Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne
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Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) CHAPITRE HUITIÈME Biens de la mission française. — M. Bourgeois nommé administrateur par Louis XVI. — Refus par les dissidents de le reconnaître. La question des biens de la mission française a été la source de fréquentes relations diplomatiques entre Paris et Rome ; elle a été plus encore l’occasion de démêlés incessants entre les propagandistes et les missionnaires français, entre les missionnaires eux-mêmes. Il importe donc de la tirer au clair, si possible, et de l’exposer telle qu’elle se présente à nous dans les documents officiels et les correspondances de l’époque. Les derniers survivants de la Compagnie dissoute en Chine furent péniblement attristés par cette misérable et troublante question. D’après les instructions du cardinal Castelli, les biens de la mission française étaient, par le fait de la suppression de la Société, acquis au p.206 souverain-pontife. La sacrée congrégation de la Propagande désirait vivement cette solution, dans l’espoir qu’ils seraient ensuite mis à la disposition des propagandistes de Pékin. Le père Joseph, qui savait les intentions de la Propagande, réclama donc (on l’a vu plus haut) l’administration des biens, en s’appuyant sur les instructions du cardinal. Mais le père Bourgeois lui ayant fait observer que les mêmes instructions permettaient à l’évêque de Nankin d’en laisser aux jésuites une possession telle quelle, et, par conséquent, l’administration, le vicaire général voulut du moins faire signer aux Pères que les établissements et tout ce qu’ils possédaient à Pékin étant dévolus de droit au Saint-Siège, le domaine en était acquis au souverain-pontife. Evidemment, il demandait une signature que les missionnaires ne pouvaient accorder. Ils refusèrent. Pourquoi ne pouvaient-ils pas accorder ce que leurs confrères avaient accepté ailleurs, dans d’autres Missions ? Le père Amiot s’expliqua 168 @
Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) nettement sur ce point, le 15 novembre : « Ce jour-là, écrit-il à M. Bignon, je représentai avec respect au père Joseph, que n’étant que les administrateurs du temporel de la mission française, il ne nous appartenait pas de rien signer sur cet article, sans l’aveu du roi de France et de l’empereur de Chine, parce que tout ce que nous avions ici, nous le tenions de la libéralité de ces deux p.207 grands princes. J’ajoutai que nous avions des preuves certaines que le roi avait pris sous sa protection notre Mission française, qu’il pensait à la soutenir, et qu’il était à présumer que son intention était de faire occuper par des Français les établissements, dont nous étions actuellement en possession. Je lui fis observer de plus qu’il fallait bien distinguer ce qui avait été donné aux missionnaires, comme étant jésuites, d’avec ce qui leur avait été donné comme étant Français, et que notre établissement de Pékin n’était pas, à proprement parler, un établissement de jésuites, mais un établissement de Français, ce qui se prouverait très aisément et par les patentes que Louis-le-Grand fit donner aux premiers missionnaires français qui vinrent à Pékin et qui formèrent l’établissement que nous y avons, et par celles qui leur furent données par le grand Kang-hi, lorsqu’il leur permit de s’établir dans l’enceinte même de son palais, d’y élever un temple en l’honneur du vrai Dieu pour y vaquer aux fonctions de leur ministère, et qu’il en facilita l’exécution, soit en donnant l’emplacement et une partie des matériaux qui étaient nécessaires pour cela, soit par les sommes d’argent qu’il leur fit livrer à différentes reprises, voulant, disait ce grand prince, donner des marques de sa bonne volonté envers les sujets du roi de France 1 . » 1 M. Amiot à M. Bignon, bibliothécaire du roi de France, 15 novembre 1776 (Instit. de France, Dm, 167). — Le même jour, M. Amiot écrivait à M. Bertin : « Le père carme, délégué de Mgr de Nankin, nous proposa encore de signer que l’église, la maison et que tout ce qui était ci-devant aux jésuites français passait sous le domaine du pape. Nous répondîmes que n’étant que les administrateurs du temporel de la mission française, il ne nous appartenait pas d’en céder le domaine sans le consentement du roi de France et de l’empereur de la Chine, parce que tout ce que nous avions ici, nous le tenions de la libéralité de ces deux grands princes, qui nous l’ont donné comme à des Français plutôt que comme à des jésuites. » (Inst. de France). — On se rappelle que la circulaire du 18 décembre prescrivait une entente préalable entre l’autorité civile et l’autorité religieuse, au sujet des biens. C’était donc au gouvernement français à s’entendre avec Rome sur l’affectation des biens de la mission ; les ex-jésuites n’avaient qu’à attendre la décision prise par Paris et Rome et à s’y conformer. 169
