Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne
Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne
Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) En 1791, se trouvant moins vaillant, ou plutôt très affaibli, et ayant alors comme le pressentiment d’une mort prochaine, il avait relu son testament, fait depuis des années, et, au bas, il avait ajouté ces deux lignes : « Il y a bien des années que cet écrit est fait ; je viens de le relire, et je n’ai rien à en ôter ni à y ajouter. » On lit dans ce testament : « J’étais religieux quand, en 1749, je partis de France pour venir en Chine ; j’ai vécu en religieux, tant qu’il m’a été permis de le faire, aussi je n’ai rien eu en propre pendant cet espace de temps. Depuis la dissolution de la société, dont j’avais l’honneur d’être membre, j’aurais p.426 pu acquérir, si je l’avais voulu ; je ne l’ai pas fait ; ainsi je ne laisse rien. Je ne dois rien ; j’ai disposé de tout ce dont je pouvais disposer, à mesure que la charité chrétienne ou certaines bienséances locales en faisaient naître les occasions. Pour ce qui est des habits, meubles et autres petits effets, tout cela doit être regardé comme acquis à la maison 1 . » Ses visites au cimetière ne durèrent pas longtemps. Vers le milieu de septembre 1792, il passa par des circonstances si critiques tant pour l’esprit que pour le corps que sa raison et ses forces y auraient infailliblement succombé, sans une intervention particulière de l’ange chargé par Dieu de veiller spécialement sur lui 2 . Ces circonstances critiques sont les événements révolutionnaires qui se succédèrent alors en France si rapidement, et l’affectèrent à ce point que sa santé en fut pour toujours ébranlée et sa vie gravement compromise. Sous le coup de ces événements, qui présageaient des jours sanglants et la fin d’un régime, il se produisit dans l’équilibre des humeurs de son corps un dérangement qui ne tendait à rien moins qu’à sa décomposition totale. Miné par la fièvre, sans sommeil, respirant difficilement, p.427 ne pouvant s’étendre sur un lit, 1 Le testament est du 15 novembre 1791 et signé : Amiot, M. A. On lit en post-scriptum : Pour M. le supérieur après ma mort, 1791. 2 Lettre à sa sœur, 20 septembre 1792. 304
Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) toujours assis sur un fauteuil, il déclinait à vue d’œil 1 . « L’arrêt des médecins, tant chinois qu’européens, portait qu’étant arrivé au point de ne guère différer d’un squelette, le souffle de la vie s’éteindrait de lui-même comme la lumière d’un flambeau quand la cire est consumée 2 . » La tranquillité d’esprit eût été nécessaire pour le rétablissement de sa santé ; on la lui recommandait. Mais comment obtenir de ce malade de détourner sa pensée de la France qu’il aimait passionnément et des malheurs effroyables qui la menaçaient ? Il y pensait le jour, il y pensait la nuit. Son esprit était obsédé par l’image horrible de la patrie agitée, ruinée, ensanglantée, bouleversée de fond en comble par une bande de scélérats, devenus maîtres du pouvoir. Dans la même lettre, il écrit à sa sœur : « Le matin, le milieu du jour, le soir ou pendant la nuit, ce que je lisais dans les papiers publics, ou, pour mieux dire, ce qu’on me racontait du contenu de ces papiers, de tous les papiers qui se lisaient à Canton par les commerçants et les marins des différents royaumes d’Europe qui y abordent, se peignait en noir dans mon imagination, et me persuada presque que notre France, ce beau royaume d’autrefois, si plein de charmes et recherché par les étrangers de p.428 tous les pays pour la douceur, l’urbanité, la politesse et les agréments en tous genres de ses habitants, avait subi le joug des barbares et n’était plus habité que par des hommes sans loi, sans frein, sans religion, sans mœurs, chez qui les rapines, les vols, les brigandages, les meurtres et ces massacres atroces que les Iroquois et les Caraïbes auraient eux-mêmes en horreur, s’ils en avaient connaissance, ont perdu tout ce qu’ils avaient d’effrayant. » M. Amiot ajoute : « Vous jugez bien qu’un pareil tableau n’était rien moins que propre à dissiper la tristesse qui m’avait gagné. J’avais beau vouloir détourner la vue des objets qu’il représentait, ces objets venaient 1 Lettre à sa sœur, 20 septembre 1792. 2 Ibid. 305
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<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />
En 1791, se trouvant moins vail<strong>la</strong>nt, ou plutôt très affaibli, <strong>et</strong> ayant<br />
alors comme le pressentiment d’une mort prochaine, il avait relu son<br />
testament, fait <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années, <strong>et</strong>, au bas, il avait ajouté ces <strong>de</strong>ux<br />
lignes : « Il y a bien <strong>de</strong>s années que c<strong>et</strong> écrit est fait ; je viens <strong>de</strong> le relire,<br />
<strong>et</strong> je n’ai rien à en ôter ni à y ajouter. »<br />
On lit dans ce testament : « J’étais religieux quand, en 1749, je partis<br />
<strong>de</strong> France pour venir en <strong>Chine</strong> ; j’ai vécu en religieux, tant qu’il m’a été<br />
permis <strong>de</strong> le faire, aussi je n’ai rien eu en propre pendant c<strong>et</strong> espace <strong>de</strong><br />
temps. Depuis <strong>la</strong> dissolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> société, dont j’avais l’honneur d’être<br />
membre, j’aurais p.426 pu acquérir, si je l’avais voulu ; je ne l’ai pas fait ;<br />
ainsi je ne <strong>la</strong>isse rien. Je ne dois rien ; j’ai disposé <strong>de</strong> tout ce dont je<br />
pouvais disposer, à mesure que <strong>la</strong> charité chrétienne ou certaines<br />
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acquis à <strong>la</strong> maison 1 . »<br />
Ses visites au cim<strong>et</strong>ière ne durèrent pas longtemps. Vers le milieu <strong>de</strong><br />
septembre 1792, il passa par <strong>de</strong>s circonstances si critiques tant pour<br />
l’esprit que pour le corps que sa raison <strong>et</strong> ses forces y auraient<br />
infailliblement succombé, sans une intervention particulière <strong>de</strong> l’ange<br />
chargé par Dieu <strong>de</strong> veiller spécialement sur lui 2 . Ces circonstances<br />
critiques sont <strong>les</strong> événements révolutionnaires qui se succédèrent alors en<br />
France si rapi<strong>de</strong>ment, <strong>et</strong> l’affectèrent à ce point que sa santé en fut pour<br />
toujours ébranlée <strong>et</strong> sa vie gravement compromise. Sous le coup <strong>de</strong> ces<br />
événements, qui présageaient <strong>de</strong>s jours sang<strong>la</strong>nts <strong>et</strong> <strong>la</strong> fin d’un régime, il<br />
se produisit dans l’équilibre <strong>de</strong>s humeurs <strong>de</strong> son corps un dérangement qui<br />
ne tendait à rien moins qu’à sa décomposition totale. Miné par <strong>la</strong> fièvre,<br />
sans sommeil, respirant difficilement, p.427 ne pouvant s’étendre sur un lit,<br />
1 Le testament est du 15 novembre 1791 <strong>et</strong> signé : <strong>Amiot</strong>, M. A. On lit en post-scriptum :<br />
Pour M. le supérieur après ma mort, 1791.<br />
2 L<strong>et</strong>tre à sa sœur, 20 septembre 1792.<br />
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