et de lui en payer la rente, par petites sommes, au fur et a mesure de ses menus besoins. Ils trouverent le vieux dans son effarement habituel, pietinant au hasard, hebete devant un tas de bois, qu'il voulait scier, sans en avoir la force. Ce matin−la, ses pauvres mains tremblaient plus encore que de coutume, car il avait eu, la veille, a subir une rude attaque de Jesus−Christ, qui, pour lui faire vingt francs, en vue de la fete du lendemain, etait venu jouer le grand jeu, beuglant a le rendre fou, se trainant par terre, menacant de se percer le coeur d'un coutelas, apporte expres dans sa manche. Et il avait donne les vingt francs, il l'avoua tout de suite au notaire, d'un air d'angoisse. —Dites, est−ce que vous feriez autrement, vous? Moi, je ne peux plus, je ne peux plus! Alors, M. Baillehache profita de la circonstance. —Ce n'est pas tenable, vous y laisserez la peau. A votre age il est imprudent de vivre seul; et, si vous ne voulez pas etre mange, il faut ecouter votre fille, vendre et aller chez elle. —Ah! c'est aussi votre conseil, murmura Fouan. Il jetait un regard oblique sur Delhomme, qui affectait de ne pas intervenir. Mais, quand celui−ci remarqua ce regard de defiance, il parla. —Vous savez, pere, je ne dis rien, parce que vous croyez peut−etre que j'ai interet a vous prendre.... Fichtre, non! ce sera un rude derangement.... Seulement, n'est−ce pas? ca me fache, de voir que vous vous arrangez si mal, quand vous pourriez etre si a l'aise. —Bon, bon, repondit le vieux, faut y reflechir encore.... Le jour ou ca se decidera, je saurai bien le dire. Et ni son gendre, ni le notaire, ne purent en tirer davantage. Il se plaignait qu'on le bousculat, son autorite, peu a peu morte se refugiait dans cette obstination de vieil homme, meme contraire a son bien−etre. En dehors de sa vague epouvante a l'idee de n'avoir plus de maison, lui qui souffrait deja tant de n'avoir plus de terres, il disait non, parce que tous voulaient lui faire dire oui. Ces bougres−la avaient donc a y gagner? Il dirait oui, quand ca lui plairait. <strong>La</strong> veille, Jesus−Christ, enchante, ayant eu la faiblesse de montrer a la Trouille les quatre pieces de cent sous, ne s'etait endormi qu'en les tenant dans son poing ferme; car la garce, la derniere fois, lui en avait effarouche une sous son traversin, en profitant de ce qu'il etait rentre gris, pour pretendre qu'il devait l'avoir perdue. A son reveil, il eut une terreur, son poing avait lache les pieces, dans le sommeil; mais il les retrouva sous ses fesses, toutes chaudes, et cela le secoua d'une joie enorme, salivant deja a la pensee de les casser chez Lengaigne: c'etait la fete, cochon qui reviendrait chez soi avec de la monnaie! Vainement, pendant la matinee, la Trouille le cajola pour qu'il lui en donnat une, une toute petite, disait−elle. Il la repoussait, il ne fut meme pas reconnaissant des oeufs voles qu'elle lui servit en omelette. Non! ca ne suffisait pas d'aimer bien son pere, l'argent etait fait pour les hommes. Alors, elle s'habilla de rage, mit sa robe de popeline bleue, un cadeau des temps de bombance, en disant qu'elle aussi allait s'amuser. Et elle n'etait pas a vingt metres de la porte, qu'elle se retourna, criant: —Pere, pere! regarde! <strong>La</strong> <strong>Terre</strong> <strong>La</strong> main levee, elle montrait, au bout de ses doigts minces, une belle piece de cent sous qui luisait comme un soleil. III 118
Il se crut vole, il se fouilla, palissant. Mais les vingt francs etaient bien dans sa poche, la gueuse avait du faire du commerce avec ses oies; et le tour lui sembla drole, il eut un ricanement paternel, en la laissant se sauver. Jesus−Christ n'etait severe que sur un point, la morale. Aussi, une demi−heure plus tard, entra−t−il dans une grande colere. Il s'en allait a son tour, il fermait sa porte, lorsqu'un paysan endimanche, qui passait en bas, sur la route, le hela. —Jesus−Christ! ohe, Jesus−Christ! —Quoi? —C'est ta fille qu'est sur le dos. —Et puis? —Et puis, y a un homme dessus. —Ou ca donc? —<strong>La</strong>, dans le fosse, au coin de la piece a Guillaume. Alors, il leva ses deux poings au ciel, furieusement. —Bon! merci! je prends mon fouet!... Ah! nom de Dieu de salope qui me deshonore! Il etait rentre chez lui, pour decrocher, derriere la porte, a gauche, le grand fouet de roulier dont il ne se servait que dans ces occasions; et il partit, le fouet sous le bras, se courbant, filant le long des buissons, comme a la chasse, afin de tomber sur les amoureux sans etre vu. Mais, lorsqu'il deboucha, au detour de la route, Nenesse qui faisait le guet, du haut d'un tas de pierres, l'apercut. C'etait Delphin qui etait sur la Trouille, et chacun son tour d'ailleurs, l'un en sentinelle avancee, lorsque l'autre rigolait. —Mefiance! cria Nenesse, v'la Jesus−Christ! Il avait vu le fouet, il detala comme un lievre, a travers champs. Dans le fosse herbu, la Trouille, d'une secousse avait jete Delphin de cote. Ah! fichu sort, son pere! Et elle eut pourtant la presence d'esprit de donner au gamin la piece de cent sous. —Cache−la dans ta chemise, tu me la rendras.... Vite, tire−toi des pieds, nom d'un chien! Jesus−Christ arrivait en ouragan, ebranlant la terre de son galop, faisant tournoyer son grand fouet, dont les claquements sonnaient ainsi que des coups de feu. —Ah, salope! ah, catin! tu vas la danser! <strong>La</strong> <strong>Terre</strong> Dans sa rage, lorsqu'il eut reconnu le fils au garde champetre, il le manqua, pendant que celui−ci, mal reculotte, s'enfuyait a quatre pattes parmi les ronces. Elle, empetree, la jupe en l'air, ne pouvait nier. D'un coup, qui cingla les cuisses, il la mit debout, la tira hors du fosse. Et la chasse commenca. III 119
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Cependant, Becu gueulait qu'il paya
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Buteau, le front dur d'obstination,
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terreur, s'affaisserent, ne bougere
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—Dites donc, Caporal, demanda Fou
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juste lire, ecrire et compter, tres
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—Descendez, vaut mieux le tirer d
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marchait, ca commencait a etre amus
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—Comment, pourquoi? Mais parce qu
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Les Buteau, lorsqu'ils apercurent J
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souffrir dans cette vie. Lorsque De
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