Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne

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06.07.2013 Views

Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) approchait. Elle commence par les conversions des humbles et des petits. Les jésuites de Macao instruisent et baptisent des Chinois de cette ville, surtout gens de service ; et « pour assurer leur persévérance et leur progrès dans la foi, le père Valignano les groupe en congrégation avec exercices communs, adaptés à leur condition et sous la direction d’un père spirituel, qu’on appelle le Père des chrétiens 1 ». Par deux fois, en 1580 et 1581, « le père de Ruggieri se rend à Canton avec les marchands portugais, et obtient des mandarins des facilités de séjour qu’ils n’ont encore accordées à nul Européen. » Deux ans plus tard, le vice-roi de Canton p.XI l’autorise à s’établir avec le père Ricci à Tchao-king, chef-lieu administratif de la province. Là, malgré les difficultés de la langue chinoise avec laquelle ils ne sont pas familiarisés, les deux missionnaires ne tardent pas à conquérir le respect et à gagner la bienveillante sympathie des magistrats et de nombreux visiteurs de toute condition. On est frappé de leur vie réglée, laborieuse, qui ne ressemble en rien à celle des bonzes. Du reste, pour ne pas être confondus avec eux, pour ne pas être avec eux l’objet du mépris public, ils laissent pousser la barbe et les cheveux et prennent le costume des lettrés. Personne ne s’en étonne, le bruit s’étant répandu que ces deux étrangers sont des savants de l’occident, qu’ils consacrent chaque jour un temps considérable à l’étude des livres chinois, de l’histoire, des mœurs, du gouvernement et de la religion du pays. Ils possèdent dans une petite maison et une chapelle que le mandarin de Tchao-king leur a permis de bâtir, nombre de choses merveilleuses : de belles peintures représentant le Sauveur du monde et sa bienheureuse mère, des volumes luxueusement imprimés, des ouvrages de cosmographie, de géographie et d’architecture, avec figures, cartes et vues de monuments, des instruments de mathématiques, d’astronomie et de 1 Études, ibid, p.195. — Dans son premier article sur le père Mathieu Ricci, le père Brucker parle de l’apostolat des franciscains, en Chine, au 13 e et au 14 e siècle. Il n’aurait duré qu’une soixantaine d’années (p. 19). 8

Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) musique, des horloges grandes et petites, des globes terrestres et des globes célestes, une p.XII mappemonde de grande dimension avec légendes en caractères européens. Ces objets et d’autres attirent les hauts magistrats de la ville et les lettrés qui n’ont jamais vu rien de pareil, qui n’en ont jamais entendu parler. La mappemonde surtout les remplit d’étonnement et d’admiration. « En voyant le monde si grand, et, dans un de ses compartiments, la Chine si petite d’apparence, les ignorants se moquent d’une pareille carte 1 ; mais les plus sages, voyant le bel ordre des degrés, des parallèles et des méridiens, avec la ligne équinoxiale, les tropiques et les cinq zones, les notes sur les coutumes des pays... ne peuvent s’empêcher de croire que tout cela était vérité 2 ». Jusque-là, ils s’étaient figuré que leur pays était grand et le reste du monde très petit, « que le monde entier était barbare et sauvage comparé à eux 3 ». La science profonde, étendue du père Ricci vient les tirer de leur erreur. Ils l’écoutent, d’abord avec défiance, puis avec intérêt, avec plaisir même. Le missionnaire leur explique chaque objet, répond à leurs questions. Il leur montre aussi le cours des étoiles et des planètes. Son enseignement « gagne grand crédit aux Pères, et la renommée le p.XIII signale au loin comme le plus grand mathématicien du monde entier 4 ». Cependant le père Ricci n’oubliait pas le but principal de son établissement à Tchao-king. Il entremêle, bien qu’avec prudence et discrétion, les leçons de l’Évangile et la philosophie chrétienne à ses enseignements profanes ; et l’occasion s’en offre à lui à tout propos, « par exemple, quand on demande explication aux missionnaires sur leurs belles Bibles et autres livres religieux, sur les peintures et les estampes 1 Études, ibid, p. 204. 2 Ibid. 3 Ibid. 4 Études, ibid, p. 205. Le père Brucker cite beaucoup de lettres inédites du père Ricci, pp. 198 et suiv. 9

