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Émile Zola - La Terre

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Puis, il eclata, il avoua. C'etait fini avec les Delhomme, il s'en irait le lendemain vivre chez Buteau, qui lui<br />

avait offert de le prendre. Si son fils le battait, il souffrirait moins que d'etre tue par sa fille a coups d'epingle.<br />

Exaspere de ce nouvel obstacle, Jean parla enfin.<br />

—Faut que je vous dise, pere Fouan, c'est que nous avons couche, Francoise et moi.<br />

Le vieux paysan eut une simple exclamation.<br />

—Ah!<br />

Puis, apres avoir reflechi:<br />

—Est−ce que la fille est grosse?<br />

Jean, certain qu'elle ne pouvait l'etre, puisqu'ils avaient triche, repondit:<br />

—Possible tout de meme.<br />

—Alors, il n'y a qu'a attendre.... Si elle est grosse, on verra.<br />

A ce moment, Fanny parut sur la porte, appelant son pere pour la soupe. Mais il se tourna, il gueula:<br />

—Tu peux te la foutre au cul, ta soupe! Je vas dormir.<br />

Et il monta se coucher, le ventre vide, par rage.<br />

Jean reprit le chemin de la ferme, d'un pas ralenti, si tourmente de chagrin, qu'il se retrouva sur le plateau,<br />

sans avoir eu conscience de la route. <strong>La</strong> nuit, d'un bleu sombre, criblee d'etoiles, etait lourde et brulante. Dans<br />

l'air immobile, on sentait de nouveau l'approche, le passage au loin de quelque orage, dont on ne voyait, du<br />

cote de l'est, que des reverberations d'eclairs. Et, comme il levait la tete, il apercut, a gauche, des centaines<br />

d'yeux phosphorescents qui flambaient, pareils a des chandelles, et qui se tournaient vers lui, au bruit de ses<br />

pas. C'etaient les moutons dans leur parc, le long duquel il passait.<br />

<strong>La</strong> voix lente du pere Soulas s'eleva.<br />

—Eh bien, garcon?<br />

Les chiens, etendus a terre, n'avaient pas bouge, flairant un homme de la ferme. Chasse de la cabane roulante<br />

par la chaleur, le petit porcher dormait dans un sillon. Et, seul, le berger restait debout, au milieu de la plaine<br />

rase, noyee de nuit.<br />

—Eh bien, garcon, est−ce fait?<br />

Sans meme s'arreter, Jean repondit:<br />

—Il a dit que, si la fille est grosse, on verra.<br />

Deja, il avait depasse le parc, lorsque cette reponse du vieux Soulas lui arriva, grave dans le vaste silence:<br />

—C'est juste, faut attendre.<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

QUATRIEME PARTIE 162

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