Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne
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p.437 Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) PIÈCES JUSTIFICATIVES I A. — Lettre du père Amiot à M. Bertin, ministre d’État, à Paris 310 @ Pékin, 1 er octobre 1774 Un bruit sourd et qui vient chaque jour en se renforçant nous annonce pour dernière disgrâce que le souverain pontife a enfin par une Bulle 1 solennelle aboli entièrement l’ordre des clercs réguliers de la Compagnie de Jésus. Sur ce bruit, le grand nombre de ceux qui composent cette maison paraissent disposés à céder la place à quiconque voudra s’en emparer. Il serait fâcheux, Monseigneur, qu’un établissement tel que celui que nous avons ici, l’un des plus beaux peut-être qu’ait la France dans le pays lointain, passât en des mains étrangères : il serait, je crois, de la dernière indécence que notre église, notre bibliothèque, notre observatoire, nos instruments et notre p.438 maison où l’on voit partout les armes et les différents symboles de la France devinssent la proie de quelques religieux italiens, portugais et allemands. Louis le Grand et Louis le Bien-aimé nous ont constamment protégés et comblés de mille bienfaits ; les plus grands ministres de France jusqu’à Votre Grandeur inclusivement nous ont pareillement honorés de leur protection ; tout ce que nous possédons ici, nous le devons à ceux de notre nation. Ne serait-ce pas une insulte faite, je ne dis pas à nous qui ne sommes plus rien, qui sommes moins que rien, mais à cette même nation, que de lui enlever ce qui lui appartient à si juste titre ? Je pense donc que nous devons faire tous nos efforts pour empêcher qu’on ôte à César ce qui 1 Non par une bulle ; mais par un bref.
Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) appartient à César. Notre destination et celle de nos missions françaises à la Chine, supposé qu’il n’y ait plus de jésuites, sont toutes naturelles. Il y a en France une congrégation de prêtres séculiers qui se consacrent aux missions étrangères ; qu’on agrège à cette congrégation les missionnaires de la Chine, ci-devant jésuites, et qu’on lui cède toutes leurs possessions tant pour le spirituel que pour ce qui a rapport au temporel, tout rentrera dans l’ordre, ou pour parler plus exactement rien ne sortira ou ne s’écartera de l’ordre. Cette congrégation trouvera des chrétientés toutes formées et des maisons où elle n’aura qu’à loger les siens à mesure que les anciens missionnaires viendront à manquer ; le nombre de ceux-ci n’est pas assez considérable pour pouvoir laisser longtemps dans l’attente ceux qui seront destinés à les remplacer ; ils sont assez pourvus de tout ce qui est absolument nécessaire pour n’être pas à charge pendant le peu de temps qu’ils ont encore à vivre. De cette manière, le double objet pour lequel nous avons été fondés, je veux dire celui de travailler au salut des Chinois, et celui d’agrandir, suivant la portée d’un chacun, la sphère des connaissances humaines, continueront à être remplis l’un et l’autre comme ils l’ont été ci-devant ; ce qui certainement n’arriverait pas si des religieux de différents ordres, portugais, italiens et allemands venaient à nous être substitués. p.439 S’il faut nécessairement un corps pour pouvoir continuer la bonne œuvre que nous avons commencée et que nous ne saurions finir, il faut que ce soit un corps pour pouvoir la continuer de manière à pouvoir contenter tout à la fois Dieu et les hommes ; car je ne dois pas le cacher à Votre Grandeur, il n’en est pas de la mission de Pékin comme des autres ; dans celles-ci, le zèle, le travail, la piété, la bonne volonté peuvent absolument suffire ; il faut tout cela à Pékin et quelque chose de plus encore ; il faut de la science et du talent, il faut tâcher d’être agréable au souverain ; il faut se rendre utile au gouvernement ; ce ne sera jamais qu’à ces conditions qu’on nous permettra d’y prêcher l’Évangile. Il n’y a que des services tels 311
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<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />
PIÈCES JUSTIFICATIVES<br />
I<br />
A. — L<strong>et</strong>tre du père <strong>Amiot</strong> à M. Bertin, ministre d’État, à Paris<br />
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Pékin, 1 er octobre 1774<br />
Un bruit sourd <strong>et</strong> qui vient chaque jour en se renforçant nous<br />
annonce pour <strong>de</strong>rnière disgrâce que le souverain pontife a enfin par une<br />
Bulle 1 solennelle aboli entièrement l’ordre <strong>de</strong>s clercs réguliers <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Compagnie <strong>de</strong> Jésus.<br />
Sur ce bruit, le grand nombre <strong>de</strong> ceux qui composent c<strong>et</strong>te maison<br />
paraissent disposés à cé<strong>de</strong>r <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce à quiconque voudra s’en emparer. Il<br />
serait fâcheux, Monseigneur, qu’un établissement tel que celui que nous<br />
avons ici, l’un <strong>de</strong>s plus beaux peut-être qu’ait <strong>la</strong> France dans le pays<br />
lointain, passât en <strong>de</strong>s mains étrangères : il serait, je crois, <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière<br />
indécence que notre église, notre bibliothèque, notre observatoire, nos<br />
instruments <strong>et</strong> notre p.438 maison où l’on voit partout <strong>les</strong> armes <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />
différents symbo<strong>les</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> France <strong>de</strong>vinssent <strong>la</strong> proie <strong>de</strong> quelques religieux<br />
italiens, portugais <strong>et</strong> allemands.<br />
Louis le Grand <strong>et</strong> Louis le Bien-aimé nous ont constamment protégés <strong>et</strong><br />
comblés <strong>de</strong> mille bienfaits ; <strong>les</strong> plus grands ministres <strong>de</strong> France jusqu’à<br />
Votre Gran<strong>de</strong>ur inclusivement nous ont pareillement honorés <strong>de</strong> leur<br />
protection ; tout ce que nous possédons ici, nous le <strong>de</strong>vons à ceux <strong>de</strong> notre<br />
nation. Ne serait-ce pas une insulte faite, je ne dis pas à nous qui ne<br />
sommes plus rien, qui sommes moins que rien, mais à c<strong>et</strong>te même nation,<br />
que <strong>de</strong> lui enlever ce qui lui appartient à si juste titre ? Je pense donc que<br />
nous <strong>de</strong>vons faire tous nos efforts pour empêcher qu’on ôte à César ce qui<br />
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