, entrée libre,<br />

www.ateliervanlieshout.com<br />

l’imaGe<br />

du mois<br />

© Sébastien Maurette<br />

tutto<br />

bono !<br />

Dans le petit monde de la ligne claire, ça s’agite<br />

du côté de la petite maison d’édition toulousaine<br />

Misma, qui vient de sortir une nouvelle version de<br />

sa revue Dopututto, lui rajoutant l’adjectif Max.<br />

Format plus resserré, planches couleur et trois<br />

nouveaux dessinateurs donnent le ton d’un recueil<br />

de BD décomplexé, au graphisme bouillonnant et<br />

soigné, dont les auteurs font fi des codes, tout en<br />

se fiant à leur intuition. Le premier numéro est sorti<br />

en décembre dans les bonnes librairies, et sera<br />

suivi d’un deuxième en mars. Dès 2004, Misma,<br />

fondée par les frères jumeaux El don Guillermo et<br />

Estocafich, joue les avant-gardistes, avec des récits<br />

improvisés autres expérimentations graphiques.<br />

Aujourd’hui, la famille s’est agrandie d’une quinzaine<br />

d’auteurs (Anne Simon, Singeon, Nylso, …) et<br />

la maison se pose en véritable laboratoire d’expérimentation<br />

dans le domaine des bulles. Santé !<br />

Dopututto Max, en librairie ou sur www.misma.fr,<br />

sortie du 2 e numéro le 16.03<br />

7


dessiNe-moi<br />

un futur<br />

Le 11 février, Futurapolis, site internet<br />

dédié à l’innovation technologique et<br />

scientifique du magazine Le Point,<br />

se matérialisera en une journée de<br />

conférences. Et c’est à Toulouse que<br />

ça se passe. À la Halle aux Grains<br />

plus précisément. Objectif : réfléchir<br />

aux questions qui feront le monde de<br />

demain et d’après-demain, l’événement<br />

devant se renouveler chaque<br />

année. Pour sa 1 ère édition, la liste des<br />

participants ne joue pas vraiment la<br />

carte novatrice, et préfère les noms<br />

connus, avec du côté des hommes<br />

politiques François Hollande, François<br />

Bayrou et Nathalie Kosciusko-Morizet,<br />

et pour le monde scientifique, Jean-<br />

Louis Étienne, Nicole le Douarin ou<br />

Claude Allègre. Reste à voir comment<br />

Futurapolis parviendra à dépasser<br />

le cadre de la conférence classique<br />

– et du terrain de campagne – pour<br />

devenir un événement véritablement<br />

participatif et citoyen. Seule initiative<br />

vraiment orginale, le Brain’7, invitation<br />

au liveblogging piloté par les étudiants<br />

de l’ENSEEIHT (*), pour « fabriquer<br />

l’innovation de leurs rêves » autour des<br />

quatre grands thèmes : santé, digital,<br />

énergie, transport. À nos claviers !<br />

Le 11.02, dès 9h30, Halle aux Grains,<br />

gratuit sur réservation,<br />

www.lepoint.fr/futurapolis/<br />

made iN maison<br />

l’art<br />

du décoLLage<br />

C’est une première française :<br />

l’aéroport de Blagnac ouvre un<br />

« ArtLounge » pour calmer l’attente<br />

des passagers à coup d’œuvres<br />

d’art contemporain. Un partenariat<br />

avec le FRAC et les Abattoirs entérine<br />

le projet pour trois ans au moins.<br />

Attention, ne pas s’attendre non plus<br />

à passer deux heures dans un musée.<br />

L’espace lounge située dans le Hall D<br />

des départs, côté embarquements,<br />

accueille pour l’heure deux sculptures<br />

« La houppe » de Bernard Pagès et<br />

« Oh my god » de Sophie Boursat.<br />

Mais l’aéroport réfléchit déjà à faire<br />

rentrer d’autres actions artistiques dans<br />

l’aérogare de Blagnac. À quand des<br />

graffs sur les avions, ou des happenings<br />

au security check ?<br />

18 février<br />

La librairie Castéla s’en va<br />

pour de bon. Fermeture<br />

de rideau place du Capitole.<br />

Rien n’y aura fait, ni les pétitions<br />

sur Facebook, ni les appels<br />

au ministère de la Culture,<br />

ni la mairie, impuissante.<br />

Une seule question :<br />

qui prendra la place ?<br />

Après avoir vendu ses dernières percussions en novembre, la Casa Paco de la rue<br />

des Couteliers a trouvé un nouveau souffle en croisant la route de Béatrice Brun,<br />

une férue de bricolage, qui a lancé depuis l’Ariège une gamme de création faitmain,<br />

B.attitude. Le projet d’une boutique commune prend forme en décembre.<br />

Ce sera B.attitude et Compagnie, où s’expose du « made in maison », 100 % artisanal.<br />

On y trouve les créations de Béa (sièges suspendus) mais aussi les « crayons<br />

branchés » de Pierre Rossard, les poteries au Grès du Vent de Françoise Louste et<br />

Jean Napotier ou les chaussures colorées de Beth Goldsworthy.<br />

42 rue des Couteliers Toulouse, 05 61 52 35 35, www.atelier-b-attitude.com


uits de couloir<br />

8 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

Qui sera<br />

m. carnavaL ?<br />

Par anne le Stang<br />

Ze buZZ<br />

PSSSt<br />

C’esT la RumeuR !<br />

un sportif ? Un artiste ? Un politique ? Qui ouvrira le cortège masqué,<br />

stoppé il y a 24 ans ? On se souvient que Nougaro tint le rôle en 1987.<br />

À l’approche du nouveau carnaval de Toulouse prévu le 21 mars, les<br />

rumeurs les plus folles sont parvenues jusqu’à notre Rédaction. Mais<br />

la tâche est ardue pour éclaircir le mystère, et les chargés de com’ peu bavards. Un<br />

ami féru d’histoire antique nous a suggéré de lire dans les entrailles d’une oie du Gers<br />

bien grasse pour tenter de trouver les réponses à nos questions.<br />

Nous avons préféré partir à l’assaut du Capitole, pensant y débusquer un « carnavalogue<br />

» et le passer sur le grill, mais nous sommes revenus bredouilles. La mairie de<br />

Toulouse, apprend-on, ne fait qu’« accompagner » la manifestation qui s’était essoufflée<br />

après les hallucinants cortèges des années quatre-vingt de plusieurs dizaines de<br />

milliers de personnes. Entaché peut-être par la crainte des débordements, du bruit<br />

et du désordre, le carnaval de Toulouse avait fait long feu et cédé le pas aux associations<br />

telles que Samba Résille, à l’origine de défilés de proximité dans les quartiers<br />

périphériques. Zebda avait bien tenté un revival en 2001, mais il est resté sans suite.<br />

« La renaissance du carnaval de Toulouse s’explique par une initiative commune des<br />

étudiants, des milieux culturels, des médias. Un concours de gens se sont retrouvés<br />

avec les mêmes envies et ont pu rencontrer la mairie », explique Laurent Vildary,<br />

responsable com’ du COCU* qui fédère une trentaine d’associations, étudiantes et<br />

de quartier, autour du projet. Les infos y filtrent encore au compte-gouttes. Les ambitions<br />

des « carnavaleux » sont de mettre près de 50 000 personnes dans la rue autour<br />

d’un « carnaval d’acteurs sans thème affiché, afin de refléter la mixité toulousaine ».<br />

On apprend, c’est sûr, qu’il y aura trois temps : un bal pour les enfants, un défilé de<br />

chars de Jean-Jaurès au Pont-Neuf, suivi du procès et de la crémation de Monsieur<br />

Carnaval, Port-Viguerie, et un grand bal masqué. Une soupe, avec légumes de saison<br />

s’il-vous-plaît, sera offerte à tous, sans doute Port de la Daurade. Même les<br />

monuments de la ville seront déguisés.<br />

Mais dans le détail, c’était encore le flou artistique. On confesse des lenteurs. Le lieu<br />

de fabrication des chars venait juste d’être mis à disposition par la mairie, les budgets<br />

étaient en cours de validation… C’est que la manifestation est lourde à monter.<br />

« Nous nous adapterons, commente, philosophe, Laurent Vildary, le côté dernière<br />

minute fait partie du jeu. » Quant à l’identité de monsieur Carnaval, mystère toujours !<br />

L’idée de l’oie du Gers n’était peut-être pas si mauvaise…<br />

* Comité d’Organisation du Carnaval Unifié très proche de Samba Résille<br />

Pour en savoir plus, un site carnavaldetoulouse.fr est mis en ligne par le COCU<br />

trêve d’abattoirs. Le musée d’art contemporain de Toulouse ferme ses portes jusqu’en mai pour réfection. De quoi mener une passation de relais<br />

attendue entre le directeur historique Alain Mousseigne et son remplaçant Olivier Michelon. so cool. Après So Foot, So Films, voici « So*Toulouse », le<br />

nouveau label en bon franglais lancé par la ville de Toulouse le 3.02 au Salon du tourisme. Objectif : développer un tourisme d’affaires à l’échelle mondiale.<br />

space campus eN orbite. La première pierre du bâtiment Clément-Ader est posée ! Pour profiter de tout le Campus Montaudran Aerospace, il faudra<br />

attendre 2020. griNcemeNt de deNts. Les dentistes toulousains rient jaune face à l’explosion du nombre de « bars à sourire » (14 jusqu’à nouvel<br />

ordre). Se faire blanchir les dents en 30 minutes à coup de perborate de sodium serait nocif et pas très efficace sur la durée. Mais beaucoup moins cher<br />

qu’en cabinet. avé l’acceNt ! La « voix » du métro, la soprano Muriel Batbie Castell, vient d’enregistrer 55 nouvelles annonces de station pour bus ou tram.<br />

© Jean-Jacques - Fotolia.com


magasinage<br />

2<br />

10 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

7<br />

3<br />

8<br />

back to esseNtials<br />

quoi de mieux qu’un bon vieux retour aux basics<br />

1. Pull grosse maille, 100 % laigne d’agneau, 240 € / chez Fred Perry<br />

2. Transat « Aturri », 1 140 € / par Pyrenea Contract<br />

Cette famille de chaises à lattes de bois, réalisée en chêne, reprend le langage des chaises des fermes pyrénéennes<br />

3. Sac (ligne Bristol), 229 € / chez Texier<br />

4. Lot de coussins en forme de galets, tricoté main, 126 € / chez Blabla Kids<br />

5. Bague paon / chez Marc Deloche<br />

6. Mégaphone en céramique, amplificateur passif, 399 € / par En&is<br />

7. Derbys à paillettes multicolores, 65 € / chez Anniel<br />

8. Clé USB en bois naturel, 49 € / par Greenrepublic.fr<br />

9. Sneakers, 100 € / chez Adidas<br />

4<br />

1<br />

9<br />

5<br />

6


ENTRE Nous<br />

12 • <strong>Spirit</strong> le CaraCtère Urbain<br />

alain monnier dans son loft à deux pas de la place de la trinité.


Place de la Trinité<br />

/ Alain Monnier /<br />

Flammarion / 19 €<br />

Chronique à retrouver<br />

en page 52.<br />

À 40 ans, alain monnier s’est lancé en écriture, discrètement mais sûrement.<br />

de textes caustiques en fables futuristes, l’ingénieur de formation a construit<br />

une œuvre littéraire aussi foisonnante qu'enthousiasmante. avec Place de la Trinité,<br />

son onzième roman, il s'offre un joyeux chassé-croisé amoureux toulousain.<br />

Propos recueillis par isabel desesquelles - Photo Cassandra da Chicha<br />

alaiN moNNier<br />

ou L’objet du désir<br />

Vous travaillez à vingt mètres de la place de<br />

la Trinité. Cela signifie quoi pour un écrivain<br />

d’écrire sur le lieu où il vit ?<br />

J’écris chez moi, mais il est vrai qu’à plusieurs<br />

reprises, j’ai relu et corrigé le texte, assis à<br />

une terrasse de la place. Il ne s’agit pas de<br />

retranscrire à tout prix mais de s’inspirer très<br />

librement. La place de la Trinité de mon roman<br />

n’est pas exactement celle que nous connaissons<br />

et pourtant, c’est un peu elle. Le titre, le<br />

lieu de mon histoire, se sont imposés.<br />

Signé Parpot, Parpot le bienheureux, Givré<br />

et aujourd’hui, Place de la Trinité sont autant<br />

de romans qui s’ancrent à Toulouse.<br />

Vous le faites exprès ?<br />

Non, et je ne cherche pas davantage à faire<br />

une fresque de la ville. Je vis ici depuis trente<br />

ans, mes histoires naissent dans ces rues,<br />

c’est un univers familier où j’aime à retrouver<br />

mes personnages. Et puis, je pense que pour<br />

rencontrer un lecteur, il faut soi-même se sentir<br />

de quelque part. Je ne crois pas au citoyen du<br />

monde, je crois au lopin de terre.<br />

On retrouve dans votre roman, des personnes<br />

bien réelles, emblématiques de ce<br />

coin de Toulouse. Je pense à ce « monsieur<br />

charmant, à la fine moustache grise taillée<br />

aux ciseaux, en bordure de lèvre, sourire<br />

vaillant et politesse surannée » que l’on aimait<br />

saluer au Piccadilly, ce bar aujourd’hui<br />

disparu.<br />

Comme le nom des rues, ces deux ou<br />

trois silhouettes que l’on peut reconnaître<br />

construisent une ambiance, elles font partie<br />

du décor, mais pour ce qui est des protagonistes<br />

principaux, je ne cherche jamais à<br />

reprendre des personnes que je connais. Je<br />

m’y suis déjà essayé, le résultat est d’une extraordinaire<br />

platitude. Un personnage est un<br />

patchwork fait de détails, de situations puisées<br />

autour de moi. C’est cette multiplicité<br />

qui permet l’invention et évite la pâle copie<br />

d’un ami ou d’un voisin.<br />

Dans Place de la Trinité, un homme, Adrien,<br />

donne rendez-vous à une femme qui ne<br />

vient pas. Il décide de l’attendre jusqu’à ce<br />

qu’elle vienne… L’attente serait-elle le vrai<br />

personnage du livre ?<br />

Dans le livre, il y a l’attente réelle, celle d’Adrien,<br />

il y a l’attente symbolique de Pétrarque qui aura<br />

désiré Laure quarante ans, pour rien, comme<br />

on pourrait le penser un peu vite aujourd’hui. Et<br />

enfin, il y a une autre attente, celle du retour sur<br />

terre de six astronautes perdus dans l’espace.<br />

Écrire sur l’attente, revient, pour moi, à écrire sur<br />

l’art de bien vivre ou de mal vivre. On passe notre<br />

temps à attendre. Que ce soit un train, une lettre,<br />

un résultat de scanner, des jours meilleurs, les<br />

vacances, et bien-sûr celle ou celui dont on dit<br />

qu’il est fait pour nous. Mon héros est un champion<br />

de l’attente !<br />

Tout comme vous ?<br />

Disons que je suis assez doué en la matière.<br />

En ces temps d’unions jetables et de speeddating,<br />

votre Adrien est singulier. Ce qu’il<br />

veut, lui, c’est espérer le plus longtemps<br />

cette femme qui se refuse. Quitte à ne pas<br />

bouger.<br />

Adrien n’est pas franchement un héros de<br />

l’époque. Il est plus proche de Pétrarque que de<br />

Bill Gates. C’est un amoureux, pas un amant. Ce<br />

qu’il veut, c’est préserver la rareté, la discrétion,<br />

une intimité généreuse. À un moment, Adrien va<br />

se poser la question : pourquoi désirer Louise?<br />

En quoi je me dois de la posséder? Son attente<br />

va transformer son désir. Vient alors la question<br />

du bonheur.<br />

Et selon vous, c’est...<br />

Passer une après-midi avec un livre place de la<br />

Trinité à Toulouse ! Plus sérieusement, la définition<br />

du bonheur que je préfère est celle de Saint<br />

Augustin, « le bonheur c’est continuer à désirer<br />

ce que l’on a déjà ».<br />

Dans votre vie, vous avez au moins deux identités.<br />

Alain Monnier, l’écrivain, et cet autre qui<br />

travaille à la Chambre de Commerce de Toulouse.<br />

Comment cohabitent-elles ?<br />

C’est vrai que je cloisonne mes deux vies. À<br />

l’aube, je suis avec Alain Monnier, puis après un<br />

court trajet en vélo, je redeviens cet homme qui<br />

doit trouver des solutions concrètes dans une<br />

entreprise. Avec le crépuscule, heureusement,<br />

Alain Monnier l’écrivain revient.<br />

Pour débuter un roman certains poursuivent<br />

une première phrase, d’autres un titre... Et<br />

vous, comment cela vient-il ?<br />

C’est mystérieux. Si on le savait, on ne traverserait<br />

pas ces longues plages de vide et d’inquiétude.<br />

Je ne suis ni philosophe, ni essayiste. Ma<br />

manière de réfléchir, c’est raconter des histoires,<br />

me forcer à me mettre « à la place de ». Souvent<br />

un élément du quotidien va mettre le feu aux<br />

poudres, un incident, un frigo qui ne marche pas,<br />

une phrase entendue dans un bar. Le plus difficile<br />

est de trouver le style qui donne le ton au livre.<br />

D’un livre à l’autre, vous construisez une<br />

œuvre dont les héros vous ressemblent de<br />

plus en plus. Diriez-vous, comme Flaubert<br />

avec Emma, qu’Adrien c’est vous?<br />

Non... Mais il doit y avoir un peu d’Adrien en moi.<br />

POuR ReNCONTReR uN leCTeuR,<br />

Il FauT sOI-mÊme se seNTIR De QuelQue PaRT.<br />

Je Ne CROIs Pas au CITOYeN Du mONDe.<br />

le CaraCtère Urbain <strong>Spirit</strong> • 13


c’est dans l’air<br />

14 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain


cette année le combo rose/resto risque de ne pas suffire le soir de la saint-valentin.<br />

