Mort d'un enfant autour de la naissance : Quel ... - Sites APHP
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Avec le Soutien <strong>de</strong><br />
Actes<br />
Colloque <strong>de</strong> formation<br />
<strong>Mort</strong> d’un <strong>enfant</strong><br />
<strong>autour</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> <strong>naissance</strong> :<br />
quel accompagnement ?<br />
<strong>Mort</strong> périnatale : état <strong>de</strong>s lieux,<br />
homogénéisation <strong>de</strong>s pratiques<br />
et coordination <strong>de</strong>s acteurs.<br />
aJEUDI 9 JUIN 2011 - 8H30 À 17H00<br />
HÔPITAL EUROPÉEN GEORGES-POMPIDOU<br />
AUDITORIUM - PARIS 15 E
Actes<br />
Colloque <strong>de</strong> formation<br />
<strong>Mort</strong> d’un <strong>enfant</strong><br />
<strong>autour</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> <strong>naissance</strong> :<br />
quel accompagnement ?<br />
<strong>Mort</strong> périnatale : état <strong>de</strong>s lieux,<br />
homogénéisation <strong>de</strong>s pratiques<br />
et coordination <strong>de</strong>s acteurs.<br />
aJEUDI 9 JUIN 2011 - 8H30 À 17H00<br />
HÔPITAL EUROPÉEN GEORGES-POMPIDOU<br />
AUDITORIUM - PARIS 15 E
Sommaire<br />
> Allocution d’ouverture 5<br />
Jean-Paul Delevoye, Prési<strong>de</strong>nt du Conseil Economique, Social et<br />
Environnemental (CESE)<br />
• Introduction 5<br />
• Du traitement administratif d’un dossier à l’accompagnement<br />
d’une personne 6<br />
• Un accompagnement <strong>de</strong>s parents en détresse que l’on souhaite<br />
aussi cohérent que possible 7<br />
• La violence du silence 8<br />
> Session plénière<br />
Évolution du cadre légal et réglementaire<br />
Témoignages <strong>de</strong> parents portés par les représentants <strong>de</strong>s<br />
associations Petite Émilie, CIANE, AGAPA et Vivre son <strong>de</strong>uil<br />
Marc Dupont, Direction <strong>de</strong>s affaires juridiques, AP-HP<br />
• Etat civil 11<br />
• L’état civil 13<br />
• Témoignages 14<br />
• L’accompagnement <strong>de</strong>s parents 18<br />
• Témoignages 19<br />
• Le <strong>de</strong>venir du corps 21<br />
• Témoignage 22<br />
> Première table ron<strong>de</strong><br />
Autour du temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> maternité<br />
De l’annonce du handicap ou du décès à <strong>la</strong> prise en charge 29<br />
Jean Gabriel Martin, Échographiste, Orléans<br />
Thierry Billette <strong>de</strong> Villemeur, Pédiatre, Hôpital Trousseau<br />
Marie Douce, Sage-femme <strong>de</strong> <strong>la</strong> FHP<br />
Jean-Philippe Legros, Psychologue clinicien, Hôpital Saint-Vincent-<strong>de</strong>-Paul<br />
Aurélie Serry, CIANE<br />
• Il n’existe pas <strong>de</strong> bonne annonce, mais il est <strong>de</strong>s choses à ne pas faire 29<br />
• Quand les parents se trouvent brusquement assaillis <strong>de</strong> questions 31<br />
• Autour du temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> maternité 32<br />
• Publier, enfin, les bonnes pratiques en fœtopathologie 34<br />
• Témoignage 36<br />
• Débat 38<br />
• Projection du film réalisé à partir <strong>de</strong> l’exposition « Mémoires Vives » 41
Sommaire<br />
> Deuxième table ron<strong>de</strong><br />
Autour du temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre mortuaire<br />
Déc<strong>la</strong>ration d’état civil, obsèques ou prise en charge collective,<br />
autopsie 43<br />
Thierry Harvey, Chef <strong>de</strong> service obstétrique, Maternité <strong>de</strong>s Diaconesses<br />
Marie-Ma<strong>de</strong>leine Brémaud, Responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre mortuaire, Hôpital<br />
Cochin<br />
Antoinette Gelot, Neurofœtopathologiste, Hôpital Trousseau<br />
Franck Derville, Aumônerie, Hôpital Cochin<br />
O<strong>de</strong>tte Gausserand, Association Vivre son <strong>de</strong>uil<br />
• Les services en première ligne en l’absence d’officier d’état civil 43<br />
• Pratiques en chambre mortuaire 44<br />
• L’incontestable utilité <strong>de</strong> l’autopsie fœtale 45<br />
• L’aumônier : un interlocuteur qui peut accompagner les parents<br />
en<strong>de</strong>uillés dans <strong>la</strong> durée 47<br />
• La chambre mortuaire ou <strong>la</strong>isser l’intime se manifester 48<br />
• Débat 49<br />
> Troisième table ron<strong>de</strong><br />
Autour du temps <strong>de</strong>s obsèques et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire<br />
Crémation ou inhumation, cérémonie, lieu <strong>de</strong> mémoire et prise en<br />
charge collective 53<br />
François Michaud Nérard, Directeur général, Services Funéraires -<br />
Ville <strong>de</strong> Paris<br />
Jean-Paul Rocle, Chargé <strong>de</strong> mission, Crématorium du Père Lachaise<br />
Eric Crubezy, anthropologue, Toulouse III<br />
Marilyn Pin, Conservatrice adjointe, Cimetière <strong>de</strong> Thiais<br />
Anne-Isabelle Cercles, Association Petite Émilie<br />
• Les obsèques dans le processus <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, dans le processus<br />
mémoriel 53<br />
• Un <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s corps très encadré 55<br />
• Un espace dédié au cimetière <strong>de</strong> Thiais 56<br />
• La mort d’un nouveau né, révé<strong>la</strong>teur <strong>de</strong> ce qu’une culture cache,<br />
<strong>de</strong> ce qu’une culture montre 57<br />
• Débat 60<br />
> Quatrième table ron<strong>de</strong><br />
Autour du temps <strong>de</strong> l’après<br />
Droits sociaux, conclusion et clôture du dossier, nouveau projet<br />
d’<strong>enfant</strong> 63<br />
Yves Ville, Gynécologue obstétricien, CDPN, Hôpital Necker<br />
Delphine Héron, Généticien, Hôpital Pitié-Salpêtrière<br />
Nathalie Symard, Assistante Sociale, Hôpital Trousseau<br />
Guillemette Porta, Association Agapa<br />
• Envisager l’avenir avec une note d’optimisme 63<br />
• Lever l’incertitu<strong>de</strong> ou, lorsque l’on ne le peut pas, <strong>la</strong> maîtriser 65<br />
• Assurer une continuité dans le parcours administratif parental 66<br />
• Surmonter progressivement les sentiments les plus contradictoires 67<br />
• Débat 69<br />
> Un regard éthique 73<br />
Emmanuel Hirsch, Directeur <strong>de</strong> l’Espace éthique, AP-HP<br />
> Conclusion 77<br />
Andrée Barreteau, Directrice <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins,<br />
Agence Régionale <strong>de</strong> Santé (ARS) d’Ile-<strong>de</strong>-France 77<br />
• Parcours et territoires 77<br />
• Chercher <strong>de</strong>s marges <strong>de</strong> manœuvres en vue d’améliorer<br />
<strong>de</strong>s parcours essentiels, jusqu’à leur terme, à savoir <strong>la</strong> mort en<br />
institution <strong>de</strong> soins 78
Allocution<br />
d’ouverture<br />
• Jean-Paul Delevoye, Prési<strong>de</strong>nt du Conseil Economique, Social et<br />
Environnemental (CESE).<br />
Introduction<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Je suis journaliste au quotidien <strong>la</strong> Croix,<br />
en charge <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> santé. Il<br />
m’appartient d’animer <strong>la</strong> présente journée<br />
d’échanges. Les inscriptions ont été très<br />
nombreuses et l’auditorium <strong>de</strong> l’Hôpital<br />
Européen Georges Pompidou (HEGP) est<br />
rempli. On voit bien que le thème <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
mort périnatale est majeur. Il préoccupe.<br />
Reconnaissons-le, il met mal à l’aise les<br />
professionnels du soin et ceux du<br />
funéraire. La mort périnatale renvoie à<br />
une série <strong>de</strong> situations médicales bien<br />
déterminées : interruption médicale <strong>de</strong><br />
grossesse (IMG), fausse couche, mort<br />
fœtale in utero…<br />
Avant tout, les parents ont à endurer <strong>la</strong><br />
perte d’un être mort avant d’avoir pu<br />
vivre. Ils ont, bien entendu, le droit <strong>de</strong><br />
pleurer un <strong>enfant</strong> attendu, espéré, aimé.<br />
Or, ces parents ont longtemps souffert du<br />
fait que leur détresse n’apparaissait pas<br />
vraiment légitime, <strong>la</strong> société ne <strong>la</strong>issant<br />
5<br />
pas d’espace à l’expression d’un<br />
authentique <strong>de</strong>uil. Dans certains lieux <strong>de</strong><br />
soins, les corps nés sans vie ont été<br />
assimilés à <strong>de</strong>s déchets opératoires. Grâce<br />
au combat mené par <strong>de</strong>s parents révoltés,<br />
<strong>de</strong>s avancées majeures ont été obtenues.<br />
Certes, tous les professionnels ne sont<br />
pas au fait <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
civile, <strong>de</strong> celle d’obsèques dans le<br />
contexte <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort périnatale ; trop <strong>de</strong><br />
parents restent encore confrontés à <strong>de</strong>s<br />
paroles ou à <strong>de</strong>s actes inacceptables à<br />
l’hôpital, à <strong>la</strong> clinique, à <strong>la</strong> mairie ou<br />
lorsqu’ils ont recours aux opérateurs<br />
funéraires. Cependant, les paroles<br />
ma<strong>la</strong>droites ou blessantes trouvent leur<br />
source dans l’ignorance, bien plus que<br />
dans <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> nuire.<br />
Des associations <strong>de</strong> parents ont voulu le<br />
présent colloque, qui engage aussi <strong>de</strong>s<br />
associations <strong>de</strong> professionnels. La<br />
présente journée d’échanges se veut<br />
pragmatique et informative. Mentionnons<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
l’ensemble <strong>de</strong>s parties prenantes à son<br />
organisation et remercions-les : les<br />
associations Petite Émilie, AGAPA, CIANE,<br />
Vivre Son Deuil, ainsi que l’AP-HP, <strong>la</strong><br />
FEHAP, <strong>la</strong> FHP, l’ARS Île-<strong>de</strong>-France, <strong>la</strong><br />
Fondation <strong>de</strong>s Services Funéraires <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Ville <strong>de</strong> Paris.<br />
Nous abor<strong>de</strong>rons dans un premier temps<br />
<strong>la</strong> dimension réglementaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
périnatale, notamment en recensant <strong>de</strong>s<br />
évolutions juridiques récentes. Au cours<br />
<strong>de</strong> quatre tables ron<strong>de</strong>s, nous retracerons<br />
le parcours douloureux <strong>de</strong>s parents<br />
confrontés à <strong>la</strong> mort périnatale, à travers<br />
les points <strong>de</strong> vue et témoignages <strong>de</strong><br />
professionnels et d’associations. Il importe<br />
par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssiner les contours<br />
<strong>de</strong> bonnes pratiques, <strong>de</strong> les diffuser et <strong>de</strong><br />
les faire progresser. À notre humble<br />
niveau, nous aspirons également à<br />
contribuer à <strong>la</strong> démocratie sanitaire.<br />
Jean-Paul Delevoye a été parlementaire,<br />
ministre et Médiateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> République<br />
durant 8 années. Aujourd’hui, il prési<strong>de</strong> le<br />
Conseil Economique, Social et<br />
Environnemental. On peut affirmer qu’il a<br />
observé maints aspects <strong>de</strong> <strong>la</strong> société<br />
française, en particulier son système <strong>de</strong><br />
santé.<br />
Du traitement<br />
administratif d’un<br />
dossier à<br />
l’accompagnement<br />
d’une personne<br />
Jean-Paul DELEVOYE<br />
Je remercie l’AP-HP <strong>de</strong> son accueil, ainsi<br />
que les associations représentées pour<br />
avoir <strong>la</strong>ncé le débat. Il y a encore lieu <strong>de</strong><br />
remercier ceux qui ont eu <strong>la</strong> bonne idée<br />
<strong>de</strong> réunir associations, professionnels,<br />
services funéraires, hospitaliers pour<br />
<strong>de</strong>viser d’une question dont je ne suis pas<br />
persuadé d’être un grand spécialiste.<br />
6<br />
Cependant, en ma qualité <strong>de</strong> Médiateur, je<br />
l’ai découverte en recevant <strong>de</strong>s parents,<br />
qui m’ont révélé une réalité cruellement<br />
inéquitable et injuste. Il s’agit en fait <strong>de</strong><br />
mettre en p<strong>la</strong>ce un renversement culturel,<br />
d’une culture <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion d’un dossier, à<br />
l’accompagnement <strong>de</strong> personnes <strong>de</strong>vant,<br />
malgré tout, surmonter une épreuve. Les<br />
choses sont d’autant plus délicates que<br />
l’inexistence juridique et administrative <strong>de</strong><br />
cette épreuve aggrave une blessure qui<br />
peut perdurer jusqu’à <strong>la</strong> fin d’une vie.<br />
L’expression « faire son <strong>de</strong>uil » me dép<strong>la</strong>ît.<br />
On n’y parvient jamais. En réalité, on vit<br />
d’une certaine manière avec le disparu. Ce<br />
qui importe avant tout est<br />
l’accompagnement <strong>de</strong> celles et ceux qui<br />
traversent une épreuve majeure, afin<br />
qu’ils soient capables <strong>de</strong> continuer et <strong>de</strong><br />
mener encore d’autres combats <strong>de</strong> vie.<br />
Lorsque nous avons rédigé le rapport sur<br />
<strong>la</strong> violence et <strong>la</strong> maltraitance en milieu<br />
hospitalier, nous avons choisi une<br />
perspective <strong>la</strong>rge englobant tant <strong>la</strong><br />
violence à l’égard <strong>de</strong>s soignants qu’à<br />
l’égard <strong>de</strong>s patients. Un espace dédié au<br />
soin <strong>de</strong>vrait tisser <strong>de</strong> formidables liens <strong>de</strong><br />
confiance. Or, <strong>de</strong>s conflits peuvent<br />
survenir en l’absence <strong>de</strong> compréhension<br />
<strong>de</strong> l’autre et d’empathie. On parle <strong>de</strong> plus<br />
en plus. On écoute <strong>de</strong> moins en moins. La<br />
peur du procès n’est pas le<br />
commencement <strong>de</strong> <strong>la</strong> sagesse. Trop<br />
souvent, on respecte davantage les<br />
procédures que ceux qui ont à en subir les<br />
effets. Certes, les acteurs ne peuvent agir<br />
<strong>de</strong> manière cohérente que dans un cadre<br />
juridique. La loi doit bien être édictée.<br />
Toutefois, une loi n’est bonne que si elle<br />
est appliquée, donc bien comprise.<br />
Dans <strong>de</strong>s moments <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> épreuve,<br />
face à l’incompréhension, on peut se<br />
tourner vers celles et ceux qui ont déjà<br />
vécu, dans le passé, pareille épreuve. De<br />
fait, on comprend mal que <strong>la</strong> mort<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
périnatale s’inscrive dans une re<strong>la</strong>tive<br />
inexistence juridique. On ne peut pas<br />
l’inscrire dans le parcours familial. Du<br />
moins nous faut-il réfléchir sur les<br />
modalités <strong>de</strong> cette inscription.<br />
Un arrêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> Cassation a indiqué<br />
que <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire du 30 novembre 2001<br />
abaissant le seuil <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration à 22<br />
semaines d’aménorrhée/poids du fœtus<br />
<strong>de</strong> 500 grammes n’avait pas <strong>de</strong> valeur<br />
juridique. Ce faisant, elle a opéré un<br />
transfert <strong>de</strong> responsabilité vers le<br />
politique. Il y a lieu d’estimer que celui-ci<br />
ne s’est acquitté que partiellement <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
tâche qui lui a été confiée. Parfois nous<br />
sommes confrontés à une absence <strong>de</strong><br />
texte. Parfois les textes applicables sont<br />
méconnus. Songeons notamment, à ce<br />
propos, aux avancées permises par <strong>la</strong><br />
circu<strong>la</strong>ire, <strong>la</strong>rgement ignorées. À l’heure<br />
actuelle, une incertitu<strong>de</strong> très forte<br />
découle <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> définition légale<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> viabilité. Par conséquent, c’est<br />
l’appréciation du mé<strong>de</strong>cin qui compte. Or,<br />
je ne suis pas <strong>de</strong> ceux qui estiment que <strong>la</strong><br />
définition <strong>de</strong> <strong>la</strong> viabilité doive relever du<br />
mé<strong>de</strong>cin. Le légis<strong>la</strong>teur doit prendre ses<br />
responsabilités. Des pays ont choisi, en<br />
effet, <strong>de</strong> produire une définition juridique<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> viabilité. Si nous ne sommes pas<br />
disposés à le faire, alors supprimons cette<br />
notion <strong>de</strong> nos co<strong>de</strong>s. Rappelons que <strong>la</strong><br />
viabilité conditionne l’accès à <strong>de</strong>s droits<br />
sociaux (congés <strong>de</strong> maternité, <strong>de</strong><br />
paternité…). C’est pourquoi, nous ne<br />
saurions nous accommo<strong>de</strong>r <strong>de</strong><br />
l’incohérence. Ainsi, n’hésitons pas à faire<br />
preuve <strong>de</strong> courage dans le présent<br />
colloque. Le politique est conscient <strong>de</strong><br />
l’existence d’une difficulté. Il n’est pas<br />
enclin à appuyer l’action <strong>de</strong> ceux qui, par<br />
exemple au nom <strong>de</strong> convictions<br />
religieuses, voudraient remettre en cause<br />
le droit à l’avortement ou bouleverser le<br />
régime juridique du fœtus. Au <strong>de</strong>meurant,<br />
il lui appartient <strong>de</strong> trancher une question<br />
7<br />
<strong>de</strong> société. Il serait concevable <strong>de</strong><br />
s’appuyer sur les textes produits par<br />
l’OMS pour constituer le socle d’une base<br />
juridique forte. Une défail<strong>la</strong>nce du<br />
politique aboutirait à faire porter un poids<br />
considérable aux mé<strong>de</strong>cins, aux services<br />
publics en charge <strong>de</strong> l’état civil dans les<br />
mairies. Ce n’est pas, à mes yeux,<br />
acceptable.<br />
Nous avons à être attentifs à <strong>la</strong> manière<br />
dont le droit appréhen<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réalités<br />
humaines très douloureuses. Songeons ici<br />
à l’incompréhension <strong>de</strong> parents dont j’ai<br />
été le témoin, qui m’ont indiqué ne rien<br />
savoir du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong> mort né.<br />
« Nous tombions dans les déchets<br />
anatomiques », m’ont-ils dit. À plusieurs<br />
reprises, j’ai pris conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> parents en vue <strong>de</strong> savoir ce<br />
qu’il advenait <strong>de</strong> « leur <strong>enfant</strong> », <strong>de</strong> savoir<br />
où il se trouvait. Notre société est avi<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> droit, <strong>de</strong> textes juridiques. Certains<br />
dialogues entre parents et représentants<br />
<strong>de</strong> l’administration pourraient faire<br />
sourire, s’ils n’étaient pas — en fin <strong>de</strong><br />
compte — tragiques : -Où est mon <strong>enfant</strong> ?<br />
-Il n’existe pas.<br />
On voit bien que le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> raisonnement<br />
juridique peut amener un déni <strong>de</strong> réalité<br />
humaine. Toutefois, le droit n’est pas aisé<br />
à concilier avec le vécu humain, ce sur un<br />
p<strong>la</strong>n très général. À bien réfléchir, on peut<br />
être amené à considérer que l’on peut<br />
avoir juridiquement raison et moralement<br />
tort. Le rapport <strong>de</strong> <strong>la</strong> morale au droit est<br />
complexe.<br />
Un accompagnement<br />
<strong>de</strong>s parents en<br />
détresse que l’on<br />
souhaite aussi<br />
cohérent que possible<br />
À titre personnel, je me suis engagé dans<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
le combat pour définir juridiquement <strong>la</strong><br />
viabilité, face à <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong>s<br />
<strong>enfant</strong>s nés sans vie. Le gouvernement a<br />
très c<strong>la</strong>irement voulu traiter <strong>la</strong> question<br />
<strong>de</strong> l’humanité du traitement <strong>de</strong>s parents<br />
désemparés en rendant possible le <strong>de</strong>uil,<br />
dont <strong>la</strong> ritualisation est essentielle pour<br />
certains. Pour d’autres, les actes<br />
marquant le <strong>de</strong>uil <strong>la</strong>issent une trace ou<br />
une empreinte — sans doute douloureuse<br />
— pour toute <strong>la</strong> vie.<br />
Les parents sont confrontés – dans leur<br />
unité d’affection, d’émotion – à une<br />
multiplicité d’acteurs appelés à jalonner<br />
leur parcours émotionnel. Ce sont <strong>de</strong>s<br />
ai<strong>de</strong>s-soignants, <strong>de</strong>s infirmiers, <strong>de</strong>s<br />
col<strong>la</strong>borateurs <strong>de</strong> services funéraires, <strong>de</strong><br />
l’état civil, etc. Sans cohérence dans<br />
l’accompagnement, on peut causer <strong>de</strong><br />
l’agressivité ou même <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence,<br />
même avec les meilleurs sentiments. La<br />
mort périnatale est complexe, pour tous<br />
les acteurs quels qu’ils soient.<br />
Dans nos sociétés, l’individu n’a jamais été<br />
aussi libre. Paradoxalement, il n’a aussi<br />
jamais été aussi fragile. L’épi<strong>de</strong>rme<br />
sociétal est sensible. La résistance à <strong>la</strong><br />
souffrance est considérablement<br />
amoindrie par rapport à ce qu’elle a pu<br />
être. Il est question ici, bien entendu,<br />
d’une sensibilité psychique, non physique.<br />
C’est pourquoi il nous faut être vigi<strong>la</strong>nt<br />
dans <strong>la</strong> gestion du stress, alors que <strong>la</strong><br />
France est usée psychiquement, nous diton.<br />
L’environnement qui est le nôtre aurait<br />
tendance à fragiliser notre psyché. En fait,<br />
<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s américaines ont dévoilé les<br />
limites <strong>de</strong> ce droit au bonheur qui<br />
résulterait <strong>de</strong> notre liberté. La technique<br />
a reculé <strong>la</strong> limite du possible, accréditant<br />
le mirage d’une sorte <strong>de</strong> droit au bonheur<br />
perpétuel. La maitrise du progrès<br />
technique sur le cours <strong>de</strong>s choses –<br />
notamment sur l’humain – n’est<br />
qu’illusion. S’agissant <strong>de</strong> <strong>la</strong> maîtrise du<br />
8<br />
corps, on ne saurait accréditer<br />
l’hypothèse selon <strong>la</strong>quelle nous<br />
maîtriserions <strong>la</strong> <strong>naissance</strong>. Il va <strong>de</strong> soi que<br />
l’aléatoire subsiste et on ne saurait<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à l’obstétricien un <strong>enfant</strong> sans<br />
rayure, comme le serait une voiture<br />
neuve. L’illusion <strong>de</strong> tout maîtriser se<br />
dissipe violemment lorsque <strong>la</strong> nature<br />
reprend ses droits. Pour certains, le <strong>de</strong>stin<br />
s’avère très cruel en faisant basculer le<br />
souhait <strong>de</strong> donner <strong>la</strong> vie vers <strong>la</strong> réalité<br />
abrupte <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort. Le trauma<br />
qu’endurent les personnes porteuses d’un<br />
projet <strong>de</strong> vie est terrible. Nous n’y<br />
sommes certainement pas suffisamment<br />
sensibles.<br />
Au-<strong>de</strong>là du périmètre du présent colloque,<br />
les enjeux <strong>de</strong> notre re<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> mort sont<br />
considérables. Songeons à <strong>la</strong> manière<br />
dont celle-ci est appréhendée dans notre<br />
vie quotidienne, ou encore à <strong>la</strong><br />
problématique <strong>de</strong>s soins palliatifs. Le<br />
sujet est cruel, mais incontournable. Au<strong>de</strong>là<br />
du rapport à <strong>la</strong> mort, l’autre gran<strong>de</strong><br />
thématique mise en jeu, est celle <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
pureté, <strong>de</strong> « l’ange ». On imagine l’être à<br />
naître comme un bébé ayant toute<br />
vocation à vivre, puisqu’il participe avant<br />
tout d’un projet d’amour. Les choses ne<br />
peuvent qu’être très cruellement<br />
ressenties lorsque ce projet disparaît.<br />
Celles et ceux qui sont amenés à avoir<br />
une parole en un tel contexte doivent<br />
prendre <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong> son poids. Il en va<br />
<strong>de</strong> même pour le regard, jamais dénué <strong>de</strong><br />
sens.<br />
La violence du silence<br />
L’exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> maltraitance et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
violence en milieu hospitalier me semble<br />
emblématique <strong>de</strong> ce à quoi nous sommes<br />
confrontés. En réalité, seule une minorité<br />
<strong>de</strong> cas <strong>de</strong> maltraitance – soit environ 6<br />
% du total – relèverait d’une infraction<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
pénale. Dans l’écrasante majorité <strong>de</strong>s<br />
circonstances, <strong>la</strong> violence résulte du fait<br />
que l’on ne regar<strong>de</strong> pas, que l’on ne parle<br />
pas, que l’on ne répond pas. On peut très<br />
bien comprendre le désarroi <strong>de</strong>s<br />
professionnels <strong>de</strong> santé. Imaginons un<br />
chirurgien qui s’est battu durant <strong>de</strong>s<br />
heures, avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir capituler <strong>de</strong>vant<br />
l’adversité et <strong>la</strong> gravité d’un cas. Que<br />
peut-il dire en sortant <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre<br />
opératoire ? N’y a-t-il pas un risque qu’il<br />
se comporte <strong>de</strong> manière choquante en<br />
raison même <strong>de</strong> sa propre révolte, car il<br />
ne sait au fond pas quoi dire et pas quoi<br />
faire ? C’est pourquoi <strong>de</strong>s personnes<br />
peuvent encore malheureusement<br />
entendre : « nous n’avons pas pu sauver<br />
votre <strong>enfant</strong>, ce n’est pas grave car à<br />
votre âge on peut encore en avoir ».<br />
Hé<strong>la</strong>s, une telle affirmation peut<br />
s’expliquer par les meilleurs sentiments.<br />
Elle peut même masquer une véritable<br />
souffrance du professionnel <strong>de</strong> santé.<br />
Attention, néanmoins, aux transferts qui<br />
peuvent conduire à l’effondrement. Nous<br />
ne souhaitons aucunement accabler les<br />
professionnels. Au contraire, il convient <strong>de</strong><br />
les accompagner autant que faire se peut,<br />
par exemple au moyen <strong>de</strong> formations <strong>de</strong><br />
qualité.<br />
Considérons un cas pratique. C’est celui<br />
d’une mère seule, attendant un <strong>enfant</strong>,<br />
victime d’une crise d’asthme très sérieuse<br />
et, pour cette raison, contrainte <strong>de</strong> gagner<br />
l’hôpital au plus vite en pleine nuit. À huit<br />
heures du matin, l’issue <strong>de</strong> sa prise en<br />
charge est favorable. L’<strong>enfant</strong> est sauvé.<br />
La femme se rend aux services<br />
administratifs pour régu<strong>la</strong>riser,<br />
formellement, sa situation. Compte tenu<br />
<strong>de</strong>s circonstances, elle était arrivée <strong>de</strong><br />
nuit, sans passer par les admissions, pour<br />
une prise en charge d’urgences. À l’accueil<br />
administratif, une dame lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : «<br />
Avez-vous vos papiers ? » -Non, je suis<br />
9<br />
partie précipitamment en les <strong>la</strong>issant<br />
<strong>de</strong>rrière moi.-Ne croyez pas que <strong>la</strong> Sécu<br />
signe <strong>de</strong>s chèques en b<strong>la</strong>nc.<br />
On comprend bien que cette dame défend<br />
<strong>la</strong> logique administrative. Elle craint<br />
certainement d’être mise en cause par ses<br />
supérieurs si elle ne fait pas respecter les<br />
formalités essentielles. Néanmoins, elle<br />
n’a certainement pas mesuré les dégâts<br />
que peuvent accomplir une phrase<br />
ma<strong>la</strong>droite dans l’esprit d’une patiente,<br />
phrase qui ne peut manquer d’être<br />
associée à l’image <strong>de</strong> l’établissement.<br />
Tout établissement <strong>de</strong> soins a besoin d’un<br />
climat <strong>de</strong> confiance. C’est son maillon le<br />
plus faible qui conditionne sa crédibilité<br />
chez celles et ceux qui y sont admis.<br />
En définitive, re<strong>la</strong>tivement à <strong>la</strong><br />
douloureuse question <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
périnatale, nous avons encore besoin <strong>de</strong><br />
travailler sur les textes juridiques. Comme<br />
je l’ai souligné, je mène un combat<br />
personnel en vue <strong>de</strong> définir c<strong>la</strong>irement <strong>la</strong><br />
viabilité, ou <strong>de</strong> supprimer les occurrences<br />
qui y font référence dans les co<strong>de</strong>s.<br />
La T2A met l’accent sur <strong>la</strong> production<br />
d’actes. C’est parfaitement légitime.<br />
Toutefois <strong>de</strong>meurons attentifs au fait que<br />
l’acte productif passe également par<br />
l’écoute du patient. L’acte <strong>de</strong> soins passe<br />
sans nul doute par le temps d’écoute.<br />
Lorsque nous concevons <strong>de</strong>s formations,<br />
ne perdons pas <strong>de</strong> vue <strong>la</strong> réalité<br />
multiculturelle <strong>de</strong> notre société. Cette<br />
<strong>de</strong>rnière implique une pluralité <strong>de</strong><br />
re<strong>la</strong>tions à <strong>la</strong> <strong>naissance</strong>, à <strong>la</strong> mort en<br />
fonction <strong>de</strong>s cultures et <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />
philosophies <strong>de</strong> vie. C’est <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
mécon<strong>naissance</strong> <strong>de</strong> l’autre que nous<br />
<strong>de</strong>vons nous gar<strong>de</strong>r, dans ses dimensions<br />
personnelle, familiale, culturelle. Cette<br />
mécon<strong>naissance</strong> conduit en effet à <strong>de</strong>s<br />
chocs supplémentaires, dans le cadre du<br />
soin, ou même dans celui <strong>de</strong>s opérations<br />
funéraires. Des formations<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
professionnelles peuvent ai<strong>de</strong>r ceux qui<br />
sont au contact <strong>de</strong> personnes vivant une<br />
souffrance intense. Il importe <strong>de</strong> les<br />
accompagner à surmonter <strong>de</strong>s difficultés<br />
majeures, en tenant compte <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
diversité culturelle. En France, on préfère<br />
trop fréquemment le confort <strong>de</strong>s<br />
réponses à l’inconfort <strong>de</strong>s questions. Vos<br />
questions ne sont pas <strong>de</strong> celles qui<br />
fâchent. Elles sont légitimes et dignes <strong>de</strong><br />
nos établissements <strong>de</strong> soin et <strong>de</strong> notre<br />
société. On ne peut pas <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au<br />
citoyen <strong>de</strong> respecter une République qui<br />
générerait <strong>de</strong>s souffrances injustifiées,<br />
même sous les apparences du droit.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Merci beaucoup <strong>de</strong> cette introduction, qui<br />
nous amène immédiatement à dresser un<br />
état <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong>s textes juridiques<br />
majeurs qui encadrent <strong>la</strong> mort périnatale.<br />
Marc Dupont, <strong>de</strong> <strong>la</strong> direction <strong>de</strong>s affaires<br />
juridiques <strong>de</strong> l’AP-HP, va effectuer trois<br />
présentations que nous avons tenu à<br />
ponctuer par <strong>de</strong>s témoignages <strong>de</strong> parents<br />
frappés par le <strong>de</strong>uil périnatal. Ces<br />
témoignages seront lus par <strong>de</strong>s<br />
responsables associatifs.<br />
NOTE :<br />
1. http://www.cour<strong>de</strong>cassation.fr/jurispru<strong>de</strong>nce_2/<br />
premiere_chambre_civile_568%29/arrets_06_11171.html<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
10
SESSION PLÉNIÈRE<br />
Évolution<br />
du cadre légal<br />
et réglementaire<br />
Témoignages <strong>de</strong> parents portés par les<br />
représentants <strong>de</strong>s associations Petite Émilie,<br />
CIANE, AGAPA et Vivre son <strong>de</strong>uil<br />
• Marc Dupont, Direction <strong>de</strong>s affaires juridiques, AP-HP<br />
Etat civil<br />
Marc DUPONT<br />
Je salue l’introduction <strong>de</strong> Monsieur<br />
Delevoye. Je salue même avant tout sa<br />
présence. On ne dép<strong>la</strong>ce pas tous les<br />
jours le prési<strong>de</strong>nt du Conseil Économique<br />
Social et Environnemental dans notre<br />
institution. Les questions qui nous<br />
rassemblent aujourd’hui ne sont pas<br />
mineures. Que soit également remerciée<br />
<strong>la</strong> Fondation <strong>de</strong>s Services Funéraires <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Ville <strong>de</strong> Paris, qui est notre mécène. Sans<br />
elle, notre journée d’échanges n’aurait pu<br />
se dérouler, en dépit même du fait qu’elle<br />
constitue une initiative du plus grand<br />
intérêt. Remercions encore les<br />
associations qui ont travaillé à <strong>la</strong><br />
préparation du colloque. Leur<br />
engagement nous est précieux et ce <strong>de</strong><br />
longue date pour beaucoup d’entre elles.<br />
11<br />
Travailler dans le champ <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
périnatale impose <strong>de</strong> connaître, les textes<br />
majeurs <strong>de</strong> notre droit. Ils constituent autant<br />
<strong>de</strong> points <strong>de</strong> repère pour les professionnels<br />
et les familles. La question « qu’est-ce que<br />
l’<strong>enfant</strong> pendant <strong>la</strong> grossesse ? » est loin<br />
d’être évi<strong>de</strong>nte du point <strong>de</strong> vue du droit. Les<br />
textes sont restés assez indigents jusqu’à <strong>la</strong><br />
récente pério<strong>de</strong> d’intense activité normative<br />
entre 2001 et 2009. En une décennie, le<br />
sujet qui nous préoccupe est en quelque<br />
sorte passé <strong>de</strong> <strong>la</strong> pénombre au grand jour.<br />
On peut regretter qu’une lumière crue ait<br />
été projetée à l’occasion d’affaires récentes,<br />
peu glorieuses, qui ont éc<strong>la</strong>té en milieu<br />
hospitalier.<br />
Rappelons les textes fondateurs <strong>de</strong> notre<br />
état civil. Le Co<strong>de</strong> Napoléon a été<br />
instauré le 21 mars 1804. Deux années<br />
après, <strong>la</strong> loi du 4 juillet 1806 prévoit que<br />
lorsqu’un <strong>enfant</strong> est mort avant <strong>la</strong><br />
déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> sa <strong>naissance</strong>, il est dressé<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
un « acte <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration d’<strong>enfant</strong><br />
présentement sans vie ou « acte d’<strong>enfant</strong><br />
sans vie ». Les considérations présidant à<br />
l’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong> cette loi étaient très<br />
<strong>la</strong>rgement successorales. Il s’agissait <strong>de</strong><br />
savoir quel statut donner aux <strong>enfant</strong>s<br />
morts avant déc<strong>la</strong>ration à l’état civil, <strong>la</strong><br />
hantise du légis<strong>la</strong>teur <strong>de</strong> l’époque étant<br />
<strong>de</strong> les faire entrer dans <strong>la</strong> famille. Il fal<strong>la</strong>it<br />
au contraire préserver <strong>la</strong> notion <strong>de</strong><br />
famille. Ces <strong>enfant</strong>s ne pouvaient être <strong>de</strong>s<br />
« frères » ou <strong>de</strong>s « sœurs » au sens plein<br />
du terme. La préoccupation <strong>de</strong> l’époque<br />
était donc d’exclure, aux antipo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s<br />
sentiments qui nous animent aujourd’hui.<br />
Au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux siècles, le Co<strong>de</strong> civil a<br />
évolué. Au mois <strong>de</strong> janvier 1993, le droit<br />
re<strong>la</strong>tif aux <strong>enfant</strong>s mort-nés a été<br />
refondu. Un statut plus précis a été<br />
esquissé à cette occasion. La notion <strong>de</strong><br />
viabilité, dont a parlé Jean-Paul Delevoye,<br />
est c<strong>la</strong>irement en question. Sans doute le<br />
texte <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi du 8 janvier 1993 n’est-il<br />
pas facile à lire. Lorsque l’<strong>enfant</strong> est<br />
décédé avant d’avoir pu être déc<strong>la</strong>ré à<br />
l’état civil, il est possible <strong>de</strong> dresser<br />
malgré tout un acte <strong>de</strong> <strong>naissance</strong> et un<br />
acte <strong>de</strong> décès, sur <strong>la</strong> base d’un certificat<br />
médical. Il y a donc médicalisation du<br />
sujet. Pour <strong>la</strong> recon<strong>naissance</strong> juridique <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong>, c’est bel et bien le certificat<br />
médical qui est déterminant. Si l’<strong>enfant</strong><br />
n’a pas été désigné médicalement comme<br />
vivant et viable, alors il a le statut<br />
d’<strong>enfant</strong> sans vie.<br />
Parallèlement à <strong>la</strong> loi <strong>de</strong> janvier 1993,<br />
<strong>de</strong>ux circu<strong>la</strong>ires ministérielles ont été<br />
publiées. L’une d’entre elles fait<br />
notamment références aux normes <strong>de</strong><br />
l’OMS pour fixer un seuil épidémiologique<br />
<strong>de</strong> déc<strong>la</strong>ration à 22 semaines<br />
d’aménorrhée ou lorsque le poids du<br />
fœtus dépasse les 500 grammes. En effet,<br />
c’est ce seuil épidémiologique qui est<br />
reconnu, sur le p<strong>la</strong>n international, dans le<br />
champ du décès périnatal. C’est donc le<br />
12<br />
seuil <strong>de</strong> 22 semaines d’aménorrhée/poids<br />
du fœtus <strong>de</strong> 500 grammes qui définit <strong>la</strong><br />
viabilité.<br />
La circu<strong>la</strong>ire du 30 novembre 2001 a été<br />
structurée par les autorités ministérielles<br />
dans le but <strong>de</strong> parvenir à une forme <strong>de</strong><br />
recon<strong>naissance</strong> somme toute difficile à<br />
mettre en œuvre, tant le légis<strong>la</strong>teur<br />
répugne à intervenir en pareille matière.<br />
La circu<strong>la</strong>ire fait référence au seuil <strong>de</strong> 22<br />
semaines d’aménorrhée/poids du fœtus<br />
<strong>de</strong> 500 grammes pour procé<strong>de</strong>r à une<br />
déc<strong>la</strong>ration d’<strong>enfant</strong> mort-né. Surtout, elle<br />
établit un droit funéraire lié au <strong>de</strong>venir du<br />
corps <strong>de</strong> ces <strong>enfant</strong>s. En France, le droit<br />
funéraire est strict dans <strong>la</strong> mesure où l’on<br />
inhume dans les cimetières les corps <strong>de</strong><br />
personnes décédées. Par voie <strong>de</strong><br />
conséquence, il n’est pas concevable dans<br />
ce cadre d’inhumer les dépouilles<br />
d’<strong>enfant</strong>s déc<strong>la</strong>rés sans vie au moment <strong>de</strong><br />
leur <strong>naissance</strong>. Ils ne sont pas <strong>de</strong>s<br />
personnes au sens juridique du terme.<br />
Avec <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire du 30 novembre 2001,<br />
pour <strong>la</strong> première fois, les cimetières<br />
s’ouvrent aux <strong>enfant</strong>s nés sans vie. Le<br />
droit funéraire est entendu et les<br />
obsèques sont envisageables. C’est là une<br />
évolution majeure <strong>de</strong> notre culture<br />
juridique.<br />
L’étape suivante <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> notre<br />
droit est marquée par le décret du 1 er août<br />
2006. Observons que <strong>la</strong> France avait été<br />
affectée, quelques années auparavant, par<br />
une série d’affaires aussi déplorables que<br />
médiatiques. C’est sans doute en partie<br />
pourquoi les pouvoirs publics ont voulu<br />
poser <strong>de</strong>s règles essentielles. Le décret <strong>de</strong><br />
2006, re<strong>la</strong>tivement bref, prévoit :<br />
une obligation <strong>de</strong> traçabilité du <strong>de</strong>venir<br />
<strong>de</strong>s corps, en vertu <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle tous les<br />
hôpitaux doivent tenir un registre <strong>de</strong> suivi<br />
<strong>de</strong>s corps, chaque étape étant consignée<br />
et chaque intervenant apportant une<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
mention <strong>de</strong> sorte que le circuit est<br />
parfaitement tracé ; en d’autres termes,<br />
ce décret consacre <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stinité ;<br />
un dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> 10 jours, à l’intention <strong>de</strong>s<br />
familles, pour organiser <strong>de</strong>s obsèques ;<br />
elles disposent donc d’un <strong>la</strong>ps <strong>de</strong> temps<br />
pour choisir le <strong>de</strong>venir du corps, suivant<br />
ce qui leur paraît le plus approprié et le<br />
plus digne.<br />
En 2008, une décision retentissante <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Cour <strong>de</strong> Cassation a souligné qu’une<br />
circu<strong>la</strong>ire ne pouvait tenir lieu <strong>de</strong> loi, ne<br />
pouvait empiéter sur le territoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi.<br />
En effet, cette <strong>de</strong>rnière ne fait pas<br />
référence, dans son texte, à un seuil <strong>de</strong><br />
viabilité.<br />
Avec le décret du 20 août 2008, l’acte<br />
d’<strong>enfant</strong> sans vie est désormais établi à<br />
l’initiative <strong>de</strong>s familles. Jusqu’alors, il<br />
appartenait aux hôpitaux d’aller porter à<br />
