Dans les sociétés… Dans les sociétés… Dans les ... - Le Temps
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Jeudi 16 Août 2012<br />
4<br />
<strong>Le</strong> <strong>Temps</strong><br />
PROXIMITE<br />
L’humoriste Lotfi Abdelli “interdit” de spectacle<br />
à Menzel Bourguiba<br />
<strong>Le</strong>s salafistes refusent<br />
un «100% HALLAL»<br />
Un nouveau soubresaut a ébranlé la nuit du mardi 14<br />
août, le paysage artistique tunisien et remet en péril la<br />
liberté d’expression artisitique.<br />
Où s’arrêtera le conflit orchestré entre l’art et le<br />
sacré?<br />
Au festival de Menzel Bourguiba, la pièce de théâtre<br />
de Lotfi Abdelli «100% HALLAL» a été tout simplement<br />
interdite par un groupe de salafistes et l’imam de<br />
la région. <strong>Dans</strong> un silence total et équivoque de la part<br />
des organisateurs du festival et du ministère de la<br />
Culture, <strong>les</strong> obscurantistes ont de nouveau frappé et<br />
font encore leur loi.<br />
Un acte scandaleux, de par son caractère saugrenu et<br />
alarmant !<br />
«100% Hallal», 100% prohibé<br />
C’était la «Nuit du destin», une nuit sacrée dans notre<br />
religion. C’était aussi, par pur hasard, la nuit où l’humoriste<br />
Lotfi Abdelli devait tourner sa pièce «Made in<br />
Tunisia 3, 100% Hallal» à Menzel Bourguiba (gouvernorat<br />
de Bizerte).<br />
Manifestation<br />
à Menzel Bourguiba<br />
Suite à l’interdiction du one-man-show,<br />
plusieurs habitants de Menzel Bourguiba,<br />
amoureux du 4ème art ou simp<strong>les</strong> citoyens,<br />
sont sortis manifester contre l’annulation du<br />
spectacle prévu dans le festival culturel de<br />
la région. ces derniers ont contesté cette<br />
nouvelle tyrannie que veulent installer <strong>les</strong><br />
extrémistes religieux pour condamner l’art<br />
et la position impassible des autorités. Tout<br />
âge confondu, hommes et femmes ont<br />
observé un sit-in pour défendre la liberté<br />
d’expression durement acquise.<br />
C’est hier qu’ils sont, entrés en grève<br />
d’une journée pour reliquat d’honoraires.<br />
Cette escalade était prévue depuis un bon<br />
moment et <strong>les</strong> médias n’arrêtaient pas<br />
d’en parler, ce qui veut dire que personne<br />
n’en est surpris pas même le ministre de<br />
la Santé Publique. Donc, surpris par la<br />
surprise du premier responsable du secteur,<br />
nous avons pris la direction du<br />
CAMU de Montfleury pour vérifier et<br />
étudier de près avec l’aide des spécialistes<br />
l’effet de cet événement, prétendument,<br />
subit sur <strong>les</strong> esprits.<br />
Des promesses indéfiniment<br />
reportées<br />
<strong>Le</strong>ur collègue, le Docteur Abdelaziz<br />
Zouari, a commencé par nous affirmer<br />
qu’il n’y a pas de surprise, étant donné<br />
que le processus s’est déclenché à partir<br />
du mois de Février 2012. « On a attendu<br />
la fin de l’année de la Révolution où on a<br />
ajourné toutes nos réclamations eu égard<br />
aux difficultés conjoncturel<strong>les</strong> très délicates<br />
par <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> passait notre pays.<br />
Au début de l’année en cours, on a<br />
estimé que le moment était propice à la<br />
revendication de notre dû, puisqu’à cette<br />
date-là, la clôture annuelle des comptes<br />
était chose faite, alors nous avons<br />
demandé, à l’administration, le règlement<br />
du reliquat des primes de garde de<br />
la période allant de Janvier au Juin 2011<br />
Avant même que la pièce ne commence, des groupes<br />
de personnes dont l’apparence vestimentaire montrait<br />
leur appartenance au mouvement salafiste, ont envahi,<br />
avant-hier soir, <strong>les</strong> lieux où devait être joué le one-man<br />
show de Lotfi Abdelli.<br />
Livres saints et tapis de prière à la main, ces personnes<br />