L’homo eroticus voit ses acquis bouleversés, preuve que l’état amoureux<br />

n’est plus aussi simple que « single » et « in a relationship ». c’est parti pour<br />

une virée à deux, trois ou quatre pour ne pas être x-out en 2012.<br />

Par anaïs Florance - Photos dani bogenhagen<br />

les Nouveaux<br />

forfaits amoureux<br />

que ce soit dans la vie réelle ou<br />

sur Facebook, le statut relationnel<br />

n’a jamais été aussi ambigu.<br />

Entre « c’est compliqué » et<br />

« zéro engagement », en 2012, on rame pour<br />

clarifier ses relations à deux. <strong>Spirit</strong> propose des<br />

forfaits tout terrain, pour s’en sortir dans tous les<br />

cas de figure. Ou presque.<br />

ForFait ex<br />

On ne rougit plus de remettre le couvert avec<br />

un(e) ex, quitte à ce que cela devienne un état<br />

stationnaire. Le forfait ex, c’est un peu comme<br />

une épargne sans risque et sans intérêts. On ne<br />

craint rien, ça a déjà foiré, pas de place pour la<br />

déception car on sait à quoi s’attendre (position,<br />

dvd, glaces préférées..). Cette « demi-relation »,<br />

peut même être platonique : on reste célibataire,<br />

mais on compte quand même dans la vie de<br />

quelqu’un, et ça en rassure plus d’un(e).<br />

ForFait SanS enGaGement<br />

Le sans engagement est désormais un contrat<br />

amoureux pour relation non exclusive contresignée<br />

par les deux parties. On s’appelle à des<br />

heures indues, souvent en rentrant de boîte,<br />

d’un dîner chez ses parents, voire d’un vrai<br />

rencard foiré. On ne se projette pas vraiment<br />

ensemble, mais une certaine complicité et une<br />

franchise à tout égard maintiennent l’équilibre<br />

de cette relation « trois nuits par semaine », en<br />

attendant mieux. Le sexting (voir encadré) est<br />

généralement le mode de communication de<br />

ce « non-couple ». Gare aux crises de jalousie,<br />

forcément refoulées par ce système – sans engagement<br />

mais avec attachement – que l’on a<br />

contribué à instaurer…<br />

forfait culpabilité<br />

Elle est avocate, aime Wagner et les blinis. Lui<br />

pense que le maillot de rugby va avec tout, n’a<br />

jamais voté et collectionne les comics. Ils n’ont<br />

vraisemblablement rien à faire ensemble et ce<br />

n’était pas prévu au programme. Pour autant,<br />

on s’aime bien mais on ne s’imagine pas partager<br />

nos vies « pour de vrai », parce que « trop<br />

différents ». Le sexe est souvent au centre de<br />

cette idylle controversée, d’où un sentiment de<br />

culpabilité, renforcée par un certain manque de<br />

franchise « Je te présenterais bien à ma mère<br />

mais elle est… en plein divorce ! »<br />

ForFait loCal<br />

En matière de drague régionaliste, le forfait toulousain<br />

se la joue soirée entre potes. Cette particularité<br />

locale consiste à écarter la présence<br />

féminine de la meute. Du moins jusqu’à une certaine<br />

heure, car après avoir conversé et hydraté<br />

son palais (il est déjà tard), le « pote » se met en<br />

mode conquête. L’œil vif, jamais avare de sourires<br />

et d’exquises manigances, le Toulousain est<br />

un forfait qui se négocie aux premières heures du<br />

jour… La Toulousaine over-fairplay, n’en oublie<br />

pas de festoyer de son côté, quitte à rentrer plus<br />

tard que monsieur ! ><br />

le sextiNg sinon rien<br />

L’entrée dans le dictionnaire d’Oxford (2011) du terme sexting officialise<br />

cette pratique très en vogue. Mode d’emploi.<br />

• On est explicite pour éviter les incompréhensions du style « J’adore<br />

quand tu prends des initiatives... » - « Okay je ramène le pain »<br />

• On y met les formes : pas de « Kestuf’, j’ai un créneau X »,<br />

prohibition de l’adjectifgros-grosse et pas de « je t’aime devant<br />

cochonne », d’ailleurs pas de « cochonne » tout court !<br />

• Il est strictement interdit de sexter alcoolisé sous peine de découvrir<br />

l’historique bien trop audacieux le lendemain.<br />

• Pour ne pas prendre de risque, on sextote classique : « Tu as envie<br />

de quoi ce soir. Je ne parle pas du menu » - « J’adore quand.... »<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 15


c’est dans l’air<br />

forfait illimité<br />

Sexe, provoc, défonce, la série britannique Skins<br />

a dévoilé les mœurs d’adolescents en mode<br />

« no limit ». Serait-ce l’angoisse d’un avenir sans<br />

triple A et la perspective de lendemains alimentés<br />

à la « rigueur budgétaire » qui les pousse à la<br />

débauche dans les Skins Partys, ces fêtes pseudo-clandestines<br />

où ecstasy, état éthylique avancé<br />

et préliminaires échevelés jouent à touchetouche<br />

? Que les parents se rassurent, tous les<br />

ados ne s’abiment pas la santé dans ces orgies<br />

adolescentes. Mais qu’ils ne s’étonnent pas si<br />

les flirts de l’âge tendre ne passent plus forcément<br />

par la case « une fille, un garçon ». Pour<br />

la jeune génération, les rapports de genre ne<br />

priment plus autant sur l’orientation sexuelle. Et<br />

la bisexualité passagère est devenue une étape<br />

« normale » dans la recherche de l’amour.<br />

ForFait HyPoCrite<br />

Au commencement il y avait Meetic, puis il y<br />

eut Facebook, et l’hommepansement.com régna<br />

sur terre. Encore une adresse en .com où<br />

l’exploitation émotionnelle et sexuelle avance<br />

déguisée, tout en étant profitable aux deux<br />

genres. Si chacun « cherche » l’amour, son<br />

pote de 6 e , et un Kleenex, on tient surtout à<br />

conclure, et fissa.<br />

ForFait Polyamoureux<br />

La monogamie se ringardise au profit du « polyamour<br />

». On se souvient du film français Happy<br />

Few (2009), dont l’autre intérêt que les fesses<br />

nues d’Élodie Bouchez, était de décrypter les<br />

amours multiples. Polyamour, échangisme,<br />

triolisme, même combat ? Pas vraiment. Les<br />

16 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

La bisexualité, étape normale dans la recherche de l’amour ?<br />

polyamoureux essaient d’appliquer le principe<br />

d’ « inclusion », en opposition avec l’exclusivisme<br />

de la monogamie. Ces amours libres<br />

n’impliqueraient pas nécessairement une dimension<br />

sexuelle, ce qui les distinguent des<br />

pratiques libertines traditionnelles. Dégagé<br />

de toute revendication sociale ou révolutionnaire,<br />

le polyamour ne serait que le descendant,<br />

boosté au digital, de l’union libre postsoixante-huitarde.<br />

La liberté individuelle est<br />

garantie par le groupe, lequel protège les<br />

individus. Un principe que les Toulousains,<br />

réputés incollables sur les valeurs du rugby,<br />

devraient pouvoir intégrer... alors à quand des<br />

poly-cafés dans la ville rose ?<br />

forfait repriS ou échangé<br />

Pourquoi aller tromper son homme en plan<br />

glauque de 5 à 7, alors qu’on peut désormais<br />

batifoler en couple, et pas forcément au milieu<br />

de Don Juan fanés et croulants. C’est un fait, le<br />

public échangiste rajeunit. Jadis fréquentés par<br />

les élites financières et vieillissantes, les clubs<br />

libertins voient défiler, trois à quatre fois par an,<br />

de jeunes couples en quête de sensations-situations<br />

hors du commun. Cette pratique libertine,<br />

parmi les plus taboues, a vu grandir ses<br />

adeptes avec l’avènement d’internet. Nous<br />

n’avons pas enquêté sur les racines des sites<br />

spécialisés à l’époque du Minitel mais beaucoup<br />

reconnaissent que, sans cette vitrine, ils<br />

n’auraient peut-être jamais sauté le pas. Selon<br />

les pratiquants, il y aurait autant, voire plus,<br />

d’éthique dans l’échangisme que dans une<br />

relation « fidèle », on parle alors de « vraie fidélité<br />

». Alors, à qui profite la morale ?<br />

saint-vaLentin<br />

s’il N’y avait…<br />

qu’un fLeuriste<br />

Bloom. Les fleurs c’est peut-être périssable,<br />

mais n’est-ce pas ce goût de l’éphémère et du<br />

fragile qui en fait la puissance ? L’exposition de<br />

design à la Fondation Espace Écureuil, invite le<br />

temps d’une journée la jeune fleuriste Cécile Cohen,<br />

du Dahlia Rose, pour faire entrer senteurs<br />

et couleurs dans l’exposition « Bloom, une vision<br />

végétale ». Bouquets créatifs et contemporains :<br />

la Saint-Valentin ne passera pas par un simple<br />

bouquet de roses rouges. \ S. P. \<br />

14.02, 11h à 19h30, Fondation Espace<br />

Écureuil, 3 place du Capitole, entrée libre<br />

qu’un Livre<br />

Super triste histoire d’amour. Après Absurdistan,<br />

fable politique qui réglait son compte à la<br />

mondialisation, l’auteur américain Gary Shteyngart<br />

revient en grande forme avec sa caustique<br />

romance Super triste histoire d’amour. Incisif,<br />

rentre-dedans, percutant, drôle, l’auteur imagine<br />

un monde qui tourne très mal. Téléphonite aigüe,<br />

ondes à tous les étages et publicité sous la ceinture,<br />

la littérature y est devenue un art préhistorique.<br />

Et pourtant son héros lit encore des livres<br />

papier et en plus il tombe amoureux. Autant dire<br />

qu’il est perdu pour son temps ! \ I. D. \<br />

Les éditions de l’Olivier, 24 €<br />

qu’un théâtre<br />

Le Fil à Plomb. Février sera rose et coquin<br />

dans cet écrin toulousain qui retrousse ses jupons<br />

et convoque l’amour à la barre. Colette Migné a<br />

ouvert le bal dès la fin janvier avec ses contes érotico-délirants,<br />

qu’il s’agisse de la vie sexuelle des<br />

mollusques (Le cri d’amour de l’huître perlière) ou<br />

des libertinages d’antan (Petits arrangements sous<br />

l’édredon). Le soir de la Saint-Valentin, un autre<br />

conteur, Jean-Yves Pagès, prendra le relais pour<br />

nous expliquer Comment filer le parfait amour.<br />

L’héroïne de Pièce (dé)montée, qui achèvera cette<br />

odyssée agitée de l’amour sur planches, aurait<br />

peut-être dû l’écouter avant de se marier... \ S. P. \<br />

30 rue de la Chaine, www.theatrelefilaplomb.fr<br />

qu’un vin<br />

Le Grain d’Amour. Les vignerons du Bruhlois<br />

lancent une opération séduction avec le Grain<br />

d’amour, vin rosé doux à déguster bien frais,<br />

assemblage rare de muscat de Hambourg et<br />

de cabernet. Un nectar fruité et moelleux, qui<br />

se prendra à l’apéro ou au dessert. Plantées sur<br />

les coteaux et plateaux longeant la Garonne,<br />

ces vignes du Sud-Ouest pratiquent le rosé et<br />

le rouge, et sont passées en AOC depuis 2011.<br />

\ S. P. \<br />

www.vigneronsdubruhlois.com


ouvre-toit<br />

18 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

tape<br />

m’eN<br />

Zinc<br />

toulouse. dans un quartier<br />

résidentiel, se dresse une<br />

maison. d’apparence discrète,<br />

presque banale, ce n’est que de<br />

près qu’elle dévoile ses atours.<br />

fonctionnalité et élégance<br />

sont le fruit d’un travail sur<br />

l’histoire des lieux et d’une<br />

simplicité érigée en style.<br />

Texte : léa daniel - Photo : Jérôme ricolleau


au commencement, il y avait une<br />

maison douillettement planquée<br />

dans les faubourgs toulousains.<br />

Toit à double pente, façade en<br />

ciment et construction classique. Son intérêt<br />

limité, doublé d’une très petite surface, aurait pu<br />

rebuter plus d’un architecte. Tel ne fut pas le cas<br />

de Marie-Martine Lissarrague, qui sut prendre<br />

ce projet à bras le corps. De leur côté, les propriétaires<br />

avaient une idée précise de ce qu’ils<br />

voulaient : plus d’espace ! « Ces amis d’amis,<br />

précise l’architecte en souriant, m’ont contactée<br />

parce qu’ils avaient vu certaines de mes réalisations<br />

». En particulier, les bureaux du Sicoval,<br />

qu’elle avait conçus de toutes pièces et qui résument<br />

à eux-seuls sa démarche architecturale :<br />

simplicité des formes et facilité d’usage. Sans<br />

oublier, un grand amour pour le métal.<br />

Marie-Martine Lissarrague avait beau avoir un<br />

style et des idées, il fallait bien qu’elle se joue<br />

d’une contrainte de taille, à savoir la présence<br />

d’une petite maison sur une parcelle pas beaucoup<br />

plus grande. « Assez rapidement, j’ai eu<br />

l’idée de créer une extension complètement<br />

séparée du bâtiment d’origine lequel mesurait<br />

50 m 2 ». Plutôt que d’agrandir le volume<br />

existant, l’architecte a donc préféré opérer<br />

une vraie rupture. La raison était évidente : « il<br />

était difficile de modifier l’existant et d’en faire<br />

un objet contemporain, comme le souhaitaient<br />

mes clients ». Dès les premières esquisses,<br />

l’architecte double la surface habitable grâce à<br />

l’adjonction d’un autre corps de bâtiment. La<br />

solution que Marie-Martine Lissarrague met<br />

en œuvre permet de garder l’identité du lieu,<br />

en rajeunissant l’existant, tout en écrivant une<br />

nouvelle tranche d’histoire pour l’ensemble du<br />

bâti. Un « L » sort donc de terre et crée, au passage,<br />

un jardin à l’arrière de la maison. Dans cet<br />

espace à la fois ouvert et protégé, se lovent tout<br />

en finesse une terrasse de bois, une piscine et<br />

une coursive extérieure.<br />

lier leS eSPaCeS<br />

« Il a fallu réfléchir sur l’accès à la maison<br />

d’origine et créer une articulation logique avec<br />

l’extension » poursuit l’architecte. La contrainte<br />

l’inspire jusqu’au bout, puisqu’elle a l’idée de<br />

réunir les deux parties rendues habitables en<br />

créant une entrée commune qui dessert le salon,<br />

la salle à manger et la cuisine, et l’étage où<br />

se trouve la suite parentale. Ce large vestibule<br />

permet ainsi à tous les espaces de communiquer<br />

ensemble, crée du lien et évite les blocages.<br />

Cette conception simple facilite la circulation<br />

des habitants. Dès lors, les règles d’une<br />

écriture architecturale sont posées : les lignes<br />

sont épurées pour privilégier les volumes. Les<br />

ambiances sont chouchoutées. S’en dégage<br />

un certain esprit, qui sait être élégant, confortable<br />

et accueillant. Finalement, c’est de son<br />

histoire que cette maison toulousaine tire son<br />

charme. Reflet d’une démarche architecturale<br />

rectiligne, elle n’est pourtant jamais austère.<br />

Est-ce grâce aux effets de lumières auxquels<br />

s’adonnent les larges ouvertures qui percent<br />

les murs des principales pièces à vivre ? Estce<br />

grâce au raffinement frugal de la décoration<br />

d’intérieure qui participe ainsi à l’effet de grandeur<br />

? Qu’importe, le résultat est là !<br />

Ce lieu ressemble à ses propriétaires. « Nous<br />

avons travaillé main dans la main avec mes<br />

clients, se rappelle l’architecte. Je leur ai proposé<br />

un premier projet, tout en zinc. Pour des questions<br />

de coût, nous l’avons écarté. Je leur ai présenté<br />

le travail de certains architectes que j’aime<br />

particulièrement, comme Glenn Murcutt. » Cet<br />

architecte australien a reçu le prix Pritzker d’architecture<br />

en 2002, il fut à ce titre salué pour ses<br />

constructions en phase avec l’environnement et<br />

son utilisation de matériaux simples comme le<br />

métal, le bois, le verre ou encore la brique. Ici, on<br />

ressent les influences de Murcutt dont le travail a<br />

fondé les bases du fonctionnalisme écologique.<br />

« Je me suis librement inspirée de lui, à l’image<br />

du toit en zinc qui déborde, et de la structure qui<br />

porte ce débort. »<br />

la maison d’origine a été recouverte d’un enduit gris et blanc. elle fait 50 m 2 . L’architecte a doublé la surface habitable en créant une extension pour laquelle le zinc joue un<br />

rôle important. elle répond au besoin d’espace et aux envies de lignes contemporaines des propriétaires.<br />

Fiche technique<br />

Toulouse (31000)<br />

Date de réception :<br />

2007<br />

Architecte :<br />

M.-M. LISSARRAGUE<br />

Surface utile : 210 m²<br />

Coût HT des travaux :<br />

174 140 € HT<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 19


ouvre-toit<br />

1 2<br />

1-2-3 // l’entrée est le point d’accès de la maison, elle<br />

est aussi le lieu où viennent se connecter les différents<br />

espaces. on accède à la suite parentale par un escalier<br />

fuselé. À droite, il suffit de descendre deux marches pour<br />

être dans le salon.<br />

4 // l’extension en « l » se prolonge vers le jardin.<br />

L’écriture se veut dynamique par la toiture en zinc qui<br />

déborde, et les jeux de volumes habillés de ce même<br />

métal. La relation et la continuité intérieur/extérieur<br />

sont privilégiées par les traitements paysagés : terrasse<br />

en bois, piscine, cheminements, etc…<br />

5 // le verre joue la transparence pour faire entrer la<br />

lumière et entretenir l’agréable confusion entre le dedans<br />

et le dehors. dix mois auront été nécessaires pour réaliser<br />

les travaux. Les finitions, ce sont les propriétaires qui<br />

les ont faites. chauffage : par le sol avec une dalle béton<br />

laissée brut et une cheminée dans le salon.<br />

6 // la maison d’origine abrite désormais une grande<br />

cuisine-salle à manger. À l’étage, les chambres.<br />

20 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

5<br />

6


3<br />

4<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 21


l'ENDROIT<br />

22 • <strong>Spirit</strong> le CaraCtère Urbain


La maison salvan fait le pari d'un art contemporain accessible.<br />

...ou plutôt, comme à la boulangerie d’à côté. La maison salvan, c’est l’idée<br />

qu’il est possible de créer un lieu d’art contemporain de proximité dans un<br />

