Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne
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Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) vaisseaux partis de Portugal étaient arrivés 1 à Canton, mais qu’ils n’avaient apporté ni bulles, ni provisions, et que personne dans les deux vaisseaux n’avait ouï parler en Portugal d’un évêque pour Pékin. » Cette réponse parvint à Pékin vers la fin de décembre, et les amis de l’évêque nommé répandirent immédiatement le bruit qu’un jésuite, français ou portugais, avait surpris les bulles et les avait supprimées 2 . » Les bulles, disaient-ils, ont été expédiées de Lisbonne au mois de février 1779 et ne sont pas encore arrivées à Pékin, en janvier 1780. D’où trois hypothèses : elles ont été retenues, ou perdues, ou soustraites. Or, il est certain qu’elles ont été envoyées de Lisbonne ; elles ne se sont pas perdues, puisque les vaisseaux ont abordé à Macao ; reste le soupçon d’interception. « Ce soupçon repose sur de si graves raisons, dit une lettre de M. de Ventavon à la Sacrée p.285 congrégation de la Propagande, que l’évidence seule manque pour affirmer qu’elles ont été interceptées. Elles sont tombées, sans doute, entre des mains intéressées à les faire disparaître. L’avenir nous dira ce qui en est 3 . » Comme M. de Ventavon, M. de Poirot accusait M. Bourgeois et ses amis d’avoir volé les bulles : « Il ne sera pas difficile, écrivait-il à M. Amiot le 31 mai 1780, de prouver avec des monuments et raisons inéluctables la subreption malicieuse des bulles. L’an passé même, Rome en a été instruite 1 Voici la phrase en latin telle qu’elle était dans la lettre de Mgr Damascène, dont M. Bourgeois eut la copie : « Ob zelum ac bonum christianitatis timeri quod traditæ fuerint jesuitis (Bullæ) ; id enim esset ovem mittere in os lupi ; quod eos cogitem magis falsos homines ac impios orbis. » (Lettre de M. Bourgeois à M. Duprez, 15 oct. 1780). 2 Lettre déjà citée de M. d’Ollières à son frère. 3 Le 15 sept. 1780, M. de Ventavon écrit à la s. cong. de la Propagande : « Bullæ fuerunt ne dolo subreptæ ? Gravissimæ quidem hujus subreptionis suspiciones sunt, et talia argumenta ut ad formandum judicium deficere tantum videatur evidentia. Fuerunt ne casu perditæ aut in Lusitania contra mentem S æ Sedis detentæ ? Nobis hoc probabit eventus. » L’avenir montra que les bulles furent, en effet, expédiées de Lisbonne et qu’elles mirent un temps long pour arriver à Pékin, mais qu’elles y arrivèrent : « Minister regius ulissiponensis expedivit bullas et regias epistolas per Goam ; quæ expeditio unum plus quam solilum annum, ad sinas adventum retardavit. » (Mémoire de Mgr de Govea). Le 22 novembre 1781, M. de Ventavon écrivait à la Propagande : « Bullæ illust mi D ni Damasceni post duos tandem annos apparuerunt Macai. » (Arch. de la Prop.) 218
Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) par quelqu’un de Canton. Ces messieurs auront beau protester, jurer, ce vol détestable leur sera imputé et avec fondement 1 . » La haine est souvent injuste. p.286 Les partisans de Mgr Damascène essayèrent d’entraîner M. Amiot dans leur parti, en lui faisant adopter leur sentiment sur l’interception des bulles. Mais ce missionnaire avait trop de bon sens pour s’y laisser prendre. « La subreption des bulles, répondit-il à M. de Poirot, dont vous, vous avez, dites-vous, une certitude morale, est un fait si peu croyable que je le regarde comme fabuleux. Une certitude physique ne serait pas suffisante pour me le faire croire. Je dirais alors : les sens sont trompeurs, je ne les ai pas bien appliqués, j’ai cru voir et je n’ai pas vu, j’ai cru bien entendre et j’ai mal entendu ; mes yeux et mes oreilles m’ont trompé. D’ailleurs, j’ai l’honneur de connaître tous les missionnaires européens et chinois qui sont à Pékin, et je suis dans une persuasion intime qu’aucun d’eux n’est capable d’avoir contribué de près ni de loin à une action qui serait un crime abominable devant Dieu, et une tache d’ignominie ineffaçable aux yeux des hommes. Il faudrait un intérêt bien grand pour engager quelqu’un à commettre un aussi grand crime. Et il n’y aurait que celui à qui le gouvernement de Portugal aurait remis les bulles et les instructions qui devaient les accompagner pour être apportées en Chine, qui aurait pu les supprimer. Est-il vraisemblable, que quelqu’un ait été assez téméraire pour supprimer les dépêches de son souverain au risque de sa fortune et de sa vie ? Par quel motif les aurait-il p.287 supprimées ? A l’instigation de qui ? Encore une fois, la chose n’est pas vraisemblable. J’ai tout lieu de croire, au contraire, que tout le monde serait charmé que ces bulles tant désirées arrivassent enfin. Les missionnaires surtout en seraient dans la joie de leur cœur, parce qu’alors tout sujet d’altération étant ôté, nous pourrions tous travailler en paix à procurer la gloire de Dieu et le salut des âmes. » 1 Arch. de la Prop. 219