qui se disent «pieuses» ont squatté le théâtre, en<br />
clamant haut et fort que l’humoriste est interdit de jouer<br />
dans leur ville et que le spectacle n’aura pas lieu. Motif,<br />
la pièce porterait, selon eux, des propos blasphématoires<br />
et toucherait au sacré. Chose que Lotfi Abdelli a<br />
totalement nié. Il s’est indigné contre ces agissements<br />
qui étouffent l’art et cadenassent la liberté d’expression<br />
artistique.<br />
Silence, on ne tourne plus !<br />
Traité de mécréant et d’impie, l’artiste s’est surtout<br />
indigné contre la passivité que ce soit des forces de<br />
l’ordre ou bien celle du ministère de la Culture, du gouvernement,<br />
« Que l’on ne me parle plus de prestige de<br />
l’Etat !». Lotfi déclare que trois jours avant son specta-<br />
sachant que cette dernière nous est aussi<br />
redevable de la même prime couvrant <strong>les</strong><br />
mêmes mois de l’année 2012, affirme-til.<br />
Nous avons, alors, amorcé des pourparlers<br />
amicaux avec l’administration au<br />
mois de Février misant sur la compréhensivité<br />
de nos interlocuteurs qui ont<br />
arrêté une date pour l’épilogue de ce<br />
long feuilleton. A l’arrivée de ce rendezvous,<br />
la promesse s’est évaporée et n’a<br />
laissé que la fumée derrière elle, nous<br />
avons patienté encore un peu pour qu’on<br />
nous accuse pas d’allumer le feu, et au<br />
bout de quelque temps, nous avons perdu<br />
patience lorsque nus avons réalisé que<br />
n’avons pas avancé d’un pouce et que<br />
nous gâchions notre temps. Là, et après<br />
avoir épuisé ce moyen de recours, qui<br />
s’est avéré vain, et surtout démontré<br />
notre bonne foi à trouver une solution à<br />
l’amiable, nous nous sommes trouvés<br />
contraints de nous tourner vers notre<br />
syndicat pour essayer de mettre un terme<br />
final à notre problème qui n’a fait que<br />
trop durer, termine le Docteur.<br />
Des ouvriers à la tâche<br />
Après ces éclaircissements, il a cédé la<br />
parole à leur Secrétaire Général du Syndical<br />
Régional de Tunis des Médecins<br />
Généralistes, le Docteur Mohammed<br />
Hédi Souissi. « Nous sommes intervenus<br />
vers la fin du mois de Juin après avoir<br />
laissé nos confrères agir seuls, en restant<br />
à l’écart pendant tout ce temps tout en<br />
suivant de près l’évolution de la situation<br />
bien sûr, nous avons voulu donner une<br />
chance à une solution amicale et éviter le<br />
conflit. Mais malheureusement, l’autorité<br />
de tutelle avec toutes ses composantes<br />
nous a poussés vers un point de non<br />
retour. Dès notre entrée en scène, nous<br />
avons organisé une réunion tripartite,<br />
avec la direction du CAMU et le Directeur<br />
Régional, laquelle réunion n’a<br />
accouché de rien de tangible et de<br />
sérieux, précise le responsable syndicaliste.<br />
Devant le blocage de la situation,<br />
nous avons pris la décision de porter le<br />
brassard rouge le 19 Juillet pour afficher<br />
notre mécontentement et allumer la lanterne<br />
rouge aux autorités pour <strong>les</strong> amener<br />
à se représenter à leurs justes proportions<br />
<strong>les</strong> difficultés qu’el<strong>les</strong> risqueraient de<br />
connaître au cas où nos revendications<br />
ne seraient pas satisfaites. Cette mise en<br />
garde n’a rien donné non plus, sauf une<br />
offre très originale de la part de Monsieur<br />
le Directeur du CAMU, le 26 du<br />
mois dernier, consistant au payement des<br />
2/3 des mois de Janvier et Février 2012<br />
et un engagement à verser le 1/3 restant<br />
dans un mois. <strong>Le</strong> drôle c’est que tellement<br />
il prenait cela comme étant une<br />
vraie solution qu’il faisait venir son per-<br />
cle, l’Imam de la région aurait incité <strong>les</strong> jeunes à interdire<br />
à l’artiste de pénétrer à la ville et que l’artiste serait<br />