petit village, Labège, plus connu pour sa zone d’hyper-consommation et ses<br />

entreprises high-tech. Par valérie lassus - Photo vincent larrata<br />

comme<br />

À La maison…<br />

au-dessus de l’ancienne porte<br />

d’entrée dont la peinture vert bouteille<br />

s’écaille, on lit « 1809 ». La<br />

demeure de feu Madame Salvan<br />

fait face à l’église, son petit jardin aux allées de<br />

terre biscornues n’a pas été planté d’essences<br />

rares. Quand la mairie l’a rachetée, au décès de<br />

son occupante, c’était avant tout pour protéger le<br />

centre du village d’une opération immobilière qui<br />

l’eut défiguré. D’où la préoccupation constante<br />

de garder l’âme de ce lieu. De façadisme, point !<br />

L’architecte Hugues Sicre, choisi fin 2009 pour<br />

s’occuper de la mise en conformité et du réaménagement<br />

de l’intérieur, a tout de suite saisi qu’il<br />

fallait préserver les pièces telles quelles et garder<br />

le kaléidoscope de matières : plâtre abîmé,<br />

briques recouvertes de chaux, plancher, carrelages<br />

et ciment. Seules des ouvertures ont été<br />

percées pour permettre la circulation des visiteurs,<br />

les plafonds ont été surélevés et l’ancien<br />

auvent transformé en un vaste hall d’accueil.<br />

maiSon CoCon<br />

La demeure reste organique, pas une pièce<br />

qui ne communique avec les autres, autour de<br />

l’axe formé depuis l’espace très clair de l’entrée<br />

jusqu’au fond de la maison-cocon. « Les artistes<br />

se sentent bien ici, dans ce qui est à présent un<br />

outil au service de la création et des visiteurs,<br />

même si l’agencement de cette maison est un<br />

challenge pour certaines installations », souligne<br />

Paul de Sorbier, le responsable de ce lieu ouvert<br />

en 2006. L’idée de faire de la maisonnette un<br />

centre d’art contemporain est celle de Christine<br />

Camarès, adjointe à la culture, préoccupée par<br />

le manque d’équipements culturels alentours - il<br />

y a bien le multiplexe Gaumont, mais... « Il y avait<br />

cette envie d’un lieu où l’on crée mais qui ait sa<br />

spécificité, afin de ne pas être écrasé par l’abondance<br />

de propositions toulousaines », rappelle<br />

l’hôte de céans. Or, au début des années 2000,<br />

alors que mûrissait ce plan, le numérique entrait<br />

dans le monde des arts, avec sa cohorte d’expériences<br />

interactives plus ou moins réussies. Et<br />

puis, Labège, c’est aussi l’Innopole, la proximité<br />

de l’Université Paul-Sabatier, la recherche. De là<br />

à imaginer d’associer arts plastiques et sciences,<br />

il n’y avait qu’un octet.<br />

Aujourd’hui les artistes invités à créer à Labège<br />

– sur cinq expositions annuelles environ, trois<br />

sont des résidences – ont pour impératif une proposition<br />

en binôme avec un scientifique. « Autrement,<br />

la sélection est assez libre. Nous avons la<br />

chance de pouvoir encore marcher au coup de<br />

cœur, et même si ces binômes ne fonctionnent<br />

pas toujours idéalement. Il se passe à chaque<br />

fois quelque chose d’intéressant pendant le cheminement<br />

vers l’œuvre. Surtout que nous avons<br />

à cœur de suivre le travail des artistes. » En effet,<br />

certaines résidences s’étalent sur plusieurs<br />

années, comme avec Thomas Sabourin et son<br />

Espace partagé, développé pendant 3 ans.<br />

venir en voiSin<br />

Ici le public aussi se sent chez lui, libre d’agir<br />

comme à la maison et de pousser la porte facilement…<br />

« On veut que les gens n’aient pas<br />

peur d’entrer. Tous les gens. Et on doit être là<br />

pour écouter et répondre aux questions, car il<br />

est difficile d’appréhender l’art contemporain<br />

sans bagages, ce qui est souvent le cas dans<br />

ce domaine. D’où l’importance du travail de la<br />

médiatrice Lise Mazin qui intervient dans les<br />

écoles pour préparer la venue des élèves des<br />

alentours. » Ateliers, édition, production, partenariats,<br />

contribuent aussi à multiplier les clés<br />

permettant de vaincre les réticences. « L’autre<br />

jour, un gamin est venu, tout seul, il a regardé<br />

l’expo et il est reparti. Il est revenu, avec son<br />

père. Et puis il a fini par amener toute sa famille.<br />

Il y a aussi cette très vieille dame, qui vient en<br />

voisine... » Ce jeu de "reviens-y" a comme un<br />

goût de pari réussi...<br />

Maison Salvan,<br />

Labège village,<br />

05 62 24 86 55,<br />

maison-salvan.fr,<br />

du mercredi au<br />

samedi de 15h à 19h,<br />

entrée libre<br />

En ce moment<br />

L’exposition À l’ombre<br />

des sens réunit les<br />

artistes taïwanais,<br />

Charwei Tsai et Wu<br />

Chi-Tsung, invités<br />

dans le cadre du<br />

festival Made in Asia.<br />

ICI, le PublIC se seNT Chez<br />

luI, lIbRe D’agIR COmme<br />

à la maIsON eT De POusseR<br />

la PORTe FaCIlemeNT…<br />

le CaraCtère Urbain <strong>Spirit</strong> • 23


tables & comptoirs<br />

au boNheur des carmes<br />

À La rôtisserie des carmes, alain chabrier délivre une cuisine roborative et chatoyante<br />

qui ravit les gourmets. Par Christian authier<br />

Cela fait plus de dix ans qu’Alain<br />

Chabrier dispense ses tours et ses<br />

atours gastronomiques dans une<br />

ville où son restaurant s’est hissé<br />

sans peine au rang des meilleures adresses.<br />

C’est pourtant en amateur éclairé et en autodidacte<br />

que cet homme tranquille à la voix chaude<br />

s’est rangé du côté des fourneaux, notamment<br />

sous l’aile du grand Gérard Garrigues. Sa cuisine<br />

porte la patte d’un parcours atypique qui a tourné<br />

le dos aux faux-semblants : elle ne s’encombre<br />

pas de fioritures, s’appuie sur des produits,<br />

rappelle que nous n’allons pas au restaurant<br />

pour manger les rideaux. Tout ici est tranchant,<br />

évident, solide, très bon.<br />

À midi, des formules au rapport qualité/prix difficilement<br />

égalable ouvrent leurs bras généreusement<br />

: plat du jour à 12,70 €, « à la carte »<br />

(entrée/plat ou plat/dessert) à 17 €, « menu de<br />

saison » à 22,30 € On peut croiser là un œuf<br />

de poule poché aux pleurotes et à la crème, un<br />

mesclun aux foies de volaille sautés, un tartare<br />

de bœuf au couteau avec ses pommes de terre<br />

frites, un merlu à la meunière et ses haricots<br />

vapeur, une salade d’oranges aux zestes confits.<br />

24 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

Le soir, la formule menu de saison à 27,40 € réitère<br />

la performance tandis que la carte offre, pour<br />

un ticket moyen autour de 55 €, de belles émotions<br />

gustatives avec, par exemple, des noix de<br />

Saint-Jacques rôties et beurre blanc ; un quasi<br />

de veau aux morilles, jus tranché et gnocchi au<br />

parmesan ; un magret de canard rôti au Banyuls<br />

avec sa polenta crémeuse ; des pruneaux d’Agen<br />

pochés au Corbières et aux épices douces ; une<br />

assiette de trois fromages d’Auvergne de chez<br />

Xavier… Les ascètes sont priés de passer leur<br />

chemin. Le service est discret, efficace et gentil.<br />

On a le sentiment que le mot d’ordre est de faire<br />

plaisir. C’est réussi.<br />

À Croquer À PleineS dentS<br />

Mais la grande cuisine se mesure aussi (surtout<br />

?) à sa capacité à magnifier des plats<br />

simples ou traditionnels. Chez Chabrier, nous<br />

avons mangé les meilleures brandades de<br />

morue de notre vie. Le cassoulet fut parfois renversant.<br />

L’andouillette impeccable (évidemment<br />

labellisée « AAAAA », mieux encore que la note<br />

de la France sur les marchés). À la saison de la<br />

chasse, la cuisson parfaite de palombes saisies<br />

en plein vol nous cloua le bec. Pour accompagner<br />

cela, la carte des vins affiche des valeurs<br />

sûres ne portant guère à la mélancolie : le muscadet<br />

de Joseph Landron, les vins de Gaillac de<br />

la famille Plageoles, le morgon de Lapierre, les<br />

faugères de Didier Barral…<br />

Dans la cave – à laquelle le personnel accède<br />

par une trappe située devant la porte d’entrée,<br />

ce qui donne un petit côté clandestin à certaines<br />

commandes – des trésors dorment sagement<br />

avant d’être réveillés par des clients curieux.<br />

Naguère, nous en fîmes extraire des merveilles<br />

comme ces vieux jurançons du maître Charles<br />

Hours. Des vers des Contrerimes de Paul-Jean<br />

Toulet revinrent alors à notre mémoire : « Un<br />

Jurançon 93 / Aux couleurs de maïs / Et ma<br />

mie, et l’air du pays / Que mon cœur était aise ».<br />

De fait, à La Rôtisserie des Carmes, il faut amener<br />

ses meilleurs amis et des âmes sensibles<br />

au regard mutin dont le souvenir, plus tard, bien<br />

plus tard, nous rappellera encore Toulet : « Que<br />

ce fut douce, hélas ; que c’est lointaine chose /<br />

Votre jupe bleu-lin, et ce transparent rose. » En<br />

attendant, voici du bonheur sans nostalgie. Ici et<br />

maintenant. À croquer à pleines dents.<br />

La Rôtisserie<br />

des Carmes<br />

38, rue des Polinaires<br />

31000 Toulouse<br />

Ouvert du lundi<br />

au vendredi<br />

05 61 53 34 88<br />

© Polo Garat - Odessa


© Sébastien Maurette<br />

banc d’essai<br />

opératioN cassoulet…<br />

Par Christian authier<br />

Le BiBent<br />

5 place du Capitole - Pas de réservation<br />

À propos de la mythique brasserie de la place du Capitole reprise en juin<br />

par le célèbre Christian Constant, certains aiment faire la fine bouche :<br />

trop ceci, pas assez cela… On se donne un genre. À ceux qui seraient<br />

tentés de céder à ces méchantes sirènes, on conseillera un test : goûter<br />

le cassoulet du Bibent. En bon Montalbanais, Constant connaît son<br />

affaire. Canard, saucisse, agneau, poitrine fumée, couenne, saucisson<br />

et autres sont convoqués comme à la parade. Quand le plat arrive,<br />

joliment gratiné, on s’y plonge et c’est une merveille faisant frétiller les<br />

papilles tout en calant l’appétit. Avouons que même sans avoir pris<br />

d’entrée, nous n’avons pas encore réussi à terminer les derniers haricots.<br />

Cela coûte 25 €. Qui dit mieux ? Personne.<br />

Le CoLomBier<br />

14 rue Bayard - 05 61 62 40 05<br />

Une institution. Au-delà des saisons et des modes, Le Colombier attire<br />

les fidèles et perpétue sa renommée fondée sur le respect dû au « véritable<br />

cassoulet de Castelnaudary ». Depuis quelques années, Alain<br />

Colombier a imposé sa patte originale, mais reste intransigeant sur le<br />

plat-phare de la maison. Du classique, dans le meilleur sens du terme.<br />

Le Bon ViVre<br />

15 bis place Wilson - 05 61 23 07 17<br />

Parmi les établissements de la vénérable famille Méliet, le J’Go, son<br />

bistrot et le Pategrain n’ont plus à être présentés. Il faut également<br />

rendre hommage à la maison-mère sise place Wilson. Dans cet incontournable<br />

de la gastronomie toulousaine, il convient de se pencher sur<br />

la divine macaronade au foie gras poêlé ou le non moins incontournable<br />

cassoulet. On peut se régaler avec celui aux deux confits (porc et<br />

canard) comme avec celui à la morue, concoctés grâce aux épatants<br />

haricots tarbais de la famille Patacq. On arrosera le tout d’un Cahors<br />

de Matthieu Cosse.<br />

Chez ÉmiLe<br />

13 place Saint-Georges - 05 61 21 05 56<br />

Si ce restaurant s’est notamment fait une réputation (non usurpée) pour<br />

la qualité de ses poissons, il serait ballot de négliger le reste de la carte<br />

où pousse des coudes le cassoulet conçu par Monsieur Francis Ferrier<br />

(fondateur du restaurant) voici un demi-siècle. Aujourd’hui, le plat continue<br />

de s’appuyer sur la tradition – du confit de canard, de la saucisse<br />

de Toulouse, de la couenne… – qui affiche ici une insolente jeunesse.<br />

Le bibent<br />

L’art culinaire du Viêt-Nam mis en scène à l’occidentale<br />

www.batbat.fr<br />

8, rue des Filatiers<br />

M° Carmes ou Esquirol<br />

05 61 25 49 49<br />

Livraison midi et soir - Wifi<br />

Salon de thé de 9h à 19h<br />

Ouvert NON STOP 7j/7 - sauf lundi soir, 9h-22h30


EN VILLE<br />

26 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

Les toulousains le savent, les sept deniers vivent au rythme des matchs du stade.<br />

mais depuis l’inauguration de l’amiral job, il souffle comme un vent nouveau sur<br />

ce quartier populaire et familial en bord de garonne. <strong>Spirit</strong> a tracé la route<br />

(de blagnac) à sa rencontre. textes et photos : isabelle bonnet-desprez<br />

les sept deNiers<br />

réunion de famiLLes<br />

trait d’union<br />

Aux Sept Deniers, impossible de passer à côté de l’asso 7Animés présente<br />

sur tous les fronts : CLAE de l’école, les réunions publiques sur l’aménagement<br />

du quartier, les ateliers pour enfants et adultes, les festivals et<br />

manifestations de tout ordre. Bref un véritable trait d’union entre les gens<br />

du quartier, qui rassemble sous la même bannière citoyenneté et éducation<br />

populaire. « Tout part des habitants ! assure Véronique Azam, la directrice.<br />

Nous, on est là en soutien des projets. » Derniers projets en date, de nouveaux<br />

jardins partagés et un marché de plein vent le dimanche matin dès<br />

le mois de mars !<br />

7Animés, 05 34 43 84 33, http://7animes.fr<br />

en rouGe et noir<br />

Adossée aux tribunes d’Ernest-Wallon, la Brasserie du Stade affiche la<br />

couleur : verres rouge et noir, vitrines de trophées et photos de rugby, ici on<br />

est bien dans le repaire des rugbymen, des joueurs du Stade, des hommes<br />

d’affaires et des soirées entre potes. La cuisine du chef Stéphane Garcia,<br />

conseillé par Michel Sarran (rien que ça !) y est raffinée, sans oublier d’être<br />

généreuse (foie gras laqué, cruchade aux abricots secs et pignons de pin,<br />

côte de porc noir sauce diable aux câpres, écrasé de panais). Le plus :<br />

le supporter y croise souvent les célébrités du club (nous, on y a vu Vincent<br />

Clerc !).<br />

Brasserie du Stade, 114 rue des Troënes,<br />

05 34 42 24 20, www.stadetoulousain.fr, 40/50 € à la carte<br />

la main À la Pâte<br />

Dans la famille Tronquet, on met tous la main à<br />

la pâte : Jean-Loup le père, Ghislaine la mère<br />

et Gwenaëlle la fille. Dans la boutique de ce<br />

boulanger installé depuis plus de 26 ans dans<br />

le quartier, on en prend plein les nasaux et les<br />

mirettes, tant les étals débordent. Certains<br />

font du chemin pour croquer dans la fameuse<br />

baguette de gascon - presque du gâteau -, ou<br />

savourer de succulents petits pains spéciaux au<br />

maïs et un pain d’épices extra.<br />

Boulangerie-Pâtisserie Tronquet, 20 bis route<br />

de Blagnac, 05 61 57 00 28<br />

iCi nouGayork !<br />

Elle porte son nom et Claude Nougaro himself l’a<br />

inaugurée en 1985. La salle Nougaro a la particularité<br />

d’être « la seule salle de spectacles privée<br />

gérée par un Comité d’entreprise, en l’occurrence<br />

celui d’Airbus », précise Bertrand Cano, le<br />

régisseur. Sa marque de fabrique ? Le mélange<br />

des genres accessible à tous : des spectacles<br />

d’humour (Guy Carlier le 29.03), du jazz, de la<br />

chanson française (Terez Montcalm le 13.03) et<br />

des musiques du monde. Sans oublier le plus<br />

jeune public. Et le 8.03, on ne rate pas le Trio<br />

Tenza, des Toulousaines accueillies en résidence<br />

ici, chez Monsieur Nougaro.<br />

Salle Nougaro, 20 chemin Garric,<br />

05 61 93 79 40, www.sallenougaro.com<br />

le<br />

saviezvous<br />

?<br />

Pourquoi les Sept<br />

Deniers ? Au Moyen-<br />

Âge, s’étendaient ici<br />

des « prés », dont les<br />

Capitouls accordaient<br />

le droit de<br />

pâturage moyennant<br />

sept deniers d’or<br />

par an.


Gare au rinG<br />

Ce n’est pas un hasard si le Théâtre 2 l’acte a vu le jour en 1968, année<br />

propice à toutes les agitations créatrices. Quarante ans plus tard, le Ring<br />

n’a rien perdu de son esprit frondeur, donnant la part (re)belle à « la création<br />

contemporaine inventive, l’improvisation, la scénographie éclatée et la<br />

confrontation des arts de la scène », selon son directeur Michel Mathieu,<br />

qui fut aussi, plus tard, de l’aventure du Théâtre Garonne. « Ici, on fait tomber<br />

les barrières pour avoir un autre rapport au public ». Lieu propice à la<br />

résidence, le théâtre dispose, sous chapiteau, d’une incroyable collection<br />

de costumes et de décors. On y aime s’y retrouver les derniers « beaux<br />

dimanches » du mois pour se confronter aux performances expérimentales<br />

et impros en tous genres. Un uppercut scénique.<br />

Le Ring, 151 route de Blagnac, 05 34 51 34 66, www.theatre2lacte.com<br />

love boat<br />

Tout de blanc vêtu, à l’exception de son logo<br />

rouge si caractéristique, l’Amiral Job - c’est son<br />

surnom - en impose. Avec ses balcons filants, l’ancienne<br />

usine ressemble à un paquebot rétro, au<br />

charme industriel. Érigée en 1929, la papeterie a<br />

longtemps fabriqué du papier à cigarettes. Depuis<br />

octobre dernier, le Paquebot a pris un virage, tendance<br />

La Croisière s’amuse. Il abrite désormais<br />

une piscine, une MJC, l’école des musiques<br />

vivaces Music’Halle, des salles de concerts et<br />

d’expos, et les soirées des Vidéophages. Certains<br />

trouvent encore l’ensemble un peu froid mais le<br />

collectif Job et les habitants planchent pour s’approprier<br />

véritablement l’espace et lui apporter un<br />

peu plus de chaleur.<br />

L’espace Job, 105 route de Blagnac<br />

un reSto, maiS PaS que…<br />

Une vieille bicyclette jaune tient le haut du pavé<br />

devant le resto associatif, écolo et culturel La<br />

Marmilie, ouvert par Marjorie, Julien et Émilie. Tout<br />

est fait maison, y compris le sirop de coquelicot,<br />

le vinaigre de vin et les petits pots de bébé (on<br />

plébiscite le coin jeu pour enfants). En cuisine, on<br />

s’approvisionne à côté, chez le caviste, le boulanger<br />

et le primeur du coin, et on n’a pas peur d’ouvrir<br />

grand les possibles : expos, ateliers avec les<br />

jardins partagés et même des dîners dans le noir.<br />

La Marmilie, 29 route de Blagnac,<br />

09 54 21 59 27, lamarmilie.over-blog.com<br />

L’amiral job, symbole du renouveau de tout un quartier.<br />

il Fait taPiSSerie…<br />

Non, le tapissier n’est pas un vieux monsieur.<br />

À 26 ans, il a même plutôt l’air enfantin. Tel Obélix<br />

dans la potion magique, Jean-Antoine Santiago<br />

est tombé dedans quand il était petit. « J’étais<br />

toujours fourré dans l’atelier de papa. Je n’ai pas<br />

fait d’école, j’ai tout appris sur le tas », sourit-il<br />

en levant le nez de sa vieille machine à coudre.<br />

Chez ses clients, il examine l’état des boiseries,<br />

sélectionne tissus et matières. Puis dans sa boutique<br />

atelier, il répare et confectionne sur mesure<br />

matelas de laine et sommier tapissier - avec son<br />

père, il est le seul matelassier de Toulouse -,<br />

fauteuils de style et canapés.<br />

Atelier de tapisserie, 71 route de Blagnac,<br />

05 61 62 30 98<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 27


échappée belle<br />

28 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain


venise est parcourue de 177 canaux et 455 ponts arqués pour laisser passer les bateaux.<br />

il faut se perdre à venise. bien sûr, elle sent la vase dans laquelle ses<br />

fondations s’enfoncent mais on l’arpente avec l’espoir d’y croiser un doge,<br />

son plus cher fantôme. sans boussole mais avec gondoles, il y a matière<br />

à une déambulation vagabonde. et peut-être davantage encore l’hiver, à<br />

l’heure des brouillards, porteurs de mystère. texte isabel desesquelles - Photos éric cherrière<br />

