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Avril - Nervure Journal de Psychiatrie

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www.nervure-psy.com<br />

EDITORIAL G. Massé<br />

Proposition<br />

sémiotique d’une<br />

approche <strong>de</strong>s<br />

pratiques<br />

professionnelles<br />

Jean-Michel Wirotius est mé<strong>de</strong>cinchef<br />

du service <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />

physique et <strong>de</strong> réadaptation<br />

du Centre Hospitalier <strong>de</strong><br />

Brive. Il vient <strong>de</strong> soutenir<br />

une thèse <strong>de</strong><br />

Doctorat <strong>de</strong> l’Université<br />

<strong>de</strong> Limoges dont<br />

le titre est « Approche<br />

sémiotique <strong>de</strong>s pratiques professionnelles<br />

en mé<strong>de</strong>cine physique<br />

et <strong>de</strong> réadaptation. La question du sens en rééducation<br />

fonctionnelle ».<br />

Ce travail qui s’inscrit dans la démarche <strong>de</strong><br />

l’équipe du Centre <strong>de</strong> Recherches Sémiotiques<br />

(CeReS) du Département <strong>de</strong>s Sciences du langage<br />

<strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Limoges, présente un<br />

intérêt certain en psychiatrie du fait <strong>de</strong> ses<br />

applications possibles.<br />

Pour Jean-Michel Wirotius la question du sens<br />

en réadaptation médicale est une dimension <strong>de</strong><br />

la vie professionnelle mais aussi sociale qui<br />

reste encore « à construire, à éclairer, à mettre<br />

en mots ». La clinique médicale n’est pas pertinente<br />

pour l’analyse fonctionnelle en rééducation.<br />

Elle réalise, par exemple, <strong>de</strong>ux réductions<br />

: un signe est présent ou absent, seuls<br />

les symptômes utiles pour le repérage diagnostique<br />

sont pris en compte. Si l’évaluation<br />

analytique apparaît importante pour toute spécialité<br />

médicale en quête <strong>de</strong> quantification,<br />

elle peut masquer l’essentiel <strong>de</strong>s significations.<br />

Alors que les altérations fonctionnelles incluent,<br />

notamment, les fonctions cognitives, émotionnelles,<br />

sensorielles, ces désordres se combinant,<br />

la présence au mon<strong>de</strong> si importante à<br />

prendre en compte est déterminée, en partie,<br />

par le respect ou non <strong>de</strong>s normes sociales qui<br />

fon<strong>de</strong>nt la régulation <strong>de</strong> la communication.<br />

Enfin ce qui est appelé ici « thymie » concerne<br />

l’émotionnel car élaborer un processus <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil<br />

face à <strong>de</strong>s pertes fonctionnelles ou symboliques<br />

essentielles s’impose comme difficile,<br />

douloureux et long.<br />

(suite page 4 )<br />

Nicolas Guéguen est professeur <strong>de</strong> psychologie sociale<br />

cognitive à l’université <strong>de</strong> Bretagne-Sud et directeur<br />

d’un laboratoire en sciences du comportement et <strong>de</strong><br />

la cognition <strong>de</strong> cette même université. Ses recherches<br />

et ses enseignements portent, essentiellement, sur<br />

l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s processus d’influence du comportement<br />

humain. A ce titre, une place importante est donnée<br />

aux techniques d’influence du comportement<br />

du consommateur notamment en ce qui concerne les<br />

variables d’atmosphère <strong>de</strong> magasins (musique, o<strong>de</strong>urs,<br />

lumières…) ou du comportement non-verbal du personnel<br />

<strong>de</strong> vente (toucher, sourire…). Son approche<br />

méthodologique se caractéristique par une part importante<br />

<strong>de</strong> recherches en situation réelle <strong>de</strong> vente :<br />

magasins bars, restaurants…<br />

Nicolas Guéguen vient <strong>de</strong> publier 100 petites expériences<br />

en psychologie du consommateur, chez Dunod.<br />

Michel Sanchez-Car<strong>de</strong>nas : Vous avez un trajet personnel<br />

alimenté <strong>de</strong> sources variées : statisticien, ingénieur<br />

L’accueil <strong>de</strong>s agresseurs<br />

La loi du 17.06.1998 impose les soins dans le sens<br />

<strong>de</strong> l’implication du sujet sous main <strong>de</strong> justice dans<br />

une démarche thérapeutique et <strong>de</strong> prévention <strong>de</strong> la<br />

récidive.<br />

Cependant, si la société s’autorise le droit <strong>de</strong> regard<br />

sur la relation <strong>de</strong> ces sujets avec leurs thérapeutes, c’est<br />

dans le respect <strong>de</strong> la charte du patient que cela s’effectue,<br />

car le sujet gar<strong>de</strong> le choix <strong>de</strong> son mé<strong>de</strong>cin<br />

traitant et le secret <strong>de</strong> son suivi médical.<br />

Accueillir le justiciable, le mettre en confiance et sans<br />

à priori, reste un moment déterminant pour établir un<br />

contrat <strong>de</strong> soins et anticiper une prise en charge ultérieure<br />

<strong>de</strong> qualité dans le respect <strong>de</strong> l’obligation <strong>de</strong><br />

soins comme cadre légal qui structure, <strong>de</strong> bout en<br />

bout, la relation soignant-soigné.<br />

Ainsi, une authentique relation thérapeutique peut<br />

s’établir et conduire à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> traitement<br />

même <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s patients ayant une structure<br />

perverse.<br />

C’est dans cet esprit que la loi Guigou fut promulguée,<br />

Opicinus <strong>de</strong> Canistris<br />

Si l’on se fie à la floraison d’articles et d’étu<strong>de</strong>s<br />

consacrés à ce mystérieux copiste médiéval récemment<br />

publiés dans le mon<strong>de</strong> entier, Opicinus <strong>de</strong><br />

Canistris et ses oeuvres sortent enfin d’un long purgatoire,<br />

lequel avait lui-même succédé à d’interminables<br />

siècles d’oubli. Jusqu’au début du XXe siècle en<br />

effet, le nom d’Opicinus <strong>de</strong> Canistris était inconnu.<br />

Parfois quelques rares initiés s’enhardissaient jusqu’à<br />

parler d’un Anonymus ticinensis (l’inconnu <strong>de</strong>s bords<br />

du Tessin), mais sans réussir à mettre un nom au bas<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ouvrages à la paternité problématique, répertoriés<br />

au XVIIIe siècle dans la Bibliothèque apostolique<br />

vaticane : le De preeminentia Spiritualis imperii (sur la<br />

Primauté du pouvoir spirituel) et le De laudibus Papiae<br />

(Eloge <strong>de</strong> la cité <strong>de</strong> Pavie), écrits aux alentours <strong>de</strong><br />

1330.<br />

Il fallut la découverte par F. Saxl, en 1913, au sein <strong>de</strong>s<br />

trésors cachés <strong>de</strong> la Bibliothèque vaticane, d’un recueil<br />

<strong>de</strong> cinquante <strong>de</strong>ux planches sur parchemin (le co<strong>de</strong>x<br />

Pat. lat. 1993) pour que soit i<strong>de</strong>ntifié Opicinus <strong>de</strong><br />

Canistris, clerc pavesan, à ses heures enlumineur émi-<br />

La psychologie du consommateur<br />

Entretien avec Nicolas Guéguen<br />

FMC M. Hajbi<br />

sexuels en C.M.P.<br />

L’évaluation : un outil clinique à la portée <strong>de</strong>s<br />

soignants<br />

en informatique, vous vous êtes orienté vers la psychologie<br />

cognitive et plus particulièrement vers l’étu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s processus expliquant les processus d’achat, <strong>de</strong> séduction...<br />

Comment en êtes-vous arrivé là ?<br />

Nicolas Gueguen : A l’origine, mon intérêt pour la<br />

cognition vient <strong>de</strong> sa filiation avec certains domaines<br />

<strong>de</strong> l’informatique qui me plaisaient comme la logique<br />

formelle, l’intelligence artificielle… J’ai donc fait un<br />

double cursus <strong>de</strong> formation universitaire. J’ai eu la<br />

chance <strong>de</strong> rencontrer un enseignant-chercheur en<br />

psychologie sociale remarquable ce qui a eu pour<br />

effet <strong>de</strong> susciter mon intérêt pour la discipline. Par la<br />

suite, j’ai fait une thèse en psychologie sociale sur<br />

un thème qui n’a rien à voir avec les processus d’influence<br />

du comportement puisque cela portait sur le<br />

jugement d’autrui. Ce qui a déclenché mon intérêt<br />

pour les processus d’influence et <strong>de</strong> manipulation<br />

du comportement est le Petit traité <strong>de</strong> manipulation à<br />

(suite page 9 )<br />

afin d’harmoniser la répression judiciaire et le bénéfice<br />

<strong>de</strong> traitement selon <strong>de</strong>s conditions éthiques acceptables<br />

(Balier, Ciavaldini, 2000).<br />

Il est vrai que les pathologies inhérentes aux agressions<br />

sexuelles ont la réputation d’être inaccessibles (Balier,<br />

2000). En effet, <strong>de</strong>puis sa <strong>de</strong>scription et sa classification<br />

en actes délictuels dans le champ médico-légal,<br />

la perversion comme entité clinique soulève les passions<br />

ou, au contraire, suscite la répulsion (Bloch,<br />

1999). Elle se voit l’objet <strong>de</strong> controverses ou <strong>de</strong><br />

remises en question quand elle surgit dans le cadre<br />

d’une pathologie avec passages à l’acte spécifiques<br />

(Zagury, 1996), notamment dès qu’il s’agit <strong>de</strong> problématiques<br />

<strong>de</strong> violences ou <strong>de</strong> troubles sexuels chez<br />

<strong>de</strong>s jeunes patients (Dembri et coll, 2004).<br />

Il faut savoir débusquer, <strong>de</strong>rrière les masques <strong>de</strong> la perversion<br />

(la simulation, la manipulation, l’emprise, le<br />

défi, le déni), la souffrance <strong>de</strong> l’agresseur avec une<br />

métho<strong>de</strong> d’investigation à la fois neutre et modérément<br />

incisive.<br />

(suite page 4 )<br />

gré en Avignon et qu’il soit, enfin, désigné comme<br />

l’auteur <strong>de</strong> ces trois oeuvres grâce à la perspicacité <strong>de</strong><br />

l’abbé Gianani.<br />

Cette avancée notoire n’allait, toutefois, pas abolir<br />

incertitu<strong>de</strong>s et interrogations, car cet ensemble original<br />

et unique au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> planches inhabituellement<br />

<strong>de</strong>ssinées recto-verso <strong>de</strong>meurait entouré d’un<br />

halo énigmatique. S’il suscitait à juste titre, dans les<br />

milieux concernés, un mouvement <strong>de</strong> satisfaction et<br />

un élan <strong>de</strong> curiosité, il ne tardait pas, non plus, à soulever<br />

doutes et à entretenir questionnements d’une<br />

autre nature.<br />

L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces planches fut notamment menée par<br />

Richard G. Salomon, un érudit germanique à la colossale<br />

érudition qui, pour l’occasion secondé par un<br />

historien d’Art, A. Heimann, se livra longuement à <strong>de</strong><br />

savantes et minutieuses investigations, lesquelles le<br />

conduisirent à douter <strong>de</strong> l’équilibre psychique du<br />

prêtre lombard.<br />

La publication, en 1936, <strong>de</strong> Conception du Mon<strong>de</strong> et<br />

Supplément à NERVURE - <strong>Journal</strong> <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> - Tome XIX - n°4 - Mai 2006<br />

(Ne peut être vendu séparément)<br />

HISTOIRE G. Roux<br />

(suite page 6 )<br />

AVRIL 2006 1<br />

ISSN 0988-4068<br />

n°3 - Tome XIX - 04/2006<br />

Tirage : 10 000 exemplaires<br />

Directeur <strong>de</strong> la Publication et <strong>de</strong> la<br />

Rédaction : G. Massé<br />

Rédacteur en chef : F. Caroli<br />

Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,<br />

1 rue Cabanis - 75014 Paris<br />

Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40<br />

Abonnements :<br />

54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris<br />

Tél. 01 45 50 23 08 - Fax 01 45 55 60 80<br />

Prix au numéro : 9,15 €<br />

E-mail : info@nervure-psy.com<br />

AU SOMMAIRE<br />

EDITORIAL<br />

Proposition sémiotique<br />

d’une approche <strong>de</strong>s<br />

pratiques professionnelles p.1<br />

FMC<br />

L’accueil <strong>de</strong>s agresseurs<br />

sexuels en CMP p.4<br />

HISTOIRE<br />

Opicinus <strong>de</strong> Canistris p.6<br />

ENTRETIEN AVEC<br />

Nicolas Guéguen<br />

La psychologie<br />

du consommateur p.9<br />

AUTRES CULTURES<br />

L’amer du Japon p.11<br />

ORGANISATION DES SOINS<br />

Le système <strong>de</strong> réadaptation<br />

au Québec : naviguer<br />

dans l’ambiguïté ? p.13<br />

PSYCHOGÉRIATRIE<br />

Regards sur la dépression<br />

du sujet âgé p.16<br />

ANNONCES<br />

PROFESSIONNELLES p.17<br />

ANNONCES EN BREF p.18<br />

6 QUESTIONS À R. DARDENNES<br />

Troubles bipolaires :<br />

comment améliorer<br />

le fonctionnement<br />

au quotidien p.19<br />

« PSYCHOSE ET<br />

GROSSESSE »<br />

Ce dossier interdisciplinaire<br />

qui porte un regard<br />

exhaustif, sera publié dans<br />

le numéro <strong>de</strong> mai 2006<br />

<strong>de</strong> la Revue,<br />

supplément du <strong>Journal</strong><br />

adressé aux abonnés.


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

LIVRES<br />

Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> la pratique<br />

psychiatrique en milieu<br />

pénitentiaire<br />

Coordonné par Laurent Michel et<br />

Betty Brahmy<br />

Editions Heures <strong>de</strong> France, 48 €<br />

Laurent Michel et Berry Brahmy ont décidé<br />

<strong>de</strong> coordonner un « gui<strong>de</strong> » <strong>de</strong> la<br />

pratique psychiatrique en milieu pénitentiaire<br />

pour <strong>de</strong>s raisons qui peuvent<br />

paraître évi<strong>de</strong>ntes : la psychiatrie carcérale<br />

semble souvent mystérieuse,<br />

spécifique, <strong>de</strong>vant s’exercer dans un milieu<br />

qui est jugé répressif et souvent inconciliable<br />

avec les visées thérapeutiques<br />

<strong>de</strong> soignants. Pour qu’elle soit<br />

moins énigmatique, les auteurs rappellent<br />

les textes <strong>de</strong> loi ou les recommandations<br />

du <strong>de</strong>rnier gui<strong>de</strong> méthodologique<br />

en les commentant et en les<br />

confrontant à leur pratique. Ils sont, pour<br />

la plupart d’entre eux, <strong>de</strong>s soignants<br />

(mé<strong>de</strong>cins, psychologues, cadres, infirmiers),<br />

<strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> soins infirmiers,<br />

<strong>de</strong>s travailleurs sociaux, <strong>de</strong>s intervenants<br />

dans le milieu pénitentiaire<br />

(directeur, aumônier) et <strong>de</strong>s magistrats.<br />

Ils savent distinguer ce qui est possible<br />

<strong>de</strong> faire <strong>de</strong> ce qui ne l’est pas et ils argumentent<br />

toujours avec nuance et précision.<br />

Leur souci principal est éthique<br />

et la déontologie est ce qui prési<strong>de</strong> à<br />

leurs écrits. Dépassant les querelles d’école<br />

et les divergences <strong>de</strong>s pratiques (qui ne<br />

sont, sans doute, pas aussi fortes qu’on<br />

peut le penser), ils s’efforcent <strong>de</strong> transmettre<br />

leur réflexion et leur expérience<br />

afin que leurs lecteurs puissent être,<br />

comme eux, les garants <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s<br />

patients détenus. Ils veulent qu’ils aient :<br />

- un libre accès aux soins dans toutes<br />

les acceptions <strong>de</strong> cette expression et il<br />

ne saurait être question <strong>de</strong> contraindre<br />

qui que ce soit à un traitement au sein<br />

<strong>de</strong>s SMPR (Service Médico-Psychologique<br />

Régional) ou <strong>de</strong>s UCSA (Unité <strong>de</strong><br />

Consultations et <strong>de</strong> Soins Ambulatoires) ;<br />

- <strong>de</strong>s soins <strong>de</strong> qualité pour accompagner,<br />

au mieux, les détenus-patients,<br />

les ai<strong>de</strong>r à réfléchir à la signification <strong>de</strong><br />

leur acte et au sens <strong>de</strong> la peine et<br />

construire, avec eux, un projet <strong>de</strong> vie à<br />

l’intérieur mais aussi à l’extérieur <strong>de</strong> la<br />

prison. Ils souhaitent que le secret<br />

3<br />

professionnel, condition primordiale<br />

pour que les soins soient libres et <strong>de</strong><br />

qualité, soit respecté. Cela implique une<br />

vigilance <strong>de</strong> tous les instants et les auteurs<br />

montrent comment il est sans<br />

cesse menacé et comment il doit être<br />

sans cesse reconquis. Ils réfléchissent<br />

sur la notion <strong>de</strong> secret partagé, passant<br />

en revue les différents interlocuteurs<br />

<strong>de</strong>s soignants, pour indiquer qu’elle n’est<br />

jamais définitive et qu’elle doit être<br />

souvent repensée. « Le gui<strong>de</strong> la pratique<br />

psychiatrique en milieu pénitentiaire », le<br />

premier du genre en langue française,<br />

se veut pratique et son maniement est<br />

aisé. Il est facile, grâce à une table <strong>de</strong>s<br />

matières efficace, <strong>de</strong> se reporter au chapitre<br />

souhaité et les informations qui y<br />

sont données sont toujours claires et<br />

synthétiques. Il est donc un très bon<br />

gui<strong>de</strong>. Mais il n’est pas que cela et certains<br />

<strong>de</strong> ses chapitres sont consacrés<br />

au « cheminement historique <strong>de</strong>s soins<br />

psychiatriques en milieu pénitentiaire »<br />

ou à la « question éthique et aux fon<strong>de</strong>ments<br />

<strong>de</strong> l'exercice en milieu carcéral ».<br />

Un autre chapitre est un témoignage,<br />

sous forme d’interview, du Dr Paul<br />

Hivert, l’un <strong>de</strong>s pionniers <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

pénitentiaire. Ainsi, il est surtout<br />

un ouvrage engagé parce que la<br />

réflexion déontologique qui y est développée,<br />

est riche et ouverte : les questions<br />

importent plus que les réponses<br />

car elles conduisent les lecteurs à utiliser<br />

les informations données pour tenter<br />

<strong>de</strong> construire leur propre pratique.<br />

Directeur <strong>de</strong> la rédaction :<br />

Gérard Massé<br />

Rédacteur en chef : François Caroli<br />

Anne Henry<br />

Comité <strong>de</strong> rédaction : Centre Hospitalier<br />

Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.<br />

Tél. 01 45 65 83 09.<br />

Botbol M., Carrière Ph., Dalle B., Goutal M.,<br />

Guedj M.-J., Jonas C., Lascar Ph., Martin A.,<br />

Paradas Ch., Sarfati Y., Spadone C.,<br />

Tribolet S., Weill M.<br />

Comité scientifique : Bailly-Salin P.<br />

(Paris), Besançon G. (Nantes), Bourgeois<br />

M. (Bor<strong>de</strong>aux), Buisson G. (Paris), Caillard<br />

V. (Caen), Chabannes J.-P. (Grenoble),<br />

Chaigneau H. (Paris), Christoforov B.<br />

(Paris), Colonna L. (Rouen), Cornillot P.<br />

(Paris), Dufour H. (Genève), Dugas M.<br />

(Paris), Féline A. (Paris), Ginestet D.<br />

(Paris), Guelfi J.-D. (Paris), Guyotat J.<br />

(Lyon), Hochmann J. (Lyon), Koupernik<br />

C. (Paris), Lambert P. (Chambéry), Loo H.<br />

(Paris), Marcelli D. (Poitiers), Marie-<br />

Cardine M. (Lyon), Mises R. (Paris),<br />

Pequignot H. (Paris), Planta<strong>de</strong> A. (Paris),<br />

Ropert R. (Paris), Samuel-Lajeunesse B.<br />

(Paris), Scotto J.-C. (Marseille), Sechter D.<br />

(Lille), Singer L. (Strasbourg), Viallard A.<br />

(Paris), Zarifian E. (Caen).<br />

Comité francophone : Anseau M.<br />

(Belgique), Aubut J. (Canada), Bakiri M.-A.<br />

(Algérie), Cassan Ph. (Canada), Douki S.<br />

(Tunis), Held T. (Allemagne), Lalon<strong>de</strong> P.<br />

(Canada), Moussaoui D. (Maroc), Romila A.<br />

(Roumanie), Simon Y.-F. (Belgique), Stip E.<br />

(Canada), Touari M. (Algérie).<br />

Publicité<br />

médical<br />

SUPPORTER<br />

promotion<br />

Renata Laska - Susie Caron,<br />

54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris.<br />

Tél. 01 45 50 23 08.<br />

Télécopie : 01 45 55 60 80<br />

E-mail : info@nervure-psy.com<br />

Edité par Maxmed<br />

S.A. au capital <strong>de</strong> 40 000 €<br />

54, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris<br />

Maquette : Maëval. Imprimerie Fabrègue<br />

Directeur <strong>de</strong> la Publication :<br />

G. Massé<br />

www.nervure-psy.com


4<br />

LIVRES<br />

FMC<br />

Quand les corps se<br />

souviennent<br />

Expériences et politiques du sida<br />

en Afrique du Sud<br />

Didier Fassin<br />

La Découverte, 30 €<br />

Avec près <strong>de</strong> six millions <strong>de</strong> personnes<br />

contaminées, l’Afrique du Sud est le<br />

pays le plus gravement affecté par<br />

l’épidémie <strong>de</strong> sida. Elle est aussi le<br />

lieu <strong>de</strong>s débats les plus virulents au<br />

sein <strong>de</strong> la communauté scientifique<br />

internationale sur les causes et les<br />

traitements <strong>de</strong> la maladie, <strong>de</strong>s mobilisations<br />

les plus spectaculaires et<br />

<strong>de</strong>s procès les plus retentissants pour<br />

l’accès aux médicaments. Que ces<br />

faits surviennent dans le contexte <strong>de</strong><br />

l’après-apartheid, où la reconstruction<br />

d’une « nation arc-en-ciel » affranchie<br />

<strong>de</strong>s barrières raciales semblait<br />

enfin possible, entraîne une<br />

dimension particulièrement dramatique.<br />

Après cinq années d’enquête dans<br />

les townships comme dans les milieux<br />

savants et politiques sud-africains,<br />

ce livre retrace les enjeux politiques<br />

d’une crise épidémiologique<br />

qui met en cause les discours <strong>de</strong> la<br />

science autant que la gestion du pouvoir<br />

: il montre, à partir <strong>de</strong>s biographies<br />

<strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s controverses,<br />

comment l’histoire <strong>de</strong> la colonisation<br />

et <strong>de</strong> la ségrégation <strong>de</strong>meure vivante,<br />

dans les inégalités et les violences,<br />

dans le racisme et les accusations <strong>de</strong><br />

racisme. Le passé est intensément<br />

présent, se dévoilant à travers une<br />

économie <strong>de</strong> la souffrance et du<br />

ressentiment. Il s’agit donc <strong>de</strong> comprendre,<br />

<strong>de</strong> la manière la plus<br />

littérale, comment les corps se souviennent.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la singularité<br />

historique <strong>de</strong> l’Afrique du Sud, D.<br />

Fassin propose une réflexion sur la<br />

mémoire <strong>de</strong>s afflictions dans les sociétés<br />

contemporaines et sur l’anesthésie<br />

politique que perpétue notre<br />

indifférence à l’égard <strong>de</strong> ces injustices.<br />

Nos années sida<br />

Vingt-cinq ans <strong>de</strong> guerres<br />

intimes<br />

Eric Favereau<br />

Postface <strong>de</strong> Daniel Defert<br />

La Découverte, 16 €<br />

Eric Favereau retrace l’histoire du sida<br />

<strong>de</strong>puis 25 ans ou plutôt <strong>de</strong> certains<br />

repères importants autour d’entretiens,<br />

certains anciens, d’autres plus<br />

récents, avec un choix, en partie arbitraire,<br />

lié aux amitiés et aux circonstances.<br />

Il y a eu le temps <strong>de</strong>s<br />

pionniers. Comme le montre Françoise<br />

Barré-Sinoussi, la première<br />

femme au mon<strong>de</strong> à avoir décelé la<br />

trace d’un nouveau virus, mais aussi<br />

David Klatzmann, qui explique comment<br />

on lui a volé sa découverte <strong>de</strong><br />

l’action du virus dans le système immunitaire.<br />

Jean-Baptiste Brunet se<br />

souvient du comptage <strong>de</strong>s premiers<br />

mala<strong>de</strong>s. Tout était alors à inventer.<br />

Puis est venu le temps <strong>de</strong> l’élaboration<br />

d’une réponse collective. Daniel<br />

Defert retrace les raisons personnelles<br />

et politiques qui ont présidé à la création<br />

<strong>de</strong> Ai<strong>de</strong>s. Michèle Barzach, alors<br />

ministre <strong>de</strong> la Santé, évoque les blocages<br />

pour faire entrer la sexualité<br />

dans le discours public.<br />

Après ? Ce furent les années sida,<br />

c’est-à-dire le temps compté, celui <strong>de</strong><br />

la résistance. Frédéric E<strong>de</strong>lmann, Anne<br />

Coppel, Elisabeth Da Paz, Didier Lestra<strong>de</strong><br />

détaillent les ressorts intimes<br />

<strong>de</strong> ces années <strong>de</strong> lutte : leurs combats<br />

d’hier, mais aussi leurs craintes<br />

actuelles.<br />

Arnaud et Hugo dialoguent sur ces<br />

journées sans fin <strong>de</strong> l’année 2003 :<br />

l’un <strong>de</strong>vait mourir, l’autre ne voulait<br />

pas. Il y a enfin Peter Piot, responsable<br />

d’Onusida, qui s’interroge. Aurait-on<br />

pu mieux faire ?<br />

<br />

Le premier entretien doit garantir le<br />

maximum <strong>de</strong> conditions pour permettre<br />

au sujet <strong>de</strong> clarifier ses représentations,<br />

d’exprimer sa souffrance<br />

sans être remis en cause ni culpabilisé<br />

et d’être écouté sous forme respectueuse<br />

et non suggestive.<br />

Une écoute empathique est la pierre<br />

angulaire <strong>de</strong> la prise en charge car elle<br />

permet non seulement d'introduire les<br />

soins mais, et surtout, <strong>de</strong> faciliter l’accompagnement<br />

du sujet durant son<br />

parcours pénal et post-pénal. L’évaluation<br />

clinique est indispensable<br />

quelque soit l’origine <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,<br />

que le sujet pervers se présente spontanément<br />

ou qu’il a été conduit par<br />

son entourage ou adressé par la justice.<br />

Il est important <strong>de</strong> lever l’ambiguïté<br />

entre un service <strong>de</strong> soins et un service<br />

médico-judiciaire par une clarification<br />

<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> santé<br />

<strong>de</strong> leur mission et <strong>de</strong> leur champ d’intervention.<br />

Le clinicien doit faciliter l’expression<br />

du sujet, expliquer les objectifs <strong>de</strong> l’examen<br />

clinique, repérer les modalités du<br />

transfert et se référer à la loi comme<br />

cadre <strong>de</strong> référence.<br />

Une prise en charge efficace <strong>de</strong>s agresseurs<br />

sexuels s’appuie, formellement,<br />

sur la connaissance approfondie <strong>de</strong> la<br />

clinique et débute, nécessairement, par<br />

une évaluation précise <strong>de</strong> tous les axes<br />

constitutifs <strong>de</strong> la problématique du<br />

sujet : médical, psychiatrique, psychologique,<br />

social et criminologique (Chiariny,<br />

2001).<br />

Pour cette raison le secteur psychiatrique<br />

présente, à l’image <strong>de</strong>s centres<br />

médicopsychologiques, <strong>de</strong>s atouts<br />

majeurs, à savoir :<br />

- la prise en charge concerne, à une<br />

exception près, <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d'injonctions<br />

thérapeutiques dans divers<br />

champs médico-légaux et psychopathologiques<br />

;<br />

- les secteurs sont habilités à recevoir<br />

toutes les couches sociales aussi bien les<br />

populations démunies que les nanties ;<br />

- l’approche <strong>de</strong> l'environnement affectif<br />

et social du sujet est matériellement<br />

plus accessible, surtout en matière <strong>de</strong><br />

prévention ;<br />

- la présence <strong>de</strong>s équipes multidisciplinaires<br />

permet un étayage global <strong>de</strong> la<br />

problématique du sujet sur les plans<br />

social, psychologique et médical ;<br />

- les stratégies thérapeutiques sont en<br />

conséquences plus diversifiées, notamment<br />

les thérapies <strong>de</strong> groupe, qui restent<br />

le premier choix dans les agressions<br />

sexuelles ;<br />

- l’aménagement possible du temps et<br />

<strong>de</strong> l’espace pour l’accueil <strong>de</strong>s familles<br />

et <strong>de</strong>s victimes ;<br />

- le travail <strong>de</strong> liaison relativement plus<br />

aisé avec les autres équipes <strong>de</strong>s<br />

domaines psychiatriques (pédopsychiatres,<br />

psychothérapeutes), <strong>de</strong>s services<br />

sociaux, pénitentiaires (SMPR :<br />

Service Médico-Pénitentiaire Régional)<br />

et judiciaires (JAP : Juge d'Application<br />

<strong>de</strong>s Peines, Procureur <strong>de</strong> la République,<br />

SPIP : Service Pénitentiaire d'Insertion<br />

et <strong>de</strong> Probation).<br />

Il est nécessaire <strong>de</strong> préciser que ces<br />

avantages vont <strong>de</strong> pair avec la disponibilité<br />

<strong>de</strong>s différents intervenants, leur<br />

formation, l’accès à <strong>de</strong>s connaissances<br />

théoriques diverses, avec la création<br />

<strong>de</strong>s temps médicaux et paramédicaux<br />

et avec l’aménagement <strong>de</strong>s espaces<br />

adaptés pour les thérapies <strong>de</strong>s délinquants,<br />

d’une part, et pour l’accueil <strong>de</strong>s<br />

victimes d’autre part (conférence <strong>de</strong><br />

consensus, 2003).<br />

Modalités d’application<br />

<strong>de</strong> l’obligation <strong>de</strong> soins<br />

au travers du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

santé publique<br />

L’institution du suivi socio-judiciaire<br />

(S.S.J) ayant comme objectif l’incitation<br />

au suivi médical durant la procédure<br />

judiciaire, lors <strong>de</strong> l’incarcération et au<br />

moment <strong>de</strong> la liberté conditionnelle,<br />

est un <strong>de</strong>s aspects positifs <strong>de</strong> la loi du<br />

17.06.98.<br />

La recherche <strong>de</strong> l’adhésion du sujet à<br />

l’obligation <strong>de</strong> soins est primordiale<br />

(Cordier, 2000) dans l’anticipation <strong>de</strong>s<br />

résultats positifs <strong>de</strong> la psychothérapie.<br />

L’intervention d’un mé<strong>de</strong>cin coordonateur<br />

permet <strong>de</strong> maintenir l’indépendance<br />

du thérapeute vis-à-vis <strong>de</strong> la<br />

justice et <strong>de</strong> respecter le contrat patientsoignant.<br />

Le cadre du déroulement <strong>de</strong> l’obligation<br />

<strong>de</strong> soins est expliqué, par écrit au<br />

sujet, par le conseiller d’insertion et <strong>de</strong><br />

probation (C.I.P).<br />

Le magistrat, en la personne du juge<br />

d’application <strong>de</strong>s peines (J.A.P), déci<strong>de</strong><br />

d’une obligation <strong>de</strong> soins dans le<br />

cadre <strong>de</strong> la procédure judiciaire et le<br />

C.I.P oriente le justiciable vers un mé<strong>de</strong>cin<br />

coordonateur préalablement inscrit<br />

sur une liste établie par le Procureur<br />

<strong>de</strong> la République.<br />

Le mé<strong>de</strong>cin coordonateur désigne, avec<br />

le sujet, un mé<strong>de</strong>cin compétent, en<br />

matière <strong>de</strong> violences sexuelles, lequel<br />

après évaluation propose sous ses auspices<br />

une orientation vers tel ou tel<br />

type <strong>de</strong> thérapie.<br />

Le thérapeute s’engage dans le cadre<br />

du respect <strong>de</strong> la loi et <strong>de</strong> la charte du<br />

patient à effectuer un retour au mé<strong>de</strong>cin<br />

coordonateur.<br />

Le mé<strong>de</strong>cin traitant propose et fixe la<br />

nature du traitement, il peut également<br />

consulter les rapports d'expertises ainsi<br />

que certaines pièces judiciaires.<br />

Il remet au condamné, à intervalles<br />

réguliers, <strong>de</strong>s attestations <strong>de</strong> suivi afin<br />

que ce <strong>de</strong>rnier puisse justifier auprès<br />

du juge <strong>de</strong> l’accomplissement <strong>de</strong>s soins.<br />

En cas d’interruption du traitement, le<br />

mé<strong>de</strong>cin peut avertir le juge ou le service<br />

pénitentiaire d’insertion et <strong>de</strong> probation<br />

(S.P.I.P) et/ou le mé<strong>de</strong>cin coordonateur<br />

sans que puisse lui être<br />

opposée une violation du secret professionnel.<br />

Il est vrai que la justice ne peut remplir<br />

correctement sa mission que si elle est<br />

bien informée par le mé<strong>de</strong>cin du danger<br />

potentiel lié au défaut d’observance<br />

aux soins.<br />

Certains préconisent une procédure<br />

complémentaire d’accès aux soins pour<br />

les personnes en obligation <strong>de</strong> soins.<br />

Cette procédure, défendue par le<br />

réseau <strong>de</strong> promotion santé mentale du<br />

Sud Yvelines (R.P.S.M 78), prévoit la<br />

mise en place d’un « praticien évaluateur<br />

» dont la mission est <strong>de</strong> recevoir le<br />

justiciable, <strong>de</strong> le préparer à l’accès aux<br />

soins et <strong>de</strong> signaler au mé<strong>de</strong>cin coordonnateur<br />

et à la justice la pertinence<br />

ou non d’une telle mesure.<br />

L’évaluateur déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’orientation<br />

thérapeutique et d’un adressage pouvant<br />

impliquer d’autres professionnels<br />

médico-sociaux.<br />

Il dispose d’une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 6 mois (1<br />

à 3 consultations) pour élaborer un<br />

diagnostic, évaluer la pertinence <strong>de</strong> la<br />

démarche, orienter puis adresser le<br />

patient après l’accord écrit <strong>de</strong> celui-ci.<br />

L’évaluateur en informe le S.P.I.P et<br />

transmet, au thérapeute, les informations<br />

utiles au suivi.<br />

L’évaluateur, à priori distinct du dispositif<br />

<strong>de</strong> soins, reprend contact avec les<br />

thérapeutes afin d’évaluer la pertinence<br />

<strong>de</strong> l’orientation.<br />

Le travailleur social (C.I.P) rend compte<br />

aux magistrats <strong>de</strong> l’évolution qu’il<br />

observe dans le comportement et la<br />

situation du sujet.<br />

La finalité <strong>de</strong> l’incitation aux soins est<br />

<strong>de</strong> créer l’émergence <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

et d’ai<strong>de</strong>r le condamné à s’approprier la<br />

démarche afin <strong>de</strong> pouvoir s’investir,<br />

désirer se soigner et libérer sa parole<br />

sans pour autant atténuer la responsabilité<br />

<strong>de</strong> son acte.<br />

Pour optimiser les avantages <strong>de</strong> l’obligation<br />

<strong>de</strong> soins comme repère et cadre<br />

référentiel <strong>de</strong> travail psychothérapeutique<br />

et <strong>de</strong> mentalisation, il est indispensable<br />

<strong>de</strong> lever l’ambiguïté <strong>de</strong><br />

certains <strong>de</strong> ses aspects, à savoir :<br />

- le secret professionnel et les limites<br />

déontologiques : le psychothérapeute,<br />

comme tout citoyen rend <strong>de</strong>s comptes<br />

à la société par le biais <strong>de</strong> la justice. La<br />

mise en place du mé<strong>de</strong>cin coordonateur<br />

ou évaluateur pallie ainsi à cette<br />

difficulté ;<br />

- les objectifs sont différents : la justice<br />

cherche à éviter la récidive et la psychothérapie<br />

espère le mieux être <strong>de</strong><br />

l’individu supposé capable d’intégrer<br />

les frustrations <strong>de</strong> la réalité et <strong>de</strong> redéfinir<br />

un projet <strong>de</strong> vie.<br />

Enfin, par souci <strong>de</strong> pertinence et pour<br />

plus d’efficacité, il est souhaitable que<br />

les cliniciens évaluateurs et psychothérapeutes<br />

puissent communiquer entre<br />

eux et avec les différents intervenants,<br />

disposer d’un minimum d’éléments<br />

judiciaires (procès verbaux <strong>de</strong>s victimes<br />

et <strong>de</strong> l’accusé ainsi que <strong>de</strong>s expertises<br />

psychiatriques et psychologiques).<br />

Il faut interpréter l’obligation <strong>de</strong> soins<br />

comme un traitement psychosocial et<br />

sortir <strong>de</strong>s sentiers battus du cadre rigi<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s pratiques et <strong>de</strong>s clivages théoriques,<br />

conceptuels et institutionnels.<br />

Un traitement psychosocial suppose<br />

<strong>de</strong>s échanges entre psychiatres, magistrats,<br />

pénitentiaires, politiques, ainsi<br />

qu’une complémentarité <strong>de</strong>s pratiques<br />

<strong>de</strong> terrain <strong>de</strong>s disciplines différentes<br />

(Coutanceau, 1997).<br />

L’exercice <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> traitement<br />

auprès <strong>de</strong>s agresseurs sexuels et <strong>de</strong>s<br />

sujets violents incite les thérapeutes à<br />

solliciter directement, ce qui est recouvert<br />

par le déni <strong>de</strong> la réalité et le clivage.<br />

Il s’agit d’une démarche active<br />

d’étayage qui nécessite les adaptations<br />

organisationnelles loin du colloque singulier<br />

classique, mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong>.<br />

L’évaluation préthérapeutique<br />

proprement dite<br />

Les items proposés ci-<strong>de</strong>ssous ont été<br />

sélectionnés, <strong>de</strong> manière empirique, à<br />

partir <strong>de</strong> l’expérience clinique au centre<br />

médico-psychologique, d’une certaine<br />

pratique <strong>de</strong> l’expertise clinique et <strong>de</strong>s<br />

thérapies <strong>de</strong> groupe auprès <strong>de</strong>s agresseurs<br />

sexuels à l’antenne médico-légale<br />

<strong>de</strong> La Garenne Colombes et à partir<br />

<strong>de</strong> la littérature scientifique relative à la<br />

perpétuation future d’actes <strong>de</strong> violences<br />

sexuelles : Balier, Ciavaldini, Girard-<br />

Khayat (1996) et Cornet, Glovannangeli,<br />

Mormont (2003) entre autres.<br />

Ces items permettent <strong>de</strong> couvrir divers<br />

domaines importants pour l’évaluation<br />

clinique pré et post thérapeutique, ils<br />

sont <strong>de</strong>stinés à faciliter la collecte <strong>de</strong>s<br />

données pour que tout clinicien, mé<strong>de</strong>cin<br />

comme psychologue ou infirmier,<br />

puisse s’en saisir, que ce soit dans le<br />

cadre d’une activité clinique, d’expertise<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

L’accueil <strong>de</strong>s agresseurs sexuels<br />

en C.M.P.<br />

La répartition <strong>de</strong>s attentes <strong>de</strong> la personne<br />

et <strong>de</strong> ses proches entre les<br />

mécanismes <strong>de</strong> récupération et <strong>de</strong><br />

compensation dépend <strong>de</strong> leur niveau<br />

<strong>de</strong> connaissance et donc <strong>de</strong> perception<br />

<strong>de</strong>s soins proposés. Quant à l’acceptabilité<br />

du sujet par l’équipe, elle<br />

s’impose toujours comme une donnée<br />

centrale.<br />

Jean-Michel Wirotius propose une<br />

approche sémiotique autour <strong>de</strong> pratiques,<br />

<strong>de</strong> situations, <strong>de</strong> stratégies <strong>de</strong><br />

programmation et d’ajustement, <strong>de</strong><br />

formes <strong>de</strong> vies rencontrées dans la<br />

pratique <strong>de</strong> soin. L’objectif est <strong>de</strong><br />

dépasser <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> surface qui<br />

sont médicaux, sociaux, institutionnels<br />

pour tenter <strong>de</strong> repérer ce qui<br />

est signifiant et porteur <strong>de</strong> valeurs.<br />

La légitimité scientifique d’une sémio-<br />

ou <strong>de</strong> recherche. Les objectifs thérapeutiques<br />

<strong>de</strong> l’évaluation clinique<br />

consistent à i<strong>de</strong>ntifier les déficits spécifiquement<br />

liés à la délinquance sexuelle<br />

et les déficits non spécifiques et à<br />

proposer un plan <strong>de</strong> suivi adapté à ces<br />

déficits et aux capacités du patient.<br />

Cette première évaluation apparaît<br />

nécessaire à la connaissance du sujet, à<br />

son orientation à visée thérapeutique et<br />

à son accompagnement le long <strong>de</strong>s<br />

processus judiciaire et psychothérapeutique.<br />

Les évaluations ultérieures, dites <strong>de</strong><br />

suivi ou <strong>de</strong> contrôle, permettraient <strong>de</strong><br />

ponctuer le temps pénal ou post-pénal,<br />

elles s’intéresseraient aux changements<br />

<strong>de</strong>s positions conscientes et inconscientes<br />

concernant le passage à l’acte.<br />

Ainsi, pour définir le profil psychologique<br />

<strong>de</strong>s délinquants sexuels et <strong>de</strong>s<br />

sujets violents, <strong>de</strong>s experts comme<br />

Coutanceau (2002), Roure (2002) et<br />

Tribolet (1995) insistent sur les mérites<br />

d’une analyse pluridisciplinaire du passage<br />

à l’acte à la fois médicale, psychiatrique,<br />

psychologique, sociale et<br />

criminologique. L’examen psychiatrique<br />

et médico-psychologique dépend <strong>de</strong><br />

l’expérience, du bon sens et <strong>de</strong> l’habitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> chaque praticien (Lempérière,<br />

1997). Cependant, pour la bonne<br />

conduite <strong>de</strong> cet examen, l’évaluateur<br />

doit favoriser, en préliminaire, les conditions<br />

d’un entretien non directif, privilégiant<br />

l’expression spontanée du<br />

patient. Puis dans une ambiance suffisamment<br />

flexible, l’examen <strong>de</strong>viendra<br />

plus structuré et les interventions <strong>de</strong><br />

l’examinateur plus fréquentes pour<br />

compléter l’investigation anamnéstique.<br />

A l’instar du psychiatre expert ou<br />

requis, l’évaluateur <strong>de</strong>vra se démarquer<br />

du rôle <strong>de</strong> contrôle imposé par la société<br />

pour conduire librement l’entretien.<br />

Enfin, la transcription exacte <strong>de</strong>s mots<br />

et <strong>de</strong>s phrases du sujet examiné est<br />

souvent utile à la discussion et les tiers<br />

sont reçus, <strong>de</strong> préférence, dans un<br />

<strong>de</strong>uxième temps pour un complément<br />

d’information et, notamment, pour préparer,<br />

dans certains cas, l’alliance thérapeutique.<br />

L’évaluateur doit ainsi apporter <strong>de</strong>s<br />

informations élémentaires et utiles à<br />

l'orientation thérapeutique et explorer,<br />

<strong>de</strong> façon précise, les domaines suivants.<br />

I<strong>de</strong>ntification du sujet :<br />

- Nom et Prénom, Date et Lieu <strong>de</strong><br />

naissance.<br />

- Coordonnées exactes (Adresses et<br />

Téléphones).<br />

- Niveau d’étu<strong>de</strong>, Profession, Citoyenneté<br />

et Etat civil.<br />

- Enfants, Parents et Fratrie.<br />

Situation juridique actuelle :<br />

- Les faits (Accusations, victimes, dates<br />

et lieux).<br />

<br />

Proposition sémiotique d’une approche <strong>de</strong>s<br />

pratiques professionnelles<br />

logie fonctionnelle conçue comme<br />

une entreprise sémiotique (dans le<br />

sens où si l’objet à décrire existe dans<br />

les pratiques professionnelles il n’est<br />

pas encore codé dans un discours),<br />

nécessite un partage, partage sans<br />

lequel les langues médicale, ordinaire<br />

et rééducative <strong>de</strong>meureront différenciées.<br />

L’espoir est celui d’une uniformisation<br />

portée par le faire et les<br />

techniques employées.<br />

Pour toutes les disciplines médicales<br />

une telle démarche interroge « les<br />

parcours <strong>de</strong> soins, l’analyse <strong>de</strong>s mythes,<br />

du patient prototype, <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong><br />

situation, les discours professionnels<br />

actuels lorsque ces discours appartiennent<br />

à <strong>de</strong>s clichés culturels acceptés<br />

par les groupes professionnels et véhiculant<br />

<strong>de</strong>s mythes partagés ».


