Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne
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Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) première, M. Amiot n’a rien épargné pour nous donner des détails et nous procurer des lumières sur les sciences et les arts. Il a sacrifié à cette partie, et il le sacrifie encore, tout ce qui peut lui rester de temps et de loisirs ; il a rempli le but qu’il s’était proposé ; les lettres se ressentent aujourd’hui de son travail et il les honore. Un citoyen aussi dévoué à la religion et à sa patrie, et aussi zélé, surtout dans un pays où il ne peut en aucune manière se ressentir de l’influence de son gouvernement, auquel néanmoins il se fait gloire de demeurer inviolablement attaché, est digne de fixer l’attention et l’intérêt. » M. Bertin écrivait ces paroles le 8 octobre 1785, douze ans après la suppression de la Compagnie de Jésus, suppression sollicitée même par la cour de France, et obtenue à force de pression et de menaces, du pape Clément XIV ; et il terminait ainsi sa lettre : « La correspondance littéraire que je suis chargé par le roi d’entretenir en Chine, m’a mis en relation directe avec M. Amiot, notre plus grand travailleur » 1 . Ce grand travailleur était servi par un jugement sûr et droit, une mémoire merveilleuse, une aptitude spéciale pour les langues et une intelligence facile, ouverte à tous les progrès de la science, curieuse de p.006 tout savoir. Il aimait la musique, il s’y livrait à ses heures, et, sans en avoir fait une étude approfondie, il nous a laissé sur la musique des Chinois, un ouvrage considérable qui occupe la majeure partie du Tome VI des Mémoires. A considérer l’ensemble de ses qualités et les services qu’il a rendus, on ne peut que souscrire à cet éloge d’un de ses historiens : « C’était une nature exceptionnellement douée, aux talents les plus variés ; aucun missionnaire de la Chine n’a mieux mérité que lui des sciences et des lettres » 2 . 1 Lettre insérée dans la collection des lettres des missionnaires de Chine à M. Bertin et autres personnages illustres (Bibliothèque de l’Institut de France, volumes cotés D M, 167). 2 Notice autographiée sur le père J. Amiot, par le père Pfister, missionnaire en Chine. — Dans les renseignements envoyés au général de la Compagnie de Jésus par les supérieurs 44
Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) @ Le père Joseph Amiot, fils de Louis Amiot, notaire royal à Toulon, est né le 8 février 1718 1 . Après p.007 avoir terminé ses études classiques et fait trois ans de philosophie et un an de théologie au séminaire des jésuites de sa ville natale, il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus, à Avignon, le 27 septembre 1737. « Vous le savez, écrit-il à son frère, ancien lieutenant- général de l’amirauté à Toulon, je suis entré dans la Société des jésuites après le cours de mes études, et j’y suis entré, pour ainsi dire, tout nu, n’ayant que ma personne à lui offrir. Cela veut dire que j’y suis entré pauvre ; j’y ai vécu de même, tant qu’elle a subsisté, sans avoir jamais reçu de la famille le moindre secours pour me procurer certaines aisances qui sont au-dessus du pur nécessaire fourni à tous libéralement, mais au- delà duquel il n’y a rien à attendre dans un état religieux. 2 » Le jeune Amiot reste deux années entières au noviciat, dans une profonde retraite, avant de se lier à Dieu, le 29 septembre 1739, par des engagements irrévocables. Généralement, dans la Société, deux années, au sortir du noviciat, sont consacrées aux études p.008 littéraires, et les trois années suivantes à la philosophie et aux sciences mathématiques et physiques. Vient ensuite l’enseignement pédagogique dans les collèges. Les documents, conservés dans les archives de la Compagnie, nous du père Amiot, de 1749 à 1770, on lit ces notes : Magnum ingenium, bonum judicum, prudentia magna, profectus in litteris omnibus maximus, bonus profectus in theologicis, etc. — Voir la Biographie universelle de Firmin-Didot, art. P. Amiot. 1 Certains le font naître le 18 février ; mais, dans une lettre inédite à son frère (20 septembre 1792), il donne comme date de sa naissance le 8 février : « Moi, votre frère aîné, j’accomplirai mes soixante et quinze ans le huitième jour du mois de février prochain. » (Archives de son petit-neveu, M. Amyot). Son père, né le 3 novembre 1694, et marié le 17 février 1716 à Mlle Serre, Marie-Anne, mourut le 10 octobre 1753. Il eut douze enfants, cinq garçons et sept filles. Le père Joseph Amiot était l’aîné. Un de ses frères, Pierre-Jules-Roch devint lieutenant-général de l’Amirauté et Conseiller du roi sec re Maison et couronne de France et des Finances, et sa sœur, Ursule-Elisabeth, entra au couvent des Ursulines à Toulon. Le père Amiot resta en correspondance avec eux. (Note du petit-fils du lieutenantgénéral de l’Amirauté). 2 Lettre inédite ; Pékin, 20 septembre 1792 (Arch. de M. Amyot). 45
