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56 EtrE transgEnrE En BElgiquE ne transsexuelle femme vers homme ? Ou une ablation des testicules pour une personne transsexuelle homme vers femme ? Il est ressorti des débats parlementaires sur la proposition de loi que l’ablation des gonades (testicules/ovaires) était une condition suffisante mais que dans la pratique, certains fonctionnaires et juristes estimaient que seule une opération sexuelle effective constituait une condition suffisante. Les dispositions inhérentes aux critères médicaux précis, comme l’exigence d’une thérapie hormonale pour le changement de prénom et d’une infertilité irréversible pour le changement de sexe, empêchent en outre un vaste groupe de personnes d’invoquer ce droit au changement de prénom et de sexe et confirment la dualité homme/femme. Certaines personnes transgenres ne peuvent ou ne souhaitent pas franchir toutes les étapes du processus de traitement pour des raisons personnelles, sociales, financières ou médicales. De plus, tout traitement passe par un stade où l’identité sexuelle officielle et l’identité de genre ne coïncident pas encore. La loi n’a rien prévu pour cette période (qui peut durer quelques années) en termes de documents d’identification, malgré les recommandations y afférentes dans la résolution du Parlement européen concernant la discrimination des personnes transsexuelles (et la Recommandation 1117 du Conseil de l’Europe). Bien sûr, les personnes transgenres peuvent toujours invoquer la loi ordinaire relative au changement de nom (Loi du 15 mai 1987 concernant les noms et prénoms) si elles ne peuvent ou ne souhaitent pas mentionner la transsexualité en tant que motif. Dans ce cas, elles sont néanmoins tenues de respecter les prescriptions légales qui y sont liées. Ainsi, le choix d’un prénom correspondant à l’autre sexe (souhaité) est exclu (un prénom neutre est néanmoins possible) et le changement de prénom coûte plus cher. b) Traitement inégal en termes de parentalité Par ailleurs, la loi n’est guère en phase avec les développements médicaux, notamment la pratique de congélation de sperme et d’ovules. La loi engendre ainsi de futurs problèmes et inégalités juridiques dès son instauration. Elle manque aussi de clarté quant à l’interprétation correcte du droit de la filiation pour une personne transsexuelle. 171 La circulaire du 1er février 2008 (M.B. du 20 février 2008) du ministre de la Justice de l’époque est libellée comme suit : « Conformément au nouvel article 62bis, §8, alinéa 2, du Code civil, les dispositions relatives à la filiation paternelle du livre Ier, titre VII, chapitre II, du Code civil ne s’appliquent pas à la personne de sexe masculin qui a fait une déclaration dès le moment où un acte portant mention du nouveau sexe a été établi même si l’officier de l’état civil n’inscrit pas l’acte. Une fois l’acte rédigé, la paternité ne peut plus être établie à l’égard du déclarant masculin, qui a déclaré appartenir au sexe féminin. Le déclarant de sexe masculin ne peut donc plus devenir père d’un enfant ni par présomption de paternité, ni par reconnaissance, ni par recherche de paternité. (…) Après l’inscription ou la transcription du nouveau sexe dans le registre des actes de naissance, les nouveaux liens de filiation sont en principe établis conformément au nouveau sexe. Les règles de filiation maternelle sont applicables à l’égard du transsexuel qui adopte le sexe féminin. Les règles de filiation paternelle s’appliquent à l’égard du transsexuel qui adopte le sexe masculin. » Cela signifie qu’un homme trans dont la partenaire accouche peut déclarer la naissance et être reconnu en tant que père de cet enfant, tout comme un autre couple hétérosexuel ayant recouru à une insémination artificielle avec le sperme d’un donneur. Pour une femme trans, ce paragraphe ne signifie en réalité rien : tout accouchement est en effet exclu. Plus encore, une femme trans qui utilise son sperme pour inséminer sa partenaire perd tout lien avec son propre patrimoine génétique et est considérée comme une belle-mère non apparentée. Elle devra donc adopter son propre enfant (génétiquement apparenté) conformément à la législation y afférente (comme c’est le cas pour les couples lesbiens) pour pouvoir créer un lien juridique.