l’état civil <strong>la</strong> nouvelle malheureuse du<br />
décès. Se référant au texte <strong>de</strong> loi, les<br />
décrets indiquent que le point <strong>de</strong> départ<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’un <strong>enfant</strong> né sans vie<br />
correspond à un certificat<br />
d’accouchement, sans faire par<br />
conséquent référence au seuil <strong>de</strong>s 22<br />
semaines/500 grammes. Les IVG et les<br />
fausses couches spontanées (jusqu’à 15<br />
semaines d’aménorrhée) sont exclues du<br />
dispositif. Même s’il s’agit du premier<br />
<strong>enfant</strong>, un <strong>enfant</strong> né sans vie peut être<br />
inscrit sur le livret <strong>de</strong> famille, malgré tout.<br />
Enfin, <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire du 19 juin 2009<br />
émanant du ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Santé, assez<br />
volumineuse, recèle un corpus <strong>de</strong> bonnes<br />
pratiques. C’est d’ailleurs le premier du<br />
genre, même si <strong>la</strong> Haute Autorité <strong>de</strong><br />
Santé a envisagé <strong>de</strong>s recommandations<br />
professionnelles nationales. La circu<strong>la</strong>ire<br />
établit bon nombre <strong>de</strong> précisions, dans<br />
beaucoup <strong>de</strong> domaines. Elle précise <strong>la</strong><br />
notion <strong>de</strong> certificat d’accouchement,<br />
13<br />
impliquant le « recueil d’un corps formé<br />
et sexué ». De plus, elle comporte <strong>de</strong>s<br />
indications re<strong>la</strong>tives à l’accompagnement<br />
<strong>de</strong>s familles.<br />
Nous avons joint à <strong>la</strong> documentation du<br />
colloque les textes du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité<br />
sociale applicables dans une situation <strong>de</strong><br />
déc<strong>la</strong>ration d’<strong>enfant</strong> né sans vie.<br />
L’état civil<br />
L’article 79-1 du Co<strong>de</strong> civil prévoit que<br />
lorsqu’un <strong>enfant</strong> est décédé avant que sa<br />
<strong>naissance</strong> ait été déc<strong>la</strong>rée à l’état civil,<br />
l’officier <strong>de</strong> l’état civil établit un acte <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong> et un acte <strong>de</strong> décès sur<br />
production d’un certificat médical<br />
indiquant que l’<strong>enfant</strong> et né vivant et<br />
viable, et précisant les jours et heures <strong>de</strong><br />
sa <strong>naissance</strong> et <strong>de</strong> son décès.<br />
À défaut du certificat médical prévu à<br />
l’alinéa précé<strong>de</strong>nt, l’officier <strong>de</strong> l’état civil<br />
établit un acte d’<strong>enfant</strong> sans vie. Cet acte<br />
est inscrit à sa date sur les registres <strong>de</strong><br />
décès et il énonce les jours, heure et lieu<br />
<strong>de</strong> l’accouchement, les prénoms et noms,<br />
dates et lieux <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>, professions et<br />
domiciles <strong>de</strong>s père et mère, et s’il y a lieu,<br />
ceux du déc<strong>la</strong>rant.<br />
En d’autres termes, un <strong>enfant</strong> viable peut<br />
être déc<strong>la</strong>ré comme n’importe quel autre,<br />
indépendamment du fait qu’il soit mort<br />
avant le moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration à l’état<br />
civil. Né vivant et viable, il est pourvu <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> personnalité juridique et fait<br />
formellement partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> fratrie.<br />
Faute <strong>de</strong> production <strong>de</strong> certificat médical<br />
attestant <strong>la</strong> <strong>naissance</strong> d’un <strong>enfant</strong> vivant<br />
et viable, on bascule dans <strong>la</strong> notion<br />
d’<strong>enfant</strong> déc<strong>la</strong>ré sans vie. C’est le terme<br />
d’accouchement qui est essentiel dans le<br />
texte du Co<strong>de</strong> civil. Il est <strong>la</strong>issé à<br />
l’appréciation du mé<strong>de</strong>cin, seul habilité à<br />
le constater.<br />
On l’a dit, <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> viabilité n’est pas<br />
explicitée par <strong>la</strong> loi. Rappelons encore<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
qu’elle n’octroie pas <strong>la</strong> personnalité<br />
juridique aux <strong>enfant</strong>s. Celle-ci n’est<br />
conférée qu’en présence d’un acte <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong> et d’un acte <strong>de</strong> décès. Les<br />
effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> personnalité juridique sont <strong>de</strong><br />
gran<strong>de</strong> portée sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> filiation et<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> fratrie, mais également sur le p<strong>la</strong>n<br />
patrimonial.<br />
En définitive, <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’<strong>enfant</strong> sans<br />
vie s’applique aux accouchements<br />
spontanés, aux morts fœtales in utero et<br />
aux interruptions médicales <strong>de</strong><br />
grossesses. Il n’est donc plus fait<br />
référence aux critères établis par l’OMS.<br />
Néanmoins, ces critères ne sont pas pour<br />
autant écartés, pour que <strong>la</strong> France ne soit<br />
pas isolée <strong>de</strong>s autres pays sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> statistique re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> mort périnatale.<br />
Dans notre droit, s’agissant <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
périnatale, il existe quatre catégories<br />
d’<strong>enfant</strong>s :<br />
les produits <strong>de</strong> l’IVG et <strong>de</strong>s fausses<br />
couches spontanées ;<br />
les <strong>enfant</strong>s morts issus d’un<br />
accouchement, mais non déc<strong>la</strong>rés par <strong>la</strong><br />
famille ;<br />
les <strong>enfant</strong>s morts déc<strong>la</strong>rés « sans vie »<br />
par <strong>la</strong> famille, sur <strong>la</strong> base d’un certificat<br />
d’accouchement ;<br />
les <strong>enfant</strong>s nés vivants et viables, mais<br />
décédés avant inscription à l’état civil,<br />
pour lesquels il y a déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong> et déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> décès, sur <strong>la</strong><br />
base <strong>de</strong> <strong>la</strong> production d’un certificat<br />
médical.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Deux représentants du CIANE vont se<br />
faire écho <strong>de</strong> <strong>la</strong> parole <strong>de</strong>s parents<br />
frappés par le <strong>de</strong>uil périnatal.<br />
Témoignages<br />
Aurélie SERRY<br />
La mort périnatale, c’est <strong>la</strong> mort qui surgit<br />
dans un cadre où elle n’est pas prévue,<br />
14<br />
où, plus qu’ailleurs encore, elle n’a pas sa<br />
p<strong>la</strong>ce : dans les couloirs <strong>de</strong>s maternités,<br />
<strong>de</strong>s couleurs <strong>la</strong>yette, <strong>de</strong>s motifs mièvres,<br />
un décor <strong>de</strong> bonbonnière où <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> mort est plus qu’incongrue. Elle est<br />
obscène. Les professionnels sont souvent<br />
démunis face à <strong>la</strong> mort qui surgit alors,<br />
certains ont pu dire même qu’ils n’avaient<br />
« pas choisi ce métier pour s’occuper <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> mort ». Dans ces mots s’entend le cri<br />
d’un désarroi terrible. De plus, le cadre<br />
légis<strong>la</strong>tif a beaucoup bougé <strong>de</strong>puis 2008.<br />
Le problème <strong>de</strong> l’état civil manifeste <strong>de</strong><br />
gran<strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> repérage :-quelle<br />
situation choisir, au regard <strong>de</strong> l’état civil,<br />
pour l’<strong>enfant</strong> né sans vie ?-les documents<br />
à remplir pour l’état civil sont-ils les<br />
mêmes pour chaque mairie ?<br />
Nous sommes loin d’un discours et <strong>de</strong><br />
pratiques cohérentes. C’est dans le<br />
désarroi et dans l’incertitu<strong>de</strong> que<br />
s’inscrivent certaines histoires cruelles.<br />
Certes, on pourrait faire état <strong>de</strong> cruauté<br />
par ma<strong>la</strong>dresse. Si certains témoignages<br />
peuvent paraître cruels, nul ne doit douter<br />
qu’ils font écho à <strong>la</strong> cruauté du vécu.<br />
Entendons par exemple cette parole :<br />
Témoignage <strong>de</strong> Noémie<br />
Nous attendions <strong>de</strong>s jumeaux mais,<br />
malheureusement, l’un d’eux, Antonin, a<br />
cessé <strong>de</strong> vivre à 20 semaines <strong>de</strong><br />
grossesse. J’ai alors continué ma<br />
grossesse alitée, et sous surveil<strong>la</strong>nce<br />
intensive. Mais, à 31 semaines, j’ai<br />
accouché brutalement et Clément est<br />
tout <strong>de</strong> suite parti dans un autre hôpital<br />
dans un service <strong>de</strong> néonatologie. Pour<br />
Antonin, on nous avait prévenus qu’on ne<br />
pourrait pas le voir car il serait « abîmé »<br />
par toutes ces semaines.<br />
Une fois les nouvelles rassurantes pour<br />
Clément, mon ami a été le déc<strong>la</strong>rer à <strong>la</strong><br />
mairie. Puis, quelques jours après, car<br />
nous avions du mal à le faire, il a été<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
déc<strong>la</strong>ré Antonin. Mais là, on lui a dit que<br />
c’était impossible car, sur les papiers, il<br />
était noté à <strong>la</strong> même heure que son frère<br />
et qu’il fal<strong>la</strong>it au moins quelques minutes<br />
<strong>de</strong> différence. On lui conseille <strong>de</strong><br />
retourner à <strong>la</strong> maternité pour faire faire<br />
une rectification. Pour lui, ce<strong>la</strong> avait déjà<br />
été dur <strong>de</strong> retourner à <strong>la</strong> mairie déc<strong>la</strong>rer<br />
notre <strong>enfant</strong> mort né et <strong>de</strong> s’entendre<br />
dire que ce n’était pas possible ; c’est<br />
donc moi qui ai pris mon courage à <strong>de</strong>ux<br />
mains et suis retournée voir <strong>la</strong> sage<br />
femme qui m’avait accouchée. Je lui<br />
explique mon problème difficilement,<br />
avec les <strong>la</strong>rmes au bord <strong>de</strong>s yeux et elle<br />
me rectifie les papiers tout en trouvant<br />
ce<strong>la</strong> étrange. A <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> cet entretien,<br />
je lui ai posé <strong>la</strong> question « Pourquoi avezvous<br />
mis les mêmes heures <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong> ? ». A ce moment là, j’aurais<br />
aimé être sour<strong>de</strong>. Elle m’a expliqué que le<br />
bébé mort était très abimé compte tenu<br />
<strong>de</strong>s 11 semaines passées dans mon ventre,<br />
mort, et que pour ce<strong>la</strong>, une partie <strong>de</strong> son<br />
corps était sortie en même temps que son<br />
frère. Ce<strong>la</strong> a été trop pour moi : avant<br />
qu’elle ne me dise ce<strong>la</strong>, j’imaginais un tout<br />
petit bébé momifié, et là j’ai eu <strong>de</strong>s<br />
visions d’horreur : j’ai imaginé son corps<br />
meurtri, déchiqueté. Après tous ces mois<br />
difficiles, j’ai craqué et fait une crise <strong>de</strong><br />
nerfs à l’hôpital. Je n’aurais pas voulu<br />
savoir comment il était. J’en fais encore<br />
<strong>de</strong>s cauchemars.<br />
Noémie<br />
L’inscription à l’état civil permet <strong>la</strong><br />
recon<strong>naissance</strong> <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> et celle du<br />
statut <strong>de</strong> parents aux <strong>enfant</strong>s en<strong>de</strong>uillés.<br />
Antoinette Gelot, l’instigatrice <strong>de</strong> ce<br />
colloque ne m’en voudra pas <strong>de</strong> citer ses<br />
mots lorsqu’elle exprime avec tant <strong>de</strong><br />
justesse pour nous tous que « <strong>la</strong> mort<br />
termine une vie, mais ne l’efface pas ».<br />
Les parents <strong>de</strong> Clémence témoignent <strong>de</strong><br />
15<br />
l’importance que revêt l’inscription à<br />
l’état civil, pour, simplement, sortir d’un<br />
néant, celui du déni, et pouvoir à partir <strong>de</strong><br />
là faire le <strong>de</strong>uil et rétablir <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong><br />
chacun dans <strong>la</strong> famille, notamment pour<br />
<strong>la</strong> fratrie. Considérons maintenant cette<br />
parole <strong>de</strong> parents en<strong>de</strong>uillés.<br />
Témoignage <strong>de</strong>s parents <strong>de</strong> Clémence<br />
Nous sommes les parents <strong>de</strong> 4 <strong>enfant</strong>s<br />
vivants et d’une petite fille décédée in<br />
utero à 21 semaines <strong>de</strong> grossesse en mars<br />
1999.<br />
Clémence s’est invitée dans notre famille<br />
sans que nous ne l’attendions au départ,<br />
peu <strong>de</strong> temps après <strong>la</strong> <strong>naissance</strong> <strong>de</strong> notre<br />
<strong>de</strong>uxième <strong>enfant</strong>.<br />
Passée <strong>la</strong> surprise, très vite, je m’attachai<br />
à cet <strong>enfant</strong>. Nous l’avons attendue, nous<br />
l’avons espérée, nous avons aussi<br />
beaucoup craint pour elle certains jours<br />
durant lesquels j’avais <strong>de</strong>s douleurs<br />
abdominales. Les échographies nous<br />
rassuraient. Nous l’avons vue évoluer,<br />
bouger et même « danser » dans mon<br />
ventre.<br />
Peu à peu, je l’ai sentie bouger, elle est<br />
venue se nicher dans ma main alors que<br />
je caressais mon ventre. Pour moi, j’avais<br />
passé le premier trimestre, je<br />
commençais à me détendre et à croire en<br />
<strong>la</strong> venue <strong>de</strong> cette petite fille, notre<br />
première fille. Un prénom nous est<br />
soudainement venu : ce sera notre petite<br />
Clémence.<br />
Puis, un jour, peu <strong>de</strong> temps après, une<br />
nouvelle échographie m’apprend ce que<br />
je soupçonnais <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> veille : plus <strong>de</strong><br />
mouvements, plus <strong>de</strong> battements<br />
cardiaques, plus d’<strong>enfant</strong>. Et quand je dis<br />
« plus d’<strong>enfant</strong> », je suis en effet passée<br />
brutalement du sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> future maman à<br />
celui <strong>de</strong> personne qui avait dans son<br />
ventre un fœtus à expulser, fœtus<br />
assimilé simplement à un déchet humain,<br />
selon les termes officiels : c’est en tout<br />
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cas ainsi que son corps a été considéré.<br />
Même pas une « <strong>enfant</strong> née sans vie »,<br />
puisque ceci correspond à un acte officiel<br />
et que l’é<strong>la</strong>boration d’un tel acte aurait<br />
permis l’inhumation <strong>de</strong> notre <strong>enfant</strong>. Ce<strong>la</strong><br />
n’était alors accordé selon une circu<strong>la</strong>ire<br />
gouvernementale qu’aux <strong>enfant</strong>s <strong>de</strong> plus<br />
<strong>de</strong> 22 semaines. Nous étions dans le<br />
néant, le vi<strong>de</strong> : vi<strong>de</strong> du ventre, vi<strong>de</strong> du<br />
cœur, vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> toute existence même sur<br />
le papier.<br />
Sans i<strong>de</strong>ntité car on nous interdit <strong>de</strong> lui<br />
en donner une, mais alors que dire à ses<br />
frères aînés ? Celui <strong>de</strong> 3 ans ne comprend<br />
déjà pas bien pourquoi maman pleure ce<br />
bébé « perdu », pourquoi elle ne va pas<br />
« le chercher à l’hôpital » (c’est ce qu’il<br />
m’explique alors).<br />
Les <strong>enfant</strong>s grandissent et d’autres<br />
questions viennent : « elle est où<br />
Clémence ? »<br />
Le ma<strong>la</strong>ise se poursuit pour nous :<br />
comment leur faire comprendre sans les<br />
choquer que son corps n’est pas au<br />
cimetière comme celui <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
famille que nous aimons ? Ce<strong>la</strong> peut<br />
vouloir dire que papa et maman<br />
n’aimaient pas un <strong>de</strong> leurs <strong>enfant</strong>s ? Et<br />
l’incinération : comment faire comprendre<br />
à <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s que nous aurions accepté<br />
que le corps <strong>de</strong> leur sœur a pu être<br />
« brûlé » et même s’ils comprennent que<br />
nous ne l’acceptons pas : nous n’avons<br />
pas pu l’empêcher. Papa et maman ne<br />
sauraient donc pas les protéger, eux non<br />
plus ?<br />
Et puis arrive une petite sœur en 2001.<br />
Une petite fille en pleine forme, à nos<br />
yeux notre 4e <strong>enfant</strong>, et en tout cas pour<br />
moi mon quatrième accouchement, et<br />
pour les garçons qui ont vécu <strong>la</strong><br />
grossesse précé<strong>de</strong>nte, leur secon<strong>de</strong> petite<br />
sœur. Mais comment leur faire<br />
comprendre ce<strong>la</strong> quand même sur <strong>la</strong><br />
pièce officielle qui retrace le parcours<br />
16<br />
familial, le livret <strong>de</strong> famille, notre 4 e<br />
<strong>enfant</strong> a pris <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> troisième…<br />
négation ultime… On lui a même pris sa<br />
p<strong>la</strong>ce, pourtant si petite car elle n’a pas<br />
vécu, au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> fratrie… et position oh<br />
combien inconfortable pour notre petite<br />
fille nouvellement née : comment peutelle<br />
se positionner et asseoir sa légitimité<br />
dans une fratrie où les frères lui disent<br />
qu’elle n’est pas <strong>la</strong> « vraie 3 e », alors que<br />
dans le même temps rien ne vient<br />
signifier l’existence d’une sœur aînée ?<br />
Nous n’avons jamais voulu, à aucun<br />
moment, obtenir <strong>de</strong>s bénéfices du fait <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> perte <strong>de</strong> notre fille : jamais nous<br />
n’avons souhaité par exemple que le fait<br />
<strong>de</strong> l’avoir attendu nous fasse bénéficier<br />
<strong>de</strong> réductions d’impôt ou autre. Ce<strong>la</strong> nous<br />
aurait même sembler horrible car nous<br />
aurions eu l’impression <strong>de</strong> « profiter » <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> mort <strong>de</strong> ce petit être que nous aurions<br />
tant voulu voir vivre, bouger, rire et<br />
courir.<br />
Mais simplement : faire en sorte que<br />
d’autres parents n’aient pas à se battre<br />
contre les mêmes murs que nous, que<br />
s’ils le souhaitent, eux puissent enterrer<br />
l’<strong>enfant</strong> qui n’a pas pu vivre, que surtout<br />
ils puissent lui donner le nom qu’ils lui<br />
<strong>de</strong>stinaient. Quant à notre fille, nous ne<br />
pouvions plus rien pour son pauvre petit<br />
corps disparu <strong>de</strong>puis longtemps, mais sa<br />
p<strong>la</strong>ce dans notre famille, son prénom,<br />
nous le lui <strong>de</strong>vions. Nous avons donc<br />
choisi <strong>de</strong> nous battre, avec d’autres<br />
parents pour au moins obtenir ce droit si<br />
simple en apparence mais si précieux<br />
pour nous : donner un nom, son nom, à<br />
notre petite fille.<br />
Les démarches ont été très longues mais,<br />
avec le soutien <strong>de</strong> l’association C<strong>la</strong>ra, puis<br />
celui <strong>de</strong>s parents <strong>de</strong> « L’<strong>enfant</strong> sans nom-<br />
Parents en<strong>de</strong>uillés », nous sommes allés<br />
jusqu’au bout. Sans jamais savoir si<br />
réellement nous allions pouvoir obtenir ce<br />
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droit, mais au moins pour témoigner à<br />
nos yeux, prouver à nos <strong>enfant</strong>s que nous<br />
nous battrions jusqu’au bout pour chacun<br />
d’eux. Et puis nous ne pouvions rien faire<br />
d’autre pour Clémence, alors il fal<strong>la</strong>it aller<br />
jusqu’au bout pour elle, façon symbolique<br />
aussi peut-être <strong>de</strong> lui dire que jamais<br />
nous n’avons voulu l’abandonner, que<br />
nous l’aimions.<br />
Enfin, l’existence, si brève soit-elle <strong>de</strong><br />
Clémence a été reconnue, sa p<strong>la</strong>ce dans<br />
<strong>la</strong> famille a été rétablie. Nous avons eu<br />
entretemps une autre petite fille mais<br />
chacun a désormais sa p<strong>la</strong>ce dans notre<br />
nouveau livret <strong>de</strong> famille. Nous ne<br />
l’affichons pas en permanence ni<br />
n’honorons en continu ce livret, mais<br />
l’apaisement est venu.<br />
Ce<strong>la</strong> peut paraître étonnant, voire<br />
incompréhensible aux yeux <strong>de</strong> personnes<br />
qui n’ont pas connu ce<strong>la</strong>, mais comment<br />
faire le <strong>de</strong>uil autrement <strong>de</strong> cette petite<br />
fille que l’on a à peine connue, pourtant<br />
adorée, et dont nous n’avons quasiment<br />
aucune autre trace si ce n’est quelques<br />
images d’échographie et le compte-rendu<br />
d’autopsie auquel jusqu’alors je me<br />
raccrochais comme seules preuves <strong>de</strong> sa<br />
venue en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> nos mémoires et <strong>de</strong><br />
nos sentiments ?<br />
Alors oui, si les parents le désirent, il est<br />
si important <strong>de</strong> faciliter les démarches<br />
pour inscrire leurs <strong>enfant</strong>s dans l’histoire<br />
familiale, pour simplement les reconnaître<br />
comme leur <strong>enfant</strong>.<br />
Aujourd’hui, nous sommes bien les<br />
parents <strong>de</strong> cinq <strong>enfant</strong>s….<br />
Témoignage <strong>de</strong> Véronique<br />
À mon petit Ange.<br />
Nous nous sommes mariés jeunes, nous<br />
désirions <strong>de</strong>puis longtemps déjà un<br />
<strong>enfant</strong>. Il <strong>de</strong>vait être le premier arrièrepetit-fils,<br />
le premier petit-fils <strong>de</strong> tous<br />
côtés, aucun <strong>de</strong> nos amis n’avait encore<br />
d’<strong>enfant</strong>s. Je n’avais pas eu le courage<br />
17<br />
d’attendre <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> mes étu<strong>de</strong>s ; il s’est<br />
installé sans se faire attendre…<br />
Ma gynéco me recomman<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire le tri<br />
test qui se faisait à l’époque au 2 e<br />
trimestre. Pas d’avis sur <strong>la</strong> question je<br />
m’exécute. Après les résultats je <strong>la</strong> revois.<br />
Le taux <strong>de</strong> bêta HCG est effondré. Je <strong>la</strong><br />
rassure, même si je n’ai pas pris<br />
beaucoup <strong>de</strong> poids, le bébé bouge comme<br />
un fou, il est très actif !<br />
Deuxième échographie : le bébé est petit<br />
très petit mais encore dans les normes,<br />
aucune malformation n’est visible. Un<br />
contrôle s’impose à 3 semaines. Il hérite<br />
du surnom « <strong>la</strong> crevette ». Comme mon<br />
mari est en dép<strong>la</strong>cement je déci<strong>de</strong><br />
d’attendre pour connaître le sexe lors <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> prochaine écho.<br />
Échographie <strong>de</strong> contrôle, un lundi. Il n’a<br />
pas grossi, les <strong>la</strong>rmes ne cessent <strong>de</strong><br />
couler <strong>de</strong> mes yeux ; toujours pas <strong>de</strong><br />
malformations visibles. J’ai une anomalie<br />
sur les artères utérines. Elle craint une<br />
toxémie imminente je n’ai pourtant ni<br />
tension, ni œdème. Elle téléphone.<br />
Demain j’irais au CHU pour une<br />
amniocentèse pour éliminer une autre<br />
pathologie. Cette fois je lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,<br />
entre <strong>de</strong>ux <strong>la</strong>rmes, le sexe du bébé.<br />
« Je pensais que vous ne vouliez pas<br />
savoir, car <strong>la</strong> plupart du temps les parents<br />
se désinvestissent dans <strong>de</strong> tels cas »<br />
Non, nous voulons savoir.<br />
Mon mari est comme un fou, il craint pour<br />
son bébé, je tente <strong>de</strong> le rassurer comme<br />
je peux. Je sais que nous n’avons pas le<br />
choix. L’amniocentèse se passe bien. Je<br />
ferais tout <strong>de</strong> même un tour aux urgences<br />
le soir même pour une salve <strong>de</strong><br />
contractions.<br />
Puis je reste chez moi, seule, allongée<br />
attendant qu’on m’informe <strong>de</strong> <strong>la</strong> suite.<br />
Trois jours plus tard, vendredi c’est le<br />
conseil hebdomadaire d’éthique au CHU.<br />
Mon mari est prévenu par téléphone, ce<br />
que nous déplorons, c’est une trisomie 18,<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
je vacille et je murmure « c’est fini. Que<br />
fait-on maintenant ? » Je ne sais pas, il<br />
ne sait pas. Je rappelle <strong>la</strong> maternité, on<br />
me dit que j’ai ren<strong>de</strong>z-vous le lundi. Là on<br />
me fera une batterie d’examens pour<br />
l’IMG, je ne vois ni psychologue ni<br />
assistante sociale. Je n’ai pas compris<br />
qu’une autre alternative était possible :<br />
les soins palliatifs. J’étais tellement<br />
sidérée que je n’ai pas réalisé que je<br />
pouvais aussi attendre et poursuivre<br />
cette grossesse. Je pose <strong>de</strong>s questions<br />
sur l’après : « sera t-il inscrit sur le livret<br />
<strong>de</strong> famille ? Que va t-on faire du bébé ? »<br />
Les avis divergent. Je finis par savoir par<br />
ma belle-sœur magistrate que le bébé va<br />
avoir un état civil et qu’il peut être inscrit<br />
sur mon livret <strong>de</strong> famille. Il va aussi falloir<br />
organiser une sépulture (je n’y avais pas<br />
encore songé) Je retéléphone dans le<br />
service pour tenter d’en savoir plus <strong>de</strong><br />
mon côté sur mes droits, j’atterris en<br />
centre d’IVG ou visiblement personne ne<br />
sait quoique ce soit jusqu’à ce que je<br />
rentre en contact avec une assistante<br />
sociale visiblement plus au courant que<br />
ses collègues qui me dit que je dois<br />
prendre 8 semaines d’arrêt au titre du<br />
congé maternité. C’est impossible, je dois<br />
finir mon stage pour rejoindre mon mari<br />
sur Paris et finir mes étu<strong>de</strong>s. Je<br />
m’angoisse. Finalement elle me dit que<br />
j’ai le droit d’y renoncer et que je dois<br />
juste <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un arrêt <strong>de</strong> travail.<br />
La <strong>naissance</strong> fut plus sereine (je n’ai<br />
réalisé que le jour J que ce ne serait pas<br />
une fausse couche mais bel et bien un<br />
accouchement). La photo <strong>de</strong> mon fils que<br />
j’avais <strong>de</strong>mandé ne sera<br />
malheureusement pas faite, mais je n’ai<br />
pas eu à me dép<strong>la</strong>cer en mairie, mon<br />
livret <strong>de</strong> famille a été envoyé et je l’ai<br />
reçu le jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> récupération du corps<br />
après l’autopsie. J’ai tout <strong>de</strong> même dû<br />
négocier pour obtenir 14 jours d’arrêt <strong>de</strong><br />
travail, l’interne du service d’obstétrique,<br />
18<br />
qui pourtant connaissait <strong>la</strong> situation,<br />
vou<strong>la</strong>it m’en donner trois !<br />
Mon fils sera enterré... Je repasse au<br />
moins une fois par an sur sa tombe,<br />
désormais avec ses 3 frères nés après lui.<br />
Je ne peux pas leur présenter une photo<br />
<strong>de</strong> leur frère aîné, si beau, au visage<br />
tellement familier et pourtant différent du<br />
leur, mais nous pouvons au moins nous<br />
recueillir sur sa tombe. Et quand il faut<br />
photocopier les pages du livret <strong>de</strong> famille<br />
pour <strong>de</strong>s besoins administratifs, les<br />
agents me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt souvent pourquoi<br />
Alexandre, mon <strong>de</strong>uxième <strong>enfant</strong>, n’est<br />
pas marqué sur <strong>la</strong> première page. Je<br />
réponds que mon premier petit garçon<br />
est décédé, un bref instant je souris me<br />
remémorant son visage si doux, le faisant<br />
à nouveau vivre le temps d’une secon<strong>de</strong>…<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Ces témoignages, pour éprouvants qu’ils<br />
soient, apparaissent avant toute chose<br />
comme très instructifs.<br />
L’accompagnement<br />
<strong>de</strong>s parents<br />
Marc DUPONT<br />
Sur ce p<strong>la</strong>n, l’essentiel rési<strong>de</strong> dans<br />
quelques lignes <strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire du 19 juin<br />
2009. Les références fondamentales, en<br />
<strong>la</strong> matière, figurent dans le dossier remis<br />
aux participants au présent colloque. Ne<br />
nous leurrons pas, les bonnes pratiques<br />
en matière d’accompagnement sont<br />
encore très <strong>la</strong>rgement à définir. Du point<br />
<strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s pouvoirs publics, il est avant<br />
tout souhaitable que les conduites soient<br />
encadrées par <strong>de</strong>s références c<strong>la</strong>ires.<br />
Pourtant, nous sommes bien conscients<br />
qu’il appartient à chaque équipe, dans<br />
chaque hôpital, d’accompagner les<br />
parents en détresse. Nul ne peut se<br />
substituer à ceux qui se trouvent <strong>de</strong> fait<br />
en première ligne. La question <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
coordination entre les multiples acteurs,<br />
les corps <strong>de</strong> métiers, est <strong>de</strong> première<br />
importance. On doit prendre conscience<br />
que c’est un travail d’équipe qui est<br />
conduit du professeur d’université à<br />
l’agent <strong>de</strong> chambre mortuaire, ou même à<br />
l’opérateur funéraire. On le sait, <strong>la</strong><br />
disponibilité coûte. L’accompagnement <strong>de</strong><br />
familles en état <strong>de</strong> sidération doit<br />
idéalement leur permettre <strong>de</strong> s’en sortir.<br />
On notera le dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> 10 jours qui est<br />
offert aux parents, pour se retrouver en<br />
quelque sorte et choisir <strong>la</strong> marche à<br />
suivre.<br />
Enfin, <strong>de</strong>s droits sociaux sont liés à<br />
l’établissement d’une déc<strong>la</strong>ration d’<strong>enfant</strong><br />
sans vie. Ce<strong>la</strong>, les équipes hospitalières<br />
doivent le faire connaître aux mères, aux<br />
familles.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
C’est au tour <strong>de</strong> l’association AGAPA <strong>de</strong> se<br />
faire l’écho <strong>de</strong> <strong>la</strong> voix <strong>de</strong>s parents.<br />
Témoignages<br />
Guillemette PORTA<br />
Les propos que nous entendons sont très<br />
divers. Néanmoins, certains invariants se<br />
<strong>de</strong>ssinent. En y prêtant une attention<br />
suffisante, on peut faciliter le contact<br />
entre les parents et le mon<strong>de</strong> soignant.<br />
Restons humbles, il est tellement difficile<br />
d’avoir, dans l’instant, l’attitu<strong>de</strong> <strong>la</strong> plus<br />
juste en présence d’événements<br />
gravissimes sur le p<strong>la</strong>n émotionnel.<br />
Nous n’insisterons jamais assez sur le<br />
caractère irremp<strong>la</strong>çable d’informations<br />
c<strong>la</strong>ires et complètes. Entendons, à ce<br />
propos, l’incompréhension d’une mère qui<br />
a perdu un <strong>enfant</strong> mort in utero à 22<br />
semaines, et qui rapporte : « j’ai reçu<br />
l’information au compte-gouttes, surtout<br />
parce que je posais <strong>de</strong>s questions.<br />
J’aurais aimé qu’on m’explique mieux ce<br />
qu’il est possible <strong>de</strong> faire… J’étais<br />
19<br />
tellement sonnée… Aujourd’hui je sais<br />
qu’on aurait pu faire une photo, acheter<br />
un petit vêtement. Je sais que j’aurais pu<br />
rester un peu seule avec lui. Sur le<br />
moment, on m’a rien dit <strong>de</strong> tout ce<strong>la</strong> ».<br />
Mentionnons un autre témoignage : « j’ai<br />
eu <strong>de</strong>s informations sur <strong>la</strong> trisomie 21. J’ai<br />
pu rencontrer un généticien, un pédiatre,<br />
pour réfléchir à ce quoi nous étions<br />
capables <strong>de</strong> porter, en vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise<br />
d’une décision ».<br />
Une chose est d’informer, une autre –<br />
tout aussi essentielle – consiste à <strong>la</strong>isser<br />
les parents être authentiquement<br />
décisionnaires. Une mère fait état d’un<br />
« besoin <strong>de</strong> présence rassurante, pas<br />
infantilisante, sans que l’on pense pour<br />
moi et que l’on anticipe mes choix ». Par<br />
exemple, <strong>la</strong> fixation d’un ren<strong>de</strong>z-vous<br />
d’IMG sans qu’une décision ait été<br />
exprimée par <strong>la</strong> mère, est d’une gran<strong>de</strong><br />
violence.<br />
Le respect du choix <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère est<br />
d’ailleurs lié au respect <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong>. Ainsi,<br />
une mère a pu dire : « lorsque nous<br />
avons appris que notre premier <strong>enfant</strong><br />
était une fille acéphale, une énorme<br />
pression s’est exercée en vue d’un<br />
avortement. Nous avons choisi <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser<br />
<strong>la</strong> grossesse aller à terme. L’<strong>enfant</strong> est<br />
finalement mort à <strong>la</strong> <strong>naissance</strong>.<br />
Ensuite, nous avons attendu un garçon et<br />
nous avons rapi<strong>de</strong>ment appris qu’il était<br />
atteint <strong>de</strong> <strong>la</strong> même ma<strong>la</strong>die que sa sœur.<br />
Il vécu 12 heures. Nous avons choisi le lieu<br />
où nous voulions être accompagnés. Il est<br />
important <strong>de</strong> respecter notre choix, <strong>la</strong><br />
décision <strong>de</strong> prendre soin <strong>de</strong> cet <strong>enfant</strong>,<br />
même s’il al<strong>la</strong>it mourir. Ce<strong>la</strong> a été fait<br />
avec beaucoup <strong>de</strong> délicatesse. J’apprécie<br />
que l’entant ait été habillé et mis dans un<br />
cercueil ».<br />
Ne nous y trompons pas. Nous avons<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
avant tout à faire à <strong>de</strong>s histoires<br />
singulières, qui doivent être reconnues<br />
comme telles. Un protocole ne rend pas<br />
compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> singu<strong>la</strong>rité du vécu <strong>de</strong><br />
chacun. Prendre une décision <strong>de</strong> faire<br />
vivre un être avec un handicap ou <strong>de</strong> ne<br />
pas l’amener à <strong>la</strong> vie relève <strong>de</strong> <strong>la</strong> sphère<br />
<strong>la</strong> plus intime. De plus, chacun vit<br />
l’épreuve d’une manière qui lui est propre.<br />
Une mère, par exemple, souhaitait être<br />
entourée. Elle a dit : « je ne vou<strong>la</strong>is pas<br />
être seule. Heureusement, on a <strong>la</strong>issé ma<br />
famille venir à n’importe quelle heure du<br />
jour et <strong>de</strong> <strong>la</strong> nuit. J’ai le sentiment d’avoir<br />
été écoutée. J’ai perçu <strong>de</strong> l’écoute et <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> bienveil<strong>la</strong>nce chez le personnel<br />
médical ». Remarquons qu’il s’agit là<br />
d’une impression positive, comme<br />
heureusement nous en recueillons<br />
beaucoup. Il n’est pas question <strong>de</strong> nous<br />
contenter, présentement, d’établir un<br />
cahier <strong>de</strong> doléances. On ne fera jamais<br />
assez attention aux mots. Toute <strong>de</strong> même,<br />
une mère a rapporté : « <strong>la</strong> personne à<br />
<strong>la</strong>quelle nous en voulons le plus reste le<br />
docteur rencontré après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong><br />
Lucille, qui nous a affirmé que perdre un<br />
bébé était moins pire que <strong>de</strong> perdre un<br />
vrai <strong>enfant</strong> ». Un autre témoignage<br />
rapporte le propos d’un anesthésiste qui a<br />
formulé <strong>la</strong> remarque suivante à <strong>de</strong>s<br />
parents médusés : « ce<strong>la</strong> aurait été plus<br />
grave si vous aviez dû supporter <strong>de</strong> vivre<br />
avec un <strong>enfant</strong> handicapé ». Il y a là, pour<br />
le moins, un manque <strong>de</strong> tact.<br />
Finalement, que peut-on faire face à <strong>la</strong><br />
détresse parentale ? On ne peut que faire<br />
preuve d’attention, d’humanité, d’écoute<br />
et <strong>de</strong> disponibilité. Les longs discours ne<br />
servent à rien et ce sont <strong>de</strong>s signes, <strong>de</strong>s<br />
paroles simples qui comptent. Prenons<br />
l’exemple <strong>de</strong> l’expérience <strong>de</strong> cette mère :<br />
« après mon accouchement, les gens <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> maternité ne savaient pas trop quoi<br />
faire. Ils avaient <strong>la</strong> tête baissée. Les plus<br />
20<br />
gentils essayaient <strong>de</strong> me rassurer en me<br />
disant que j’étais jeune et que j’en aurais<br />
d’autres. J’avais besoin que quelqu’un<br />
reste pour parler, pour ne pas pleurer<br />
toute seule. La psychologue, je n’ai pas eu<br />
envie <strong>de</strong> <strong>la</strong> voir à ce moment là. J’avais<br />
juste besoin <strong>de</strong> quelqu’un près <strong>de</strong> moi ».<br />
Un autre témoignage met en lumière<br />
l’importance cruciale <strong>de</strong> l’attention<br />
d’autrui, au moment où une mère fait face<br />
à <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’être qu’elle portait en elle :<br />
« Le gynécologue s’est assis après <strong>la</strong><br />
mort <strong>de</strong> mon fils. Il a posé sa main sur ma<br />
jambe en me disant : je suis désolé, il n’y<br />
a plus d’activité cardiaque.<br />
J’avais besoin d’entendre <strong>de</strong> quelqu’un<br />
qu’il était mort. Le gynécologue m’a dit,<br />
en me serrant <strong>la</strong> main : il est mort.<br />
La sage-femme était restée auprès <strong>de</strong><br />
moi. J’étais rassurée mais sous le choc.<br />
J’avais besoin d’un référent. J’avais<br />
besoin qu’on me gui<strong>de</strong>. Sa voix était<br />
douce, sereine. Elle semb<strong>la</strong>it avoir<br />
confiance en elle, confiance en moi.<br />
J’avais donc réussi à accoucher <strong>de</strong> mon<br />
fils mort. Elle m’a dit : vous avez un très<br />
beau garçon.<br />
Elle a utilisé le présent pour faire vivre<br />
mon fils à ce moment là. Je l’en<br />
remercie ».<br />
Une autre expérience rapportée par une<br />
femme frappée par une mort périnatale<br />
fait écho à <strong>la</strong> parole précé<strong>de</strong>nte : « les<br />
<strong>de</strong>ux sages-femmes ont été exemp<strong>la</strong>ires.<br />
Elles ont posé leurs mains sur mon<br />
épaule pour me réconforter et m’ont<br />
<strong>la</strong>issé du temps. Des mots ont fait du<br />
bien. On s’en ressent moins faible, moins<br />
seule ».<br />
La possibilité <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r une trace, une<br />
empreinte <strong>de</strong> ce qui s’est passé peut<br />
revêtir une importance capitale, sur le<br />
p<strong>la</strong>n psychologique. Observons qu’il s’agit<br />
là d’une possibilité et non d’une<br />
obligation. Ainsi : « comme je vou<strong>la</strong>is le<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
voir, <strong>la</strong> sage femme me l’a apporté<br />
enveloppé dans un champ opératoire. Elle<br />
l’a gardé dans ses bras, pas moi.<br />
Pourtant, c’était moi <strong>la</strong> mère ». A<br />
contrario, une expérience d’une toute<br />
autre nature est ainsi re<strong>la</strong>tée par une<br />
autre mère : « le personnel était<br />
accueil<strong>la</strong>nt et compréhensif. Il m’a donné<br />
<strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> voir le corps à plusieurs<br />
reprises. À travers l’accouchement,<br />
sensation douloureuse, j’ai néanmoins eu<br />
<strong>la</strong> sensation d’accompagner mon <strong>enfant</strong><br />
jusqu’au bout du chemin. J’ai pu parler au<br />
bébé, j’ai pu le sentir sortant <strong>de</strong> mon<br />
corps, le nommer, le toucher et le pleurer.<br />
Pour vivre ce<strong>la</strong>, il m’a fallu <strong>la</strong> présence<br />
rassurante <strong>de</strong>s professionnels, qui ne<br />
m’ont jamais <strong>la</strong>issé seule et qui n’ont en<br />
aucun cas <strong>la</strong>issé penser que mon<br />
accouchement était moins important<br />
qu’un autre ».<br />
Les soignants ont le droit à ce qu’un<br />
temps leur soit accordé pour interroger<br />
leurs propres réactions face à <strong>la</strong> mort. Ils<br />
sont également exposés au premier chef,<br />
lors <strong>de</strong> moments à très forte charge<br />
affective. Tirons, par exemple, les leçons<br />
<strong>de</strong> ce témoignage : « les docteurs étaient<br />
mal à l’aise. À l’annonce les internes se<br />
sont tus, ont évité <strong>de</strong> croiser un regard.<br />
Ils sont sortis <strong>de</strong> <strong>la</strong> salle. Le chef <strong>de</strong><br />
service ne savait pas quoi dire. Il était<br />
bizarrement réconfortant <strong>de</strong> percevoir<br />
que <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> notre <strong>enfant</strong> n’était<br />
normale pour personne ».<br />
Enfin, l’ai<strong>de</strong> aux parents désemparés ne<br />
doit pas cesser à leur sortie <strong>de</strong> l’hôpital.<br />
On ne saurait <strong>la</strong>isser trop <strong>de</strong> mères<br />
déplorer, comme celle-ci, que « personne<br />
ne m’a donné d’adresse d’association.<br />
Pourtant, on a tant besoin d’ai<strong>de</strong> pour les<br />
semaines et les mois à venir. Après mon<br />
IMG, on ne m’a proposé aucun suivi. On<br />
m’a <strong>la</strong>issé me débrouiller par moi-même<br />
pour trouver du soutien ».<br />
21<br />
Le <strong>de</strong>venir du corps<br />
Marc DUPONT<br />
À ce sujet, on peut affirmer que nous<br />