À la recherche<br />

du doge<br />

Les amoureux de Venise... un cliché<br />

que l’on ose à peine assumer<br />

! Y aller, c’est être suspecté<br />

de romantisme ! Il y a ceux qui<br />

se jurent d’attendre le seul, l’unique pour s’y<br />

rendre et c’est la vie qui passe. Et puis, il y a les<br />

amoureux de la ville qui y reviennent comme un<br />

vœu que l’on se fait.<br />

En cette veille de carnaval, Venise est déserte,<br />

étincelante de soleil, prise dans une froidure.<br />

Pas d’acqua alta, ces eaux qui montent de la<br />

lagune et recouvrent tout, achevant d’engloutir<br />

une ville totalement construite sur des pilotis au<br />

VI e siècle – la basilique de la Salute en compte<br />

à elle seule un million ! Sur le Grand Canal,<br />

qu’on remonte et redescend assis dans un des<br />

multiples vaporettos, on s’offre un parcours de<br />

beauté. Mais de Doge, point. La circulation est<br />

intense sur cette artère liquide qui fend la ville.<br />

C’est un va-et-vient de gondoles et motoscafi.<br />

Et quand on entend une sirène d’ambulance,<br />

c’est sur l’eau qu’elle demande le passage.<br />

Arrêt à San Marco. On veut comprendre à quoi<br />

pouvait bien ressembler la vie des Doges, ces<br />

magistrats qui décidaient de la vie de la République<br />

et se fiançaient à la mer Adriatique. Venise<br />

en connut 120, le premier en l’an 700, le<br />

dernier à la fin du XVIII e siècle. Nous voilà devant<br />

leur Palais. On traversera la salle d’armes, avant<br />

de longer le pont des soupirs qu’empruntaient<br />

les condamnés avant leur exécution. Singulier<br />

parcours du tendre ! C’est peut-être pour cela<br />

que l’on aime Venise, elle se moque des clichés.<br />

Tout à côté, dans la Basilique Saint-Marc, ce<br />

ne sont pas les coupoles et leurs feuilles d’or<br />

que l’on admire mais les sols usés, creusés. On<br />

ne marche plus, on glisse sur un kaléidoscope<br />

de mosaïques de marbre qui créent de fausses<br />

perspectives. Suivant d’hypothétiques traces,<br />

on se perd. Le nez au vent d’hiver, on aperçoit<br />

des mouettes, bien plus que des pigeons…,<br />

des façades safran, rouge et de salpêtre et le<br />

crépi qui s’effrite. Au gré des canalettos, des<br />

Vénitiens font leur marché sur l’eau, à même les<br />

barges à quai.<br />

On pousse jusqu’au Campo de l’Arsenale et ses<br />

lions de pierres qui gardent on ne sait quel secret<br />

derrière de hautes murailles. S’ils ne rugissent<br />

pas, les lions de Venise ont des ailes, et il en<br />

pousse un peu partout dans la ville. Après moult<br />

impasses et canaletti, on empruntera quelquesuns<br />

des 455 ponts jusqu’au Dorsoduro et ses<br />

églises. Il y en a plus de 80 dans le centre de Venise<br />

et chacune a au moins son chef-d’œuvre.<br />

Le Tintoret et consorts sont passés par là. Sans<br />

se soucier des touristes, l’autochtone trimbale<br />

lui ses effets sur des diables à deux roues qui lui<br />

servent en toute occasion : de la distribution du<br />

courrier au ramassage des poubelles.<br />

On revient vers le grand pont de bois de l’Academia.<br />

Avec celui du Rialto, il est un repère<br />

majeur, un passage presque obligé, la vue y est<br />

extraordinaire. D’un côté la Douane de mer, de<br />

l’autre une enfilade de palais plus délabrés et<br />

majestueux les uns que les autres. De Doge,<br />

toujours pas. On s’aventurera, alors, dans les<br />

immenses salles sombres du musée de l’Academia,<br />

jusque dans un couloir dédié à des<br />

œuvres faisant leur miel de crucifixions, d’individus<br />

percés de flèches, chaque tableau a son<br />

cadavre. Ils sont là les Doges, sages comme les<br />

images qu’ils sont devenus.<br />

pourQuoi y aLLer ?<br />

• Pour l’arrivée à Venise depuis l’aéroport en bateau taxi, ces Riva dignes<br />

de James Bond. Il vous en coûtera 110 e pour deux personnes.<br />

• Pour toutes ces marches recouvertes d’algues qui ne mènent nulle<br />

part si ce n’est dans l’eau noire ou Céladon.<br />

• Pour le quartier de La Giuedecca, qui joue si bien les contrastes.<br />

D’un côté, le quartier ouvrier et ses draps suspendus qui font un ciel<br />

de coton. De l’autre les jardins des grandes familles vénitiennes qui<br />

n’ont plus les moyens de chauffer leurs palais.<br />

• Pour le luxe assumé d’une ville qui n’a pas peur des visons.<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 29


échappée belle<br />

aLentours<br />

Je, tu... îLes<br />

En partant du quai Fondamente Nove, les îles, qui font aussi Venise, sont à<br />

portée de main. Murano, la plus grande, la plus proche, est celle du verre<br />

et des lustres fameux. De Burano et ses maisons roses, jaunes, violettes,<br />

Jean Cocteau a écrit qu’elle avait les couleurs d’un printemps fou. Ici, on<br />

fait dans la dentelle. Napperons à tous les coins de rues. Reste Torcello,<br />

ses deux églises et sa centaine d’habitants offrant à ses visiteurs une promenade<br />

toute de mélancolie fort douce, au point qu’elle pourrait presque<br />

nous retenir. Ce serait oublier San Michele, l’île cimetière. Sous les cyprès,<br />

entre des tombes qui sont une dernière demeure, il y a là une atmosphère<br />

tout sauf mortifère. Un jardin enchanteur que cette île vouée à l’éternité.<br />

30 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

carnavaL<br />

haut Les masques<br />

À quelques encablures de la place Saint-Marc,<br />

se trouve le magasin de masques de Venise.<br />

Tout y est de bon goût et artisanal. Simples loups<br />

ou morettas avec leur voilette, masques d’Arlequin<br />

et de grandes duchesses mais aussi tout un<br />

bestiaire : du renard à l’éléphant.<br />

Il Canovaccio, Castello 5370,<br />

+39 041 521 0393, www.ilcanovaccio.com<br />

L’auberge<br />

le goût de La mer<br />

Bien manger à Venise est une gageure mais lorsque l’une des meilleures<br />

adresses de Toulouse, à savoir le Tire-Bouchon, vous conseille son lieu<br />

d’élection dans la Sérénissime, alors on se régale. Cette osteria qui doit<br />

son nom à un décor fait de têtes de lit accrochées au mur vous sert derechef<br />

un frizzante, dont on aura du mal à se déprendre. Et pour accompagner<br />

ce léger pétillant, ce sont des assiettes de cigales de mer, de couteaux,<br />

de seiches et de gambas grillés comme on les aime. On en sort<br />

joyeux, repu et reconnaissant.<br />

Alle Testiere, calle del Mondo Novo, Castello 5801, + 39 041 522 72 20<br />

Et aussi Cantine del vino Schiavi, un caviste de bon goût où l’on mange<br />

debout les antipasti de la maison (Sestiere Dorsoduro 992) // Ou encore<br />

Al Vecio Marangon, une bicchetteria pour amateurs de ribs de porc<br />

confits et leur polenta (Campiello Cento Pietro)<br />

© Fototeca ENIT / Gino Cianci


La Pension<br />

JolimeNt rétro<br />

Murs recouverts de tableaux, sol marqueté,<br />

miroirs généreux, vaisselle en étain. À la Calcina<br />

Dorsoduro, on pense à Baudelaire et son<br />

Invitation au voyage, « là, tout n’est qu’ordre et<br />

beauté, luxe, calme et volupté ». Même si le chocolat<br />

chaud le plus célèbre de Venise reste celui<br />

du Florian, celui (bien épais) servi ici n’a rien à<br />

lui envier. Demander une chambre sur le canal<br />

de la Giudecca. Ou la chambre Dalia, isolée à<br />

cent mètres de la pension, on se croirait dans un<br />

bateau. Par la fenêtre on assiste au ballet de bateaux,<br />

de ferries, de barges pleines de denrées<br />

pour la ville et ses habitants. On dort volets ouverts,<br />

ou on ne dort pas, et c’est encore mieux !<br />

La Calcina Dorsoduro, 780 Zattere, de 90 à<br />

300 €, + 39 041 520 64 66, www.lacalcina.com<br />

oPéra<br />

rococo musicaL<br />

La comtesse Livia, la fiévreuse Alida Valli dans Senso de Lucino Visconti, y<br />

rencontrait son amant autrichien. Après avoir entièrement brûlé, l’Opéra La<br />

Fenice, dont l’aigle est l’emblème, a retrouvé son élégance d’antan. Loin<br />

de ses cendres récentes, elle ne déçoit pas et le décor naturel du film de<br />

Viconti reste intact. Vingt nymphes toute poitrine dehors, quasi collées au<br />

plafond, des satires et des dragons aux balcons, la bonbonnière rococo<br />

fait son effet. Le cinquième et dernier étage et ses fauteuils 100 et 101 face<br />

à la scène, à 8 € le billet, sont assurément un ticket pour le paradis.<br />

La Fenice, Campo San Fantin 1965, + 39 041 24 24, www.teatrolafenice.it<br />

Les musées<br />

moderNissimo<br />

Dès la porte, ce sont des ronces de fer dans lesquelles se seraient pris de gros joyaux en toc. À l’intérieur,<br />

pas de toc, mais assurément l’un des lieux majeurs dédiés à l’art moderne. Avec des œuvres<br />

de Max Ernst, qui fut un temps le mari de Peggy Guggenheim. La salle Pollock et des richesses<br />

insolites : la tête de lit en argent d’Alexandre Calder et le bronze de Marino Marini L’ange de la ville,<br />

petit homme en érection qui surplombe le Grand Canal depuis un demi-siècle.<br />

Collection Peggy Guggenheim, Sestiere Dorsoduro 701, +39 041 240 54 11<br />

uN torticolis signé tiéPoLo<br />

À deux pas du Campo S. Margarita, la Scuola Grande dei Carmini est à la fois, un musée et un lieu de<br />

concert. On commence la visite par un grand escalier et ses voûtes en berceau ouvragées que longent<br />

des rampes ciselées de sirènes et de Puttis en stuc. À l’étage, un plafond peint par Tiépolo. Certains<br />

sortent leur miroir réfléchissant afin de mieux admirer sans risquer le torticolis. Sur les murs, des peintures<br />

figurent la pénitence, l’humilité, la vérité, le courage, la prudence, l’espérance et la charité.<br />

Scuola Grande dei Carmini, Dorsoduro, 2617, à proximité du Campo Santa Margherita.<br />

De 9h à 12h et 15h à 18h, fermé le dimanche.<br />

Le quartier<br />

le calme du ghetto<br />

Le quartier juif, après le Rialto et juste avant la gare. Si tranquille, avec ses<br />

places où les puits poussent comme des champignons, ronds sous leur<br />

couvercle de bronze. Même fermés et cadenassés, ce sont des bouches<br />

d’ombre dont on ne sait quelle vérité elles renferment. Plus qu’ailleurs, ici<br />

on est hors du temps, et hors des sentiers trop touristiques. Ce doit être<br />

pour cela que Corto Maltese dans Fables de Venise y revient sans cesse.<br />

Les Livres<br />

deux ou trois choses que L’on Peut Lire…<br />

Venises de Paul Morand. L’auteur y cite D’Annunzio évoquant le palais<br />

Dario « penché comme une courtisane sous le poids de ses colliers ».<br />

D’aucuns, Woody Allen en tête, considèrent cette façade comme l’une des<br />

plus mystérieuses de Venise. Elle est présentement bâchée pour ravalement.<br />

Souhaitons que la courtisane de pierre reste de marbre.<br />

Acqua alta de Joseph Brodsky. « Les rêves sont la fidélité des yeux clos »,<br />

y est-il écrit. Un voyage entre les pages qui dit l’attirance pour une ville<br />

labyrinthe et ses eaux noires.<br />

Eaux lentes sur Venise de Françoise Cruz. Venise au XVIII e siècle, Vivaldi,<br />

La Pietà et deux orphelines musiciennes. On respire la lagune et les secrets<br />

qu’elle charrie. Courtisane en tête. « Sa gondole portait à sa proue une<br />

lanterne rouge, ainsi que l’exige la loi pour les prostituées. »<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 31


© The Keys<br />

cahier culture<br />

aCCroCHaGeS P.34<br />

écranS P.38<br />

entre aCteS P.42<br />

Sono P.46<br />

en Famille P.50<br />

CHroniqueS P.52


Mousse © Amandine Urruty<br />

ACCROCHAGES<br />

34 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain


depuis son lit, amandine urruty dessine au crayon de couleur un univers foutraque,<br />

enfantin et dérangeant. après bordeaux, Paris et berlin, la jeune toulousaine installe<br />

son bestiaire baroque et bariolé sur les murs de la librairie ombres blanches, pour la<br />

sortie de son livre Robinet d’amour. Par Stéphanie Pichon<br />

l’amour<br />

au bestiaire<br />

Espérances, Robinet<br />

! » Ainsi résonnait, il y<br />

a peu, la langue rabelai-<br />

«amour,<br />

sienne sur une scène de<br />

théâtre toulousaine. Il n’aurait pas paru incongru<br />

que la dessinatrice Amandine Urruty aille<br />

piocher dans l’univers fantasque de Rabelais<br />

pour trouver un titre à son dernier ouvrage. Mais<br />

non. C’est au-dessus du pubis d’un légionnaire,<br />

(dans un livre de photos) qu’elle a lu « Robinet<br />

d’amour ». Bingo ! Aujourd’hui, le livre sorti chez<br />

les Requins Marteaux donne lieu à une exposition<br />

à Ombres Blanches.<br />

enfantin et répugnant à la foiS<br />

C’est d’abord la couleur qui saute aux yeux.<br />

Éclatante, de préférence avec du rose, et beaucoup<br />

de détails autour. Amandine Urruty, tout<br />

juste 30 ans, aime les univers flashy, qui rappellent<br />

l’enfance, et les bonbons acidulés. Ses<br />

dessins, qu’il faut prendre le temps d’examiner<br />

longtemps, pratiquent l’accumulation à outrance.<br />

Dans cette jungle luxuriante peuplée de créatures<br />

hybrides façon Muppet Show, on décèle de jolis<br />

minois à la truffe humide, des poils multicolores,<br />

des chevelures lisses agrémentées d’objets<br />

fantasques, des groins sexys et griffes rouge<br />

vermillon. Les yeux – sa marque de fabrique –<br />

sont partout, sur les genoux, sur les seins, sur<br />

les robes… Mouillés, presque tendres, un brin<br />

désespérés, ils vous regardent sans méchanceté.<br />

C’est là, la patte « Urruty »: faire croire à un dessin<br />

enfantin, qui se révèle, à bien y regarder, inquiétant,<br />

voire gentiment répugnant, sans jamais<br />

tomber dans l’agressif ou le dégueulasse.<br />

Il y a de l’amour aussi dans ces personnages<br />

alanguis, ces couples à tête de castors, ces<br />

belles à tatouages qui portent leurs seins en<br />

écharpe. « Et lassata viris necdum satiati recessit<br />

» peut-on lire en sous-titre de son ouvrage<br />

Robinet d’amour. Traduit, ça donne : « elle quitte<br />

[les lieux de débauche] épuisée par des hommes,<br />

mais non pas repue ». Le ton est donné. Les<br />

femmes occupent le devant de la scène, souvent<br />

au centre, telle des déesses que regardent d’en<br />

bas de petites créatures incongrues : saucisses<br />

cravatées ou escargots baveux…<br />

loGique additive<br />

Armée de ses crayons de couleur – même si<br />

pour l’exposition à Ombres Blanches, l’artiste<br />

a eu recours aussi à la gouache et au feutre –<br />

Amandine semble résolue à se laisser aller à « la<br />

logique additive » pour réaliser ses planches.<br />

Du genre « castors + saucisses + barbapapa =<br />

cool » décrit-elle. C’est vrai qu’on n’est pas loin<br />

de l’ambiance fête foraine sur certains dessins.<br />

Dans d’autres c’est le rock qui domine. Rien<br />

d’anormal pour une jeune fille qui a débuté en<br />

chantant (faux, précise-t-elle) dans un obscur<br />

groupe de chanson toulousain, s’apercevant<br />

rapido qu’elle préférait dessiner les affiches<br />

plutôt que s’égosiller dans les caves. Depuis,<br />

la petite Toulousaine a fait son chemin, depuis<br />

son lit, l’endroit où elle travaille le mieux. En<br />

2008, elle croise la route de Philippe Katerine<br />

dans les coulisses de la Star Academy et<br />

devient son body-painter attitré pour sa tournée.<br />

Aujourd’hui, elle a rejoint le collectif Arts Factory,<br />

multiplie les expositions liées à son livre Robinet<br />

d’amour, et s’est faite inviter par Pictoplasma,<br />

à Berlin et Paris, pour donner des conférences.<br />

À 30 ans, elle va peut-être devoir accepter de<br />

passer moins de temps en chambre.<br />

amaNDINe semble RÉsOlue à se laIsseR alleR à<br />

la lOgIQue aDDITIve. Du geNRe CasTORs + sauCIsse +<br />

baRbaPaPa = COOl.<br />

Amandine Urutty<br />

jusqu’au 18.02,<br />

salle de conférence,<br />

Ombres blanches,<br />

entrée libre<br />

Robinet d’amour<br />

Amandine Urruty,<br />

Les Requins Marteaux,<br />

17 €<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 35


ACCROCHAGES<br />

la guerre du feu<br />

Quel est le point commun entre un homme des cavernes et un artiste contemporain ? Ils utilisent les mêmes éléments<br />

: le feu, le bronze et les armes. L’espace Paul-Éluard de Cugnaux l’a bien compris, avec l’exposition À l’épreuve<br />

du feu. On y découvre des dépouilles en métal, des machines de guerre en fil de fer, des tissus tachés de brûlures.<br />

Il s’agit d’œuvres choisies dans la collection des Abattoirs, réalisées par huit artistes contemporains. Âge d’or du<br />

Bronze, l’exposition précédente, montrait les bouleversements engendrés par la maîtrise des métaux et donc des<br />

armes par l’Homme. Cette fois-ci, c’est au tour des artistes d’évoquer le désordre et le chaos de cette humanité<br />

guerrière. La rencontre entre art et archéologie s’exprime sous plusieurs formes : on trouve une installation signée<br />

par l’artiste chypriote Theodoulos, composée de tubes de ciments et de moniteurs vidéo, dont l’aspect est proche<br />

de celui d’un lieu de fouille. Plus loin, une photographie d’une chambre en feu mise en scène par Bernard Faucon,<br />

s’apparente à un rite de purification. Il y a même des petites statuettes de gardiens armés par l’artiste Tino, qui<br />

pourraient bien sortir tout droit d’un manga. Si les siècles passent, l’attrait pour le feu, le fer et la guerre reste. Leur<br />

régénération, ici interrogée par les artistes, nous permet de mieux comprendre le lien entre la Préhistoire et nous.<br />

\ Maylis Jean-Préau \<br />

Jusqu’au 17.03, espace Paul-Éluard, Cugnaux, 05 61 76 88 99, gratuit<br />

GisèleVienne, Last Spring : a Prequel, 2012 © Alain Alquier<br />

36 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

esprits,<br />

êtes-vous LÀ ?<br />

« Avant, je pensais qu’il parlait tout seul », beau titre énigmatique pour une<br />

expo qui ne l’est pas moins au Parvis de Tarbes. Gisèle Vienne en est l’âme<br />

conceptrice. Invitée dans le cadre du festival Collection d’Hiver, l’artiste pluridisciplinaire<br />

