Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne

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Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) 1.200 confessions et près de 1.100 communions. Ils ont baptisé 50 adultes et 150 enfants. Ma chère mission est toujours ma consolation et ma joie. Le nombre des chrétiens y augmente et ils sont fervents. On pourrait l’étendre jusqu’au grand fleuve qui sépare la Russie de la Tartarie. C’était ma pensée. Mais, ô mon Dieu, à quoi aboutiront de si belles espérances et des projets si consolants ! Si le Seigneur n’y met pas la main, tout s’écrasera, tout se confondra. Déjà, depuis douze ans, nous avons vu vingt fois le moment qui allait tout anéantir. Heureusement que la Providence était près ; elle se montrait à temps et l’orage se dissipait. Mais ses bontés présentes sont-elles un gage assuré de ses miséricordes futures ? Je ne vous dirai pas bien des choses que je sais. Il vaut mieux que vous les ignoriez. Pourquoi vous envoyer encore de si loin des croix et des croix si pesantes. Cependant je ne puis pas tout taire. Vous pouvez conter sur ce que je vous mande et vous en servir selon votre prudence pour faire sortir le vrai. Au reste, ce n’est pas que je craigne les discours des hommes, surtout si éloignés de cette extrémité du monde ; mais je ne voudrais pas qu’on continue à noircir un corps qui doit être et qui sera éternellement la gloire de l’Église et de l’Europe, ayant rempli, en peu de temps, selon la belle pensée de l’abbé Szyskinki, l’ouvrage de bien des siècles. Dans les beaux temps du Portugal, c’est-à-dire sous Jean III et ses successeurs, ses rois se distinguaient autant par leur piété et par leur zèle que par leur bravoure et leurs exploits. La nation entière était une nation de héros qui affrontaient les dangers, et que rien n’arrêtait. Les flottes portugaises se frayèrent une route sur toutes les mers et dans tous les pays lointains et les plus reculés. Partout ils étaient victorieux, et ils ne paraissaient vaincre que pour Jésus-Christ. Leur premier soin était d’arborer la croix et de lui gagner des adorateurs. Les souverains p.490 pontifes, charmés de voir les limites de l’Église s’étendre de jour en jour, épuisaient toutes leurs grâces en faveur du Portugal. C’étaient tous les jours de nouveaux privilèges. Innocent VIII, Alexandre VI, Léon X, Paul III, Pie V, Grégoire XIII, ne laissèrent rien à faire à leurs successeurs. 344

Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) Il est vrai que Urbain VIII commença à mettre des bornes à ces privilèges, dont quelques-uns, à raison des circonstances, paraissaient devenus nuisibles à la propagation de la foi. Le Portugal réclama en vain. Une foule de missionnaires français, allemands, italiens passèrent dans les pays étrangers sans l’attache du Portugal, ce qui ne se pouvait pas auparavant. Le Portugal se relâcha aussi dans l’affaire des vicaires apostoliques. Il consentit qu’on démembrât des évêchés qu’il avait fondés, des provinces entières, qui seraient conduites par des évêques in partibus à la disposition du Saint-Siège. Pour ce qui est de ses domaines, (et par ses domaines, il entend tout pays où il a fondé des évêchés, quoi que ce pays ne lui appartienne pas), le Portugal est d’un délicat et d’un sensible qui ne permet pas qu’on y touche. Il y soutient ses privilèges tanquam pro aris et focis. Un de ces privilèges, à ce qu’il dit, c’est que toute bulle, tout décret émané du Saint-Siège, ne peut y être envoyé ni reçu sans l’attache du roi. Un autre, c’est qu’on ne peut y nommer à aucune dignité ecclésiastique, ni à aucun office quiconque n’est pas Portugais de naissance ou naturalisé Portugais. Voilà bien de l’échafaudage. J’ai cru qu’il était nécessaire pour entendre ce qui suit : Il y a environ une vingtaine d’années, que M. de Souza, évêque de Pékin, mourut. L’administration de ce diocèse tomba de droit entre les mains de M. de Laimbeckhoven, évêque de Nanquin. Il avait été jésuite. Le Portugal l’enveloppa dans leur disgrâce. On saisit son temporel et on le traita a peu près comme un proscrit. D’un autre côté, dès lors on préparait à Rome les coups terribles qui ont écrasé la Compagnie. Ainsi, M. de Nanquin se trouvait entre deux feux. Son crime, en Portugal, était d’avoir été jésuite, et à un tribunal de Rome p.491 on se plaignait sans cesse qu’il les favorisait. Pour ménager notre chute à 345