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

La sociologie <strong>de</strong>s changements sociaux<br />

Alexis Trémoulinas<br />

La Découverte<br />

Le concept <strong>de</strong> changement social éclate en <strong>de</strong> multiples changements sociaux<br />

dès lors qu’on le confronte aux recherches sociologiques contemporaines.<br />

Ce qui peut se résumer ainsi : les changements sociaux plutôt que le changement<br />

social ; l’analyse <strong>de</strong> tendances à propos <strong>de</strong> quelques changements sociaux<br />

situés et datés plutôt que <strong>de</strong>s théories surplombantes du changement<br />

social.<br />

Les changements sociaux du XIX e siècle ont contribué à la naissance <strong>de</strong> la sociologie.<br />

Dans nos sociétés réflexives, la sociologie, comme discipline et comme<br />

savoir, suscite différents changements sociaux. Comme discipline, la sociologie<br />

à l’Université constitue, notamment aux États-Unis, un bastion intellectuel<br />

et donc un réservoir d’idées, souvent mobilisées à <strong>de</strong>s fins politiques. Comme<br />

savoir, les connaissances sociologiques, souvent traduites lors d’émissions radiophoniques<br />

ou dans les pages <strong>de</strong> la presse, nourrissent les réflexions du citoyen<br />

et parfois les arguments <strong>de</strong>s hommes politiques. Un seul exemple : le<br />

combat <strong>de</strong>s femmes. Le féminisme peut s’interpréter comme un conflit social<br />

qui a permis lors <strong>de</strong> l’après-Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale d’instiller le genre comme<br />

dimension d’analyse du social dans les réflexions sociologiques, voire, dans<br />

le cas américain, <strong>de</strong> l’institutionnaliser jusque dans l’Université avec les gen<strong>de</strong>r<br />

studies. En retour, les savoirs, soit strictement féministes, soit intégrant le<br />

genre dans leur analyse <strong>de</strong> la société, ont une traduction auprès du mon<strong>de</strong><br />

politique et donc un impact.<br />

Tenants <strong>de</strong> paradigmes opposés, Bourdieu et Coleman se retrouvent quand<br />

il s’agit d’essayer <strong>de</strong> transformer la société grâce au savoir accumulé sur elle.<br />

Cette mé<strong>de</strong>cine du social apparaît d’autant plus indispensable à l’heure où les<br />

inégalités sociales s’accroissent.<br />

- Jugement (Nature, Date, Expiration).<br />

- Tribunal <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong> Instance (T.G.I)<br />

<strong>de</strong> rattachement.<br />

- S.P.I.P. et le C.I.P. référents.<br />

- Avocats, Experts mandatés.<br />

- Documents consultés (Expertises, Procès<br />

Verbaux <strong>de</strong>s O.P.J. <strong>de</strong>s auditions<br />

<strong>de</strong> l'agresseur et <strong>de</strong>s victimes dans la<br />

mesure du possible…).<br />

- Personnes consultées (proches, mé<strong>de</strong>cin<br />

et psychiatre traitant…).<br />

Antécé<strong>de</strong>nts Personnels et<br />

Familiaux :<br />

- Judiciaires, sexuels et non sexuels.<br />

- Médico-chirurgicaux et Psychiatriques.<br />

Addictions :<br />

- Type : Tabac. Alcool. Psychotropes.<br />

Drogues. Jeux pathologiques.<br />

- Historique : Ancienneté. Quantité.<br />

Tentatives <strong>de</strong> sevrage. Répercussions<br />

sociales et sanitaires.<br />

Apparence générale :<br />

- Taille, Poids et Latéralité.<br />

- Présentation (posture, mimique, hygiène,<br />

…).<br />

- Attitu<strong>de</strong> du sujet : attentif, coopératif,<br />

ralenti, agité, calme, distrait, méfiant<br />

…et ses réactions émotionnelles.<br />

Biographie (éléments signifiants) :<br />

- Principales étapes du développement<br />

psychomoteur.<br />

- Déroulement <strong>de</strong> l’enfance, adolescence<br />

et âge adulte.<br />

- Scolarité et niveau intellectuel.<br />

- Vie professionnelle (structurée, non<br />

structurée).<br />

- Vie relationnelle (familiale, maritale,<br />

amicale).<br />

- Imagos parentales, notions <strong>de</strong> violence,<br />

<strong>de</strong> rupture.<br />

- Loisirs et pôles d’intérêts (activités<br />

artistiques, culturelles, sportives et engagements<br />

politiques, syndicaux, religieux…).<br />

- Données affectives, morales, religieuses,<br />

ethniques, géographiques ou<br />

linguistiques.<br />

- Personnes <strong>de</strong> confiance.<br />

Eléments sémiologiques :<br />

- Symptômes exprimés spontanément<br />

(angoisse, fatigue, insomnie, troubles<br />

sexuels…), leur mo<strong>de</strong> d’installation,<br />

leur ancienneté et la signification que le<br />

patient leur accor<strong>de</strong>.<br />

- Etat mental général (syntonie, orientation<br />

temporo-spaciale …).<br />

- Affect (euthymique, triste, irritable,<br />

préoccupé, abrasif…).<br />

- Pensée (organisation et cohérence,<br />

discours élaboré, pauvre ou circonstancié,<br />

croyances, idées délirantes ou<br />

suicidaires…).<br />

- Distorsions cognitives.<br />

- Niveau intellectuel (fort, moyen,<br />

faible).<br />

- Perception (hallucinations, contact<br />

avec la réalité …).<br />

- Raisonnement (logique ou illogique,<br />

rationalisation…).<br />

- Mémoire (récente, autobiographique,<br />

sélective, antérogra<strong>de</strong> …).<br />

Facteurs <strong>de</strong> personnalité :<br />

- Traits phobiques, obsessionnels, histrioniques.<br />

- Traits pervers et égocentriques.<br />

- Rigidité et caractère paranoïaque.<br />

- Dysthymie, Impulsivité et Projections.<br />

- Qualité <strong>de</strong>s liens (attachement et maîtrise).<br />

- Rapport aux éprouvés (honte, culpabilité…).<br />

- Capacité d’insight (autocritique, autoperception).<br />

- Tonalité : normale ou immature avec<br />

dominante névrotique, psychopathique,<br />

égocentrique, perverse ou psychotique.<br />

Vie affectivo-sexuelle :<br />

- Développement sexuel (masturbation,<br />

premières expériences sexuelles<br />

adultes, modèles i<strong>de</strong>ntificatoires,<br />

supports/documents d’excitation érotiques<br />

ou pornographiques, inhibition/désinhibition,<br />

dysfonctionnements<br />

sexuels…).<br />

Agressions sexuelles subies ou agies<br />

contre autrui durant l’enfance et/ou<br />

l’adolescence et/ou l’âge adulte.<br />

- Fantasmes et choix d’objets (orientation<br />

sexuelle, paraphilies…).<br />

- Sexualité et conflits internes.<br />

- Possibilités et modèles <strong>de</strong> changement<br />

possibles.<br />

Facteurs Criminologiques :<br />

- Circonstances d’arrestation, choix <strong>de</strong>s<br />

lieux et <strong>de</strong>s victimes.<br />

- Facteurs individuels et situationnels<br />

pré-délictuels/criminels.<br />

- Signes précurseurs et événements isolés<br />

ou successifs ayant précédé la formation<br />

du projet délictuel/criminel,<br />

motivant l’acte et leur rôle décisif dans<br />

le passage à l’acte.<br />

- Degré <strong>de</strong> préméditation et stratégie<br />

opératoire (sous forme <strong>de</strong> crise avec<br />

plusieurs phases pré-délictuelles/criminelles,<br />

sous forme d’un raptus explosif<br />

ou <strong>de</strong> manière chronique étalée dans le<br />

temps).<br />

- Facteurs <strong>de</strong> prédisposition victimogènes<br />

(biologiques, sociologiques, psychologiques…)<br />

et les relations avec la<br />

victime (disposition occasionnelle ou<br />

permanente, consciente ou inconsciente…).<br />

- Rapport aux faits et à la contrainte<br />

exercée sur la victime (rapport <strong>de</strong><br />

contrôle, <strong>de</strong> domination, <strong>de</strong> sado-masochisme,<br />

<strong>de</strong> manipulation ou <strong>de</strong> menace).<br />

- Affects et fantasmes avant et après<br />

le délit ou le crime.<br />

- Rapport à l’altérité (prise <strong>de</strong> conscien-<br />

ce du retentissement psychologique <strong>de</strong><br />

l'agression sur la victime).<br />

- Vécu surmoique du passage à l’acte.<br />

- Rapport à la loi et Degré <strong>de</strong> reconnaissance<br />

(total / partiel / déni)..<br />

Synthèse <strong>de</strong>s données <strong>de</strong><br />

l’anamnèse :<br />

- Reprise <strong>de</strong>s éléments sus-cités les plus<br />

signifiants <strong>de</strong> la personnalité, <strong>de</strong> l’état<br />

mental et <strong>de</strong> la vie du sujet.<br />

- Lien entre l’état mental et l’agression<br />

sexuelle et incrimination <strong>de</strong> facteurs<br />

extérieurs (agression ancienne, liens<br />

conjugaux conflictuels, facteurs héréditaires,<br />

biologiques ou toxiques, facteurs<br />

sociaux...).<br />

- Aspects criminologiques du passage à<br />

l'acte avec analyse <strong>de</strong>s facteurs facilitant<br />

la récidive.<br />

- Vécu contre transférentiel <strong>de</strong>s évaluateurs<br />

et leurs ressentis par rapport à<br />

l'insight du sujet, à la qualité <strong>de</strong> son<br />

introspection et à son <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> consentement<br />

aux soins.<br />

- Détection <strong>de</strong>s contre-indications et<br />

<strong>de</strong>s facteurs pouvant entraver le bon<br />

déroulement <strong>de</strong> la prise en charge.<br />

- Inventaire <strong>de</strong>s disponibilités horaires et<br />

<strong>de</strong>s possibilités matérielles concrètes<br />

du sujet en vue <strong>de</strong> favoriser la régularité<br />

<strong>de</strong>s rencontres ultérieures et <strong>de</strong> la<br />

thérapie.<br />

Cette première approche peut également<br />

s’appuyer sur :<br />

* <strong>de</strong>s examens complémentaires médicaux<br />

ou paramédicaux et <strong>de</strong>s tests projectifs,<br />

à distance, qui peuvent s’avérer<br />

nécessaires si <strong>de</strong>s doutes persistent<br />

concernant la personnalité et le profil<br />

psychopathologique du sujet ;<br />

* <strong>de</strong>s entretiens <strong>de</strong> couple ou familiaux<br />

pour complément d’information mais<br />

aussi pour anticiper une meilleure<br />

alliance thérapeutique.<br />

Orientations thérapeutiques :<br />

Les évaluateurs disposent d’un panel<br />

<strong>de</strong> propositions thérapeutiques, leur<br />

choix déterminera le projet thérapeutique<br />

et permettra d’inscrire le sujet<br />

sous main <strong>de</strong> justice dans un processus<br />

<strong>de</strong> soins le mieux adapté à sa problématique.<br />

Ainsi le traitement peut comprendre :<br />

- <strong>de</strong>s psychotropes, assez rarement <strong>de</strong>s<br />

anti-androgènes ;<br />

- une thérapie individuelle et/ou <strong>de</strong><br />

couple et/ou <strong>de</strong> Groupe.<br />

L’indication <strong>de</strong> type <strong>de</strong> la thérapie<br />

(relaxation, psychodrame, groupe <strong>de</strong><br />

parole, thérapies d'inspiration analytique,<br />

systémique, cognitivo-comportementale…)<br />

se fera selon la fantasmatique<br />

et la prévalence sexuelles<br />

(inceste, pédophilie homo ou hétérosexuelle,<br />

exhibition, violence sur adulte…),<br />

les capacités introspectives et<br />

selon les facteurs associés <strong>de</strong> comorbidité<br />

(composante anxio-dépressive<br />

et/ou psychotique majeure et/ou déficience<br />

mentale et/ou impulsivité…).<br />

De telles évaluations <strong>de</strong>vraient être<br />

répétées à intervalles réguliers et débattues<br />

au sein <strong>de</strong>s équipes spécialisées<br />

lors <strong>de</strong>s réunions cliniques.<br />

Le rapport d’évaluation doit bien i<strong>de</strong>ntifier<br />

les évaluateurs et leurs fonctions et<br />

la date <strong>de</strong> déroulement <strong>de</strong> l’évaluation.<br />

Il s’agit d’une règle simple mais très<br />

utile lors <strong>de</strong>s contrôles <strong>de</strong> l’évolution<br />

sous thérapie ou lorsqu' il faudra réévaluer<br />

le sujet en fin <strong>de</strong> thérapie ou bien<br />

en cas <strong>de</strong> récidive.<br />

Conclusion<br />

L’obligation <strong>de</strong> soins constitue une<br />

mesure judiciaire sur laquelle s’appuie<br />

le travail thérapeutique en matière <strong>de</strong><br />

violences sexuelles.<br />

La formation <strong>de</strong>s soignants volontaires<br />

pour cette mission et le travail en partenariat<br />

avec les milieux socio-judiciaires<br />

doivent être mis en œuvres pour<br />

une prise en charge adaptée à la problématique<br />

<strong>de</strong> chaque sujet qui transgresse<br />

la loi sociale.<br />

Les rôles <strong>de</strong>s intervenants doivent être<br />

définis, selon leur domaine <strong>de</strong> compétence<br />

faute <strong>de</strong> quoi le suivi psycho-<br />

thérapique n’aurait pas <strong>de</strong> sens ni pour<br />

le sujet, ni pour la justice, ni pour les<br />

soignants.<br />

Pour le magistrat et les services sociojudiciaires<br />

le sujet est un justiciable sous<br />

contrôle ; leur outil est la répression<br />

afin d’éviter la récidive.<br />

Pour les soignants, en milieu ouvert<br />

comme fermé, le sujet est un patient en<br />

souffrance ; sa mission est <strong>de</strong> prodiguer<br />

<strong>de</strong>s soins.<br />

Cependant, la prise en charge thérapeutique<br />

<strong>de</strong>s sujets transgressifs suppose<br />

une évaluation et une approche<br />

précises <strong>de</strong> leur fonctionnement psychique.<br />

Une analyse pluridisciplinaire du passage<br />

à l’acte doit explorer les dimensions<br />

médicales, psychiatriques, psychologiques,<br />

sociales et criminologiques.<br />

Le clinicien, <strong>de</strong> par sa position d’accueillant,<br />

en première ligne, <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> soins au CMP, est en<br />

parfaite capacité <strong>de</strong> pouvoir s’approprier<br />

cette grille d’analyse, laquelle s’avère<br />

aisée et volontairement simplifiée<br />

pour l’ai<strong>de</strong>r à mieux cerner le profil<br />

clinique et pour une orientation thérapeutique<br />

optimale <strong>de</strong>s sujets sous<br />

main <strong>de</strong> justice. <br />

Dr. Mathieu HAJBI<br />

CMP, EPS Charcot, 6 av. <strong>de</strong> la Drionne, 78170<br />

La Celle Saint-Cloud<br />

Bibliographie<br />

BALIER C., Introduction à la thérapeutique,<br />

agressions sexuelles, pathologies, suivis thérapeutiques<br />

et cadre judiciaire, Masson 2000.<br />

BALIER C., CIAVALDINI A., Introduction,<br />

agressions sexuelles : pathologies, suivis thérapeutiques<br />

et cadre judiciaire, Masson, 2000.<br />

BALIER C., CIAVALDINI A., GIRARD-<br />

KHAYAT M., Rapport <strong>de</strong> recherche sur les<br />

agresseurs sexuels (QICPAAS), La Documentation<br />

Française, Novembre 1996.<br />

BLOCH H., CHEMAMA R., DÉPRET E.,<br />

GALLO A., LECONTE P., LE NY J.P., POS-<br />

TEL J., REUCHLIN M., Grand dictionnaire<br />

<strong>de</strong> la psychologie, Paris, Larousse, Bordas,<br />

1999.<br />

CHIARINY J.F, Evaluation expertale du traumatisme<br />

sexuel en psychiatrie, in victimeagresseur,<br />

le traumatisme sexuel et ses sentiers,<br />

Tome 1, Les éditions du champ social,<br />

2001.<br />

Conférences <strong>de</strong> Consensus, Conséquences<br />

<strong>de</strong> maltraitance sexuelles ; les reconnaître,<br />

les soigner, les prévenir, Hôpital Pitié Salpetrière,<br />

Paris, 6 et 7 novembre 2003.<br />

CORDIER B., Modalité <strong>de</strong> prise en charge<br />

<strong>de</strong> l’agresseur sexuel, in Victime-agresseur,<br />

l’agresseur sexuel problématique et prise en<br />

charge, Tome 2, Les éditions du champ<br />

social, 2002.<br />

CORNET J.-P., GLOVANNANGELI D.,<br />

MORMONT Ch., Les délinquants sexuels :<br />

théories, évaluation et traitements, Ed Frison<br />

Roche / Psychologie Vivante, 2003,<br />

p67-132.<br />

COUTANCEAU R., Les délinquants sexuels,<br />

Santé Mentale, n°64, Janvier 2002.<br />

COUTANCEAU R., Prévenir la récidive,<br />

une politique <strong>de</strong> santé publique ? du projet <strong>de</strong><br />

loi Toubon/Guigou à son application, Forensic<br />

n°17, 2ème semestre 1997.<br />

DEMBRI N.A., LUSIGNAN R., MARLEAU<br />

J.D., Violence ou troubles sexuels. Aspects<br />

pervers comparés chez <strong>de</strong> jeunes patients,<br />

Forensic, n° spécial, Mai 2004, p 23-30.<br />

LEMPÉRIÈRE TH., FÉLINE A., GUTMANN<br />

A., ADÈS J., PILATE C., L’examen psychiatrique.<br />

<strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> l’adulte, Masson,<br />

1997, p 1-7.<br />

Loi du 17.06.1998, N° 98-468, Relative à<br />

la prévention et à la répression <strong>de</strong>s infractions<br />

sexuelles ainsi qu’à la protection <strong>de</strong>s<br />

mineurs, 1998.<br />

ROURE L., DUIZABO P., Les comportements<br />

violents et dangereux. Aspects criminologiques<br />

et psychiatriques, Masson, 2002.<br />

TRIBOLET S., DESOUS G., Etats dangereux<br />

et dangerosité. Droit et psychiatrie,<br />

Heures <strong>de</strong> France, 1995, p 185-196.<br />

ZAGURY D., Entre psychose et perversion<br />

narcissique. Une clinique <strong>de</strong> l’horreur : Les<br />

tueurs en série, L’évolution psychiatrique,<br />

1996, 61, 87-112.<br />

LIVRES ET REVUES<br />

FMC 5<br />

Psychopathologie <strong>de</strong> l’agir :<br />

entre vulnérabilité et<br />

dangerosité<br />

Bulletin <strong>de</strong> Psychologie 2006 n°481,<br />

22 €<br />

Après avoir abordé ce qui fait défaillance<br />

dans l’inscription <strong>de</strong> la loi<br />

et vient soutendre le passage ou le<br />

recours à l’acte, après avoir traité <strong>de</strong>s<br />

liens d’emprise et <strong>de</strong>s compulsions<br />

répétitives en œuvre (P. A. Raoult, R.<br />

Samacher, B. Duez), ce dossier abor<strong>de</strong><br />

certains aspects <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> réponses<br />

thérapeutiques qui peuvent<br />

prévenir la dangerosité. Est concerné<br />

ce qui caractérise la dangerosité, dans<br />

un premier temps (P. A. Raoult, S. G.<br />

Raymond, A. Hirschelmann-Ambrosi)<br />

à la lisière du psychologique, du psychiatrique<br />

et du juridique. Des risques<br />

criminogènes sont particulièrement<br />

présents dans certaines modalités pathologiques<br />

ou pour certaines populations,<br />

parfois peu abordées (C. Blatier).<br />

La compréhension <strong>de</strong>s pathologies<br />

<strong>de</strong> l’agir, c’est-à-dire <strong>de</strong>s enjeux psychiques<br />

<strong>de</strong> l’acte dans ses liens avec<br />

la loi, peut avoir un impact sur la pénologie<br />

et le suivi socio-judiciaire. Des<br />

orientations ont été construites quant<br />

aux traitements <strong>de</strong>s auteurs d’agressions,<br />

en particulier sexuels, et <strong>de</strong><br />

nombreuses expériences <strong>de</strong> prise en<br />

charge se sont développées (G. Coco,<br />

C. Mormont). Ceci peut permettre <strong>de</strong><br />

mieux saisir la psychopathologie <strong>de</strong>s<br />

actes criminels (R. Samacher, P. Bessoles).<br />

La psychologie clinique est impliquée,<br />

dans sa dimension criminologique<br />

et légale, par ces aspects, et<br />

nécessite <strong>de</strong>s perspectives complémentaires<br />

au plan méthodologique<br />

et théorique.<br />

Ces enfants qu’on sacrifie...<br />

au nom <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong><br />

l’enfance<br />

Maurice Berger<br />

Dunod, 16 €<br />

Maurice Berger critique les juges tant<br />

il est vrai, selon lui, que la Loi et les<br />

juges sont les clés <strong>de</strong> voûte <strong>de</strong> la totalité<br />

du dispositif <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong><br />

l’enfance. Le contenu <strong>de</strong> l’ordonnance<br />

du juge est le premier <strong>de</strong>s outils auxquels<br />

doivent se référer les autres<br />

professionnels en charge <strong>de</strong> l’enfant<br />

en difficulté. Tout en soulignant son<br />

adhésion pour le travail <strong>de</strong>s « vrais<br />

juges », il vilipen<strong>de</strong>, avec force, les<br />

magistrats qui ont tendance à se montrer<br />

trop maternels avec les parents,<br />

presque gênés d’avoir à protéger l’enfant,<br />

vite tentés <strong>de</strong> rejeter la faute sur<br />

la « précarité », mot facile pour tout<br />

expliquer et ne rien tenter, alors que<br />

tout montre que l’éducation parentale<br />

n’est que, très rarement, un corollaire<br />

<strong>de</strong>s seules conditions sociales<br />

et matérielles. Au moment où vient<br />

d’être créée une Mission parlementaire<br />

d’information sur la famille et<br />

les droits <strong>de</strong>s enfants, trois questions<br />

s’imposent : sommes-nous capables<br />

<strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r en face la gravité <strong>de</strong> nos<br />

dysfonctionnements judiciaires et <strong>de</strong><br />

prendre en compte les connaissances<br />

actuelles ? Allons-nous mettre fin à<br />

l’impunité dont bénéficient, actuellement,<br />

certains professionnels ? Ou,<br />

par idéologie et par manque <strong>de</strong> courage,<br />

allons-nous sacrifier <strong>de</strong> nouvelles<br />

générations d’enfants ?<br />

L’auteur présente cinq propositions :<br />

élaborer une loi spécifique à la protection<br />

<strong>de</strong> l’enfance qui repose sur<br />

une prise en compte <strong>de</strong>s besoins essentiels<br />

<strong>de</strong>s enfants (comme c’est le<br />

cas dans d’autres pays), mettre à disposition<br />

<strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> l’enfance<br />

un outil d’évaluation <strong>de</strong>s capacités<br />

parentales, mettre en place<br />

un dispositif <strong>de</strong> responsabilisation,<br />

créer un outil universitaire <strong>de</strong> recherche<br />

sur la protection <strong>de</strong> l’enfance,<br />

constituer un groupement d’intérêt<br />

public afin d’amortir les effets financiers<br />

<strong>de</strong>s propositions précé<strong>de</strong>ntes.


6<br />

LIVRES<br />

HISTOIRE<br />

Paul Broca<br />

Philippe Monod-Broca<br />

Préface <strong>de</strong> Jean-Didier Vincent<br />

Vuibert, 28 €<br />

La contribution <strong>de</strong> Paul Broca à la<br />

connaissance du cerveau et à ce qu’on<br />

appelle, aujourd’hui, les neurosciences<br />

est immense, à commencer par la<br />

théorie <strong>de</strong>s localisations cérébrales<br />

tellement combattue en son temps,<br />

et notamment en France, pays catholique<br />

refusant toute partition <strong>de</strong><br />

l’âme au sein du cerveau.<br />

Broca, c’est aussi la naissance d’une<br />

anthropologie dépourvue <strong>de</strong> préjugés<br />

et une curiosité dans <strong>de</strong> multiples<br />

domaines : nouvelles techniques chirurgicales<br />

et, surtout, biologie. Il est<br />

notamment un <strong>de</strong>s rares en France<br />

dans la <strong>de</strong>uxième moitié du XIX e siècle<br />

à bien connaître Darwin et à discuter<br />

le problème <strong>de</strong> la sélection naturelle.<br />

En anatomie du cerveau, sa<br />

contribution ne se limite pas à l’aire<br />

qui porte son nom et dont la découverte<br />

est à l’origine <strong>de</strong> la compréhension<br />

<strong>de</strong>s mécanismes du langage ;<br />

il a contribué par la <strong>de</strong>scription du<br />

« grand lobe limbique », aux bases<br />

d’une physiologie <strong>de</strong>s émotions et<br />

<strong>de</strong>s affects.<br />

Membre <strong>de</strong> l’Académie nationale <strong>de</strong><br />

mé<strong>de</strong>cine, le professeur Philippe Monod-Broca,<br />

son arrière petit-fils, s’est<br />

appuyé sur un riche fonds d’archives<br />

familiales pour rédiger cette biographie.<br />

Essai <strong>de</strong> psychologie<br />

Charles Bonnet<br />

avec une introduction <strong>de</strong> Serge<br />

Nicolas suivie <strong>de</strong> la présentation<br />

<strong>de</strong> l’œuvre par Albert Lemoine<br />

L’Harmattan, 30 €<br />

Le premier ouvrage philosophique<br />

du savant naturaliste suisse Charles<br />

Bonnet (1720-1793) a été publié sous<br />

le titre Essai <strong>de</strong> psychologie. Par mesure<br />

<strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce, il se cache sous le<br />

voile <strong>de</strong> l’anonymat en faisant imprimer<br />

son livre à l’étranger. Il s’agit<br />

du premier ouvrage en langue française<br />

qui porte, en son titre, le mot<br />

« psychologie » tout en traitant explicitement<br />

<strong>de</strong> cette matière.<br />

Dans l’exposition <strong>de</strong> ses idées, Bonnet<br />

n’a pas observé un ordre didactique,<br />

il a suivi le fil <strong>de</strong> ses pensées.<br />

Le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> l’ouvrage se<br />

trouve dans l’idée maîtresse que nous<br />

ne connaissons l’âme que par ses facultés<br />

et que nous ne connaissons<br />

ces facultés que par leurs effets qui<br />

se manifestent par l’intervention du<br />

corps qui est, ou qui paraît être, l’instrument<br />

universel <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong><br />

l’âme. Ce n’est qu’avec le secours <strong>de</strong>s<br />

sens que l’âme acquiert <strong>de</strong>s idées, et<br />

celles qui semblent les plus spirituelles<br />

n’en ont pas moins une origine très<br />

corporelle. La diversité <strong>de</strong>s sensations<br />

tient à la diversité <strong>de</strong>s fibres nerveuses<br />

qui servent <strong>de</strong> substrat physiologique<br />

aux opérations intellectuelles.<br />

L’année même <strong>de</strong> la publication anonyme<br />

<strong>de</strong> l’Essai <strong>de</strong> psychologie, Bonnet<br />

entreprend la rédaction d’un second<br />

écrit psychologique en continuité<br />

avec le précé<strong>de</strong>nt, son fameux Essai<br />

analytique sur les facultés <strong>de</strong> l’âme<br />

(1860). Pour présenter <strong>de</strong> manière<br />

plus méthodique les idées déjà esquissées<br />

dans son Essai <strong>de</strong> psychologie,<br />

il a l’idée d’utiliser un procédé<br />

analogue à celui imaginé par le philosophe<br />

français Etienne Bonnot <strong>de</strong><br />

Condillac (1715-1780) à la même<br />

époque : animer graduellement une<br />

statue humaine pour expliquer la nature<br />

et le développement <strong>de</strong>s opérations<br />

<strong>de</strong> l’âme. La reproduction <strong>de</strong><br />

l’ouvrage est précédée d’une introduction<br />

sur la vie et l’œuvre <strong>de</strong> Bonnet<br />

ainsi que d’une étu<strong>de</strong> peu connue<br />

mais fort pertinente d’Albert Lemoine<br />

(1824-1874) sur la philosophie du<br />

naturaliste suisse.<br />

<br />

Confessions d’un clerc avignonnais,<br />

sous les auspices du Warburg Institute<br />

<strong>de</strong> Londres, traduit bien la perplexité <strong>de</strong><br />

R.G. Salomon qui préféra s’orienter<br />

vers une approche esthétique <strong>de</strong> ces<br />

planches <strong>de</strong> parchemin, considérant<br />

que malgré leur hermétisme affligeant<br />

et leur apparente imperméabilité, et<br />

même au cas (simple hypothèse) où<br />

elles auraient été le produit bizarre<br />

d’élucubrations issues d’un cerveau<br />

dérangé, elles pouvaient encore être<br />

retenues comme témoignage vali<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

l’époque médiévale et comme documents<br />

relatifs à l’histoire <strong>de</strong>s idées et<br />

<strong>de</strong> la civilisation.<br />

Richard G. Salomon avait dû renoncer<br />

à analyser, plus avant, le déséquilibre<br />

mental qui, lui semblait-il, colorait<br />

cette oeuvre insolite <strong>de</strong> parchemins<br />

recouverts d’inscriptions, <strong>de</strong> schémas<br />

géométriques et <strong>de</strong> personnages évangéliques,<br />

faute d’un renfort sollicité,<br />

mais refusé par <strong>de</strong>s psychiatres germaniques<br />

en un temps où l’on aurait<br />

espéré d’eux qu’ils se soient sentis<br />

encouragés par les travaux du Pr W.<br />

Morgenthaler sur Adolf Wölfli et la<br />

publication d’Expression <strong>de</strong> la Folie qui<br />

avait tellement séduit Max Ernst. Cette<br />

déroba<strong>de</strong> rendait, dès lors, impossible<br />

toute démarche interdisciplinaire, seule<br />

susceptible cependant, grâce à la synergie<br />

qu’elle aurait imprimée aux<br />

recherches, d’éliminer lacunes et obscurités,<br />

et <strong>de</strong> favoriser l’approche <strong>de</strong><br />

l’oeuvre d’Opicinus <strong>de</strong> Canistris.<br />

Juste avant la <strong>de</strong>rnière guerre mondiale,<br />

un nouveau manuscrit daté <strong>de</strong><br />

1337, sur papier celui-ci, le co<strong>de</strong>x Vaticanus<br />

latinus 6435, fut, à son tour,<br />

découvert à la Bibliothèque apostolique<br />

vaticane par R. Almagia. R.G.<br />

Salomon, peut-être lassé <strong>de</strong> ses premiers<br />

travaux qui avaient pris tellement<br />

<strong>de</strong> son temps sans qu’il soit parvenu à<br />

un décodage fidèle, ne s’attarda guère<br />

sur ce cahier-journal <strong>de</strong>meuré jusqu’à<br />

ce jour sans traduction, et ne procéda<br />

qu’à quelques rapprochements analogiques<br />

accessibles dans une nouvelle<br />

publication : A newly discovered manuscript<br />

of Opicinus of Canistris, 1953. R.G.<br />

Salomon fit encore paraître « The<br />

Grape-Trick », dans Culture in History.<br />

Essays in Honor of Paul Rodin, 1960 ;<br />

contribution dans laquelle il révèle<br />

qu’Opicinus avait déjà utilisé une légen<strong>de</strong><br />

que Goethe intègrera, à son tour,<br />

dans son Faust.<br />

En <strong>de</strong>rnier lieu, il publia : « Aftermath to<br />

Opicinus <strong>de</strong> Canistris » dans le <strong>Journal</strong><br />

of the Warburg and Courtauld Institutes,<br />

en 1962.<br />

Dans l’intervalle <strong>de</strong> ces diverses parutions,<br />

un psychanalyste célèbre aux<br />

Etats-Unis, Ernst Kris, lecteur du premier<br />

ouvrage <strong>de</strong> Salomon, avait en<br />

1952 écrit Psychanalyse <strong>de</strong> l’Art, dont<br />

un chapitre concernait Opicinus : « Un<br />

artiste psychotique du Moyen Age ». Se<br />

basant sur <strong>de</strong>s ressemblances formelles,<br />

sur la comparaison <strong>de</strong>s planches d’Opicinus<br />

et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> patients psychotiques,<br />

ainsi que sur l’interprétation<br />

<strong>de</strong> bribes autobiographiques puisées<br />

dans le parchemin n°20 du co<strong>de</strong>x Palatinus<br />

latinus 1993, mais sans se rapporter<br />

à l’ensemble <strong>de</strong>s écrits du scribe<br />

alors non disponibles, Kris n’avait pas<br />

hésité à porter tout <strong>de</strong> go le diagnostic<br />

<strong>de</strong> schizophrénie à l’encontre d’Opicinus.<br />

Des opinions<br />

contradictoires<br />

En cinquante ans, les opinions contradictoires<br />

ont eu toute latitu<strong>de</strong> pour se<br />

combattre et prospérer <strong>de</strong> conserve :<br />

- Opicinus était-il sain d’esprit ?<br />

Bien. sûr, proteste P. Marconi : « il a<br />

suffi d’une sèche étu<strong>de</strong> d’Ernst Kris pour<br />

infliger à Opicinus l’épithète <strong>de</strong> psychotique,<br />

et donc pour le faire tomber dans<br />

les oubliettes...».<br />

Combien est tenace le préjugé qui veut<br />

que la psychose soit synonyme <strong>de</strong> non<br />

créativité et que soit, d’emblée, excusé<br />

le désintérêt qui bou<strong>de</strong>rait les expres-<br />

Opicinus <strong>de</strong> Canistris<br />

(1296-1352 ?)<br />

sions plastiques <strong>de</strong>s psychotiques: au<br />

pays <strong>de</strong> Marcel Réja, <strong>de</strong> Rogues <strong>de</strong><br />

Fursac, <strong>de</strong> Benjamin Pailhas, <strong>de</strong> Jean<br />

Vinchon et <strong>de</strong> Gaston Ferdière, pour<br />

ne citer que les psychiatres les mieux<br />

connus qui se soient penchés sur les<br />

créations <strong>de</strong> la psychose, cet avis est<br />

plutôt désobligeant...<br />

- Opicinus était-il un psychotique ?<br />

Evi<strong>de</strong>mment, déplore l’historien russe<br />

Aaron Gourevitch : « la psyché dérangée<br />

d’un clerc à <strong>de</strong>mi oublié d’Avignon,<br />

s’est manifestée à nous dans ses textes et<br />

dans ses <strong>de</strong>ssins...».<br />

D’autres auteurs se sont cantonnés dans<br />

une pru<strong>de</strong>nte réserve. John Mac Gregor<br />

mentionne, simplement, le diagnostic<br />

rétrospectif d’E. Kris dans son oeuvre<br />

monumentale : Discovery of the Art of<br />

the Insane.<br />

Tous les jugements portés sur l’hypothétique<br />

psychose d’Opicinus, qu’ils<br />

soient abrupts ou feutrés, affirmatifs<br />

ou critiques, ne se relient que par la<br />

conviction passionnelle qui les soustend,<br />

peu faite pour une confrontation<br />

d’idées par défaut d’étayage sur <strong>de</strong>s<br />

arguments acceptables. Mais le flou<br />

s’impose encore lors <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s<br />

écrits et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins d’Opicinus : fut-il<br />

réellement le mé<strong>de</strong>cin médiéval qu’E.<br />

Wickersheimer inscrit dans son Dictionnaire<br />

biographique <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins en<br />

France au Moyen Age ? Quel serait le<br />

marin assez fou pour caboter autour<br />

<strong>de</strong> la Méditerranée avec, pour seul viatique,<br />

les cartes du cartographe Opicinus<br />

imaginées d’après les portulans <strong>de</strong><br />

P. Vesconte, sur lesquelles le Diable<br />

impose sa silhouette aux rivages <strong>de</strong> la<br />

mer ?<br />

- Opicinus serait-il, comme cela fut<br />

récemment suggéré, un pionnier clan<strong>de</strong>stin<br />

<strong>de</strong>s réformes religieuses, alors<br />

que fumaient encore les <strong>de</strong>rniers<br />

La planche 20 du Co<strong>de</strong>x Pal. lat. 1993<br />

bûchers cathares, et que se multipliaient<br />

faux messies et prophètes illuminés,<br />

capables d’entraîner <strong>de</strong>s foules<br />

immenses ?<br />

Autant que la sommaire formulation<br />

d’E. Kris, l’attitu<strong>de</strong> ambiguë <strong>de</strong> R.G.<br />

Salomon oscillant <strong>de</strong> l’intuition d’un<br />

dérangement mental à un jugement<br />

péjoratif <strong>de</strong>s capacités intellectuelles<br />

du copiste, a freiné l’ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s médiévistes<br />

et <strong>de</strong>s psychiatres.<br />

Opicinus mala<strong>de</strong>, personne n’aurait<br />

admis qu’il ait été capable <strong>de</strong> mener à<br />

bien une telle oeuvre. Mais, à en croire<br />

R.G. Salomon qui stigmatisait « les<br />

étymologies grotesques d’Opicinus » et se<br />

gaussait, sans indulgence, <strong>de</strong> « ses idées<br />

en l’air et <strong>de</strong> ses coq à l’âne sans rapport<br />

avec le contenu <strong>de</strong> ses planches », le scribe<br />

était au moins intellectuellement<br />

limité, et <strong>de</strong> médiocre niveau culturel :<br />

il ne poursuivait pas un but particulier<br />

en traçant ses cercles... il copiait ce qu’il<br />

voyait sur son modèle, sans ajouter <strong>de</strong><br />

réflexion sur le sens <strong>de</strong> certains détails...<br />

il aura <strong>de</strong>ssiné ses cercles <strong>de</strong> l’année,<br />

comme ses cartes, sans intention symbolique...<br />

Ses planches, porteuses <strong>de</strong><br />

calendriers, sont vi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> sens ......<br />

L’analyse du marasme qui a handicapé<br />

l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s oeuvres d’Opicinus met en<br />

évi<strong>de</strong>nce divers facteurs qui ont favorisé<br />

l’addition d’incertitu<strong>de</strong>s au lieu <strong>de</strong> les<br />

annuler.<br />

Plutôt qu’à s’engager, souvent brillamment<br />

d’ailleurs, dans <strong>de</strong>s interprétations<br />

incertaines, la voix du bon sens et<br />

<strong>de</strong> la rigueur intellectuelle conseille <strong>de</strong><br />

se tenir humblement aux procédures<br />

élémentaires, telle que l’analyse <strong>de</strong>s<br />

documents eux-mêmes : les <strong>de</strong>ux traités<br />

en latin <strong>de</strong> l’Anonymus ticinensis,<br />

les cinquante <strong>de</strong>ux planches <strong>de</strong> parchemin<br />

et le cahier-journal sur papier,<br />

en latin luiaussi, en l’absence <strong>de</strong> tout<br />

autre témoignage direct ou indirect.<br />

Un sort malheureux a voulu que R.G.<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

Salomon ne centre ses recherches que<br />

sur le co<strong>de</strong>x Pal. lat. 1993 dont il a<br />

publié la totalité <strong>de</strong>s planches sans<br />

connaître l’existence du cahier-journal,<br />

le co<strong>de</strong>x Vat. lat. 6435. Il a négligé<br />

certains textes, supprimé <strong>de</strong>s citations<br />

<strong>de</strong> la Bible, coupant court à toute vision<br />

d’ensemble incluant personnages, calendriers,<br />

zodiaques, versets bibliques,<br />

innombrables annotations et détails<br />

infimes jugés superflus, références géographiques<br />

et cosmiques omniprésentes,<br />

apparemment inutiles. Le co<strong>de</strong>x<br />

Vat. lat. 6435 ne lui est parvenu que<br />

bien plus tard. Ce décalage, à l’origine<br />

d’une inversion acci<strong>de</strong>ntelle, a brouillé<br />

les rapports et les perspectives qu’un<br />

examen conjoint aurait révélés. Ce<br />

cahier-journal offre, en effet, les clefs<br />

<strong>de</strong>s planches sur parchemin, car il en<br />

détient les amorces. Il est l’irremplaçable<br />

source <strong>de</strong> renseignements sur<br />

Opicinus et sa vie. S’y concentrent tous<br />

les tics graphiques dont il est coutumier,<br />

les jeux <strong>de</strong> mots dont il raffole,<br />

ses fantasmes, ses références littéraires<br />

inattendues, autant <strong>de</strong> traits qui ai<strong>de</strong>nt<br />

à cerner sa pensée en mouvement et à<br />

nous la rendre familière dans ses<br />

enchaînements.<br />

L’obligation première et parfois fastidieuse<br />

consistant à revenir aux textes<br />

latins a été remplie par une médiéviste<br />

paloise, Madame M. Laharie, qui a<br />

assumé tous les travaux paléographiques<br />

correspondants, et qui vient<br />

d’achever la traduction française <strong>de</strong>s<br />

textes latins reconstitués du co<strong>de</strong>x Vat.<br />

lat. 6435 dans leur intégralité.<br />

Un « avant » et un « après »<br />

L’oeuvre d’Opicinus n’étant plus ni<br />

inerte ni muette, l’interdisciplinarité a<br />

permis, dans un <strong>de</strong>uxième temps,<br />

d’abor<strong>de</strong>r avec quelque validité l’opacité<br />

<strong>de</strong> la somme <strong>de</strong>s planches et du<br />

cahier-journal.<br />

Une fois surmonté le choc visuel procuré<br />

par la complexité <strong>de</strong>s images<br />

considérées, l’observateur est amené à<br />

distinguer dans cette production un<br />

« avant » et un « après ».<br />

Un « avant » qui a réuni à côté d’une<br />

poussière d’opuscules oubliés, la rédaction<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux ouvrages sus-mentionnés.<br />

Un « après », en rupture complète, où<br />

l’on voit le <strong>de</strong>ssin s’introduire et s’insinuer,<br />

au fil <strong>de</strong> l’écriture, pour pactiser<br />

avec elle, partager l’espace et l’assigner<br />

à <strong>de</strong>s endroits précis, selon <strong>de</strong>s astuces<br />

<strong>de</strong>puis longtemps éprouvées par Raban<br />

Maur et Eadwin.<br />

Un avant et un après, comme ce fut<br />

le cas pour l’architecte, peintre et violoniste<br />

Louis Soutter lequel, s’il ne bâtit<br />

jamais rien, changea carrément <strong>de</strong> style<br />

pictural et graphique, passant d’une<br />

inspiration conformiste à une originalité<br />

dont découlent l’intérêt et la valeur <strong>de</strong><br />

ses <strong>de</strong>ssins.<br />

Un avant et un après, comme cela<br />

advint aussi à Carl Fre<strong>de</strong>rik Hill, d’abord<br />

peintre conventionnel, dont la facture<br />

évolua soudain sous le coup d’une hantise<br />

morbi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s insectes perçus<br />

comme persécuteurs.<br />

Dans le cas d’Opicinus, l’avant correspond<br />

aux <strong>de</strong>ux ouvrages <strong>de</strong> l’Anonymus<br />

Ticinensis dont le premier (1329)<br />

vante fort à propos la supériorité du<br />

pouvoir pontifical sur la puissance<br />

impériale, dans le strict respect <strong>de</strong>s<br />

règles <strong>de</strong> rigueur et <strong>de</strong> sobriété <strong>de</strong> mise<br />

dans la rédaction <strong>de</strong> tels écrits. Le<br />

second (1330) rempli <strong>de</strong> références<br />

pittoresques et <strong>de</strong> détails savoureux<br />

sur la cité <strong>de</strong> Pavie, respirant avec alacrité<br />

l’amour qu’Opicinus parvenu à<br />

Avignon portait à sa ville, sans ces<br />

plaintes et cette nostalgie dont regorgent<br />

les récits <strong>de</strong>s exilés.<br />

Deux livres, <strong>de</strong>ux styles, une seule<br />

recette : l’opportunisme ; un seul objectif<br />

: séduire. Séduire, en premier, Jean<br />

XXII, et ensuite les gens <strong>de</strong> Pavie, afin<br />

d’éviter qu’ils ne prennent le parti <strong>de</strong> la<br />

faction qui lui intentait un procès<br />

<strong>de</strong>vant la Rote.<br />

Voici <strong>de</strong>s faits, <strong>de</strong> nature à souligner


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

les qualités d’adaptation et <strong>de</strong> discernement,<br />

les capacités d’anticipation et<br />

le potentiel manoeuvrier dont jouissait<br />

Opicinus en 1330, qui ne sont guère<br />

en faveur d’un processus psychotique<br />

chez un adulte <strong>de</strong> trente quatre ans.<br />

Un avant et un après, par rapport à<br />

quoi ?<br />

Pour Louis Soutter et pour Carl Fre<strong>de</strong>rik<br />

Hill, il est avéré que ce furent<br />

<strong>de</strong>s manifestations <strong>de</strong> nature psychotique<br />

qui marquèrent la mutation <strong>de</strong><br />

leurs styles respectifs.<br />

Mais dans le cas<br />

d’Opicinus ?<br />

A partir <strong>de</strong> 1335-1336, tous les écrits<br />

et les <strong>de</strong>ssins du scribe ten<strong>de</strong>nt à la<br />

réalisation d’une autobiographie luxuriante,<br />

et semble-t-il désordonnée, dont<br />

il faut patiemment reconnaître les éléments<br />

afin <strong>de</strong> la réorienter. Avec sa<br />

méticulosité horlogère, Opicinus entreprend<br />

exclusivement l’écriture et le <strong>de</strong>ssin<br />

d’une pathographie qui traduit la<br />

qualité <strong>de</strong> ses dons d’observation et<br />

son souci d’exactitu<strong>de</strong> ainsi que l’exubérance<br />

d’un délire, à la fois, mégalomaniaque<br />

et persécutif<br />

Il s’agit d’une autobiographie calquée<br />

sur les Confessions <strong>de</strong> saint Augustin<br />

et la Vita prima <strong>de</strong> saint François dAssise<br />

par Th. Celano qui, elles aussi, se répartissent<br />

selon le modèle <strong>de</strong> l’avant et <strong>de</strong><br />

l’après. Initialement, une existence frivole<br />

et pécheresse <strong>de</strong> « vieil homme »,<br />

puis un événement-rupture, une maladie-conversion,<br />

débouchant sur l’après<br />

<strong>de</strong> « l’homme nouveau » touché par la<br />

grâce.<br />

A ceci près que, chez Opicinus, la maladie-conversion,<br />

survenant autour <strong>de</strong><br />

Pâques (27 mars 1334) et favorisée<br />

par un jeûne <strong>de</strong> Carème auto-punitif<br />

particulièrement pénalisant, fut une<br />

psychose aiguë, une forme oniroï<strong>de</strong><br />

d’expérience délirante primaire, anticipant<br />

« l’ambiance <strong>de</strong> Vendredi saint »<br />

Morts d’inanition<br />

Famine et exclusions en France sous l’Occupation<br />

Sous la direction d’Isabelle von Bueltzingsloewen<br />

Presses Universitaires <strong>de</strong> Rennes, 20 €<br />

<strong>de</strong> K. Jaspers, renvoyant aux formes<br />

oniroï<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vécu <strong>de</strong> Mayer-Gross, et à<br />

Henri Ey, pour qui les formes oniroï<strong>de</strong>s<br />

sont submergées par l’imaginaire, ici<br />

somptueux et prodigieusement servi<br />

par une « disposition enthousiaste » qui<br />

ne laissa par la suite au scribe ni répit ni<br />

repos jusqu’à sa mort (1352 ?).<br />

L’avant n’avait pas été exempt d’inci<strong>de</strong>nts<br />

qui, rétrospectivement, paraissent<br />

illustrer une certaine fragilité<br />

émotionnelle et affective et suggérer<br />

l’existence, chez le copiste, d’une cyclothymie<br />

saisonnière.<br />

En 1321, c’est Opicinus lui-même qui<br />

décrit une invasion <strong>de</strong> troubles obsessionnels<br />

invalidants, sous forme <strong>de</strong> rires<br />

incoercibles en plein office (ce que<br />

Seglas qualifiait d’« obsessions par<br />

contraste ») ; puis il fut affligé d’un<br />

bégaiement qui lui interdira <strong>de</strong> monter<br />

en chaire, l’incitera à rapprocher son<br />

prénom du verbe grec opizein et à faire<br />

allusion à Balbus <strong>de</strong> Gênes pour ses<br />

réflexions sur les Balbutientes, les<br />

bègues...<br />

C’est surtout l’existence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux « trous<br />

autobiographiques » (1325-28 ; 1331-<br />

33) qui intriguent à la lecture <strong>de</strong> cette<br />

insolite auto-observation, alors que le<br />

scribe notait et datait scrupuleusement<br />

tous les faits quotidiens. C’est, chaque<br />

fois, à l’occasion d’événements désastreux<br />

que l’humeur d’Opicinus se<br />

dégra<strong>de</strong> au point qu’il ne mentionne<br />

plus aucune information.<br />

Le premier « trou » enveloppe <strong>de</strong> silence<br />

son excommunication et sa fuite <strong>de</strong><br />

Pavie : en effet il avait été bel et bien<br />

excommunié ; jusqu’ici la raison <strong>de</strong><br />

son procès <strong>de</strong>meurait obscure, car il<br />

n’en parlait qu’à mots couverts. Cette<br />

excommunication, si bien dissimulée, a<br />

été récemment découverte grâce à l’interprétation<br />

<strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> mots qu’il adorait<br />

faire.<br />

« Par le bienheureux Thomas, le Christ<br />

(Opicinus lui-même) est apparu à l’extérieur<br />

dans les questions circulaires, à<br />

Cet ouvrage collectif est issu d’un colloque organisé, à Lyon, par la Ferme du<br />