revenons <strong>de</strong> loin. L’AP-HP reçoit parfois<br />
<strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> familles ayant vécu une<br />
mort périnatale il y a <strong>de</strong>s décennies et<br />
<strong>de</strong>mandant ce qu’il est advenu du corps.<br />
Nous avons un mal infini à répondre à ces<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s manifestant <strong>de</strong> l’inquiétu<strong>de</strong><br />
quant à son <strong>de</strong>venir. Sans doute est-il<br />
inhumé à Thiais, mais nous n’en sommes<br />
pas certains, faute <strong>de</strong> trace. Les<br />
col<strong>la</strong>borateurs qui ont pu s’occuper <strong>de</strong><br />
pareils cas ne sont plus dans notre<br />
institution. Nous ne disposons donc<br />
d’aucune mémoire. Ainsi, il nous est très<br />
difficile d’affirmer : « nous pensons que<br />
les choses se sont passées comme ce<strong>la</strong> ».<br />
À vrai dire, ne sommes pas en mesure<br />
d’en dire davantage.<br />
Notre droit a longtemps fait <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce belle<br />
à l’occulte, au tabou. Les professionnels<br />
qui ont longtemps pris en charge les<br />
corps à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> mort périnatale n’en<br />
ont pas parlé. Ils n’ont pas <strong>la</strong>issé <strong>de</strong> trace<br />
écrite <strong>de</strong> ce qu’ils ont accompli.<br />
Heureusement, <strong>de</strong>s textes réglementaires<br />
sont venus combler un vi<strong>de</strong> coupable.<br />
Les textes re<strong>la</strong>tifs aux « déchets<br />
hospitaliers » emploient <strong>de</strong>s mots<br />
terribles, pour ne pas dire révoltants.<br />
Néanmoins, le décret du 6 novembre 1997<br />
est à l’origine <strong>de</strong> progrès considérables,<br />
car il s’agit bel et bien d’un texte<br />
fondateur, en vertu duquel, précisément,<br />
les corps <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s morts avant <strong>de</strong><br />
naître ne sont plus <strong>de</strong>s déchets<br />
hospitaliers. D’ailleurs, il est fait mention<br />
<strong>de</strong> corps, <strong>de</strong> restes <strong>de</strong> corps,<br />
d’échantillons <strong>de</strong> corps. On voit bien qu’il<br />
n’est pas question – pour ce qui nous<br />
intéresse – <strong>de</strong> « déchets ». Le fait qu’il<br />
s’agisse <strong>de</strong> corps ouvre <strong>la</strong> voie à une<br />
« crémation » et non plus à une<br />
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« incinération ». En effet, un crématorium<br />
suit <strong>de</strong>s procédures bien déterminées. Le<br />
<strong>de</strong>venir du corps est encadré d’une<br />
manière bien plus humaine, qui n’a rien à<br />
voir avec les usages en vigueur s’agissant<br />
<strong>de</strong> l’incinération. En pareille matière, nous<br />
savons tous que les mots que l’on utilise<br />
peuvent choquer. Nous nous en excusons,<br />
mais il faut malgré tout les employer.<br />
Les règles qui s’appliquent découlent du<br />
contenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> 2009.<br />
Lorsqu’il existe un acte <strong>de</strong> <strong>naissance</strong> et<br />
un acte <strong>de</strong> décès – même si l’<strong>enfant</strong> n’a<br />
vécu qu’à peine quelques minutes – le<br />
Co<strong>de</strong> civil s’applique. Il y a inhumation ou<br />
crémation (à <strong>la</strong> charge obligatoire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
famille). En pareil cas, il n’est pas<br />
possible d’abandonner le soin du <strong>de</strong>venir<br />
du corps à l’hôpital. Observons que, si <strong>la</strong><br />
famille est plongée dans <strong>de</strong>s difficultés<br />
financières – songeons par exemple aux<br />
jeunes femmes seules, aux couples<br />
démunis – <strong>la</strong> commune peut accor<strong>de</strong>r<br />
une ai<strong>de</strong> dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en<br />
charge <strong>de</strong>s obsèques.<br />
Dans le cas d’un <strong>enfant</strong> né sans vie, il est<br />
possible, <strong>de</strong>puis 2001, <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s<br />
obsèques (ceci ayant été conforté en<br />
2009). Les familles peuvent opter pour<br />
l’inhumation ou <strong>la</strong> crémation. En principe,<br />
les dépenses générées sont à <strong>la</strong> charge <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> famille mais, là encore, une ai<strong>de</strong><br />
communale est envisageable.<br />
En l’absence <strong>de</strong> prise en charge par <strong>la</strong><br />
famille, lorsqu’un <strong>enfant</strong> sans vie décè<strong>de</strong> à<br />
l’hôpital et qu’un certificat<br />
d’accouchement a été établi, alors<br />
l’établissement <strong>de</strong> santé est tenu <strong>de</strong><br />
prendre à sa charge les obsèques<br />
(inhumation ou crémation du corps). À<br />
défaut <strong>de</strong> certificat d’accouchement, le<br />
corps est a priori <strong>de</strong>stiné à <strong>la</strong> crémation.<br />
Nous ne saurions clore notre propos sans<br />
faire référence à <strong>de</strong>s affaires regrettables<br />
qui sont venues entacher <strong>la</strong> responsabilité<br />
22<br />
d’hôpitaux. Certaines affaires concernent<br />
les conditions <strong>de</strong> prélèvements conduits<br />
sur <strong>de</strong>s fœtus et <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s morts-nés.<br />
Aujourd’hui, l’opacité n’est plus <strong>de</strong> mise.<br />
La durée nécessaire à <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong>s<br />
prélèvements ne peut excé<strong>de</strong>r 4 semaines<br />
à compter <strong>de</strong> <strong>la</strong> date <strong>de</strong> l’accouchement,<br />
selon l’art. R. 1112-76 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé<br />
publique. Évi<strong>de</strong>mment, ces prélèvements<br />
ne sauraient être c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stins. S’ils ont un<br />
intérêt scientifique, alors le consentement<br />
explicite <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère est indispensable à<br />
leur exécution. La conservation<br />
d’échantillons biologiques implique<br />
également un recueil <strong>de</strong> consentement<br />
éc<strong>la</strong>iré quant à <strong>la</strong> finalité du prélèvement.<br />
En tout état <strong>de</strong> cause, aucune équipe <strong>de</strong><br />
recherche ne peut se soustraire à<br />
l’impératif du recueil du consentement.<br />
Dans le dossier distribué à l’occasion <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
présente journée <strong>de</strong> réflexion figure un<br />
formu<strong>la</strong>ire. C’est celui que nous utilisons à<br />
l’AP-HP dans le cadre du recueil du<br />
consentement. Un tableau récapitu<strong>la</strong>tif<br />
<strong>de</strong>s procédures et références, peut être<br />
imparfait, est également proposé à titre<br />
indicatif. Son caractère perfectible ne<br />
nous empêche pas <strong>de</strong> penser qu’il est<br />
désormais sous forme acceptable.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
La parole est aux représentants <strong>de</strong><br />
l’association Petite Émilie.<br />
Témoignage<br />
Solenn VARGAS<br />
Au moment du décès d’un <strong>enfant</strong>, ses<br />
parents, sa fratrie, l’ont investi d’un projet.<br />
Un bébé est toujours porteur d’un projet.<br />
Il n’est pas, à nos yeux, un « simple<br />
fœtus »… Le décès est parfois subi,<br />
parfois dit « programmé », lors d’une IMG.<br />
Le dé<strong>la</strong>i entre les examens, <strong>la</strong> décision <strong>de</strong><br />
l’IMG, et l’accouchement est très variable<br />
(<strong>de</strong> 48h à plusieurs semaines). Des<br />
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parents choisissent <strong>de</strong> poursuivre <strong>la</strong><br />
grossesse et d’accompagner leur <strong>enfant</strong><br />
par <strong>de</strong>s soins palliatifs à <strong>la</strong> <strong>naissance</strong>…<br />
Après l’accouchement, certains parents<br />
ont vu le corps <strong>de</strong> leur bébé, d’autres ne<br />
l’ont pas souhaité. Certains ne veulent pas<br />
savoir le sexe, n’ont pas choisi <strong>de</strong> prénom.<br />
Les parents n’ont pas tous bénéficié d’un<br />
accompagnement psychologique dans les<br />
moments entourant ce drame. Quant à <strong>la</strong><br />
prise en charge du corps, nous n’avons<br />
pas non plus tous fait les mêmes choix.<br />
Les parents ont 10 jours <strong>de</strong> réflexion<br />
Premièrement, tous n’ont pas été<br />
informés <strong>de</strong> <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> réfléchir<br />
pendant dix jours aux funérailles <strong>de</strong> leur<br />
<strong>enfant</strong>…<br />
Les parents <strong>de</strong> Léann, décédée le 6<br />
décembre 2009, se sont vus signer à <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’équipe le don du corps en<br />
salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>, pendant <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce<br />
du post-partum… Certes, cette décision<br />
était prise avant l’accouchement mais ils<br />
l’ont amèrement regrettée dans les jours<br />
qui ont suivi… Ils n’ont pas pu prendre en<br />
charge le corps <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong>, ni avancer<br />
<strong>la</strong> date <strong>de</strong> <strong>la</strong> crémation, même en<br />
proposant une participation financière à<br />
l’hôpital.<br />
Les parents <strong>de</strong> Marie-Lison, décédée le 1 er<br />
mai 2010, avaient pris <strong>la</strong> décision <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong>isser l’hôpital s’occuper <strong>de</strong> <strong>la</strong> crémation<br />
<strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong> et les <strong>de</strong>ux conditions<br />
suivantes leur convenaient :-être<br />
prévenus par l’hôpital au départ du corps<br />
du bébé vers le crematorium ;-être<br />
prévenus <strong>de</strong> <strong>la</strong> date et <strong>de</strong> l’heure <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
crémation, ainsi que <strong>de</strong> <strong>la</strong> dispersion <strong>de</strong>s<br />
cendres dans le Carré <strong>de</strong>s anges afin<br />
d’être présents.<br />
Finalement, ils ont appris un mois et <strong>de</strong>mi<br />
plus tard qu’ils ne pourraient pas être<br />
présents à <strong>la</strong> crémation, ce qui pour eux<br />
étaient inconcevable. Ils ont alors<br />
recontacté l’hôpital par téléphone et par<br />
23<br />
courrier afin <strong>de</strong> prendre en charge le<br />
corps <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong> malgré les 10 jours<br />
légaux dépassés… Ce<strong>la</strong> leur a été accordé.<br />
Le 26 juin, soit presque <strong>de</strong>ux mois après<br />
<strong>la</strong> <strong>naissance</strong>, ils ont pu accompagner leur<br />
bébé. La mère a dit : « Je me sens<br />
sou<strong>la</strong>gée… d’avoir pu organiser ces<br />
funérailles et surtout y être présente…<br />
Ton papa n’a cessé <strong>de</strong> me remercier<br />
d’avoir changé d’avis à ce sujet…<br />
sou<strong>la</strong>gée, car une page du livre <strong>de</strong> notre<br />
vie est tournée ».<br />
Les funérailles organisées par les<br />
parents<br />
Nous n’avons aucun témoignage <strong>de</strong><br />
parents qui auraient regretté d’avoir pris<br />
en charge eux-mêmes les funérailles <strong>de</strong><br />
leur bébé… C’est pourquoi je vais plus<br />
détailler les difficultés rencontrées lors<br />
<strong>de</strong>s dons du corps à l’hôpital.<br />
Les funérailles organisées par l’hôpital<br />
Des parents choisissent <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser l’hôpital<br />
prendre en charge le corps <strong>de</strong> leur bébé.<br />
En effet, <strong>la</strong> douleur est trop forte pour<br />
eux, ou ils ne souhaitent pas être<br />
rattachés à un lieu <strong>de</strong> recueillement<br />
précis. Parfois une contrainte financière<br />
s’impose. Ils confient alors le corps, en<br />
souhaitant tout autant <strong>de</strong> dignité pour<br />
leur tout-petit que s’ils avaient euxmêmes<br />
choisi d’organiser les funérailles…<br />
Toutefois, ils ne l’abandonnent pas au<br />
sens propre du terme. Pourtant, ce<br />
sentiment d’abandon est très souvent<br />
présent dans <strong>la</strong> tête <strong>de</strong>s parents.<br />
Puis, dans les heures, jours qui suivent,<br />
<strong>de</strong>s parents ont besoin <strong>de</strong> savoir où est le<br />
corps <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong>… C’est alors que,<br />
pour certains d’entre eux, le parcours<br />
<strong>de</strong>vient encore plus douloureux… Ils ne<br />
savent pas où est le corps <strong>de</strong> leur bébé…<br />
Ils ont manqué d’informations ou ne les<br />
ont pas entendues à <strong>la</strong> maternité,<br />
notamment sur les dé<strong>la</strong>is <strong>de</strong> crémation<br />
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qui ont parfois semblé très longs.<br />
L’autopsie a-t-elle eu lieu ? Quand ? Où ?<br />
Le corps a-t-il déjà fait l’objet d’une<br />
crémation ? Quand ? Où ? Certains<br />
arrivent à téléphoner, à retourner dans les<br />
lieux où ils ont perdu leur bébé… bien<br />
souvent, ce sont eux-mêmes qui appellent<br />
le service <strong>de</strong> maternité ou <strong>la</strong> chambre<br />
mortuaire, ou le crématorium, ou le<br />
service d’anatomo-foeto-pathologie…<br />
L’impression que <strong>la</strong> dignité <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> n’a<br />
pas été respectée peut s’installer, ou le<br />
sentiment que le corps n’a pas eu<br />
d’importance pour l’hôpital, que ces petits<br />
ne sont pas reconnus comme <strong>de</strong>s bébés…<br />
Par exemple, une semaine après<br />
l’accouchement, les parents <strong>de</strong> Léann ont<br />
voulu savoir si une date <strong>de</strong> crémation<br />
était fixée. Ils ont appelé <strong>la</strong> chambre<br />
mortuaire qui leur a répondu : « nous<br />
n’avons pas reçu <strong>de</strong> corps <strong>de</strong> bébé, il<br />
n’est pas là, il faut voir avec <strong>la</strong> maternité<br />
ce qu’ils en ont fait ».<br />
La précision du dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> <strong>la</strong> crémation<br />
après l’accouchement est essentielle :<br />
parfois il y a un écart entre ce que dit <strong>la</strong><br />
maternité et ce qu’il se passe ensuite.<br />
L’hôpital <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en principe aux<br />
familles si elles souhaitent savoir quand a<br />
lieu <strong>la</strong> crémation. Si elles en ressentent le<br />
besoin, elles peuvent se recueillir dans<br />
une église ou ailleurs pour accompagner<br />
spirituellement leur <strong>enfant</strong>. Certains<br />
parents regrettent amèrement le fait <strong>de</strong><br />
n’apprendre qu’a posteriori <strong>la</strong> date et<br />
l’heure <strong>de</strong> <strong>la</strong> crémation.<br />
Ainsi, les parents d’Aïhnoa — décédée le 8<br />
septembre 2010 — souhaitaient savoir si <strong>la</strong><br />
crémation du corps <strong>de</strong> leur bébé avait eu<br />
lieu… information impossible à obtenir. On<br />
leur disait qu’elle n’avait pas encore eu<br />
lieu. Ils ne savaient plus à qui le<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r. Fin novembre, ils ne savaient<br />
toujours pas. L’IMG avait eu lieu début<br />
septembre. Puis, ils ont su. La crémation<br />
avait eu lieu fin septembre. Ils avaient<br />
24<br />
passé <strong>de</strong>ux mois à penser le corps <strong>de</strong> leur<br />
bébé encore à l’hôpital.<br />
Les parents <strong>de</strong> Léann avaient <strong>de</strong>mandé,<br />
en quittant <strong>la</strong> maternité, dans quel dé<strong>la</strong>i<br />
aurait lieu <strong>la</strong> crémation… « 10 à 15 jours »<br />
leur avait-on dit… Elle <strong>de</strong>vait donc<br />
intervenir avant les fêtes <strong>de</strong> fin d’année,<br />
avant Noël… Finalement elle eut lieu 6<br />
semaines plus tard, alors que les parents<br />
n’y étaient pas préparés, cette attente a<br />
été très douloureuse…<br />
D’autres parents à <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> cette<br />
date <strong>de</strong> crémation enten<strong>de</strong>nt au moment<br />
<strong>de</strong> leur appel « ça ne sert à rien d’avoir<br />
une date d’anniversaire en plus »… et<br />
pourtant, pour nous, parents, ce<strong>la</strong> nous<br />
ai<strong>de</strong> souvent à avancer dans notre <strong>de</strong>uil,<br />
cette date est pour certains d’entre nous<br />
d’une extrême importance… une façon <strong>de</strong><br />
s’assurer que tout est bien fini…<br />
Et puis certains parents n’osent pas<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r tout simplement, pour d’autres<br />
c’est trop douloureux. D’autres ne sont<br />
pas prêts à retourner dans le service,<br />
l’hôpital où ils ont perdu leur <strong>enfant</strong>, ni<br />
même téléphoner…<br />
Les cendres<br />
Où sont dispersées les cendres ? La<br />
maman <strong>de</strong> Margot a entendu <strong>la</strong> réponse<br />
suivante à cette interrogation : « quelles<br />
cendres ? Y a pas <strong>de</strong> cendres car le<br />
niveau <strong>de</strong> calcification est trop faible. »<br />
La maman ne le savait pas… on lui a parlé<br />
<strong>de</strong> « cendres symboliques » ce qui<br />
n’avaient plus du tout <strong>la</strong> même<br />
signification pour elle…<br />
Le Carré <strong>de</strong>s anges<br />
Dans certains cimetières, les parents<br />
découvrent qu’il n’y a pas d’endroit<br />
spécifique pour les bébés pour se<br />
recueillir. Où sont passées les cendres ?<br />
Pourquoi le carré n’est-il pas «<br />
systématique », à l’intention <strong>de</strong> toutes les<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
crémations collectives ?<br />
L’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> précision du lieu où<br />
seront dispersées les cendres ne saurait<br />
être sous-estimée. En effet, plusieurs<br />
parents se sont recueillis à <strong>de</strong>s endroits<br />
où ne reposait même pas leur <strong>enfant</strong>.<br />
La maternité avait expliqué à <strong>la</strong> maman<br />
<strong>de</strong> Léann qu’il y avait un Carré <strong>de</strong>s anges<br />
au cimetière, « indiqué à l’entrée sur le<br />
p<strong>la</strong>n ». Or, le carré n’existe pas. On trouve<br />
juste <strong>de</strong>ux jardins du souvenir. Après être<br />
allés se renseigner au crématorium, les<br />
parents ont appris que les corps <strong>de</strong>s<br />
bébés pris en charge par l’hôpital<br />
reposaient non pas au jardin du souvenir<br />
— où ils s’étaient recueillis — mais au<br />
jardin <strong>de</strong>s personnes ayant fait don <strong>de</strong><br />
leur corps à <strong>la</strong> science.<br />
La fratrie<br />
Certains parents ont déjà <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s en<br />
vie au moment du décès du bébé attendu.<br />
Ils doivent donc aussi accompagner les<br />
frères et sœurs dans le <strong>de</strong>uil. L’existence<br />
d’un lieu <strong>de</strong> recueillement concret compte<br />
aussi pour eux.<br />
Margot, 3 ans, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> sœur <strong>de</strong> Léann,<br />
s’est rendue avec sa mère au jardin du<br />
souvenir où <strong>de</strong>vait reposer sa petite sœur.<br />
Or, ce n’était pas le bon jardin. Elle avait<br />
cherché en faisant le tour du cimetière<br />
avec sa mère le Carré <strong>de</strong>s anges indiqué<br />
par l’hôpital, celui-là même qui n’existait<br />
pas. La mère avait jugé qu’il fal<strong>la</strong>it aller à<br />
un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux jardins du souvenir. Là, <strong>de</strong>s<br />
personnes avaient dispersés <strong>de</strong>s cendres,<br />
en tas. Margot a alors <strong>de</strong>mandé : « c’est<br />
quoi ces tas gris ? ». Sa mère ne<br />
s’attendait pas à ces cendres si visibles et<br />
encore moins à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> sa fille.<br />
Margot appelle aujourd’hui le lieu <strong>de</strong><br />
recueillement <strong>de</strong> Léann : « le jardin <strong>de</strong> ma<br />
petite sœur ».<br />
Les mots qui font mal<br />
Est-il acceptable d’entendre : votre bébé<br />
25<br />
est administrativement « une pièce<br />
anatomique », fait partie <strong>de</strong>s « résidus<br />
humains anonymes »… Des parents ont<br />
entendu parler <strong>de</strong> caisses ou <strong>de</strong> caissons<br />
comme <strong>la</strong> maman <strong>de</strong> Léann : « on ne peut<br />
pas faire partir un caisson à moitié<br />
plein »; « les caissons ne sont pas encore<br />
arrivés, il y a eu un problème <strong>de</strong><br />
transport. »<br />
La maman <strong>de</strong> Gabriel, décédé le 1er<br />
décembre 2006 a entendu : « les caisses<br />
sont arrivées tôt ce matin, du coup ce<strong>la</strong> a<br />
été fait tout <strong>de</strong> suite », puis : « le<br />
prochain convoi est prévu le 22 décembre<br />
». Cette mère a imaginé <strong>de</strong>s horreurs. Elle<br />
n’avait plus un convoi funéraire en tête,<br />
mais <strong>de</strong>s trains à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong>s fours<br />
crématoires. « Horreur !!! Je suis à fleur<br />
<strong>de</strong> peau, tout est dramatique, tout est<br />
triste, rien ne va plus. »<br />
Les parents <strong>de</strong> Léann après avoir<br />
découvert que le Carré <strong>de</strong>s anges<br />
n’existait pas, que les corps <strong>de</strong>s bébés<br />
ayant fait l’objet d’une crémation par<br />
l’hôpital et par leur famille ne reposaient<br />
pas au même endroit ont dit : « nous<br />
retournons à <strong>la</strong> voiture, mon mari veut<br />
en rediscuter avec le crématorium, il<br />
veut savoir, si on peut au moins acheter<br />
un cercueil pour notre bébé et qu’ils l’y<br />
installent. » Ces parents témoignent <strong>de</strong><br />
leurs re<strong>la</strong>tions pénibles avec les<br />
hôpitaux, <strong>de</strong> leur manque d’information.<br />
Ils ne sont pas les seuls parents à être<br />
surpris et à ne pas comprendre cette<br />
prise en charge <strong>de</strong>s corps <strong>de</strong> leur bébé :<br />
« comme nous avons aussi eu <strong>de</strong>s infos<br />
sur les dé<strong>la</strong>is <strong>de</strong> crémation et leurs<br />
raisons, mon mari questionne sur ce<br />
thème et non, il n’y a pas <strong>de</strong> crémation<br />
collective (comme on nous l’a <strong>la</strong>issé<br />
entendre à l’hôpital), on ne peut pas<br />
savoir ce qu’il y a dans les « caissons »<br />
qui sont scellés, le crématorium<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à ce qu’il n’y ait que <strong>de</strong>s fœtus<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
par question <strong>de</strong> déontologie, mais ils ne<br />
le savent pas et <strong>la</strong> chambre mortuaire <strong>de</strong><br />
l’hôpital m’avait bien fait comprendre<br />
qu’il n’y aurait pas que <strong>de</strong>s bébés dans<br />
ce caisson… »<br />
Lorsque <strong>la</strong> prise en charge par l’hôpital<br />
est vécue par les parents, voilà ce que<br />
certains ressentent : « Je regrette tout<br />
ce<strong>la</strong>, j’ai l’impression d’être une mère<br />
indigne !!! » Certains parents ont fui <strong>la</strong><br />
mort <strong>de</strong> leur bébé pendant <strong>de</strong>s jours, <strong>de</strong>s<br />
semaines, <strong>de</strong>s mois, voire <strong>de</strong>s années et<br />
un jour ont voulu savoir… savoir parfois<br />
qui était ce bébé mais aussi savoir où il<br />
reposait, quand, comment l’hôpital s’était<br />
occupé du corps… La maman <strong>de</strong> Mathias a<br />
voulu savoir… 33 ans plus tard : « on est<br />
tellement démuni quand ce<strong>la</strong> arrive qu’on<br />
est incapable <strong>de</strong> savoir quelle décision<br />
prendre. Alors que faire quand il n’y a<br />
plus aucune trace ? »<br />
J’ai souhaité évoquer les difficultés<br />
rencontrées par les familles, afin<br />
d’améliorer encore l’accompagnement,<br />
mais beaucoup <strong>de</strong> choses sont déjà très<br />
bien faites, un grand merci aux<br />
professionnels qui accompagnent les<br />
familles en<strong>de</strong>uillées.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
De nombreuses questions émergent <strong>de</strong>s<br />
propos qui viennent d’être tenus. À<br />
l’instar <strong>de</strong> ce qui se pratique en<br />
Allemagne ou en Ir<strong>la</strong>n<strong>de</strong>, est-il<br />
envisageable <strong>de</strong> donner un nom aux<br />
<strong>enfant</strong>s nés sans vie et non pas seulement<br />
un prénom ?<br />
Marc DUPONT<br />
Cette question <strong>de</strong>vrait être posée au<br />
légis<strong>la</strong>teur…<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Pourquoi le nom et le prénom <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong><br />
26<br />
ne sont-ils pas inscrits sur le certificat<br />
d’accouchement ?<br />
Marc DUPONT<br />
Ce certificat concerne <strong>la</strong> mère. Le<br />
prénom, quant à lui, est un élément<br />
faisant partie <strong>de</strong> l’état civil. C’est au<br />
moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’<strong>enfant</strong> sans<br />
vie que <strong>la</strong> mère, à ce propos, doit se<br />
déterminer. Le certificat d’accouchement<br />
affirme qu’un <strong>enfant</strong> est né par<br />
accouchement. La mère est libre <strong>de</strong><br />
s’adresser ensuite à l’état civil, avec ce<br />
certificat, ou <strong>de</strong> s’abstenir.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Des témoignages forts ont mis en<br />
évi<strong>de</strong>nce le cas <strong>de</strong> figure redoutable dans<br />
lequel le corps <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> est très abimé.<br />
Que dire en pareil cas ? Faut-il tenir un<br />
<strong>la</strong>ngage <strong>de</strong> vérité ou recourir à<br />
l’euphémisme, au risque d’être<br />
infantilisant ? La vérité crue est-elle dite à<br />
chaque fois ?<br />
Guillemette PORTA<br />
Il est impossible d’être catégorique quant à<br />
ce qu’il « faut dire ». La tentation est<br />
gran<strong>de</strong> <strong>de</strong> projeter sur autrui ses propres<br />
sentiments et angoisses. La difformité ne<br />
sera pas ressenti <strong>de</strong> <strong>la</strong> même manière par <strong>la</strong><br />
mère, en présence <strong>de</strong> ce qu’elle a porté<br />
dans son corps, et par un tiers. Il est parfois<br />
pire d’imaginer les choses que <strong>de</strong> les voir.<br />
Face à l’extrême, il est pour le moins ardu<br />
<strong>de</strong> tenir <strong>de</strong>s propos <strong>de</strong> portée générale.<br />
Solenn VARGAS<br />
Insistons sur l’importance <strong>de</strong> donner du<br />
temps. Il importe que les personnels<br />
médicaux sachent prendre leur temps. En<br />
sachant prendre son temps, on minimise<br />
le risque <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>dresse et<br />
d’incompréhension. Lorsque l’échange<br />
parvient à s’inscrire dans <strong>la</strong> durée et n’est<br />
pas précipité, alors les parents sont prêts<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
à entendre et à verbaliser ce qu’ils ont<br />
envie <strong>de</strong> savoir et <strong>de</strong> faire.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Le temps n’est-il pas, précisément, ce qui<br />
fait défaut ?<br />
Une participante<br />
Je travaille à un hôpital pédiatrique, en<br />
chambre mortuaire. Nous éprouvons <strong>de</strong>s<br />
difficultés dans l’accompagnement <strong>de</strong>s<br />
parents, lorsque <strong>la</strong> sortie <strong>de</strong> <strong>la</strong> maman <strong>de</strong><br />
l’hôpital intervient très rapi<strong>de</strong>ment. Le<br />
dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> 10 jours, dans certains cas, n’est<br />
pas suffisant. Ainsi, il est très difficile <strong>de</strong><br />
faire revenir une maman traumatisée à<br />
l’hôpital, après que cette <strong>de</strong>rnière l’a, par<br />
exemple, quitté au bout <strong>de</strong> trois jours.<br />
Nous ne contraignons pas les mères à<br />
déterminer leur choix dans un dé<strong>la</strong>i strict<br />
<strong>de</strong> 10 jours.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
<strong>Quel</strong> soutien aux familles, sur le p<strong>la</strong>n<br />
psychologique, peut-on appeler <strong>de</strong> ses<br />
vœux ?<br />
Solenn VARGAS<br />
De notre point <strong>de</strong> vue, le soutien<br />
psychologique doit débuter dès l’annonce<br />
d’une anomalie ou d’un handicap. Il va <strong>de</strong><br />
soi que l’annonce d’une mort fœtale in<br />
utero est parfaitement traumatisante et<br />
sidérante. La mère passe littéralement<br />
dans une autre dimension, dès lors qu’elle<br />
l’entend. Le soutien psychologique n’est<br />
pas systématiquement proposé, alors qu’il<br />
est essentiel.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
L’accompagnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> fratrie ne sauraitêtre<br />
négligé. En effet, comment peut-on<br />
parler d’un tel événement à <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s ?<br />
Solenn VARGAS<br />
Le choix <strong>de</strong> bénéficier d’un soutien<br />
27<br />
psychologique doit être <strong>la</strong>issé à<br />
l’appréciation <strong>de</strong>s parents, que ce soit<br />
pour eux-mêmes ou pour <strong>la</strong> fratrie.<br />
Une participante<br />
Je suis sage-femme, travail<strong>la</strong>nt en salle <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong>. De <strong>la</strong> salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong> à <strong>la</strong><br />
chambre mortuaire, il existe un fossé<br />
considérable. Le type <strong>de</strong> personnel que<br />
l’on croise diffère radicalement d’un lieu à<br />
l’autre. D’un côté, nous avons un lieu <strong>de</strong><br />
vie. De l’autre, nous sommes en présence<br />
d’un lieu dédié à <strong>la</strong> mort. Sur le p<strong>la</strong>n<br />
juridique, combien <strong>de</strong> temps pouvonsnous<br />
conserver un <strong>enfant</strong> mort en salle <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong>, sans être dans l’illégalité ? J’ai<br />
souvenir <strong>de</strong> personnes sous le choc d’une<br />
mort périnatale revenues pourtant le<br />
len<strong>de</strong>main pour revoir le bébé. Il s’agissait<br />
d’ailleurs pour elles d’un moment<br />
extrêmement important. On nous presse<br />
d’adresser les corps en chambre<br />
mortuaire, lieu souvent très violent. De<br />
combien <strong>de</strong> temps disposons-nous pour<br />
les conserver ?<br />
Marc DUPONT<br />
Aucun texte ne prévoit quoi que ce soit.<br />
On considère que les seuls impératifs<br />
découlent <strong>de</strong>s conditions à respecter, dans<br />
<strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>s corps. Ces <strong>de</strong>rniers,<br />
<strong>de</strong> fait, doivent passer rapi<strong>de</strong>ment en<br />
chambre mortuaire.<br />
Une participante<br />
C’est-à-dire, sous quel dé<strong>la</strong>i ?<br />
Marc DUPONT<br />
On peut avancer l’ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />
quelques heures, d’une dizaine d’heures…<br />
Tout dépend <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> conservation<br />
<strong>de</strong>s corps en unité <strong>de</strong> soins. Si ces<br />
conditions sont correctes et décentes,<br />
alors il n’y a pas lieu <strong>de</strong> discuter. Tout est<br />
envisageable dès lors qu’on respecte <strong>la</strong><br />
nécessité <strong>de</strong> bien conserver un corps et<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
que l’on agit – au cas par cas – dans<br />
l’intérêt <strong>de</strong>s familles. Il n’existe pas <strong>de</strong><br />
texte applicable pour trancher les<br />
situations, en quelque sorte<br />
automatiquement.<br />
Une participante<br />
Il est traumatisant pour une personne<br />
d’accoucher dans une salle pour être<br />
conviée le len<strong>de</strong>main dans une chambre<br />
mortuaire.<br />
Solenn VARGAS<br />
Le moment où l’on accouche en salle <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong> est le seul qui s’apparente à <strong>la</strong><br />
maternité. Il s’évanouit très vite…<br />
De <strong>la</strong> salle<br />
Parfois, les parents restent en présence<br />
<strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> mort-né pendant <strong>de</strong>ux heures,<br />
en chambre <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>. À l’inverse, il<br />
peut encore arriver que l’on ne <strong>la</strong>isse<br />
même pas une mère toucher son bébé.<br />
C’est là une chose dramatique que<br />
d’escamoter le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>naissance</strong>.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Des propos très ma<strong>la</strong>droits peuvent<br />
encore être tenus, dans <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> soin<br />
mais également, par exemple, à <strong>la</strong> CPAM.<br />
Guillemette PORTA<br />
Les contraintes administratives au niveau<br />
<strong>de</strong>s caisses d’allocations familiales, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Sécurité sociale, peuvent générer <strong>de</strong>s<br />
blessures. Naturellement, les intervenants<br />
font ce qu’ils peuvent, mais ils<br />
gagneraient à être davantage informés <strong>de</strong><br />
ce que sont les situations. Surtout, le droit<br />
applicable doit être mieux connu.<br />
NOTE :<br />
2. http://www.cour<strong>de</strong>cassation.fr/jurispru<strong>de</strong>nce_2/<br />
premiere_chambre_civile_568%29/arrets_06_11171.html<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
28
PREMIÈRE<br />
TABLE RONDE<br />
Autour<br />
du temps<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> maternité<br />
De l’annonce du handicap ou<br />
du décès à <strong>la</strong> prise en charge<br />
• Jean Gabriel Martin, Échographiste, Orléans<br />
• Thierry Billette <strong>de</strong> Villemeur, Pédiatre, Hôpital Trousseau<br />
• Marie Douce, Sage-femme <strong>de</strong> <strong>la</strong> FHP<br />
• Jean-Philippe Legros, Psychologue clinicien, Hôpital Saint-Vincent-<strong>de</strong>-Paul<br />
• Aurélie Serry, CIANE<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Pour les parents confrontés à <strong>la</strong> mort<br />
périnatale, tout démarre, bien souvent, au<br />
moment <strong>de</strong> l’annonce <strong>de</strong> quelque chose<br />
d’anormal, parfois d’une mort fœtale.<br />
C’est un moment décisif et redoutable.<br />
Les mots qui sont prononcés ont <strong>de</strong> fortes<br />
chances <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer inscrits <strong>de</strong> façon<br />
indélébile dans les mémoires. <strong>Quel</strong>s mots<br />
utiliser pour parler du handicap, d’images<br />
anormales ? Comment passer <strong>de</strong>s mots<br />
<strong>de</strong> l’espoir aux mots du malheur ?<br />
29<br />
Il n’existe pas <strong>de</strong><br />
bonne annonce, mais<br />
il est <strong>de</strong>s choses à ne<br />
pas faire<br />
Jean-Gabriel MARTIN<br />
En préambule, je soulignerai que<br />
l’échographie obstétricale permet avant<br />
tout <strong>de</strong> sauver <strong>de</strong>s vies <strong>de</strong> mères, <strong>de</strong>s vies<br />
d’<strong>enfant</strong>, en dépistant à temps <strong>de</strong>s<br />
anomalies. Tout d’abord, <strong>la</strong> technique rend<br />
possible une datation correcte <strong>de</strong>s<br />
grossesses. La généralisation <strong>de</strong>s<br />
techniques <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine fœtale est à<br />
l’origine <strong>de</strong> progrès majeurs. À l’heure<br />
actuelle, le tissu d’échographistes se<br />
fragilise. Une femme endurant une<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
grossesse compliquée en province aura du<br />
mal à accé<strong>de</strong>r à l’échographie. Je tiens à<br />
le souligner.<br />
Un couple tend à venir à l’échographie au<br />
premier, <strong>de</strong>uxième ou troisième trimestre<br />
<strong>de</strong> grossesse un peu en routine. Certes, il<br />
peut survenir <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts ; mais, après<br />
tout, « ça n’arrive qu’aux autres ».<br />
Lorsque l’échographiste appose sa son<strong>de</strong><br />
pour objectiver une anomalie, il déclenche<br />
un basculement <strong>de</strong> registre du bonheur<br />
vers l’angoisse. Comment annoncer à un<br />
couple que tout ne se passe pas bien,<br />
voire même que l’on constate une mort in<br />
utero ? Au bout <strong>de</strong> trente années <strong>de</strong><br />
pratique, je ne sais pas encore répondre à<br />
ces questions. Il n’existe pas <strong>de</strong> bonne<br />
annonce. En revanche, certaines choses<br />
sont parfaitement à proscrire. Il y a <strong>de</strong>s<br />
décennies, il n’était pas rare que <strong>de</strong>s<br />
parents enten<strong>de</strong>nt, à propos d’une fausse<br />
couche au premier trimestre <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
grossesse : « dans <strong>la</strong> nature, 10 % <strong>de</strong>s<br />
grossesses n’aboutissent pas. N’y pensez<br />
plus. Vous en ferez un autre ».<br />
Heureusement, les psychologues et les<br />
psychiatres nous ont appris à ne plus dire<br />
<strong>de</strong> bêtises. Le discours a changé.<br />
Si <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>dresse est à proscrire sur un<br />
p<strong>la</strong>n psychologique, on doit également se<br />
gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s affirmations catégoriques<br />
alors que subsistent, malgré tout, <strong>de</strong>s<br />
raisons <strong>de</strong> douter. J’ai souvenir d’un<br />
diagnostic échographique erroné, à cause<br />
d’un mauvais rég<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> l’échographe. En<br />
l’occurrence, un collègue avait annoncé à<br />
tort une hydrocéphalie. Ensuite, nous<br />
avons eu toutes les peines du mon<strong>de</strong> à<br />
convaincre les parents qu’il n’existait pas<br />
<strong>de</strong> di<strong>la</strong>tation <strong>de</strong>s ventricules, mais qu’une<br />
information erronée leur avait été<br />
communiquée du fait d’un mauvais<br />
rég<strong>la</strong>ge. Ces parents ont vécu une<br />
grossesse abominable, remplie <strong>de</strong> doutes.<br />
Ils ne croyaient plus ceux qui leur<br />
30<br />
affirmaient avec force que tout al<strong>la</strong>it bien.<br />
Ne soyons donc pas péremptoires lorsqu’il<br />
n’est pas approprié <strong>de</strong> l’être. Parfois on<br />
peut être affirmatif (anencéphalie,<br />
absence d’activité cardiaque), parfois on<br />
doit conserver un doute. Je suis<br />
intimement convaincu qu’il convient<br />
d’être précis et le plus exhaustif possible<br />
au moment <strong>de</strong> l’annonce. Certes, il est<br />
impératif <strong>de</strong> savoir exprimer ses doutes.<br />
Les interlocuteurs <strong>de</strong> l’échographiste ont<br />
besoin d’un discours <strong>de</strong> vérité. Celui-ci<br />
englobe <strong>la</strong> certitu<strong>de</strong> comme l’incertitu<strong>de</strong>.<br />
Un échographiste s’efforce d’être précis<br />
pour faire <strong>la</strong> part <strong>de</strong> ce qu’il sait <strong>de</strong> ce<br />
qu’il ne peut pas savoir.<br />
Souvent, lorsqu’il est question d’une<br />
annonce grave, le terme <strong>de</strong> sidération<br />
revient. Concrètement, les parents sont<br />
comme assommés. De ce fait, les<br />
explications produites par l’échographiste,<br />
après l’annonce, ne s’impriment pas dans<br />
les mémoires <strong>de</strong>s personnes stupéfaites. Il<br />
faut nécessairement répéter une<br />
information qui ne peut être saisie au<br />
moment où elle est délivrée pour <strong>la</strong><br />
première fois.<br />
Il y a 30 ans, <strong>la</strong> pratique consistait à aller<br />
au plus vite à l’interruption <strong>de</strong> grossesse<br />
dès lors qu’une anomalie grave était<br />
décelée. Certes, il n’y a pas beaucoup <strong>de</strong><br />
temps à perdre. Pourtant, il n’y a tout <strong>de</strong><br />
même pas lieu <strong>de</strong> précipiter les choses.<br />
On peut prendre le temps du bi<strong>la</strong>n et<br />
répondre aux questions qui viennent, petit<br />
à petit. L’état d’un fœtus est susceptible<br />
d’évoluer. Une di<strong>la</strong>tation cérébrale<br />
modérée peut <strong>de</strong>venir majeure ou rester<br />
modérée.<br />
Enfin, il est <strong>de</strong>s situations où le doute<br />
subsiste, <strong>de</strong> manière irréductible. On doit<br />
s’accommo<strong>de</strong>r du « peut-être ».<br />
L’essentiel <strong>de</strong>meure d’offrir le meilleur<br />
suivi aux patientes, grâce à <strong>la</strong><br />
pluridisciplinarité <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong><br />
dépistage prénataux. Seul le concours <strong>de</strong>s<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
cardiopédiatres, <strong>de</strong>s neuropédiatres, <strong>de</strong>s<br />
pédiatres, <strong>de</strong>s généticiens, permet<br />
d’aboutir à une information que l’on peut<br />
décrire comme <strong>la</strong> plus honnête possible.<br />
La prise en charge <strong>de</strong> qualité sait faire<br />
appel à <strong>de</strong>s personnes référentes, dans un<br />
réseau. L’interruption médicale <strong>de</strong><br />
grossesse apparaît souvent comme <strong>la</strong><br />
solution <strong>la</strong> meilleure, dans le contexte <strong>de</strong><br />
grossesses anormales. Toutefois, il n’en va<br />
pas toujours ainsi. Toutes les décisions<br />
parentales méritent le respect, quelles<br />
qu’elles soient.<br />
Quand les parents se<br />