même condamné à mort s’il osait venir à Menzel Bourguiba.<br />
De l’autre côté de la rive, silence radio depuis.<br />
Aucune déclaration officielle qui critiquerait un acte<br />
pareil contre la liberté et la création artistique. Pire<br />
encore, le délégué de Menzel Bourguiba aurait, selon<br />
<strong>les</strong> dires du directeur du festival Fraj Hamdy, intimé<br />
l’annulation du spectacle de peur des représail<strong>les</strong>.<br />
Finalement le one-man-show de l’humoriste Lotfi<br />
Abdelli a tourné au mélodrame. Pathétique était la<br />
situation. Il semblerait que l’on est face à un Etat dans<br />
l’Etat. <strong>Le</strong> premier dicte sa loi anarchique et obscurantiste.<br />
<strong>Le</strong> second se laisse faire et laisse faire.<br />
Devrions-nous assister sans broncher à ces prémisses<br />
d’une théocratie grandissante au détriment du libre<br />
arbitre et de la création artistique émancipée ? voilà<br />
bien des questions qui taraudent actuellement artistes,<br />
citoyens et libres penseurs.<br />
Melek LAKDAR<br />
Lotfi Abdelli :<br />
«La liberté d’expression est gravement menacée !»<br />
Après son célèbre «Dégage» qui a circulé sur le net et dans lequel l’artiste s’adressait à l’ancien régime ; cette<br />
fois-ci, Lotfi Abdelli se tourne vers le gouvernement provisoire et ses détenteurs : «LEVEZ-VOUS !». <strong>Dans</strong> une<br />
déclaration radiophonique (sur <strong>les</strong> ondes de Cap fm), il se dit, ironiquement, être content que l’on soit,<br />
aujourd’hui, «dans un pays où la gouvernance n’est dans la main d’aucune autorité supérieure (ni ministère de<br />
l’Intérieur, ni celui de la Culture, ni au Chef du gouvernement) mais bien dans celle du citoyen. Tout un chacun a<br />
le droit d’envahir un poste de police, un théâtre ou autre !». Il rappelle sur <strong>les</strong> mêmes ondes, qu’il n’en est pas à<br />
sa première agression subie. «Deux semaines auparavant, <strong>les</strong> policiers se sont retirés, cette fois-ci, ils ne sont<br />
même pas là ! La prochaine fois, à qui le tour ? Il n’y a ni lois, ni Etat ni gouvernement. Aujourd’hui, la liberté<br />
d’expression vit un grand danger et est gravement en régression ! L’on vit dans un pays où l’on est terrorisé<br />
parce que l’exécution de la loi et la notion de sécurité et de liberté est totalement assujettie ! Une nouvelle dictature<br />
est en train de s’installer et <strong>les</strong> habitants de Menzel Bourguiba vivent dans la frustration et la terreur !<br />
Qu’attend le ministre de l’Intérieur pour appliquer la loi ? Ou peut-être que Menzel Bourguiba n’est pas de son<br />
ressort !»<br />
Grève d’une journée des médecins du service «Aide médicale Urgente du Nord Ouest» de Tunis<br />
Tout tourne autour du reliquat d’honoraires<br />
La réplique de l’administration du CAMU<br />
Mouldi Amamou, directeur du Centre :<br />
« Grève symbolique.<br />
Notre ministère de tutelle<br />
attend que l’Etat lui<br />
verse la somme requise »<br />
Là, c’est une grève qui avait été annoncée.<br />
C’est une grève symbolique par port de brassard<br />
rouge parce que le personnel a normalement travaillé<br />
du fait que nous sommes un service d’urgence.<br />
La cause de la contestation remonte au 29 septembre<br />
2011, à l’occasion de la parution d’un<br />
décret au Journal Officiel qui a doublé la prime<br />
de garde. Ce décret a un effet réctroactif à partir<br />
du 1er janvier 2011. A cette date, le 29 septembre<br />
2011, le budget 2011 du CAMU n’avait pas<br />
prévu cette obligation.<br />
En plus, la prévision du budget 2012 s’est faite<br />
entre juin et juillet et, donc, il n’a pas prévu non<br />
plus cette augmentation de la prime de garde.<br />
Nous avons saisi le ministère pour qu’il nous<br />
accorde <strong>les</strong> crédits complémentaires pour payer<br />
le supplément de prime de garde 2011 et 2012. Il<br />
