Joseph Amiot et les derniers survivants de la ... - Chine ancienne

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Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) Bourgeois, que sa sainte volonté soit faite ! Je souffrirai cruellement, mais par la miséricorde de Dieu, je veux être soumis de tout mon cœur ; je veux embrasser cette redoutable croix avec amour 1 . » Ses frères dans l’apostolat partagent ses sentiments ; ils souffrent, mais ils donnent l’exemple de la résignation et de la soumission la plus entière. Il y a assurément dans cette disposition commune et héroïque une beauté qui inspire le respect et l’admiration. Néanmoins, certains envieux et ennemis des jésuites français ne comprirent pas ou ne voulurent pas comprendre avec quelle sincère soumission d’esprit et de cœur ils attendaient le bref de Clément XIV. Ce bref n’était pas promulgué, et déjà ils répandaient contre eux, soit en Chine, soit à Rome, les bruits les plus injurieux. Ces bruits parvinrent aux oreilles des Pères. Le père Bourgeois protesta au nom de tous. Il prit même la précaution de s’armer d’une pièce irréfutable pour confondre la calomnie. « Comme je crains, dit-il dans la lettre déjà citée du premier novembre, qu’on nous accuse de différentes p.149 choses, j’ai pris le témoignage de tous les missionnaires de la Propagande qui sont ici, pour constater notre innocence. Leur témoignage dit tout ; ce sont les seuls témoins et les seuls accusateurs que nous puissions avoir ici. Eux seuls peuvent pénétrer à Pékin. L’entrée est fermée à tout autre Européen. Il faut que vous sachiez, mon cher Duprez, que votre ami François Bourgeois n’est point allé au bout du monde pour y faire le commerce et désobéir au Saint-Siège ! Il y est allé uniquement pour prêcher Jésus-Christ et sa sainte loi. Encore une fois : Dieu soit béni ! La Croix est le plus beau présent que notre bon Maître puisse nous faire. » Dans la même lettre, le père Bourgeois ajoute : « Aux maux qui nous viennent d’au-dedes mers, ce terrain nous en fournit abondamment... Ils nous environnent de toutes parts. » Les jésuites de Pékin n’étaient pas, en effet, au bout de leurs épreuves. Avant même la promulgation du bref, aucune avanie, aucune tristesse ne 1 Lettre au père Duprez, 1 er nov. 1774. 132

Joseph Amiot, la Mission française à Pékin (1750-1795) leur furent épargnées. La justice de l’histoire a ses droits, elle a aussi ses devoirs ; nous dirons tout, mais avec modération et charité. Pendant plusieurs années, à partir de 1773, il se passa dans la capitale de l’empire chinois, des faits inouïs, étranges, incroyables, qu’il n’est plus permis de taire, les archives qui les cachaient étant ouvertes partout et mises à la p.150 disposition des chercheurs de nouveautés historiques. Dans les bibliothèques publiques en France, dans les riches trésors de la Propagande et dans les archives de la Compagnie, on pourra contrôler notre travail. Cependant, les limites de cette histoire nous forceront de négliger plus d’un fait intéressant. Nous dirons le principal, le plus important ; et, parmi les documents souvent contradictoires, nous choisirons ceux qui nous sembleront plus conformes à la vérité ou émanant de personnages plus dignes de foi. Nous avons vu, au chapitre III, que la congrégation de la Propagande avait à la capitale de l’empire chinois, un établissement où, pendant longtemps, elle n’entretint qu’un seul missionnaire, et encore ce missionnaire n’avait-il pas de quoi s’occuper 1 . Peu à peu ce nombre augmenta. « L’un d’eux, nommé le père Sigismond, augustin réformé, trouva moyen de s’introduire au palais, sous le titre d’horloger, faisant fonction de machiniste. Comme il avait beaucoup d’esprit et plus de talent encore, il s’y fit goûter et mourut au service de l’empereur. Il avait appelé du monde à son secours pour se renforcer et pour tâcher de mettre les missionnaires de la Propagande sur le pied à peu près où il voyait qu’étaient les jésuites. On lui envoya du fond de l’Italie, d’abord p.151 un peintre et un horloger, et ensuite un médecin, ou se disant tel. Le premier était augustin déchaussé, le second petit carme et le troisième franciscain. Celui-ci n’ayant pas réussi dans la première cure dont on le chargea, fut mis à quartier presque en arrivant. Les deux autres, après avoir servi environ dix ans, ont été renvoyés du palais parce qu’ils 1 Le père Amiot à M. Bertin, 12 octobre 1774. 133

