Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne

Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne

chineancienne.fr
from chineancienne.fr More from this publisher
06.07.2013 Views

Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) par le bref, a été prêté, par tous, sans aucun retard, sans la moindre difficulté, et il est observé en tous les points avec la plus scrupuleuse fidélité. 1 » Dans une lettre à son frère, le 6 octobre 1748, le père Augustin de Hallerstein résumait l’attitude de tous les Pères, français et portugais, en ces trois mots suggestifs : Accepimus, juravimus, servabimus. Enfin, pour ne pas multiplier les témoignages, citons ce fragment d’une lettre de 1748, insérée par le père Georges Pray dans son histoire de la controverse des rites chinois : « A l’égard de la dernière bulle (Benoît XIV), nous l’observons en toute rigueur, et nous voyons ceux de nos néophytes que nous p.020 renvoyons, parce qu’ils ne veulent pas obéir, reçus à bras ouverts par des gens qui nous diffament à Rome, comme des rebelles aux décrets du Saint-Siège. Que voulez-vous ? Dieu nous jugera tous. 2 » Ces néophytes renvoyés étaient, paraît-il, assez nombreux ; plus nombreux encore les Chinois, qui, préparés au baptême, refusaient de le recevoir et se retiraient. Partout, dans toutes les provinces, il se manifesta une grande résistance aux décrets de Rome. L’empereur, les mandarins, la majeure partie du monde officiel se montrèrent blessés, mécontents. La défiance, qui est le caractère propre de la politique du céleste empire, s’accrut à l’égard des Européens, surtout des missionnaires. On ne fut pas longtemps à s’apercevoir que de graves événements ne tarderaient pas à éclater. L’horizon religieux était chargé d’orage. 1 Le père Valentin Châlier, né à Briançon le 17 décembre 1697, entré dans la Compagnie le 8 septembre 1715, arriva en Chine le 30 août 1728. Il devint supérieur général de la mission de Chine (1745-1747), et mourut à Pékin le 12 avril 1747. 2 Georgii Pray, Historia controversiarum de ritibus sinicis,... note, p. 250. — Le père Louis du Gad, supérieur général de la mission française de Chine, écrivait de Hou-kouang, le 3 novembre 1752, au révérend père général Visconti : « Circa obedientiam pontificiis decretis, quod caput esse intelligo eorum quoe R a P as V a avet rescire, nullum ex nostris scio, qui non accuratissimè atque ita dicam scrupulosè sum. Pontificum constitutionibus atque Vicar. apostolicorum statutis, plenissimè obedientem et morigerum se præbeat, prout conscientiæ suæ rationes et societatis nostræ bonum postulant. Certè nihil gravius nos percellit, nulloque in opère evangelico pæna gravior nos exercet quam quod in Europâ haberi nos et traduci tanquam sedi apostolicæ inobedientes audiamus. » (Arch. S. J.) 54

p.022 Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) La persécution, locale d’abord et moins rigoureuse, s’étendit peu à peu et ne connut bientôt plus de bornes. Le 2 novembre 1746, le père Benoît écrivait de Pékin : « Nous venons d’éprouver une des plus terribles persécutions qu’il y ait eu jusqu’ici en Chine... L’empereur a envoyé dans toutes les provinces l’ordre de faire en secret des recherches exactes des Européens qui s’y trouveraient, et de les renvoyer à Macao pour les faire partir par les premiers vaisseaux qui s’en retourneraient en Europe ; de rechercher aussi exactement ceux qui faisaient profession de la religion chrétienne, de distinguer les chefs, de les punir sévèrement et de les obliger tous de renoncer à J.-C. 1 » L’ordre impérial fut exécuté dans toutes les provinces avec une rigueur incroyable. « La persécution commença en 1745, dans le Fou-kien, par la prise de tous les missionnaires européens de cette province, 2 » et devint en peu de temps sanglante. Pour découvrir les missionnaires, on pénètre dans les maisons des néophytes, on en fouille tous les coins et les recoins, on met les fidèles à la question. p.023 Plusieurs expirent dans les plus affreux tourments, plutôt que de trahir lâchement leurs prêtres. Pierre Sanz, évêque de Mauricastre, et les pères Rayo, Alcobert, Serrano et Diaz, tous religieux dominicains, sont pris et emprisonnés. « Le grand âge du prélat, qui était presque septuagénaire, ne toucha pas ses juges, dit le père des Robert. Ils lui firent donner une quantité de soufflets, après l’avoir accablé d’injures. Les autres missionnaires furent moins épargnés dans les divers interrogatoires qu’on leur fit subir. Ce n’étaient que torrents d’injures et grêle de coups. On en appliqua même quelques-uns à la question assez violemment et à plusieurs reprises. 3 » 1 Lettres édifiantes, vol. XII, p. 423. 2 Lettre du père des Robert, Péking, 18 novembre 1747, citée par l’abbé Louis Carrez dans Le révérend père L.-J. des Robert ; p. 60. — Journal de M. Maigrot, procureur des Missions Étrangères, à Macao. 3 Même lettre du père des Robert, Ibid., p. 61. 55

