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<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
J<br />
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'a./1 y-
HISTOIRE GENERALE<br />
DES R O Ï A U M E S DE<br />
CHYPRE. DE JERUSALEM,<br />
D'A:RMÉNIE, ET D'EGYPTE,<br />
Comprenant<br />
L E S C R O I S A D E S,<br />
Avec plus d^exaClitude qu^aucun Auteur<br />
moderne ks ait encore rapportés ;<br />
ET LES FAITS,LES PLUS IIEMORABLES,DE L'EMPIRE OTTOMAN,<br />
Depuis fà fondation jusqu^à la fameufe Bataille de Lepante,<br />
Où finit cette Hiftoire, dans laquelle on trouve auffi<br />
L'ANÉANTISSEMENT DE L'EMPIRE DES GRECS.<br />
On y a ajouté<br />
\. L'Etat préfent de T Egypte.<br />
II. Differtation fur les Caradères Hiéroglifiques des ancîens<br />
Egyptiens.<br />
III. Reflexions fur les moïens de conquérir Y Egypte & la<br />
Chypre.<br />
Par M', le Chevalier DOMINIQUE JAUNA^<br />
Confeiller de Sa Majefl^ Impériale £«? Roïale, ^ Intendant<br />
Général du Commerce dans tous fes Etats Héréditaires.<br />
TOME PREMIER.<br />
C H E X<br />
•I,tfecit<br />
/f L à l D 2, 2.^-*n^5JM.f^<br />
J E A N L U Z A C,<br />
UDCCXLTII.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
A s A M A'JE ST É<br />
IMPÉRIALE ET ROÏALE,<br />
'. v^ '<br />
MARIE-THÉRÈSE<br />
D'AUTRICHE.<br />
IMPE'RAÏRICE DES ROM,AINS.y<br />
, REINE DE HONGRIE JLT Ut BOfiEMÈ<br />
ARCHI - D UCHESSE jyjUTRICHE^<br />
DUCHESSE DE LORRAINE ET DEB^R.<br />
GRAND' DUCHESSE DE TOSCJNEy<br />
Ôcc. ÔCC. ÔCC.<br />
MADAME,<br />
i^^ honhéur, que fai ^êtrt au fèrvîce dt<br />
I ^ f^otre Majefté Impériale pour les aj^ai-<br />
^ res, quifont du département du Cofif'<br />
[^ merce, me jmt prendre la lihtrté-é^apr<br />
'fart^ m pié de fon 7>^f Hiftoire dès Roïaumes<br />
* de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
(II.)<br />
de Chyprip, de Jéikfakm , & à^Egypte. Dès^que<br />
j^ en formai le plan, je ^m^étois propofe d'^avoir thonfiéùr<br />
^dà ie^^imif a & Sactée Majefié Impériale if(tn<br />
Augufte fère de hàiehè mémoire)^ " ' '-<br />
Le goût, que Votre Majefié Impériale a pris, dès<br />
fa plusJendne jêuneffe., à la ledure de PHiJioire , ^ui<br />
ejl la véritable École des Souverains, ^' ou Elle a pàifé<br />
les excellentes Maximes du grand Art de régûer y qui<br />
la rendji chère à fes Peuples, ^Ji refpeàahk aux yeux<br />
de tout. P Univers : Ce goût, dis-je , me fait efpérer^<br />
qu^elle vaudra bien prendre mon Oufurhge fous Jbn Augufte<br />
Protedion.,' ^e re^nrierai cetl$vahtage, MA<br />
DAME , comme la plus glorieufe récompenfe, qm<br />
je puiffe ambitionner pour prix de mon travail.<br />
La connoiffance , que foi ac^ifides prin(^pç,les Langues<br />
des Pays Orientaux, pendant le longJëjour que<br />
fy ai fait, (f P avantage que fai eu de pouvoir confulter<br />
divers Manufcrits très-rares, ^ des Mémoires tf^ruc"<br />
ttfsp&urmm lieff'éiny m'ont t^is ^)$ état, MADA<br />
ME r iPtm^oT^p^ une Hifimeyque fofe dire être<br />
h pks 4xttdo (f h pks^ cempkt^te , qui ait pà'u jus^<br />
•^k-préfet\,v. Bile .€or^i^nt une Jxjfimé ie faits mé^<br />
mifrdks], JPmtampkt in^f^^Sfam^ '•^^^:^m^^.'^<br />
oh '' ^ei<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
(MI)<br />
tes les PmJJdnces de fEurôpe, de PAûe,. &? dfe 7A*<br />
frique , y ont eu part. Les grands évènemens \, qui<br />
yjbnt rapportés y en fervant d^exemples if de leçwn<br />
Jùr la révolution des chtfes.âtiyMûndey.fi^ntvoir en<br />
même tems, que la perte'dépbrdhJiid^srSaints^ Lieux ,<br />
ou s'ejl opéré notre Rédemption y efl due uniquement<br />
à la divifion des Princes Chrétiens.<br />
Je profiterois y avec la plus vive ardeur y de cette<br />
accajion, pour publier les hautes vertus, qui diJUn^<br />
guent fi fort Votre Majéfié Impériale , 6? toutes les<br />
grâces, dont le Ciel s"*efi plu à la combler, fi je fiétois<br />
pas convaincu, que ^efi-Vg, un fifjetfor^t ^u-deffus<br />
de mes forces: Que pourrâis-je-^aUkurà' m^e^^ui ne<br />
foit connu de toute la Terre, dont Votre Majéfié Impériale<br />
fait P admiration ? Je me bornerai donc à joindre<br />
mes voeux à ceux de liûs Sujets pour la profpérité<br />
deV^otre Sacrée Majefié Impériale ^-Roïale ^ & pour<br />
la longue durée de fon Règne. ' -'^ ''<br />
Trùp'heureux y fi, en "eonfhcrmt hV.M. I. le fruit<br />
de mes veilles , Elle veut bien recevoir avec bonté cette<br />
marque de mon hommage ; Et plus heureux encore ,<br />
fi je puis tirer de msn expérience dans le Commerce,<br />
ûui efi Pamè des JEHati y 6? la ^fource de la félicité<br />
^2 des<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
(IV)<br />
dés Peuples ,ç ks moïens de le faire fleurir à P avenir<br />
dans les^ Pays de fa domiantien, avec plus de fuceès y,<br />
que k malheur des troubles ne Pa permis jusq^:à -préfent?<br />
C*eft dans ces fentimens, pleins de kèle ^^d^attachement<br />
y que j'^ai phonneur d*être avec le plus pro-^^<br />
fond rejped, fe? une, vénération infinie,<br />
MADAME,<br />
D E<br />
P'OTRE SACRÉE MAJESTÉ<br />
IMPÈRIALiE tT ROÏALE<br />
.à. téî trèS'humhïe, très-cbétjffhntt<br />
Çf triS'fidèU ServitettTy<br />
U à^erâier DOAâlNiaUE JAUNA.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
M:<br />
P R E F A CE.<br />
®Ç^V^® eut le monde efl affez perfuadé de la nécef^<br />
^jtV*^^ fité de PHifloire 5 foit univerfelle, foit<br />
^^¥S^^$ particulière, & que c'efi elle qui nous re-<br />
(^®^i^(l>^ met dans la mémoire des faits paffes, dont<br />
la connoifïance porte à l'efprit des lumières, qui l'éclairent,<br />
& au cœur des fentimens, qui le règlent, &<br />
le fixent à l'accompliffement des devoirs les plus effentiels<br />
à la Société humaine. 11 n'y a perfonne, qui ne<br />
fâche, que l'Hifloire, en nous raportant ce qui s'efi<br />
ff fait<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
P R E F A C E .<br />
fait & dit dans les fiècfes les plus reculés, expofe à<br />
nos yeux comme un tameau parlant du bien, & du<br />
mal, dans lequel nous pouvons difeerner les chofes,<br />
qui fbnt dignes de nos louanges, & de notre approba-<br />
' tion 5 de celles qui ne méritent que nos mépris &<br />
toute notre horreur.<br />
Le public éclairé n'ignore pas non plus, que l'expofition<br />
des adtions vertueufes, avec toutes les couleurs,<br />
qui nous les rendent aimables, attire d'abord nos attentions<br />
, & fait naître enfiiite dans nos cœurs le défir<br />
de les imiter. Il efl bien convaincu que les exemples,<br />
fournis par une Hifloire véritable, frapent ordinairem.ent<br />
plus les Hommes, que les raifens démontrées<br />
dans la Philofephie, & dans les autres feicnces, purement<br />
fpéculatives. Auffi l'entendons nous feuventdire,<br />
que les démonftrations Philofephiques tendent bien à<br />
prouver une propofition ; mais les faits, dévelopés par<br />
un Hiftorien fincère, paffent outre, & excitent en nous<br />
le panchant naturel, que nous reffentons tous à imiter<br />
ce qui nous plait.<br />
Je croirois donc juger peu favorablement du Public,<br />
fi je voulois m'arrêter à lui faire voîr les avantages, qu'il<br />
tfouvera dans cette Hiftoire particulière des Roïaumes<br />
de Cè^/pr^, àe, Jérufalem, & d'JS^j«/>^^; je penfe,<br />
qu'il fùfïlt de l'aflùrer, qu'il y verra ce qui flatte fe plus<br />
la nature, je veux dire la diverfité d'une infinitéd'évèfïemens^<br />
tous intérefîàns pour ceux qui veulent s'inftruire<br />
à fend des chofes, qui concernent ces trois différents<br />
Etats. Je fais, qu'on a déjà mis au jour de bons<br />
Gu-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
P R E F A C E .<br />
Ouvrages , où les Auteurs ont inféré beaucoup d'endroits<br />
, qui ont quelque raport à ce que je donne<br />
au public; mais, outre que ce ne fbnt que des mor*<br />
ceaux, ou fragmens détachés, quine peuvent fournir<br />
une idée nette, & générale de toute l'Hiftoire,ils laif^<br />
fent encore à défirer les recherches néceflaires, que<br />
j'ai faites fiir l'origine, Faccroiffement, &kdécadence<br />
de ces Roïaumes, & de ceux qui les ont flicceffiverpent<br />
pofîëdés.<br />
Le grand nombre d'années, que j'ai paffe dans ces<br />
divers pays . & le fecours que j'ai tiré des langues qu'on<br />
y parle, m'ont mis à portée d'y découvrir bien des<br />
chofes , qui n'ont pu venir, ou qui ne fent venues que<br />
très-imparfaitement à la connoifïance des autres, j'ai<br />
lu à tête repofëe les Auteurs, qui en ont traité; je me<br />
fuis fervi de plufieurs Manuferits & Mémoires, qui<br />
m'ont été fournis; & je n'ai rien négligé pour comparer<br />
ce qu'ils en ont dit à tout ce que j'ai trouvé, &<br />
obfervé iTK>i-mème fur les lieux & parmi les habitans<br />
de ces différentes Régions ; Etje m. e fuis apperçu, qu'on<br />
a écrit beaiKX)up de chofes fur le raport peu exaft, &<br />
même très-fautif de quelques Perfennes, qui, ou ne<br />
les avoient pas vues, ou ne les avoient pas approfrondies.<br />
C'eft le motif, qui m'a porté à former le deffein d'entreprendre<br />
un Ou\Tage, qui auroit à la vérité exigé<br />
d'autres talens, que les miens, mais qui m'a paru fi<br />
important dans la circonftance des tems, & dans la conjondure<br />
préfente des affaires de V Europe ^ que ]hi mieux<br />
aimé expofer en quelque ferte n^ réputation, & me<br />
• ff 2 feu-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
P R E F A C E .<br />
Pour ce qui eft de la Chronologie, j'ai marqué à la<br />
marge les tems, qui m'ont paru certains, & les ai omis<br />
dans le cahos obfeur des premiers fiècles, auxquels<br />
on rapporte l'origine & les commencemens des Etats,<br />
qui font le fujet de mon Hifloire. Un Hiftorien, qui<br />
eft contemporain, peut & doit obferver ferupuleuiement<br />
l'ordre des tems. 'Toutes les dattes fent certaines<br />
pour lui ; mais celui, qui n'aïant pas ces avantages<br />
, veut cependant s'y attacher, prend feuvent le<br />
change, & s'expofe à de grands mécomptes, qui méritent<br />
toujours correétion. Après tout, quel travail ne<br />
feroit-ce pas qu'un calcul exadl, qui ne fe pourroit faire<br />
que par la rédudion des J^oques, des années, &<br />
des mois, des nations, qui nous font fi peu connues,<br />
à notre époque , qui efl différente? Ces recherches<br />
fans fin ne pourroient nous afîurer à fonds, qu'il n'y<br />
eût point d'erreur dans la fùpputation ; Et enfin, pourvu<br />
que les faits, & leur fùcceflion feiient nettement rapportés<br />
dans leur ordre natui^l, il n'importe podnt tant,<br />
qu'on fâche à point nommé dans quelle année, dans<br />
quel mois , ou dans quel jour, ils font arrivés. J'ai<br />
cependant obfervé ^dans le cours de mon Hiftoire, les<br />
tems les plus marqués, & qui font à mon fojet, pour<br />
fervir d'époque aux évènemens les plus confidérables.<br />
lis font comme des points fixes, qui foutiennent lamémoire<br />
, & arrêtent la trop grande vivacité de l'ef[:)rit,<br />
qui le feroit gliffer trop précipitamment dans un labirinthe<br />
, où il fe perdroit.<br />
J'ai mis plus de tems à examiner la fobftance des<br />
faits ^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
P R E F A C E .<br />
' faits, & à les rendre évidens : mais, pour éviter les répétitions,<br />
qui auroient trop groffi mon Ouvrage, &<br />
caufe de l'ennui aux Lefteurs, j'ai cru devoir joindre<br />
à l'Hiftoire de CSypre, ce qui concernoit celle de Jérufalem<br />
, & ^Egypte, lors que les évènemens ont été<br />
néceffairement liés enfemble par l'ordre des tems. Autrement<br />
leur raport n'auroit pas été aperçu, & la narration<br />
en eût été mutilée , l'eifprit n'aïant pu voir la<br />
place, où les faits dévoient naturellement fe trouver.<br />
D'ailleurs ces évènemens, tant ceux qui touchent la<br />
Religion, que ceux qui regardent la focceffion des Souverains<br />
, qui ont régné dans ces pays, & les guerres<br />
différentes, qui s'y fent faites, ont un enchaînement<br />
fi effentiel entre eux , que la divifion, ou la feparation,<br />
n'en eût fait qu'un fquélette , dont tous les membres<br />
auroient paru disloqués.<br />
Quant à VEtat préfent de VEgypte, que j'ai cru devoir<br />
ajouter comme une troifième partie de cet Ouvrage<br />
, ce n'eft proprement pas une foite de l'Hiftoire de<br />
ce Roïaume. Je penfe l'avoir affez developée, depuis<br />
les endroita, où elle a eu quelque relation aux deux<br />
autres. J'aurois pu auffi l'écrire en ftile épiftolaire, &<br />
foppofer , que j euffe répondu à des perfonnes, qui<br />
m'euffent écrit préalablement pour s'informer des différentes<br />
matières , qui en font le fujet : Mais ce def^<br />
fein m'aïant paru une efpèce de fidion, qui peut faire<br />
foupçonner un Auteur , de vouloir donner l'effer à<br />
fon imagination, pour étendre fà matière par des tours,<br />
qui lui font étranges; je me fuis renfermé dans la fim-.<br />
pli-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
P R E F A C E .<br />
plicité d'un ftile ordinaire, plus propre à inftruire, qu'à<br />
amufer les Lefteurs.<br />
On trouvera à la foite de V Etat-pré fent de VEgypte<br />
un examen des moïens , qui paroifîent les plus faciles<br />
de faire, & de conferver la conquête de ces charmans ,<br />
& riches Etats. Le Public jugera de la folîdité des raifons<br />
, qui appuient ce petit Ouvrage , qui fera foivi d'une<br />
Difièrtation for les Caradères Hiéroglifiques des anciens<br />
Egiptiens. Cette dernière pièce, fi je ne préfome<br />
pas trop, pourra être du goût des gens de Lettres,<br />
quî y trouveront un cara6lère de nouveauté, non dans<br />
la manière, dont elle eft écrite, mais dans le fond du<br />
fojet en lui même.<br />
Je fopplie le Public de vouloir bien jetter les jeux for<br />
le fommaire de tout l'Ouvrage, qui lui fera préfenté<br />
conjointement avec cette Préface. 11 verra, par cet<br />
abrégé, fi le contenu dans toute fen étendue, peut<br />
attirer fen attention.<br />
Comme dans le corps de cet Ouvrage, je traite de<br />
la maifen de Luzignan, & en raporte la Généalogie<br />
dreffee par le R. P. LUT^IGNAN , à caufe que cette<br />
Jlluftre Famille a été longtems en poffeffion des Roïau-,<br />
mes de Chypre , & de Jérufalem, c'eft-à-dire depuis<br />
l'an 1185. jufqu'en 1474. quelcun pourroit fe formalifer<br />
de ce qu'il n'y a pas auffi été traité de la Sérénif^<br />
fime Roïale Maifon de Lorraine, à caufe qu'elle porte<br />
le titre de ces mêmes Roïaumes.<br />
Mais les Lefteurs me pardonneront aifement ce péché<br />
d'omiffion en confidération de la variété d'opini-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
p R E F A C E.<br />
nions 3 -qtt'if y a parmi les Savans for la dite Généalogie,<br />
puâque cela m'auroit ohlîgé Centrer fîir ce fojet<br />
Aurts unedifeuffion beaucoup pJus «n^e, que les pro-<br />
"pofitîons de POuvrage ne Pauroienf permis.'" La vacation<br />
des autres me confirme dans ma maxime. Mr. DE<br />
^UEt)0EVïLLE, dans {on nouvel Atlas, ne nous dôiine<br />
t^il pas en problême cette Généalogie?; L'Auteur<br />
^de la Vie de St. Norbert n'en fait-il pas de même ?,<br />
Et, après tout ce quele P. ViGNiER, BLONDEL,<br />
IMHOF, le Père HUGO, ECCARD, & le très-R. P.<br />
CALMET , ont établi touchant l'origine prife d'ExHi-<br />
CON, Pr. Duc d^Allemagne, & la ligne aînée par E-<br />
THicoN II. HUGUES premier, & EBERARD IV. Frère<br />
de CONTRAN le Riche, n'a-t'on pas vu paroître à<br />
l'improvifle un Ouvrage, quî tend à renverfer de fond<br />
en comble ce dernier fyflême? Il porte le titre de Généalogie<br />
Diplomatique de la très-Augufie Maifon S Autriche,<br />
à Vienne l'an 1737. approuvé de Perfonnes du<br />
premier ordre, imprimé aux d^ens de la Cour, annoncé<br />
avec des applaudifîèmens, & louanges infinies de<br />
l'Auteur, In Adis Eruditorum, &'dans les Nouvelles<br />
Littéraires de Ratishonne, orné de toutes fortes<br />
de figures en taille-douce , & dans tout le refte d'une<br />
grande magnificence, à laquelle a répondu celle<br />
des riches récompenfes du Souverain; Cela ét^it<br />
àinfi, qui efl-ce qui oferoit plus râifonner, ou dire fon<br />
fentiment contraire ? Je penfê d'avoir raifon de m'être<br />
abftenu d'entrer dans des détails, qui m'auroient infailliblement<br />
jette dans des embarras, qui ne conviennent<br />
tt t point<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
p R \E F A C E.<br />
point à mon fojet principal. J'ajouterai 'feulement,<br />
,qûe tous les Orientaux, que j'ai lorig-téms pratiqués,<br />
tiennent par tradition, & croyent fernîenpient, que<br />
.GODEFROY DEBOUILLON, premier Roi Chrétien<br />
ào, Jérufalem, fut le Chef de la Roïale Maifon<br />
de Lorraine, aujourd'hui régnante. La raifon en eft,<br />
que leur ignorance ne leur permet pas de s'appliquer<br />
à critiquer l'Hiftoire, & la Chronologie, comme font<br />
nos Savans $ Europe.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
SOMMAIRE<br />
DE<br />
L^H I S T O I R E<br />
DES<br />
R O Ï A U M E S<br />
D E<br />
CHYPRE. DE JÉRUSALEM.<br />
ET D'EGYPTE.<br />
L I TRE PREMIER.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R . .<br />
L pv ifpoftîom de fjuteur. Incertitude fur les premiers Noms de Chypre ,<br />
JL/ C3* de fes habitans. Raifons de cette incertitude. Origine des divers<br />
noms de l'Ile. II. Divers fentimens des Grecs fur le mot Kupros. Situation<br />
de Chypre. Faujfe opinion-des Anciens. Defcription de Vile. Sa<br />
divifion. Superfiition des Chypriots. Erreur de dvoers Hiftoriens. Nombre<br />
des Filles de Chypre. Des yUlages, Des Habitans. Maffacre des<br />
Chypriots par les Juifs. Maronites foumis à l'Eglife Latine. Raifons<br />
de l'obfcurité de l'ancienne Hifloire de Chypre. Erreur du Père Luzignan.<br />
Opinion ^Hérodote, tailles Roiales de Chypre, Amathonte. Temple<br />
^'Adonis. Dé Venus. Origine du culte de Venus. Fable des Propé»<br />
tides. Enlèvement àe 80. Kimpbes par Didon , qui les emmena à Cartage.<br />
Fable de Thefée, âf d'Anadne, inventée à ArmthontQ. Deflruc<br />
tion i'Amathonte. II. Paphos, Temple le plus ancien de Vénus. Proçeffions<br />
en l honneur de Vénus. Culte de Vénus apporté de la_ Paleftine.<br />
Deux Cyniras. Cyniras, Fils de Sadoc, vient en Chypre. Fondation<br />
de CarpafTo. Cyniras, Fils ^'Agriopas. Paphos ruinée. Baffo en fa<br />
place. Citium bâti par les Phéniciens, ou Tyriens. Naiffance de Zenon<br />
à Citium. Iles de la mer Méditerranée apellées Kittin dans la Bible.<br />
Chypriots , connus fous le Nom de Kithiens, du tems de Moïle Chypriots<br />
affranchis du joug des Tyriens. Fille, Êf Rsiimime de Malum.<br />
• Ltur<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Leur ruine. Salamine aujourd'hui Famagoufte. Sa fomation par Teucer.<br />
Temple àe Jupiter Grec. Àffrofi fait à la Reine Phéretime par le<br />
. Roi EveltoQ^ Lapathpj , ^ Soli. Origine du mot Solécifme. Soli du<br />
mm àe Solon, Ch^rie^ tfï*^^tri3^ g J rT '^. f<br />
C H A P I T R E a S E C O N D .<br />
pAmafifXRoî ilg/Bte , p|^w Chyire. Chyâriots îdwsyi Camhgs<br />
"Contre JbAgyptiif.-t)o«(rtf«^ijr Dariu^'S^ ^^ Xi;xes, i{2^rj /« {Jïï;<br />
priots. Superfiition àcs Chypriots. Chypie fous la àominat ion àe s Perfes.<br />
IL Chypre;»arfj^
s o M M A I K Z<br />
en Mer prendre poffejjten. ^Richeffes imtHnfes emportées de Chypre,'^ar<br />
i Cttôn. m. Tréfors àe Chypre épuifés par Ptolomée , pur acheter la<br />
faneur àes Romains. MâUvais fuccis àe Ptolomée. Il fait wcwrir Bérénice,<br />
fa Fille. Mort ^5 Ptolomée Aulètes , ou le Fluteur. Succeffion de<br />
.Ptoiomée Dénis, ouBacchiiSyàfon Père Aulètes. Ptolomée, le jeune,<br />
i - mmmé Rot de^Chypte ,; par Céfar. /{{fàffiné par ordre du mémeCéùu:.<br />
'^tinâton des ?iô\cmées
S O M M A I R E .<br />
Hefh arrofée que par des torrens. Source de Chitrie, qui fait aller i6. moulins.<br />
Jardirt de l'Auteur, contenant 12000. vieuriers, ^ plufieurs autres<br />
efpèces d'arbres. Machines nommées Alakati, ou Sakie, pour puifer Teau<br />
des puits. Manière de cultiver les meuriers en Chypre. Soie de Chypre<br />
plus pefante y que selle des autres pays, ^empldiée aux étofes d'or, 8* d^argent.<br />
Abondance de Cotton. Qualité des Chypriots. Chypriots amateurs<br />
de Foifiveté , de la 'bonne chère , de la magnificence, & de la volupté.<br />
Leur taille médiocre, 6f leur couleur bafanée. Habitans àes lieux éloignés<br />
de la mer très-blancs. II. Illuflres, (^ faint s perfonages de Chypre. Jofeph,<br />
OM St. Barnabe. Jean,/«rnomw^ Marc, ^fa Mère Msnie. Nicanor<br />
un des VII. premiers Diacres. Mnafon, difciple àes Apôtres. PIUH<br />
fleurs Chypriots Martirs Evêques. St. Ephiphanei Evêque àe Conftance,<br />
eu Salamine. S. Sprridion, Evêque àe Tremitos. Anteraius, Evêque àf<br />
Salamine. St. JeanTAumonier «ûÉz/'^'Amathonte. Léonce, Evêque de<br />
• Limifok Autres illuflres perfonnages Chrétiens. III. Savans. Afclépiade,<br />
. Médecin. Nicagoras, Hiftorien. Zenon , Phîlofophe. Dexiphanes, ArchiteSte.<br />
Démonax , Philofophe , modèle de vertu Païenne. Son portrait.<br />
Autre Zénçn, Médecin. Hermias Sozomène, Hifiorien Eçcléfiafiique.<br />
Onéfime, Sophifte , ^ Orateur. Famille des Ophiogènes. IV. Chy»<br />
priots de tout tems peu aàonnés aux Armes. Rares qualités i'Henri Ca-<br />
, tharin de Davilla. Femmes Chypriotes, qui ontfait des avions béroïque/»^<br />
Axiothée. Renée de Rochas.<br />
LirRE TR O ISIÈME.<br />
CHAPITRE PREMIER.<br />
ï. Dîterfes opinions fur l'origine i
S O M M A I R E .<br />
C H A P I T R É S E C O N D .<br />
I. Permiffion accordée aux Amalfitains de bâtir un Temple à Jérufalem.<br />
Le Préfident leur accorde une place vis-à vis le St. Sépulcre. Ils y établiffent<br />
une Abbaye de Bénédi6lins. Origine de fOrdre de S. Jean de Jeruiàlem.<br />
Fables fur l'origine de cet Ordre. Origine des Turcs, qui s'emparent<br />
de Jérufalem. Turcs unis i Artaxerxes, Roi des Pwtûiçs, contre Alexandre<br />
Sévère. Chypre menacée par les. Turcs, fous le Nom de Scytes.<br />
Turcs divifés en deux Factions. Origine des Huns en Hongrie, ^ des<br />
Turcs dans les Palus Méotides. II. Turcs devenus un feul Peuple avec<br />
ies Sarrafins. Erreur des Hiftoriens touchant les Sarrafins. Mahomet apelle<br />
les Turcs àe Perfe à fon fecours contre les Sarrafins ^Egypte. L'Empire<br />
Grec mal gouverné par des Princeffes. Perfécution des Chrétiens , fouf le<br />
gouvernement des Turcs. Première guerre Sainte, ou Croifade, fous Urbain<br />
Second. Belchfond, Chef des Turcs, partage fes conquêtes entre fes quatre<br />
Neveux. Défcùte àe l'Armée àe Soliman par les Chrétiens. ProdigieU'<br />
fe Armée àes Croifés. Siège à? prife rff Jérufalem par les Croifés.<br />
CHAPITRE TROISIÈME.<br />
I. Situation de Jérufalem. Toui les '^ypûens de JéruCaleTù pafjes au fil de<br />
Tépée, Délivrance àes Chrétiens captifs. Première donation faite à l'Hôpi^<br />
. tai de St. Jean àe Jérufalem. Godefroi àe Bouillon, Roi ^^ Jérufalem.<br />
Sa moàeftie. Sa mort. Ses rares qualités. Baudouin, Frère ^ ^ Succeffeur àe<br />
Godefroi. Prife de plufieurs Filles par Baudouin. Sa mort. Sa^fepulture,<br />
. IL Baudouin, Comte dEdeffe, monte fur le trône. Il efl fait prifonnier. Son<br />
élargiffement. Sa mort. Origine àe Wràre àes Templiers. Foulques, Comte<br />
û O' M M A ï R Ë.<br />
à Antbche. Confeil gènétat ienu k St Jean d*Acrô fur les epérations de<br />
la Guerre. Réfolution d'attaquer les Sarrafuis de Damas. Siège de cette<br />
Place par les Chrétiens.'Fauffe démarche des Chvéderis. Levée du Siège.<br />
II. Retour de tBmpeteur Conrad en Allemagne, ^i«7Î02 Louis fwFran-<br />
'^ ce. NorMin dUns la Principauté d^Anûqche. Rétour de Baudouin/ij-é-<br />
"' fufaiefn. Diffent'm entre M, ^ fàMèft. Accord eme eux. III. \SilUation<br />
^Napôulô'ufei autrefoù Siàien. Origine^ ^fignification du Nçm<br />
' de.Sàmmmn. Nouveflf rupture entre le Roi BaUdomn. IV. ^ fa Ji^re.<br />
liètraité de )a Riîne dans la teur de ÎDavid. Noradin, 8* le Soudan rflco-<br />
*:_nium,/g retirent dans EdefTe. Chrétiens /Edefle conduits par Bauçlouin.<br />
' Habitans d'EÛQWù bien ref us par les Seigneurs, ^Bourgeois d'Antioche. W".<br />
Jérufalem furprife par deux Turcs nommés Joraqnins. Conftemation àes Éfa.»<br />
^'l^ir^ViifJèrrfllit^m'. Barbares en àérôute. Leur défaite au nombre de foooo.Les<br />
'fifçào'ûiib$ "^èîeiit ravager tèurs terres y fans ofet fortir'. Siège /Afcalone<br />
*^jjAr'Baudouin. Sit^iatlon àè'cette Fiïje. Ses fortifications. Ses Bourgeois<br />
'' ùguUfris. ' LoUguefir du ^ié^e. DifpoJltioK des Chrétiens à kver li. Siège.<br />
Oppojîiioilda Maître de /"Hôpital^ la levée du Siégé. Prife J'Afbalône par<br />
capitulation^ 4^''jins de gracies après la prife delà Fille.<br />
,îN ^ G H AT I TR E S E C O N D . ^^ • ^ •••<br />
L^DiffenthinfceMialewfh entre les Eccléfiaéiques, i^ les Hofjwtalieirs. Mafi<br />
facre du Caîîfe J'E^jpie par le Souàan £beys. Mafjhcre du Soudan Ebeys,<br />
8* prife de Nofèradm , /on Fils, par les Hofpitaliers ^ ks Templiers.<br />
f Avantages dès Barbai-esy«r les Chevaliers. Siège dt Belline, par Noradin,<br />
Plufieurs Habitons paffés du fil de Vépée. Levée du Siége^ II. Second Siège<br />
.'