<strong>Joseph</strong> <strong>Amiot</strong>, <strong>la</strong> Mission française à Pékin (1750-1795)<br />

Bourgeois, que sa sainte volonté soit faite ! Je souffrirai cruellement, mais<br />

par <strong>la</strong> miséricor<strong>de</strong> <strong>de</strong> Dieu, je veux être soumis <strong>de</strong> tout mon cœur ; je veux<br />

embrasser c<strong>et</strong>te redoutable croix avec amour 1 . » Ses frères dans<br />

l’aposto<strong>la</strong>t partagent ses sentiments ; ils souffrent, mais ils donnent<br />

l’exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> résignation <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> soumission <strong>la</strong> plus entière.<br />

Il y a assurément dans c<strong>et</strong>te disposition commune <strong>et</strong> héroïque une<br />

beauté qui inspire le respect <strong>et</strong> l’admiration. Néanmoins, certains envieux<br />

<strong>et</strong> ennemis <strong>de</strong>s jésuites français ne comprirent pas ou ne voulurent pas<br />

comprendre avec quelle sincère soumission d’esprit <strong>et</strong> <strong>de</strong> cœur ils<br />

attendaient le bref <strong>de</strong> Clément XIV. Ce bref n’était pas promulgué, <strong>et</strong> déjà<br />

ils répandaient contre eux, soit en <strong>Chine</strong>, soit à Rome, <strong>les</strong> bruits <strong>les</strong> plus<br />

injurieux. Ces bruits parvinrent aux oreil<strong>les</strong> <strong>de</strong>s Pères. Le père Bourgeois<br />

protesta au nom <strong>de</strong> tous. Il prit même <strong>la</strong> précaution <strong>de</strong> s’armer d’une pièce<br />

irréfutable pour confondre <strong>la</strong> calomnie. « Comme je crains, dit-il dans <strong>la</strong><br />

l<strong>et</strong>tre déjà citée du premier novembre, qu’on nous accuse <strong>de</strong> différentes<br />

p.149<br />

choses, j’ai pris le témoignage <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> missionnaires <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Propagan<strong>de</strong> qui sont ici, pour constater notre innocence. Leur témoignage<br />

dit tout ; ce sont <strong>les</strong> seuls témoins <strong>et</strong> <strong>les</strong> seuls accusateurs que nous<br />

puissions avoir ici. Eux seuls peuvent pénétrer à Pékin. L’entrée est fermée<br />

à tout autre Européen. Il faut que vous sachiez, mon cher Duprez, que<br />

votre ami François Bourgeois n’est point allé au bout du mon<strong>de</strong> pour y faire<br />

le commerce <strong>et</strong> désobéir au Saint-Siège ! Il y est allé uniquement pour<br />

prêcher Jésus-Christ <strong>et</strong> sa sainte loi. Encore une fois : Dieu soit béni ! La<br />

Croix est le plus beau présent que notre bon Maître puisse nous faire. »<br />

Dans <strong>la</strong> même l<strong>et</strong>tre, le père Bourgeois ajoute : « Aux maux qui nous<br />

viennent d’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s mers, ce terrain nous en fournit abondamment... Ils<br />

nous environnent <strong>de</strong> toutes parts. »<br />

Les jésuites <strong>de</strong> Pékin n’étaient pas, en eff<strong>et</strong>, au bout <strong>de</strong> leurs épreuves.<br />

Avant même <strong>la</strong> promulgation du bref, aucune avanie, aucune tristesse ne<br />

1 L<strong>et</strong>tre au père Duprez, 1 er nov. 1774.<br />

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