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<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />
vaisseaux partis <strong>de</strong> Portugal étaient arrivés 1 à Canton, mais qu’ils<br />
n’avaient apporté ni bul<strong>les</strong>, ni provisions, <strong>et</strong> que personne dans <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux<br />
vaisseaux n’avait ouï parler en Portugal d’un évêque pour Pékin. »<br />
C<strong>et</strong>te réponse parvint à Pékin vers <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> décembre, <strong>et</strong> <strong>les</strong> amis <strong>de</strong><br />
l’évêque nommé répandirent immédiatement le bruit qu’un jésuite, français<br />
ou portugais, avait surpris <strong>les</strong> bul<strong>les</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> avait supprimées 2 . »<br />
Les bul<strong>les</strong>, disaient-ils, ont été expédiées <strong>de</strong> Lisbonne au mois <strong>de</strong> février<br />
1779 <strong>et</strong> ne sont pas encore arrivées à Pékin, en janvier 1780. D’où trois<br />
hypothèses : el<strong>les</strong> ont été r<strong>et</strong>enues, ou perdues, ou soustraites. Or, il est<br />
certain qu’el<strong>les</strong> ont été envoyées <strong>de</strong> Lisbonne ; el<strong>les</strong> ne se sont pas<br />
perdues, puisque <strong>les</strong> vaisseaux ont abordé à Macao ; reste le soupçon<br />
d’interception.<br />
« Ce soupçon repose sur <strong>de</strong> si graves raisons, dit une l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> M. <strong>de</strong><br />
Ventavon à <strong>la</strong> Sacrée p.285 congrégation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Propagan<strong>de</strong>, que l’évi<strong>de</strong>nce<br />
seule manque pour affirmer qu’el<strong>les</strong> ont été interceptées. El<strong>les</strong> sont<br />
tombées, sans doute, entre <strong>de</strong>s mains intéressées à <strong>les</strong> faire disparaître.<br />
L’avenir nous dira ce qui en est 3 . »<br />
Comme M. <strong>de</strong> Ventavon, M. <strong>de</strong> Poirot accusait M. Bourgeois <strong>et</strong> ses amis<br />
d’avoir volé <strong>les</strong> bul<strong>les</strong> : « Il ne sera pas difficile, écrivait-il à M. <strong>Amiot</strong> le 31<br />
mai 1780, <strong>de</strong> prouver avec <strong>de</strong>s monuments <strong>et</strong> raisons inéluctab<strong>les</strong> <strong>la</strong><br />
subreption malicieuse <strong>de</strong>s bul<strong>les</strong>. L’an passé même, Rome en a été instruite<br />
1 Voici <strong>la</strong> phrase en <strong>la</strong>tin telle qu’elle était dans <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Mgr Damascène, dont M.<br />
Bourgeois eut <strong>la</strong> copie : « Ob zelum ac bonum christianitatis timeri quod traditæ fuerint<br />
jesuitis (Bullæ) ; id enim ess<strong>et</strong> ovem mittere in os lupi ; quod eos cogitem magis falsos<br />
homines ac impios orbis. » (L<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> M. Bourgeois à M. Duprez, 15 oct. 1780).<br />
2 L<strong>et</strong>tre déjà citée <strong>de</strong> M. d’Ollières à son frère.<br />
3 Le 15 sept. 1780, M. <strong>de</strong> Ventavon écrit à <strong>la</strong> s. cong. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Propagan<strong>de</strong> : « Bullæ fuerunt ne<br />
dolo subreptæ ? Gravissimæ qui<strong>de</strong>m hujus subreptionis suspiciones sunt, <strong>et</strong> talia argumenta<br />
ut ad formandum judicium <strong>de</strong>ficere tantum vi<strong>de</strong>atur evi<strong>de</strong>ntia. Fuerunt ne casu perditæ aut<br />
in Lusitania contra mentem S æ Sedis d<strong>et</strong>entæ ? Nobis hoc probabit eventus. » L’avenir<br />
montra que <strong>les</strong> bul<strong>les</strong> furent, en eff<strong>et</strong>, expédiées <strong>de</strong> Lisbonne <strong>et</strong> qu’el<strong>les</strong> mirent un temps<br />
long pour arriver à Pékin, mais qu’el<strong>les</strong> y arrivèrent : « Minister regius ulissiponensis<br />
expedivit bul<strong>la</strong>s <strong>et</strong> regias episto<strong>la</strong>s per Goam ; quæ expeditio unum plus quam solilum<br />
annum, ad sinas adventum r<strong>et</strong>ardavit. » (Mémoire <strong>de</strong> Mgr <strong>de</strong> Govea). Le 22 novembre<br />
1781, M. <strong>de</strong> Ventavon écrivait à <strong>la</strong> Propagan<strong>de</strong> : « Bullæ illust mi D ni Damasceni post duos<br />
tan<strong>de</strong>m annos apparuerunt Macai. » (Arch. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Prop.)<br />
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