s a M M A I R E.<br />
^,J^\mfriç. UI. Tentative de Nqr^iç^ fur Tripoli. Fiâolrfi, •^.dépouilles<br />
^ffétnporiks fur j>fQradin ^'par des Selpiem ÎEÏA^ÇOÏS. Fic^oire, remportée<br />
\fur. BaemonvJ, ^fes -Confédécés. Çcliiné fe rend à Norsidin.<br />
^- ^<br />
C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E .<br />
I Syracon avec fon Armée dans le Rokume de Jérufalem. Douze Cheval ers<br />
dufTem^le pendus par ordre J'Almédc Syracon difgracié par P^oradin.<br />
'\Ii^s'infinue kviprh du Calife de''^^d^. flfait efpérer à ce Calife la con-<br />
^^ quête de fEgypt^ Le'CaUfe fait\afferhbler des-Troupes, pour fondre fur ï E.-<br />
" gypteç. n. Erreur de^plufieurs Aà^iirs-touchant ia Fille de ^^gdz.d. Mar-<br />
'^che ïfAitnéric vers fE^pte. 'furprife de Sannar h farrivée à'A\métic.<br />
jMmèric reçu gracieufement par S'axirr^r. Erret^ àes Hiftoriens au fujet au<br />
^' Caire , pris pour Mempliis. • Origine àes Califes, & Ce qui àonna lieu<br />
' à leur'àiviJiBir.. Berbéce*, Succeffeur ^^ Mahomet. Rêveries d Ah, pour<br />
•' f oppofer à Mihbmei. III. Turcs divifés eii deuxfe^es. Révolte d AhdiU çon-<br />
'/tre les Mahamétntis. ^jrpend leiftMdt C^hïe.^ Fondation de la Filk du<br />
•' Caire par Géoar.. Le- Caire,'Siège RàWdés Ça-lifs-s, àefcehàans d'Ah.<br />
• Calife d^'gypte'apèjlè Mulène , ceft-à-dire'l'^Notre Seigneur. Le trop<br />
grand pouvoir des Soudans caujh de la àefiruSiion des Califes. IV. IJ Armée-<br />
'• de Syrzcon'fouffi-e- dans les'-fables r^'Egypte. -Alméric k pourfuit inutilement.<br />
Renouvellement' de paix entre Jérufalem, 6f/*Egypte. Ratification<br />
du Traité àe paix par le Calife, péfaiîe de SyrdiCon par le Roi. Action àe<br />
Baben. Alexandrie 7^' rend à Sytxcon.'''Mkrdbé'Jjim toncer'tée àe l'Armée<br />
rftf Syracon. 6'%e/i'Alexandrie pwr Alméric. Traité àe paix entre Almé-<br />
•^ rie,i/*5o^«,'â? Syracon.-; '*' "-.'• '"',•• ' '<br />
• •;>)r.<br />
' ^ Z. m i E''c INQ^ UIEME.<br />
!l • G H A P i T RE P R E M I F. R.<br />
:j.- — - - - - - - - • ,- -.. y,\<br />
H Deffein à'Ahmric fur /'Egypte. Cmféàérafmijêntre I Empereur ^T^VMiet,<br />
i§ Alméi'ic fur. ce^ fujet. Habitam àé Pét-ifum^ pa/J?^'j au fij àe répée,-<br />
Aàdreffe àe Sannar. Àar/Ve ^f Alméric. Sannar/m/j^/^ Cuire'. LArviée<br />
de"Diimi$ au fecours de'Sann^ir. Honte, ^ punition à'A]rriLiic. Politique<br />
^tf Syracon. Le Souàan affaffmé ^ fes àeux fils étranglés. Syracôh reconnu<br />
Souààn. II. Dernier Calife d'Egypte maffacre par S2i]4din. Secours<br />
demandé par Alméric, ^'envoiepar Emanuet Aïmériè^pmpoMr /'E-<br />
. gypte, asicc les Templiers , ^ /^x liofpitaliers., Leur arrivée à Di-<br />
'ftiiettfe.. Situation àe cette Fille: fiùjnpdjAXmèric devant Damiette. :^^^<br />
de cette Fille. Six Galères brûlées par les Affiégés. Levée du Sic-re. Partie<br />
de la Flotte Gréc
S O M M A I R E .<br />
une partie de la Syrie-Sobal. Effets terribles des tremblemens de terre<br />
dans k Roïaume de Jérufalem. Ravages commis par Saladin dans la Syrie-Sobah<br />
IV. Schifme àans l'Eglife. Siège dAïzc par Noradin. Levée<br />
du Siège. Mort de Noradin.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. Peuples nommés AfMCms. Leur foumiffion envers leur Souverain, appelle k<br />
\^ieux. Origine du wof Aflaflîns. Leur Religion. Leur deffein de Je faire<br />
Chrétiens. Générofité ^Almérie, ^ Avarice des Templiers. Barbarie<br />
des Templiers. Excufes du R
S O M M A I R E .<br />
Ninîve. IIL Le Roi Baudouin à Céfarée. Prife dAlep par Saladin. Baudouin/*aff<br />
fa démiffion de la Souveraineté en faveur de Gui de Luzignan.<br />
jaloufie des Seigneurs du Roïaume contre Gui de Luzignan. Mauvais fuceès<br />
des Chrétiens caufés par cette jaloufie. IV. Couronnement àe Baudouin<br />
V. du vivant defon Oncle. Montréal affiégé par Saladin. Levée du Siège.<br />
A^ion peu mefurée de Baudouin. Gui àe Luzignan, Gouverneur du jeune<br />
Roi.<br />
C H A P I T R E CINQ^UIEME.<br />
I. Ambaffadeurs de Jérufalem envoïés en Europe. Secours promis aux Ambaffadeurs.<br />
Erreur au Chevalier Toxxn àans Jon Hiftoire. IL Excufes des<br />
Rois t/'Angleterre ^ de France, au fujet au voïage àe la Terre-Sainte.<br />
III. Les Ambaffaàeurs renàent compte au Pape, àe leur Négociation. Le<br />
Roi de Sicile, Général àe la Croifade. Départ des Ambaffadeurs pour Jérufalem.<br />
LITRE SIXIÈME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I. Chagrin de'èz.u.domn au retour des Ambaffadeurs. Sa mort. Son inhumation.<br />
Faux préjugés de quelques Hiftoriens. Conteftations entre les Grands du<br />
Roïaume. Sybile, £5^ Gui de Luzignan couronnés. II. Arrrivée du Marquis<br />
de Montferrat à Jérufalem. Le Comte de Tripoli yè fait Turc, dans<br />
l'efpérance àe régner. Siège àe Tibériade par Saladin. Faleur àes Chrétiens<br />
àans le combat contre Saladin. Fuite àe Saladin. III. Rufe s du<br />
Comte de Tripoli. Sa feinte réconciliation avec le Roi Gui. Imprudence<br />
du Roi Gui de Luzignan.<br />
CHAPITRE SECOND.<br />
I. Long, 6f fanglant combat entre les Chrétiens £^ Saladin. Lâcheté ^<br />
perfidie du Comte àe Tripoli. Le Bois àe la Croix pris par les Barbares.<br />
Défaite àe l'Armée Chrétienne. Barbarie àe Saladin. JI. Siège ^ reddition<br />
àe Ptolomaïde. Saladin Maître àe la plus grande partie àe la Paleftine.<br />
Saladin obligé àe lever k Siège rf'Afcalone. Jérufalem fe rend<br />
à Saladin , par capitulation. Trifte fortie àe la Reine, au Patriarche y<br />
(^ àe la Bourgeoifie àe Jérufalem. III. Entrée triomphante ^ff Saladin<br />
dans Jérufalem. Jl permet aux Chrétiens Orientaux de racheter le St.<br />
Sépulcre. Remarques curieufes. Tentative de Saladin fur Tripoli de<br />
Syrie. Réfolution des Tripolitains. Mort du Comte de Tripoli, Entre-<br />
* * prife<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
*
S O M M A I R E .<br />
prife de Saladin fur Afcdone. Reddition J'Afcalone* Dureî conditions<br />
exigées par Saladin du Roi de Jérufalem.<br />
C H A P I T R E T R O I S I E M E.<br />
1. L'Europe prend part au malheur des Chrétiens Orientaux. Siège de<br />
Tyr par Saladin. Situation de Tyr. Figoureufe défenfe de la part àes<br />
Affiégés. Offres àe Saladin rejettées. Défaite àe la Flotte àe Saladin.<br />
Honteufe fuite de Saladin. II. Progrès* de Saladin dans le pays rf'Antioche.<br />
Chrétiens Orientaux fecourus par ks Européens. Desunion<br />
entre les Princes Chrétiens. Gui mis en liberté par Saladin. Saladin<br />
battu par les Chrétiens. Saladin au fecours àe Ptolomàxde'y affîégée par k<br />
Roi Gui. III. Defcription àe cette Fille. Campement àes àeux Armées.<br />
Flotte de Coni^td, Prince àe Tyr, àevant Ptolomaïde. Difpofition àe<br />
l'Armée Chrétienne, èf àe celle àes Barbares. Commencement au Combat.<br />
Jcciàent remarquable. FiStoire àes Chrétiens Orientaux. Mort d^ Guillaume<br />
, Roi de Sicile, appui àes Chrétiens Orientaux. IV. Contagion<br />
àans le Camp àes Chrétiens. Leur àéfespoir, caufe àe leur àéfaite. Differenà<br />
entre Gui, ^ Emiroi àe Thoron. Conrad àe Tyr ksfupplantetous<br />
les àeux.<br />
C H A P I T R E Q^TT A T R I E M E.<br />
t L'Empereur Frédéric eft bien refit par Bella, Roi ^^ Hongrie. ^Trahifm<br />
de f Empereur Grec envers Frédéric. Paix entre les deux Empereurs.<br />
C(p«aî^'Iconium défaits, ^ mis en fuite par Frédéric. FiBoire complette<br />
de cet Empereur. 11. Defcription S'Iconium. Cette Fille abandonnée<br />
au pillage. L'Empereur accorde la paix au Souàan dîconium. Trifte<br />
mort àe Frédéric, vainqueur àe Szffsidin. Eloge àe Frédéric L III. Frédéric<br />
, fin Fils, reconnu pour Chef àe l'Armée Chrétienne. Saffadin<br />
battu par Frédéric II. Arrivée àe l'Armée de Frédéric, Duc de Suabe,<br />
ill Antioche. Batailk gagnée par les Chrétiens. Frédéric. L inhumé<br />
s o MM A I R E.<br />
II. Arrivée du Roi de France à Ptolomaïde. Le Rot d'Angleterre arrif}e<br />
à Ptolomaïde , avec le Duc Ifaac en chaine, Brouilleries entre les<br />
François 6? les Anglois, caufée par la lenteur des derniers à féconder les<br />
premiers. AStion héroïque d'un Noble Florentin de la Maifon de BonaguiG.<br />
Réconciliation entre les François, 6* les Anglois. III. Le Roi de France<br />
force les affiégés à demander Capitulation. Traité de reddition. Nombre<br />
Êf 'qualité des Seigneurs , qui périrent au Siège de Ptolomaïde, Gui de<br />
Ltuagnan déclaré Roi de Jérufalem. '<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I, Origine de T Ordre Teutonique. A6tion violente du Roi dAn^e^erte,<br />
caufi du maffacre des Chrétiens. Portrait de Ciment prifonnier dans VAr-<br />
^«^^'Françoife. Ses avis aux Princes Chrétiens.- ^gement^ de l'Auteur<br />
fur le^ avis de Caracut. IL Renouvellement du démêlé entré Gm&Conrad.<br />
Accord réïté,ré entre Gui ^ Conrad. III. Progrès de Saladin p#«dant<br />
les àifputes, è* la négligence des Chrétiens. Jaffa repris, i^ Saladin<br />
mis en fuite par les Hofpitaliers £? les Anglois. Rupture ouverte entre<br />
les àeux Rois Philippe Ù Richard. IV. Départ du Roi de France dé<br />
Ptolomaïde, ^ fon arrivée à Rome. L'Exemple de Philippe eft fuivi par<br />
k Duc d'Autriche, ks Vénitiens, /ffx Génois, ^ les Pifans. Camp de<br />
Richard affoibli.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Saladin, inftruit de l'affoibliffement de l'Armée Chrétienne , fe préfente<br />
à fa vue. L'Ik àe Chypre engagée par Richard aux Templiers pour<br />
2 y ooo. Marcs d Argent. Fortifications àe Ptolomaïde réparées. Sanglant<br />
combat près dAffm entre P Armée Chrétienne, £*? celle àe Saladin. Fi5toi'<br />
re complette àes Chrétiens fur Saladin. II. Négligence àes Chrétiens à<br />
profiter àe la Fî6toire, Mort tragique àe Conrad, Prince de Tyr. Richard<br />
, Roi ^'Angleterre, calomnieufement accufé de cette mort. L'Auteur<br />
de ce Meurtre découvert. III. Emfroi de Thoron affaffinê. Richard<br />
Roi de Jérufalem, 6* Gui, Roi de Chypre, par échange.<br />
L I rR E HUITIEME.<br />
t<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I. Départ de Gui, pour aller prendre poffejpon du Roïaume de Chypre.<br />
Grands préparatifs peur la Conquête de J^érufalem. Troubles dans les Etats<br />
de Richard, caufe defon départ, II, Traité des avantageux pour les Chré-<br />
** a dens.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E ,<br />
tiens. Rifittimàe routeur. Richard arrêté en Autriche. Rajjpn<br />
exceffive pour fa liberté. IIL > Mort, au Duc de Bourgogne i Ptolomaïde,<br />
8* retour àes François en Europe. Henri, Cowre ^rChampagne, refufé<br />
conftammant le titre de Roi de Jérufalem. . .<br />
CHAPITRE SECOND.<br />
I, Prudence, £? douceur dé Gui àans fon gouvernement. Son attention à f4r<br />
peupler fon Roïaume. Liberté, àonnée aux Jiffèrentes fe^es, àeprofeffer<br />
leur Religion en Chypre. Prééminence accoràée par le Roi aux Evêques<br />
Latins fur les Grecs. II. Etabliffement àes Loix fondamentales £5* des<br />
Tribunaux dans l'Ik. Réformation dans les .Troupes. Réparation des'<br />
Fortereffes. Murmures à l'occafion des impôts. III. Diffimulation au Roi<br />
àans cette conjonâture. Sentimens des^ Auteurs, partagés.<br />
dan mal fondé..<br />
Celui de Lore-,<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E . .<br />
h Divifion , £5* guerre entre les Chrétiens
S O M M A I R E .<br />
C H A P I T R E , S I X I È M E .<br />
I Mariage, 6? Coiiromiement ff Alméric à Ptolçmaïde. Mort de VEmpe*<br />
reur Henri., caufe des brouilleries en Allemagne, S du départ des Alle-<br />
^ mands. II. Inutilité' àes Négociations àes Artibaffadeurs du St. Père en<br />
France, Ê? f» Angleterre. Jaffa pr//^ par/w Infidèles. Accommodement<br />
avec les Sarrafins. IIL Guerre entre les Templiers, ^ les Hofpitaliers.<br />
Paix entre eux par ià'crainte àe l'excomvmnication.<br />
' ' ' , . • '<br />
G BT A P 1 T R E S E P T I È M E .<br />
L Soins
s o M M ^A l R E^<br />
CHAPITRE S E co N D.<br />
L Guerre pernideufe entre ks Chrétiens de Syrie. Les Turcs, £? ks TZT"<br />
ta.ret'baîîusen.Arméviie. II. Jean i/* Brienne élu Roi
S O M M A I R E .<br />
g* rafis par Coradm. • III.. Suite du-Siège de Damiette. Repentir des<br />
Chrétiens d avoir fuivi les avis du Légat. Secours arrivé à l'Armée Chrétienne.<br />
IV. Coradin au fecours des affiégés. Il ef^ défait. V. Mélédin<br />
attaque la Cavakrie Chypriotte , ^ l'Infanterie Italienne. Il eft<br />
vaincu.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
l. Le Roi de; Jérufalem retourne attaquer, Mélédin dans fes retranchemens.<br />
Jl per à la fleur àe fes Troupes, 8 a bien àe la peine à fé fauver. \Sei-<br />
. gneurs morts , ou faits prifoniers. II. Fermeté àes affiégés. Extrémité,<br />
ou ils font réàuits. Entrée des Chrétiens àans Damiette. III. Retraite<br />
de Mélédin au Caire. Difcorde entre le Roi, B^ le Légaf, ^ Retour du<br />
Roi en Paleftine, Réflexion politique. Mélédin/a2> des courfes jufqu'aux<br />
portes àe Damiette.. Arrivée àe plufieurs renforts à l'Armée Chrétienne,<br />
C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />
....,..„., J,..., .., _—. , „, — - — — \ — — ^ »<br />
^ les conàitions. II, Confiernation àe la garnifon àe Damiette. EUefe<br />
rend enfin. Mécontentement des Chrétiens. Mort àe la Reine àe-JérufiLlem.<br />
Frédéric II. follicité par Sàltzs., Maitre àe TOrdre Teutonique,<br />
à fecourir /a-Paleftine. L'Empreur y confent.<br />
L I f^ R E D I X I È ME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I Troubles àans le Rdlaume àe Chypre-, caufes par les àeux Clergés. Hf<br />
' font appaifés, II. Fdîage au Roi àe Jérufalem à Rome. Confentement<br />
du Roi au mariage delà Princeffe lolandeyà Fille, avec l'Empereur Frédéric.<br />
III. Croifade prêchée par tout. Le g, fait par Philippe, Roî de<br />
France , en faveur de la Croifade. Mariage de lolande avec Frédéric.<br />
Prétenfions de l'Empereur Frédéric Renonciation de Jean de Brienne à la<br />
Couronne de Jérufalem^<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. La Reine de Chypre fort dé fon Rofaume: Troubles dans ce Roïaume.<br />
Lis Seigmurs //'IbeHn obligés de reprendre Tadmràftration du tout. II.<br />
La<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
La Reine promet de fe remarier au Comte de Tripoli. Ambition ie ce<br />
Comte. Promeffe de mariage entre la Reine 8 ce Ceinte annullée. ^ IIL<br />
Retour de la Reine en Chypre. Reflexions morales. IV. Rufes de l'Em»<br />
pereur Frédéric. // eft preffé tar Grégoire IX. d accomplir fon Fœu<br />
pour la Paleftine. Frédéric s embarque à Brindes avec le Patriarche de<br />
Jérufalem.<br />
thème.<br />
V. Anathême fulminé contre Frédéric. Raifons de cet Ana»<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Fangeance de Frédéric. Tentative qu'il fait contre l'Ile de Chypre. Son<br />
arrivée à Limifol. II. Lettre captieufe de Frédéric au Seignenr àe Baruth.<br />
Ses prétenfions 8 fes violences injuftes. Confufion, qu'il reçoit.<br />
in. // eft froiàement reçu à Ptolomaïde. // s'attire le mépris àe Mélédin.<br />
Lâcheté àe Frédéric. IV. Son empreffemènt àe revenir en Europe.<br />
Il fouff're mille outrages àe la part àe Mélédin. V. // refufé daller à<br />
Jaffa, malgré la parok àonnée. Conàîtions àe la Paix conclue par les Ambaffadeurs<br />
de Frédéric avec Mélédin.<br />
C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E .<br />
I. Le Traité de paix àesaprouvé àe tous. Obflination àe Frédéric. IL Toutes<br />
ks Eglifes àe Jérufalem ititeràites à l entrée àe Frédéric. // entre en<br />
Jérufalem , efcorté par les Sarrafins. III. // laiffe Rainaud àe Bavière<br />
Gouvernenr àe Jérufalem. Départ de Frédéric de Ptolomaïde. Frédéric<br />
continue la guerre àans /'Etat Eccléfiaftique.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
I, Connivence entre quelques Traîtres Chypriots , 8 Rainaud de Bavière,<br />
Lieutenant àe Frédéric. Paix entre k Pape, 8 Frédéric. Mauvaife inten»<br />
tion de Frédéric contre l'Ik de Chypre. II. Attaque du Château rf? Baruth,<br />
par un des Généraux de Frédéric. Trahifon de plufieurs Chypriots, Cowpagnie<br />
de St. Jaques contre ks gens de Frédéric. Troupes de Frédéric maltraitées,<br />
lll. Le Général Allemand refufé la bataille. Ilfe retire à Tyr. Partie<br />
de l'Armée Allemande défaite. Les Seigneurs d'Ibelin obligés dç céder à leur<br />
tour aux Trowpw Allemandes. Les /dlemdindsfurpris dans k vin, (f défaits.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I, Excès commis en Chypre, par ks mécontens. Le Général de l'Empereur<br />
rapplle ks cinq Chefs des rebelles Chypriots établis Régens de l'Ile.<br />
IL<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
H. Le parti du Roi de Chypre fortifié contre les Rebelles. La Fîôtte des<br />
Rebelles brûlée dans le port de Famagoufte. Entrée vidtorieufe du Roi dans<br />
Famagoufte. III. Progrès des Armes du Roî. La Filk de Nicofie fecoue<br />
k joug des Régens, 8* prend les armes pour k Roi,<br />
Campagne fuivent l'exemple de ceux de Nicofie.<br />
Les gens de la<br />
C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />
I. L'Arrivée du Roi à Nicofie, Camp des Allemands attaqué. Difpfition<br />
des deux Armées. Bataille. II. Déroute de l'Armée Allemande. Sa défaite<br />
totale, lll. Fuïards purfuivis y ^ àéfaits. Punition àe quelques rebelles.<br />
Les autres attendent du fecours. Secours envoïé aux rebelles.<br />
Grandes fommes prêtées au Rai par les Vénitiens.<br />
C H A P I T R E H U I T I È M E ^<br />
I. Allemands obligés de fe retirer de Ptolomaïde à Tyr. La Filk de Cérines<br />
y^ rend par capitulation. Le Roi de Chypre difpofé des gouvernemens<br />
àes Places en faveur àe fes plus fiàèles Sujets. // rétablit k ion oràre, ^<br />
favorifé le commerce, III. Retour des Allemands à Ptolomaïde. Réfutation<br />
des Auteurs , qui ont jufiifié Frédéric. IV. Prédicateurs envoïés<br />
par tout prêcher la Croifade. Difcorde entre les deux Ordres Militaires^<br />
S les Seigneurs de la Paleftine.<br />
8* les Templiers.<br />
Guerre ouverte entre les Hofpitaliers,<br />
LITRE ONZIÈME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I, Mésalliance y ^ mauvaife conduite àe la Reine àe Chypre. Ses prétenfions fur<br />
la Couronne àe ]éruf'à\em. Son àépart àe Chypre pour Ptolomaïde. II. Richeffes<br />
confidérables au jeune Roi de Chypre, acquifes par le Commerce.<br />
Propofîtions de la Reine àe Chypre fur Jérufalem rejettées. Opinion àe<br />
Loredan refutée. Mort funefte au Seigneur de Baruth. III. Nouvelle<br />
Croifade infruStueufe. Affoibliffement de l'Empire Latin à Conftandnople.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
J, Secours promis par k Pape à l'Empereur de Conflantinople. Cefecourt<br />
envoïé. II. Croifade contre l'Empereur Frédéric , qui ravage htalie.<br />
Malheur arrivé aux Croifés, qd vont en Paleflùne. Mésintelligence entre<br />
»* • les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
îès Templiers 8* ks Allemands. IU. Nouvelle Armée levée par Ji<br />
Souàan
S O M M A I R E .<br />
marque critique fur l'Hiftoire du Père Daniel. Réunion de tous les Infi"<br />
dèks contre les Chrétiens, lll, Ercaltai, Grand-Cam dw Tartares,<br />
veut fe faire Chréden. IV. St. Louis termine les différends entre le<br />
Prince drAndoche , 8 k Roi d'Arménie. Conduite peu fincère du<br />
Grand-Maitre des Templiers, reprife par St. Louis,<br />
C H A P I T R E . S E P T I È M E .<br />
i. Embarquement des Rois Henri de Ch)rpre, 8Louis de France, pourDa.miette.<br />
Le Soudan d'Egypte range fes Faiffeaux, ^ fon Armée, le long<br />
au port. ll. Débarquement àes Chrétiens. Combat opiniâtre entre ks-<br />
Chrédens 8 ks Egyptiens. Fictoire complette àes Chrétiens. IIÏ. Fuite<br />
nodturne àes Habitans àe Damiette 8 àes Solàats. Entrée àes Chré^<br />
tiens dans Damiette. Inadtion àes Chrétiens nuifible à leurs affaires.<br />
Mort au Souàan. IV. Bon office renàu aux Chrétiens par un Sarrafin,<br />
Fuite précipitée àes Infidèles.<br />
C H A P I T R E H U I T I È M E ;<br />
I. Chrédens attaqués àe nouveau, 8* battus par /ej Sarrafins. Sarrafins<br />
- battus à kur tour. Avantage àes Sarrafins fur les Chrétiens. II. Défir<br />
dtfx Chrétiens àe àonner bataille. BeUe retraite àes Chrétiens. _Les<br />
Rois àe France 8 àe Chypre faits prifonniers àe guerre. Sentimens<br />
différents fur la manière, àont le Soudan parla «St. Louis. III. Conditions<br />
du Traité entre St. Louis , 8 ks Ennemis, Imprudence de quelques<br />
Hiftoriens,<br />
C H A P I T R E N E U V I È M E .<br />
I. LesMsimmehcs fe rendent formidables. Leur confpiration. MeleCfala «/a/-<br />
/acr^ par/É-X Mammelucs. Punition des^ meurtriers. II. Turcomani proclamé<br />
Soudan par toute l'Armée. Sa modération envers St. Louis. Damiette<br />
r^ndt/^ au Soudan. III. Embarquement de St. Louis. Retour du<br />
Roi de Chypre datis fes Etats. Débarquement àe St. Lxjuis- à Ptolomaïde.<br />
C H A P I T R E D I X I È M E .<br />
I. Cathos élu Succeffeur àe Turcomani. Confeil tenu par St. Louis. Délibération<br />
au retour de St. Louis àans fes Etats. Sa réfolution àe refter<br />
tn Paleftine , malgré l'avis àes Seigneurs François. If. St. Louis reçoit<br />
des Ambaffaàeurs àe la part au Pape, ^ àe T Empereur. Il fait k<br />
Hdïage au Thabor , ^ de la grotte àe Nazareth, III; Ambaffades du<br />
** * 1 Vieux<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
Vieux de la Montagne à St, Louis. Préfent fingulier offert à St.<br />
Louis par k Vieux de la Montagne. IV. Riches préfens de St. Loui»<br />
envoïés au Vieux de la Montag«e.<br />
Louis,<br />
Jaffa pr^^, fif fortifiéf par Str^<br />
C H A P I T R E O N Z I È M E .<br />
X Alliance des Soudans d'Egypte, 8 d'Alep, contre St. Louis. Zèle de St.<br />
Louis envers les morts, 8 ks efclaves Chrétiens. II. Maladie 8 mort<br />
du Roi de Chypre. Son éloge. Sqn inhumation à Ste. Sophie. IIÏ.<br />
Foïage àe la Reine Alix, Mère du feu Roi Henri, à Ptolomaïde. Sa<br />
mort à Ptolomaïde, 8 fin inhumation en Chypre. IV. Embarquement<br />
de St. Louis, pour retourner en France. Ses bons exemples engagent plufieurs<br />
Infidèles à fe faire Chrétiens-<br />
C H A P I T R E DT O U Z I E M E.<br />
L Nouveaux troubks en Chypre entre les Grecs, 8 ks Ladns. II. Re^»<br />
fentiment du Clergé Grec. Orgueil du Clergé Latin. Ambaffadeurs envoies<br />
à Rome, pour terminer ces différends,. Congrégations tenues à ce fujet.<br />
III. Bulle Alexandrine. Ses Articles. IV. Cent eft ation des Grecs. Joie<br />
des Latins à foccajion de cette Bulle,<br />
Lif^RE DOUZIÈME:<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
L Entreprife àes Souàans contre lès Chrétiens, après le àipart de St. Louis.<br />
Leurs progrès. Cruelle guerre entre les Vénitiens,. 8 ks Génois de Ptolomaïde,<br />
au fujet du Monaftère àe St. Sabas. II. Brefs au Pape fur cette<br />
affadir e caufe à'une rupture entière. Suites fjcheufes de cette rupture. IU.<br />
Accommodement propofe, 8 rompu. Fiâoire des-yénitisns , après un<br />
fanglant combat. Remarque curieufe, ^ critique.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
X Erreur dés Hiftoriens dans là Chronologie d'un fait. Alton d'Arménie<br />
fait alliance avec le Cham des Tartares en faveur d^J Clirétiens.. II. Le<br />
Commandant Tartare va affiéger Bagdad. Différentes opinions fur cette<br />
Fille,. Sa prife par Aolon. Le. Calife de Bagdad puni par le Tartare.<br />
Aolon* IU. Aolon attend la jondion dû Roi d'Arménie. Leurs<br />
progrès, Prife d'ATep par k Prme Tartare , ^ U Roi dAxménie.<br />
, - Mort<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^ o M M A I R E .<br />
Mort cruelk du Vieux de la Montagne. IV. Damas prife par Aolon.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
L Aolon retourne en Tartarie. Caufes de fon retour. II. Infoknce des<br />
Soldats.Chréûms. Les Egyptiens: tombent fur les Tartares.- FiStoire<br />
complette des Egyptiens. III. Zèle d'Aolon pour k recouvrement de<br />
la Terre-Sainte. Sa mort. -Troubles en Occident. IV. Courage des<br />
Chrédens de la Terre-Sainte relevé par le Pape Urbain IV.<br />
C H A P I T R E Q_ U A T R I E M E.<br />
I. M^ecm^és, vainqueur des Tzrt'axes, affaffinê dans fa capitale. MéleCel-Vaher<br />
fon Succeffeur. Uf Excès commis par ce nouveau Soudan fur<br />
les terres des Chrétiens. Secours envoie àe Chypre à Ptolomaïde. Secours<br />
demandé au Pape. Prife de la Filk de Céfarée par k Soudan. Il prend<br />
Affur, 8 paffe tout du fil àe répée. Secours venu àe France à Ptolomaïde.<br />
IV. Avantages remportés par Mélec-el-Vaher, Lâcheté àes Chreftiens<br />
punie par le Souàan.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E :<br />
î. Mort du Duc àe Ntvers à Ptolomaïde. Desunion àans le Camp àes<br />
Chrédens. Letir défaite. î ï. Succès des Armes du Souàan. Effets àe<br />
fa colère. Trêve conclue avec le Souàan. Refiexion politique. Traité entre '<br />
le Souàan, 8 Alton, Roi d'Arménie. III. Hugues reconnu Rui de Chypre.<br />
Sa Généalogie. Son couronnement: Son attention à faire ceffer la'<br />
pefie àans fes Etats. Ses fiins à foulager fes Sujets àans kurscalainitési<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I. Trêve rompue par Mélec-el-Vaher. Antioche prife par le même. Ses<br />
Habitans égorgés. Sentimens partagés fur le nombre àes morts. Action<br />
Héroïque"^àes Filles de Ste. Claire à Antioche. II. Le Roi de Chypre<br />
part, pour penàre ppffefiîon àe la Couronne àe Jérufalem. // efi couronné<br />
Roi àe Jérufalem. Perte confidérable àes Chrédens. Prife du Château<br />
di< Crac par le Soudan, lll. Croifade entreprife par St. Louis. Son<br />
entreprife retardée. Plufieurs chofes retardent les fecours promis à ia Paleftine.<br />
Avantages remportés pjar le foudan,. à. la vue des C.^iréuens.<br />
C H A P I T R E . S E P T I È M E .<br />
l.. Ahzgvcs fe déclare contre le Soudan. Jl défait fon Arriére-Garde. les<br />
grmds.progrès d'Abagas. II. Mifère des ChrétcQs , 8 des Croifés.<br />
** * ^ Murt*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
s o M M A I R E.<br />
Mort ée St. Louis. III. Philippe-le-Bel preffe Pembarquem ent defe€<br />
Troupes. -Les Soldats Fr3Lnçois, débarqués en Sicile, éprouvent une pefte<br />
cruelle, IV. Trêve de dix ans 8 dix mois avec k Souàan.<br />
LITRE TREIZIÈME.<br />
C H A P I T R E PREMIER.<br />
I. Philippe-le-Bel envoie du fecours en Paleftine. Concile convtqué a LioH<br />
en faveur de la Terre-Sainte. Les Empereurs Paléologue 8 Rodolphe<br />
obligés de fecourir les Chrédens de la Paleftine. if. Impofition du dixième<br />
pour dix ans fur tous les biens Eccléfiaftiques, pour favorifer la guerre<br />
fainte. Négligence de Rodolphe à remplir fes engagemens. Mort de<br />
Grégoire X. Innocent V. lui fuccède. Sa mort. Adrien V. élu<br />
en fa place. Mort àe ce àernier, qui a pour fucceffeur Jean XXI.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. Foïage au Roi Hugues en Chypre. Entreprifes haràies des Templiers<br />
dansia Paleftine, pendant V abfence àe Hugues. Prétenfions formées contre<br />
Hugues fur la Couronne àe Jérufalem. Diminution àe l'autorité àe<br />
Hugues fur le Roïaume àe Jérufalem. Hugues foUicité àe repaffer en<br />
Paleftine. Son indifférence à triaintenir fes àroits fur le Roïaume àe Jérufalem.<br />
Mort de Jean XXI. Nicolas III. lui fuccède. iV. Mort àe<br />
Mélec-el-Vaher.<br />
Soudans.<br />
Sentimens partagés fur cette mort, ^ fur le nom des<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Le Roi Hugues pourvoit tous fes Enfans. Il repaffé à Ptolomaïde. Il<br />
y rétablit le bon ordre. Il revient en Chypre. U. Heureux fuceès des<br />
Hofpitaliers contre k s Infidèles. Mélec-Said, Fils de Mélec-él-Vaher,<br />
affiège Margat, 8 l'abandonne. H eft défait par ks deux Rois d'Arménie<br />
, 8 des Tartares. III. Défaite des Arméniens par les Infidèles.<br />
Mort d'Abagas.<br />
G H A M T R E CLUATR I.E M E.<br />
I. Le Roi de Chypre conduit toutes fes Forces en Paleftine. Fêpres Siciliennes.<br />
Débarquement du Roi Hugues à Baruth. Sa Cavalerie entièrement<br />
défaite par les Infidèles. II. Ses inquiétudes k troublent. Son retour en<br />
Chypre. Sa mort, 8/o» éloge, Ui. Pdftialité de quelques Ecrivains<br />
me-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
•
5 0 M . M A I R E .<br />
modernes. Le Prince Jean, Fils aîné de Hugues, héritier de la Couronne,<br />
éprouve la haine de fes Frères. Jl eft courronné Roi de Jérufalem dans<br />
la Filk de Tyr. Son retour en Chypre, CM // meurt bientôt.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
t Prife àe Margat, par Mélec-Said. Les Chevaliers àe /'Hôpital en fortent<br />
par capitulation. Remarque politique. II. Siège àe Tripoli par Mélec-Said.<br />
Levée àe ce Siège. Mélec-Said àétrôné par l'Amiral Elpi,<br />
qui prenà le nom àe Mélec-Menfor. III. Siège àe Tripoli par Mélcc-<br />
Menfor. Mort àe Jean, Roi àe Chypre, 8 àe Jérufalem. Henriyô«<br />
frère, ^fucceffeur. Son couronnement.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I, Ambaffadeurs //f Henri f« Europe. Il réforme les abus introduits dans<br />
fes Etats. ll. Tripoli affiégéé 8 battue par Mélec-Menfor. Tripolitains<br />
fecourus. Jls refufent àè fe rendre. Cruautés du Soudan exercées<br />
fur les Tripolitains, après la prife de kur FiUe. La Fille eft pillée,<br />
faccagée, (^brûlée. Le Château fe rend. Mélec-Menfor pr?wd Sidon,<br />
8Barurh, ^ affiége Tyr, qu'il prend. IV. Ptolomzide feul refte aux<br />
Chrédens. Henri paffe à Ptolomaïde , avec toutes ks milices du pays.<br />
Argon déclaré Roi àes Tartares.<br />
C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />
I. Argon eft appeUé par les Chrétiens àe la Palefline. Trè\:e de cinq ans<br />
entre ks Chrédens, 8 k Soudan. II. Retour de Henri en Chypre. Secours<br />
foUicité pour ks Chrétiens àe la Paleftine. Le Pape leur envoie<br />
2 foo. Ecus Romains. Remarque politique. III. Caufes àe la désunion<br />
de Ptolomaïde. Desor ares affreux à Ptolomaïde.<br />
C H A P I T R E H U I T I È M E .<br />
L SatisfaBion jufte àemanàée aux Chrétiens par le Souàan. Refus, qu'on<br />
fait de la lui donner, caufe dune nouvelk guerre. Mort d^ Mélec-<br />
Menfor , empùifonné par un de fes Emirs, ll. Mélec-Tafîèraf, Fils de<br />
Mélec-Mtnfor, affiége Ptolomaïde. Figouretfe défenfe des Chrétiens.<br />
III. Xtf/?(?/Henri y^ r^«d à Ptolomaïde. Il fait'transporter en Chypre<br />
toutes les bouches inutiles. Contenu d'une lettre au Soudan au Roi. IV.<br />
Affaut général ordonné par le Souàan. Sortie àes Affiégés peu avantageufe.<br />
Les Sarrafins maîtres àes portes^ 8 àes murailles, brûlent ks maifons.<br />
C R A*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A , I R E .<br />
C H A P I T R E N E U V I S M E ^<br />
I. Soins au Roi pour l'embarquement des Chrédens. Arrivée des Habitans<br />
àe Ptolomaïde dans l'Ik de Chypre. Réflexion morale, ll. Xw Templiers<br />
fe rendent au Soudan. Le Soudan leur fournit un Brigantin, pour s'en aller.<br />
lll. Il fait démolir les maifons des Ordres Militaires, 8 abbattre les<br />
murailles 8 les tours. Différentes opinions fur le Siège 8 la prife de<br />
Ptolomaïde, par k Soudan Mélec-Tafferaf, Fin du Règne des Chrédens<br />
en Palefline.<br />
LITRE Q,UAT0RZIÈME.<br />
CHAPITRE PREMIER.<br />
l. Le Roi Henri donne Limifol aux Chevaliers de /'Hôpital, 8 du Temple,<br />
afin de les retenir en Chypre. // fait agrandir, ^fortifier Famagoufte<br />
comme Ptolomaïde. IL Embelliffement au Roïaume àe Chypre, au côté<br />
de la Syrie, 8 du Midi. Sollicitations du St. Siège pour une nouvelle<br />
Croifade inutiles. L'Eglife Grecque fecoue le joug du St. Siège.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. Mort de Mélec-Tafferaf. Mélec-Naffer fur k Trône. Il eft tiré d'un<br />
Château , oit il étoit enfermé. II. Les Chevaliers du Temple, 8 àe<br />
THôpital, affermis àans Limifol. Sabat, troifième Fils àe Livon, Roi<br />
d'Arménie, fur le Trône après la mort àefon Père. Troubles en Arménie<br />
pour la fucceffion. Alton, Fils aîné àe Livon, prenà poffeffion du Roïaume<br />
d'Arménie. Alliance entre Alton, 8 Caffan, Roi àe Perfe, en faveur<br />
des Chrétiens,<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
L Moïens , par lesquels Caffan étoit parvenu à la Souveraineté. Sa réfolution<br />
àe conquérir une feconàe fois /a Terre-Sainte. IL CafîanwVwf, à<br />
. Tentrée àe /'Arménie, joînàrè les Rois de Géorgie , 8 d'Arménie. Mélec-Nafîer<br />
àéf ait par ces Rois unis. Defcription àe la perte àes Infidèles.<br />
UL Prife d'Emeffe , 8 au tréfor, que le Souàan y avoit lajjffé en dépôt.<br />
Jérufalem yè rend à Caffan , qui y laiffe les Ordres Militaires, 8 les<br />
Troupes du Roi de Chypre, en garnifon, Damas lui ouvre ks portes.<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
O M M A I R E.<br />
^<br />
C H A P I T R E Q ^ U A T R I E M E ,<br />
1. Caffan fe détermine à retourner en Perfe. Il laiffe beaucoup de Troupes en<br />
Paleftine, IL Trahifon des Gouverneurs, laiffés par Caffan, funejle aux<br />
Chrétiens. Damas repris par ks Sarrafins. IIL Les Cliypriots, 8<br />
les Ordres Militaires marchent vers Antarde, fur l'avis, que Caffan revient.<br />
Troubles en Chypre caufés par Alméric , Frère au Roi. IV»<br />
Bonté au Roi envers fes Ennemis.<br />
C H A P I T R E G I N Q ^ U I E M E .<br />
L Exhortations du Pape aux Princes àe TEurope, pour la Guerre Ste. Son<br />
EnviMé en France y gâte tout, par fon imprudence, 8 fa fierté. IL Suites<br />
fàcheufes de la hauteur au Pape, 8* àe fon Minifire. Boniface VlII.<br />
prifonnier àe Philippe-le-Bel. Aucun Prince àe /'Europe ne veut entrer<br />
dans la Guerre Ste, III, Caffan fe met en marche pour la féconde fois<br />
contre les Infidèles. Sa jondtion avec les Rois d'Arménie, de Géorgie,<br />
8* àe Chypre. Succès des Chrétiens. IV. Perte confidérable dfj .Chrétiens.<br />
Ils fe retirent chacun àans leurs Etats. Mort àe Caffaq.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I. Progrès àes Turcs àans VEmpire Grec. Commencement àe l'Empire Ottoman.<br />
Ottoman affocié à Aladin. Ottoman prenà k Nom àe Sultan.<br />
IL Affoibliffement au Reyaume de Chypre. Révolte contre le Roi àe Chypre.<br />
Difcoursféditieux d'Alméric, Frère du Roi. III. Les Barons é?<br />
Seigneurs féàuits par Alméric. Alméric Régent. IV. Fioknces d'Alméric.<br />
Retraite au Roi chez le Seigneur d'Ibelin. Réfolution vigoureufe<br />
du Roi arrêtée par ks Confeils àe fa Mère.<br />
C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />
I. Soins de h Reine à pacifier tout par la douceur. Retraite du Roi à Strovilo,<br />
ave^ le Prince Hugues , fon Neveu. Efpions poftés par tout par<br />
Alméric. IL Ambaffade d'Alméric au Pape. Ses Ambaffadeurs chargés<br />
de préfens, La Cour de Rome ne remédie point au mal. III. Attentat<br />
d'Alméric fur la vie du Roi fon Frère. Avions indignes 'd'Alméric. IV.<br />
' Le Roi pris par Alméric eft envoïé à Famagoufte, 8 de-là en Arménie.<br />
C H A P I T R E H U I T I È M E .<br />
I. alméric rapelk les exilés, kur rend leurs biens , 8 ks combk de grâces.<br />
Difette en Chypre caufe de la défertion de plufieurs FamiUes. II. Almé-<br />
* * ** rie<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
ric prk le Roi d'Arménie, fon Beau-Père y de redoubler la garde auprès du<br />
Roi de Chypre. Ifabelle , Femme d'Alméric , veut empoifonner k Roi,<br />
fon Beau-Frère. Celui, qu'eUe charge de fexécution , en a horreur.<br />
o, LITRE Q_UINZIEME.<br />
' • *' C H A P I T R E P R E M I E R.<br />
L Réfolution des Hofpitaliers de quitter Chypre pour un autre établiffement,.<br />
à l'exemple des Templiers, Les Templiers vont attaquer ï Empire<br />
Grec, éf i emparent de Theffalonie, 8 d'Athènes. IL Jls repaffent en<br />
France ," ihàrgés de richeffes. Leurs richeffes caufe de leurs dérèglemens.<br />
lu. Ils font tous arrêtés, par ordre au Roi. Extincton entière àe l'Ordre:<br />
des Templiers en France reprochée à la mémoire àe Philippe-le-Bel.<br />
C H A P I T R E S E C O N D. '<br />
L i^f Ho^italiers veulent s'établir à Rhodes, de l'agrément de l'Empereur-<br />
Grec. Rhodes occupée par les Sarrafins. IL Souveraineté de Rhodes<br />
donnée aux Hofpitaliers, Conduite prudente , 8 féçrette du Maître des<br />
Hofpitaliers. III Hofpitaliers dans Rhodes. Ils fe rendent maîtres<br />
. ; des Iles voifines. IV. Les Maîtres des Hofpitaliers s'appellent Grands- •<br />
, Maîtres; 8 ks Chevaliers, Chevaliers de. Rhodes.<br />
tiqué..<br />
%lmmhour g cri<br />
G H. A p.i T R E T R O I S I È M E . ^<br />
L Raifons, pour lesqueUes k Maître des Chevaliers àe Rhodes eft nommé<br />
Grand-Maitre. Cohffe de Rhodes ,&" fa defcription. Autres chofes dignes<br />