<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />

Il est vrai que Urbain VIII commença à m<strong>et</strong>tre <strong>de</strong>s bornes à ces<br />

privilèges, dont quelques-uns, à raison <strong>de</strong>s circonstances, paraissaient<br />

<strong>de</strong>venus nuisib<strong>les</strong> à <strong>la</strong> propagation <strong>de</strong> <strong>la</strong> foi. Le Portugal réc<strong>la</strong>ma en vain.<br />

Une foule <strong>de</strong> missionnaires français, allemands, italiens passèrent dans <strong>les</strong><br />

pays étrangers sans l’attache du Portugal, ce qui ne se pouvait pas<br />

auparavant.<br />

Le Portugal se relâcha aussi dans l’affaire <strong>de</strong>s vicaires apostoliques. Il<br />

consentit qu’on démembrât <strong>de</strong>s évêchés qu’il avait fondés, <strong>de</strong>s provinces<br />

entières, qui seraient conduites par <strong>de</strong>s évêques in partibus à <strong>la</strong> disposition<br />

du Saint-Siège.<br />

Pour ce qui est <strong>de</strong> ses domaines, (<strong>et</strong> par ses domaines, il entend tout<br />

pays où il a fondé <strong>de</strong>s évêchés, quoi que ce pays ne lui appartienne pas), le<br />

Portugal est d’un délicat <strong>et</strong> d’un sensible qui ne perm<strong>et</strong> pas qu’on y touche.<br />

Il y soutient ses privilèges tanquam pro aris <strong>et</strong> focis.<br />

Un <strong>de</strong> ces privilèges, à ce qu’il dit, c’est que toute bulle, tout décr<strong>et</strong><br />

émané du Saint-Siège, ne peut y être envoyé ni reçu sans l’attache du roi.<br />

Un autre, c’est qu’on ne peut y nommer à aucune dignité ecclésiastique, ni<br />

à aucun office quiconque n’est pas Portugais <strong>de</strong> naissance ou naturalisé<br />

Portugais.<br />

Voilà bien <strong>de</strong> l’échafaudage. J’ai cru qu’il était nécessaire pour entendre<br />

ce qui suit :<br />

Il y a environ une vingtaine d’années, que M. <strong>de</strong> Souza, évêque <strong>de</strong><br />

Pékin, mourut. L’administration <strong>de</strong> ce diocèse tomba <strong>de</strong> droit entre <strong>les</strong><br />

mains <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> Laimbeckhoven, évêque <strong>de</strong> Nanquin. Il avait été jésuite. Le<br />

Portugal l’enveloppa dans leur disgrâce. On saisit son temporel <strong>et</strong> on le<br />

traita a peu près comme un proscrit.<br />

D’un autre côté, dès lors on préparait à Rome <strong>les</strong> coups terrib<strong>les</strong> qui ont<br />

écrasé <strong>la</strong> Compagnie. Ainsi, M. <strong>de</strong> Nanquin se trouvait entre <strong>de</strong>ux feux. Son<br />

crime, en Portugal, était d’avoir été jésuite, <strong>et</strong> à un tribunal <strong>de</strong> Rome p.491<br />

on se p<strong>la</strong>ignait sans cesse qu’il <strong>les</strong> favorisait. Pour ménager notre chute à<br />

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