y a eu aussi d’autres courriers, mais le ministère<br />
des Finances n’a pas encore versé cette somme<br />
au ministère de la Santé.<br />
Celui-ci n’a pas de recette propre et, donc, il<br />
attend que le ministère des Finances lui verse<br />
cette somme ».<br />
<strong>Le</strong>s pouvoirs publics donnent l’impression de se plaire<br />
dans cette nouvelle tendance à la banalisation de certains<br />
événements historiques marquants et hautement significatifs<br />
de notre pays, souvent accueillis paradoxalement<br />
avec indifférence, négligence et sans trop de cas. Tel était<br />
le cas de la Fête de l’indépendance du 20 mars, ou celle<br />
de la République du 25 juillet ; aujourd’hui encore, à la<br />
journée du 13 août, consacrée d’habitude à la commémoration<br />
de l’anniversaire de la promulgation du Code du<br />
Statut Personnel, l’indifférence était de mise, et aucun<br />
signe révélateur de fête n’était malheureusement perceptible<br />
à Djerba, comme ailleurs dans <strong>les</strong> autres vil<strong>les</strong> du<br />
pays. Rien en apparence n’a été fait pour raviver la<br />
mémoire collective et ressusciter le temps d’une commémoration<br />
le souvenir de l’avènement d’un tel exploit qui<br />
allait révolutionner de fond en comble la jeune nation<br />
naissante savourant fraîchement <strong>les</strong> délices de l’Indépendance.<br />
Mais, la société civile, toujours au rendez-vous, se<br />
substituant aux pouvoirs publics, s’est acquittée à bon<br />
escient de la besogne en tenant résolument à fêter dignement<br />
l’événement. En effet, dans ce contexte de polémique<br />
ouverte au sujet du si controversé article 28 adopté<br />
par la commission des droits et des libertés à la Constituante<br />
sur proposition d’une dizaine de constituants<br />
nahdhaouis, toujours eux, pour consacrer le principe de<br />
la complémentarité de la femme avec l’homme, l’heure<br />
était plus que jamais à la rescousse et à la mobilisation.<br />
<strong>Dans</strong> ce sens, et conformément aux objectifs qu’elle<br />
s’est assigné, en l’occurrence la consolidation des valeurs<br />
de la citoyenneté et de l’esprit civique, la promotion de<br />
la culture de la tolérance et de la solidarité entre <strong>les</strong><br />
citoyens et <strong>les</strong> groupes sociaux, la défense des libertés ,<br />
etc… l’Association Citoyenneté et Liberté a pris l’initia-<br />
sonnel le soir et le faisait travailler<br />
jusqu’à deux heures du matin pour nous<br />
préparer « l’aumône » déguisée qui sent<br />
la piété de Ramadan. Cette offre nous<br />
rappelle <strong>les</strong> pratiques entre artisans et<br />
particuliers qui, quand <strong>les</strong> travaux ne<br />
sont pas achevés et craignant le départ<br />
des premiers, gardent une somme du<br />
montant global pour <strong>les</strong> obliger à honorer<br />
leur contrat en finissant ce qu’ils ont<br />
commencé. Alors, par cette attitude à<br />
notre égard, on a l’impression qu’on<br />
nous traite comme des ouvriers à la tâche<br />
et non pas comme des médecins, commente<br />
avec humour le docteur ».<br />
Saisir le tribunal ?<br />
« Toutes ces raisons, enchaîne-t-il,<br />
nous ont menés tout droit vers le dernier<br />
recours légal et légitime, à savoir la<br />
grève, pour faire entendre notre voix,<br />
pour qu’on nous prenne un peu au<br />
sérieux et qu’on daigne, enfin, nous traiter<br />
comme des médecins. A propos de<br />
cette mesure, je tiens à préciser que nous<br />
en avons envoyé le préavis le 3 Août,<br />
c’est-à-dire avant le délai de dix jours<br />
requis et que le dépôt s’est fait avec trois<br />
décharges émanant du Ministère, de la<br />
Direction Régionale et de celle du<br />
CAMU“.<br />
Faouzi KSIBI<br />
Djerba : Commémoration du 56è anniversaire de la promulgation<br />
du Code de Statut Personnel : La société civile sauve la face<br />