La recommandation d’aborder l’insémination au moyen de sperme congelé dans la discussion relative à la loi sur la procréation médicalement assistée est toutefois passée à la trappe, de sorte que cette pratique demeure une zone d’ombre. L’alignement avec les couples lesbiens en tant qu’argument pour l’égalité est un faux argument. Les « belles-mères » lesbiennes qui doivent adopter un enfant né par insémination avec le sperme d’un donneur et ne peuvent le déclarer ni le reconnaître auprès de l’état civil en tant que co-parent sont défavorisées par rapport aux couples hétérosexuels qui disposent de ces possibilités. Le fait de placer les couples lesbiens où les deux partenaires sont les parents biologiques de l’enfant (comme c’est le cas ou non chez les couples hétérosexuels) sur le même pied que les moins nantis dans la comparaison est une solution de facilité. Le législateur contraint donc indirectement les femmes trans qui souhaitent reconnaître un enfant (leur enfant biologique) sans devoir l’adopter à reporter leur changement de sexe officiel jusqu’après la naissance des enfants souhaités (même si les deux parents vivent socialement et physiquement en tant que femmes). Une révision juridique des thèmes de parentalité et de filiation – indépendamment de la filiation biologique et en tant que parentalité sociale – revêt aussi une grande importance pour les parents transsexuels. c) Violation de la vie privée En vertu du nouvel article 62bis, § 4, 2ème alinéa du Code civil, l’acte portant mention du nouveau sexe entre en vigueur dès son inscription au registre des actes de naissance. Contrairement à la situation dans d’autres pays, les demandeurs ne reçoivent pas de nouvel acte de naissance, ni (si applicable) un nouvel acte de mariage et de nouveaux actes de naissance pour les enfants déjà nés, mais une annotation est ajoutée dans les actes originaux, ce qui n’est pas toujours bénéfique à la vie privée des personnes concernées. La confidentialité n’est, en effet, pas garantie lors de la délivrance d’extraits et de duplicata. Une modification de l’article au sens où les extraits ne pourraient plus mentionner que le nouveau sexe, comme c’était prévu dans la proposition initiale, a été rejetée afin de ne pas devoir modifier les pratiques actuelles. En principe, un extrait reprendra les nouvelles données sans la moindre allusion à la situation initiale. Par respect pour la vie privée de la personne transsexuelle, il faut, d’une part, éviter autant que possible de délivrer encore des duplicata faisant référence à l’ancien sexe. D’autre part, il faut tenir compte des intérêts légitimes des autres personnes éventuellement concernées par l’acte. Ainsi, par exemple, les enfants doivent pouvoir, à leur demande, obtenir un extrait de l’acte de naissance de leurs parents mentionnant le sexe d’origine. De même, nonobstant une mention marginale éventuelle, ils doivent également pouvoir obtenir un extrait de leur propre acte de naissance mentionnant leur filiation mais dépourvu de la mention du changement de sexe du parent. La délivrance d’un extrait d’acte de mariage mentionnant le sexe initial doit également être possible. 4.1.3. Les principes de Yogyakarta La Commission Internationale des Juristes et le Service International des Droits de l’Homme ont mis sur pied – au nom d’une coalition d’organismes de défense des droits de l’Homme – un projet visant à établir un certain nombre de principes juridiques internationaux concernant l’application du droit international aux violations des droits fondamentaux liés à la nature sexuelle et à l’identité de genre ; ceci afin de rendre plus claires et plus cohérentes les obligations des états en matière de droits de l’Homme. Ces principes ont été définis, élaborés, commentés et affinés par un groupe d’éminents experts. 172 A l’occasion d’une réunion organisée en novembre 2006 à l’université de Gadjah Mada à Yogyakarta, en Indonésie, 29 spécialistes renommés issus de 25 pays et de diverses disciplines avec différents degrés d’expertise législative en matière de droits de l’Homme ont adopté à l’unanimité les principes de Yogyakarta concernant l’application du droit international en ce qui concerne les droits fondamentaux liés à la nature sexuelle et à l’identité de genre. 57 EtrE transgEnrE En BElgiquE

La recommandation d’aborder l’insémination au moy<strong>en</strong> de sperme congelé dans la discussion relative à la loi<br />

sur la procréation médicalem<strong>en</strong>t assistée est toutefois passée à la trappe, de sorte que cette pratique demeure<br />

une zone d’ombre. L’alignem<strong>en</strong>t avec les couples lesbi<strong>en</strong>s <strong>en</strong> tant qu’argum<strong>en</strong>t pour l’égalité est un faux<br />

argum<strong>en</strong>t. Les « belles-mères » lesbi<strong>en</strong>nes qui doiv<strong>en</strong>t adopter un <strong>en</strong>fant né par insémination avec le sperme<br />

d’un donneur et ne peuv<strong>en</strong>t le déclarer ni le reconnaître auprès de l’état civil <strong>en</strong> tant que co-par<strong>en</strong>t sont défavorisées<br />

par rapport aux couples hétérosexuels qui dispos<strong>en</strong>t de ces possibilités. Le fait de placer les couples<br />

lesbi<strong>en</strong>s où les deux part<strong>en</strong>aires sont les par<strong>en</strong>ts biologiques de l’<strong>en</strong>fant (comme c’est le cas ou non chez les<br />

couples hétérosexuels) sur le même pied que les moins nantis dans la comparaison est une solution de facilité.<br />