trouvent brusquement<br />
assaillis <strong>de</strong> questions<br />
Thierry BILLETTE <strong>de</strong> VILLEMEUR<br />
En principe, le neuropédiatre est sollicité<br />
dans un <strong>de</strong>uxième temps. Il est en<br />
présence <strong>de</strong>s couples, parfois <strong>de</strong>s mères<br />
seules, lorsque ceux-ci ont été avertis<br />
d’une anomalie, après <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong><br />
clichés d’échographie. <strong>Quel</strong>que chose se<br />
passe sur leur <strong>enfant</strong>. Personnellement je<br />
parle toujours « d’<strong>enfant</strong>s ». En pareil<br />
contexte, le pédiatre discute avec les<br />
parents <strong>de</strong>s images obtenues, du compterendu<br />
rédigé par l’échographiste. Sur <strong>la</strong><br />
foi <strong>de</strong>s images et du compte-rendu, il<br />
s’agit <strong>de</strong> répondre aux interrogations<br />
parentales. Le pédiatre doit<br />
nécessairement vérifier ce qui a été fait et<br />
comment l’information médicale a été<br />
produite. Surtout, il s’agit <strong>de</strong> dire ce que<br />
l’anomalie signifie pour l’<strong>enfant</strong>. Une<br />
malformation cérébrale, par exemple, est<br />
associée à un pronostic. On pose <strong>la</strong><br />
question : quel sera le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong> ? <strong>Quel</strong>le vie peut impliquer <strong>la</strong><br />
malformation, pour lui ? <strong>Quel</strong> <strong>de</strong>gré<br />
d’incertitu<strong>de</strong> affecte le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong> ? Y aura-t-il un handicap ? Dans<br />
l’affirmative, quelle sera <strong>la</strong> gravité <strong>de</strong><br />
31<br />
celui-ci ? L’une <strong>de</strong>s questions essentielles<br />
est liée au risque d’atteinte intellectuelle.<br />
Souvent, les parents <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt : « le<br />
handicap se verra-t-il ? » L’incertitu<strong>de</strong> est<br />
parfois renforcée lorsqu’il faut considérer<br />
les conséquences potentielles d’un<br />
traitement, d’une chirurgie réparatrice ou<br />
compensatrice. Malgré tout, on tente<br />
d’anticiper sur ce que pourrait être <strong>la</strong> vie<br />
<strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong>, son autonomie re<strong>la</strong>tionnelle,<br />
sa sco<strong>la</strong>risation ou, au contraire, son<br />
p<strong>la</strong>cement dans un centre spécialisé.<br />
L’ensemble <strong>de</strong> ces questions s’adressent<br />
avant tout aux parents, que l’on s’attache<br />
à faire réfléchir à un handicap potentiel. Il<br />
va <strong>de</strong> soi qu’une telle hypothèse n’a<br />
jamais été prévue au départ <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
grossesse. C’est pourquoi, on s’efforce <strong>de</strong><br />
verbaliser ce que <strong>de</strong>s parents peuvent<br />
assumer en présence d’un handicap<br />
sérieux. Il ne peut être sans conséquences<br />
lour<strong>de</strong>s sur leurs vies, ainsi que sur celles<br />
<strong>de</strong>s autres frères et sœurs, qu’ils soient<br />
déjà nés ou à naître.<br />
Le choix essentiel qui se <strong>de</strong>ssine, en<br />
pareille circonstance, est celui <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
continuation ou <strong>de</strong> l’interruption médicale<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> grossesse. Ceci n’est pas toujours<br />
c<strong>la</strong>ir dans l’esprit <strong>de</strong>s parents, et il<br />
convient alors <strong>de</strong> les amener à<br />
comprendre <strong>de</strong> quoi il retourne. La<br />
décision relève toujours, en <strong>de</strong>rnière<br />
instance, <strong>de</strong>s parents, et en particulier <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> mère. C’est elle qui détermine l’issue<br />
d’une situation dramatique, totalement<br />
imprévue.<br />
Songeons à ces couples qui atten<strong>de</strong>nt un<br />
<strong>enfant</strong>. Il est là. Il bouge. La chambre est<br />
déjà prête. Brusquement, une alternative<br />
s’impose : continuer ou arrêter <strong>la</strong><br />
grossesse. <strong>Quel</strong>le option est plus légitime<br />
que l’autre ? L’une d’entre elles est-elle<br />
présentée comme <strong>la</strong> meilleure par les<br />
mé<strong>de</strong>cins ? En règle générale, le travail du<br />
mé<strong>de</strong>cin consiste à expliciter les<br />
implications <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
alternatives, sans affirmer qu’il existe un<br />
« bon » choix et un « mauvais ». Pour<br />
bien déci<strong>de</strong>r, il faut du temps. À ce propos,<br />
les pratiques d’hier sont révolues et l’on<br />
accor<strong>de</strong> désormais du temps. En effet,<br />
une telle décision peut hanter les parents<br />
pendant <strong>de</strong>s décennies. Par conséquent,<br />
l’information doit être totale. Il serait<br />
révoltant que <strong>de</strong>s personnes se disent, 10<br />
ans après : « si j’avais su, j’aurais agi<br />
autrement ».<br />
En principe, les parents veulent savoir. Ils<br />
ont besoin <strong>de</strong> connaître les causes <strong>de</strong><br />
l’anomalie, se <strong>de</strong>mandant : « pourquoi<br />
nous ? ». Le risque pour les grossesses<br />
suivantes doit impérativement être<br />
c<strong>la</strong>rifié. On indique si <strong>de</strong>s examens<br />
complémentaires seront inévitables dans<br />
le futur (amniosynthèse, examens<br />
biologiques, etc.). En principe, on<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une autopsie,<br />
après une interruption médicale <strong>de</strong><br />
grossesse, dans le but <strong>de</strong> disposer du<br />
diagnostic le plus précis possible <strong>de</strong><br />
l’anomalie du fœtus. L’information doit<br />
être donnée au gynécologue assurant le<br />
suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> patiente, c’est une question <strong>de</strong><br />
crédibilité.<br />
Lorsqu’une grossesse se passe mal et doit<br />
être interrompue, on entend souvent les<br />
couples, les mères en souffrance<br />
affirmer : « c’est <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière. Après ce que<br />
nous avons vécu, nous n’envisageons pas<br />
<strong>de</strong> recommencer ». Ce n’est que très<br />
progressivement que <strong>la</strong> vie reprend ses<br />
droits. Lorsqu’il faut envisager l’avenir, on<br />
doit être en mesure <strong>de</strong> livrer l’information<br />
<strong>la</strong> plus complète possible sur les résultats,<br />
les examens effectués <strong>autour</strong> d’une mort<br />
périnatale. C’est en fonction <strong>de</strong>s données<br />
dont on dispose qu’il est possible d’établir<br />
s’il y a lieu <strong>de</strong> surveiller particulièrement<br />
une grossesse ultérieure.<br />
En définitive, <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> société<br />
sont soulevées. <strong>Quel</strong>le p<strong>la</strong>ce sommesnous<br />
disposés à nous donner les uns aux<br />
32<br />
autres ? Comment notre société accueillet-elle<br />
le handicap lourd, ou le rejette-telle<br />
? Il arrive que <strong>de</strong>s parents ayant déjà<br />
accueilli un <strong>enfant</strong> polyhandicapé<br />
viennent voir les mé<strong>de</strong>cins en désirant<br />
une nouvelle grossesse, pour avoir cette<br />
fois un <strong>enfant</strong> normal. Ne pas souhaiter<br />
d’<strong>enfant</strong> handicapé ne signifie pas être<br />
eugéniste. Nous en sommes convaincus et<br />
nous ne saurions mé<strong>la</strong>nger les registres.<br />
Autour du temps<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> maternité<br />
Marie DOUCE<br />
Je viens pour témoigner essentiellement<br />
<strong>de</strong> mon expérience <strong>de</strong> sage-femme cadre,<br />
au pôle périnatal <strong>de</strong> l’hôpital privé <strong>de</strong><br />
Seine-Saint-Denis, même si j’ai commencé<br />
ma carrière à l’AP-HP. De <strong>la</strong> salle <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong> au retour au domicile, plusieurs<br />
étapes se succè<strong>de</strong>nt :<br />
l’accueil en salle d’accouchement ;<br />
<strong>la</strong> prise en charge pendant le travail ;<br />
l’accueil <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> ;<br />
les démarches administratives ;<br />
le <strong>de</strong>venir du corps.<br />
Avant arrivée en salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>, une<br />
patiente passe en consultation avec<br />
l’obstétricien, qui effectue un bi<strong>la</strong>n en<br />
fonction du diagnostic anténatal et en<br />
fonction <strong>de</strong>s souhaits <strong>de</strong>s parents. Sur <strong>la</strong><br />
base <strong>de</strong> l’historique dont il a<br />
con<strong>naissance</strong>, il expose le protocole mis<br />
en p<strong>la</strong>ce dans le cadre d’une IMG. Il<br />
effectue un lien avec les cadres<br />
administratifs, psychologues,<br />
éventuellement l’aumônerie. Il importe<br />
que les parents puisse choisir, y compris,<br />
s’ils le souhaitent, le refus <strong>de</strong> l’IMG et<br />
<strong>la</strong>isser l’<strong>enfant</strong> aller au terme naturel. À<br />
ce moment, il peut être pris en charge par<br />
l’unité <strong>de</strong> soins palliatifs du service <strong>de</strong><br />
néonatologie. Laisser le choix, comme il a<br />
précé<strong>de</strong>mment été souligné, est capital. À<br />
ma con<strong>naissance</strong>, <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser<br />
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l’<strong>enfant</strong> aller à terme n’a été prise qu’une<br />
seule fois, même si nous avons <strong>de</strong>s<br />
communautés religieuses extrêmement<br />
diverses dans le département, comportant<br />
<strong>de</strong>s personnes résolues à aller jusqu’au<br />
bout <strong>de</strong> leur foi.<br />
Deux cas <strong>de</strong> figure sont à distinguer : <strong>la</strong><br />
décision d’IMG et <strong>la</strong> constatation d’une<br />
mort in utero. Dans ce <strong>de</strong>rnier cas, il ne<br />
peut y avoir <strong>de</strong> préparation <strong>de</strong>s parents à<br />
accepter l’inéluctable. La sidération est<br />
immédiate, dès lors que <strong>la</strong> vérité est<br />
révélée. Par définition une IMG est<br />
programmée ; <strong>la</strong> conduite à tenir est<br />
précisée dans le dossier. Il n’est<br />
naturellement aucune p<strong>la</strong>ce <strong>la</strong>issée à<br />
l’improvisation. Dans notre établissement,<br />
<strong>la</strong> veille <strong>de</strong> l’exécution <strong>de</strong> l’IMG, <strong>la</strong> femme<br />
est hospitalisée dans le service <strong>de</strong>s<br />
grossesses à risques, à proximité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>. Même si <strong>la</strong> division où<br />
sont affectées les femmes subissant une<br />
IMG est spécifique, leur prise en charge<br />
relève tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong> <strong>la</strong> maternité. Ceci<br />
nous semble essentiel. Dès le début <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
prie en charge, les femmes entrent en<br />
salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>. Il est capital <strong>de</strong><br />
disposer <strong>de</strong> personnel dûment formé et<br />
expérimenté. En effet, il n’est pas aisé<br />
pour une sage femme fraîchement<br />
diplômée d’accompagner une femme<br />
<strong>de</strong>vant subir une IMG. Si <strong>la</strong> patiente le<br />
souhaite, un psychologue peut intervenir<br />
en salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>. Notre service<br />
comprend <strong>de</strong>ux psychologues. Ils sont<br />
accessibles à celles qui font état d’un<br />
besoin <strong>de</strong> soutien. En règle générale, nous<br />
cherchons à travailler avec <strong>de</strong>s équipes<br />
restreintes, au fait <strong>de</strong>s antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s<br />
patientes. Cette métho<strong>de</strong> évite les<br />
divergences <strong>de</strong> discours. Nous<br />
recherchons avant tout <strong>la</strong> cohérence, pour<br />
éviter aux patientes <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir<br />
recommencer à exposer leur histoire et<br />
leurs antécé<strong>de</strong>nts.<br />
33<br />
La technique que nous mettons en œuvre<br />
au cours d’une IMG est assez c<strong>la</strong>ssique.<br />
Elle consiste à recourir à 3 comprimés <strong>de</strong><br />
mifépristone, à 48 heures d’intervalle, ce<br />
à quoi on ajoute 1 à <strong>de</strong>ux comprimés<br />
vaginaux <strong>de</strong> Cytotec®. La péridurale est<br />
proposée <strong>de</strong> façon très précoce,<br />
idéalement avant le début du travail. Sur<br />
une interruption médicale <strong>de</strong> grossesse<br />
(ou dans le contexte d’un décès du fœtus<br />
in utero), le type <strong>de</strong> travail déclenché est<br />
un peu particulier. On a l’impression que<br />
rien ne se passe pendant un certain<br />
temps, puis le col lâche d’un coup. C’est<br />
pourquoi nous essayons <strong>de</strong> recourir à <strong>la</strong><br />
péridurale le plus en amont possible, afin<br />
<strong>de</strong> ne pas se faire surprendre. Dans le<br />
contexte <strong>de</strong> l’IMG, avant le travail, l’une<br />
<strong>de</strong>s questions les plus fréquemment<br />
formulées est « le bébé va-t-il souffrir ? »<br />
On entend encore : « à quel moment va-til<br />
mourir ? » On propose le foetici<strong>de</strong> si le<br />
terme est supérieur à 22 semaines. La<br />
mère est en principe un peu sédatée<br />
avant l’administration. On pratique une<br />
anesthésie sous contrôle échographique,<br />
avant l’injection d’un produit mortel soit<br />
dans le cordon, soit en intracardiaque.<br />
Avant 23 semaines, en règle générale, on<br />
n’a pas recours à un foetici<strong>de</strong>. En effet, il<br />
est a priori reconnu qu’il n’existe à ce<br />
sta<strong>de</strong> pas <strong>de</strong> perception <strong>de</strong> douleur<br />
fœtale.<br />
Comment accueillir et présenter l’<strong>enfant</strong> à<br />
<strong>la</strong> mère dans une situation <strong>de</strong>s plus<br />
délicates ? Une fois celui-ci né, il n’est<br />
présenté aux parents que s’ils le<br />
souhaitent. Bien entendu, il leur est<br />
possible <strong>de</strong> changer d’avis. Le cas<br />
échéant, l’<strong>enfant</strong> leur est remis et<br />
présenté comme un bébé vivant. C’est-àdire<br />
qu’on l’habille, si on le peut. Si<br />
l’habil<strong>la</strong>ge n’est pas envisageable, on a, à<br />
défaut recours à un <strong>la</strong>nge ou on tâche <strong>de</strong><br />
présenter le corps du mieux qu’on le peut.<br />
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Ainsi, si l’on peut employer un berceau, on<br />
n’hésite pas à le faire. Avant toute chose,<br />
nous sommes désireux <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser aux<br />
parents le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> recon<strong>naissance</strong>. Ne<br />
perdons pas <strong>de</strong> vue que <strong>la</strong> perception <strong>de</strong>s<br />
parents <strong>de</strong> l’être mort-né n’est pas celle<br />
que peuvent avoir les autres. La<br />
difformité n’est pas ressentie <strong>de</strong> <strong>la</strong> même<br />
manière. Le regard parental postule une<br />
certaine beauté. Il n’est en principe pas<br />
animé par le rejet. On ne doit donc pas<br />
nourrir <strong>de</strong> crainte disproportionnée.<br />
Des photographies sont prises et sont<br />
conservées dans le dossier médical. Les<br />
parents peuvent les réc<strong>la</strong>mer à n’importe<br />
quel moment. Il arrive qu’elles soient<br />
<strong>de</strong>mandées un ou <strong>de</strong>ux mois après<br />
l’accouchement. Un bracelet<br />
d’i<strong>de</strong>ntification est posé au poignet <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong> mort. Si les parents désirent<br />
passer du temps avec lui, ils le peuvent<br />
bien naturellement.<br />
Notre établissement est dépourvu <strong>de</strong><br />
chambre mortuaire. Nous disposons à <strong>la</strong><br />
p<strong>la</strong>ce d’un dépositoire, d’un endroit dédié<br />
en salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>. Le fait qu’il soit<br />
dédié permet aux parents <strong>de</strong> revenir voir<br />
le corps <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong> à n’importe quel<br />
moment. S’il le faut, on le ramène dans un<br />
berceau en chambre. Un membre <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
famille (le plus souvent un grand-père,<br />
une grand-mère) peut venir accompagner<br />
l’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux parents. Il n’est pas question<br />
que l’<strong>enfant</strong> mort soit vu en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
présence parentale pour ne pas fausser <strong>la</strong><br />
représentation que les parents pourraient<br />
avoir <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong>, par le prisme<br />
déformant <strong>de</strong> propos rapportés.<br />
En matière funéraire, nous pouvons<br />
appeler un aumônier, ou bien une<br />
personne en qui les parents ont confiance.<br />
Les démarches administratives, pour<br />
difficiles qu’elles soient, n’en sont pas<br />
moins inévitables. En principe, nous<br />
dressons un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> ce qu’il est possible<br />
34<br />
<strong>de</strong> faire (obsèques…) avec les parents. On<br />
leur remet un livret, gui<strong>de</strong> comportant les<br />
informations nécessaires, y compris celles<br />
re<strong>la</strong>tives à leurs droits auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Sécurité sociale, <strong>de</strong> <strong>la</strong> CAF. Il est parfois<br />
plus facile <strong>de</strong> lire que d’écouter, dans<br />
certains états psychologiques.<br />
Les actes sont toujours reportés dans le<br />
cahier d’accouchement. Lorsque nous<br />
établissons un certificat médical<br />
d’accouchement d’<strong>enfant</strong> né sans vie, on<br />
ajoute un certificat viable pour <strong>la</strong> sécurité<br />
sociale, afin d’épargner une démarche aux<br />
parents.<br />
Quant au <strong>de</strong>venir du corps, nous avons<br />
pour habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> le conserver 10 jours<br />
dans un endroit dédié. En principe, une<br />
décision est prise assez rapi<strong>de</strong>ment.<br />
Lorsqu’une autopsie est réalisée (dans un<br />
hôpital partenaire), les coordonnées du<br />
service d’anatomopathologie qui <strong>la</strong> réalise<br />
sont transmises aux parents. Ces <strong>de</strong>rniers<br />
signent un consentement, re<strong>la</strong>tivement<br />
aux choix opérés pour le <strong>de</strong>venir du corps.<br />
Ils sont naturellement informés du départ<br />
<strong>de</strong> celui-ci <strong>de</strong> l’hôpital.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Notre intervenant suivant, Jean-Philippe<br />
Legros, a ouvert une consultation <strong>de</strong><br />
psychologie dédiée à <strong>la</strong> mort périnatale.<br />
Publier, enfin,<br />
les bonnes pratiques<br />
en fœtopathologie<br />
Jean-Philippe LEGROS<br />
Je suis psychologue, exerçant <strong>de</strong>puis 22<br />
ans dans un centre <strong>de</strong> diagnostic<br />
anténatal, à l’Hôpital Saint Vincent <strong>de</strong><br />
Paul. Il n’est pas possible <strong>de</strong> passer sous<br />
silence l’affaire <strong>de</strong> 2005, connue sous le<br />
nom <strong>de</strong> « scandale <strong>de</strong> Saint Vincent <strong>de</strong><br />
Paul ». Je souhaite éc<strong>la</strong>irer ces<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
événements d’un témoignage intérieur à<br />
l’organisation <strong>de</strong> l’établissement <strong>de</strong> soins,<br />
afin <strong>de</strong> remettre les choses en<br />
perspective, notamment à l’aune du<br />
travail qui a été accompli avec <strong>de</strong>s<br />
associations <strong>de</strong> parents. Nous avons vécu<br />
un authentique scandale, à l’origine <strong>de</strong><br />
blessures irrémédiables infligées à <strong>de</strong>s<br />
femmes et à <strong>de</strong>s hommes confrontés à <strong>la</strong><br />
mort <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong>. Les événements ont<br />
aussi meurtri <strong>de</strong>s équipes, celles là même<br />
qui avaient justement inventé, et réfléchi<br />
à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce – <strong>de</strong>s années<br />
auparavant – <strong>de</strong>s pratiques<br />
respectueuses, à même <strong>de</strong> prendre en<br />
compte et <strong>de</strong> sou<strong>la</strong>ger <strong>la</strong> douleur<br />
incomprise <strong>de</strong>s mères et <strong>de</strong>s couples. À<br />
l’époque, il y eut dénonciation <strong>de</strong><br />
l’incohérence <strong>de</strong> sépultures du cimetière<br />
parisien <strong>de</strong> Thiais. À ce propos, j’avais<br />
mené une enquête en 1993. Un article<br />
avait d’ailleurs été publié par le journal <strong>la</strong><br />
Croix en 1996.<br />
En dépit du rapport accab<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> l’IGAS,<br />
les instigateurs d’une barbarie ne furent<br />
jamais inquiétés. Le directeur, les PU-PH<br />
incriminés continuent simplement<br />
d’exercer leurs fonctions, discréditant à<br />
jamais l’équipe <strong>de</strong> Saint Vincent <strong>de</strong> Paul.<br />
Fossoyeurs du nom et <strong>de</strong> <strong>la</strong> réputation <strong>de</strong><br />
cet hôpital, ces praticiens sans scrupule<br />
nous entraînèrent à jamais dans une<br />
honte inextinguible, en réduisant à néant<br />
toutes nos initiatives antérieures.<br />
Dans <strong>la</strong> droite ligne <strong>de</strong> ce déni, les<br />
recommandations <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute Autorité <strong>de</strong><br />
Santé re<strong>la</strong>tives aux bonnes pratiques<br />
fœtopathologiques, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s effets<br />
d’annonce, ne furent jamais publiées.<br />
Cette journée offre l’opportunité d’appeler<br />
<strong>de</strong> nos vœux <strong>la</strong> publication <strong>de</strong>s bonnes<br />
pratiques <strong>de</strong> fœtopathologie, avant<br />
qu’elles ne <strong>de</strong>viennent à leur tour un<br />
prochain scandale institutionnel. En effet,<br />
les travaux sont clos <strong>de</strong>puis décembre<br />
35<br />
2006. Des parents et <strong>de</strong>s professionnels<br />
atten<strong>de</strong>nt donc <strong>la</strong> publication <strong>de</strong> ces<br />
règles <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 5 ans.<br />
Plusieurs notions <strong>de</strong> mort périnatale sont<br />
en fait à différencier, car nous ne sommes<br />
pas en présence d’une entité unique et<br />
homogène. Dans le même ordre d’idées, il<br />
n’est pas pertinent <strong>de</strong> parler <strong>de</strong><br />
« handicap » sur un p<strong>la</strong>n général. Il n’y<br />
pas une mort périnatale, mais <strong>de</strong>s morts<br />
périnatales. On différenciera une fausse<br />
couche, une mort fœtale in utero et une<br />
interruption médicale <strong>de</strong> grossesse.<br />
Certaines fausses couches sont vécues<br />
comme un authentique <strong>de</strong>uil, même<br />
lorsqu’elles sont précoces. Il y a bel et<br />
bien perte d’un <strong>enfant</strong>, sans que l’on soit<br />
en droit <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> psychopathologie du<br />
<strong>de</strong>uil. Dans <strong>la</strong> mort fœtale in utero, <strong>la</strong><br />
mère fait face à une double culpabilité :<br />
celle <strong>de</strong> n’avoir pas perçu l’arrêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie<br />
en elle et celle <strong>de</strong> se percevoir en<br />
sépulture vivante. Dans l’interruption<br />
médicale <strong>de</strong> grossesse, c’est le vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
responsabilité du geste foetici<strong>de</strong> qui pèse<br />
sur une conscience. Il est bien souvent<br />
fondateur d’une culpabilité maternelle,<br />
même dans les cas d’anomalie létale.<br />
Nous avons à reconsidérer <strong>la</strong> notion <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>uil. En effet, les références au <strong>de</strong>uil<br />
c<strong>la</strong>ssique ne sont pas vali<strong>de</strong>s. Nous<br />
sommes en présence d’un <strong>de</strong>uil sexué. En<br />
vérité, l’homme et <strong>la</strong> femme ne réagissent<br />
pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> même manière. En dépit <strong>de</strong>s<br />
liens forts du couple, <strong>de</strong>s trous d’air dans<br />
<strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion peuvent se former. Nous<br />
sommes encore face à un <strong>de</strong>uil long et<br />
complexe, que l’on a trop vite fait <strong>de</strong> taxer<br />
<strong>de</strong> pathologique. Le <strong>de</strong>uil reste une<br />
dynamique. Le <strong>de</strong>uil d’un <strong>enfant</strong> qui aurait<br />
pu être – qui aurait dû être – est parfois<br />
perçu comme un chagrin d’amour<br />
illégitime aux yeux <strong>de</strong>s autres, à <strong>la</strong><br />
différence <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uils adultes, où <strong>la</strong> famille<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
joue un rôle <strong>de</strong> « contenant ». De fait, les<br />
réunions familiales servent à évoquer <strong>la</strong><br />
mémoire <strong>de</strong>s disparus. Avec une mort<br />
périnatale, les mêmes co<strong>de</strong>s ne sont pas<br />
opérants. L’évocation du mort n’est pas<br />
possible. Elle n’est pas acceptée.<br />
L’information <strong>de</strong>s parents est, en tous<br />
points, essentielle. Les premières paroles<br />
adressées à <strong>la</strong> femme, au couple, à <strong>la</strong><br />
suite d’une échographie anormale, sont<br />
lour<strong>de</strong>s d’implications. Les non-dits ne<br />
sont pas sans effet car les femmes voient<br />
ce que l’on ne voit pas. Elles enten<strong>de</strong>nt les<br />
mots qui ne sont pas prononcés. Dès lors<br />
que l’annonce est faite, le point <strong>de</strong> départ<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> fixation <strong>de</strong>s traumas est inscrit. Chez<br />
celle et celui qui l’entend, il s’opère<br />
comme une curarisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée.<br />
L’intervention du professionnel <strong>de</strong> santé<br />
est immédiatement requise pour ramener<br />
ses interlocuteurs à <strong>la</strong> réalité. La femme<br />
réalise le caractère paradoxal <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie<br />
qu’elle porte en elle. Lorsque<br />
l’interruption médicale <strong>de</strong> <strong>la</strong> grossesse se<br />
<strong>de</strong>ssine, les questions affluent. Comment<br />
va-t-il mourir ? Que va <strong>de</strong>venir ce corps,<br />
que je porte ? Notre pratique met en<br />
lumière que c’est davantage ce que l’on<br />
tait qui angoisse que ce que l’on dit.<br />
L’entretien avec le psychologue sert avant<br />
tout à éviter qu’un processus psychique<br />
se déclenche pour occasionner <strong>de</strong>s<br />
lésions irréversibles. Il est ainsi<br />
inconcevable <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser une femme (ou un<br />
couple) dans l’abandon et le silence après<br />
une annonce grave. Rester auprès d’eux<br />
est absolument nécessaire.<br />
Le psychologue considère que les rites<br />
funéraires sont précieux dans le<br />
processus <strong>de</strong> l’épreuve. On doit favoriser<br />
les rituels. Accompagner au mieux les<br />
parents, c’est leur permettre <strong>de</strong> prendre<br />
en charge eux-mêmes <strong>la</strong> sépulture <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong> qu’ils ont tant désiré. Lorsque <strong>de</strong>s<br />
36<br />
enjeux pour <strong>la</strong> fratrie existent, ils doivent<br />
être verbalisés. Les termes employés par<br />
les parents ne sont pas ceux <strong>de</strong>s acteurs<br />
auxquels ils sont confrontés. Il<br />
n’appartient à personne <strong>de</strong> les dépossé<strong>de</strong>r<br />
<strong>de</strong> leurs mots et <strong>de</strong> leur vécu. S’ils parlent<br />
d’un « <strong>enfant</strong> », il est dommageable <strong>de</strong><br />
vouloir parler à tout prix d’un « fœtus ».<br />
Enfin, le temps est sans doute l’enjeu<br />
capital. Seul le temps rend possible<br />
l’appropriation progressive <strong>de</strong> l’épreuve.<br />
Seul le temps permet d’assimiler le<br />
contenu d’une annonce grave et <strong>de</strong><br />
construire une décision réfléchie.<br />
L’incertitu<strong>de</strong> re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> décision <strong>de</strong><br />
poursuite ou d’interruption d’une<br />
grossesse questionne au plus haut point<br />
<strong>la</strong> légitimité parentale <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie<br />
ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort d’un « potentiel <strong>enfant</strong> ». Là<br />
encore, seul le temps transforme une<br />
décision réflexe en authentique projet. En<br />
conséquence, méfions-nous toujours <strong>de</strong>s<br />
décisions hâtives car les parents veulent<br />
très légitimement que tout soit entrepris<br />
pour sou<strong>la</strong>ger leurs souffrances. L’action<br />
précipitée est presque toujours<br />
condamnable. Si <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> décision d’une<br />
interruption médicale <strong>de</strong> grossesse n’est<br />
jamais une urgence, son exécution en<br />
constitue – quant à elle – une. En pareil<br />
moment, <strong>la</strong> prise en charge psychologique<br />
par une équipe compétente ne saurait<br />
faire défaut. Soigner, c’est consoler.<br />
Consoler, c’est restaurer <strong>la</strong> dignité <strong>de</strong><br />
l’humain. Après tout, il <strong>de</strong>meurera à<br />
jamais <strong>de</strong> l’inconso<strong>la</strong>ble en chacun <strong>de</strong><br />
nous.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Le témoignage d’Aurélie Serry va servir<br />
d’introduction à notre débat.<br />
Témoignage<br />
Aurélie SERRY<br />
Je rappelle, à cette occasion que le CIANE<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
défend le droit à bénéficier d’une écoute,<br />
d’un temps d’écoute, ainsi que celui à voir<br />
respecter ses choix. C’est parfaitement<br />
nécessaire, tant pour les parents que pour<br />
les <strong>enfant</strong>s. Je vous livre ce témoignage<br />
<strong>de</strong> Véronique et Frédéric.<br />
Le 17 avril 2005, avec 5 semaines<br />
d’avance, Quentin est né, petit garçon<br />
sans vie <strong>de</strong> 3kg200, petit frère <strong>de</strong> 3 filles<br />
(3, 6 et 8 ans), nées, elles, sans aucune<br />
difficulté. La <strong>naissance</strong> a eu lieu dans une<br />
petite maternité <strong>de</strong> « type 1 ».<br />
La grossesse <strong>de</strong> Quentin s’est bien passée<br />
et <strong>la</strong> <strong>naissance</strong> se dérou<strong>la</strong>it sans<br />
problème apparent. Le monitoring était<br />
branché tout au long du travail et <strong>de</strong><br />
l’expulsion, sans signe évocateur <strong>de</strong><br />
souffrance. Quentin est décédé lors du<br />
passage par le vagin. S’en est suivi<br />
ensuite pour moi une hémorragie. J’ai dû<br />
subir une révision utérine sous anesthésie<br />
générale. C’est à mon réveil que mon<br />
mari m’a appris que notre petit garçon<br />
restait sans vie. Il m’a tout <strong>de</strong> suite été<br />
proposé <strong>de</strong> le voir, <strong>de</strong> le prendre, contre<br />
moi, <strong>de</strong> faire du peau à peau. Mon mari<br />
continuait à être aussi entouré à coté <strong>de</strong><br />
moi. Des photos ont été prises <strong>de</strong> tous les<br />
3. Tout cet accompagnement s’est fait<br />
alors que l’hémorragie persistait. Je<br />
faisais une coagu<strong>la</strong>tion intra vascu<strong>la</strong>ire<br />
disséminée. Mon état se dégradant, j’ai dû<br />
être transférée en hélicoptère en service<br />
<strong>de</strong> réanimation d’Orléans.<br />
J’ai dû <strong>la</strong>isser mon fils dans les bras <strong>de</strong><br />
son papa. Tout le personnel présent, m’a<br />
accompagnée, mé<strong>de</strong>cins compris, jusqu’à<br />
<strong>la</strong> piste et m’a dit au revoir.<br />
Mon mari a été aidé dans tout le<br />
déroulement <strong>de</strong> « l’après », lui <strong>la</strong>issant<br />
ses choix. Nous avons été respectés dans<br />
le choix <strong>de</strong> ne pas faire d’autopsie. Il nous<br />
a été présenté les différentes ai<strong>de</strong>s<br />
possibles et d’accompagnement.<br />
Pendant les 2 jours passés en<br />
37<br />
réanimation, j’ai été formidablement<br />
accompagnée aussi bien pour les soins<br />
d’urgence (transfusion, soins corporels)<br />
que pour le suivi psychologique.<br />
Infirmières et infirmiers savaient s’arrêter<br />
et s’asseoir pour parler avec nous,<br />
attendre que je sois prête pour subir<br />
certains soins et examens parfois très<br />
douloureux. Mon époux a pu rester<br />
dormir sur un fauteuil, dans le service. Ils<br />
nous ont fait rencontrer les psychologues<br />
mais jamais rien imposé.<br />
Étant à 80 km <strong>de</strong> chez moi et <strong>de</strong> nos<br />
autres <strong>enfant</strong>s et mon état s’améliorant,<br />
j’ai été transférée dans un service <strong>de</strong><br />
gynécologie plus proche <strong>de</strong> mon domicile.<br />
J’ai ainsi pu revoir mes <strong>enfant</strong>s très<br />
rapi<strong>de</strong>ment. J’y suis restée 10 jours.<br />
Il a été tout <strong>de</strong> suite proposé à mon mari<br />
<strong>de</strong> rester jour et nuit. Il a pu apporter un<br />
mate<strong>la</strong>s d’appoint pour lui. Les <strong>enfant</strong>s<br />
ont pu venir jouer dans <strong>la</strong> chambre sans<br />
horaires fixes.<br />
Le personnel restait très proche, prenait<br />
le temps d’expliquer les résultats, les<br />
soins, les démarches à suivre, l’avenir, <strong>la</strong><br />
sortie……<br />
Les souvenirs que nous gardons <strong>de</strong> cette<br />
<strong>naissance</strong> toute particulière sont les<br />
personnes que nous avons rencontrées<br />
dans les différents hôpitaux.<br />
Nous avons été bien accompagnés dans<br />
ces moments <strong>de</strong> douleur. Nous avons pu<br />
revoir <strong>la</strong> sage-femme présente le jour <strong>de</strong><br />
l’accouchement et rediscuter <strong>de</strong> tous ces<br />
petits instants <strong>de</strong> l’accouchement, et<br />
comprendre aussi ce qui c’était passé.<br />
Le 23 mai 2008, Florentin est né à Amilly<br />
(45). Toute <strong>la</strong> grossesse a été un stress<br />
permanent. Le personnel <strong>de</strong> <strong>la</strong> maternité<br />
a encore su être à notre écoute et s’est<br />
adapté à nos besoins. Mon mari a été<br />
autorisé à rester jour et nuit auprès <strong>de</strong><br />
moi jusqu’à <strong>la</strong> <strong>naissance</strong> du bébé. J’ai pu<br />
rencontrer toutes les sages-femmes<br />
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avant et être rassurée sur le déroulement<br />
<strong>de</strong> l’accouchement.<br />
Nous remercions tout le personnel <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
maternité, du service <strong>de</strong> réanimation et le<br />
service <strong>de</strong> gynécologie.<br />
Véronique et Frédéric.<br />
À lire ce témoignage, on percevra que <strong>de</strong>s<br />
gestes, <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s, sont <strong>de</strong> nature à<br />
atténuer très significativement <strong>la</strong> violence<br />
<strong>de</strong> ce qui est vécu. C’est pourquoi <strong>la</strong><br />
diffusion <strong>de</strong>s bonnes pratiques revêt <strong>la</strong><br />
plus gran<strong>de</strong> valeur. Se comporter <strong>de</strong> façon<br />
appropriée ne s’improvise pas. Bénéficier<br />
<strong>de</strong> l’expérience accumulée importe si l’on<br />
veut ai<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s parents sidérés par<br />
l’adversité, sans préjuger <strong>de</strong> l’issue <strong>de</strong>s<br />
discussions. Il n’y a pas lieu <strong>de</strong> préempter<br />
les douloureuses décisions parentales, en<br />
prescrivant une ligne <strong>de</strong> conduite à tenir.<br />
Les parents ont avant tout besoin<br />
d’interlocuteurs loyaux, informatifs et<br />
attentifs, qui leur <strong>la</strong>issent le temps <strong>de</strong><br />
vivre une situation extrême en tentant <strong>de</strong><br />
refaire surface. Ils ne sont pas tenus<br />
d’accepter une ai<strong>de</strong> psychologique. En<br />
revanche, celle-ci doit être<br />
systématiquement proposée. Les<br />
situations sont gérées au moyen d’une<br />
série d’entrevues essentielles, tant pour<br />
les parents que pour les équipes <strong>de</strong> prise<br />
en charge. Il faut du temps pour<br />
verbaliser une réalité d’une violence<br />
inouïe. Certains services adressent <strong>de</strong>s<br />
condoléances officielles aux parents<br />
déplorant une mort périnatale. Cette<br />
attention nous semble importante.<br />
Débat<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Le moment <strong>de</strong> l’annonce est crucial. À ce<br />
propos, serait-il bon <strong>de</strong> s’inspirer <strong>de</strong> ce<br />
qui a cours dans le domaine du cancer ?<br />
Il est ici fait référence à l’annonce en<br />
<strong>de</strong>ux temps, qui fait intervenir un<br />
38<br />
mé<strong>de</strong>cin, puis une infirmière. Le but est,<br />
sans doute, <strong>de</strong> gérer au mieux un état <strong>de</strong><br />
sidération.<br />
Jean-Gabriel MARTIN<br />
Dans notre organisation, nous procédons<br />
quasiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> sorte. Lorsqu’une<br />
échographie détecte une anomalie, les<br />
parents sont orientés afin <strong>de</strong> prendre<br />
con<strong>naissance</strong> <strong>de</strong> ce qui se passe. Ou bien<br />
une échographie objective quelque chose<br />
réc<strong>la</strong>mant en soi l’attention, ou bien <strong>de</strong>s<br />
antécé<strong>de</strong>nts échographiques viennent<br />
s’inscrire dans un contexte particulier.<br />
Dans un dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> 24 à 48 heures,<br />
l’obstétricien qui gère le dossier fait le<br />
point avec les parents, souvent<br />
accompagné d’un psychologue. Même si le<br />
<strong>la</strong>ngage tenu au premier ren<strong>de</strong>z-vous est<br />
précis, il est inévitable <strong>de</strong> répéter les<br />
informations d’importance. C’est même<br />
indispensable compte tenu <strong>de</strong> l’inattendu<br />
alors révélé aux parents. Dans un premier<br />
temps, ces <strong>de</strong>rniers ont presque toujours<br />
envie d’entendre que ce qu’on leur<br />
raconte n’est pas vrai, <strong>de</strong> quitter en<br />
quelque sorte un cauchemar.<br />
Jean-Philippe LEGROS<br />
On tend malheureusement à négliger <strong>la</strong><br />
sidération <strong>de</strong>s soignants eux-mêmes. Le<br />
concept <strong>de</strong> sidération, à vrai dire,<br />
m’embarrasse. Une vraie dynamique<br />
psychologique s’instaure, si l’on ne <strong>la</strong>isse<br />
pas les parents seuls face à l’indicible. On<br />
ne peut pas <strong>la</strong>isser une femme à ellemême<br />
après lui avoir révélé les<br />
implications d’un prélèvement. Le choc<br />
est ru<strong>de</strong>, à <strong>la</strong> limite du concevable.<br />
Toutefois, il est souhaitable que <strong>la</strong><br />
fixation traumatique ne s’opère pas sur le<br />
mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> sidération. C’est là que l’on<br />
doit se méfier <strong>de</strong> <strong>la</strong> sidération <strong>de</strong>s<br />
soignants, qui peuvent être tentés <strong>de</strong><br />
s’éloigner <strong>de</strong>s parents, faute <strong>de</strong> trouver<br />
<strong>de</strong>s mots.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
Une participante<br />
Il est souhaitable <strong>de</strong> reprendre les mêmes<br />
termes que ceux employés par les<br />
parents. En salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>, il arrive<br />
que <strong>de</strong>s personnes soient immergées dans<br />
une distanciation terrible par rapport au<br />
cours <strong>de</strong>s choses. Les professionnels au<br />
contact <strong>de</strong> telles personnes ont, du moins,<br />
une gran<strong>de</strong> responsabilité, en tous cas un<br />
rôle majeur à jouer. Il consiste à apporter<br />
<strong>de</strong>s mots d’humanité, en restant très<br />
pru<strong>de</strong>nt, à cause <strong>de</strong> l’impératif <strong>de</strong> respect<br />
d’un principe <strong>de</strong> réalité. Gardons-nous <strong>de</strong>s<br />
discours très distanciés, car il serait<br />
coupable <strong>de</strong> se voiler <strong>la</strong> face. Longtemps,<br />
on a cherché à occulter <strong>la</strong> dimension<br />
affective <strong>de</strong>s choses.<br />
Jean-Philippe LEGROS<br />
Votre observation est juste. Vous<br />
soulignez l’importance capitale du<br />
temps, dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion. Il y a un<br />
« avant », un « pendant » et un<br />
« après ». Dans <strong>la</strong> verbalisation, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> sage-femme n’est pas celle du<br />
psychologue. On tend parfois à affirmer<br />
que les acteurs sont polyvalents. Ce n’est<br />
pas vrai. Leurs représentations, leurs<br />
points <strong>de</strong> vue ne se superposent en<br />
aucune manière.<br />
Marie DOUCE<br />
On le sait, le temps manque.<br />