(danse, théâtre, installations) y a présenté sa pièce Jerk, avant<br />

de répondre à l’invitation de Magali Gentet, commissaire de l’exposition.<br />

Quittant le monde des vivants, le spectateur embarque pour une plongée en<br />

eaux troubles dans l’espace hanté par les voix et les spectres, inspirée de la<br />

maison de veuve Winchester (la carabine, oui). Gisèle Vienne y a placé son<br />

installation Last Spring : a Prequel, où une silhouette adolescente robotisée<br />

se lance dans un dialogue schizophrénique avec une marionnette. Pour<br />

cette carte blanche, Gisèle Vienne a aussi convié Jean-Luc Verna et ses<br />

dessins fantomatiques, tel ce portrait éclairé de manière à ce que le visage<br />

apparaisse ou non, perdu au milieu d’une couronne de plumes noires. Plus<br />

apaisée, l’œuvre de Vidya Gastaldon offre comme un entre-deux mondes<br />

avec sa sculpture « montagne flottante », colorée, au centre du parcours<br />

tout de noir et de blanc. \ S. P. \<br />

Jusqu’au 11.02, Parvis centre d’art contemporain à Ibos (65),<br />

www.parvis.net<br />

téLex<br />

Le couP<br />

de la girafe<br />

Prenez un texte poétique, ou plutôt une déclaration d’intention surréaliste<br />

: Una Jirafa de Luis Buñuel. 1933. Demandez près de 80 ans<br />

plus tard à 21 artistes aragonais de reconstituer le puzzle de cet objet<br />

surréaliste, que le cinéaste et poète avait conçu comme un « lieu »<br />

de rencontre et de création. Vous obtiendrez l’exposition Une Jirafa -<br />

poème visuel de Luis Buñuel à l’Institut Cervantes de Toulouse. Dans<br />

ce parcours, tout est matière à reconstituer la fameuse girafe, porte<br />

d’entrée vers un objet surréaliste à construire : peinture, photographie,<br />

installation, collage, sculpture. Ou comment ouvrir le dialogue entre des<br />

générations artistiques, et rétablir le lien entre l’héritage du maître du<br />

début du siècle et les imaginaires d’aujourd’hui. \ S. P. \<br />

Jusqu’au 29.02, Institut Cervantes, 31 rue des Chalets,<br />

entrée libre, 05 61 62 80 72, http://toulouse.cervantes.es<br />

musée de l’affiche. La thématique sur l’homme continue. En ce moment « Juste l’homme » présente la mode masculine et les produits<br />

de beauté en affiches. Jusqu’au 9.03. ghp. La galerie toulousaine qui avait fermé ses portes en septembre, renaît de ses cendres… sur le web.<br />

www.ghp-store.com a ouvert officiellement fin janvier. On y trouve des sérigraphies, des bouquins et autres produits dérivés signés Dran, Amandine<br />

Urruty, Océane Moussé ou Sophie Bacquié. aQuarelle. La 1 ère biennale d’aquarelle de Toulouse se tiendra du 4 au 24.02 à la Maison des associations,<br />

à Toulouse Saint-Agne.<br />

© Caja Sangre - Paco Seron Torrecilla<br />

La Chambre Qui Brûle, 1983 © Bernard Faucon, Coll. Les Abattoirs Toulouse,<br />

Grand Rond Production


© Haut et Court<br />

ÉCRANS<br />

38 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain


sous les dehors d’une enquête sur la prostitution<br />

Sortie le 01.02<br />

étudiante, le film Elles démaquille la morale trouble de<br />

l’époque. juliette binoche y est impériale. Par alex masson<br />

le prix<br />

À Payer<br />

Comment parler du féminisme au<br />

cinéma aujourd’hui ? La réalisatrice<br />

polonaise Malgorzata Szumowska<br />

choisit de le faire en traitant d’un phénomène<br />

de société, la prostitution étudiante. Son<br />

film Elles démarre par une enquête journalistique<br />

menée par Anne (Juliette Binoche), travaillant<br />

pour Elle, le magazine. Pour les besoins de son<br />

article, elle va rencontrer deux jeunes femmes<br />

qui font occasionnellement commerce de leur<br />

corps. Leurs conversations vont profondément<br />

troubler l’intervieweuse, au point de remettre en<br />

question sa vie de couple. Elles transcende un<br />

matériau qui aurait pu être utilisé par Envoyé spécial<br />

ou n’importe quel magazine d’investigation<br />

pour faire bander ses courbes d’audience, en<br />

pseudo état des lieux de la condition féminine.<br />

Malgorzata Szumowska y fait converser deux<br />

générations de femmes. La journaliste est née à<br />

l’aune de Mai 68 et de la révolution sexuelle, les<br />

deux étudiantes à l’orée des années Sida. Entre<br />

les deux, un fossé culturel que le film sonde afin<br />

de faire le point sur la sexualité mais aussi sur<br />

la reconnaissance professionnelle ou conjugale<br />

des femmes. Elles monte à la tribune avec un<br />

incroyable courage : celui de ne pas détourner<br />

les yeux, parce que c’est le seul moyen de jouer<br />

à armes égales avec le politiquement correct et<br />

de dépeindre la complexité d’exister socialement<br />

face au consumérisme à outrance, et son lot de<br />

frustrations ou de fausses valeurs.<br />

elleS et nouS<br />

Szumowska interroge décidément avec intelligence<br />

notre époque en posant des questions<br />

pertinentes jusque dans sa mise en scène. Tout<br />

en étant d’une ébouriffante élégance visuelle,<br />

Elles ne craint pas de mettre mal à l’aise en<br />

jouant avec le voyeurisme. Le spectateur se<br />

retrouve témoin passif - comme il le serait<br />

devant sa télé - de scènes de la vie conjugale ou<br />

de relations sexuelles très crues. Mais, au final<br />

on se demande ce qui est le plus dérangeant :<br />

les images de l’effondrement psychologique<br />

d’une quadra (incarnée par Juliette Binoche,<br />

exceptionnelle) plus cloîtrée dans les diktats et<br />

les conventions qu’elle ne le pensait ou celles<br />

de la sexualité désinhibée et assumée des deux<br />

jeunes femmes (Anaïs Demoustier et Joana<br />

Kulig, pas moins méritantes) ? Elles s’aventure<br />

au-delà de la sphère purement féminine pour<br />

questionner le fonctionnement de notre société<br />

contemporaine. Si le film est éminemment transgressif,<br />

ce n’est pas tant par son regard frontal<br />

que par son contenu politique. En montant au<br />

créneau contre les hypocrisies et les œillères de<br />

la morale telle qu’elle se pratique aujourd’hui,<br />

le film résonne de manière beaucoup plus pertinente<br />

que la plupart des magazines féminins.<br />

Elles<br />

de Malgorzata<br />

Szumowska<br />

avec<br />

Juliette Binoche,<br />

Anaïs Demoustier,<br />

Joanna Kulig<br />

szumOwska INTeRROge<br />

DÉCIDÉmeNT aveC INTellIgeNCe<br />

NOTRe ÉPOQue eN POsaNT<br />

Des QuesTIONs PeRTINeNTes<br />

JusQue DaNs sa mIse eN sCèNe.<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 39


ÉCRANS<br />

effet bœuf<br />

Sortie le 22.02<br />

On sait depuis longtemps que le cinéma belge est prêt à toutes les incongruités. Y compris<br />

désormais à faire des polars à tendance shakespearienne sur des sujets plus qu’improbables,<br />

soit, dans le cas de Bullhead, un trafic d’hormones dans le milieu de l’élevage bovin sur fond de pays plat et... gris.<br />

Et pour compliquer encore un peu le scénario, il est aussi, et surtout, question d’un éleveur qui voit remonter à la<br />

surface un terrible traumatisme d’enfance. La tête de bœuf du titre c’est lui, Jacky Vanmarsenile, incroyable masse<br />

de muscles, colosse dopé aux hormones de bœuf qui renferme de profondes blessures l’ayant peu à peu coupé<br />

du monde. La reconnexion va être des plus douloureuses, surtout lorsqu’elle est saupoudrée d’un autre problème<br />

d’identité, celui lié au clivage Wallons/Flamands. Au-delà de ses accents de policier - ouvrant un espace inédit entre<br />

les solides polars d’Alain Corneau et l’ambiance rugueuse du cinéma d’un Nicolas Winding Refn (Drive, Pusher) -<br />

Bullhead est ainsi nourri par une fêlure belge ultra-sensible, relue à l’aune d’une inextricable lutte des classes prête à<br />

exploser. Tout autant que Jacky, bombe à retardement de plus en plus instable au fur et à mesure du film. Matthias<br />

Schoonaerts est particulièrement impressionnant dans ce rôle. Tour à tour inquiétant et vulnérable, il est sans doute la<br />

plus grande révélation d’acteur depuis l’apparition de Tom Hardy (Bronson, Inception...). Il va aussi falloir dorénavant<br />

compter sur Michael R.Roskam, cinéaste qui s’empare des codes du film de genre pour leur donner plus d’intensité<br />

et les faire glisser vers une tragédie poignante. \ A. M. \<br />

Bullhead de Michael R.Roskam avec Matthias Schoenaerts, Jeroen Perceval, Jeanne Dandoy<br />

© Les films du Losange<br />

téLex<br />

40 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

les ailes brisées<br />

Dans un cinéma, une femme pleure sans que l’on<br />

Sortie le 25.02<br />

sache si c’est à cause du film projeté ou de la scène<br />

qui a précédé. Collé à son héroïne, une Sandrine Kiberlain retirée de<br />

la vie, dans un Bordeaux qu’on avait rarement vu aussi fantômatique,<br />

L’oiseau laisse de petits indices à ramasser, au lieu de souffler toutes les<br />

réponses. Il rappelle parfois le cinéma des frères Dardenne, voire Tree of<br />

Life, le palmé de Terrence Malick : même thème (un deuil omniprésent,<br />

mais jamais frontal), même attrait pour l’eau et la lumière naturelle. Mais<br />

avec son lyrisme étouffé, et la solidité d’une histoire qu’on imagine longtemps<br />

mûrie, Yves Caumon parvient à garder les références à distance.<br />

Au risque, tout de même, de faire tomber sa mise en scène dans une<br />

certaine austérité. \ Baptiste Ostré \<br />

L’oiseau de Yves Caumon.<br />

Avec Sandrine Kiberlain, Clément Sibony, Bruno Todeschini<br />

Jours heureux<br />

en famiLLe…<br />

Depuis Festen, le règlement de comptes familial un jour<br />

Sortie le 01.02<br />

de fête est devenu un genre cinématographique en soi.<br />

Après de nombreuses et pâles copies, Another Happy Day replace la barre<br />

haut. Dans la famille névrotique, je demande celle de Lynn, elle-même limite<br />

psychotique : ses deux fils sont, l’un atteint d’un syndrome d’Asperger,<br />

l’autre d’addiction aigüe aux drogues en tout genre, sa fille est adepte<br />

de l’automutilation, et sa mère ne supporte plus un mari qui enchaîne...<br />

les infarctus. L’explosion est proche lorsque tout ce petit monde névrosé<br />

se trouve réuni pour le mariage d’un des fils. Sam Levinson a un véritable<br />

don pour l’écriture : tous les personnages d’Another Happy Day ont une<br />

belle épaisseur psychologique, tandis que le film valse sans souci entre<br />

comédie grinçante et drame serre-kiki. Dans un dispositif très proche de<br />

Festen, on découvre un réalisateur plus que prometteur, tenant à la fois de<br />

Judd Apatow ou de Robert Altman, parfaitement à l’aise dans son portrait<br />

aigre-doux d’un microcosme aux failles de plus en plus profondes.\ A. M \<br />

Another Happy Day de Sam Levinson<br />

avec Ellen Barkin, Ezra Miller, Kate Bosworth<br />

festival. « Des images aux mots », 5 e édition. Le festival de cinéma lesbien, gay, bi et trans de Toulouse se tient du 06 au 12.02 avec 25 films au<br />

programme. En ouverture, l’avant-première de Going down in La-La Land de Casper Andreas. appel À proJets. Les Vidéophages lancent un<br />

appel pour leur prochaine « Faites de l’image » qui aura lieu les 6 et 7.07 prochains. Prêts à toutes les propositions (photo, films, vidéos) ils imposent<br />

juste le thème : « côte à côte ». À envoyer aux Vidéophages, 9 rue de l’étoile, Toulouse ou pepa.videophages@free.fr.<br />

© Nicolas Karakatsanis - Ad Vitam Distribution


© Cinematheque De Toulouse<br />

art et essai<br />

Go Go taLes - abel ferrara / 2007<br />

Alors que l’on attend toujours la sortie de 4:44, film d’apocalypse en<br />

appartement, Abel Ferrara donne de ses nouvelles via une œuvre de...<br />

2007. Les temps sont durs pour l’âme damnée de Scorsese. Jugé trop<br />

incontrolâble, le réalisateur de Bad Lieutenant ne doit plus sa survie qu’à<br />

une poignée de fidèles amis. Et s’il est clair que Go Go Tales n’a pas la<br />

splendeur de King of New-York, le film rappelle le talent de ce véritable<br />

indépendant à fréquenter les bas-fonds de l’âme humaine. Entre caricature<br />

du monde du spectacle et grotesque kitsch, Go Go Tales ne quitte<br />

jamais le club de striptease dans lequel il a élu son cadre. L’intrigue,<br />

prétexte, peut rebuter, mais n’empêche pas le film d’être sauvé par ses<br />

acteurs, au centre desquels, le toujours dérangeant Willem Dafoe, ou Asia<br />

Argento qui nous gratifie d’une sulfureuse lapdance. \ B. O.\<br />

Dès le 8.02, Cinéma ABC<br />

CinÉ indÉ from Usa 2 - rétrospective<br />

Après une première partie en mai dernier, la Cinémathèque termine son<br />

exploration du cinéma indépendant US. Période faste, la décennie 80-90<br />

a vu l’explosion des Tarantino, Soderbergh, Hartley et autres Jarmusch.<br />

La fin du rêve a, depuis, sonné : les petites structures se font mastodontes<br />

quand le festival de Sundance, fleuron de l’indépendance, n’est<br />

plus qu’une étiquette. Petit bémol : la Cinémathèque n’a pas annoncé de<br />

3 e partie. Il y aurait pourtant beaucoup à dire (et à montrer) sur les années<br />

2000, entre difficultés croissantes pour les cinéastes et émergences de<br />

nouveaux modèles de production (Internet est passé par là). \ B. O.\<br />

Jusqu’au 4.03, à la Cinémathèque de Toulouse<br />

metropoLis - exposition<br />

S’il faudra attendre mars pour voir la version complète de Metropolis<br />

à Toulouse (déjà disponible en dvd), les coulisses de ce bijou du muet<br />

(1927) se visitent à l’espace Edf-Bazacle. L’exposition dévoile les dessous<br />

d’un grand film malade, au budget faramineux et à l’influence toujours<br />

vivace. Monté à Berlin, visible à Paris en 2011, le parcours recrée les<br />

différentes scènes et atmosphères du film de Fritz Lang : la ville ouvrière,<br />

le laboratoire de Rotwang, les catacombes... Pour Natacha Laurent,<br />

directrice de la Cinémathèque, le défi a été de trouver un lieu suffisamment<br />

vaste pour accueillir une exposition démesurée, à l’image d’un « film<br />

cathédrale » (selon Luis Buñuel). Heureusement, le Bazacle remplit tous<br />

les critères. « Les partenaires allemands ont été sous le charme de son<br />

cadre industriel, qui renvoie au film » explique Natacha Laurent. Nul doute<br />

que la reproduction de la femme-robot devrait y être à sa place, entre<br />

dessins originaux des décors, partitions de musique, les voix de Fritz<br />

Lang, Théa Von Harbou (scénariste), des décorateurs, photographes et<br />

de la costumière. « Exposer la création et l’histoire d’un film est très rare »<br />

rappelle la directrice. Sachant que le film, inscrit au patrimoine mondial<br />

de l’Unesco, a 80 ans et que certaines bobines ont failli être perdues à<br />

jamais, l’événement tient presque du miracle... \ B. O.\<br />

Du 14.02 au 15.04, Espace EDF-Bazacle, du mardi au dimanche,<br />

entrée libre<br />

metropolis


ENTRE ACTES<br />

42 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

Othello © Tania Kelley


2012, année politique. Le tnt profite de l’appel aux urnes pour ausculter « L’ivresse du<br />

pouvoir ». qui mieux que shakespeare pouvait en rendre compte ? avec l’Othello du berlinois<br />

thomas ostermeier et le Macbeth de Laurent Pelly, violence, folie et ambition s’invitent sur<br />