<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />

musique, <strong>de</strong>s horloges gran<strong>de</strong>s <strong>et</strong> p<strong>et</strong>ites, <strong>de</strong>s globes terrestres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

globes cé<strong>les</strong>tes, une p.XII mappemon<strong>de</strong> <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> dimension avec légen<strong>de</strong>s<br />

en caractères européens.<br />

Ces obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> d’autres attirent <strong>les</strong> hauts magistrats <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />

l<strong>et</strong>trés qui n’ont jamais vu rien <strong>de</strong> pareil, qui n’en ont jamais entendu<br />

parler. La mappemon<strong>de</strong> surtout <strong>les</strong> remplit d’étonnement <strong>et</strong> d’admiration.<br />

« En voyant le mon<strong>de</strong> si grand, <strong>et</strong>, dans un <strong>de</strong> ses compartiments, <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

si p<strong>et</strong>ite d’apparence, <strong>les</strong> ignorants se moquent d’une pareille carte 1 ; mais<br />

<strong>les</strong> plus sages, voyant le bel ordre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés, <strong>de</strong>s parallè<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

méridiens, avec <strong>la</strong> ligne équinoxiale, <strong>les</strong> tropiques <strong>et</strong> <strong>les</strong> cinq zones, <strong>les</strong><br />

notes sur <strong>les</strong> coutumes <strong>de</strong>s pays... ne peuvent s’empêcher <strong>de</strong> croire que<br />

tout ce<strong>la</strong> était vérité 2 ». Jusque-là, ils s’étaient figuré que leur pays était<br />

grand <strong>et</strong> le reste du mon<strong>de</strong> très p<strong>et</strong>it, « que le mon<strong>de</strong> entier était barbare<br />

<strong>et</strong> sauvage comparé à eux 3 ».<br />

La science profon<strong>de</strong>, étendue du père Ricci vient <strong>les</strong> tirer <strong>de</strong> leur erreur.<br />

Ils l’écoutent, d’abord avec défiance, puis avec intérêt, avec p<strong>la</strong>isir même.<br />

Le missionnaire leur explique chaque obj<strong>et</strong>, répond à leurs questions. Il leur<br />

montre aussi le cours <strong>de</strong>s étoi<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>nètes. Son enseignement<br />

« gagne grand crédit aux Pères, <strong>et</strong> <strong>la</strong> renommée le p.XIII signale au loin<br />

comme le plus grand mathématicien du mon<strong>de</strong> entier 4 ».<br />

Cependant le père Ricci n’oubliait pas le but principal <strong>de</strong> son<br />

établissement à Tchao-king. Il entremêle, bien qu’avec pru<strong>de</strong>nce <strong>et</strong><br />

discrétion, <strong>les</strong> leçons <strong>de</strong> l’Évangile <strong>et</strong> <strong>la</strong> philosophie chrétienne à ses<br />

enseignements profanes ; <strong>et</strong> l’occasion s’en offre à lui à tout propos, « par<br />

exemple, quand on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> explication aux missionnaires sur leurs bel<strong>les</strong><br />

Bib<strong>les</strong> <strong>et</strong> autres livres religieux, sur <strong>les</strong> peintures <strong>et</strong> <strong>les</strong> estampes<br />

1 Étu<strong>de</strong>s, ibid, p. 204.<br />

2 Ibid.<br />

3 Ibid.<br />

4 Étu<strong>de</strong>s, ibid, p. 205. Le père Brucker cite beaucoup <strong>de</strong> l<strong>et</strong>tres inédites du père Ricci, pp.<br />

198 <strong>et</strong> suiv.<br />

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