Jean-Philippe LEGROS<br />
Les mots <strong>de</strong> l’anténatal ne sont pas les<br />
mêmes que ceux <strong>de</strong> <strong>la</strong> salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>.<br />
Une participante<br />
Le temps fait le lien entre les différents<br />
éléments qui entrent en ligne <strong>de</strong> compte.<br />
Les mots ne doivent pas dissimuler une<br />
stratégie d’évitement. Il ne sert pas à<br />
grand-chose d’affirmer « ça va passer ».<br />
Remp<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> réalité par le « ça »<br />
n’apporte rien.<br />
39<br />
Pierre BIENVAULT<br />
A-t-on perçu une évolution dans le<br />
comportement <strong>de</strong>s parents confrontés à<br />
une mort périnatale ?<br />
Thierry BILLETTE <strong>de</strong> VILLEMEUR<br />
Le handicap irrémédiable n’est pas<br />
acceptable. Il nous est arrivé <strong>de</strong> constater<br />
une modification <strong>de</strong>s choix parentaux, par<br />
exemple face au handicap. Ainsi, une<br />
étu<strong>de</strong> sur l’agénésie du corps calleux a<br />
objectivé un tel changement. Nous<br />
sommes là en présence d’un handicap<br />
incertain. En l’occurrence Marie-Laure<br />
Moutard a produit une étu<strong>de</strong> indiquant<br />
que les données disponibles sur ce type<br />
<strong>de</strong> malformation ont modifié les décisions<br />
parentales. On sait que 80 % <strong>de</strong>s<br />
agénésies du corps calleux évoluent<br />
plutôt favorablement et 20 % <strong>de</strong>s cas<br />
connaissent une évolution défavorable.<br />
Avant <strong>la</strong> disponibilité <strong>de</strong> ces données,<br />
60 % <strong>de</strong>s mères choisissaient<br />
l’interruption <strong>de</strong> grossesse. Depuis que<br />
l’on sait que le risque d’<strong>enfant</strong> anormal<br />
est <strong>de</strong> 20 %, environ 60 % <strong>de</strong>s mères<br />
optent pour <strong>la</strong> poursuite <strong>de</strong> <strong>la</strong> grossesse.<br />
Nous sommes donc en présence d’une<br />
inversion <strong>de</strong>s choix.<br />
Delphine HERON<br />
Considérons les termes que l’on emploie à<br />
propos d’une interruption médicale <strong>de</strong><br />
grossesse. Il est assez délétère <strong>de</strong> parler<br />
d’acceptation ou <strong>de</strong> rejet <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s<br />
couples. En pratique, une interruption<br />
volontaire pour raison médicale doit être<br />
<strong>de</strong>mandée par <strong>la</strong> mère. En ce sens, il est<br />
culpabilisant pour les couples <strong>de</strong> faire<br />
référence à un « refus d’IMG » <strong>de</strong> leur<br />
part.<br />
Elisabeth BLANCHARD-FREUND<br />
Je suis sage-femme cadre à <strong>la</strong> maternité<br />
<strong>de</strong>s Diaconesses, qui enregistre environ<br />
25 IMG par an. Au total, le service<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
travaille avec 30 sages-femmes. Par<br />
conséquent, chaque sage-femme n’est<br />
confrontée qu’à très peu <strong>de</strong> cas. La<br />
rareté <strong>de</strong> l’événement le rend sans<br />
aucun doute d’autant plus traumatique.<br />
On doit en tenir compte dans les<br />
débriefings. La question <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong><br />
l’événement rare concerne au plus haut<br />
point les programmes <strong>de</strong> formation<br />
continue <strong>de</strong>s équipes <strong>de</strong> maternité, ainsi<br />
que leur supervision.<br />
Jean-Philippe LEGROS<br />
Nous avons longtemps organisé <strong>de</strong>s<br />
rencontres sur le thème <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
périnatale. Si l’intérêt est là, les<br />
formations ne rassemblent bien souvent<br />
que quelques participants. La formation<br />
institutionnelle ne saurait être négligée.<br />
Toutefois je crois davantage à <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion<br />
interindividuelle. Le psychologue est<br />
typiquement l’acteur qui, au contact <strong>de</strong>s<br />
autres, peut apporter beaucoup. Il peut<br />
aller vers <strong>la</strong> sage-femme <strong>de</strong>vant gérer un<br />
cas difficile, l’écouter et enregistrer son<br />
ressenti. N’allons pas accréditer <strong>la</strong> thèse<br />
selon <strong>la</strong>quelle tout peut se régler grâce à<br />
une formation décidée en haut lieu. C’est<br />
dans l’échange au quotidien, entre tous,<br />
que l’information pertinente est<br />
assimilée.<br />
Une participante<br />
Il n’appartient certainement pas à un<br />
cadre supérieur d’organiser à ce sujet <strong>de</strong>s<br />
réunions d’échange formelles. La question<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> supervision renvoie à <strong>de</strong>s<br />
considérations organisationnelles. On<br />
peut prendre modèle sur les pratiques du<br />
domaine <strong>de</strong>s soins palliatifs, où <strong>de</strong>s<br />
groupes <strong>de</strong> parole sont animés par <strong>de</strong>s<br />
superviseurs extérieurs au service.<br />
Jean-Philippe LEGROS<br />
Il n’est pas facile pour une sage-femme<br />
<strong>de</strong> s’extraire <strong>de</strong>s impératifs <strong>de</strong> son<br />
40<br />
service pour prendre part à <strong>de</strong> tels<br />
groupes.<br />
Une participante<br />
Dans notre service, nous sommes<br />
confrontés à environ 40 IMG par an. Nous<br />
avons bel et bien organisé <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong><br />
parole. Ils se déroulent tous les mois.<br />
Parfois ils rassemblent 25 personnes,<br />
parfois seulement 3 ou 4. Bien entendu, il<br />
y a échange entre les psychologues et les<br />
équipes.<br />
Une participante<br />
Je suis sage-femme à l’hôpital <strong>de</strong> Pontoise.<br />
Un groupe <strong>de</strong> parole a été mis en p<strong>la</strong>ce<br />
<strong>autour</strong> <strong>de</strong>s soins palliatifs en maternité.<br />
Nous avons intégré <strong>la</strong> problématique du<br />
diagnostic anténatal, à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
personnes du service <strong>de</strong> néonatologie.<br />
Nous recensons environ 80 IMG par an, ce<br />
qui est beaucoup. Naturellement, à moins<br />
<strong>de</strong> verser dans le bénévo<strong>la</strong>t, nous<br />
manquons cruellement <strong>de</strong> temps.<br />
Finalement, nous sommes parvenus à<br />
mettre en p<strong>la</strong>ce une journée d’échanges<br />
s’adressant au réseau périnatal du Val<br />
d’Oise. Nous avons réfléchi à une formation<br />
du personnel <strong>de</strong> <strong>la</strong> maternité, sous l’égi<strong>de</strong><br />
du service <strong>de</strong> formation continue <strong>de</strong><br />
l’hôpital. Nous avons <strong>de</strong>mandé une bourse<br />
afin que l’ensemble du personnel soit<br />
formé et nous souhaitons que <strong>la</strong> formation<br />
intervienne officiellement sur notre temps<br />
<strong>de</strong> travail.<br />
Une participante<br />
J’aimerais observer que <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> figure<br />
sont à distinguer <strong>de</strong> <strong>la</strong> fausse couche, <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> mort fœtale in utero et <strong>de</strong> l’IMG. On<br />
peut songer ainsi aux décès post-nataux à<br />
<strong>la</strong> suite <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>s prématurées, aux<br />
décès enregistrés dans un contexte <strong>de</strong><br />
poursuite <strong>de</strong> grossesse à risques… Les<br />
types <strong>de</strong> <strong>de</strong>uils entrant en jeu ne sont pas<br />
i<strong>de</strong>ntiques.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
Jean-Philippe LEGROS<br />
Mon propos a sans doute été<br />
simplificateur, compte tenu du temps <strong>de</strong><br />
parole qui m’était imparti.<br />
Projection du film<br />
réalisé à partir <strong>de</strong><br />
l’exposition<br />
« Mémoires Vives »<br />
Le chemin <strong>de</strong>s familles est un <strong>la</strong>byrinthe.<br />
Elles répon<strong>de</strong>nt sans cesse à <strong>de</strong>s<br />
questions auxquelles elles n’ont jamais<br />
été préparées à répondre. Face à elles,<br />
l’entourage peut avoir peur <strong>de</strong> mal dire<br />
ou préférer taire un sujet, pour éviter <strong>de</strong><br />
faire souffrir. De ces silences naissent les<br />
regrets, <strong>la</strong> culpabilité, les fantasmes. Les<br />
familles ont besoin d’un fil d’Ariane qui<br />
les ai<strong>de</strong> à ne plus subir sans comprendre.<br />
Elles ont besoin d’être guidées, grâce à<br />
<strong>de</strong>s informations c<strong>la</strong>ires, grâce à une<br />
écoute, sans jugement.<br />
Souvent, l’entourage n’a pas connu le<br />
bébé. Il a du mal à considérer sa réalité.<br />
La douleur <strong>de</strong>s familles semble<br />
difficilement compréhensible, exagérée,<br />
voire pathologique.<br />
Dans <strong>la</strong> famille, chacun fait face à sa<br />
douleur, mais aussi à celle <strong>de</strong> l’autre : du<br />
conjoint, <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s… Cette découverte<br />
ne va pas sans <strong>de</strong>s heurts, qui s’ajoutent<br />
à <strong>la</strong> douleur du décès.<br />
Les familles ont besoin qu’on reconnaisse<br />
leur <strong>enfant</strong>, leur droit à <strong>la</strong> douleur, à<br />
l’expression <strong>de</strong> cette douleur. Elles ont<br />
besoin qu’on les écoute aussi longtemps<br />
que nécessaire : maintenant, dans 5 jours,<br />
dans 5 mois, dans 5 ans… Ce n’est qu’en<br />
pouvant dire qu’elles ont mal qu’elles<br />
peuvent aller mieux.<br />
« C’est morbi<strong>de</strong> ! Tu ne vas pas mettre<br />
une photo dans le salon ! » La famille n’a<br />
plus que <strong>la</strong> parole et <strong>de</strong>s objets pour<br />
gar<strong>de</strong>r une p<strong>la</strong>ce à cet <strong>enfant</strong> dans le<br />
41<br />
futur <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie familiale. L’entourage a<br />
souvent peur que <strong>la</strong> famille ne s’en<br />
remette pas. Chaque mention du bébé<br />
décédé semble être <strong>la</strong> preuve que le <strong>de</strong>uil<br />
n’est pas fait. La présence d’objets qui<br />
rappellent un mort dans le salon, dans <strong>la</strong><br />
chambre, dans l’entrée semble malsaine.<br />
Les familles ont besoin que l’entourage<br />
accepte l’importance <strong>de</strong> ces souvenirs et<br />
accepte <strong>de</strong> les partager. Ce partage<br />
permet à l’<strong>enfant</strong> <strong>de</strong> ne pas disparaître.<br />
Toutes ces familles ont vécu une mort<br />
terrible, mais elles ont aussi fait une<br />
rencontre intense et émouvante. Toutes<br />
les personnes qui ont croisé le chemin <strong>de</strong><br />
ce tout petit, tous les objets qui ont<br />
marqué sa courte existence ont une<br />
valeur exceptionnelle. Oui, ce bébé est<br />
mort, mais il avait le même nez que son<br />
père… son frère l’attendait déjà… il<br />
amenait du rêve et <strong>de</strong>s espoirs.<br />
Ce sont ces petites lumières qu’il faut<br />
cultiver, ai<strong>de</strong>r à cultiver, pour que ces<br />
familles apprivoisent <strong>la</strong> douleur et<br />
s’apaisent, pour que <strong>la</strong> vie, <strong>la</strong> beauté et <strong>la</strong><br />
sérénité prennent le pas sur <strong>la</strong> mort.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
42
DEUXIÈME<br />
TABLE RONDE<br />
Autour du<br />
temps <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chambre mortuaire<br />
Déc<strong>la</strong>ration d’état civil, obsèques<br />
ou prise en charge collective, autopsie<br />
• Thierry Harvey, Chef <strong>de</strong> service obstétrique, Maternité <strong>de</strong>s Diaconesses<br />
• Marie-Ma<strong>de</strong>leine Brémaud, Responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre mortuaire,<br />
Hôpital Cochin<br />
• Antoinette Gelot, Neurofœtopathologiste, Hôpital Trousseau<br />
• Franck Derville, Aumônerie, Hôpital Cochin<br />
• O<strong>de</strong>tte Gausserand, Association Vivre son <strong>de</strong>uil<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Le film <strong>de</strong> Caroline Lemoine vient d’être<br />
projeté pour <strong>la</strong> première fois<br />
publiquement.<br />
La secon<strong>de</strong> table ron<strong>de</strong> est consacrée au<br />
temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre mortuaire. C’est une<br />
étape majeure, ô combien redoutable<br />
dans le parcours <strong>de</strong>s parents. La chambre<br />
mortuaire est le lieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> présentation <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong> à <strong>la</strong> famille, aux proches. C’est<br />
parfois le <strong>de</strong>rnier lieu où les familles<br />
peuvent se recueillir avant le temps <strong>de</strong><br />
l’autopsie, celui <strong>de</strong>s formalités<br />
administratives… Le recueillement remet<br />
en perspective les événements<br />
43<br />
dramatiques qui sollicitent les parents<br />
quant à l’attitu<strong>de</strong> à adopter face à <strong>la</strong> mort.<br />
Les services en<br />
première ligne en<br />
l’absence d’officier<br />
d’état civil<br />
Thierry HARVEY<br />
Je viens témoigner à propos <strong>de</strong>s<br />
pratiques à <strong>la</strong> maternité <strong>de</strong>s Diaconesses,<br />
mais aussi en tant que membre <strong>de</strong><br />
l’association Petite Émilie. Comment un<br />
PSPH-ESPIC s’acquitte-t-il <strong>de</strong>s tâches liées<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
à <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration d’état civil ? On peut<br />
parler <strong>de</strong> parcours du combattant, tant les<br />
choses ne sont pas simples. Nous tâchons<br />
<strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s explications aux parents<br />
avant <strong>la</strong> <strong>naissance</strong>. On peut préparer les<br />
choses dans le cas d’une IMG. S’agissant<br />
d’une mort fœtale in utero, le processus<br />
est plus brutal et nous disposons <strong>de</strong><br />
moins <strong>de</strong> temps pour évoquer, avec les<br />
parents, <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong> l’état civil.<br />
L’établissement d’un acte <strong>de</strong> <strong>naissance</strong> et<br />
d’un acte <strong>de</strong> décès, d’un acte d’<strong>enfant</strong><br />
sans vie doit être conforme à <strong>la</strong> loi. Pour<br />
que l’on soit en droit <strong>de</strong> parler<br />
d’accouchement, le corps doit être formé.<br />
C’est donc <strong>la</strong> condition à l’écriture d’un<br />
certificat médical d’accouchement (Cerfa<br />
n°13773-01/02). Ajoutons, au nombre <strong>de</strong>s<br />
formalités à effectuer, <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong><br />
grossesse et <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’inscription au<br />
livret <strong>de</strong> famille. Le temps <strong>de</strong> préparation<br />
<strong>de</strong>s formalités administratives est long. Je<br />
remercie d’ailleurs les membres <strong>de</strong> mon<br />
équipe qui s’acquittent <strong>de</strong>s tâches qui<br />
leurs sont liés.<br />
Des difficultés surviennent parfois<br />
longtemps après. On peut songer par<br />
exemple à <strong>de</strong>s cas d’accouchements<br />
réalisés avant le 23 août 2008 et<br />
postérieurs à l’entrée en vigueur <strong>de</strong><br />
l’article 79-1 du co<strong>de</strong> civil, c’est-à-dire<br />
postérieurs au 11 janvier 1993. Pour ces<br />
<strong>de</strong>rniers, <strong>de</strong>s procédures doivent être<br />
conduites a posteriori lorsque <strong>de</strong>s<br />
personnes en font <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. En<br />
d’autres termes, sur <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong><br />
1993 à 2008, il peut être <strong>de</strong>mandé<br />
d’exécuter <strong>de</strong>s procédures conformément<br />
à l’état du droit <strong>de</strong>puis août 2008. De fait,<br />
nous recevons régulièrement <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s en ce sens. Signalons qu’en<br />
pratique nous ne disposons pas d’un<br />
officier d’état civil. Par conséquent, les<br />
parents doivent faire une démarche<br />
volontaire d’inscription. Nous estimons<br />
44<br />
qu’il est utile que le père l’exécute. Ce<strong>la</strong><br />
lui permet <strong>de</strong> s’inscrire mentalement<br />
comme le père <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> mort. De plus,<br />
nous avons <strong>la</strong> chance que notre maternité<br />
ne soit séparée <strong>de</strong> <strong>la</strong> marie que par un<br />
grand jardin. Si le père ne peut pas<br />
accomplir <strong>la</strong> démarche à l’état civil, c’est à<br />
l’assistante sociale, à <strong>la</strong> cadre sagefemme,<br />
à l’aumônier ou au psychologue<br />
<strong>de</strong> s’en charger. <strong>Quel</strong>qu’un du service se<br />
dévoue ! Ainsi vont les choses. Il serait<br />
d’ailleurs choquant qu’il n’en aille pas<br />
ainsi.<br />
De notre point <strong>de</strong> vue, l’absence d’officier<br />
d’état civil à notre disposition oblige le<br />
service à s’exposer. Nous tâchons <strong>de</strong> le<br />
faire humainement. Cette exposition<br />
soulève sans doute <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
distanciation par rapport au vécu <strong>de</strong>s<br />
couples. Heureusement, les psychologues<br />
nous ai<strong>de</strong>nt à travailler sur cette<br />
distanciation.<br />
Pratiques en chambre<br />
mortuaire<br />
Marie-Ma<strong>de</strong>leine BREMAUD<br />
La chambre mortuaire est un lieu dédié.<br />
C’est le lieu où repose les corps <strong>de</strong>s<br />
adultes, <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s et <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s mortnés,<br />
quel que soit leur terme et le lieu où<br />
ils <strong>de</strong>meureront jusqu’au jour <strong>de</strong>s<br />
obsèques. L’<strong>enfant</strong> ou l’<strong>enfant</strong> mort-né est<br />
apporté :<br />
muni <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux bracelets d’i<strong>de</strong>ntification<br />
par le personnel <strong>de</strong>s maternités (sagesfemmes,<br />
infirmières, agents) ; un bracelet<br />
peut d’ailleurs être remis aux parents s’ils<br />
le souhaitent ;<br />
muni d’une fiche <strong>de</strong> liaison et du<br />
document d’accord parental pour <strong>la</strong> prise<br />
en charge du corps.<br />
Il est enregistré sur le registre <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>stination <strong>de</strong>s corps et au moyen du<br />
logiciel « Thanatos » (gestion <strong>de</strong>s arrivées<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
et <strong>de</strong>s départs). Deux photos sont prises<br />
par les agents <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre mortuaire, si<br />
l’état du corps le permet. Elles ont<br />
vocation à être transmises au service<br />
d’origine, afin d’être données aux parents.<br />
Des empreintes <strong>de</strong>s mains et <strong>de</strong>s pieds<br />
seront réalisées à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
famille.<br />
Quant à <strong>la</strong> présentation du corps, que <strong>la</strong><br />
famille se charge ou non d’organiser les<br />
obsèques <strong>de</strong> son <strong>enfant</strong>, elle peut se<br />
recueillir à <strong>la</strong> chambre mortuaire aussi<br />
souvent qu’elle le souhaite pendant les<br />
heures d’ouverture. L’<strong>enfant</strong> ou l’<strong>enfant</strong><br />
mort-né est présenté dans un couffin.<br />
Il est toujours habillé :<br />
<strong>de</strong>s vêtements apportés par les parents<br />
ou mis à disposition par <strong>la</strong> chambre<br />
mortuaire ;<br />
à défaut, d’un linge b<strong>la</strong>nc.<br />
Si un examen fœtopathologique est<br />
<strong>de</strong>mandé, <strong>de</strong>s radiographies seront<br />
effectuées puis l’examen sera réalisé très<br />
rapi<strong>de</strong>ment par un mé<strong>de</strong>cin<br />
fœtopathologiste, après recueil du<br />
consentement écrit <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère (s’agissant<br />
d’un <strong>enfant</strong> mort-né) ou <strong>de</strong>s parents (dans<br />
le cas d’un <strong>enfant</strong> né puis décédé). Un<br />
agent <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre mortuaire se charge<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> restauration tégumentaire. Le corps<br />
<strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> pourra être à nouveau<br />
présenté à <strong>la</strong> famille si elle le désire. Un<br />
agent <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre mortuaire reçoit les<br />
familles pour leur expliquer les démarches<br />
à accomplir en vue d’organiser les<br />
obsèques.<br />
Si <strong>la</strong> famille prend en charge les<br />
obsèques, elle a le choix <strong>de</strong> l’inhumation<br />
ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> crémation auquel il convient<br />
d’ajouter le libre choix <strong>de</strong> l’opérateur<br />
funéraire (éventuellement elle fait établir<br />
plusieurs <strong>de</strong>vis). Elle est libre d’apporter<br />
<strong>de</strong>s vêtements, photos <strong>de</strong> famille,<br />
45<br />
peluches, <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> frères ou sœurs (afin<br />
<strong>de</strong> les p<strong>la</strong>cer dans le cercueil).<br />
Les parents peuvent opter pour un<br />
recueillement avec <strong>la</strong> famille selon <strong>de</strong>s<br />
rites ou dans un cadre civil.<br />
Le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge par<br />
l’hôpital du corps est bien déterminé. Le<br />
départ a lieu sous environ trois semaines<br />
(<strong>la</strong> famille peut revenir sur sa décision<br />
dans un dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> dix jours, mais on doit<br />
accor<strong>de</strong>r une certaine tolérance et être<br />
prêt à accueillir un revirement sous 15<br />
jours). Le corps part toujours dans une<br />
boîte en bois normalisée pour le<br />
crématorium. À ce propos, <strong>la</strong> famille a le<br />
choix d’être prévenue par téléphone ou<br />
par courrier du jour du départ <strong>de</strong> son<br />
<strong>enfant</strong>. Si, par conviction religieuse, <strong>la</strong><br />
famille ne peut pas accepter <strong>la</strong> crémation,<br />
il lui faut rencontrer l’assistante sociale<br />
afin d’établir un dossier en vue <strong>de</strong><br />
procé<strong>de</strong>r à une inhumation. En tout état<br />
<strong>de</strong> cause, <strong>la</strong> famille voit son <strong>enfant</strong> pour <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>rnière fois à <strong>la</strong> chambre mortuaire.<br />
L’<strong>enfant</strong> ou l’<strong>enfant</strong> mort-né étant confié à<br />
<strong>la</strong> chambre mortuaire, nous nous <strong>de</strong>vons<br />
d’être les garants du respect du corps et<br />
du bon déroulement <strong>de</strong>s obsèques.<br />
L’incontestable utilité<br />
<strong>de</strong> l’autopsie fœtale<br />
Antoinette GELOT<br />
Pourquoi l’autopsie fœtale est-elle un acte<br />
médical ? elle doit en l’occurrence être<br />
impérativement exécutée par <strong>de</strong>s<br />
mé<strong>de</strong>cins formés à <strong>la</strong> fœtopathologie,<br />
conformément à <strong>la</strong> rigueur scientifique et<br />
dans le respect strict du corps <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong><br />
et du soin qu’il mérite. Aucune <strong>de</strong> ces<br />
trois conditions n’est <strong>de</strong> nature à exclure<br />
l’autre.<br />
La rigueur scientifique nous comman<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
recueillir le maximum <strong>de</strong> données, dès qu’il<br />
est possible <strong>de</strong> le faire. Soulignons que les<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
techniques employées ne sont pas<br />
dé<strong>la</strong>brantes, le corps étant<br />
systématiquement reconstitué. Les gestes<br />
pratiqués sont à imaginer davantage<br />
comme ceux d’un soignant que comme<br />
ceux d’un technicien. Les mêmes outils <strong>de</strong><br />
diagnostic sont employés sur le fœtus mort<br />
comme sur n’importe quel nouveau-né. La<br />
majorité <strong>de</strong> l’information extraite provient<br />
d’examens génétiques et d’examens<br />
biochimiques. Il importe au plus haut point<br />
d’aller jusqu’au bout <strong>de</strong>s moyens qu’offre <strong>la</strong><br />
science. L’autopsie fœtale est éminemment<br />
utile. En effet, comparons les gran<strong>de</strong>s<br />
séries <strong>de</strong> données générées par les<br />
différentes technologies. Nous sommes<br />
amenés à considérer par exemple l’IRM, à<br />
<strong>la</strong> base <strong>de</strong> ce que l’on dénomme l’autopsie<br />
virtuelle. Or, il apparaît indubitablement<br />
que c’est l’autopsie fœtale qui produit le<br />
plus <strong>de</strong> renseignements, que <strong>la</strong> finalité<br />
poursuivie soit <strong>de</strong> l’ordre du diagnostic ou<br />
du conseil génétique. On estime <strong>la</strong><br />
performance informative supplémentaire<br />
<strong>de</strong> l’autopsie fœtale, par rapport aux autres<br />
investigations, à 30 %. Concrètement,<br />
grâce à cet examen, nous sommes mieux à<br />
même <strong>de</strong> répondre aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<br />
diagnostiques.<br />
Le « pourquoi » <strong>de</strong> l’autopsie fœtale n’est<br />
donc pas douteux ou incertain. Les<br />
parents, lorsqu’ils nous confient leur<br />
<strong>enfant</strong>, doivent avoir les idées c<strong>la</strong>ires à ce<br />
propos. Il en va <strong>de</strong> l’attention médicale à<br />
l’<strong>enfant</strong>, même mort car non arrivé à<br />
terme. Si les soignants manquent <strong>de</strong><br />
considération envers l’<strong>enfant</strong> mort, en ne<br />
le regardant pas comme un patient, alors<br />
ils ne font pas leur <strong>de</strong>voir.<br />
L’autopsie est une irruption dans l’intimité<br />
d’un corps. Elle peut effectivement se<br />
muer en violence ou en vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> celuici<br />
si elle ne participe pas d’une re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />
respect et <strong>de</strong> confiance. C’est d’ailleurs<br />
cette re<strong>la</strong>tion qui est au cœur du colloque<br />
46<br />
singulier entre le mé<strong>de</strong>cin et le patient.<br />
En principe, une autopsie se déroule en<br />
<strong>de</strong>ux parties :<br />
l’examen macroscopique (du corps et <strong>de</strong>s<br />
organes) ;<br />
l’examen microscopique.<br />
En fonction du contexte clinique, les<br />
prélèvements peuvent faire l’objet<br />
d’étu<strong>de</strong>s génétiques. Le cas échéant, ils<br />
pourront être traités dans le cadre <strong>de</strong><br />
protocoles <strong>de</strong> recherche, ou rejoindre <strong>de</strong>s<br />
collections. À ce propos aucune étape du<br />
processus autopsie/analyse<br />
génétique/collection ne peut se dérouler<br />
sans l’accord <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère, ou en oubliant<br />
l’origine humaine du prélèvement et les<br />
conséquences qu’elle implique. Ainsi, le<br />
corps est-il obligatoirement accueilli en<br />
chambre mortuaire. Les prélèvements<br />
sont exécutés uniquement pour <strong>la</strong> durée<br />
du diagnostic et sont ensuite éliminés <strong>de</strong><br />
manière codifiée et traçable. Rappelons<br />
que nous avons besoin <strong>de</strong> l’aval d’un<br />
comité <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s personnes.<br />
L’autopsie n’a aucun sens découplée d’une<br />
logique <strong>de</strong> diagnostic. Nous ne faisons<br />
que conjuguer <strong>de</strong>s compétences<br />
pluridisciplinaires pour recueillir les<br />
données nécessaires au diagnostic, que<br />
nous souhaitons le plus précis possible. A<br />
contrario, l’autopsie peut également<br />
servir à contrôler <strong>la</strong> véracité <strong>de</strong><br />
l’information délivrée aux parents.<br />
Enfin, <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> mort est<br />
sans aucun doute dans une situation<br />
délicate. Elle est financée par ce qu’elle<br />
produit et non pas en fonction <strong>de</strong> ce<br />
qu’elle doit prodiguer. Ce<strong>la</strong> nous inquiète,<br />
au nom <strong>de</strong> l’impératif <strong>de</strong> soin. Il nous<br />
semble que nous assistons à une<br />
inversion <strong>de</strong>s valeurs problématique.<br />
L’<strong>enfant</strong> mort conjugue cette mort avec le<br />
handicap, l’acte non rentable, <strong>la</strong> nécessité<br />
<strong>de</strong> l’écoute et <strong>de</strong> l’accompagnement…<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
Disons-le c<strong>la</strong>irement : le soin prodigué à<br />
l’<strong>enfant</strong> mort est, par définition,<br />
inefficient. Nous sommes tributaires d’une<br />
prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong>s pouvoirs publics,<br />
en vue <strong>de</strong> changer une perspective qui<br />
nous semble bien trop péjorative, au nom<br />
<strong>de</strong> ce que nous <strong>de</strong>vons à ces patients là.<br />
L’aumônier :<br />
un interlocuteur<br />
qui peut accompagner<br />
les parents en<strong>de</strong>uillés<br />
dans <strong>la</strong> durée<br />
Franck DERVILLE<br />
Je ne m’exprime pas en tant qu’aumônier<br />
<strong>de</strong> confession catholique. Je souhaite<br />
évoquer <strong>de</strong> manière très <strong>la</strong>rge <strong>la</strong><br />
contribution <strong>de</strong>s équipes d’aumônerie à<br />
l’accompagnement <strong>de</strong>s parents et <strong>de</strong>s<br />
familles passant par l’épreuve d’un <strong>de</strong>uil<br />
périnatal. Rappelons que l’aumônerie est<br />
un service <strong>de</strong> l’hôpital. Elle n’est à ce titre<br />
pas assimi<strong>la</strong>ble à une institution<br />
extérieure (comme une association). Un<br />
aumônier est susceptible d’intervenir à<br />
n’importe quel moment du <strong>de</strong>uil. En<br />
pratique, il est souvent appelé par une<br />
sage-femme.<br />
En quoi est-on en droit <strong>de</strong> parler <strong>de</strong><br />
spécificité du <strong>de</strong>uil périnatal ? On peut<br />
parler d’un <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> soi (du point <strong>de</strong> vue<br />
<strong>de</strong>s parents), par rapport au <strong>de</strong>uil d’une<br />
personne que l’on a connue. Dans ce<br />
<strong>de</strong>rnier cas <strong>de</strong> figure, il n’est plus question<br />
du <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> soi mais du <strong>de</strong>uil d’une<br />
re<strong>la</strong>tion, d’un vécu. Il va <strong>de</strong> soi que, dans<br />
le cadre d’un <strong>de</strong>uil périnatal, le vécu est<br />
restreint. L’existence <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> est liée au<br />
seul projet parental, lequel (tout comme le<br />
projet conjugal) peut se retrouver<br />
brutalement remis en cause. Voilà<br />
pourquoi l’expression <strong>de</strong> « <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> soi »<br />
paraît juste. Les parents sont dépossédés<br />
47<br />
d’eux-mêmes, <strong>de</strong> leur capacité à donner <strong>la</strong><br />
vie. Il est impératif d’en tenir compte,<br />
sachant que l’on affronte un <strong>la</strong>rge panel<br />
<strong>de</strong> situations conjugales et familiales très<br />
contrastées. Il n’en ira pas <strong>de</strong> même pour<br />
un jeune couple au début <strong>de</strong> sa vie<br />
commune et pour un couple stabilisé par<br />
<strong>de</strong>s années <strong>de</strong> vie commune et ayant déjà<br />
<strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s.<br />
Le métier <strong>de</strong> l’aumônier, c’est d’abord<br />
l’écoute <strong>de</strong>s parents et <strong>de</strong> leur contexte<br />
humain. Ils éprouvent du désarroi, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
peine, <strong>de</strong> <strong>la</strong> révolte… Ils posent <strong>de</strong>s<br />
questions qu’il convient d’accueillir et<br />
d’entendre. Ils s’interrogent naturellement<br />
sur le « pourquoi » du décès <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> et<br />
<strong>de</strong>s circonstances qui l’ont amené. Bien<br />
souvent, nous sommes aux prises avec<br />
<strong>de</strong>s divergences dans l’appréciation<br />
parentale <strong>de</strong>s choses. Il n’est pas possible<br />
<strong>de</strong> dépeindre brièvement une multiplicité<br />
<strong>de</strong> situations humaines, <strong>de</strong> vécus<br />
conjugaux. Une observation est toutefois<br />
incontournable, par-<strong>de</strong>là <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s<br />
cas : les parents font face, tout le long <strong>de</strong>s<br />
événements, à une multiplicité<br />
d’interlocuteurs qui les écoutent et les<br />
assistent. Les parents nous font part<br />
d’une belle qualité d’écoute <strong>de</strong>s<br />
professionnels aux prises avec leurs<br />
histoires. C’est là quelque chose <strong>de</strong> très<br />
heureux. L’aumônier, quant à lui, peut<br />
échanger avec les parents en<strong>de</strong>uillés dans<br />
<strong>la</strong> durée. Il dispose sans doute <strong>de</strong> plus <strong>de</strong><br />
temps que d’autres acteurs très contraints<br />
en raison <strong>de</strong> leurs responsabilités. Lui seul<br />
sans doute peut vivre, aux côtés <strong>de</strong>s<br />
personnes touchées au premier chef,<br />
l’accompagnement du <strong>de</strong>uil dans <strong>la</strong> durée.<br />
En d’autres termes, il ne va pas seulement<br />
entendre une histoire. Il va <strong>la</strong> vivre avec<br />
les principaux protagonistes.<br />
La religion est intimement liée aux<br />
représentations symboliques <strong>de</strong> soi et à<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
son appartenance à une communauté<br />
confessionnelle. <strong>Quel</strong>le que soit <strong>la</strong><br />
confession religieuse, <strong>la</strong> perte d’un <strong>enfant</strong><br />
remet en cause <strong>de</strong> manière radicale ses<br />
convictions. Il y a ébranlement du sens <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> vie présente et <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie dans l’au-<strong>de</strong>là,<br />
lorsque l’on est croyant. Nous avons<br />
affaire à une très gran<strong>de</strong> diversité dans<br />
les convictions et les pratiques<br />
religieuses. Il nous appartient avant tout<br />
<strong>de</strong> nous adapter aux subjectivités.<br />
Dans le champ <strong>de</strong>s soins palliatifs, on<br />
parle beaucoup <strong>de</strong>s besoins spirituels <strong>de</strong>s<br />
ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> leur vie. Nous<br />
touchons, avec le <strong>de</strong>uil périnatal, un peu à<br />
<strong>la</strong> même psychologie, mais s’agissant du<br />
<strong>de</strong>uil <strong>de</strong> soi.<br />
Nous sommes au contact <strong>de</strong> couples <strong>de</strong><br />
confessions différentes qui, tous, méritent<br />
l’écoute. On l’a déjà souligné à maintes<br />
reprises, l’écoute importe au plus haut<br />
point. Il s’agit <strong>de</strong> bien percevoir <strong>la</strong> nature<br />
<strong>de</strong>s besoins manifestés lors du <strong>de</strong>uil. À<br />
l’Hôpital Cochin, les aumôniers <strong>de</strong>s<br />
différents cultes travaillent en<br />
col<strong>la</strong>boration.<br />
La chambre mortuaire est parfois l’unique<br />
lieu <strong>de</strong> l’au revoir. C’est un moment crucial<br />
dans <strong>la</strong> manifestation <strong>de</strong> gestes<br />
proprement humains. Là encore<br />
l’organisation <strong>de</strong>s choses doit s’adapter à<br />
<strong>la</strong> sensibilité et aux attentes <strong>de</strong>s familles.<br />
Pour faire un choix qui fasse sens dans <strong>la</strong><br />
durée, les parents ont besoin <strong>de</strong> temps.<br />
Sous le choc, il peut leur arriver <strong>de</strong><br />
refuser provisoirement <strong>de</strong> voir leur<br />
<strong>enfant</strong>. Ce n’est que <strong>la</strong> parole qui,<br />
progressivement, libère les consciences et<br />
les ai<strong>de</strong> à surmonter les blocages qu’elles<br />
éprouvent immédiatement. Des esprits<br />
re<strong>la</strong>tivement pacifiés parviennent à faire<br />
quelque chose pour un <strong>enfant</strong> mort-né, ils<br />
s’élèvent à <strong>de</strong>s gestes qui leur étaient<br />
interdits par l’état <strong>de</strong> choc. Ajoutons que<br />
<strong>la</strong> chambre mortuaire est aussi le lieu <strong>de</strong><br />
48<br />
l’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong> compassion <strong>de</strong>s<br />
proches. Certes, cette compassion n’est<br />
jamais aisée à exprimer mais l’on ne doit<br />
en aucun cas renoncer à ai<strong>de</strong>r à ce qu’elle<br />
se manifeste.<br />
La chambre mortuaire<br />
ou <strong>la</strong>isser l’intime se<br />
manifester<br />
O<strong>de</strong>tte GAUSSERAND<br />
Mon propos traitera essentiellement <strong>de</strong><br />
l’accompagnement en chambre mortuaire,<br />
c’est-à-dire <strong>de</strong> l’écoute active, du respect,<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> bienveil<strong>la</strong>nce à manifester après une<br />
mort in utero ou une exécution d’IMG.<br />
Qu’arrive-t-il ? Il faut du temps, aux<br />
parents, pour qu’ils puissent réaliser ce<br />
qui leur arrive. Ils s’approprient et<br />
verbalisent progressivement ce qui leur a<br />
été dit en maternité. Il s’agit d’être à<br />
l’écoute <strong>de</strong> leur questionnement re<strong>la</strong>tif à<br />
<strong>la</strong> prise en charge du corps en chambre<br />
mortuaire. Systématiquement, <strong>de</strong>s photos<br />
doivent être réalisées en salle<br />
d’accouchement.<br />
Le parcours <strong>de</strong> <strong>la</strong> salle d’accouchement à<br />
<strong>la</strong> chambre mortuaire (incluant d’ailleurs<br />
fréquemment l’autopsie <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> mortné)<br />
est à faciliter autant que faire se peut,<br />
sur le p<strong>la</strong>n émotionnel. La possibilité<br />
d’apporter <strong>de</strong>s effets personnels est, à ce<br />
sujet, essentielle : linges, doudous,<br />
peluches… Nous ne pouvons répondre aux<br />
aspirations <strong>de</strong>s parents qu’en étant à leur<br />
écoute et respectueux <strong>de</strong> leurs souhaits.<br />
La présentation humanisée d’un <strong>enfant</strong><br />
nettoyé, apprêté, dans un couffin, nous<br />
apparaît comme un geste fondamental. En<br />
effet, les parents peuvent se l’approprier,<br />
le prendre dans leurs bras, le toucher… À<br />
vrai dire, le toucher est favorisé dans le<br />
but <strong>de</strong> leur épargner <strong>de</strong>s regrets<br />
ultérieurs. La chambre mortuaire est le<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
siège <strong>de</strong> moments intenses. Au besoin, on<br />
doit savoir se retirer pour que se joue un<br />
moment intime. On présente le corps<br />
autant <strong>de</strong> fois que nécessaire. Seul le<br />
souhait <strong>de</strong>s parents compte.<br />
L’accès <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre<br />
mortuaire est ouvert en produisant toutes<br />
les informations qui peuvent être utiles<br />
(contacts, numéros <strong>de</strong> téléphone, etc.).<br />
L’un <strong>de</strong>s services essentiels consiste à<br />
pouvoir permettre une présentation du<br />
corps à ce que nous nommerons <strong>la</strong> famille<br />
é<strong>la</strong>rgie, ou le cercle <strong>de</strong> proches. Sur le<br />
p<strong>la</strong>n psychologique, les traces que l’on<br />
gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> mort-né (empreintes <strong>de</strong><br />
mains…) avant <strong>la</strong> mise en bière ont une<br />
valeur considérable. Selon les cultures, on<br />
pourra favoriser <strong>de</strong>s rituels, cérémonies<br />
d’esprit <strong>la</strong>ïc ou cérémonies religieuses. On<br />
peut évi<strong>de</strong>mment permettre l’apport <strong>de</strong><br />
photos, <strong>de</strong>ssins d’<strong>enfant</strong>s, mots écrits<br />
auprès du cercueil (ou dans celui-ci). Le<br />
cas échéant, on ménagera une présence<br />
discrète et bienveil<strong>la</strong>nte <strong>de</strong>s soignants<br />
<strong>autour</strong> du cercueil.<br />
On informe les parents <strong>de</strong> l’existence<br />
d’une cérémonie tous les <strong>de</strong>ux mois au<br />
cimetière du Père Lachaise, à l’intention<br />
<strong>de</strong>s bébés <strong>de</strong>stinés à y subir une<br />
crémation. On facilite le cheminement<br />
dans le <strong>de</strong>uil parental en <strong>la</strong>issant une<br />
<strong>la</strong>rge autonomie aux parents.<br />
L’observation clinique montre que les<br />
parents, soutenus par les soignants et<br />
leur famille, savent opérer <strong>de</strong>s choix et se<br />
positionner afin <strong>de</strong> faire valoir leurs<br />
préférences. Ils atten<strong>de</strong>nt d’être respectés<br />
sans être jugés, y compris s’ils ont décidé<br />
<strong>de</strong> se réfugier dans ce qui peut apparaître<br />
comme <strong>de</strong> l’abstention.<br />
Le temps suspendu <strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre<br />
mortuaire est donc une étape sur le<br />
chemin du <strong>de</strong>uil. On ne saurait concevoir<br />
un bon accompagnement sans une<br />
compétence professionnelle et humaine<br />
49<br />
appropriée. Elle passe par <strong>la</strong> disponibilité<br />
