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Émile Zola - La Terre

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s'attendrissait a son tour; car, si elle ne pensait guere a voir en lui un amoureux, elle lui obeissait volontiers<br />

d'habitude, beaucoup par amitie et un peu par crainte, le trouvant tres serieux.<br />

—Je veux ma part, repeta−t−elle, ebranlee; seulement, je ne dis pas que je m'en irai.<br />

—Eh! bete, intervint Buteau, qu'est−ce que tu en ficheras, de ta part, si tu restes? Tu as tout, comme ta soeur,<br />

comme moi: pourquoi en veux−tu la moitie?... Non, c'est a crever de rire!... Ecoutes−bien. Le jour ou tu te<br />

marieras, on fera le partage.<br />

Les yeux de Jean, fixes sur elle, vacillerent, comme si son coeur eut defailli.<br />

—Tu entends? le jour de ton mariage.<br />

Elle ne repondait pas, oppressee.<br />

<strong>La</strong> <strong>Terre</strong><br />

Et, maintenant, ma petite Francoise, va embrasser ta soeur. Ca vaudra mieux.<br />

Lise n'etait pas mauvaise encore, dans sa gaiete bourdonnante de commere grasse; et elle pleura, lorsque<br />

Francoise se pendit a son cou. Buteau, enchante d'avoir ajourne l'affaire, cria que, nom de Dieu! on allait boire<br />

un coup. Il apporta cinq verres, deboucha une bouteille, retourna en chercher une seconde. <strong>La</strong> face tannee du<br />

vieux Fouan s'etait coloree, tandis qu'il expliquait que, lui, etait pour le devoir. Tous burent, les femmes ainsi<br />

que les hommes, a la sante de chacun et de la compagnie.<br />

—C'est bon, le vin! cria Buteau en reposant rudement son verre, eh bien! vous direz ce que vous voudrez,<br />

mais ca ne vaut pas cette eau qui tombe... Regardez−moi ca, en v'la encore, en v'la toujours! ah! c'est riche!<br />

Et tous, en tas devant la fenetre, epanouis, dans une sorte d'extase religieuse, regardaient ruisseler la pluie<br />

tiede, lente, sans fin, comme s'ils avaient vu, sous cette eau bienfaisante, pousser les grands bles verts.<br />

Un jour de cet ete, la vieille Rose, qui avait eu des faiblesses, et dont les jambes n'allaient plus, fit venir sa<br />

petite−niece Palmyre, pour laver la maison, Fouan etait sorti roder a son habitude, autour des cultures; et,<br />

pendant que la miserable, sur les genoux, trempee d'eau, s'epuisait a frotter, l'autre la suivait pas a pas, toutes<br />

les deux remachant les memes histoires.<br />

II<br />

D'abord, il fut question du malheur de Palmyre, que son frere Hilarion battait maintenant. Oui, cet innocent,<br />

cet infirme etait devenu mauvais; et, comme il ne connaissait pas sa force, avec ses poings capables de broyer<br />

des pierres, elle craignait toujours d'etre tuee, quand il l'empoignait. Mais elle ne voulait pas qu'on s'en melat,<br />

elle renvoyait le monde, arrivant a l'apaiser, dans l'infinie tendresse qu'elle gardait pour lui. L'autre semaine, il<br />

y avait eu un scandale dont tout Rognes causait encore, une telle batterie, que les voisins etaient accourus et<br />

l'avaient trouve se livrant sur elle a des abominations.<br />

—Dis, ma fille, demanda Rose pour provoquer ses confidences, c'est donc qu'il voulait te forcer, le brutal.<br />

Palmyre, cessant de frotter, accroupie dans ses guenilles ruisselantes, se facha, sans repondre.<br />

—Est−ce que ca les regardait, les autres? est−ce qu'ils avaient besoin d'entrer espionner chez nous?... Nous ne<br />

volons personne.<br />

—Dame! reprit la vieille, pourtant si vous couchez ensemble, comme on le raconte, c'est tres mal.<br />

II 110

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