Vinatier (Centre hospitalier Le Vinatier) et l’équipe RESEA-EMIS du Laboratoire<br />

<strong>de</strong> recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA) les 20 et 21 novembre 2003.<br />

Plusieurs cas <strong>de</strong> figure ont été examinés.<br />

En premier lieu celui <strong>de</strong>s asiles d’aliénés, rebaptisés hôpitaux psychiatriques<br />

par un décret <strong>de</strong> 1937. Le nombre massif d’« aliénés » internés morts <strong>de</strong> faim<br />

et <strong>de</strong> froid entre 1940 et 1944 justifie, à lui seul, l’accent mis sur cette population<br />

aux caractéristiques très particulières, dont le sort tragique a suscité une<br />

vigoureuse polémique <strong>de</strong>puis la publication, en 1987, du livre <strong>de</strong> Max Lafont :<br />

L’extermination douce. Le nombre <strong>de</strong>s contributions consacrées aux hôpitaux<br />

psychiatriques s’explique également par le fait que cet ouvrage collectif a été<br />

motivé par l’enquête historique sur la famine dans les hôpitaux psychiatriques<br />

français sous l’Occupation commanditée en 2001 par l’hôpital psychiatrique<br />

du Vinatier (Lyon/Bron) avec le soutien du Conseil général du Rhône dont Isabelle<br />

von Bueltzingloewen rend compte. Anne Marescaux abor<strong>de</strong> la situation<br />

rencontrée à l’asile privé <strong>de</strong> Saint-Jean <strong>de</strong> Dieu <strong>de</strong> Lyon, Samuel Odier à St<br />

Egrève, Michel Caire à Maison-Blanche, Olivier Bonnet dans les asiles privés<br />

<strong>de</strong> la congrégation Sainte-Marie <strong>de</strong> l’Assomption.<br />

Afin d’interpréter les causes <strong>de</strong> cette famine, que l’on pouvait croire spécifique<br />

aux hôpitaux psychiatriques, il a paru impératif <strong>de</strong> s’interroger, dans une démarche<br />

comparatiste, sur le <strong>de</strong>venir d’autres populations « reléguées » dans<br />

<strong>de</strong>s institutions fermées ou semi-fermées, l’objectif étant <strong>de</strong> déterminer si certaines<br />

<strong>de</strong> ces institutions ont été épargnées par les conséquences <strong>de</strong> la sousalimentation<br />

et, si oui, pour quelles raisons. Deux types <strong>de</strong> collectivités ont été<br />

successivement étudiés. Les collectivités hospitalières parmi lesquelles on a<br />

distingué le cas <strong>de</strong>s hôpitaux généraux, celui <strong>de</strong>s hospices <strong>de</strong> vieillards et celui<br />

<strong>de</strong>s sanatoriums. Les prisons et les camps d’internement, ce <strong>de</strong>rnier sousensemble<br />

regroupant les camps français d’internement et les camps d’internement<br />

<strong>de</strong>s prisonniers <strong>de</strong> guerre français en Allemagne.<br />

Le phénomène <strong>de</strong> sous-alimentation n’ayant pas été limité aux collectivités,<br />

il a paru indispensable, dans un <strong>de</strong>rnier chapitre, d’étendre l’enquête à d’autres<br />

groupes fragiles <strong>de</strong> la population urbaine en s’intéressant plus particulièrement<br />

au sort <strong>de</strong>s enfants. Ce chapitre est aussi l’occasion d’analyser <strong>de</strong> manière<br />

approfondie les ripostes élaborées par les autorités centrales et locales<br />

dont l’action sur le terrain a souvent été relayée par <strong>de</strong>s associations, afin<br />

d’atténuer les effets <strong>de</strong>s restrictions sur la santé <strong>de</strong> population et <strong>de</strong> limiter le<br />

nombre <strong>de</strong>s victimes <strong>de</strong> la famine.<br />

Dans son introduction, Isabelle von Bueltzingsloewen relève que « la question<br />

<strong>de</strong> la famine sous l’Occupatiqn comporte une forte dimension politique et idéologique.<br />

Car, <strong>de</strong>s priorités définies en temps <strong>de</strong> crise, par le régime mais aussi, par<br />

exemple, par les membres <strong>de</strong> l’élite médicale ou par les responsables d’associations<br />

caritatives, dépend la survie d’un certain nombre d’individus qui ont en<br />

commun <strong>de</strong> ne bénéficier d’aucune forme <strong>de</strong> solidarité, familiale ou collective, à<br />

une pério<strong>de</strong> où, il est vrai, le “chacun pour soi” a probablement souvent battu en<br />

brèche les valeurs d’équité et <strong>de</strong> partage ».<br />

la ressemblance d’un vagabond » (Opicinus,<br />

était arrivé à Avignon en mendiant),<br />

...Mais en ces jours, c’est notre Seigneur<br />

lui-même (le nouveau pape Benoît XII<br />

supposé hostile, maître <strong>de</strong> la justice<br />

pontificale) et non un autre, qui vient<br />

en témoignage contre moi (Opicinus-<br />

Christ) à travers le bienheureux Thomas<br />

d’Aquin, dans les cercles <strong>de</strong>s Qaestiones<br />

»...<br />

Si Thomas d’Aquin est bien l’auteur<br />

<strong>de</strong> Questions, ce sont en réalité les sessions<br />

du Tribunal <strong>de</strong> la Rote qui sont<br />

désignées par la circularité du mouvement<br />

d’un pupitre sur roues (d’où le<br />

nom <strong>de</strong> la Rote), support <strong>de</strong>s causes<br />

que chaque juge pouvait aisément<br />

consulter.<br />

Le Thomas en question, c’est en réalité<br />

Thomas Fastolf, auditeur d’évènements<br />

judiciaires dont il fit un recueil en<br />

vue <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s juristes. Il suffisait,<br />

dès lors, <strong>de</strong> retrouver une copie<br />

<strong>de</strong> ce recueil, disponible à la Bibliothèque<br />

nationale, pour y découvrir la<br />

relation d’un procès intenté à un certain<br />

Opicinus, excommunié pour simonie...<br />

Cette excommunication, qui l’avait<br />

décidé à fuir et à se cacher, avait causé,<br />

elle aussi recouverte par le silence <strong>de</strong><br />

1328, une première alerte passagère,<br />

un épuisement somatique, impressionnant<br />

mais aussitôt réversible, qualifié<br />

d’infirmité physique, du fait qu’Opicinus<br />

s’était « senti privé <strong>de</strong> ses sens<br />

corporels comme s’il avait dormi une<br />

nuit » (fol. 7 v° du Vat. lat.).<br />

Le <strong>de</strong>uxième trou est, lui aussi, lié à la<br />

menace du fameux procès particulièrement<br />

anxiogène, au moment où un<br />

tyrannique sentiment <strong>de</strong> culpabilité le<br />

tenaillait, au point <strong>de</strong> l’inciter à multiplier<br />

<strong>de</strong>s confessions, et à s’enfermer<br />

dans une pénible et inutile introspection,<br />

remplie <strong>de</strong> doutes et d’interrogations<br />

stériles, jusqu’au Carème 1334<br />

où il se mortifia au point <strong>de</strong> s’épuiser<br />

« en agonie », <strong>de</strong> s’effondrer quelques<br />

jours après Pâques dans une forme <strong>de</strong><br />

stupeur.<br />

Tous ces renseignements, parfois retrouvés<br />

dans le cahier-journal, sont la plupart<br />

du temps contenus dans la fameuse<br />

planche n°20 sur parchemin, dite<br />

autobiographique, terminée en 1336,<br />

alors que s’était déjà organisée la psychose<br />

chronique d’Opicinus au décours<br />

<strong>de</strong> sa psychose aiguë oniroï<strong>de</strong> dont il<br />

était sorti comme « <strong>de</strong> la mort à la vie »,<br />

pour ne pas dire qu’il était ressuscité<br />

à la manière du Christ, et choisi pour<br />

un <strong>de</strong>stin exceptionnel : 1335 -<br />

« Année <strong>de</strong> l’attente, où les cieux se<br />

sont ouverts pour moi, c’est-à-dire que<br />

la raison et l’intelligence se sont<br />

ouvertes à la compréhension <strong>de</strong> ces<br />

mystères», à mettre en rapport avec le<br />

prophète Daniel (12,12) : « Heureux<br />

celui qui attendra et arrivera jusqu’à<br />

mille trois cent trente cinq jours ».<br />

La Vierge lui a restitué <strong>de</strong>s facultés<br />

décuplées avec un sentiment <strong>de</strong> toute<br />

puissance qui le pousse à se croire <strong>de</strong>stiné<br />

à écrire « l’Evangile nouveau et<br />

éternel », à prophétiser, à s’i<strong>de</strong>ntifier<br />

ponctuellement à Jean-Baptiste, au<br />

Diable et à une foule <strong>de</strong> personnages<br />

célèbres, bibliques ou non. Sans arrêt,<br />

il établit <strong>de</strong>s corrélations, note <strong>de</strong>s coïnci<strong>de</strong>nces,<br />

tire <strong>de</strong>s déductions qu’il brasse<br />

inlassablement, échafau<strong>de</strong> <strong>de</strong>s récits<br />

pour toujours se mettre en scène. Il<br />

multiplie les jeux <strong>de</strong> mots en accumulant<br />

<strong>de</strong>s homophonies, <strong>de</strong>s allitérations,<br />

<strong>de</strong>s chara<strong>de</strong>s, en recourant à la numérologie,<br />

à l’alchimie, à l’astronomie dilatant<br />

son corps jusqu’au cosmos et<br />

annexant l’éternité.<br />

Même si Henri Ey a procédé à la remise<br />

en ordre <strong>de</strong> ce concept, c’est toujours<br />

avec appréhension et en tremblant<br />

que l’on prononce le mot <strong>de</strong><br />

paraphrénie, surtout lorsque <strong>de</strong> surcroît<br />

l’on encourt le reproche supplémentaire<br />

d’anachronisme en l’appliquant<br />

à la psychose chronique<br />

développée par Opicinus.<br />

C’est cependant à une paraphrénie que<br />

l’on pense <strong>de</strong>vant cette oeuvre si minutieusement<br />

élaborée. Ce n’est pas<br />

<br />

LIVRES<br />

Le vocabulaire <strong>de</strong> Carl<br />

Gustav Jung<br />

Aimé Agnel, Michel Cazenave,<br />

Claire Dorly, Suzanne Krakowiak,<br />

Monique Leterrier, Viviane<br />

Thibaudier<br />

Ellipses<br />

« Le langage que je parle doit nécessairement<br />

être ambigu, c’est-à-dire à double<br />

sens, pour pouvoir rendre justice à la<br />

nature du psychisme et au double aspect<br />

<strong>de</strong> celle-ci ».<br />

Pour Jung, la réalité psychique est<br />

plurielle, ambiguë, kaléidoscopique.<br />

L’objet qu’il étudie, l’âme, est un<br />

objet complexe, paradoxal (contenant<br />

les contraires), individuel mais aussi<br />

collectif. Lire Jung aujourd’hui, découvrir<br />

certains aspects <strong>de</strong> sa mo<strong>de</strong>rnité,<br />

ce serait donc reconnaître l’existence<br />

d’une complexité psychique, d’un<br />

« bruit » <strong>de</strong> l’âme, irréductible aux systèmes,<br />

mais qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à être circonscrit,<br />

interprété au moyen <strong>de</strong> ce<br />

langage à double sens, utilisant « tous<br />

les tons <strong>de</strong> la gamme, du plus haut au<br />

plus bas » et donnant, justement parce<br />

qu’il n’est pas univoque, « une image<br />

plus complète <strong>de</strong> la réalité ».<br />

J’étais mé<strong>de</strong>cin dans<br />

Srebrenica assiégée<br />

Thierry Pontus<br />

L’Harmattan, 16,50 €<br />

Sur les ambiguïtés <strong>de</strong> l’humanitaire en<br />

temps <strong>de</strong> guerre, le témoignage du<br />

docteur Thierry Pontus, volontaire <strong>de</strong><br />

Mé<strong>de</strong>cins sans Frontières, apporte un<br />

éclairage édifiant. Complété par une<br />

carte, <strong>de</strong>s repères chronologiques et<br />

un glossaire, son récit nous plonge<br />

dans l’anti-chambre <strong>de</strong> ce qui sera,<br />

<strong>de</strong>ux ans plus tard, pour les populations<br />

martyres <strong>de</strong> Srebrenica, l’enfer.<br />

Dans ces conflits, les populations civiles<br />

sont les otages <strong>de</strong>s combattants<br />

lorsqu’elles ne sont pas, carrément<br />

,l’enjeu <strong>de</strong> la guerre. Toute intervention<br />

humanitaire à leur profit est susceptible<br />

<strong>de</strong> prenre une signification<br />

politique ou <strong>de</strong> modifier la donne stratégique.<br />

L’humanitaire peut, alors, <strong>de</strong>venir<br />

l’arme d’un camp ou <strong>de</strong> l’autre,<br />

et être l’objet <strong>de</strong> contraintes, <strong>de</strong> pressions,<br />

voire <strong>de</strong> manipulations, au détriment,<br />

toujours, <strong>de</strong> celles et ceux,<br />

blessés et mala<strong>de</strong>s, adultes et enfants,<br />

que protègent, théoriquement, les<br />

Conventions <strong>de</strong> Genève.<br />

Le jeu pathologique : quand<br />

jouer n’est plus jouer<br />

Psychotropes 2005 n°2<br />

De Boeck<br />

M. Valleur propose <strong>de</strong> considérer dans<br />

les conduite addictives <strong>de</strong>ux versants<br />

apparemment opposés : la dépendance<br />

et la conduite ordalique. Cette<br />

perspective permet <strong>de</strong> situer le jeu pathologique<br />

dans une classification <strong>de</strong>s<br />

addictions basée sur la relation subjective<br />

à la prise <strong>de</strong> risque. Elle conduit<br />

aussi à distinguer du classique jeu pathologique<br />

d’argent et <strong>de</strong> hasard les<br />

nouvelles formes <strong>de</strong> dépendance aux<br />

jeux en réseau sur Internet.<br />

Une conversation à visée interprétative<br />

conjointe, entre <strong>de</strong>ux sociologues<br />

présentée par J.-Y. Trépos, s’appuie sur<br />

l’expérience <strong>de</strong> l’un d’entre eux, qui a<br />

joué à la roulette pendant plus <strong>de</strong> vingt<br />

ans et qui y a perdu <strong>de</strong>s sommes considérables.<br />

L’entretien envisage certains<br />

aspects du jeu pathologique que l’un<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux interlocuteurs considère<br />

comme très importants : la « première<br />

fois », les compétences sociales <strong>de</strong><br />

joueur (l’approvisionnement, la dissimulation<br />

et la feinte), les relations avec<br />

la famille et les amis, mais aussi avec<br />

les organismes <strong>de</strong> crédit, les difficul-<br />

HISTOIRE 7<br />

tés <strong>de</strong> faire face à la <strong>de</strong>tte (notamment<br />

la difficulté <strong>de</strong> faire reconnaître, par<br />

les commissions <strong>de</strong> suren<strong>de</strong>ttement<br />

et par les tribunaux, la dimension addictive<br />

du jeu). Il illustre aussi le va-etvient,<br />

dans lequel se débat souvent le<br />

joueur, entre la mise à distance esthétique<br />

<strong>de</strong> la pratique pathologique<br />

du jeu et la douloureuse confrontation<br />

avec le réel.<br />

L’intervention sociologique dans le débat<br />

contemporain sur le jeu « compulsif<br />

», domaine qui semble réservé aux<br />

approches psychologiques, se<br />

situe sur quatre niveaux complémentaires.<br />

Le premier concerne la déconstruction<br />

(historique, épistémologique...)<br />

<strong>de</strong> l’objet « jeu excessif ». Le<br />

<strong>de</strong>uxième niveau consiste à débattre<br />

scientifiquement sur le jeu « problématique<br />

», afin <strong>de</strong> dégager les hypothèses<br />

sur lesquelles les spécialistes<br />

<strong>de</strong> plusieurs disciplines (sociologues,<br />

anthropologues, historiens, psychologues,<br />

psychanalystes...) pourraient<br />

se retrouver. Dans cette optique J.-P.<br />

Martignoni-Hutin dégage les caractéristiques<br />

<strong>de</strong> « l’hypothèse ordalique »<br />

(Valleur-Bucher). Le troisième niveau<br />

<strong>de</strong> l’intervention sociologique consiste<br />

à problématiser et à réinterroger les<br />

métho<strong>de</strong>s, instruments <strong>de</strong> mesures et<br />

contextes dans lesquels s’inscrit, <strong>de</strong>puis<br />

<strong>de</strong> nombreuses années le travail<br />

sur le jeu pathologique, notamment<br />

outre Atlantique. Le <strong>de</strong>rnier niveau du<br />

travail sociologique en direction du<br />

jeu problématique permet <strong>de</strong> définir<br />

les axes <strong>de</strong> recherches et d’enquêtes<br />

« pluridisciplinaires » qui pourraient faire<br />

avancer la connaissance sur « les rapports<br />

» que les joueurs entretiennent<br />

avec les jeux <strong>de</strong> hasard et d’argent.<br />

Parallèlement à ce travail <strong>de</strong> déconstruction<br />

et <strong>de</strong> reconstruction, le sociologue<br />

doit se faire l’historien <strong>de</strong><br />

l’actualité récente <strong>de</strong> gambling (notamment<br />

en ce qui concerne les casinos)<br />

car elle participe <strong>de</strong> la construction<br />

du jeu problématique contemporain<br />

et <strong>de</strong> ses représentations. Enfin,<br />

Ch. Bucher abor<strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong><br />

la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’interdiction par le joueur<br />

alors <strong>de</strong> S. Craepeau et B. Seys parlent<br />

<strong>de</strong>s enjeux psychologiques et sociaux<br />

concernant les jeux et Internet.<br />

Le magnétisme animal<br />

Etu<strong>de</strong> sur l’hypnose<br />

Alfred Binet et Charles Féré<br />

Préface <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />

Avec une introduction <strong>de</strong> Christine<br />

Clozza et Bernard Andrieu suivie<br />

d’une étu<strong>de</strong> sur le magnétisme<br />

par Paul Richer<br />

L’Harmattan, 30 €<br />

Alfred Binet et Charles Féré ont publié<br />

cet ouvrage sur le magnétisme<br />

animal en 1887. C’est la première fois<br />

que la question <strong>de</strong> l’hypnose, telle<br />

qu’elle était pratiquée à la Salpêtrière,<br />

était présentée dans le contexte <strong>de</strong> recherches<br />

expérimentales.<br />

Mesmer, à la fin du siècle <strong>de</strong>rnier, fut<br />

le premier qui donna une apparence<br />

scientifique à ses expériences, et c’est<br />

du fait du défaut <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>, chez lui<br />

et chez beaucoup <strong>de</strong> ses continuateurs,<br />

que le magnétisme ne put arriver à<br />

conquérir sa place. Les expériences <strong>de</strong><br />

l’école <strong>de</strong> la Salpêtrière lui ont donné<br />

cette place. La délimitation <strong>de</strong>s trois<br />

états : léthargie, catalepsie, somnambulisme,<br />

et l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s phénomènes<br />

qui les accompagnent, ont ouvert la<br />

voie pour l’examen <strong>de</strong>s faits psychologiques<br />

et pathologiques les plus curieux.<br />

Ce livre, publié en fac simile <strong>de</strong> l’édition<br />

originale, est l’œuvre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux collaborateurs<br />

<strong>de</strong> Charcot, qui ont pu<br />

expérimenter les métho<strong>de</strong>s du magnétisme,<br />

reproduire les expériences<br />

relatées par les magnétiseurs, et les<br />

soumettre à une analyse critique.


8<br />

LIVRES<br />

HISTOIRE<br />

Les obsessions et la<br />

psychasthénie<br />

Pierre Janet<br />

Tome 1<br />

Analyse <strong>de</strong>s symptômes<br />

VOLUME 1<br />

Préface <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />

Introduction <strong>de</strong> Laurent Fedi<br />

L’Harmattan, 39 €<br />

Pierre Janet a popularisé, en 1903,<br />

le terme « psychasthénie » dans son<br />

livre « Obsessions et psychasthénie ».<br />

Il s’agit d’une affection mentale caractérisée<br />

par un affaiblissement du<br />

tonus vital (baisse <strong>de</strong> la tension psychologique)<br />

et dont les principaux<br />

symptômes sont la dépression physique<br />

et morale, un sentiment d’incomplétu<strong>de</strong><br />

et la perte du sens du<br />

réel, une tendance marquée aux phénomènes<br />

anxieux et aux manies ou<br />

aux obsessions. La psychasthénie regroupe<br />

<strong>de</strong>s stigmates et <strong>de</strong>s symptômes<br />

qu’on décrit, aujourd’hui, dans<br />

le cadre <strong>de</strong> la névrose obsessionnelle<br />

ou <strong>de</strong> la névrose phobo-obsessionnelle.<br />

On doit à Janet la distinction<br />

<strong>de</strong>s phobies en trois groupes : phobies<br />

d’objet, phobies <strong>de</strong> situations et<br />

phobies <strong>de</strong> fonction dont s’est inspiré<br />

le DSM-III.<br />

Dans le tome 1 du premier volume<br />

<strong>de</strong> son livre « Obsessions et psychasthénie<br />

», Janet étudie d’abord le<br />

contenu intellectuel <strong>de</strong>s obsessions,<br />

c’est-à-dire le sujet auquel s’appliquent<br />

les pensées du mala<strong>de</strong>, l’idée<br />

du démon, du sacrilège, du suici<strong>de</strong>,<br />

ou toute autre. Puis, sous le titre d’agitations<br />

forcées, il analyse les divers<br />

troubles qui accompagnent les idées<br />

obsédantes ou qui les remplacent, et<br />

il entend par-là toutes les opérations<br />

exagérées ou inutiles qui constituent<br />

les manies mentales, les tics, les phobies<br />

ou les angoisses. Enfin, il cherche<br />

dans un état très spécial, sorte <strong>de</strong> sentiment<br />

intellectuel, l’inquiétu<strong>de</strong>, l’origine<br />

d’où proviennent les obsessions<br />

et les diverses agitations.<br />

Les obsessions et la<br />

psychasthénie<br />

Pierre Janet<br />

Tome Il<br />

Etu<strong>de</strong>s générales<br />

VOLUME 1<br />

Préface <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />

Introduction <strong>de</strong> Georges Dumas<br />

L’Harmattan, 39 €<br />

Sous le nom <strong>de</strong> psychasthénie, Pierre<br />

Janet a construit sur le modèle <strong>de</strong> l’hystérie<br />

et <strong>de</strong> l’épilepsie, une psycho-névrose<br />

qui comprendrait les obsessions,<br />

les impulsions, les manies mentales, la<br />

folie du doute, les tics, les agitations, les<br />

phobies, les délires du contact, les angoisses,<br />

les neurasthénies, les sentiments<br />

bizarres d’étrangeté et <strong>de</strong> dépersonnalisation,<br />

et à nous présenter<br />

ces troubles mentaux, si dissemblables<br />

en apparence, comme <strong>de</strong>s manifestations<br />

différentes en <strong>de</strong>gré, mais analogues<br />

en nature d’un même état pathologique,<br />

l’affaiblissement psychique.<br />

La <strong>de</strong>uxième partie du premier volume<br />

<strong>de</strong> son livre « Obsessions et psychasthénie<br />

» (1903) est plus générale et plus<br />

synthétique que la première. Janet discute<br />

les différentes hypothèses qui ont<br />

été présentées pour expliquer ces curieuses<br />

altérations <strong>de</strong> l’esprit, et finalement<br />

il expose la sienne, hypothèse<br />

préparée par ses précé<strong>de</strong>ntes étu<strong>de</strong>s.<br />

Ses premiers travaux avaient établi une<br />

distinction entre l’activité synthétique<br />

et l’activité automatique. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

psychasthéniques montre l’existence<br />

d’autres <strong>de</strong>grés. Chez les psychasthéniques,<br />

l’opération mentale la plus difficile,<br />

puisque c’est elle qui disparaît le<br />

plus souvent, est la fonction du réel, ou<br />

comme le dit Bergson, l’attention à la<br />

vie présente. La principale forme <strong>de</strong><br />

<br />

tenter <strong>de</strong> s’approprier « le cas Opicinus<br />

», en proposant ce cadre nosographique<br />

chez un petit fonctionnaire pontifical<br />

sans histoire apparente qui a<br />

conservé, sa vie durant, un parfait<br />

contrôle <strong>de</strong> la réalité, tout en poursuivant,<br />

la nuit venue, le <strong>de</strong>ssin <strong>de</strong> son<br />

Evangile secret, mais au contraire ouvrir<br />

en grand son oeuvre et en rendre<br />

accessibles ses immenses potentialités.<br />

La planche autobiographique qui<br />

semble, effectivement, être la première<br />

<strong>de</strong> toutes les planches sur parchemin,<br />

terminée en 1336, exprime d’emblée<br />

l’ampleur <strong>de</strong> l’ambition délirante d’Opicinus<br />

en même temps que son habileté<br />

à dire et ne pas dire par le <strong>de</strong>ssin.<br />

Entre alpha et oméga, et sous l’égi<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s quatre évangélistes, elle comporte<br />

une classique roue <strong>de</strong> la fortune le mettant<br />

en scène <strong>de</strong> dix en dix ans (né en<br />

1296, Opicinus est âgé <strong>de</strong> quarante<br />

ans en 1336), qui englobe quarante<br />

espaces concentriques sur lesquels s’inscrivent,<br />

selon un mouvement centrifuge,<br />

les évènements qu’il a retenus <strong>de</strong> sa<br />

vie, année après année.<br />

« C’est <strong>de</strong> Pavie qu’est originaire l’auteur<br />

<strong>de</strong> ces vers. Il a un nom qui grince<br />

(à rapprocher du grec opizein) et il a<br />

mis sa famille dans un panier d’osier,<br />

son nom qu’il a tressé <strong>de</strong> brins <strong>de</strong> saule »,<br />

claironne-t-il, permettant ainsi à F. Gianani<br />

<strong>de</strong> faire le lien avec l’Anonymus<br />

ticinensis.<br />

Le <strong>de</strong>ssin <strong>de</strong> la planche 20 suggère, en<br />

effet, un fond <strong>de</strong> corbeille tressé (canistrum).<br />

Or Opicinus désire, en même<br />

temps, que ce fond <strong>de</strong> corbeille se<br />

confon<strong>de</strong> avec une coupe horizontale<br />

« du vieux tronc <strong>de</strong> Jessé », avec ses quarante<br />

cernes (le temps d’avant) sur<br />

lequel viendra se greffer (dans l’après)<br />

le rameau <strong>de</strong> Jessé, le fils <strong>de</strong> David,<br />

Jésus ressuscité... et bien sûr Opicinus.<br />

Comme sur toutes les planches du<br />

co<strong>de</strong>x Pal. lat. 1993 et surtout les <strong>de</strong>ssins<br />

du cahierjournal, <strong>de</strong> nombreuses<br />

surprises, attachées à <strong>de</strong> simples détails<br />

parfois futiles, atten<strong>de</strong>nt d’être exhu-<br />

cette fonction du réel, qui présente différents<br />

<strong>de</strong>grés <strong>de</strong> difficulté est l’action<br />

qui nous permet d’agir sur les objets extérieurs<br />

et <strong>de</strong> métamorphoser la réalité.<br />

Cette partie <strong>de</strong> l’ouvrage se termine<br />

par le diagnostic, le pronostic, le traitement<br />

<strong>de</strong>s diverses psychasthénies, ou<br />

la place qu’il convient d’assigner à la<br />

psychasthénie parmi les autres psychonévroses.<br />

Histoires <strong>de</strong> psychiatrie<br />

infantile<br />

Michel Soulé<br />

Préface <strong>de</strong> Bernard Golse<br />

Erès, 28 €<br />

Des secrets <strong>de</strong> famille aux nouveaux<br />

mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> filiation, <strong>de</strong> la psychopathologie<br />

<strong>de</strong> la vie quotidienne à la problématique<br />

<strong>de</strong> l’abandon et du placement<br />

spécialisé en passant par la relation précoce<br />

mère-bébé : Michel Soulé présente<br />

dans cet ouvrage les principaux textes<br />

qui ont émaillés ses 50 années d’exercice<br />

professionnel. Il y déroule les thèmes<br />

et les préoccupations qui ont guidé sa<br />

longue pratique <strong>de</strong> pédopsychiatre formé<br />

à la psychanalyse, acteur important<br />

dans la création et le développement<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie infantile française.<br />

Les <strong>de</strong>ntistes allemands sous<br />

le troisième Reich<br />

Xavier Riaud<br />

Postface <strong>de</strong> Thierry Feral<br />

L’Harmattan, 22,50 €<br />

Cet ouvrage est le second que publie<br />

Xavier Riaud en rapport avec la Secon<strong>de</strong><br />

Guerre mondiale. Il y livre une présentation<br />

<strong>de</strong> la société alleman<strong>de</strong> sous le<br />

régime hitlérien à travers l’évolution<br />

comportementale d’une profession, les<br />

chirurgiens-<strong>de</strong>ntistes. A travers une documentation<br />

issue <strong>de</strong> centres d’archives<br />

mées. Un autre exemple, également<br />

situé sur la planche autobiographique :<br />

en 1304, année <strong>de</strong> sa Confirmation,<br />

âgé <strong>de</strong> huit ans, Opicinus mentionne<br />

qu’« à contre-coeur (il le précise bien) il<br />

partagea <strong>de</strong>s jeux sexuels avec l’une <strong>de</strong><br />

ses soeurs en phase pubertaire ». Ernst<br />

Kris, surpris <strong>de</strong> cette naïve confi<strong>de</strong>nce,<br />

rarissime chez un clerc médiéval,<br />

s’apprête à pratiquer la spéléologie du<br />

self d’Opicinus. De fait, ne découvre-ton<br />

pas une très discrète croix posée<br />

sur l’anneau 1304 <strong>de</strong> la planche 20 :<br />

marqua-t-elle l’importance du sacrement<br />

aux yeux du petit garçon ?<br />

Signale-t-elle ce geste d’enfant qui va<br />

prendre, aux yeux d’Opicinus, l’importance<br />

d’un achoppement intolérable,<br />

à l’origine d’un sentiment <strong>de</strong> culpabilité<br />

qui ne le quittera jamais ? Le<br />

plus curieux, c’est que les nombreuses<br />

cartes anthropomorphes, réunies dans<br />

le cahier-journal écrit entre juin et<br />

novembre 1337, montrent le Diable<br />

méditerranéen en train <strong>de</strong> pratiquer<br />

<strong>de</strong>s attouchements sur la vulve-Venise<br />

<strong>de</strong> l’Europe féminine. Pouce entre<br />

in<strong>de</strong>x et médius comme cela s’observe<br />

dans les crises comitiales généralisées,<br />

cette main coupable se veut surtout<br />

conjuration magique du sexe, reproduisant<br />

le geste <strong>de</strong> la « fica » que<br />

Charles Albert Cingria décrit dans sa<br />

traduction du Novellino, un texte antérieur<br />

à la Vita Nuova <strong>de</strong> Dante.<br />

A l’annonce du verdict favorable <strong>de</strong><br />

son procès (janvier 1337) qui annulait<br />

son excommunication et le libérait <strong>de</strong><br />

ses angoisses, l’humeur d’Opicinus<br />

s’était teintée d’euphorie, ce qui l’avait<br />

décidé à écrire son cahier-journal<br />

(co<strong>de</strong>x Vat. lat. 6435) dans lequel il<br />

s’exprime surabondamment, livrant le<br />

secret <strong>de</strong> ses planches à venir ainsi<br />

qu’une foule <strong>de</strong> données, autobiographiques<br />

et autres.<br />

Sous le coup <strong>de</strong> l’emprise réginale <strong>de</strong><br />

son imagination débridée, Opicinus a<br />

donné libre cours à une mégalomanie<br />

oscillant <strong>de</strong> la vision apocalyptique d’un<br />

et incluant <strong>de</strong>s photos d’époque et <strong>de</strong>s<br />

extraits <strong>de</strong> procès <strong>de</strong> criminels <strong>de</strong> guerre,<br />

l’auteur nous invite à découvrir comment<br />

ces praticiens d’un autre temps<br />

ont réagi face au courant idéologique<br />

nazi. L’auteur produit une galerie <strong>de</strong><br />

portraits où il décrit les exactions et les<br />

abus commis par certains d’entre eux.<br />

Ce travail analyse les faits qui permettent<br />

<strong>de</strong> mieux comprendre les enjeux<br />

<strong>de</strong> l’éthique médicale sous un régime<br />

totalitaire.<br />

Histoires <strong>de</strong> la mémoire<br />

Pathologie, psychologie et<br />

biologie<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Jean-Clau<strong>de</strong><br />

Dupont<br />

Préface <strong>de</strong> Michel Meul<strong>de</strong>rs<br />

Vuibert, 30 €<br />

Ce recueil est issu d’un colloque international<br />

organisé à l’université <strong>de</strong> Picardie<br />

Jules Verne, et soutenu par l’équipe<br />

« Epistémologie, histoire <strong>de</strong>s sciences biologiques<br />

et médicales ».<br />

Au cours <strong>de</strong> ce colloque, la pathologie<br />

l’oubli et la pluralité <strong>de</strong>s mémoires, la<br />

question <strong>de</strong> l’inconscient, le rapport<br />

entre mémoire inconsciente et mémoire<br />

implicite, les fon<strong>de</strong>ments biologiques<br />

<strong>de</strong> la mémoire, ont été l’objet <strong>de</strong> discussions<br />

épistémologiques.<br />

Pierre Buser i<strong>de</strong>ntifie plusieurs courants<br />

historiques intriqués qui ont marqué<br />

l’analyse <strong>de</strong> la mémoire. Le premier correspond<br />

à la tendance à se rapprocher<br />

<strong>de</strong>s bases organiques <strong>de</strong> la mémoire,<br />

dans une tradition qui va <strong>de</strong> Charles<br />

Bonnet à Joseph Delbœuf. La <strong>de</strong>uxième<br />

voie recherche les modalités <strong>de</strong> la participation<br />

<strong>de</strong> l’inconscient aux opérations<br />

mnésiques.<br />

Enfin, d’une façon plus générale est mise<br />

progressivement en évi<strong>de</strong>nce une pluralité<br />

<strong>de</strong> mémoires. Georges Lantéri-<br />

triomphe final, à une autoaccusation<br />

mortifère remontant à son enfance et<br />

utilisant jusqu’au fait qu’il était né la<br />

veille <strong>de</strong> Noël pour s’intituler Antechrist<br />

; homme du sommet, <strong>de</strong> la<br />

lumière et du salut, en même temps<br />

homme d’en bas, <strong>de</strong> la boue, <strong>de</strong> l’obscurité<br />

et <strong>de</strong> la faute, ainsi que nous le<br />

diront, chacun à sa manière, Blaise Pascal<br />

et Fiodor Dostoievski.<br />

Le mo<strong>de</strong>ste prêtre vit cependant encore<br />

en son temps, celui <strong>de</strong> la persécution<br />

qu’il a décelée dès sa rencontre avec le<br />

nouveau pape Benoît XII en 1335 :<br />

« Il (Opicinus) est à l’instant soumis à <strong>de</strong>s<br />

questions parce que peut-être l’autre étant<br />

mû par <strong>de</strong>s sentiments hostiles, ne veut<br />

pas prendre <strong>de</strong> décision avant d’examiner<br />

le jugement (<strong>de</strong> son procès)...».<br />

Opicinus, sensible à ce pouvoir<br />

magique <strong>de</strong>s cartes géographiques<br />

génératrices <strong>de</strong> rêves collectifs, comme<br />

le suggère Plutarque dans son Alcibia<strong>de</strong>,<br />

sera un jour admis au nombre <strong>de</strong>s<br />

cartographes sans nacelle, car <strong>de</strong>ssiner<br />

ses cartes, c’est d’abord figurer le manichéisme<br />

ambiant. Ses cartes , qui jusqu’à<br />

présent faisaient le charme essentiel<br />

du cahier-journal tant que celui-ci<br />

n’était pas traduit, illustrent l’opposition<br />

entre Opicinus-Europe, féminine<br />

ou masculine, et l’Eglise africaine, sous<br />

les traits <strong>de</strong> laquelle se cache Benoît ;<br />

mais elles n’expriment pas seulement<br />

une persécution, après tout banale. Elles<br />

imposent la nécessité <strong>de</strong> déchiffrer, en<br />

leur sein, un mouvement qui anime<br />

tout <strong>de</strong>ssin d’Opicinus. Le scribe ne<br />

lésine jamais à remplir ses images <strong>de</strong><br />

cycles et d’itinéraires.<br />

Dans son cahier-journal surtout, Opicinus<br />

transfère <strong>de</strong>s extraits <strong>de</strong> textes<br />

bibliques, à déco<strong>de</strong>r systématiquement.<br />

Il s’inspire <strong>de</strong> la Légen<strong>de</strong> dorée <strong>de</strong><br />

Jacques <strong>de</strong> Voragine. Il cite le Théétète<br />

<strong>de</strong> Platon, l’Ilia<strong>de</strong>, Fronton le maître <strong>de</strong><br />

Marc-Aurèle, Lucain, Macrobe, Boèce,<br />

SaintAugustin, Geoffrey <strong>de</strong> Monmouth,<br />

Ramon Lull, sans compter tous ceux<br />

qui n’ont pas encore été i<strong>de</strong>ntifiés. Est-<br />

Laura démontre l’enracinement <strong>de</strong> la<br />

question <strong>de</strong> la mémoire dans la problématique<br />

<strong>de</strong>s localisations cérébrales<br />

<strong>de</strong>puis le début du XIX e siècle. Denis<br />

Forest analyse <strong>de</strong>s usages multiples faits<br />

<strong>de</strong> la sélectivité <strong>de</strong> d’oubli constatée en<br />

clinique pour vali<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s conceptions<br />

différentes <strong>de</strong> la mémoire, en se fondant<br />

sur <strong>de</strong>ux exemples historiques.<br />

L’oubli sélectif <strong>de</strong>s événements décrits<br />

par Korsakoff en fonction <strong>de</strong>s catégories<br />

<strong>de</strong> Ribot que l’on peut retraduire<br />

en Bergson est l’occasion d’une analyse<br />

<strong>de</strong>s positions théoriques trop superficiellement<br />

opposées <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux auteurs.<br />

Pierre Hum analyse la métho<strong>de</strong><br />

originale suivie par Ribot <strong>de</strong> sa construction<br />

d’un modèle <strong>de</strong> mémoire multiple<br />

sur la base <strong>de</strong>s formes d’oubli pathologique<br />

: amnésies temporaires, progressives<br />

et partielles.<br />

Le thème <strong>de</strong> la multiplicité et <strong>de</strong>s bases<br />

neurologiques <strong>de</strong> l’inconscient, et toutes<br />

les ambiguïtés <strong>de</strong> la clinique se retrouvent<br />

chez Jean Delay, dont Rodolphe<br />

Van Wijnendaele analyse la thèse <strong>de</strong><br />

doctorat ès lettres, à l’intersection <strong>de</strong><br />

Ribot, Bergson, Freud, Janet, et Jackson,<br />

caractéristique <strong>de</strong> la tradition psychopathologique<br />

française.<br />

Sonu Shamdasani décrit l’émergence<br />

du curieux concept <strong>de</strong> mémoire organique,<br />

associant étroitement, sinon i<strong>de</strong>ntifiant,<br />

l’hérédité organique et la mémoire<br />

psychique. Evelyne Pewzner<br />

reprend les modalités diverses selon<br />

lesquelles la mémoire et l’oubli seront<br />

traités par les magnétiseurs <strong>de</strong>puis Mesmer,<br />

puis par les hypnotiseurs tout au<br />

long du XIX e siècle. Pierre-Henri Castel,<br />

dans une perspective psychanalytique<br />

abor<strong>de</strong> l’histoire et l’état <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> la<br />

question du traumatisme psychique (diffusion<br />

du concept dans l’espace culturel<br />

et social, biologisation, incertitu<strong>de</strong><br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

ce un désir d’éternité consistant à<br />

convoquer les mânes <strong>de</strong> tous ces<br />

auteurs afin <strong>de</strong> les incorporer ? Un<br />

souci <strong>de</strong> la totalité, un travail encyclopédique,<br />

si fréquent au Moyen Age ?<br />

Grâce à la démesure qu’il exprime à<br />

travers l’importance et la diversité <strong>de</strong><br />

son oeuvre, grâce à la somme <strong>de</strong>s stratagèmes<br />

qui en interdisent l’accès tout<br />

en ménageant la lisibilité <strong>de</strong>s pièges<br />

qui la défen<strong>de</strong>nt, Opicinus <strong>de</strong> Canistris<br />

nous donne à découvrir l’univers mystique<br />

dans lequel il s’est à jamais enfermé,<br />

un univers proliférant aux marges<br />

<strong>de</strong> la divinité, sous les couleurs kaléidoscopiques<br />

d’i<strong>de</strong>ntifications prestigieuses<br />

éphémères et incessantes, bruissant<br />

d’innombrables personnages qui<br />

lui prêtent leurs discours dans un chaos<br />

mouvant dominé et aimanté par les<br />

pôles du salut et <strong>de</strong> la damnation, <strong>de</strong> la<br />

mégalomanie et <strong>de</strong> la persécution.<br />

Témoin d’un Moyen Age lui-même<br />

tiraillé entre ses multiples hantises, Opicinus,<br />

servi par l’étendue <strong>de</strong> ses connaissances,<br />

par l’intelligence avec laquelle il<br />

les utilise opportunément, et par la<br />

créativité qu’il exerce si habilement, est<br />

un véritable maître ès-culture, ouvrant<br />

<strong>de</strong> nouvelles perspectives aux recherches<br />

psychiatriques, artistiques,<br />

historiques et autres ; nouvelles, car,<br />

tandis que son oeuvre était tournée<br />

vers les temps bibliques et l’antiquité<br />

gréco-latine, ces perspectives bénéficient,<br />

aujourd’hui, d’un exceptionnel<br />

recul <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> six siècles d’évolution<br />

<strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pensée. <br />

Guy ROUX<br />

Neuro-psychiatre, 27 rue du Maréchal Joffre,<br />

64000 Pau.<br />

ROUX G. et LAHARIE M., Art et Folie au<br />

Moyen Age. Aventures et Enigmes d’Opicinus<br />

<strong>de</strong> Canistris (1296-1351 ?), Paris, le<br />

Léopard d’Or, 1997, 364p. et 94 ill.<br />

ROUX G., Opicinus <strong>de</strong> Canistris (1296-<br />

1352 ?). Prêtre, Pape et Christ ressuscité,<br />

Paris, le Léopard d’Or, 2005.<br />

thérapeutique).<br />

Christophe Alsaleh tente <strong>de</strong> comprendre<br />

ce qu’est le phénomène du faux souvenir,<br />

dans la perspective <strong>de</strong> la philosophie<br />

<strong>de</strong> l’esprit et <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> la<br />

connaissance, et indépendamment du<br />

contexte clinique dans lequel le syndrome<br />

s’est élaboré.<br />

La place <strong>de</strong> l’inconscient soulignée <strong>de</strong>s<br />

les commencements <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> expérimentale<br />

en psychologie, est restituée<br />

ici par l’analyse <strong>de</strong>s travaux d’Ebbinghaus<br />

sur la mémoire. Serge Nicolas<br />

s’attache à en montrer l’enracinement<br />

dans la psychologie philosophique alleman<strong>de</strong><br />

plus que dans l’associationnisme<br />

britannique. Bernard Andrieu<br />

tente <strong>de</strong> comprendre comment la mémoire<br />

traverse l’œuvre <strong>de</strong> Binet, <strong>de</strong><br />

l’étu<strong>de</strong> du calcul mental, qui pour lui est<br />

un fait <strong>de</strong> mémoire, jusqu’aux étu<strong>de</strong>s<br />

sur la mémoire visuelle et auditivoverbale.<br />

Véronique Quaglino, suivant, entre<br />

autres, Atkinson, Schacter, Tulving, démonte<br />

l’i<strong>de</strong>ntification progressive <strong>de</strong><br />

systèmes <strong>de</strong> mémoires différents structurellement<br />

et fonctionnellement, issue<br />

<strong>de</strong> l’observation clinique et <strong>de</strong> l’expérimentation.<br />

David Romand et Marc Jeannerod<br />

livrent une histoire <strong>de</strong> la mémoire<br />

<strong>de</strong> l’action. Georges Charpentier, qui en<br />

a été un témoin direct, rapporte l’histoire<br />

<strong>de</strong> la neurochimie <strong>de</strong>s processus<br />

mnésiques. Gérard Czternasty démontre<br />

que l’œuvre <strong>de</strong> Eric Kan<strong>de</strong>l se situe dans<br />

le champ <strong>de</strong>s neurosciences et <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> la plasticité. Jean-Noël Missa, enfin,<br />

rappelle plusieurs <strong>de</strong>s intuitions anciennes<br />

<strong>de</strong> Ribot (la pluralité <strong>de</strong>s mémoires<br />

locales possédant chacune un<br />

siège particulier, l’idée d’association et<br />

<strong>de</strong> stabilisation <strong>de</strong> connexions anatomiques,<br />

l’idée selon laquelle mémoire<br />

et perception sont traitées par les mêmes<br />

régions corticales).


