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1 La vipère est pratiquement le seul serpent venimeux ... - Cercles.be

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MORSURE DE VIPÈRE : QUE FAIRE ? N° 2123 -VENDREDI 1 ER JUIN 2001<br />

Morsure<br />

de <strong>vipère</strong> :<br />

que faire ?<br />

Dr Eric Torres, Urgence Pratique, SDIS 13<br />

<strong>La</strong> <strong>vipère</strong> <strong>est</strong> <strong>pratiquement</strong> <strong>le</strong> <strong>seul</strong> <strong>serpent</strong> <strong>venimeux</strong><br />

que l’on peut rencontrer en France métropolitaine si on<br />

fait exception du cas particulier des animaux<br />

d’importation. Les accidents en rapport avec une<br />

morsure sont relativement rares et <strong>le</strong>urs risques sont<br />

largement sur<strong>est</strong>imés par <strong>le</strong> public. <strong>La</strong> suspicion<br />

d’envenimation impose cependant une surveillance<br />

médica<strong>le</strong> systématique de quelques heures.<br />

L’hospitalisation <strong>est</strong> impérative devant toute<br />

envenimation confirmée et même simp<strong>le</strong>ment<br />

suspectée s’il s’agit d’un enfant.<br />

MEDECIN<br />

www.<strong>le</strong>generaliste.presse.fr<br />

1


ON recense chaque année en<br />

France deux cent cinquante<br />

à cinq cents « morsures<br />

» de <strong>vipère</strong>s, mais ces<br />

chiffres sous-<strong>est</strong>iment vraisemblab<strong>le</strong>ment<br />

<strong>le</strong> nombre réel de ces accidents.<br />

<strong>La</strong> mortalité <strong>est</strong> relativement<br />

faib<strong>le</strong> puisqu’el<strong>le</strong> correspond<br />

à environ un décès par an (à comparer<br />

aux cinquante décès annuels<br />

consécutifs à des piqûres d’hyménoptères).<br />

<strong>La</strong> « morsure » de <strong>vipère</strong><br />

<strong>est</strong> <strong>le</strong> plus souvent largement<br />

dramatisée par la victime, par son<br />

entourage et parfois même par <strong>le</strong><br />

médecin, en raison de son fort retentissement<br />

psychologique.<br />

Morsure, piqûre, envenimation<br />

MORSURE DE VIPÈRE : QUE FAIRE ? N° 2123 -VENDREDI 1 ER JUIN 2001<br />

Il ne faut pas confondre morsure,<br />

piqûre et envenimation. Ces trois<br />

termes ne sont pas équiva<strong>le</strong>nts<br />

puisque seu<strong>le</strong>ment 10 à 15 % des<br />

morsures aboutissent à une envenimation.<br />

• <strong>La</strong> morsure de <strong>serpent</strong> correspond<br />

à un pincement de la peau<br />

entre <strong>le</strong>s mâchoires de l’animal. Les<br />

crochets n’entrent pas en action, aussi<br />

n’y a-t-il jamais d’inoculation de venin<br />

lors d’une morsure simp<strong>le</strong>.<br />

• On par<strong>le</strong> de piqûre lorsque des<br />

crochets pénètrent dans <strong>le</strong>s tissus de<br />

la victime. <strong>La</strong> piqûre constitue une<br />

condition nécessaire mais non suffisante<br />

pour que l’inoculation de venin<br />

ait lieu (<strong>le</strong>s glandes à venin peuvent<br />

être vides au moment de la piqûre).<br />

> MESSAGES CLES<br />

Les <strong>vipère</strong>s sont des animaux relativement pacifiques qui préfèrent la<br />

fuite à l’attaque. L’agressivité de la <strong>vipère</strong> ne se manif<strong>est</strong>e vis-à-vis de l’homme<br />

que lorsqu’el<strong>le</strong> se sent menacée. C’<strong>est</strong> ce qui explique que <strong>le</strong>s « morsures<br />