àe mémoire, à Rhodes. IL Ottoman premier attaque les Chevaliers de<br />
Rhodes. ' Ottomsitt repouffé par fajfifiance au Co?nte àe Sscvoie. Armoiries<br />
de "Savoie changées. Maifon àe Savoie toujours zélée pour la Relk<br />
gion.<br />
C H A P I T R E Q_ U A T R I E M E.<br />
l. Abondance dans Chypre. Alméric y règne en Souverain, pendant que<br />
fon Frère eft toujours prifonnier. Alméric amufe le Pape par de belles<br />
promeffes. IL Alméric fe fortif£. Il ne veut pas entendre parler du retour<br />
au Roi fon Frère. Alméric poignaràé.^ lll. Ùfurpation au Gouvernement<br />
par le Connétabk^ Calomnie d'Ifabelle contre le Roi innocent. ' Réfolution<br />
àes Chypriots pour délivrer kur Rbi,<br />
Csjt-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^ o M "i^I A I R E.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
I. Le Roi àe Chypre plus étroitement garàé à Perfêpolis. Fuite précipitée<br />
du Connétabk à Nicofie, IL La haute Cour ne veut reconnoître, que<br />
' î autorité du Roi Henri, Gardes données a Ifabelle, pour T empêcher de<br />
s'enfuir. IIL Traité de pacification entre la Reine, k Légat, la haute<br />
Cour f 8 la Princeffe Ifabelle. Conditions de ce Traité.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
L Liberté du Roi conformement au Traité. Son arrivée à Fzmgigouïle. IL<br />
Henri veut tenir une conduite févère pour arrêter les fiditions du Connétable.<br />
Fuite au Connétable. III, // erre àans ks bois, en habit d'Efclave.<br />
Le Roi le fait pourfuivre. Punition de la jeune Nobleffe révoltée. IV. Le<br />
Connétable arrêté. Sa vie obtenue par la Reine. Il eft enfermé dans un<br />
Château, ou il meurt de faim.<br />
C H A P I T R E S E P T I È M E ,<br />
I. La Princeffe Ifabelle revient en Chypre, 8 rentre dans les bonnes grâces<br />
du Roi. Alliance entre le Roi Henri, le Roi d'Arménie , 8 ks Chevaliers<br />
de Rhodes. IL Defcente du Corfaire Marabout en Chypre. Excès^<br />
qu'il y commet. Troubles en Chypre entre la Nobleffe 8 k Clergé. IIL<br />
Combat en Champ clos , autrefois permis en Chypre, pur découvrir la vérité.<br />
Confpiration àécouverte. IV. Conquête àe rile àe ' Lango faite par ks<br />
ChevaUers àe Rhodes, Qualités àe cette Jk.<br />
LITRE SEIZIÈME.<br />
r<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I. Extindton totale des Templiers en Chypre. Réunion de tous kurs biens à<br />
POrdre des Chevaliers de Rhodes. II. Hiftoires de Bofio, 8 de Loredan,<br />
critiquées. IIL Célébration du mariage du Roi, ^ àe ia Princeffe Conftance,<br />
Filk au Roi àe Sicile. Nouvelles fàcheufes reçues au Roi, àans le<br />
tems àe fes noces. iV. Le Roi fe vange des Corfàires Génois. Il fait<br />
exercer Ja Nobleffe. Croifade d'Avanturiers àiffipé'e.<br />
,' •• • . ri, ••<br />
C H A P I T R E S E C O N D . ><br />
I. i'Arménie 8 Rhodes atta/juées par Jes Turcs. Flotte Ottomane défaite,<br />
Fi^ûiré des Chevaliers de Rhodes fur les Turcs. II. Affoibliffe-<br />
** ** z menty<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
V
S O M M A I R E .<br />
ment, 8 infirmités du Roi de Chypre. Il eft trouvé mort dans fon lit<br />
Diverfes opinions fur les caufes déjà mort. Eloge du Roi Henri. UL<br />
Son Neveu Hugues lui fuccède. Réjouiffance des Famagouftains àfon<br />
Couronnement. Son attention à régler fes Etats. IV. Le Roi fe prêpofé<br />
de faire des perquifitions fur la mort defon Prédéceffeur. ExU fun favori<br />
de la Reine foupconné. Erreur de Loredan.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E ,<br />
I, Richeffes produites par le Commerce. Les Marchands deviennent très-riches<br />
, 8 les coffres du Roi font remplis. Excès àe FEpargne au Roi. IL<br />
Hugues allarmé àes Conquêtes, 8 àes profpérités de guerre, que font les<br />
Turcs. Son voïage en Europe, pour foUiciter du fecours. Son retour en<br />
Chypre pour fe préparer à la guerre. Deffein du Roi retardé par les malheurs<br />
, qui arrivent dans fes Etats, ^ par àes brouilleries furvenues entre<br />
les Rois de France, 8 d'Angleterre.<br />
C H A P I T R E Q _ U A T R I E M E .<br />
I. Continuation des malheurs àe l'Ile àe Chypre. Soins au Roi à remédier à.<br />
tous les maux de fes Sujets. Il eft appelle le Père du Peuplé. IL Découverte<br />
d'un morceau de la vraie Croix. Il enrichit l'Eglife , oîi on k'<br />
dépofa. lll. Soins du Roi Hugues à fortifier fes Places, ^ à pourvoir<br />
fes Enfans. Ses chagrins de là part àe fes Enfans. IV. Il les punit févèrement.<br />
Il leur paràonne àans la fuite, & les marie.<br />
C H A P I T R E G I N Q U I E M E.<br />
ï. Courfes d^J Sarrafins d'Egypte y«r k Roïaume àe Chypre. Hagues demande<br />
du fecours. IL Ligue entre le St. Siège, le Roi àe Chypre , les<br />
Vénitiens, ks Chevaliers de Rhodes, 8 ks Seigneurs de Milo, contre<br />
/w Sarrafins, foutes fes Galères s'affemblent à Rhodes. III. La Flotte<br />
des Confédérés forme le Siège de Smirne, 8 s'en empare. Mort àù Général<br />
àe la Flotte. Il eft remplacé par Piczmiglio. IV. Troubles dOccident.<br />
Le Pape Clément IX. excommunie l'Empereur Louis àe Bavière.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E . .<br />
. L. L'Ile d'Imbros prife par les Turcs. FÎMre àe la Flotte confédérée fur<br />
celk des Turcs,. Trêve entre /èf Chrétiens, ^ les'Turcsi IL La pefte<br />
ft répand en Chypre, oit k Roi fait bâtir des Hôpitaux, 8 amaffer despmffons,.<br />
Uî. Nouvelles p ^ fdçbeufes brouilleries f«irr/gf Vénitiens,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M "M A 1 R Ê:<br />
& les Génois, Chrétiens conféàérés fans efperance àe fecors, Dfcimer<br />
mpofées fur k Clergé Grec, pour fecourir ks Confédérés.<br />
LITRE DiXSEPTIÈME.<br />
G H A P l T R E P R E M l E R.<br />
L Vile de Chypre àéferte. Les Négocians étrangers y font invités , 8 annoblis<br />
par k Roi. Le Roi àe Chypre cherche au fecours en Europe. IL<br />
Secours àemanàé au Pape par k Roi d'Arménie. Pour l'obtenir, il promet i,<br />
que le Patriarche, ou Catholicon à'Arménie fi foiimettra, avec tous fis Peuples,<br />
à l'obéïffance au St. Siège. Brouilleries àans l'Empire Grec. IIL<br />
Smirne confervée par les Confédérés. Le Pape s'intéreffe à la confervation<br />
de celte Filk. Il la recommande à Déodat de Gozon , Grand-Maitre de<br />
Rhodes. Combat au Chevalier àe Gozon. Figure 8 groffeur du Dragon y<br />
qu'il combattit, *<br />
G H A F I T R E ;\ S E c e N D. ><br />
L Nouveaux troubles en Europe. Le Roi de Chypre eft fait Sénateur Ro-^<br />
main. Promeffe du Roi de France àe fecourir la Paleftine. Cette entreprife<br />
évanouie. IL Brouilleries en Chypre caufées par le légat au Pape.<br />
Mort àe Hugues, Roi àe Chypre. III. Le RoiVierrt^ Fils àe Hugues ,<br />
paffe à Avignon, po«r confulter k St.-Fère fur le» moïens de fecourir la^<br />
Terre Ste. IV. // obtient àe Charîes-le-Sage, Roi àe France, des femmes<br />
d argent pur la Paleftine.<br />
pour la Terre Ste,<br />
11 exhorte en vain l'Empereur à partir<br />
C H A P I T R E T R O I S I E M E.<br />
L le Roi de Chypre fait une ligue avec ks Chevaliers de Rhodes. IL-<br />
Flotte des ligués- de\plus àe' loo. voiles. Pr/yè d'Alexandrie par/« ligués.<br />
On ne peut eftimer les richeffes, qu'ils en emportent. III. Armement<br />
formidable des- Turcs. Faute confidérable des ligués: RJfiexions de<br />
VAuteur.<br />
C H A P I T R E Q^ U A T R I E M E.<br />
I; Chypre attaquée par les Turcs.^ Hoftilités entre les Génois, '^ les Chypriots.<br />
L'entremife du Pape appaife tout^ IL Le Roi de Chypre prend<br />
la FiUe de Sattalie. Lorcda» refutépar ^Auteur. III. Prife àe Tripoli<br />
de Syrie par k Roi Pierre, Impruàence àes Chrétiens. Ils s'amufent aur<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
V
.s 0 M M A I R E.<br />
• .ptUa^e, 8 briganàage. AHarmes du Roi de Chypre', 8 ^« Grand-Maître<br />
de Rhodes.<br />
cident.<br />
Ils ne font point fecourus par les Princes Chrédens d'Oc<br />
' C H A P I T R E G i N Q ù i E M E.<br />
I^ Le Roi àe Chypre s^embarque avec le Prince, fon Fils, pour /'Europe.<br />
Inutilité àe leur voïage à Rome. IL Leur arrivée à Milan, Dérangement<br />
àe la Reine àe Chypre perniant l'abfence au Roi. HI. Chagrin au Roi<br />
caufe àefon retour en Chypre. Arrêt àe la Reine, par oràre au Roi. IV.<br />
ConfeU tenu à ce fujet. Le Ficomte àe Nicofie arrêté. Désespoir du Roi,<br />
Ses excès.<br />
C H A P I T R E S I X L E I Ï I E .<br />
I. Suites fàcheufes des cruautés du Roi. Conjuration des Nobles. Ils veulent<br />
mettre le Sénéchal à leur tête, ^,concluent à la mort du Roi. ll. Mort<br />
du Roi, qui eft poignardé. Le peuple prend les armes pour vanger la mort<br />
du Roî. III. Pierrin ,-Fils du Roi, couronné à Nicofie. Eloge du Roi<br />
Pierre. PréàiStion àe Ste. Brigide. La Reine fe vange, en faifant naî-<br />
- tre des brouîlkrks. Le Roi ordonne d'y reméàier.<br />
i<br />
C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />
ï. Attentat àes Génois puni. Mauvais deffein àe la Reine àécouvert. Punition<br />
au Secrétaire de la Reine. IL La nation Génoife fe retire de Chypre.<br />
Médiation au Pape , pour empêcher ta guerre entre les Chypriots,<br />
^ .les Génois, IIL Cette médiation eft inutik. La République àe Gènes<br />
envoie une Flotte confiàérable contre /exChypriots. Proteftations, ^demandes<br />
des Génois. W. Les Génois commencent la guerre. Leurs heureux fuceès.<br />
LIVRE D IXH UITIÈ ME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I. Trahifon de la Reine découverte. Elle livre au Général Génois le Château<br />
de FamagoufU. Le Roi eft abandonné. IL Tout le 'pays refte à la discrétion<br />
des Génois. Entrevue au Roi 8 de la Reine fa Mère. Convention<br />
^ mtre le Roi, S ks Génois, lll. Elle eft fauffée par le Général Génois,<br />
qui arrête k Roi. Nicofie pris par les Génois. IV. Feinte 8 mauvaife<br />
fii de Frégofe, Générai Génois. Supercheries de la Reine.<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
s o M M A I R E.<br />
. C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I, La Reine fait affaffiner le Prince àe Galilée. Elk àemande', qu'on lui livre<br />
k Connétabk. IL Suite des cruautés 8 des trahifons de Frégofe. IIL<br />
Afjhmblée de tous les Princes Chrétiens d'Orient. EUe eft infruftueufe<br />
par la é^verfité d opinions. IV. Chypre délivrée des Génois. On y travaille<br />
à fournir les fommes dues aux Génois,<br />
turière y font exercées.<br />
La jêuneffe noble 8 la ro<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
L Le Roi Pierrin envoie chercher à Milan la Princeffe Valentine, Filk du<br />
Duc de ce nom. Son mariage avec cette Princeffe. IL Le Roi entreprend<br />
de chaffer les Génois de Famagoufte. Cette FiUe eft bloquée. Le Roi<br />
fait mourir quelques Officiers àe la Reine. Cette Princeffe àiffimuk fa colè-'<br />
re. Iii. La Flotte au Roi force le port de Famagoufte. Le Roi refufé<br />
une grâce à Volfange. Affaffinat commis ^ar Volfange. Volfange condamné<br />
à avoir la tête tranchée.<br />
C H A P I T R E Q_ U A T R I E M E.<br />
J. Le Roî fait perfeàionner la grande Tour de Nicofie. Grandes dépenfes<br />
du Roi très-inutiles. II. Le Roi fait empoifonner le Comte de Rochi.s,<br />
Favori de la- Reine fa Mère. La Reine Mère fe retire de Chypre. HI.<br />
Mauvais traitemens des Génois envers les otages Chjpriots. Le Prince<br />
Ja'ques en meurt,. IV. Ibute la Chrétienté en conf^/ion par la pluralité<br />
des Papes. Jeanne, Reine de Naples, étranglée en prifon, par ordre du<br />
nouveau Roi.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
L Le Grand-Maître de Rhodes pris par les Turcs. Smirneyâ«j fecours/<br />
Divifion entre les ChevaUers de Rhodes, IL Mort du Roi Pierrin. Régence<br />
en Chypre, III, Conditions honteufes 8 onéreufes impofêes aux Chypriots<br />
par les Génois. Arrivée du Roi Jaques à Limifol. Son couronnement.<br />
IV. Soins du Roi pour fes Sujets. Il récompenfe ks bons, ^ punit ^<br />
Jes autres.<br />
C H A P I T R E S I X I E M^E.<br />
l. Les^places de Chypre fortifiées. Affedion des Chypriote envers k JtoC<br />
Jaques. II. La tranquilité du Roi troublée, Jl amaffé de greffes fommes.,<br />
pour-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
pour fe mettre çn çtat de foutenir la guerre contre les Turcs. UL Le<br />
Grand-Maître de Rhodes fait auffi fes préparatifs. Il renforce Rhodes<br />
8 Smirne.. IV Ravages àe la Pejte en Chypre. Sages précautions 8<br />
foins infinis du Roi dans cette occafion,<br />
LIJ^RE DIXNEUnÈME.<br />
C H A P I T R E P I I É S I I E R .<br />
I. Bajazet, nommée Kildris, ou la Foudre. Défaite de l'Armée Chrétienne<br />
par Bajazet. ^ IL Bajazet attaqué par Tamerlan. Bajazet veut s'oppofer<br />
aux conquêtes de Tamerlan , qui le fait prifonnier. III. Bajazet<br />
indignement traité par Tamerlan. Tamerlan prend la Filk de Smirne<br />
fur les Chrédens. Eloge de Tamerlan. Les enfans àe Bajazet fe dé'<br />
truifent les uns les autres. Reflexion politique.<br />
C H A P I T R E S E C O N D ,<br />
I, Le Grand-Maître de Rhodes s'empare d'un Château, poffédé par les Turcs.<br />
Le Rei àe Chypre meurt chez lui, '&' laiffe àix Enfans. Erreurs àe Loredan,<br />
8 au Père Luzignan. II. Couronnement àe Janus, Fils au Roi<br />
Jaques. // tente inutilement doter Famagoufte aux Génois. // en forme<br />
le Siège, Il en lève k Siège à la vue àe la Flotte Génoife, IIL Sufpenfion<br />
d'Armes. Janus fe renforce contre les Génois, Nouvelle entreprife<br />
contre Famagoufte inutik. "IV, Génois fous la protedion de la<br />
France. Paix entre les Chypriots 8 ks Génois. Trêve entre le Roi de<br />
Chypre, k Grand^Maître de Rhodes, 8 k Soudan d'Egypte»<br />
G H A P I I R E T R O I S I È M E ,<br />
I. Nouveaux malheurs en Chypre. La pefte y eft fuivie des fauterellès, 8<br />
de la famine. IL Le Roi de Chypre J^ait une ligue avec plufieurs Princes<br />
Chrétiens, contre les enfans de Bajazet. Ambaffadeurs envoïés de Chypre<br />
en France , pour demander Charlotte àe Bourbon en mariage, lll. Réjouiffances<br />
en Chypre, à l'occafion àe ce mariage. Fécondité àe la Reine.<br />
1V7 Juftes plaintes àes Sarrafins contre les Chypriots, Négligence à y<br />
fatisfaire. La Grande- Commanderie de Chypre divifée en fept.<br />
C H 4 P I T R E (iUATRIEiyiE.<br />
IT Zes mécontentemens des Sarrafins augmentent. Le Soudan demande une<br />
\ faûsfaStion, que le Roi lui refufé. II. Suites fàcheufes de ce refus. L'Ile<br />
de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
de Chypre eft ravagée par k Soudan. Limifol eft ruinée, lll. Avantage<br />
des Chypriots fur les Sarrafins. Le Soudan jure la perte de tous les Chypriots.<br />
IV. Les Sarrafins, affermis à Limifol , s'avancent dans les<br />
Terres de Chypre. Défir are àe l'Armée au Roi, ^ fa lenteur àans fa<br />
marche.<br />
C H A P I T R E G I N Q_ U I E M E.<br />
I. Découragement àes Chypriots à la vue à'une Comète. Défaite 8 prifon<br />
au Roi. Lâcheté àe quelques nobles Chypriots. If. Nicofie au pillage.<br />
Riche butin emporté par l'angiverdi. Trahifon 8 révolte àe Sforza Palavicino.<br />
m. Soins pour la àélivrance au Roi. Deux cens milk Ecus<br />
dor payés pour la rançon du Roi. IV. Le Roi bien traité du Soudan. A<br />
fon retour, il n'a pas de Château, pour y loger.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I. Caufes de la mélancolie au Roi Jznus. Il àemanàe au fecours aux Princes<br />
Chrétiens. IL Mariage au Fils caàet au Duc àe Savoie avec la Princeffe<br />
Anne, Filk au Roi àe Chypre. Troubles àans /'Europe pendant le Concile<br />
de Bâle. III. Deux Papes, 8 deux Çpnciks à la fois. Mort du Roi<br />
Janus. Couronnement de Jean IV. Son mariage conclu avec Médée Paléologue.<br />
Mort de cette Reine. Autre mariage conclu avec Hélène Paléologue,<br />
LITRE VINGTIEME.<br />
^ TA ^<br />
C H A P I T R E P R E M I E R ,<br />
I, Brouilleries caufées par la nouvelle Reine de Chypre. Mort du Cardinal<br />
de Chypre. La Reine nomme un Grec à la dignité occupée par k feu<br />
Cardinal. Le Pape en nomme un autre Ladn. IL La Reine exik le<br />
Latin , nommé par le Pape. EUe fait emprifonner le Légat. EUe fait<br />
empoifonner l'Archevêque 8 fin Chapelain. Réflexion de VAuteur. IIL<br />
Rufes du Grand Caraman, Elles font découvertes. Prudence des Cheva<br />
Uers de Rhodes dans cette occafion.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I, Le refte de /'Arménie perdu .pour les Chrétiens, Avis donné au Roi de<br />
Chypre dc fe garder du Grand-Caraman. Lettre du Caraman au Roi àe<br />
Chvpre. 11, Peu de capacité 8 de réfolution du Roi. Il s'humilie devant<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^ s 0 M M A I II E,<br />
k Soudan d'Egypte. Mfe laiffe gouverner par la Reine ^ fes Créatures.<br />
IIÏ. Ug;ue contre le Roïaume àe Chypre, Chypre fecourue par les Chevaliers<br />
àe Rhodes. IV, Le Beig de Scandaloro àemanàe la paix. Elk<br />
eft conclue, avec lui, 8 /
S O M M A I R E .<br />
LIVR E' VING T'UNIÈ ME,<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I. Coaronncfkent de la Princeffe Charlotte. La Couronne lui eft difputée' pa^<br />
Jaques. II. Conàuîte àe la Reine envers Jaques caiife àe grands àesdrtkes<br />
àans l'Etat. Fiolence exercée àans le Palais àe Jaques. Jaques paffe en<br />
Egypte, peur fe faire un parti contre la Reine. Le mariage àè la Reine<br />
avec k Comte de Genève efi troublé par cette nouveUe.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. Ambaffadeurs envoïés du Roi 8 de la Reine en Egypte avec des préfens.<br />
Le Soudan promet de faire monter Jaques fur le trône de Chypre. U.<br />
Mouvemens que fe àottnent le Roi, la Reine, ^ les ChevaUers d
S O M M A I R E .<br />
cond voiage inf rugueux de la Reine en Italie. On lui promet du fecours<br />
en Savoie. IV. Elk follicîte en vain k St, Père. Elk repaffé à Cérines.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I. Accommodement propofe à Jaques, Il feint de Vaccepter, pour gagner au<br />
tems. II. Il traite àe fon mariage avec la Princeffe àe la Morée. //<br />
reftitue aux Chevaliers àe Rhodes leur granàe Commanderie àe Chypre.<br />
IIL Le St, Père fait imprimer , 8 renàre public un livre plein d'injurescontre<br />
Jaques.<br />
LITR E VIN G T-D E UXIÈ ME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R ,<br />
I. Le parti de Jaques yè groffit de quantité d Etranger s, quî y entrent. Celui<br />
de Louis, toujours pire, l'engage à recourir à Rhodes, 8 en Savoie. IL<br />
Le Duc de Savoie ne fe donne aucun mouvement. La Reine dépêche vers<br />
Méhémet, pour implorer fon fecours. Elle ne réùffit point. III. Ceux de<br />
Cérines font réàuits aux àcrnières extrémités. Stratagème invonté par le<br />
Commanàant àe la Place. Les Affiégés font fecourus par ce firatagême.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. La àiffimulation de Jaques luî réùffit. Le Commandant de Cérines féduit<br />
rend la Place. Par cette perte, k Roi, 8 la Reine font dépouillés de leur<br />
Roïaume. II, Jaques maître de toute file. Il chaffe ks Génois àe<br />
Famagoufte, Entrée pompeufe àe Jaques àans Famagoufte. III. Jl y<br />
établit un bon Gouverneur. Il forme le deffein àefe àéfaire àes Sarrafins.<br />
IV, Il trompe , 8 fait maffacrer leur Chef, Il prenà àes mefures, pour<br />
fe jufiifier auprès au Souàan.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E ,<br />
î. Le Soudan fait armer une puiffante flotte, pour venger le meurtre des Sarrafins,<br />
L'Or , 8 l'argent de Jaques Varrêtent. Nouvelles inftances- de<br />
la Reine auprès du Soudan inutiles. IL On attente à la vie de Jaques.<br />
Il foulage k s peuples, ^ établit de fages règlemens. IIL Son incontinence<br />
va a î excès. Confpiration de la Nobleffe Chypriote contre Jaques. // en<br />
prévient les fuites. IV. Cette confpiration n'arrête point les déboràemens<br />
de fa paffion. Sa Mère lui fait faire les plus férieufe s réflexions,<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
C H A P I T R E Q^UATRIEME.<br />
I. Adreffe de Cornaro à retirer Jaques au libertinage. Il le fait confentir au<br />
mariage. IL Principaux articles au traité àe mariage entre Jaques 8 la<br />
Nièce àe Cornaro. Jaques reconnu Roi par le Pape Paul Seconà. III. Il<br />
propojè une Ligue contre Méhémet. Arrivée àe Catherine Cornaro à Famagoufte.<br />
Réjouiffances en Chypre au mariage, 8 Couronnement àe Catherine.<br />
IV. Mifère, à laqueUe efi réàuite la Reine Charlotte.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
I. Jaques trahi par Cornaro , 8 Bembo , Vénitiens, Ils rempoifonnent<br />
près àe Famagoufte. jaques profite àe fes àernier s momens, pour àifpofer<br />
àe fes Etats. IL II fait faire la ledture àefon Teftament. Mort àe Jaques.<br />
// eft très-règreîté àe fon Peuple. III. Catherine àéclarée Régente<br />
àe> Etats. Toutfe paffe avec tranquilité. Inutilité àes efforts àe Charlotte.<br />
ÏV. EUe follicite en vain k Souàan dEgypte. Le Souàan fait arrêter<br />
l'Envoie àe Charlotte.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I. Catherine règne trànquilement. La conàuîte àe Cornaro, 8 de Bembo,<br />
trouble cette tranquilité. IL NouveUes brouilleries caufées par l'Archevêque<br />
Fabrice. Le Peupk de Nicofie court aux Armes, fans qu'on puiffe le<br />
retenir. HT. Cornaro 8 Bembo, Oncles de la Reine Catherine,poignardés.<br />
Catherine envoie informer Mocenigo de cette tragédie, 8 lui àemanàe<br />
affifiance , pour faire rentrer les Chypriots àans leur àevoir. Ilfe<br />
forme trois partis en Chypre. Ceux àe Ferdinand, Roi àe Naples, 8<br />
àe la Maifon de Luzignan, cèdent au parti de Catherine.<br />
LirRE VINGT-TROISIEME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
IIL Sujets de mortification pour Cathériv e.<br />
«« «#<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
I
S O M M A I R E .<br />
Grand-Maître de Rhodes de ne donner aucun afile aux Chypriots. Ré'<br />
ponfe du Grand-Maître.<br />
C H A P I T R E S E C O N D ,<br />
i. Avis du Grand-Maître aux Exilés. Ils fe retirent de Rhodes. Mort du<br />
jeune Roi Jaques , âgé de trois ans, ll. Différentes fartons au fujet<br />
d'un nouveau Roi. Catherine, féduîte par ks Vénitiens, cèàe k Roïaume.<br />
Les Chevaliers àe Rhodes obtiennent un Bref au Pape pour être payés àes<br />
fommes , qui leur font àues en Chypre. III. Paix entre les Turcs, 8<br />
les Vénidens.<br />
veraineté,<br />
Mort au Sultan Méhémet. Catherine regrette la Sou<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E ,<br />
i. Les Vénitiens craignent un feconàmariage de Catherine, qui leur ôte la<br />
Souveraineté. Ils la font confentir à paffer à Vénifè. EUe cède à la République<br />
tous fes droits fur le Roïaume de Chypre. IL Poffeffion de Chypre<br />
prife par ies Vénitiens. En àe la Granàeur de la MaiJ'on àe Luzignan.<br />
Mort àe la Reine Charlotte à Rome. IIL Changemens en Chypre<br />
faits par les Y érùtiens. Charges, ^ Dignités venàues.<br />
C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E , •<br />
L Divifion àe nie en àouze Cantons. Privilège acheté par /w Maronites,<br />
Arméniens , Coptes, 8 Jacobites. IL La Nobleffe Chypriote/^ livre<br />
aux piaifirs. Inondations 8 Tremblemens de terre. Autres divers malheurs<br />
arrivés ^B Chypre. III. Stérilité extraordinaire. Famine fi grande,<br />
que k peuple périt. Miniftres 8 Gouverneurs, établis par les Vénidens, en<br />
grand danger dans une émotion populaire.<br />
C H A P I T R E G I N Q U I E ]\f E,<br />
I. Bajazety^fOKd envoie une puiffante armée contre le Soudan d'Egypte. Fictoires<br />
remportées par le Souàan d'Egypte. IL Le Souàan dEgypte force<br />
Bajazet à lui accoràer une paix àurable 8 avantageufe. Sélim, Fils àe<br />
Bajazet, mèàîte la guerre contre les Verfes. IIL Ifmaè'l, Roi, oa Sophi<br />
de Perle, a recours aux Princes àe fa créance. Sélim tourne toutes fes<br />
forces contre le Souàan d'Egypte, Allié dw Sophi. IV. Defcrîptifin àe la<br />
bataille donnée près d'Alep. La Fïéioire refté a«a; Ottomans.<br />
\<br />
CH/A-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I, Abounaflar Tomunbeig déclaré Soudan d'Egypte, Douceur de Sélim<br />
envers ks peuples conquis. Armée de Sélim contre les Arabes, quifont battus.<br />
II. Sélim paffe en Egypte, Le Soudan fe retranche au Nord au<br />
Caire. Jondion âe Sélim, £y au Pacha Sinan, IIL Bataille entre Sélim<br />
8 k Souàan. Sélim maître au Champ àe bataille. Nouveaux efforts<br />
du Soudan inutiles. Différents fentimens fur cette a^ion du Caire. IV.<br />
Fermeté du Soudan, quoique vaincu. Nouvelk bataille. Fuite au Souàan.<br />
Il eft pourfuivi , 8 atteint par le Pacha Murfapha. Sélim le fait maltraiter,<br />
^pendre.<br />
LIVRE VINGT-Q_UATRlkME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I, Sélim maitre de /'Egypte , de la Syrie, 8 àe la Paleftine. Fains efforts<br />
àe Gazelle fur la Syrie. IL Les Vénidens allarmes àe l'approche<br />
des Turcs, 8 ^' ^^^^^ progrès. Ils fortifient l'Ile àe Chypre, Travaux<br />
confidérables faits à Nicofie, IIL Mort àe Soliman , fucceffeur de<br />
Sélim premier. Sélim fecond menace le Roïaume de Chypre. IV. Sa paffion<br />
pour le vin àe Chypre, 8<br />
faire la conquête.<br />
ks confeils au Mufti le àéterminent à en<br />
C H A P I T R E SECOND.<br />
I. Feinte politique àe Sélim, pour amufer les Vénitiens. Ils àonnent dans le<br />
paneau. H. Commencemens àes malheurs àe Chypre. Scrupule àe Sélim<br />
levé par le Mufiî. Tout eft en mouvement chez les Turcs contre le Roïaume<br />
àe Chypre. III. L'Ambaffadeur Vénitien obtient auàience au Grand-<br />
Fifir. Succès de cette audience. Lettre du Sultan aux Vénitiens, Leur<br />
Réponfe à cette Lettre.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Le Sénat de Vénifè veut mettre ks Puiffances de /'Europe àans fon parti.<br />
Jl ne réuffit point. Economie mal entendue àes Vénitiens. Ils négligent<br />
les avis fages, qu'on leur àonne. IL Le Sultan, inf orme àe la àifpofition<br />
àes Vénitiens, commence les hoftilités. lll. Avantages remportés par les<br />
Vénidens. Flotte àes Vénitiens attaquée àe maladie, 8 de difette. Plus<br />
de 20000, meurent. IV. Les Vénitiens négligent k fecours àe Chypre.<br />
Le Peupk Chypriot mécontent invite les Turcs à venir conquérir leur pays.<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E .<br />
I. Defcription àe la Flotte Ottomane, Six Galiotes Turques pillent 8 brûlent<br />
k Fillage àe Lara en Chypre. Limifol brûlée 8 faccagée. IL Confeil<br />
tenu par les Chypriots 8 ks Vénidens. Sentiirens partagés. Arrangement<br />
pris pour la àifpofition àes Troupes. Le ConfeU ne fe termine quà<br />
des murmures. IIL Etat àe l'Armée Chrétienne en Chypre. Les feuls<br />
Epirotes, 8 les Italiens, font au fait àe la guerre.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
I, Les Turcs viennent àébarquer au port àes Salines. Siège àe Nicofie par<br />
Muftapha. Grecs perfides punis àe kur trahifon. IL Muftapha/a/t<br />
couper la communication àe Famagoufte à Nicofie. // campe àans la<br />
plaine àe St. Démétrius. Aâion vigoureufe àe Baglioni. IIL Les Habitans<br />
àe Nicofie refufent àefe rendre à Muftapha. Stratagème àe Muftapha.<br />
Sorties àes affiégés fur ks affiégeans. Fautes confidérables de<br />
Dandolo.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I. te Pape envoie douze Galères en Chypre. La prefence des Flottes combinées<br />
n'arrête point les progrès des Turcs. IL Forte réfiftance àes affiégés.<br />
Ils àemanàent au fecours à ceux àe Famagoufte. Ce fecours refufé. IU.<br />
Nouveaux retranchemens pratiqués par les affiégés. Ils ne font pas foûtenus<br />
dans leurs forties. IV. Muftapha demande deux heures de trêve. Réponfe généreufe<br />
àes affiégés. Deux mille cinq cens Hommes renforcent l'Armée Turque.<br />
C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />
I. Harangue àe Muftapha à fon Armée. Divifion àefon Armée en quatre<br />
Corps. IL Décharge générale àe l'Artillerie àes Turcs. Ils fe rendent<br />
maîtres du Bafiion. Desoràre parmi les affiégés. Les ennemis gagnent<br />
le coeur àe la FiUe. HL Bravoure àes Epirotes. IV. On eft forcé àe céàer<br />
aux Turcs. Palais forcé par Muftapha. V. Cérines eft livrée au<br />
vainqueur. MuHzphdi fait fortifler toutes les Places àe Vile.<br />
LIVRE VINGT'CINQ^UIEME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R ,<br />
I, Affreux état àe Nicofie après fa prife par les Turcs. Plufieurs Dames<br />
fe précipitent au haut àe leurs maifons. L'efclavage eft le fort àe ceux que<br />
k<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
V
s O M M A I R E.<br />
le fer a épargnés. Adreffe d'une Dame pur fe fauver. IL Les coips des<br />
Chrédens briilés. Muftapha fait rebâtir les muraiUes àe Nicofie.<br />
Il met un Gouverneur à Nicofie, ^ va à Famagoufte.<br />
lll.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I, Situation àe Famagoufte. Ses fortifications. Siège àe cette FiUe. Jonâlion<br />
àes galères au Pape, 8 d'Efpagne, à la flotte Vénitienne. IL Desoràre<br />
àe la Flotte Ottomane, Desunion àes Chrétiens. HL La Flotte<br />
Ottomane/g retire en triomphe à Famagoufte, ou elle fait àes feux àe<br />
joie. Adtion Héroïque àe Renée, Dame de Rochas. * IV. Les Turcs<br />
entrent dans le port de Rhodes, 8 ks Chrétiens dans celui de Scythie,<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
L Les Turcs arrivent à Conftantinople, avec toute kur Flotte. Renfort<br />
àemanàé par Muftapha contre Famagoufte. IL Granà Faiffeau Turc pris<br />
par Quirini. Autres avantages remportés par le même. IIL Trifte fituation<br />
àes Vénitiens. Ils veulent àemanàer la paix aux Turcs. Le Fifir<br />
ne réponà point aux propofitions, qu'on lui fait. IV. Nouvelle ligue propofée<br />
aux Vénitiens par le Pape. Elk efi acceptée. Articles àe la ligue<br />
entre k Pape, k Roi d'Efpagne, 8 ks Vénitiens.<br />
C H A P I T R E Q _ U A T R I E M E .<br />
I. Flotte Turque en Chypre , forte àe 2 fo. Galères. Elle ahoràe à Suda,<br />
EUe ravage tout. H. Suite àes Conquêtes àe la Flotte Ottomane. Efforts<br />
des Vénitiens, pour réparer leurs pertes. La Flotte Chrédenne confédérée<br />
avance jusqu aux côtes àe la Morée. III. Famagouùe n efi point fecourue.<br />
Siège àe Famagoufte recommencé par Muftapha. Défenfe vigoureufe<br />
àes Affiégés, IV. Progrès àes Affiégeans. Affoibliffement àes Affiégés.<br />
Jls ne peuvent plus fe préfenter à la brèche. Générofité àes Femmes de Fa-<br />
' magoufte. Manque de munitions àans la Place.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
I. Avantage confiàérable àes Affiégés fur les Turcs. Muftapha aàmire le<br />
courage, 8 Ici fermeté des Affiégés. IL Ils font réduits aux àernier s abois.<br />
. Ils veulent fe renàre. III, Les Commanàans s'oppefent à cette reààition. Mort<br />
àe plufieurs Officiers àe difiinâion d entre ks Affiégés.- Capitulation.<br />
\<br />
** ** ** CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
o M M A I R E.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E ,<br />
L Reddition de la Fïlk de Famagoufte, Mauvaife foi de Muftapha. Sa<br />
cruauté 8 impiété. IL Muftapha fait réparer les fortifications de Famagoufte.<br />
Exemple d'Une patience Héroïque ^ Chrétienne. IIL Perte des<br />
Turcs au Siège de Famagoufte, Les'ckofes faintes profanées .par Mufi^pha.<br />
IV, Retour triomphant de Muftapha à Conftantinople.<br />
V LIVRE VINGT-SIXIÈME.<br />
sv. • ; . . , ; •<br />
C H A P I T R E P R E M I E R . /<br />
I. Fin du Reyaume de Chypre. Réflexion fur la conduite du Sénat Vénitien.<br />
Aviliffement de la Nobleffe Chypriote. IL La Flotte confédérée des<br />
Chrétiens veut vanger la mort dw Famagouftains. Sa réfolution.d'aUer<br />
attaipier la Flotte Ottomane. Mésintelligence entre les EÎpzgnoh ^ les<br />
Vénidens. Leur réconciliation, III. Defcription de la Flotte confédérée.<br />
Bon ordre, qu'on y obfervé.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. Flette confédérée à l'entrée au Golfe de Lepante. Les Efpagnols tâchent<br />
d'éviter le combat. IL Les Généraux exhortent les Troupes à bien faire<br />
kur devoir. Excès de confiance du Pacha Hali, III. Réfolution àes Turcs<br />
d attaquer les Chrétiens. Leur Flotte fait voik, S fait etnmenoter tous<br />
les efclaves Chrétiens, Defcription àe la Flotte Ottomane.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Les Turcs déconcertés à la vue àe la Flotte entière àes Chrétiens. Ils reprennent<br />
courage, 8 commencent le combat. II. Defcription du combat.<br />
Feu épouvantabk àe part, 8 dautre. Précaution fage des Chrédens. IIL<br />
Les Aumôniers des Chrédens ne ceffent de les exhorter, le Crucifix à la main.<br />
Figilance àe Méhémet Siloc, IV. FiMre longtems balancée. Herrîbk<br />
carnage àes àeux Côtés.<br />
C H A P I T R E
S O M M A T R E .<br />
de la Flotte Ottomane. Boucherie effroïable, que les Chrétiens font des<br />
Infidèles. Fin du combat. Affaut général. Perte confiàérable àes Ennemis.<br />
Trifte fituation àes Affiégés. / ...^<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
I. Parallèle àe la BataiUe àe Lepante , avec celle d'A6lîum, OM Augufte<br />
triompha de Marc-Antoine. Nombre des morts àe part, ^dautre. IL<br />
Partage àes àépouilks des ennemis, Brouilleries entre Jes Chrétiens. Faute<br />
àes Généraux, qui ne profitent pas de leur FiStpire. IH. Réjouïffances extraordinaires<br />
à Rome, à f.occafion de la Ficioire àe Lepante. La'iioùvelk<br />
de cette Fi^oire épouvante les Turcs de Chypre. IV. Elle porte la conftemation<br />
à Conû.Rntinople. On s'y fortifie. Les Tm'cs font, conftruire<br />
de nouvelles Flottes, Fin de cette Hijîoire.<br />
ETAT PRESENT<br />
U E^'^':^V6"Ï^"Y ^-...T E.<br />
L I V R E PREMIER.<br />
G H A p.,1 T R E . P R E M I E R .<br />
I. Difpofitions de FAutâun . IL Idée de /'Egypte en général. Sa fituation.<br />
Sa divifion. Ses bornes, lll. Fertilité de fEgypte.<br />
fes de cette fertilité, 8 àe ces richeffes.<br />
Ses richeffes. Cau<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I, Sources du Nil bien incertaines. Di'oers fentimens fur la caufe de raccrois-<br />
' fement du Nil. IL Réflexion phifique fur la rareté de la pluk en Egypte.<br />
Fraies caufes àe l'accroîffement du Nil. III. Opinion peu fondée d'un Evêque<br />
Arménien, fur la fource du Nil. Mamère, dont les Habitans de Sannar<br />
navigent fur k Nil.<br />
****** 2 CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
X! H A p I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Sources du Nil les plus probables. Les Abifllns n'ont point de terme, qui<br />
exprime la neige. IL Réfutation àe quelques fentimens ordinaires fur la<br />
caufe au àéboràement au Nil. IU. Tems àe faccroiffement fenfibk au Nil.<br />
Fent s, 8 tempêtes fur k Nil.<br />
C H A P I T R E Q^UATRIEME.<br />
I. Superfiition fur la goûte, ou rofée. Machine pour fuppléer à Vinonàation au<br />
Nil. Opinion d'Hérodote examinée 8 réfutée. Qualités àe feau au Nil.<br />
IIL Mefure àe la hauteur au'^il àans fa crue. Tems àe fa proclamation.<br />
Cours au Nil. Nil plus facile à monter, qu'à àefcenàre.<br />
LIVRE SECOND.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R ,<br />
I, Féconàitè àe ^Egypte, Grains. Manière à'enfemencer les terres. Promte<br />
8 abonàante récolte. IL Arbres. Ils croiffent plus en Egypte en trois<br />
ans, qu'en Europe en àix. Abonàance àe rafins. Figues àe àivcrfes efpèces.<br />
lîl. Figues d'Adam, ou le Papirus àes anciens. Pommes à noïau.<br />
Datiers, ou palmiers à'un granà revenu. Citroniers 8 orangers au milieu<br />
àes épines. Singularité àe f Arbre Sener. . Eau àe Calafe,<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. Herbes , 8 Légumes. Mêlons àe àiverfes efpèces , excellens , 8 trèsfains.<br />
Les concombres deux fois fan. Il, La chicorée, ^ la laitue .Romaine,<br />
d'une douceur enchantée. Elles fe mangent fans aucun qffaîfonnement.<br />
III. Oignons à'une bonté fîngulière. Ris affez abondant en Egypte,<br />
pour fournir toute la Turquie , 8 la Barbarie.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Animaux Domefiîques. Fécondité des Brebis, y des Chèvres.. Beauté fîngulière<br />
des Chèvres. Qualité àes Boeufs. Abonàance àe Bufles. Féaux,<br />
8 leur ufage. Chevaux^ 8 iàée qu'en ont ks Turcs, Singularité dansks<br />
Mulets, 8 les Anes. InftinSt des Chameaux. III. Animaux féroces.<br />
l'Hippopotame ^ fa forme. L'Ichneumon ennemi du Crocodile. Son inàuftrie.<br />
Crocoàik àangereux. Singularité au Crocoàik. IV, Reptiles,<br />
Serpens peu à craindre en Egypt«. Mangeurs deferpens,<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
M M A I R E.<br />
C H A P I T R E Q^UATRIEME. •<br />