tive de mobiliser l’opinion pour créer l’événement et<br />
célébrer le 56è anniversaire de la promulgation du CSP :<br />
ainsi, le 11 août, une soirée hommage a été organisée à la<br />
Maison de la Culture de Houmt-Souk, agréablement animée<br />
par des jeunes musiciens talentueux issus du conservatoire<br />
de musique Al Farabi de Houmt-Souk, et couronnée<br />
par un défilé de costumes traditionnels en usage<br />
dans l’île, représentatifs du richissime patrimoine vestimentaire<br />
insulaire, et dont M.Houcine Tobji, conservateur<br />
du musée de Guellala, a savamment et élégamment<br />
interprété <strong>les</strong> richesses et <strong>les</strong> symboliques ; le 13 août au<br />
soir, et toujours sur initiative de l’Association Citoyenneté<br />
et Liberté, jointe par d’autres composantes de la<br />
société civile et des partis politiques agissants dans l’île,<br />
nombreux étaient à répondre à l’appel au rassemblement<br />
; des citoyens des deux sexes et de différents âges<br />
se sont retrouvés à 22 heures à la même place de l’avenue<br />
Habib Bourguiba à Houmt-Souk, convertie depuis le<br />
14 janvier en un espace de rassemblement et de manifestation<br />
de masses, avant d’entamer une marche à travers<br />
<strong>les</strong> artères particulièrement animées de la ville et <strong>les</strong> placettes<br />
bondées d’hommes attablés, loin de s’attendre à un<br />
tel rassemblement mouvant. Ils brandissaient des bandero<strong>les</strong>,<br />
toutes à l’honneur de la femme, et scandaient, parcours<br />
faisant, à l’unisson et de vive voix, des slogans<br />
hosti<strong>les</strong> aux détracteurs du Code du Statut Personnel<br />
pour dénoncer ces tentatives à répétition, émanant toujours<br />
des mêmes, visant à porter préjudice aux acquis<br />
historiques et avant-gardistes de la femme tunisienne, et<br />
pour dire leur ferme détermination à contrecarrer toute<br />
velléité à l’atteinte à ses droits irrévocab<strong>les</strong>.<br />
Naceur BOUABID<br />
Tribune<br />
Budget 2013 : Quelle politique<br />
de relance choisir? Abdelhay Chouikha *<br />
<strong>Le</strong> Gouvernement Tunisien a commencé la préparation du projet de<br />
budget pour 2013. La grande question qui se pose est la suivante : estce<br />
que l’économie est sortie de sa crise ou pas encore, et faut-il donc<br />
adopter un budget de crise ou un budget normal ?<br />
Comme <strong>les</strong> statistiques sont publiées avec un certain retard, seuls <strong>les</strong><br />
responsab<strong>les</strong> du gouvernement peuvent répondre exactement à cette<br />
question. Toutefois, <strong>les</strong> indices semblent indiquer que la crise n’est pas<br />
encore passée. Donc, ce projet de budget se baserait sur des choix de<br />
politique de relance économique à court terme. Quelle sera le type de<br />
politique expansionniste à adopter ? Rappelons ici que la politique de<br />
relance vise uniquement la reprise de l’activité économique normale<br />
après une crise (rupture de la production économique) ; elle diffère de<br />
la politique à moyen et long termes qui vise à provoquer une croissance<br />
et un développement économique.<br />
Pour ce choix ,il est important de tirer <strong>les</strong> leçons des expériences<br />
d’autres pays, mais plus important encore de tirer <strong>les</strong> leçons de notre<br />
propre expérience. L’année 2011 a été instructive à cet effet. Maintenant<br />
que toutes <strong>les</strong> statistiques de 2011 (même cel<strong>les</strong> qui mesurent l’effet<br />
décalé de certaines décisions, comme l’inflation) sont disponib<strong>les</strong>,<br />
une analyse objective peut être faite de la performance de la politique<br />
de relance économique entreprise en 2011.<br />
Diagnostic de la cause de la crise et politique choisie:<br />
Après Janvier 2011, <strong>les</strong> gouvernements Ghannouchi / CaidSebsi<br />