» soient relativement rares (3,5 à 4 pour 100 000 habitants en moyenne).<br />

El<strong>le</strong>s ne sont à l’origine de manif<strong>est</strong>ations cliniques qu’une fois sur deux<br />

et d’envenimation qu’une fois sur dix. Seu<strong>le</strong>s 10 % de ces envenimations<br />

sont graves.<br />

Il n’en demeure pas moins que ce type d’accident, avant tout saisonnier,<br />

touche une population exposée : viticulteurs, agriculteurs, promeneurs<br />

et randonneurs. Les mesures simp<strong>le</strong>s de prévention peuvent faire diminuer<br />

<strong>le</strong> risque de « morsure » (port de chaussures montantes et d’un pantalon<br />

long, utilisation d’un bâton de marche, contrô<strong>le</strong> visuel de l’endroit où<br />

l’on pose ses pieds et ses mains, déplacement bruyant).<br />

En cas d’envenimation manif<strong>est</strong>e (apparition d’un œdème dans <strong>le</strong>s<br />

deux heures qui suivent la morsure), on peut faci<strong>le</strong>ment évaluer son importance.<br />

Il faut alors prendre contact avec <strong>le</strong> centre 15 ou avec <strong>le</strong> centre<br />

antipoison (CAP) et débuter une prise en charge symptomatique. En cas<br />

d’envenimation grave, la sérothérapie précoce peut être nécessaire, mais<br />

il s’agit aujourd’hui d’un traitement hospitalier. Les g<strong>est</strong>es simp<strong>le</strong>s, comme<br />

la désinfection loca<strong>le</strong> et <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de l’immunité antitétanique, ne doivent<br />

pas être oubliés.<br />

• L’envenimation n’<strong>est</strong> possib<strong>le</strong><br />

que lorsqu’une certaine quantité de<br />

venin <strong>est</strong> injectée sous forte pression<br />

à l’intérieur des tissus.<br />

Pour la clarté de l’exposé, nous encadrerons<br />

de guil<strong>le</strong>mets <strong>le</strong> terme de<br />

« morsure » chaque fois que nous l’utiliserons<br />

dans son sens <strong>le</strong> plus large.<br />

Identification<br />

du <strong>serpent</strong> responsab<strong>le</strong><br />

Il existe dans notre pays différentes<br />

famil<strong>le</strong>s de <strong>vipère</strong>s dont <strong>le</strong>s<br />

deux principa<strong>le</strong>s sont Vipera aspis<br />

(Sud-Ou<strong>est</strong> et <strong>La</strong>nguedoc) et Vipera<br />

ursinii (montagne du Lubéron, mont<br />

Ventoux).<br />

Nous ne détail<strong>le</strong>rons pas ici la traditionnel<strong>le</strong><br />

description de l’animal,<br />

qui ne nous semb<strong>le</strong> pas très uti<strong>le</strong><br />

dans la mesure où, <strong>le</strong> plus souvent, <strong>le</strong><br />

<strong>serpent</strong> n’<strong>est</strong> pas vu par <strong>le</strong>s témoins<br />

et encore moins capturé (tête triangulaire,<br />

pupil<strong>le</strong>s ova<strong>le</strong>s et vertica<strong>le</strong>s,<br />

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nombreux rangs de petites écail<strong>le</strong>s<br />

entre <strong>le</strong>s yeux et la bouche, queue<br />

trapue et non effilée). Pour la même<br />

raison, nous ne reviendrons pas sur<br />

la classique comparaison entre <strong>vipère</strong><br />

et cou<strong>le</strong>uvre. Rappelons seu<strong>le</strong>ment<br />

que la cou<strong>le</strong>uvre n’<strong>est</strong> pas venimeuse<br />

à l’exception de la cou<strong>le</strong>uvre de<br />

Montpellier, qui ne l’<strong>est</strong> cependant<br />

que de façon très exceptionnel<strong>le</strong>.<br />

Sur quels arguments<br />

peut-on suspecter une envenimation<br />

?<br />

On doit suspecter une envenimation<br />

devant la trace des crochets,<br />

l’existence de signes locaux ou généraux.<br />

<strong>La</strong> présence de deux petites<br />

plaies punctiformes distantes de<br />

cinq à dix millimètres <strong>est</strong> pathognomonique<br />

de la piqûre de <strong>vipère</strong>,<br />

puisque cet animal <strong>est</strong> <strong>le</strong> <strong>seul</strong> en Europe<br />

