Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne
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Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) favorable à la religion, à moins que Dieu ne le convertisse et ne lui change le cœur bien endurci ». Le cœur de ce prince était et resta endurci. Le 28 avril 1736, il publia un édit interdisant la religion chrétienne aux gens des huit bannières 1 . Déjà il avait déchaîné contre l’église une terrible persécution dans les provinces. « La persécution excitée cette p.015 année contre les chrétiens a été terrible », disait le père Gaubil, dans une lettre de la fin de 1736 2 . A Pékin, les jésuites français et portugais ne sortaient pas de leur résidence pour administrer les sacrements ; ils se servaient de quelques jésuites chinois 3 .. Là terreur était grande partout. On pouvait même s’attendre à une expulsion générale. Aussi l’intérêt de la religion commandait-il la prudence, une réserve excessive. Il y avait alors, à la cour, un peintre d’un talent remarquable, Joseph Castiglione, né à Milan le 19 juillet 1688. « Formé à la manière antique et vigoureuse des grands maîtres, il eût pu occuper, dit M. Feuillet de Conches, un rang distingué parmi les peintres de sa patrie. Sa piété et son goût pour l’état religieux lui firent préférer l’humble état de frère coadjuteur dans la famille de saint Ignace. 4 » Entré jeune dans la Compagnie de Jésus, il fut envoyé en 1715, à Pékin, où il passa plus de p.016 cinquante ans, occupé aux travaux d’art que lui imposait son service à la cour. Malgré son aversion pour les Européens, Kien-long, émerveillé de son talent d’artiste et charmé de son caractère toujours aimable, conçut pour lui le plus vif attachement. Il lui prodiguait, chaque fois qu’il en trouvait 1 Les gens des huit bannières étaient des troupes mandchoues, qui comptaient 230.000 hommes. 2 Citée dans La mission de Chine, p. 44. 3 Ibid., p. 44. 4 Cité par M. Huc, T. IV, p. 71. — Le frère Castiglione, entré le 16 janvier 1707 au noviciat de la Compagnie de Jésus, arriva à Pékin au mois d’août 1715, et y mourut le 16 juillet 1766. Les Lettres édifiantes parlent souvent de lui et avec éloge. Consulter sur ce religieux le père de Mailla, de Mürr, Visscher, le Welt-Bott, etc. 50
Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) l’occasion, les marques les plus flatteuses d’estime et de bienveillance ; presque tous les jours, il se rendait à son atelier, assistait à son travail et s’entretenait familièrement avec lui. A plusieurs reprises, il lui fit faire son portrait. Peu à peu, le frère Castiglione prit de l’ascendant sur le prince, et il profita de toutes les circonstances favorables pour lui recommander les intérêts de la religion et lui en demander le libre exercice dans tout l’empire 1 . Or, le 3 mai 1736, Kien-long venait comme de coutume à l’atelier de Castiglione. Le Frère était occupé à peindre. A la vue du prince, il dépose son pinceau, se met à genoux, et, l’air triste, les larmes aux yeux, la parole entrecoupée de sanglots, il laisse échapper quelques mots sur la persécution. Kien-long, un peu surpris, l’écoute, et le Frère tend à Sa Majesté un mémoire ou placet, que les jésuites l’ont chargé de lui remettre 2 . p.017 L’empereur le prend et lui dit avec bonté : — Je n’ai pas condamné votre religion, j’ai simplement défendu aux gens des bannières de l’embrasser. Il promet de lire le mémoire et se retire 3 . En attendant, des arrêts de proscription étaient prononcés par les tribunaux contre le christianisme, et affichés dans les carrefours de Pékin, jusqu’aux portes des églises. L’empereur laissait faire. Ses ministres empêchaient-ils la vérité d’arriver jusqu’à lui ? Un jour, dans une de ses visites à l’atelier du Frère, il lui pose plusieurs questions. Castiglione, brisé de tristesse, baisse les yeux et ne répond pas. 1 V. la notice du F. Joseph Castiglione, par le père Pfister dans ses Notices biographiques. 2 Le tribunal des Rites avait envoyé par écrit aux trois églises des jésuites de Pékin un ordre pour leur défendre absolument de prêcher la religion. Le placet répond à cet ordre et réfute en même temps un placet d’un officier tartare qui démandait l’extinction du christianisme. 3 De Mailla, XI, 515. 51