ainsi que la Banque Centrale ont diagnostiqué que la cause de la crise<br />
économique était une « rupture de la demande ». Donc, la politique<br />
expansionniste adoptée a visé l’encouragement de la demande qui<br />
entrainerait une augmentation de l’offre, et donc une reprise économique.<br />
Cette politique connue comme « Go and Stop »se réfère à la politique<br />
adoptée aux USA par le Président Roosevelt après la dépression<br />
de 1930. Cette politique consiste en une augmentation importante des<br />
dépenses gouvernementa<strong>les</strong> pour :<br />
- L’achat de biens produits localement (aux USA, c’étaient surtout<br />
<strong>les</strong> armes)<br />
- L’investissement dans des projets économiques (aux USA, c’étaient<br />
uniquement <strong>les</strong> projets d’infrastructure à cause du choix idéologique<br />
capitaliste de laisser <strong>les</strong> projets de production uniquement au secteur<br />
privé)<br />
- <strong>Le</strong> financement de chantiers de chômage, même si <strong>les</strong> ouvriers sont<br />
appelés à creuser des fossés et à <strong>les</strong> boucher le lendemain, rien que<br />
pour leur verser des salaires<br />
Il s’agit donc de distribuer l’argent aux ménages pour encourager la<br />
demande de consommation, et aux entreprises privées pour encourager<br />
la demande de biens d’investissement.<br />
<strong>Le</strong> financement de cet excès de dépenses gouvernementa<strong>les</strong> peut se<br />
faire par :<br />
- Une taxe spéciale pour la période de crise (la meilleure solution<br />
dans la littérature économique)<br />
- La dette intérieure<br />
- La dette extérieure<br />
- L’augmentation de la masse monétaire, connue sous le nom de<br />
« planche à billets ».<br />
Cette politique est désignée sous le nom « Go and Stop » parce qu’il<br />
faut arrêter ces dépenses gouvernementa<strong>les</strong> excessives dès qu’il y a<br />
reprise de l’activité économique, sinon el<strong>les</strong> peuvent avoir des effets<br />
très négatifs.<br />
Cette politique qui a réussi dans <strong>les</strong> années 30 aux USA, a échoué à<br />
relancer l’économie en Tunisie en 2011. Pourquoi ?<br />
Indices de performance de cette politique en 2011 :<br />
En 2011, <strong>les</strong> dépenses du gouvernement ont augmenté de 24% (27ù<br />
pour <strong>les</strong> dépenses de gestion et 13% pour <strong>les</strong> dépenses en capital). <strong>Dans</strong><br />
ces dépenses on trouve <strong>les</strong> augmentations de salaires, <strong>les</strong> augmentations<br />
d’allocations de chômage, la prime Amal pour <strong>les</strong> chômeurs diplômés,<br />
et autres…Il est curieux quand même, de voir <strong>les</strong> dépenses d’investissements<br />
directs productifs augmenter uniquement de 0,6%.<br />
Comment a été financée cette augmentation ? Par une augmentation<br />
des emprunts intérieurs de 110% et une augmentation des emprunts<br />
extérieurs de 98%. <strong>Le</strong>s emprunts publics ont donc doublé par rapport à<br />
l’année précédente.<br />
De son côté, la Banque Centrale a augmenté la masse monétaire de<br />
9,3%. En particulier, la planche à billets a bien fonctionné : la monnaie<br />
fiduciaire (billets et monnaie en circulation) a augmenté de 23,5%. <strong>Le</strong>s<br />
crédits de la Banque Centrale à l’économie ont augmenté de 1088%.<br />
Il est clair qu’il y a eu injection importante de fonds pour encourager<br />
la demande : demande de biens de consommation et demande de biens<br />
d’investissement.<br />
Résultat curieux : au lieu de reprise économique, on a abouti à une<br />
récession avec baisse du PIB de 2%.<br />
La consommation a effectivement augmenté (+8% pour la consommation<br />
privée et +11% pour la consommation publique). L’investissement<br />
a, par contre, diminué (-10% pour la formation brute de capital<br />
