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Émile Zola - La Terre

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Le garcon repondit non, d'un branle energique de la tete.<br />

—Alors, c'est une autre?... Quelle autre donc, que je ne vous ai jamais apercus ensemble?<br />

Jean regardait le pere Soulas, en se disant que les vieux, dans ces choses, sont parfois de bon conseil. Il ceda<br />

aussi a un besoin d'expansion, il lui conta toute l'affaire, comment il avait eu Francoise et pourquoi il<br />

desesperait de la ravoir, apres la batterie avec Buteau. Meme, un instant, il avait craint que celui−ci ne le<br />

menat en justice, a cause de son bras casse, qui lui interdisait tout travail, bien qu'a moitie raccommode deja.<br />

Mais Buteau, sans doute, avait pense qu'il n'est jamais bon de laisser la justice mettre le nez chez soi.<br />

—T'as bouche Francoise, alors? demanda le berger.<br />

—Une fois, oui!<br />

Il resta grave, reflechit, se prononca enfin.<br />

—Faut aller le dire au pere Fouan. Peut−etre bien qu'il te la donnera.<br />

Jean s'etonna, car il n'avait pas songe a cette demarche si simple. Le parc etait pose, il partit en decidant que,<br />

le soir meme, il irait voir le vieux. Et, tandis qu'il s'eloignait, derriere sa voiture vide, Soulas reprit son<br />

eternelle faction, maigre et debout, coupant d'une barre grise la ligne plate de la plaine. Le petit porcher, entre<br />

les deux chiens, s'etait mis a l'ombre de la cabane roulante. Brusquement, le vent venait de tomber, l'orage<br />

avait coule vers l'est; et il faisait tres chaud, le soleil braisillait dans un ciel d'un bleu pur.<br />

Le soir, Jean, quittant le travail une heure plus tot, s'en alla voir le pere Fouan chez les Delhomme, avant le<br />

diner. Comme il descendait le coteau, il apercut ceux−ci dans leurs vignes, ou ils degageaient les grappes, en<br />

arrachant les feuilles: des pluies avaient trempe la fin de l'autre lune, le raisin murissait mal, il s'agissait de<br />

profiter des derniers beaux soleils. Et, le vieux n'y etant point, le garcon pressa le pas, dans l'espoir de causer<br />

seul avec lui, ce qu'il preferait. <strong>La</strong> maison des Delhomme se trouvait a l'autre bout de Rognes, apres le pont,<br />

une petite ferme qui s'etait encore augmentee recemment de granges et de hangars, trois corps de batiments<br />

irreguliers, enfermant une cour assez vaste, balayee chaque matin, et ou les tas de fumier semblaient faits au<br />

cordeau.<br />

—Bonjour, pere Fouan! cria Jean de la route, d'une voix mal affermie.<br />

Le vieux etait assis dans la cour, une canne entre les jambes, la tete basse. Pourtant, a un second appel, il leva<br />

les yeux, finit par reconnaitre celui qui parlait.<br />

—Ah! c'est vous, Caporal! Vous passez donc par ici?<br />

Et il l'accueillait si naturellement, sans rancune, que le garcon entra. Mais il n'osa pas d'abord lui parler de<br />

l'affaire, son courage s'en allait, a l'idee de conter ainsi tout de go la culbute avec Francoise. Ils causerent du<br />

beau temps, du bien que ca faisait a la vigne. Encore huit jours de soleil, et le vin serait bon. Puis, le jeune<br />

homme voulut lui etre agreable.<br />

—Vous etes un vrai bourgeois, il n'y a pas un proprietaire dans le pays si heureux que vous.<br />

—Oui, pour sur.<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

—Ah! quand on a des enfants comme les votres, car on irait loin sans en trouver de meilleurs!<br />

QUATRIEME PARTIE 158

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