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Émile Zola - La Terre

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—Il y a des chances.<br />

—Vous me conseillez donc d'attendre?<br />

—Dame! c'est selon tes forces, chacun fait comme il sent.<br />

Elle se tut, ne voulant pas parler de la proposition de Jean, ne sachant de quelle facon obtenir une reponse<br />

definitive. Puis, elle tenta un dernier effort.<br />

—Vous comprenez, j'en suis malade, a la fin, de ne pas savoir a quoi m'en tenir. Il me faut un oui ou un non...<br />

Vous, mon oncle, si vous alliez demander a Buteau, je vous en prie!<br />

Fouan haussa les epaules.<br />

—D'abord, jamais je ne reparlerai a ce jean−foutre... Et puis, ma fille, que t'es serine! pourquoi lui faire dire<br />

non, a ce tetu, qui dira toujours non ensuite? <strong>La</strong>isse−lui donc la liberte de dire oui, un jour, si c'est son interet!<br />

—Bien sur! conclut simplement Rose, redevenue l'echo de son homme.<br />

Et Lise ne put tirer d'eux rien de plus net. Elle les laissa, elle referma la porte sur la salle, retombee a son<br />

engourdissement; et la maison, de nouveau, parut vide.<br />

Dans les pres, au bord de l'Aigre, Jean et ses deux faneuses avaient commence la premiere meule. C'etait<br />

Francoise qui la montait. An centre, posee sur un mulon, elle disposait et rangeait en cercle les fourchees de<br />

foin que lui apportaient le jeune homme et Palmyre. Et, peu a peu, cela grandissait, se haussait, elle toujours<br />

au milieu, se remettant des bottes sous les pieds, dans le creux ou elle se trouvait, a mesure que le mur, autour<br />

d'elle, lui gagnait les genoux. <strong>La</strong> meule prenait tournure. Deja, elle etait a deux metres; Palmyre et Jean<br />

devaient tendre leurs fourches; et la besogne n'allait pas sans de grands rires, a cause de la joie du plein air et<br />

des betises qu'on se criait, dans la bonne odeur du foin. Francoise surtout, son mouchoir glisse du chignon, sa<br />

tete nue au soleil, les cheveux envoles, embroussailles d'herbe, s'egayait comme une bienheureuse, sur ce tas<br />

mouvant, ou elle baignait jusqu'aux cuisses. Ses bras nus enfoncaient, chaque paquet jete d'en bas la couvrait<br />

d'une pluie de brindilles, elle disparaissait, feignait de naufrager dans les remous.<br />

—Oh! la, la, ca me pique!<br />

—Ou donc?<br />

—Sous ma cotte, la−haut.<br />

—C'est une araignee, tiens bon, serre les jambes!<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

Et de rire plus fort, de lacher de vilains mots qui les faisaient se tordre.<br />

Delhomme, au loin, s'en inquieta, tourna an instant la tete, sans cesser de lancer et de ramener sa faux. Ah!<br />

cette gamine, elle devait en faire, du bon travail, a jouer ainsi! Maintenant, on gatait les filles, elles ne<br />

travaillaient que pour l'amusement. Et il continua, couchant l'andain a coups presses, laissant derriere lui le<br />

creux de son sillage. Le soleil baissait a l'horizon, les faucheurs elargissaient encore leurs trouees. Victor, qui<br />

ne battait plus son fer, ne se hatait guere pourtant; et, comme la Trouille passait avec ses oies, il s'echappa<br />

sournoisement, il fila la retrouver, a l'abri d'une ligne epaisse de saules, bordant la riviere.<br />

—Bon? cria Jean, il retourne affuter. <strong>La</strong> remouleuse est la qui l'attend.<br />

IV 74

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