L Oifeaux abondans en Egypte. Agobîlk, mangeur de poiffon. Ibis, Oifeau<br />
peu connu. Le Chapon de Pharaon, ou vrai Ibis, Refiexion curieufe<br />
fur les Oifeaux, que Moïfe mena Jans le àéf ert.^ IL Quantité proàigieufe<br />
de Milans. III. Poiffons de l'Egypte àiffèrents àe ceux de /'Europe, Nacres<br />
de perles. Poiffon aprochant àe la figure àe la Femme, Ufage, qu'on<br />
fait àe fa peau. •<br />
LIVRE TROISIÈME.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I, Defcription d'Alexandrie, Diftindion entre la nouvelle 8 fancienne Alexandrie.<br />
La nouvelle Alexandrie bâtie àes ruines àe fancienne. Nombre<br />
de fes Tours. Etendue àe fon circuit. IL .^«^/^M/Y^J d'Alexandrie, Quantité<br />
àe Colonnes. Forme à'un ancien Eàifice. Traàitionfur le lieu, oii étoit<br />
le Palais àe Ste. Catherine, lll. Eglife àe St, Anaftafe aujourà'bui Mofquée,<br />
Montagnes compofées des décombres de fancienne Fille,<br />
• C H A P I T R E SECOND.<br />
I. Alexandrie fouterraine. Citernes dune beauté extraordinaire. . Canaux,<br />
qui portent feau aux Citernes. Canal de quinze lieues àe longueur. IL Ruines<br />
, qui àénotent la granàeur àe fancienne Filk. Antiquités àètruites par<br />
f avarice àes Turcs , 8 àes Arabes. III. Colonne àe Pompée, monument<br />
fuperbe. Sa hauteur 8 fa groffeur proàigieufe. Hardieffe dun àanfeur<br />
àe corde, Arabe de naiffance. IV. Phare d'Alexandrie, une des fept<br />
merveilles du monde. Ports d'Alexandrie. Remarques fur ces ports.<br />
Comme les Faiffeaux fe ramégent àans le port neuf. Fieux port.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Defcription àe la fameufe FiUe au Caire. Situation du vieux, 8 du nouveau<br />
Caire. Tombeaux des anciens Rois d'Egypte. Ces tombeaux font àes<br />
Mofquées. Forme àe la Fille. Son peuple nombreux. Forme de-fies maifons.<br />
IL Habitans, ou très-riches, ou très-pauvres. Réfignation des Turcs<br />
à la Providence. Caufe àe cette réfignation. Qualité àes Habitans. Leur<br />
nombre augmenté àepuis les guerres de Hongrie. - Mores, ou Coptes, originaires<br />
dupays, méprifês par les Turcs. IH. Habits 8 extrême propreté<br />
des Femmes. Hommes jaloux. 8 Femmes infiàèks. Magnificence des<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S O M M A I R E .<br />
Dames dans leurs vifités. IV. Leurs dévotions les vendredis. Leurs manière<br />
dS prendre les bains. Leurs converfations, & leur libertinage, jardin<br />
favorabk aux galanteries des Dames. Chafteté des FiUes, Les Femmes<br />
ne mangent point avec leurs maris. Poifm ordinaire parmi les Turcs.<br />
C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E .<br />
L Erreur des Auteurs fur l^ombre des Mofquées du Caire. Nombre des Mofquées<br />
de toute /'Egypte. £,eCsLire fermé par des barricaàes. jufqu'à huit cens<br />
colonnes dans une Mofquée. Magnificence des Palais du Caire. Elévation des<br />
plafonds extraoràinaire. Richeffe àes Saks. IL Reliques à'un ancien Château<br />
dune granàe rareté pour les antiquités, qui s*y trouvent. Situation au<br />
Château au Caire. Puits àe Jofeph. Divan àe Jofepli. Colonnes dun<br />
marbre précieux à bon marché au Caire, 8 ailleurs.<br />
C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />
I. Beauté àes Dômes 8 Minarets, ou Clochers àes Mofquées. Forme des Mofquées<br />
en Egypte. Forme àes cercueils, ou tombes, qui couvrent les tom-<br />
• beaux dans les Dômes. Ornemens des tombeaux 8 Chapelles. IL Façon<br />
des Minarets, ou Clochers. Ecoles des fciences. Scrupule àes Turcs fur<br />
la manière àe lire f/Jlcoran. Lacs, quife trouvent àans le Caire. III. Aàreffe<br />
àes Turcs àfe garantir àes trop granàes chaleurs. Antique 8 magnifique<br />
porte àe la Fiftoire. Caravanferails, ou magafîns àe marchanàifes<br />
étrangères. ' Ce font àes lieux privilégiés, ^ prefque facrés.<br />
C H A P I T R E S I X I È M E .<br />
I. Defcription àes Pyramîàes aux environs au Caire. Lieux, ou Elles font toutes<br />
les trois. Sphinx. Sa figure. Ce qu^peut fignifier le Sphinx, il. Reftes<br />
de quelques Temples près àes Pyramîàes. Troifième Pyramide. Seconde.<br />
Première Pyramide. Preuves, que cette Pyramide a été revêtue. Preuves,<br />
qu'elk a été fermée, 8 dans la fuite ouverte. IIL 5*^ couliffes, ou canaux<br />
, 8 leurs dimenfions. Chambre, ou Sale haute. Defcription de la Sale<br />
baffe. Galerie. Banquettes de la Galerie. M. M. N. N. IV. Autres<br />
Pyramides.<br />
C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />
I. Lieu des Momies. Diftindion entre les lieux des Momies très-impropre.<br />
Confufion caufée par cette diftinftion. IL Situation àe Memphis. Lac,<br />
0» Birque àe Caron. Plaine àe Faoulmé. HI. Fafte plaine àes Momies.<br />
Manière àe creufer ks tombeaux pour ks Momies. Niches, 8 Caiffes àes<br />
Mo-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
s o M M A I. R E.<br />
Momies. Masques dorés fur les Momies. Hieroglfes fur ces masques.<br />
Fertu des lieux des Momies.<br />
des Amoureux.<br />
Difficulté àe trouver une Momie. Fontaine<br />
C H A P I T R E H U I T I E M E,<br />
L Le labirinte, ou la fepulture des Oifeaux. Qualité des Oifeaux embaumés.<br />
Entrée étroite du labirinte. Fertu des fables, fous lesquels font enféveils ks<br />
corps. Quantité de Pyramîàes àans la plaine àes Momies. Les Pyramides<br />
font àes quarrés entaffés les uns fur les autres. Paffion àes Egyptiens<br />
à embaumer les corps.<br />
C H A P I T R E N E U T I E M E,<br />
I. Raifons àe fAuteur de n'entrer point dans le détaU àes autres FiUes dEgypte,<br />
Il n'y a prefque plus à'enàroits fermés àe muraiUes en Egypte. Plus de loooo,<br />
Fill âges , auffi granàs que àes FiUes. L'Egypte auffi peuplée à-préfent<br />
qu'autrefois. II. Le Port Cebothus. L'ancienne Ile d'Anti-Rhodus. Le Port<br />
Cunoftis. Lieu de Canope, Nécropolis, oii CléQpztrefe àonna la mort. Lieu<br />
de f ancien Sérapium inconnu, lll. Terrain àes environs àe Roffette. Beaux<br />
reftes àe f antiquité àans le Delta, Explication àe ce que les Poètes ont ait<br />
du Nil, 8 de la belle Memphis.<br />
curiofités en Thébaïde,<br />
Situation de Damiette, Les plus belks<br />
'LIVRE Q^U A T R I è M E.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
I. Gouvernement de fF^gypte i ou Pacbalic. Dépenfe du Pacha. Ce qu'il envoie<br />
au Sérail. PaviUon de la Mèque fait aux dépens au Pacha. Le Pacha<br />
jouît àe tous ks revenus àe f Egypte. Ses àroits fur les Timars, ou Fillages<br />
àe ceux qui meurent, ll. Sept fortes àe Milice en Egypte. Mutfapharagas.<br />
Janiffaires. Leur indépendence du Pacha. Barchiaous. Afaps,<br />
Spahis, deux autres petits corps. 111. Privilège qu'a la milice d augmenter<br />
la paie. Le peu d'ordre, qui s'y trouve. Les Femmes peuvent acheter<br />
des paies fixes dans la milice. IV. Gouvernement de la Campagne. Dtvifion<br />
àe ce Gouvernement. Politique au Pacha à entretenir la mésintelligence<br />
parmi les milices. L'autorité du Pacba lui devient quelquefois dangereufe.<br />
I<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S o . M M A I R E.<br />
C H A P I T R E S E C O N D .<br />
I. Commerce de l'Egypte. Mine dEmèrauàes peràue. Les proàuftîons immenfes<br />
au pays y attirent les richeffes. Les originaires d'Egypte, 8 ks<br />
Turcs enterrent leurs richeffes. IL Chofes curieufes, qu'on lit de /'Egypte.<br />
MédaiUes. Pierres gravées. Crocodiles, Autruches. Poudre de Fipèrp.<br />
Baume &'c.<br />
C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />
I. Coutumes des Egypdens dans leur mariage. Précautions des Chrétiens, à<br />
fégard du mariage, négUgées par les Egyptiens 8 les Turcs. La àifférence<br />
àes Religions fait la àifférerKe àes Cérémonies àes mariages, 8 des<br />
maximes dans l'Egypte. IL Cérémonies des mariages Chrétiens en Egypte»<br />
Cérémonies des Arméniens, Celles àes Coptes. CeUes des Grecs. IIL Cérémonies<br />
de f Eglife. Scrupules des Arméniens au fujet àes mariages entre<br />
les parens.<br />
C H A P I T R E CL U A T R I E M 151<br />
I, Mariages Turcs. Le Caài, ou Juge, tient lieu àe Prêtre. Tems des<br />
bains le plus récréatif pour f Epoufe. Cérémonies bizarres, quî s'y obfervent.<br />
La répudiation même chez les Chrétiens. IL Bâtême àes Chrétiens. AVgligence<br />
àes Cpptes 8 àes Suriens fur cet article. Cérémonies avant fe<br />
Bâtême. Cérémonies du mortier frapé trois fois à l'oreille de fEnfant. III,<br />
La Circoncifion àes Turcs. Riches ornemens , àont font revêtus ceux<br />
quifont circoncis. Relation dune circoncifion célèbre. W. Bâtême 8 circoncifion<br />
tout enfemble chez les Coptes. Filles circoncifes. Sentiment àes<br />
Coptes fur la confeffion auriculaire. Leur croïance fur Jefus-Chrift.<br />
Leurs jeunes auftères. Ceux àes Arméniens, 8 àes 'l'urcs.<br />
C H A P I T R E G I N Q U I E isi E.<br />
I, Foeux àes Egypdens, Chrétiens, 8 Turcs. Huile 8 cierges offerts à<br />
St. George par les Chrétiens , 8 Turcs, Superfiition àes Chrétiens.<br />
Sacrifices à'animaux faits par les Chrétiens. IL Proçeffions àes Egyptiens.<br />
Leurs habits grotesques àans ces Proçeffions. Leurs largeffes envers ks pauvres.<br />
La Cérémonie de couper le Nil a fuccédé aux Proçeffions. lll. Purification<br />
des Egypdens, Immerfion de la Croix àans le Nu par ks Coptes,<br />
en prefence àes Turcs.<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
o M M A I R E .<br />
C H'A p I T R E S I X I È M E .<br />
I. Cérémonies funèbres. Lavement àes corps morts. Pleurs, 8 hurlemens des<br />
Egypdens, 8 àes Arrhes pour kurs morts. Lamentations fréquentes fur<br />
ks tombeaux àes morts. Granàes Aumônes en mémoire àes morts. Fifions<br />
des Turcs àans la Cérémonie au lendemain àe l'Afcenfion. IL Lavement<br />
des èorps' morts. On n'embaume plus les corps. Moribonds tournés d'uti<br />
certain côté felon leur ReUgion. Réponfe, que doivent faire les morts aux<br />
àeux'AngeSf qui viennent les interroger fur leur. Religion. Peine àe ceux qui<br />
ne favent pas cette réponfe, UL Âicieihufage de repréfenter les morts à la<br />
fin des repas. Expreffions ufitées dans cette Cérémonie. Explication de la<br />
fabk de la barquC'^ à Ç^ron pour porter les morts.<br />
C H A P I T R E S E P T I E 3 I E .<br />
I. 'UfageS'fingiilîers. Cheveux rafés dans le àueîl. Coutumes bifarres àes Feinmes.<br />
^Mdnfère de fe faluer. Salut des payfans, en fe frapant mutûelkment<br />
ks mains à plufieurs reprifes. IL Fêtement àes Femmes , quanà elles fartent,<br />
Fifites àes Egypdens^ entre patins 8 ^mis. Préfens, qui s'y font.<br />
Converfations, quî s'y tiennent. Ornemens àes Dames, Langage muet àes<br />
.Dames. 111. Le firail àes Femmes pour les Eunuques mêmes. Bonté des<br />
Turcs envers leurs Efclaves. Ils les font manger à leur tablée 8 ks établiffent.<br />
Médecins.<br />
Eftime particulière, que les Egyptiens ^ les Arabes font des<br />
\' * C H A P I T R E H U I T I È M E .<br />
I, Commerce de la Mer Rouge , 8 tout ce qui y a raport. De lajonStion de<br />
la Mer Rouge au Nil, Fraix de cette entreprife grands 8 peu utiles à<br />
l'Egypte. II. Deffein de Mr. de Colbert.. Son projet fujet à divers inconveniens.<br />
Difficultés de fexécution. Reflexions politiques à ce fujet,<br />
IU. Droits qu'exige le Roi de la Mèque/«r les marchandifes. Moïen de<br />
faciliter la navigation fur la Mer Kouge. Sûreté de fes côtes.<br />
C H A P I T R E N E U V I È M E .<br />
ï. Difficultés pour les étrangers dépaffer en Ethiopie. Deux routes pour paf-<br />
' fer dEgypte f» Ethiopie, Caravanes, qui paffent tous les ans dw Caire pour<br />
le. Roïaume àe Sannar, Elles fouffrent beaucoup, IL Difficultés de pénétrer<br />
f» Ethiopie. Jdloûfie àes Abifîîns. Maffacr»de quelques Fraacifçmis,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
a o M M, A I R E.<br />
qui allèrent en Ethiopie par la Mer Rouge. Autre route, pour alkr eu<br />
Ethiopie par la Mer Rouge. Moïens dy pénétrer à la faveur des Mîffions.<br />
Les Arighis bien reçus à Gedda. Situation, 8 qualités de la Mer •<br />
' . Rouge pour la Navigatien^ Conclt^on de tout ce que difft^^ Fin de fétat]<br />
préfent àe fEgypte,<br />
DIS SER T A T I O N<br />
CURIEUSE ET UTILE<br />
* • .'/.•..>:•; < -s Ù-R LES . ..'i.^--.^- ./• :., ; '<br />
CARACTÈRES HIEROGLIFIQUES<br />
DES ANCIENS ^ . ji''<br />
È G Y P T I E N S.<br />
C^ e quia àonnè lieu à cette Dîffertatîon.>kCes CaraStères inconnus à plufieurs<br />
J Savans,. Us étoient imprimés fur àe m toile. Examen de îà matière, fur<br />
la quelle ils étoient écrits. Citations àe àivers Auteurs fur la première ma^<br />
tière', àont on s'efi fervi pour écrire, àès k commencement. La pierre a été<br />
la première matière. Enfuite k plomb. Différence entre les écritures publiques<br />
8 ks particvMres. Hiéroglifes repréfentés fur la totk. Signification de<br />
ces figures Hiéroglifiques. .:<br />
LaLangue primordiale n'a pas été entièrement détruite. QueUe a été cette.Langue<br />
primordiale. Quelk a été Pécriture des Livres cités parMcfife? Qjifl'<br />
le écriture étoit en ufage du tems d'Abraham ? Caractères Phéniciens tes<br />
plus anciens. Preuves. Toutes les autres Langues anciennes en dérrvent. Caraftères<br />
Phéniciens,' Cananéens, Tyriens, Sirieris, Sàmàric^ns, Refont<br />
les mêmes. D'oin les CaraSèxes font venus en Grèce, Les anciens Hébreux<br />
fe font fervis des CaraStères Phéniciens. Petits, différence entre là<br />
Samaritain, ancien Hébreu, 8 k Phénicien. Langues Phénicienne<br />
{? Hébraïque w^ffi^cAj^ÉT. Egyi^ûenkfçulmeniimentmrsdektd^^^imàes<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
s O^ u M ^ î R E.<br />
voUèkt avec ks. confones , 8dw règles de Gratnmaire. Les anciennes monnoies<br />
Hébraïques prouvent notre Jyftème. Il eft appuie par les^Médailles<br />
^ la même Nation. Quand ces MédailleSi ont été frappées, L'Hébreu<br />
ûpellé improprement Hébreu. Caufi du changement àes Caraftères. Différence<br />
entre f ancien Hébreu, 8 k nouveau. Fanlté àes Giees, fource ,<br />
. de leur mateoenfe foi, 8 de leurs fabkt. Combien ils ont fait de tort aux •;<br />
beUes kttfes. Quel étoit k célèbre Gadmus. ^our répandu fur un piiffi^ -<br />
de St. Paul. Pourquoi les Payens Latins/onf encore moins intpîHgibîes, que<br />
les Grecs , dans les matières Tbéoîogiques.r Caraftères Tofcans Phéniciens.<br />
" ' . • i '<br />
La malice des Grecs, en tournant 8 renverfant les Carafieres Phéniciens ,<br />
en écrivant de la gauche à la àroite. Origine au mot Latin, verfus, en<br />
Franco^» viers. ^capitiilatîosi àéscbofeifi-iejfus. '"^ X|x àtifiens Caraftères<br />
Egyptiens, qàîontdbrtHé o'cdafiôn'à cette Différtamn ^'oht rien de commun,ni<br />
aucune reffemblance avec les CaraSlères Phéniciens, Samaritains,<br />
m Hébtçux, : 8* nioins encore avec une La»f^ sécenfe^ Q^atrsfirteS dé
s' o M M A I R' E.<br />
douze miUîons dEcus , indépendamment des avantages 'du • Commerce. Sa<br />
conquête n'eft pas fi difficîk, qu'on fe l'imagine. Ses places font peu fortifés,<br />
^ dépourvues d Artillerie ^^e Garnifon. Arrangemens à prendre.<br />
Etat àe Chypre. Moïens àe conferver l'Egypte, 8 ffk àe Chypre. De<br />
quelk façon ces Paysfe repeupkroîent. : Moïen àe s'emparer àe Conftandnople.<br />
La conjon&ure préfenté efi la plus favçrabk, qui pi0è fe préfenter,<br />
. , . J . ' . ' ' ' : ' .<br />
. . . ^ • • .. • . . 1 , .<br />
^- , . . • _ . ; i I - . . • W . Jt»<br />
--. • l e . . l • . . • • .' .,.^^ ;.:.•' ' . [.» • ' A '<br />
r- V .<br />
AVIS AU RELIEUR.<br />
• «^ t<br />
Le Portraît de l'Impératrice devant l'Epître Dédîcatoire.<br />
Le Portrait de l'Auteur à la première Page.<br />
La Carte de Chypre, - . - - . - - f. = •; Page f.<br />
La Carte de h Terre promifè : - - - - - - -j, 8
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
R O ï AU M E S<br />
D E<br />
CHYPRE, JÉRUSALEM,<br />
r:i\ ^r% ir>(\<br />
D^ E G Y P T E .<br />
L I V R E P R É M I E R.<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
^•S!:^>.5C^3j|::^â> E nom de Tlle de CHYPRE eft devenu fî fa- Article i<br />
meux 5 par les merveilles que Ton a racontées,<br />
«^^ T dans tous les tems, de la fertilité de fon terroir,<br />
& de la douceur de fbn climat, que je ne dois<br />
pas juftiiier le deffein que j'ai formé, d'en<br />
donner une nouvelle Hiftoire générale. Je<br />
ne dois être en peine que du fuceès de mon<br />
entreprife, & de la manière dont j'aurai exécuté mon projet.<br />
A Car<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
2 H I S T O I R E G F H.E' R A L E ' ';•<br />
L Auteur Car, iT d'im côté, un très-long féjour dans cette Ile, «Se<br />
Ls&eur, dans les Contrées voifines, m'a mis à portée de m'inftruire d'u-. ,<br />
"ntV^/fl ne infinité de chofes qui la regardent ,! 6c ^dem'éclaircirj par<br />
^yi/ra;)ar-moi-même3de beaucoup de cireonftances, faiilTement, ou. imparfaitement,<br />
racontées, par les Ecrivains qui m'ont précédé, ;<br />
d'un autre côté, ce long féjour, dans,.ua Pays qui eft maintenant<br />
barbare, m'a prefque fait perdre le bon ufage de ma<br />
Langue naturelle; &, ce qui eft encore.plus.confidérable, il,,^ ,<br />
m'a privé du fecours que j'aurois pu tirpr de la feoniinunicatiOa ,,<br />
des Gens de Lettres,dans un Pays plus policé, &;.ou les Sciences<br />
fleurifïent. wv ^;!<br />
J'efpère néanmoins, qu.'en faveur de l'Ouvrage même , le<br />
Public Tne:pardonrîera-lé^ défauts, qui/pourroient fe trouver<br />
dans le lïîle. Lès Faits en Joiit de haïûre* â ^exciter la<br />
cm-iofîté^ & k foutenir l'attention *des Ledkurs; fur tout, lors-<br />
^^-ces Faits font r^tortésipal un hoéime, cj^i ne^elH: prél^eï-<br />
M à àticunaut>e iéritey-qffà celui-de rd!aâitu%e > & de îa<br />
fincérité.<br />
L'Antî- Tods fes Pîys ont lélifs FliblVs ,^ l'Hiftofre (\Q ieiifs premiers<br />
JmvenLm-^^^'^ ^^ toujours cnvelopéc de ténèbres épdifles, "qui ont<br />
brouillée<br />
de Fdblis. favorifé le goût naturel, que les Peuples^ont poujr les Fiélions.<br />
L'hiftoire de ^HYÎ*RE efl fujétte à "cet iiiconvénient, comme<br />
les autres-, & niême phis encore ; non feulement parce que<br />
cette lie a été fucceiTivement occupée par des Nations différentes<br />
, dont les invàfidns dé(SfuîE)iént: les Monumens an^<br />
cienis, & étéignoient le fouvenir des Evènemens antérieurs ;<br />
mais encore, parce qu'il ne nous reft^ aucune de toutes les Hif^<br />
tbires de cette île, dont les titres fe lifent dans les Anciens ;<br />
& qu'il n'y a pas même d'Extraits fuivis de ces Hiftoires. Il faut<br />
fe 'contenter de quelques Lambeaux découfus, de quelques Traditions<br />
répandues çà & là, dans les Ecrits des Anciens, raportées,<br />
par occafion, d'une manière peu exaâ:c,& qui reffemblent pref- -<br />
oue toujours k des Contes populaires, plutôt qu'à dès Ecrits d'Auteiirs<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L^LE DE CHYPRE. LIT. I. Cii. ï. 5<br />
teurs fenfés, & raîfonnables. La quantité des Livres brûlés<br />
par les Barbares, & même par les Evêques, k titre de Paganifme,<br />
& ceux que JULIEN fit brûler, en haine des Chrétiens;<br />
les reftes de ces Livres de l'Antiquité Païenne, qui furent même<br />
en danger d'être condamnés aux flammes, par un des plus Saints<br />
Pontifes de Romç^ GÇLE'GOIRE furnommé'/? Grand y ennemi<br />
outré de tout ce qui fentoit le Paganifme; c'efi tout cela<br />
qui eft caufe,qu'on a perdu les plus beaux Monumens de l'Ile<br />
de CHYPRE.<br />
Le favant MURCIUS a rafTemblé ces Fragmens , & les a réunis<br />
xlans un Ouvrage, publié depuis fa mort ; mais il n'y faut<br />
chercher, non plus que dans les autres Ouvrages du même Auteur,<br />
ni métode, ni éclaîrciiTement fur les difficultés que peuvent<br />
faire naître ces diverfes citations, par raport même au<br />
fond des chofes qu'elles contiennent.<br />
Il s'en faut bien, que je me croie en état de répandre, fur<br />
cette matière, la lumière, dont elle auroit befoin. Ainfî, je me<br />
contenterai de donner une Notion générale de l'Etat & de<br />
l'Hiftoire ancienne de l'Ile de CHYPRE ; & j'éviterai même d'entrer<br />
dans les difcufïïons, où fe font engagés ceux qui m'ont<br />
précédé, dans le deffein d'écrire cette Hiftoire.<br />
L'Ile deCHYPR^^a un nombre infini de différens noms, dans ^f^^^ples<br />
Ecrits des Anciens: ce qui pourroit venir de ce que, des l'Rtat, ^<br />
les anciens tems, elle a été occupée fucceiTivement par des rtamSme<br />
Colonies de différens Peuples, qui y étoient attirés par la fer-^^ ^'^'^'^<br />
tilité de fon terroir, par la douceur de fon climat, & plus<br />
encore par les avai>t^ges de fa fituation, qui la rendoit, pour<br />
ainfi dire, le centre de la communication, & du commerce<br />
entre les diverfes Nations de VAfie Mineure, de la Syrien de<br />
•hPbénidéy & 4e VEgypte.<br />
Peut - être auffi, ces différens noms venoient - ils, -de ce qu'é- ^ff^^^ ^^<br />
tant, en même tems, habitée par diverfes Nations, divifées, i'J}« àe<br />
. CHYPRE<br />
cfiacune en plufieurs petits Etats fçparés les uns des «utres,^/^:.ro»'/-<br />
A 2 ' tllcg'»^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
'4r HIS T O IRE GE' N r R AL E<br />
elle n'avoit aucuh nom commun. En effet, ces noms communs<br />
n'Ont ét?é , pour l'ordinaire , établis que lors qu'une Nation<br />
formoit un même Corps politique , & pour empêcher, qu'on<br />
ne la confondît avec les Nations voifines. L'Ile de CHYPRE<br />
féparée de toils les autres Pays , par là Mer, n'avoit pas befoin<br />
de cette diftinâ:ion de noms ; & les différens Peuples, qui<br />
y commerçoient, défignoient file entière, par Je nom particulier<br />
de la Ville, dû Cap, ou de la Rade où ils avoient abor»dé<br />
, dans le commencement.<br />
^l^-^ Il femble, que cette Ile étoit nommée, dans la Syrie, Kit y<br />
Cintti.* ou iCiftim-y du Cap nommé par les Anciens Kittîum , & aujourd'hui<br />
Chitti. L'Ecriture donne le nom de Kittim k. toutes<br />
les Iles de la Méditerranée , & même en génér-al k^ tous les<br />
Pays, où l'on alloit par mer des Côtes de la Syrie ; mais il<br />
paroît, que ce nom avoit d'abord fervi k défigner l'Ile de<br />
CHYPRE; & qu'il avoit été étendu, dans la fuite , k tous les<br />
Pays Occidentaux..<br />
Ku^ns. -Les Grdrj, qui prétendent, que cette Ile a eu plufieurs<br />
noms, qui donnent k ces noms des origines de leur'^Langue, 6ç<br />
les raportént k des Fables particulières k leur Nation, ne la nomment<br />
jamais autrement que Kupros; c'eft ainfi que l'appellent<br />
HOME RE , HE'SIODE , & tous les autres Poètes. Le nom<br />
de KypriSy ou Kbupris^^ donné k VE'NUS, eft une épitète, par<br />
laquelle on marquoit, que fon Culte étoit venu de cette Ile.<br />
Le nom modeitie de CM/V/T,(en Latin Cuprwn') vient de fépitète<br />
de Cyprien y que l'on donnoit k ce Métal j dont les<br />
Anciens n'avoient pas dé meilleures Mines, que celles de CHY<br />
PRE.<br />
L'es Grecs ne^ font pas d'accord fur l'origine du nom' de<br />
Kupros. Le plus grand nombre a tranché la difficulté ,.,en<br />
fupofant -un Héros, qui a donné fon nom k l'Ile de CHÎPRE ;<br />
c'eft un dénoûment facile, que les Grecs emploient volontîeFSi,<br />
pour-ne pas demeurer courts., & pour-cacher leur<br />
, . igno-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE Dt CHYPRE. Li\% I. Cn. I. j<br />
ignorance. D'autres affurent, que ce nom eft celui d'une Plante<br />
commune dans cette Ile, que les-Gr^o"• appellent Kupros.<br />
Gette Plante, que l'on confond, mal-à-pi-opos', avec le Z/- P^-'^tf<br />
guflrum des Latins, a le tronc, les branches Se les feuilles fem- KTPTOS,<br />
blables au Grenadier; elle fleurit k-peu-près comme la Vigne; f"JJ'/Je"^"'<br />
& fes fleurs ont une- odeur très-douce, & tres-agiéable. Les
6 HISTOIRE GENE'RALE<br />
moins, ce qu'ils difent n'eft pas d'une fî grande abfurdit.<br />
La longueur de l'Ile de CHYPRE eft d'environ foixante & à^%<br />
Lieues, de ^ l'Eft k l'Ouëft ; c'eft-à-dke, depuis le Gap Dinarètey-,<br />
ou Clides, qu'on nomme préfentement de Saint André, jufqu'k<br />
celui ^Ahamaniey aujourd'hui Saint J^piph^rte. Sa largeur.<br />
Nord & Sud, dans fa plus grande étendue, eft depuis ie<br />
Promontoire Cromiuruy ou Cormacbitti y jufqu'au Gap Carias y<br />
pu aes Chats y de vingt deux Lieues ; Se fa circonférence en-<br />
-tière de cent foixante Se quatorze.<br />
^orme de Sa formc cft k-peu-pi'ès comme celle d'une Voile Latine ,<br />
QiYPRE. c'eft-k-dire triangulaire. Elle a plufieurs Caps, ou Promon-<br />
^foiiéten- toires, dont les principaux font celui de Zéphirium , ou de<br />
Malotay k l'Ouëft; Tburiumy ou Cap bfmcy au Sud; Calimnufay<br />
ou LimnitOy Lemnony ou à^ Alexandrette y au Nord-Ouëft; ceux,<br />
de Badesyou Chitti y Throni ou Pila y fédalium ou de l^ Grecque<br />
y au Sudr-Eft.<br />
mvifim Cette Ile peut être divifée en trois Parties différentes, par ra-<br />
CiYPRE? po^^ ^ ^^ qualité du terrain. La première Partie eft compoféê de<br />
hautes Montagnes, la plupart .couvertes de Bois taillis, ou de haute<br />
futaie. Elles commencent au Cap Saint Andréy qui eft le plus Oriental<br />
; & continuent, fans inter-ruption, vers la Côte Septentrionale,<br />
jufqu'au Cap Cormacbitti-, les autres traverfent l'Ile, depuis l'ancienne<br />
Ville de Soli, jufqi/au Promontoire Mazato, où elles recommencent<br />
k s'étendre vers l'Occident, jufqu' au-defTus de Baffo, autrefois<br />
Paphos. Elles fe courbent vers le Nord, en cet endroit,<br />
& regagnent le territoire de Soli j elles forment un demicercle.<br />
La féconde Partie de l'Ile confifle en Collines, Se Vallées fertiles,<br />
& délicieufes, qui font au pié des hautes Montagnes. Qiielquesiines<br />
de ces Vallées font fort fpacieufes ; &, prefque toutes, arrofées<br />
par les Ruiffeaux qui en fortent, Oiitre quatre autres grands Ruiffeaux,<br />
qui prennent leurfource au pié du Mont OUmpe, haute Montagne,<br />
que les Grecs appellent Tbroodos. Cette Montagne eft<br />
com-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE i;ï*LE DE CftYPRE. LIV. î. GH L f<br />
coniine détachée dés autfes;êlle a environ dix-huit Lieues de cireonfêrence<br />
, & deux de hauteur. C'eft la même que STRABOX<br />
compître k iuiê i\Iarhmelle. Sur le fommet de cette haute Montagne,<br />
il y avoit aricienhement Un Temple confacré k VE'NUS, vé^us.i^<br />
mais dont l'entrée étoit interdite aux Femmes. Aujourd'hui, il %5!^fJ'^<br />
y a une petite Chapelle, dédiée k Saint MICHEL , près de laquelle<br />
on conferve une groffe Pierre de Marbre verdâtre, parce que les<br />
Chypriots lui attribuent d^s grandes vertus. Ils fe font perfuadés y<br />
qiie le libu,6ù elle a été trouvée, marque l'endroit précis où s'arrêta<br />
l'Arche de NoE. Les Grecs, en perdant l'idée du Paganifme<br />
, n'ont pas perdu leur ancien goût pour les Fables ; & leur<br />
fuperftition n'a prefque fait que changer d'objet, Se de forme.<br />
Dans un tems de féchereffe, on porte cette Pierre en Proceffion;:<br />
Se l'on croit que cette Dévotion eft fort efficace , pour obtenir<br />
de la pluie. Les Anciens, cohiitte je viens de le dire, donnoient<br />
k cette I^fohtagne te nom éfOlijnpe, & les Grecs la<br />
nomnient Tbroodos, Elle eft abondante en Bois de haute futaie<br />
, Se en Arbres fruitiers fauvages, de différentes efpèces. Les<br />
quatre grands Ruiffeaux, qui en fortent, arrofent une grande<br />
étendue de pays de tous côtés ; ee qui fait voir l'erreur dé divers<br />
Hiftoriens, qui avancent, qu'on ne trouve , dans l'Ile de<br />
CHYPRE , ni Ruiffeaux, ni Rivières, & affurent, qu'il n'y a que<br />
qiielques Torrens, qui fe forment des pluies, qui y tombent<br />
pendant PHiver.<br />
La troifième Partie de flIe eft une belle Se vafte Plaine, qui ^"'•^^'^ 'fe'<br />
la traverfe, comme en écharpe, du Sud-Eft au Nord-Oucft. Elle mélm^a^<br />
a feize Lieues de longueur ; &, en plufieurs endroits, fix , huit, ne.<br />
& jufqu'k dix, de largeur. Gette Plaine-eft extrêmement fertile5<br />
tant en grains, légumes, coton, Se pâturages, qu'en foie.<br />
La fécondité de fon terrain lui a fait donner , par les Cb}'priotSy<br />
le nom de Meffaire y ou d'Egypte. On fait, que ce nom,<br />
chez les Arabes y fignifie proprement la ^ ^ Egypte: il vient de<br />
cduidQMafryOuMefraijny que les jHi^r^«.v donnoient k VEgypte.-<br />
On<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
8 HISTOIRE G F N E' R A L E<br />
On comptoit autrefois, dans l'Ile de CHYPRE , quipze Villes<br />
confidérables, outre un grand_nombre de Bourgades, ou de<br />
fnS g^'^s Villages. De ces quinze Villes, neuf étoient Capitales<br />
de l'ile en d'autaut de petits Roïaumes différens ; & les autres avoîent<br />
flwLff^âf prefque toutes des Seigneurs indépendaçis, qui prenoient le ti-<br />
•^n«if£ ^^^ ^^ Lynajfes.<br />
Aujourd'hui,il ne refte plus que les ruines dé ces Villes; &<br />
^\us'^r^^ l'on n'en peut compter, au plus, que cinq, dans toute l'Ile, fajminrhuî<br />
voir, Nicofie y qui en eft la Capitale, au Centre de l'Ile; Fama-<br />
^mes."^ g'^^py fl^r la Rive oppofée k la Syrie y Se fur les ruines de l'ancienne<br />
Sal(imine ; Cérines, ou Cerauniay fur la Côte Septentrionale;<br />
Enfin, Papbo.^ y ou Bûffoy Se Limifol y fur la Côte Méridionale:<br />
mais ces .deux dernières font très-peu de.chofe, & ne font<br />
remarquables qu'en ce que ce font des Sièges Epifcopaux du Rite<br />
Grec y où la commodité de leurs Rades attire quelques Bâtimens.<br />
nue" t? Outre ces Villes, il y avoit nombre Châteaux,bâtis dans des<br />
desCbâ-^ lieux prefque inacceffibles, où l'on en voit encore les ruines, dans<br />
yTo?ir"lfi chaîne^de Montagnes, qui eft au Nord de Ni/;ofe. On les<br />
"''^- x^ommQ Saint Hilarion y oi},le Dieu d'Amour y Cantaray Se Buf-<br />
Ds Sjo. favento. De huit cens cinquante Bourgs, ou gros Villages,<br />
^iCeiielon- qu'ou comptoit autrèfois dans l'Ile , il en refte k peine trois<br />
tenoit, n cens, dont la plupart font k moitié déferts: de forte que le nomn'en<br />
refis - , TT i • i I^TI ^ < x<br />
^lusque bre des liabitans de lile monte, tout au plus, a cent quarante<br />
^°^^,^^.^ mille, Mabométans y ou Chrétiens du Rite Grec. Il y a queld^Hahi-<br />
ques Chrétiens Maronites y & Arméniens y qui, en tout , ne<br />
'*-^' fpnt pas mille âmes.<br />
C^iangement bien confîdiprable, Se nombre d'Habitans bien<br />
petit, en comparaifon dé la multitude de peuple qui s'y trouvoit au-<br />
M^iïacre ^^^^0^^ ! puïfqu'au raport de Ni CE'PJIQRE , dans fon Hifloire Eccléfiùf-<br />
^u^'firent ttque y & de DIONCASSIUS, dans l?iFie de P Empereur TRAJAN,<br />
des Habi- les Juifs, révoîtçs contre les Romains y s'emparèrent de cette Ile,<br />
c'^Ypts ^^^^ ^^ règne de. ce Monarque, & y maffacrèrent deux cens quajov.r<br />
rÉin- rante mille perfonnes, en peu dc jours, dans l'efpérance de s'af-<br />
Tiajan. Iran-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. ï. CH.L p<br />
frajichir de la Domination Romaine y fans que les Chypriots y moux<br />
& efféminés, fe miffent en devoir d'arrêter la fureur de ce Peuple<br />
irrité. 11 eft vrai, que TRAJAN ne laiffa pas leur cruauté impunie;<br />
car, après avoir défait leur Armée en Syrie y il fit paffer en CHY<br />
PRE un de fes Capitaines, nommé Lucius, avec une bonne partie<br />
de fes Troupes, pour en chaffer tous les Juifs y Se fit un Dé<br />
cret , par lequel il défendit qu'aucun de cette Race pût jamais s'é- Trajan<br />
tablir dans file; ce qui a été obfervé, tant que les Romains font /SIT<br />
poffédée, de même que fous tous les autres Princes, qui en ont /.J/f^f<br />
été les maîtres depuis; Se ce qui fe pratique encore aujourd'hui, Chypre.<br />
fous la domination de l'Empire Ottoman.<br />
Le même NICE'PHORE raporte, que les feuls Maronites y qui<br />
habitoient file de CHYPRE, y occupoient trente trois Bourgs, ou<br />
Villages; que leur Nation étoit fi nombreufe, qu'en l'année 1167.<br />
quarante mille d'entre eux fe rendirent auprès d'EMERic, Patriarche<br />
LatindAntiocbe yCntrQ les mains duquel ils abjurèrent leur erreur, nites^*^^<br />
& promirent en même tems obéïffance ^uPontifQ Romain : Change-{''"'^JJ^^<br />
ment doublement heureux, puifqu'en abjurant leur Schifme, ils Romain,<br />
entrèrent dans le véritable giron de l'Eglife Orthodoxe ! ce qui<br />
fut caufe, qu'en fannée 1193. Gui de LUZIGNAN, qui vint prendre<br />
poffelTion de l'Ile de CHYPRE, les diftingua, non*feulement<br />
des autres Chrétiens Grecs, mais leur accorda même divers privilèges<br />
Se franchifes. Ils en ont jouï, tant que les Chrétiens ont<br />
poffédé cette Ile > dont les Habitans étoient alors divifés en<br />
quatre Etats différens. Ces quatre Etats étoient la Nobleffe, la .<br />
Bourgeoifie, les Artifans libres afranchis, Se les Efclaves ; les der- dèTpeupies<br />
niers étoient emploies k labourer les terres. Se aux autres ouvra- '^^^'^'^•<br />
ges ferviles de la Campagne, Se des Villes; on tiroit des autres la<br />
Milice ordinaire, pour la garde du Pays.<br />
L'ancienne Hiftoire de CHYPRE eft fort obfcure, par la raifbn<br />
que nous en avons marquée: les Hiftoires particulières de cette devTden-<br />
11e font perdues. On ne peut former aucune fuite du petit nom- TeChymJ<br />
bre de Fragmens, qui nous en font reftes; Se les Ecrivains moder- prowéepar<br />
'^ * -n raifons.<br />
O nés.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
î© H l s T 0 IR 8 Ç^ r N,r R A I- E<br />
nés, qui ont voulu fupléer a ce défaut, ne nous ont donné que des<br />
Luzignan Fables. On doit mettre en ce rang tout ce que le Père LUZIGNAN<br />
TÉir raporte de la Conquête de l'Ile cfe CHYPREparNiNus, Se la Fondaécritfans<br />
tion ^ Amathus y ou Amatbunte par S E'M I R A M I S ; aulfi bien que<br />
jtndement. ^^^j.j.gg ci;iofes qu'il raconte y Se qui n'ont aucun fondement dans<br />
l'Antiquité. Cependant, toute fabuleufe que foit fbn Hiftoire,<br />
on y trouve de la fatisfàdion en bien d'endroits, qui ont mérité<br />
l'approbation générale. Quelques Auteurs nous apprennent,<br />
qu'ÂBYDEMUs Patefadusy Difciplt d'ARiSTOTE,^avoit écrit une<br />
Hiftoire de l'Ile de CHYPRE; mais j'ai eu beau la chercher,.même<br />
dans les plus fameufès Bibliotlièques, je n'ai pu la trouver.<br />
Une autre raifon de fobfcurité de fancienne Hiftoire de CHY<br />
PRE, c'eft que les Habitans de cette Ue n'ont prefque jamais été<br />
réunis fous mie même Domination. Le Pays étoit partagé entre<br />
neuf Rois diflérens, qui n'occupoienfi leurs forces qu'k s'entre-détruire;<br />
en forte que ces divifions les mettoient hors d'état de former<br />
aucune Entreprife confidérable, & même de réfîfter k celles<br />
des Etrangers.<br />
Sentiment HE'RODOTE, le plus ancien Hiftorien de la Grèce y raporte,<br />
«fHérodo- i^j, le témoignage des Chyprkts mêmes, que file étoit habitée par<br />
te.<br />
trois Nations différentes, les Phéniciens y les Ethiopiens, Se les<br />
Grecs. Ges derniers avoient bâti plufieurs Villes, qui étoient habitées<br />
par ÔQs ArcadiensySe des Athéniens,qui furent jettes fur ces<br />
Gôtes^, après la Tempête, qui difperfa la Flotte Grecque y au retour<br />
de la prife de Troie. •<br />
Aux Arcadiens & aux Athéniens, H E'R O D O i^ E joint les (^tb-'<br />
nîens'y on ne trouve pourtant, dans les Anciens,'aucune trace<br />
de cette Colonie de file de GYTHNOS;, fune des moins<br />
confidérables des Iles Cyclades; Ainfi, il pourroit- bien fe<br />
faire, qu'HE'jiODOTE eût mal pris le fens de ce qu'il avoit ouï<br />
dire aux Chypriots y Se que ceux qui étoient, félon lui, originaires<br />
de File de Cytbnos, fuffent en effet les Naturels dt l'Ile, que<br />
nous avons dit ètrQnomméQ Kittim y ou Kittiuntyipzî les Orientaux.<br />
•: - • Ges<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ne 1,'ÏI.B SB esYPRE, Ur. l €«, l n<br />
Cei Naturels de file, que les Grecs nommoient AutoçfftboticSy 6ç le^<br />
Romam j^forigênes , occupoient le Canton dAmatbténte^ près<br />
du Cap KittiuJHy felon le témoignage de SCYLAX, Géographe antîien,<br />
prdque contemporain d'H E'R-O DOTE; Se ils étoient venue<br />
de ta Phémcie y comme on va le faire voîr dans un moment : mais<br />
il y avoit encore quelques Colonies de Grecs, ààs\^ file de CHYPRE.<br />
La Ville de Çarium, entre autres, avoit été peuplée par les A^giens<br />
y comme on fapprend d'HE-R o D o T E , avec qui S T R A B o N<br />
eft d'accord, fur ce point.<br />
Les Ethiopiens dont parle HE'RODOTE, qui s'étoient établis<br />
dans VIIQ de CHYPRE , ne pouvoient être que des Peuples de la<br />
Pentapole Cyrénienne, qui, felon P T o L o M E'E & J u s T i N , com=prenoît<br />
cinq Villes, Cyrène y qui en étoit la Capitale, bâtie fur<br />