à laisser ce type de trace (exception<br />

faite de<br />

2


MORSURE DE VIPÈRE : QUE FAIRE ? N° 2123 -VENDREDI 1 ER JUIN 2001<br />

certains <strong>serpent</strong>s exotiques [voir encadré<br />

page 4]).<br />

<strong>La</strong> lésion n’<strong>est</strong> cependant pas toujours<br />

reconnaissab<strong>le</strong>, en particulier<br />

dans <strong>le</strong> cas d’une « morsure » tangentiel<strong>le</strong><br />

ne montrant la trace que<br />

d’un <strong>seul</strong> crochet, ou dans celui des<br />

« morsures » itératives pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s<br />

<strong>le</strong>s points de piqûre sont alors<br />

multip<strong>le</strong>s. Les points d’impact peuvent<br />

éga<strong>le</strong>ment être noyés dans l’œdème<br />

ou masqués par des lésions<br />

d’aspect ecchymotique. Les signes locaux<br />

sont représentés par un œdème,<br />

des lésions ecchymotiques ou un<br />

syndrome douloureux.<br />

• L’œdème apparaît en quinze à<br />

soixante minutes. Il s’étend par contiguïté<br />

jusqu’à la quarante-huitième<br />

heure. Il <strong>est</strong> blanc et d’aspect banal.<br />

Dans un contexte évocateur (pro-<br />

menade en forêt), même si la dou<strong>le</strong>ur<br />

fait initia<strong>le</strong>ment défaut, son apparition<br />

signe de manière certaine l’envenimation.<br />

Son absence dans <strong>le</strong>s<br />

deux heures qui suivent la morsure<br />

permet d’écarter la probabilité d’une<br />

d’envenimation.<br />

• Secondairement, l’œdème change<br />

d’aspect et de coloration. Il prend<br />

une teinte violacée ou b<strong>le</strong>utée constituant<br />

<strong>le</strong>s lésions ecchymotiques parfois<br />

rencontrées.<br />

• <strong>La</strong> dou<strong>le</strong>ur <strong>est</strong> un signe trompeur<br />

à la phase initia<strong>le</strong>, dans la mesure<br />

où el<strong>le</strong> peut être très discrète et<br />

parfois tota<strong>le</strong>ment absente. Cela explique<br />

qu’il n’<strong>est</strong> pas exceptionnel<br />

que certaines « morsures » de <strong>vipère</strong>s<br />

passent inaperçues. <strong>La</strong> dou<strong>le</strong>ur<br />

<strong>est</strong>, en revanche, un signe<br />

constant en cas d’envenimation.<br />

Classification clinique<br />

des envenimations<br />

(d’après Aude<strong>be</strong>rt et coll.*)<br />

Classe 0 (morsure sans envenimation) :<br />

— traces de crochés espacées l’une de l’autre de six à huit millimètres,<br />

signant la morsure (el<strong>le</strong>s peuvent manquer) ;<br />

— pas d’œdème ;<br />

— pas de réactions loca<strong>le</strong>s.<br />

Classe 1 (envenimation « minima<strong>le</strong> ») :<br />

— œdème douloureux limité au site de la morsure ;<br />

— parfois signes locaux de nécrose tissulaire ;<br />

— pas de signes généraux.<br />

Classe 2 (envenimation « modérée ») :<br />

— œdème extensif pouvant gagner tout <strong>le</strong> membre avec extension maxima<strong>le</strong><br />