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

l’usage <strong>de</strong>s honnêtes gens <strong>de</strong> Robert-<br />

Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois<br />

ainsi que Influence et manipulation <strong>de</strong><br />

Robert Cialdini. Ces ouvrages, je les ai<br />

lu juste après ma thèse. C’est à ce<br />

moment que j’ai décidé <strong>de</strong> repartir à<br />

zéro et j’ai tenté <strong>de</strong> lire tout ce qu’il y<br />

avait dans ce domaine. Cela m’a pris<br />

<strong>de</strong>ux ans mais je gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong><br />

un souvenir impérissable. J’étais<br />

maître <strong>de</strong> conférence débutant dans<br />

l’enseignement supérieur à l’époque et<br />

je n’avais pas <strong>de</strong> charges administratives<br />

excessives. Je consacrais donc<br />

beaucoup <strong>de</strong> temps à la lecture d’articles.<br />

J’ai fait le rat <strong>de</strong> bibliothèque<br />

pour obtenir certains articles qui avaient<br />

parfois plus <strong>de</strong> 30 ans. J’ai mis au point<br />

<strong>de</strong>s systèmes logiciels et Web pour<br />

pourvoir obtenir ces articles en pistant<br />

les collègues étrangers sur Internet et en<br />

leur <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong>s tirés-à-part <strong>de</strong> leur<br />

article. C’était un plaisir sans cesse<br />

renouvelé car il y a quelque chose <strong>de</strong><br />

« magique » dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s processus<br />

d’influence et <strong>de</strong> manipulation du comportement.<br />

Vous imaginez donc le plaisir<br />

que je ressentais lorsque je lisais un<br />

article présentant une nouvelle technique<br />

d’influence ou étudiant une<br />

variable sur un paradigme existant.<br />

C’était du bonheur (et ça le reste toujours).<br />

Ces milliers d’articles lus étaient<br />

synthétisés en une ou <strong>de</strong>ux pages et<br />

j’avais conçu un système informatique<br />

pour les organiser. Comme quoi, cela<br />

me permettait d’utiliser <strong>de</strong>s compétences<br />

acquises précé<strong>de</strong>mment. J’utilise<br />

d’ailleurs toujours ces compétences<br />

en informatique pour conduire <strong>de</strong>s<br />

expériences notamment celles sur les<br />

processus d’influence sur Internet.<br />

M. S.-C. : La psychologie est-elle un outil<br />

très utilisé dans le commerce actuel ?<br />

(ou peu, ou pas du tout, ou <strong>de</strong> façon<br />

variée selon les pays). Est-elle efficace ?<br />

N. G. : Au cours <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> ma<br />

carrière d’enseignant-chercheur, je me<br />

suis retrouvé dans un département formant<br />

<strong>de</strong>s commerciaux et j’ai décidé<br />

d’orienter mes cours sur l’influence du<br />

comportement d’achat. C’est à ce<br />

La psychologie du<br />

consommateur<br />

Entretien avec Nicolas Gueguen par Michel Sachez-Car<strong>de</strong>nas<br />

moment là que j’ai découvert que les<br />

chercheurs en psychologie sociale <strong>de</strong>s<br />

pays anglo-saxons travaillaient <strong>de</strong>puis<br />

longtemps en marketing. Ce qui n’est<br />

absolument pas le cas en France. Ce<br />

que l’on observe dans notre pays - et<br />

c’est le cas pour <strong>de</strong> nombreuses disciplines<br />

- c’est le cloisonnement disciplinaire<br />

faisant que vous n’allez pas voir ce<br />

qui se fait ailleurs. Ce qui est révélateur<br />

par exemple c’est le fait que <strong>de</strong>s<br />

revues scientifiques comme Psychology<br />

and Marketing ou <strong>Journal</strong> of Consumer<br />

Psychology sont inconnues <strong>de</strong> mes collègues<br />

français <strong>de</strong> la discipline. Il reste<br />

que, par tradition, la psychologie sociale<br />

française s’intéresse peu à l’influence<br />

du comportement. La plupart <strong>de</strong>s psychologues<br />

sociaux français travaillent<br />

sur le jugement, les représentations et<br />

les attitu<strong>de</strong>s. Pour l’heure, nous ne<br />

sommes qu’une poignée à travailler sur<br />

le comportement mais les choses semblent<br />

changer, notamment sous l’impulsion<br />

<strong>de</strong>s étudiants en thèse que nous<br />

formons.<br />

Toutefois, les chercheurs en marketing<br />

en France intègrent parfaitement, dans<br />

leur littérature scientifique et leurs<br />

métho<strong>de</strong>s, les apports <strong>de</strong> la psychologie<br />

du consommateur : mémoire, sensation,<br />

affect, influence du comportement<br />

d’achat… sont autant <strong>de</strong> thèmes<br />

<strong>de</strong> recherches que l’on trouve dans les<br />

publications et les thèses <strong>de</strong> marketing<br />

en France.<br />

Avec le recul que j’ai à présent et toutes<br />

les recherches que j’ai pu conduire en<br />

situation réelle, je peux facilement dire<br />

que l’approche <strong>de</strong> la psychologie et<br />

<strong>de</strong>s processus qu’elle étudie montre<br />

que cette discipline apporte la preuve<br />

<strong>de</strong> son efficacité sur le comportement<br />

du consommateur.<br />

M. S.-C. : Justement, concernant cette<br />

influence du comportement du consommateur<br />

pouvez-vous nous dire quels sont<br />

les grands axes <strong>de</strong> recherches dans ce<br />

domaine que vous abor<strong>de</strong>z dans votre<br />

ouvrage « 100 petites expériences en<br />

psychologie du consommateur ».<br />

N.G. : Dans cet ouvrage, j’ai tenté, sous<br />

forme <strong>de</strong> fiches courtes et axées sur<br />

les résultats <strong>de</strong> recherches empiriques<br />

pour la plupart conduites en milieu<br />

naturel, <strong>de</strong> présenter les travaux menés<br />

ces trente <strong>de</strong>rnières années en marketing<br />

comportemental et en psychologie<br />

du consommateur. Le livre est organisé<br />

en 3 parties correspondant à <strong>de</strong>s<br />

mo<strong>de</strong>s d’évaluation du comportement<br />

du consommateur. Le premier axe est<br />

consacré à ce que j’appelle le traitement<br />

<strong>de</strong> l’information commerciale. Ici<br />

j’ai présenté comment le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> présentation<br />

<strong>de</strong>s prix (par exemple les prix<br />

« 9 » par rapport au prix « pleins » :<br />

9..99 € au lieu <strong>de</strong> 10.00 €), <strong>de</strong>s informations<br />

sur un produit (la rareté, son<br />

prix…) peuvent affecter notre comportement<br />

d’achat. J’ai, également, abordé<br />

dans cette partie l’influence réelle<br />

<strong>de</strong> la publicité sur nos actes d’achat et<br />

j’ai tenté aussi <strong>de</strong> montrer l’influence<br />

<strong>de</strong>s facteurs d’amorçage inconscients<br />

sur le comportement du consommateur.<br />

La secon<strong>de</strong> partie a étudié le lien<br />

entre perception sensorielle et comportement<br />

d’achat. J’ai essayé <strong>de</strong> présenter<br />

les travaux les plus spectaculaires<br />

sur l’influence <strong>de</strong> la musique ou<br />

<strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong> la musique<br />

(volume, tempo,…) sur le comportement<br />

d’achat et le marketing <strong>de</strong>s services.<br />

J’ai aussi tenté <strong>de</strong> présenter certains<br />

travaux sur l’influence <strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs,<br />

<strong>de</strong>s couleurs et <strong>de</strong> l’éclairage sur nos<br />

actes d’achat. Ici, l’objectif a été <strong>de</strong><br />

rendre compte <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong> l’atmo-<br />

sphère sensorielle d’un lieu <strong>de</strong> vente<br />

sur le comportement d’achat <strong>de</strong>s<br />

clients. Dans la troisième partie, j’ai présenté<br />

les facteurs d’interaction entre<br />

un client et un ven<strong>de</strong>ur qui peuvent<br />

affecter le comportement d’achat. Ici<br />

on a montré que le fait d’être touché<br />

par un ven<strong>de</strong>ur peut nous inciter à rester<br />

plus longtemps dans un magasin<br />

ou à acheter plus. L’apparence physique<br />

du ven<strong>de</strong>ur, la façon dont il vous<br />

regar<strong>de</strong>, la nature du sourire qu’il utilise<br />

sont autant <strong>de</strong> facteurs qui peuvent<br />

vous inciter à acheter plus, à acheter<br />

plus cher ou à revenir dans un magasin.<br />

Enfin, il faut savoir que si la majeure<br />

partie <strong>de</strong> cet ouvrage est consacrée aux<br />

diverses techniques qui incitent à acheter,<br />

j’ai aussi présenté, en fin d’ouvrage,<br />

<strong>de</strong>s travaux montrant que le consommateur<br />

peut, avec <strong>de</strong>s moyens simples,<br />

influencer les ven<strong>de</strong>urs et obtenir <strong>de</strong>s<br />

produits convoités à un bien meilleur<br />

prix.<br />

M. S.-C. : Quelle est, d’après vous, l’expérience<br />

la plus spectaculaire en matière<br />

<strong>de</strong> liaison entre l’acte d’achat et les motivations<br />

psychologiques du consommateur<br />

?<br />

N. G. : Toutes les expériences que je<br />

présente sont probantes dans un sens<br />

ou dans un autre, en faveur <strong>de</strong> l’incitation<br />

à la consommation ou pour<br />

démontrer ce qui n’est pas efficace.<br />

Toutefois, l’expérience la plus spectaculaire<br />

est certainement celle qui<br />

montre qu’en changeant le nom d’un<br />

produit vendu en cafétéria (par<br />

exemple une tarte habituellement<br />

dénommée « Tarte aux pommes »<br />

<strong>de</strong>vient « Tarte aux pommes façon<br />

grand-mère »), on parvient à augmenter<br />

les ventes et à changer la perception<br />

du goût du produit. Nous avons là la<br />

manifestation expérimentale qu’une<br />

simple modification, qu’un changement<br />

mineur en apparence peut avoir d’importants<br />

effets comportementaux. Cela<br />

semble, également, montrer que nos<br />

comportements sont soumis à <strong>de</strong>s<br />

sources multiples d’influence qui sont<br />

autant d’objets d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sciences<br />

sociales. Une autre recherche également<br />

menée dans un restaurant avec<br />

plats à emporter montre que si le personnel<br />

dit qu’une tarte aux fruits est à<br />

tel prix en promotion uniquement pour<br />

la journée, il y a quatre fois plus d’acheteurs<br />

que si on dit qu’elle est en promotion<br />

toute l’année. Une simple information<br />

sur le caractère fugitif <strong>de</strong> la<br />

bonne affaire suffit à accroître l’intérêt<br />

pour un produit. C’est bien la preuve<br />

que ce ne sont pas les qualités intrinsèques<br />

du produit qui sont importantes<br />

mais bien la valeur que le consommateur<br />

potentiel leur attribue.<br />

M. S.-C. : Les expériences que vous présentez<br />

dépassent le cadre <strong>de</strong> la consommation.<br />

Peut-on aussi lire votre livre<br />

comme une étu<strong>de</strong> sur les rapports<br />

sociaux ?<br />

N. G. : Tout à fait. A travers ces expériences<br />

<strong>de</strong> psychologie <strong>de</strong> la consommation,<br />

on apporte la preuve que le<br />

consommateur ne se débarrasse pas<br />

<strong>de</strong> ses croyances et caractéristiques<br />

sociales lorsqu’il consomme. Il entre<br />

dans un magasin équipé <strong>de</strong> ses<br />

croyances, <strong>de</strong> ses biais et du poids <strong>de</strong>s<br />

normes sociales qu’il a intégrés. Il ne<br />

faut pas non plus oublier un grand principe<br />

fondamental <strong>de</strong> la consommation :<br />

le plaisir qui la motive. Or, ce principe<br />

est souvent oublié et commence simplement<br />

à être pris en compte. Les chercheurs<br />

en sciences du comportement<br />

du consommateur qui travailleront sur<br />

ce principe <strong>de</strong> plaisir dans les années<br />

à venir seront certainement ceux qui<br />

apporteront le plus d’innovations marketing<br />

et commerciales.<br />

IV Ren<strong>de</strong>z-vous International<br />

L’Internationale <strong>de</strong>s Forums et <strong>de</strong> l’Ecole <strong>de</strong><br />

Psychanalyse <strong>de</strong>s Forums du Champ Lacanien<br />

1 et 2 Juillet 2006<br />

LES RÉALITÉS SEXUELLES<br />

ET L’INCONSCIENT<br />

PARIS<br />

Palais <strong>de</strong>s Congrès<br />

Porte Maillot<br />

Traduction simultanée :<br />

français, italien, espagnol, portugais<br />

Renseignements :<br />

EPFCL, 118 rue d’Assas<br />

75006 Paris<br />

www.champ-lacanien.net<br />

Tél : 01 56 24 22 56<br />

epfcl.secretariat@wanadoo.fr<br />

<br />

ENTRETIEN 9<br />

LIVRES ET REVUES<br />

L’œdipe<br />

Le concept le plus crucial <strong>de</strong> la<br />

psychanalyse<br />

J. D. Nasio<br />

Payot, 16 €<br />

« Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’imaginer ce petit<br />

garçon se glissant doucement dans<br />

la salle <strong>de</strong> bains et découvrant juste à<br />

la hauteur <strong>de</strong> ses yeux, les fesses attirantes<br />

<strong>de</strong> sa mère. Son œil s’allume, il<br />

s’approche et sans crier gare, il mord<br />

à pleines <strong>de</strong>nts. C’est ça, l’Oedipe ! L’Oedipe,<br />

c’est mordre les fesses d’une mère ».<br />

C’est ça, l’ouvrage <strong>de</strong> Nasio : une série<br />

<strong>de</strong> formules-clés et fortes pour<br />

nous faire saisir, <strong>de</strong> l’inténieur, la puissance<br />

vive <strong>de</strong>s pulsions qui nous animent<br />

et nous poussent hors <strong>de</strong> nous,<br />

vers l’Autre. Plusieurs tableaux schématiques<br />

tentent <strong>de</strong> résumer le propos<br />

: « vue générale <strong>de</strong> l’Oedipe du<br />

garçon », « logique <strong>de</strong> l’Oedipe <strong>de</strong> la<br />

fille », « la névrose morbi<strong>de</strong> chez l’homme »,<br />

« la névrose morbi<strong>de</strong> chez la femme »,<br />

etc... etc... L’ensemble est un peu à<br />

l’emporte-pièce, mais la jubilation <strong>de</strong><br />

l’auteur est communicative.<br />

M. Goutal<br />

Langues et traduction<br />

Recherches en Psychanalyse<br />

2005 n°4<br />

L’Esprit Du Temps, 21 €<br />

Le langage est au centre <strong>de</strong>s problématiques<br />

<strong>de</strong> la psychanalyse, il engage<br />

le sujet et <strong>de</strong>s locuteurs. Entre<br />

eux s’interposent la langue et la traduction.<br />

Qu’il s’agisse <strong>de</strong> la compréhension<br />

à l’interview d’un système<br />

langagier ou entre <strong>de</strong>ux systèmes <strong>de</strong><br />

langue, la traduction est au coeur du<br />

dé-codage du sens (cf. traduction/ trahison).<br />

Ce numéro compte <strong>de</strong> nombreuses<br />

contributions <strong>de</strong> François Richard,<br />

Mareike Wolf-Fédida, Houriya Ab<strong>de</strong>louahed,<br />

Fethi Benslama, B. Bonneau,<br />

Colette Rigaud, Pedro Ben<strong>de</strong>towicz,<br />

Maurizio Balsamo ; et un dossier particulier<br />

autour du yiddish et <strong>de</strong> l’écrivain<br />

yiddish Louis Wolfson avec Max<br />

Kohn (« Louis Wolfson : une langue.,<br />

c’ est-<strong>de</strong> la folie, et la folie est-ce que<br />

c’est une langue ? »), Robert Samacher<br />

(« Louis Wolfson et le yiddish »), André<br />

Michels (« La quête <strong>de</strong> la langue maternelle<br />

»), Rosette Tama « Louis Wolfson<br />

et le labyrinthe <strong>de</strong>s langues ; et le<br />

yiddish : langue égarée -langue marrane<br />

»).<br />

Signaler, et après ?<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Jean-Louis Le<br />

Run, Antoine Leblanc, Françoise<br />

Sarny<br />

Erès, 12 €<br />

Il s’agit d’une version actualisée du<br />

numéro 23 <strong>de</strong> la revue Enfances &<br />

Psy. La levée <strong>de</strong> la chape <strong>de</strong> silence<br />

entourant la maltraitance envers les<br />

enfants a provoqué une inflation <strong>de</strong>s<br />

signalements à l’autorité judiciaire,<br />

débordant les capacités <strong>de</strong> traitement<br />

<strong>de</strong>s tribunaux <strong>de</strong>s mineurs et <strong>de</strong>s services<br />

éducatifs. Les professionnels se<br />

sont d’abord inquiétés <strong>de</strong> savoir comment<br />

reconnaître les signes <strong>de</strong> mauvais<br />

traitements, les « clignotants », ou<br />

encore comment signaler. Maintenant,<br />

la plupart <strong>de</strong>s intervenants ont<br />

acquis une expérience qui leur permet<br />

d’élaborer leur pratique.<br />

Actuellement, leurs questions ne<br />

concernent pas tant la pertinence du<br />

signalement que ses suites et ses<br />

conséquences.<br />

Cet ouvrage s’intéresse plus particulièrement<br />

à ce temps, plus ou moins<br />

long, qui suit l’envoi du signalement<br />

à l’autorité judiciaire et va jusqu’à la<br />

mise en place d’une prise en charge<br />

bien établie.


10<br />

ENTRETIEN<br />

M. S.-C. : Dans votre autre ouvrage<br />

« Psychologie <strong>de</strong> la manipulation et <strong>de</strong><br />

la soumission » également paru chez<br />

Dunod en 2004, vous mettez en évi<strong>de</strong>nce<br />

plusieurs axes d’influence du comportement.<br />

Pouvez-vous nous en dire<br />

plus à ce sujet ?<br />

N. G. : Contrairement à mon <strong>de</strong>rnier<br />

ouvrage 100 petites expériences en psychologie<br />

du consommateur, le livre Psychologie<br />

<strong>de</strong> la manipulation et <strong>de</strong> la soumission<br />

vise à faire le point sur les<br />

travaux <strong>de</strong> recherche portant sur 3<br />

aspects <strong>de</strong> la soumission. La soumission<br />

à l’autorité : comment et <strong>de</strong> quelle<br />

manière et jusqu’où on peut aller<br />

lorsqu’une source d’autorité nous<br />

donne un ordre contraire à notre morale<br />

? Le <strong>de</strong>uxième chapitre porte sur ce<br />

que l’on appelle la soumission librement<br />

consentie et l’engagement. Ici,<br />

j’ai cherché à présenter l’ensemble <strong>de</strong>s<br />

techniques connues <strong>de</strong>s chercheurs en<br />

psychologie qui permettent d’amener<br />

un individu à accepter une requête<br />

peu problématique (faire un don à une<br />

association, donner un coup <strong>de</strong> mains<br />

à quelqu’un dans la rue) ou un comportement<br />

dont les conséquences<br />

seront plus graves (investissement à<br />

perte, entrée dans une secte….).<br />

Enfin, ce livre comprenait, également,<br />

une synthèse sur les procédures d’influence<br />

non verbale et tout particulièrement<br />

l’effet du contact tactile, du<br />

regard et du sourire dans les interactions<br />

humaines. Ces <strong>de</strong>rniers travaux<br />

sont peu connus <strong>de</strong>s chercheurs français.<br />

M. S.-C. : Je sais également que vous<br />

travaillez sur les processus <strong>de</strong> séduction ?<br />

Pourriez-vous nous parler un peu <strong>de</strong> ces<br />

travaux et nous dire quelle est la frontière<br />

entre la Manipulation/Séduction ? .<br />

N. G. : Je prépare en effet un ouvrage<br />

qui <strong>de</strong>vrait s’intituler 100 recherches<br />

sur la séduction et le comportement<br />

amoureux. L’objectif <strong>de</strong> ce livre est <strong>de</strong><br />

faire une présentation <strong>de</strong>s facteurs qui<br />

ont été i<strong>de</strong>ntifiés comme <strong>de</strong>s éléments<br />

induisant certains comportements<br />

amoureux, <strong>de</strong> séduction, d’approche<br />

<strong>de</strong>s personnes. Le livre présentera<br />

d’ailleurs <strong>de</strong>s thèmes d’influence<br />

proches <strong>de</strong> ceux présentés dans 100<br />

petites expériences en psychologie du<br />

consommateur.<br />

C’est le cas <strong>de</strong> l’influence <strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs,<br />

<strong>de</strong> certaines couleurs, du toucher dans<br />

le cas <strong>de</strong> sollicitation amoureuses…<br />

Par exemple, on trouve certains comportements<br />

non-verbaux qui affectent<br />

le comportement <strong>de</strong>s consommateurs<br />

et celui <strong>de</strong>s personnes que l’on tente <strong>de</strong><br />

séduire. Ainsi, on a pu montrer que le<br />

contact tactile d’un client dans un<br />

magasin l’incite à acheter plus, à accor<strong>de</strong>r<br />

plus favorablement un pourboire à<br />

un serveur ; à juger plus positivement<br />

un magasin… Et bien, on a également<br />

montré qu’une jeune femme sollicitée<br />

dans la rue pour donner son numéro<br />

<strong>de</strong> téléphone à un garçon qui l’abor<strong>de</strong><br />

consentira plus volontiers à sa requête<br />

si ce <strong>de</strong>rnier l’a touché 1 à 2 secon<strong>de</strong>s<br />

sur le bras. La frontière entre manipulation/séduction<br />

apparaît en effet très<br />

fine et, en comparant ces travaux, on<br />

voit une certaine universalité <strong>de</strong>s facteurs<br />

d’influence <strong>de</strong>s comportements<br />

qui, en apparence, apparaissent très<br />

différents.<br />

M. S.-C. : Séduction/Perversion : le psy<br />

possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s outils pour comprendre la<br />

manipulation et la soumission. Comment<br />

les utiliser au mieux (notamment pour<br />

faire que les personnes ne se laissent pas<br />

manipuler) et non pour les utiliser (les<br />

personnes) à leur insu ? Cela doit être<br />

une question omniprésente dans votre<br />

champ.<br />

N. G. : Pour repérer la manipulation, il<br />

faut, en effet, les clés pour déco<strong>de</strong>r les<br />

techniques et l’un <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> mes<br />

ouvrages est aussi <strong>de</strong> rendre les individus<br />

clairvoyants <strong>de</strong> ces techniques. Toutefois,<br />

on sait aussi que cela ne suffit pas<br />

et <strong>de</strong>s expériences ont montré que <strong>de</strong>s<br />

gens informés <strong>de</strong> l’effet d’une technique<br />

d’influence tombaient quelques<br />

minutes plus tard dans un piège i<strong>de</strong>ntique<br />

pour peu que la nouvelle technique<br />

utilisée auprès d’eux était différente<br />

ou possédait un habillage la<br />

rendant, en apparence, différente. Il<br />

semble que nous avons <strong>de</strong>s automatismes<br />

en nous que les techniques <strong>de</strong><br />

manipulation peuvent activer. Or, on<br />

ne connaît encore qu’une partie <strong>de</strong> ces<br />

processus d’influence.<br />

Bien entendu, je me suis posé la question<br />

du risque associé à une telle divulgation<br />

mais j’ai, aujourd’hui, plusieurs<br />

éléments d’analyse qui m’incitent à<br />

continuer à faire connaître ces procédures<br />

et, par voie <strong>de</strong> conséquence, à<br />

continuer mes propres recherches.<br />

D’une part, ceux qui veulent utiliser<br />

ces techniques au dépend d’autrui ou<br />

pour leur intérêt, connaissent ces techniques.<br />

Par exemple, les procédures<br />

utilisées par les sectes pour trouver<br />

leurs membres sont particulièrement<br />

connues, efficaces et sans cesse adaptées,<br />

modifiées. Les escrocs n’ont pas<br />

attendu, non plus, <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> ce<br />

type pour officier. Le mieux à faire<br />

pour protéger les gens est <strong>de</strong> faire<br />

connaître ces mécanismes ce qui permet<br />

<strong>de</strong> contrer quelque temps ceux<br />

qui les emploient à notre insu.<br />

Enfin, il ne faut pas non plus voir que<br />

le côté négatif <strong>de</strong>s choses car une technique<br />

<strong>de</strong> vente pour vous inciter à<br />

boire <strong>de</strong>s boissons sucrées, à rester<br />

<strong>de</strong>vant votre téléviseur, à acheter tel<br />

produit non indispensable sera sensiblement<br />

la même qu’une technique<br />

<strong>de</strong>stinée à vous faire arrêter <strong>de</strong> fumer,<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

à faire <strong>de</strong> l’exercice ou à œuvrer au<br />

profit d’une association caritative. Il y<br />

a, aujourd’hui, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s problématiques<br />

qui réclament l’intérêt et l’expertise<br />

<strong>de</strong>s chercheurs en sciences du<br />

comportement et <strong>de</strong> la cognition<br />

comme la santé, l’adaptation et la satisfaction<br />

au travail, la prévention <strong>de</strong>s<br />

comportements à risques…<br />

Or, pour parvenir à être efficace dans<br />

ce domaine, il faut nécessairement<br />

recourir à <strong>de</strong>s procédures d’influence.<br />

Mon objectif est aussi d’offrir <strong>de</strong>s pistes<br />

méthodologiques aux praticiens du<br />

domaine.


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

« Vous père (...), vous avez échappé<br />

au service militaire en prenant le nom<br />

d’une famille sans enfant qui vous avait<br />

adopté temporairement. Si je <strong>de</strong>vais<br />

prendre un pseudonyme c’est celui là<br />

que je choisirai en souvenir <strong>de</strong> vous, et,<br />

si je dois aller à l’hôtel avec une maîtresse<br />

c’est sous votre nom, mère, que je<br />

l’inscrirais (...) mais une telle chance ne<br />

m’a jamais été donnée. Pourtant aujourd’hui<br />

j’aimerais tellement agir comme si<br />

vous étiez envie ».<br />

Yasunari KAWABATA (1899-1972)<br />

in L’adolescent.<br />

« La culture japonaise » expression globalisante<br />

qui dirait que le tout est révélateur<br />

du particulier. Mais c’est ainsi<br />

que l’on reçoit, comme un choc, la<br />

confrontation à un mon<strong>de</strong> dont on<br />

parvient avec peine à discerner la foule<br />

<strong>de</strong>s petites différences tant est gran<strong>de</strong><br />

celle que l’on ressent à le rencontrer.<br />

Le Japon étrange étranger, masse<br />

inquiétante qui vient bousculer les<br />

représentations que l’on s’était faites<br />

avant <strong>de</strong> s’y colleter.<br />

On imagine un mon<strong>de</strong> raffiné et l’on<br />

reste ébahi <strong>de</strong>vant la crudité qu’il<br />

impose. La codification poussée à l’extrême<br />

<strong>de</strong>s rapports humains vient faire<br />

révélateur <strong>de</strong> la brutalité au cœur <strong>de</strong><br />

ceux-ci.<br />

Impossible <strong>de</strong> pénétrer l’âme japonaise<br />

?<br />

Le gaijin qui s’y essaye fera figure <strong>de</strong><br />

prétentieux. L’audace ne sera pas<br />

récompensée ni même admirée. Prétendre<br />

y comprendre quelque chose<br />

mène très rapi<strong>de</strong>ment à se trouver<br />

exilé.<br />

Il nous faut reconnaître que notre<br />

point <strong>de</strong> vue est inévitablement éthnocentriste.<br />

Nous parlons <strong>de</strong> l’écho<br />

que produit en nous la rencontre avec<br />

la « chose » japonaise. Armés <strong>de</strong> nos<br />

outils conceptuels occi<strong>de</strong>ntaux nous<br />

partons à l’assaut d’une forteresse qui<br />

se défend <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> quatre siècles<br />

<strong>de</strong> l’objectivation que l’on voudrait lui<br />

faire subir. On est donc amené à ne<br />

pouvoir dire que <strong>de</strong>s instantanés <strong>de</strong><br />

vie. Description <strong>de</strong> ce qui se vit. Prise<br />

sur le vif du sujet. Comment transmettre<br />

l’expérience <strong>de</strong> la déréalisation<br />

? Comprendre c’est-à-dire incorporer<br />

?<br />

Le Japon objet fétiche ?<br />

On rêve un mon<strong>de</strong> raffiné <strong>de</strong> samouraïs<br />

à l’honneur inébranlable, <strong>de</strong> quartiers<br />

<strong>de</strong> plaisir, d’architecture naturaliste,<br />

<strong>de</strong> jardins miniaturisés et<br />

ordonnés. On rencontre un mon<strong>de</strong><br />

hybri<strong>de</strong>, paradoxale où tout se mêle,<br />

où la perte <strong>de</strong> repère est permanente,<br />

insaisissable dans lequel les subtilités<br />

nous font parfois confiner à la folie.<br />

Inquiétante étrangeté. C’est qu’il y a<br />

du familier dans le mon<strong>de</strong> japonais.<br />

Tout comme Freud confronté à son<br />

image dans la vitre du train nous nous<br />

mirons dans le Japon que nous<br />

recréons. La fascination qu’il exerce<br />

sur nous ou le dégoût que l’on peut en<br />

avoir face à cette cuisine du cru, face<br />

à ces estampes pornographiques, face<br />

aux flots d’hémoglobine <strong>de</strong>s séries TV<br />

historiques...<br />

Le Japon que nous rêvons n’existe plus<br />

que dans ses rituels, lesquels peuvent<br />

venir faire écran <strong>de</strong> fumée, souvenir<br />

écran... Derrière, se cache souvent une<br />

mère dominatrice, castratrice disent<br />

certains auteurs japonais. Le Japon<br />

d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier ?<br />

Cette société qui pensait le geste parfait<br />

: cérémonie du thé, tir à l’arc, calligraphie,<br />

théâtre... s’est jetée à corps<br />

perdu dans la performance. Est-ce si<br />

différent ?<br />

L’observateur, parti à la découverte<br />

du Japon, ne manquera pas d’être marqué<br />

par la capacité que chacun semble<br />

avoir à vivre plusieurs i<strong>de</strong>ntités en<br />

même temps : être un homme mo<strong>de</strong>rne<br />

et traditionnel, soumis et autoritaire,<br />

courtois et hautain... Tout ceci<br />

contribue au sentiment <strong>de</strong> fausseté<br />

L’amer du Japon<br />

que nous autres occi<strong>de</strong>ntaux ressentons<br />

dans nos relations aux Japonais.<br />

La notion d’exclusivité si présente dans<br />

nos cultures occi<strong>de</strong>ntales, qui, par le<br />

biais <strong>de</strong> la locution « ou », nous amène<br />

à toujours choisir l’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux termes<br />

et nie la dualité qui pourrait être présente<br />

en toute chose, n’existe pas au<br />

Japon. « Ou » signifie bien toujours<br />

« et/ou ». Ce principe d’inclusion rappelle<br />

cette nation d’espace, entre <strong>de</strong>ux,<br />

mais il s’agit d’un espace qui fait lien<br />

indissociable <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s termes<br />

qu’il relie et en même temps entité<br />

propre. Tout comme la langue dans<br />

laquelle la pensée et l’image se mêlent.<br />

Les Japonais appellent cela le ma, un<br />

espacement chargé <strong>de</strong> sens, à la fois<br />

vi<strong>de</strong> et décalage. Cet espace permet<br />

d’envisager tous les possibles.<br />

Signifiant, il permet <strong>de</strong> lier un terme<br />

à un autre, et donc <strong>de</strong> les rendre<br />

congruents, <strong>de</strong> dépasser l’antinomie,<br />

non en faisant s’affronter <strong>de</strong>ux termes<br />

pour en créer un troisième, comme<br />

dans la dialectique hégélienne, mais<br />

en les faisant coexister dans un espace<br />

très particulier qu’est le ma. Lier en<br />

séparant, être en n’étant pas, incarner<br />

ce qui n’a pas <strong>de</strong> chair... marge, bordure,<br />

lieu où l’on n’est ni vraiment<br />

<strong>de</strong>hors, ni vraiment <strong>de</strong>dans, ma se lit<br />

aussi d’autres façons, correspondant à<br />

<strong>de</strong> nombreuses significations axées sur<br />

le concept <strong>de</strong> la relation : la dépendance,<br />

le lien, l’amour, le <strong>de</strong>stin, le<br />

mariage, le hasard...<br />

Le manque fon<strong>de</strong> une esthétique que<br />

l’on retrouve, par exemple, dans cette<br />

marge <strong>de</strong> chair nue dans le cou <strong>de</strong>s<br />

geishas entre la nuque fardée et les<br />

cheveux, considérée comme éminemment<br />

érotique (fétichisation du<br />

manque ?), et qui organise la recherche<br />

<strong>de</strong> la voie du désir.<br />

La dialectique spatiale intérieur/extérieur<br />

induite par la peur <strong>de</strong> l’étranger<br />

(étranger au sens <strong>de</strong> Camus, que l’on<br />

ne connaît pas, qui est inquiétant, qui<br />

ne se laisse pas incorporer) est motif<br />

d’angoisse et conduit à l’élaboration<br />

d’un système <strong>de</strong> codification très<br />

sophistiqué régulant la relation à l’autre<br />

qui se manifeste, entre autre, dans le<br />

langage, rendant, par-là même, l’accès<br />

à la maîtrise <strong>de</strong> la langue très difficile<br />

pour les étrangers.<br />

C’est que l’homo japonicus est passé<br />

maître dans l’art <strong>de</strong> la dialectique.<br />

On retrouve cette conception <strong>de</strong> la<br />

relation au cœur <strong>de</strong>s relations familiales.<br />

Elle modèle le rapport que l’individu<br />

aura à son environnement.<br />

Dans la société japonaise, bébés et<br />

vieillards bénéficient d’un maximum<br />

<strong>de</strong> liberté et d’indulgence. L’âge adulte<br />

est le moment où la liberté d’agir<br />

est au plus bas. Etre à l’apogée <strong>de</strong> sa<br />

force physique et capable <strong>de</strong> gagner<br />

sa vie ne signifie pas que l’on a liberté<br />

d’action, bien au contraire la rencontre<br />

avec le mon<strong>de</strong> extérieur participe à la<br />

mise en place d’un arsenal contra-phobique<br />

extrêmement puissant pour faire<br />

face à l’angoisse que suscite cette rencontre.<br />

Et, dans un même mouvement,<br />

la société est « une gran<strong>de</strong> famille, donc<br />

dans une gran<strong>de</strong> famille on peut se permettre<br />

<strong>de</strong> rester enfant » (1).<br />

Il existe un sentiment profond <strong>de</strong><br />

continuité qui permet que la dépendance<br />

au père, même si elle se prolonge<br />

à l’âge adulte, ne soit pas objet<br />

<strong>de</strong> honte ou d’humiliation comme ça<br />

peut l’être en occi<strong>de</strong>nt. Par contre, elle<br />

est un poids tant elle engage la responsabilité<br />

<strong>de</strong> l’enfant qui en prenant<br />

la place du père constitue une assurance<br />

sur l’avenir pour celui-ci.<br />

La discipline et l’éducation sont entre<br />

les mains <strong>de</strong>s femmes. Il existe même<br />

une rivalité proverbiale entre les mères<br />

et les grands-mères paternelles au sujet<br />

<strong>de</strong>s enfants. On peut dire que les unes<br />

et les autres font la « cour » à l’enfant et<br />

la grand-mère se sert souvent <strong>de</strong> lui<br />

pour dominer sa belle fille. Ayant, par<br />

ailleurs, la main mise sur son propre<br />

fils. Alors que les mères occi<strong>de</strong>ntales<br />

éduquent leurs enfants très tôt à se<br />

sentir autonomes et responsables <strong>de</strong><br />

soi, les mères japonaises les sollicitent,<br />

au contraire, à s’abandonner au soin et<br />

à l’indulgence qu’elles prodiguent. L’attitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> dépendance ainsi engendrée<br />

serait la source d’une gratification que<br />

l’adulte chercherait à retrouver auprès<br />

<strong>de</strong> ses collègues <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong> ses<br />

supérieurs.<br />

La proximité corporelle est très importante<br />

mais l’enfant ne doit pas dormir<br />

avec sa mère tant qu’il n’est pas assez<br />

grand pour faire preuve d’initiatives.<br />

Lorsqu’il tend les bras et fait connaître<br />

ses exigences, vers un an, alors il dort<br />

avec sa mère, dans ses bras. L’enfant<br />

est, par ailleurs soumis à une gran<strong>de</strong><br />

passivité pour tout ce qui concerne<br />

son développement psychomoteur.<br />

Tous les gestes, postures qu’il aura à<br />

faire sont induits par l’adulte qui le<br />

manipule comme une marionnette.<br />

Traditionnellement, l’enfant ne doit<br />

pas se traîner par terre, il ne doit pas se<br />

mettre <strong>de</strong>bout ou faire ses premiers<br />

pas avant un an. La mère empêche<br />

<strong>de</strong> telles tentatives. Après les trois premiers<br />

jours <strong>de</strong> vie, le bébé peut<br />

prendre le sein à n’importe quel<br />

moment. Pour les Japonais, l’allaitement<br />

est une <strong>de</strong>s jouissances physiques<br />

les plus vives d’une femme et le bébé<br />

apprend à partager la jouissance <strong>de</strong> sa<br />

mère. Le sein est nourriture mais aussi<br />

joie et confort. Le sevrage est tardif,<br />

généralement au moment <strong>de</strong> la naissance<br />

d’un autre enfant. Comment ne<br />

pas penser à l’une <strong>de</strong>s scènes du makimono<br />

intitulé « dix scènes d’amour » (2)<br />

représentant un enfant au sein tandis<br />

que sa mère est en plein acte sexuel !<br />

L’obscénité <strong>de</strong> cette gravure suscite<br />

comme un malaise. Ce mélange<br />

improbable, la confusion <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

sexualités qui ne sauraient se<br />

confondre puisque la génitalité chasserait<br />

l’infantile.<br />

La confusion générationnelle, l’enfant<br />

participant <strong>de</strong> la sexualité <strong>de</strong>s adultes :<br />

transgressions majeures pour nos<br />

esprits occi<strong>de</strong>ntaux. On peut d’ailleurs<br />

se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si la représentation <strong>de</strong>s<br />

sexes dans les estampes, hypertrophiés,<br />

et pas seulement les pénis, ce qui tendrait<br />

à mettre en évi<strong>de</strong>nce qu’il n’y a<br />

pas là qu’un culte phallique, ne serait<br />

pas le résultat d’une vision infantile du<br />

sexe <strong>de</strong>s adultes. Nous sommes l’enfant<br />

voyeur face à la scène primitive.<br />

Attraction, répulsion, les rires fusent<br />

traduisant la gêne et le grotesque d’une<br />

perception improbable. Comment ne<br />

pas penser, encore, aux manga racontant<br />

les mésaventures <strong>de</strong> lolitas en jupe<br />

bleu marine et socquettes blanches<br />

subissant tous les outrages, que <strong>de</strong>s<br />

voyageurs laissent dans les trains sur<br />

leur fauteuil sans sourciller. L’intérêt<br />

pour les très jeunes filles a un nom : le<br />

lolicom contraction <strong>de</strong> lolita complex.<br />

L’enfant, les adultes, quelles limites ?<br />

Jusqu’à 5-6 ans la mère est source <strong>de</strong><br />

plaisirs extrêmes et ininterrompus, l’enfant<br />

peut même passer sur elle ses plus<br />

furieuses colères. C’est sa fonction <strong>de</strong><br />

subir les humeurs <strong>de</strong> l’enfant. De là,<br />

pour l’enfant, à se penser comme seul<br />

et unique objet du désir <strong>de</strong> la mère,<br />

mère toute puissante d’une part, parce<br />

que seule capable <strong>de</strong> satisfaire les<br />

besoins <strong>de</strong> l’enfant, et d’autre part,<br />

parce qu’elle assure à l’enfant une<br />

jouissance au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la satisfaction <strong>de</strong><br />

ces besoins. Adulte, celui-ci en gar<strong>de</strong>ra<br />

un souvenir d’harmonie, noyau qui<br />

encouragera les tentatives régressives.<br />

C’est ainsi que l’ivresse, et ses effets,<br />

rencontrent une indulgence totale dans<br />

la société japonaise.<br />

L’enfant se trouve pris dans une relation<br />

qui l’aliène, sans limite, l’amour<br />

<strong>de</strong> sa mère <strong>de</strong>vient une prison. Il ne<br />

rencontre ni objection ni jugement<br />

face à sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> plaisir. Comment<br />

opérer une séparation d’avec<br />

celle qui lui cè<strong>de</strong> tout ? L’objet est<br />

menaçant et il doit s’en séparer pour<br />

survivre à l’engloutissement.<br />

Il est à noter qu’à l’heure actuelle, au<br />

Japon, la fonction paternelle est si altérée<br />

que la mère a pris les armes du<br />

père pour <strong>de</strong>venir ce que Dominique<br />

Innara nomme « éducastratrice ».<br />

C’est elle qui fait régner la loi au foyer<br />

déserté par son mari, se rapprochant<br />

ainsi <strong>de</strong> la figure <strong>de</strong> la mère phallique.<br />

C’est encore elle qui gère le budget<br />

familial octroyant à son mari <strong>de</strong> l’argent<br />

<strong>de</strong> poche.<br />

Mari qui vit dans la nostalgie du temps<br />

où il était tout pour sa mère, qui bien<br />

<br />

AUTRES CULTURES 11<br />

LIVRES<br />

La question religieuse au<br />

XXI e siècle<br />

Géopolitique et crise <strong>de</strong> la<br />

postmo<strong>de</strong>rnité<br />

Georges Corm<br />

La Découverte, 17 €<br />

La thèse défendue par Georges Corm<br />

est que l’irruption du religieux dans<br />

le champ politique ne s’explique pas<br />

par une résurrection <strong>de</strong>s i<strong>de</strong>ntités religieuses<br />

que les Lumières aurait gommées.<br />

Prolongeant les analyses <strong>de</strong><br />

Hannah Arendt, il décrit la crise <strong>de</strong><br />

légitimité <strong>de</strong>s vieilles démocraties,<br />

minées par les effets <strong>de</strong> la globalisation<br />

économique et financière.<br />

Une crise qui affecte les trois monothéismes,<br />

juif, chrétien et musulman,<br />

contribue à produire les extrémismes<br />

religieux. Pour l’auteur l’archéologie<br />

<strong>de</strong>s violences mo<strong>de</strong>rnes n’est pas à<br />

rechercher dans la Révolution française<br />

et la « Terreur », mais bien plutôt<br />

dans l’Inquisition et le long siècle<br />

<strong>de</strong>s guerres <strong>de</strong> religion en Europe.<br />

C’est donc moins à un « retour du religieux<br />

» que l’on assiste qu’à un<br />

recours au religieux au service d’intérêts<br />

économiques et politiques profanes.<br />

Seules la réhabilitation du patrimoine<br />

<strong>de</strong>s Lumières et la mise en<br />

œuvre <strong>de</strong>s principes républicains à<br />

l’échelle internationale permettront<br />

<strong>de</strong> contrer cette spirale dangereuse<br />

où nous entraînent les élites néoconservatrices<br />

occi<strong>de</strong>ntales et les fondamentalismes<br />

religieux.<br />

La volonté <strong>de</strong> faire science<br />

A propos <strong>de</strong> la psychanalyse<br />

Isabelle Stengers<br />

Les Empêcheurs <strong>de</strong> penser en rond,<br />

9 €<br />

Cette réédition montre que, pour Isabelle<br />

Stengers, le génie <strong>de</strong> Freud est<br />

d’avoir transformé ce qui faisait obstacle<br />

dans l’hypnose, en moteur même<br />

<strong>de</strong> l’intervention clinique : ce qu’il a<br />

appelé le « transfert ». La scène analytique<br />

<strong>de</strong>vient alors le laboratoire<br />

où la névrose <strong>de</strong> transfert, analysable,<br />

se substitue à la névrose ordinaire<br />

qui était incontrôlable. La suggestion,<br />

qui était utilisée par les guérisseurs<br />

avant Freud, <strong>de</strong>vient un instrument<br />

contrôlable. Voilà le coup <strong>de</strong> génie<br />

freudien.<br />

Deux ans avant sa mort, dans Analyse<br />

avec fin, analyse sans fin, Freud<br />

a reconnu les limites <strong>de</strong> l’instrument<br />

qu’il avait ainsi forgé. D’où l’idée que<br />

l’invention freudienne est en rupture<br />

avec toutes les autres techniques doit<br />

être réinterrogée.<br />

Enrique Pichon-Rivière<br />

Une figure marquante <strong>de</strong> la<br />

psychanalyse argentine<br />

Sous la direction d’Eduardo<br />

Mahieu et Martin Reca<br />

L’Harmattan, 12 €<br />

Figure <strong>de</strong> la nuit porteña, danseur <strong>de</strong><br />

tango, footballeur, homme <strong>de</strong> culture,<br />

Enrique Pichon-Rivière (1907-<br />

1977), né à Genève d’une famille française,<br />

émigré dans le Chaco à l’âge<br />

<strong>de</strong> 3 ans, est <strong>de</strong>venu psychiatre à<br />

Buenos Aires, où il a revitalisé la tradition<br />

clinique française.<br />

Psychanalyste, il a été un <strong>de</strong>s fondateurs<br />

<strong>de</strong> la Asociaciòn psicoanalitica<br />

argentina. Enseignant, il a intégré<br />

certains concepts kleiniens avant<br />

<strong>de</strong> s’orienter vers l’élaboration d’une<br />

théorie sur la psychologie sociale.<br />

Il était naturel que l’Association francoargentine<br />

<strong>de</strong> psychiatrie et <strong>de</strong> santé<br />

mentale lui consacre ce recueil qui<br />

s’ouvre et se ferme sur <strong>de</strong>ux textes<br />

importants <strong>de</strong> cet homme faisant lien<br />

entre son pays et celui <strong>de</strong> ses ancêtres.<br />

Ont contribué à cet ouvrage : Salomon Resnik,<br />

Rosa Lopez et Alberto Eiguer avec le concours<br />

<strong>de</strong> Gilberte Gensel, Eduardo Mahieu et Martin<br />

Reca.


