Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne

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Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) de la mission, M. Bertin était d’avis de charger notre ambassadeur à Rome, le cardinal de Bernis, de régler définitivement avec le pape cette grave question 1 . M. de Sartines en parla au nonce et en écrivit à l’ambassadeur. En attendant la réponse de Rome, les missionnaires, sur le conseil de M. Bertin, demeurèrent dans le statu quo : la communauté fut dissoute, mais M. Bourgeois administra les biens. La somme de 12.000 livres allouée par le roi fut répartie entre les missionnaires d’après les indications de M. Bertin. M. Amiot fut le plus favorisé : « 1.200 livres pour sa pension, plus 600 pour les dépenses occasionnées par sa correspondance littéraire 2 . » p.225 L’approbation du roi et de ses ministres, et le règlement par ordre de Sa Majesté des affaires temporelles furent un sujet de grande joie pour la plupart des missionnaires. M. Amiot fut chargé par M. Bourgeois et ses partisans, de transmettre à M. Bertin leur profonde reconnaissance, ce qu’il fit par sa lettre du 19 novembre 1777 : « Grâce à la protection dont votre Grandeur nous honore, est-il dit dans cette lettre, le sort de la mission française de Pékin est enfin fixé. Nous sommes sous la sauvegarde du roi, et nous n’avons plus rien à craindre de la part des étrangers. Vive le roi ! Vivent les grands ministres qui se sont employés avec tant de bonté pour nous mettre à couvert de la tracasserie et des vexations. » M. Amiot se trompait singulièrement, en croyant la mission à l’abri des tracasseries et des vexations. p.226 Elles vont commencer ou plutôt continuer de plus belle. 1 Ceci est conforme à la circulaire du 18 décembre 1773, que l’on connaissait à Paris et qu’on ignorait à Pékin. 2 Lettre de M. Bertin à M. Amiot, 28 févr. 1776. — Le 27 nov. 1776, M. Bertin écrivait à M. Bourgeois : « C’est au ministre de la Marine, M. de Sartines, que vous devez vous adresser désormais pour tout ce qui intéresse la mission. A mon égard, je suis chargé de la suite de la correspondance avec vous et vos autres messieurs de Pékin, pour ce qui concerne le progrès des sciences et des arts en Europe, en leur demandant et recevant d’eux tous les documents et mémoires de la Chine qui peuvent servir à ces objets. » M. Bertin a espère que la dissolution de la Société ne ralentira pas le travail que les missionnaires ont entrepris, c’est-à-dire, d’éclairer par de bons mémoires les parties de nos arts principalement dans lesquels nous sommes bien inférieurs aux Chinois. » M. Amiot fournit le plus de documents ; il envoya chaque année en Europe des mémoires sur la Chine. (Arch. de la Marine). 180

Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) @ Il semble que le décret royal du 30 novembre 1776 et l’ordre envoyé par M. de Sartines au cardinal de Bernis de régler avec le pape la question des biens de la mission de Chine, auraient dû calmer les trois ex-jésuites dissidents et leur faire accepter l’administration de M. Bourgeois jusqu’à la réponse définitive de Rome. Malheureusement, il n’en fut pas ainsi. Ils ne voulurent pas reconnaître la signature du roi au bas du décret ; ils considérèrent ce document comme apocryphe et de nulle valeur, formellement opposé aux volontés de Clément XIV 1 ; ils prétendirent que, si le décret était signé par le roi, il ne l’avait pas été librement, qu’il lui avait été imposé par le ministre Bertin 2 ; ils soutinrent que p.227 le droit de propriété, invoqué par le décret sur les biens de la mission, n’existait pas, qu’il ne pouvait même pas exister à Pékin et que l’empereur ne le souffrirait pas, que Louis XIV et Louis XV avaient fait de beaux et nombreux cadeaux à la mission française, mais que ces cadeaux étant devenus biens de la mission, les donataires ne pouvaient les réclamer légitimement comme leur appartenant 3 . 1 M. Bourgeois à M. Duprez, 28 oct. 1781 : « Les dissidents nièrent que le brevet de Louis XVI me nommant administrateur fût de lui. » (Arch. S. J.) 2 Dans ses lettres à l’archevêque de Paris, Mgr de Beaumont (5 nov. 1778) et au cardinal préfet de la Propagande (6 déc. 1779), M. de Ventavon accuse M. Bertin d’avoir extorqué à Louis XVI le décret qui nomme économe M. Bourgeois, dans l’espoir de continuer ses relations scientifiques avec MM. Amiot, d’Ollières et Cibot. « Le plan sur l’administration des biens était, dit-il à Mgr de Beaumont, combiné entre ces messieurs et le ministre d’État. Ces messieurs débitent à M. Bertin un tas de fables et lui adressent de faux rapports sur les propagandistes et sur l’état de l’Église de Pékin après la promulgation du bref pontifical. » Dans sa lettre au préfet de la Propagande, il dit. : « D nus Bertin nihil aliud intendit quam procurare sibi varias notifias imperii sinensis. Et quantam rerum ferruginem nonne miserunt ad illum ! » (Arch. de la Prop.) Quantam ferruginem ! M. de Ventavon traite avec ce mépris les travaux de M. Amiot et de ses amis, qui ont servi à former la fameuse collection des Mémoires sur la Chine !! M. de Poirot tient le même langage dans sa lettre du 5, novembre 1778 au cardinal Castelli. 3 Ventavon au préfet de la Propagande, 6 déc. 1779 : « Nullus est titulus legitimus quo inniti possit Gallia ad vindicanda bona missionis nostræ, cum nullus existat fundationis contractus, cum de his quæ in eleemosinam aut beneficium dederunt Galliæ reges, nunquam sibi dominium retinere velle declararunt, cum major pars bonorum fuerit aliunde acquisita, cum posita sint in imperio sinenci, supra quæ consequenter solus imperator dominium altum habet, cum antea superiores de his bonis disposuerint, dando tantum rationes Generali societatis, sine ulla unquam reclamatione ex parte regum Galliæ. » (Arch. de la Prop.) Le 15 sept. 1780, il avait écrit à la Propagande : « Verum est Ludovicum XIV multa dedisse ornamenta ecclesiæ, vasa sacra, instrumenta mathematica, aliaque munera, pecuniam etiam pro fundatione duorum aut, ut alii dicunt, quatuor missionariorum (Arch. de la Prop.) 181

<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />

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Il semble que le décr<strong>et</strong> royal du 30 novembre 1776 <strong>et</strong> l’ordre envoyé par<br />

M. <strong>de</strong> Sartines au cardinal <strong>de</strong> Bernis <strong>de</strong> régler avec le pape <strong>la</strong> question <strong>de</strong>s<br />

biens <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission <strong>de</strong> <strong>Chine</strong>, auraient dû calmer <strong>les</strong> trois ex-jésuites<br />

dissi<strong>de</strong>nts <strong>et</strong> leur faire accepter l’administration <strong>de</strong> M. Bourgeois jusqu’à <strong>la</strong><br />

réponse définitive <strong>de</strong> Rome. Malheureusement, il n’en fut pas ainsi. Ils ne<br />

voulurent pas reconnaître <strong>la</strong> signature du roi au bas du décr<strong>et</strong> ; ils<br />

considérèrent ce document comme apocryphe <strong>et</strong> <strong>de</strong> nulle valeur,<br />

formellement opposé aux volontés <strong>de</strong> Clément XIV 1 ; ils prétendirent que, si<br />

le décr<strong>et</strong> était signé par le roi, il ne l’avait pas été librement, qu’il lui avait été<br />

imposé par le ministre Bertin 2 ; ils soutinrent que p.227 le droit <strong>de</strong> propriété,<br />

invoqué par le décr<strong>et</strong> sur <strong>les</strong> biens <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission, n’existait pas, qu’il ne<br />

pouvait même pas exister à Pékin <strong>et</strong> que l’empereur ne le souffrirait pas, que<br />

Louis XIV <strong>et</strong> Louis XV avaient fait <strong>de</strong> beaux <strong>et</strong> nombreux ca<strong>de</strong>aux à <strong>la</strong> mission<br />

française, mais que ces ca<strong>de</strong>aux étant <strong>de</strong>venus biens <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission, <strong>les</strong><br />

donataires ne pouvaient <strong>les</strong> réc<strong>la</strong>mer légitimement comme leur appartenant 3 .<br />