à la quarante-huitième heure ;<br />

— signes généraux modérés (vomissements, hypotension, diarrhée, dou<strong>le</strong>ur<br />

abdomina<strong>le</strong>).<br />

Classe 3 (envenimation « sévère ») :<br />

— signes locorégionaux, œdème s’entendant au-delà du membre mordu<br />

(vers <strong>le</strong> tronc) ;<br />

— signes généraux marqués (diarrhée, vomissements, signes hémorragiques,<br />

état de choc).<br />

* Aude<strong>be</strong>rt F., Sorkine M., Bon C., « Envenoming by Viper Bites in France : Clinical Gradation<br />

and Biological Quantification by ELISA », Toxicon, 30 : 599-609.<br />

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Sourde et persistante, el<strong>le</strong> apparaît<br />

en même temps que l’œdème.<br />

Les signes généraux sont atypiques.<br />

Ils associent angoisse, sensations<br />

nauséeuses, vomissements, hypotension,<br />

lipothymie, tachycardie,<br />

myalgies et fébricu<strong>le</strong> à 38 °C. Ces<br />

signes sont trompeurs car ils peuvent<br />

évoquer une réaction anxieuse<br />

ou une participation vaga<strong>le</strong>, toujours<br />

possib<strong>le</strong>s dans ce contexte. <strong>La</strong> surveillance<br />

du patient <strong>est</strong> donc fondamenta<strong>le</strong>.<br />

Comment<br />

apprécier la gravité<br />

de la morsure ?<br />

<strong>La</strong> gravité d’une morsure de<br />

<strong>vipère</strong> <strong>est</strong> liée à l’envenimation et au<br />

risque septique. Mais on peut voir<br />

aussi des accidents al<strong>le</strong>rgiques.<br />

Seu<strong>le</strong>s 10 % des « morsures »<br />

sont suivies d’une envenimation et<br />

seu<strong>le</strong>s 10 % des envenimations<br />

sont graves. <strong>La</strong> gravité de l’envenimation<br />

dépend :<br />

— de la quantité de venin injectée<br />

(variab<strong>le</strong> selon l’espèce, la saison<br />

et <strong>le</strong> temps écoulé depuis la dernière<br />

piqûre) ;<br />

— de la localisation de la morsure<br />

(morsures intravasculaires ou intéressant<br />

<strong>le</strong>s zones très vascularisées)<br />

;<br />

— de l’âge de la victime (rapport<br />

quantité de venin injectée sur poids<br />

de la victime) ;<br />

— des antécédents médicaux de<br />

la victime (risque cardio-vasculaire).<br />

Les effets pathogènes des venins<br />

de <strong>vipère</strong> sont en rapport avec une<br />

hyperperméabilité capillaire, responsab<strong>le</strong><br />

d’une plasmorragie, et avec<br />

une hyperactivité des fibres musculaires<br />

lisses, expliquant diarrhée et<br />

vomissements. Des œdèmes pulmonaires,<br />

apparemment de type lésionnel,<br />

ont été décrits chez l’enfant. Il <strong>est</strong><br />

classique d’utiliser la classification<br />

clinique, en quatre paliers, proposée<br />

par Aude<strong>be</strong>rt et coll. [voir encadré<br />

3


MORSURE DE VIPÈRE : QUE FAIRE ? N° 2123 -VENDREDI 1 ER JUIN 2001<br />

«Classification clinique des envenimations<br />

»].<br />

Le risque infectieux <strong>est</strong><br />

constant. Il faut penser à vérifier<br />

systématiquement l’état des vaccinations<br />

antitétaniques. En cas de doute,<br />

la prophylaxie antitétanique s’impose.<br />

<strong>La</strong> désinfection doit toujours<br />

être soigneuse. L’antibiothérapie peut<br />

être nécessaire à partir de la classe 2.<br />

L’envenimation <strong>est</strong> un phénomène<br />

al<strong>le</strong>rgisant. Une morsure antérieure<br />

peut expliquer la survenue<br />

d’un choc anaphylactique en cas de<br />

récidive. Les réactions al<strong>le</strong>rgiques<br />

peuvent avoir un retentissement local,<br />

régional ou systémique (œdème<br />

de Quincke, urticaire généralisée,<br />

bronchospasme, dyspnée asthmatiforme,<br />

choc anaphylactique). Le<br />

risque anaphylactique <strong>est</strong> relativement<br />

faib<strong>le</strong> dans ce contexte.<br />

Il apparaît dans <strong>le</strong>s premières minutes<br />

qui suivent la piqûre et peut<br />

être mortel en l’absence de traitement<br />

médical. <strong>La</strong> prise en charge <strong>est</strong><br />

non spécifique. El<strong>le</strong> repose essentiel<strong>le</strong>ment<br />