le plateau. La poésie aussi. Par Stéphanie Pichon<br />

Jeux<br />

de massacres<br />

dans Shakespeare, point d’élection,<br />

ni de joute électorale. Ici les campagnes<br />

sont plutôt guerrières, et le<br />

pouvoir se conserve par le sang,<br />

le meurtre et les intrigues. Pourtant ces pièceslà,<br />

en l’occurrence Othello mis en scène par le<br />

Berlinois Thomas Ostermeier, et Macbeth, la<br />

toute nouvelle création du codirecteur du TNT,<br />

résonnent étrangement dans notre présent.<br />

Assez pour que le théâtre national toulousain les<br />

rassemble sous la thématique « L’ivresse du pouvoir<br />

», qui comptera aussi deux pièces de Jean<br />

Genet. « Dans Macbeth il est question de barbarie,<br />

d’assassinats, de rebelles, cela fait forcément<br />

écho à une actualité récente dans le monde<br />

arabe. La fin de Kadhafi, c’est exactement la mort<br />

de Macbeth ! », estime Laurent Pelly.<br />

traHiSon, raCiSme et intriGueS<br />

Dans Othello, Ostermeier a choisi un Iago plus<br />

fourbe que jamais, maître du double jeu et de<br />

la manigance, rongé par l’ambition au point de<br />

faire sombrer définitivement le général Othello,<br />

son supérieur qui ne l’a pas promu. Le metteur<br />

en scène de la Schaubühne a choisi de<br />

faire d’Othello « le noir », là où Shakespeare<br />

l’avait décrit comme « Le maure de Venise ».<br />

Peu importe finalement, (d’ailleurs le comédien,<br />

Sebastian Nakajew, est blanc comme un linge !),<br />

puisqu’ici la vraie question est celle du racisme<br />

exacerbé, d’un étranger rejeté par une société<br />

qui, au moindre faux pas, lui balance son altérité<br />

à la figure. Une fois de plus, Ostermeier cultive<br />

ce théâtre à l’allemande si engagé dans le jeu,<br />

si énergique grâce à une scénographie qui compose<br />

avec des éléments, des couleurs, de la<br />

vidéo et de la musique. Un cocktail explosif de<br />

trahison, jalousie et ambition, qui entraîneront<br />

Othello le rationnel, dans la spirale de la folie.<br />

abSurdité et violence<br />

Le Macbeth de Laurent Pelly n’est pas moins<br />

perdu, bien que tyran. Poussé par sa femme,<br />

il bascule dans une criminalité qui n’a d’autre<br />

but que de conserver le pouvoir. Réunissant<br />

14 comédiens, dont Thierry Hancisse, pensionnaire<br />

de la Comédie Française, dans le rôle-titre,<br />

Laurent Pelly prend les commandes de la mise<br />

en scène, mais aussi de la scénographie et<br />

des costumes pour une pièce de la démesure,<br />

absurde et violente, habitée de forces surnaturelles.<br />

« C’est d’un suspense et d’une modernité<br />

incroyable », souffle Laurent Pelly. « Dire que ça<br />

a été écrit en 1606 ! On pourrait aujourd’hui faire<br />

un film noir splendide à partir de ce scénario ». Un<br />

scénario où l’amour du pouvoir s’accompagne<br />

de sang et de larmes. Dans les urnes françaises,<br />

le combat devrait être moins sanglant. Mais tout<br />

aussi impitoyable.<br />

Le 17.03, 16h, conférence-débat « L’énigme<br />

du pouvoir, entre domination et servitude<br />

volontaire » avec Eugène Enriquez, et<br />

Vincent de Gaulejac, Petit Théâtre, entrée<br />

libre sur réservation 05 34 45 05 05.<br />

Othello,<br />

mise en scène de<br />

Thomas Ostermeier,<br />

les 3 et 4.02<br />

Macbeth,<br />

mise en scène de<br />

Laurent Pelly,<br />

du 29.02 au 24.03,<br />

7 à 23 €, TNT,<br />

www.tnt-cite.com<br />

interview<br />

laurent Pelly,<br />

codirecteur du tnt<br />

Monter Macbeth en pleine année électorale,<br />

cela s’est imposé ?<br />

J’avais d’abord pensé à Ubu Roi qui s’inspire<br />

d’ailleurs beaucoup de Macbeth, dont c’est<br />

une sorte de parodie. Puis j’ai pensé à le monter<br />

en diptyque avec Macbeth. Mais c’était trop<br />

lourd matériellement. Finalement je me suis lancé<br />

dans Macbeth, l’une des plus belles pièces<br />

du répertoire. Chaque ligne est passionnante.<br />

Il y a une richesse infinie et en même temps<br />

beaucoup de simplicité. Dans cette pièce, c’est<br />

la course au pouvoir par le crime, a eu pouvoir<br />

pour le pouvoir, qui conduit à la folie. Comme<br />

toujours chez Shakespeare, on mêle l’humain<br />

et le grave, la tragédie et l’humour.<br />

Le théâtre a-t-il encore quelque influence<br />

sur le cours des choses politiques ?<br />

Non. Mais le théâtre a encore tout à dire,<br />

comme la littérature ou le cinéma.<br />

Comment avez-vous imaginé la mise en<br />

scène de ce monument ?<br />

Sur cette pièce je fais aussi la scénographie<br />

et les costumes. C’est la première fois que je<br />

prends en charge une scénographie aussi importante.<br />

Il a fallu inventer un monde absurde<br />

et dérisoire. J’ai choisi l’idée d’un labyrinthe aux<br />

murs mobiles qui symbolise le cauchemar dans<br />

lequel est enfermé Macbeth. Cela évoque aussi<br />

l’idée d’une forteresse, d’un ennemi extérieur.<br />

Avez-vous ancré la pièce dans une époque ?<br />

Par le biais des costumes, j’ai choisi un entredeux,<br />

quelque part entre la période médiévale et<br />

l’époque actuelle. Pour les soldats par exemple,<br />

je garde le heaume et quelques armes d’époque,<br />

mais j’y ajoute un uniforme d’aujourd’hui.<br />

le ThÉâTRe a<br />

eNCORe TOuT à DIRe<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 43


ENTRE ACTES<br />

oNzième, ça ne veut rien dire<br />

Un Radeau fait escale en bord de Garonne et c’est tout le petit monde du spectacle vivant qui bruisse. La<br />

rumeur enfle depuis trente ans, son capitaine serait un peu magicien… Ceux qui connaissent déjà le travail<br />

de François Tanguy sont formels, c’est une expérience de théâtre total : texte, scénographie, jeu et lumières<br />

écrivent de concert la partition. Comme dans ses pièces Ricercar et Coda, Onzième nous parle de musique,<br />

référence au onzième des seize quatuors à cordes de Beethoven. Pour conter cette nouvelle aventure du<br />

Théâtre du Radeau, rien de moins que les plus grands textes, des Frères Karamazov de Dostoïevski à<br />

Richard III de Shakespeare, en passant par La Divine Comédie de Dante. Tout est d’une brûlante actualité : la<br />

violence politique, l’engagement, l’indignation… Encore et toujours le théâtre de Tanguy « tente de dire l’endroit<br />

d’où l’on regarde ». Sur le plateau, l’univers est reconnaissable entre mille : des panneaux coulissants démultiplient<br />

les points de vue, à la fois créateurs d’une géométrie dans l’espace et supports d’images. Un écrin de<br />

bric et de broc bâti par les comédiens, graciles silhouettes en noir et blanc que viennent rehausser le nœud<br />

rouge d’un chapeau ou le taffetas bleu d’une crinoline. Tanguy procède par touches de couleurs, pointes de<br />

textes, fragments musicaux laissant au public le soin de composer une variété infinie d’histoires, à condition<br />

de lâcher prise et plonger la tête la première dans ce théâtre « du sensible ». Écoutons la recommandation du<br />

capitaine : « ne pas parler et se promener en compagnie des créatures »… \ Karine Chapert \<br />

Du 3 au 11.02 (relâche le 5.02), Théâtre Garonne 9/25 €, www.theatregaronne.com<br />

© Jacques Taboni<br />

téLex<br />

44 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

saNg pour ceNt !<br />

Il y a comme cela des compagnies toulousaines que l’on voit peu ici...<br />

C’est le cas de Ballet Actuel, de retour avec sa dernière création, O<br />

positif, après deux ans de tournées. La scénographie clinique signée<br />

Benoît Lafourcade donne d’autant plus de place aux cinq danseurs lancés<br />

dans une partition techniquement exigeante qui requiert don de soi<br />

et sensibilité. Le corps, la chorégraphe Nathalie Bard a ça dans le sang.<br />

Elle veut transmettre son virus en invitant son public à laisser tomber<br />

l’intellect deux minutes, quitte à mieux reconnecter les neurones aux<br />

artères ensuite. En cela, elle propose de (re)découvrir le poète Antoine<br />

Emaz dont les textes, avec ceux de Bernard Noël, sont intégrés à la<br />

musique de David Dilliès : « La poésie démarre où la pensée prend fin. »<br />

\ Valérie Lassus \<br />

15 et 16.02, 21h, 10 / 16 e, auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines,<br />

05 61 23 36 82, www.balletactuel.com<br />

polars d’hiver. Cugnaux cultive le noir, avec un mini-festival de deux jours rendant hommage aux maîtres du genre. Le conteur Pépito Matéo construira<br />

un récit policier, dans un collage surréaliste de mots et de musique (28.02). Le pianiste Stéphan Oliva jouera 12 œuvres emblématiques du film noir (01.03)<br />

avant de donner une conférence sur les liens entre jazz et cinéma (02.02). Théâtre Paul-Eluard, 05 61 76 88 99. collages À la prévert. La Cie Paradis<br />

Éprouvette lance une invitation au voyage dans la poésie de Prévert avec ses Collages & inventaires. Du 8 au 18.02, Cave Poésie 05 61 23 62 00.<br />

© Brinkhoff - Moegenburg la<br />

vie est uN<br />

grand cabaret...<br />

Inspiré d’Adieu à Berlin, roman de Christopher Isherwood, le musical Cabaret<br />

voit le jour en 1966. Six ans plus tard, Bob Foss le porte à l’écran avec une<br />

inoubliable Liza Minnelli. En 1998, la comédie musicale revient à l’affiche dans<br />

une mise en scène de Sam Mendes et une chorégraphie de Rob Marshall.<br />

Résultat : guichets fermés à New York et une tournée internationale qui<br />

le conduit aujourd’hui à Toulouse. « Willkommen, bienvenue, welcome ! »<br />

Poussons donc la porte de ce cabaret, et suivons le jeune écrivain américain<br />

Cliff Bradshaw (impeccable Geoffroy Guerrier) à la conquête des nuits agitées<br />

du Berlin des années 30. L’histoire est en marche, le nazisme se profile…<br />

La troupe d’une trentaine de jeunes interprètes est épatante, parfaitement<br />

rompue au métier de la scène, capable à la fois de jouer, danser, chanter et<br />

maîtriser un instrument. Coup de chapeau à Claire Pérot, épatante en Sally<br />

Bowls, star incontestée du Kit Kat Club, au touchant Emcee d’Emmanuel<br />

Moire (Le Roi Soleil) et au fantastique jazzman toulousain, Camille Artichaut,<br />

au sax et à la clarinette. \ Laurent Sorel \<br />

25 et 26.02, à partir de 29 €, Zénith de Toulouse<br />

© Didier Grappe


© Julien Lachaussée / Sony Music<br />

sono<br />

46 • <strong>Spirit</strong> le CaraCtère Urbain


Daniel Darc<br />

+ Greenshape,<br />

le 29.02, 20h30,<br />

Bikini, 23 e<br />

il cherchait un garçon, il semble avoir trouvé dieu. vieil animal punk blessé par les années<br />

dope, daniel darc avance plus aguerri que jamais dans La taille de mon âme, album aux<br />

accents gainsbouriens. L’ex-taxi girl revient plus chanteur que rockeur,<br />

et même un brin rieur… Propos recueillis par Stéphanie Pichon - Photo de Julien lachaussée<br />