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<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />
favorable à <strong>la</strong> religion, à moins que Dieu ne le convertisse <strong>et</strong> ne lui change<br />
le cœur bien endurci ».<br />
Le cœur <strong>de</strong> ce prince était <strong>et</strong> resta endurci. Le 28 avril 1736, il publia un<br />
édit interdisant <strong>la</strong> religion chrétienne aux gens <strong>de</strong>s huit bannières 1 . Déjà il<br />
avait déchaîné contre l’église une terrible persécution dans <strong>les</strong> provinces.<br />
« La persécution excitée c<strong>et</strong>te p.015 année contre <strong>les</strong> chrétiens a été<br />
terrible », disait le père Gaubil, dans une l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> 1736 2 . A Pékin,<br />
<strong>les</strong> jésuites français <strong>et</strong> portugais ne sortaient pas <strong>de</strong> leur rési<strong>de</strong>nce pour<br />
administrer <strong>les</strong> sacrements ; ils se servaient <strong>de</strong> quelques jésuites chinois 3 ..<br />
Là terreur était gran<strong>de</strong> partout. On pouvait même s’attendre à une<br />
expulsion générale. Aussi l’intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> religion commandait-il <strong>la</strong> pru<strong>de</strong>nce,<br />
une réserve excessive.<br />
Il y avait alors, à <strong>la</strong> cour, un peintre d’un talent remarquable, <strong>Joseph</strong><br />
Castiglione, né à Mi<strong>la</strong>n le 19 juill<strong>et</strong> 1688. « Formé à <strong>la</strong> manière antique <strong>et</strong><br />
vigoureuse <strong>de</strong>s grands maîtres, il eût pu occuper, dit M. Feuill<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
Conches, un rang distingué parmi <strong>les</strong> peintres <strong>de</strong> sa patrie. Sa piété <strong>et</strong> son<br />
goût pour l’état religieux lui firent préférer l’humble état <strong>de</strong> frère coadjuteur<br />
dans <strong>la</strong> famille <strong>de</strong> saint Ignace. 4 »<br />
Entré jeune dans <strong>la</strong> Compagnie <strong>de</strong> Jésus, il fut envoyé en 1715, à Pékin,<br />
où il passa plus <strong>de</strong> p.016 cinquante ans, occupé aux travaux d’art que lui<br />
imposait son service à <strong>la</strong> cour.<br />
Malgré son aversion pour <strong>les</strong> Européens, Kien-long, émerveillé <strong>de</strong> son<br />
talent d’artiste <strong>et</strong> charmé <strong>de</strong> son caractère toujours aimable, conçut pour<br />
lui le plus vif attachement. Il lui prodiguait, chaque fois qu’il en trouvait<br />
1 Les gens <strong>de</strong>s huit bannières étaient <strong>de</strong>s troupes mandchoues, qui comptaient 230.000<br />
hommes.<br />
2 Citée dans La mission <strong>de</strong> <strong>Chine</strong>, p. 44.<br />
3 Ibid., p. 44.<br />
4 Cité par M. Huc, T. IV, p. 71. — Le frère Castiglione, entré le 16 janvier 1707 au noviciat<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Compagnie <strong>de</strong> Jésus, arriva à Pékin au mois d’août 1715, <strong>et</strong> y mourut le 16 juill<strong>et</strong><br />
1766. Les L<strong>et</strong>tres édifiantes parlent souvent <strong>de</strong> lui <strong>et</strong> avec éloge. Consulter sur ce religieux<br />
le père <strong>de</strong> Mail<strong>la</strong>, <strong>de</strong> Mürr, Visscher, le Welt-Bott, <strong>et</strong>c.<br />
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