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Émile Zola - La Terre

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Tous se regarderent, Delhomme et Fanny hocherent la tete, Fouan declara:<br />

—Ca ne se peut pas, ce serait une sottise.<br />

—Mille pardons, monsieur le cure, dit M. Charles, qui crut devoir expliquer les choses en homme de belle<br />

education, c'est de notre faute, sans l'etre.... Ma femme m'avait formellement ecrit qu'elle rentrerait ce matin.<br />

Elle est a Chartres....<br />

L'abbe Godard eut un sursaut, jete hors de lui, perdant cette fois toute mesure.<br />

—A Chartres, a Chartres.... Je regrette pour vous que vous soyez la−dedans, monsieur Charles. Mais ca ne<br />

peut pas continuer, non, non! je ne tolererai pas davantage....<br />

Et il eclata.<br />

—On ne sait qu'elle avanie faire a Dieu dans ma personne, c'est un nouveau soufflet chaque fois que je viens a<br />

Rognes.... Eh bien! je vous en ai menaces assez souvent, je m'en vais aujourd'hui, et pour ne plus revenir.<br />

Dites ca a votre maire, cherchez un cure et payez−le, si vous en voulez un.... Moi, je parlerai a monseigneur,<br />

je lui raconterai qui vous etes, je suis bien sur qu'il m'approuvera.... Oui, nous verrons qui sera puni. Vous<br />

allez vivre sans pretre, comme des betes....<br />

Ils l'ecoutaient tous, curieusement, avec la parfaite indifference, au fond, de gens pratiques qui ne craignaient<br />

plus son Dieu de colere et de chatiment. A quoi bon trembler et s'aplatir, acheter le pardon, puisque l'idee du<br />

diable les faisait rire desormais, et qu'ils avaient cesse de croire le vent, la grele, le tonnerre, aux mains d'un<br />

maitre vengeur? C'etait bien sur du temps perdu, valait mieux garder son respect pour les gendarmes du<br />

gouvernement, qui etaient les plus forts.<br />

L'abbe Godard vit Buteau goguenard, la Grande dedaigneuse, Delhomme et Fouan eux−memes tres froids,<br />

sous la deference de leur gravite; et ce peuple qui lui echappait acheva la rupture.<br />

—Je sais bien que vos vaches ont plus de religion que vous.... Adieu! et trempez−le dans la mare, pour le<br />

baptiser, votre enfant de sauvages!<br />

Il courut arracher son surplis, il retraversa l'eglise et s'en alla, dans un tel coup de tempete, que les gens du<br />

bapteme, laisses ainsi en detresse, n'eurent pas le temps d'ajouter une parole, beants, les yeux ecarquilles.<br />

Mais le pis fut qu'a ce moment, comme l'abbe Godard devalait dans la nouvelle rue a Macqueron, on vit<br />

arriver par la route une carriole, ou se trouvait Mme Charles et Elodie. <strong>La</strong> premiere expliqua qu'elle s'etait<br />

arretee a Chateaudun, desireuse d'embrasser la chere petite, et qu'on lui avait permis de l'emmener en<br />

vacances, deux jours. Elle se montrait desolee du retard, elle n'avait pas meme pousse jusqu'a Roseblanche<br />

pour deposer sa malle.<br />

—Faut courir apres le cure, dit Lise. Il n'y a que les chiens qu'on ne baptise pas.<br />

—Buteau prit sa course, et on l'entendit a son tour descendre au galop la rue a Macqueron. Mais l'abbe Godard<br />

avait de l'avance, le pere passa le pont, monta la cote, ne l'apercut qu'a la crete, au detour du chemin.<br />

—Monsieur le cure! monsieur le cure!<br />

Il finit par se retourner et attendre.<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

VI 148

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