par le respect et l’empathie. Sans doute<br />
une formation spécifique au <strong>de</strong>uil n’estelle<br />
pas hors <strong>de</strong> propos, à l’intention <strong>de</strong><br />
tous les soignants. Ce n’est qu’en mettant<br />
en perspective les pratiques qu’on les<br />
améliore. À ce sujet, on renverra au livre<br />
<strong>de</strong> Michel Hanus Les <strong>de</strong>uils <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie : « il<br />
est nécessaire d’acquérir <strong>de</strong>s<br />
con<strong>naissance</strong>s objectives sur le <strong>de</strong>uil,<br />
surtout pour les professionnels et les<br />
bénévoles qui y sont confrontés ».<br />
Débat<br />
Une participante<br />
Je suis assistante sociale à <strong>la</strong> maternité<br />
<strong>de</strong> Nanterre. Nous avons <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> chance<br />
<strong>de</strong> disposer d’un agent d’état civil. Nous<br />
sommes donc déc<strong>la</strong>rants. Ce<strong>la</strong> dit, les<br />
parents ne sont pas du tout tenus <strong>de</strong><br />
passer par l’agent <strong>de</strong> l’hôpital. Ils peuvent<br />
opter pour le fait d’effectuer <strong>la</strong><br />
déc<strong>la</strong>ration d’état civil eux-mêmes. De<br />
fait, les pères s’en remettent tout <strong>de</strong><br />
même souvent à nous, car il leur est trop<br />
douloureux <strong>de</strong> prendre sur eux <strong>de</strong><br />
s’occuper en personne <strong>de</strong>s démarches.<br />
Une participante<br />
Prenons le cas d’une mort in utero au<br />
troisième trimestre. La recon<strong>naissance</strong> <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong> par le père semble impossible, ce<br />
qui peut en un sens s’avérer tragique pour<br />
lui. Comment envisager <strong>la</strong> recon<strong>naissance</strong><br />
paternelle en pareille circonstance ? Il ne<br />
semble pas concevable pour un père <strong>de</strong><br />
donner a posteriori son nom à un <strong>enfant</strong><br />
né sans vie.<br />
Une participante<br />
Un père ne peut pas donner son nom à un<br />
<strong>enfant</strong> né sans vie s’il n’est pas marié. Une<br />
recon<strong>naissance</strong> anticipée <strong>de</strong>vient caduque<br />
dans un tel contexte <strong>de</strong> mort périnatale.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
En d’autres termes, un <strong>enfant</strong> né sans vie<br />
n’est pas une personne juridique et ne<br />
peut être reconnue comme telle. En<br />
revanche, l’ordonnance <strong>de</strong> 2005 a modifié<br />
<strong>la</strong> filiation. Si <strong>la</strong> mère a con<strong>naissance</strong> du<br />
nom du père, <strong>la</strong> maternité peut ai<strong>de</strong>r les<br />
parents en remplissant un formu<strong>la</strong>ire<br />
adéquat. Ou bien on déc<strong>la</strong>re à <strong>la</strong> mairie<br />
les coordonnées du père, ou bien on<br />
effectue une déc<strong>la</strong>ration d’<strong>enfant</strong> né sans<br />
vie, avec certificat à donner à<br />
l’obstétricien. Le nom à donner à l’<strong>enfant</strong><br />
est bien souvent problématique. Il n’est<br />
pas rare que l’on ait <strong>de</strong> <strong>la</strong> peine à le<br />
nommer en chambre mortuaire. Cette<br />
difficulté <strong>de</strong> dénomination a <strong>de</strong>s<br />
conséquences fâcheuses. Ainsi, les mères<br />
appellent en chambre mortuaire pour<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r « avez-vous mon <strong>enfant</strong> ? ».<br />
Cette question est souvent posée dans un<br />
contexte <strong>de</strong> transfert pour examen<br />
fœtopathologique. En principe le nom du<br />
père ne sert pas à i<strong>de</strong>ntifier un <strong>enfant</strong> né<br />
sans vie à l’hôpital. Il y a là source <strong>de</strong><br />
confusion. Les services n’ont pas toujours<br />
le nom qui est mentionné sur le dossier…<br />
On ne sait trop s’il faut employer le nom<br />
<strong>de</strong> jeune fille ou le nom d’épouse. Il est<br />
<strong>de</strong>s maternités qui emploient le nom du<br />
père, alors même que le couple n’est pas<br />
marié… Incontestablement, le nom est<br />
souvent problématique, dans le suivi <strong>de</strong>s<br />
<strong>enfant</strong>s sans vie au sein d’un même<br />
établissement. Les associations <strong>de</strong><br />
parents <strong>de</strong>vraient souligner cette<br />
difficulté. Nous avons beaucoup à gagner<br />
à savoir nommer les <strong>enfant</strong>s.<br />
Marc DUPONT<br />
Le nom à retenir est sans doute celui que<br />
l’établissement emploie pour son propre<br />
usage. Les parents choisissent un prénom.<br />
C’est un fait. Ce prénom désigne l’<strong>enfant</strong>.<br />
Le concept <strong>de</strong> nom est lié à l’état civil,<br />
c’est-à-dire à <strong>la</strong> filiation. Le sujet est très<br />
compliqué. Il n’est pas certain que les<br />
50<br />
députés soient prêts à tordre le droit <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
filiation pour faire une p<strong>la</strong>ce aux <strong>enfant</strong>s<br />
mort-nés. Le nom est indissociable <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
personne juridique. À l’heure actuelle, on<br />
peut inscrire un <strong>enfant</strong> sans vie sur le<br />
livret <strong>de</strong> famille lorsque les parents lui ont<br />
donné un prénom et le désirent. Mais<br />
nous sommes là loin du nom et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
personne juridique.<br />
Élisabeth BLANCHARD<br />
Lorsque les parents font face à <strong>de</strong>s<br />
difficultés administratives, il est précieux<br />
<strong>de</strong> disposer d’un bon contact avec le<br />
personnel <strong>de</strong> <strong>la</strong> mairie. L’assistance<br />
sociale peut faciliter <strong>la</strong> communication.<br />
Rappelons, dans le cas <strong>de</strong> figure du père<br />
non marié, que pour bénéficier d’un<br />
congé paternité, il est impératif que <strong>la</strong><br />
filiation soit établie. Lorsque le nom du<br />
père n’est mentionné nulle part, on voit<br />
mal comment un tel congé pourrait être<br />
envisagé.<br />
Nous sommes parvenus à un modus<br />
vivendi avec <strong>la</strong> mairie du 12 e<br />
arrondissement. Notre maternité,<br />
reconnaissant le père présent, fait figurer<br />
sur un même document l’état civil du<br />
père, celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère. L’ensemble est joint<br />
au certificat d’accouchement <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme.<br />
Sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux documents, <strong>la</strong> mairie<br />
remplit un certificat d’<strong>enfant</strong> né sans vie<br />
incluant le père.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Sur quoi se fon<strong>de</strong> habituellement le refus<br />
<strong>de</strong>s parents <strong>de</strong> pratiquer une autopsie ?<br />
Antoinette GELOT<br />
Les refus ne sont pas si fréquents. On<br />
aurait tendance à entendre que certaines<br />
religions s’opposent à l’autopsie. À mon<br />
sens, quel que soit l’horizon culturel <strong>de</strong>s<br />
parents, si on sait les mettre en confiance,<br />
ils comprennent les enjeux <strong>de</strong> l’examen.<br />
Ils savent bien que s’ils souhaitent<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
s’orienter vers une nouvelle grossesse, on<br />
a besoin <strong>de</strong> l’information <strong>la</strong> plus étendue<br />
possible pour les conseiller.<br />
Une participante<br />
À suivre les parents, l’autopsie serait un<br />
mal volontaire. Il faudrait en passer par là<br />
pour maîtriser au mieux le risque <strong>de</strong><br />
survenue d’une pathologie semb<strong>la</strong>ble<br />
chez un futur autre <strong>enfant</strong> à venir. Il n’est<br />
pas simple <strong>de</strong> dire « oui » à l’autopsie,<br />
mais lorsque l’on explique correctement<br />
<strong>de</strong> quoi il retourne, on lève fréquemment<br />
l’opposition <strong>de</strong> principe.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Les parents disposent <strong>de</strong> 10 jours pour<br />
choisir s’ils organisent <strong>de</strong>s obsèques ou<br />
s’ils confient le corps <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong> à<br />
l’hôpital, en vue d’une crémation<br />
collective. Que penser <strong>de</strong> ce dé<strong>la</strong>i ?<br />
Marie-Ma<strong>de</strong>leine BREMAUD<br />
Si les parents ne parviennent pas à opter<br />
pour une ligne <strong>de</strong> conduite c<strong>la</strong>ire en 10<br />
jours, nous sommes tout à fait disposés à<br />
attendre quelques jours <strong>de</strong> plus (pour un<br />
dé<strong>la</strong>i effectif d’une quinzaine <strong>de</strong> jours), le<br />
temps qu’ils déterminent s’ils optent, ou<br />
non, pour <strong>de</strong>s obsèques. Ne perdons pas<br />
<strong>de</strong> vue que <strong>de</strong>s revirements <strong>de</strong> décision<br />
peuvent intervenir. Parfois, nos<br />
interlocuteurs changent même d’avis<br />
plusieurs fois.<br />
Caroline<br />
Je suis infirmière en chambre mortuaire,<br />
à l’hôpital Robert Debré. Souvent, les<br />
parents changent d’avis au moment où ils<br />
vont voir leur <strong>enfant</strong> en chambre<br />
mortuaire. À l’hôpital Robert Debré, ils le<br />
trouvent habillé comme un bébé, présenté<br />
dans un couffin. Ils prennent alors<br />
conscience du sens que peuvent revêtir<br />
<strong>de</strong>s obsèques. En d’autres termes, le<br />
mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> présentation <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong> les<br />
51<br />
amène à réfléchir. Les revirements ne<br />
manquent pas.<br />
Les services sociaux peuvent mobiliser<br />
une ai<strong>de</strong> financière, lorsque <strong>de</strong>s parents<br />
n’ont pas les moyens <strong>de</strong> financer les<br />
obsèques. On peut leur exposer qu’elles<br />
restent envisageables avec seulement une<br />
contribution symbolique <strong>de</strong> leur part. La<br />
précarité n’est pas un obstacle<br />
rédhibitoire.<br />
Franck DERVILLE<br />
Fréquemment, les parents sont réticents à<br />
présenter l’<strong>enfant</strong> à leurs proches, à<br />
exposer une perte qui relève <strong>de</strong> ce qu’ils<br />
ont <strong>de</strong> plus intime. Je leur propose ainsi<br />
une présentation à visage recouvert.<br />
Cette démarche donne les moyens d’être<br />
là, tout en gardant <strong>la</strong> distance qui<br />
respecte l’<strong>enfant</strong>.<br />
Elisabeth MARTINEAU<br />
J’ai personnellement traversé l’épreuve<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>voir surmonter <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong><br />
attendu. Un mé<strong>de</strong>cin, proche <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
retraite, m’avait déconseillé l’autopsie, au<br />
motif qu’il est rare <strong>de</strong> découvrir quoi que<br />
ce soit au moyen <strong>de</strong> cet examen invasif.<br />
Trouve-t-on vraiment <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
<strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> par l’autopsie ?<br />
Antoinette GELOT<br />
Dans le cas d’une mort fœtale in utero, on<br />
parvient à une explication. La<br />
fœtopathologie est une discipline en<br />
évolution. Il nous reste bien <strong>de</strong>s choses à<br />
découvrir. Parfois, nous sommes en<br />
présence d’une pathologie évi<strong>de</strong>nte<br />
(p<strong>la</strong>centaire). Parfois, nous restons face à<br />
un mystère, qui reste une p<strong>la</strong>ie ouverte<br />
pour les parents. Nous en avons bien<br />
conscience.<br />
Martine BUCOURT<br />
Je suis mé<strong>de</strong>cin fœtopathologiste. Certes,<br />
nous ne sommes pas toujours en mesure<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
<strong>de</strong> caractériser <strong>la</strong> cause d’une mort<br />
périnatale. Fréquemment, je reçois <strong>de</strong>s<br />
parents pour leur communiquer <strong>de</strong>s<br />
résultats d’autopsie. Au moins dans 40 %<br />
<strong>de</strong>s cas, nous sommes en mesure <strong>de</strong><br />
communiquer un diagnostic c<strong>la</strong>ir.<br />
Néanmoins, l’absence d’information<br />
re<strong>la</strong>tive à une anomalie est signifiante.<br />
Lorsque l’on ne retrouve rien et que l’on<br />
ne saurait conclure à une anormalité,<br />
nous sommes en meilleure posture pour<br />
envisager une nouvelle grossesse que<br />
lorsque l’on objective une ma<strong>la</strong>die<br />
génétique.<br />
Jean-Gabriel MARTIN<br />
Il est capital que l’examen<br />
fœtopathologique soit complet, pour être<br />
en mesure <strong>de</strong> conseiller au mieux une<br />
mère, à l’avenir.<br />
Antoinette GELOT<br />
Après les événements qui ont affecté<br />
l’hôpital Saint-Vincent-<strong>de</strong>-Paul, <strong>la</strong><br />
fréquence du recours à l’autopsie a<br />
baissé. On a beaucoup évoqué les<br />
techniques d’autopsie virtuelle (IRM…). Or,<br />
l’autopsie <strong>de</strong>meure un mo<strong>de</strong> majeur<br />
d’investigation, dans le but <strong>de</strong> produire<br />
<strong>de</strong>s réponses face aux interrogations<br />
parentales. L’autopsie n’a pas à être<br />
perçue comme un acte pervers. Elle est<br />
authentiquement utile. Elle est<br />
informative. Il serait paradoxal <strong>de</strong><br />
multiplier les examens en anténatal pour<br />
démissionner, sur le p<strong>la</strong>n diagnostic, après<br />
le décès <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong>. Une telle démission<br />
est d’ailleurs parfaitement inacceptable.<br />
Les parents veulent savoir. Heureusement,<br />
<strong>la</strong> plupart du temps, nous sommes en<br />
mesure <strong>de</strong> les éc<strong>la</strong>irer.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
52
TROISIÈME<br />
TABLE RONDE<br />
Autour<br />
du temps<br />
<strong>de</strong>s obsèques<br />
et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire<br />
Crémation ou inhumation, cérémonie, lieu <strong>de</strong><br />
mémoire et prise en charge collective<br />
• François Michaud Nérard, Directeur général, Services Funéraires —<br />
Ville <strong>de</strong> Paris<br />
• Jean-Paul Rocle, Chargé <strong>de</strong> mission, Crématorium du Père Lachaise<br />
• Eric Crubezy, Anthropologue, Toulouse III<br />
• Marilyn Pin, Conservatrice adjointe, Cimetière <strong>de</strong> Thiais<br />
• Anne-Isabelle Cercles, Association Petite Émilie<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Malgré leur douleur, les parents ont <strong>la</strong><br />
possibilité <strong>de</strong> ritualiser le départ du corps<br />
<strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong>. Lorsque l’établissement<br />
prend en charge le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> ce corps, il<br />
le fait en procédant à une crémation<br />
collective. Comment <strong>la</strong> mémoire<br />
s’accommo<strong>de</strong>-t-elle, progressivement,<br />
d’une mort périnatale ?<br />
53<br />
Les obsèques dans le<br />
processus <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil,<br />
dans le processus<br />
mémoriel<br />
François MICHAUD NERARD<br />
Mon propos est re<strong>la</strong>tif à l’organisation <strong>de</strong>s<br />
obsèques par les parents. En fin <strong>de</strong><br />
compte, à quoi servent <strong>de</strong>s obsèques ? Ils<br />
constituent <strong>la</strong> première étape du travail<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>uil. C’est <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière étape collective<br />
avant le cheminement individuel qui doit<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
être celui <strong>de</strong>s parents. Les obsèques<br />
marquent une perte, à travers un rituel<br />
collectif. Ils comportent une dimension <strong>de</strong><br />
partage, car il y a passage d’un drame<br />
individuel à quelque chose qui fait sens<br />
pour autrui, qui pourrait arriver à<br />
d’autres. Il importe avant tout <strong>de</strong> parler et<br />
<strong>de</strong> partager. L’<strong>enfant</strong> mort à <strong>la</strong> <strong>naissance</strong> a<br />
été en re<strong>la</strong>tion intime avec <strong>la</strong> mère, mais<br />
les autres n’ont rien vu. Il s’agit <strong>de</strong> faire<br />
exister l’<strong>enfant</strong> qui vient <strong>de</strong> mourir,<br />
d’empêcher que l’<strong>enfant</strong> suivant ne soit<br />
qu’un succédané d’un autre, qui n’a pu<br />
être. En effet, on doit <strong>la</strong>isser au mort sa<br />
p<strong>la</strong>ce pour ne pas <strong>la</strong> confondre avec celle<br />
du puîné. Ajoutons que l’organisation <strong>de</strong>s<br />
obsèques confère un rôle actif au père,<br />
alors que <strong>la</strong> mère est épuisée. Le père<br />
peut alors prendre sa part du <strong>de</strong>uil en se<br />
chargeant d’un moment <strong>de</strong> partage avec<br />
sa femme, avec autrui.<br />
La première alternative qui s’ouvre aux<br />
parents est <strong>la</strong> suivante : crémation ou<br />
inhumation ? La crémation s’est<br />
considérablement développée, en France,<br />
ces <strong>de</strong>rnières années. Pour les adultes, le<br />
taux <strong>de</strong> crémation à Paris est <strong>de</strong> 55 %. A<br />
contrario, pour les <strong>enfant</strong>s <strong>de</strong> moins d’un<br />
an, l’inhumation est choisie à 77 %.<br />
Sur le p<strong>la</strong>n symbolique, l’inhumation est<br />
moins violente que <strong>la</strong> crémation. Le fait<br />
<strong>de</strong> confier un mort à <strong>la</strong> terre participe<br />
d’une tradition sécu<strong>la</strong>ire. Toutefois, les<br />
non-croyants ont <strong>de</strong>s difficultés à trouver<br />
un lieu <strong>de</strong> cérémonie.<br />
La crémation est un geste plus dur que<br />
l’inhumation, sur le p<strong>la</strong>n symbolique. Il est<br />
plus agressif. En revanche, <strong>de</strong>s salles <strong>de</strong><br />
cérémonie sont aisément disponibles et<br />
l’on peut y compter sur un personnel<br />
formé en vue d’animer <strong>la</strong> cérémonie.<br />
Rappelons que <strong>de</strong>s obsèques ne<br />
s’improvisent pas. Elles impliquent un<br />
rituel et un officiant qui ne soit pas<br />
impliqué émotionnellement. Celui-ci veille<br />
54<br />
à l’exécution d’une trame qui fasse sens<br />
pour une assemblée. Il faut en même<br />
temps faire vivre le petit bébé mort pour<br />
s’en séparer. Ce vécu qui est communiqué<br />
a d’autres permettra une expérience<br />
partagée qui sera <strong>la</strong> base d’un dialogue<br />
indispensable aux en<strong>de</strong>uillés. C’est en ce<strong>la</strong><br />
que le rituel est indispensable.<br />
L’assemblée accueille notamment les<br />
frères et sœurs du défunt, qu’il ne faut<br />
surtout pas écarter. En effet, <strong>la</strong> cérémonie<br />
constitue un moment sur lequel ils<br />
pourront s’appuyer, dans <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> leur<br />
existence.<br />
Pour qu’un rituel s’anime, il a besoin <strong>de</strong><br />
personnalisation. Il convient <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser<br />
venir l’émotion. De plus, le rituel doit être<br />
incarné, personnifié si l’on veut qu’il soit<br />
émotionnellement opérant. Il fait<br />
intervenir <strong>de</strong>s signes, <strong>de</strong>s textes et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
musique qui font sens.<br />
Le <strong>de</strong>uil est un processus qui a pour<br />
finalité <strong>de</strong> reprendre <strong>la</strong> main. Les<br />
obsèques participent <strong>de</strong> ce processus. Si<br />
les personnes frappées par le décès d’un<br />
<strong>enfant</strong> sont croyantes, alors il est<br />
préférable que celles-ci s’appuient sur leur<br />
religion. Ce<strong>la</strong> dit, <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong><br />
jeunes ne sont pas croyants. Il convient<br />
donc d’opter pour une cérémonie civile.<br />
En tout état <strong>de</strong> cause, on doit nommer<br />
l’<strong>enfant</strong>, le relier, l’insérer dans une<br />
continuité <strong>de</strong> l’humanité si l’on veut s’en<br />
séparer humainement. La vie est faite <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong>s et <strong>de</strong> morts. Un corps<br />
témoigne <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence, à un moment<br />
donné, d’un germe <strong>de</strong> vie qui mérite le<br />
respect. L’adieu individuel à l’<strong>enfant</strong> à <strong>la</strong><br />
fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> cérémonie revêt <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong><br />
importance sur le p<strong>la</strong>n mémoriel.<br />
L’officiant <strong>de</strong> cérémonie indique ce que va<br />
<strong>de</strong>venir le corps après <strong>la</strong> crémation, avant<br />
<strong>de</strong> clore <strong>la</strong> cérémonie.<br />
Comme le dit Françoise Chan<strong>de</strong>rnagor :<br />
« toute vie achevée est une vie<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
accomplie : <strong>de</strong> même qu’une goutte d’eau<br />
contient déjà l’océan, les vies minuscules,<br />
avec leur début si bref, leur infime zénith,<br />
leur fin rapi<strong>de</strong>, n’ont pas moins <strong>de</strong> sens<br />
que les longs parcours. Il faut seulement<br />
se pencher un peu pour les voir, et les<br />
agrandir pour les raconter. »<br />
Un <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s corps<br />
très encadré<br />
Jean-Paul ROCLE<br />
Le crématorium du Père Lachaise reçoit<br />
les pièces anatomiques et fœtus adressés<br />
par les établissements <strong>de</strong> santé, en vue<br />
d’exécuter <strong>de</strong>s crémations collectives. Des<br />
procédures sont mises en p<strong>la</strong>ce avec le<br />
cimetière <strong>de</strong> Thiais. Les cendres résultant<br />
d’une crémation ne proviennent que <strong>de</strong>s<br />
parties du corps les plus <strong>de</strong>nses. Dans le<br />
cas <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s <strong>de</strong> moins d’un an, il ne<br />
peut à vrai dire pas subsister <strong>de</strong> cendre<br />
stricto sensu. Nous l’indiquons aux<br />
parents en<strong>de</strong>uillés. Le lien physique avec<br />
le « Jardin <strong>de</strong>s lumières » à Thiais, dédié<br />
aux <strong>enfant</strong>s mort-nés, est assuré au<br />
moyen d’un médaillon. Celui-ci<br />
accompagne <strong>la</strong> crémation si <strong>la</strong> cérémonie<br />
est individuelle. Même dans le cas <strong>de</strong><br />
crémations collectives, on peut avoir<br />
recours à <strong>de</strong>s médaillons pour faire signe<br />
symboliquement à l’être disparu. Les<br />
médaillons du souvenir sont gravés d’une<br />
petite main. Ils sont renouvelés tous les<br />
trimestres.<br />
On ne peut que déplorer le fait que les<br />
fœtus soient assimilés aux pièces<br />
anatomiques, quant à leur traitement en<br />
sortie <strong>de</strong>s établissements hospitaliers.<br />
Peut-être le légis<strong>la</strong>teur mettra-t-il fin un<br />
jour à cette assimi<strong>la</strong>tion. C’est en tous cas<br />
le souhait <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> parents.<br />
La légis<strong>la</strong>tion implique un respect strict<br />
<strong>de</strong> procédures dans le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s fœtus<br />
et pièces anatomiques. Il est impératif<br />
55<br />
d’employer un contenant normalisé,<br />
d’utiliser un véhicule habilité dans le<br />
transfert, lequel répond à une<br />
signalétique bien déterminée.<br />
L’établissement <strong>de</strong> soins d’où partent les<br />
corps, comme l’opérateur funéraire, sont<br />
tenus au respect <strong>de</strong> procédures. Elles<br />
impliquent une traçabilité, une<br />
confi<strong>de</strong>ntialité totale et l’absence <strong>de</strong><br />
communication d’horaires. Dans le cadre<br />
d’une convention mise en p<strong>la</strong>ce avec l’AP-<br />
HP, <strong>la</strong> règle suivante a été édictée : un<br />
certificat d’accouchement implique qu’un<br />
seul corps est p<strong>la</strong>cé dans chaque<br />
contenant. Lorsque le corps arrive au<br />
Père Lachaise, il est p<strong>la</strong>cé sous anonymat,<br />
en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> préserver le<br />
secret médical. Ni l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong>, ni<br />
l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s parents ne peut être connue.<br />
On l’a dit, il n’y a pas non plus<br />
dévoilement d’horaires susceptibles <strong>de</strong><br />
donner une indication sur le transfert.<br />
Seul l’établissement source peut<br />
mentionner le jour du départ du corps, s’il<br />
le souhaite.<br />
Depuis peu, afin <strong>de</strong> répondre à une<br />
aspiration <strong>de</strong>s parents en<strong>de</strong>uillés, une<br />
cérémonie du souvenir a été mise en p<strong>la</strong>ce.<br />
C’est une cérémonie collective qui se<br />
déroule au crématorium, à l’intention <strong>de</strong>s<br />
parents affectés par un <strong>de</strong>uil périnatal mais<br />
n’ayant pas souhaité organiser d’obsèques.<br />
Le lieu choisi est précisément celui <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
crémation collective. Les parents sont<br />
informés <strong>de</strong> <strong>la</strong> possibilité d’assister à une<br />
telle cérémonie par <strong>de</strong>s associations ou par<br />
l’hôpital. Insistons sur le fait qu’il existe un<br />
petit livret informatif : « <strong>Mort</strong> périnatale, ce<br />
qui se passe après l’hôpital ». La<br />
cérémonie du souvenir accueille à chaque<br />
fois entre 30 et 40 personnes (parents<br />
mais aussi grands parents, parrains et<br />
marraines). Sa finalité ultime est d’ai<strong>de</strong>r les<br />
personnes en<strong>de</strong>uillées à retrouver une<br />
sorte d’existence sereine et digne. Merci<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
aux associations Petite Émilie et Vivre son<br />
Deuil, impliquées dans les travaux<br />
préparatifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> cérémonie du souvenir.<br />
Que soit aussi remerciée Chantal<br />
Haussaire-Niquet pour sa relecture<br />
attentive du texte du cérémonial. Elle a su<br />
mettre <strong>de</strong>s mots sur les maux que vivent<br />
les parents frappés singulièrement par<br />
l’épreuve <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort périnatale.<br />
Un espace dédié au<br />
cimetière <strong>de</strong> Thiais<br />
Marilyn PIN<br />
Le cimetière <strong>de</strong> Thiais a <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong><br />
possé<strong>de</strong>r, <strong>de</strong>puis 2004, une division<br />
dédiée aux décès périnataux. Elle<br />
comprend une stèle commémorative et<br />
<strong>de</strong>s emp<strong>la</strong>cements d’un mètre carré,<br />
réservés aux <strong>enfant</strong>s en bas âge. Deux<br />
missions nous sont confiées :<br />
inhumer les <strong>enfant</strong>s ;<br />
informer les parents et les proches.<br />
Au sujet <strong>de</strong> l’inhumation et du <strong>de</strong>venir du<br />
corps, plusieurs éléments entrent en<br />
ligne <strong>de</strong> compte : il peut s’agir d’un<br />
<strong>enfant</strong> né sans vie ou d’un <strong>enfant</strong> viable<br />
ayant fait l’objet d’un acte <strong>de</strong> <strong>naissance</strong><br />
et d’un acte <strong>de</strong> décès. Dans le premier<br />
cas <strong>de</strong> figure, les parents peuvent confier<br />
le corps à l’hôpital ou s’occuper euxmêmes<br />
<strong>de</strong>s obsèques. Lorsque les corps<br />
sont pris en charge par les hôpitaux, une<br />
crémation collective est réalisée au<br />
crématorium du Père Lachaise. Un<br />
médaillon symbolique est déposé tous<br />
les trimestres sur une stèle dédiée, au<br />
cimetière <strong>de</strong> Thiais. Elle se trouve<br />
physiquement au Jardin <strong>de</strong>s lumières,<br />
partie du lieu consacré aux <strong>enfant</strong>s en<br />
bas âge. Il n’y a pas <strong>de</strong> cérémonie au<br />
moment du dépôt du médaillon, mais les<br />
services funéraires organisent une<br />
cérémonie à l’intention <strong>de</strong>s proches, au<br />
crématorium.<br />
56<br />
Si <strong>la</strong> famille a choisi <strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce<br />
<strong>de</strong>s obsèques, le circuit est le même que<br />
pour celui qui a fait l’objet d’un acte <strong>de</strong><br />
<strong>naissance</strong> et d’un acte <strong>de</strong> décès. Il est<br />
possible d’opter pour l’inhumation ou<br />
pour <strong>la</strong> crémation individuelle. Si c’est<br />
cette <strong>de</strong>rnière option qui est retenue, les<br />
parents peuvent soit conserver le<br />
médaillon qui leur est remis, soit inhumer<br />
ce médaillon dans une sépulture familiale,<br />
soit le déposer sur <strong>la</strong> stèle du jardin <strong>de</strong>s<br />
lumières. À l’origine, elle n’était pas<br />
<strong>de</strong>stinée à recevoir <strong>de</strong>s médaillons<br />
« individuels ». Nous avons révisé les<br />
choses à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> parents.<br />
Toutefois, nous leur avons précisé qu’il ne<br />
leur serait pas possible <strong>de</strong> récupérer le<br />
médaillon ultérieurement, pour <strong>de</strong>s<br />
raisons techniques.<br />
Dans l’hypothèse où les parents optent<br />
pour une inhumation en cercueil, on peut<br />
y procé<strong>de</strong>r dans une division c<strong>la</strong>ssique (en<br />
sépulture familiale ou dans un<br />
emp<strong>la</strong>cement d’un mètre carré dédié à<br />
l’<strong>enfant</strong>). Les parents ont le choix du type<br />
d’inhumation : en pleine terre ou dans un<br />
caveau. Ils peuvent encore déterminer <strong>la</strong><br />
durée <strong>de</strong> <strong>la</strong> sépulture ou poser un<br />
monument. Ils ont également <strong>la</strong> possibilité<br />
<strong>de</strong> renouveler <strong>la</strong> sépulture. Ajoutons<br />
qu’une inhumation du cercueil au jardin<br />
<strong>de</strong>s lumières est envisageable (en pleine<br />
terre). Précisons ici que ce jardin est un<br />
terrain commun. Une p<strong>la</strong>ce peut être<br />
accordée gratuitement à une famille pour<br />
5 ans. En revanche, il n’est pas possible<br />
d’y faire poser un monument. Il n’est pas<br />
possible <strong>de</strong> renouveler <strong>la</strong> sépulture. Pour<br />
une conservation d’un corps au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 5<br />
ans, il est donc inévitable <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à<br />
une exhumation. C’est toujours une chose<br />
délicate.<br />
Les agents du cimetière ont pour mission<br />
d’accueillir parents et proches,<br />
notamment pour les informer. L’accueil<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
<strong>de</strong>s parents qui ont confié le <strong>de</strong>venir du<br />
corps <strong>de</strong> leur <strong>enfant</strong> à l’hôpital constitue<br />
une mission qui mérite un examen<br />
particulier. En principe, les corps sont<br />
inhumés en terrain commun car ces<br />
parents n’ont pas fait <strong>de</strong> choix concret<br />
(d’emp<strong>la</strong>cement, <strong>de</strong> durée, etc.). Bien<br />
souvent, ils finissent par poser <strong>de</strong>s<br />
questions a posteriori, auxquelles il n’est<br />
pas toujours aisé d’apporter une réponse.<br />
Pour les décès remontant à plus <strong>de</strong> 20<br />
ans, nous sommes assez démunis pour<br />
produire une information précise. En effet,<br />
nous pouvons être en re<strong>la</strong>tion avec <strong>de</strong>s<br />
personnes qui se manifestent jusqu’à <strong>de</strong>s<br />
décennies après un décès. Si l’<strong>enfant</strong>, à<br />
l’époque, a été mis en terrain commun,<br />
nous arrivons à retrouver <strong>de</strong>s<br />
informations précises. En principe, c’est<br />
un emp<strong>la</strong>cement précis qui nous est<br />
<strong>de</strong>mandé. Dans le cas <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s nés<br />
sans vie, nous ne disposons pas<br />
d’information précise pour les décès<br />
anciens. Lorsque ces <strong>enfant</strong>s ont été<br />
p<strong>la</strong>cés en terrain commun, il a juste été<br />
écrit à l’époque « embryon » dans nos<br />
registres (qui ne comportent alors ni nom,<br />
ni prénom). Les hôpitaux ne donnaient<br />
pas d’information. Parfois même les corps<br />
arrivaient avec les déchets anatomiques,<br />
ce qui est très difficile à expliquer aux<br />
parents. Lorsque nous n’avons pas <strong>de</strong><br />
trace sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle répondre,<br />
nous nous efforçons <strong>de</strong> faire preuve <strong>de</strong><br />
tact. Nous n’inventons rien et tâchons <strong>de</strong><br />
rester cohérents. Les personnes sont<br />
toujours très perturbées par les discours<br />
contradictoires (à l’hôpital, auprès <strong>de</strong> nos<br />
services…). Heureusement, les normes <strong>de</strong><br />
traçabilité du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s corps ont<br />
considérablement évolué durant les<br />
<strong>de</strong>rnières années.<br />
Il y a 4 ou 5 ans, les questions portaient<br />
plutôt sur le parcours <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> à<br />
l’hôpital et sur <strong>la</strong> localisation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
sépulture. Les parents étaient<br />
57<br />
désemparés lorsque les discours<br />
divergeaient d’une institution à l’autre.<br />
Aujourd’hui, nous constatons une<br />
meilleure information <strong>de</strong>s parents<br />
lorsqu’ils arrivent au cimetière. Les<br />
questions ten<strong>de</strong>nt à porter sur les<br />
modalités <strong>de</strong> l’inhumation (quand,<br />
comment, par qui…) et sur le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s<br />
corps. Le problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> reprise <strong>de</strong>s<br />
terrains communs au jardin <strong>de</strong>s lumières<br />
est aujourd’hui soulevé. Ce sont les<br />
terrains censés être libérables au bout <strong>de</strong><br />
5 ans. Nous aurions du les reprendre en<br />
2009. Toutefois, le jardin <strong>de</strong>s lumières est<br />
une division particulièrement sensible.<br />
Nous n’avons rien fait pour le moment en<br />
vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> reprendre. Dans l’état actuel <strong>de</strong>s<br />
choses, nous ne savons pas si une autre<br />
division <strong>de</strong> ce type va être ouverte. Une<br />
prolongation du dé<strong>la</strong>i à 10 ans est<br />
envisageable, pour <strong>la</strong>isser du temps à <strong>la</strong><br />
réflexion <strong>de</strong>s familles qui pourraient<br />
finalement souhaiter un transfert <strong>de</strong> leur<br />
corps vers une autre sépulture. Faute <strong>de</strong><br />
pouvoir reprendre les emp<strong>la</strong>cements,<br />
nous commençons à être fortement<br />
contraints en termes d’espace disponible.<br />
Aujourd’hui, <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ques, <strong>de</strong>s objets, <strong>de</strong>s<br />
jouets, <strong>de</strong>s bonbons sont déposés <strong>de</strong>vant<br />
<strong>la</strong> division 94. Ils témoignent <strong>de</strong><br />
l’investissement affectif <strong>de</strong>s parents. Il<br />
était absolument nécessaire d’aménager<br />
un espace dédié au <strong>de</strong>uil périnatal.<br />
La mort d’un nouveau<br />
né, révé<strong>la</strong>teur <strong>de</strong> ce<br />
qu’une culture cache,<br />
<strong>de</strong> ce qu’une culture<br />
montre<br />
Eric CRUBEZY<br />
L’amélioration <strong>de</strong>s techniques médicales<br />
en Europe et en Amérique du Nord a<br />
bouleversé <strong>la</strong> mortalité périnatale.<br />
Longtemps, c’est-à-dire durant <strong>la</strong> plus<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’humanité, un<br />
tiers <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s trouvait <strong>la</strong> mort avant<br />
leur première année.<br />
On estime avec quelque certitu<strong>de</strong> que les<br />
sépultures sont apparues il y a 100 000<br />
ans. En réalité, les premières d’entre elles<br />
ont sûrement été constituées il y a<br />
200 000 ans. Si l’on connaît bien les<br />
sépultures d’adultes, nous sommes aux<br />
prises avec <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s difficultés pour<br />
parler <strong>de</strong>s sépultures <strong>de</strong> nouveaux-nés. La<br />
conservation <strong>de</strong>s ossements dans le sol<br />
est effectivement hautement<br />
problématique s’agissant <strong>de</strong> cette<br />
popu<strong>la</strong>tion très particulière d’individus.<br />
Bien évi<strong>de</strong>mment, l’attention accordée<br />
aux bébés varie d’une culture à l’autre.<br />
Elle est même variable dans une même<br />
culture et nous venons <strong>de</strong> prendre<br />
con<strong>naissance</strong>, au cours du présent<br />
colloque, <strong>de</strong> <strong>la</strong> variabilité qui s’applique à<br />
notre propre culture.<br />
Lorsque nous sommes en présence d’une<br />
sépulture égyptienne datant du<br />
4 e millénaire avant notre ère, il nous est<br />
bien difficile <strong>de</strong> calculer l’âge d’un<br />
nouveau né donc nous ne recueillons que<br />
quelques traces. À vrai dire nous ne<br />
savons pas s’il a vécu quelques heures ou<br />
s’il est venu au mon<strong>de</strong> mort-né. Toutefois,<br />
nous sommes en mesure <strong>de</strong> déterminer<br />
que les anciens Égyptiens traitaient les<br />
nouveaux-nés somme toute comme <strong>de</strong>s<br />
adultes. Nous avons en effet découvert<br />
une ancienne nécropole égyptienne<br />
contenant les restes <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 500<br />
<strong>enfant</strong>s. Cette nécropole est un<br />
témoignage <strong>de</strong> ce qu’était <strong>la</strong> mortalité<br />
infantile dans une civilisation ancienne.<br />
Elle témoigne surtout du fait que,<br />
culturellement, le tout jeune <strong>enfant</strong> était<br />
traité comme l’adulte. En tout cas, il<br />
pouvait en être ainsi dans bien <strong>de</strong>s cas. A<br />
contrario, dans d’autres civilisations, les<br />
tous jeunes <strong>enfant</strong>s morts ne rejoignaient<br />
58<br />
pas les cimetières <strong>de</strong>s adultes.<br />
Une sépulture s’inscrit dans un arbitrage<br />
entre ritualité et fonctionnalité. Dans <strong>la</strong><br />
culture mongole, jusqu’au début du<br />
20 e siècle, un <strong>enfant</strong> mort-né était attaché<br />
<strong>de</strong>rrière le cheval <strong>de</strong> son père qui<br />
parcourait <strong>la</strong> steppe jusqu’à ce qu’il ne<br />
reste plus rien au bout <strong>de</strong> <strong>la</strong> sangle. Nous<br />
sommes en présence d’une re<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong><br />
mort parfaitement ritualisée.<br />
Ce que nous connaissons comme<br />
l’inhumation <strong>de</strong>s <strong>enfant</strong>s morts-nés –<br />
pratiquée notamment dans l’ancienne<br />
Égypte – a eu beaucoup <strong>de</strong> variantes sur<br />
le p<strong>la</strong>n fonctionnel. Parfois, les nouveaux<br />
nés étaient déposés dans <strong>de</strong>s urnes<br />
funéraires. On a retrouvé les restes <strong>de</strong><br />
l’un d’entre eux dans un ancien vase à<br />
cuire. Dans ce cas, on en déduit que <strong>la</strong><br />
fonctionnalité l’emporte sur <strong>la</strong> ritualité.<br />
Faire son <strong>de</strong>uil, sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s pratiques<br />
sociales, renvoie à un triptyque : voir –<br />
cacher – sacraliser. On montre le cadre,<br />
ou au contraire on le dissimule. On le relie<br />
au sacré. Aujourd’hui, voir renvoie à un<br />
acte somme toute individuel. Cacher<br />
participe plutôt du collectif. Nous venons<br />
<strong>de</strong> voir évoquer <strong>la</strong> dimension collective<br />
<strong>de</strong>s obsèques et <strong>la</strong> façon dont ils<br />
sacralisent <strong>la</strong> mort. Le vécu individuel<br />
s’articule au vécu collectif par <strong>de</strong>s rituels<br />
<strong>de</strong> partage.<br />
Les mères ont porté le far<strong>de</strong>au du <strong>de</strong>uil<br />
périnatal dans <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s<br />
civilisations et <strong>de</strong>s âges. Peut-être est-ce<br />
pour cette raison que ce <strong>de</strong>uil a été<br />
relégué dans le silence, ou tenu pour<br />
chose négligeable. On ne peut pas se<br />
charger <strong>de</strong> faire disparaître un adulte<br />
seul, aisément. En revanche, un nouveauné<br />
peut être escamoté. Il peut être<br />
inhumé rapi<strong>de</strong>ment <strong>autour</strong> <strong>de</strong> l’habitation<br />
ou même dans l’habitation. En principe,<br />
c’était là <strong>la</strong> tâche d’une femme. C’était le<br />
plus fréquemment aux femmes d’arbitrer<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
entre solutions rituelles et solutions<br />
fonctionnelles.<br />
Anne-Isabelle CERLES<br />
Je m’exprime en tant qu’adhérente <strong>de</strong><br />
l’association Petite Émilie et en temps que<br />
mère ayant vécu une IMG, à l’hôpital<br />
Robert Debré. A travers l’association, j’ai pu<br />
échanger avec d’autres mères qui ont vécu<br />
une expérience comparable à <strong>la</strong> mienne.<br />
Le temps <strong>de</strong>s obsèques est essentiel pour<br />
<strong>de</strong> multiples raisons :<br />
il marque <strong>la</strong> transition entre une pério<strong>de</strong><br />
d’intense agitation (à cause notamment du<br />
suivi médical) et une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> retour à <strong>la</strong><br />