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<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />
n<strong>et</strong>tement sur ce point, le 15 novembre : « Ce jour-là, écrit-il à M. Bignon,<br />
je représentai avec respect au père <strong>Joseph</strong>, que n’étant que <strong>les</strong><br />
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pas <strong>de</strong> rien signer sur c<strong>et</strong> article, sans l’aveu du roi <strong>de</strong> France <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
l’empereur <strong>de</strong> <strong>Chine</strong>, parce que tout ce que nous avions ici, nous le tenions<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> libéralité <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux p.207 grands princes. J’ajoutai que nous avions<br />
<strong>de</strong>s preuves certaines que le roi avait pris sous sa protection notre Mission<br />
française, qu’il pensait à <strong>la</strong> soutenir, <strong>et</strong> qu’il était à présumer que son<br />
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nous étions actuellement en possession. Je lui fis observer <strong>de</strong> plus qu’il<br />
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étant jésuites, d’avec ce qui leur avait été donné comme étant Français, <strong>et</strong><br />
que notre établissement <strong>de</strong> Pékin n’était pas, à proprement parler, un<br />
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prouverait très aisément <strong>et</strong> par <strong>les</strong> patentes que Louis-le-Grand fit donner<br />
aux premiers missionnaires français qui vinrent à Pékin <strong>et</strong> qui formèrent<br />
l’établissement que nous y avons, <strong>et</strong> par cel<strong>les</strong> qui leur furent données par<br />
le grand Kang-hi, lorsqu’il leur permit <strong>de</strong> s’établir dans l’enceinte même <strong>de</strong><br />
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aux fonctions <strong>de</strong> leur ministère, <strong>et</strong> qu’il en facilita l’exécution, soit en<br />
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pour ce<strong>la</strong>, soit par <strong>les</strong> sommes d’argent qu’il leur fit livrer à différentes<br />
reprises, vou<strong>la</strong>nt, disait ce grand prince, donner <strong>de</strong>s marques <strong>de</strong> sa bonne<br />
volonté envers <strong>les</strong> suj<strong>et</strong>s du roi <strong>de</strong> France 1 . »<br />
1 M. <strong>Amiot</strong> à M. Bignon, bibliothécaire du roi <strong>de</strong> France, 15 novembre 1776 (Instit. <strong>de</strong> France,<br />
Dm, 167). — Le même jour, M. <strong>Amiot</strong> écrivait à M. Bertin : « Le père carme, délégué <strong>de</strong> Mgr <strong>de</strong><br />
Nankin, nous proposa encore <strong>de</strong> signer que l’église, <strong>la</strong> maison <strong>et</strong> que tout ce qui était ci-<strong>de</strong>vant<br />
aux jésuites français passait sous le domaine du pape. Nous répondîmes que n’étant que <strong>les</strong><br />
administrateurs du temporel <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission française, il ne nous appartenait pas d’en cé<strong>de</strong>r le<br />
domaine sans le consentement du roi <strong>de</strong> France <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’empereur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>, parce que tout ce<br />
que nous avions ici, nous le tenions <strong>de</strong> <strong>la</strong> libéralité <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux grands princes, qui nous l’ont<br />
donné comme à <strong>de</strong>s Français plutôt que comme à <strong>de</strong>s jésuites. » (Inst. <strong>de</strong> France). — On se<br />
rappelle que <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire du 18 décembre prescrivait une entente préa<strong>la</strong>ble entre l’autorité civile<br />
<strong>et</strong> l’autorité religieuse, au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s biens. C’était donc au gouvernement français à s’entendre<br />
avec Rome sur l’affectation <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission ; <strong>les</strong> ex-jésuites n’avaient qu’à attendre <strong>la</strong><br />
décision prise par Paris <strong>et</strong> Rome <strong>et</strong> à s’y conformer.<br />
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