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<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />
première, M. <strong>Amiot</strong> n’a rien épargné pour nous donner <strong>de</strong>s détails <strong>et</strong> nous<br />
procurer <strong>de</strong>s lumières sur <strong>les</strong> sciences <strong>et</strong> <strong>les</strong> arts. Il a sacrifié à c<strong>et</strong>te partie,<br />
<strong>et</strong> il le sacrifie encore, tout ce qui peut lui rester <strong>de</strong> temps <strong>et</strong> <strong>de</strong> loisirs ; il a<br />
rempli le but qu’il s’était proposé ; <strong>les</strong> l<strong>et</strong>tres se ressentent aujourd’hui <strong>de</strong><br />
son travail <strong>et</strong> il <strong>les</strong> honore. Un citoyen aussi dévoué à <strong>la</strong> religion <strong>et</strong> à sa<br />
patrie, <strong>et</strong> aussi zélé, surtout dans un pays où il ne peut en aucune manière<br />
se ressentir <strong>de</strong> l’influence <strong>de</strong> son gouvernement, auquel néanmoins il se fait<br />
gloire <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer invio<strong>la</strong>blement attaché, est digne <strong>de</strong> fixer l’attention <strong>et</strong><br />
l’intérêt. »<br />
M. Bertin écrivait ces paro<strong>les</strong> le 8 octobre 1785, douze ans après <strong>la</strong><br />
suppression <strong>de</strong> <strong>la</strong> Compagnie <strong>de</strong> Jésus, suppression sollicitée même par <strong>la</strong><br />
cour <strong>de</strong> France, <strong>et</strong> obtenue à force <strong>de</strong> pression <strong>et</strong> <strong>de</strong> menaces, du pape<br />
Clément XIV ; <strong>et</strong> il terminait ainsi sa l<strong>et</strong>tre : « La correspondance littéraire<br />
que je suis chargé par le roi d’entr<strong>et</strong>enir en <strong>Chine</strong>, m’a mis en re<strong>la</strong>tion<br />
directe avec M. <strong>Amiot</strong>, notre plus grand travailleur » 1 .<br />
Ce grand travailleur était servi par un jugement sûr <strong>et</strong> droit, une<br />
mémoire merveilleuse, une aptitu<strong>de</strong> spéciale pour <strong>les</strong> <strong>la</strong>ngues <strong>et</strong> une<br />
intelligence facile, ouverte à tous <strong>les</strong> progrès <strong>de</strong> <strong>la</strong> science, curieuse <strong>de</strong> p.006<br />
tout savoir. Il aimait <strong>la</strong> musique, il s’y livrait à ses heures, <strong>et</strong>, sans en avoir<br />
fait une étu<strong>de</strong> approfondie, il nous a <strong>la</strong>issé sur <strong>la</strong> musique <strong>de</strong>s Chinois, un<br />
ouvrage considérable qui occupe <strong>la</strong> majeure partie du Tome VI <strong>de</strong>s<br />
Mémoires.<br />
A considérer l’ensemble <strong>de</strong> ses qualités <strong>et</strong> <strong>les</strong> services qu’il a rendus, on<br />
ne peut que souscrire à c<strong>et</strong> éloge d’un <strong>de</strong> ses historiens : « C’était une<br />
nature exceptionnellement douée, aux talents <strong>les</strong> plus variés ; aucun<br />
missionnaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> n’a mieux mérité que lui <strong>de</strong>s sciences <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />
l<strong>et</strong>tres » 2 .<br />
1 L<strong>et</strong>tre insérée dans <strong>la</strong> collection <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong>s missionnaires <strong>de</strong> <strong>Chine</strong> à M. Bertin <strong>et</strong><br />
autres personnages illustres (Bibliothèque <strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong> France, volumes cotés D M, 167).<br />
2 Notice autographiée sur le père J. <strong>Amiot</strong>, par le père Pfister, missionnaire en <strong>Chine</strong>. —<br />
Dans <strong>les</strong> renseignements envoyés au général <strong>de</strong> <strong>la</strong> Compagnie <strong>de</strong> Jésus par <strong>les</strong> supérieurs<br />
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