maison, où <strong>la</strong> mère est confrontée au vi<strong>de</strong> ;<br />
il constitue un moment <strong>de</strong> recueillement<br />
privilégié ;<br />
il est l’occasion <strong>de</strong> reprendre possession <strong>de</strong><br />
son <strong>enfant</strong>, qui a été comme enlevé à sa<br />
mère par <strong>la</strong> prise en charge médicale en<br />
raison d’une « anormalité » ou d’une<br />
« anomalie » ;<br />
il offre l’occasion <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière<br />
dont on dit « au revoir » à l’<strong>enfant</strong> ;<br />
il ouvre une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> retour à soi ;<br />
Une mort périnatale s’inscrit dans nos vies<br />
<strong>de</strong> manière indélébile. Malgré tout, nous<br />
éprouvons pleinement le sentiment d’être<br />
parent. Précé<strong>de</strong>mment, l’importance du<br />
lieu qu’est <strong>la</strong> chambre mortuaire a été<br />
rappelée. Lorsque je me suis trouvée dans<br />
<strong>la</strong> chambre mortuaire <strong>de</strong> l’hôpital Robert<br />
Debré, je me suis avant tout perçue comme<br />
« maman ». Certes, j’ai aussi été une «<br />
patiente » et, à ce titre j’ai été « prise en<br />
charge ». C’est à <strong>la</strong> chambre mortuaire que<br />
j’ai pris <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong> mon <strong>enfant</strong>, que j’ai<br />
choisi le doudou qui al<strong>la</strong>it l’accompagner<br />
ainsi que les habits du <strong>de</strong>rnier voyage.<br />
Autant dire que c’est seulement là que j’ai<br />
pu vraiment me comporter en mère.<br />
Surtout, les obsèques constituent le<br />
moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> réinscription <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> dans<br />
l’histoire familiale, en présence <strong>de</strong>s grands<br />
parents. C’est un moment <strong>de</strong><br />
59<br />
recon<strong>naissance</strong> familiale extrêmement fort,<br />
aussi important <strong>de</strong> notre point <strong>de</strong> vue que<br />
<strong>la</strong> recon<strong>naissance</strong> administrative. La famille<br />
est conviée pour dire adieu à un être qui<br />
fait partie <strong>de</strong> son histoire, malgré<br />
l’adversité. Le père assume son rôle en<br />
présence <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. C’est en préparant<br />
les obsèques qu’il va au-<strong>de</strong>là du simple fait<br />
d’être désemparé. En choisissant le<br />
cercueil, en s’occupant <strong>de</strong> formalités, un<br />
rôle actif lui est conféré. Il prend<br />
pleinement conscience <strong>de</strong> ce qui s’est joué<br />
dans <strong>la</strong> mort périnatale.<br />
Il est question d’un temps <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
recon<strong>naissance</strong>, d’un temps du chagrin. La<br />
mort intervient avant <strong>la</strong> vie, ce qui semble<br />
être une absurdité. En dépit <strong>de</strong> ce<strong>la</strong>, les<br />
obsèques restaurent un certain ordre <strong>de</strong>s<br />
choses, une temporalité logique pour ceux<br />
qui n’ont pas connu l’être mort : famille,<br />
proches… Les obsèques constituent donc<br />
une occasion d’expression <strong>de</strong> solidarité et<br />
<strong>de</strong> sympathie. La recon<strong>naissance</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
tristesse et du <strong>de</strong>uil par autrui, dans le<br />
cercle familial, témoigne <strong>de</strong> l’existence<br />
d’un échange. La douleur ne reste plus<br />
muette. Les sentiments s’expriment et se<br />
communiquent. Ce faisant, les fondations<br />
du futur se solidifient. On sait ce qu’il<br />
advient <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong>, dont l’existence –<br />
même morte née – n’est plus escamotée.<br />
Ce<strong>la</strong> évite <strong>la</strong> folie. La mémoire peut<br />
s’attacher à <strong>de</strong>s éléments tangibles : un<br />
lieu, un médaillon. Le <strong>de</strong>uil est donc<br />
légitime. Ceci est capital dans le cas du<br />
<strong>de</strong>uil périnatal, paradoxal par excellence<br />
car il soulève tant <strong>de</strong> questions (a-t-il<br />
vécu ? l’ai-je vu ?). Lorsqu’une mère perd<br />
un <strong>enfant</strong> à 8 mois <strong>de</strong> grossesse, elle l’a<br />
senti bouger. Son ventre est <strong>de</strong>venu rond.<br />
À l’inverse, une mère le perdant à 4 ou 5<br />
mois <strong>de</strong> grossesse perd presque un<br />
fantôme. Elle se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si l’être a existé<br />
ou non. <strong>Quel</strong>que chose confine en pareil<br />
cas à <strong>la</strong> folie. Chaque expérience <strong>de</strong>meure<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
unique. Le temps <strong>de</strong>s obsèques est<br />
solennel, essentiel sur le p<strong>la</strong>n du respect –<br />
tant <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> que <strong>de</strong>s parents.<br />
Débat<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Des parents qui déci<strong>de</strong>nt d’organiser euxmêmes<br />
<strong>de</strong>s obsèques peuvent-ils solliciter<br />
n’importe quel opérateur funéraire ?<br />
François MICHAUD NERARD<br />
Heureusement, il n’y a pas lieu <strong>de</strong> penser<br />
qu’il existe <strong>de</strong>s sociétés « spécialisées<br />
dans le <strong>de</strong>uil périnatal ». Les parents ont<br />
juste à trouver quelqu’un qui les écoute,<br />
avec qui ils puissent partager un <strong>la</strong>ngage<br />
commun.<br />
Caroline LEMOINE<br />
Beaucoup <strong>de</strong> professionnels <strong>de</strong> santé<br />
n’osent pas parler <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du<br />
recueillement, du <strong>de</strong>uil, à une femme<br />
enceinte à qui l’on diagnostique le pire.<br />
On imagine très bien qu’ils estiment ne<br />
pas avoir à évoquer <strong>de</strong>s considérations<br />
telles que les <strong>de</strong>vis <strong>de</strong>s opérateurs<br />
funéraires… Toutefois une mère en<br />
détresse qui ne fera pas les bons choix<br />
pourra se le reprocher <strong>de</strong>s décennies<br />
après l’épreuve. Ainsi, elle se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra<br />
avant tout « où est mon <strong>enfant</strong> ? ». On<br />
voit <strong>de</strong>s familles errer dans les<br />
cimetières, hantées par leurs<br />
interrogations. Elles vivent un<br />
authentique déchirement, faute <strong>de</strong> savoir.<br />
C’est pourquoi <strong>la</strong> pose d’une stèle<br />
funéraire, en un lieu <strong>de</strong> recueillement<br />
précis, n’est jamais anecdotique.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Doit-on alors conseiller d’organiser <strong>de</strong>s<br />
obsèques ?<br />
Caroline LEMOINE<br />
On est obligé <strong>de</strong> prendre tout au moins le<br />
60<br />
parti d’informer. Les parents ne doivent<br />
pas rester dans le silence. Ainsi c’est aux<br />
professionnels <strong>de</strong> dire pourquoi à <strong>la</strong> suite<br />
d’une crémation <strong>de</strong> nouveau-né il ne<br />
subsiste pas <strong>de</strong> cendres. Les <strong>de</strong>mi-vérités,<br />
a fortiori les mensonges, ne peuvent<br />
qu’accroître un jour ou l’autre <strong>la</strong> douleur<br />
parentale. Par conséquent, on est en droit<br />
<strong>de</strong> postuler que les familles peuvent tout<br />
entendre, à <strong>la</strong> condition que les mots<br />
justes soient employés, avec tact.<br />
Entendant ainsi <strong>la</strong> vérité, elles sont en<br />
mesure <strong>de</strong> choisir ce qui convient le<br />
mieux pour leur avenir.<br />
Elisabeth MARTINEAU<br />
En écoutant un témoignage, j’ai été<br />
surprise par le fait que le moment <strong>de</strong><br />
l’inhumation est un moment <strong>de</strong><br />
réappropriation <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> ? Pourquoi<br />
l’accouchement, très fortement encadré<br />
médicalement, serait-il nécessairement un<br />
moment <strong>de</strong> dépossession ?<br />
Anne-Isabelle CERLES<br />
Au moment <strong>de</strong>s obsèques, je me suis<br />
retrouvée seule avec mon mari, pour en<br />
quelque sorte me réapproprier <strong>la</strong><br />
chronologie <strong>de</strong>s événements.<br />
Bien entendu, je ne souhaite nullement<br />
nier que le moment <strong>de</strong> l’accouchement à<br />
l’hôpital Robert Debré a, malgré tout, été<br />
exceptionnel. J’irai même jusqu’à parler<br />
d’un moment <strong>de</strong> bonheur, comparable à<br />
ceux <strong>de</strong>s accouchements <strong>de</strong> mes <strong>de</strong>ux<br />
aînés.<br />
Je vou<strong>la</strong>is dire que vient un moment où<br />
l’on n’est plus portée par l’encadrement<br />
médical, on revient à soi. Le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
prise en charge médicale n’est pas à<br />
proprement parler une « dépossession ».<br />
Elisabeth MARTINEAU<br />
Le temps <strong>de</strong> l’enterrement est celui où<br />
l’on remet son bébé. On ne le recouvre<br />
pas ; on ne le possè<strong>de</strong> pas.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
Anne-Isabelle CERLES<br />
Malgré tout, le sentiment d’avoir vécu<br />
avec l’<strong>enfant</strong> <strong>de</strong>meure, même s’il ne<br />
concerne pas une vie terrestre. Le propos<br />
<strong>de</strong> Françoise Chan<strong>de</strong>rnagor, cité<br />
précé<strong>de</strong>mment, est essentiel. Peu importe<br />
le temps <strong>de</strong> vie partagée avec mon<br />
<strong>enfant</strong>. Au cimetière, je sais où il est, à<br />
côté <strong>de</strong> qui il repose. C’est ce<strong>la</strong> qui<br />
compte.<br />
Marie-Pierre GUITOUT<br />
On l’a dit, les parents ont l’option <strong>de</strong><br />
confier le corps <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> à l’hôpital en<br />
vue d’une crémation. Or, concrètement,<br />
beaucoup d’entre eux ne l’acceptent pas<br />
en raison <strong>de</strong> leurs croyances religieuses.<br />
En principe, ils <strong>de</strong>vraient procé<strong>de</strong>r euxmêmes<br />
à l’organisation d’obsèques, ce qui<br />
<strong>de</strong> mon point <strong>de</strong> vue pose un problème<br />
éthique.<br />
François MICHAUD NERARD<br />
Lorsque l’hôpital prend en charge un<br />
corps, il n’y a là nulle expropriation. Il<br />
existe certaines communes (Tours, Lille)<br />
qui prennent <strong>de</strong>s dispositions<br />
particulières, en vue d’inhumations. Il<br />
n’existe nulle obligation en <strong>la</strong> matière.<br />
Chaque commune est libre d’adopter les<br />
mesures qu’elle estime appropriées.<br />
À Paris, lorsque <strong>de</strong>s parents n’ont pas les<br />
moyens d’organiser <strong>de</strong>s obsèques car ils<br />
sont en gran<strong>de</strong> difficulté financière, <strong>de</strong>s<br />
ai<strong>de</strong>s les ren<strong>de</strong>nt possibles, pour moins <strong>de</strong><br />
150 euros. Par conséquent, on ne saurait<br />
dire que <strong>de</strong>s parents ne sont pas en<br />
mesure <strong>de</strong> mettre en œuvre <strong>de</strong>s obsèques<br />
pour raisons financières. Les solutions<br />
existent. S’ils ne procè<strong>de</strong>nt pas aux<br />
obsèques, c’est qu’ils préfèrent s’abstenir.<br />
Une participante<br />
Dans le cas <strong>de</strong> personnes en situation<br />
irrégulière, en gran<strong>de</strong> difficulté sociale, les<br />
bébés sont confiés à l’hôpital en dépit<br />
61<br />
même <strong>de</strong>s convictions religieuses. Elles<br />
jugent ne pas avoir le choix, voilà tout.<br />
François MICHAUD NERARD<br />
Les services sociaux ne font pas entrer le<br />
critère <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation irrégulière en ligne<br />
<strong>de</strong> compte.<br />
Une participante<br />
À considérer ma pratique à l’hôpital <strong>de</strong><br />
Bourges, les soignants ont bien du mal à<br />
avouer aux parents que leur bébé va<br />
partir avec les pièces anatomiques. Que<br />
puis-je faire en tant que sage-femme, pour<br />
que les choses soient mieux vécues et<br />
mieux dites ?<br />
François MICHAUD NERARD<br />
Tout dépend du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement<br />
<strong>de</strong> votre hôpital. Il est bien évi<strong>de</strong>nt que<br />
l’on doit se conformer aux obligations<br />
légales inhérentes à <strong>la</strong> filière<br />
d’encadrement du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s pièces<br />
anatomiques. Seule une intervention <strong>de</strong>s<br />
pouvoirs publics serait à même <strong>de</strong><br />
changer le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s corps<br />
humains, <strong>de</strong>s pièces anatomiques et <strong>de</strong>s<br />
déchets. Il s’agit <strong>de</strong> trois catégories<br />
distinctes. Ce<strong>la</strong> dit, on peut tout à fait<br />
respecter une filière normalisée <strong>de</strong> façon<br />
digne. À l’AP-HP, à partir du moment où<br />
un certificat d’<strong>enfant</strong> né sans vie est<br />
dressé, le corps bénéficie d’un contenant<br />
dédié. Le processus est digne dans <strong>la</strong><br />
mesure où il est hors <strong>de</strong> question <strong>de</strong> tout<br />
traiter « en vrac ». Le respect du secret<br />
médical, l’anonymisation sont <strong>de</strong>s<br />
impératifs incontournables. Toujours est-il<br />
que l’on peut opérer en toute dignité, il<br />
n’appartient qu’aux établissements <strong>de</strong> le<br />
vouloir.<br />
Antoinette GELOT<br />
Le présent colloque nous offre<br />
l’opportunité <strong>de</strong> dénoncer le fait <strong>de</strong> mêler<br />
fœtus et pièces anatomiques. Nous<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
dressons un état <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
périnatale et, à ce titre, il nous appartient<br />
d’attirer l’attention sur une pratique qui<br />
nous semble parfaitement inacceptable.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Il ne reste donc qu’à interpeller les<br />
pouvoirs publics.<br />
NOTE :<br />
3. http://l<strong>enfant</strong>sansnom.free.fr/page/PJ%20<strong>Mort</strong>%20<br />
Perinatale_Informations.pdf<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
62
QUATRIÈME<br />
TABLE RONDE<br />
Autour<br />
du temps<br />
<strong>de</strong> l’après<br />
Droits sociaux, conclusion et<br />
clôture du dossier, nouveau projet d’<strong>enfant</strong><br />
• Yves Ville, Gynécologue obstétricien, CDPN, Hôpital Necker<br />
• Delphine Héron, Généticien, Hôpital Pitié-Salpêtrière<br />
• Nathalie Symard, Assistante Sociale, Hôpital Trousseau<br />
• Guillemette Porta, Association Agapa<br />
Pierre BIENVAULT<br />
La réflexion <strong>de</strong> <strong>la</strong> présente table ron<strong>de</strong><br />
peut être introduite en faisant référence à<br />
<strong>de</strong>ux livres :<br />
Surmonter <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> attendu,<br />
d’Élisabeth Martineau, qui est journaliste<br />
et responsable d’une association ;<br />
La secon<strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s bébés morts, <strong>de</strong><br />
Dominique Memmi, directrice <strong>de</strong><br />
recherches au CNRS.<br />
La clôture <strong>de</strong> l’épreuve tant sur le p<strong>la</strong>n<br />
médical que sur le p<strong>la</strong>n administratif,<br />
représente une étape du parcours <strong>de</strong>s<br />
parents qui ne saurait être sous-estimée<br />
au prétexte qu’elle est <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière et qu’il<br />
s’agirait simplement <strong>de</strong> « tourner <strong>la</strong><br />
page ». Nous le savons bien, l’histoire ne<br />
s’arrête pas du jour au len<strong>de</strong>main pour les<br />
63<br />
parents. Il ne suffit pas <strong>de</strong> clore un<br />
dossier pour effacer les traces<br />
psychologiques d’une mort périnatale.<br />
Surtout, il est capital d’ai<strong>de</strong>r les parents à<br />
préparer le temps <strong>de</strong> l’après, en<br />
particulier s’ils désirent renouveler leur<br />
projet d’avoir un <strong>enfant</strong>.<br />
Envisager l’avenir avec<br />
une note d’optimisme<br />
Yves VILLE<br />
Durant ce « temps <strong>de</strong> l’après », nous nous<br />
efforçons <strong>de</strong> ne pas rompre le contact<br />
avec les mères que nous avons suivies et<br />
accompagnées dans l’épreuve du <strong>de</strong>uil<br />
périnatal. De notre point <strong>de</strong> vue, il existe<br />
un moment charnière que nous situons en<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
moyenne à 6-8 semaines post partum.<br />
Est-ce là <strong>la</strong>isser s’écouler un <strong>la</strong>ps <strong>de</strong><br />
temps trop long ? À vrai dire, en pareil<br />
contexte, il n’est rien <strong>de</strong> pire que <strong>de</strong><br />
donner un ren<strong>de</strong>z-vous que l’on ne peut<br />
pas tenir. À considérer les aléas <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
fœtopathologie, un dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> 8 semaines<br />
post partum nous semble tout à fait<br />
raisonnable. En tous cas, il a l’immense<br />
mérite d’être tenable. En effet, on imagine<br />
mal convoquer une femme pour <strong>la</strong><br />
reconvoquer ensuite, au motif qu’il<br />
manque <strong>de</strong>s éléments à son dossier. De<br />
plus, <strong>la</strong>isser environ <strong>de</strong>ux mois s’écouler<br />
donne du temps à <strong>la</strong> femme, au couple, <strong>de</strong><br />
nourrir d’autres sentiments que <strong>la</strong><br />
stupeur, l’incompréhension, <strong>la</strong> révolte et le<br />
<strong>de</strong>uil.<br />
Sur un p<strong>la</strong>n technique, un conseil<br />
génétique est délivré, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
consultation <strong>de</strong> suivi, au regard <strong>de</strong>s<br />
résultats <strong>de</strong> l’autopsie. La liaison avec le<br />
psychologue assurant le suivi<br />
psychologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère est précieuse<br />
pour envisager « l’après ». De notre point<br />
<strong>de</strong> vue et ainsi qu’on l’a dit<br />
précé<strong>de</strong>mment, les résultats <strong>de</strong> l’autopsie<br />
sont fondamentaux. Ces <strong>de</strong>rniers ne<br />
doivent pas être découverts par le<br />
mé<strong>de</strong>cin, au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> consultation. En<br />
tout état <strong>de</strong> cause, une consultation <strong>de</strong><br />
suivi à <strong>la</strong> suite d’une mort périnatale se<br />
prépare. Dans notre service, <strong>la</strong> réunion<br />
hebdomadaire <strong>de</strong> diagnostic prénatal est<br />
précédée d’une sorte <strong>de</strong> pré-réunion<br />
collégiale et multidisciplinaire. Ce moment<br />
est très utile, dans <strong>la</strong> perspective d’une<br />
consultation post-IMG, en vue <strong>de</strong> recueillir<br />
toutes les informations utiles. Au moment<br />
où l’on rencontre <strong>la</strong> patiente, on dispose<br />
ainsi <strong>de</strong> tous les renseignements <strong>de</strong><br />
nature à l’éc<strong>la</strong>irer. Lorsque <strong>de</strong>s<br />
photographies <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> qu’elle a perdu<br />
sont disponibles et présentables, on<br />
propose <strong>de</strong> les lui montrer.<br />
La question du suivi psychologique est<br />
64<br />
essentielle. De notre point <strong>de</strong> vue, les<br />
besoins d’accompagnement dépassent ce<br />
que l’on a coutume <strong>de</strong> prodiguer<br />
effectivement. C’est quelque chose <strong>de</strong><br />
regrettable, comme on ne saurait se<br />
contenter <strong>de</strong> produire une information <strong>de</strong><br />
nature médicale sans s’attacher au<br />
ressenti psychologique <strong>de</strong> l’épreuve du<br />
<strong>de</strong>uil périnatal. En fonction <strong>de</strong>s<br />
informations médicales dont nous<br />
disposons, nous produisons un conseil<br />
génétique. Le mé<strong>de</strong>cin doit donner <strong>de</strong>s<br />
réponses ! Certes, il peut subsister <strong>de</strong>s<br />
zones d’incertitu<strong>de</strong>s, mais il est toujours<br />
possible <strong>de</strong> présenter nos interrogations<br />
sous un jour positif, sans faire croire<br />
qu’elles sont <strong>de</strong> nature à remettre l’avenir<br />
en question. Ne renonçons pas à nous<br />
faire les avocats d’une vision optimiste et<br />
résolument nataliste du « temps <strong>de</strong><br />
l’après ». De fait, nos interlocuteurs<br />
veulent savoir : « pourquoi ? », « pourquoi<br />
moi ? », « pourquoi nous ? ». Le spectre<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> récurrence p<strong>la</strong>ne au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
consultation <strong>de</strong> suivi. Les femmes, les<br />
couples viennent chercher l’autorisation<br />
médicale à une nouvelle grossesse ou,<br />
tout au moins, l’autorisation d’y repenser.<br />
Il va <strong>de</strong> soi que nous leur <strong>de</strong>vons<br />
l’information <strong>la</strong> plus objective possible,<br />
re<strong>la</strong>tivement au risque <strong>de</strong> récurrence.<br />
Pour tendre vers <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong><br />
exactitu<strong>de</strong> possible, <strong>la</strong> consultation <strong>de</strong><br />
suivi est conduite en binôme par un<br />
obstétricien et un généticien. Le praticien<br />
référent doit être, lui aussi, pleinement<br />
informé, sans quoi sa situation <strong>de</strong>vient<br />
totalement intenable lorsqu’il revoit <strong>la</strong><br />
femme en consultation ! Il n’est pas<br />
concevable qu’il soit tenu dans l’ignorance<br />
<strong>de</strong>s tenants et aboutissants d’une<br />
grossesse ininterrompue, qu’il ne soit pas<br />
informé <strong>de</strong>s diagnostics et pronostics<br />
finaux. La déontologie nous comman<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
ne pas miner <strong>la</strong> crédibilité du praticien<br />
référent auprès <strong>de</strong> sa patiente, alors qu’il<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
a fait son travail très correctement<br />
jusqu’à son hospitalisation.<br />
Il n’est pas simple <strong>de</strong> son<strong>de</strong>r les besoins<br />
psychologiques <strong>de</strong>s personnes frappées<br />
par une mort périnatale. Nous pouvons<br />
simplement formuler l’hypothèse<br />
grossière selon <strong>la</strong>quelle ce soutien serait<br />
utile et légitime une fois sur <strong>de</strong>ux.<br />
Au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> consultation <strong>de</strong> suivi, nous<br />
avons avant tout à écouter nos<br />
interlocutrices. C’est pourquoi, n’hésitons<br />
pas à leur ménager une p<strong>la</strong>ge horaire<br />
d’une heure. Parfois, <strong>la</strong> consultation ne<br />
durera qu’un quart d’heure ou 20<br />
minutes. Toujours est-il que les femmes<br />
ont besoin <strong>de</strong> temps pour verbaliser ce<br />
qu’elles ont à nous dire, après une<br />
épreuve majeure. Il arrive que celle-ci<br />
correspon<strong>de</strong> à <strong>la</strong> découverte d’une<br />
pathologie familiale <strong>la</strong>tente, révélée par<br />
une anomalie fœtale. Un tel problème est<br />
déstabilisant tant pour nos interlocuteurs<br />
que pour les professionnels du soin euxmêmes.<br />
Pourquoi recomman<strong>de</strong>r l’optimisme en<br />
consultation <strong>de</strong> suivi ? Un risque <strong>de</strong><br />
récurrence d’une chance sur <strong>de</strong>ux signifie<br />
aussi qu’une fois sur <strong>de</strong>ux, tout peut bien<br />
se passer. C’est ainsi que nous orientons<br />
notre discours dans <strong>la</strong> perspective d’une<br />
nouvelle grossesse.<br />
Lever l’incertitu<strong>de</strong> ou,<br />
lorsque l’on ne le peut<br />
pas, <strong>la</strong> maîtriser<br />
Delphine HERON<br />
La question centrale avec <strong>la</strong>quelle le<br />
généticien clinique est aux prises est : et<br />
si c’était héréditaire ? Rappelons qu’il<br />
existe <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies d’origine génétique<br />
dont le mécanisme n’est pas héréditaire.<br />
La trisomie 21 en constitue l’exemple type.<br />
Le plus souvent, le généticien est sollicité<br />
65<br />
après une IMG. Il lui est <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong><br />
contribuer, autant que faire se peut, à un<br />
diagnostic étiologique <strong>de</strong> l’anomalie, ainsi<br />
qu’à une quantification <strong>de</strong>s risques<br />
p<strong>la</strong>nant potentiellement sur une<br />
grossesse ultérieure. Parfois nous<br />
disposons <strong>de</strong>s causes <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />
périnatale, parfois nous <strong>de</strong>vons nous<br />
contenter d’hypothèses. Dans ce <strong>de</strong>rnier<br />
cas <strong>de</strong> figure, communiquer avec le<br />
couple n’est pas forcément simple.<br />
Prenons l’exemple d’anomalies<br />
chromosomiques détectables pendant <strong>la</strong><br />
grossesse ou même avant celle-ci.<br />
Lorsque le diagnostic d’une trisomie 21<br />
est établi, on en vérifie immédiatement le<br />
caractère acci<strong>de</strong>ntel. Il représente 98 %<br />
<strong>de</strong>s cas. Ensuite, on discute <strong>de</strong> l’intérêt<br />
d’un prélèvement fœtal à l’occasion d’une<br />
prochaine grossesse, lequel prélèvement<br />
est effectué à <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> réassurance.<br />
Dans le schéma d’une ma<strong>la</strong>die génétique<br />
héréditaire connue, les couples<br />
connaissent le plus souvent les risques<br />
liés à une grossesse et ce qu’ils<br />
impliquent. Les probabilités <strong>de</strong> grossesse<br />
heureuse et <strong>de</strong> grossesse malheureuse<br />
sont soupesées. Lorsque les choses se<br />
passent mal, les couples se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />
immanquablement : est-ce <strong>la</strong> peine <strong>de</strong><br />
continuer ? Les modalités actuelles <strong>de</strong><br />
diagnostic prénatal, <strong>de</strong> diagnostic<br />
préimp<strong>la</strong>ntatoire, ai<strong>de</strong>nt les couples à<br />
maîtriser leur avenir sans être victimes du<br />
hasard aveugle. On mentionnera encore<br />
les possibilités <strong>de</strong> don <strong>de</strong> gamètes, <strong>de</strong> don<br />
d’embryon ou même <strong>de</strong> recours à<br />
l’adoption. Il importe avant tout d’éviter à<br />
un couple l’impasse <strong>de</strong> l’interruption<br />
médicale <strong>de</strong> grossesse à répétition.<br />
De notre point <strong>de</strong> vue, <strong>la</strong> situation <strong>la</strong> plus<br />
complexe correspond à celle d’absence <strong>de</strong><br />
diagnostic étiologique convaincant car<br />
nous ne sommes pas en mesure d’évaluer<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
précisément le risque <strong>de</strong> récidive. Il a été<br />
question à <strong>de</strong> multiples reprises <strong>de</strong>s outils<br />
<strong>de</strong> diagnostic dont nous disposons :<br />
examen fœtopathologique et<br />
neuropathologique, prélèvements<br />
biologiques, analyses génétiques et<br />
métaboliques… Rappelons que l’on ne<br />
peut pas conduire d’investigation<br />
génétique sur un fœtus sans l’autorisation<br />
expresse <strong>de</strong>s parents. Il arrive qu’un<br />
diagnostic soit très long à obtenir. Parfois,<br />
on ne l’obtient jamais. L’incertitu<strong>de</strong> reste<br />
alors radicale. Elle est évi<strong>de</strong>mment très<br />
déstabilisante pour un couple, car <strong>de</strong><br />
nature à remettre en cause le projet<br />
procréatif.<br />
En toute franchise, le rôle du généticien<br />
clinicien est souvent ingrat car <strong>la</strong> matière<br />
qu’il manipule est source d’angoisses pour<br />
les couples, surtout lorsque nous ne<br />
pouvons nous prononcer sur les causes<br />
qui ont conduit à une mort périnatale. Le<br />
risque <strong>de</strong> récidive est redoutable à<br />
considérer sur le p<strong>la</strong>n psychologique. Les<br />
couples ont besoin <strong>de</strong> savoir s’ils peuvent<br />
reprendre un risque. En tant que<br />
praticienne, je sais l’importance du lien<br />
qui se noue avec un couple lorsqu’il faut<br />
pratiquer une IMG. Ce lien est primordial,<br />
afin d’éviter qu’ultérieurement une<br />
consultation <strong>de</strong> conseil génétique<br />
n’intervienne trop tard, quand une<br />
nouvelle grossesse a débuté. Enfin, sur le<br />
p<strong>la</strong>n humain, le généticien clinique est en<br />
quête perpétuelle <strong>de</strong>s mots justes, <strong>de</strong><br />
l’attitu<strong>de</strong> juste.<br />
Assurer une continuité<br />
dans le parcours<br />
administratif parental<br />
Nathalie SYMARD<br />
Les missions <strong>de</strong> l’assistante sociale<br />
rattachée à un service hospitalier sont <strong>de</strong><br />
conseiller, d’orienter, <strong>de</strong> soutenir et<br />
66<br />
d’accompagner. Elle œuvre afin que les<br />
personnes prises en charge puissent<br />
bénéficier effectivement <strong>de</strong>s droits et <strong>de</strong>s<br />
prestations auxquelles elles ont le droit <strong>de</strong><br />
prétendre. Accompagner <strong>de</strong>s familles et<br />
leurs proches durant l’épreuve d’un décès<br />
périnatal est toujours une entreprise<br />
singulière. Disons-le d’emblée,<br />
l’accompagnement est le travail d’une<br />
équipe pluridisciplinaire.<br />
Dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion applicable,<br />
nous avons à inscrire – dans tous les sens<br />
du terme – les <strong>enfant</strong>s décédés comme<br />
<strong>de</strong>s êtres ayant existé et ayant compté<br />
dans <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> leurs parents. Le<br />
travail du <strong>de</strong>uil dépend <strong>de</strong> cette<br />
inscription. À vrai dire, le regard <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
société sur le <strong>de</strong>uil périnatal a doucement<br />
évolué. Les situations sont très<br />
hétérogènes : fausse couche, mort fœtale<br />
in utero, IMG, décès survenant juste après<br />
<strong>la</strong> <strong>naissance</strong>… La dimension<br />
psychologique <strong>de</strong> l’accompagnement<br />
social est fondamentale. Reconnaissonsle,<br />
il peut être particulièrement difficile<br />
pour <strong>de</strong>s parents <strong>de</strong> comprendre les sens<br />
<strong>de</strong> démarches inhérentes au décès <strong>de</strong> leur<br />
<strong>enfant</strong>. Il n’existe pas <strong>de</strong> protocole à<br />
appliquer servilement. En réalité, on ne<br />
peut qu’être à l’écoute <strong>de</strong> chaque parent<br />
et <strong>de</strong> son cheminement dans une<br />
temporalité qui lui est propre. Pourtant<br />
nous ne pouvons pas transiger avec<br />
certains impératifs : l’information re<strong>la</strong>tive<br />
aux formalités administratives doit être<br />
précisée c<strong>la</strong>irement et simplement, avant<br />
tout car nous sommes en présence <strong>de</strong><br />
personnes désemparées.<br />
L’accompagnement et les conseils re<strong>la</strong>tifs<br />
aux obsèques, à l’exercice <strong>de</strong>s droits<br />
sociaux peuvent <strong>de</strong>voir être<br />
particulièrement appuyés, afin d’inscrire<br />
ceux qui en bénéficient dans <strong>la</strong> réalité.<br />
Concrètement, nous pouvons procé<strong>de</strong>r à<br />
<strong>de</strong>s appels téléphoniques pour le compte<br />
<strong>de</strong>s parents ; nous les orientons vers <strong>de</strong>s<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
services administratifs ; nous les<br />
accompagnons physiquement dans<br />
d’autres services <strong>de</strong> l’hôpital. Il nous<br />
appartient d’i<strong>de</strong>ntifier les lieux et les<br />
services ressources qui pourraient leur<br />
venir en ai<strong>de</strong>. Il y lieu, par exemple, <strong>de</strong><br />
discuter <strong>de</strong> l’opportunité d’un congé<br />
maternité ou même d’un congé paternité.<br />
Nous pouvons percevoir <strong>de</strong>s parents<br />
plongés dans l’anxiété, <strong>la</strong> tristesse. Ils<br />
peuvent être effondrés, muets ou au<br />
contraire agités. Idéalement, le soutien<br />
est à adapter à leur état. En fonction <strong>de</strong>s<br />
circonstances on n’hésitera pas à différer<br />
un entretien ou à s’enquérir <strong>de</strong> l’appui <strong>de</strong><br />
l’entourage, afin d’ai<strong>de</strong>r au mieux.<br />
L’environnement re<strong>la</strong>tionnel <strong>de</strong>s parents<br />
est décisif. On n’appréhen<strong>de</strong> pas une<br />
situation dans sa globalité si on n’en tient<br />
pas compte. Dans les cas les plus délicats,<br />
nous sommes en présence <strong>de</strong> parents mal<br />
logés, <strong>de</strong> monoparentalité, d’absence <strong>de</strong><br />
droit au séjour sur le territoire français ou<br />
d’isolement social. Rappelons que<br />
l’assistante sociale ne peut entreprendre<br />
<strong>de</strong>s démarches et <strong>de</strong>s contacts qu’avec<br />
l’accord <strong>de</strong>s parents.<br />
Les enjeux liés aux congés parentaux<br />
nous semblent très importants. L’accès<br />
aux droits est toutefois complexe car il<br />
dépend <strong>de</strong> l’appréciation <strong>de</strong>s situations<br />
par les administrations compétentes. Les<br />
parents sont assurés <strong>de</strong> notre ai<strong>de</strong>, même<br />
si le parcours qu’il leur faudra emprunter<br />
n’est pas simple, en vue <strong>de</strong> l’accès à leurs<br />
droits.<br />
Les intervenants, auxquels sont<br />
confrontés <strong>de</strong>s parents en désarroi, à<br />
l’hôpital comme en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> son<br />
périmètre, sont très nombreux. C’est<br />
pourquoi l’approfondissement du travail<br />
en équipe, dans le respect <strong>de</strong>s spécificités<br />
et compétences <strong>de</strong> chacun, constitue une<br />
nécessité. Bien <strong>de</strong>s choses dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
l’échange d’informations entre les<br />
67<br />
multiples acteurs hospitaliers. Ce constat<br />
est particulièrement aigu dans le cas <strong>de</strong><br />
parents plongés dans <strong>la</strong> précarité (sans<br />
titre <strong>de</strong> séjour, dépendant <strong>de</strong>s dispositifs<br />
d’ai<strong>de</strong> sociale d’urgence…). Pour <strong>de</strong> telles<br />
personnes en désinsertion sociale ou en<br />
errance, l’accès aux droits sociaux est une<br />
condition nécessaire pour que soit<br />
envisageable le passage au « temps <strong>de</strong><br />
l’après ».<br />
Surmonter<br />
progressivement les<br />
sentiments les plus<br />
contradictoires<br />
Guillemette PORTA<br />
En tant que responsable associative, je ne<br />
saurais trop insister sur le caractère<br />
précieux <strong>de</strong>s indications re<strong>la</strong>tives aux<br />
lieux <strong>de</strong> soutien, à <strong>la</strong> sortie <strong>de</strong> l’hôpital.<br />
Rien n’est pire, après l’expérience du<br />
<strong>de</strong>uil, que celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong>. Le<br />
témoignage suivant est très évocateur :<br />
« j’avais l’impression qu’une fois que<br />
j’aurais accouché, tout serait terminé, que<br />
le cauchemar serait fini. Mais ce n’est pas<br />
vrai. C’est <strong>de</strong> pire en pire. C’est long, c’est<br />
lourd et je me sens si seule. »<br />
Beaucoup <strong>de</strong>s personnes que nous<br />
recevons vont mettre en avant leur besoin<br />
<strong>de</strong> trouver un lieu <strong>de</strong> parole : elles nous<br />
font part d’une sensation <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> très<br />
pesante lors <strong>de</strong> leur retour à <strong>la</strong> maison.<br />
Elles se retrouvent face à elles-mêmes et<br />
à l’absence <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> attendu. Les<br />
femmes surtout, expriment un sentiment<br />
<strong>de</strong> vi<strong>de</strong> intérieur très grand. Ce sentiment<br />
peut encore être majoré par<br />
l’incompréhension qui peut naître <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
différence <strong>de</strong> vécu entre l’homme et <strong>la</strong><br />
femme, dans un couple. Précé<strong>de</strong>mment,<br />
nous avons entendu parler <strong>de</strong> « <strong>de</strong>uil<br />
sexué ».<br />
Trop souvent encore, le <strong>de</strong>uil périnatal est<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
peu pris en compte par l’entourage, qu’il<br />
soit familial, amical ou professionnel. Si<br />
les parents sont soutenus sur le moment,<br />
très vite ils sentent comme une injonction<br />
à passer à autre chose. Ils enten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s<br />
phrases comme : « vous êtes jeunes,<br />
faites-en vite un autre » — « dans<br />
quelques mois ce ne sera plus qu’un<br />
mauvais souvenir » — « il faut re<strong>la</strong>tiviser,<br />
vous avez déjà <strong>de</strong> <strong>la</strong> chance d’avoir trois<br />
<strong>enfant</strong>s »…. Ces phrases sont ressenties<br />
comme un déni <strong>de</strong> douleur.<br />
Le suivi débute au lieu <strong>de</strong> l’accouchement.<br />
Il se poursuit sur les forums en ligne, dans<br />
les groupes <strong>de</strong> parole, ou par<br />
l’accompagnement <strong>de</strong>s professionnels et<br />
<strong>de</strong>s associations : il faut ouvrir toutes les<br />
portes. Chaque personne doit pouvoir<br />
connaître les ai<strong>de</strong>s qui existent et choisir<br />
ce qui lui convient le mieux. Pour<br />
certaines, ce besoin <strong>de</strong> soutien se<br />
manifeste très vite après l’événement,<br />
mais pour d’autres il se cristallise <strong>de</strong>s<br />
années plus tard.<br />
Un lieu <strong>de</strong> parole est toujours précieux,<br />
parce que les émotions traversées sont<br />
d’une gran<strong>de</strong> intensité et ont besoin<br />
d’être mises en mots :<br />
<strong>la</strong> tristesse, qui va souvent en s’amplifiant<br />
et <strong>de</strong>vient envahissante, omniprésente ;<br />
<strong>la</strong> colère contre tant <strong>de</strong> choses et <strong>de</strong><br />
gens : contre cet acci<strong>de</strong>nt, contre tous les<br />
auteurs <strong>de</strong> phrases ma<strong>la</strong>droites, contre ce<br />
bébé mal formé, contre ce Dieu qui n’a<br />
rien fait pour empêcher le drame, contre<br />
cette personne <strong>de</strong> <strong>la</strong> caisse d’allocations<br />
familiales qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un papier déjà<br />
envoyé ;<br />
<strong>la</strong> culpabilité : comme dans tout <strong>de</strong>uil, <strong>la</strong><br />
culpabilité est bien souvent là, écrasante,<br />
et ce<strong>la</strong> qu’il y ait eu décision d’arrêter <strong>la</strong><br />
grossesse, ou que cet arrêt ait été<br />
acci<strong>de</strong>ntel. Il est alors souvent important<br />
<strong>de</strong> prendre le temps <strong>de</strong> nommer ce qui<br />
68<br />
pèse pour ai<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> dépasser.<br />
Bien d’autres émotions sont encore<br />
présentes : <strong>la</strong> jalousie vis-à-vis <strong>de</strong> ces<br />
bébés en bonne santé, <strong>la</strong> peur d’oublier<br />
l’<strong>enfant</strong> mort-né, l’angoisse <strong>de</strong> ne plus<br />
pouvoir être enceinte…<br />
Pouvoir partager ses émotions importe,<br />
mais aussi pouvoir dire « stop, j’ai besoin<br />
<strong>de</strong> temps », afin d’inscrire <strong>la</strong> perte <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong> dans l’histoire intime. Qu’elle soit<br />
au début, en cours ou en fin <strong>de</strong> grossesse,<br />
qu’elle soit brutale ou qu’elle ait été<br />
précédée <strong>de</strong> nombreux jours d’examens,<br />
d’angoisses et d’incertitu<strong>de</strong>s, l’annonce <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> ou <strong>de</strong> son impossibilité<br />
à vivre normalement est d’une gran<strong>de</strong><br />
violence. Les parents vont être, dans un<br />
premier temps, sous le choc, comme<br />
assommés. Puis, il va falloir faire face à <strong>la</strong><br />
réalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> perte et se mettre en route<br />
pour accepter l’inacceptable. Temps <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
dépression, <strong>de</strong> <strong>la</strong> désorganisation, rempli<br />
<strong>de</strong> bouleversements émotionnels où le<br />
soutien d’autres personnes est primordial.<br />
Temps aussi où l’estime <strong>de</strong> soi est souvent<br />
malmenée, notamment chez <strong>la</strong> femme :<br />
une grossesse interrompue semble<br />
ébranler certaines femmes <strong>de</strong> façon très<br />
profon<strong>de</strong>. Elles vont parler <strong>de</strong> perte d’une<br />
partie d’elle-même, d’échec,<br />
d’incompétence, <strong>de</strong> sentiment <strong>de</strong><br />
dévalorisation. Ce<strong>la</strong> peut réveiller, voire<br />
décupler un manque <strong>de</strong> confiance en<br />
elles.<br />
Puis peu à peu, au fil <strong>de</strong>s mois, ou parfois<br />
plus, les émotions diminuent en intensité.<br />
L’absent prend sa p<strong>la</strong>ce mais il ne prend<br />
plus toute <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce et sa présence va<br />
pouvoir être comme intériorisée. Peu à<br />
peu <strong>la</strong> personne en<strong>de</strong>uillée va reprendre<br />
goût à <strong>la</strong> vie. De nouveaux projets<br />
peuvent voir le jour.<br />
Dans le processus <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, il est bien rare<br />
que tout soit aussi linéaire, le plus<br />