12<br />

AUTRES CULTURES<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Désir noma<strong>de</strong><br />

Littérature <strong>de</strong> voyage : regard<br />

psychanalytique<br />

Véronique Elfakir<br />

L’Harmattan, 24,50 €<br />

Ce livre abor<strong>de</strong> la littérature <strong>de</strong> voyage<br />

à travers une approche psychanalytique.<br />

L’attrait pour un continent ou<br />

un pays qui s’exprime à travers le<br />

récit <strong>de</strong> voyage, notamment à partir<br />

du 19 e et du 20 e siècle, <strong>de</strong>ssine les<br />

contours d’une géographie mentale<br />

propre à chaque écrivain qui interroge<br />

en fait ainsi sa propre « étrangeté<br />

intérieure » ou son défaut d’être.<br />

Ainsi, le voyage et son écriture auraient<br />

pour fonction soit <strong>de</strong> relancer<br />

le fantasme et donc le désir par le<br />

biais <strong>de</strong> l’idéalisation <strong>de</strong> l’objet « exotique<br />

», soit <strong>de</strong> prendre valeur <strong>de</strong> passage<br />

à l’acte et <strong>de</strong> symptôme dès lors<br />

qu’il se situe plutôt du côté <strong>de</strong> l’errance.<br />

Cette réflexion s’articule autour <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux axes : dans un premier temps<br />

le voyage est examiné sous l’angle<br />

<strong>de</strong> l’errance et d’une sorte <strong>de</strong> dérive<br />

ou <strong>de</strong> faillite i<strong>de</strong>ntitaire. Dans un second<br />

temps, l’écriture du voyage est<br />

analysée en tant que vecteur <strong>de</strong> sublimation<br />

à travers le « nomadisme »<br />

du désir qui va chercher au loin <strong>de</strong><br />

quoi alimenter son imaginaire et relancer<br />

sa créativité, chez G. <strong>de</strong> Nerval,<br />

A. Rimbaud, I. Eberhardt, V. Segalen,<br />

H. Michaux ou P. Bowles.<br />

Penser imaginer délirer<br />

Psychanalyse et psychose 2006, n°6<br />

Centre <strong>de</strong> Psychanalyse et <strong>de</strong><br />

Psychothérapie Evelyne et Jean<br />

Kestmberg*, 23 €<br />

Penser, délirer, imaginer, trois activités<br />

qui concourent, chacune à sa manière,<br />

et parfois articulées l’une à<br />

l’autre, à l’instauration <strong>de</strong> la continuité-discontinuité<br />

<strong>de</strong> la vie psychique.<br />

Ce numéro <strong>de</strong> Psychanalyse et Psychose<br />

propose différentes approches<br />

<strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> mentalisation, ou plus<br />

largement, <strong>de</strong> la vie psychique, <strong>de</strong><br />

son évolution dans la psychose, <strong>de</strong><br />

ses moments d’égarements ou <strong>de</strong><br />

création.<br />

* Centre E. & J. Kestemberg, 11 rue Albert Bayet,<br />

Paris 13ème - Tél. : 01 40 77 44 68<br />

L’organisation du lexique<br />

mental<br />

Pierre Marquer<br />

L’Harmattan, 25,50 €<br />

Le « lexique mental » qui est l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s représentations que nous avons<br />

<strong>de</strong>s mots <strong>de</strong> notre langue, constitue<br />

un objet d’étu<strong>de</strong> essentiel <strong>de</strong> la psychologie<br />

cognitive contemporaine,<br />

non seulement par son intérêt propre<br />

mais aussi parce qu’il permet <strong>de</strong> mettre<br />

à l’épreuve un certain nombre d’hypothèses<br />

sur l’architecture du système<br />

cognitif.<br />

Après une synthèse <strong>de</strong>s cadres théoriques<br />

utilisés et <strong>de</strong>s connaissances<br />

acquises dans le domaine <strong>de</strong> l’organisation<br />

lexicale et <strong>de</strong> l’accès au<br />

lexique, l’auteur propose une approche<br />

du lexique mental à travers<br />

l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> trois questions la représentation<br />

<strong>de</strong>s contraires, la résolution<br />

<strong>de</strong> l’ambiguïté lexicale et la<br />

compréhension <strong>de</strong>s expressions idiomatiques,<br />

qui fait actuellement l’objet<br />

<strong>de</strong> nombreux travaux.<br />

Sur chacune <strong>de</strong> ces questions, l’ouvrage<br />

comporte une revue critique<br />

<strong>de</strong> la littérature et une présentation<br />

<strong>de</strong> recherches expérimentales. Les<br />

résultats expérimentaux sont mis en<br />

relation avec les choix méthodologiques<br />

et évalués par rapport aux hypothèses<br />

théoriques, pour mettre en<br />

évi<strong>de</strong>nce les invariants <strong>de</strong> l’organisation<br />

lexicale et sa flexibilité en fonction<br />

du contexte.<br />

<br />

souvent méprise cette femme imparfaite,<br />

insatisfaisante quand il ne la hait<br />

pas. Mais cet amour sans bornes n’est<br />

pas sans conditions. Depuis plusieurs<br />

décennies la société japonaise a vu la<br />

famille se réduire au couple conjugal et<br />

les relations entre parents et enfants<br />

leur ambivalence s’amplifier. L’enfant,<br />

souvent unique, <strong>de</strong>vient surinvesti. Ses<br />

échecs sont vécus comme la ruine <strong>de</strong>s<br />

espoirs familiaux.<br />

L’enfant n’obtient pas ce que ses<br />

parents désirent pour lui, il gaspille les<br />

sacrifices consentis pour lui. Ces sacrifices<br />

que la mère a le « courage » <strong>de</strong><br />

faire, elle ne les dissimulera pas à l’enfant.<br />

La stratégie éducative serait une stratégie<br />

<strong>de</strong> non-résistance, <strong>de</strong> sacrifice qui<br />

conduit l’enfant, à un moment ou un<br />

autre, à s’angoisser d’attaquer son objet<br />

d’amour et <strong>de</strong> risquer <strong>de</strong> perdre <strong>de</strong>s<br />

liens qui lui sont indispensables. Le<br />

masochisme maternel induit, chez l’enfant,<br />

la prise <strong>de</strong> conscience du lien qui<br />

donne naissance au surmoi. Surmoi<br />

plus kleinien que freudien car il prend<br />

appui non sur les fantasmes <strong>de</strong> rivalité<br />

et par introjection <strong>de</strong> la fonction<br />

paternelle, mais plutôt dans l’expérience<br />

originaire <strong>de</strong> la pulsion <strong>de</strong> mort,<br />

dans les fantasmes <strong>de</strong> mort <strong>de</strong> la mère.<br />

L’agressivité dissuadée très tôt par la<br />

patience extrême <strong>de</strong> la mère ne peut<br />

pas s’exprimer, elle se contient et se<br />

retourne contre le sujet.<br />

Le sujet japonais est étroitement lié à<br />

son environnement qui est tout son<br />

bien. Il doit exercer sa vigilance contre<br />

lui-même au nom du bien <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong>. S’il le sert bien, il sera indulgent,<br />

protecteur, nourricier. Alors que<br />

dans la plupart <strong>de</strong>s sociétés la famille<br />

fait corps pour protéger l’un <strong>de</strong> ses<br />

membres <strong>de</strong>s critiques ou <strong>de</strong>s attaques<br />

d’un autre groupe, lui donnant ainsi<br />

le sentiment d’être toujours soutenu,<br />

au Japon on n’est assuré du soutien<br />

<strong>de</strong>s siens que dans la mesure où les<br />

autres groupes vous approuvent. Si<br />

l’enfant se met dans une situation<br />

embarrassante, il est rejeté par les siens.<br />

On considère comme une métho<strong>de</strong><br />

éducative d’énoncer à l’enfant <strong>de</strong>s propositions<br />

telles que : « Je vais adopter<br />

ce bébé là qui ne pleure pas. Je veux un<br />

enfant comme lui, il est sage lui. Toi, tu ne<br />

te conduis pas comme tu <strong>de</strong>vrais à ton<br />

âge » ou « Voulez-vous emmener cet<br />

enfant avec vous ? Nous n’en voulons<br />

plus ! » Le visiteur joue le jeu, ou encore<br />

« J’aime mieux ton père que toi. Lui il<br />

est gentil ! » etc... Le sentiment d’avoir<br />

été moqué et la terreur <strong>de</strong> perdre tout<br />

ce qui est sûr et familier fon<strong>de</strong> le rapport<br />

<strong>de</strong> l’enfant à ses proches et au<br />

reste <strong>de</strong> la société. Le sentiment <strong>de</strong><br />

honte ou haji se construit peu à peu.<br />

La honte est liée à la culpabilité lorsque<br />

la mère exprime à l’enfant que son<br />

comportement indispose le mon<strong>de</strong><br />

extérieur mais qu’elle va assumer la<br />

honte <strong>de</strong>s excuses qu’il faudra faire à<br />

sa place. La jalousie oedipienne largement<br />

évitée, le sevrage tardif, l’évitement<br />

<strong>de</strong>s épreuves <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> et <strong>de</strong><br />

Sclérose latérale amyotrophique :<br />

la conférence <strong>de</strong> consensus recomman<strong>de</strong><br />

la mise en place d’une consultation<br />

d’annonce du diagnostic<br />

Le caractère évolutif vers la dépendance et incurable <strong>de</strong> la sclérose latérale amyotrophique<br />

(SLA) nécessite la mise en place d’une consultation spéciale d’annonce<br />

du diagnostic selon le jury <strong>de</strong> la conférence <strong>de</strong> consensus dans ses recommandations.<br />

La SLA est une maladie évolutive dont la survie médiane est <strong>de</strong> 40 mois après<br />

l’annonce du diagnostic. Ce diagnostic peut être ressenti par le patient et son entourage<br />

comme une agression psychologique en raison du caractère inexorable<br />

<strong>de</strong> la maladie.<br />

Les phénomènes psychologiques observés habituellement lors <strong>de</strong> l’annonce d’une<br />

maladie grave se trouvent amplifiés par l’absence <strong>de</strong> traitement curatif. Il est difficile<br />

pour le patient et pour l’entourage <strong>de</strong> renoncer à leurs projets futurs. Or,<br />

l’annonce du diagnostic est une étape « cruciale » dans la prise en charge, point<br />

<strong>de</strong> départ du projet <strong>de</strong> soin établi en partenariat entre l’équipe soignante et le<br />

patient. « Il y a un risque <strong>de</strong> déni et, en conséquence, <strong>de</strong> mauvaise observance du<br />

traitement ».<br />

C’est pourquoi le jury recomman<strong>de</strong> que l’annonce du diagnostic <strong>de</strong> SLA soit<br />

faite dans le cadre d’une consultation dédiée, par le neurologue, tout en rappelant<br />

que le patient peut refuser, temporairement ou définitivement, d’être informé.<br />

Dans ses modalités, cette consultation doit notamment être personnalisée et le<br />

praticien prévoir un temps suffisant. Il est important <strong>de</strong> faire cette annonce préférentiellement<br />

en début <strong>de</strong> semaine afin que les soignants soient disponibles<br />

dans les jours qui suivent pour répondre aux questions et angoisses que suscite<br />

un tel diagnostic.<br />

Rappelant que la pério<strong>de</strong> entre les premières manifestations cliniques et la confirmation<br />

du diagnostic peut être longue, le jury estime qu’il est souhaitable <strong>de</strong> parler<br />

<strong>de</strong> SLA dès que la présomption est suffisante. Il est également important d’expliquer<br />

au patient l’importance du suivi évolutif dans la confirmation du diagnostic.<br />

Penser à la SLA face à une plainte musculaire<br />

Dans ce document, le jury fait également le point sur les critères diagnostiques<br />

<strong>de</strong> SLA, sur les signes d’appel initiaux, les formes <strong>de</strong> diagnostic facile et celles <strong>de</strong><br />

diagnostic plus difficiles, les examens initiaux et complémentaires ainsi que les<br />

diagnostics différentiels.<br />

C’est une maladie <strong>de</strong> diagnostic difficile en raison notamment <strong>de</strong> la multiplicité<br />

<strong>de</strong>s formes cliniques, <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> marqueurs spécifiques et d’une mauvaise<br />

connaissance du corps médical.<br />

Les symptômes musculaires, qui sont les plus fréquents, conduisent à une plainte<br />

que le mé<strong>de</strong>cin généraliste est le plus susceptible d’entendre. En cas <strong>de</strong> suspicion,<br />

le patient doit être adressé à un neurologue libéral ou hospitalier pour confirmer<br />

le diagnostic notamment par un électroneuromyogramme (ENMG).<br />

La probabilité qu’un mé<strong>de</strong>cin généraliste voit un patient atteint <strong>de</strong> SLA dans sa<br />

carrière reste faible, comme pour toute maladie rare, mais il doit envisager ce diagnostic<br />

face à une plainte musculaire, penser que cela peut ne pas être anodin.<br />

Le diagnostic doit être posé le plus tôt possible pour initier rapi<strong>de</strong>ment la prise<br />

en charge, idéalement en lien avec un <strong>de</strong>s 17 centres <strong>de</strong> référence sur la SLA<br />

séparation laissent s’établir une intimité<br />

étroite et culpabilisent l’indépendance<br />

qui fait figure d’ingratitu<strong>de</strong> et<br />

<strong>de</strong> déloyauté, le fautif est l’enfant. Sa<br />

faute n’est pas la transgression mais la<br />

défection. Le lien à la mère prend une<br />

valeur morale. Il se confond aux conditions<br />

<strong>de</strong> survie du groupe. Le sujet est<br />

pris dans un sentiment d’obligation à<br />

l’égard <strong>de</strong>s siens qui ensuite animera<br />

toute sa vie relationnelle. Le « rôle » (3)<br />

bien rempli apaise et conforte. L’individu<br />

s’i<strong>de</strong>ntifie à la fonction qu’il<br />

assume au point <strong>de</strong> s’effacer. Ainsi,<br />

c’est la série parfaitement accomplie<br />

<strong>de</strong>s gestes qui fait l’être, comme le<br />

geste parfait <strong>de</strong> la cérémonie du thé,<br />

pas moins <strong>de</strong> 10 ans pour y parvenir,<br />

ou celui du calligraphe, ou... la liste est<br />

sans fin. Quelle alternative alors entre<br />

une mère menaçante et interdictrice,<br />

porte-parole <strong>de</strong> la fonction symbolique<br />

du père, et une mère séductrice encourageant<br />

la jouissance <strong>de</strong> l’enfant et<br />

bafouant la loi du père et barrant ses<br />

effets structurants ?<br />

Le jeune enfant japonais est très tôt<br />

pris dans les rets d’un système très<br />

complexe régissant le don et le contredon<br />

dans les rapports sociaux et familiaux.<br />

Le moteur interne du désir est :<br />

« le désir <strong>de</strong> rester dans les bonnes grâces<br />

<strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>, donc amae (<strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

d’amour inconditionnelle) ». A l’égard <strong>de</strong><br />

celui qui répond à cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, on<br />

est en <strong>de</strong>tte : On. Cette <strong>de</strong>tte ne peut<br />

s’acquitter. Il faudra répondre aux sacrifices<br />

<strong>de</strong> cette trop bonne mère, payer<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

en retour, en étant parfait, dans son<br />

désir.<br />

La société est donc toute entière prise<br />

dans la dialectique <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte et du<br />

don, du <strong>de</strong>voir et <strong>de</strong> l’amour. Le produit<br />

<strong>de</strong> cette dialectique sera l’harmonie<br />

ou la honte.<br />

L’ambivalence et la confusion qui fon<strong>de</strong>nt<br />

l’éducation font qu’au plus profond<br />

<strong>de</strong> chaque individu rési<strong>de</strong> un<br />

petit dieu qui a pu satisfaire, en toute<br />

impunité, ses pulsions. Cette dualité<br />

permet à chacun d’osciller entre excès<br />

et soumission à l’âge adulte. Le parcours<br />

d’une vie se fera entre timidité et<br />

témérité, soumission et résistance, politesse<br />

et arrogance, discipline et insubordination.<br />

Du point <strong>de</strong> vue occi<strong>de</strong>ntal<br />

: une vie clivée.<br />

Le clivage <strong>de</strong>vient la règle et ne peut<br />

plus être considéré comme une<br />

déviance. Les mécanismes qui fon<strong>de</strong>nt<br />

la perversion : clivage, déni, fétichisme,<br />

sont à l’œuvre dans le rapport<br />

qu’entretient le sujet japonais à luimême<br />

et à son environnement.<br />

Est-ce ce qui nous séduit, nous fascine<br />

? <br />

Charline Ferrand-Bennini*<br />

*Psychologue clinicienne, ethnologue<br />

(1) Yoshi OIDA Acteur.<br />

(2) Shun’ei KATSUKAWA (1762-1819),<br />

Dix scènes d’amour, British Museum.<br />

(3) Georges DE VOS, Le narcissisme <strong>de</strong> rôle.<br />

existant en France qui ont permis un réel progrès médico-social.<br />

Sur le plan <strong>de</strong> la thérapeutique pharmacologique, le seul médicament actif disposant<br />

d’une autorisation <strong>de</strong> mise sur le marché dans la SLA est le riluzole (Rilutek<br />

©, Sanofi-Aventis). Il doit être prescrit « dès le diagnostic suspecté <strong>de</strong> SLA »,<br />

le traitement sera adapté ensuite.<br />

Le jury préconise également <strong>de</strong> prescrire <strong>de</strong> l’alpha-tocophérol ou vitamine E en<br />

association avec le riluzole. Mais cette recommandation a été émise davantage<br />

sur le constat d’une habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> prescription. Cette utilisation est hors AMM -<br />

mais « c’est un produit relativement innocent »- et la commission <strong>de</strong> la transparence<br />

avait conclu en janvier 2000 à l’absence <strong>de</strong> bénéfice supplémentaire à l’ajout d’alpha-tocophérol<br />

au riluzole.<br />

Une prise en charge essentiellement humaine et matérielle<br />

En conséquence, la prise en charge repose essentiellement sur les thérapeutiques<br />

non pharmacologiques, humaines et techniques. Faisant participer le patient et<br />

son entourage, elle vise à maintenir un confort et une qualité <strong>de</strong> vie acceptables<br />

et à prévenir l’isolement social.<br />

Globalement, si la prise en charge pluridisciplinaire a permis d’allonger la durée<br />

<strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s patients et d’en améliorer la qualité, l’histoire naturelle <strong>de</strong> la maladie<br />

n’a pas été modifiée.<br />

La prise en charge <strong>de</strong> la SLA se caractérise par sa pluridisciplinarité qui est d’autant<br />

plus importante que la SLA est une maladie non curative.<br />

Dans ses recommandations, le jury fait le point sur les thérapeutiques physiques,<br />

l’aménagement <strong>de</strong> l’environnement, les soins d’hygiène et <strong>de</strong> confort, l’ai<strong>de</strong> à l’alimentation<br />

et à la communication, la prise en charge psychologique.<br />

Le jury énumère les thérapeutiques médicamenteuses symptomatiques : douleurs,<br />

spasticité, labilité émotionnelle, troubles salivaires, fatigue, dépression et<br />

anxiété, troubles du sommeil, constipation, phlébites et embolies pulmonaires.<br />

Les décisions thérapeutiques sont prises en fonction d’un bilan initial <strong>de</strong> la maladie<br />

puis trimestriel, réalisé idéalement dans un centre <strong>de</strong> référence. Le patient<br />

doit être évalué régulièrement, même lorsqu’il n’y a pas <strong>de</strong> nouvelle plainte, afin<br />

d’anticiper l’évolution du handicap et la décompensation <strong>de</strong>s fonctions vitales.<br />

Est soulignée l’importance <strong>de</strong> discuter <strong>de</strong>s différentes étapes <strong>de</strong> la maladie et <strong>de</strong><br />

ses complications avec le patient et son entourage afin <strong>de</strong> les préparer à accepter<br />

les thérapeutiques <strong>de</strong> suppléance. A un sta<strong>de</strong> plus évolué, la question d’une<br />

gran<strong>de</strong> dépendance et du pronostic vital doit également être abordée, éventuellement<br />

en présence d’une équipe <strong>de</strong> soins palliatifs.<br />

Ces entretiens permettent <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s différentes modalités d’intervention. La<br />

volonté du patient doit être retranscrite dans le dossier <strong>de</strong> suivi qui doit pouvoir<br />

être accessible à tous, notamment aux mé<strong>de</strong>cins réanimateurs et urgentistes, afin<br />

<strong>de</strong> faciliter les soins d’urgence.<br />

Sur la place <strong>de</strong>s traitements <strong>de</strong> suppléance dans la SLA, le jury insiste sur la démarche<br />

collégiale et sur la participation du patient dans la prise <strong>de</strong> décision. Il<br />

précise dans le texte <strong>de</strong> ses recommandations les différentes thérapeutiques d’assistance<br />

nutritionnelle et/ou respiratoire qui peuvent être proposées au patient.<br />

Sur le plan médical, ces recommandations tiennent largement compte <strong>de</strong>s réflexions<br />

menées par les centres <strong>de</strong> référence sur les procédures.<br />

Elles vont permettre <strong>de</strong> renforcer la coordination entre les centres <strong>de</strong> référence<br />

situés à l’hôpital et les soignants <strong>de</strong> ville assurant la prise en charge <strong>de</strong> proximité. <br />

G.M.<br />

* Prise en charge <strong>de</strong> la personne atteinte <strong>de</strong> sclérose latérale amyotrophique, texte court <strong>de</strong> 9 pages<br />

et texte long <strong>de</strong> 49 pages, disponibles sur www.has-sante.fr


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

Le système <strong>de</strong> réadaptation au<br />

Québec : naviguer dans<br />

l’ambiguïté ? (1) 1ère partie<br />

Initialement, on m’a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong><br />

décrire le système canadien <strong>de</strong> réhabilitation.<br />

Après analyse, j’ai décidé <strong>de</strong><br />

changer l’orientation <strong>de</strong> la présentation<br />

parce que d’après moi, un tel système<br />

n’existe pas encore au Canada. La<br />

situation au Québec n’est pas différente.<br />

On n’y trouve pas plus <strong>de</strong> système<br />

<strong>de</strong> réadaptation, mais un système<br />

<strong>de</strong> santé mentale à forte prédominance<br />

institutionnelle et reposant, en priorité,<br />

sur <strong>de</strong>s valeurs et modèles médicaux.<br />

Et dans ce système, il y a un<br />

sous-système <strong>de</strong> services <strong>de</strong>vant permettre<br />

aux personnes souffrant <strong>de</strong><br />

troubles mentaux graves <strong>de</strong> vivre dans<br />

la communauté. Ces services sont<br />

offerts par <strong>de</strong>s ressources institutionnelles<br />

et communautaires traversées<br />

par <strong>de</strong>s tendances très diverses et par<br />

<strong>de</strong>s expériences aussi très diversifiées.<br />

Une <strong>de</strong> ces tendances est la réadaptation<br />

qui se démarque, actuellement,<br />

<strong>de</strong>s autres car elle est maintenant reconnue<br />

politiquement. Le <strong>de</strong>rnier Plan<br />

d’action en santé mentale (http://www.<br />

msss.gouv. qc.ca/documentation/publications.html)adopté<br />

en juin 2005, stipule,<br />

en effet, que « l’ensemble <strong>de</strong>s services<br />

<strong>de</strong>stinés aux personnes ayant <strong>de</strong>s<br />

troubles mentaux graves (TMG)<br />

<strong>de</strong>vraient être offerts dans une perspective<br />

<strong>de</strong> réadaptation » (p. 51).<br />

Mais elle n’est pas la seule source d’inspiration<br />

<strong>de</strong>s ressources offrant ces services<br />

<strong>de</strong> sorte que diverses tendances<br />

co-existent dans ce sous-système : alternatives,<br />

défense <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s usagers,<br />

psychanalytique, psychodynamique,<br />

médical, etc... Une autre particularité<br />

<strong>de</strong> ce sous-système est que les valeurs<br />

qui y sont prônées semblent faire<br />

consensus auprès <strong>de</strong> tous les intervenants<br />

malgré leurs différences idéologiques<br />

et <strong>de</strong> lieux <strong>de</strong> pratique. Ce<br />

constat n’est pas sans effet car il s’en suit<br />

une confusion d’interprétation <strong>de</strong> cellesci.<br />

Tout le mon<strong>de</strong> semble parler <strong>de</strong> la<br />

même chose tout en ne parlant pas <strong>de</strong><br />

la même chose.<br />

Pour mieux comprendre ces particularités,<br />

j’ai choisi <strong>de</strong> ne pas décrire simplement<br />

les services offerts aux personnes<br />

souffrant <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

graves, mais plutôt d’analyser la dynamique<br />

sous-jacente à la dispensation<br />

<strong>de</strong> ces services (2), ce qui nous permettra,<br />

tout <strong>de</strong> même, <strong>de</strong> décrire ces services<br />

comme on me l’avait initialement<br />

<strong>de</strong>mandé. Pour ce faire, nous proposons<br />

une démarche en quatre étapes :<br />

1) l’analyse <strong>de</strong> l’émergence du système<br />

<strong>de</strong> services et <strong>de</strong> ses valeurs ; 2) la<br />

<strong>de</strong>scription <strong>de</strong> ses caractéristiques ; 3)<br />

et <strong>de</strong>s expériences novatrices, ancrées<br />

dans la culture québécoise, qui démontrent<br />

comment certains organismes<br />

actualisent les concepts clés actuellement<br />

prônés par le milieu <strong>de</strong> la réadaptation,<br />

faisant contre-poids à la tendance<br />

générale dans ce milieu <strong>de</strong><br />

s’inspirer prioritairement <strong>de</strong>s expériences<br />

américaines comme modèles ;<br />

4) enfin une brève analyse <strong>de</strong>s enjeux<br />

<strong>de</strong> la réadaptation. Cette démarche<br />

nous permettra <strong>de</strong> comprendre comment<br />

la réadaptation a acquis sa reconnaissance<br />

actuelle, et comment elle se<br />

différencie <strong>de</strong>s autres modèles <strong>de</strong> services<br />

dans le champ <strong>de</strong> la santé mentale<br />

au Québec.<br />

L’émergence du système<br />

<strong>de</strong> services et <strong>de</strong> ses<br />

valeurs<br />

L’acquisition <strong>de</strong> la reconnaissance politique<br />

par la réadaptation est, <strong>de</strong>puis<br />

1962, le fruit d’un long cheminement<br />

jalonné par une Politique <strong>de</strong> santé<br />

mentale et trois rapports ou Plans d’action.<br />

Mais elle est aussi jalonnée par<br />

l’émergence parallèle et la consolidation<br />

d’autres courants <strong>de</strong> pensée et<br />

d’intervention qui ont aussi, en leur<br />

temps, obtenu une reconnaissance politique.<br />

Pour comprendre cette évolution<br />

différentielle, nous examinerons<br />

ces documents à la lumière <strong>de</strong>s valeurs<br />

et <strong>de</strong>s services qu’ils proposent.<br />

Les valeurs<br />

Dans le Tableau 1 sont décrites les<br />

valeurs sur lesquelles se basent ces<br />

documents. En 1962, on parle d’avoir<br />

droit à la même qualité <strong>de</strong> soins que le<br />

mala<strong>de</strong> physique, alors que 25 ans plus<br />

tard, on met l’accent sur la primauté<br />

<strong>de</strong> la personne. En 1998, on parle d’appropriation<br />

du pouvoir, alors que, maintenant,<br />

les mots pouvoir d’agir et <strong>de</strong><br />

rétablissement sont utilisés. Examinons<br />

un peu plus ces notions (cf. le Tableau<br />

2).<br />

Le postulat du rapport <strong>de</strong> la Commission<br />

d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s hôpitaux psychia-<br />

Appel à candidature 2006<br />

Bourses Lilly <strong>Psychiatrie</strong> et Bourses Lilly Neurologie<br />

L’Institut Lilly lance son appel à candidature pour ses 2 bourses en neurologie<br />

et psychiatrie. Axées sur la recherche clinique, ces bourses sont <strong>de</strong>stinées aux<br />

jeunes chercheurs mé<strong>de</strong>cins cliniciens.<br />

L’Institut souhaite ainsi soutenir 6 jeunes chercheurs mé<strong>de</strong>cins cliniciens afin <strong>de</strong><br />

financer en partie une année <strong>de</strong> recherche dans le cadre d’une thèse <strong>de</strong> science<br />

ou d’une année <strong>de</strong> postdoctorat.<br />

Le montant <strong>de</strong> la bourse s’élève à 15 000 € par lauréat (3 boursiers en psychiatrie,<br />

3 en neurologie).<br />

La date limite du dépôt <strong>de</strong> dossier est le 29 mai 2006.<br />

Pour être candidat, il faut :<br />

- être au moins titulaire d’un DEA/Master et être inscrits en thèse <strong>de</strong> science,<br />

- justifier <strong>de</strong> son année postdoctorale par une lettre d’acceptation du directeur<br />

du laboratoire,<br />

- que le projet concerne la recherche clinique.<br />

Les dossiers sont examinés par <strong>de</strong>ux jurys indépendants, composés <strong>de</strong> cinq<br />

membres reconnus dans le domaine <strong>de</strong> la psychiatrie et <strong>de</strong> la neurologie.<br />

Inscriptions exclusivement sur internet : www.institutlilly.com<br />

Pour tout renseignement complémentaire concernant cette bourse, s’adresser à :<br />

Institut Lilly, 13 rue Pagès, 92158 Suresnes. Tél.: 01 55 49 34 16. Fax :<br />

01 55 49 33 08. www.institutlilly.com<br />

triques (1962), « Comme mala<strong>de</strong> mental,<br />

j’ai droit à la même qualité <strong>de</strong> soins<br />

que le mala<strong>de</strong> physique », vise à mettre<br />

fin à la stigmatisation dont le patient<br />

est lui-même victime <strong>de</strong> la part du système<br />

<strong>de</strong> soins. Le livre qui a déclenché<br />

la création <strong>de</strong> cette Commission<br />

d’étu<strong>de</strong>, Les fous crient au secours, écrit<br />

par un ex-patient asilaire, Jean-Charles<br />

Pagé, décrivait très bien le système asilaire<br />

<strong>de</strong> l’époque qui excluait le patient<br />

psychiatrique du système <strong>de</strong> soins, et<br />

les traitements inhumains dont il était<br />

victime.<br />

Tableau 1<br />

Evolution <strong>de</strong>s valeurs sousjacentes<br />

aux politique et aux<br />

plans d’action<br />

(1962) Rapport <strong>de</strong> la Commission<br />

d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s hôpitaux psychiatriques<br />

Comme mala<strong>de</strong> mental,<br />

j’ai droit à la même qualité <strong>de</strong> soins<br />

que le mala<strong>de</strong> physique<br />

(1989) Politique <strong>de</strong> santé mentale<br />

Je suis une personne : pas une maladie<br />

(la primauté <strong>de</strong> la personne)<br />

(1998) Plan d’action pour la transformation<br />

<strong>de</strong>s services <strong>de</strong> santé mentale<br />

Je m’approprie le pouvoir<br />

(2005) Plan d’action en santé<br />

mentale : la force <strong>de</strong>s liens<br />

J’ai le pouvoir d’agir et je me rétablis<br />

Pour déstigmatiser la maladie mentale<br />

et les personnes qui en souffrent, la<br />

Commission propose, entre autres, la<br />

création <strong>de</strong> départements <strong>de</strong> psychiatrie<br />

dans les hôpitaux généraux (au nombre<br />

<strong>de</strong> 70 actuellement), insérant la psychiatrie<br />

dans le système <strong>de</strong> soins général.<br />

Elle suscita aussi <strong>de</strong>s expériences<br />

<strong>de</strong> désinstitutionnalisation inspirées par<br />

la psychiatrie communautaire, permettant<br />

d’expérimenter <strong>de</strong> nouveaux<br />

services comme les rési<strong>de</strong>nces d’accueil,<br />

l’entrai<strong>de</strong>, la réintégration au travail,<br />

etc.Vingt-cinq ans plus tard, soit<br />

en 1989, la Politique <strong>de</strong> santé mentale<br />

qui faisait suite à un comité <strong>de</strong> travail<br />

qui avait conclu que les interventions<br />

étaient mal adaptées aux besoins <strong>de</strong>s<br />

personnes, et que leur milieu <strong>de</strong> vie<br />

n’était pas pris en compte (le rappport<br />

Harnois), insiste sur la nécessité <strong>de</strong> ne<br />

plus considérer la personne comme un<br />

agglomérat <strong>de</strong> symptômes mais<br />

comme une personne à part entière.<br />

L’accent est mis sur la conception <strong>de</strong> la<br />

personne souffrant <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

graves <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s soignants.<br />

La Politique énonce qu’il y a primauté<br />

<strong>de</strong> la personne, ce qui « implique le respect<br />

<strong>de</strong> sa personnalité, <strong>de</strong> sa façon <strong>de</strong><br />

vivre, <strong>de</strong> ses différences et <strong>de</strong>s liens qu’elle<br />

entretient avec son environnement.<br />

C’est également miser sur ses capacités,<br />

tenir compte <strong>de</strong> son point <strong>de</strong> vue, favoriser<br />

sa participation et celle <strong>de</strong> ses<br />

proches. Cette orientation suppose sa<br />

participation dans les décisions qui la<br />

concernent, la prise en considération <strong>de</strong><br />

l’ensemble <strong>de</strong> ses besoins et <strong>de</strong> sa condition<br />

bio-psycho-sociale ainsi que le respect<br />

<strong>de</strong> ses droits ». (p. 23). La politique propose<br />

<strong>de</strong> rechercher <strong>de</strong>s solutions <strong>de</strong><br />

vie dans le milieu <strong>de</strong>s personnes afin<br />

d’y favoriser leur maintien et leur réintégration<br />

sociale, par la création <strong>de</strong><br />

groupes <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong> promotion<br />

<strong>de</strong>s droits (ils sont 15 actuellement),<br />

le financement <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> répit<br />

aux familles et le soutien <strong>de</strong>s familles<br />

(45 groupes familiaux à l’heure actuelle),<br />

et une stratégie d’information pour<br />

« diminuer le caractère stigmatisant associé<br />

aux troubles mentaux ».<br />

Enfin, la Politique reconnaît légalement<br />

les organismes communautaires (plus<br />

d’une centaine actuellement) et la<br />

nécessité <strong>de</strong> les financer. La Politique<br />

crée ainsi le système qui expérimentera<br />

durant les années subséquentes<br />

diverses approches pour maintenir les<br />

personnes dans leur milieu <strong>de</strong> vie. En<br />

résumé, elle vise ainsi à déstigmatiser la<br />

perception <strong>de</strong> la personne et à la sortir<br />

du giron institutionnel.<br />

La réadaptation y est spécifiquement<br />

mentionnée comme complémentaire à<br />

la réintégration sociale. Elle vise « à<br />

développer ou à restaurer les compétences<br />

personnelles et sociales <strong>de</strong> façon à<br />

accroître le niveaux d’autonomie d’une<br />

personne » alors que « la réintégration<br />

sociale en constitue le prolongement »<br />

(Politique <strong>de</strong> santé mentale, p. 44) mais<br />

sans plus <strong>de</strong> précision pour ce <strong>de</strong>rnier<br />

volet. Inspirés par la réadaptation, ces<br />

objectifs se réaliseront par la dispensation<br />

d’un ensemble <strong>de</strong> services allant<br />

<strong>de</strong>s activités à la vie quotidienne jusqu’aux<br />

services abordant le travail et<br />

les étu<strong>de</strong>s. Et une partie <strong>de</strong> ces activités<br />

se fait en vue <strong>de</strong> la réintégration sociale.<br />

Par cette phrase, la Politique campe<br />

les <strong>de</strong>ux tendances fondamentales du<br />

sous-système <strong>de</strong> services au Québec<br />

<strong>de</strong>stiné aux personnes souffrant <strong>de</strong><br />

troubles mentaux graves: un ensemble<br />

<strong>de</strong> services centrés sur la personne<br />

(volet individuel) ou centrés sur la personne<br />

en relation avec son milieu (volet<br />

social).<br />

Mais en 1996 cette Politique est vivement<br />

critiquée par le Vérificateur général<br />

du Québec (l’institution chargée <strong>de</strong><br />

vérifier « l’atteinte, au meilleur <strong>de</strong>gré,<br />

<strong>de</strong>s objectifs ou autres effets recherchés<br />

d’un programme, d’une organisation ou<br />

d’une activité » (http://www.vgq.gouv.<br />

qc.ca/) qui émet un rapport concluant<br />

que « six ans après l’élaboration <strong>de</strong> la<br />

Politique <strong>de</strong> santé mentale, on ne peut<br />

que constater un échec quant au réaménagement<br />

souhaité <strong>de</strong>s ressources en<br />

santé mentale. Un certain recul est même<br />

Tableau 2<br />

Rapport <strong>de</strong> la commission d’étu<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>s hôpitaux psychiatriques (1962)<br />

Comme mala<strong>de</strong> mental, j’ai droit à la<br />

même qualité <strong>de</strong> soins que le mala<strong>de</strong><br />

physique<br />

- Transformation du système asilaire<br />

en un système psychiatrique centré<br />

sur les institutions<br />

- Déstigmatiser la maladie mentale et<br />

les soins du patient psychiatrique<br />

Expériences <strong>de</strong> désinstitutionnalisation<br />

inspirées par la psychiatrie communautaire<br />

Politique <strong>de</strong> santé mentale (1989)<br />

Je suis une personne : pas une maladie<br />

(la primauté <strong>de</strong> la personne)<br />

- Rechercher <strong>de</strong>s solutions dans le<br />

milieu <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s personnes<br />

- Déstigmatiser la conception <strong>de</strong> la<br />

personne<br />

- Réadaptation : « développer ou restaurer<br />

les compétences personnelles<br />

et sociales »<br />

- Réintégration sociale : prolongement<br />

<strong>de</strong> la réadaptation<br />

Plan d’action pour la transformation<br />

<strong>de</strong>s services en santé mentale (1998)<br />

Je m’approprie le pouvoir<br />

- Exercice d’un choix libre et éclairé<br />

au moment <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s décisions<br />

même sur les traitements offerts<br />

- Démarche collective traduite par la<br />

participation à la vie associative<br />

- Être consulté sur les modalités<br />

d’organisation <strong>de</strong>s services<br />

Plan d’action en santé mentale<br />

(2005)<br />

J’ai le pouvoir d’agir et je me rétablis<br />

- Pouvoir d’agir et rétablissement<br />

- Offrir les services <strong>de</strong> suivi, <strong>de</strong> soutien<br />

et d’intégration sociale dans une<br />

perspective <strong>de</strong> réadaptation<br />

<br />

ORGANISATION DES SOINS 13<br />

LIVRES<br />

Traité pratique <strong>de</strong>s réseaux<br />

<strong>de</strong> santé<br />

Stéphanie Barré, Clau<strong>de</strong> Évin,<br />

Pierre-Yves Fouré, Laurent<br />

Houdart, Dominique Larose,<br />

Gilles Poutout, Elsa Ptakhine<br />

Berger-Levrault, 48 €<br />

Ce traité définit le réseau <strong>de</strong> santé,<br />

tel qu’il a été introduit dans le Co<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> la santé publique par la loi du 4<br />

mars 2004, relative aux droits <strong>de</strong>s<br />

mala<strong>de</strong>s et à la qualité du système<br />

<strong>de</strong> santé. Il s’interroge sur la place<br />

<strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> santé au sein du système<br />

<strong>de</strong> santé et sur les diverses modalités<br />

d’intégration <strong>de</strong> ce nouveau<br />

type d’organisation dans les cadres<br />

traditionnels <strong>de</strong> la santé en France.<br />

Les modalités pratiques nécessaires<br />

pour la constitution d’un réseau <strong>de</strong><br />

santé sont complétées par la présentation<br />

commentée d’un « dossierpromoteur<br />

» en annexe.<br />

Puis sont abordés les aspects juridiques,<br />

le financement, les sources<br />

possibles, le type <strong>de</strong> dépenses couvertes<br />

par les différentes sources, les<br />

principales règles budgétaires et comptables,<br />

la nature du contrôle financier,<br />

les relations contractuelles, l’évaluation.<br />

La conclusion cherche à ouvrir un<br />

certain nombre <strong>de</strong> perspectives, non<br />

pas sous la forme d’un développement<br />

théorique mais plutôt sous forme<br />

<strong>de</strong> recommandations.<br />

Gouverner la Sécurité Sociale<br />

Bruno Palier<br />

Presses universitaires <strong>de</strong> France<br />

19,50 €<br />

Chercheur au CNRS et au Centre <strong>de</strong><br />

recherches politiques <strong>de</strong> l’Institut<br />

d’étu<strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> Paris, Bruno<br />

Palier analyse les réformes du système<br />

français <strong>de</strong> protection sociale<br />

<strong>de</strong>puis 1945, à l’occasion <strong>de</strong>s 60 ans<br />

<strong>de</strong> la sécurité sociale. Détaillant le<br />

contenu <strong>de</strong> tous les plans <strong>de</strong> redressement,<br />

il cherche à savoir si ces réformes<br />

ont induit une transformation<br />

profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s principes et <strong>de</strong>s mécanismes<br />

sur lesquels reposait le système<br />

français d’assurances sociales.<br />

STOPP<br />

Suivi Thérapeutique Orienté sur<br />

la Psychose Persistante<br />

Une approche psychologique<br />

pour faciliter le rétablissment<br />

<strong>de</strong>s jeunes adultes présentant un<br />

premier épiso<strong>de</strong> psychotique<br />

Tanya Hermann-Doig, Diana<br />

Mau<strong>de</strong>, Jane Edwards<br />

Retz<br />

Ce livre s’appuie sur les travaux du<br />

centre EPPIC (Centre <strong>de</strong> prévention<br />

et d’intervention pour la psychose<br />

débutante) <strong>de</strong> Melbourne, qui a réalisé<br />

la conceptualisation et le développement<br />

d’un modèle d’intervention<br />

psychologique d’inspiration<br />

cognitive et comportementale visant<br />

au traitement <strong>de</strong> jeunes patients en<br />

phase précoce d’un trouble psychotique.<br />

Exposant les outils développés dans<br />

ce cadre, ce manuel pratique décrit<br />

<strong>de</strong> manière claire et didactique les<br />

programmes <strong>de</strong> traitement psychologique<br />

<strong>de</strong>s symptômes psychotiques.<br />

Ils prennent particulièrement en<br />

compte les spécificités inhérentes<br />

aux premiers sta<strong>de</strong>s d’évolution du<br />

trouble.<br />

Ce livre intéressera les équipes françaises<br />

et francophones qui s’engagent,<br />

<strong>de</strong> plus en plus, dans la prise<br />

en charge cognitive <strong>de</strong> jeunes patients<br />

psychotiques stabilisés, à commencer<br />

par celles qui font appel à<br />

d’autres programmes (comme, par<br />

exemple, IPT).