sur l’administration d’adrénaline<br />

titrée, en urgence, sous surveillance<br />

tensionnel<strong>le</strong> (l’objectif <strong>est</strong><br />

d’amener la tension artériel<strong>le</strong> au-dessus<br />

de 80 mmHg).<br />

Dédramatiser,<br />

désinfecter, immobiliser<br />

<strong>La</strong> hantise de l’envenimation et la<br />

forte dramatisation de ces accidents<br />

expliquent que de nombreuses idées<br />

reçues aient la vie dure et que de<br />

nombreuses erreurs soient souvent<br />

commises par <strong>le</strong>s premiers intervenants.<br />

Un principe doit toujours être<br />

respecté : primum non nocere. Avant<br />

toute chose, il <strong>est</strong> capital de dédramatiser<br />

la situation. Le patient doit<br />

être rassuré, installé en position allongée<br />

et laissé au repos absolu (sauf<br />

si son évacuation sur brancard <strong>est</strong><br />

impossib<strong>le</strong> pour des raisons techniques).<br />

<strong>La</strong> prise en charge initia<strong>le</strong> repose<br />

sur la désinfection loca<strong>le</strong> à l’aide<br />

d’un produit antiseptique (Bétadine<br />

® , Dakin ® ) et sur l’emballage de<br />

Attention, NAC !<br />

Une cinquantaine de <strong>serpent</strong>s exotiques sont dénombrés en<br />

France et il existe <strong>pratiquement</strong> autant de tab<strong>le</strong>aux cliniques que<br />

d’espèces venimeuses. Ces espèces, même si el<strong>le</strong>s sont très dangereuses<br />

ne posent pas de véritab<strong>le</strong>s problèmes diagnostiques dans la<br />

mesure où il s’agit de <strong>serpent</strong>s d’é<strong>le</strong>vage dont la victime, qui <strong>est</strong> en<br />

règ<strong>le</strong> généra<strong>le</strong> l’é<strong>le</strong>veur lui-même, connaît l’identité. Plus préoccupante<br />

<strong>est</strong> la mode des « NAC » (ou nouveaux animaux de compagnie),<br />

qui s’accompagne de l’introduction cland<strong>est</strong>ine dans notre pays<br />

de <strong>serpent</strong>s exotiques. Ces animaux sont en effet <strong>le</strong>s plus dangereux<br />

que peuvent posséder des particuliers. Avec de tels <strong>serpent</strong>s, <strong>le</strong><br />

risque d’envenimation sévère <strong>est</strong> é<strong>le</strong>vé, car de nombreuses espèces<br />

possèdent des venins redoutab<strong>le</strong>s et des appareils d’inoculation très<br />

efficaces.<br />

Les croisements entre des espèces proches particulièrement prisées<br />

par certains col<strong>le</strong>ctionneurs qui espèrent ainsi obtenir des cou<strong>le</strong>urs<br />

plus vives ou de nouveaux comportements sont particulièrement<br />

irresponsab<strong>le</strong>s. Les spécimens obtenus, qui n’auraient jamais pu<br />

exister dans la nature, possèdent des venins dont on ne connaît rien<br />

et dont on ne peut prédire la toxicité.<br />

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la région mordue à l’aide d’une bande<br />

élastique modérément serrée.<br />

Le membre doit être immobilisé<br />

« comme s’il s’agissait d’un membre<br />

fracturé ».<br />

Aspivenin ® , très efficace contre<br />

<strong>le</strong>s piqûres d’hyménoptères, n’a<br />

jamais vraiment fait la preuve de son<br />

efficacité pour <strong>le</strong>s piqûres de <strong>vipère</strong>s<br />

(<strong>le</strong> venin <strong>est</strong> injecté trop profondément<br />

et sous de trop fortes pressions).<br />

Il <strong>est</strong> malgré tout souhaitab<strong>le</strong><br />

de l’utiliser en raison de son rô<strong>le</strong> très<br />

fortement anxiolytique (rien ne rassure<br />

plus la victime que de penser<br />

que <strong>le</strong> venin a été aspiré !). Le refroidissement<br />

par une vessie de glace<br />

<strong>est</strong> acceptab<strong>le</strong> s’il <strong>est</strong> réalisé correctement,<br />

