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Pierre Cardin, soixante années de futur - Patrick Remy STUDIO

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1<br />

Photos : Archives <strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong> (4) ; Jérôme Faggiano et Nils Herrmann (3).<br />

AD STARS DE LA DÉCO<br />

<strong>Pierre</strong><br />

<strong>Cardin</strong>,<br />

<strong>soixante</strong><br />

<strong>années</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>futur</strong><br />

2 NOVEMBRE 2010<br />

Symbole <strong>de</strong>s <strong>années</strong> 1970 et d’une<br />

certaine vision du <strong>futur</strong>, <strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong><br />

fête cette année <strong>soixante</strong> ans <strong>de</strong> création.<br />

Retour sur un parcours visionnaire qui<br />

excite <strong>de</strong> nouveau les collectionneurs.<br />

Par <strong>Patrick</strong> <strong>Remy</strong><br />

Une vision d’avant-gar<strong>de</strong>, une obsession du <strong>futur</strong> rare, une technique<br />

<strong>de</strong> vente irréprochable : <strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong> a assurément<br />

marqué son époque, <strong>de</strong>s <strong>années</strong> 1960 à la fin <strong>de</strong>s <strong>années</strong> 1970.<br />

Né en Italie en 1922, il arrive à Paris en 1945 et <strong>de</strong>vient, après<br />

un passage chez Paquin et Schiaparelli, premier tailleur chez<br />

Christian Dior. En 1949, il quitte le maître pour monter sa propre entreprise<br />

<strong>de</strong> costumes <strong>de</strong> théâtre avant <strong>de</strong> présenter sa première collection en juillet<br />

1953. Le reste appartient à la légen<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réussites ma<strong>de</strong> in France, avec ses<br />

succès et ses aigreurs.<br />

<strong>Cardin</strong> est un monument, en tout cas un <strong>de</strong>s Français les plus connus à<br />

l’étranger. Et pas seulement pour sa mo<strong>de</strong>. Car, touche-à-tout, collectionneur<br />

invétéré d’antiquités, nostalgique <strong>de</strong>s après-midi qu’il passait chez le<br />

père menuisier d’un <strong>de</strong> ses camara<strong>de</strong>s, il a fait <strong>de</strong> la décoration un <strong>de</strong> ses<br />

domaines d’activité intense. Créer un mon<strong>de</strong> novateur tourné vers le <strong>futur</strong>,<br />

tel était son credo. Barbarella flirtant avec Boulle…<br />

Au départ qualifiées d’« expériences », ses boutiques sont <strong>de</strong>venues <strong>de</strong> véritables<br />

lieux <strong>de</strong> création qui marqueront leur époque. Il faut dire que <strong>Pierre</strong><br />

<strong>Cardin</strong> a su s’adjoindre les talents <strong>de</strong> <strong>de</strong>signers tels que Maria Pergay, Serge<br />

Manzon, Francesco Bocola, Clau<strong>de</strong> Prevost, François Cante-Pacos, Giacomo<br />

Passera, Boris Tabacoff et bien d’autres. Aujourd’hui l’homme s’est quelque<br />

peu retiré <strong>de</strong> la vie publique, le mythe peut prendre le pas sur la légen<strong>de</strong>. Ses<br />

formes et matières tant décriées <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> purs vintages. L’homme est<br />

difficile à cerner car si multiple… Voici quelques clés pour mieux le connaître.<br />