14<br />

LIVRES<br />

ORGANISATION DES SOINS<br />

Histoire <strong>de</strong>s centres sociaux<br />

Du voisinage à la citoyenneté<br />

Robert Durand<br />

Postface d’Henri Colombani<br />

Préface <strong>de</strong> jacques Eloy<br />

Nouvelle édition<br />

La Découverte, 22 €<br />

Il existe, actuellement, en France plus<br />

<strong>de</strong> 2 000 centres sociaux, implantés<br />

en majorité dans les communes <strong>de</strong><br />

banlieue, les grands ensembles et les<br />

quartiers périphériques <strong>de</strong>s villes.<br />

Cet ouvrage propose <strong>de</strong> rappeler la<br />

longue tradition historique dans laquelle<br />

ils s’inscrivent sur le plan national.<br />

Il a fallu près d’un siècle pour<br />

façonner le centre social tel qu’il existe<br />

aujourd’hui et pour qu’il <strong>de</strong>vienne un<br />

véritable dispositif d’action, d’animation<br />

et d’intervention dans la vie<br />

locale. Plus qu’un simple établissement,<br />

c’est un équipement polyvalent<br />

pour les habitants, leur offrant<br />

la possibilité <strong>de</strong> pratiquer un sport,<br />

<strong>de</strong> s’initier à l’informatique, <strong>de</strong> cuisiner,<br />

<strong>de</strong> consulter les services sociaux,<br />

etc. Cet ouvrage permet <strong>de</strong> découvrir<br />

comment les centres sociaux ont pu<br />

répondre aux problèmes <strong>de</strong> chaque<br />

époque, grâce à l’investissement <strong>de</strong>s<br />

acteurs impliqués : engagement <strong>de</strong>s<br />

intervenants, bien sûr, mais aussi <strong>de</strong>s<br />

habitants <strong>de</strong>s quartiers. Contrairement<br />

aux politiques sociales qui proposent,<br />

généraIement, un traitement<br />

individuel et sectoriel <strong>de</strong>s problèmes,<br />

le centre social développe une approche<br />

collective et globale. C’est pour<br />

cette raison qu’il constitue une forme<br />

originale <strong>de</strong> lutte contre l’exclusion.<br />

La famille : entre<br />

production <strong>de</strong> santé et<br />

consommation <strong>de</strong> soins<br />

Recherches familiales 2006 n°3<br />

Unaf*, 21 €<br />

Que l’on définisse le soin comme une<br />

action médicale stricto sensu ou comme<br />

une action, plus large, qui englobe<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s actes relationnels, psychologiques,<br />

<strong>de</strong> confort, etc. (que les<br />

anglo saxons définissent par le terme<br />

« care »), la famille est un acteur du<br />

système <strong>de</strong> soins. Si nous étudions<br />

son attitu<strong>de</strong> face à la consommation,<br />

sa participation à la régulation économique<br />

du système <strong>de</strong> soins - ou,<br />

inversement, à l’augmentation <strong>de</strong>s<br />

dépenses <strong>de</strong> santé -, les coûts directs<br />

et indirects dont elle assume la charge,<br />

voire son rôle dans les associations,<br />

la famille est, tout d’abord, consommatrice<br />

<strong>de</strong> soins.<br />

Mais elle est également productrice<br />

<strong>de</strong> soins. Qu’il s’agisse d’actions <strong>de</strong><br />

prévention ou d’implication lors d’une<br />

maladie grave ou pas, que les troubles<br />

soient passagers ou chroniques, que<br />

la pathologie soit mentale, physiologique,<br />

ou physique, qu’elle atteigne<br />

<strong>de</strong>s enfants, <strong>de</strong>s adultes ou <strong>de</strong>s personnes<br />

du grand âge, que les soins<br />

aient lieu en établissement ou à domicile,<br />

la famille est présente par les<br />

ressources et les compétences qu’elle<br />

mobilise ou qui sont attendues <strong>de</strong> sa<br />

part.<br />

En définitive, la famille peut être envisagée<br />

comme un <strong>de</strong>s acteurs clés<br />

du système <strong>de</strong> soins elle n’est plus<br />

seulement consommatrice ou productrice,<br />

mais consommatrice et productrice<br />

dans un système sanitaire<br />

où chaque acteur a une place et un<br />

rôle largement redéfinis par les règles<br />

et les politiques publiques dans un<br />

contexte <strong>de</strong> décentralisation <strong>de</strong> la régulation<br />

<strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong> soins et <strong>de</strong> remaniements<br />

<strong>de</strong> la protection sociale.<br />

* Union Nationale <strong>de</strong>s Associations Familiales,<br />

28 place Saint-Georges, 75009 Paris. Tél. :<br />

01 49 95 36 00 - Fax : 01 40 16 12 76. Site<br />

Internet: www.unaf.fr<br />

<br />

observé du fait que les ressources sont<br />

encore plus concentrées dans les traitements<br />

spécialisés » (cité dans Lecomte,<br />

1997, p.18).<br />

En 1998 paraît le Plan d’action pour la<br />

transformation <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> santé mentale<br />

(http://www.msss.gouv.qc.ca/ documentation/publications.html)<br />

qui priorise<br />

comme clientèle les personnes<br />

souffrant <strong>de</strong> troubles mentaux graves.<br />

Il énonce, comme principe général,<br />

l’appropriation du pouvoir par la personne<br />

sur son <strong>de</strong>stin c’est-à-dire « l’exercice<br />

d’un choix libre et éclairé au moment<br />

<strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s décisions à <strong>de</strong>s étapes<br />

cruciales <strong>de</strong> sa vie », même sur les traitements<br />

qui lui sont offerts. « L’appropriation<br />

du pouvoir comme démarche<br />

collective se traduit par la participation à<br />

la vie associative, telle qu’elle s’est développée<br />

dans les organismes communautaires<br />

en santé mentale. L’usager ou<br />

l’usagère sont consultés sur les modalités<br />

d’organisation <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> santé mentale,<br />

que ce soit en établissement ou en<br />

milieu communautaire. La défense <strong>de</strong>s<br />

droits <strong>de</strong>s usagères et <strong>de</strong>s usagers constitue<br />

d’ailleurs un <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> cette<br />

démarche collective d’appropriation du<br />

pouvoir » dit le Plan d’action (p.17). Le<br />

Plan d’action énumère ensuite les divers<br />

services pour soutenir la personne dans<br />

la communauté (cf. le Tableau 4). Les<br />

mots réadaptation et réintégration sociale<br />

n’y sont toutefois pas mentionnés.<br />

Le principe <strong>de</strong> ce Plan d’action sera<br />

considéré par certains groupes comme<br />

au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la réadaptation et <strong>de</strong> la réintégration<br />

sociale. C’est la reconnaissance<br />

<strong>de</strong> la citoyenneté à part entière.<br />

Finalement, pour répondre aux critiques<br />

du Vérificateur général, le Plan<br />

d’action propose le fameux 60-40 soit<br />

que 60% <strong>de</strong>s dépenses publiques en<br />

santé mentale soient consacrés à <strong>de</strong>s<br />

services offerts dans la communauté.<br />

Ce Plan d’action vise à déstigmatiser<br />

la perception <strong>de</strong> la personne comme<br />

ayant perdu sa citoyenneté à cause <strong>de</strong><br />

sa maladie.<br />

En décembre 2003, à nouveau le Vérificateur<br />

général du Québec émet un<br />

rapport, encore très critique vis-à-vis<br />

ce Plan d’action et la Politique <strong>de</strong> santé<br />

mentale (http://www.vgq.gouv.qc.ca/<br />

HTML/Rapports.html). Il mentionne<br />

que seulement 24% <strong>de</strong>s recommandations<br />

<strong>de</strong> 1996 ont été mises en application.<br />

Tout en reconnaissant que certains<br />

progrès ont été faits, il dénonce le<br />

manque <strong>de</strong> ressources financières<br />

allouées pour la transformation <strong>de</strong>s services,<br />

et le fait « que les ressources (rési<strong>de</strong>ntielles)<br />

disponibles sont peu variées<br />

et mal adaptées aux nouvelles pratiques<br />

en santé mentale » (p.16). Malgré certains<br />

progrès comme la diminution <strong>de</strong><br />

lits psychiatriques, le rapport confirme<br />

que 76% <strong>de</strong>s ressources financières<br />

sont encore concentrées dans les hôpitaux<br />

psychiatriques et les départements<br />

<strong>de</strong> psychiatrie <strong>de</strong>s hôpitaux généraux.<br />

Les organismes communautaires reçoivent,<br />

pour leur part, seulement 6% du<br />

budget. Les organismes institutionnels<br />

monopolisent ainsi la majorité <strong>de</strong>s ressources<br />

financières et humaines, et sont<br />

en mesure d’imposer leurs valeurs et<br />

modèles d’intervention. Toutefois, il ne<br />

semble pas que ces valeurs et modèles<br />

correspon<strong>de</strong>nt aux modèles nouveaux<br />

prônés par la réadaptation selon le Vérificateur<br />

général.<br />

Le Plan d’action en santé mentale <strong>de</strong><br />

2005 est la réponse du gouvernement<br />

à ce rapport. Vu son adoption très<br />

récente, nous nous y attar<strong>de</strong>rons un<br />

peu plus. Pour les services <strong>de</strong>stinés aux<br />

personnes souffrant <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

graves, le Plan cible en priorité les<br />

services <strong>de</strong> suivi, <strong>de</strong> soutien et d’intégration<br />

sociale qui « <strong>de</strong>vraient être offerts<br />

dans une perspective <strong>de</strong> réadaptation »<br />

(p.51) (cf. Tableau 4). Le Plan indique,<br />

clairement, son orientation mais sans<br />

la rendre obligatoire : se référer aux<br />

valeurs, aux principes et aux modèles<br />

<strong>de</strong> la réadaptation mais non exclusivement.<br />

Le Plan reconnaît, également,<br />

que « plusieurs organismes communautaires<br />

offrent <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> réadapta-<br />

tion » (p.51) mais sans préciser leurs<br />

orientations. Le Plan d’action ne choisit<br />

donc pas d’élaborer un système <strong>de</strong><br />

services fondés exclusivement sur la<br />

réadaptation. En filigrane, il reconnaît<br />

implicitement l’existence d’autres perspectives<br />

que celles <strong>de</strong> la réadaptation,<br />

et l’impossibilité d’offrir adéquatement<br />

dans la communauté <strong>de</strong>s services aux<br />

personnes souffrant <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

graves, sans l’apport <strong>de</strong>s organismes<br />

communautaires.<br />

Comment est définie la réadaptation (3)<br />

dans ce Plan d’action ? « La réadaptation<br />

est le processus qui facilite le retour d’un<br />

individu à un niveau optimal <strong>de</strong> fonctionnement<br />

autonome dans la communauté.<br />

Alors que la nature du processus<br />

et les métho<strong>de</strong>s utilisées peuvent varier,<br />

la réadaptation encourage invariablement<br />

les personnes à participer activement<br />

avec d’autres à l’atteinte <strong>de</strong>s buts<br />

concernant la santé mentale ou la compétence<br />

sociale » (p. 51, tiré <strong>de</strong> Kovess<br />

et al. (2001) (4). Cette définition insiste<br />

donc sur les compétences individuelles<br />

et les soutiens pour y parvenir. Par la<br />

suite, le Plan d’action élargit, pourrait-on<br />

dire, cette définition en parlant <strong>de</strong>s ser-<br />

vices d’intégration sociale, spécifiquement<br />

<strong>de</strong>s services rési<strong>de</strong>ntiels et <strong>de</strong> l’intégration<br />

au travail. Il insiste sur la collaboration<br />

intersectorielle entre les<br />

ministères nécessaire pour favoriser<br />

cette intégration sociale et permettre<br />

à ces personnes d’exercer leur citoyenneté.<br />

Aux compétences individuelles, le Plan<br />

d’action ajoute un volet social (5).<br />

Cette définition <strong>de</strong> la réadaptation du<br />

Plan d’action est en continuité avec<br />

celle <strong>de</strong> 1989. Elle met en scène <strong>de</strong>ux<br />

tendances, individuelle et sociale, dont<br />

l’importance fera l’objet d’une interprétation<br />

différentielle <strong>de</strong>s intervenants<br />

selon leur lieu d’appartenance.<br />

Globalement, le Plan d’action <strong>de</strong> 2005<br />

semble marquer un changement<br />

d’orientation par rapport au Plan d’action<br />

<strong>de</strong> 1998 qui prônait la réappropriation<br />

du pouvoir. Il prône comme<br />

principes <strong>de</strong> base le pouvoir d’agir <strong>de</strong> la<br />

personne et son rétablissement qui est<br />

la « croyance dans les capacités <strong>de</strong>s personnes<br />

<strong>de</strong> prendre le contrôle <strong>de</strong> leur vie<br />

et <strong>de</strong> leur maladie » (p.15). En conséquence,<br />

le système <strong>de</strong> soins est invité à<br />

« soutenir les personnes atteintes d’un<br />

ACTION SOCIALE ET SANTE MENTALE :<br />

mariage d’amour ou mariage arrangé ?<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

trouble mental en les aidant à réintégrer<br />

leur rôle en société, malgré l’existence<br />

chez elles <strong>de</strong> symptômes ou <strong>de</strong> handicaps<br />

». La visée est, maintenant, d’améliorer<br />

leurs compétences et <strong>de</strong> les soutenir<br />

pour qu’elles puissent exercer<br />

leurs rôles et retrouver une place dans<br />

la société. Malgré une reconnaissance<br />

<strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> l’appropriation du<br />

pouvoir, <strong>de</strong>s organismes communautaires<br />

et <strong>de</strong> la défense <strong>de</strong>s droits, et <strong>de</strong><br />

la lutte contre la stigmatisation, le Plan<br />

d’action propose semble-t-il un changement<br />

<strong>de</strong> perspective : se centrer sur<br />

l’individu et <strong>de</strong> le préparer à jouer un<br />

rôle <strong>de</strong> citoyen. Le Plan d’action parle<br />

certes d’intégration sociale, <strong>de</strong> soutenir<br />

l’appropriation du pouvoir (p.13),<br />

mais ne parle plus <strong>de</strong> « démarche collective<br />

d’appropriation du pouvoir »<br />

comme le précé<strong>de</strong>nt Plan d’action. En<br />

ce sens, il omet <strong>de</strong> mentionner Le<br />

Gui<strong>de</strong> pour le développement <strong>de</strong>s<br />

compétences en santé mentale, produit<br />

par le ministère <strong>de</strong> la Santé et <strong>de</strong>s<br />

services sociaux en février 2004, afin <strong>de</strong><br />

mettre en pratique cette démarche collective<br />

d’appropriation du pouvoir par<br />

les intervenants et les gestionnaires. Le<br />

Depuis longtemps déjà, les relations entre « le sanitaire » (dont le champ <strong>de</strong> la santé mentale) et « le social » (en incluant<br />

le secteur médico-social), font l’objet <strong>de</strong> discours convenus. Qu’en est-il au aujourd’hui <strong>de</strong>s réalisations concrètes<br />

d’articulations entre ces <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s ? De nombreux rapports accompagnent <strong>de</strong>s textes législatifs et réglementaires<br />

qui viennent illustrer une nette évolution <strong>de</strong>s politiques publiques sur ce point. Mais dans la réalité ? Que sont <strong>de</strong>venues<br />

les expérimentations dont il a été question dans les dix <strong>de</strong>rnières années ? Comment se nouent dans la durée,<br />

tant bien que mal, <strong>de</strong>s coopérations qui paraissent indispensables pour les personnes en souffrance psychique ? Comment<br />

favoriser les expériences nouvelles ? Au moment où sont publiés le Plan Santé mentale et le rapport du Conseil<br />

supérieur du travail social sur « le décloisonnement du sanitaire et du social », comment faire avancer les projets sous<br />

l’angle <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s professionnels ?<br />

L’organisation <strong>de</strong> ce Forum s’inscrit dans la poursuite <strong>de</strong>s collaborations entre les différents organisateurs et vise à témoigner,<br />

par ses modalités et par les intervenants sollicités, d’une volonté forte <strong>de</strong> mettre en synergie <strong>de</strong>s moyens et<br />

<strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>s projets durables.<br />

Mardi 30 mai 2006 à l’IRTS site <strong>de</strong> Montrouge<br />

9 h : Présentation du Forum par Marcel Jaeger, IRTS et Gérard Massé, MNASM<br />

9 h 30 : Table ron<strong>de</strong> « Les réseaux : mise en place et financement »<br />

Animation : Dr Clau<strong>de</strong> Laguillaume, Coordination nationale <strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> santé<br />

- Laurent El Ghozi, Maire-adjoint à Nanterre, chargé <strong>de</strong> la santé, <strong>de</strong> la prévention et <strong>de</strong>s personnes<br />

handicapées, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’association « Elus, Santé Publique et Territoire »<br />

- Jérôme Guedj, Vice-Prési<strong>de</strong>nt du Conseil général <strong>de</strong> l’Essonne, chargé <strong>de</strong>s solidarités et <strong>de</strong> la lutte<br />

contre les discriminations et un réprésentant <strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong>s Lieux <strong>de</strong> Vie Essoniens<br />

- Annick Deveau, Directrice-adjointe <strong>de</strong> la DRASS d’Ile-<strong>de</strong>-France<br />

- Evelyne Sylvain, responsable du pôle département « établissements et services médico-sociaux » à la<br />

CNSA<br />

- Pierre Larcher, DGAS<br />

- Maryvonne Lyasid, adjointe au Directeur général <strong>de</strong> la Fondation caisses d’épargne pour la solidarité<br />

12 h 30 : Repas libre<br />

14 h 30 : Présentation d’expériences<br />

Animation : Brigitte Cheval, ETSUP<br />

- Jean-Clau<strong>de</strong> Bonnin, Association <strong>de</strong> Réadaptation et d’Insertion Sociale, Yvelines<br />

- Mériam Smires, Marie-France Epagneul, Clau<strong>de</strong> Fernan<strong>de</strong>z, Jacques Piant, Réseau REPIES<br />

15 h 30 : Conférence <strong>de</strong> Marcel Gauchet, philosophe, EHESS<br />

Mercredi 31 mai 2006 au Centre hospitalier Sainte Anne (amphi CMME), Paris 14e<br />

9 h : Présentation d’expériences<br />

Animation : Serge Kannas, MNASM<br />

- Jean-Yves Châtaignier, ESAT Mondoloni, Gonesse (APAJH 95)<br />

- Jean-Paul Arveiller, Réseau « Santé-précarité » à Sainte-Anne, Paris<br />

- Sylvie Loichet, Dr Charpentier, Dr Bernard Voizot, ROSMES 94<br />

- Denis Roume, Réseau Sud Yvelines<br />

- Saïd Acef, Réseau <strong>de</strong> santé AURA 77<br />

- Monique Lips, cadre socio-éducatif, EPSM <strong>de</strong> Lille : « formation, action et précarité en santé mentale »<br />

12 h : Repas libre<br />

14 h : Présentation d’expériences<br />

Animation : John Ward, IRTS<br />

- Dr Marie-Christine Cabié, MNASM et Mme Rimbert, ASSAD-RM : « Les appartements avec<br />

gouvernantes », Melun<br />

- Jacques Houver, cadre socio-éducatif au centre hospitalier Le Vinatier, et Pierre Mercier, Directeur <strong>de</strong><br />

l’association Habitat et humanisme Rhône : « Santé mentale et logement dans le Rhône : comment<br />

mieux habiter la ville ensemble »<br />

- Sarah Saragoussi, « Santé mentale et logement », Paris 9e,12e et 18e<br />

15 h 30 : Table ron<strong>de</strong> « Préalables et enjeux <strong>de</strong>s formations »<br />

Animation : Geneviève Crespo, ETSUP<br />

- Jacques Riffault, IRTS<br />

- Martine Dutoit, « La formation <strong>de</strong>s personnes ressources pour les usagers <strong>de</strong>s GEM »<br />

- Olivier Huet, IRTS<br />

- Danièle Roche, Conseil Régional d’Ile-<strong>de</strong>-France<br />

16 h 30 : Conclusions<br />

Inscription au 01 40 92 35 01 ou fc.irts-idf.m@gni.asso.fr - 60 euros - Nombre <strong>de</strong> places limité


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

Plan d’action a choisi <strong>de</strong> ne pas être<br />

proactif à cet égard, contrairement au<br />

précé<strong>de</strong>nt Plan d’action.<br />

Si on envisage, maintenant, ces documents<br />

selon une perspective longitudinale,<br />

on peut constater un mouvement<br />

en alternance (cf. Tableau 3). Le<br />

premier rapport <strong>de</strong> 1962 insiste sur<br />

l’insertion <strong>de</strong> la personne dans le milieu<br />

<strong>de</strong>s soins (volet social) alors que la Politique<br />

<strong>de</strong> 1989 insiste sur la conception<br />

<strong>de</strong> la personne (volet individuel).<br />

Le Plan d’action <strong>de</strong> 1998 insiste, à nouveau,<br />

sur l’aspect social, se réapproprier<br />

le pouvoir comme citoyen, alors<br />

que le <strong>de</strong>rnier Plan d’action <strong>de</strong> 2005<br />

revient à la conception <strong>de</strong> la personne<br />

: une personne qui peut se rétablir.<br />

Donc une alternance entre le social et<br />

l’individu, mais en ayant toujours en<br />

filigrane l’autre perspective.<br />

Un <strong>de</strong>uxième point que l’on peut<br />

observer est la reconnaissance différentielle<br />

<strong>de</strong> diverses orientations idéologiques<br />

selon les rapports. Ainsi, en<br />

1962, le modèle psychiatrique hospitalier<br />

gagne sa reconnaissance. La psychiatrie<br />

gravite autour <strong>de</strong>s institutions,<br />

centre <strong>de</strong> gravité dont le système <strong>de</strong><br />

santé mentale n’est pas encore sorti.<br />

En 1989, la reconnaissance politique<br />

favorise les organismes communautaires<br />

: défense <strong>de</strong>s droits, familles et<br />

alternatives. Mais ces <strong>de</strong>rnières n’ont<br />

pas réussi à faire reconnaître leur dénomination<br />

à cause <strong>de</strong> sa portée contestatrice.<br />

En 1998, le Plan d’action<br />

cherche à diminuer le pouvoir du<br />

milieu hospitalier alors que le milieu<br />

communautaire (alternatif et défense<br />

<strong>de</strong>s droits) voit confirmer ses valeurs<br />

sociales. Mais l’année 2005 marque<br />

un retour vers <strong>de</strong>s valeurs individuelles<br />

avec la reconnaissance politique <strong>de</strong> la<br />

réadaptation.<br />

Tableau 3<br />

Reconaissance sociale<br />

Rapport <strong>de</strong> la Commission d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

hôpitaux psychiatriques (1962)<br />

Volet social<br />

Reconnaissance milieux hospitaliers<br />

Politique <strong>de</strong> santé mentale (1989)<br />

Volet individuel<br />

Reconnaissance <strong>de</strong>s organismes communautaires<br />

(alternatives, familles,<br />

défense <strong>de</strong>s droits)<br />

Plan d’action pour la transformation<br />

<strong>de</strong>s services <strong>de</strong> santé mentale (1998)<br />

Volet social<br />

Reconnaissance <strong>de</strong>s organismes communautaires<br />

Plan d’action en santé mentale : la<br />

force <strong>de</strong>s liens (2005)<br />

Volet individuel<br />

Reconnaissance <strong>de</strong> la réadaptation<br />

Les services<br />

Comment soutenir les adultes ayant<br />

un trouble mental grave pour qu’il y<br />

ait « restauration <strong>de</strong>s rôles » comme le<br />

propose le Plan d’action ? Le rapport<br />

Bédard avait recommandé, en 1962,<br />

une série <strong>de</strong> services qui se sont révélées<br />

après coup d’avant-gar<strong>de</strong>. Par la<br />

suite, durant les années 80, s’est élaboré<br />

aux Etats-Unis un système <strong>de</strong> soutien<br />

communautaire pour les personnes<br />

aux prises avec <strong>de</strong>s troubles mentaux<br />

sévères (Turner et Ten Hoor, 1978).<br />

Ce système prévoit une série <strong>de</strong> 13<br />

services afin <strong>de</strong> permettre à ces personnes<br />

<strong>de</strong> vivre dans la communauté.<br />

Par la suite, les penseurs <strong>de</strong> la réadaptation<br />

font leurs ces services au point<br />

où ces services sont conçus comme<br />

<strong>de</strong>s services <strong>de</strong> réadaptation. Certes<br />

oui mais <strong>de</strong>s services aussi utilisés par<br />

d’autres courants.<br />

Même si on n’en parle plus au Québec,<br />

le système <strong>de</strong> soutien communautaire<br />

est <strong>de</strong>meuré la référence <strong>de</strong> base pour<br />

catégoriser ces services qui se divisent<br />

en <strong>de</strong>ux parties : services généraux et<br />

services <strong>de</strong> base (cf. Tableau 4).<br />

La poursuite <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s autres<br />

Politique et Plan d’action permet <strong>de</strong><br />

constater que ces <strong>de</strong>rniers recomman<strong>de</strong>nt<br />

un ensemble <strong>de</strong> services afin <strong>de</strong><br />

mieux <strong>de</strong>sservir cette population dans<br />

la lignée du rapport Bédard et du système<br />

<strong>de</strong> soutien communautaire.<br />

Le tableau 4 permet <strong>de</strong> visualiser les<br />

services recommandés par les Politiques<br />

et Plans d’action. Comme il le<br />

démontre, d’un rapport à l’autre, ce<br />

sont les mêmes services qui sont<br />

recommandés. Ce qui les différencie<br />

est le vocabulaire et la finalité spécifique<br />

<strong>de</strong>s ressources. Il y a donc consensus<br />

sur les services pour <strong>de</strong>sservir les<br />

personnes souffrant <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

graves. En résumé, s’est constitué<br />

au Québec au gré <strong>de</strong>s rapports, Politiques<br />

et Plans d’action en santé mentale,<br />

un système <strong>de</strong> services <strong>de</strong>stinés<br />

aux personnes souffrant <strong>de</strong> troubles<br />

mentaux graves qui reposent sur <strong>de</strong>s<br />

valeurs individuelles et sociales dont<br />

l’importance varie selon les pério<strong>de</strong>s.<br />

Ce système <strong>de</strong> services est congruent<br />

avec celui qui est prôné par les tenants<br />

<strong>de</strong> la réadaptation. Nous examinerons<br />

maintenant plus en détails les caractéristiques<br />

<strong>de</strong> ce système qui vont nous<br />

permettre <strong>de</strong> mieux comprendre les<br />

tendances <strong>de</strong> ce milieu et prélu<strong>de</strong>rons<br />

à <strong>de</strong>s expériences novatrices. Cette<br />

analyse nous permettra <strong>de</strong> constater<br />

que ces valeurs ne sont pas exclusives<br />

aux ressources <strong>de</strong> réadaptation, étant<br />

partagées par un ensemble <strong>de</strong> ressources<br />

provenant d’horizons fort différents.<br />

Il en est <strong>de</strong> même pour les services<br />

qui sont dispensés par <strong>de</strong>s<br />

ressources à la philosophie d’intervention<br />

aussi fort différentes.<br />

Caractéristiques du<br />

sous-système <strong>de</strong><br />

services<br />

Nous abordons trois caractéristiques<br />

qui sous-ten<strong>de</strong>nt la dynamique <strong>de</strong> ce<br />

système <strong>de</strong> services TMG : la sédimentation,<br />

la diversification <strong>de</strong>s philosophies<br />

et le modèle théorique.<br />

Sédimentation<br />

Comme dit précé<strong>de</strong>mment, <strong>de</strong>s ressources<br />

institutionnelles et/ou communautaires<br />

ont été progressivement<br />

reconnues par les documents ministériels<br />

au cours <strong>de</strong>s 50 <strong>de</strong>rnières années.<br />

Il s’en suit que le système <strong>de</strong> services<br />

TMG s’est constitué par sédimentation,<br />

c’est-à-dire qu’au cours <strong>de</strong>s ans, <strong>de</strong>s<br />

services se sont créés et sont <strong>de</strong>meurés<br />

en place (6) <strong>de</strong>puis leur création. Cela a<br />

pour effet <strong>de</strong> faire coexister diverses<br />

conceptions <strong>de</strong>s personnes et diverses<br />

théories, approches et métho<strong>de</strong>s plus<br />

Tableau 4 : Système <strong>de</strong> services<br />

ou moins congruentes avec la réadaptation.<br />

Diversification <strong>de</strong>s philosophies<br />

Dispensateurs <strong>de</strong>s services TMG<br />

Comme on a pu voir, les services TMG<br />

sont offerts par divers réseaux. Il y a<br />

certes les ressources hospitalières et<br />

institutionnelles qui y jouent un rôle<br />

très important par le biais <strong>de</strong>s centres<br />

<strong>de</strong> jour, <strong>de</strong>s cliniques spécialisées, <strong>de</strong>s<br />

cliniques externes <strong>de</strong> psychiatrie, <strong>de</strong>s<br />

programmes intensifs <strong>de</strong> réadaptation<br />

dans les unités <strong>de</strong> soins pour personnes<br />

aux psychoses réfractaires, etc. et <strong>de</strong>s<br />

professionnels comme les ergothérapeutes<br />

qui se sont faits une spécialité<br />

<strong>de</strong>s approches réadaptatives. Il y a aussi<br />

<strong>de</strong>s organismes communautaires (plus<br />

d’une centaine) qui dispensent ces services<br />

comme le mentionne le Plan d’action<br />

2005. La question qui se pose<br />

alors : est-ce que ces organismes partagent<br />

les mêmes valeurs? Mais auparavant,<br />

regardons seulement pour<br />

démonstration les organismes communautaires<br />

qui offrent <strong>de</strong>s services<br />

TMG, ressources sur lesquelles nous<br />

nous concentrerons pour la démons-<br />

Rapport Un système Politique <strong>de</strong> Plan Plan<br />

Bédard <strong>de</strong> soutien santé mentale d’action d’action<br />

(1962) communautaire (1989) (1998) (2005)<br />

1. Services généraux<br />

X 1.1 Services X X X<br />

d’intervention <strong>de</strong> crise (7)<br />

X 1.2 Traitement X X X<br />

X 1.3 Protection et<br />

défense <strong>de</strong>s droits (8) X X X<br />

X 1.4 Hospitalisation X X X<br />

2. Composante <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> réadaptation<br />

X 2.1 Sociale X X X<br />

X 2.2 Travail et étu<strong>de</strong>s (9) X X PRIORITAIRE<br />

X 2.3 Rési<strong>de</strong>ntielle (10) X X PRIORITAIRE<br />

2.4 Information à propos X X X<br />

<strong>de</strong> la maladie mentale (11)<br />

2.5 Information à propos<br />

<strong>de</strong> la médication (12)<br />

X 2.6 Soins médicaux et X X X<br />

<strong>de</strong>ntaires<br />

2.7 Soutien familial (13) X X X<br />

X 2.8 Soutien par les pairs X X X<br />

2.9 Soutien X X PRIORITAIRE<br />

communautaire (14)<br />

tration. Nous postulons que le réseau<br />

institutionnel offre aussi ces services<br />

mais <strong>de</strong> façon variable selon les institutions<br />

et les régions. Les divers documents<br />

ministériels dénoncent, en effet,<br />

la distribution inéquitable <strong>de</strong>s ressources<br />

entre les régions du Québec.<br />

Nous avons constitué un tableau<br />

(Tableau 5) qui décrit, par regroupement<br />

ou association, le pourcentage<br />

<strong>de</strong>s ressources communautaires<br />

membres qui offrent ces services. Nous<br />

en avons retenu <strong>de</strong>ux pour la démonstration<br />

(15). Son analyse montre que les<br />

membres du RRASMQ offrent presque<br />

toute la gamme <strong>de</strong> services du système<br />

<strong>de</strong> services, exception faite <strong>de</strong> l’hospitalisation<br />

et <strong>de</strong>s soins médicaux et <strong>de</strong>ntaires.<br />

Cette différence s’explique par le<br />

fait que <strong>de</strong>s ressources institutionnelles<br />

sont membres <strong>de</strong> l’AQRP. Donc, les<br />

services prévus dans le système <strong>de</strong> services<br />

sont offerts par <strong>de</strong>s ressources<br />

appartenant à divers réseaux d’intervention<br />

aux philosophies différentes.<br />

Consensus formel au sujet <strong>de</strong>s valeurs<br />

Est-ce que ces organismes communautaires<br />

partagent les mêmes valeurs ?<br />

Le tableau 6 permet d’y répondre.<br />

Comme la réadaptation est proposée<br />

comme modèle dans le Plan d’action<br />

pour les services TMG, nous avons<br />

retenu les valeurs prônées par l’AQRP<br />

sur son site comme point <strong>de</strong> référence,<br />

et les avons comparées aux documents<br />

officiels produits par le RRAMQ et<br />

l’AGGID. Le tableau 6 nous permet<br />

<strong>de</strong> constater que les dix valeurs prônées<br />

par l’AQRP font l’objet d’un<br />

consensus <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s trois groupes,<br />

même si elles se réclament d’orientations<br />

différentes.<br />

En résumé, les services du système<br />

TMG sont offerts par <strong>de</strong>s ressources<br />

appartenant à <strong>de</strong>s réseaux différents<br />

qui se réclament <strong>de</strong>s mêmes valeurs.<br />

Mais au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce consensus sur les<br />

valeurs, est-ce que ces ressources offrent<br />

<strong>de</strong>s services dans une perspective <strong>de</strong><br />

réadaptation comme le stipule le Plan<br />

d’action (2005, p. 51) ? Ancrés dans<br />

<strong>de</strong>s cultures très différentes, comment<br />

les intervenants <strong>de</strong>s réseaux communautaire<br />

et institutionnel peuvent-ils<br />

appréhen<strong>de</strong>r, par exemple, le concept<br />

d’appropriation du pouvoir, du rétablissement?<br />

Comment conçoivent-ils<br />

le suivi communautaire, l’hébergement<br />

? Comment envisagent-ils la<br />

médication ?<br />

Différences idéologiques<br />

À première vue, l’on pourrait croire<br />

que les conceptions seraient les mêmes<br />

puisque tous semblent adhérer aux<br />

même concepts et aux mêmes valeurs.<br />

La réalité est, toutefois, différente car<br />

au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce consensus, les divergences<br />

sont profon<strong>de</strong>s. Faut-il rappeler qu’un<br />

nombre élevé <strong>de</strong> ressources communautaires<br />

n’a pas attendu le Plan d’action<br />

pour développer <strong>de</strong>s services TMG<br />

et les offrir selon <strong>de</strong>s modèles d’intervention<br />

originaux. Ces ressources ont,<br />

en conséquence, développé une expertise<br />

et <strong>de</strong>s manières <strong>de</strong> faire qui peuvent<br />

être plus ou moins congruentes<br />

Tableau 5 : Pourcentage <strong>de</strong>s organisemes communautaires par associations<br />

offrant ce service<br />

Système <strong>de</strong> services AQRP RRASMQ Réseau<br />

1. Services généraux<br />

(145 ressources) (107 ressources) institutionnel<br />

1.1 Services d’intervention<br />

<strong>de</strong> crise 5% 23% X<br />

1.2 Traitement 25% 20% X<br />

1.3 Protection et<br />

défense <strong>de</strong>s droits ----- 6% X<br />

1.4 Hospitalisation 25% ---- X<br />

2. Services <strong>de</strong> base<br />

2.1 Sociale 10% 37% X<br />

2.2 Travail et étu<strong>de</strong>s 20% 21% X<br />

2.3 Rési<strong>de</strong>ntielles 35% 17% X<br />

2.4 Information à propos<br />

<strong>de</strong> la maladie mentale ------ 9% X<br />

2.5 Information à propos<br />

<strong>de</strong> la médication ----- 9% X<br />

2.6 Soins médicaux et<br />

<strong>de</strong>ntaires ----- ----- X<br />

2.7 Soutien familial 15% 4% X<br />

2.8 Soutien par les pairs 25% 33% X<br />

2.9 Soutien<br />

communautaire 35% 1% X<br />

ORGANISATION DES SOINS 15<br />

<br />

LIVRES<br />

Liberté, sexualités,<br />

féminisme<br />

50 ans <strong>de</strong> combat du Planning<br />

pour les droits <strong>de</strong>s femmes<br />

Mouvement français pour le<br />

planning familial<br />

Ouvrage conçu et rédigé par<br />

Isabelle Friedmann<br />

Préface <strong>de</strong> Janine Mossuz-Lavau<br />

La Découverte, 20 €<br />

Le Mouvement français pour le planning<br />

familial est une organisation<br />

non gouvernementale (association<br />

loi <strong>de</strong> 1901) qui agit auprès <strong>de</strong>s pouvoirs<br />

publics pour faire reconnaître<br />

les droits <strong>de</strong>s femmes à la maîtrise<br />

<strong>de</strong> leur fécondité (contraception, avortement)<br />

et qui lutte pour l’élimination<br />

<strong>de</strong> la violence sexiste. Les associations<br />

départementales sont organisées<br />

en vingt fédérations régionales<br />

et en une confédération nationale.<br />

L’intérêt <strong>de</strong> ce livre est <strong>de</strong> mettre en<br />

scène, <strong>de</strong> manière très vivante, un<br />

long combat, opiniâtre - car il en a<br />

fallu <strong>de</strong> l’obstination pour vaincre les<br />

préjugés, les peurs et l’hypocrisie <strong>de</strong><br />

certains -, et qui est loin d’être achevé.<br />

Mais, au-<strong>de</strong>là, c’est l’évolution <strong>de</strong>s<br />

moeurs dans notre pays qui est retracée<br />

et les pistes <strong>de</strong>s prochaines<br />

luttes à conduire qui sont indiquées.<br />

L’accompagnement<br />

spirituel en milieu<br />

hospitalier<br />

Habib S. Kaaniche<br />

L’Harmattan, 18 €<br />

La présence <strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong>s<br />

religions auprès <strong>de</strong>s personnes hospitalisées<br />

se fait plus forte et se modifie.<br />

L’accompagnement spirituel revêt<br />

<strong>de</strong>s formes nouvelles. De nouveaux<br />

types d’accompagnants apparaissent,<br />

également, aux côtés <strong>de</strong>s aumôniers.<br />

L’accompagnant spirituel est une personne<br />

qui s’associe au mala<strong>de</strong> afin<br />

<strong>de</strong> pouvoir le soutenir dans ses moments<br />

d’angoisse et <strong>de</strong> souffrance.<br />

Son objectif est d’être avec l’accompagné<br />

dans toutes les étapes <strong>de</strong> sa<br />

maladie (parfois jusqu’à la mort). Il<br />

s’intéresse à son être entier, ce qui<br />

englobe la santé physique, morale et<br />

spirituelle. Cette notion d’accompagnement<br />

spirituel est précisée dans<br />

ce livre qui abor<strong>de</strong> aussi les les aumôneries.<br />

Celles-ci ont, <strong>de</strong>rrière elles,<br />

une longue tradition d’accompagnement<br />

spirituel dans les hôpitaux et<br />

ont également connu au fil <strong>de</strong>s années<br />

<strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s mutations.


16<br />

ORGANISATION DES SOINS<br />

Des psychologues auprès <strong>de</strong>s tout-petits, pour quoi faire ?<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Danièle Delouvin<br />

Collection Mille et un bébés<br />

Erès, 10 €<br />

L’A.NA.Psy.p.e. (Association nationale <strong>de</strong>s psychologues pour la petite enfance)<br />

a vingt ans. Ses membres, psychologues cliniciens, qui se réfèrent, dans<br />

leurs pratiques, à la psychanalyse, exercent dans <strong>de</strong>s lieux d’accueil et <strong>de</strong><br />

soins <strong>de</strong> la petite enfance (crèches, maternités, pouponnières, services <strong>de</strong> Protection<br />

maternelle et infantile...) auprès <strong>de</strong>s enfants, mais aussi <strong>de</strong> leurs familles<br />

et <strong>de</strong>s professionnels.<br />

Pour célébrer cet anniversaire, ce livre, recueil <strong>de</strong> textes, certains anciens et<br />

d’autres plus récents, apporte un témoignage <strong>de</strong> ce que [es psychologues <strong>de</strong><br />

l’A.NA.Psy.p.e. ont « fait » dans les lieux <strong>de</strong> la petite enfance <strong>de</strong>puis vingt ans.<br />

avec la réadaptation, mais qui sont<br />

reconnues dans les documents officiels.<br />

Qu’est-ce qui peut nous permet d’affirmer<br />

que la conceptualisation <strong>de</strong> ces<br />

services est envisagée différemment?<br />

L’analyse du discours officiel <strong>de</strong>s<br />

groupes sur leur mission et leurs<br />

valeurs. Examinons le discours <strong>de</strong> trois<br />

groupes officiellement reconnus.<br />

Tableau 6<br />

ADHÉSION AUX VALEURS<br />

DE l’AQRP<br />

Valeurs <strong>de</strong> :<br />

l’AQRP AGIDD RRASMQ<br />

Conviction<br />

(liberté <strong>de</strong> faire<br />

<strong>de</strong>s choix)<br />

X X<br />

Besoins (aspects<br />

biologiques,<br />

psychologiques,<br />

spirituels, sociaux,<br />

culturels et environnementaux)<br />

X X<br />

Potentiel X X<br />

Espoir X X<br />

Réseau <strong>de</strong><br />

soutien<br />

X X<br />

Entrai<strong>de</strong><br />

Action<br />

X X<br />

communautaire X X<br />

Relation d’ai<strong>de</strong> X X<br />

Qualité <strong>de</strong>s<br />

intervenants<br />

X X<br />

L’AQRP affirme, sur son site officiel,<br />

que « la réadaptation psychosociale s’est<br />

développée pour répondre aux besoins<br />

particuliers <strong>de</strong>s gens souffrant <strong>de</strong> troubles<br />

mentaux graves. Elle a pour mission <strong>de</strong><br />

soutenir ces personnes et <strong>de</strong> favoriser<br />

l’amélioration <strong>de</strong> leur qualité <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong><br />

leurs relations interpersonnelles et <strong>de</strong> leur<br />

insertion dans un milieu <strong>de</strong> leur choix,<br />

afin qu’elles puissent éprouver du succès,<br />

du plaisir à vivre et satisfaire leurs<br />

aspirations ».<br />

Pour sa part, l’AGIDD affirme vouloir<br />

« défendre les droits <strong>de</strong>s personnes ayant<br />

ou qui ont vécu <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> santé<br />

mentale tout en dénonçant les abus <strong>de</strong> la<br />

psychiatrie ; démystifier la folie dans son<br />

langage et dans son essence, et établir<br />

un rapport <strong>de</strong> force entre les personnes<br />

qui ont ou qui ont déjà eu un problème<br />

<strong>de</strong> santé mentale et les professionnels(les)<br />

<strong>de</strong> la santé et autres ».<br />

Enfin, le RRASMQ souligne sur son<br />

site que « La personne a une histoire,<br />

elle vit dans un milieu donné et dans <strong>de</strong>s<br />

conditions économiques, sociales, culturelles<br />

et politiques qui impriment à sa<br />

souffrance <strong>de</strong>s caractéristiques propres<br />

et qui marquent ses relations avec les<br />

autres ; …. elle n’est pas un diagnostic<br />

ambulant… L’alternative respecte et<br />

encourage le pouvoir <strong>de</strong> la personne qui<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> a sur elle-même. Ceci,<br />

en opposition à ce qu’on retrouve dans le<br />

réseau étatique où la personne n’a pas<br />

vraiment le choix <strong>de</strong> ce qui lui est offert<br />

et <strong>de</strong> ce qui lui arrive. L’alternative vise<br />

à créer les conditions nécessaires permettant<br />

à la personne <strong>de</strong> se réapproprier<br />

le pouvoir sur elle-même, sur sa situation,<br />

sur son environnement (revendiqué<br />

comme un trait distinctif par rapport au<br />

réseau public). L’alternative favorise l’accès<br />

à tous les lieux <strong>de</strong> pouvoir décisionnels<br />

au sein <strong>de</strong>s ressources et travaille à<br />

améliorer, développer, inventer <strong>de</strong>s<br />

formes nouvelles d’exercice du pouvoir.<br />

Ce faisant, l’alternative travaille à redonner<br />

aux usagers et aux usagères leur<br />

statut <strong>de</strong> citoyens et <strong>de</strong> citoyennes à part<br />

entière. L’alternative permet aussi la<br />

contestation par les personnes, individuellement<br />

et collectivement, du pouvoir<br />

psychiatrique …. L’alternative tente d’éviter<br />

le plus possible la hiérarchie, la<br />

bureaucratie, les rapports <strong>de</strong> domination<br />

entre les usager-ère-s et entre les usager-ère-s<br />

et les intervenant-e-s… elle doit<br />

s’impliquer dans les luttes sociales plus<br />

globales… elle doit constamment<br />

remettre en question le pouvoir psychiatrique<br />

et toutes les formes <strong>de</strong> domination<br />

et d’aliénation ».<br />

Comme on peut le constater, les discours<br />

<strong>de</strong>s regroupements sont très<br />

contrastés. Corin et al. (1996) ont fait<br />

une analyse politique <strong>de</strong> l’AQRP et du<br />

RRASMQ qui permet <strong>de</strong> mieux comprendre<br />

leurs différences et enjeux<br />

sous-jacents. Selon ces auteurs, l’AQRP<br />

se situe dans le système et fait une critique<br />

<strong>de</strong>s services psychosociaux institutionnels<br />

pour les modifier. Selon les<br />

mêmes auteurs, l’AQRP s’inscrit dans<br />

un courant psychosocial <strong>de</strong> critique<br />

radicale <strong>de</strong>s modèles d’intervention,<br />

critique qui a « amené à définir <strong>de</strong> nouveaux<br />

modèles d’intervention qui visent<br />

BEBE - CULTURES<br />

Culture <strong>de</strong>s bébés<br />

Bébé <strong>de</strong>s cultures<br />

parmi les intervenants invités<br />

Catherine Dolto, René Frydman,<br />

Marie-Rose Moro,<br />

Geneviève Delaisi <strong>de</strong> Parseval,<br />

Patrick Bensoussan, Drina Candilis,<br />

Denis Mellier<br />

•••<br />

Association Recherche<br />

Information Périnatalité<br />

pour recevoir le PROGRAMME<br />

et le BULLETIN D’INSCRIPTION :<br />

ARIP - BP 36<br />

84142 MONTFAVET CEDEX<br />

Tél : 33 (0)4 90 23 99 35<br />

Fax : 33 (0)4 90 23 51 17<br />

Email : arip@wanadoo.fr<br />

site : perinatalité.org<br />

à renforcer la manière dont les personnes<br />

elles-mêmes se confrontent et s’adaptent<br />

à <strong>de</strong>s situations difficiles et à les encourager<br />

à utiliser les ressources du milieu »<br />

(p.49). Comme ces modèles insistent<br />

davantage sur les forces personnelles, il<br />

s’en suit une individualisation <strong>de</strong>s perspectives<br />

d’intervention plus conforme<br />

à une approche bureaucratique <strong>de</strong>s<br />

soins. Quant au RRASMQ, les auteurs<br />

mentionnent que les alternatives se<br />

situent en marge du système voire en<br />

opposition, et qu’elles fon<strong>de</strong>nt leur discours<br />

sur une contestation du modèle<br />

médical, et <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> réadaptation<br />

à visée normalisante.<br />

Comment ces positions s’incarnentelles<br />

par exemple dans l’appropriation<br />

du pouvoir ? Selon Corin et al. (1996),<br />

l’AQRP voudrait promouvoir « l’approche<br />

<strong>de</strong> l’appropriation du pouvoir dans<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> santé mentale<br />

existants, en la mettant au centre <strong>de</strong>s<br />

modèles d’intervention à promouvoir »<br />

(p.46). Toutefois, le développement <strong>de</strong><br />

l’entrai<strong>de</strong> promu par l’AQRP, selon les<br />

auteurs, est « pensée en termes <strong>de</strong> pratiques<br />

<strong>de</strong> socialisation et <strong>de</strong> création <strong>de</strong><br />

milieux d’appartenance. Le souci <strong>de</strong><br />

modifier les milieux et les conditions <strong>de</strong><br />

vie se traduit en termes d’un élargissement<br />

<strong>de</strong> la capacité d’accueil <strong>de</strong>s communautés.<br />

Les intervenants sont par<br />

ailleurs invités <strong>de</strong> manière générale à<br />

contribuer au processus <strong>de</strong> changements<br />

nécessaires aux plans social et politique »<br />

(p.49). Cela réduirait la portée <strong>de</strong> la<br />

réappropriation du pouvoir car, selon<br />

ces chercheurs, « les pratiques collectives<br />

d’appropriation du pouvoir (entrai<strong>de</strong><br />

et action communautaire) <strong>de</strong> l’AQRP<br />

valorisent <strong>de</strong> manière implicite le rôle<br />

<strong>de</strong>s professionnels et les connotations<br />

sociopolitiques <strong>de</strong> ces notions dans le discours<br />

du RRASMQ se trouvent largement<br />

minimisées » (p.49). De plus, les<br />

auteurs estiment que promouvoir « une<br />

alliance générale et consensuelle entre<br />

tous les partenaires du champ <strong>de</strong> la santé<br />

mentale tend à effacer les particularités<br />

du contexte québécois dont la contribution<br />

du mouvement alternatif soit le<br />

RRASMQ. C’est un partenariat consensuel<br />

au lieu <strong>de</strong> conflictuel, lequel favorise<br />

<strong>de</strong>s modèles d’intervention qui sont<br />

parfois opposées à celles du réseau psychiatrique<br />

» (p.49). Quelles sont ces<br />

conotations sociopolitiques ?<br />

Les auteurs « situent les alternatives dans<br />

le courant <strong>de</strong>s mouvements sociaux<br />

contestataires du système et <strong>de</strong> son pouvoir<br />

». Elles montrent que la notion <strong>de</strong><br />

pouvoir est pensée à partir « <strong>de</strong>s conditions<br />

sociopolitiques dans lesquelles se<br />

trouvent inscrites les personnes, incluant<br />

la marginalisation associée à la maladie<br />

mentale et à l’hospitalisation psychiatrique;<br />

et celle d’une histoire <strong>de</strong> vie personnelle<br />

et les conditions socioculturelles<br />

dans lesquelles elle s’inscrit afin que les<br />

personnes, prenant conscience <strong>de</strong> leurs<br />

forces et retrouvant leur capacité d’agir,<br />

acquièrent un pouvoir sur leur propre<br />

vie et accè<strong>de</strong>nt à une place significative<br />

dans la société à titre <strong>de</strong> citoyens » (p.48).<br />

Le RRASMQ privilégie, ainsi, la participation<br />

à la vie associative dont les<br />

instances décisionnelles <strong>de</strong>s ressources<br />

comme mécanisme <strong>de</strong> réappropriation<br />

du pouvoir.<br />

Comme on peut le voir, sous-jacent<br />

aux services qu’offrent les organismes<br />

communautaires et aux valeurs auxquelles<br />

ils adhèrent, les organismes ont<br />

<strong>de</strong>s positions idéologiques fort différentes.<br />

Ces positions différentielles leur<br />

font envisager les concepts porteurs<br />

dont ils se réclament tous <strong>de</strong> manière<br />

différente, et mettent en place <strong>de</strong>s<br />

modèles d’intervention les appliquant<br />

sur <strong>de</strong>s bases autres.<br />

Modèle théorique<br />

Selon la Politique <strong>de</strong> santé mentale<br />

(1989), il y a trois dimensions à la<br />

santé mentale :<br />

- « un axe biologique qui a trait aux<br />

composantes génétiques et physiologiques<br />

»,<br />

- « un axe psychodéveloppemental qui<br />

met l’accent sur les aspects affectif, cognitif<br />

et relationnel »,<br />

- « un axe contextuel qui fait référence à<br />

l’insertion <strong>de</strong> l’individu dans un environnement<br />

et à ses relations avec son<br />

milieu » (p.21).<br />

De ces trois aspects, « C’est l’aspect du<br />

psychodéveloppement qui caractérise le<br />

mieux l’état <strong>de</strong> santé mentale. Ainsi, la<br />

santé mentale d’une personne s’apprécie<br />

à sa capacité d’utiliser ses émotions <strong>de</strong><br />

façon appropriée dans les actions qu’elle<br />

pose (affectif), d’établir <strong>de</strong>s raisonnements<br />

qui lui permettent d’adapter ses gestes<br />

aux circonstances (cognitif) et <strong>de</strong> composer<br />

<strong>de</strong> façon significative avec son environnement<br />

(relationnel). Tout en reconnaissant<br />

cette spécificité, il <strong>de</strong>meure<br />

fondamental d’agir à la fois sur les<br />

dimensions biologique, psychologique,<br />

sociale et ainsi élargir l’action en santé<br />

mentale » (p.21). Ce cadre théorique<br />

du système est ce que l’on appelle le<br />

bio-psycho-social. Même si cette<br />

conception <strong>de</strong> la santé mentale n’est<br />

pas mentionnée dans les <strong>de</strong>ux Plans<br />

d’action subséquents, elle <strong>de</strong>meure la<br />

Le laboratoire Bioco<strong>de</strong>x a organisé,<br />

le 28 mars <strong>de</strong>rnier, une conférence-déjeuner<br />

sur ce thème, dont<br />

le modérateur était Jean-Pierre Clément.<br />

Cette conférence s’est déroulée<br />

au cours du 3ème Congrès <strong>de</strong>s<br />

Mé<strong>de</strong>cins Coordonnateurs d’EHPAD<br />

(du 26 au 28 mars 2006 au Palais<br />

<strong>de</strong>s Congrès à Paris).<br />

Où en sommes-nous face à la<br />

problématique dépressive chez le<br />

sujet âgé ?<br />

Jean-Pierre Clément (1) a rappelé que<br />

ces <strong>de</strong>rnières années ont été marquées<br />

par un développement <strong>de</strong>s<br />

connaissances sur la dépression du<br />

sujet âgé. Etant la pathologie mentale<br />

la plus fréquente dans le grand âge,<br />

l’intérêt pour cette affection est <strong>de</strong>venu<br />

prépondérant au même titre que<br />

la démence avec laquelle elle tisse,<br />

<strong>de</strong>puis longtemps, <strong>de</strong>s liens.<br />

Pour ce qui concerne la clinique, et<br />

pour améliorer son repérage, les spécificités<br />

sémiologiques ont été rappelées<br />

en introduisant <strong>de</strong>s nouveaux<br />

concepts tels que ceux <strong>de</strong> « dépression<br />

vasculaire », <strong>de</strong> « dépression conative<br />

», <strong>de</strong> « dépression hostile », <strong>de</strong><br />

« syndrome dépressif dysexécutif »...<br />

On distingue aussi, <strong>de</strong> plus en plus, la<br />

dépression d’émergence tardive sans<br />

antécé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la dépression récurrente<br />