fixe). La production industrielle a aussi baissé de 8%.<br />
Si l’investissement et la production industrielle ont baissé, comment<br />
s’est faite l’augmentation de la consommation ? Par l’inflation d’un<br />
côté (qui est passée de 3,5% en 2011 à 5,6% en 2012, car l’effet de la<br />
politique monétaire sur l’inflation se fait avec un retard de 6 mois ou<br />
plus), et par <strong>les</strong> importations de l’autre. <strong>Le</strong>s importations ont augmenté<br />
de 5% en précisant que <strong>les</strong> importations des biens d’alimentation ont<br />
augmenté de 28%, alors que <strong>les</strong> importations des biens d’équipement<br />
(qui servent l’investissement) ont diminué de 8%.<br />
L’impression est que ces politiques fiscale et monétaire adoptées en<br />
2011 ont servi des pays exportateurs vers la Tunisie, plutôt que de servir<br />
la relance de l’économie nationale.<br />
Quel<strong>les</strong> leçons faut-il tirer ?<br />
Il n’y a pas de doute que ces politiques fiscale et monétaire ont eudu<br />
succès sur d’autres plans que la relance de l’économie (réduction de<br />
certains malaises sociaux, sauvetage de certaines banques d’un effondrement<br />
à cause du manque de liquidités, en premier lieu). Quant à la<br />
relance économique, ce fut un échec.<br />
Pourquoi cette politique de « Go and Stop » a-t-elle réussi aux USA<br />
dans <strong>les</strong> années 30, et échoué en Tunisie en 2011 ? Deux raisons à<br />
avancer :<br />
1- <strong>Dans</strong> <strong>les</strong> années 30, l’économie des USA était presque une économie<br />
fermée ; <strong>les</strong> exportations et importations ne représentaient qu’une<br />
petite proportion du PIB. Par contre, en Tunisie, <strong>les</strong> transactions avec<br />
l’extérieur représentent une grande partie du PIB. Il est donc facile que<br />
la demande en Tunisie s’oriente vers <strong>les</strong> importations plutôt que vers<br />
<strong>les</strong> produits nationaux.<br />
2- <strong>Le</strong> diagnostic de la cause de la crise économique était faux : ce<br />
n’est pas la rupture de la demande qui est la cause de cette crise ; c’est<br />
plutôt la rupturede l’offre avec <strong>les</strong> grèves en série et <strong>les</strong> sit-ins, avec<br />
l’absence de sécurité et <strong>les</strong> troub<strong>les</strong> politiques. .Quand le diagnostic est<br />
mal fait, le remède est mal choisi. D’ailleurs pour reprendre l’exemple<br />
des USA, lors de la crise économique des années 70 dans ce pays (crise<br />
avec taux d’inflation élevé et taux de chômage élevé en même temps :<br />
stagflation), la politique expansionniste d’encouragement de la<br />
demande n’a pas donné de résultats. <strong>Le</strong> gouvernement a dû changer de<br />
politique et opterpourl’encouragement de l’offre : supply-sideeconomics,<br />
politique qui a donné des résultats.<br />
Pour le budget de 2013, si le gouvernement Jebali entend continuer<br />
une politique de relance de l’économie, il est recommandé de veiller :<br />
- A une coordination efficace de la politique fiscale avec la politique<br />
monétaire pour atteindre des objectifs communs, sinon une politique<br />
peut effacer complètement <strong>les</strong> effets de l’autre politique.<br />
- A orienter, autant que possible, une bonne partie des dépenses gouvernementa<strong>les</strong><br />
vers des investissements directs productifs. Il y a certainement<br />
beaucoup de pression sur le gouvernement pour satisfaire <strong>les</strong><br />
besoins sociaux des ménages ; une bonne partie des dépenses iraient<br />
probablement encore vers la consommation. Mais la prudence est<br />
recommandée sur ce plan.<br />
- A orienter la politique monétaire vers un encadrement du crédit en<br />
vue d’encourager l’investissement plus que la consommation.<br />
* A.C.<br />
Consultant Financier