une Colline, k dix Lieues delà Mer, Bérénice, Theucbire, Ptolomée<br />
y Se Apolonie, qui étoient fur.fes bords: x:e qui vérifie ce<br />
qu'on difoit, que c'étoit auprès de Joppey que fe paffa l'Avanture<br />
d'A N D R Q M E'D E, Fille de G E'P H E'E, Roi des Ethiopiens ; & qu'on<br />
fivoit donné k cette Contrée le nom d Ethiopie,<br />
Avant que d'entrer dans les Evènemens de fancienne Hiftoire<br />
de C H Y p R E, il eft k propos de parler des neuf Villes Roïales «de<br />
cette Ile, Se de celles des autres Villes, qui peuvent ipériter quelque<br />
attention.<br />
La Ville d Amatbunte eft, de l'aveu des Grecs y la plus, ancien- ^i^à'Kne<br />
de toutes ; elle étoit Phénicienne d'origine,comme le témoigne ^fmori-*<br />
fon. nom, qui eft le même que celui dEmath, Canton célèbre ^"*^*<br />
dans la Syrie y entre le Liban y Se VAntiliban. Lea Ancien» ont<br />
reconnu cette origine. SCYLAX , comme nous avons vu, la nomme<br />
une Ville Autochtbones; Se THE'OP.OMPE, cité par PhoTius,<br />
affure, que c'étoit dans çe Canton, que s'étoient retirés les Habitans<br />
des Pays dont les Grecs s'étoient emparés, lorfqu'ils conduiiirçût<br />
âos Colonies dans VAfie.<br />
Le célèbre ERATOSTHE'NE , Chef de l'Académie du Mufeum k ^^5^7,,^^<br />
Alexandrie, avoit écrit, k ce que rapporte SUIDA s, une Hiftoire '^'^ma-<br />
B 3 dA^ ''""^'•-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
î2 H l S T O I R E G r N E' R A L E<br />
d Amatbunte y qui devoit être fort étendue, puifque les Anciens<br />
en citoient le Livre neuvième, pour un Fait qui paroit regarder le<br />
tems des Guerres des Grecs, contre le Roi de Perfe. Mais, comme<br />
cet Ouvrage eft perdu, nous ne pouvons rien dire de l'Hiftoi^<br />
re de cette Ville, fî ce n'eft, que fes Rois femblent avoir été plus<br />
attachés k la Perfe y que les autres Princes de cette Ile, qui, par<br />
leur origine Grecque y ou par leurs liaifbns avec cette Nation, prirent<br />
fouvent parti, avec le^ Grecs y dans les Guerres qu'ils eurent k<br />
foutenir contre les Rois de Perfe. On ne fait combien dura le<br />
Roïaume d Amatbunte y ni quand il prit fin: il paroit pourtant,<br />
qu'il fubfiftoit encore, fous les Sueceffeurs d'ALEXANDRE , comme<br />
nous l'apprend ETIENNE de Byfance.<br />
Temple Le même Auteur raporte, que la Ville d Amatbunte étoit reà<br />
Ama"'^ marquable par un Temple, dédié k ADONIS OSIRIS , réùniffant<br />
thunte. ai^fj enfemble les deux nom?, que les Phéniciens, & les Egyptiens<br />
donnoient feparément k la plus grande de leurs Divinités. VE'NUS<br />
étoit aulfi adorée dans ce même Temple, fous le nom d'AMATHU-<br />
TiréTcw ^^-^- *C^tte Déeffe étoit repréfentée k Amatbunte y felon THE'Odivers<br />
PHRASTE, MACROBE, & SERVIUS, fous la figure d'un<br />
/JU. " ^ Homme barbu, qui réùniffoit en lui les deux Sexes. Par-lk on<br />
voulut marquer, que f objet du Culte étoit la Nature même, ou le<br />
Principe de fécondité qu'elle a répandu dans les Etres, & fur tout<br />
dans ceux qui ont la faculté de produire des Etres femblables k<br />
eux par la génération.<br />
devenus ^^ Culte de cette Divinité, dans fon origine, n'avoit rien qui<br />
àansfon ' portât k la D ébauche. On exigeoit de ceux qui approchoient de<br />
w^St ' fes Autels une pureté aulfi grande, que pour les Miftères des autres<br />
rien d'im. Dîeux. Maîs Ics chofcs changèrent bien depuis,fi ce n'eft dansia<br />
/V'ÛIQ d Amatbunte, au moins, en quelques endroits de l'Ile, où<br />
mmt^dêce ÎI Y ^ivoît pluficurs Templcs de VE'NUS. Toutes les Femmes decme.<br />
voient, une fois en leur vie, fe rendre au Temple dc la Déeffe,&<br />
attendre qu'un Etranger les emmenât, pour fatisfaire une brutale<br />
paffion, après leur avoir jette une Pièce d'argent fur les genoux.<br />
Tel<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
: DE L'ILE DE CHYPRE. Lïv. I. CH. L 13<br />
Td étoît l'ufage établi au tems d'H E'R ODOTE;& c'eft, fansdoute, Faiiedes<br />
Ik-deffus, qu'étoit fondée la Fable des PropétideSy de ces Femmes ^.^J'^"*<br />
fans pudeur, qui aïant blaphémé contre VE'NUS , fe livrèrent aux<br />
derniers excès, & furent, dît-on, changées en Rochers, par cette<br />
Déeffe, irritée de leurs proftitutions. Gette Fable femble avoir<br />
été imaginée contre le Culte rendu k VE'NUS , par les Syriens d Héliopolis<br />
y Se par ceux de Babilone y chez qui le Temple de cette Dé- Cuiteque<br />
effe étoit un Lieu de la plus grande débauche, & autorife en même venus ^Lx<br />
tems ce qu'ont écrit plufieurs Auteurs, au fujet des Loix que VE'NUS f-^^cS^f'<br />
avoit établies dans file de CHYPRE , où fes Temples furent confa- Babilone<br />
crés k une proftitution générale. C-ar , non contente de ces abo- l'minabîes<br />
minables Sacrifices, elle fit une Ordonnance, qui obligeoit toutes f^^.^^^^<br />
les Filles du Pays d'aller fur les Rivages, pour s'offrir aux Etrangers Chypre.<br />
qui y abordoient ; dérèglement infâme, maîs qui , felon JUSTIN,<br />
facihta k DIDON fenlèvement de plus de quatre-vingts de cesNimphes.<br />
Gette couraereufe Princeffe avoit quitté clandeftinement la Didon/a/*<br />
Ville de Tyr fk Patrie , pour éviter la tirannie de PYGMALION fon lesniies<br />
Frère , qui avoit fait mourir SICHARBAS fon Oncle, &fon Mari, f^^^p^'<br />
pour s'emparer de fes richeffes. Comme elle avoit deffein d'aller peuplerjà^<br />
chercher un afile, qui la mît k fabri des fureurs du Tiran, & qu'elle<br />
n'avoit fîir fa Flotte aucune Femme, pour peupler la Colonie qu'elle<br />
vouloit établir,elle maria ces Chypriotes avec les Tyriens y dont les Enfans<br />
commencèrent k peupler le Ville de CartbagCy que cette Princeffe<br />
fonda, ou que,felon d'autres, elle ne fît que rétablir.<br />
L'Ile de CHYPRE n'étoit "pas le feul Pays,oùlesHQmmes (Scies Fem- Temples dt<br />
mes s'abandonnoient k ces excès de volupté, pour célébrer les Fêtes BibîisVfelon EUSE'BE,<br />
Se BocHARD, c'étoit fèndroit où VE'NUS avoît embraffé fon cher<br />
ADONIS, lors qu'il fut mDrdu par un Sanglier, de laquelle bleffure<br />
il mourut ; & que, fenfible k fa perte, cette Déeffe inftîtua les<br />
B 3 fêtes<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Ï4. ,HlS!r.OIRE G E» NE* RALE<br />
luennes. Fêtes i
PE L'ILE DE CHYPRE. LIT. I CH.L tf<br />
tes, dont les Cérémonies avoient du raport k'fon Avanture. Il<br />
dédia deux peti^ Statuer, fune de bronze, & l'autre dVgent,<br />
que cette Princeffe avoit apportées avec elle, & donna au Bois fa- -<br />
cré, dans lequel étoit fon Tombeau, le nom de VE'NUS ARIADm.<br />
PLUTARQUE , qui nous apprend ce détail, favoit tiré d'un<br />
' Ouvrage de POE ON d Amatbunte , qui devoit être inftruit des<br />
Traditions dejbnPayç. ,-<br />
Qûmme la Ville d Amatbunte n'étoit pas une Colonie Grecque y •<br />
on a peine k comprendre comment cette opinion auroit pu s'établir,<br />
& comment on auroit donné le nom de»VE'Nus ARIADNE au<br />
Tombeau^s'il n'y avoit pas eu un fondement réel. Dans ce cas-lk,<br />
voici encore un nouvel exemple de la licence des Poètes ;& THE'-<br />
SE'E n'aura pas moins kfQ plaindre d'eux, que DIDON. DellruSion<br />
La Ville d Amatbunte a fubfîfte jusqu'en l'année 1191. de ]E'-deia vîûe<br />
sus-GiiaisT , qu'elle fut ruinée par RICHARD Roi d Angleterre ;xh\inte^ •<br />
les ruines en fùbfiftent encore, fbus le nom de Fieux Limifol. ch^ar?j?o»<br />
•- A fOccident di^t Roïaume d Amatbunte étoit celui de Paphos ;^^^^^^^la<br />
Ville de ce nom, -^pellée d'abord Eriticay fut nommée Pa- ^vuk'de<br />
phos^ par CYNIRAS, OU felon d'autres, par PAPHUS, OU EPAPHUS, ^.^v^^h^<br />
i •' *^ . . . , jow origine.<br />
Fils de TYPHON. Cette dernière opinion donneroit une origine<br />
Egptienne'^cettQ Ville. La datte de fa fondation, marquée par<br />
EUSE'BE k fan 254. avant la prife de 7>w , fait voir, felon HE'-<br />
R.ODOTE>^ que CYNIRAS, Fondateur de Paphos y eft très-différent de<br />
GYT*! n AS, qui regnoit en CHYPRE, au tems d'AGAMEMNON. EU-<br />
SE'BE fuppofe la fondation dc Paphos dû tems de DANAÛS , de<br />
GADMUS, &deGE'GROPS, & du tems du Paffage des Colonies<br />
Phéniciennes^ Se Egyptiennes dans la Grèce.<br />
On nommoit c^
i6 HI S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
L'ancienne Paphos, Mon H o 01 E R E , T A c i T E , Se M E'L A ,<br />
étoit bâtie k dix Stades de la Mer, fur le Fleuve ApbrodifîoSy dans<br />
lequel on dit, que VE'NUS & ADONIS s'alloient baigner. Cétoit â<br />
l'embouchure de ce Fleuve,.qu'étoit venue aborder la Déeffe VE'<br />
NUS, d'abord après fa naiffance. Auffi étoit-celk proprement le<br />
centre de fon.Culte, 6c le plus ancien Temple,qui lui lui fût confacré,<br />
dans toute file , Se pour parler comme les l^^héologiens du<br />
Paganifme, fon Habitation propre ; & on lui donnoit, le nom<br />
dApbrodifienne.<br />
Culte qiL'on Cette VL'NUS étoit-la VL'NUS URANIE, OU Céléjle y fur les<br />
v'nusdans Autcls de laquelle on entretenoit un feu pur. On auroit cru ofr<br />
le Temple de fenfer la Déeffe, qui prélidoit k la génération, & k la produélion<br />
Paphos. ^^^ YXïQS vivans, par la deftruélion de ces mêmes Etres ; c'eft pourquoi<br />
, on n'y offroit jamais de Sacrifices fanglans. Dans la fuite<br />
cependant, on ajouta aux Sacrifices, & aux Offrandes, la Divination<br />
, par rinfpedion des Entrailles des Viélimes immolées ; mais<br />
cette Cérémonie ne faifoit point partie du Sacrifice, Se on ne brûloit<br />
aucune partie de ces Animaux fur f Autel.<br />
L'ancienne Paphos étoit k foixante Stades de la nouvelle, bâtie<br />
par A G A p E N o R. Quoique ce Prince Grec eût transféré, dans la<br />
nouvelle Ville,les Autels Se le Culte de VE'NUS établi k GolgeSy<br />
Fmejpon petite Ville, au pié du Mont AkamaSy k la fource de YIQUYÇ Bar-<br />
^deTchv- barosy le Temple de fancienne Paphos avoit néanmoins conferve<br />
priots au fes droîts, & l'oH y alloit en Proceffion, aux Fêtes de VE'NUS.<br />
"wéins.^ STRABON obfervé, que cette Proceffion fe faffoit encore defon<br />
tems. On fe rendoit de toutes les autres Villes de file k la nou-<br />
Statue de vellc Paphos, d'où l'on alloit en Proceffion, Se avecpompe,kranvénus,<br />
en ^.jçj^ f çniple. La Statue qu'on adoroit, felon TACITE, n'étoit<br />
forme de ^ • . -, T^- , n • T^<br />
Pain de k proprement parler, qu une Pierre qui reprefentoit une Borne ,<br />
•^"'^'^^' ou un Pain de Sucre. La forme fymbolique de cette Statue avoît<br />
été prife de celle de VE'NUS URANIE dAfcalofie dans la Palefline',<br />
car c'étoit àe-l^Ly félon HE'RODOTE, ^ PAUSA<br />
NIAS, que fon avoit porté le Culte de cette Déeffe dans file de<br />
CHYPRE,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
BE L'ILE DE CHYPRE. LiV.l CH. L i-<br />
CHYPRE, de l'aveu même des Chypriots. On voit fouvent la répréfentation<br />
de cett^ Statue fiir des Médailles.<br />
Depuis Ja fondation de la nouvelle Paphos, Tancienne perdit<br />
beaucoup de fon éclat ; & ceffa d'être la.Capitale du Roïaume.<br />
Les noms des Rois dQpaphos, qu'on trouve dans les Anciens, font,<br />
tous Grecs; ce qui fait voir, que ces Princes étoient -ceux de la<br />
Colonie Gr^r^«^d'A.G A p E'N OR. Cependant, îl paroît, 9^^ ^^ §^j^^"-f^.<br />
Defcendans de f ancien CYNIRAS avoient conferve kJPapbos Vin-rens/".i'itendance<br />
du Temple, avec un rang & des revenus confidérables. l'nlll'^c.<br />
' On lit, dans .PLWTARQUE , que, dans le tems que GATON fut envoïé<br />
po\ir réduire file de CHYPRE en Province IU>mainey îl fit offrira<br />
PTOLeME'E le Pontificat du Temple de VE'NUS Paphienncy<br />
comme une place, qui lui procureroit en même tems un rang diftingué<br />
, & de grands revenus.<br />
Les Fables des Crrecs parlent beaucoup de CTTNIRAS ; mais elles •<br />
confondent le Fondateur de Paphos, avec le Roi de même nom,<br />
contemporain d'A G A M E M N o N , & d'A G A p E'N o R. Je ne m'arrêterai<br />
pas k raporter, encore moins k concilier, les contraditions,<br />
©ù les jette la conf ufîon qu'ils ont faite, de deux Princes du même<br />
nom.<br />
APOLLODORE donne la Généalogie des Fondateurs de Paphos^<br />
qu'il fait remonter, par PHAE'TON, & par TITHGN, Fils de CE'-<br />
PHALE, & del'AuRORE, jufqu'k GE'CROPS; maison voit là<br />
une fuite de la vanité èe^ Grecs, qui vouloient que tout fut forti<br />
de leur Pays. Ce qui femble de plus affuré, dans cette Généalogie,<br />
c'eft que CYNIRAS étoit Fils de SANDE'CUS, OU SADOC ,<br />
quî paffa de la Syrie dans la Cilicie, & y fit bâtir la Ville de Ce'îanderiSy<br />
& époufa THANACE, ou PHARNACE, Fille de MEGESSA-<br />
RUS. Ce fut ÛQ Cilicie y ^quQ CYNIRAS paffa dans l'Ile de CHYPRE,<br />
avec.une nombreufe troupe de Syriens. Il y époufa la Fille d'un<br />
Roi de CHYPRE, nommé PYGMALION , nom commun parmi les '<br />
Tyriens.<br />
On attribue h ce PYGMALION la fdïidation de Car paffe y Ville CarpifTc<br />
G ' fituée l',^ "*-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
n HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
JJ2J2^- fituée à l'extrémité Orientare die file, ftir un Iftme de trente Sta*<br />
fa Femme dcs, OU d'uHC Lîeue, quî fêpare ks
DE L'ILE DE CHYPRE. Lrv. I. CH. L ip<br />
ScTLix » ^ui nomme les ViBes Giyto^uos as l'Ik deC!H¥mi£, ae<br />
parle pas de Citium^ ct'^ (xrôuvt qv^^ ^cièn'teaM» ç'/âft-à-dtre,<br />
vert ktems dePmMHPK, f ère •d'A&EXAnoiue^ c'étoit lencore<br />
«ne ViUe Phénicienne. Cétoit a«ffi k Patrk 4u 'fameux Zfi'-<br />
NDN, FocKkteur des la^Seâe «de ^tâfckm.^ & celk.de ^lufîeoiis de<br />
fes Pii(%iks. DI49G£'NE LÂERG^, as les autres Auteurs, ^ui<br />
p^ent d& ZE^ON, nous âipprennezit, qu'ilÛeuriftbit fous ksSucceffeiarg<br />
dfAxEXANDRE; &, dans une Lettre j, que ZJË'NON écrk .<br />
au Roi ANT^GONUS, vers k cent-trentième Olimpiade, ou vers<br />
l'An deux-^cens foixante avant JrRjSUs CHRIST, il fe donne 8a<br />
ans. 11 étoit dofK: né vers l'an trois-cens quarante de JE'SUS-<br />
CHRIST ; Se dès lors , la ViHe â&CUîm éfoit peuplée par ks<br />
Grecs. •^'^• '<br />
Le xiomde Kitm, -doiiaé ^TLriQs^i^vtauxkVllQ de CHYPRE, Unmie<br />
eft cïigïlodé, par eaetenfîoHj 'éixiA f écriture, pour fignifier toutes ^J^ "^<br />
ks Iks-de ITÎ Méditerranée^ ou même ies Pays -m Von alloit par toutes tes<br />
Ma*. Ce nom, dis-je^ prouve l'iaroÉifuité de la Vilk de Citium, diterra-<br />
&fa fpkndenr dans les présakrs tems. Ceft, ^ns doute, par ^^^'<br />
cette Tailfon , que l'on en attribuoit ia iandafcion k B E'L us;<br />
c'eft-a-dire, à BAAL, la première de toutes }&s Divinités Phéniciennes,<br />
D'anciens Ecrivains, cités pM* BOCHAJRD , difent, - que BE'-<br />
LUS fut Père de PYGMALION , qui riigïaa tiprès lui dans l'Ile de<br />
CHYPRE. Comme les Anciens font BE'LJJS Fondateur des Villes<br />
de Citium Se àeLapatbuSy if y apparence» qu'dies formoient<br />
le Roïaume defon FikPYGMAUON, quoique kiiiibnce de près de<br />
feize Lieues, qu'il y a entre ces deux Villes^ iU(pende un peu mon<br />
jugement Ik-deffus. • .<br />
CYNIRAS aïant époufé, comme on l'a vu plus haut, une Fille<br />
de PYGMALION, a vécu, au plus, deux générations après le Fondateur<br />
de Citium ; &, comme cette Ville étoit déjà célèbre. Se avoit donné*<br />
fon nom k toute file, au tems de MOÏSE, on voit que B E'L U S, PYGMA<br />
LION & CYNIRAS doivent avoîr précédé VExode-, Se que, par<br />
confequent, f ancien CYNIRAS eft beaucoup plus vieux j que celui<br />
C 2 dont<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
-a H r S T O I R E - G F NE' RAL E<br />
dont il eft parlé dans HOME'RE, &, qu'il fupofe avoir été alfîé<br />
avec AGAMEMNON, par les noeuds de l'Ho§)italîté.<br />
UssChy- • Ge qui me fait dire y fuïvdan.t V Exode 2^. que dès le tems dé"<br />
^M^foush' MOÏSE, ks Cib)'/ri(7/"i^étoient connus fous k nom de Kitimy c'eft'<br />
T" ^dF' ^"^ BALAAM, dans^ la fameufe Prophétie contre les Arabes Kéktems<br />
de ffécns, parle des Flottes de ceux de Kitim,& des dommages qu'el-<br />
^^^^* les caufèrent aux Affyriens-. Un Fragment d'une Chronique Ty-<br />
*<br />
• rienncy conferve dans JOSEPH», nousaprend, que leRoi de T^r,<br />
nommé ELOUALAI , aïant foumis ceux Citium y qui s'étoient révoltés,<br />
fut attaqué par SALMANASSAR, Roi dAffyriCy qui engageadans<br />
fon parti ceux de Sîdon'y dAcOy depuis Ptolomaïde, Se de"<br />
quelques autres Vilk§. L'Auteur de la Chronique ajoute, qu'ils-'<br />
fournirent k SALMANASSAR une Flotte de foixante Vaiffeaux, mais '<br />
qu'elle fut batue par les Tyriens ySe, comme c'eft-lk'lè feul Combat,<br />
naval, & même la feule Flotte Affyrlenneyâont il foit parlé dans l'Antiquité,<br />
oh doit ^croire, que c'eft par-lk, qu'on doit expliquer la<br />
Prophétie de BALAAM, quiattribue au fecours^des Vaiffeaux Chypriots<br />
de X?//;7/'la Vidfcbire remportée par ceux de 7)r, fur leurs'<br />
autres Vaiffeaux révoltés, &lîgués contre eux^ avec, le Rôi dAflyrie/<br />
Cet Evénement qui-, felon ESAÏÉ, eft d'environ l'an 7^30. avant*<br />
J E'S u S - C H R I ST -, prouve, qiie la Vilk de Citiunry Golonk Phê'^<br />
mcienne, obéïffoît aux Tyriem fès Fondateurs.<br />
Gsr/priots La Prophétie d^'EsAïÉ, (*)• qui^annonce k la Vilfô de Tyr ce<br />
flv'jsiyL qu'^élk doit fouffrir dé NÀBUCDONOSOR, que fa ruïrie viendra de Jïr- •<br />
T^iicus. /7^/• cette Prophétie, dis-je, prouve, que «ceux de CHYPRE,<br />
fecouërent k joug dis Tf riens y versi'an doo, fe joignirent aux<br />
BahylonfénSy &.lem*fourhirent des Vaifïeaux, ou, du moins,'reth-ërent<br />
ceux qu'ils avoientau fervice des 3yr/^f,& par-lk caufer<br />
kur ruïrie. .^' ''-'•<br />
Ce fut, a peu près, dans le même tems, mais avant la Prife dé:<br />
ïî^r par'NABucDONOSOR,que ks EgyptienSy fous le Règfk d'A P I C E'S^<br />
''•• ;' - : ^- ' . ' • - at^4e)EsAîÉ,<br />
XXHL;. - ^*'. ^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
i*E LTLE I>E CHYPRE. Lir. I. CH. t IF<br />
attaquèrent par Mer ks Phéniciens y Se ks Chypriots. Commo ^<br />
DIODORE de Sicile joint ces deux Peupks enfemble, on peut croire,<br />
qu'ils formôieilC encore un feul & même Etat; &, que ceux<br />
de Citium ne cefsèfent'd'obéir aux Tyriens y que lors qu'ils les virent<br />
engagés avee les Babyloniens.<br />
Les Citiens conferyèrent toujours leur forme dé Gouvernement.-<br />
Ils avoient dés Rois particuliers, au tenîs»d^ALEXANDRE,& même<br />
fous fes Sueceffeurs. On parle d'un PYMATUS, Roi de Citium y foug<br />
ALEXANDRE; & ce nom^ q\à eVt Barbare, fait croire, que le•<br />
Sceptre de Citium étoît demeuré aux Phéniciens y & n'avoit point<br />
paffé aux Familles Grecques*, .<br />
A f Orient de Citium étoit la Ville Se le Roïaume de Malum ^ym^ ^<br />
qu'on peut vraifemblablemènt conjeélurer avoir été au4nême ^^-'f'^'f<br />
droit, où fe trouve aujourd'hui Lar nec a. Habitation ordinaire<br />
des Européens y qui y font leur commerce. L'Hiftoire ne nous ap**<br />
prefîd rien de particulier de ce Roïaume, fi ce n'eft qu'il-forma un<br />
Etat féparé-, jufqu'à FT O L O M E'E S^O TER, qui jfelon D i o D OR lè<br />
de Sicile y fit arrêter STATIACUS, Roi de^^^^/ww, ruina entière-L^^ri-wni^ment<br />
la Ville, Se en^ tranfporta ks Habitans 2L Paphos.<br />
A rOrient dé Malum étoit la Ville de Salamine^y aujourd'hui ^nkkiK<br />
Famagoufle. Gette Ville étoit entièrement Grecque, & bâtk par sahmine<br />
TEUCER , Frère d'AjAX le Télamonien. TEUCER , aïant été chaffe aujourd'hui^'<br />
de nie de Salajfiine y yoiïme d Athènes, par fon Père TE'LAMON, gS.<br />
pour avoir négligé de vanger la'mort d'AjAX,-paffa dans file de<br />
CHYPRE ; & ,^omme il trouva, que VArcadien-AG A P E'N O R s'étoit<br />
déjk établi auprès de Paphos, k f extrémité Occidentak, il alla fonde»<br />
une autre Ville k l'autre bout de file> vers.fOrient." A T-fIE'N E'E,<br />
qui nous fapprend^ dit, qu'il avoit avec lui, non feukment une<br />
partie des Avanturiers GrecSy qui l'avoknt fuivic mais encore pli^»<br />
fleurs Captifs Troïens, qu'il jo^nit a fk Troupe,<br />
r 11 débarqua d'abord for la Rive Septentrionale, voifîne de là'<br />
Cilicie y dans un Lieu qui conferve toujours le nom de Rivage des-<br />
^tib^^wi y. deJk., il s'avança vers le Midi;
22 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
. defeptanteStadee, quî jokt les ^ux jtotks de l'Ile, â bâtît la<br />
nouvelle Vilk, au fond d'un Golfe fur k Fkuve BocaruSp ou i*/dycus.<br />
TEUCER fut aidé, dans l'Elabliilèmeat de fà Colonie, par<br />
CYNJRAS, allié d'AGAMEMNON. Il époufa une Filk dece Prince,<br />
& en eut des Enfans, dont la Poftérité ^cQaferya long->tem8 k<br />
Sceptre.<br />
Sa fonda- Dafis l'eudroit où TmcER, bâtit la nouvelk Salitminey il y avoit<br />
tion par<br />
Teucer, un ViUtgc, qui poitoit k nom de Cér^, éc -où l'on rendoit à<br />
AGRAURE'S, Fille de GE'CROPS', un Culte vraiment Baréare: on<br />
immoloit en fon honneur des Viébiiaes Humaiiies. Les Athénims<br />
lui rendoient feulement les honneurs Héroïquas, en mémoire de<br />
ce qu'elle s'étoit immolée volontairement, pour Je fakit de fa Patrie<br />
; & il y a apparence, que ce fkt à l'imitation des Phéniciens,<br />
que TEITCEÎR établit Cette coutume. LAC^\4NCE dit, qu'elle fubfifla<br />
jufqu'au tems de fEmpca-eur ADRIEN; mais PORPHIRE, pluff<br />
iàvant qiie LACTANCË, nous apprend qu'eilk fut abolie par k<br />
^' RoiDiPHiLus, contemporain d\m SE'LEtrcûs, qu'il nomme<br />
le Théologien,<br />
le de Nous apprenons de TACITE ,tjae TEUCER établit k Salamine k<br />
Jupiter Culte de JUPITER Grec-,Se fc Tempk,qu'il avoit dans cette Ville,<br />
^'^^^* étoit k plus ancien de l'Ik, jqjrès ceux de V'E'NUS k Amatbunte^<br />
Se ?i Paphos.<br />
La Vilk de Salamine étoît la plus confîdérable, & la plus flo^<br />
rîffante de toute fl le, k caufè de fà fit3uati0n,qui la rendoit maîtref^<br />
fe du Commerce de la Syrie, Se de celui de VAfie Mineure. Elk<br />
Conferva fes Rois particulkrs jufiju'aux derniers tems ; & ces Rois<br />
obligèrent fouvent les Jiuit autres à leur obéïr. Il eft vrai que,<br />
fous ks Defcendans de TKUCER, les autres Princes de file fe réunirent<br />
enfemble, les renversèpent du Trône, & les contraignirent<br />
d'abandonner leurs propres Etats ; où H E'R O D OT^ nous ap*<br />
prend,qu'EvELTHON,qui étoit de cette Race, ne rentra qu'après<br />
foixante ans d'Interrègne, Se reprit en peu de tems la puiffance<br />
de fes Ancêtres. La renommée de ce Prince in^ira à PHE'RE'TI-<br />
ME«<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
T)E; LMLE DE CHYPRE. LIV. L CH. L 23<br />
HE, Veuve de BATUS, Roi de Cyrène, que fes Sujets révoltés en<br />
avoient chaffée, la penfée de venir k Salamine y avec fbn Fils AR-<br />
CHESILAS, lui demander du fecours pour fon rétabliffement. Mais, afront<br />
fait qu'EvELTHON fût prévenu en faveur des CyrenienSy ou qu'il Reine?\\éne<br />
voulût point dégarnir fon Pays des Troupes qu'il y entretenoit, ^^'^'^^;^<br />
il préfenta, en plaifantant, une quenouilk à cette Princeffe, avec Eveithon.<br />
unfufeau d'or, en lui difant, que cela lui convenoitjmieux, que<br />
le Commandement d'une Armée. Les Rois de Salamine y que<br />
Taffluence du Commerce avoit rendus puiffans. Se de bon goût,<br />
avoient eu foin de faire orner leur Ville de quantité de beaux Edifices;<br />
&, pour réparer k défaut de feau, qui y eft faumâtre, ils<br />
y avoîent fait conduire, avec de grandes dépenfes, celle qui coule<br />
de la précieufe Source de Chitrie y qui en eft éloignée de douze<br />
lieues; Se on voit encore aujourd'hui des refîes du femeux<br />
Aqueduc, qui flit bâti pour cet effet.<br />
11 y avoit deux Villes confîdérables, foir la Côte Septentrionale, ArtteitV.<br />
celle de Lapathos, fondée par BI'LUS, comme nous l'avons déjà j apathoj,<br />
obfervé, & celle êb Soliy ou dOepea; l'une. Se fautre, fî l'on é'SoU.<br />
en doit croire PLUTAROPE, étoknt Capitol d'un Roïaume. La<br />
dernière étoit une Colonie Grecque, fondée', felon les uns, par<br />
D E'M o p H o N, Fils de T H E'S E'E iSc de P H E'D R E , &, felon d'autres^<br />
p^v deux Atkéniens-y AKAMAS, &. PHALE'RUS. Les Habitans<br />
de cette Ville étoient Grecs, & parloient la Langue Grec- Onginedu<br />
^uey mais corrompue5 ce qui paflk en Proverbe: on dffoit Solae- ^f^g^^*<br />
ifiony ou parler comme ceux de Soft y pour dire mal parler; &<br />
c'eft dé là que vient le mot de Solécifme,<br />
SOLON aborda en cette Vilk, pendant fes Voiages, Se fut crès^<br />
|jkn reçu par fc Roi CYPRANOR,qui le regardok comme fon Conàtoïen.<br />
SOLON s'attacha à cc Prince, & rengagea k bitir une<br />
nonvelk Vifle, dans un Lku plus conHiiode q»e celui où étoit f aaicjenne;<br />
i) y attira, par ta Sageffe de» Loix qu*il y établie, im fî<br />
p-aoè nombre des Citoêen», qu'elk devint, en peu de tems, trèsflock&nte.<br />
Cx^MtimÊkj feAâbl^aux«avaa(ag€s qu'il tenoit de SO<br />
LON,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
54 HI'STOLRE G E' N E''R A L £<br />
LON., voulut que la nouvelle Ville portât fon nom, & qu'elle fût<br />
par Ik un Monument éternel delà Sageffe du Légiflateur., Se de<br />
SoiiJu la reconnoiffance du Prince. Un Auteur ancien nous a sconfervé<br />
S. ^ un Fragment d'une .Elégie de SOLON k ce Prince, où il eft nommé<br />
G YPRANOR. HE'RODOTE l'appelle Pbilochypir; Se parlant<br />
de ces mêmes vertus de SOLON., il ajoute, que le Fils de ce<br />
Prince, nommé ARISPOCHYPRE fut tué, dans un Combat contre<br />
les Perfes y lors de la Révolte de l'Ile de Gn?PRE, fous DARIUS<br />
premier. ^<br />
^,.,. Le neuvième des Roïaumes de f Jk, étoit celui de Chitrie, ou<br />
o:
M L'ILE DE CHTPRÎi. LIT. L CH. IL 2j<br />
fource de ces prodigieufes Richeffes: caries Princes étrangers,<br />
qui
24 .xHiST.OI R.TJ CTE'HE'JLA L«:<br />
tête, ^UJMS atitaclièff6»td'aboi;d aux Ccéoa^ ds^ murailles d'^<br />
Sr-2t mathunte. Cette taie fiât auflà-tôt remplis d'an ef&in d'Achypriots,<br />
beito,, quiy firent Ifâttr mîeL Cette fingukrité.parut iî meru<br />
veilleufc au peasrpk.,' toujours rempk ,de fiipiçrfiitionj &-qiH regarde,<br />
comme des Prodiges, la plupart des évènemens, que k fèut<br />
lia^rd produit, qu'il alla, en .grande cérémonk> confulter POracle;<br />
ôcfurja.réponfe qu'il en reçut, au rapon «I'HE'AÛDOTE,.<br />
cette tête fut ^nteriée^ avec beaucoup de pompe; &l'on iafti^<br />
tua des SacriJïcesjen fon honneur.<br />
civ'pre IsocRATE, danis fon Dffcours à la Ipuangc d?EvAGORAS, Roif<br />
vûnatîm dc iS^//aw/«^, prétend, quc ce Fut un Phéniciehyjqni remit file en-<br />
«fw Perles, ^Q jgg m^ius dcs P^r/^.?, CH trahiiïant leRoi de Salamine y qui lui<br />
avoît donné fà confiance.<br />
Dans l'énumeration que fait H E'R o D O T E des Provinces de<br />
l'Enjpire.des Perfes y fous DARIUS, l'Ile de.CHYPRE eft comprife<br />
dîUMi le cinquième des dix neuf Etépartemens, qui compofent<br />
cet Empire. Elle étoit peu chargée d'impôts, puisque ce grand<br />
Roi ne retiroit que trois^cens cinquante Talens de tout ceDépartement,<br />
qui comprenpit, avec l'Ile de CHYPRE, toute h.Pbénicie •<br />
S& h.lPaiefime, . . '<br />
Anide U, Aptès la Bataille de Platée ^ où l'Arma de XERXES futxléfaite<br />
fur terre, comme eUe l'avoit été par mer k Salamine y les<br />
Gr^rx chercliant à profiter deileur Viéboîre, & à afoiblir les<br />
Perfes y envolbvent une Flotte dans l'Ile de CHYPRE, pour remettre<br />
en Hberté les Villes Grenues de cette Ile » & pour en<br />
chaffer les^Gvurniibn» Perfanes, comme nous venons de le dire.<br />
VEfczdre Athénienne, qui étoît de trente Galères, commandées<br />
par ARISTIDE , aborda fur les Côtes de CHYPRE , y débj^ua.<br />
des Troupes, & s'empara de plufieurs Villes, comme nous faprri'<br />
de P^'s^oïîs de THUCIDIDE. Cet Evénement eft de l'an-477. avant<br />
Chypre J. G. • .': ^V-:. -^.<br />
în?rTks Les Egyptiens y au moins les Rois des Vilks Grèêfues de<br />
1M Greisf ^^^^^ Ik, fe fcrvifent de cette occafion pour s'aff^anciiir du<br />
joug<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CllYtRè. Ltv.i CH.U. ZY<br />
jôiig des Perfes ; iiiais Diolùôià; nous apprend, qu'en 4^1,<br />
lorfqu'AiifÀfeAS^ 5 & Mî:'GA''ÈtSÈ allèrent attaquer k6 ^ptiens<br />
révdltés contre ARTÂXERXES , fous la conduite d'iNAftus^,<br />
ife s'arrêtèrent dans f Hé déCHtPKE,&'y Firent cohftntïircniigra'n^<br />
îfbhibre dé Vaiffeaux, de fnêrfte qùcf dans îa Cilicie y Se dans la<br />
f^éhiciè'y ce qui prouve, qifau moins une partie de rikoléïi^<br />
foît aux Rois Se Perfe. :^<br />
Les fecôùrs qik ce PHhte avoit tirés' def Ile de CÉrYntt:,
o8 H I S T Q I R E G F N E' R A. L E '<br />
pas d'en efpérer du fecours. Se les divers intérêts des neuf Rôis^<br />
lés tenant désunis, ils cherchoknt kfe maintenir, par leur atta*<br />
chement, & par leur fidélité au grand Roi, c?eft-k^dire au Roi<br />
Àe Perfe y qui prenait ce titre, comme nous fapprend SUIDAS.^<br />
Les chofes changèrent de face en 338-• EVAGORAS, defcend<br />
du des anciens Rois de Salaminey.c'eù.-k-dire de TEUCER, avoît<br />
été chaffe de la Ville, dans une Sédition. ABDAI^ION, Tyrien^<br />
avoit été mis fur k Trône, Se s'y maintenoît, par la faveur<br />
du Roi de Perfe. EVAGORAS trouva le moïen de rentrer dans<br />
Salamine y k la tête de quelques gens armés, en chaffa ABDAMON,<br />
Se remonta fur le Trône, en 405'. fors de la défaite des Athé^<br />
f niens k Aegos. Potbamos.<br />
Evagoras, EvAGORAS fut k peine rétabli, dans le Roïaume de Salami^<br />
hm^e.^ «e, qu'il fongea k fe rendre maître de l'Ile entière. ILleva des<br />
- Troupes, contraignît im grand nombre de Villes de fe foumettre<br />
à luî,en engagea quelques autres, par-fes promeffes,.k le recon^<br />
noîtrc ; Se enfm, il réunit toute file en un feul corps, k la réferr?<br />
ve des Vilks d Amatbunte , de Citium , & de Soli, dont les<br />
Rois fe préparèrent à la Guerre, Se envoïèrent demander du fet<br />
cours à ARTAXERXES. Ge Prince ordonna aux Satrapes des Villes<br />
Maritimes, &^au Roi .des Cariens de les foutenir, & fe pré^<br />
para en même tems à marcher lui-même k. kur défenfe...<br />
La Paix avantageufe, qu'il conclut fannée fuivante 387. aveo<br />
les Lacédémoniens y le mit en état d'attaquer EVAGORAS, avec<br />
toutes fes forces. Les Làcédémbniens s'obligèrent, par ce Trai^<br />
té, nommé la Paix dAntalcidaSy d'abandonner les ^Villes Grèr<br />
ques de VAfte, Se de ne leur donner aucun fecours contre le<br />
Roi de Perfe. 'Les Athéniens Se les Thébains voloient avec<br />
douleur, qu'on livroit les Grecs aux Barbares ; mais ils n'étoient<br />
pas en état de s'oppofer.au Traité,. , • ,<br />
Artaxer* Ce ne fut cependant que fannée fuivante, qu'ARTAXERXES<br />
Chypre. P^ ^^^s l'Ile de CHYPRE, à la tête d'uncArmée de troîs-cens<br />
mille hommes. Le retardement du Roi de Perfe; avoit. donné à<br />
EVA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
0E L'ILE DE CHYPRE.^ LIT. I. CH II. 2^<br />
EVAGORAS le tems de fe fortifier, & d'engager plufieurs Villes,<br />
& plufieurs Princes dans la révolte. T^r ,& quelques autres Villes<br />
de la-Pib^w^/^, lui avoîent fourni des Vaiffeaux; AcoRis, Roi d'upe<br />
partie de VEgypte y révoltée contre la Perfe y lui avoît envoie<br />
des Troupes, & le Roi de Cérines y fon Allié fecret, lui<br />
ayoit do|iné.des Sommes confîdérables, qui l'avoient mis en état<br />
dejprendre des Etrangers à fon fervice. So» Armée étoît compoféê<br />
de foixante-mille Chypriots y fans compter les Troupes étrangères<br />
, ni celles que le Roi des Arabes, & quelques autres Princes<br />
Orientaux lui avoient fournies,en affez grand nombre.<br />
Les commencemens delà Campagne furent favorables à EVA<br />
GORAS; mais la perte d'un Combat Naval, près de Citium y dérogea<br />
entièrement fes affaires. Abandonné d'un^ partie de<br />
fes Alliés, il fe vît.hors d'état de tenir la Campagne. Les Per- soumîffm<br />
fes mirent le Siège devant Salrnnincy'Se le prefsèrent fî vive-'''^^^so<br />
'. ' " ras aux<br />
ment, que ce Prince fe voïant réduit k-ne pouvoir réfîfter long- Perfes.<br />
tems, laiffa fon Fils PROTAGORAS dans la Place,- & paffa^ en<br />
Egypte y pour y foUiciter lui-même du fecours ; mais n'aïant pu<br />
l'obtenir tel qu'il k fouhaitoit, il revint k Salamine, Se prît le<br />
parti de fe foumettre.<br />
L'Armée Perfane avoît deux Généraux, ÔRANTE , Se TE'-<br />
RiBASE. Celui-ci, qui étoit le premier, ne voulut accorder la Paix<br />
à EVAGORAS, qji'k des conditions très-dures. Non-feulement<br />
iL prétendit, qu'il = renonçât k la-Souveraineté de l'Ile, ôcfe<br />
contentât de la. feule ViHe: de Salamine y pour laquelle il'payeroit<br />
le Tribut accoutumé; mais il exigea encore, qu'il/è reconnût<br />
pfclave du Grand-Roi5 & qu'en cette qualité, il fût foumis à .<br />
tous fes ordres. ^ :.<br />
EVAGORAS rejetta cette dernière condition, & prétendit, »<br />
fon tour, ne devoir que f obéïffance qu'un Roi peut promettre<br />
à un autre Roi, fans bleffer ladignité de fon Garaétère. Il n'é"<br />
toit pourtant pas en état de réfîfter ; & fa perte étoit certaine,<br />
lorfque laxafoufîe du Collègue de TE'RIBASB-^ fauva EVAGORAS 5<br />
D 3. en<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
t© H I s T o IR Ê G E' NE' R ALB /<br />
tniicndant ce Céftérsiî foi^eft au Soi iePérfi.<br />
- Il fut a?rrêté. L'Armée fetfmey c^iM é«5it afifeÉîohnéêy<br />
refufa 4e continuer k Siège ; Sele nouveau ^énèfîtl, eff>aj^è<br />
dejla mauvaife diÇ>dfitibn de fes Troupes, accorda la^dic ft<br />
EVAGORAS,à des conditions plus modérées. ARTAltER^rES étbit<br />
alors occupé à foumettre les Cààueîens, qw avoknt fcdoiié le<br />
jmig. Se allumé la guerre au cœur de l'Empire. •<br />
£TAOOIU$ , qui lie perdit rien du pouvéiY des Rois fes PrêdécéA<br />
fèuri, par fa révoitë, conferva ainfî fc Roïaumie de^afàrrtinë.<br />
trudence Cet avattCagé lui attira k Jiaînedcs aut^e^^ètîts Souverains dé<br />
l^%l^^^' l'Ik; mais elle àugmeSEita fa réputatioii chez ks Etrangers, qui,<br />
charmés de fà vaktû*, Se du bon ordre qu'il avoit ét^M a Sala-mine<br />
y où teut fleuriffôit, s'y rendoient en foulé, pour jOuïr du<br />
lèjour d'Une Ville fî bkn policée. Se vivre fôbs un Prince fî a&<br />
fâbk. GoNON^, Général des ^J^éwi^Sc ancien Ami d'EV^AGt>-<br />
RAS , fe réifugia àiïprès defliH ; aiprèfr la
DE L'ILE 0E CHYPRE Lit. ï. CH. ÏÏ. jt<br />
d'utepec le Roïaume, par k moïea d;UQ puLl&nt Pai^ti^ que ce<br />
fcélérat avoit eu fadreffc de fe faire.<br />
Maîs, malgré fes intrigùes^, NICOCLES^, Pifs d'EvAGORAS, mon- Succejfm<br />
ta fur lé Trône. Nous avons un Difcours d'IsocRATE, conip^- cL.T<br />
ft pour être prononcé aux Funérailles d'EvAGORAS, qui contient fm^p^^'<br />
de ^ands éloges de ce jrince, & qui ne fait aucune mentToii<br />
de à mort violente;' mais, comme on fait, que les Rhéteurs, tel<br />
qu'étoit IsocRATE, croient n'avoir pas moins de*droiti queles<br />
Poètes, de fe jouer de la vérité, on ne peut rien conclure du filence<br />
d'IsocRÀTE, fî ce n'eft qu'apparemment on auroit mal fait<br />
fà cour à NicocLES, en lui parlant de cet Evénement, qui ne lui<br />
faifoit pas honneur, parce qu'il n'avoit pu vanger la mort de fpn<br />
Père, par la punition du Meurtrier.<br />
Nous avons deux Difcours du même ISOCRATE, l'un adreffé k ^Ifç^^^^^^<br />
NicocLES, fiu* les 'Devoirs de la Roïauté; Se l'autre compofe, en envers NIfpn<br />
nom, fur les Devoirs des Sujets envers leur Roi. Dans l'un, ^°^^'<br />
& dans fautre de ces Dffcours, ISOCRATE fupofe, que Nico-<br />
CLES étoit un Pruice habile, & vertueux; ce qiû ne s'accorde pas<br />
avec ce que les Anciens nous apprennent de fà Tirannie, & de<br />
fa molkffe.<br />
Il paroît, felon DIODORE, que fon Règne ne fut pas fiJong,<br />
puifqu^'en l'an 35^1. avant J. G. il y avoit un autre Roi à Salamine<br />
y qui avoît eu un Prédéceffeur, différent de NICOCLES. On<br />
peut même conclure de ce que dit PAUSANIAS, qtie fon ne comptoit<br />
guères le Règne de ce dernier, puifqu'il affure, que les DeP<br />
cendans de TEUCER régnèrent à. Salamine y jufqu'à EVAGORAS.<br />
On doit encore conclure de-Jà, que le Succeffeur de NICOCLES<br />
étoit étranger à la Famille de TEUCER. L'Eloge que le favai^it<br />
M'. ROLLIN fait d'EvAGçiRAS, dans le 4.*. Volume de fon Hifloire<br />
çnçienne y SK. les excellentes qpajités qu'il relève dans NICO<br />
CLES, Fils, &Succeffe\ir^è ce Prince, dans le $\ Volum.e, font<br />
fl admirables, que fans doute k Lefteur me faura gré.,de lui indiquer<br />
où fe trouve k Portrait qu'en fait cet éloquent Ecrivain.<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
32 HISTOIRE GE'NE'RALfi<br />
C H A P I T R E III.<br />
.. '\<br />
'Arûcu i /^omme ks Anciens n'ont parlé de l'Ile de CHYPRE , que par oc-.<br />
V^ cafion, il refte,dans" cette Hiftoire un grand vuide, qu'il eft<br />