à un âge tardif. De même qu’il<br />

est nécessaire <strong>de</strong> tenir compte <strong>de</strong><br />

l’environnement et <strong>de</strong> la personnalité<br />

antérieure par rapport à l’expressivité<br />

<strong>de</strong> la dépression. Dans ce sens<br />

ont été élaborées la mini-GDS qui<br />

peut ai<strong>de</strong>r au dépistage <strong>de</strong> la dépression<br />

en mé<strong>de</strong>cine générale et l’EDDI<br />

au dépistage en institution. Des éléments<br />

sur les personnalités à risque<br />

<strong>de</strong> développer une dépression tardive<br />

existent et il est intéressant <strong>de</strong><br />

les comparer avec ceux issus <strong>de</strong>s facteurs<br />

<strong>de</strong> risque psychosociaux <strong>de</strong>s<br />

démences.<br />

Une meilleure appréciation <strong>de</strong> l’état<br />

cognitif <strong>de</strong>vant une symptomatologie<br />

dépressive <strong>de</strong>vrait être vulgarisée.<br />

Sur un plan plus psychopathologique,<br />

mais toujours en lien avec les<br />

données <strong>de</strong> la biologie (perturbations<br />

<strong>de</strong> l’axe corticotrope, anomalies<br />

d’imagerie cérébrale), il serait aussi<br />

intéressant <strong>de</strong> distinguer « dépression<br />

<strong>de</strong> perte » et « dépression <strong>de</strong> contrainte<br />

». Il existe aussi <strong>de</strong>s données sur le<br />

pronostic, non négligeables pour ajuster<br />

les prises en charge. Le traitement<br />

<strong>de</strong> la dépression fait, maintenant,<br />

l’objet <strong>de</strong> recommandations<br />

découlant <strong>de</strong> l’épidémiologie, <strong>de</strong> la<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

référence <strong>de</strong> base dans le milieu <strong>de</strong> la<br />

santé (16).<br />

Au lieu <strong>de</strong> permettre une intégration<br />

<strong>de</strong>s services offerts aux personnes en<br />

difficulté, il semble que cette approche<br />

a connu une dérive en faveur d’une<br />

prédominance du biologique dont le<br />

miroir s’est révélé le social. La maladie<br />

mentale n’est-elle pas considérée<br />

comme « l’interaction <strong>de</strong>s facteurs biologique,<br />

social et environnemental »<br />

(Weinstein et Hughes, 2000) dans les<br />

milieux <strong>de</strong> la réadaptation. Également,<br />

cette conception s’harmonisant bien<br />

avec une approche par programme,<br />

elle permet d’offrir une rationalisation<br />

pour une conception <strong>de</strong> la personne<br />

avec <strong>de</strong>s besoins que <strong>de</strong>s services viendraient<br />

satisfaire, d’où le système <strong>de</strong><br />

services en vigueur visant à répondre<br />

aux besoins multiples d’une personne.<br />

Pour caricaturer, c’est une approche<br />

saucisson. <br />

Yves Leconte<br />

Suite <strong>de</strong> cet article dans le prochain numéro.<br />

Regards sur la<br />

dépression du sujet âgé<br />

psychopharmacologie et <strong>de</strong> la pratique<br />

clinique, en particulier dans le<br />

choix <strong>de</strong> la molécule en fonction du<br />

contexte.<br />

Le ralentissement psychomoteur,<br />

un signe important <strong>de</strong> la<br />

dépression du sujet âgé<br />

Sylvie Bonin-Guillaume (2) et Olivier<br />

Blin (3) ont précisé qu’i<strong>de</strong>ntifier le<br />

ralentissement psychomoteur (RPM)<br />

chez le sujet âgé permettrait un<br />

meilleur dépistage <strong>de</strong> la dépression,<br />

notamment dans les formes atypiques,<br />

dont le pronostic et l’évolution<br />

sont défavorables.<br />

L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s temps <strong>de</strong> réaction du<br />

RPM par la Métho<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Facteurs<br />

Additifs a permis <strong>de</strong> distinguer le<br />

RPM associé à la dépression chez le<br />

sujet âgé <strong>de</strong> celui lié à l’âge. Dans le<br />

premier, seules certaines étapes du<br />

traitement <strong>de</strong> l’information sont affectées<br />

par la dépression alors que<br />

toutes les étapes sont ralenties <strong>de</strong><br />

façons i<strong>de</strong>ntiques dans le <strong>de</strong>uxième.<br />

L’Echelle du Ralentissement Dépressif<br />

(ERD) <strong>de</strong> Widlöcher, qui mesure,<br />

objectivement et spécifiquement, le<br />

RPM dépressif, a été validée dans<br />

une population <strong>de</strong> sujets âgés hospitalisés.<br />

L’ERD gar<strong>de</strong> une bonne<br />

validité <strong>de</strong> structure et interne : unidimensionnalité,<br />

évaluation globale<br />

du RPM (trois facteurs : moteur,<br />

mental et cognitif). Comparée à <strong>de</strong>s<br />

échelles <strong>de</strong> dépression <strong>de</strong> référence<br />

chez le sujet âgé (Echelle <strong>de</strong> dépression<br />

d’Hamilton, Echelle <strong>de</strong> Dépression<br />

<strong>de</strong> Montgomery et Asberg,<br />

Echelle <strong>de</strong> Dépression Gériatrique),<br />

l’ERD est vali<strong>de</strong> ; un score seuil <strong>de</strong><br />

10 permet <strong>de</strong> dépister 15% d’états<br />

dépressifs <strong>de</strong> plus. Une forme à 4<br />

items a été également validée montrant<br />

les mêmes qualités psychométriques.<br />

Un score seuil <strong>de</strong> 3 permet<br />

<strong>de</strong> dépister 23% <strong>de</strong> patients dépressifs<br />

<strong>de</strong> plus que les échelles <strong>de</strong> référence.<br />

La Mini-ERD <strong>de</strong>vrait être<br />

incluse dans les étu<strong>de</strong>s thérapeutiques<br />

et être utilisée systématiquement<br />

dans le dépistage <strong>de</strong> la dépression<br />

du sujet âgé. <br />

F.C.<br />

(1) Centre Hospitalier Esquirol, Limoges.<br />

(2) Service <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine interne gériatrie,<br />

CHU Nord, Assistance Publique <strong>de</strong>s Hôpitaux<br />

<strong>de</strong> Marseille.<br />

(3) Centre <strong>de</strong> Pharmacologie Clinique et<br />

d’Evaluation Thérapeutique, Hôpital <strong>de</strong> la<br />

Timone, Assistance Publique <strong>de</strong>s Hôpitaux<br />

<strong>de</strong> Marseille, Institut <strong>de</strong>s Neurosciences Cognitives<br />

<strong>de</strong> la Méditerranée, Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine<br />

<strong>de</strong> Marseille.


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

L’E.M.PRO.<br />

LA PLAINE<br />

DU<br />

MOULIN<br />

accueillant 45<br />

adolescents déficients<br />

intellectuels légers et<br />

moyens avec ou sans<br />

troubles associés<br />

Recherche<br />

Psychiatre<br />

à 0,28 ETP<br />

(soit 10h30/semaine,<br />

présence<br />

jeudi 13h30-18h00<br />

indispensable)<br />

CC 1966 - Orientation<br />

psychanalytique<br />

<strong>de</strong>mandée<br />

*****<br />

Adresser CV et<br />

lettre <strong>de</strong> motivation à<br />

Mme la Directrice <strong>de</strong><br />

l’EMPRO,<br />

Allée <strong>de</strong> Montfort<br />

78190 TRAPPES<br />

Tél. : 01 30 51 13 08<br />

LE CENTRE<br />

HOSPITALIER DE<br />

NEMOURS<br />

77796 NEMOURS CEDEX<br />

(Seine-et-Marne)<br />

(70 km <strong>de</strong> Paris par<br />

l’Autoroute A6)<br />

Recrute<br />

Pédo Psychiatre<br />

temps plein et<br />

temps partiel<br />

sur postes vacants<br />

(intersecteur 77 I 03)<br />

Exercice principal en CMP,<br />

Possibilité activité<br />

complémentaire mi-temps en<br />

IME à Fontainebleau<br />

(convention 66).<br />

Renseignements :<br />

Bureau <strong>de</strong>s Affaires Médicales<br />

Tél. 01.64.45.19.08<br />

Docteur Yannick FRANÇOIS<br />

(Chef <strong>de</strong> service)<br />

Tél. 01 64 45 24 75<br />

LE CHS DE<br />

LA SAVOIE<br />

Le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE à CHAMBERY (BASSENS),<br />

assure les soins en santé mentale pour l’ensemble du département (cinq secteurs<br />

adultes, trois secteurs enfants et un département <strong>de</strong> psychopathologie <strong>de</strong><br />

l'adolescent).<br />

Etablissement dynamique : 60 mé<strong>de</strong>cins, 800 agents, hospitalisation complète<br />

rénovée, nombreuses structures extra-hospitalières, projet d’Etablissement<br />

2006-2010 validé, accréditation V2 en cours.<br />

Le CHS <strong>de</strong> la SAVOIE est à environ 1 heure <strong>de</strong> GRENOBLE, LYON, GENEVE…<br />

et <strong>de</strong>s stations <strong>de</strong> ski.<br />

R E C R U T E<br />

• Pour le Secteur AIX LES BAINS<br />

Secteur regroupant <strong>de</strong>ux unités d’hospitalisation <strong>de</strong> 25 lits, <strong>de</strong>ux hôpitaux <strong>de</strong> jour et les<br />

consultations externes<br />

2 PSYCHIATRES<br />

Praticiens Hospitaliers à temps plein - exercice <strong>de</strong> secteur et en hospitalisation<br />

• Pour le Secteur TARENTAISE<br />

Secteur regroupant <strong>de</strong>ux unités d’hospitalisations <strong>de</strong> 25 lits, un hôpital <strong>de</strong> jour et les<br />

consultations externes<br />

1 PSYCHIATRE, avec fonction <strong>de</strong> Chef <strong>de</strong> Service<br />

Dans le cadre <strong>de</strong> la mise en œuvre du SROS 3, le Chef <strong>de</strong> Service assurera l’organisation<br />

du service nouvellement créé et le transfert <strong>de</strong>s activités psychiatriques au sein du nouveau<br />

Centre Hospitalier Albertville-Moutiers (CHAM)<br />

et 1 PSYCHIATRE<br />

Praticien Hospitalier temps plein – exercice <strong>de</strong> secteur et en hospitalisation<br />

• Pour le Secteur CHAMBERY NORD<br />

Secteur regroupant <strong>de</strong>ux unités d’hospitalisation <strong>de</strong> 25 lits, un hôpital <strong>de</strong> jour et les<br />

consultations externes<br />

1 PSYCHIATRE<br />

Praticien Hospitalier temps plein – exercice <strong>de</strong> secteur et en hospitalisation<br />

Pour tout renseignement, contacter :<br />

les Affaires Médicales et Générales du CHS <strong>de</strong> la Savoie au n° <strong>de</strong> tél. 04 79 60 30 04<br />

Adresser les candidatures à l'attention <strong>de</strong> :<br />

Mme DESSEIGNE, Directeur <strong>de</strong>s Affaires Médicales et Générales<br />

CHS DE LA SAVOIE - BP 1126 - 73011 CHAMBERY CEDEX<br />

Fax : 04 79 60 31 89 - E-mail : dam@chs-savoie.fr<br />

ASM 13<br />

11 rue A. Bayet, 75013 PARIS<br />

Recrute<br />

1 assistant spécialiste <strong>de</strong> psychiatrie<br />

Joindre Dr. BONNET – 01 40 77 44 48<br />

LE CENTRE HOSPITALIER<br />

UNIVERSITAIRE DE REIMS<br />

Recherche<br />

Psychiatre temps plein<br />

Ou mé<strong>de</strong>cin généraliste (expérience en psychiatrie)<br />

A compter du 1 er avril 2006<br />

Pour son Unité d’accueil <strong>de</strong>s urgences psychiatriques (8 lits)<br />

Au sein du service d’Accueil <strong>de</strong>s Urgences<br />

Renseignements : Dr BAZIN, Chef <strong>de</strong> Service<br />

Tél : 03 26 78 76 03<br />

Candidatures et CV à adresser à :<br />

• Mme le Directeur Général du CHU <strong>de</strong> Reims,<br />

23 rue <strong>de</strong>s Moulins, 51092 Reims Ce<strong>de</strong>x<br />

Et à :<br />

• la Direction <strong>de</strong>s Affaires Médicales, Mme Nathalie BECRET,<br />

Directeur<br />

Tél : 03 26 78 74 44<br />

E-mail : nbecret@chu-reims.fr<br />

ANNONCES PROFESSIONNELLES 17<br />

Pour vos annonces professionnelles<br />

contactez Madame Susie Caron au<br />

01 45 50 23 08<br />

ou par e-mail<br />

info@nervure-psy.com<br />

L’établissement public <strong>de</strong> santé <strong>de</strong> Maison Blanche recrute<br />

PSYCHIATRE<br />

Praticien hospitalier à temps partiel<br />

Pour l’Equipe <strong>de</strong> Liaison Psychiatrique (ELP)<br />

Rattachée et articulée à l’intersecteur « addictions et psychiatrie »<br />

Service intersectoriel d’accueil et <strong>de</strong> soins LA TERRASSE<br />

220, rue Marca<strong>de</strong>t 75018 PARIS<br />

MISSION DU POSTE :<br />

Evaluation clinique, échanges avec les partenaires<br />

du XVIIIème arrondissement, orientation, travail d’équipe,<br />

formation et information<br />

L’équipe sera constituée <strong>de</strong> 2 psychiatres temps partiel,<br />

2 infirmiers temps plein, 1 assistante sociale temps plein,<br />

1 secrétaire temps partiel<br />

Contacter :<br />

Mr le docteur Jacques JUNGMAN<br />

Chef <strong>de</strong> service<br />

Tél : 01.42.26.36.51<br />

Nous recherchons <strong>de</strong>s<br />

MEDECINS SPECIALISES EN PSYCHIATRIE<br />

pour poursuivre la montée en charge <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième procédure<br />

d'accréditation/certification <strong>de</strong>s établissements <strong>de</strong> santé orientée vers<br />

le service médical rendu dans les établissements<br />

* * * * *<br />

Votre profil :<br />

- Vous êtes psychiatre.<br />

- Vous exercez en établissement <strong>de</strong> santé privé ou public.<br />

Votre parcours professionnel :<br />

- Vous avez une expérience professionnelle d'environ 10 ans, dont les 3<br />

<strong>de</strong>rnières années en établissement <strong>de</strong> santé privé ou public.<br />

- Vous êtes fortement impliqué dans <strong>de</strong>s responsabilités à caractère<br />

transversal au sein <strong>de</strong> votre établissement <strong>de</strong> santé.<br />

- Vous avez conduit <strong>de</strong>s projets d'amélioration continue <strong>de</strong> la qualité.<br />

* * * * *<br />

Vous serez l'ambassa<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la Haute Autorité <strong>de</strong> santé chargé d'assurer,<br />

après formation, les visites <strong>de</strong>s établissements <strong>de</strong> santé prévues par les<br />

dispositions législatives et réglementaires créant l'accréditation.<br />

* * * * *<br />

Modalités <strong>de</strong> dépôt <strong>de</strong>s candidatures<br />

Un dossier <strong>de</strong> candidature est à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r par téléphone au 01 55 93 72 53,<br />

par téléchargement sur le site <strong>de</strong> l’agence www.has-sante.fr<br />

ou par courrier :<br />

Haute Autorité <strong>de</strong> Santé, Direction <strong>de</strong> l’Accréditation<br />

Sélection <strong>de</strong>s Experts-Visiteurs, 2 avenue du Sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> France<br />

93218 Saint-Denis la Plaine Ce<strong>de</strong>x<br />

Femme Mé<strong>de</strong>cin Généraliste bulgare<br />

en cours DIU <strong>Psychiatrie</strong> générale<br />

cherche poste pour vali<strong>de</strong>r sa formation<br />

Toutes régions<br />

Tél. 06 67 25 85 58


18<br />

LIVRES<br />

Management <strong>de</strong> la santé et <strong>de</strong><br />

la sécurité au travail<br />

Un champ <strong>de</strong> recherche à défricher<br />

Publié sous la direction <strong>de</strong><br />

Emmanuel Abord <strong>de</strong> Chatillon et<br />

Olivier Bachelard<br />

Préface <strong>de</strong> Jean-Marie Peretti<br />

L’Harmattan, 39 €<br />

Cet ouvrage, issu <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>s premières<br />

journées <strong>de</strong> recherche sur le management<br />

<strong>de</strong> la santé et <strong>de</strong> la sécurité<br />

au travail d’Annecy, tente <strong>de</strong> répondre<br />

aux questions que se posent tous les<br />

acteurs <strong>de</strong> la prévention qu’ils soient<br />

responsables <strong>de</strong>s Ressources Humaines,<br />

responsables ou agent <strong>de</strong> prévention,<br />

membres <strong>de</strong> CHSCT, mais aussi représentants<br />

syndicaux, mé<strong>de</strong>cins ou inspecteurs<br />

du travail.<br />

Face à l’intensification du travail, le salarié<br />

<strong>de</strong>vient, à son corps défendant,<br />

la <strong>de</strong>rnière possibilité <strong>de</strong> flexibilité.<br />

L’homme au travail va ainsi subir la<br />

pression d’une hiérarchie soumise au<br />

résultat immédiat, cette <strong>de</strong>rnière étant<br />

elle-même dépendante d’une organisation<br />

<strong>de</strong> la production <strong>de</strong> plus en plus<br />

intense quels que soient les secteurs<br />

concernés. De nombreuses questions<br />

se posent sur la meilleure manière <strong>de</strong><br />

gérer les organisations et leurs conditions<br />

<strong>de</strong> travail pour éviter que ne se<br />

produisent <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts et que ne se<br />

développent <strong>de</strong>s troubles médicaux<br />

et/ou psychologiques.<br />

L’intérêt porté aux questions <strong>de</strong> santé<br />

et <strong>de</strong> sécurité au travail amène à examiner<br />

<strong>de</strong> plus près non seulement les<br />

origines <strong>de</strong> ces pathologies, mais également<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong><br />

management, <strong>de</strong> prévention et <strong>de</strong> traitement<br />

qui vient s’y greffer. En effet,<br />

s’intéresser à la santé et la sécurité au<br />

travail, c’est interroger non seulement<br />

sur ce qu’est l’organisation aussi bien<br />

dans ses frontières que dans ses dispositifs<br />

<strong>de</strong> régulation, mais également<br />

sur le fonctionnement <strong>de</strong>s collectifs <strong>de</strong><br />

travail et leurs conséquences sur la Santé<br />

Sécurité au Travail.<br />

Séparons-nous... mais<br />

protégeons nos enfants<br />

Stéphane Clerget<br />

Editions Albin Michel, 13,90 €<br />

Familles recomposées, beau-père, bellemère,<br />

gar<strong>de</strong> partagée : ces termes font<br />

partie intégrante <strong>de</strong> nos structures familiales<br />

et <strong>de</strong> la vie quotidienne <strong>de</strong> nombreux<br />

parents et enfants. La fréquence<br />

<strong>de</strong>s séparations parentales nous amène,<br />

parfois, à considérer la rupture comme<br />

un événement familier, presque anodin<br />

<strong>de</strong> l’existence.<br />

C’est à cette banalisation <strong>de</strong> la séparation<br />

que Stéphane Clerget, pédopsychiatre,<br />

s’attaque en adressant son livre,<br />

en premier lieu, à tout parent amené à<br />

se séparer ou à divorcer, mais également<br />

aux beaux-parents, grands-parents<br />

et enseignants, c’est-à-dire aux<br />

personnes qui « font partie <strong>de</strong> la pièce<br />

qui se joue autour <strong>de</strong> l’enfant ». Stéphane<br />

Clerget souhaite ai<strong>de</strong>r à ce que la séparation<br />

parentale ne s’apparente ni à<br />

un vau<strong>de</strong>ville ni à une tragédie pour<br />

suivre la métaphore théâtrale.<br />

L’auteur envisage la rupture parentale,<br />

d’une manière générale, comme un<br />

temps décisif dans le <strong>de</strong>venir psychologique<br />

<strong>de</strong> l’enfant concerné. Cela se<br />

comprend si l’on perçoit la famille comme<br />

un système au sein duquel l’enfant se<br />

construit tant d’un point <strong>de</strong> vue psychologique,<br />

affectif que social. Stéphane<br />

Clerget reprend les expressions <strong>de</strong> Françoise<br />

Dolto parlant <strong>de</strong> « moi-maman »<br />

et <strong>de</strong> « moi-papa » pour exprimer la façon<br />

dont le nourrisson peut se vivre en<br />

présence <strong>de</strong> ses parents avant <strong>de</strong> se<br />

rendre compte <strong>de</strong> son autonomie psychique.<br />

Par la suite, l’enfant construit<br />

progressivement son i<strong>de</strong>ntité en s’at-<br />

tribuant <strong>de</strong>s traits et caractéristiques,<br />

propres à ses <strong>de</strong>ux parents, auxquels<br />

il s’est i<strong>de</strong>ntifié.<br />

De ce fait, une rupture parentale difficile<br />

peut constituer, aux yeux <strong>de</strong><br />

l’enfant, une menace liée au développement<br />

<strong>de</strong> sa personnalité : menace<br />

d’être séparé <strong>de</strong> lui-même et <strong>de</strong><br />

ce qui le constitue dans son intégrité<br />

laissant apparaître, notamment, une<br />

anxiété massive et généralisée. Un<br />

divorce ou une séparation parentale<br />

peuvent également, selon l’auteur,<br />

entraîner chez l’enfant concerné reviviscence<br />

d’angoisses archaïques,<br />

conduites régressives, états dépressifs,<br />

perte d’appétit ou encore agressivité.<br />

Si Stéphane Clerget insiste sur le fait<br />

qu’une séparation parentale est toujours<br />

source <strong>de</strong> remaniements dans<br />

la vie <strong>de</strong> l’enfant, il précise également<br />

que ces ruptures n’entraînent pas que<br />

<strong>de</strong>s réactions négatives. C’est ainsi<br />

qu’à l’appui d’une rupture parentale<br />

et, selon l’auteur, dans le cadre <strong>de</strong> la<br />

résilience, l’enfant peut profiter d’une<br />

certaine désidéalisation <strong>de</strong> ses parents<br />

pour se rendre moins dépendant<br />

d’eux, accélérer sa maturité et<br />

s’ouvrir à d’autres liens.<br />

Au sein <strong>de</strong> cette vaste question <strong>de</strong> la<br />

séparation parentale, une place à part<br />

est réservée, par l’auteur, à l’adolescence<br />

et aux réactions qui lui sont<br />

propres. La particularité accordée à<br />

l’adolescence s’explique par le fait<br />

que cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie bouleverse<br />

la chronologie et les générations<br />

puisque l’adolescent, désormais pubère,<br />

quitte l’enfance pour <strong>de</strong>venir<br />

un parent potentiel alors que les parents<br />

voient leur jeunesse s’éloigner<br />

pour laisser place à <strong>de</strong>s premiers bilans<br />

<strong>de</strong> vie. De ce fait, l’adolescence<br />

<strong>de</strong>s enfants est, selon Stéphane Clerget,<br />

un facteur <strong>de</strong> risque majeur pour<br />

la solidité d’une union et peut, lorsqu’elle<br />

est contemporaine d’une rupture<br />

parentale, être particulièrement<br />

difficile du fait <strong>de</strong>s remaniements liés<br />

aux imagos parentales propres à cette<br />

pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie. Dans ce moment <strong>de</strong><br />

vie appelant une (re)définition <strong>de</strong>s<br />

places, droits et <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong> chacun,<br />

Stéphane Clerget suit ainsi, pas à pas,<br />

les différentes étapes d’une séparation,<br />

<strong>de</strong> l’annonce à l’arrivée éventuelle<br />

d’un nouveau conjoint.<br />

Son livre développe <strong>de</strong>s pistes <strong>de</strong> réflexions,<br />

notamment concernant la<br />

distinction à établir entre maintien<br />

<strong>de</strong> la coparentalité et rupture du lien<br />

<strong>de</strong> conjugalité, et donne aux parents<br />

<strong>de</strong> nombreux conseils dont le premier<br />

serait peut-être <strong>de</strong> rassurer leur<br />

enfant quant au lien parental et à sa<br />

permanence.<br />

E. Bertrand<br />

45 €*<br />

pour un an<br />

75 €*<br />

pour 2 ans<br />

Tarif<br />

étudiant et internes<br />

30 €*<br />

*supplément étranger<br />

et DOM/TOM =30 €/an<br />

ANNONCES EN BREF<br />

25 au 28 mai 2006. Lisbonne. 66 e<br />

Congrès <strong>de</strong>s psychanalystes <strong>de</strong> langue<br />

française organisé par la Société psychanalytique<br />

<strong>de</strong> Paris et la Société psychanalytique<br />

du Portugal, sous le haut<br />

patronage du ministère <strong>de</strong> la Coopération<br />

et <strong>de</strong> la Francophonie, à l’hôtel Altis<br />

<strong>de</strong> Lisbonne sur le thème : Relations<br />

d’objet et modèle <strong>de</strong> la pulsion. Renseignements<br />

et inscriptions : Congrès <strong>de</strong>s<br />

psychanalystes <strong>de</strong> langue française, 187<br />

rue Saint-Jacques, 75005 Paris. Tél. :<br />

01 43 29 66 70. E-mail : infoCongres@<br />

spp.asso.fr. Site : www.spp.asso.fr<br />

1er et 2 juin 2006. Limoges. 9 ème Réunion<br />

annuelle <strong>de</strong> la Société Marcé<br />

Francophone sur le thème : Quels lieux<br />

pour quels soins en périnatalité ? La place<br />

du soin psychologique. Renseignements :<br />

Dr Rainelli, Dr Souchaud, CH Esquirol,<br />

15 rue du Dr Marcland, 87025 Limoges<br />

Ce<strong>de</strong>x. Tél. : 05 55 43 11 00. Fax :<br />

05 55 43 11 11. E-mail : christiane.rainelli@ch-esquirol-limoges.fr<br />

2 juin 2006. Paris. Journée organisée<br />

par l’Association Francophone d’Etu<strong>de</strong>s<br />

et <strong>de</strong> Recherche sur les troubles <strong>de</strong> la<br />

personnalité sur le thème : Le narcissisme<br />

et les troubles <strong>de</strong> la personnalité. Renseignements<br />

: Centre Hospitalier Sainte<br />

Anne. E-mail : verrier.annie@chu-amiens.fr<br />

Inscriptions : lcaihol@infonie.fr<br />

6 au 8 juin 2006. 104 ème Congrès <strong>de</strong><br />

psychiatrie et <strong>de</strong> neurologie <strong>de</strong> langue<br />

française. Renseignements : ABREP Cogrès<br />

2006, CHU Brest Hôpital <strong>de</strong> Bohars,<br />

29820 Bohars. Tél. : 02 98 01 51 57<br />

ou 02 98 01 50 46. Fax : 02 98 01 52 18.<br />

8 au 10 juin 2006. Brest. Journées <strong>de</strong><br />

la Société Française <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong><br />

l’Enfant et <strong>de</strong> l’Adolescent et disciplines<br />

associées sur le thème : Nouvelles familles,<br />

nouveaux enfants, nouvelles pathologies.<br />

Renseignements : ABREP Cogrès<br />

2006, CHU Brest Hôpital <strong>de</strong> Bohars,<br />

29820 Bohars. Tél. : 02 98 01 51 57<br />

ou 02 98 01 50 46. Fax : 02 98 01 52 18.<br />

9 au 11 juin 2006. Paris. Colloque du<br />

Cercle freudien sur le thème : La langue,<br />

comment ça va ? Renseignements et inscriptions<br />

: Patrick Belamich, 30 rue Letellier,<br />

75015 Paris. Tél. : 06 11 78 46 65.<br />

Site : http://cercle.freudien.free.fr/<br />

8 au 10 juin 2006. Bor<strong>de</strong>aux. Conférenc<strong>de</strong><br />

organisée par le Groupe Aquitain<br />

<strong>de</strong> la Société Psychanalytique <strong>de</strong><br />

Paris sur le thème : Paranoïa et masochisme.<br />

Renseignements : Groupe Aquitain<br />

<strong>de</strong> la Société Psychanalytique <strong>de</strong><br />

Paris, 18 rue Verte, 33200 Bor<strong>de</strong>aux.<br />

Tél./Fax : 05 56 93 00 42. E-mail : gaspp.b<br />

@wanadoo.fr<br />

10 juin 2006. Paris. XXXIII e Journée<br />

scientifique <strong>de</strong> Michel Soulé, Marcel<br />

Rufo, Bernard Golse sur le thème : La<br />

dynamique du virtuel chez l’enfant. Bons<br />

plans pour les nuls. Inscriptions. Tél. :<br />

01 53 68 93 43. Fax : 01 53 68 93 45.<br />

E-mail : jscientifique@wanadoo.fr<br />

13 au 15 juin 2006. Lorquin. 30 e Festival<br />

International Ciné-Vidéo-Psy <strong>de</strong> Lor-<br />

Nom :<br />

Prénom :<br />

Adresse :<br />

quin. 30 ans d’images en psy ! Inscriptions<br />

: www.cnasm.prd.fr/festival/in<strong>de</strong>x.asp<br />

24 juin 2006. Paris. Réunion <strong>de</strong> travail<br />

<strong>de</strong>l’Association « Coordination Internationale<br />

entre Psychothérapeutes Psychanalystes<br />

s’occupant <strong>de</strong> personnes avec autisme<br />

» (CIPPA) sur le thème : Outils<br />

d’évaluation du diagnostic et <strong>de</strong> l’évolution<br />

<strong>de</strong>s états autistiques. Rénseignements<br />

: tél. : 01 47 83 29 84.<br />

26 juin 2006. Paris. Conférence-Hommage<br />

à Oscar Masotta organisée par<br />

l’Association franco-argentine <strong>de</strong> psychiatrie<br />

et <strong>de</strong> santé mentale. Informations<br />

: psy.francoarg.ass@free.fr. Site :<br />

http://psy.francoarg.asso.fr. Dr Perla<br />

Drechsler : perlad@wanadoo.fr, 20 rue<br />

Littré, 75006 Paris. Tél. : 01 45 55 34 65.<br />

17 au 21 juillet 2006. Marly-le-Roi. Séminaire<br />

<strong>de</strong> psychodrame psychanalytique<br />

organisé par le CEFFRAP. Renseignements<br />

: Tél./Fax : 01 40 09 84 74. Email<br />

: ceffrap@libertysurf.fr<br />

20 et 23 juillet 2006. Aix-en-Provence.<br />

XI e Rencontres Internationales <strong>de</strong> l’AIHP<br />

sur le thème : Ecrire l’histoire d’une science<br />

particulière : la psychanalyse. Inscriptions :<br />

Service gestion Congrès. Tél. :<br />

04 42 161 009/183. E-mail : gestioncongres@aixenprovencetourism.com<br />

2 au 6 août 2006. Ba<strong>de</strong>n Ba<strong>de</strong>n. Congrès<br />

Clinical Sandor Ferenczi Psychanalyse et<br />

Psychosomatique. Renseignements : The<br />

Clinical Sandor Ferenczi Conference c/o<br />

Ann-Louise S. Silver, M.D., Clinical Sandor<br />

Ferenczi Conference, 4966 Reedy<br />

Brook Lane, Columbia, MD 21044-1514,<br />

Etats-Unis.<br />

3 au 6 août 2006. Montréal. 2 e Congrès<br />

International <strong>de</strong> Thérapie Familiale Psychanalytique<br />

sur le thème : La part <strong>de</strong>s<br />

ancêtres. Le transgénérationnel dans<br />

les thérapies psychanalytiques <strong>de</strong> couple<br />

et <strong>de</strong> la famille. Inscriptions : CITFP,<br />

Bureau <strong>de</strong>s Congrès Universitaires,<br />

660 ch. Cote-<strong>de</strong>s-Neiges, Suite 510,<br />

Montréal (Québec), Canada H3s 2A9.<br />

Tél. : +1(514) 340 3215. E-mail : info@<br />

citfp2006.com. Site : www.citfp2006.com.<br />

10 au 14 septembre 2006. Melbourne.<br />

17 ème Congrès <strong>de</strong> l’Association for Child<br />

and Adolescent Psychiatry and Allied Professions.<br />

Renseignements : SFPEADA,<br />

6 rue Albert <strong>de</strong> Lapparent, 75007<br />

Paris. E-mail : raynaud.jph@chu-toulouse.fr<br />

5 au 7 octobre 2006. Chailles. XXXV e<br />

Journées Nationales <strong>de</strong> la <strong>Psychiatrie</strong><br />

Privée sur le thème : Hospitalier ? Inscriptions<br />

: AFPEP, 141 rue <strong>de</strong> Charenton,<br />

75012 Paris. Tél. : 01 43 46 25 55.<br />

Fax : 01 43 46 25 56. E-mail : info@<br />

afpep-snpp.org<br />

26 au 28 octobre 2006. Avignon. VII e<br />

Colloque International <strong>de</strong> Périnatalité<br />

organisé par l’Association Recherche<br />

Information Périnatalité sur le thème :<br />

Bébé - Cultures. Culture <strong>de</strong>s bébés. Bébés<br />

<strong>de</strong>s cultures. Inscriptions : ARIP, BP 36,<br />

84142 Montfavet Ce<strong>de</strong>x. Tél. :<br />

04 90 23 99 35. Fax : 04 90 23 51 17.<br />

E-mail : arip@wanadoo.fr<br />

Je m’abonne pour : 1 an 2 ans<br />

CHÈQUE À L’ORDRE DE MAXMED à envoyer avec ce bulletin,<br />

54, boulevard <strong>de</strong> la Tour Maubourg, 75007 Paris<br />

Téléphone : 01 45 50 23 08<br />

Je souhaite recevoir une facture acquittée justifiant <strong>de</strong> mon abonnement.<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

13 au 15 novembre 2006. New Delhi.<br />

Congrès organisé par Psychiatres du<br />

Mon<strong>de</strong> en collaboration avec la Delhi<br />

Psychiatric Society et sous le parrainage<br />

<strong>de</strong> l’Ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> France sur le thème :<br />

The psychic life at the interface of beliefs<br />

and knowledge. Renseignements : Dr<br />

Patrick Bantman. E-mail : pbantman<br />

@wanadoo.fr<br />

16 novembre 2006. Limoges. Journée<br />

dans le cadre <strong>de</strong> « Handicap psychique :<br />

<strong>de</strong> l’intsitution à la cité » organisée par la<br />

Fédération d’ai<strong>de</strong> à la Santé Mentale<br />

Croix-Marine sur le thème : Réinsertion<br />

au travail et aménagements raisonnables.<br />

Inscriptions : tél.: 01 45 96 06 36. Email<br />

: croixmarine@wanadoo.fr<br />

18 novembre 2006. Paris. XXVI ème Colloque<br />

du CECCOF sur le thème : Pertes<br />

et manques dans les familles. Quelles reconstructions<br />

possibles ? Renseignements :<br />

Centre d’étu<strong>de</strong>s Cliniques <strong>de</strong>s Communications<br />

Familiales. Secrétariat : 96 ave.<br />

<strong>de</strong> la République, 75011 Paris. Tél. :<br />

0148 05 84 33. Fax : 01 48 05 84 30.<br />

Site : www.ceccof.com. E-mail : ceccof@wanadoo.Fr<br />

24 au 25 novembre 2006. Avignon.<br />

XXI è Forum professionnel <strong>de</strong>s Psychologues<br />

sur le thème : Etre psychologue.<br />

De la diversité <strong>de</strong>s pratiques à l’unité <strong>de</strong><br />

la psychologie ? Renseignements : Le<br />

<strong>Journal</strong> <strong>de</strong>s Psychologues. Tél. :<br />

01 53 38 46 46. Fax : 0153 38 46 40.<br />

E-mail : forum@jifpsychologues.fr<br />

24 novembre au 7 décembre 2006.<br />

Cuba. 6 èmes Rencontres <strong>de</strong> l’Association<br />

franco-cubaine sur le thème : Famille,<br />

communauté, secteur, réseau en santé mentale<br />

: modèles cubains et français. Renseignements<br />

: AFCPP, Annette Thévenot,<br />

248 bd Saint-Denis, 92400 Courbevoie.<br />

E-mail : annette.thevenot@laposte.net<br />

24 novembre 2006. Paris. Colloque organisé<br />

par la Société Française <strong>de</strong> psychiatrie<br />

<strong>de</strong> l’enfant et <strong>de</strong> l’adolescent et<br />

disciplines associées sur le thème : Symptômes<br />

actuels <strong>de</strong> l’adolescence : répondre<br />

ou soigner. Renseignements et inscriptions<br />

: Secrétariat <strong>de</strong> la trèsorière <strong>de</strong> la<br />

SFPEADA, Centre mère-enfant, 11 rue<br />

du Général-Cérez, 87000 Limoges.<br />

Tél/Fax : 05 55 32 89 94.<br />

8 et 9 juin 2007. Montpellier. Troisième<br />

Congrès Franco-Algérien <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />

sur le thème : Le suici<strong>de</strong> : <strong>de</strong> la culture aux<br />

neurosciences. Les personnes qui désirent<br />

organiser un symposium, un atelier,<br />

soumettre un appel <strong>de</strong> communication<br />

libre ou une présentation, doivent<br />

décrire le thème et les objectifs et faire<br />

parvenir leur projet par courrier électronique<br />

avec un document attaché,<br />

dans un format Word. Le document doit<br />

reprendre les éléments indiqués dans<br />

le formulaire postal. E-mail : p-courtet@chu-montpellier.fr<br />

ou par courrier<br />

au Pr Philippe Courtet, Service <strong>de</strong><br />

Psychologie Médicale et <strong>Psychiatrie</strong>,<br />

Hôpital Lapeyronie, CHU Montpellier,<br />

34295 Ce<strong>de</strong>x 5. Tél. : 04 67 33 85 81.<br />

Date limite <strong>de</strong> soumission : 31 décembre<br />

2006.<br />

Bulletin d’abonnement<br />

Le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong> <strong>Nervure</strong> + La Revue


N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

Serge Tribolet : Plusieurs étu<strong>de</strong>s montrent<br />

que l’observance <strong>de</strong>s thymorégulateurs<br />

(tous thymorégulateurs confondus)<br />

est inférieure à 60% en pério<strong>de</strong><br />

normothymique. Quelles sont selon vous<br />

les principales causes <strong>de</strong> cette mauvaise<br />

observance ?<br />

Roland Dar<strong>de</strong>nnes : L’expérience clinique<br />

et les recherches menées en la<br />

matière nous indiquent clairement que<br />

les patients se représentent les médicaments<br />

comme <strong>de</strong>s substances ayant<br />

<strong>de</strong>s effets dangereux, prescrites <strong>de</strong><br />

manière excessive par les mé<strong>de</strong>cins (1) !<br />

Les psychotropes sont souvent perçus<br />

d’une manière globale comme <strong>de</strong>s<br />

« drogues » (2) car ils modifient votre<br />

comportement « à l’insu <strong>de</strong> votre plein<br />

gré », sans passer par votre contrôle<br />

volontaire, et que vous ne pouvez plus<br />

ensuite vous en passer pour maintenir<br />

votre santé, ce qui est assimilé à la<br />

dépendance <strong>de</strong>s toxicomanes. La perception<br />

d’effets secondaires renforce<br />

cette conviction <strong>de</strong> la nocivité <strong>de</strong>s traitements<br />

; par exemple, dans le contexte<br />

actuel, une prise <strong>de</strong> poids rapi<strong>de</strong> est<br />

mal supportée, elle est synonyme d’une<br />

mauvaise santé et <strong>de</strong> risques importants,<br />

sans compter la mauvaise image<br />

donnée à soi et aux autres. Les discussions<br />

entre patients et les histoires véhiculées<br />

par <strong>de</strong>s proches bien intentionnés<br />

sur les connaissances qui prennent<br />

<strong>de</strong>s traitements <strong>de</strong>puis 20 ans contribuent<br />