Le <strong>de</strong>sign<br />

« Quand on aime créer <strong>de</strong>s formes, il est normal<br />

qu’un jour ou l’autre on s’intéresse au meuble.<br />

Pourquoi admettre, une fois pour toutes, que<br />

c’est le domaine <strong>de</strong>s Italiens ? En France, les<br />

créateurs ne manquent pas. Encore faut-il leur<br />

en donner la possibilité, tout en leur assurant les<br />

moyens d’en vivre. Il n’est pas normal qu’à notre<br />

époque <strong>de</strong>s artistes <strong>de</strong> talent crèvent la faim<br />

dans l’indifférence générale et que les artisans<br />

soient condamnés à reproduire indéfiniment<br />

les mêmes modèles <strong>de</strong> chaises, <strong>de</strong> lampes, <strong>de</strong>s<br />

modèles du siècle passé… »<br />

2<br />

3<br />

5<br />

6<br />

1. Salon <strong>de</strong> coiffure.<br />

2. <strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong> <strong>de</strong>vant<br />

l’une <strong>de</strong> ses sculptures,<br />

en 1971.<br />

3. Meuble télévision<br />

en Plexiglas, Francesco<br />

Bocola, 1971-72.<br />

4. Cabinet Coquelicot<br />

en bois laqué, 1979-80.<br />

5. Décoration intérieure<br />

<strong>de</strong> Maxim’s à Paris, avec<br />

la lampe Éclair et la<br />

table <strong>de</strong> Serge Manzon.<br />

6. Le palais Bulles,<br />

<strong>de</strong>ssiné par Antti Lovag<br />

en 1975.<br />

Le studio <strong>de</strong> création<br />

En 1970, il ouvre son studio au sein <strong>de</strong> l’espace<br />

<strong>Cardin</strong>, sous la direction d’Alain Carré, qui<br />

accueille <strong>de</strong> nombreux jeunes <strong>de</strong>signers, souvent<br />

élèves <strong>de</strong> Jean Prouvé ou <strong>de</strong> Roger Tallon. Ils<br />

y créeront une multitu<strong>de</strong> d’objets griffés <strong>Cardin</strong> :<br />

montres, bijoux, papiers peints, poussettes,<br />

stylos, cendriers, briquets, chaises, cuisines,<br />

tables et bureaux… Un certain Philippe Starck<br />

y passera. Lucile Roybier, qui y travailla <strong>de</strong> 1976<br />

à 2003, se souvient : « Nous étions entre cinq<br />

et sept, cela dépendait <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s.<br />

On était, bien sûr, complètement dépendants<br />

<strong>de</strong> monsieur <strong>Cardin</strong>, et on était sur plusieurs<br />

projets à la fois. C’était très varié ! Au départ,<br />

on travaillait beaucoup avec les artisans<br />

du faubourg Saint-Antoine ; puis il a ouvert son<br />

propre atelier à Saint-Ouen. Nous avions une<br />

très gran<strong>de</strong> liberté <strong>de</strong> création que cela soit dans<br />

les formes, matériaux et même dans les budgets.<br />

Puis on lui présentait <strong>de</strong>s maquettes, il aimait<br />

beaucoup voir les maquettes. Il n’y avait pas<br />

d’influence extérieure ! »<br />

Les lieux<br />

Il y eut la galerie Évolution, plus <strong>de</strong> 1 000 m 2,<br />

ouverte le 18 octobre 1977, au 72 <strong>de</strong> la rue<br />

du Faubourg-Saint-Honoré, dont il ne reste<br />

plus aujourd’hui que les vitrines, vi<strong>de</strong>s… Dans<br />

la même rue, au 82, face à l’Élysée, <strong>Cardin</strong><br />

installa un autre espace avec, tout près, rue <strong>de</strong><br />

Duras, <strong>de</strong>ux autres boutiques, occupées par <strong>de</strong>s<br />

« sculptures utilitaires » et <strong>de</strong>s meubles, dont<br />

un échiquier, superbe, et quelques œuvres<br />

<strong>de</strong> Serge Manzon ou <strong>de</strong> Yonel Lebovici. Il<br />

y a aussi le légendaire Espace <strong>Cardin</strong>, qui fut<br />

un <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> l’avant-gar<strong>de</strong> parisienne<br />

et reçoit toujours quelques manifestations.<br />

Sans oublier la Rési<strong>de</strong>nce, avenue <strong>de</strong> Marigny,<br />

aujourd’hui fermée ; et le fameux palais Bulles<br />

<strong>de</strong> Théoule-sur-Mer, conçu par Antti Lovag<br />

et tant photographié, <strong>de</strong>venu un prestigieux lieu<br />

à louer pour réception et pouvant accueillir<br />

« 350 personnes en déjeuner ou dîner assis<br />

ou 500 personnes en cocktail ».<br />

NOVEMBRE 2010 / 3<br />

4


Photos : Jérôme Faggiano et Nils Herrmann (5) ;<br />

Yoshi Takata (2) ; Archives <strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong> (2).<br />