impoffible de remplir. Par exempk, DIODORE nous apprend, à<br />
fan 3 5:1. avant J. CHRIST, que le Roi ARTAXERXES OCHUS réfolut<br />
de foumettre tout-à-fait, l'Ile de CHYPRE^ dont les neuf<br />
Rois ligués contre lui, avec les i/^ow^wj, s'étoient révoltés; que,<br />
pour y parvenir, il envoïa dans cette Ile une Armée de quatre-,<br />
vingts-mille hommes, fous la conduite de PHOCION l'^//7^«/V« ,&.<br />
d'un EVAGORAS , qui avoît été autrefois Roi de Salamine. Il ne<br />
ne défigne pas autrement le tems du Règne de cet EVAGORAS ,'<br />
Armée fî noH qu'îl dît, quc cct Evénement eft arrivé fous ce Prince, quimChy-^<br />
régna fept ans, & après ART ÉMISE, dont le Règne en avoit.<br />
P^^- duré deux. Gette Princeffe, fî fameufe , par fon amour pour<br />
MAUSOLE, fon Frère,& fon Mari, &par le fameux Monument<br />
qu'elle fit conftruire fur fon Tombeau, monta fur le Trône far^<br />
3^3. Son Frère ID^ICUS, qui lui foccéda deux ans après, c'eftk-dire,<br />
fan 351. avant J. C. occupa le Trône fept ans, jufqu'k<br />
fan 34.3.<br />
Protago- .EVAGORAS , Se PHOCION , aïant mis k Siège devant Salamine^<br />
^iaimiiK^ PROTAGORAS ,qui regnoit dans cejte Ville,Te défendit avec courage.<br />
EVAGORAS , felon DIODORE , prétendoit, que la Couronne lui<br />
appartenoit, k caufe de fes Ancêtres ; ce qui fupofe, qu'il étoit au<br />
moins de la Famille de TEUCER. On pourroit conjedurèr, avec<br />
affez de probabilité, qu'il étoit .Fils d'EvAGORAS, mort 23. ans<br />
auparavant.<br />
Quelque jufte que fût la prétenfion de ce Prince, fes ennemis<br />
le rendirent fufpeét au Roi de "Perfe. PROTAGORAS lui fut préféré;<br />
&. malgré fa révolte, il conferva la Couronne de Salamine y<br />
en fe foumettant au Tribut ordinaire.<br />
Pour<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
::nE i^ILE DE CHYPRE. Lm l: CSr.niL jj<br />
. ; Pour EVAGORAS^ après.s'être jtiftifié- auprès' du Roî dé PerfeyRxfuge<br />
il obtint le Gouvernement d'une Province de VAfte Mineure y plus ETZ^^<br />
confidérable que le Roïaume de Salamine ; mais, comme il s'y étoit ^ Chjr^<br />
mal ^;pînpprté j:(& qu'il cçaigijoit Je courroux du Grand Roi, il ^^^<br />
fe rëfugiadans flk de CHYPRE,'OÙ ilefpérpit de trouver un afik.<br />
Il y:fut:arrêté peu detem^.àppès, ;& puni di^ dernier fuplké; mais Sa mort<br />
l'Hîftohre ne nous apprend pas, qui ordonna cette exéaition. On ^'^'f^'*"'.<br />
pourroit vraîfèmblablement l'attribuer au Tiran NICOCRE'ON, qui f '<br />
avoit uforpé'une> partie de flk, où il fe maintint pendant pki- - ''- •<br />
fleurs années: c'eft celui qui condamna k de fi cruels tour- ^'""<br />
mens le Philofophe ANAXARCLUE ; Se pendant la Tiranie du- Tirante<br />
quel, l'Ile de CHYPRE paffaib^s la Domination d'un Conquérant, ''^^^ico-<br />
qui fubjuga toute 1'.^//^. . ; .. - . _ Chypre/"<br />
Les Princes Ciyprio^i, furent étonnjés delà rapidité des Conquêtes ^^^/c/ç //,<br />
d'ALEXANDRE le Grand, qui, après avoir fournis toutes ks Provinces,<br />
qui font entre la Grèce Seh Syrie y v?àncu DARIUS, Rpi de<br />
Perjè y dans les Campagnes dTffus, Se conquis les Villes de^^DaiHas^<br />
de Sidon Se.de Gaza, affiégea la fameufe Ville.de Tyr. Ces Princes,<br />
dis-je, confîdérant, que, /il les attaquoit, ils s'oppoferoient<br />
inutilement kfk puiffance, prirent enfin le parti de s'y foumettre Soumijjion<br />
volonta,irement, & fe rendirent de concert auprès de lui. Leur ^chy*<br />
conduite foumffe engagea ALEXANDRE, non-feulement à les laif- "^îl^Ji<br />
fer dans la tranquik poffeffion de leurs Etats, mais encore à leur,dre.<br />
donner de.fî grandes marques de fon eftimée, &; de fa confiance,<br />
qu'elles lui gagnèrent entièrement les cœurs de ces petits Souverains,<br />
qui en effet ne contribuèrent pas peu à la reddition 4e'la<br />
Placè,qu'il^flégeoit depuis long-tems; & où, félon QUINTE GUR^<br />
CE, il trouvoit tant de réffftance, qu'il commençoit à douter, du<br />
fîiccès de fon entreprffe. Mais le grand nombre de Vaiffeaux bien<br />
armés, que les Princes Chypriots lui amenèrent, k mirent en état<br />
de préfenter la B^tailk aux Tyriens. Ceux-ci, tout expérimentés<br />
qu'ils étoient fur Mer, n'osèrent l'accepter, & fiu-ent enfin contfaints<br />
de (e foiimettre au Vainqueur, qui, ,après la prife de'cet-<br />
E ^'te<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
34 H I S>T O I R E G E' N F RALE<br />
uberàiitis te Vilk, fit reffcntif aux Chypriots les effets de fà libéra-<br />
dre,«fw«rx "te. '.i<br />
àiS^' ALEXANDRE fit un fomptueux Feftin à toiiis fès Géné^<br />
rauxj & aux Rois de CHYPRE, après cette importante Conquête;<br />
 y admit auffi le Pliilôfophe ANAXARQUE, dont il faifoit<br />
grand cas. ALEXANDRE lui aïant demandé ce qu'il difoit de<br />
FêtoUs fon n^as; ANAXARQUE luî répondit, fans héfîter, qu'il ne pont^^^e<br />
voit être plus magniiBque, ni mieux ordonné, & qu'il. n*y auroit<br />
^^ema YÏen manqué, fî on y avoit fervi la tête d'un certain Tiran, en<br />
indiquant NICOCRE'ON, qui fut parfaitement difllmukr cette injure,<br />
& affbéta de n'y avoîr pas pris garde. Mais, dans fc«i cœur,<br />
il en ccaifèrva un fî vif reffentiment, qu'ANAXARQjjE, contraint,<br />
par une tempête, d'aborder en CHYPRE, après la mort d'ALE<br />
XANDRE, y fut arrêté par ordre du Tiran, qui s'en vangea d'une<br />
manière bien cruelk.<br />
Il fit mettre ce Philofophe dans un Mca^tkr, où il îe. fit bi'lfèr<br />
avec des pilons de fer, tourment qu'fl fuporta avec une conftance<br />
extraordînaire;car, tant qu'il put reCpter, il brava k Tiran, en<br />
lui diiint, „écrafe, tant que tu voudras,le vaiffeau, dans l&que}<br />
OnfUnee yy ANAXARQUE eft renfermé";parce qu'ANAXARQUEÎui%iême nV<br />
ujSbc,^ voit point mérité ce tourment. Comme NICOCRE'ON le menaça de lui<br />
faire couper la Langue, il ki répondit, j^ f empêcherai bien y homme<br />
lâche y i^ efféminé yde pouvoir dijpofer de cette partie de mon corps.<br />
En effet, il en coupa un morceau avec fes dents, & la lui cracha<br />
au vifage. Efort vraiment digne d'une étemelle mànoire, & qui<br />
termina enfm ks tourmens, &ila vie de ce grand Phîlofbfjie; car<br />
le Tiran, écumant de rage, & de colère, lui fit enfuite donner<br />
des coups fi terribles, qu'il en fiit entièrement écrafé ; & il fut plus<br />
content de la mort dANAXARQUE, que fatisfeît de la vangeance<br />
quil avoît tirée àe finjurc, quil en àvoit re^e, ainfî qub le raporte<br />
PLUTARQUE , après d'autres anciens Auteurs.<br />
Le renfort, que ks Rois Chypriots avoient conduit à ALEXAN<br />
DRE devant Tyr^ ne fut pas k feul fervice qu'ils lui rendirent,<br />
peEh<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L^ILE DE CHYPRE. LIV. I. CH. III. ^f<br />
pendant k fejour qu'il fit en Syrie, Il emploïa leurs Vaiffeaux dans Rtemuif<br />
les diverfes Expéditions qu'il fit en Grèce y pendant ce tems-là. Ils •ê^riots,<br />
pourvurent d'éperons, de voiles, & de cordages, tous ks Bâti- f^^^*.<br />
mens à fept rangs, qu'il avoît fait conftniîre à Lampfaquey des<br />
bois qu'il avoit Êît côùper au Mont Liban, Auffi, les Rois de Salamine<br />
, de Citium y d Amatbunte y de Papbes^ Se àe Lapitus,<br />
refte des neuf Rois, qui avoknt fî long-tems partagé flk de<br />
CHYPRE, fervirent fi bien ce grand Prince, par kur valeur, &<br />
pfar leur adreffe, qu'il ks renVoïa dans leurs Etats, comblés de<br />
gloire, & de rkheffes. Heiireust, fî k vafte Empire qu'il avoit établi,<br />
fur fOr/>«^ entier, eâteu une plus longue durée! Car, enfuite<br />
de fa inort, qui arriva 330, avant J. CHRÏST, la trente-troi- f^^^^'<br />
fième defa vie, moins quelques mois, & la quatrième après la<br />
prife de Tyr y fes Généraux s'approprièrent la Souveraineté des<br />
Provinces, dont ils avoient le Gouvernement, & partagèrent<br />
entre eux l'Empire*, qui ne kur appartenoit pas: en quoi pourtant<br />
ils ne faifoient qu'imiter kur Maître, qui l'avoit uforpé.<br />
pTOLOME'E,,fornommé LaguSy à qui VEgypte échut en parta- Artkiem,<br />
ge, ne fongea plus qu'à étendre les bornes de fà Domination;&,<br />
comme il trouva la Pbénicie Se la Syrie fort propres à couvrir VEgypte<br />
ySeenïQ&me tems très-commodes pour attaquer l'Ik de CHY<br />
PRE, il y envoïa une forte Armée, fous la conduite de NICANOR, Ptolomée<br />
qui ne tarda p;is long-tems à foumettre ces deux Provinces. Après i^fï^*<br />
quoi, îl fut mformé, que NICOCLES , Roi de Paphos, avoit pris le parti ^\^<br />
d'ANTiGONus, Roi d^Afte y fon ennemi capital, & mâne engagé<br />
les Rois de Citium.y de Malum j deLapathus, Se k Prince de Ci*<br />
rïneSy à faire Alliance avec luî. Il en fut fî irrité, qu'après avoir<br />
défait DE'M E'T R I U S , Fils d'ANTiGONUs, félon PLUTARQUE , fan<br />
312*. avant J. CHRIST, dans une Bataille qu'il lui donna, près<br />
de Gaza y il fit paffer en CHYPRE, M E'N E'L A US fon Frère, avec<br />
une puiffante Flotte, qui forprît ces Princes, dans le tems même<br />
qu'ils traitoient avec ANTIGONUS; s'empara de leurs Etats, &<br />
fit prifonnier STASIAS, Rei de Malum y qui vodut lui réfifter;<br />
E 2 détrui-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
3^w, dorjt il s'empara, avec k même facilité. Ce Prince inr<br />
ïwr^^ffNi.-fojrtuDéTe voïant prieffédans fpn Palais y & défefpérant dç pouvoir<br />
codes, éviter fa pei-tç'i fe donna la mort. Sa Fenyne, qui ^ f aimoit ten-<br />
Défefpoir drcmcnt, non moins courageufe que lui, ne voulant point furvi-<br />
Femmedf vrc à foH Epoux, ni toinb^r au pouvoir de fes ennemis, tua fes<br />
Nicocles. deux Filles.de fa propre main, afin de leur épargner les horreurs<br />
&les*afronts de la fervitude j exhorta fes Belles-Sœurs k fuivre<br />
fon exemple. Se fe plongea un poignard dans le cœur. Les Frè-<br />
ÊxtinHîm res de NicocLES, emportés de fureur, & de défefpoir, à h vue<br />
Fa^ul de ces ^edacles, mirent le feu au Palais, périrent dans fembrar<br />
Paphosf fement, & achevèrent la trifte & fanglante Tragédie, qui éteignit<br />
entièrement la Famille Roïale de Paphos. Après quoi, ME'-<br />
N E'L A ù S donna le Gouvernement de cette Ville à un certain NI<br />
COCRE'ON ," qu'il ne faut pas confondre avec le Tiran de même<br />
•* nom, & qui avoit fait mourir le Philofophe ANAXARQIJE. . ._<br />
PTO LOM E'E, informé des avantages que MIJ'NE'LAÙS fon<br />
Frère avoit remportés en CHYPRE, y envoïa
._y>jE,i,U]fcEM)E CHYPRE/I;iv> 1.>C^.;III. 5^<br />
tont Jeur Train, iSc kurs Domeftiques, afin de lui marquer-la reconnoiffance<br />
qu'il confervoit de la manière dont il en avoit agi envers<br />
lui, après k Bataille de Gaza y en lui renvoïant également tous<br />
fes Officiers, avec leurs Bagages. ,, ./l<br />
.^. ANTIGONUS regarda cette Vidoire ,& cette Conquête, conir<br />
;ïie.une cliofe fî importante, que, ce fut après la nouvelle qu'il en<br />
reçut, qu'il prit k Diadème, dont jufqu'alors il s'étoit abftenu,<br />
par refped: pour la Famille d'ALEXANDRE. Son exemple^mit<br />
PTOLOME'E, LYSIMAÇHUS, & GASSANDER, fes Rivaux,<br />
dans la néceffité d'en faire autant, Se de ,fe donner le même Ti<br />
tre, afin de ne pas ceffer d'être égaux. ' '<br />
L'Ile de CHYPRE demeura à ANTIGONUS, Jufqu'à la Bataille Chypre «»<br />
dlpjum, qu^il perdit, &. dans laquelle il fut tué. D E'M E'T R I U S STmigos'embarqua<br />
pour alkr en Grèce y Se paflà auparavant à Salamine y ^l^^decc<br />
afm d'y laiffer la Re^ne STRATONICE fe Mère, Veuve d'ANTiGO-i'nww 4<br />
NUS, entre ks mains dé fà Femme FHILA, Sœur de CASSANDER, ^^^"'"'<br />
Se Mère d'une autre STRATONICE. Gette aernière eft la même qui<br />
époufà SELEUCUS, Se que ce Prince céda enfuite à fon Fils'A N-<br />
TiocHUS ; Evénement connue de tout k monde.<br />
P T o L o M E'E , averri par TH E'O M E'N E , }'un de fes Capital- Article m<br />
nes, du malheur qui étoit arrivé à fon,Frère, & à fon Fîls, arma<br />
datord uiie puiffante Flotte, dont il prit lui-même le commandement;<br />
mais il ne fut pas plus heureux, qu'il favoit été. DE'ME'-<br />
TRius remporta for lui une Vidoire fî conipktte, que PTOLO<br />
ME'E fut obligé de s^enfbîr en Egypte y avec huit feuls Vaiffeaux,<br />
qui lui reftèrent de fà grande Armée ^ ce qui procura au Vainqueur<br />
fentière Conquête de flk. Il y mît d'abord de fortes Gar- cmptêu<br />
nffons, Se la pofféda, depuis l'année 306*. avant J. CHRIST, jî^^'J"^'^<br />
Jufqu^en 293. que PTOLOME'E la lui enleva derechef, pendantDéniéqu'il<br />
étoît occupé contre ks Lacédémoniens. PTOLOME'E profi- ^""^'<br />
ta de fon éloignement. Se fit une defcente enCHYPREfî promte J^^^^l^^<br />
& fî à propos, qu'il s'empara, en peu de tems, de toute flk, à w. '"^<br />
la réferve de Salamine ^ qui foutint un Siège. La Mère de DE'-<br />
E % ME.'-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
3» HIS T O ï R E G E' N E' RALE &c<br />
ME'TRI U S , une de fès Femmes ( car ce Prince en avoit i^ufîeurs )<br />
& quelques-uns de fès Enfans étoient enfermés dans cette Place,<br />
ce qui en rendit la prife très-importante. PTO LO ME'E s'attacha»<br />
pour cette raifon, au Siège de cette Ville, k força de fe rendre, Se de<br />
lui livrer la Famille de DX'ME'TRIUS: maîs, bien loin d'abufer<br />
de cet avantage, dèlqu'elk fut entre fes mains, il la remit en liberté,<br />
par une continuation de générofîté, qui étoit alors en ulàge<br />
parmi ks Guerriers. Il la traita non feukment avec toute forte<br />
de refped. Se de confîdération; mais encore îl la renvoïa, avec<br />
Bjéjîexion ^^s Enfans, & EURIDICE^ Belle-Sœur, chargée de magnififuries<br />
qua- qucs Piéfeus. Ccs deux Princes s'étoient toujours fait la Guerre*,<br />
Guerriers, faus viokr Ics droîts de l'Humanîté,ni même ceux de la Politeffe,<br />
perfuadés que c'eft fémulation, & non la haine, qui doit animer<br />
les Princes, qui difputeht entre eux pour fEftpîre. Ce qui fait<br />
dire fort judickufement à JUSTIN, que la. Guerre fe faifoit alors<br />
avec plus d'honêteté, que ne s'entretiennent aujourd'hui les amitiés.<br />
L'Ik de Ce fut enfin par la prife, & reprife,que ces deux Princes firent,<br />
PrEe' tour à tour, de l'Ile de CHYPRE, que finirent entièrement lés<br />
j^^FoS. neuf petits Rois, quila divifoknt depuis fî long-tems, & que<br />
jnée. PTOLOME'E la rédUifît, fous un fèul Gouyçrnement, enxPi-ovince<br />
de fon Empire, où lui,5c ks autres Rois d^Egypte^ fès Sueceffeurs,<br />
envoïoiént ordinairement quelcun de kur Famille, pour<br />
k gouverner. DE'ME'TRIUS reçut la première nouvelle du Siège<br />
de Salamine y lorfqu'il étoit prêt daffiéger A§)^r/^, après avoir<br />
défait k Roi A R CH I D A MU & à Mantinée. II aprit aufïi, là prife<br />
de Salamine y peu après qu'il eut été proclamé Roi de Macédoine,<br />
Ces deux Evènemens font de la première des fept années qu'H<br />
régna en iWl^^^
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
R o ï A" u M E S<br />
D E<br />
CHYPRE, JÉRUSALEM.<br />
E T<br />
D' É G Y p T E.<br />
LIVRE IL<br />
C H A P I T R E P R E M I E R .<br />
S^^â^â-Êâx '^'^^^o^*^'^ LAGUS aiant réduit, côInfliè4»titfrJS<br />
*^^^^^P nous venons dek dire, toute l'Ile de CHTi<br />
TtSî PRE en une feule Province , & donné partout<br />
de bons ordres, pour empêcher les Révolutions<br />
qui auroient pu s'y former, régna<br />
Sç5x^^^f3 encore dix ans après cet Evénement, Ô)m-<br />
. ^crXrJXCTxjcr ^^ j| y^^joi^ mourir avec la gloire, qu'il s'élok<br />
acquife durant quarante ans do Règne, il remit k 9ceplre>& la<br />
Coth<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4.0 HISTOIRE GENERALE<br />
Succeffion Couronnc d'Egypte, à P T o L o M E'E P H i L A D E L p H E , le plus jeudeiphe<br />
à ne de fes Enfans, qu'il crut le plus capable de gouverner cet E-<br />
^ut? ^^^» ^ ^s 1^ conferver dans la fplendeur, & dans l'opulence où<br />
lui-même l'avoit mis. En effet, ce nouveau Souverain, qui com-<br />
• * mença à régner feul l'année 283^ avant J. CHRIST, Se que la Nature<br />
avoit doué d'une éminente Vertu, en augmenta bientôt la renommée,<br />
& la gloire,par fà grande înclmatîon pour les Sciences,<br />
Se par les foins qu'il fe donna pour faire à Alexandrie cette incomparable<br />
Bibliothèque, qui, au rapprt de divers Auteurs, comprc-<br />
%?ùt ^^^^ deux-cens mille Volumes. Ge fîit ce Prince qui prit aulfi laiieiphe.<br />
peine de faire traduire, en Grec y la Sainte Bible, pj^* ies iSeptante<br />
dem. Juifs qu'ELE'ASAR, leur grand Pontife, lui envoïa, &qui<br />
firent cette fameufe Verfion de l'Ecriture, à laquelle on a donné k<br />
nom de Verfton des Septante, Ge Roi eut'plufîeurs guerres à foutenir,<br />
tant contre les Rois de Macédoine y que contre ceux de Syrie<br />
y dont il fortit toujours yidorieux. Il devint encore plus puiffant,<br />
quën'avoit été fon Père; heureux! fî tant d'éminèntes qualités<br />
l'euffent rendu plus humain. Se moins cruel, à l'égard de fes<br />
Frères; car, pour régner fans crainte, il en fit mourir deux;<br />
ARGE'E, MUS prétexte qu'il avoit confpiré coiitre lui ; & l'autre,<br />
né d'EuRiDiCE, fur le fimple foupçon d'avoir voulu foukver file<br />
de CHYPRE; où cependant il n'arriva aucun changement,* jufqu'au<br />
PhH©mé- ^^^^^ ^^ PTOLOME'E EPIPHANE S, qui y envoïa en exil<br />
"•ÀiJl ' ^"^^ o L o M E'E P H ï LO M E'T OR, fon Fils aîné / à la follicîtation<br />
Qhfpie,<br />
de C L E'O p A T R E Jà Fe^me, qui n'aimoit point P H i L o M E'T O R ,<br />
& qui voulpit, à fon préjudice, élever PTOLOME'E EVERGE'-<br />
TBS, fon cadet, fur |e Trône dEgypte;, Evénement que l'Hifloke<br />
met à la 2^6". année avant J. CHRIST, qui éft celle où<br />
PTOLOME'E PHIL ADELPHE ceffa de viyre. ''if<br />
PHILO M E'T OR, pour commencer àfe vanger de cette injuftiçe,<br />
fe voïant dans un Pays qui appartenoit à fa Maifon,fans avoir<br />
aucun égard pour ceux qui le gouvernoient,. s'empaia de la Souveraineté;,<br />
mais, après la mort de fon Père, les Peuples dA^<br />
O . ::^ léxan-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Dt L'ILE DE CHYPRE. Ltv. II. Cn. 1. 44<br />
iextmdrky "qui ne fouffroient qu'à regret fontrage que lui fàifok fe RetM»Se<br />
Reine fa Mère, chafsèrent EVERGE'TES, que cette Vrmieïk ZsH!^.^<br />
favorifoit, & qu'elk avoit déjà introduit dans k Manîment des ^^^"'^^<br />
Affaires de PEtat, & rappellèrent PHILOME'TOR. EVÉRCIS<br />
TES, qiù ne pouvoit s'accommoder d'une vie privée, après avoir goûté<br />
les douceurs de la Roïauté,excité d'ailleurs par le Roi ANTIO-<br />
CHUS, fon Oncle, qui cherchoit à entretenir k méfîntelligence<br />
entre fon Frère, Se luî, afin de profiter de leur dffcorde, fe retira<br />
à Q''*^, & appela les Romains à fon fecours. Le Sénat,<br />
qui défîroit depuis long-tems de s'ouvrir le chemin dEgypte, le<br />
prit d'abord fous fe protedion; mais, comme îl s'aperçut, qu'il<br />
n'étoit pas fîicile de renverfer fon Frère du Trône dEgypte, où î!<br />
étoit trop bien affermi, & aimé des Peuples, il prit k parti de<br />
mettre E v E R c B'T E s en poffeffion de G H Y p R E , avec d'autant vue ie<br />
plus de fondement,que, peu auparavant,cette He avoit couru TI£- ^S^'<br />
que de tomber au pouvoir de DE'ME'TRIUS SOTER, Roi de^^^»-<br />
Syrie, par la trahifon d'A R c H i A s, qui en étoit Gouverneur, vers pwotir<br />
Tannée 1^7. avant J. CHRIST; Se qui, moïennant joo. talens, ^^';'^"<br />
s'étoît engagé de la luî livrer. Néanmoins, cette trahifon, qu'il<br />
étoit fur le point d'exécuter, fut découverte ; Se il s'étrangk '•<br />
luî-mêïne, pour éviter le fuplice que PTOLOME'E luî préparoit.<br />
Après la mort de PHILOME'TOR, PTOLOME'E EVERGE'-<br />
, TES, fon Frère, retourna en Egypte y S, confia Iç Gouverne-^^1^3^..<br />
ment de flk de CHYPRE à ARISTARQUE, fameux Critique, ficqueGw.<br />
.^ .. ••n-. . T » / ^ . vemeur de<br />
Grammainen, pour qui PTOLOME'E PHILOMETOR avoit eu Chypre,<br />
beaucoup de confîdération. Il lui confia même enfuite l'Education<br />
de PTOLOME'E LA TU RU S, fon Fîls aîné, qui lui fuccéda au<br />
Roïaume, dont il ne jouît pas long-tems. Gar, peu après la mort<br />
d'EvERGE'TES, CLE'OPAT RE fa Mère, qui ne pouvoit vivre<br />
fans'régner, commença par luioter CL E'O PÂTRE fà Sœur, Se<br />
fa première Femme, Se l'obligea à prendre SOLE'NE fa cadette,<br />
qu'elle lui arracha encore, quoiqu'il en eût déjà eu deux Enfans.<br />
Non contente de ces cruautés, & toujours rongée de fon ambi-<br />
F tiott<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
42 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
- tion-démefurée, elle fit foukver k Peuple contre^lui; Se k<br />
priva enfin du Roïaume,* pour le donner à PTOLOME'E<br />
ALEXANDRE fon Frère, qu'elle efpéroit engager à fe con-<br />
. tenter du feul Titre de Roi, 6c à la laiffer jouir de l'Autorité<br />
Souveraine.<br />
Retraite ., P T O L O SI E'E L A T U R U S , quî cut la modération de ne<br />
enGhjïr"!-vouloir faire la guerre ni à fa Mère ni à fon Frère, prit le parti<br />
de quitter Alexandrie, Se de fc retirer en CHYPRE, afile<br />
ordinaire des Princes dEgypte, perfécutés de la Fortune. H<br />
trouva, qu'A RIT A RQ^UE fon Précepteur, y étoit mort quel-<br />
,que tems auparavant: & il y a apparence, qu'il y auroit<br />
•vêtu ^tranquillement, fans la générofîté qu'il eut, de fe rendre<br />
aux folicitations des Habitant de Ptolomaïde, qui étoient<br />
affiégés 'par 'ALEXANDRE JANE'E, Se au fecours defquejs<br />
il accourut d'abord, avec toutes fes forces. Il défit<br />
les Juifs y d^ins une Bataille qu'il leur donna, près du Jouri<br />
•• dain y & dans laquelle il en périt 3000. outre les Prifonniers<br />
qui furent en grand nombre.<br />
Kemr de Après cette glorieufe Expédition, P T o L o M E'E L A T u R u S<br />
LaturustfM repaffa Triomphant en CHYPRE, l'an loi. avant J. G. Sa<br />
^* Mère joignant à la haine, qu'elle avoit pour lui, la jaloufie de la<br />
gloire, & de l'avantage qu'il venoit de remporter dans la Palefline<br />
y envoïa promtement une Armée contre lui, & fobligea<br />
d'en fortir. ^ Cette Mère dénaturée fut même fi fâchée, de né<br />
\n\<br />
ravoir pas eu vif ou mort en fon pouvoir, qu'elle fit inhumai-<br />
' -' • nement périr le Général qu'elle avoit envoïé lui faire la guerre.<br />
Mort de Enfin, fambitieufe, & cruelle, CLE'OPAT RE fut poignardée<br />
^xt^R 'par fon Fils ALEXANDRE, qu'elle avoit préféré à LATURUS; &<br />
-DE L'ILE DE CHYPRE.-LIVMI.-CH.L- 4J<br />
ti*aiiquîlemeht près de dix-huit ans, 'mais fans avoir d'enfans.<br />
Depuis ce tems-là,l'Etat fut ocaipé,-pendant vingt-quatre ans,-*<br />
par certains Princes fopofés, -dont le premier, nommé ALE-'<br />
XANDRE , fe difoit Neveu de P TO L o M E'E L A T u R u s, &<br />
étoit ïbUÉenu par SYLLA, Gà^litâine des Romains, qui commençoient<br />
à'prendra pie, dans l'tléritage des P.T o L o M E'E S.*<br />
P T o L o M E'E APION , troifième Fils naturel d'E v E R G E'- -^.rticie n.<br />
T E'S , Roi de Cyrène, laiffa, après vingt ans de Règne,, fon ptolomée<br />
Roïaume',& fon Héritage; ^UK Romains y en l'armée ç6. avant ^^P-'^J^ (^,<br />
J: G., & le Sénat le joignié à la Province de Lybie y [ dont il rêne.<br />
étoit'déia en poffeffion. -'•'Cependant, malgré la faveur de SYL-<br />
L'A,-les Egyptiens détrônèrent non feulement le nouveau Roi<br />
ALEXANDRE , maîs encore faffalfinèrent ,& en mirent en fa place<br />
lm autre, de même nom, qu'ils chafeèrent encore, en dépit '<br />
deJuLES CESAR^ qui le prôtégeoît, & qui entreprit de iV<br />
rétablir. [ Les Peupks,- obftinés, ne voulurent jaînàîs le recbhitoître<br />
5 & le forcèrent même de s'enfuir à Tyr-, où y pour fevanger<br />
de leur dureté, il fit donation aux Romains du Roïaume *<br />
dEg)pfe'y qu'ail prétendoit lui appartenir. Le Sénat férigea;<br />
d'abord en Province de leur vafte Empire; en forte que, pen^dânt'ces'troubles,<br />
& ces grands changemens,les Rois dEgypte'<br />
étoient fi embaraffés à s'affermir dans cet Etat, qu'ils ne pen-'<br />
foient jamais à rien'innover en CHYPRE.<br />
• P T o L o M E'E A U L ET E S monta enfin fur le Trône d'£- -<br />
^ptCy Se- h Couronne s'arrêta fur fa tête, quoiqu'il fut peu<br />
digne'de la porter; car, au lieu de s'apliqùer aux Affabres du<br />
Gouvernement, fon unique occupation étoit de jouer de la Fiu- Ptoiote,<br />
& de fe donner en fpedaek au Public, confondu parmi lès d'/iùiéteZ<br />
plus vil^ Comédiens, pendant qu'un autre P T o L o M E'E , qui 5^"''*^<br />
félon quelques-uns, étoit fon Frère, auffi indigne que lui de Chypre,<br />
pofféder un Etat, gouvernoit l'Ile de CHYPRE. L'un n'étoit<br />
propre que pour lé Théâtre:, & l'autre ne s'aplîquoît qu'à Tiranifer<br />
les Peuples, pour accumuler des -Tréfors,. dont il ne<br />
: I f 2 favoit<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^ H I ST O I R E G E' N E' R A L E<br />
favoit faire aucun ufage : aufE, fes grandes Richeffes ne lui fervirent-elles<br />
qu'à accékrer fa propre perte. Voici de quelle manière.<br />
PuBLius CLAUDIUS, qui avoit été pris par des<br />
Corfàires, dans k Mer de Pampbylie, & qui avoit recherché<br />
l'affiftance de ce dernkr PTOLOME'E, comme Allié des Romains<br />
y n'en reçut qu'une fomme fî médiocre, pour fa Rançon,<br />
que les Pirates mêmes, honteux de l'accepter, aimèrent mieux<br />
donner laiiberté à leur Prffonnier. Celui-ci conferva toujours ua<br />
fi vif reffentiment du m^ris que P T o L o M E'E avoit fait de fà<br />
perfonne, que ce Romain ne fut plutôt parvenu à k Dignité de<br />
Cette Ile TrîbuB'du Peupk, qu'il engagea k Sénat à déclarer file de<br />
Provirue CHÏPRRPtovincc de l'Empire, & à envoïer CATON, pour en<br />
Romaine, prendre poffeffion, & tran§)CMrter à Rome toutes ks Richeffes<br />
Caton,m- qu'ii y trouverok,& qui paffoient pour ks plus confîdérables de<br />
^rA VOrient, Cette Entreprffe fit dire à SEXTU& RUFFUS, que les<br />
•Jg'"*'*'* Rkheffes des Chypriots avoient excité k Pauvreté du Peupfe<br />
Romain, à s^emparer de l'Ile de CHYPRE , plus par avarice, que<br />
par juAiee. PTaLOME'Efit encore une faute impardonnable<br />
à un Prince^ Ilirrîtia telkment fes Sujets,par fesextorfîonsj&fes<br />
iio^s extraordinaires-dont il les avoit chargés, qu'aucim d'eux<br />
ne voiiiiit prendre ks Armes, pour fà défenfe, lorfqu'il fut at.^<br />
tacpié. AÂi lieu d'o«\n*ir,. dans une pareilk occafîon, fes Tré^<br />
fors, pourles y engager, & pour lever des Troupes, afin de<br />
repoufler ks Humains y à peine fut-il informé du Décret du Sénat<br />
,
DI l'ILE DE CHYPRE. Lir. U. CH I. ^f<br />
La quantité d^or,d'argent, de pkrres précielifcs, &de pour- ^^Ê,*<br />
pre, que CATON remporta de flk de CHYPRE,fut û prodigkttr«
*v •. r<br />
4^' H I S T O -I R E'- G ï' N'E' R A £ E'-<br />
AfawvaiV que lè Pèuflk:d'.^te/?«((?^^^ fe plaindre de'fà côn-<br />
•ftolomée. duîte, & l'inforîner j qu'ils avoîent' mis fur le Trône B E'R EN I-""<br />
"'CE, Sœur", Se Femme du-mêmè P T 6 L o M E'È ; ainfî tout ce qu'il<br />
piit obtenir, «dansce voïage, fe réduifit^a ùneLettre'de faveur,<br />
dttë'' P^o M> E'E lui donna pour G A B i N i 't?s ', Gouverneur ~en-<br />
Syrie. ' . .<br />
• Cependant 5 dix mille Talens , que P T o L o M E'E offrit au<br />
Générû Romain y en lui rendant la Lettre de Po MPE'E, lui firent<br />
facilement oublier fon devoir ; car, au lieu de pourfuivre<br />
l'Expédition dont il étoit chargé 5 ilfe contenta dé laiffer AN<br />
TOINE en fà place, avec une partie de fes Troupes, & alla luimême,<br />
avec les autres5 remettre PTOLOME'E fur le Troie,<br />
dont il avoit été chaffe, trois ans auparavant. 11 commença<br />
Xifaît mou- fofi^ nouveau Règne par • la mort de ' fà Fille B E'R E ^ i c E , Sa<br />
^tl^ml d'ARCHELAùs qu'elk avoit époufé ; après Vêtré défaite d'AN-^<br />
;TiocHUS, avec qui les-^to^wrfmi favoient obligée de fe ma-<br />
" rier, en l'élevant au Trône. Il fit enfuite tuer tous' lés plus<br />
Mort dç riches de fon Roïaume, & s'empara de leurs biens, afin de fatis-<br />
P>**oni^e : faire aux dettes qu'il avoît contradééâ, " pour parvenir'à- fon ré-^<br />
m ieFla- tabliffemeut ; &- mourut enfin, félon DÎON ; GASSIUS , & d'au-<br />
^^^^' très graves Aufeurs5 50. ans avant J.GHRIS1\ *<br />
-PTOLOME'E AULE'TES , ou le Flateur, laiffa fon Roïau-<br />
Sjiccef^on j^jg ^ fgg
DE L'ILE DE CHYPRE. Liy. II. CH. II. 47<br />
& fouffroit fon Commerce, quoique criminel, & connu de tout<br />
le monde, avec JULES C E'S AR, àla iferfoafîon duquel, il<br />
époufa ARSINOE', fa féconde Sœur, il fut, felon PLUTARQUE, ^F'^JJ^m,<br />
& JUSTIN, affaffinê quelque tems après à Epbèféy par ordre du^dumêm<br />
même G E'S A R ; & par-là, s'éteignit entièrement la Race des P T o L o- ^^^^'^•<br />
M E'E S, qui avoient poffédé VEgypte y Se l'Ile de CHYPRE, près de<br />
trois Siècles, à la réîèrve du tems que DE'ME'TRIUS avoit occupé<br />
cette dernière, du vivant du Premier PTOLOME'E, Sede-^^'^^^<br />
puis que CATON favoit réduite en Province de l'Empire Ro- mécs.<br />
main, où le Sénat envoïoit des Préfets, Proconfuls, ou Gou.<br />
verneurs.<br />
C H A P I T RE II. I<br />
L<br />
. . . ^ ' • • •<br />
es Romains po^édoient alors un fi'grand nombre d'Etats,-^mvj^i'.<br />
parmi le%els file de CHYPRE fe trouvoit confondue, qu'il siiewe<br />
"n'eft pas furprenant qu'on ne trouve , dans l'Hiftoire , aucun Fait ^^^^,<br />
iparticulîer, qui la regarde, ni même k nom de ceux qui Vont news éta-'<br />
gouvernée, pour le Sénat, jufqu'au tems de-MARC-ANTOINE,;chj^e,<br />
qui en donna k Gouvernement à un Affranchi de G E'S A R, nom- ^"^^""^ Romé<br />
D E'M E'T R I U S. Celui-ci s'étoit attiré fa confidération d'AN<br />
TOINE, par fès belles Adions; entre autres, parce qu'il avoit<br />
pris LABINIUS, défait auparavant par VENniDius, comme nous ^^^^^<br />
l'apprenons de STRABON. Dans la fuite, M'ARC-ANTOINE devenu neté de<br />
Amant de CL E'O PATRE, céda la Souveraineté de file de GHY-^Sj^/<br />
PRE à cette Reine, Sek A R s i N o L' fa Sœur, qui en difposèrent ^^^^P^'<br />
tant que ce fameux Romain gouverna VOrient. AUGUSTE aïant Marc-Anenfin<br />
vaincu ce Compétiteur, dans la mémorable Bataille d Adiony^Amant!^<br />
où fe termina leur grande querelle ;>. qui fut fuivie de la mort d'AN- Ljie de<br />
TOiNE, il demeura maître de tout l'Empire. L'Ile de CHYPR E ^^Jf'^<br />
' 1 , , cédée au<br />
fut fune des Provinces que cet Empereur céda au Sénat, qui sénat par<br />
com- Augulte,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4* HISTOIRE G E' N E'vR A'L E<br />
commença à y envolier des Magîfh-ats, en fon nom. Commt<br />
leur Réfidence n'étoit ordinairement que d'une année, Se que<br />
même un feul Préfet, ou Proconlîil, gouvernoit diverfes Provinces<br />
àla fois, on ne trouve point qu'il foit rien arrivé de particulier,<br />
dans l'Ile de CHYPRE; ce qui fait croire, que les Habitans y<br />
étoient tellement foumis au joug des Romains y qu'ails ne fongeoient<br />
qu'à jouir des délices. Se de l'abondance d'un fî bon<br />
- Pays.<br />
Paul Serî P A U L S E RGI u S cft k feul Proconful Romain, dont l'Ecriture<br />
gius, Fto- faffe mention; il gouvernoit file de CHYPRE, vers l'année 40. de<br />
m5in,clu-JES us-CHRIST; Saint PAUL, & Saint BARNABE', qui y prêcb"^"re''*<br />
choient alors VEvangile y eurent le bonheur de convertir ce Magiftrat<br />
à la Foi Catholique. Ils f engagèrent même à ordonner la<br />
deftrudion du* Temple de Paphos y qui, comme nous favons<br />
cbtiùA'^ dit, étoit k plus fréquenté de flk, & celui où les peuples fe rend^^'J<br />
doient de toutes parts, pour y célébrer les Fêtes de VE'NUS,<br />
Temple de ^nt k Cultc n'avoît jamais ceffé. Cependant', quelqu'intéreffés<br />
*? ^ que fuffent les Chypriots à laconfervation de ce Temple, ils n'osèrent<br />
en témoigner leur reffentiment, que par des murmures fécrets;<br />
tant îls étoient lâches, efféminés,& attachés à leur déteftabks<br />
maximes. Ges peuples étoient même fî addonnés à la fuperftition,<br />
à la crapule, &àla débauche, que malgré les exhortations<br />
de ces Saints Apôtres, la Gonverfîon de leur Magiftrat, Se<br />
k Miracle que Dieu opéra à leurs yeux, par l'effet merveilleux des<br />
prières de Saint Paul, qui aveugla .un faux Prophète Magicien,^<br />
nommé BARJEU ELIMAS, qui s'efforçoit de féduire SERGÎUS,<br />
Se de f empêcher d'embraffer le Chrîftianifine,il n'y en eut aucun,de<br />
ce Peuple incrédule ^ qui fut affez touché, pour quitter l'Idolâtrie,<br />
Se le Libertinage.<br />
Cependant, il y a apparence, cfie ce Tempk ne fut pas entièrement<br />
renverfé, comme quelques Auteurs le prétendent; puifque<br />
COËF FÊTE AU raporte, dans le 6«. Livre de fon Hi/loire<br />
RmainCf que TITUS,Fils de VESPASIEN,paffant en CHYPRE,<br />
pour<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. Liv. IL CH. II. 4^<br />
pour aller joindre l'Armée de fon Père en Syrie y voulut voir k<br />
'fuperbe Tempk de VE'NUS PaphiennCy Se qu'après favoir vifite.<br />
Se contemplé fes prodigieufes Richeffes, qui venoient des Préfens<br />
que les Rois y faifoient, il y fit immoler un grand nombre<br />
de Vidimes, Se confulta le Prêtre de la Déeffe, fur fon Voïage.<br />
Ce Prêtre, ajoute-t-il, lui répondit, qu'il auroit une Navigation<br />
heureufe. TITUS ne s'en tint pas là; mais, par des Queftions ambiguës,<br />
& couvertes, il s'informa de fa fortune future. SÔCRA- J<br />
TES (c'étoit le nom du Prêtre) après avoir contemplé les Entrailles<br />
des Vidimes, Se reconnu que les préfages étoient favorables,<br />
lui dit peu de chofes en public ; mais peu après, îl le tira à part.<br />
Se lui déclara tout ce que la Déeffe lui promettait. Tn us, encouragé<br />
par une fî bonne nouvelle, mit à la voile. ; .1<br />
TACITE nous apprend encore, au Livre 3^ que Ti BE'R E ren- Article n.<br />
-voïa au Sénat les demandes des Provinces Romaines, La lîcencfe remt>iet,<br />
des afîles étoit montée à un fî haut point, parmi les Villes Grèr ^fiiespour<br />
ques y que tous les Temples étoient remplis de Banqueroutiers, de criminOt,<br />
Tugitifs, & de Criminels, fans que ks Magiftrats y puffent mettre<br />
ordre, ni arrêter la fureur des peuples, qui protégepknt ces fixiperfUtions,<br />
commes des miftères. Il fut donc réfolu, que les<br />
Provinces enverroient leurs Députés. Les Epbéfims, intror<br />
duits les préiniers, repréfentèrent, qu'APOLLON, &DIANE<br />
n'étoient pas nés dans flk dé DéîoSy comme k croïoit le Peu-<br />
-ple ignorant.<br />
Ceux de CHYPRE foûtenoient la gloire de la Déeffe de Paphos<br />
y Se dAmathunte, dont ils avoient deux Temples daxy<br />
leur Ile, l'un bâti par AËRIAS , & l'autre par fbn Fils,<br />
J^MATHUS. Ils maintenoient encore la franchife de celui de<br />
JUPITER, bâti à Salamine, par TEUCER, lorfque fuïant<br />
la colère de fon Père TE'LAMON, il fe. réfugia dans leur<br />
Pays.<br />
Il n'eft pas furprenant, queles Chypriots n'oMent rien entrepreindre,<br />
pour s'^.Gi^nchxr du joug Romain y ou même pour fe dé-<br />
G fendre<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
So HISTOI R E G E' N E' R A L E<br />
fendre contre les autres Nations, qui ks vouloient détruire, puifque,<br />
quand les Juifs en firent un fî grand maffacre, fous k Règne<br />
de TRAJAN, comme je fai raporté, ils n'eurent pas feulement k<br />
courage de s'oppofer à leur fureur. Ce fut enfiiite de la vangeance<br />
qu'en prit cet EmperfâUr, qu'il donna le Gouvernement de<br />
^^\ flk CHYPRE à A R T H E'M I O N , qui avoit déjà celui dEgypte, Cet<br />
Gowoer- Evénement fait conjedurèr, que, dans ce tems-là, il ne devoit<br />
Chypre, point y avoîr de Gouverneur, de la part du Sénat, en CHYPRE.<br />
Car il n'auroit pas manqué de fe donner quelques mouvemens,<br />
pour réprimer l'audace de ces révoltés.<br />
Si l'on ne trouve aucun Auteur avéré , qui faffe mention^<br />
de l'Ile de CHYPRE, depuis le Règne de TRAJAN, on en trouve<br />
encore moins dans k fuite de la Domination Romaine:, Se le Père<br />
LUFIGNAN, qui paroit avoir feuillette très-foigneufement tant de<br />
Livres, pour en compôfèc fon Hiftoire, n'a pu y ni bien,, ni mal,.<br />
icmplk ce vuide. Il s'eft contenté de dire, commele fais, en le<br />
foivant ici, feute de meilkurs Mémoires, qu'il fuffit d'apprendre<br />
Ca/fl»»!- au Ledeur, qu'il n'eft arrivé en CHYPRE, jufque vers le commen-<br />
^e*s'*en' cemcnt du quatrième Siècle, que quelques Tremblemens de terre, Se<br />
Chypre, de grandes défoktions, caufées par les Sauterelles, qui inondoknC<br />
k Pays, Se détraifoient tous les finiits de la Terre.<br />
Ges difgraces furent foivies d'une fi grande féchereffe, qu'elle<br />
une de contraignit tous les Habitans de fabandbnner, faute d'eau : tous<br />
^Snnée ^^^ ruîffeaux, & ks fontaines tarirent. Se la pluie ceffa d^ tonK<br />