souvent les personnes vont aller et venir<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
d’une pério<strong>de</strong> à l’autre, avec le sentiment<br />
parfois d’aller mieux puis <strong>de</strong><br />
« replonger… ». Il faut du temps,<br />
beaucoup <strong>de</strong> temps. Et du soutien.<br />
Offrir du soutien : c’est <strong>la</strong> raison d’être <strong>de</strong><br />
chacune <strong>de</strong>s associations qui sont<br />
représentées. La nôtre, AGAPA, propose,<br />
à Paris intra muros, mais aussi en Île-<strong>de</strong>-<br />
France et en province, un<br />
accompagnement spécifique, bâti avec<br />
l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> psychiatres et lié à ce <strong>de</strong>uil<br />
particulier qu’est le <strong>de</strong>uil anténatal. Il<br />
existe également un groupe <strong>de</strong> parole et<br />
d’entrai<strong>de</strong>.<br />
Tout chemin <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil nécessite du temps<br />
et un long parcours. La parole est un<br />
élément déterminant tout au long <strong>de</strong> ce<br />
processus. Le fait <strong>de</strong> parler donne <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
consistance à ce qui a été vécu au lieu <strong>de</strong><br />
le <strong>la</strong>isser enfoui, et en même temps<br />
permet <strong>de</strong> le mettre à distance. La<br />
possibilité <strong>de</strong> parler et <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser libre<br />
cours à ses émotions peut apporter<br />
sou<strong>la</strong>gement et apaisement, en aidant à<br />
les mûrir, les é<strong>la</strong>borer.<br />
Je crois profondément que, pour pouvoir<br />
se débarrasser <strong>de</strong> <strong>la</strong> souffrance, il est<br />
nécessaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> reconnaître et <strong>de</strong><br />
l’affronter : accepter <strong>la</strong> peine et <strong>la</strong> <strong>la</strong>isser<br />
s’écouler peu à peu. Avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
témoins, <strong>de</strong> personnes qui accompagnent.<br />
Tout ce cheminement invite chacun à<br />
reconnaître ce qu’il pense avoir perdu.<br />
<strong>Quel</strong> que soit le nom qu’il va pouvoir<br />
donner à cette perte, chacun va tenter, au<br />
fil du temps, <strong>de</strong> lui donner une juste p<strong>la</strong>ce,<br />
ni absent, ni omniprésent. Ce n’est pas<br />
une vie qui n’a pas eu lieu : elle a existé,<br />
avec un début, un milieu et une fin.<br />
Débat<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Peut-on affirmer que le gynécologue<br />
69<br />
obstétricien s’attache à <strong>la</strong> bouteille à<br />
moitié pleine et le généticien à <strong>la</strong> bouteille<br />
à moitié vi<strong>de</strong>, lorsqu’il faut appréhen<strong>de</strong>r<br />
l’incertitu<strong>de</strong> d’une nouvelle grossesse ?<br />
Delphine HERON<br />
Les perspectives <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins sont<br />
radicalement différentes.<br />
Yves VILLE<br />
Raisonnons plutôt en faisant référence à<br />
<strong>la</strong> qualité du contenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> bouteille, si<br />
l’on veut filer <strong>la</strong> métaphore. <strong>Quel</strong> que soit<br />
ce contenu, nous sommes tenus <strong>de</strong> le<br />
délivrer avec une gran<strong>de</strong> compétence<br />
technique et avec beaucoup d’empathie.<br />
Afin d’ai<strong>de</strong>r concrètement les femmes et<br />
d’éviter l’écueil <strong>de</strong> l’entretien vi<strong>de</strong>, on doit<br />
capitaliser sur le lien existant.<br />
Même quand le risque <strong>de</strong> récidive est très<br />
significatif, on peut positiver et éviter <strong>de</strong><br />
dresser un tableau sombre <strong>de</strong>s<br />
perspectives. Par exemple, on peut<br />
souligner qu’un premier trimestre <strong>de</strong><br />
grossesse se passe bien et que, jusque-là,<br />
l’échographie est normale. L’absence <strong>de</strong><br />
répétition <strong>de</strong> grossesse anormale doit<br />
toujours être remarquée et dite.<br />
Annie LAQUERRIERE<br />
En tant que fœtopathologiste, je remercie<br />
les intervenants <strong>de</strong> bien avoir mis en<br />
valeur les enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong> pratique d’un<br />
examen qui, si rigoureux qu’il doive être<br />
sur le p<strong>la</strong>n scientifique, ne peut<br />
s’accomplir que dans le respect <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
personne humaine et <strong>de</strong> son corps. Le fait<br />
que l’on puisse penser que l’autopsie est<br />
un « mal nécessaire » est très gênant.<br />
Rappelons que cette investigation est très<br />
spécialisée. Elle n’est conduite que par <strong>de</strong>s<br />
experts nationaux qualifiés et soucieux <strong>de</strong><br />
produire les informations potentiellement<br />
utiles aux parents. On doit faire évoluer <strong>la</strong><br />
perception <strong>de</strong> <strong>la</strong> fœtopathologie, tant chez<br />
les soignants que chez les parents.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
Antoinette GELOT<br />
Une société savante, l’Association<br />
Française <strong>de</strong> Fœtopathologie, dirigée par<br />
Annie Laquerrière, est d’ailleurs dédiée à<br />
<strong>la</strong> défense <strong>de</strong>s investigations<br />
fœtopathologiques et<br />
neuropathologiques. Il est bon qu’elle<br />
fasse valoir, à l’occasion du présent<br />
colloque, son point <strong>de</strong> vue.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Des recommandations <strong>de</strong> bonnes<br />
pratiques comman<strong>de</strong>nt-elles <strong>de</strong><br />
consacrer une heure à une consultation<br />
<strong>de</strong> suivi et <strong>de</strong> bi<strong>la</strong>n, après une mort<br />
périnatale ?<br />
Yves VILLE<br />
Il est bon <strong>de</strong> potentiellement disposer<br />
d’une heure. Ainsi, <strong>la</strong> consultation ne sera<br />
pas écourtée prématurément, avant que<br />
<strong>la</strong> femme ou le couple aient posé toutes<br />
leurs questions. Même si le dialogue peut<br />
ne durer qu’une bonne vingtaine <strong>de</strong><br />
minutes, l’essentiel est <strong>de</strong> ne pas<br />
l’écourter.<br />
Dominique MEMMI<br />
À plusieurs reprises, le déca<strong>la</strong>ge entre<br />
l’homme et <strong>la</strong> femme a été souligné.<br />
Aujourd’hui, l’assistance compte à<br />
l’évi<strong>de</strong>nce bien plus <strong>de</strong> femmes que<br />
d’hommes. Le phénomène dont nous<br />
débattons, <strong>la</strong> mort périnatale, semble bel et<br />
bien <strong>de</strong>ssiner les contours d’un for intérieur<br />
féminin. Il est manifesté par les aléas <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> grossesse. Dans les années 60-70, il<br />
s’agissait <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> non désiré. Dans les<br />
années 80-90, il a davantage été question<br />
<strong>de</strong>s aléas <strong>autour</strong> <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong> attendu. Un<br />
implicite apparaît très revendiqué par les<br />
mères. Nous touchons à <strong>de</strong>s affaires <strong>de</strong><br />
femmes, à l’intimité féminine et même à<br />
l’intimité <strong>de</strong> <strong>la</strong> souffrance féminine. Les<br />
associations perçoivent-elle une évolution<br />
<strong>de</strong> cet implicite, <strong>de</strong> cet intime, à travers<br />
70<br />
l’implication première <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
mère ?<br />
Guillemette PORTA<br />
Le <strong>de</strong>uil périnatal n’étant pas une affaire<br />
d’homme, il est resté dans l’ombre. La<br />
société traditionnelle, était en effet<br />
dominée par les domaines masculins.<br />
Reconnaître le <strong>de</strong>uil périnatal, c’était<br />
reconnaître <strong>de</strong>s souffrances <strong>de</strong> femmes.<br />
Certes on peut naturellement parler <strong>de</strong><br />
souffrance du couple, mais il semble bel<br />
et bien qu’une certaine spécificité ait été<br />
niée. Je le pense.<br />
Pierre BIENVAULT<br />
Les hommes sont-ils vraiment impliqués,<br />
ou le dialogue se noue-t-il essentiellement<br />
avec <strong>la</strong> femme ?<br />
Yves VILLE<br />
Lorsque <strong>la</strong> femme vient seule, nous<br />
sommes inquiets car il y a fort à parier<br />
que le couple n’échange pas beaucoup.<br />
Dans environ un cas sur cinq seulement,<br />
nous avons un face à face avec <strong>la</strong> seule<br />
femme et ce n’est que très rarement une<br />
bonne nouvelle. Nous y voyons un signe<br />
d’appel au renforcement du suivi<br />
psychologique. Le <strong>de</strong>uil périnatal est<br />
vraiment une affaire <strong>de</strong> couple, une<br />
affaire familiale, affectant <strong>la</strong> mère comme<br />
le père.<br />
Si le père ne souffre pas sur un p<strong>la</strong>n<br />
physique, il est psychologiquement dans<br />
une position très inconfortable. Au mieux,<br />
les pères peuvent en un sens récupérer<br />
une part <strong>de</strong> <strong>la</strong> culpabilité liée à <strong>la</strong> mort<br />
périnatale, tout particulièrement lorsqu’il<br />
s’avère qu’ils sont détenteurs d’un facteur<br />
génétique <strong>de</strong> prédisposition. Au pire, ils<br />
ont le sentiment d’être complètement<br />
<strong>la</strong>issés <strong>de</strong> côté. On aurait tort <strong>de</strong> penser<br />
le <strong>de</strong>uil périnatal à travers le prisme <strong>de</strong>s<br />
catégories <strong>de</strong> masculin et <strong>de</strong> féminin.<br />
Nous sommes en présence d’une<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
authentique affaire <strong>de</strong> famille, car c’est le<br />
couple qui perd son <strong>enfant</strong>. La re<strong>la</strong>tion du<br />
couple est l’une <strong>de</strong>s premières choses<br />
testée par l’événement malheureux.<br />
Guillemette PORTA<br />
Nul ne contestera le fait que pour qu’il y<br />
ait un <strong>enfant</strong>, il faut un homme et une<br />
femme. Significativement, <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
d’IMG est toujours signée par <strong>la</strong> femme.<br />
La culpabilité peut être partagée, mais<br />
elle en est <strong>la</strong> première dépositaire. C’est<br />
un fait, c’est elle qui a porté l’<strong>enfant</strong><br />
même si celui-ci matérialise<br />
incontestablement un projet commun. La<br />
perte est directement ressentie dans le<br />
corps <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme. L’homme souffre par<br />
répercussion, il est désemparé et sa<br />
capacité à soutenir sa partenaire est mise<br />
à l’épreuve. Celle-ci peut <strong>de</strong>meurer triste<br />
et désemparée <strong>de</strong>s mois après <strong>la</strong> mort<br />
périnatale. L’homme peut être tenté <strong>de</strong><br />
vouloir « passer à autre chose ». Il<br />
n’exprime pas autant sa souffrance que <strong>la</strong><br />
femme. Peut-être que <strong>de</strong>s facteurs<br />
culturels entrent en ligne <strong>de</strong> compte.<br />
Schématiquement, nous entendons les<br />
hommes dire : « je ne sais pas comment<br />
l’ai<strong>de</strong>r ». Les femmes affirment quand à<br />
elle en « avoir marre d’être <strong>la</strong> seule à<br />
pleurer ». Le couple est éprouvé car<br />
quand l’un va mieux, l’autre peut rester<br />
complètement en bas.<br />
Yves VILLE<br />
Compte tenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> position <strong>de</strong>s<br />
associations à l’égard <strong>de</strong>s couples, on doit<br />
sans doute tenir compte d’un biais <strong>de</strong><br />
recrutement. Elles doivent se pencher sur<br />
les cas les plus délicats. Rappelons qu’une<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’IMG est reçue par <strong>de</strong>s<br />
mé<strong>de</strong>cins du CDPN, qui signent son<br />
acceptation. Pour qu’une IMG ait lieu, <strong>la</strong><br />
femme doit <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à être entendue<br />
par un mé<strong>de</strong>cin du CDPN et l’acceptation<br />
<strong>de</strong> sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> doit être ratifiée par <strong>la</strong><br />
71<br />
signature <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins. Il n’y a pas<br />
lieu d’écrire formellement <strong>la</strong> requête.<br />
Chantal HAUSSAIRE NIQUET<br />
Je suis psychothérapeute spécialisée dans<br />
l’accompagnement <strong>de</strong>s pères, <strong>de</strong>s mères,<br />
<strong>de</strong>s fratries frappées par un <strong>de</strong>uil<br />
périnatal. L’entrai<strong>de</strong>, les groupes <strong>de</strong> parole<br />
et les associations ont beaucoup à<br />
apporter. Je rencontre beaucoup <strong>de</strong> pères<br />
qui revendiquent leur douleur et qui<br />
estiment qu’on ne leur donne finalement<br />
pas beaucoup <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce. Les pères ne sont<br />
guère invités à s’exprimer et leur<br />
souffrance rési<strong>de</strong> dans leur difficulté à<br />
trouver leur p<strong>la</strong>ce, aux côtés <strong>de</strong>s femmes.<br />
En d’autres termes, ils cherchent à<br />
recouvrer <strong>la</strong> légitimité <strong>de</strong> leur souffrance.<br />
Notre éducation implique que <strong>la</strong><br />
souffrance <strong>de</strong> <strong>la</strong> maman n’est pas celle du<br />
papa. C’est une réalité culturelle. C’est<br />
ainsi que nous sommes conditionnés à<br />
réagir. À partir du moment où l’on met les<br />
choses en perspective avec les hommes,<br />
ils osent témoigner <strong>de</strong> ce qu’ils éprouvent.<br />
Aux premières réunions <strong>de</strong>s groupes<br />
d’entrai<strong>de</strong>, combien <strong>de</strong> fois n’entend-on<br />
pas dans <strong>la</strong> bouche <strong>de</strong>s hommes « je n’ai<br />
rien à dire, je viens avec ma femme ».<br />
Toutefois, à relever leurs réactions<br />
pendant les échanges, on voit bien qu’ils<br />
veulent s’exprimer. Ils doutent juste <strong>de</strong><br />
leur légitimité à parler. En tant que<br />
psychothérapeute, je vois beaucoup <strong>de</strong><br />
pères.<br />
On sait bien que c’est le corps <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère<br />
qui est marqué. Ainsi vont les choses. Elle<br />
vit directement l’impensable,<br />
l’innommable, l’irreprésentable liés à <strong>la</strong><br />
mort d’un <strong>enfant</strong> attendu. Toutefois, cet<br />
espace du vécu <strong>de</strong> <strong>la</strong> perte existe tant<br />
chez le père que chez <strong>la</strong> mère. C’est dans<br />
cet espace que, progressivement, l’on<br />
revient à <strong>la</strong> vie et que l’on tisse un lien<br />
avec soi même et avec autrui pour le<br />
reste <strong>de</strong> son existence.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
Un participant<br />
J’ai vécu en tant que père <strong>la</strong> perte d’un<br />
<strong>enfant</strong>, à savoir une mort fœtale in utero<br />
à 38 semaines. Je ne savais pas comment<br />
me comporter. Il semb<strong>la</strong>it qu’il existait<br />
comme une injonction adressée à<br />
l’homme <strong>de</strong> cacher ses sentiments. À<br />
cause <strong>de</strong> ce<strong>la</strong>, le drame est très difficile à<br />
assumer. Heureusement, j’ai eu <strong>la</strong> chance<br />
<strong>de</strong> trouver une association sur internet<br />
(Naître et vivre), grâce à <strong>la</strong>quelle j’ai pu<br />
échanger avec d’autres pères qui ont vécu<br />
<strong>la</strong> même épreuve. Quatre années se sont<br />
écoulées <strong>de</strong>puis le décès <strong>de</strong> notre fils. La<br />
rencontre avec les autres pères a pour<br />
moi été décisive.<br />
Tous ne vivent pas le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> <strong>la</strong> même<br />
façon. J’en ai pris conscience en par<strong>la</strong>nt<br />
avec d’autres pères. Surtout, on ne peut<br />
nier une asymétrie <strong>de</strong> vécu entre <strong>la</strong><br />
femme et l’homme. Mon épouse me<br />
reprochait d’avoir l’air d’aller bien, à un<br />
moment donner. Nous savons pourtant<br />
tous que les hommes se cachent pour<br />
pleurer. L’incompréhension résulte d’un<br />
déca<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> vécus entre ce qui affecte <strong>la</strong><br />
femme, directement marquée dans sa<br />
chair, au plus profond d’elle et ce qui<br />
affecte l’homme. De plus en plus <strong>de</strong> pères<br />
s’impliquent dans <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> parole,<br />
dans <strong>de</strong>s associations et choisissent <strong>de</strong><br />
témoigner <strong>de</strong> leur histoire, qui n’est pas<br />
qu’une affaire <strong>de</strong> femmes. Une seule<br />
chose compte : que chacun, à sa manière,<br />
puisse trouver sa p<strong>la</strong>ce dans une histoire<br />
pénible à vivre et trouver une issue qui<br />
n’hypothèque pas le chemin qui reste à<br />
parcourir.<br />
NOTE :<br />
4. http://www.naitre-et-vivre.org<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
72
Un regard<br />
éthique<br />
• Emmanuel Hirsch, Directeur <strong>de</strong> l’Espace éthique, AP-HP<br />
Emmanuel HIRSCH<br />
Mon propos est simplement celui d’un<br />
« compagnon <strong>de</strong> route » <strong>de</strong> ceux qui sont<br />
aux prises, sur le terrain, avec les<br />
histoires humaines bouleversées par le<br />
<strong>de</strong>uil périnatal. En 2005, <strong>la</strong> directrice<br />
générale <strong>de</strong> l’AP-HP avait <strong>la</strong>ncé en gui<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> bouta<strong>de</strong> : « l’Espace éthique <strong>de</strong> l’AP-<br />
HP ne s’intéresse qu’à une chose : à <strong>la</strong><br />
mort ». En effet, notre premier groupe <strong>de</strong><br />
travail réuni en 1995 s’est intéressé aux<br />
chambres mortuaires <strong>de</strong> l’institution afin<br />
qu’elles ne <strong>de</strong>meurent pas <strong>de</strong>s zones<br />
d’ombres. Nous voulions que l’Espace<br />
éthique soit capable d’aller au bout du<br />
soin, aux limites du soin. Ainsi, il irait vers<br />
les questions les plus tranchantes, au<br />
bénéfice même <strong>de</strong>s pratiques du soin. A<br />
cette occasion, nous voulons rendre<br />
hommage à d’authentiques militants.<br />
Souvenons-nous <strong>de</strong>s péripéties<br />
douloureuses <strong>de</strong> l’affaire <strong>de</strong> Saint-Vincent<strong>de</strong>-Paul.<br />
Dès 1995, Jean-Philippe Legros<br />
avait sollicité l’Espace éthique pour lui<br />
faire part <strong>de</strong> ses interrogations quant au<br />
<strong>de</strong>venir <strong>de</strong> corps à <strong>de</strong>stination du<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
73<br />
cimetière <strong>de</strong> Thiais. Sa démarche était<br />
fondée sur <strong>de</strong>s valeurs essentielles. Nous<br />
ne pouvons que lui en rendre hommage.<br />
Ajoutons que, sur le chemin <strong>de</strong> notre<br />
réflexion, <strong>la</strong> rencontre avec Caroline<br />
Lemoine et l’Association Petite Emilie a<br />
été déterminante.<br />
Il serait bien trop facile que <strong>de</strong> se borner<br />
à critiquer l’AP-HP. Notre institution s’est<br />
mobilisée pour apporter une réponse <strong>de</strong><br />
qualité à <strong>de</strong>s questions graves. Tous ont<br />
été parties prenantes, même si certains<br />
comme Marc Dupont, à <strong>la</strong> Direction<br />
juridique, se sont trouvés en première<br />
ligne. L’AP-HP a su réagir. Elle a avancé <strong>de</strong><br />
façon spectacu<strong>la</strong>ire et c’est ce<strong>la</strong> que nous<br />
<strong>de</strong>vons avoir à l’esprit.<br />
Il faut encore mentionner quelques<br />
contributeurs essentiels à notre réflexion.<br />
Sur le p<strong>la</strong>n anthropologique, <strong>la</strong><br />
contribution <strong>de</strong> François Michaud-Nérard<br />
a été majeure, participant d’un esprit<br />
dans lequel mort rime avec dignité.<br />
Ajoutons que Catherine le Grand-Sébille a<br />
très bien mis en relief les enjeux
anthropologiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>autour</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
<strong>naissance</strong>, en ce qu’elle implique<br />
d’innommable et d’impensable. Songeons<br />
aux sourires et aux détresses<br />
brusquement juxtaposés dans une même<br />
salle <strong>de</strong> <strong>naissance</strong>.<br />
Désormais, nous sommes heureux <strong>de</strong><br />
disposer <strong>de</strong> textes <strong>de</strong> référence et d’une<br />
réflexion s’enracinant dans le vécu <strong>de</strong>s<br />
parents et dans celui <strong>de</strong>s professionnels<br />
du soin et du funéraire.<br />
La mort <strong>autour</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>naissance</strong> est un<br />
thème très délicat sur le p<strong>la</strong>n éthique. Elle<br />
bouleverse complètement une histoire.<br />
Elle casse <strong>la</strong> temporalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> succession<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> vie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort, en <strong>la</strong>issant <strong>de</strong>s<br />
traces profon<strong>de</strong>s dans <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> ceux<br />
qui sont en<strong>de</strong>uillés. Les professionnels ont<br />
à agir avec intégrité et loyauté, en se<br />
portant garant d’un traitement le plus<br />
humain et le plus décent possible <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
douleur <strong>de</strong>s personnes. La discussion sur<br />
le rôle <strong>de</strong> <strong>la</strong> fœtopathologie a c<strong>la</strong>irement<br />
mis en lumière <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong>s<br />
soignants à l’égard <strong>de</strong>s familles<br />
en<strong>de</strong>uillées.<br />
L’association Petite Emilie a été à <strong>la</strong><br />
pointe d’un mouvement <strong>de</strong>stiné à faire<br />
évoluer les pratiques. L’engagement <strong>de</strong><br />
Maryse Dumoulin, à Lille, doit ici être<br />
salué car il témoigne <strong>de</strong> ce souhait d’aller<br />
jusqu’au bout du soin auquel il a été<br />
précé<strong>de</strong>mment fait référence. Le soin,<br />
dans cette logique, tend vers une forme<br />
<strong>de</strong> solidarité. La notion <strong>de</strong> care est à <strong>la</strong><br />
mo<strong>de</strong>. Elle est volontiers pensée selon un<br />
mo<strong>de</strong> féministe mais en tant qu’homme je<br />
me retrouve parfaitement dans une forme<br />
<strong>de</strong> care.<br />
La mort périnatale, on l’a dit, bouleverse<br />
les repères et <strong>la</strong> temporalité. Un lieu<br />
comme <strong>la</strong> chambre mortuaire peut être<br />
décisif dans le respect manifesté à une<br />
74<br />
existence si brève. En chambre mortuaire,<br />
malgré tout, les <strong>de</strong>rniers instants<br />
basculent du côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie au moyen <strong>de</strong><br />
rites d’humanisation, <strong>de</strong> présentation d’un<br />
corps qui reste précieux. L’intensité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
réflexion sur l’anatomopathologie a bien<br />
montré que c’est bien quelque chose <strong>de</strong><br />
précieux et d’intime qui est confié à<br />
l’investigation. De plus, nous avons vu les<br />
difficultés qui existent à intégrer l’intime,<br />
le privé dans un lieu public. Il y a là<br />
quelque chose <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong><br />
importance si l’on veut que les hôpitaux<br />
<strong>de</strong>meurent un espace <strong>de</strong> respect <strong>de</strong><br />
l’humain, du confi<strong>de</strong>ntiel. Certes, l’hôpital<br />
est un lieu public, il s’appuie sur <strong>la</strong><br />
technicité <strong>de</strong>s sciences biomédicales et<br />
sur <strong>de</strong>s procédures. L’une <strong>de</strong>s tâches <strong>de</strong><br />
l’investigation éthique consiste à rendre<br />
ces <strong>de</strong>rnières plus recevables et plus<br />
acceptables.<br />
Le présent colloque a mis en question le<br />
problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> justesse <strong>de</strong>s pratiques<br />
professionnelles. Il n’y a là nul débat<br />
abstrait. L’essentiel <strong>de</strong> l’enrichissement<br />
pratique dont nous allons tirer profit<br />
collectivement provient <strong>de</strong> l’inventivité et<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> créativité <strong>de</strong>s équipes réfléchissant<br />
sur ce qu’elles font. Sur le p<strong>la</strong>n humain, il<br />
y a là quelque chose d’exceptionnel. Il<br />
convient <strong>de</strong> le saluer car l’ensemble du<br />
parcours <strong>de</strong> parents confrontés à <strong>la</strong> mort<br />
périnatale est pris en compte (temps<br />
hospitalier, temps du cimetière, « temps<br />
<strong>de</strong> l’après », etc.). Ce sont <strong>de</strong>s enjeux<br />
humains essentiels qui ont été mis en<br />
valeur, au moment où le premier<br />
cérémonial s’est déroulé au cimetière <strong>de</strong><br />
Thiais avec <strong>de</strong>s médaillons. Ne perdons<br />
pas <strong>de</strong> vue qu’il s’agissait <strong>de</strong> familles<br />
éprouvées par l’affaire qui avait frappé<br />
l’hôpital Saint Vincent <strong>de</strong> Paul. Elles<br />
avaient été affectées par quelque chose<br />
qui relevait <strong>de</strong> <strong>la</strong> barbarie et, à ce titre, il<br />
importait au plus haut point <strong>de</strong> retrouver<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
une certaine cohérence sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s<br />
valeurs.<br />
Comment être un soignant ? <strong>Quel</strong> est le<br />
statut du soin dans les circonstances <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
mort périnatale ? Comment penser un<br />
bon soin ? Pour produire un élément <strong>de</strong><br />
réponse à ce questionnement, nous nous<br />
tournerons vers <strong>la</strong> déclinaison <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
démarche <strong>de</strong>s soins palliatifs dans le<br />
champ <strong>de</strong> l’obstétrique. Le soin au<br />
nouveau né doit se muer en soin à<br />
l’<strong>enfant</strong> mourant. L’accompagnement <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong> et l’accompagnement <strong>de</strong>s parents<br />
ont partie liée. Si l’on considère les<br />
aspects énigmatiques, incomplets,<br />
imprévisibles, inaboutis, précaires, fragiles<br />
<strong>de</strong> situations particulières, nous n’avons<br />
pas <strong>de</strong> réponse éthique à produire, si ce<br />
n’est une forme d’inquiétu<strong>de</strong> et <strong>de</strong><br />
disposition à exercer une responsabilité<br />
<strong>de</strong> soignant, en dépit <strong>de</strong> l’adversité.<br />
Rendons hommage à celles et ceux qui<br />
<strong>de</strong>meurent responsables aux limites, là où<br />
le vécu est le plus dur sur un p<strong>la</strong>n<br />
proprement humain. Nous avons perçu<br />
l’importance <strong>de</strong> ce qui se joue en chambre<br />
mortuaire. Nous avons appris que l’on<br />
peut être anatomopathologiste et rempli<br />
d’humanité. Ce qui se joue dans le<br />
quotidien <strong>de</strong> soin a une portée<br />
considérable, dans l’intimité d’actes qui ne<br />
sont pas publics, mais qui revêtent un<br />
sens capital dans notre société. Nous<br />
voulons que <strong>la</strong> loyauté, <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté et <strong>la</strong><br />
transparence l’emportent sur <strong>la</strong> logique<br />
<strong>de</strong> défiance. L’avenir <strong>de</strong> notre société se<br />
joue ici. Nous sommes <strong>de</strong> ceux qui<br />
pensent que <strong>la</strong> respectabilité du soin et <strong>la</strong><br />
respectabilité <strong>de</strong> notre démocratie sont<br />
indissociables. Il n’est ici pas question <strong>de</strong><br />
parler au nom <strong>de</strong>s soignants mais <strong>de</strong> faire<br />
part <strong>de</strong> l’admiration pour un engagement<br />
<strong>de</strong> tous les jours, dans un espace fragile<br />
où il est si important <strong>de</strong> savoir faire<br />
preuve <strong>de</strong> sollicitu<strong>de</strong>.<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
75
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
76
Conclusion<br />
• Andrée Barreteau, Directrice <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins, Agence Régionale<br />
<strong>de</strong> Santé (ARS) d’Ile-<strong>de</strong>-France<br />
Parcours et territoires<br />
Il est temps <strong>de</strong> remercier tous ceux qui<br />
ont œuvré à l’organisation <strong>de</strong> cette<br />
journée, <strong>de</strong> remercier l’AP-HP pour son<br />
accueil. L’ARS a souhaité être en re<strong>la</strong>tion<br />
avec ce temps d’échange. L’occasion est<br />
ainsi offerte :<br />
<strong>de</strong> présenter rapi<strong>de</strong>ment les axes <strong>de</strong> notre<br />
p<strong>la</strong>n stratégique pour <strong>la</strong> région, dans les 5<br />
années à venir, lequel projet a été déposé<br />
<strong>la</strong> semaine <strong>de</strong>rnière et doit être encore<br />
débattu dans les prochains mois ;<br />
d’indiquer comment <strong>de</strong>s actions concrètes<br />
<strong>de</strong> déclinaison <strong>de</strong> ce p<strong>la</strong>n sont en lien<br />
avec l’enfance, <strong>la</strong> mort et<br />
l’accompagnement <strong>de</strong>s parcours.<br />
Notre projet stratégique aspire à relier le<br />
mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ambu<strong>la</strong>toire – <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />
libérale – au mon<strong>de</strong> hospitalier, <strong>de</strong> même<br />
qu’aux secteurs médico-social et social.<br />
De notre point <strong>de</strong> vue, <strong>la</strong> coordination <strong>de</strong>s<br />
parcours est fondamentale et <strong>la</strong> plus<br />
77<br />
gran<strong>de</strong> attention doit être ménagée aux<br />
interfaces. Aujourd’hui, ce sont encore<br />
bien souvent les interfaces qui font<br />
défaut. N’hésitons pas à parler d’un<br />
changement <strong>de</strong> paradigme. Nous aspirons<br />
à organiser les schémas <strong>de</strong> soins, y<br />
compris en ambu<strong>la</strong>toire, non plus <strong>autour</strong><br />
<strong>de</strong>s offreurs mais <strong>autour</strong> <strong>de</strong>s parcours. Il<br />
n’est pas question ici d’encourager à<br />
travailler avec tel hôpital plutôt que tel<br />
autre. Nous souhaitons <strong>de</strong>s parcours<br />
intégrés <strong>de</strong> santé, <strong>de</strong> <strong>la</strong> prévention à <strong>la</strong><br />
sortie du patient d’un établissement <strong>de</strong><br />
soins, c’est-à-dire jusqu’au retour au<br />
domicile ou au sein <strong>de</strong> l’entourage.<br />
Parmi les parcours <strong>de</strong> santé essentiels et<br />
structurants figurent ceux qui s’adressent<br />
aux personnes âgées, à <strong>la</strong> mère et à<br />
l’<strong>enfant</strong> et aux personnes handicapées. De<br />
plus, <strong>la</strong> manière dont nous allons<br />
appréhen<strong>de</strong>r désormais les ma<strong>la</strong>dies<br />
chroniques va changer les modalités <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
prise en charge <strong>de</strong> leurs épiso<strong>de</strong>s aigus<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
dans les structures hospitalières.<br />
Dans le même esprit, nous souhaitons une<br />
évolution profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière dont<br />
vont opérer les mé<strong>de</strong>cins généralistes sur<br />
un même territoire. En peu <strong>de</strong> mots, les<br />
offreurs <strong>de</strong>vront se situer sur un territoire<br />
et non plus selon l’institution dont ils<br />
relèvent. La territorialité constitue le<br />
cadre fondamental dans lequel les<br />
opérateurs vont renouveler les liens qui<br />
les font travailler ensemble. En effet, ce<br />
sont ces liens qui sont essentiels. La<br />
manière dont un patient va entrer dans<br />
une institution ou va en sortir est aussi<br />
importante que sa prise en charge dans<br />
ses murs. La marge <strong>de</strong> progression est<br />
considérable dans les interfaces qui sont<br />
encore trop souvent <strong>de</strong>s points <strong>de</strong><br />
fragilité <strong>de</strong> notre système.<br />
Nous vous invitons à consulter notre<br />
projet stratégique sur le site <strong>de</strong> l’ARS Ile<strong>de</strong>-France.<br />
Des éléments concernent <strong>de</strong><br />
manière transversale <strong>de</strong>s parcours<br />
majeurs, comme celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme et <strong>de</strong><br />
l’<strong>enfant</strong>. On pourrait aussi faire mention<br />
<strong>de</strong>s personnes âgées, <strong>de</strong>s personnes<br />
handicapées ou <strong>de</strong> celles qui sont<br />
atteintes par une ma<strong>la</strong>die chronique.<br />
Ajoutons que <strong>de</strong>s expérimentations sont<br />
prévues dans 4 ou 5 territoires. A ce<br />
propos, prenons l’exemple <strong>de</strong><br />
l’expérimentation <strong>de</strong> 6 mois re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong><br />
prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne âgée dans<br />
les 18e et 19e arrondissements <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
capitale. Il est question d’en tirer<br />
formellement les enseignements le 21 juin<br />
prochain. Le réseau du nord <strong>de</strong> Paris<br />
(comportant notamment l’hôpital<br />
Lariboisière) a été choisi car nous nous<br />
sommes aperçus que les personnes âgées<br />
étaient adressées aux urgences bien<br />
souvent par défaut. Le manque <strong>de</strong> lien<br />
avec les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge à<br />
domicile nous est apparu patent. C’est<br />
pourquoi, en pareil contexte, penser le<br />
78<br />
parcours du domicile à l’hôpital est<br />
essentiel. Comment l’analyse a-t-elle été<br />
conduite ? Entre autres, nous avons<br />
travaillé en analysant nos dossiers<br />
informatiques. Surtout, le raisonnement a<br />
consisté à comparer les trajectoires<br />
effectives <strong>de</strong>s personnes avec un parcours<br />
idéal déterminé à partir <strong>de</strong>s bonnes<br />
pratiques reconnues. La superposition <strong>de</strong><br />
l’existant et <strong>de</strong> ce parcours souhaitable a<br />
mis en lumière le fait que nous pourrions<br />
éviter 40 % <strong>de</strong>s passages par les<br />
urgences. Lorsque nous analysons les<br />
parcours réels <strong>de</strong>s patients, nous<br />
examinons où sont les marges <strong>de</strong><br />
manœuvre financières mobilisables afin<br />
d’améliorer, précisément, <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> ces<br />
parcours. Evi<strong>de</strong>mment, les gains générés<br />
en épargnant très significativement les<br />
services d’urgences sont substantiels.<br />
Dans l’expérimentation à <strong>la</strong>quelle il vient<br />
d’être fait référence, <strong>la</strong> diminution du<br />
recours aux urgences générerait <strong>de</strong> 2 à 3<br />
millions d’euros. Ces ressources<br />
pourraient être réallouées avec profit aux<br />
réseaux, à <strong>la</strong> coordination, aux CLIC et<br />
structures d’ai<strong>de</strong> à domicile.<br />
Chercher <strong>de</strong>s marges<br />
<strong>de</strong> manœuvre en vue<br />
d’améliorer <strong>de</strong>s<br />
parcours essentiels,<br />
jusqu’à leur terme, à<br />
savoir <strong>la</strong> mort en<br />
institution <strong>de</strong> soins<br />
Pour considérer le parcours <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme<br />
et <strong>de</strong> l’<strong>enfant</strong>, on fera cette fois référence<br />
à une expérimentation débutante en<br />
Seine-Saint-Denis re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> mort<br />
périnatale. Nous avons effectivement<br />
beaucoup <strong>de</strong> difficultés dans ce<br />
département.<br />
D’une manière générale, l’un <strong>de</strong>s enjeux<br />
HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?
fondamentaux qui est le nôtre est celui <strong>de</strong><br />
retrouver <strong>de</strong>s marges <strong>de</strong> manœuvre alors<br />
que l’application intégrale <strong>de</strong> <strong>la</strong> T2A<br />
comme mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> tarification va fortement<br />
contraindre les acteurs à exercer <strong>de</strong>s<br />
fonctions verticalisées. Ainsi, il ne sera pas<br />
aisé <strong>de</strong> mettre les uns en rapport avec les<br />
autres afin <strong>de</strong> mieux prendre en charge les<br />
parcours dans leur globalité. Nous sommes<br />
l’un <strong>de</strong>s seuls pays d’Europe à prévoir<br />
d’opérer intégralement selon <strong>la</strong> logique <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> T2A. Dans cette perspective, il est très<br />
compréhensible que notre p<strong>la</strong>n<br />
stratégique soit orienté vers le<br />
dégagement <strong>de</strong> marges <strong>de</strong> manœuvres<br />
dans un univers très contraint. A<br />
l’évi<strong>de</strong>nce, les dotations « MIGAC »,<br />
« MIG » « AC » seront en forte diminution.<br />
Dans les années à venir, nous souhaitons<br />
travailler sur les parcours, <strong>la</strong> coordination<br />
dans un contexte où nous savons que le<br />
financement <strong>de</strong>s réseaux sera <strong>de</strong> plus en<br />
plus contraint. Il nous semble essentiel <strong>de</strong><br />
mettre l’accent sur cinq ou six parcours<br />
clés.<br />
Comme vous le savez, à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
publication d’un rapport <strong>de</strong> l’IGAS, un<br />
chantier sur <strong>la</strong> mort à l’hôpital a été<br />
ouvert. Le sujet a été abordé <strong>de</strong> façon<br />
très différenciée suivant les structures<br />
sociales ou médicales. Certains acteurs<br />
l’évoquent aisément, d’autres ne le<br />
considèrent que très peu. Des raisons<br />
financières, <strong>la</strong> sédimentation d’actions,<br />
<strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> gouvernance sont <strong>de</strong><br />
nature à expliquer cette disparité. Il est<br />
pourtant légitime d’appréhen<strong>de</strong>r les<br />
parcours jusqu’à leur terme, tant dans<br />
l’intérêt <strong>de</strong>s soignants que dans celui <strong>de</strong>s<br />
familles. Rappelons que 80 % <strong>de</strong>s décès<br />
interviennent en établissement hospitalier<br />
ou dans <strong>de</strong>s structures médico-sociales.<br />
Ne nous y trompons pas, les soignants<br />
subissent <strong>la</strong> dureté <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> plein<br />
fouet, lorsqu’ils ont le sentiment d’être<br />
abandonnés ou <strong>de</strong> ne pas pouvoir en<br />
79<br />
parler. C’est pourquoi <strong>la</strong> formation doit les<br />
ai<strong>de</strong>r à prendre <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong>s choses et à<br />
se protéger. On sait qu’il n’est pas évi<strong>de</strong>nt<br />
pour une sage femme <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir évoquer<br />
<strong>de</strong>s « pièces anatomiques » auprès <strong>de</strong>s<br />
parents. Les sujets les plus délicats ne<br />
s’affrontent pas dans <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong>.<br />
En 2011-2012, nous allons ouvrir le<br />
chantier <strong>de</strong> <strong>la</strong> pédiatrie et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
néonatologie. Nous comptons bien<br />
capitaliser sur les recommandations <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
HAS. Nous remettrons sans doute notre<br />
copie en juin 2012.<br />
Que soient remerciés l’ensemble <strong>de</strong>s<br />
soignants qui sont en première ligne et<br />
qui portent <strong>la</strong> qualité et <strong>la</strong> dignité <strong>de</strong>s<br />
soins, dans <strong>de</strong>s circonstances difficiles.<br />
Merci à tous <strong>de</strong> votre engagement.<br />
NOTES :<br />
5. http://www.sante-ile<strong>de</strong>france.fr/p<strong>la</strong>n-strategique-regional-<strong>de</strong>sante-psrs-une-<strong>de</strong>uxieme-version-soumise-a-<strong>la</strong>-concertation/<br />
6. http://www.ars.ile<strong>de</strong>france.sante.fr/fileadmin/ILE-DE-<br />
FRANCE/ARS/1_Votre_ARS/5_Etu<strong>de</strong>s_Publications/Gui<strong>de</strong>_du_pr<br />
omoteur_PPS_2011_7_2.pdf<br />
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Document établi par <strong>la</strong> société Memedge Consulting<br />
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HEGP, LE 9 JUIN 2011 / COLLOQUE DE FORMATION / MORT D’UN ENFANT AUTOUR DE LA NAISSANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT ?<br />
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Actes<br />
Colloque <strong>de</strong> formation<br />
<strong>Mort</strong> d’un <strong>enfant</strong><br />
<strong>autour</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> <strong>naissance</strong> :<br />
quel accompagnement ?<br />
<strong>Mort</strong> périnatale : état <strong>de</strong>s lieux,<br />
homogénéisation <strong>de</strong>s pratiques<br />
et coordination <strong>de</strong>s acteurs.<br />
aJEUDI 9 JUIN 2011 - 8H30 À 17H00<br />
HÔPITAL EUROPÉEN GEORGES-POMPIDOU<br />
AUDITORIUM - PARIS 15 E<br />
Avec le Soutien <strong>de</strong><br />
Édité par © COMM Santé (www.comm-sante.com) - Rédaction © Memedge Consulting (<strong>de</strong>nis.vitel@memedge-consulting.ch) - Conception graphique © H&A / Herbert Galetti (06 86 58 40 37)