également à maintenir la conviction<br />

qu’il s’agit d’une dépendance. A<br />

l’inverse, la perception <strong>de</strong> la nécessité<br />

du traitement repose d’abord sur la<br />

perception <strong>de</strong> l’efficacité du traitement.<br />

Celle-ci est véhiculée initialement par la<br />

relation <strong>de</strong> confiance avec son mé<strong>de</strong>cin<br />

et la qualité <strong>de</strong> sa relation et <strong>de</strong> sa communication,<br />

elle se développe ensuite<br />

en fonction <strong>de</strong> l’amélioration obtenue<br />

et <strong>de</strong> l’attribution <strong>de</strong> cette amélioration<br />

au traitement. En effet, le patient<br />

peut tout à fait attribuer son amélioration<br />

à <strong>de</strong>s facteurs environnementaux<br />

– un meilleur climat familial, une<br />

vie plus saine et moins stressante, <strong>de</strong>s<br />

aubaines sur le plan professionnel – et<br />

juger que le traitement préventif y joue<br />

un rôle mineur. Le <strong>de</strong>uxième défi <strong>de</strong><br />

l’observance est <strong>de</strong> la maintenir sur le<br />

long terme. Quelle que soit la pathologie,<br />

cette observance est faible (3).<br />

Dans le trouble bipolaire, cette mauvaise<br />

observance concerne tous les thymorégulateurs<br />

(4, 5). En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s<br />

aspects pratiques <strong>de</strong> la mise en place <strong>de</strong><br />

cette observance – simplifier la prise<br />

médicamenteuse quotidienne, mettre<br />

en place <strong>de</strong>s routines pour la prise du<br />

traitement, prévoir l’accès au traitement<br />

lors <strong>de</strong>s déplacements, etc., <strong>de</strong>ux obstacles<br />

majeurs à cette observance sont<br />

le refus <strong>de</strong> la maladie ou, sous une<br />

autre forme, la conviction d’être guéri<br />

<strong>de</strong> son trouble bipolaire. La prise quotidienne<br />

d’un traitement rappelle<br />

chaque jour à cette personne que,<br />

même bien portante, elle est « mala<strong>de</strong><br />

», différente. La perception <strong>de</strong> la<br />

maladie et <strong>de</strong> son traitement par le<br />

patient, ainsi que la qualité <strong>de</strong> la relation<br />

mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong> sont <strong>de</strong>s facteurs<br />

fondamentaux <strong>de</strong> l’observance (6).<br />

S.T. : La nécessité d’un traitement préventif<br />

au long cours est à l’origine <strong>de</strong><br />

représentations particulières <strong>de</strong> la maladie,<br />

pour les patients comme pour l’entourage.<br />

Ces représentations <strong>de</strong> la mala-<br />

Psychopathologie <strong>de</strong> la<br />

personnalité dépendante<br />

Gwenolé Loas, Maurice Corcos<br />

Préface <strong>de</strong> Philippe Jeammet<br />

Postface <strong>de</strong> Robert H. Bornstein<br />

Dunod, 23 €<br />

La dépendance affective constitue<br />

une caractéristique normale chez l’être<br />

humain mais lorsqu’elle <strong>de</strong>vient importante<br />

et rigi<strong>de</strong>, elle relève <strong>de</strong> la<br />

pathologie. Les auteurs définissent<br />

ce concept selon diverses approches<br />

(catégorielle, dimensionnelle, psychanalytique,cognitivo-comporte-<br />

Troubles bipolaires :<br />

comment améliorer le<br />

fonctionnement au<br />

quotidien ?<br />

Six questions à Roland Dar<strong>de</strong>nnes*<br />

die sont un déterminant essentiel <strong>de</strong> la<br />

qualité <strong>de</strong> vie du sujet. Comment agir<br />

efficacement pour améliorer ces représentations<br />

?<br />

R.D. : A ma connaissance, il n’existe<br />

heureusement pas <strong>de</strong> métho<strong>de</strong> simple<br />

et rapi<strong>de</strong> pour transformer radicalement<br />

les opinions <strong>de</strong>s individus ! Vous<br />

avez raison <strong>de</strong> souligner que la qualité<br />

<strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s patients est plus fortement<br />

liée à leur représentation <strong>de</strong> leur maladie<br />

qu’à la sévérité ou au handicap<br />

objectif <strong>de</strong> cette maladie (7). Les<br />

métho<strong>de</strong>s visant à modifier les représentations<br />

<strong>de</strong> la maladie ne sont pas<br />

encore formalisées. Il existe <strong>de</strong>s programmes<br />

psycho-éducatifs dont les<br />

résultats sont estimés sur la prévention<br />

<strong>de</strong>s récidives ultérieures mais pas sur les<br />

modifications <strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong><br />

la maladie qu’ils ont pu opérer. Par<br />

contre, se contenter <strong>de</strong> fournir une<br />

information ne suffit pas à modifier<br />

les représentations : le style relationnel<br />

du mé<strong>de</strong>cin avec son patient a un<br />

impact sur la perception du traitement<br />

et sur son observance (8, 9). Les représentations<br />

<strong>de</strong>s proches influents du<br />

patient jouent vraisemblablement un<br />

rôle non négligeable dans le façonnement<br />

et le maintien <strong>de</strong> la perception<br />

par le patient <strong>de</strong> sa maladie. Recevoir<br />

ces proches et explorer d’une manière<br />

ouverte et sans affrontement direct<br />

leurs représentations cimente la collaboration<br />

et permet d’amener ces familiers<br />

à nuancer leur point <strong>de</strong> vue. Les<br />

points importants dans la relation <strong>de</strong><br />

suivi d’un traitement au long cours<br />

semblent être la capacité du mé<strong>de</strong>cin à<br />

encourager le patient à exprimer ses<br />

problèmes et ses préoccupations, et à<br />

démontrer son écoute en examinant<br />

avec le patient les différentes manières<br />

d’y apporter une solution ou un changement<br />

<strong>de</strong> perspective (9).<br />

S.T. : Parmi les causes d’interruption du<br />

traitement par le patient lui-même, la<br />

nostalgie <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s d’excitation et d’euphorie<br />

a souvent été mentionnée. Cette<br />

explication est-elle vali<strong>de</strong> ?<br />

R.D. : Pas du tout lorsque l’on considère<br />

les enquêtes réalisées auprès <strong>de</strong><br />

patients bipolaires pour connaître leurs<br />

raisons d’interrompre le traitement préventif.<br />

Ce motif est donné par moins<br />

<strong>de</strong> 10% <strong>de</strong>s bipolaires alors que c’est la<br />

première raison invoquée par les psychiatres<br />

pour expliquer l’abandon du<br />

traitement par leurs patients (4, 10).<br />

S.T. : L’importance du retentissement<br />

social du trouble bipolaire et en particulier<br />

<strong>de</strong> l’accès maniaque, son impact sur<br />

la vie <strong>de</strong>s patients et l’handicap (6ème<br />

cause selon l’OMS) qu’il constitue sont<br />

<strong>de</strong>s éléments essentiels à prendre en<br />

compte dans la stratégie thérapeutique.<br />

L’utilisation <strong>de</strong> l’échelle GAS (global<br />

mentale, biologique, phénoménologique).<br />

Ils en présentent les fon<strong>de</strong>ments<br />

théoriques, les concepts voisins<br />

(immaturité psycho-affective,<br />

attachement, sociotropie, addiction<br />

alexithymie) et les outils <strong>de</strong> mesure.<br />

Ils traitent <strong>de</strong> la clinique sou l’angle<br />

catégoriel (épidémiologie, comorbidités,<br />

évolution et pronostic, diagnostic,<br />

facteurs favorisants, étiologie), et<br />

dimensionnel (pathologies psychiatrique<br />

et somatique) et exposent, enfin,<br />

la thérapeutique. Dans le <strong>de</strong>rnier<br />

chapitre, un regard critique discute la<br />

question <strong>de</strong> la dépathologisation <strong>de</strong><br />

la dépendance affective.<br />

assessment scale) dans l’étu<strong>de</strong> Khanna<br />

(11) a pour but d’étudier l’effet <strong>de</strong> la rispéridone<br />

sur le fonctionnement social <strong>de</strong>s<br />

patients. Cet effet est-il avéré ?<br />

R.D. : Il s’agit d’une étu<strong>de</strong> à court<br />

terme portant sur le traitement aigu <strong>de</strong><br />

290 patients hospitalisés pour un épiso<strong>de</strong><br />

maniaque ou mixte. Dans ce<br />

contexte, il paraît clair que l’importante<br />

amélioration symptomatique obtenue<br />

avec ce traitement au bout <strong>de</strong>s<br />

trois semaines <strong>de</strong> l’essai s’accompagne<br />

d’une amélioration parallèle du fonctionnement<br />

social qui était gravement<br />

perturbé, initialement, par l’épiso<strong>de</strong><br />

maniaque.<br />

S.T. : Dans la thérapeutique préventive<br />

du trouble bipolaire quels sont les éléments<br />

permettant d’assurer <strong>de</strong> façon optimale<br />

le fonctionnement cognitif ?<br />

R.D. : La mise en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s<br />

troubles cognitifs chez les patients<br />

atteints <strong>de</strong> troubles bipolaires alors qu’ils<br />

sont en rémission est une avancée relativement<br />

récente, et il était classique<br />

d’affirmer qu’entre les épiso<strong>de</strong>s la rémission<br />

était complète. Maintenant, on<br />

prête une attention plus soutenue aux<br />

plaintes <strong>de</strong> patients apparemment stabilisés<br />

sur le plan <strong>de</strong> l’humeur concernant<br />

leur mémoire ou leurs difficultés<br />

dans la vie quotidienne, et plus particulièrement<br />

leur difficulté à trouver<br />

leurs mots. Les ressources thérapeutiques<br />

sont actuellement limitées ; je<br />

ne crois pas que <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s neuropsychologiques<br />

ont été validées dans<br />

cette indication, certaines innovations<br />

thérapeutiques ont été testées avec succès<br />

sur <strong>de</strong>s petits groupes <strong>de</strong> patients<br />

mais il s’agit <strong>de</strong> résultats préliminaires<br />

qu’il faut encore confirmer. Je pense<br />

qu’il est superflu <strong>de</strong> recomman<strong>de</strong>r la<br />

parcimonie et la réévaluation régulière<br />

<strong>de</strong>s traitements afin <strong>de</strong> minimiser leur<br />

impact sur les fonctions cognitives.<br />

Cependant, il serait injuste <strong>de</strong> penser<br />

que tous les traitements utilisés dans<br />

le trouble bipolaire ont <strong>de</strong>s effets délétères<br />

sur les performances cognitives.<br />

D’une part, la prévention <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s<br />

doit préserver les fonctions cognitives,<br />

puisque la dégradation cognitive est<br />

associée à un plus grand nombre d’épiso<strong>de</strong>s<br />

et d’hospitalisations antérieurs.<br />

L’obtention d’une stabilisation thymique<br />

prolongée est donc certainement un<br />

<strong>de</strong>s éléments importants pour lutter<br />

contre cette altération. D’autre part,<br />

une amélioration <strong>de</strong>s performances<br />

cognitives a été observée dans la schizophrénie<br />

avec l’utilisation <strong>de</strong>s traitements<br />

antipsychotiques (12) et il serait<br />

intéressant <strong>de</strong> savoir ce qu’il en est<br />

pour le trouble bipolaire (13).<br />

S.T. : L’efficacité antimaniaque d’un antipsychotique<br />

atypique comme la rispéridone<br />

est validée par <strong>de</strong> nombreuses<br />

étu<strong>de</strong>s réalisées ces <strong>de</strong>rnières années.<br />

Avec le recul actuel quelle influence a-ton<br />

observé sur la qualité <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s<br />

patients ?<br />

L’apport <strong>de</strong>s antipsychotiques atypiques<br />

sur la qualité <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s patients a surtout<br />

été étudiée dans la schizophrénie<br />

et il paraît très probable que les patients<br />

atteints <strong>de</strong> schizophrénie ont une<br />

meilleure qualité <strong>de</strong> vie avec ces traitements<br />

dont fait partie la rispéridone<br />

(14). Dans le trouble bipolaire, les<br />

étu<strong>de</strong>s contrôlées publiées portent sur<br />

le traitement <strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong> aigu et l’appréciation<br />

<strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> vie ne repose<br />

pas, à mon avis, sur les mêmes paramètres.<br />

En aigu, on peut déduire un<br />

SIX QUESTIONS À ROLAND DARDENNES 19<br />

impact significatif sur la qualité <strong>de</strong> vie<br />

<strong>de</strong>s patients <strong>de</strong> la rapidité <strong>de</strong> la résolution<br />

<strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong> maniaque et, par<br />

conséquent, <strong>de</strong> la brièveté <strong>de</strong> la désinsertion<br />

sociale. Les étu<strong>de</strong>s publiées<br />

montrent un taux important <strong>de</strong> rémission<br />

après 3 semaines <strong>de</strong> traitement (15)<br />

et la prolongation sur 12 semaines au<br />

total <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> dont les premiers résultats<br />

ont été publiés par Khanna (11)<br />

montre que les patients traités ont au<br />

final un score <strong>de</strong> fonctionnement social<br />

à la GAS qui correspond à une personne<br />

ayant quelques difficultés ou<br />

symptômes et qui ne serait pas considérée<br />

comme mala<strong>de</strong> par <strong>de</strong>s personnes<br />

non averties (16). Ces résultats<br />

sont encourageants et les étu<strong>de</strong>s<br />

menées sur <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s prolongées<br />

<strong>de</strong>vraient nous apporter <strong>de</strong>s réponses<br />

à ce sujet. <br />

Serge Tribolet **<br />

* Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine, Université Paris 5 et<br />

Centre Hospitalier Sainte-Anne – Clinique <strong>de</strong>s<br />

Maladies Mentales et <strong>de</strong> l’Encéphale, 75674<br />

Paris ce<strong>de</strong>x 14<br />

** Praticien Hospitalier, Psychiatre, EPS Maison<br />

Blanche<br />

Références bibliographiques<br />

(1) HORNE R, WEINMAN J, HANKINS<br />

M, The Beliefs about Medicines Questionnaire<br />

(BMQ): a new method for assessing<br />

cognitive representations of medications, Psychol<br />

Health 1999, 10, 1-29.<br />

(2) PRIEST RG, VIZE C, ROBERTS A,<br />

ROBERTS M, TYLEE A, Lay people’s attitu<strong>de</strong>s<br />

to treatment of <strong>de</strong>pression: results of<br />

opinion poll for Defeat Depression Campaign<br />

just before its launch, BMJ 1996, 313,<br />

858-859.<br />

(3) OSTERBERG L, BLASCHKE T, Adherence<br />

to medication, NEJM 2005, 353, 487-<br />

497.<br />

(4) KECK PE, MCELROY SL, STRA-<br />

KOWSKI SM, BOURNE ML, WEST SA,<br />

Compliance with maintenance treatment in<br />

bipolar disor<strong>de</strong>r, Psychopharmacol Bull,<br />

1997, 33, 87-91.<br />

(5) COLOM F, VIETA E, MARTINEZ-<br />

ARAN A, REINARES M, BENABARRE A,<br />

GASTO C, Clinical factors associated with<br />

treatment noncompliance in euthymis bipolar<br />

patients, J Clin Psychiatry 2000, 61, 549-<br />

555.<br />

(6) KLEINDIEST N, GREIL W, Are illness<br />

concepts a powerful predictor of adherence to<br />

prophylactiv treatment in bipolar disor<strong>de</strong>r ? J<br />

Clin Psychiatry 2004, 65, 966-974.<br />

(7) MOSS-MORRIS R, WEINMAN J,<br />

PETRIE KJ, HORNE R, CAMERON LD,<br />

BUICK D (2002), The Revised Illness Perception<br />

Qustionnaire (IPQ-R), Psychology<br />

and Health 2002, 17, 1–16.<br />

(8) CRUZ M, PINCUS HA, Research on<br />

the influence that communication in psychiatric<br />

encounters has on treatment, Psychiatric<br />

Services 2002, 53, 1253-1265.<br />

(9) Effects of physician communication style<br />

on client medication beliefs and adherence<br />

with anti<strong>de</strong>pressant treatment, Patient Education<br />

and Counseling 2000, 40, 173-185.<br />

(10) POPE M, SCOTT J, Do clinicians<br />

un<strong>de</strong>rstand why individuals stop taking<br />

lithium ? J Affect Disord 2003, 74, 287-<br />

291.<br />

(11) KHANNA S, VIETA E, LYONS B,<br />

GROSSMAN F, EERDEKENS M, KRA-<br />

MER M, Risperidone in the treatment of<br />

acute mania: double-blind, placebo-controlled<br />

study, Br J Psychiatry 2005, Sep, 187, 229-<br />

34.<br />

(12) Evaluating the effects of antipsychotics<br />

on cognition in schizophrenia. Collaborative<br />

Working Group on Clinical Trial Evaluations.<br />

J Clin Psychiatry. 1998;59 Suppl<br />

12:35-40.<br />

(13) MACQUEEN G, YOUNG T, Cognitive<br />

effects of atypical antipsychotics: focus on<br />

bipolar spectrum disor<strong>de</strong>rs, Bipolar Disord.<br />

2003, 5 Suppl 2, 53-61.<br />

(14) AWAD AG, VORUGANTI LN,<br />

Impact of atypical antipsychotics on quality of<br />

life in patients with schizophrenia, CNS<br />

Drugs 2004,18, 877-93.<br />

(15) GOPAL S, STEFFENS DC, KRAMER<br />

ML, OLSEN MK, Symptomatic remission<br />

in patients with bipolar mania: results from a<br />

double-blind, placebo-controlled trial of risperidone<br />

monotherapy, J Clin Psychiatry<br />

2005, Aug, 66, 8, 1016-20.<br />

(16) SMULEVICH AB, KHANNA S, EER-<br />

DEKENS M, KARCHER K, KRAMER M,<br />

GROSSMAN F, Acute and continuation risperidone<br />

monotherapy in bipolar mania: a<br />

3-week placebo-controlled trial followed by a<br />

9-week double-blind trial of risperidone and<br />

haloperidol, Eur Neuropsychopharm 2005,<br />

15, 75-84.<br />

LIVRES<br />

Le suici<strong>de</strong> carcéral : <strong>de</strong>s<br />

représentations à l’énigme<br />

du sens<br />

Nathalie Papet, Sylvie Lepinçon<br />

L’Harmattan, 17 €<br />

Les conduites suicidaires en milieu<br />

carcéral font l’objet d’une médiatisation<br />

qui témoigne <strong>de</strong> la réactivité<br />

du corps social à l’égard <strong>de</strong> la prison<br />

et <strong>de</strong> ces conduites. De nombreux<br />

écrits s’attachent, principalement, aux<br />

causes <strong>de</strong>s suici<strong>de</strong>s.<br />

Cependant, une lecture essentiellement<br />

causale semble réductrice, et et<br />

l’on peut s’interroger sur l’existence<br />

et l’impact <strong>de</strong> représentations individuelles<br />

et collectives particulièrement<br />

attachées au suici<strong>de</strong> en prison. La<br />

mise au jour <strong>de</strong> ces représentations<br />

pourrait permettre la mise en place<br />

d’actions <strong>de</strong> prévention plus efficientes<br />

et favoriserait l’élaboration d’une clinique<br />

au plus près du sujet détenu.<br />

Vieillir en institution<br />

Témoignages <strong>de</strong> professionnels,<br />

regards <strong>de</strong> philosophes<br />

Catherine Déliot<br />

Alice Casagran<strong>de</strong><br />

John Libbey Eurotext<br />

Des images hantent les esprits lorsque<br />

sont évoquées les maisons <strong>de</strong> retraite<br />

: visages éteints, solitu<strong>de</strong>s rassemblées<br />

loin <strong>de</strong> leur foyer, journées<br />

rythmées par les impératifs collectifs<br />

<strong>de</strong> soin plutôt que les choix personnels<br />

<strong>de</strong> vie. Philosophes éthiciennes,<br />

Catherine Déliot et Alice Casagran<strong>de</strong><br />

accompagnent, <strong>de</strong>puis cinq ans, les<br />

équipes <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nces du groupe<br />

Médi<strong>de</strong>p dans leur réflexion sur la<br />

prise en charge et sur les chemins <strong>de</strong><br />

la bien-traitance. Elles donnent dans<br />

ce livre la parole à ceux, directeurs,<br />

soignants, auxiliaires <strong>de</strong> vie, psychologues<br />

ou mé<strong>de</strong>cins, qui ont en<br />

charge les <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> vie<br />

<strong>de</strong>s personnes qui leur sont confiées.<br />

Cette parole ne souhaite ni promouvoir<br />

ni décrier. Il ne s’agit pas ici <strong>de</strong><br />

révélations scandaleuses, mais <strong>de</strong> témoignages<br />

sur un quotidien vécu,<br />

parfois dans la douceur, parfois dans<br />

la violence.<br />

A ces témoignages est associée une<br />

réflexion éthique nourrie par les questionnements<br />

<strong>de</strong>s sciences humaines,<br />

dont l’ambition consiste à approfondir<br />

les interrogations <strong>de</strong>s équipes.<br />

La vie inconsciente<br />

Théodule Ribot<br />

Introduction <strong>de</strong> Serge Nicolas<br />

L’Harmattan, 19,50 €<br />

Ce livre est la réédition fac simile <strong>de</strong> la<br />

version originale (1914) du <strong>de</strong>rnier<br />

ouvrage <strong>de</strong> Ribot où il abor<strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> l’inconscient à une époque où<br />

Freud avait développé sa psychanalyse.<br />

Pour Ribot, une <strong>de</strong>s tendances<br />

principales <strong>de</strong> sa psychologie, a été<br />

<strong>de</strong> mettre en lumière le rôle essentiel<br />

que jouent les éléments moteurs dans<br />

les diverses fonctions psychiques.<br />

L’ouvrage est constitué par la réunion<br />

<strong>de</strong> quatre articles sur le rôle latent<br />

<strong>de</strong>s images motrices ; les mouvements<br />

et l’activité inconsciente ; le<br />

problème <strong>de</strong> la pensée sans images<br />

et sans mots ; le moindre effort en<br />

psychologie. L’idée générale défendue<br />

par Ribot est <strong>de</strong> montrer que tout<br />

état <strong>de</strong> conscience est un complexus<br />

dont les éléments kinesthésiques forment<br />

la portion stable, résistante et<br />

constituent, en quelque sorte, le squelette.<br />

Or ce squelette, ce résidu moteur<br />

<strong>de</strong>s états affectifs et intellectuels,<br />

formerait, pour Ribot, le substratum<br />

<strong>de</strong> la vie inconsciente, l’infrastructure<br />

<strong>de</strong> l’inconscient.<br />

Le fond, la nature intime <strong>de</strong> l’inconscient,<br />

ne doivent donc pas être<br />

déduits <strong>de</strong> la conscience : ils doivent<br />

être cherchés dans l’activité motrice,<br />

actuelle ou conservée à l’état latent.


20<br />

REVUES<br />

Médiations familiales : quels<br />

enjeux ?<br />

Dossier composé par Régine<br />

Scelles<br />

Dialogue 2005 n°170<br />

Erès, 16 €<br />

Ce numéro rassemble <strong>de</strong>s praticiens<br />

<strong>de</strong> la médiation et/ou <strong>de</strong> la thérapie<br />

<strong>de</strong> la famille et du couple (M. Berger,<br />

A. Ducousso-Lacaze, J. Grechez, M.-Th.<br />

Martinière, J.-L. Viaux) qui interrogent<br />

les indications, les limites <strong>de</strong> la médiation,<br />

ses effets et ses liens avec les<br />

autres dispositifs. Le sociologue B. Bastard<br />

met en perspective ce dispositif,<br />

la profession <strong>de</strong> médiateur, avec une<br />

certaine conception <strong>de</strong> la famille et<br />

avec la manière dont l’Etat, au fil du<br />

temps, a souhaité intervenir dans ce<br />

domaine <strong>de</strong> la vie privée.<br />

Plusieurs articles hors thème sont proposés.<br />

J. Cassanas invite les thérapeutes familiaux<br />

à s’intéresser aux effets <strong>de</strong> la<br />

communication analogique dans le<br />

cadre <strong>de</strong> la thérapie familiale, et à la<br />

manière <strong>de</strong> travailler avec la complexité<br />

<strong>de</strong> cette dimension <strong>de</strong> la communication<br />

interindividuelle et groupale. A.<br />

Thévenot et coll. poursuivent la réflexion<br />

initiée, précé<strong>de</strong>mment, dans le<br />

numéro sur les familles d’accueil. L. Ga<strong>de</strong>au<br />

invite à réfléchir au sens <strong>de</strong> l’acte<br />

éducatif pour l’adolescent et pour celui<br />

qui le pose, chacun ayant sa subjectivité<br />

et sa temporalité propres. Enfin,<br />

à partir d’une pratique d’analyste<br />

dans un lieu <strong>de</strong> rencontre parent-enfant,<br />

F. Pérez invoque les notions <strong>de</strong><br />

complexité et <strong>de</strong> chaos déterministe<br />

pour penser la complexité <strong>de</strong>s conflits<br />

familiaux traversés par chaque sujet<br />

dans un système intersubjectif, tel qu’il<br />

existe dans ce lieu <strong>de</strong> rencontre.<br />

Grandir<br />

Topique 2005 n°93<br />

L’Esprit du Temps, 21 €<br />

Le terme <strong>de</strong> « grandir » interroge la<br />

dimension <strong>de</strong> l’Idéal comme celle du<br />

Temps dans la problématique plus<br />

arge du « projet », d’où <strong>de</strong>s questionnements<br />

importants et trop peu étudiés<br />

sur la pensée du « progrès » chez<br />

Freud et en psychanalyse, et sur les<br />

liens que l’on peut établir avec les notions<br />

d’évolution ou, au contraire, <strong>de</strong><br />

développement.<br />

M. Moreau-Ricaud présente un <strong>de</strong>s premiers<br />

travaux sur la psychanalyse du<br />

vieillissement : une conférence donnée<br />

par Michael Balint l’année <strong>de</strong> la<br />

mort <strong>de</strong> Ferenczi, mort qui l’a totalement<br />

bouleversé.<br />

Balint reprend cette question à partir<br />

<strong>de</strong> la philosophie (Cicéron, dans De Senectute,<br />

etc) renouvelée par le Romantisme,<br />

et s’interroge sur le <strong>de</strong>venir<br />

<strong>de</strong> la libido sexualis et <strong>de</strong> la libido<br />

sciendi dans le vieillissement <strong>de</strong> l’individu.<br />

Il questionne les processus pulsionnels<br />

<strong>de</strong> l’adolescence et <strong>de</strong> la sénescence,<br />

leur similitu<strong>de</strong> et leur différence, en<br />

s’appuyant sur <strong>de</strong>s faits sociaux et <strong>de</strong>s<br />

biographies <strong>de</strong> personnalités célèbres<br />

(Bismarck, Gladstone, la Reine Victoria<br />

et son fils Edouard VII, Goethe, Le<br />

Titien, ToIstoï, Voltaire) donc dans le<br />

registre <strong>de</strong> la psychanalyse appliquée.<br />

Il ouvre ici une perspective nouvelle :<br />

le processus <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir vieux n’est pas<br />

toujours synonyme <strong>de</strong> « naufrage »<br />

(Charles <strong>de</strong> Gaulle) mais au contraire<br />

<strong>de</strong> réappropriation <strong>de</strong> soi, <strong>de</strong> croissance,<br />

voire même <strong>de</strong> création d’une<br />

œuvre.<br />

En se référant au mythe <strong>de</strong> Narcisse,<br />

G. Roger examine les facteurs à l’œuvre<br />

dans l’acte <strong>de</strong> grandir, notamment les<br />

mouvements psychiques favorisant la<br />

co-existence <strong>de</strong> son achèvement et son<br />

inachèvement.<br />

La Casa <strong>de</strong> la Familia, créée sur le modèle<br />

français <strong>de</strong> l’I.R.A.E.C. - Institut <strong>de</strong><br />

Recherche Appliquée pour l’Enfant et le<br />

Couple -, fonctionne au Pérou <strong>de</strong>puis<br />

16 ans dans un quartier défavorisé <strong>de</strong><br />

Lima. Dans ce pays déshérité, ce ne<br />

sont pas les améliorations immédiates<br />

du niveau <strong>de</strong> vie qui fon<strong>de</strong>nt la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

pressante <strong>de</strong>s parents, <strong>de</strong>s enfants<br />

ou <strong>de</strong>s adolescents, mais d’abord<br />

l’urgence d’être écouté et entendu.<br />

En référence à ses travaux <strong>de</strong> psychosociologue,<br />

J. Bor<strong>de</strong>t propose <strong>de</strong> renforcer<br />

les solidarités entre les adultes<br />

et les responsables <strong>de</strong>s institutions pour<br />

tenir, ensemble, cet enjeu par rapport<br />

aux enfants et adolescents aux prises<br />

avec les risques d’exclusion sociale.<br />

Elle analyse, particulièrement, les solidarités<br />

créées entre les parents et les<br />

professionnels au sein <strong>de</strong> l’école, leurs<br />

potentialités et leurs limites.<br />

M.-Cl. Stuart propose une réflexion sur<br />

le maintien <strong>de</strong> la dépendance à la mère<br />

chez l’adolescente. L’évitement du mouvement<br />

dépressif lié à la menace <strong>de</strong><br />

perte <strong>de</strong> l’objet semble pouvoir être facilité<br />

par l’apparition d’une maladie somatique<br />

remettant en cause l’« économie<br />

psycho-somatique » et favorisant<br />

la position <strong>de</strong> dépendance à la mère.<br />

Cette dépendance serait une sorte d’effort<br />

pour ne pas grandir et pour retar<strong>de</strong>r<br />

l’accession à la sexualité adulte.<br />

Ce que Ch. Brunot nomme esthétique<br />

du non grandir s’avère être un fantasme<br />

narcissique qui vise à <strong>de</strong>meurer<br />

l’éternel enfant, à opposer au temps<br />

pulsionnel une résistance morale et<br />

éthique qui trouve une incarnation<br />

dans un double <strong>de</strong> soi, objet intemporel,<br />

fétiche d’un temps révolu sur lequel<br />

la tension d’altérité se reporte.<br />

Cette perversion du temps pulsionnel<br />

à l’œuvre dans certaines pathologies<br />

telles la névrose <strong>de</strong> contrainte trouve<br />

ici une illustration dans l’analyse d’un<br />

patient autobiographe chez qui le désir<br />

du nostos est <strong>de</strong>venu le seul désir<br />

qui soit comme quête d’un retour dans<br />

l’avant-naître.<br />

La pratique systématique et multiforme<br />

<strong>de</strong> l’humour à l’adolescence invite<br />

J.-P. Kamienak à s’interroger sur sa nature<br />

et sa fonction dans le processus<br />

<strong>de</strong> subjectivation adolescente. Les humours<br />

apparaissent ainsi, par la mise<br />

en représentations et en mots qu’elles<br />

effectuent, comme un moyen <strong>de</strong> traitement<br />

<strong>de</strong> l’excitation permettant les<br />

remaniements instanciels requis à ce<br />

moment du développement, offrant<br />

du même coup la possibilité d’élaborer<br />

les problématiques amoureuses qui<br />

lui sont spécifiques.<br />

Dossier I : Malaise dans la<br />

culture libérale<br />

Dossier II : Psychanalyse,<br />

société, anthropologie<br />

Le Coq-Héron Décembre 2005 n°183<br />

Erès, 16 €<br />

Dans un premier dossier consacré au<br />

« Malaise dans la culture libérale », sont<br />

présentés <strong>de</strong>s textes d’auteurs intervenus<br />

dans un colloque sur ce thème<br />

en décembre 2005. Ce dossier s’ouvre<br />

par un court monologue <strong>de</strong> Charles<br />

Melman qui évoque l’état d’esprit <strong>de</strong><br />

ce sujet post-mo<strong>de</strong>rne. Puis, Jean-<br />

Clau<strong>de</strong> Liau<strong>de</strong>t abor<strong>de</strong> la question <strong>de</strong><br />

la fantasmatique sous-jacente à l’exercice<br />

du pouvoir en régime libéral et insiste<br />

sur le fonctionnement collectif qui<br />

précè<strong>de</strong> le fonctionnement individuel,<br />

ce <strong>de</strong>rnier étant une variation du modèle<br />

collectif.<br />

Michel Benasayag, sous forme <strong>de</strong> dialogue<br />

avec Jean-Clau<strong>de</strong> Liau<strong>de</strong>t, interroge<br />

la psychanalyse dans son illusion<br />

<strong>de</strong> faire accé<strong>de</strong>r le moi à l’autonomie.<br />

Quant à Eugène Enriquez, il oppose à<br />

l’individualisme narcissique <strong>de</strong>structeur<br />

<strong>de</strong> la culture libérale, source d’une<br />

montée <strong>de</strong>s pathologies dont l’analyste<br />

est témoin, le rôle central <strong>de</strong><br />

l’amour non seulement comme signe<br />

<strong>de</strong> bonne santé psychique mais aussicomme<br />

capacité à reconnaître la différence<br />

<strong>de</strong> l’autre. Jean-Pierre Lebrun,<br />

auteur d’Un mon<strong>de</strong> sans limites, pense<br />

qu’il ne s’agirait pas tant d’une perversion<br />

construite contre le régime paternel<br />

(en particulier chez le sujet<br />

« consommateur » et « salarié » du système<br />

libéral) mais plutôt d’une pseudoperversion,<br />

résultant <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong><br />

confrontation au système paternel. Un<br />

article d’Alain Deneault sur « L’argent<br />

comme préconscient culturel » a pour<br />

sous-titre « L’économie psychique selon<br />

Avenarius, Simmel et Freud ».<br />

Un second dossier : « Psychanalyse, société,<br />

anthropologie » présente <strong>de</strong>s écrits,<br />

dont certains sont inédits en français.<br />

Vient tout d’abord un texte d’Erich<br />

Fromm (en traduction), texte qui date<br />

<strong>de</strong> 1974 et est intitulé « L’homme estil<br />

paresseux par nature ? ».<br />

Carlos Alberto Castillo Mendoza abor<strong>de</strong><br />

ensuite les « Rapports entre le psychique<br />

et le social chez Sandor Ferenzi ». Jean-<br />

Luc Vannier, qui a exercé la psychanalyse<br />

au Liban, se pose la question<br />

<strong>de</strong> la signification anthropologique et<br />

clinique <strong>de</strong> l’attirance qu’exercent sur<br />

les jeunes Libanais les pratiques occultistes,<br />

en se <strong>de</strong>mandant s’il en va<br />

<strong>de</strong> même en Europe.<br />

Angélique Christaki, dans un article intitulé<br />

« Inci<strong>de</strong>nces éthiques <strong>de</strong> paradigmes<br />

politiques relatifs à l’autisme et au handicap<br />

», met en ulmière les effets réducteurs<br />

<strong>de</strong> la législation et <strong>de</strong> l’abord<br />

neuro-cognitifs <strong>de</strong> l’autisme et du handicap<br />

mental.<br />

Ces <strong>de</strong>ux dossiers sont suivis d’un article,<br />

placé dans la rubrique « Varia »<br />

d’Odile Cazas qui s’intitule « La régression<br />

dans les Unités mère-bébés ».<br />

La douleur chez l’enfant<br />

Numéro thématique coordonné<br />

par Marc Zabalia<br />

Enfance 2006 n°1, PUF, 22 €<br />

La douleur est moins aisément reconnue<br />

et peut être largement sous-estimée<br />

chez les petits avant le langage<br />

et chez les plus grands lorsqu’ils sont<br />

non verbaux comme beaucoup d’enfants<br />

avec autisme, ou comme les jeunes<br />

avec une déficience mentale profon<strong>de</strong>.<br />

Dans ces cas, seuls les comportements<br />

manifestés peuvent constituer <strong>de</strong>s indices,<br />

or ceux-ci ne sont pas toujours<br />

fiables. C’est pourquoi sont si importants<br />

les travaux <strong>de</strong> recherche qui mettent<br />

en relation les indices neurophysiologiques<br />

et biochimiques concomitants<br />

à la survenue <strong>de</strong> comportements<br />

qui expriment la douleur. La France<br />

tar<strong>de</strong> à s’y impliquer. Il s’agit, pourtant,<br />

non seulement d’aiguiller le diagnostic<br />

mais aussi <strong>de</strong> mettre en place <strong>de</strong>s<br />

traitements antalgiques pertinents. De<br />

ce fait, l’étu<strong>de</strong> psychologique et neuropsychologique<br />

constitue un véritable<br />

enjeu <strong>de</strong> santé publique.<br />

Marc Zabalia, enseignant à l’Université<br />

<strong>de</strong> Caen, coordonne ce numéro thématique.<br />

Il propose, en introduction,<br />

un plaidoyer en faveur d’une psychologie<br />

<strong>de</strong> l’enfant face à la douleur. Il<br />

donne ensuite la parole à un ensemble<br />

<strong>de</strong> contributeurs qui abor<strong>de</strong>nt différents<br />

aspects du problème, <strong>de</strong>puis le<br />

développement d’une compétence à<br />

communiquer sa douleur, l’examen <strong>de</strong><br />

la place et du rôle <strong>de</strong> l’hypno-analgésie<br />

dans le contrôle <strong>de</strong> sa douleur par<br />

l’enfant lui-même, jusqu’à l’évaluation<br />

<strong>de</strong> la douleur chez les enfants atteints<br />

<strong>de</strong> déficience mentale. Au problème<br />

<strong>de</strong> la mémoire <strong>de</strong> la douleur, s’ajoute<br />

l’examen <strong>de</strong> l’influence <strong>de</strong>s souffrances<br />

chroniques <strong>de</strong>s parents sur la susceptibilité<br />

à la douleur chez leurs enfants.<br />

Matthieu <strong>de</strong> Brunhoff apporte le point<br />

<strong>de</strong> vue du pédiatre à cette question encore<br />

peu abordée dans l’étu<strong>de</strong> scientifique<br />

du développement <strong>de</strong> l’enfant.<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006


22<br />

LIVRES<br />

VAE, quand l’expérience se<br />

fait savoir<br />

L’accompagnement en validation<br />

<strong>de</strong>s acquis<br />

Alex Lainé<br />

Erès, 15 €<br />

On peut obtenir <strong>de</strong>s diplômes professionnels<br />

grâce à la validation <strong>de</strong>s acquis<br />

<strong>de</strong> l’expérience (VAE). Cet ouvrage<br />

présente la métho<strong>de</strong> d’accompagnement<br />

<strong>de</strong>s candidats mise en œuvre pour<br />

les diplômes relevant du ministère <strong>de</strong><br />

la Jeunesse et <strong>de</strong>s Sports.<br />

Cette métho<strong>de</strong>, que l’auteur a contribué<br />

à définir, convient également pour<br />

l’obtention d’un diplôme délivré par les<br />

ministères <strong>de</strong> l’Éducation nationale, <strong>de</strong><br />

la Santé, <strong>de</strong> I’Agriculture.<br />

L’ouvrage suit le chemin parcouru par<br />

le candidat à la validation <strong>de</strong> ses acquis,<br />

<strong>de</strong>puis l’information sur le cadre<br />

réglementaire jusqu’à la décision du<br />

jury dont la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail est, également,<br />

définie. Il montre comment cette<br />

démarche constitue un processus d’autoformation<br />

par lequel le candidat change<br />

le regard qu’il porte sur son expérience.<br />

Le bien : qu’en disent les<br />

jeunes ?<br />

Sophie Levasseur<br />

L’Harmattan, 11 €<br />

Ce livre est un enquête s’appuyant sur<br />

les témoignages d’une centaine <strong>de</strong><br />

jeunes, filles et garçons, d’un lycée <strong>de</strong><br />

la région parisienne, qui parlent <strong>de</strong> leur<br />

vision du bien, <strong>de</strong> leurs interrogations<br />

sur la valeur morale <strong>de</strong> leurs actes, et<br />

analysent, avec sincérité, leurs motivations<br />

et leurs freins à agir en bien et<br />

pour le bien.<br />

A travers la diversité <strong>de</strong>s expressions,<br />

ces paroles <strong>de</strong> jeunes révèlent quelque<br />

chose <strong>de</strong> la permanence et <strong>de</strong> l’invariance<br />

<strong>de</strong>s aspirations éthiques qui <strong>de</strong>meurent<br />

en chacun.<br />

La santé au miroir <strong>de</strong><br />

l’économie<br />

Une histoire <strong>de</strong> l’économie <strong>de</strong> la<br />

santé en France<br />

Daniel Benamouzig<br />

PUF, 34 €<br />

Ce livre qui analyse l’essor et le développement<br />

<strong>de</strong> l’économie <strong>de</strong> la santé<br />

en France, étudie les usages du raisonnement<br />

économique dans le domaine<br />

<strong>de</strong> la santé <strong>de</strong>puis les années 1950 en<br />

portant intérêt aux aspects cognitifs du<br />

travail <strong>de</strong>s économistes, et à leur activité<br />

sociale, institutionnelle ou Politique.<br />

De 1950 aux années 1970, l’Etat s’est<br />

progressivement doté <strong>de</strong> compétences<br />

et d’instruments économiques pour<br />

mettre en œuvre une politique <strong>de</strong> planification<br />

dans le domaine <strong>de</strong> la santé.<br />

Pendant plus <strong>de</strong> quinze ans, un vif débat<br />

oppose partisans et adversaires du<br />

calcul économique quant à la possibilité<br />

ou non d’établir un « prix <strong>de</strong> la vie<br />

humaine ». Rétrospectivement, cette<br />

controverse permet d’analyser les liens<br />

étroits entre les propriétés intrinsèques<br />

du raisonnement économique, qui évoluent<br />

au cours <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong>, et les<br />

usages auxquels il est <strong>de</strong>stiné et donne<br />

parfois lieu. Dans les années 1970 et<br />

1980, les réformes universitaires favorisent<br />

la création <strong>de</strong> nouveaux espaces<br />

académiques dédiés à l’économie <strong>de</strong> la<br />

santé. Des cycles d’enseignement et <strong>de</strong>s<br />

recherches spécialisées se développent<br />

au bénéfice d’une politique <strong>de</strong> recherche<br />

contractuelle en sciences sociales. Si les<br />

facultés <strong>de</strong> sciences économiques tirent<br />

bénéfice <strong>de</strong> ces évolutions, les facultés<br />

<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine restent, pour l’essentiel,<br />

en marge du développement <strong>de</strong> l’économie<br />

<strong>de</strong> la santé, malgré quelques tentatives<br />

isolées. Dans les années 1980,<br />

<strong>de</strong>s alliances avec <strong>de</strong>s acteurs externes<br />

à l’administration <strong>de</strong>viennent possibles<br />

et se nouent parfois aux dépens <strong>de</strong> l’Etat.<br />

Une première alliance associe <strong>de</strong>s économistes<br />

et <strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> santé<br />

autour du projet <strong>de</strong> développement <strong>de</strong><br />

l’évaluation économique <strong>de</strong>s pratiques<br />

médicales. Malgré quelques traductions<br />

institutionnelles, l’initiative vi<strong>de</strong> en pratique<br />

le raisonnement économique <strong>de</strong><br />

toute portée et le prive <strong>de</strong> toute conséquence.<br />

Une secon<strong>de</strong> alliance rapproche<br />

<strong>de</strong>s économistes à <strong>de</strong>s entrepreneurs<br />

politiques <strong>de</strong> sensibilité libérale, qui défen<strong>de</strong>nt<br />

un projet <strong>de</strong> mise en concurrence<br />

et <strong>de</strong> privatisation partielle du<br />

système <strong>de</strong> santé. Le projet <strong>de</strong>s Réseaux<br />

<strong>de</strong> soins coordonnés proposé au milieu<br />

<strong>de</strong>s années 1980, sans conséquences<br />

institutionnelles immédiates, donne lieu<br />

à <strong>de</strong> substantielles transformations du<br />

raisonnement économique, qui rend<br />

possible <strong>de</strong> nouvelles manières <strong>de</strong><br />

représenter le système <strong>de</strong> santé, permettant<br />

plus facilement d’envisager certaines<br />

transformations.<br />

Etre victime... et après ?<br />

Imaginaire et inconscient 2005,<br />

L’Esprit du Temps, 21 €<br />

Une nouvelle discipline, la victimologie,<br />

est en formation, exposant les diverses<br />

théories psychopathologiques du traumatisme,<br />

recensant les situations et événements<br />

victimisants, décrivant la clinique<br />

chez l’adulte comme chez l’enfant,<br />

étudiant les diverses conduites à tenir<br />

dans l’urgence, les prises en charge précoces<br />

et à long terme, détaillant enfin<br />

les diverses réponses juridiques et administratives<br />

aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> réparation.<br />

Dans ce numéro, les psychanalystes<br />

s’effacent <strong>de</strong>vant les politiques et hommes<br />

d’action, les écrivains et les universitaires.<br />

Nicole Guedj, secrétaire d’Etat aux droits<br />

<strong>de</strong>s victimes - première titulaire du portefeuille<br />

créé en avril 2004 - expose la<br />

pensée qui sous-tend son action au sein<br />

du gouvernement et le programme en<br />

dix droits fondamentaux qu’elle projette<br />

<strong>de</strong> réaliser. Serge Klarsfeld, montre<br />

que ce qu’il appelle « <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire »<br />

est sans rapport avec les déferlements<br />

émotionnels sans len<strong>de</strong>main déclenchés<br />

par les médias qui, eux, n’aboutissent<br />

guère, en fait, qu’à rendre futile<br />

la gravité du mon<strong>de</strong>.<br />

Bernard Kouchner livre ses réflexions<br />

sur plus <strong>de</strong> trente-cinq années d’action<br />

humanitaire à travers le mon<strong>de</strong>.<br />

Sylvie Germain médite sur le mal et la<br />

seule alternative valable à celui-ci: « tenter<br />

<strong>de</strong> le mettre à distance <strong>de</strong> soi (<strong>de</strong> son<br />

être souffrant), <strong>de</strong> le contempler sur fond<br />

<strong>de</strong> vi<strong>de</strong> béant en nous et au « Ciel », et <strong>de</strong><br />

le laisser se consumer dans ce vi<strong>de</strong>. C’est<br />

lui opposer une fin <strong>de</strong> non recevoir définitive<br />

en refusant <strong>de</strong> le répercuter par<br />

voie <strong>de</strong> <strong>de</strong> violence et <strong>de</strong> vengeance, aussi<br />

légitime soit celle-ci ». Diane <strong>de</strong> Margerie<br />

apporte une nouvelle inédite inspirée<br />

par un fait divers réel récent repris<br />

sur le mo<strong>de</strong> romancé qui montre certains<br />

aspects du vécu victimaire et que,<br />

dans certains contextes, les suites d’un<br />

traumatisme peuvent être pires que le<br />

trauma lui-même. Marie-Christine<br />

Navarro, dont on gar<strong>de</strong> le souvenir <strong>de</strong>s<br />

interviews qu’elle a réalisées pour<br />

France-Culture, présente un texte où se<br />

mêlent confi<strong>de</strong>nce - ou fiction ? et méditation<br />

philosophique.<br />

René <strong>de</strong> Obaldia a autorisé à reproduire<br />

Rappening, monologue tiré du tome VIII<br />

<strong>de</strong> son Théâtre comple et par lequel<br />

débutent les Obaldiableries, créées à<br />

Paris en 1999. On y trouve un personnage<br />

dont la langue poétique mêle le<br />

cocasse et le pathétique <strong>de</strong> la déréliction.<br />

Janine Altounian, à partir <strong>de</strong> trois souvenirs,<br />

et à l’intersection <strong>de</strong> l’histoire<br />

collective et <strong>de</strong> l’histoire psychique individuelle<br />

(le génoci<strong>de</strong> arménien étant<br />

pris comme paradigme d’autres drames<br />

analogues), porte moins sa méditation<br />

sur la mémoire du meurtre collectif, que<br />

sur le besoin impérieux pour les <strong>de</strong>scendants<br />

<strong>de</strong>s survivants « <strong>de</strong> se démettre<br />

<strong>de</strong> l’emprise du crime qui en perpétue les<br />

effets au sein même <strong>de</strong> la vie qui leur fut<br />

malgré tout transmise ».<br />

Avec Florence Fabre, une victime s’exprime.<br />

Elle témoigne du fait qu’une réparation<br />

psychologique nécessite une<br />

justice, qu’une victime mérite un procès.<br />

Judith Kauffman, au travers d’exemples<br />

littéraires - tirés <strong>de</strong> romans d’Albert Cohen<br />

et <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> Romain Gary - fait la<br />

démonstration que quand une situation<br />

est sans issue, il reste l’humour.<br />

Jean Bénichou, prenant appui sur une<br />

vignette clinique, réfléchit sur le spectacle<br />

désolant qu’offrent certains patients<br />

que rien ni personne ne peut arracher<br />

aux déterminismes <strong>de</strong> cette<br />

marche au malheur que semble être<br />

pour eux l’auto-victimisation, par lesquels<br />

toute offre d’ai<strong>de</strong>, tout dispositif<br />

thérapeutique est annulé par cette fascination<br />

ayant l’apparence d’une addiction,<br />

et qui parfois s’accompagne<br />

d’une délectation - voire d’une érotisation<br />

- <strong>de</strong> la souffrance... Norbert Chatillon,<br />

dans un contrepoint, expose la<br />

vision <strong>de</strong> C. G. Jung sur l’état victimaire<br />

et la nécessité impérieuse <strong>de</strong> « savoir<br />

quoi faire <strong>de</strong>s conséquences » pour « ne<br />

pas épouser - au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la cruauté <strong>de</strong>s<br />

faits - la position <strong>de</strong> victime ».<br />

Martine Fleury expose la thérapie EMDR<br />

qui apporte <strong>de</strong>s solutions lorsque le patient<br />

reste bloqué sur <strong>de</strong>s évènements<br />

<strong>de</strong> vie <strong>de</strong>structeurs et, tout particulièrement,<br />

dans les stress post-traumatiques.<br />

Les résultats invitent à une réflexion.<br />

N°3 - TOME XIX - AVRIL 2006<br />

Paul Fuks, partant <strong>de</strong> trois récits <strong>de</strong> rêves,<br />

montre que les cauchemars peuvent<br />

être les messagers du positif, que l’« air<br />

du temps » peut parfois faire voir <strong>de</strong>s<br />

victimes là où il n’y en a pas, et que certaines<br />

victimes préfèrent s’aveugler plutôt<br />

que <strong>de</strong> s’assumer comme telles.<br />

Maurice Hurni désigne la psychanalyse<br />

comme « ayant joué un rôle non négligeable<br />

dans le concert <strong>de</strong>s doctrines qui<br />

ont contribué à occulter toutes sortes<br />

d’actes cruels perpétrés au cours du XX e<br />

siècle, du moins au sein <strong>de</strong>s familles ». Il<br />

pense, bien sûr, au discrédit jeté par<br />

Freud sur les récits que ses patientes<br />

faisaient <strong>de</strong> leurs traumatismes. « On ne<br />

saurait en tout cas imaginer pire dénigrement<br />

d’une victime <strong>de</strong> maltraitances.<br />

Peut-on mettre en regard <strong>de</strong> cette mystification<br />

le bénéfice d’avoir mis l’accent<br />

sur le mon<strong>de</strong> intérieur <strong>de</strong>s patients, tout<br />

aussi violent, et donc inventé la psychanalyse<br />

? ».<br />

François Krauss, à partir d’exemples cliniques,<br />

explore la notion <strong>de</strong> victimisation<br />

- empruntée à la justice pénale - et<br />

ses mécanismes aboutissant aux violences<br />

sexuelles tant chez l’adulte que<br />

chez l’enfant. Il montre que la reconnaissance<br />

par le juriste et le thérapeute<br />

du fait que la victime n’est pas la cause<br />

<strong>de</strong> ce qui lui arrive, est indispensable<br />

pour atténuer la culpabilité <strong>de</strong> la victime,<br />

important obstacle dans le travail<br />

thérapeutique.<br />

Gérard Lopez parcourt les techniques<br />

thérapeutiques utilisées - et consensuellement<br />

admises - dans la prise en<br />

charge <strong>de</strong>s états limites post-traumatiques,<br />

leurs principes cliniques, les aménagements<br />

qu’elles exigent, visant à<br />

donner la parole à une victime, dans<br />

un climat d’empathie active, afin <strong>de</strong> lui<br />

permettre d’ordonner ses souvenirs, <strong>de</strong><br />

donner un sens au traumatisme et<br />

d’échapper à son emprise.<br />

Ma<strong>de</strong>leine Natanson se penche sur le<br />

cas <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> bourreaux.<br />

Yves Prigent décrit cette « cruauté ordinaire<br />

» qui se déploie au quotidien, dans<br />

la vie du couple, au travail, en tous lieux<br />

- y compris au sein d’associations psychanalytiques.<br />

Le « pervers envieux » est<br />

partout à l’œuvre... L’auteur préconise<br />

une contre-logique <strong>de</strong> l’honneur et <strong>de</strong><br />

la dignité, une éthique du respect <strong>de</strong><br />

l’homme.

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