05.07.2013 Views

Émile Zola - La Terre

Émile Zola - La Terre

Émile Zola - La Terre

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

—Mon argent! gronda le vieux, terrible, la taille redressee, tres haute.<br />

—Votre argent, vous avez donc de l'argent, a cette heure?... Vous juriez si fort que nous avions trop coute,<br />

qu'il ne vous restait pas un sou.... Ah! sacre malin, vous avez de l'argent!<br />

Il se balancait toujours, il ricanait, tres amuse, triomphant de son flair jadis, car il etait le premier qui eut senti<br />

le magot.<br />

Fouan tremblait de tous ses membres.<br />

—Rends−le−moi.<br />

—Que je vous le rende? est−ce que je l'ai, est−ce que je sais seulement ou il est, votre argent?<br />

—Tu me l'as vole, rends−le−moi, nom de Dieu! ou je vas te le faire cracher de force!<br />

Et, malgre son age, il le prit aux epaules, le secoua. Mais le fils, alors, se leva, l'empoigna a son tour, sans le<br />

bousculer, uniquement pour lui gueuler violemment dans la figure:<br />

—Oui, je l'ai et je le garde.... Je vous le garde, entendez−vous, vieille bete, dont la boule demenage!... Et, vrai!<br />

il etait temps de vous les prendre, ces papiers que vous alliez dechirer.... N'est−ce pas, Lise, qu'il les dechirait?<br />

—Oh! aussi sur que j'existe. Quand on ne sait pas ce qu'on fait!<br />

Saisi, Fouan s'effrayait de cette histoire. Est−ce qu'il etait fou, pour ne se souvenir de rien? S'il avait voulu<br />

detruire les papiers, comme un gamin qui joue avec des images, c'etait donc qu'il faisait sous lui et qu'il<br />

devenait bon a tuer? <strong>La</strong> poitrine cassee, il n'avait plus ni courage ni force. Il begaya, en pleurant:<br />

—Rends−les−moi, dis?<br />

—Non!<br />

—Rends−les−moi, puisque je vas mieux.<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

—Non! non! Pour que vous vous torchiez avec ou que vous en allumiez votre pipe, merci!<br />

Et, des lors, les Buteau refuserent obstinement de se dessaisir des titres. Ils en parlaient ouvertement,<br />

d'ailleurs, ils racontaient tout un drame, comment ils etaient arrives juste pour les retirer des mains du malade,<br />

au moment ou il les entamait. Un soir, meme, ils montrerent a la Frimat la coche de la dechirure. Qui aurait pu<br />

leur en vouloir, d'empecher un tel malheur, de l'argent mis en miettes, perdu pour tout le monde? On les<br />

approuvait a voix haute, bien qu'au fond on les soupconnat de mentir. Jesus−Christ, surtout, ne derageait pas:<br />

dire que ce magot, introuvable chez lui, avait, du premier coup, ete deniche par les autres! et il l'avait tenu un<br />

jour dans sa main, il avait eu la betise de le respecter! Vrai! ce n'etait pas la peine de passer pour une<br />

fripouille. Aussi jurait−il d'exiger des comptes de son frere, lorsque le pere claquerait. Fanny, egalement,<br />

disait qu'il faudrait compter. Mais les Buteau n'allaient pas a rencontre, a moins, bien entendu, que le vieux ne<br />

reprit son argent et n'en disposat.<br />

Fouan, de son cote, en se trainant de porte en porte, conta partout l'affaire. Des qu'il pouvait arreter un passant,<br />

il se lamentait sur son miserable sort. Et ce fut ainsi qu'un matin il entra dans la cour voisine, chez sa niece.<br />

CINQUIEME PARTIE 222

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!