05.07.2013 Views

Émile Zola - La Terre

Émile Zola - La Terre

Émile Zola - La Terre

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

—Quoi?<br />

—<strong>La</strong> marraine est la.... Ca ne se refuse point, le bapteme.<br />

Un instant, il resta immobile. Puis, du meme pas rageur, il se mit a redescendre la cote, derriere le paysan; et<br />

ce fut ainsi qu'ils rentrerent dans l'eglise, sans avoir echange un mot. <strong>La</strong> ceremonie fut baclee, le pretre<br />

bouscula le Credo du parrain et de la marraine, oignit l'enfant, appliqua le sel, versa l'eau, violemment. Deja,<br />

il faisait signer sur le registre.<br />

—Monsieur le cure, dit Mme Charles, j'ai une boite de bonbons pour vous, mais elle est dans la malle.<br />

Il eut un geste de remerciement, il partit, apres avoir repete, en se tournant vers tous:<br />

—Et adieu, cette fois!<br />

Les Buteau et leur monde, essouffles d'avoir ete menes d'un tel train, le regarderent disparaitre au coin de la<br />

place, dans l'envolement noir de sa soutane. Tout le village etait aux champs, il n'y avait la que trois gamins,<br />

convoitant des dragees. Au milieu du grand silence, on entendait le ronflement lointain de la batteuse a<br />

vapeur, qui ne cessait pas.<br />

Des qu'on fut rentre chez les Buteau, a la porte desquels la carriole etait restee avec la malle, on tomba<br />

d'accord qu'on allait boire un coup, puis qu'on reviendrait diner le soir. Il n'etait que quatre heures, qu'est−ce<br />

qu'on aurait fait ensemble, jusqu'a sept? Alors, quand les verres et les deux litres furent sur la table de la<br />

cuisine, Mme Charles voulut absolument qu'on descendit la malle, pour faire ses cadeaux. Elle l'ouvrit, en tira<br />

la robe et le bonnet qui arrivaient un peu tard, sortit ensuite les six boites de bonbons qu'elle donnait a<br />

l'accouchee.<br />

—Ca vient de la confiserie de maman? demanda Elodie, qui les regardait.<br />

Mme Charles eut une seconde d'embarras. Puis, tranquillement:<br />

—Non, ma mignonne, ta mere n'a pas cette specialite.<br />

Et, se tournant vers Lise:<br />

—Tu sais, j'ai aussi songe a toi, pour du linge... Du vieux linge, il n'y a rien de si utile dans un menage... J'ai<br />

demande a ma fille, j'ai devalise ses fonds d'armoire.<br />

Au mot de linge, la famille s'etait approchee, Francoise, la Grande, les Delhomme, Fouan lui−meme; et, en<br />

cercle autour de la malle, ils regardaient la vieille dame deballer tout un lot de chiffons, blancs du lavage,<br />

exhalant, malgre la lessive, une odeur persistante de musc. Ce furent d'abord des draps de toile fine en loques,<br />

puis des chemises de femme, fendues, et dont, visiblement, on avait arrache les dentelles.<br />

Mme Charles depliait, secouait, expliquait.<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

—Dame! les draps ne sont pas neufs. Voila bien cinq ans qu'ils servent, et a la longue le frottement du corps,<br />

ca use... Vous voyez, ils ont un grand trou au milieu; mais les bords sont encore bons, on peut tailler<br />

la−dedans une foule de choses.<br />

Tous y mettaient le nez, et ils tataient avec des hochements de tete approbateurs, les femmes surtout, la<br />

Grande et Fanny, dont les levres pincees disaient l'envie sourde. Buteau, lui, avait un rire silencieux, aiguise<br />

VI 149

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!