Le législateur contraint donc indirectem<strong>en</strong>t les femmes trans qui souhait<strong>en</strong>t reconnaître un <strong>en</strong>fant (leur <strong>en</strong>fant<br />

biologique) sans devoir l’adopter à reporter leur changem<strong>en</strong>t de sexe officiel jusqu’après la naissance des<br />

<strong>en</strong>fants souhaités (même si les deux par<strong>en</strong>ts viv<strong>en</strong>t socialem<strong>en</strong>t et physiquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tant que femmes). Une<br />

révision juridique des thèmes de par<strong>en</strong>talité et de filiation – indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t de la filiation biologique et <strong>en</strong><br />

tant que par<strong>en</strong>talité sociale – revêt aussi une grande importance pour les par<strong>en</strong>ts transsexuels.<br />

c) Violation de la vie privée<br />

En vertu du nouvel article 62bis, § 4, 2ème alinéa du Code civil, l’acte portant m<strong>en</strong>tion du nouveau sexe <strong>en</strong>tre<br />

<strong>en</strong> vigueur dès son inscription au registre des actes de naissance. Contrairem<strong>en</strong>t à la situation dans d’autres<br />

pays, les demandeurs ne reçoiv<strong>en</strong>t pas de nouvel acte de naissance, ni (si applicable) un nouvel acte de mariage<br />

et de nouveaux actes de naissance pour les <strong>en</strong>fants déjà nés, mais une annotation est ajoutée dans les<br />

actes originaux, ce qui n’est pas toujours bénéfique à la vie privée des personnes concernées. La confid<strong>en</strong>tialité<br />

n’est, <strong>en</strong> effet, pas garantie lors de la délivrance d’extraits et de duplicata. Une modification de l’article au s<strong>en</strong>s<br />

où les extraits ne pourrai<strong>en</strong>t plus m<strong>en</strong>tionner que le nouveau sexe, comme c’était prévu dans la proposition<br />

initiale, a été rejetée afin de ne pas devoir modifier les pratiques actuelles. En principe, un extrait repr<strong>en</strong>dra<br />

les nouvelles données sans la moindre allusion à la situation initiale. Par respect pour la vie privée de la<br />

personne transsexuelle, il faut, d’une part, éviter autant que possible de délivrer <strong>en</strong>core des duplicata faisant<br />

référ<strong>en</strong>ce à l’anci<strong>en</strong> sexe. D’autre part, il faut t<strong>en</strong>ir compte des intérêts légitimes des autres personnes év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t<br />

concernées par l’acte. Ainsi, par exemple, les <strong>en</strong>fants doiv<strong>en</strong>t pouvoir, à leur demande, obt<strong>en</strong>ir un<br />

extrait de l’acte de naissance de leurs par<strong>en</strong>ts m<strong>en</strong>tionnant le sexe d’origine. De même, nonobstant une m<strong>en</strong>tion<br />

marginale év<strong>en</strong>tuelle, ils doiv<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t pouvoir obt<strong>en</strong>ir un extrait de leur propre acte de naissance<br />

m<strong>en</strong>tionnant leur filiation mais dépourvu de la m<strong>en</strong>tion du changem<strong>en</strong>t de sexe du par<strong>en</strong>t. La délivrance d’un<br />

extrait d’acte de mariage m<strong>en</strong>tionnant le sexe initial doit égalem<strong>en</strong>t être possible.<br />

4.1.3. Les principes de Yogyakarta<br />

La Commission Internationale des Juristes et le Service International des Droits de l’Homme ont mis sur pied<br />

– au nom d’une coalition d’organismes de déf<strong>en</strong>se des droits de l’Homme – un projet visant à établir un certain<br />

nombre de principes juridiques internationaux concernant l’application du droit international aux violations<br />

des droits fondam<strong>en</strong>taux liés à la nature sexuelle et à l’id<strong>en</strong>tité de g<strong>en</strong>re ; ceci afin de r<strong>en</strong>dre plus claires<br />

et plus cohér<strong>en</strong>tes les obligations des états <strong>en</strong> matière de droits de l’Homme. Ces principes ont été définis,<br />

élaborés, comm<strong>en</strong>tés et affinés par un groupe d’émin<strong>en</strong>ts experts. 172 A l’occasion d’une réunion organisée <strong>en</strong><br />

novembre 2006 à l’université de Gadjah Mada à Yogyakarta, <strong>en</strong> Indonésie, 29 spécialistes r<strong>en</strong>ommés issus de<br />

25 pays et de diverses disciplines avec différ<strong>en</strong>ts degrés d’expertise législative <strong>en</strong> matière de droits de l’Homme<br />

ont adopté à l’unanimité les principes de Yogyakarta concernant l’application du droit international <strong>en</strong> ce qui<br />

concerne les droits fondam<strong>en</strong>taux liés à la nature sexuelle et à l’id<strong>en</strong>tité de g<strong>en</strong>re.<br />

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