AD STARS DE LA DÉCO<br />

1<br />

2<br />

3<br />

3<br />

Pile et face<br />

« C’est idiot <strong>de</strong> placer<br />

un meuble contre<br />

un mur. Si vous vous<br />

asseyez dans un<br />

champ, vous ne vous<br />

installez pas contre la<br />

clôture mais en plein<br />

vent. Si mes meubles<br />

sont recto verso, c’est<br />

pour être vus sous<br />

tous les angles. De dos<br />

comme <strong>de</strong> face. »<br />

6<br />

Les matières<br />

Les licences<br />

<strong>Cardin</strong> est connu pour avoir vendu son nom en<br />

licence. Combien ? Le 2 juillet 2009, il précisait à<br />

l’AFP que sa griffe en comptait <strong>de</strong> 500 à 600 dans<br />

le mon<strong>de</strong>. On notera, côté déco, <strong>de</strong>s cuisines<br />

pour Bruynzeel, <strong>de</strong>s sièges pour Steiner, l’art <strong>de</strong><br />

la table pour Lafarge, <strong>de</strong>s vases pour Venini, <strong>de</strong>s<br />

lampes pour Yamada Shomei, du papier peint<br />

pour Toto, du revêtement <strong>de</strong> sol pour Gerflor,<br />

<strong>de</strong>s lavabo, bi<strong>de</strong>t et w-c pour Idéal Standard…<br />

Des voitures aussi : une Cadillac limitée à 300<br />

exemplaires – « only a master can create… a<br />

masterpiece » disait la publicité –, puis la <strong>Cardin</strong><br />

pour Sbarro (1975) – la « voiture haute couture ! » –<br />

et la Simca 1100. Et même un avion pour Atlantic<br />

Aviation Westwind Airlines Division !<br />

Le <strong>de</strong>rnier mot<br />

« Ce que je fais, avec quelques rares couturiers,<br />

c’est définir cette mo<strong>de</strong> qui, dans cinquante<br />

ans, dans cent ans, permettra <strong>de</strong> présenter la<br />

civilisation <strong>de</strong> 1970. » P.R.<br />

La cote<br />

Dans le doute, un signe distinctif : la signature, présente sur tous ses objets et<br />

meubles, marquée en très gros sur le côté ou plus discrètement au fond d’un<br />

tiroir. Ses meubles sont recherchés, d’autant qu’on en trouve peu, <strong>Cardin</strong> ayant<br />

peu vendu ses créations. Le site américain www.1stdibs.com en répertorie<br />

souvent chez les antiquaires européens ou américains. Il faut compter 1 580 à<br />

2 300 € pour une lampe ou une table basse, 4 700 € pour un buffet, 9 400 € pour<br />