c’<strong>est</strong>-à-dire au travers d’un<br />

linge épais, afin de ne pas provoquer<br />

de lésions nécrotiques loca<strong>le</strong>s (risque<br />

de gelures). Il se justifie par son effet<br />

antalgique. Contrairement à l’idée<br />

généra<strong>le</strong>ment répandue, il ne permet<br />

pas de retarder la diffusion du venin.<br />

Ce qu’il ne faut<br />

pas faire<br />

Le débridement ou l’incision de la<br />

plaie sont strictement proscrits. Ces<br />

g<strong>est</strong>es potentiel<strong>le</strong>ment septiques sont,<br />

de surcroît, tota<strong>le</strong>ment inuti<strong>le</strong>s. L’usage<br />

du garrot <strong>est</strong> éga<strong>le</strong>ment interdit,<br />

dans la mesure où il risque d’aggraver<br />

<strong>le</strong>s lésions par un phénomène<br />

d’ischémie Le venin de <strong>vipère</strong><br />

n’étant pas thermolabi<strong>le</strong>, contrairement<br />

au venin d’hyménoptère, il <strong>est</strong><br />

inuti<strong>le</strong> et dangereux de tenter de réchauffer<br />

<strong>le</strong> point de piqûre avec une<br />

cigarette incandescente (risque de<br />

brûlure). <strong>La</strong> manœuvre « héroïque »<br />

de succion, popularisée par <strong>le</strong>s w<strong>est</strong>erns,<br />

n’apporte rien et peut parfois<br />

être risquée pour l’opérateur si sa<br />

muqueuse bucca<strong>le</strong> <strong>est</strong> ulcérée. L’injection<br />

systématique d’anticoagulants<br />

ne se justifie pas. El<strong>le</strong> <strong>est</strong> susceptib<strong>le</strong><br />

d’aggraver <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s de la coagulation<br />

induits par <strong>le</strong> venin. Enfin<br />

l’injection de sérum anti<strong>venimeux</strong><br />

<strong>est</strong> aujourd’hui strictement proscrite<br />

4


sur <strong>le</strong> terrain. El<strong>le</strong> sera discutée en<br />

milieu hospitalier.<br />

De 0 à 3, prise<br />

en charge médica<strong>le</strong><br />

MORSURE DE VIPÈRE : QUE FAIRE ? N° 2123 -VENDREDI 1 ER JUIN 2001<br />

Le traitement <strong>est</strong> avant tout<br />

symptomatique. Si c’<strong>est</strong> possib<strong>le</strong>, <strong>le</strong><br />