la rédemptioN<br />

seLon danieL darc<br />

Sur la pochette, vous êtes agenouillé dans<br />

une église, une valise à vos côtés, comme<br />

arrivé d’un long voyage. Daniel Darc aurait-il<br />

enfin trouvé un endroit où poser son âme ?<br />

Non, je ne suis arrivé nulle part. La valise pour<br />

moi, c’est plutôt le symbole que je peux me<br />

barrer quand je veux. Il se trouve que je suis<br />

dans une église, mais, pour moi qui suis protestant,<br />

ça n’a rien de sacré, c’est juste un<br />

endroit que j’aime bien.<br />

Il y a tout de même beaucoup de références<br />

à la religion dans l’album. Pas très rockeur<br />

ça, non ?<br />

Je me fous de faire rockeur ou pas, j’ai donné<br />

assez de veines, de kilos, de sang, de stupre,<br />

de sperme, pour ne pas avoir besoin d’une<br />

crédibilité rock. Je ne sais pas ce que ça veut<br />

dire « rockeur ». Ces derniers temps ce mot est<br />

employé n’importe comment. En tournée dès<br />

que l’hôtel est un peu pourri, les mecs disent<br />

« c’est un peu rock’n roll ». Pour moi le rock<br />

c’est pas un truc foireux, c’est glam’. Quant<br />

aux références religieuses, oui, je suis croyant,<br />

et je me sens plus à l’aise à genoux en priant<br />

Dieu qu’à un concert de Judas Priest.<br />

On avait l’image d’un mec écorché, maudit,<br />

rescapé, et là, on découvre un chanteur,<br />

poète, au ton presque enjoué, drôle…<br />

Moi, ça ne me surprend pas. Laurent Marimbert<br />

qui a produit ce disque, a aussi été étonné. Il<br />

m’a dit « t’es fun, il faut qu’on s’en rende compte<br />

dans le disque. »<br />

Vous avez rencontré Laurent Marimbert par<br />

l’intermédiaire de Christophe. Est-ce que<br />

la confiance s’est instaurée tout de suite,<br />

sachant qu’il avait aussi produit les disques<br />

de Jennifer, de Sheila ou des 2be3 ?<br />

Le fait que Christophe me parle de lui, c’était<br />

déjà une caution. Et puis on s’est rencontré, il<br />

était timide, moi aussi, on n’a pas beaucoup<br />

parlé, il a joué un truc au piano que j’ai trouvé<br />

beau. Le lendemain j’étais dans son studio. Ça a<br />

commencé comme ça. Ce qui m’intéresse, c’est<br />

comment les gens se comportent avec moi, le<br />

reste je m’en fous. C’est le premier disque où je<br />

travaille vraiment 50/50, au point que sur le livret<br />

j’ai écrit « paroles et musiques Darc/Marimbert ».<br />

Il est intervenu sur les textes dont j’avais plein de<br />

versions, et que j’improvisais en studio. Et moi,<br />

j’ai suggéré des choses sur la musique. Il y a eu<br />

une vraie interaction.<br />

Le disque est très arrangé, on y entend des<br />

instruments de toutes sortes, des atmosphères<br />

qui donnent une couleur à chaque<br />

morceau. C’est sa patte ?<br />

On en est tous les deux responsables. En<br />

tout cas, il a eu la classe de ne jamais insister<br />

quand des choses ne me plaisaient pas. Et de<br />

m’écouter aussi. Mais les arrangements, c’est<br />

beaucoup lui. Pour la première fois, j’ai vu un<br />

orchestre jouer devant moi, avec lui qui écrivait<br />

la partition. C’était émouvant pour moi qui ne<br />

sais pas l’écrire, pas la lire non plus, ou alors à<br />

deux à l’heure.<br />

En écoutant cet album, on ne peut s’empêcher<br />

de penser à Gainsbourg. Ça vous<br />

étonne ?<br />

Non, ça me fait plaisir ! Ça me ferait flipper si on<br />

me disait : « j’ai pas pu m’empêcher de penser<br />

à Frédéric François ». Quand on a commencé à<br />

me le dire, ça m’étonnait. Je trouvais que c’était<br />

moins Gainsbourg que les albums précédents.<br />

Mais il se trouve qu’en France, il y a Gainsbourg.<br />

En Angleterre personne ne dit « ça fait Beatles »<br />

à chaque bon album… En France, qu’est-ce<br />

qu’on peut dire, à part Gainsbourg ? Pour moi,<br />

il y a encore Claude Nougaro, Jean-Claude Vannier,<br />

quelques autres … Mais c’est tout.<br />

Dans le morceau « La taille de mon âme »<br />

on retrouve aussi la voix d’Arletty dans Les<br />

enfants du paradis, et la référence à l’énumération<br />

du Mépris de Godard. Le cinéma<br />

vous inspire ?<br />

Hitchcock m’a beaucoup plus influencé que Pascal<br />

Obispo. Si je pouvais renaître dans la peau<br />

d’un autre artiste ayant existé, je serais Cassavetes,<br />

pour moi c’est ce qui se fait de mieux avec<br />

Hitchcock, Kitano, Leone. Et puis Wenders des<br />

Ailes du désir. Je crois surtout que la chanson<br />

c’est fini, ce n’est plus aussi important pour les<br />

jeunes de maintenant que pour nous. Bowie, et<br />

son glam rock, on se disait qu'il était en avance<br />

sur tout le reste. Et puis il y a eu le punk, pour<br />

moi ça a été une sorte d’acmé. Aujourd’hui, mes<br />

filleuls, dans la cour de récré, ils s’en foutent de la<br />

musique. Nous, on était obsédés par ça.<br />

Ce n’est pas vous qui vieillissez, tout simplement<br />

?<br />

Bien sûr que c’est moi qui vieillis. J’ai 52 ans !<br />

Je ne dis pas que c’est pire, mieux, ou moins<br />

bien, c’est différent. Pour moi Amy Winehouse<br />

était sublime, et malheureusement elle ne sera<br />

jamais une légende comme Janis Joplin. La musique<br />

n’a plus le même impact.<br />

Chanteur engagé, ça ne fait plus sens ?<br />

Pas plus aujourd’hui qu’hier. Je n’ai jamais<br />

voulu faire du Trust, j’ai toujours trouvé ça un<br />

peu ridicule. Je suis plutôt un chanteur dégagé.<br />

Mais dans le sens où Morrissey était un<br />

chanteur engagé avec un morceau comme<br />

Shoplifters of the World Unite, je le suis aussi.<br />

En tant que citoyen, je vote à gauche. Je viens<br />

de récupérer ma carte électorale qu’on m’avait<br />

enlevée parce que je suis passé par la prison.<br />

En 2012, j’irai voter parce que c’est plus possible<br />

de continuer avec ce gouvernement. Il<br />

faut vraiment faire du ménage.<br />

Vous seriez prêt à chanter entre les deux<br />

tours pour soutenir la gauche ?<br />

Hors de question. Peut-être que si on me payait<br />

énormément, je dirais oui. Alors que Sarkozy,<br />

même s’il payait beaucoup, ce serait non !<br />

eN aNgleTeRRe PeRsONNe Ne DIT<br />

« ça fait beatles » à ChaQue bON album…<br />

eN FRaNCe, Qu’esT-Ce Qu’ON PeuT DIRe,<br />

à PaRT gaINsbOuRg ?<br />

le CaraCtère Urbain <strong>Spirit</strong> • 47


sono<br />

le trouvère<br />

[oPéra romantique]<br />

Giuseppe Verdi a les faveurs du Capitole cet<br />

hiver. Après la reprise de Falstaff en décembre,<br />

Le Trouvère est la nouvelle création de l’opéra<br />

toulousain, en co-production avec le Liceu de<br />

Barcelone et l’opéra d’Oviedo. Opéra romantique<br />

par excellence, qui complète la trilogie aux<br />

côtés de Rigoletto et la Traviatta, Le Trouvère<br />

plante sa structure dramaturgique dans un<br />

Moyen-Âge espagnol peuplé de gitanes, de<br />

chevaliers et de sorcières, où mauvais sorts,<br />

infanticide et duels à l’épée rythment les quatre<br />

parties. Pour alimenter ce foisonnement dramatique,<br />

Verdi s’est surpassé en trouvailles mélodiques,<br />

moments de prouesse vocale et chœurs<br />

grandioses. Œuvrant pour la première fois au<br />

Capitole, le metteur en scène belge Gilbert Deflo<br />

a opté pour une scénographie dépouillée d’apparats<br />

romantiques, campant sobrement – et<br />

symboliquement – deux mondes antagonistes.<br />

Dans la distribution, le ténor Marco Berti reprend<br />

le rôle de Manrico, face à Roberto Frontali en<br />

Comte de Luna. Et la mezzo-soprano Luciana<br />

d’Intino incarnera la gitane en alternance avec<br />

Andrea Ulbrich.<br />

Du 3 au 12.02, Théâtre du Capitole, 10 à100 €<br />

toulouSe Soul Club<br />

[cLubbing]<br />

Quel est le point commun entre Chicago,<br />

Detroit et Toulouse ? Il y existe un Soul Club,<br />

un endroit où danser sur des vieux disques<br />

de la Motown et autres labels obscurs pourtant<br />

producteurs de tubes imparables. Après<br />

deux éditions furieuses, le Toulouse Soul Club<br />

revient avec les sets toujours aussi brûlants<br />

d’une brochette de DJs passionnés qui jouent<br />

en costard leurs piles de vinyles, plus ou moins<br />

rares. L’occasion de laisser parler son corps<br />

et de découvrir qu’il y avait vraiment du beau<br />

linge avant Adele et Amy Winehouse. Invitée<br />

spéciale de cette édition, Lucinda Slim, icône<br />

neo-soul et DJette mixant partout en Europe,<br />

notamment en compagnie du cultissime Keb<br />

Darge, collectionneur de vinyle britton. De quoi<br />

brûler le dancefloor !<br />

Le 04.02, à partir de 21h, Connexion Café, 5€<br />

48 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

HoquetS<br />

[rock bricoLé]<br />

C’est l’histoire d’un Français, un Belge et un<br />

Américain. Les Hoquets. Inspirés du concept<br />

des Congotronics, - ce n’est pas un hasard si<br />

leur premier album s’appelle Belgotronics et si<br />

c’est le label Crammed Discs qui les a signés<br />

(Congotronics, Balkan Beat Box, Shantel…) -<br />

François Schulz, Maxime Lê Hùng et McCloud<br />

Zicmuse composent sur des instruments faits<br />

maison. De ces drôles d’objets bricolés dans<br />

leur atelier bruxellois avec du matériau de<br />

récup (planches de bois, vieux câbles et boîtes<br />

de conserve), ils tirent des sonorités rock, funk<br />

ou indie-pop. Le résultat, étrangement familier,<br />

évoque un mix entre la musique des Wriggles et<br />

l’allure de François Damien. À cette tendance<br />

« bricoleur fou », le trio ajoute une bonne de<br />

dose de folie chorégraphique et de déconnade<br />

poétique, qui devrait aller à merveille avec le<br />

cadre des Musicophages. Une bonne histoire<br />

belge, donc.<br />

Le 08.02, Les Musicophages, 5€<br />

leS têteS raideS<br />

[chanson Punk]<br />

Quatre ans séparent Banco de L’an demain,<br />

dernier album en date des Têtes Raides (20<br />

ans de Ginette, sorti en 2008, était une compilation).<br />

À la tête de la bande, Christian Olivier<br />

a dû composer avec le départ du batteur<br />

Jean-Luc Millot et l’arrivée d’un nouveau bassiste.<br />

Lancé en 2011, l’album a rassuré les<br />

(nombreux) fans : piliers de la scène alternative<br />

depuis une vingtaine d’années, les Têtes<br />

Raides n’ont pas changé leur fusil d’épaule et<br />

restent fidèles à un univers fait de racines punk,<br />

de poésie, et de rage sociale. Mais la réelle<br />

attente n’est pas tant le disque que la tournée,<br />

le groupe ayant prouvé que la scène restait le<br />

meilleur endroit où l’écouter. Entamée en début<br />

d’année, elle fait ce mois-ci deux arrêts dans la<br />

région, dont une date au Bikini avec Mr. Chouf<br />

pour le festival Détours de Chant.<br />

9.02, 21h, Gespe (Tarbes), 22/20 € et 10.02,<br />

20h30, Bikini, 22/26 €<br />

duo Wu Wei / paScal contet<br />

[musique du monde]<br />

En pleine célébration de l’année du dragon,<br />

Made in Asia met Taïwan en lumière jusqu’au<br />

10.02, dans un vivifiant dialogue Est et Ouest.<br />

C’est tout le projet à la base du duo formé par<br />

le Français Pascal Contet et le Chinois Wu Wei.<br />

Après une première rencontre en 2003, leur<br />

vient l’envie de confronter les ressemblances<br />

entre leurs instruments de prédilection : l’accordéon<br />

de l’un et le sheng de l’autre. Instrument<br />

connu depuis deux millénaires, à base de<br />

tuyaux de bambous, le sheng serait proche de<br />

notre accordéon traditionnel par ses sonorités.<br />

Deux identités fortes, que le duo voudrait faire<br />

renouer avec la création contemporaine. D’où<br />

un attrait pour l’improvisation et le jazz, jonction<br />

entre musique traditionnelle chinoise et classiques<br />

de l’Occident.<br />

9 et 10.02, 20h30, Espace Croix-Baragnon,<br />

5/10 € (cycle Au Diwan du Monde)<br />

andré minvielle et lionel Suarez<br />

[jaZZ foutraque]<br />

L’un a la tchatche bien pendue (en occitan surtout), genre vocalchimiste<br />

ou slameur troubadour, non loin de Nougaro ou de Claude Sicre. L’autre<br />

manie l’accordéon en faisant valser les étiquettes, du jazz à la bossa , prêt<br />

à suivre toutes les extravagances de son maître chanteur. Alain Minvielle et<br />

Lionel Suarez tournent depuis quatre ans ensemble, et ont sorti l’an dernier<br />

le disque Tandem. Ici le duo ne se conçoit pas comme « un plus un, ni<br />

deux » précisent-ils, mais comme une alchimie musicale, une rencontre qui,<br />

transformant l’un et l’autre, crée une entité en soi. Suarez, le jeune (35 ans),<br />

a déjà l’habitude de ce genre de trublion de la chanson, pour avoir déjà<br />

traîné avec Lavilliers ou Nougaro. Minvielle, l’ancien, Gascon par excellence,<br />

joue les manivelles à parole des deux côtés de la Garonne, chante le jazz,<br />

la chanson et le « scat made in Pau » avec le parler d’ici et la phrase chantante.<br />

Détours de Chant ne pouvait passer à côté de ce duo poétiquement<br />

chaloupé, qui dépoussière le folklore.<br />

Le 9.02, 20h30, Théâtre des Mazades, 3/8 €<br />

ben Howard<br />

[bLues foLk]<br />

Chemise à carreaux, gueule d’ange et prodige de lap steel (guitare sur les<br />

genoux comme les blues men du Mississippi), voilà à quoi ressemble Ben<br />

Howard. L’Anglais joue le total look américain, amadouant son public avec<br />

poésie. Le ton folk de sa voix rappellerait presque Bob Dylan, mais dans<br />

une version du blues, plus moderne et voyageuse. Son sixième album Every<br />

Kingdom l’a propulsé d’illustre inconnu qui pratiquait la musique en marge<br />

de ses études en journalisme, au rang de guitariste hors-pair, écumant toutes<br />

les salles de l’Hexagone. Pour son passage à Toulouse, il sera précédé par<br />

Brother and Bones. Des bluesmen anglais tout aussi délicats, quoiqu’un peu<br />

plus rock’n roll...<br />

Le 09.02, Bikini, 19 €<br />

© Rebecca Miller


in bikini dura eleCtro #1<br />

[cLub]<br />

Les clubbers toulousains veulent du son et des<br />

têtes d’affiche. À l’instar d’In Bikini Dura Rock<br />

le club de luxe s’adapte en créant In Bikini Dura<br />

Electro. Les Anglais de Feed Me et les Toulousains<br />

de Sophonic et d’Initial DJ assurent le show avec<br />

une electro bien cassante aux multiples variations<br />

mécaniques. Pas de quoi impressionner le Nantais<br />

Madeon. Jeune prodige de la discipline (17 ans<br />

seulement), il n’a pas fini de bluffer ses aînés avec<br />

les remix faits maison des tubes de sa génération,<br />

qui ont déjà bâti sa renommée sur Facebook.<br />

David Brunner, le VJ de la soirée, modélisera l’espace<br />

avec ses vidéos psychédéliques.<br />

Le 11.02, 23h, Bikini, à partir de 17 €<br />

eliSabetH leonSkaJa<br />

[musique cLassique]<br />

Soirée russe pour l’Orchestre National du Capitole<br />

de Toulouse, sous la direction de son chef Tugan<br />

Sokhiev, qui a choisi d’inviter Elisabeth Leonskaja.<br />

On ne présente plus la pianiste virtuose originaire<br />

de Tbilissi, tant elle a forgé sa réputation sur toutes<br />

les grandes scènes du monde. « L’une des dernières<br />

grandes musiciennes de l’école russe »,<br />

clament les critiques. Dans l’écrin de la Halle aux<br />

Grains, elle interprètera le concerto pour piano de<br />

Schumann, œuvre connue pour son lyrisme et son<br />

intimisme. Changement de siècle, et de style, avec<br />

la Symphonie n°12 de Chostakovitch, composée<br />

en 1961 et plus connue sous le nom de « L’année<br />

1917 ». Hommage à la révolution russe et à Lénine,<br />

elle progresse musicalement dans ses quatre mouvements,<br />

comme sur le front de l’histoire : des<br />

émeutes du Pétrograd révolutionnaire à « l’aube de<br />

l’humanité ». Une vision optimiste de la révolution<br />

qui se traduit par un final musical plein d’élan.<br />

Le 17.02, 20h, Halle aux Grains, 5 à 44 €<br />

tHe keyS + odran trümmel<br />

[PoP foLk]<br />

L’association la Centrifugeuse (formée en<br />

décembre dernier de la fusion entre l’émission de<br />

radio éponyme et l’asso Foutraque) laisse carte<br />

blanche au label Another Record. Résultat : un<br />

plateau réunissant des extraterrestres du popfolk,<br />

the Keys, et Odran Trümmel accompagné<br />

des musiciens, les Boys from Louisville. Boris<br />

Paillard alias The Keys, est un dandy français exilé<br />

à Montréal. Après s’être essayé au rap, au skapunk<br />

et au blues cajun, le frenchy à la voix cassée<br />

mixe toutes ces influences et y ajoute la balade<br />

folk. Odran Trümmel aime aussi les mélanges. Le<br />

rock gras des bars d’Edimbourg s’invite au milieu<br />

d’un air de guitare folk, avant de laisser la place à<br />

une orchestration pop ultra dynamique qui donne<br />

envie de groover. Un cocktail explosif à savourer<br />

sans aucune modération.<br />

Le 21.02, 20h30, Connexion Café, 3/5 €<br />

mr Grandin<br />

[triP-hoP éLectro]<br />

Le Toulousain Stéphane Grandin s’est fait une<br />

renommée du feu de dieu depuis la sortie de son<br />

nouvel album, Mister Dressmaking. Une bombe<br />

intemporelle lancée au milieu de la mare électro<br />

hip hop. Accompagné des fidèles The Patchwork Band, Mr Grandin envoie<br />

ses secousses rythmiques à coup de sons venus du fin fond de l’Afrique<br />

ou de beats mâtinés d’une drum’n bass des ténèbres. Son truc préféré, des<br />

grosses basses et du synthé. L’explorateur de sonorités enregistre un live<br />

audio les deux soirs à la Dynamo. Le meilleur moyen de connaître cet univers<br />

est de mettre les deux pieds dedans. Attention, on n’en sort pas indemne.<br />

Les 21 et 22.02, 20h, Dynamo, gratuit<br />

tHe tiPtonS Sax quartet and drumS<br />

[jaZZ festif]<br />

4 femmes qui ont du souffle et un homme qui suit à la baguette. The Tiptons<br />

Sax quartet and drums n’a pas seulement un line-up iconoclaste dans le<br />

monde du jazz piqué à la testostérone. Il a aussi le mérite d’emballer tout<br />

de suite l’affaire, histoire de ne pas cloisonner le genre musical dans un bel<br />

emballage d’objet contemplatif. Ce quartet + 1, formé en 1991 entre Seattle<br />

et New York, élargit les champs musicaux : improvisations, airs populaires<br />

venus du monde entier, soul, funk... Les quatre saxophonistes, Amy Denio<br />

en tête, déroulent une musique festive, inventive et libertaire. On se précipite<br />

au club du Mandala, d’autant que le groupe se fait rare dans nos contrées<br />

européennes.<br />

Le 22.02, 21h30, Mandala, 6/9 €<br />

aGnèS biHl<br />

[chanson française]<br />

Agnès est une blonde vitaminée au rouge à lèvre pétillant, qui dynamite le<br />

petit monde parfois planplan de la chanson française. Arrangements pour<br />

accordéon, piano et orchestre, qui sonnent un peu comme la rue Ketanou,<br />

accompagnent les textes poétiques, et drôlement engagés, de la chanteuse-féministe.<br />

Un coup aux côtés des communistes, dans les colonnes<br />

de L’Humanité, un autre sur les bancs de la Ligue des droits de l’Homme,<br />

Agnès Bihl chante sur tous les fronts, non sans ironie. Son dernier album,<br />

Rêve Général(e), célèbre ce regard habile et taquin sur la société, la politique...<br />

la vie quoi !<br />

Les 23 et 24.02, 21h30, Bijou, 12/15 e<br />

triCot maCHine + HelluvaH<br />

[PoP rock]<br />

Ces gentils trentenaires venus de la Belle Province tricotent des mots et du<br />

sens dans leurs comptines bariolées, au charme vintage. Tricot Machine a<br />

explosé en 2007 pour son premier album. Couple à la scène comme dans<br />

la vie Catherine et Mathieu, ce serait un peu les Rita Mitsouko sans guitare<br />

électrique, qui auraient rencontré Mathieu Boogaerts et Les Deschiens.<br />

Piano délicat, voix claire, tout semble un peu joyeux, éthéré, jamais violent,<br />

dans La prochaine étape, leur troisième disque. On ne cache pas que<br />

leur léger accent québécois ajoute au charme, et devrait d’emblée briser<br />

la glace avec le public français. Conviés pour la session Ladies First de<br />

Jerkov, le couple sera suivi de Helluvah, révélée par son album Emotion Pills<br />

et sa tournée avec « Les femmes d’en mêlent ». La voici qui revient avec<br />

Tricot Machine<br />

un 2 e opus, As we move silently, aux accents<br />

plus rock que folk. Finies les prestations solo,<br />

celle que certains rapprochent de PJ Harvey ou<br />

Shannon Wright, tourne désormais avec de vrais<br />

zicos, pour un son plus lourd.<br />

Le 27.02, 20h, Connexion Café, 3 € pour les<br />

filles, 6 € pour les garçons<br />

giedré<br />

[chansons crues]<br />

Un soir, le programmateur d’un influent festival de<br />

chanson française félicita Giedré de son concert<br />

et lui proposa de figurer dans sa prochaine édition.<br />

Le bonhomme s’empressa d’ajouter : « Mais<br />

n’as-tu jamais songé de temps en temps à chanter<br />

autre chose que des histoires de vomi et de<br />

gens morts ? » Petite blonde aux yeux clairs, coiffée<br />

en couettes tendance club Dorothée, Giedré<br />

écrivit en réponse « Jolie chanson ». Une tordante<br />

comptine qui (forcément) dérape toutes les deux<br />

secondes, entre sodomisation de hamster et viol<br />

de clodo. Pas question pour la Lituanienne de<br />

demander pardon : d’une moue rieuse, elle balaie<br />

les détracteurs pour qui elle donne dans la provoc’<br />

gratuite. L’autocensure, c’est niet. « Pisser<br />

debout », « Les petits enfants », « L’amour à l’envers<br />

» façonnent son personnage d’Alice au pays<br />

des poubelles, comme elle a pu se décrire. De<br />

ce contraste entre physique de gamine en robe<br />

rose et paroles perverses, entre mélodies douces<br />

et violence du texte, naît toute la profondeur de<br />

Giedré. Gratuite ou non, sa provoc’ est surtout<br />

hilarante.<br />

Du 28.02 au 1.03, 21 h 30, Le Bijou, 15/12 €<br />

natalie deSSay et<br />

PHiliPPe CaSSard<br />

[récitaL]<br />

Pour ce récital exceptionnel, intitulé Mélodies,<br />

Natahlie Dessay entonne les œuvres de Claude<br />

Debussy mais aussi de Duparc, Chausson,<br />

Chabrier. La star française, profite ainsi de l’anniversaire<br />

des 150 ans de la mort de Debussy pour<br />

retrouver le charme de ses chansons et mélodies<br />

poétiques. Elle en a fait un disque Au Clair de<br />

Lune et une tournée avec au piano, un spécialiste<br />

du compositeur français, Philippe Cassard. Cette<br />

promenade lyrique de deux heures, légère, délicate,<br />

guidée par la voix claire de Natalie Dessay,<br />

sera aussi ponctuée de pièces pour piano solo<br />

de Debussy et Fauré.<br />

Le 28.02, 20h, Halle aux Grains, 28 à100 €<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 49<br />

© David Dain & Didier Fraisse


en famille<br />

uN ploNgeoN au muséum<br />

boire un verre d’eau ? facile, il suffit d’ouvrir le robinet… Pourtant, l’eau n’est pas<br />

accessible partout dans le monde. elle est même souvent rare, chère et polluée. Pour faire<br />

passer le message à nos enfants, rendez-vous au muséum. Par karine Jamin<br />

le VI e Forum mondial de l’eau se<br />

déroule en 2012 en France. Le<br />

Muséum de Toulouse n’est pas<br />

passé à côté de l’occasion de<br />

nous faire faire un grand plongeon aquatique.<br />

2012 sera liquide à tous les étages du musée.<br />

Rencontres, ateliers, conférences mais surtout la<br />

grande expo thématique de l’année sobrement<br />

intitulée « Eau, l’expo », inaugurée en février dans<br />

le sous-sol du musée. Ça tombe bien, on parle<br />

d’une ressource qui se situe à nos pieds ! Trois<br />

atomes seulement (H 2 O) et la capacité d’être<br />

partout à la fois. L’eau, c’est la pluie, les fleuves,<br />

les océans mais aussi l’intérieur de nos cellules…<br />

Trois lettres à l’origine de la vie, mais aussi source<br />

de destructions.<br />

du multimédia<br />

Autant dire que pour mettre sur pied cette<br />

exposition, il y avait beaucoup d’informations à<br />

50 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

hiérarchiser. Pari gagné à travers trois grands<br />

espaces : « l’eau et la vie », « l’eau et les<br />

hommes » et « l’eau et les sociétés ». Un beau<br />

voyage qui se décline au fil d’un fleuve. Il n’y a<br />

plus qu’à se laisser glisser. On déambule le long<br />

de ce parcours sculpté, inspiré des formes naturelles<br />

dessinées par les vagues : des sinuosités,<br />

des élévations stratifiées, des berges érodées...<br />

Ces beaux décors, qui s’approchent si près du<br />

réel, ont été réalisés en bois et… en carton ! Pas<br />

question de gaspiller, ici on réfléchit en termes<br />

d’éco-responsabilité et de recyclage !<br />

Le long des berges de ce fil rouge qu’est le<br />

fleuve, des boîtes en bois de toutes les formes<br />

renferment des trésors d’interactivité. De quoi<br />

découvrir des infos primordiales : 70 % de la<br />

surface de la Terre est recouverte d’eau… Plus<br />

de 97 % de cette eau est salée… Saviez-vous<br />

que les ondes sonores s’y propagent à une<br />

vitesse cinq fois plus grande que dans l’air ? Pas<br />

vraiment « le monde du silence » que l’on croit...<br />

Et la visite réserve d’autres surprises. Comme<br />

ces 70 petits spécimens aquatiques à découvrir,<br />

et quelques grosses prises aussi : le 17 février<br />

il sera question de calamar géant aux Champs<br />

libres du musée.<br />

de l’éco-conception<br />

De ce plongeon, on ressort avec les idées rafraîchies<br />

et des réponses claires sur cette denrée rare<br />

et précieuse. Avec quelques envies d’agir aussi,<br />

inspirés par les carnets de voyage de Gwenael<br />

Prié et Lionel Goujon, partis un an autour du<br />

monde, dans les pays en développement pour<br />

rendre compte de projets concrets dans le secteur<br />

de l’eau. Pour ceux qui n’auraient pas encore<br />

émergé, on peut jouer la carte de l’interactivité sur<br />

le blog « l’eau é-moi », où sont mises en avant les<br />

photos de tout un chacun sur la thématique de<br />

l’eau. On n’est pas près de refaire surface.<br />

EAU, L’EXPO<br />

18.02 au 30.12<br />

Muséum d’Histoire<br />

Naturelle<br />

35 allées Jules-<br />

Guesde<br />

05 67 73 84 84<br />

www.museum.<br />

toulouse.fr<br />

8 e / 5 e exposition<br />

permanente<br />

+ temporaire<br />

blog :<br />

leauemoi.tumblr.com<br />

© Fotolia


aPrès L’écoLe<br />

S’il n’est plus l’attribut indispensable qu’il a été, le nez rouge persiste<br />

encore sous la forme d’un festival. Altigone remet le couvert pour une 17 e<br />

édition pleine de couleurs. Et pas besoin de sous-titres pour comprendre<br />

l’humour des compagnies lointaines tels les Ukrainiens de Mimirichi, déjà<br />

acclamés l’an dernier, avec Plastic Fantastic. Seront de la partie Courtmiracles<br />

du Boustrophédon, Matin des élèves du Lido, ou des trios de<br />

clowns espagnols, pour propager le rire jusque dans nos carcasses refroidies<br />

par l’hiver. \ Mathilde Raviart \<br />

Du 01.02 au 11.02, Altigone, St-Orens, 4 à 19 e, 05 61 39 17 39<br />

L’homme sans tête<br />

Il nous arrive d’avoir la tête dans les nuages ou d’être tête en l’air, mais<br />

nous avons une tête. Nestor Tampion, lui, n’en n’a pas ! Plutôt embêtant<br />

pour se faire des amis ou trouver du travail. L’histoire de ce petit bonhomme<br />

