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Émile Zola - La Terre

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<strong>La</strong> surprise fut grande. Mais Elodie surtout en parut revolutionnee, a ce point que, quittant sa chaise, elle se<br />

jeta au cou de madame Charles, dans un effarement de pudeur qui empourprait ses oreilles; et sa grand−mere<br />

s'epuisait a la calmer.<br />

—Voyons, voyons, mon petit lapin, c'est trop, sois donc raisonnable!... On ne te mange pas, parce qu'on te<br />

demande en mariage... Ton cousin n'a rien dit de mal, regarde−le, ne fais pas la bete.<br />

Aucune bonne parole ne put la determiner a remontrer sa figure.<br />

—Mon Dieu! mon garcon, finit par declarer M. Charles, je ne m'attendais pas a ta demande. Peut−etre<br />

aurait−il mieux valu m'en parler d'abord, car tu vois comme notre cherie est sensible... Mais, quoi qu'il arrive,<br />

sois certain que je t'estime, car tu me sembles un bon sujet et un travailleur.<br />

Delhomme, dont pas un trait n'avait bouge jusque−la, lacha deux mots.<br />

—Pour sur!<br />

Et Jean, comprenant qu'il devait etre poli, ajouta:<br />

—Ah! oui, par exemple!<br />

M. Charles se remettait, et deja il avait reflechi que Nenesse n'etait pas un mauvais parti, jeune, actif, fils<br />

unique de paysans riches. Sa petite−fille ne trouverait pas mieux. Aussi, apres avoir echange un regard avec<br />

madame Charles, continua−t−il:<br />

—Ca regarde l'enfant. Jamais nous ne la contrarierons la−dessus, ce sera comme elle voudra.<br />

Alors, Nenesse, galamment, renouvela sa demande.<br />

—Ma cousine, si vous voulez bien me faire l'honneur et le plaisir...<br />

Elle avait toujours le visage enfoui dans le sein de sa grand'mere, mais elle ne le laissa pas achever, elle<br />

accepta d'un signe de tete energique, repete trois fois, en enfoncant sa tete davantage. Cela lui donnait sans<br />

doute du courage, de se boucher les yeux. <strong>La</strong> societe en demeura muette, saisie de cette hate a dire oui. Elle<br />

aimait donc ce garcon, qu'elle avait si peu vu? ou bien etait−ce qu'elle en desirait un, n'importe lequel, pourvu<br />

qu'il fut joli homme?<br />

Madame Charles lui baisa les cheveux, en souriant, en repetant:<br />

—Pauvre cherie! pauvre cherie!<br />

—Eh bien, reprit M. Charles, puisque ca lui va, ca nous va.<br />

Mais une pensee venait de l'assombrir. Ses paupieres lourdes retomberent, il eut un geste de regret.<br />

—Naturellement, mon brave, nous abandonnons l'autre chose, la chose que tu m'as proposee ce matin.<br />

Nenesse s'etonna.<br />

—Pourquoi donc?<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

V 262

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