patient sera placé sous oxygène et<br />

une voie veineuse périphérique de<br />

sécurité sera mise en place.<br />

• Classe 0 : morsure sans envenimation<br />

(morsure incertaine ou<br />

traces de piqûre sans œdème). Le<br />

traitement repose sur la lutte contre<br />

l’anxiété. Des explications claires<br />

sur <strong>le</strong> caractère bénin de l’accident<br />

sont parfois insuffisantes et peuvent<br />

être potentialisées par la prescription<br />

d’une <strong>be</strong>nzodiazépine. <strong>La</strong><br />

désinfection doit être soigneuse. <strong>La</strong><br />

prophylaxie antitétanique sera systématiquement<br />

vérifiée. Le patient<br />

doit être mis au repos. Il devra être<br />

surveillé pendant au moins deux<br />

heures au cabinet médical ou dans<br />

<strong>le</strong> service des urgences. Si, à la fin<br />

de ce délai, aucun œdème n’<strong>est</strong> apparu,<br />

l’absence d’envenimation <strong>est</strong><br />

certaine et <strong>le</strong> patient peut regagner<br />

son domici<strong>le</strong>, sauf s’il s’agit d’un enfant<br />

pour <strong>le</strong>quel l’hospitalisation sera<br />

conseillée dans tous <strong>le</strong>s cas.<br />

• Classe 1 : envenimation « minima<strong>le</strong><br />

» (œdème limité et signes<br />

locaux). Comme dans <strong>le</strong> cas précédent,<br />

<strong>le</strong> repos, la désinfection et la<br />

prophylaxie antitétanique s’imposent.<br />

<strong>La</strong> lutte contre la dou<strong>le</strong>ur repose<br />

sur la prescription d’antalgiques<br />

mineurs (paracétamol).<br />

L’aspirine <strong>est</strong> à proscrire en raison<br />

des ses effets antiagrégants plaquettaires.<br />

L’hospitalisation vers un service<br />

de médecine <strong>est</strong> la règ<strong>le</strong>. Le<br />

transport n’<strong>est</strong> pas médicalisé.<br />

• Classe 2 : envenimation « modérée<br />

» (œdème extensif avec<br />

signes locaux et signes généraux<br />

modérés). Ici aussi repos, désinfection,<br />

prophylaxie antitétanique et<br />

traitement antalgique s’imposent.<br />

L’antibiothérapie repose sur la pénicilline<br />

G ou sur <strong>le</strong>s macrolides. Une<br />

corticothérapie de courte durée<br />

peut être proposée dans un but antiœdémateux.<br />

L’hospitalisation <strong>est</strong><br />

indispensab<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> fait suite à un<br />

transport non médicalisé. Dans <strong>le</strong>s<br />

formes <strong>le</strong>s plus graves, la sérothérapie<br />

pourra être discutée à l’hôpital.<br />

• Classe 3 : envenimation « sévère<br />

» (œdème extensif avec signes<br />

locorégionaux et signes généraux<br />

marqués). Aux principes de traitement<br />

décrits précédemment s’ajoute<br />

la prise en charge symptomatique<br />

des signes généraux. Le transport<br />

vers un service de soins intensifs <strong>est</strong><br />

impératif. Il devra être médicalisé si<br />

<strong>le</strong>s signes généraux sont très marqués<br />

et s’ils apparaissent initia<strong>le</strong>ment.<br />

A l’hôpital, l’héparinothérapie<br />

à dose isocoagulab<strong>le</strong> sera<br />

discutée (si la morsure remonte à<br />

plus de trente minutes, il n’<strong>est</strong> pas<br />

nécessaire de l’administrer en deux<br />

injections : à proximité du site de<br />

morsure et à la racine du membre).<br />

<strong>La</strong> sérothérapie devra être discutée.<br />

Quoi de neuf<br />

en sérothérapie ?<br />

Le traitement par sérum antivipérin<br />

repose aujourd’hui sur <strong>le</strong>s<br />

fragments de F(ab’)2 d’immunoglobulines<br />

équines antivenimeuses de<br />

<strong>vipère</strong>s européennes. Il <strong>est</strong> à instituer<br />

précocement (au mieux au<br />

cours des six premières heures qui<br />

suivent l’apparition des signes) si la<br />

gravité du tab<strong>le</strong>au clinique <strong>est</strong> patente.<br />

Il doit être associé au traitement<br />

symptomatique. <strong>La</strong> sérothérapie<br />

ne doit être débutée qu’en<br />

milieu hospitalier afin de pouvoir<br />

contrô<strong>le</strong>r immédiatement toute réaction<br />

d’hypersensibilité immédiate<br />

(risque de choc anaphylactique). Le<br />

traitement <strong>est</strong> classiquement<br />

contre-indiqué en cas d’antécédents<br />

al<strong>le</strong>rgiques connus aux protéines<br />

hétérologues d’origine équine, mais<br />

cette contre-indication <strong>est</strong> relative<br />

si <strong>le</strong> risque vital <strong>est</strong> en jeu à condition<br />

que l’on dispose des moyens<br />

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techniques pour prendre en charge<br />

un éventuel choc anaphylactique.<br />

Le traitement par sérum antivipérin<br />

<strong>est</strong> indiqué dans <strong>le</strong> cas des envenimations<br />