parjesHa^^^ pendant l'eipacc de plufieurs années; les uns difent fept,<br />
Wf^'W' j^g autres y en ajoutent dix, & d'autres vont jufqu'à 3d; ans.<br />
Enforte que ce Pays, autrefois fi délicieux, Se fî abondant, demeura<br />
entièrement inculte, fèc, & aride. Se devînt enfin l'Habitation<br />
d'^ne infinité d'Animaux venimeux, qui s'y engendré*<br />
rent; particulièrement d'AÇâcs, dont kpiqueure eft-la plus dangereufe<br />
, Se ordinairement mortelle.<br />
Tradition Lc même Auteur prétend; & c'eft une Tradition générale des<br />
^icSî^" C)6):^rtt/5(quej'ilfiilong-tei!!Spr^qué») que ces défoktions ne<br />
fini»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L^ILE DE CHYPRE. LIV, II, CH. II. fi<br />
finirent qu'au retour de Sainte H E'L E'N E, Mère du Grand CON^<br />
STANiTN, en revenant de Jérufalem y où cHe ôtoit allée, tant,<br />
pour vifîter les Saints Lieux', quejE'stfs-CnRiST avoît fond*fiés,<br />
par fà Vie^miracukufe, & par fe Mort gforknfè;
.5^ HISTOI R E G E' N E' R A L E<br />
«^, & Egypte, pour revenir dans leur Pays natal, où îls amené-'<br />
rent plufîeurs autres Familles, des-Pays qu'ils abandonnoîent avec<br />
plaifir ;& ce fut alors, que l'Ik de CHYPRE commença àfe repeupler.<br />
Ste. H E'L E'N E ks reçut tous avecbeaucoup de bonté, & leur donna<br />
la liberté d'occuper les endroits de flk, qu'ils jugeoient kur<br />
convenir le mieux. La renommée de ces bons traitemens enga-^<br />
gea quantité de perfonnes des Pays d'alentour, à venir jouïr des mêmes<br />
avantages, dans l'e^érance d'améliorer leur fortune : de<br />
forte qu'en peu d'années, les Villes, Bourgs, &Villages,fe trouvèrent<br />
nourfeulement repeuplés, maîs encore la plupart des campagnes<br />
cultivées, &remifes en bon état.<br />
. La Sainte Princeffe, fatisfaite de cet heureux fucçès, redoubk<br />
fa pieufe reconnoiffance, pour conferver la mémoire d'un fî grand<br />
Miracle. Après avoir fait acJiever la petite Eglife, près de l'embouchure<br />
de la Rivière, où elle avoit abordé, Se qui depuis fut<br />
wppellée Baltleopothamos y ou Fleuve Roïal y elle en fit encore bâtir<br />
une autre, avec un Couvent, fur le fommet d'une Alontagnç, où<br />
quelques vieux Chypriots lui avoient fait entendre, qu'habitoient<br />
de malins Efprits. Afin de leur faire perdre l'idée de leur fuperfîitîon,elle<br />
habita dans ce même Monaftère, tout k refte du, tems<br />
qu'elle. s'arrêta en CHYPRE., Ge Couvent, & la Mon)Lagne, ont<br />
^puis porté, &; portent encore aujourd'hui le nom de Sainte-<br />
Croix. Elle fonda auffi d'autres Eglffes, en divers endroits de<br />
fjle, qu'elle enriclait toutes de quelque petite partie delà vraie<br />
Croix. Ces Eglifes y ont toujours été confervées, & l'on y révère<br />
encore aujourd'hui la Croix, malgré tous les divers change-<br />
Départ/fe mens quî foEtt arrîvés'. Se l'invafion des TurcSy qui s'enfont ren-<br />
5«.Hélène ^us maîtres. ,<br />
Chypre. . Enfin, après avoîr recommandé à ces nouveaux Peuples la charité,<br />
f union. Se la vigilance,pour fe garantir de l'învaiîon des Pirates,<br />
& l'holpitalité envers les Etrangers, qui, à leur exemple,<br />
;^ ; /-viendroknt s^y établir; & afinqu!ilspartiçipaffent aux biens&,aux.<br />
« v?^.-coinmodité3 que la-Providence ie^i: avoit.accordés, elle s'eéibar-"<br />
qua:<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE LULE DE CHYPRE.' Lrv. ÏI. :CH. II. ^^<br />
qu'a pour Cor^antinêpky Se ks affura, que l'Empereur fon Fils<br />
ne manqueroit pas de kur envoïer un de fes principaux Officiers,<br />
avec de bonnes Troupes,pour les gouverner, ôclesproti^er,com-,<br />
me fes autres Sujets.<br />
. On dit, que cette Impératrice, en traverfant le Golfe de Sattalie<br />
y y effuïa une fî terrible Tempête, que fon Vaiffeau j^ît<br />
prêt à périr; mais, qu'elle s'avifa de jetter dans la Mer un des Clous<br />
de laPaffiOn de J. CHRIST, dans la ferme c§)érance d'appaifer ce furieux<br />
Elément, par la vertu d'un facrifice fî précieux ; ce qui ne<br />
manqua pas de produire un Miracle auffi efficace, que celui qu^elk<br />
avoit éprouvé en CHYPRE. On remarque, qu'à fon arrivée à<br />
Conflantinople y elle fit préfent des deux autres Clous à f Empereur<br />
fon Fils, qui en fit placer un dans fon Casque, Se fit emploïer<br />
l'autre à faire un mors au Cheval qu'il montoit ordinairement;<br />
çe qui accomplit la Prophétie de ZACHARIE, qui dit ; Erit quod<br />
infrœno eflfanflum Bominafalulari.<br />
.'•<br />
CONSTANTIN , qui honoroit infiniment fà Mère, fut ravi du fiiccès ^'**^^* ^^•<br />
de fon Voïage, & de FEtabliffemment miraculeux qu'elle avoit fait, coiocer,<br />
dans l'Ile de CHYPRE: &, comme il connoifïoit l'iiabileté dèCoLO- ^ ^<br />
ÇER, Intendant de fes Chameaux, homme de baffe extradion à himvdié^pàf<br />
Conftan*<br />
vérité, mais fort capable de gouverner, il le nomma, felon Zo- tin.<br />
ziME, Duc de cette Ile, pour rétablir un Pays qui pouvoit bientôt<br />
devenir auffi floriflant, qu'il favoit été autrefois. Ge nouveau<br />
Gouverneur, qui étoit homme de,courage, perfoadé, qu'il fàlloit<br />
avoir de bonnes Troupes, pour garantir le Pays de l'invafion des<br />
Corfàires, &pour contenir un Peuple nouveau, compofe de difjÊérentes<br />
Nations, la plupart B,arbares, Se qui augmentoit tous<br />
les jours,, enrolla promtement un grand nombre d Albanois y dEpirotes<br />
y Se de Macédoniens y dont il compofà des Compagnies,<br />
qu'ifdiftribua dans les Cantons de file les plus eScpofés à k defcente<br />
des Pirates. Il affigna à ces Troupes des terres, pour leur entretien;<br />
Reforma, peu de tems après, une efpèce de Confeil, pt)ur<br />
idminiftrer la Juftice. Il impofa quelques droits fur le Peuple, tant<br />
^ • - ' G 3 . - . pour<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^4^ H I S T O I R E G E' N E' «.À^ L E.<br />
pour f entretkn de fa Maffon, ^e pourfubvenir aux autres dépenfes<br />
de l'Etat : & difUngua même les plus apparens, en leur accordant<br />
de^ Titres de Nobleffe.<br />
Cependant, comme les Bêtes venimeufes, & prùicipalement<br />
ks ^^pics, faffoient de grands ravages dans ks campagnes,<br />
& même parmi les Habitans; & qu'on avoit reconnu, que<br />
les Chats étoient ennemis mortels de ces Serpens, il accorda aux<br />
Religieux de Saint BASILE, qui étoient venus s'y établir, quantité<br />
de terres aux environs du Mont OUmpe y où ils ont encore<br />
aujourdMiui phifîeurs Monaftères, auffi bien qu'à une autre Maifon,<br />
qu'ils fondèrent finr le Promontoke w^^ro^f, qu'on nomme<br />
Chats M- ^iicore aujourdhui le Cap des Chats. Il leur fit cette ceffion, à la<br />
tretenus, charge que ks UHS, & ks autres, entretiendroiait un certain nombre<br />
^jpk!isuj^' de Œats, pour détruire ces Animaux venîmeuK.<br />
*j *?»• CALOCER fit, dansk foite, plufîeurs autres R^kmens, égakment<br />
avantageux & pour lui, & pour les Peuples; maîs la profpérité.<br />
Se la douceur du Gouvernement f aveuglèrent bientôt. Il<br />
donna dans deux excès, dont Pun lui fut auffi funefte, que l'autre<br />
devint înfoportabk aux Chypriots, En effet „ non content des<br />
taîlks qu'il en exigeoit, il ajouta à ces impots un droit de Capitationi<br />
Se foula teflement les peuples de la campagne, qu'il les rendit<br />
entièremerif efclaves ; mauvais exempk, qui a été fiiivi par fès<br />
Gwuetnf*- Sueceffeurs. Outre cette tirannie, il eut encore l'audace de s'ériment<br />
de ger CH Roî: CC quî oblîgea l'Empereur CoNSTANT^iN, pour punir<br />
^iférige ce RébeEe de fà téméraire entreprife, denvoïer une Armée en<br />
en M. CHTPRE, fôus k éommandcment deDALMATius, fon Frère, l'an<br />
304, comme nous l'aprend THE'OPHANES. Malgré les nouvelles<br />
Pttnftw»de Troupes que cet Uforpateur avoit levées, il fut vaincu, fait pritemaie.<br />
fonnier, écorché, & brillé vff, dans k Ville de Tharce y en<br />
Cicilie.<br />
Ceux qui gouvernèrent l'Ile de CHYPRE , après GÀLOCER, fbîvkent<br />
fon exemi^e, à fégard des impôts qu'il avoît établis, Se de<br />
fefidavage des peuples de k campagne; ils vendoient même ces<br />
pau-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. Lit. E CH. tt yj<br />
pauvres gens,à ceux qui avoîent eu le moïen de s'ennoblir. Ceuxci<br />
en di^ofoient encore plus durement, que ne feffoient autrefois<br />
les Romains y de leurs propres Efclaves; car k Nobleffe ^J'" ?*-^J*<br />
priotey non contente de fe vendre fun à l'antre ces Payiuî8,qu'ih vtfndus par<br />
nommoient Pariques, fes troquoient encore pour des Clievanx,^*'^*''^''^*'<br />
des Faucons, ou d'autres Bêtes. Il eft vraî, que,- dans la fuite<br />
des tems, plufîeurs de ces miférables s'affranchirent, foit par l'humanité<br />
de leurs maîtres, foit en donnant quelque argent, qu'ils<br />
avoient eu f induftrie de s'épargner; après quoi, on les appelloit<br />
FrancomateSy ou EleftèreSy c^eft-à-dire. Libres,<br />
Comme tous ces Peuples y quoique Chrétiens y étoient de différentes<br />
Religions, Ck^ecSy Arméniens y Coptes y Jacobites y Nèftoriens<br />
y Géorgiens y Se Maronites, chaque Seéte avoit eu la permiffion<br />
de fe faire des Temples, des Evêques, & de fe choifîr<br />
des Prêtres, felon leur rite. G'èft: pourquoi, lorfque Gui de LU<br />
ZIGNAN devint Souverain dé l'Ile, il y trouva autant dE\^ues,<br />
qu'il y a de Cantons, qui la divifent. Il y avoit un Archevêque Un Ar^<br />
à Salamine y ou Confiance, depuis nommée Famagoufle \ des Eve- x^Eviques<br />
à Carpaghy à Chiti, à Nicofie, à Chitrie, à Lapathos y à JJ^J;/^:<br />
Soli, à Tremitos y à Amatbunte y à Curias, à Paphos y à ArfeSypar Gui<br />
a Limifol: Ce Prince ks réduifit à quatre ; Se les foumit tous à nuu^^^*<br />
Pobé'ifTance de f Eglffe Romaine, Ileut pourtant des égards pour<br />
les Maronites y qui, comme nous l'avons raporté, avoient déjà<br />
fait "leur foumiffion au Patriarche d Antioche,<br />
Qn ne trouve point les noms des Ducs, qui ont gouverné l'Ile '^"îiiK<br />
de CHYPRE , après CA-LOCER : cette Ile étoit alors Province de<br />
PEmpire Gw; & pour cette raifon, elk jouît dune entière tranquilité,<br />
pendant plus de trois Sièdes. Les Habitans s'en étoient<br />
extrêmement*multipliés, & les grandes Richeffes qu'ils avoient<br />
acquifes, par le moien du Commerce étranger. Se de la fertilité<br />
du Pays, les faifoient vivre dans les plaifîrs. Se dans l'opulence,<br />
fans que les Gouverneurs, ou les Nobles, fe miffent eh peine<br />
déxercer- ks Peuples au manîment des Armes, latisfaits de ks<br />
tenir-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
{4 H 1 S^ Ti Q I RE G E; .N E' R A :L. %<br />
tenir dans l'obéïffance, •& dans la durefervitude, dont nous ve^<br />
nons de parler. : , )<br />
L'Empire étoit d'ailleurs autant divifé. Se affoibli, que ks Sarrafins<br />
js^étoient rendus puiffans. Se redoutables. Auffi, fous<br />
le Califat (JOTHMAN, OU OMAN, quatrième, ^uccceffeur de<br />
MAHOME']^ les Chypriots y pris au dépourvu, fe trouvèrent entièrement<br />
hors d'état de s'oppofer à f invafion des Sarrafins.<br />
Defcente de: MoAViE, Grand Amiral dEgypte, Se Commandant de laFlot-<br />
G^AM?^- ^^ d'OTHMAN, aborda en CHYPRE, felpn MARMAL, & d'HERBEmirai<br />
d'E- LOT, l'année 64.9. avec une Armée de 700. voiles, s'empara d^<br />
fjf^%'^^^h Vaie de Salamine, Se de tous fes environs, qu'il ravagea en-<br />
Chypre, tièrement. lien auroit fait autant à toute fUe, fens l'avis qu'il<br />
reçut, quek Flotte de l'Empereur CONSTANT, commandée par<br />
^ GARCOSIR, Gentilhomme de fa Chambre, s'avançoit pour le com^<br />
batre. A cette nouvelle , la crainte qu'il eut d'être furpris fit,<br />
qu'il remonta promtement fer fes Vaiffeaux avec fes Troupes, &<br />
fe mit en pleine Mer, pour y attendre les Ennemis. Lesdeu^<br />
Armées fe rencontrèrent, fur les Côtes de Pbénicie y où elles ne<br />
^« . , tardèrent pas à en venir aux mains. Celle des Grecs fut défaite;<br />
ViStoire de *• ^ ^ ^<br />
r'Amiral, quelqucs-uns prétendent mçme, que l'Empereur CONSTAN'^;*<br />
%Lr ^' y étoit en perfonne; mais qu'il trouva le moïen de fe fauver, à la<br />
Conftant. faveur d'un habit avec lequel il s'étoit dégiiifé.Api^ès cette Vidoif<br />
re, le Génçral Sarrafin s'en retourna triomphant, Sç chaîné de<br />
butin en Egypte y où il étala pompeufement les dépouilles des Chyr"<br />
z, • priots, comme autant de Trophées.<br />
La Vidoire.de Mo A VIE avoit été trop complette. Se h facilîeç<br />
qu'il avoit trouvée à s'emparer de Salamine trop grande, pour<br />
qu'il en demeurât en fi beau chemhi. Il travailla donc, pendanÇ<br />
fHiver, à réparer fa Flotte,& fe remit en Mer, au commencement<br />
du Printems. Comme il ne trouva aucun obftacle à fon Entrcy<br />
fmSj'^ prifoj il ravagea toute file, & emmena une fî grande quantité<br />
e^ciave^s^en d'Habîtaus en efclavage, qu'il laiffa ce Pays presqu'entièrement<br />
4éfert. Les Révolutions, qui arrivèrent alors en Egyptfy !& qui<br />
; fobU-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. Liv. II. CH II. ^7<br />
l'obligèrent à y repaffer promtement, arrêtèrent la fureur de<br />
ce Barbare, qui ne s'étoît pas moins propde, que de détruire<br />
entièrement toutes les Côtes de f Empire Grec, Il fut obligé<br />
de conclure ime Trêve avec f Empereur CONSTANT, par laquel- Tribut (mi<br />
k ce Monarque s'engagea à lui payer dix Bezans d'or, par jour, ?Eg/p?/,<br />
avec un Efclave, & un bon Cheval. pari'Emie-<br />
Ce Traité fut bien obfervé, pendant le Règne de fEmpe- ftant.<br />
reur CONSTANT, & celui de CONSTANTIN PAGONAT, fon Succeffeur.<br />
L'Empereur JUSTINIEN , furnommé Nez-coupé, le renouvella,<br />
l'an 700. avec ABDEL MÂLE H, autre Amiral, qui<br />
avoît fuccédé à MOAVIE; mais, ce ne fut qu'en augmentant le<br />
Tribut, qu'il payoit au Calife. Les affaires de l'Empire fe<br />
trouvoient alors en fî mauvais état, que, pour fubvenir à acquiter<br />
ce Tribut, l'Empereur fut contrahit de céder aux Sarrafins<br />
y les revenus des Provinces dlbérie , d Arménie y Se de<br />
l'Ile de CHYPRE , dont les malheureux Habitans, qui avoient ^^^ '^^<br />
eu le bonheur d'éviter fefclavage, quarante ans aupara- céiefllx<br />
vanc, commençoient à peine à fe remettre de tant de défola- \^J^^<br />
tions. Le Pays n'étoit pas encore repeuplé, lorsque JE'RIT,<br />
autre Amiral dEgypte y attiré par l'appas des Richeffes, fuivit<br />
fexempk de fes Prédéceffeurs. Sous le faux prétexte , que<br />
les Chypriots vouloient fe révolter, il vint aborder dans leur<br />
Pays, fan 744.. où il ravagea, &'pilla tout. Il y exerça des<br />
cruautés inouïes, fans que l'Empereur LE'ON, qui regnoit alors. Cruauté ie<br />
fut en état de s'y oppofer : ce qui fait dire judicieufement à un 5^,>^"*'^^<br />
Auteur, que les Peuples de CHYPRE n'étoient deftinés qu'à a- Egyptien.<br />
maffer des Richeffes, pour affouvir l'avidité des Sarrafins y Se kchygnotA,<br />
retomber de défoktion en défoktion, fans que tous leurs malheurs<br />
, ou les fréquens changemens qui arrivèrent pendant tous<br />
ces tems-là, & dans l'Empire, & parmi les Sarrafins y fuffent<br />
capables de leur faire ouvrir les yeux, pour clianger leur pitoïable<br />
fort.<br />
En effet, ils ne furent pas moins malheureux fous ks Règnes<br />
H de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
58 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />
de f Impératrice I R E'N E , & de l'Empereur N i c E'P H o R E Premier,<br />
qu'ils l'avoient été du tems de CONSTANT, de JUSTINIEN, &<br />
Chypre* de LE'ON. Cet infortunéPays étoit fîfort àla bienféance des Efaccagée,^^gypfj^j2^^<br />
qu'Us fe faifoient un divertiffement de le ruiner, tou-.<br />
Ei-Ra- tes les fois qu'il*leur en prenoit envie; AARON-EL-RASCHID,<br />
^stcdiife leur cinquième Calife, prétexta à fon tour, qu'il n'étoit pas<br />
WEgypte. payé affez ponduellement du Tribut de l'Empire ; & envoïa,<br />
l'an SOI. une Flotte en CHYPRE, pour décharger fa colère<br />
fur ces mfférables Peuples. Les Barbares ravagèrent<br />
tout le Pays, brûlèrent, violèrent, & faccagèrent tout ce qui<br />
fe préfèntoit devant eux; de forte que ces inhumains achevèrent<br />
de détruire tout ce qu'ils ne purent emporter, 5c conduifirent un<br />
grand nombre de Peuples enefcla\^ge. Ils n'y laifferent que ceux<br />
qui leur parurent lesplus propres à la culture des terres, & qui<br />
ne travaillôient pas pour eux-mêmes, mais pour ces Barbares,<br />
qui confervèrent encore quinze ans k poffeffion du Pays.<br />
C H A P I T R E IIL<br />
Articlei ^T^ant de mépris, & tant de cmautés réveillèrent enfin fEm-<br />
X pereur N i c E'P H o R E , furnommé PHOCAS. Il y avoit<br />
Chypre loug-tcms, quc fe Trôuc de Conflantinople n'avoît été rempli<br />
fÊmiur^'' par un Prince, qui fût auffi capable que lui, de réprimer fauda-<br />
Nicépho- ce des Sarrafins. Il les bâtit à pfatte couture, Se leur enleva<br />
^^* toutes les Places qu'ils avoient ufurpées fur f Empire, tant en<br />
Syrie, Se en Cilicie y que dans l'Ile de CHYPRE. Ce qui arriva,<br />
felon GE'DRENE , vers l'an 970. & procura du repos aux<br />
Peuples de cette Ile, jufque vers la fin du onzième Siècle, fous<br />
le Règne de l'Empereur EMANUEL GOMNE'NE, celui qui<br />
caufa tant de maux aux Chrétiens Croifés, qui paffoient fur fes<br />
E'tats, pour alkr au ftcours de la Terte Sainte,<br />
Mais,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. II. CH. III. 5^9<br />
Mais, par une fatalité attachée à l'Ile de CHYPRE, EMANUEL<br />
lui-même donna lieu, par fon ingratitude, aune nouvelle défoktion<br />
du Pays, de la manière que je m'en vais le dire. THO-<br />
Ros, Prince d Arménie, profitant de la foibleffe des Empereurs<br />
Grecs , s'en faifoit redouter , & s'étoit propofe d'envahir les<br />
Provinces qui confinoient à fes Etats. Son armée étoit florif^<br />
faute ; Se il défoloit Vx Cilicie y fans que l'Empereur, quoique<br />
vaillant, fût alors en état ,de s'opofer à fes Entreprifes. Cepen*<br />
dant, EMANUEL, craignant de plus grands ravages, eut recours<br />
à RAYNAUD de CHATILLON , Gentilhomme François, devenu<br />
Prince d Antioche, par fon Mariage avec CONSI^ANCE , Veuve<br />
de RAYNAUD de POITIERS , à kquefle cette Principauté appartenoit.<br />
11 le pria de vouloir emploïer fes forces, pour repouffer<br />
les attentats d'un Ennemi fi dangereux ; Se faffura en même<br />
tems, qu'outre la reconnoiffance qu'il en conferveroit, il le récompenferoit<br />
encore, d'une manière proportionnée au fervice fignalé,<br />
qu'il luî rendroit, dans une occafion fi preffante.<br />
Le Prince RAYNAUD , qui aimoit la gloire, non moins jaloux<br />
que f Empereur des profpérités de V Arménien y dont les Etats<br />
confinoient à ceux d!Antioche y ravi de trouver une conjondure<br />
fî favorable à fon grand cœur, & perfuadé que, fi le foccès de<br />
fes Armes ne répondoit pas à fon attente, f Empereur ne manqueroit<br />
pas de lui fournir des Troupes, pour foutenk leurs intérêts<br />
communs; Se que, s'il réùffiffoit dans fon Entreprffe, il en<br />
feroit largement récompenfe; ce Prince, dis-je, profitant des<br />
offres de ce Monarque, fe mît en campagne, avec toutes fe^<br />
firces. Se attaqua V Arménien y qu'il bâtit en plufîeurs rencontres;<br />
Se le contraignit enfin, à demander la paix à l'Empereur.<br />
Mais EMANUEL , natureflement ingrat, Se grand ennemi des<br />
Latins y fans fe mettre en peine de fatisfake à fa parole, irrita<br />
teflement le Prince RAYNAUD , homme vif, & entreprenant, qu'il<br />
attira contre lui les mêmes forces, que RAYNAUD de GHATILliON<br />
avoit emploïées à k défenfe de f Empire. Ge fut ainfi, qu'il<br />
H 2 fut<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6o H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
fut puni lui-même de fa mauvaffe foi. Ge Prince François paffa<br />
en CHYPRE, fan 1160. Se ravagea toute l'Ile, détruifît Vifles,<br />
Bourgs, Châteaux, Eglffes , Se Monaftères , tant d'hommes,<br />
que de femmes ; & à fon exemple, fes foldats. commirent de<br />
w/ch"tu- cr^^^tés exécrables. Ils emportèrent même jufqu'aux Vafes felon<br />
ravage crés. Se les Ornemens des Eglifes, fans aucune réfîftance, de<br />
^^^^' la part des Chypriots, toujours auffi efféminés qu'ils favoient<br />
été auparavant. Auffi, Saint ANTONIN , & GUILLAUME de<br />
TYR raportént, que les maux, que ce Prince Chrétien fit, dans<br />
nie de CHYPRE , jje furent pas moins grands, ni moins cruels,<br />
que l'avoient été toutes les Invafions des Infidèles ; fi ce n'eft<br />
qu'fl n'emmena aucun prifonnier, craignant peut-être, que la<br />
perfidie Grèque ne s'introduisît dans fes Etats.<br />
L'état déplorable, où la vangeance de ce Prince laiffa ces<br />
Peuples infortunés nQ termma pas leurs miferes. L'Empereur,<br />
avoit alors tant d'autres affaires fur les bras, qu'il lui étoit impoffible<br />
de leur procurer aucun foulagement Tout ce qu'il<br />
crut pouvoir faire de mieux, fut de donner le Gouvernement de<br />
Ifaac Gom- flk à UU Prince fage, vaillant, & fidèle. Ilôhoifit, pour cet<br />
iSiTvf"*" ^ff^t, dans fa propre Famifle, ISAAC COMNÈNE, qui arriva<br />
r Empereur Q^ CHYPRE fannée fuivante, affez bien accompaerné ; mais àaumême<br />
. .. i T» i i- i-> ^ ^ '<br />
nom,s'em- peine eut-il reconnu le Pays, quau lieu d y gouverner pour ce-<br />
Swra!- 1^^ ^"^ ^'y avoit envoïé, il s'en appropria la Souveraineté, avec<br />
neté de tant de hauteur, qu'fl réduifit laNobleffe, les Bourgeois, Se<br />
^^^^' les Pariguesk une égale condition ; deforte que, foutenu des<br />
Troupes qu'il y avoit conduites, Se des autres qu'il avoît levées<br />
, fl s'affermit fî bien dans fon ùfurpation, qu'fl fut impoiibk<br />
à EMANUEL, fon Oncle, à ANDRONIC, Se à ISAAC LANGE,<br />
qui lui fuccédèrent, de réduire ce Tiran à fon devoir. Succès<br />
bien diférent de celui de tous les autres, qui avoient entrepris<br />
de fe rendre maîtres^ de file, & qui y avoient réuffi, avec tant<br />
de facflité.<br />
Le Rébeflç ISAAC étoit fi fort fur fes gardes, Se fi attentif à<br />
fe<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. U. CH. m. 6i<br />
fe conferver la Souveraineté, qu'fl engagea à l'affifter BE'REN-<br />
GER MARGARIT, Gentflhomme Catalan y Se qui commandoit<br />
4.0. Galères, que GUILLAUME , Roi de Sicile, avoit envoïées,<br />
fous fes ordres, a^ fecours des Chrétiens de la Palefline. BE'-<br />
RENGER fe trouvoit alors de retour dc la Terre-Sainte y Se avoit<br />
mouiflé dans le Port dAmathunte, où ISAAC faffoit fà réfidence ; deforte<br />
que le Commandant de Sicile, pour le Roi, défit entièrement<br />
une Flotte de 70. Voiles, que l'Empereur ISAAC LANGE<br />
y envoïoit, fous le commandement du Comte de SAINT ETIEN<br />
NE, dans l'efpérance qu'une fî forte Armée, &fî bien pourvue,<br />
viendroit facilement à bout de détruire ce Rébelle ; comme il<br />
feroît peut - être arrivé, fî la Flotte Impériale, n'avoit pas eu<br />
le malheur d'effuïer une Bourasque fî terrible, que la plupart des<br />
Vaiffeaux en furent fracaffés, & les gens de l'Equipage fî harraffés.<br />
Se fî épouvantés, qu'ils furent tous taiflés en pièces, ou faits prifonniers.<br />
Ainfî, tous les Vaiffeaux devinrent k proie du Vainqueur,<br />
GOMNE'NE, qui joignoît la cruauté à k Tirannie, eut l'inhu- Sa cruauté,<br />
manité de faire couper la tête à tous les Officiers qui furent pris, Q^,"^'<br />
ciers<br />
fans même épargner B A s i L E^ de R E'C A T E , qui avoit été fon P^/^ hniers.<br />
Gouverneur. Cependant, comme tant de Vaiffeaux, & tant de<br />
Prifonniers f embarrafioient, Se qu'fl vouloit d'aifleurs reconnoître le<br />
fervice que MARGARIT lui avoit rendu, fl lui céda les uns Se les<br />
autres, pour fort peu de chofe, Se lui fournit des Provifîons en<br />
abondance. Ge renfort augmenta confîdérablement la Flotte<br />
de MARGARIT , qui courut pendant le refte de la Campagne,<br />
les Côtes de la Grèce y où fl fit plufîeurs riches Prifes, avec un<br />
butin ineftimabk. Se s'en retourna triomphant en Sicile y où,<br />
félon BOSIO, le Roi approuva toutes fes entreprifes. Se le re^<br />
çut avec de grandes marques d'eftime.<br />
Mais, fî ce Tiran ISAAC fut affez heureux, pour fe défaire des<br />
Armées des Empereurs Grecs y toutes les fois qu'ils entreprirent<br />
de k foumettre , d'un autre côté, fa brutahté, Se fon avarice<br />
loi attirèrent bientôt fur ks bras un Ennemi, contre lequel fl<br />
H 3 n'eut<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
(52 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />
n'eut pas le même bonheur, &qui n'eut pas pour luî plus de compaffion<br />
, qu'fl n'avoit eu lui-même d'humanité pour ceux, qui avoient<br />
eu le malheur de tomber en fon pouvoir.<br />
Cet Ennemi fut RICHARD, Roi d Angleterre y^urnommé Cœur de<br />
Lion y qui étoît parti de Meffine y pour aller fecourir les Chrétiens y<br />
qui affiêgeoient la Vflle de Ptolomaïde. La Flotte de ce Prince fut<br />
furprife, pendant fe route, d'une Tempête fî furieufe, qu'elle en fut<br />
difperfée, & confîdérablement endommagée. Deux de fes Galères,<br />
&un Vaiffeau, eurent le malheur d'échouer fur les Côtes Méridionales<br />
de flk de CHYPRE, pendant qu'avec le gros de fon Armée,<br />
il avoit eu le bonheur d'atraper le Port de Rhodes y où fl ne tarda<br />
pas d'être informé de ce Naufrage, & du mauvais traitement que<br />
fes gens avoient reçu d'ISAAC. Non content de leur avoir fait enlever<br />
tout ce qu'ils avoient pu fauver de leur disgrâce, fl eut encore<br />
l'inhumanité de les priver de la hberté, & les fit enfermer<br />
dans des Cachots. Outre cela, fl eut encore la barbarie de refufer<br />
feutrée dans fon port à un autre Vaiffeau, fur lequel étoit embarquée<br />
la Reine JEANNE, Sœur de ce Prince, & Femme de feu<br />
GUILLAUME le bon yRoi de Sicile y aveck Princeffe de Navarre y fa<br />
Fiancée. * - ^<br />
Auffi, RICHARD fut fi outré de ces violences, Se de cet infigne<br />
afront, qu'fl partit de Rhodes, dès que îa Flotte fut réparée,<br />
pour en threr raifon. Il s'y trouva d'autant plus porté, que ce<br />
perfide Grec, bien loin de modérer fa brutalité , à f afped d'une<br />
Flotte capable de f extermùier, pouffa encore fon audace jufqu'à<br />
répondre aux Officiers que le Roî d Angleterre lm envoïa, pour<br />
k faire revenir de fes emportemens, & de fon mauvais procédé,<br />
qu'fl ne traiteroît pas mieux leur Maître p s'fl s'avifoit de mettre<br />
Defcente de pié à terre. Ge progrès de fon infoknce redoubla f indignation de<br />
CœSrlê RICHARD à un tel point, qu'fl ordonna fur k champ à fes Troupes<br />
Ch°"re% "^^ ^^^cente générak, fe mit à leur tête, Se combatit avec tant<br />
puSnde àe fureur. Se de rage, que, malgré k forte réfiftance des.Qrecsy<br />
Çomàw. qui vouloient empêcher fon débarquement, 6c la quantité de braves<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. Liv.II. CH.III. 6$<br />
ves foldats qu'fls lui tuèrent, fl les força, ks mit en déroute,<br />
& les pourfuivit l'épée dans ks reins, jufqu'aux portes de la Vflle;<br />
de manière qu'ls A AC, effrayé du mauvais fuceès de ce commencement,<br />
fe retira d'abord aux Montagnes, dans la crainte, que '<br />
fes Sujets, qu'il avok fî fort maltraités, ne k fivraffent au Vainqueur.<br />
En effet, ces Peuples, fatigués de faTirannk, firent de û foibles<br />
efforts pour fe défendre, que RICHARD fe rendit en peu de<br />
jours maître d'une Vflle, qui auroit dû lui réfifter plus longtems.<br />
Il f abandonna au pfllage de fes Troupes, & la fit ruiner<br />
de fond en comble, fans^que depms elle ait été rebâtie. Cependant,<br />
comme il ne refpiroit qu'après la prife de l'Ennemi, qui favoit<br />
fî cruellement offenfé, fl le pourfuivit à toute outrance, jusqu'au<br />
Bourg Chilani, fitué au pié du Mont Olimpe , où il aprit<br />
qu'fl s'étoit fauve. Chragrinde nef y avoir pas trouvé, fl fit rafer<br />
ce Bourg, avec tous les Vfllages d'alentour ; après quoi, pourfuivant<br />
toujours fon Ennemi, fl le joignit enfin à Trémitbos. Ge<br />
fut-là, qu'IsAAC,contraint de fubir le joug de fon Vainqueur, fe repentit,<br />
mais trop tard, de s'être attiré un Ennemi fi puiffant, Se fî redoutable,<br />
dont fl auroit pu fè faire un ferme apui, s'fl eaavoit agi avec lui,<br />
&avec les fiens,félon le Droit des gens,& le refped que chacun<br />
doit aux Têtes couronnées. Il y a apparence, que ce malheureux<br />
n'étoit propre qu'à amaffer des Tréfors, en tirannifant fes Sujets.<br />
S'il avoit eu la précaution de s'embarquer, lors qu'fl s'en vit abandonné,<br />
il auroit pu paffer en Egypte , où fl auroit jouï tranquifle-<br />
ment des Richeffes qu'il pouvoit emporter.<br />
RICHARD ne borna pas fa vangeance à la deftrudion des meil- Comnène<br />
leurs Endroits de l'Ile, fl fit encore charger fon Prifonnier de chai- ^î"'^^ *^*<br />
A l , 1 / • • cbaines,<br />
nes, qui, pour être d or, n en étoient pas moins pefantes. Il<br />
acheva la Conquête de tout le Pays ; &, pour couronner fon Triomphe<br />
, &. k défoktion de fon Prifonnier , îl s'aflura de toutes les<br />
Places fortes, y mit de bonnes Garnifons, & célébra, avec pompe<br />
, fon Mariage avec la Princeffe B E'R E N G E'R E , qu'il fit en même<br />
tems<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
64- H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
L'He de tcms'couroHuer Reine dAngleterrey Se de CHYPRE. Afin d'au-<br />
MgéJen gmenter k gloire de fa Conquête, la grandeur Se k magnificence<br />
Roiaume, ^Q fon Mariage, fl érigea cette Ile en Roïaume, au lieu que les<br />
l'Angle-^ Empereurs Grecs ne favoient érigé qu'en Duché. Ge fut auffi,<br />
'"'^* à f occafîon de fes Noces, & du Couronnement de fon Epoufe,<br />
que la Meffe Latine y fut célébrée, pour la première fois, parce<br />
qu'fl n'y avoit eu jufqu'alors aucun Habitant de cette Communion.<br />
Enfin, ce Prince, après avoir donné les ordres néceffaires, pour<br />
k confervation de fa Conquête, Se fait augmenter les provifions<br />
de fa Flotte, fe rembarqua, pour aller accomplir fon Vœu, Se la<br />
gcff-Roicfj promeffe qu'fl avoit faite à PHILIPPE AUGUSTE, Roi de France y<br />
^^^^' qui s'étoit déjà rendu devant Ptolomaïde, Il donna la Vice-Roïauté<br />
de CHYPRE à ROBERT TRUHAN, Sénéchal d Anjou-, Se lui laiffa<br />
un nombre foffifant dc fes Troupes, pour y maintenir le bon ordre,<br />
& les Règlemens qu'fl y avoit faits. Il prit avec lui IsAAt,<br />
fe Femme, & une Fille unique, qu'fl menoit en captivité,tant pour<br />
continuer à mortifier cet orgueilleux, que pour fe vanger, en quelque<br />
manière, de la perfidie,^ avec laquelle les Empereurs de Con-<br />
Jiantinople (de la Familk defquels étoit ISAAC,) avoîent traité<br />
les Croifés Latins, en traverfent leurs Etats.<br />
Gefut dans ce pompeux Equipage, que RICHARD, comblé de<br />
gloire, & de biens, zrriva. k Ptolomaïde. Les Privfléges, queles<br />
Chypriots avoîent rachetés de lui, au prix de la moitié de leurs<br />
Effets, lui avoient produit des fommes fort confidérables. Cependant,<br />
pour ne point fouffrir la vue de. fon miférable Captif, il<br />
l'envoïa Prffonnier à Tripoli, Se donna fa Fille à la Reine JEAN<br />
NE, fa Sœur, qui la garda toujours avec elle. Se lui fit rendre<br />
tous les honneurs dûs à fe naiffance. Voilà comment l'Ile de CHY<br />
PRE paffa fobitement fous la Domination Angloife, après avoîr<br />
été poffédée, plus de huit Siècles, par ks Empereurs d Orient.<br />
Article IL '^^^ d'Ecrivains ont parlé de la fertflité, & de la beauté de<br />
l'Ile CHYPRE , quoîqu'avec peu d'exaditjude, que, fens la réfolution,<br />
que j'ai prffe d'en donner unèHflloire générale. Se la mieux<br />
fuivie<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L^ILE DE CHYPRE. LIV. II. CH.III. 6{<br />
foivie qu'fl me fera poffibk, je me difpenfèroîs de répéter ce qu'fls<br />
ont déjà dit, fur ce fujet. Cependant, par raport à mon Syftême,<br />
& à la connoiffance particulière que j'ai de fes produdions,<br />
Se des changemens qui y font arrivés, j'ai cru ne pouvoir éviter<br />
d'aprendre à mesLedeurs, que ce Pays, quoiqu'égakment abondant<br />
aujourd'hui, a perdu diverfes chofès très-riclies, Se fort curieufes,<br />
qu'on y trouvoit anciennement, ,& en a acquis d'autres, qu'elle<br />
n'avoit point alors.<br />
Les Mines, d'Or, d'Airain, de Fer, d'Etain, de Souffre, de Vitriol,<br />
Se d'Alun, que PTOLOME'E, STRABON, PLINE, GOU-<br />
Tou, & tant d'autres affurent, qu'on y trouvoit autrefois, font<br />
teflement perdues, qu'on ignore même dans quels Endroits efles<br />
étoient; fi ce n'eft cefles d'Or, Se de Vitriol, qu'on fait,par tradition,<br />
avoir été dans le Canton de Krifacou; Se je fuis témoin,<br />
qu'on tiroit encore de ce dernier Minéral,en 1684.<br />
A fégard des Pierres précieufes, que ks mêmes Auteurs, Se<br />
après eux, le Père LUZIGNAN, prétendent auffi y avoir été communes<br />
, on n'en trouve, ni on n'en parle plus. Il ne me paroît<br />
pas même, qu'aucune de ces Mines ait jamais rien produit aux<br />
Princes Z^//«5, qui y ont régné; à l'exception de quelques Criftaux<br />
de roche affez beaux, qui ont été trouvés de mon tems, dans ks<br />
Montagnes attenantes au Cap Cromachiti, Se à celui d Alexandrette,<br />
Il en eft de même du Gorafl rouge, & blanc, qu'fls prétendent,<br />
qu'on pêchoit fur les Côtes dAmathunte, Peut-être<br />
pourroit-on en trouver encore aujourd'hui, fi on étoît affez curieux,<br />
pour en faire la recherche; mais, comme ks gens du Pays,<br />
ni les Etrangers ne s'y apliquent point, on n'en peut rien dire de<br />
pofitif.<br />
La Pierre d'Amiante, dont fls ont auffi tant parlé, s'y trouve p^^^^^<br />
encore, auffi abondamment que dans les anciens tems; mais on *Jj^^^<br />
a malheureufement perdu f ufage de s'en fervir. PLINE prétend,<br />
qu'en la faifant bouflflr dans une leffive, faite avec de f Indigo ,&<br />
k bâtant bien enfuite avec un batok, cette Pierre perd ce qu'efle<br />
I a<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
66 ' H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
a de pierreux, Se devient fî fouple, qu'on peut la filer, & en faire<br />
de la Tofle, qui y étoit fi commune autrefois, qu'on aflure<br />
que les Chypriots s'en fervoient, pour les vofles. de leurs Navires.<br />
Elle ne laiffoit pourtant pas d'être fort eftimée» dans les Pays étrangers,<br />
fur tout des Brachmanesy Se des Romains y qui en faffoient<br />
des facs, pour, enfermer les Gorps morts de leurs Princes, & autres<br />
grands Perfonnages, qu'ils avoient coutume de brûler, afin<br />
d'en recueillir les cendres plus pures. Se fans aucun mélange. Cette<br />
Pierre a la propriété de blanchir dans le feu, fans fe confumer. La<br />
Carrière s'en trouve dans une Montagne, près du Cap Crom^acbi^<br />
tiy qui porte k nom dAkamantide.<br />
Abondance Quant au Sel, dont fabondance produifoit de fî grands revenus<br />
* ^ aux Souverams, qui ont poffédé l'Ile, après les Grecs, le lieu où<br />
fl s'engendre naturellement n'eft point diffèrent, de ce qu'fl peut<br />
avoir été. C'eft" un Lac, fîtué près de la Mer, entre le Bourg de LarnacaySe<br />
celui de Bromolaxa, Ce Lac a près de trois lieues de circonférence.<br />
L'eau de la Mer, 6ç celle des pluies le remplifïent-<br />
& les chaleurs de l'Eté le font congeler. C'eft au Mois de Septembre<br />
, qu'on en tire autant de fel qu'on veut ; & dont la quantité<br />
feroit encore, auffi grande , qu'efle peut jamais'l'aVoir été;<br />
mais, comme on n'en charge plus pour VEurope, Se que ks<br />
Fermkrs favent la quantité qu'ils en peuvent emploïer, foit pour<br />
l'ufege du Pays, ou pour le tranfport qui s'en fait aux Côtes voifî-nes,<br />
:fls fe contentent d'en faire k provifîon nécefkire, Se. négli*<br />
_gént;k refte.b ç<br />
Il n'en eft pas de même des beaux Camelots, qu'on y travafl^<br />
Ioit avec du poil de Chèvre,;& qui étoient fî fort eftimés au Lc"<br />
vanfySe en Europe: il y a très-long-tems qu'on n'y connoit plus<br />
ces étpÇes, ni la qualité du pofl dont on les fàbrîquoît. On a auffi<br />
VesFim- perdu fufege des Cannes à. Sucre, dont plufkurs campagnes é-<br />
^tL h de toient plantées. On a enfeotencé ces terres avec du Coton, &fon<br />
Mûriers, y ^ planté une quantité prodigieufe de Mûriers, pour nourrir des<br />
Vers .à fok;^produdion dont k Pays, manquoit autrefois. Se<br />
qui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. II. ttt, III. ér<br />
«qui eft incomparableftient plus utfle, que le Sucre.<br />
La quantité de Bkd, d'autres fortes de Grains, Se Légumes j^^^<br />
de toute efpèce, eft toujours la même, qu'elle étoit au tems paffé; '^^^^^^<br />
on y en recueifle ordinairement au de-là de ce qu'fl en faut, pour BUd,qu'anla<br />
