Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne

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Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) B. — Mémoire sur l’état de la mission française de Pékin en Chine, en mars 1782, adressé au ministre de la Marine 1 . Nos rois sont les fondateurs de la mission française de Pékin. C’est par leurs aumônes qu’elle s’est soutenue, et leurs libéralités ont mis les missionnaires en état d’acquérir quelques portions de terre en Chine qu’ils ont fait cultiver ou qu’ils ont affermées pour les aider à attendre les secours qu’on leur envoyait d’Europe, et que tant d’accidents si ordinaires dans une route de six mille lieues pouvaient souvent retarder. Lors de la destruction des jésuites, on tenta, en vertu du bref de Clément XIV, d’envahir tout ce que possédaient ceux qui étaient dans la maison de Pékin. Ils représentèrent qu’ils ne pouvaient se dessaisir de rien sans les ordres du roi de France, leur maître et leur fondateur ; ils instruisirent la cour de leurs craintes. p.454 Le roi envoya des ordres, établit M. Bourgeois l’administrateur pour le temporel des biens et de la maison des missionnaires ex-jésuites de Pékin. Il fût reconnu pour tel par le vicaire apostolique alors administrateur du diocèse de Pékin, et par presque tous les missionnaires ; il en exerça les fonctions et eût soin de pourvoir à tous les besoins de la mission. Mais quelques missionnaires, sans s’opposer formellement à la gestion de M. Bourgeois, paraissaient persuadés que c’était au pape et aux vicaires apostoliques à disposer des biens de la mission, que d’après le bref et surtout, d’après les lettres de la sacrée congrégation de la Propagande, on devait en faire le partage entre les ex-jésuites et s’en rapporter pour la distribution de ces biens à l’autorité de ceux que Sa Sainteté avait commis pour notifier et publier le bref en question. Cette diversité d’opinions, sans produire d’abord une division marquée la préparait cependant, et elle vient 1 Ce mémoire et le suivant sont probablement de M. Amiot ou de M. Collas. Ils se trouvent au ministère de la Marine. 326 @

Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) d’éclater à l’occasion de la nomination d’un évêque de Pékin. Ce nouvel évêque est le père Damascène, augustin, déchaussé, homme vif et entreprenant comme ses démarches ne l’annoncent que trop. Il apprend qu’il est nommé évêque ; on l’en félicite et tous les missionnaires français sans exception ne manquent pas de lui témoigner le désir qu’ils avaient de mériter ses bontés ; mais sur une simple lettre qui lui annonce sa nomination, avant que d’avoir reçu ses bulles et la nomination de la cour de Portugal à qui il appartient, par l’usage, de nommer l’évêque de Pékin, le père Damascène prend la résolution de se faire sacrer ; les missionnaires français et ainsi que plusieurs autres le conjurent d’attendre ses bulles, lui représentant que son sacre sera irrégulier, qu’il ne lui donnera aucune juridiction et que les constitutions apostoliques défendent expressément de reconnaître et, d’obéir à tout évêque qui se fait sacrer sans bulles. Malgré leurs remontrances et leurs très humbles protestations, il s’est fait sacrer par l’évêque de Delcon, vicaire apostolique du Chansi, qui en a eu depuis de très grands remords ; il veut même forcer à prendre de lui des p.455 pouvoirs, il traite de rebelles et menace de censures et d’excommunication, ceux qui les refusent. Il y a sept missionnaires français à Pékin, quatre ont cru qu’ils ne pouvaient pas en conscience désobéir aux lois formelles de l’Église qui défendent de reconnaître une juridiction de cette nature, ils se sont d’ailleurs conduits avec la plus grande modération, il y en a eu un cependant d’excommunié, ainsi qu’un Portugais et un missionnaire de la Propagande 1 . Les trois missionnaires ex-jésuites qui se sont rangés sous l’obéissance de cet évêque irrégulièrement sacré, soutenus et peut-être excités par ce prélat, veulent aujourd’hui s’emparer des biens de la mission, et s’en portent publiquement pour les administrateurs. Les opposants ne peuvent 1 Le père d’Ollières est le jésuite français qui fut frappé de cette excommunication manifestement nulle, le jésuite portugais excommunié était le père Joseph d’Espinha, président du tribunal des Mathématiques. 327

<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />

d’éc<strong>la</strong>ter à l’occasion <strong>de</strong> <strong>la</strong> nomination d’un évêque <strong>de</strong> Pékin.<br />

Ce nouvel évêque est le père Damascène, augustin, déchaussé, homme<br />

vif <strong>et</strong> entreprenant comme ses démarches ne l’annoncent que trop. Il<br />

apprend qu’il est nommé évêque ; on l’en félicite <strong>et</strong> tous <strong>les</strong> missionnaires<br />

français sans exception ne manquent pas <strong>de</strong> lui témoigner le désir qu’ils<br />

avaient <strong>de</strong> mériter ses bontés ; mais sur une simple l<strong>et</strong>tre qui lui annonce<br />

sa nomination, avant que d’avoir reçu ses bul<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> nomination <strong>de</strong> <strong>la</strong> cour<br />

<strong>de</strong> Portugal à qui il appartient, par l’usage, <strong>de</strong> nommer l’évêque <strong>de</strong> Pékin,<br />

le père Damascène prend <strong>la</strong> résolution <strong>de</strong> se faire sacrer ; <strong>les</strong> missionnaires<br />

français <strong>et</strong> ainsi que plusieurs autres le conjurent d’attendre ses bul<strong>les</strong>, lui<br />

représentant que son sacre sera irrégulier, qu’il ne lui donnera aucune<br />

juridiction <strong>et</strong> que <strong>les</strong> constitutions apostoliques défen<strong>de</strong>nt expressément <strong>de</strong><br />

reconnaître <strong>et</strong>, d’obéir à tout évêque qui se fait sacrer sans bul<strong>les</strong>.<br />

Malgré leurs remontrances <strong>et</strong> leurs très humb<strong>les</strong> protestations, il s’est<br />

fait sacrer par l’évêque <strong>de</strong> Delcon, vicaire apostolique du Chansi, qui en a<br />

eu <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> très grands remords ; il veut même forcer à prendre <strong>de</strong> lui<br />

<strong>de</strong>s p.455 pouvoirs, il traite <strong>de</strong> rebel<strong>les</strong> <strong>et</strong> menace <strong>de</strong> censures <strong>et</strong><br />

d’excommunication, ceux qui <strong>les</strong> refusent.<br />

Il y a sept missionnaires français à Pékin, quatre ont cru qu’ils ne<br />

pouvaient pas en conscience désobéir aux lois formel<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’Église qui<br />

défen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> reconnaître une juridiction <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nature, ils se sont<br />

d’ailleurs conduits avec <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> modération, il y en a eu un<br />

cependant d’excommunié, ainsi qu’un Portugais <strong>et</strong> un missionnaire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Propagan<strong>de</strong> 1 .<br />

Les trois missionnaires ex-jésuites qui se sont rangés sous l’obéissance<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong> évêque irrégulièrement sacré, soutenus <strong>et</strong> peut-être excités par ce<br />

pré<strong>la</strong>t, veulent aujourd’hui s’emparer <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission, <strong>et</strong> s’en<br />

portent publiquement pour <strong>les</strong> administrateurs. Les opposants ne peuvent<br />

1 Le père d’Ollières est le jésuite français qui fut frappé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te excommunication<br />

manifestement nulle, le jésuite portugais excommunié était le père <strong>Joseph</strong> d’Espinha,<br />

prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong>s Mathématiques.<br />

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