par <strong>le</strong>s <strong>vipère</strong>s européennes<br />

(Vipera aspis, Vipera <strong>be</strong>rus,<br />

Vipera ammodytes) chez <strong>le</strong>s patients<br />

de classes 2 ou 3, qui présentent un<br />

œdème rapidement extensib<strong>le</strong> et<br />

des signes généraux marqués (vomissements,<br />

diarrhée, dou<strong>le</strong>ur abdomina<strong>le</strong>,<br />

hypotension), en particulier<br />

si ces signes sont associés à des critères<br />

pronostiques de gravité biologique<br />

:<br />

— hyper<strong>le</strong>ucocytose (15 000<br />

éléments par millimètre cu<strong>be</strong> ou<br />

plus) ;<br />

— thrombopénie (moins de<br />

150 000 éléments par millimètre<br />

cu<strong>be</strong>) ;<br />

— fibrinémie inférieure à<br />

2 grammes par litre ;<br />

— taux de prothrombine inférieur<br />

à 60 %. <br />

Références bibliographiques<br />

Aude<strong>be</strong>rt F., Sorkine M., Bon C.,<br />

« Envenoming by Viper Bites in France :<br />

Clinical Gradation and Biological<br />

Quantification by ELISA », Toxicon, 30 :<br />

599-609.<br />

Serve F., « Morsures de <strong>serpent</strong>s en<br />

France », in Urgences médico-chirurgica<strong>le</strong>s<br />

de l’adulte, P. Carli, B. Riou, Arnette 1992,<br />

pp. 805 à 808.<br />

De Haro L., « Problèmes posés par <strong>le</strong>s<br />

morsures de <strong>serpent</strong>s exotiques en<br />

France », in Les envenimations graves,<br />

Mion G., Goyffon M., Arnette 2000, 81-9.<br />

Bon C., « Serpents et venins », in<br />

Encycl. méd.-chir., Paris, Instant. Méd.,<br />

1987, n°1, 23-25.<br />

Goyffon M., Chippaux J.P., « Animaux<br />

<strong>venimeux</strong> terr<strong>est</strong>res », in Encycl. méd.-chir.,<br />

Toxicologie, pathologie professionnel<strong>le</strong>,<br />

16078A10, 1990, 14 p.<br />

Au<strong>be</strong>rt M., de Haro L., Jouglard J., « Les<br />

envenimations par <strong>le</strong>s <strong>serpent</strong>s exotiques »,<br />

Méd. Trop., mars 1996, 56 (4) : 384-92.<br />

5


Quatre paliers<br />

d’envenimation<br />

Classe 0. Morsure sans envenimation :<br />

— traces de crochés espacées de 6 à 8 millimètres signant la<br />

morsure (pouvant manquer) ;<br />

— pas d’œdème ;<br />

— pas de réactions loca<strong>le</strong>s.<br />

Classe 1. Envenimation « minima<strong>le</strong> » :<br />

— œdème douloureux limité au site de la morsure ;<br />

— parfois signes locaux de nécrose tissulaire ;<br />

— pas de signes généraux.<br />

Classe 2. Envenimation « modérée » :<br />

— œdème extensif pouvant gagner tout <strong>le</strong> membre, avec extension<br />

maxima<strong>le</strong> à la quarante-huitième heure ;<br />

— signes généraux modérés (vomissements, hypotension, diarrhée,<br />

dou<strong>le</strong>ur abdomina<strong>le</strong>).<br />

Classe 3. Envenimation « sévère » :<br />

— signes loco-régionaux, œdème s’étendant au-delà du membre<br />

mordu (vers <strong>le</strong> tronc) ;<br />

— signes généraux marqués (diarrhée, vomissements, signes<br />

hémorragiques, état de choc).<br />

Classification clinique d’après Aude<strong>be</strong>rt et coll.<br />

Aude<strong>be</strong>rt F., Sorkine M., Bon C., « Envenoming by Viper Bites in France : Clinical Gradation<br />

and Biological Quantification by Elisa », Toxicon., 30 : 599-609.

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