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Émile Zola - La Terre

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—Bonsoir!<br />

Delhomme repartit, s'arreta plus loin pour crier de nouveau la nouvelle, la cria plus loin une troisieme fois; et<br />

la menace de la guerre prochaine vola par la Beauce, dans la grande tristesse du ciel de cendre.<br />

Jean, ayant termine, eut l'idee d'aller tout de suite a la Borderie chercher la semence promise. Il detela, laissa<br />

la charrue au bout du champ, sauta sur son cheval. Comme il s'eloignait, la pensee de Fouan lui revint, il le<br />

chercha et ne le trouva plus. Sans doute, le vieux s'etait mis a l'abri du froid, derriere une meule de paille,<br />

restee dans la piece aux Buteau.<br />

A la Borderie, apres avoir attache sa bete, Jean appela inutilement; tout le monde devait etre en besogne<br />

dehors; et il etait entre dans la cuisine vide, il tapait du poing sur la table, lorsqu'il entendit enfin la voix de<br />

Jacqueline monter de la cave, ou se trouvait la laiterie. On y descendait par une trappe, qui s'ouvrait au pied<br />

meme de l'escalier, si mal placee, qu'on redoutait toujours des accidents.<br />

—Hein? qui est−ce?<br />

Il s'etait accroupi sur la premiere marche du petit escalier raide, et elle le reconnut d'en bas.<br />

Tiens, Caporal!<br />

Lui aussi la voyait, dans le demi−jour de la laiterie, eclairee par un soupirail. Elle travaillait la, au milieu des<br />

jattes, des cremoirs, d'ou le petit−lait s'en allait goutte a goutte, dans une auge de pierre; et elle avait les<br />

manches retroussees jusqu'aux aisselles, ses bras nus etaient blancs de creme.<br />

—Descends donc.... Est−ce que je te fais peur?<br />

Elle le tutoyait comme autrefois, elle riait de son air de fille engageante. Mais lui, gene, ne bougeait pas.<br />

—C'est pour la semence que le maitre m'a promise.<br />

—Ah! oui, je sais.... Attends, je monte.<br />

Et, quand elle fut au grand jour, il la trouva toute fraiche, sentant bon le lait, avec ses bras nus et blancs. Elle<br />

le regardait de ses jolis yeux pervers, elle finit par demander d'un air de plaisanterie:<br />

—Alors, tu ne m'embrasses pas?... Ce n'est pas parce qu'on est marie qu'on doit etre mal poli.<br />

Il l'embrassa, en affectant de faire claquer fortement les deux baisers sur les joues, pour dire que c'etait<br />

simplement de bonne amitie. Mais elle le troublait, des souvenirs lui remontaient de tout le corps, dans un<br />

petit frisson. Jamais avec sa femme, qu'il aimait tant, il n'avait eprouve ca.<br />

—Allons, viens, reprit Jacqueline. Je vas te montrer la semence.... Imagine−toi que la servante elle−meme est<br />

au marche.<br />

Elle traversa la cour, entra dans la grange au ble, tourna derriere une pile de sac; et c'etait la, contre le mur, en<br />

un tas que des planches maintenaient. Il l'avait suivie, il etouffa un peu de se trouver ainsi seul avec elle, au<br />

fond de ce coin perdu. Tout de suite, il affecta s'interesser a la semence, une belle variete ecossaise de poulard.<br />

—Oh! qu'il est gros!<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

III 234

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