à la recherche d’une identité est née de l’imaginaire de Lionel<br />

Le Neouanic dans un album aux éditions du Seuil jeunesse. Le voici<br />

adapté sur la scène du TPN par Agnès Buffet et Lionel le Neouanic,<br />

deux artistes prêts à rassembler théâtre, musique et chants. Sans prise<br />

de tête ! \ M. R. \<br />

Du 14.02 au 18.02 et du 21.02 au 25.02, 15h, TPN, 05 62 21 51 78,<br />

à partir de 5 ans<br />

roCk the CasBah<br />

Malgré le règne des ordis, logiciels et autres vocoders, le bon vieux rock<br />

gratté sur une guitare électrique n’a pas perdu son aura auprès des ados.<br />

La Boîte à Outils l’a bien compris, en organisant sa session Rock the<br />

Casbah pendant les vacances. Le but : créer en une semaine un vrai<br />

groupe, apprendre à travailler ensemble, à s’écouter, à maîtriser le matériel,<br />

à tourner un clip en stop motion. À la fin de la session, un concert<br />

sera organisé. Seul impératif : apporter son instrument (basse, guitare,<br />

piano, batterie…)<br />

Du 20.02 au 24.02, limité à 10 places, de 10 à 15 ans,<br />

250 e la semaine, La Boîte à Outils, 05 61 99 24 33<br />

Ça C’est fÉe !<br />

Ellébore, petite fée vivant dans le monde merveilleux de la magie et des<br />

paillettes, ne supporte plus son univers dégoulinant de froufrous et de<br />

rose. Elle, c’est sorcière qu’elle voudrait être. Ça c’est fée est une habile<br />

pichenette théâtrale lancée au déterminisme sexué des contes de fée,<br />

qui imposent, presque autant que les magazines féminins, un idéal de<br />

petite fille de préférence sage et en attente de son prince charmant. En<br />

s’attaquant à la question du genre, la Cie Rend toi compte bousculent les<br />

belles illusions sexistes dans lesquelles grandissent les fillettes.<br />

Du 21.02 au 10.03, 6 e,11h ou 15h, Théâtre du Grand Rond,<br />

05 61 62 14 85, à partir de 7 ans<br />

© Raphael Kann festiVaL nez roUGes<br />

nez rouges<br />

Le 7.02<br />

<strong>Spirit</strong> passe<br />

à la télé !<br />

Le<br />

caractère<br />

urbain<br />

retrouvez SPIRIT<br />

chaque mois dans<br />

le comptoir de l’info sur tLt,<br />

sur le canal 20 de la tnt<br />

et www.teletoulouse.fr


chroniques LIVRES<br />

l’amour dans Le sang<br />

Comme nombre<br />

d’écrivains avant elle,<br />

Michèle Gazier a voulu<br />

réunir ses souvenirs,<br />

bien vivaces, du premier<br />

homme qu’elle ait<br />

aimé. Il vient de mourir<br />

et elle veut le faire vivre<br />

encore : son père.<br />

Engagé à 17 ans dans<br />

la guerre d’Espagne, il<br />

a connu « la Retirada,<br />

ce moment où ses<br />

compagnons et lui se<br />

sont dit que c’était<br />

fichu pour eux, que<br />

Franco avait gagné ». Pendant<br />

des années, on ne parlera plus<br />

espagnol dans le foyer de celui<br />

que sa fille appelle « l’homme<br />

à la canne grise ». Par petites<br />

touches, avec une pudeur<br />

émouvante, l’auteur raconte<br />

un parcours où rien n’est banal<br />

puisqu’il y a derrière une belle<br />

âme. « Ce qu’on ne dit pas<br />

avec des mots n’existe pas<br />

vraiment », écrit-elle. Ce que<br />

l’on couche dans un livre, ne le<br />

grave-t-on pas en quelque sorte<br />

dans le marbre ? \ I. D. \<br />

L’homme à la canne grise /<br />

Michèle Gazier / Seuil / 15 €<br />

le PoCHe<br />

du mois<br />

52 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

double mixte<br />

« Ce roman est moins un livre sur le<br />

tennis que sur le mariage - un sport<br />

légèrement différent, » prévient d’emblée<br />

Lionel Shriver. À New York, Willy,<br />

joueuse professionnelle, rencontre<br />

Eric, tennisman dilettante et plus que<br />

doué. Coup de foudre, mariage, le<br />

match peut commencer. Le lecteur compte les points, il est prêt à<br />

monter au filet s’il le faut et pare aux revers de Willy et Éric. Et tout ça,<br />

on précise, sans forcément s’intéresser au tennis. C’est dire si l’auteur<br />

de Il faut qu’on parle de Kevin et La double vie d’Irina, ne décevra pas<br />

ses adeptes avec son histoire de couple. On est troublé, voir bousculé,<br />

par cette femme et cet homme qui nous sont familiers, par ce mariage<br />

qui se gagnera ou se perdra aux point(g)s. C’est férocement drôle<br />

ou drôlement féroce, selon que l’on se tient sur le cours ou dans les<br />

tribunes ! \ I. D. \<br />

Double faute / Lionel Shriver / J’ai Lu / 7, 70 €<br />

attente amoureuse<br />

Que peut-on dire à une femme<br />

aimée qui ne vous aime pas ?<br />

Quels seront les mots d’Adrien,<br />

quand, enfin, Louise le rejoindra<br />

sur cette place où il l’attend<br />

depuis un peu trop longtemps.<br />

Éloge du désir, qui ne cherche<br />

pas forcément à être assouvi<br />

mais à rester, cette histoire<br />

nous raconte un homme qui ne<br />

cède pas. Car bientôt, l’attente<br />

d’Adrien en suscitera d’autres,<br />

et c’est toute une cohorte<br />

« d’agités », politiques, artistes,<br />

universitaires, syndicalistes,<br />

qui défilent sur la place où notre<br />

héros a pris ses quartiers. On<br />

voudrait le corrompre, le détourner<br />

de son espoir d’étreindre<br />

celle qu’il appelle « sa Gracieuse<br />

» mais, heureusement,<br />

Adrien n’a que faire de la vraie<br />

vie tant elle est désolante. Il lui<br />

préfère la déraison et c’est là<br />

toute sa sagesse…\ I. D. \<br />

Place de la Trinité / Alain<br />

Monnier / Flammarion / 19 €<br />

deux ou trois choses<br />

qu’eLLe sait de Lui<br />

Elle a 19 ans et lui, pas loin du double. Elle étudie la philosophie,<br />

il est À bout de souffle. Il vomit le bourgeois, elle aurait<br />

pu en être l’incarnation même. Anne Wiazemsky raconte<br />

l’amour selon Jean-Luc Godard. Jaloux, exclusif, enfantin<br />

et grave. Elle dévoile au jour le jour, la passion en marche<br />

qui porte son échec tant ces deux-là s’aiment pour de faux.<br />

Pour l’épate ou se sentir vivant. On sera surpris par la mémoire<br />

d’Anne Wiazemsky, les détails d’une histoire du passé<br />

qu’elle relate comme si c’était hier. On est là, avec eux, on<br />

entend réellement la voix du cinéaste du Mépris, cette figure<br />

qui peinturlure de bleu Pierrot le fou et bien plus, la mémoire<br />

de tous ceux qui se sont vus perdus, tout comme lui, et<br />

préfèrent l’ignorer, mais ne l’oublient pas. \ I. D. \<br />

Une année studieuse / Anne Wiazemsky / Gallimard / 18 €


plapla<br />

Pinky<br />

Saluons la première production<br />

discographique pour Plapla<br />

Pinky ! Elle nous arrive sous la<br />

forme radicalement éclectronique<br />

d’un ep de six titres. Pourtant,<br />

on ne peut pas parler de<br />

coup d’essai, tant le duo travaille<br />

à ce projet depuis plusieurs années,<br />

à travers des recherches<br />

complexes et audacieuses.<br />

Se revendiquant autant de<br />

Booba que de Stockhausen,<br />

Raphael Hennard et Max Denuc,<br />

ils façonnent leurs textures<br />

sonores oubliant les samples<br />

au profit de véritables créations<br />

qu’elles soient analogique ou<br />

numérique. Et s’ils refusent<br />

l’étiquette « expérimental », les<br />

influences puisent autant dans<br />

la musique contemporaine,<br />

la noise, ou la dance au sens<br />

industriel du terme. Adeptes<br />

des lentes montées harmoniques,<br />

les morceaux, tous très<br />

différents, ont cette particularité<br />

d’évoquer des climats souvent<br />

angoissant et stridents, agressifs<br />

parfois, un peu à l’image des<br />

B.O. de ces films à suspense<br />

qui s’étalent en noir et blanc.<br />

Ambiances de cathédrales,<br />

basses ultra profondes, rythmiques<br />

volontairement ralenties<br />

ou accélérées, le décor est<br />

planté, nous ne sommes pas là<br />

pour rigoler. \ T. D. \<br />

Plapla Pinky / Sonore / 12 €<br />

tugaN sokhiev<br />

SPeeCH debelle<br />

Jeune rappeuse anglaise, Speech Debelle revient toute auréolée d’un Mercury<br />

Music Prize acquis en 2009 pour la sortie de son premier album. Reconnaissable à<br />

son flow si particulier et à sa petite voix qui oscille volontiers, elle s’oriente davantage<br />

vers une œuvre généraliste, faite de chansons, orchestrée autour d’écrits aux<br />

accents révolutionnaires qui ont beaucoup secoué l’Angleterre l’été dernier. Kwes<br />

(Micachu, Damon Albarn, Dels, The XX), son producteur fraîchement signé chez<br />

Warp, est pour beaucoup dans le résultat final de ce deuxième opus « Freedom of<br />

Speech ». Réalisé uniquement à l’aide d’un laptop et d’un clavier Midi, les musiques<br />

y sont souvent douces, naïves parfois, progressives, voire « FM » (« I’m With It »). Le<br />

genre d’exercice périlleux qui peut vous attirer les foudres des puristes d’un mouvement<br />

prompt à défendre des valeurs qui sentent le vieux drap. Artiste hip-hop,<br />

Speech Debelle l’est pourtant bel et bien, même si son disque va au-delà du genre,<br />

et en bouscule les codes et règles. \ T. D. \<br />

Freedom of speech / Big Dada rec. / 13 €<br />

Vous connaissez sans doute Le Lac des Cygnes et le<br />

superbe Concerto pour violon, Black Swan de Darren<br />

Aronofsky ou Le Concert de Radu Mihaileanu à l’écran. Il y<br />

a aussi à l’opéra Eugène Onéguine et La Dame de Pique…<br />

Piotr Ilyich Tchaikovsky (1840-1893) est certainement l’un<br />

des compositeurs qui a su le mieux frapper nos cordes<br />

sensibles et traduire les vicissitudes de l’âme humaine, tout<br />

genre musical confondu. À la tête de l’Orchestre national du<br />

Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev poursuit sa passionnante<br />

exploration de l’univers de ce compositeur russe, et<br />

sait déployer dans cette Symphonie n°5 toute sa sensibilité<br />

pour traduire le poids tragique et le destin implacable mis<br />

en œuvre dans la partition. Faisant sonner somptueusement<br />

l’Orchestre - splendeur des cordes et de l’harmonie<br />

en particulier -, il parvient à traduire dans cette marche à<br />

l’abîme, la hantise du fatum. Après une saisissante N°4,<br />

déjà parue chez Naïve, on attend avec impatience le cycle<br />

complet des symphonies. \ Laurent Sorel \<br />

Tchaikovsky, Shostakovich / Naïve / 16 €<br />

le Cd<br />

du mois<br />

chroniques cd<br />

JoaN<br />

sutherLand<br />

Elle nous a quittés sans faire<br />

de bruit en octobre dernier…<br />

La Stupenda, comme on la<br />

qualifiait, elle qui était si peu<br />

diva, mais qui sut, tout comme<br />

Maria Callas, révolutionner l’art<br />

du chant. Il est donc urgent<br />

de se précipiter sur cet album,<br />

gravé en 1960, conçu comme<br />

un hommage aux cantatrices du<br />

passé que la soprano australienne<br />

affectionnait particulièrement<br />

(Malibran, Patti, Melba…).<br />

Attention « collector » ! L’édition<br />

est limitée, merveilleusement<br />

illustrée. On y retrouve la galerie<br />

saisissante des héroïnes qu’elle<br />

a incarnées aux quatre coins du<br />

monde : Lucia et Norma en tête,<br />

Elvira des Puritains, Amina de<br />

La Somnambule ou Sémiramis.<br />

Tout le bel canto est ici : fidélité<br />

absolue à la musique, technique<br />

infaillible, pyrotechnie aérienne<br />

dans l’aigu, brillant du timbre,<br />

apesanteur et virtuosité. Elle<br />

s’empare du répertoire français :<br />

Lakmé, Marguerite, Juliette<br />

ou Ophélie. Et pour ceux qui<br />

seraient tentés de poursuivre en<br />

sa compagnie, Decca ressort<br />

à petit prix l’intégrale de ses<br />

récitals en studio. Sutherland ou<br />

le bonheur de chanter. Un régal<br />

pour l’auditeur. \ L. S. \<br />

The Art of the Prima Donna /<br />

Chœurs et Orchestre du Royal<br />

Opera House Covent Garden,<br />

dir. Francesco Molinari-Pradelli /<br />

Decca / 22 €<br />

Le caractère urbain <strong>Spirit</strong> • 53


plan rapproché<br />

pour vivre heureux,<br />

vivons ensembLe<br />

quand Dominique et Renée Gilbon<br />

se sont installés au hameau de<br />

Mange-Pommes, à Ramonville,<br />

l’habitat participatif n’était pas<br />

encore à la mode. Pire, pour les élus, le concept<br />

n’existait pas. Quelques réalisations essaimaient,<br />

ça et là, en banlieue parisienne, ou encore à<br />

Lacroix-Falgarde, au sud de Toulouse. « Cette<br />

idée relevait des bases post-soixante-huitardes et<br />

alternatives », explique le retraité de 67 ans. C’est<br />

dans cette mouvance que Mange-Pommes a vu<br />

le jour. Plusieurs familles ont souhaité partager un<br />

territoire et des valeurs, au premier rang desquelles<br />

la solidarité et le respect de l’environnement, à travers<br />

la construction de maisons écologiques.<br />

Quand le couple s’y installe en 1985, il prend<br />

le projet en marche. Une dynamique se met en<br />

place autour d’espaces verts communs, de tondeuses<br />

à gazon et de fêtes partagées. « C’était<br />

un espace des possibles. » Dominique Gilbon<br />

n’est pas arrivé là par hasard. Toute sa vie a<br />

été marquée par l’anarchisme et le militantisme<br />

chrétien, dont la rencontre avec l’abbé Pierre fut<br />

l’élément déclencheur. Dominique est passé par<br />

le séminaire de Brignol près d’Orléans, avant de<br />

prendre ses distances avec le clergé. Il devient<br />

objecteur de conscience dans un bidonville de<br />

Noisy-le-Grand où il rencontre sa future femme,<br />

Renée, alors assistance sociale. « Un jour,<br />

nous sommes allés voir l’abbé Pierre, que nous<br />

connaissions, car nous ne supportions plus la vie<br />

au bidonville. Mais nous souhaitions continuer<br />

54 • <strong>Spirit</strong> Le caractère urbain<br />

à partager le mode de vie des plus précaires.<br />

L’abbé nous a aidés à nous installer dans la<br />

cité d’urgence de Bordelongue, à Toulouse, en<br />

1967 », raconte Renée.<br />

la HantiSe du quartier dortoir<br />

Aujourd’hui, ces militants chrétiens devenus<br />

agnostiques ont gardé le goût de la vie en communauté.<br />

Même si l’expérience de Bordelongue<br />

s’est avérée plus difficile que prévu, ils sont<br />

toujours revenus à l’idée d’un habitat en collectivité.<br />

Après des allers-retours entre Orléans et<br />

Toulouse, et d’autres expériences d’autogestion<br />

collective, ils s’installent définitivement dans la<br />

ville rose dans les années 80. En scolarisant leurs<br />

enfants à l’école de La Prairie « qui respecte les<br />

rythmes de l’enfant et utilise la méthode active »,<br />

ils s’inscrivent dans un mode de vie alternatif<br />

avec d’autres parents. C’est à ce moment qu’ils<br />

se joignent au projet de Mange-Pommes.<br />

Aujourd’hui, la moitié des quinze familles du<br />

départ vit toujours là. L’entraide est monnaie courante,<br />

que ce soit pour du dépannage matériel ou<br />

pour héberger les amis du voisin. « Nous avons<br />

plus des rapports amicaux que de simple voisinage<br />

», lâche Dominique. Mais, après 26 ans, il<br />

regrette que l’esprit collectif ait été grignoté par<br />

l’individualisme. Quelques habitants ont installé<br />

des clôtures et une pancarte « propriété privée ».<br />

Quant à la salle collective, « elle n’est toujours pas<br />

terminée. Mais on vient de relancer les travaux ! ».<br />

Désormais conseiller municipal d’Europe Ecologie<br />

dominique gilbon est un pionnier de l’habitat<br />

participatif, bien avant qu’il ne devienne<br />

un étendard à la mode. installé depuis 26 ans<br />

au hameau de mange-Pommes, à ramonville,<br />

il revient sur ses expériences et s’engage<br />

dans les nouveaux projets toulousains. Portrait<br />

à l’avant-garde. Par armelle Parion - Photo de elise boularan<br />

les Verts à Ramonville, Dominique développe<br />

d’autres initiatives citoyennes avec l’association<br />

Caracole. Ainsi, un nouveau projet d’habitat<br />

groupé porté par huit familles, est né. Il sera<br />

mitoyen de Mange-Pommes. Enthousiaste, le<br />

retraité en suit de près les étapes, jamais avare<br />

de quelques conseils. « Il faut se mettre d’accord<br />

tout de suite sur les règles de vie. Sinon,<br />

des résistances se réveillent et le projet peut<br />

perdre de son sens », prévient-il. Sa hantise ?<br />

« Qu’on devienne un quartier dortoir !». Si le sujet<br />

est devenu à la mode, Dominique regrette qu’il ait<br />

« fallu tant de temps pour se rendre compte que le<br />

lien social se délitait. J’ai un brin de scrupule aussi,<br />

car cela veut dire qu’on n’a pas su véhiculer le message.<br />

On était sûrement trop dans notre bulle ».<br />

QuelQues Projets touLousains<br />

Malgré la pénurie de terrains et la difficulté des montages financiers,<br />

l’habitat participatif se développe dans l’agglomération.<br />

L’habitat groupé du Canal devrait sortir de terre au printemps<br />

2013. Il comprend un immeuble bioclimatique avec cloisons en<br />

terre crue et inertie thermique, les futurs habitants partageront<br />

voitures, machines à laver et chambres d’amis. Le futur éco quartier<br />

de la Cartoucherie devrait accueillir, en 2014, un immeuble où<br />

étudiants, familles et personnes âgées se côtoieront, avec des<br />

jardins partagés et une terrasse commune sur les toits. À Bellefontaine<br />

25 logements d’habitat participatif sont prévus. Le projet,<br />

accompagné par un bailleur social, vise la mixité.

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