1 M. Bourgeois à M. Duprez, 28 oct. 1781 : « Les dissi<strong>de</strong>nts nièrent que le brev<strong>et</strong> <strong>de</strong> Louis<br />

XVI me nommant administrateur fût <strong>de</strong> lui. » (Arch. S. J.)<br />

2 Dans ses l<strong>et</strong>tres à l’archevêque <strong>de</strong> Paris, Mgr <strong>de</strong> Beaumont (5 nov. 1778) <strong>et</strong> au cardinal<br />

préf<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Propagan<strong>de</strong> (6 déc. 1779), M. <strong>de</strong> Ventavon accuse M. Bertin d’avoir extorqué à<br />

Louis XVI le décr<strong>et</strong> qui nomme économe M. Bourgeois, dans l’espoir <strong>de</strong> continuer ses<br />

re<strong>la</strong>tions scientifiques avec MM. <strong>Amiot</strong>, d’Ollières <strong>et</strong> Cibot. « Le p<strong>la</strong>n sur l’administration <strong>de</strong>s<br />

biens était, dit-il à Mgr <strong>de</strong> Beaumont, combiné entre ces messieurs <strong>et</strong> le ministre d’État. Ces<br />

messieurs débitent à M. Bertin un tas <strong>de</strong> fab<strong>les</strong> <strong>et</strong> lui adressent <strong>de</strong> faux rapports sur <strong>les</strong><br />

propagandistes <strong>et</strong> sur l’état <strong>de</strong> l’Église <strong>de</strong> Pékin après <strong>la</strong> promulgation du bref pontifical. »<br />

Dans sa l<strong>et</strong>tre au préf<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Propagan<strong>de</strong>, il dit. : « D nus Bertin nihil aliud intendit quam<br />

procurare sibi varias notifias imperii sinensis. Et quantam rerum ferruginem nonne miserunt<br />

ad illum ! » (Arch. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Prop.)<br />

Quantam ferruginem ! M. <strong>de</strong> Ventavon traite avec ce mépris <strong>les</strong> travaux <strong>de</strong> M. <strong>Amiot</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

ses amis, qui ont servi à former <strong>la</strong> fameuse collection <strong>de</strong>s Mémoires sur <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> !!<br />

M. <strong>de</strong> Poirot tient le même <strong>la</strong>ngage dans sa l<strong>et</strong>tre du 5, novembre 1778 au cardinal Castelli.<br />

3 Ventavon au préf<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Propagan<strong>de</strong>, 6 déc. 1779 : « Nullus est titulus legitimus quo inniti<br />

possit Gallia ad vindicanda bona missionis nostræ, cum nullus existat fundationis contractus,<br />

cum <strong>de</strong> his quæ in eleemosinam aut beneficium <strong>de</strong><strong>de</strong>runt Galliæ reges, nunquam sibi<br />

dominium r<strong>et</strong>inere velle <strong>de</strong>c<strong>la</strong>rarunt, cum major pars bonorum fuerit aliun<strong>de</strong> acquisita, cum<br />

posita sint in imperio sinenci, supra quæ consequenter solus imperator dominium altum<br />

hab<strong>et</strong>, cum antea superiores <strong>de</strong> his bonis disposuerint, dando tantum rationes Generali<br />

soci<strong>et</strong>atis, sine ul<strong>la</strong> unquam rec<strong>la</strong>matione ex parte regum Galliæ. » (Arch. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Prop.) Le 15<br />

sept. 1780, il avait écrit à <strong>la</strong> Propagan<strong>de</strong> : « Verum est Ludovicum XIV multa <strong>de</strong>disse<br />

ornamenta ecc<strong>les</strong>iæ, vasa sacra, instrumenta mathematica, aliaque munera, pecuniam<br />

<strong>et</strong>iam pro fundatione duorum aut, ut alii dicunt, quatuor missionariorum (Arch. <strong>de</strong> <strong>la</strong> Prop.)<br />

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