un ensemble <strong>de</strong> tables et chaises.<br />

8<br />

1. Cabinet Manta, bois<br />

laqué et bronze, 1977-78.<br />

2. Lampe Éclair, Serge<br />

Manzon, vers 1978.<br />

3. Bureau Lèvres et<br />

lampe Perspex Ballon,<br />

vers 1979.<br />

4. Fauteuil Maxim,<br />

édité par Steiner,<br />

1978-79.<br />

5. La boutique <strong>Pierre</strong><br />

<strong>Cardin</strong> à Milan en 1969.<br />

6. Cabinet Paysage,<br />

vers 1980.<br />

7. Le jet Westind,<br />

entièrement <strong>de</strong>ssiné<br />

par le studio <strong>Pierre</strong><br />

<strong>Cardin</strong>, 1978.<br />

8. Collection <strong>Pierre</strong><br />

<strong>Cardin</strong>, 1969.<br />

Éditions limitées<br />

Un choix très large <strong>de</strong> matériaux. Il y a tout<br />

d’abord la laque ( jusqu’à huit couches !),<br />

Éclipse, Diamant, Éventail, Insecte, New York,<br />

comme « une peau qui donne envie d’être<br />

paravent Nuage, étagère Araignée, cabinets<br />

touchée », longtemps fabriquée dans l’usine <strong>de</strong><br />

Coquelicot et Manta, bureau Lèvres, lampe Arbre<br />

Saint-Ouen, fermée <strong>de</strong>puis pour… pollution.<br />

<strong>de</strong> vie… plus <strong>de</strong> 200 modèles sont répertoriés<br />

Et, bien sûr, le plastique. Qui, une fois passé<br />

sous ces noms évocateurs. Ils se partagent entre<br />

la ligne prêt-à-porter (« meubles utilitaires »)<br />

ou les créations sous licence ; et la ligne haute<br />

couture avec <strong>de</strong>s éditions limitées à moins <strong>de</strong> dix<br />

4<br />

<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>, sera remplacé par le bois – macassar,<br />

wengé, olivier, ébène, Tinéo du Chili… On y<br />

trouve aussi l’Altuglas découpé au laser, l’acier<br />

« métal <strong>de</strong> satin », le caoutchouc et le tissu<br />

À lire<br />

<strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong>, Évolution, <strong>de</strong> Benjamin Loyauté,<br />

65 €, éd. Flammarion.<br />

<strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong>, 60 ans <strong>de</strong> création,<br />

exemplaires. Cette <strong>de</strong>rnière comprend même<br />

utilisés en gaine ou en housse zippée, comme<br />

<strong>de</strong> Jean-Pascal Hesse, 65 €, éd. Assouline.<br />

le plus souvent <strong>de</strong>s prototypes uniques, car<br />

un habillage du mobilier – rappel du métier<br />

À voir<br />

<strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong> ayant horreur <strong>de</strong> vendre ses<br />

meubles, il affichait <strong>de</strong>s prix très élevés pour<br />

dissua<strong>de</strong>r les éventuels clients...<br />

premier du créateur. Sans oublier <strong>de</strong> luxueuses<br />

extravagances comme le sofa Tortue réalisé par<br />

Maria Pergay qui réunit 34 carapaces <strong>de</strong> tortues<br />

<strong>de</strong>s Seychelles avec doublure <strong>de</strong> cuir. Les formes<br />

sont organiques (« Ce sont <strong>de</strong>s meubles faits <strong>de</strong><br />

Le site, www.pierrecardin.com<br />

Le musée <strong>Pierre</strong> <strong>Cardin</strong>, 33, boulevard Victor-Hugo,<br />

93400 Saint-Ouen, tél. : 01 49 21 08 20. Ouvert les<br />

mercredis, samedis, dimanches <strong>de</strong> 14 heures à 17 heures.<br />

Où trouver <strong>de</strong>s créations <strong>de</strong> <strong>Cardin</strong><br />

Nicolas Denis, stand 40, allée 2, marché Paulcellules<br />

organiques qui, agglomérées les unes<br />

Bert, 93400 Saint-Ouen. www.nicolas<strong>de</strong>nis.com<br />

5<br />

aux autres, forment une nouvelle ligne ») : bustes,<br />

fentes, crêtes, vulves…<br />

Galerie Yves Gastou, 12, rue Bonaparte, 75006 Paris,<br />

tél. : 01 53 73 00 10. www.galerieyvesgastou.com<br />

Galerie Jean-<strong>Pierre</strong> Orinel, 12, rue <strong>de</strong> Lille, 75007<br />

Paris, tél. : 01 42 97 58 66. www.orinel.fr<br />

4 NOVEMBRE 2010 NOVEMBRE 2010 / 5<br />

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