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Émile Zola - La Terre

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Buteau, sous les coups, commencait a se facher, grondait, croyait qu'elle avait seulement peur des suites.<br />

—Foutue bete! quand je te jure que je m'oterai, que je ne t'en ferai pas, d'enfant!<br />

D'un coup de pied, elle l'atteignit au bas−ventre, et il dut la lacher, il la poussa si brutalement, qu'elle etouffa<br />

un cri de douleur.<br />

Il etait temps que le jeu finit, car Buteau, lorsqu'il se mit debout, apercut Lise qui revenait, apportant le gouter.<br />

Il marcha a sa rencontre, la retint, pour permettre a Francoise de rabattre ses jupes. L'idee qu'elle allait tout<br />

dire, lui donnait le regret de ne pas l'avoir assommee d'un coup de talon. Mais elle ne parla pas, elle se<br />

contenta de s'asseoir au milieu des javelles, l'air tetu et insolent. Et, comme il recommencait a faucher, elle<br />

resta la, oisive, en princesse.<br />

—Quoi donc? lui demanda Lise, allongee aussi, lasse de sa course, tu ne travailles pas?<br />

—Non, ca m'embete! repondit−elle rageusement.<br />

Alors, Buteau, n'osant la secouer, tomba sur sa femme. Qu'est−ce qu'elle foutait encore la, etendue comme<br />

une truie, a chauffer son ventre au soleil? Ah! quelque chose de propre, une fameuse courge a faire murir! Elle<br />

s'egaya de ce mot, ayant garde sa gaiete de grasse commere: c'etait peut−etre bien vrai que ca le murissait, que<br />

ca le poussait, le petiot; et, sous le ciel de flamme, elle arrondissait ce ventre enorme, qui semblait la bosse<br />

d'un germe, soulevee de la terre feconde. Mais, lui, ne riait pas. Il la fit se redresser brutalement, il voulut<br />

qu'elle essayat de l'aider. Genee par cette masse qui lui tombait sur les cuisses, elle dut s'agenouiller, elle<br />

ramassa les epis d'un mouvement oblique, soufflante et monstrueuse, le ventre deplace, rejete dans le flanc<br />

droit.<br />

—Puisque tu ne fiches rien, dit−elle a sa soeur, rentre au moins a la maison... Tu feras la soupe.<br />

Francoise, sans une parole, s'eloigna. Dans la chaleur encore etouffante la Beauce avait repris son activite, les<br />

petits points noirs des equipes reparaissaient, grouillants, a l'infini. Delhomme achevait ses ruches avec ses<br />

deux serviteurs; tandis que la Grande regardait monter sa meule, appuyee sur sa canne, toute prete a l'envoyer<br />

par la figure des paresseux. Fouan alla y donner un coup d'oeil, revint s'absorber devant la besogne de son<br />

gendre, erra ensuite de son pas alourdi de vieillard qui se souvient et qui regrette. Et Francoise, la tete<br />

bourdonnante, mal remise de la secousse, suivait le chemin neuf, lorsqu'une voix l'appela.<br />

—Par ici! viens donc!<br />

C'etait Jean, a demi cache derriere les gerbes, que, depuis le matin, il charriait des pieces voisines. Il venait de<br />

decharger sa voiture, les deux chevaux attendaient immobiles au soleil. On ne devait se mettre a la grande<br />

meule que le lendemain, et il avait simplement fait des tas, trois sortes de murs entre lesquels se trouvait<br />

comme une chambre, un trou de paille profond et discret.<br />

—Viens donc! c'est moi!<br />

Machinalement, Francoise obeit a cet appel. Elle n'eut pas meme la defiance de regarder en arriere. Si elle<br />

s'etait tournee, elle aurait apercu Buteau qui se haussait, surpris de lui voir quitter la route.<br />

Jean plaisanta d'abord.<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

—Tu es bien fiere, que tu passes sans dire bonjour aux amis!<br />

IV 131

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