p.022<br />

<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />

La persécution, locale d’abord <strong>et</strong> moins rigoureuse, s’étendit peu à<br />

peu <strong>et</strong> ne connut bientôt plus <strong>de</strong> bornes.<br />

Le 2 novembre 1746, le père Benoît écrivait <strong>de</strong> Pékin : « Nous venons<br />

d’éprouver une <strong>de</strong>s plus terrib<strong>les</strong> persécutions qu’il y ait eu jusqu’ici en<br />

<strong>Chine</strong>... L’empereur a envoyé dans toutes <strong>les</strong> provinces l’ordre <strong>de</strong> faire en<br />

secr<strong>et</strong> <strong>de</strong>s recherches exactes <strong>de</strong>s Européens qui s’y trouveraient, <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>les</strong><br />

renvoyer à Macao pour <strong>les</strong> faire partir par <strong>les</strong> premiers vaisseaux qui s’en<br />

r<strong>et</strong>ourneraient en Europe ; <strong>de</strong> rechercher aussi exactement ceux qui<br />

faisaient profession <strong>de</strong> <strong>la</strong> religion chrétienne, <strong>de</strong> distinguer <strong>les</strong> chefs, <strong>de</strong> <strong>les</strong><br />

punir sévèrement <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>les</strong> obliger tous <strong>de</strong> renoncer à J.-C. 1 »<br />

L’ordre impérial fut exécuté dans toutes <strong>les</strong> provinces avec une rigueur<br />

incroyable. « La persécution commença en 1745, dans le Fou-kien, par <strong>la</strong><br />

prise <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> missionnaires européens <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te province, 2 » <strong>et</strong> <strong>de</strong>vint<br />

en peu <strong>de</strong> temps sang<strong>la</strong>nte. Pour découvrir <strong>les</strong> missionnaires, on pénètre<br />

dans <strong>les</strong> maisons <strong>de</strong>s néophytes, on en fouille tous <strong>les</strong> coins <strong>et</strong> <strong>les</strong> recoins,<br />

on m<strong>et</strong> <strong>les</strong> fidè<strong>les</strong> à <strong>la</strong> question.<br />

p.023<br />

Plusieurs expirent dans <strong>les</strong> plus affreux tourments, plutôt que <strong>de</strong><br />

trahir lâchement leurs prêtres.<br />

Pierre Sanz, évêque <strong>de</strong> Mauricastre, <strong>et</strong> <strong>les</strong> pères Rayo, Alcobert, Serrano<br />

<strong>et</strong> Diaz, tous religieux dominicains, sont pris <strong>et</strong> emprisonnés. « Le grand<br />

âge du pré<strong>la</strong>t, qui était presque septuagénaire, ne toucha pas ses juges, dit<br />

le père <strong>de</strong>s Robert. Ils lui firent donner une quantité <strong>de</strong> souffl<strong>et</strong>s, après<br />

l’avoir accablé d’injures. Les autres missionnaires furent moins épargnés<br />

dans <strong>les</strong> divers interrogatoires qu’on leur fit subir. Ce n’étaient que torrents<br />

d’injures <strong>et</strong> grêle <strong>de</strong> coups. On en appliqua même quelques-uns à <strong>la</strong><br />

question assez violemment <strong>et</strong> à plusieurs reprises. 3 »<br />

1 L<strong>et</strong>tres édifiantes, vol. XII, p. 423.<br />

2 L<strong>et</strong>tre du père <strong>de</strong>s Robert, Péking, 18 novembre 1747, citée par l’abbé Louis Carrez dans<br />

Le révérend père L.-J. <strong>de</strong>s Robert ; p. 60. — Journal <strong>de</strong> M. Maigrot, procureur <strong>de</strong>s Missions<br />

Étrangères, à Macao.<br />

3 Même l<strong>et</strong>tre du père <strong>de</strong>s Robert, Ibid., p. 61.<br />

55

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!