nourriture des Habitans; auffi en charge-t-on fouvent plufieurs '^"'"««"*-<br />
Navires, pour les Pays étrangers; de même que des Vins précieux,<br />
& qui font, avec raifon, fî -^ntés par tous les Ecrivains,<br />
qui en parient. SALOMON même a parlé, avec éloge, de la Vigne<br />
de CHYPRE: ces Vins fe confervent un Siècle entier, & acquièrent Levînde<br />
tant de douceur, &de force, qu'fls deviennent un Antidote par- ^"^J^<br />
fait, & naturel. On fait, par tradition , que les anciens.C^j^- M'^v^-<br />
'priots avoient coutume d'en remplir de grandes Jattes, à la Naïf- '^erveun<br />
fence de leurs Enfans, qu'fls entcrroîent ces Vafes, & ne'les ou- ^^^f ""*"<br />
vroient plus, que pour leur Mariage: c'étoit le Vin de la Noce. Comme<br />
les Enfans mouroieht foùvèiit, avant que de parvenir à cet<br />
âge, le Vin demeuroit quelquefois enterré, & couvert, jufqu'à la<br />
troifième, Se quatrième génération, principalement chez les perfprinës<br />
de condition,' qui n'avoient pas befoin de s'en fervir; &<br />
c'eft par-là, qu'on a reconnu y que la vieîlkffe ne faifoit qu'en augmenter<br />
la ^ bonté. .'" ,<br />
^Quoique les Chypriots dm)o\xidhXi n'en enterrent point,précîfement<br />
a fa Naiffance de kurs Enfans, cependant fls n'ont pas perdu<br />
l'ufagé'deii conferver, de k même manière que le pratiquoient<br />
les aricieris: de forte qù'fl s'y en trouve encore, de 30. 40. & )u£quçs<br />
à y.o. ans. J'ai eu f honneur, pendant ma réfidence en ce<br />
Pays-là, d'en .envoïer à divers Souverains de VEurope y foit par<br />
leur ordre, du de mon propre mouvement, pour les en régaler;<br />
& ils jn'ont fait celui de m'en témoigner beaucoup de fatisfàdion.<br />
Il eft vraî, que tout le Vin que produit l'Ile n'eft pas de cette exteUente<br />
qualité ; mais, on peut le regarder, en général, comme l'une<br />
de'fes prûicipaks prodpdions, puifqu'outre là quantité qu'en, achètetit<br />
les Navires étrangers, pour la provifîon de kurs Equipages, k<br />
•' ^ Iî Roïau-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
68 H I S T O I R E' G E' NE' R A LE.<br />
Roïaume dEgypte s'en fournit prefque entièrement, parce que k<br />
Pays n'en produit point du tout.<br />
F^imie^ L'ile de CHYPRE n'eft pas moins fertile en excellente Huile d'Ochypre,<br />
Hvc, Se de Sizame; c'eft ce que nous appeflons graine de Navetengénérai.<br />
^ . j^^^jg ^j g||. certain, que fa fiqueur eft incomparablement<br />
meifleure que celle qui vient d'jEwrd;/»^. Auffi, pour le goût, ks gens<br />
du Pays préfèrent cette Hufle à celle d'Olive- Elle n'eft pas moins<br />
pourvue de bon Miel, & de Cire, que de Laitage, Saffran, Câpres,<br />
Térébenthine, Labdanum, Coloquinte, Mandragore,<br />
Vermfllon, Colocaffe, Se plufieurs autres Plantes, & Herbes Médécînales.<br />
Poudre à poudrer fort eftimée, qu'oiinomme communément<br />
PoM^r^ de Chypre: efle fe fait avec de petites Rofes fauvages.<br />
Se fort odoriférantes. Il y ade la Laine, du Lin, du<br />
Chanvre, du Maroquin, ^des Choux-fleurs dune bonté, & grof^.<br />
feur furprenante, toute forte d'Herbes aromatiques, & potagères<br />
d'un goût merveilleux, fur-tout dans les Lieux maritimes, où k<br />
terre eft nitreufe. L'Ile n'eft pas moins abondante en Arbres* fruitiers<br />
de toute efpèce, excepte des Cerifîers, Se des Châtaigniers,<br />
dont les Habitans font pourtant dédommagés par ks Dattes, ks<br />
Carrouges,& les Grenades,qui s'y trouvent en quantité.<br />
Les Montagnes font couvertes d'Arbres, taiflis, OIL de hautp,futaie,<br />
dont k quaflté eft exceflente, foit pour la charpente des<br />
Maflbns, foit pour k çonftrudion, & mâture des Vaiffpaux.. On<br />
en tke auffi quantité de Poix, Se de Goudron; Se c^eft, aparemment,<br />
ce qui a fait dire à API AN MARCELIN, que llle de CHYPRE<br />
étoit ii rempfle de'toute forte de biens, qu'elle pouvoit mettre<br />
en Mer un Navire, Se l'équiper de toutes fes parties, fans aucun<br />
fecours étranger»<br />
L'Ile produit auffi d'affez bons Chevaux, & de.très-exceffentes<br />
Mules, dont l'ufage eft beaucoup plus doux , & plus, commode»<br />
GRATIANI raporte, que les Magiftrats de llk de CHYPRE furent<br />
autrefois obligés de défendre à k Nobleffe la monture des Mules<br />
» dont<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. Liv. II. Cii.IIL 69<br />
dont;elle fe fervoit, par un rafinement de commodité, pendant<br />
qu'elle négligeoit les Chevaux, de peur que la dffette de ces der-'<br />
niers ne devînt un jour préjudiciable à l'Etat. Le Pays eft également<br />
pourvu d'Anes, de Bœufs, de Buffles, Chameaux, Chèvres,<br />
Moutons, Brebis, & Porcs, dont la chair eft très-déficieufe<br />
: les Jambons de ces derniers font d'un goût exquis. On y trouve<br />
àuffi des Chevreuils, Daims, Sangliers, Bœufs, & Chèvres<br />
fauvages, des Lièvres en grande abondance ; & toute forte de Volailles<br />
domeftiques, comme Poules, Coqs-d'Inde, Canards,Oies,<br />
Se Pigeons, des plus fucculens.<br />
A fégard du Gibier, on peut affurer, que ce Pays eft des plus Ahmdance<br />
abondans; j'en connois peu qui en foient mieux fournis, excepté forti de Gide<br />
f^ûSms y qui y font un peu rares; mais lesFrancolins, ou Gelî- fg^'J^^f^<br />
notes de bois. Perdrix rouges, Beccaffes, Beccaffines, Tourte-duFaifan.<br />
relies, Canards, Cercelks, Ramiers,& autres Pigeons feuvages.<br />
Grives, Merles, GaîUes, Ortolans, Alloucttes, & généralement<br />
tous les Oifeaux qui fe trouvent ailleurs , font dans cette Ile en<br />
grande quantité; Se le goût en eft délicieux. Les petits Offeaux<br />
qu'on nomme aifleurs Becquefigues, Se en CHYPRE Oifèkts de vigne,<br />
y font fi délicats Se fi abondans, qu'on y en confit tous ks<br />
ans une quantité prodigieufe avec du vinaigre, pour ks Pays<br />
étrangers, particulièrement pour Fenife y ou ils font fî eftimés, que<br />
k Nobkfle les préfère à quelque autre mets que ce puiffe être.<br />
On y prend auffi quelquefois des Outardes, d'une groffeur prodigieufe,<br />
dont le plumage eft extrêmement blanc, & k chair trèsdélkate.<br />
Les Grues, Hérons, Se Faucons de différentes e^ces Exeenemu<br />
s'y trouvent égakment; & ks Offeaux de proie, comme Aigles, fj/^<br />
Vautours,Milans^ Corbeaux, Se autres efpèces,n'y manquent pas. Hvriers.<br />
Les Chiens-Lévriers y font d'une beauté. Se d'une bonté incomparable,<br />
& les Chats ksplus beaux. Se les plus hardis du monde<br />
; fls ont k propriété de combatre ks Serpens, & de ne les<br />
point quiter, qu'fls ne les aient tués; Se c'eft d'où vient, comme<br />
on fa dit, que ks Refigieux, qui habitoient autrefois ks Mona-<br />
I 3 ftères<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
7b H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
ftères, qui font autour du Mont Olimpe, Se ceux du Couvent dA^<br />
grotiri, en nourriffoient une grande quantité, pour ce fujet : j'ai vu<br />
arriver un de ces combats, dans ma propre Maifon, où fl y apparence<br />
qu'on avoit apporté un Serpent, dans du fourage, dont<br />
on faifoit la provifîon,<br />
• Un de mes Chats, quelque jeune, & petit, qu'il fîït, apperçut ce<br />
Reptile, qui vouloit monter fur le toit. Se rampoit le long de la<br />
Combat muraflle; fl s'élança fur lui. Se le fit tomber à terre. Le Serpent,<br />
d'un Chat ^ ' , , *, , , j. v r '<br />
eontrcun après'avoir demeure quelque tems comme étourdi, reprit la viserpent.<br />
g^g^j.^ & fe dreffa en fiflant, pour combatre fon adverfaire, qui<br />
de fon côté, le pofl hériflé, Se les yeux étincelans, méprifà f alped<br />
dû Serpent, l'attaqua, & après lui avoir donné plufîeurs coups<br />
de fa pâte, trouva enfin le moïen dek faifir, par la partie charnue,<br />
qui eft entre la tête. Se le refte du corps. Ix Serpent ne<br />
pouvant fe délivrer des dents de fon ennemi, fe replia tout autour<br />
du cou du Chat, & tira la langue, pour l'en percer : mais<br />
l'animal fut fi rudement baloté Se fecoué, qu'fl perdit enfin fes forces,<br />
& tomba vaincu, fans faire .que de foibles mouvemens, qui<br />
paroiffoient plutôt des convulfîons, que de nouveaux efforts. Le<br />
Chat vidorieux ne fe fervit plus du Serpent, que comme d'un<br />
• jouet,qu'fl balotoit, & retournoità fon gré, comme s'fl eût trouvé<br />
du plaifir dans fon triomphe* . Gé fpedaek, qui avoit attiré<br />
mon attention, me divertit extrêmement. , . i<br />
L'Ile aujjt- ' La Mer, qui environne file n'eft pas moins poiffonneufe, que<br />
Abondante la Terre en eft fertile. Il n'y manque que des gens capables de<br />
^efS"'faire valoir fun Se fautre, pour en retirer tous les fruits qu'on<br />
*''''• peut défirer de ces Elemens. Il feroit à fouliaiter,- qire fair d'un fî<br />
beau, & fî abondant Pays,fût un peu meilleur,& plus tempéré,<br />
pour en mieux jouïr. Les chaleurs y font fi exceffives, pendant<br />
^I^^^' l'Eté,' Se une partie de l'Automne, que les campagnes en font<br />
prefque entièrement brûlées; ce qui rend fàir groffier, & malfem,<br />
& qui fait dire à la plupart des Hiftoriens, Se auk perfonnes<br />
- qui y ont fait quelque féjour, ^ue k Cflmat de CHYPRE eft générak-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
BE L'ILE DE CHYPRE. Liv. IL CH. III. 71-<br />
rakment malin, & très-dangereux. Cette réputation lui a même<br />
demeuré parmi les Modernes, foit qu'fls aient fuivi l'opinion<br />
des Anciens, ou le raport des Européens qui y ont paffé. Se qui<br />
qui n'ont abordé qu'aux Côtes, où fair eft éffèdivement le plus<br />
corrompu, comme celui de Famagoufte y qui, par raport à fe fî- ~ .<br />
tuation baffe, à fes eaux fàumâtres, Se fes Dehors marécageux,<br />
.formés par le Torrent PedicuSy qui s'y décharge, après avoh*<br />
comme innondé, pendant fHiver, la befle Se fertile Plaine de<br />
Meffarie,<br />
Larnacay qui eft le Lieu où tous les Francs font leur réfidence, • -<br />
& où , par confequent, les Européens qui y abordent féjournent ^<br />
le plus, n'eft pas un Endroit plus fain, que Famagoufle. La proximité<br />
des Salines, que Lamaca a vers VOccident y Se les Marécages<br />
^u Levant, font que l'air en eft pefant, & mauvais, malgré<br />
le foin qu'on a commencé à prendre de deffeicher ces Marécages,<br />
& d'en faire des Jardins. Les Villes de JB^J^, & de Cérines<br />
font dans la même fituation ; de forte que ces Lieux maritimes,<br />
& pour^ainfî dire, les plus fréquentés par les Etrangers ,font<br />
ce qui donne une réputation fî desavantageufe de toute file, que<br />
les Ecrivains décreditent entièrement. Il eft a croire, qu'fls en par- Excellence<br />
leroient mieux, s'ils avoient parcouru, & examiné, comme j'ai soiie"^La.<br />
fait, plufîeurs fois, le refte du Pays; où je puis affurer, qu'on pathos,<br />
trouve l'air auffi bon. Se auffi pur, qu'en aucun Lieu de France, arpaiib,<br />
particulièrement dans les Cantons de Solie, Lapathos, Ni- ^^'•<br />
foficy Carpaffo y Pifcopie y fes Environs, & dans tous les Lieux<br />
élevés, qui font généralement exemts des Fièvres malignes, dont<br />
ks Habitans font affligés dans les Lieux maritimes. Il eft pourtant<br />
vrai, que les grande» chaleurs, en tems d'Eté, font par-tout<br />
pernicieufes ; mais les Habitans en feroient moins incommodés,<br />
fi les travaux de la Saifon leur permettoient de s'en mettre à cou*<br />
vert.<br />
Je croîs, cependant, que, quelque mauvais que foit l'air, dans ^^#"><br />
ks Lieux maritimes que je viens de nommer, fi ceux qui ks habitent<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
71 . H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
tçnt avoient affez de foin, ou le moïen d'élever leurs maffons, au<br />
moins jufqu'à deux étages, fls ne feroient point fujets à toutes les<br />
incommodités des Fièvres, Se des Coufîns qui les dévorent, en<br />
tems d'Eté, parce qu'fls couchent toujours à terre, fans aucune<br />
précaution pour s'en garantir; de forte qu'il eft impoffible, que<br />
le corps ne contrade de mauvaifes humeurs , qui corrompent le<br />
fang, Se engendrent les Maladies dont fls font fouvent alfli-<br />
Lîeuxéie- gés, & que je n'ai que trop éprouvées moi-même. Il n'en eft pas<br />
eoup^ph^' ^^ même des Lieux qui font éloignés de la Mer, quoique les habih^^'.<br />
tations en général n'y foient pas plus exhauffées, excepté à Nicofie<br />
y k Limifol, Seen quelques autres Endroits; car on peut, fans<br />
rffqucr fafanté, coucher en pleine campagne, à la belle étoile,<br />
comme fl m'eft arrivé plufîeurs fois, fans en reffentir aucune în-<br />
Soirîiténé- commodité. On y mange, & on y boit généralement par tout<br />
eeffaire,en d'auffi boH apetit, qu'eu aucuH licu de VEurope; Se je crois que,<br />
Chyprt.^'* pour y jouïr d'une bonne fanté, on n'auroit qu'à fe garder des ardeurs<br />
du Sokfl, dans lés heures qu'fl eft le plus chaud, & fe modérer<br />
dans le boire. Se le manger; car fabondance. Se f excellence<br />
des mets y excite un peu, principalement les nouveaux venus<br />
, qui n'en confîdèrent pas les conféquences.<br />
articleIII. Geux quî Ont avancé, que file de CHYPRE n'eft arrofée que par<br />
les Torrens formés des pluies, qui tombent pendant fHiver,<br />
ne fe trompent pas moins; Remarquent également leur ignorance,<br />
' à fégard du centre du Pays, qu'ils n'ont point parcouru. Ils s'en<br />
font rapportés aux Relations des Voïageurs, quife font eux -mêmes<br />
bornés aparler des Lieux maritimes, où fls ont abordé. L'Ile, à la vérité,<br />
n'a pas de grandes Rivières ; mais fl s'y trouve beaucoup de<br />
Ruiffeaux,qui ne tariffent jamais, à moms qu'fl n'y arrive des cas<br />
auffi extraordinaires, que celui qm obligea les Habitans de f abandonner,<br />
dans le quatrième Siècle, comme je fai dît aflleurs.<br />
Ces Ecrivains font mention de deux fameux Torrens, qui font<br />
^ le Pédicus, qui paffe au mflieu de la Vifle de Nicofie y traverfe enfuite<br />
toute la Plaine deMefJariCy qu'fl innonde fouvent de maniè-<br />
• re.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. Liv. II. CH. II. 73<br />
re, qu'il la rend auffi graffe, & aufii fertfle, que k font les Campagnes<br />
dEgypte y arrofées par le Ml, Se fe décharge enfin dans k<br />
Mer, au Levant de Famagoufte y où fl forme les Marais, dont je<br />
viens de parier ; Se k Lycus, ,qui vient perdre fon nom près de la<br />
Vflk de ir^»/^^,«)ù fl trouve un débouchementfîfacfle,qu'il n'y<br />
croupit, point du tout; ce qui fait, que l'ah: y eft plus pur, que dans<br />
les autres Lieux maritimes défile, où feau, qui y croupit, caufe<br />
k malignité de l'air.<br />
Maisj, outre ces Torrens, fl y a, dans plufîeurs Endroits de file, des<br />
Sources;d'une excellente eau,
74 . JB i "S T O 1 R K G E' N E' R A L E<br />
ment à 36. Moulins qu'efle fait tourner, fert aux Habitans dece<br />
^ieu, à ceux de Palecîtro, Se des environs, à arrofer une étendue<br />
très - confîdérable de Jardins. Enfin y fens m'arrêter à faire<br />
un plus grand détail des Ruiffeaux, Se des Fontaines qui fe trouvent<br />
dans l'Ile, que j'ai parcourue plus d'unéîibis, & peut-être<br />
plus exadement qu'aucun autre Européen y je pids affurer, qu'il<br />
y a quantité d'exçeflentes Sources, même ju^ies dans k Canton<br />
de Carpaffo y qui eft à fextrémité Orientée S& l'endroit le<br />
plus étroit, puifqu'il n'y a qu'environ deux fieues de temin qui<br />
DE L'ILE DE CHYPRE. LmlI.CH.III. 7.^^<br />
Les Mûriers y font plantés au cordeau, à environ une braffc<br />
de diftance de fun à fautre. Un feul Jardin en contient fouvent<br />
plufieurs miUiers. Lorsque le tronc de f Arbre a cru jufqu'ihaiiteur<br />
d'homme, on en'coupe toutes les branches, qui repouffent<br />
tous les ans de nouveau, en fi grande quantité. Se fi<br />
fertées, qu'elles forment une ombre, que les rayons du Sokfl ne<br />
fauroient pénétrer. Au lieu qu'en Europe y on laiffe croître ces<br />
Arbres , tant qu'ils peuvent pouffer , Se que fon fe contente<br />
d'en cueiflir ks.feuifles. En CHYPRE, Se dans la Palefline y on<br />
les coupe, Se l'on en arrache les fèuîfles qui étant toutes récentes,<br />
& par confequent, plus tendres, donnent une meifleure nourriture<br />
aux Vers à foie. • .<br />
On y a grand foin de bien cultiver les terres, de les engraif^ Soie de<br />
fqr, &arrdèr.régulièrement, depuis le commencement duPrin-^^yp^j.*<br />
tems, jufqu'à^la Fête de Ste, Croix en Septembre; & ce jour-k-te, (pteceiie<br />
on prétend que les Arbres ceffent de pouffer. Par ces foins y p^^îf "*<br />
ks Arbres fe trouvent également garnis l'année fuivante. Les<br />
perfonnes de la pjofeffion n'ignorent pas, que la Soie de CHY<br />
PRE eft plus pefante qu'aucune autre, auffi ne f emploïe-t-on en<br />
France y en Angleterre y Se ^iilleurs y qu'aux galons, franges ><br />
& autres ouvrages d'or. Se d'argent, parce queles Marchands<br />
y trouvent kur compte..<br />
i La récolte du Coton, qui fe fait en CHYPRE , n'eft pas moins<br />
importante, que cefle de la Soie : ce Coton eft même beaucoup<br />
meifleur,- que celui que produifent les autres Lieux du Levant,<br />
Auffi, les Marchands d'.Sttrt?/'* lui donnent-ils la préférence. Toutes<br />
les autres denrées, qui croiffent dans file font égakment.<br />
exceUentes. D y a des Endroits dans ce Pays, où les terres<br />
demeurent en friche; Se fon y voit beaucoup d'Oliviers fevages,<br />
principalement dans k Canton deCarpaff^y qu'on nefe<br />
donne pas la peine de greffer. Si ces terres étoient çidtivées,<br />
Ofles produiroient des revenus très-confidérabks-, parce que le<br />
terroir en eft fertile de fa nature. .Le reçmement çmpecheroît<br />
Kl les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
76 H I S T O I R Eî'l G^E' N^^-E' R'A LE<br />
ks Afpics , & les autres Bêees' venîmèùfes de s'y multiplier,<br />
comme elles font. Ce n'eft pas feukmeiit en CHYPRE , que le<br />
manque d'Habitans eft caufe de f abandon des plus èxcelkns terrains,<br />
qui demeurent fans culture: k plupart des Provinces de<br />
f Empire Ottoman forit dans kmême cas. Ces Barbares ont trop<br />
de Pays/ pour y fuffire. D'ailleurs, lé^r'fëinéâiitife , kur indolence<br />
, ^& leur frugalité naturelles y contribuent beaucoup.<br />
Ajoutez à cela, que, comme ils n'ont ni tailles, ni gabelles,<br />
ni autres impots à'payer, ils ne travaillent qu'autant qu'il eft<br />
befoin, pour s'acquiter de quelques petits Droîts Seigneuriaux,<br />
t^ls c^\e le tiaracb y ou la Gapitation-Jque 'payent les ^Chrétiens,<br />
' Se les Juifs, nés Sujets du Grand-Seigneur ; Se dont ks Turc^<br />
font exemts. -^J On ne fauroit confidérer, fans une furprife extrême,<br />
les vaftes & belles Campagnes arrofées de plufieui-s Rivières<br />
, qui fe trouvent entre Conftantinople, Se Andrinople, &<br />
dont la plus grande partie n'eft pas cultivée. 11 n'y a que k<br />
quantité de grains, Se d'autres denrées, qu'on tire de k Mer<br />
noire, qui entretiennent toujours fabondance dans la Ville Impériale;<br />
où, malgré la pluralité des Femmes permifesaux TurcSy<br />
les Famifles ne font jamais fort nombreufes. n » • . .<br />
Qualité ^^^ L'abondance de file de CHYPRE , non feulement ' en tout ce<br />
des cy- qui eft néceffaire à l'entretien de la vie, mais enéore^en tout ce<br />
^"° ^' qui peut la faire -paffer avec douceur & agrément, en a rendu<br />
de tous tems les Peupks efféminés Se fenfuels. Elle les a même<br />
toujours plongés dans une vie fi oifive, Se fi voluptueufe,<br />
qùé ièur^plus grande attention a toujours été à fe bien parer, &<br />
à pafler lè téms en Feftins, en Danfes, & autres Divertiffemens.-<br />
La Nobkffe, en particulier, y vivoit fîfpkndideraent,<br />
Chypriots que k magnificence de kurs Buffets, fabondance. Se k délîie<br />
Voi fixe- cateffe de ' feurs Tabks, la continuation de leurs Spedacks, Se<br />
nf£e°d'e de-îèurs Plaifirs/k fomptuofité de leurs Habilkmèns, de leurs<br />
ia '"«g'-^" Meubles, ^ de leurs Equipages ,tant^ en Domeftiques , en<br />
Zvûkipté.' ChevauKo en Qbxem Lévriers, Se autres ,^'en Faucons<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ni t'ILE DE CHYPRE. Liv. n» CH m. 77;;<br />
ne cédoieiit en rien à ceux des Princes. Je puis même affurer, avec<br />
vérité, que, bien qu'fls foient devenus efclaves du Turc, fls<br />
confervent encore les mêmes inclinations, &, autant qu'fl leur<br />
eft poffibk, les mêmes maximes de fàfte, de luxe, & de volupté.<br />
• Les. chakurs immodérées du Cflmat font, que les Habitans en gé- j^ur tauie<br />
néralont toujours été, fi fon en croit les anciens Hiftoriens, &font "^^'"c^« ,<br />
encore aujourd'hui d'une taille médiocre, quoiqu'fl paroiffe, que, leur bafa-.<br />
depuis fintrodudion des Turcs y fls'y en trouve quantité qui font "'^•<br />
fort grands; mais la plupart font plus maigres, que gras, plus<br />
bruns, que blancs, plus difpos, que forts Se robuftes. Il en eft<br />
de même des Femmes, à la réferve, que, fi elles étoient autrefois<br />
auffi libertines, «Se débordées que les anciens Auteurs f affurent,<br />
elles en font aujoiàrd'hui fî bien corrigées qu'on peut affurer, que<br />
k Pudeur, & la Modeftie ont fuccédé,'chez efles,à l'Incontinence,<br />
''<br />
Se à la Débauche. .<br />
Ge nkft pas que, dans les Gantons reculés, qui ne font point Habitans<br />
fréquentés, & où, par confequent, le^ng a été moins mélan- f^^ï"**<br />
gé, fl ne fe trouve encore quantité de perfonnes de l'un,' Se de la Mer fort<br />
l'autre Sexe d'une blancheur, Se d'un embonpoint merveflkux. *' '<br />
Ce* qui fait conjedurèr, que l'air de ces Endroits a de tout tems<br />
été plus fain qu'aux Côtes de la Mer. U faut auffi convenir,<br />
que, malgré les appas de la vie licentieiife à kquefle ks Chypriots<br />
fe font de tout tems abandonnés, lorsque l'Idolâtrie, Se l'Intempérance<br />
triomphoient chez eux, plufieurs n'ont pas kiffé, dès ce<br />
même tems-là, de méprifer la Bonne-Chère, ôcles Plaifù-s> poiu:<br />
s'attacher ei^tiîèrement à la Vertu.<br />
'<br />
TosES, connu depuis fous le nom de Saint B-VRNABE', fut le Saints (f<br />
prémkr, qui, infenfibleà tous ces attraits, abandonna fon Pays, f^fj^"g„<br />
pour fe retirer à Jérufalm< H porta aux piés des Apôtres far- & Chypre,<br />
gent d'un gros Héritage, qu'il pofiédoiten CHYPRE ,& qu'fl avoit jofes m<br />
vendu, pour devenir vrai Difciple de JE'SUS-CHRIST. bé.^'''*'<br />
JEAN, furnommé MÀRC, Coufin de JOSES, fe convertit com- te^c<br />
K 3 men: '<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
7$ H I S T O I R E G E' NE' RALE<br />
meki, avec fa Mère MARIE. Touché des Miracles, qu'fl: vît fki*<br />
reau Sauveur du Monde en Paleftine y où il s'étoit retiré quelque<br />
tems auparavant, fl fe joignit au nombre de fes Difcîpks, &. devint<br />
un des feptante deux. On prétend même, que ce fut dans<br />
la maffon de fa Mère, que JE'SUS-CHRIST fit la Cène avec feé<br />
Apôtres, Se que Saint PIERRE fe réfugia, lorsque l'Ange le délivra<br />
de prifon.<br />
Nicanor. NicANOR, nobk ChypHoty prit k même parti. Se fut un des<br />
pmiJrf^* fept Diacres, choffispar les Apôtres; après quoi, fempfl de zék<br />
Diacres, ^^ ^^ Compatriotes, fl repafïà en CHYPRE, pour leur prédiét<br />
l'Evangile, & fl y reçut la Cojuronne du Martire.<br />
Mnafon, MNASON , Chjprioty fut aulïi Difciple des Apôtres; comme oh<br />
^^wst" le vok dans divers Paffages des Ades. A l'imitation de ce Saint<br />
Homme, diverfes autres perfonnes de l'un. Se de fautre Sexe,<br />
Se de toute condition, embraflèrent la Foi Chrétienne, & vécli-<br />
Fiufteuirs rcHt avcc Une modération. Se une fobriété exemplaires. Sur tout<br />
Chypriots lorfque PAUL SERGIUS , Procoiifol/{ozw
''DE L'ILE DE CHYPRE. LÏV. II. -CH. lll, 7p<br />
du Bourg Marataffèy ne fut pas moins zélé pour la propagation<br />
de la Foi. Catholiqne. Il fe diftingua au Concile que le Pape DA-<br />
MASE tint à Rome , en 368. ou 6p. Se affembla un Synode<br />
dans fon'EgUfe Êpifeopak, en 399, pour àondamner les OrigéfUft0Sy<br />
qui-Êiifoient alors grand bruit; & interdire des Livres<br />
de k fauffe Dodrine dO R i G E^W È , déjà condamnés par T H E'Op<br />
HIL E, Patriarche d Alexandrie.<br />
< - A NT H E'M tu^ s, autre Evêque de &7/tf»i/«^, fut encore plus re- Anthé<br />
nommé pour la fauiteté de fa vie, & pour fes grandes charités, Jil."j;sàf'<br />
t}ue pour avoir trouvé en CHYPRE fe Gorps de f Apôtre de* St. ^^°""®-<br />
BARNAIRÊ' , Se foutenu ks prérogatives de fon Ëglkè, contre les<br />
Patriarches d Antioche y qui Vôuloi^t k foumettre à leur Jurisdidion.<br />
* ,<br />
Saint JteAN, TAwmoniery natif dAm thunte y & Fils d'Ew-St^ J^^^<br />
PHÀNES , D^, ou Gouverneur de file, pour ks Empereurs de nier, natif<br />
Conflantinople y remplit non feulement fon Pays natal, mais en- ^^A^^'*"<br />
core Ifes autre* où fl pafkr, d'exemples fî extraordinaires de cha- î^""'*rite,<br />
qu'fl méritakfumomd'^/»d«/^, qui lui eft demeuré. Lors<br />
^u'en l'année &iQi l'Empepair-HE'RA-CLïus Pobligea dW<br />
cepter le Patriarchat d Alexandrie yil ne s'apfiqua qu'à y rempfir<br />
feintement les devoirs d'un Pofte fî éminent, à diftribuër fon<br />
bien aux pauvres y à corriger les Mœurs de fon CfeJgé , à abolir<br />
la Simonie, & l'Héréfîe, & enfin, à faire bâtir des Eglifes,<br />
& des Hôpitaux. Mais, comme fl fut obkgé, vers l'an<br />
tSié. de quiter la réfidence de fon Patriarchat, pour éviter k<br />
perfécution des Hérétiques , & cefle des Sarrafins y qui commençoient<br />
à fe répandre dans VEgypte y il fe retira dans fa Patrie<br />
, où fl continua toute fa vie à exercer fes grandes charités.<br />
Il mourut à Amatbunte y heude fa naiffance, en 620. On ra^<br />
porte, comme un ptodige, & un effet remarquable, de fà fainteré,<br />
^ue les corps de deux Evêques^ qui avoient été mis dàn*<br />
k Tombeau où fl fut dépofe, fe" rangèrent, pour lui faire pkce,<br />
aumflieud'eux. C'eft'ce
8o HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
i •<br />
RONius. La vie de St. JEAN VAumônier a été écrite par L E o N-<br />
CE, Evêque de Umifol y Se approuvée par k fecond Concfle de<br />
Nicée.<br />
^vT^^de ^^ niême L E'O N c E , Evêque de Limifol, pénétré des grands<br />
Limiioi. exemples d'amour de Dieu, & du Prochain, que i lui avoit donnés<br />
la vie de St. JEAN V Aumônier y les imita fî bien, qu'fl édifia<br />
tous ks Peuples de fon Diocèfe par fa piété , par fe douceur<br />
' ^ à les inftruire lui-même. Se par fon infatigable apUcation à les<br />
^ affifter dans leurs befoins. c<br />
luflfesPer- H feroit ennuïeux, & même fort dificîle de raporter k quan-<br />
"^hrétiens ^^^^ ^^ Saînts Evêques de flk de CHYPRE , qui ont gouverné, avec<br />
beaucoup de prudence, Se une grande fainteté de mœurs, non<br />
' feulement les Egflfes de ce Pays-k, mais encore celles d Antioche,<br />
d Alexandrie y Se de Conflantinople y où ils ont été appelles<br />
par les Empereurs^ Ils ont tous également bien rempfi les devoirs<br />
de leur Miniftère.<br />
PAUL IV"^. fut élu, malgré luî. Patriarche de'Conflantinople y<br />
après NICE'TAS, vers l'an 170. GEORGE, Archevêque dans<br />
k 8"î^ Siède, a mérité d'être mis au nombre des Bienheureux.<br />
,.;<br />
Un autre GEORGE , Patriarche de Conflantimple y en 1234..<br />
a compofe divers beaux Ouvrages de Morale, qui; fe trouvent<br />
dans la Bîbliotèque du Fatican.<br />
Un troifième GEORGE, OU G R E'G OI R E , autre Patriarche<br />
de Conflantinople y en 1230. fut toujours fi zélé, pour la confery<br />
yation de la Foi Orthodoxe, &pour la faire obferver dans toute<br />
fa pureté, que, malgré fon grand âge, le péril, Se la longueur<br />
des Voïages, fl vint en Europe y .pour affifter à tous les<br />
Conciles qui fe tinrent de fon tems.,<br />
.- Ces Saints Perfonnages n'agiffpient pas avec moins d'ardeur,<br />
contre les Héréfîes, qui s'élevèrent de leur tems. Dans la crainte,<br />
que celle des Monothélites n'irSe&.it leur Pays, fls s'afiem.blèrent<br />
tous, en 64.3. pour en condamner les. erreurs, poyr défendre<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D E L' I LE D E c H Y p RE. Lrv. IL .CH. II ]. si<br />
fendre à leurs peuples la firéquentation de ces Hérétiques, Se la<br />
ledure de leurs Livres.. C'eft ce qui paroit, par une Lettre qu'ils<br />
écrivirent au Pape THE'ODOSE, qui loua extrêmement leur attention<br />
, Se leur conduite. Gette Lettre fe trouve auffi dans laBîbfiotèque<br />
du .Fatican.<br />
Pour ne point ennuïer le Ledeur, je ne parlerai point du grand Article iih<br />
nombre de perfonnes de dfllindion de fun, &de l'autre fexe, qui Ssivans.<br />
ont embraffé la Vie Monaftique , ou folitaire , Se qui ont confumé<br />
leurs jours dans un exercice continuel d'auftérité, Se de<br />
toutes les Vertus Chrétiennes, quoique chacune de ces perfonnes<br />
méritât un éloge particulier. Grand nombre d'autres fe font<br />
auffi attachées à f étude des Sciences ; Se efles ont laiffe d'excellens<br />
Ouvrages.<br />
A s c L E'P IA D E, qui s'étoit attaclié à la Médecine, a écrit très- Afciépiafevamment,<br />
fur ce fujet. ^J^<br />
Z E'N ON, natif delà Vflle de Ketin, ou Cithéon, fut auffi célè- zénon./a.<br />
bre pour fePhflofophk, que pour avoir fondé la Sede de Stoïciens ^j^J,^'<br />
qui fleurit à Athènes y où ce favant homme fut jette par une Tempête,<br />
&0Ù fl l'enfeigna.<br />
NICAGORAS n'a pas été moins renommé pour l'Hiftoire, com- Nicagoras,<br />
mêle témoignent ARNOBE, &FULGENCE, qui le citent fouvent. J?JJ,.^'-^°"<br />
APOLLONIUS , natif de la même Vflle de Cithéon, a été le plus favant<br />
Médecin de fon tems, Se a laiflé divers excellens Traités de<br />
Phifique.'<br />
DEXIPHANES exceUa dans f Architedure. Ceft le même, que Dexîpha-'<br />
la Reine CLE'OPAT RE emploïa, pour le rétabliffement dek Tour /"^t'^rS<br />
du Phare d Alexandrie, & pour la çonftrudion d'unQiiai, qui f'«*f*»<br />
joignoît cette Tour au Continent, dont efle étoit éloignée de plus<br />
de cinq-cens pas, ou de fept Stades. C'eft ce qu'en dit APIEN MAR<br />
CELIN ; quoique GE'SAR, & d'autres Auteurs affurent, que ce<br />
fut PTOLOME'E, qui emploïa DEXIPHANES, 6C fon Fils, auffi<br />
habikque fon Père, dans f Architedure,<br />
L DE'-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
82^ H I s T o I R E G E' N E' R A L E<br />
p^Sfc"' DE'MONAN, cet homme incomparable, qui vivoit dans k<br />
dont Lu- premier Siècle de JE'SUS-CHRIST , Se contemporain de Luh%t&<br />
CIEN, qui raporte ce que j'en dis, a été un Philofophe des plus<br />
les Moeurs, renommés. Se un vrai modèle de Vertu Païenne. Il étoit natif<br />
de l'Ile de CHYPRE, d'une Maifon Illuftre, Se opulente ; mais,<br />
comme la fubUmité de fon efprit forpaffoit fe; fortune, il méprifà<br />
tout, pour s'adonner à la Philofophie, fens pourtant y<br />
être excité par perfonne. Quoiqu'il eût vécu famiflèrement avec<br />
AG.ATHOBULE , DE'ME'TRIUS, EPICTLTE, & Ti-<br />
MOCRATE dHéraclée, fl ne s'attacha à aucune Sede particulière.<br />
Il prenoit ce qu'il trouvoit de meifleur en chacune , &<br />
laiffa indécis laquelle il eftimoit le plus. Il paroît cependant,<br />
qu'fl faifoit plus de cas de S OCRA TE, que des autres Philofophes,<br />
quoiqu'en fon habillement, Se en fe,manière dé vivre, fl imitât<br />
'' davantage DIOGE'NE.<br />
Démonan* DE'MON AN a vécu près de cent ans. On 3ît qu'fl ne fut jamais,<br />
ni trffte, ni malade; qu'fl fervoit cordialement fes amis, lorfqu'flsavoient<br />
befoin de lui, fans leur être à charge, ni faire tort à perfonne,<br />
perfuadé qu'fl n'y avoit pas de plus grand tréfor, que l'Amitié.<br />
LUCIEN raporte, que les Athéniens, Se toute la Grèce Favoient<br />
en fî grande vénération, que les Magiftrats fe kvoient,<br />
lorsqu'il paffoit ; que chacun faifoit Iflence, lorfqu'fl vouloit parler.<br />
Dans un âge fort avancé, il logeoit indiféremment où il fe trouvoit<br />
; on s'eftimoit auffi heureux de favoir pour hôte- que fîfon<br />
eût reçu un Dieu; Se tout le monde s'empreffoit à lui faire<br />
du bien. Comme il reconnut, qu'fl ne pouvoit plus fe fuffire à<br />
lui-même, il dit à ceux qui fe trouvoient alors auprès de-lui; On<br />
peutfe retirer, leSpeftacleefî achevé-, &il mourut,faute démanger,<br />
fans rien perdre de fa gaieté ordinaire.<br />
^^^^ lu- ^^ ^^^^^ ^ ^^ ^^^ ^^ ^^ même Ville que le prémkr; fît tant de<br />
Xlin. progrès dansia Médecine, qu'il l'enfeigna long-tems dans la Vifle;<br />
dl Alexandrie y où fl eut pour Difdples ORIBA^SE, SL plufieurs autres<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE î>E CHYPRE. LIV. II. CH. IIÏ. sj<br />
ti-es excellens Perfonnages. Aitffi, (|uoîque Chrétien, fl fut trèst:héri<br />
de JULIEN VApoflat.Qe Z E'N ON a kiffé plufîeurs Livres trèseftimés;<br />
entre autres, celui qui a pour titre Medidna Principes y<br />
qui eft un Chef-d'œuvre.<br />
HERMIAS SOZGME'NE, furnommé le Scholaftiqtiey natif de Hermias<br />
k Vflk de Salamine, a écrit très-fevamment VHiftoire Eccléfiatli-f^f'^Zu^<br />
me y en neuf Livres, depuis le troifième Confokt de CRISPUS ,'^«^'Hiftoirc<br />
Ecclc-.<br />
& du jeune CONSTANTIN, tous deux Ccfars, c'eft-à-dire, depuisCaiiique.<br />
fannée 324. jufques en 4,35^<br />
ONESIME-, fameux Sophifte «Sc'Orateur, qui vivoit du tems duoneCme.<br />
grand CoNSTANTïN,a auffi écrit plufîeurs beaux OwTages,qui ont^^^":^'^<br />
été «lâlheureufemênt perdus; Se dont on ne trouve le^déiiombre- O'»^"'»"ment,<br />
que dans SUIDAS. " -^f-<br />
II s'eft aùffi trouvé en CHYPRE une Famflle nommée Oviiio^Famiiie<br />
G E'N E s, qu'on ne doit pas oublier de mettre parmi les grands Per- gènes!*'^<br />
fonnages que cette Ile aproduits^ Ils avoient, dit on, k'propriété<br />
d'enchanter les SerpeiiS de toute forte d'efpèees, jusqtf à forcer ces<br />
Animaux venimeux de kscarefferj Se de les lécher, comme de petits<br />
Chiens, au lieu de leur faire du mal. Ceux*de cette Famflle gué-<br />
TÎffoient, par leur feul attoucliement, tous ceux.qui étoient piqués<br />
des Serpens, &qui avoknt recours àeux. EXAGON, Ambaffadeur<br />
de CHYPRE à Rome, qui écoit de cette Race-la, voulant<br />
prouver auxConfulà, qu'fl étoit vrai, que fà Familk avoit cette<br />
propriété, fe mit tout nud dans un tonneau rempli de Serpens:<br />
Ces Animaux, au grand étonnement des Romains, le câreffoient<br />
& le léchoknt, comme je viens de le dire. Soit qu'il refte enco».<br />
re des gens de la même Famflle, ou que quelque autre ait hérité<br />
de fa vertu, fl cft conftant, qu'fl s'en trouvoit encore un à<br />
Famagoufte,en fannée 1701 ; qui, par quelques paroles qu'fl prononçoit<br />
tout bas, guériffoit de la morfure des Afpics, Serpens<br />
très-venimeux, & très - dangereux en ce Pays-là. Ge qu'fl y<br />
a encore de plus furprenant, c'eft que le même homme guériffoit<br />
L 2 les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
u H I S T O I R E G E' N E' R A LE<br />
les Malades, qui n'étoient. point en état, de l'aller trouver.^<br />
en faifant tenir debout celui qui y alloit de leur part, Se luî<br />
mettant un gobelet d'eau entre ks piés, dans lequel, après<br />
avoir proféré quelques paroles, il jettoit une petite pincée<br />
de la terre qu'fl avoit fous les piés , Se la lui fafloit<br />
er/nite avaler ; après quoi, le Malade, qui fè ti*ouvoit quelqiefois<br />
éloigné de quinze ou vingt lieues, étoit entièrement<br />
giéri..<br />
'Articleir- A.M'égard dès Armes, ks Chipriots naturels n'en ont prefque<br />
jamais aimé f exercice, qu'autant qu'fl a pu contribuer à leur plaide<br />
Sm^i fir. Il femble, que le Climat de leur lie leur ait toujours infpiré<br />
«aïmS^^s incUnations oppofées, à celles qui doivent former les Guerriers.<br />
Auffi ont-fls été obligés de tout tems, de fe fervir d'Etranr<br />
gers, pour les garder;. & ceux-ci s'a vfliffoient bientôt parmi eux.<br />
Ils étoient toujours la proie de toutes les Nations, qui entreprcrnoient<br />
de les piller, ou de les fubjuguer. Enfin, fi l'on en excepte<br />
EYAGORASyRoi de Salamine, Se quelques-uns des autres petits<br />
Souverains, qui en ont partagék Domination, lefquels confervoient<br />
encore un refte de l^ valeur des Princes Grecs, dont ils étoient<br />
iflus, & qui s'y établirent, après la deftrudion de Troie y on n'en<br />
trouvera aucun, qui fe foit fignalé à la Guerre, ni qui ait mérité, aucune<br />
place dans l'Hiftoire des tems reculés, dont je parle. Depuis<br />
même que le Pays fut abandonné, faute d'eau, «Se enfoite repeuplé,,<br />
pas les foins de Ste.HE'LENE, les Habitans n'en,furent pas plus<br />
guerriers. La feule adion courageufe qu'on trouve, a été celle de<br />
forcer les Templiers, à qui RICHARD, Roi dAngleterrey avoit<br />
vendu la Domination de leur Ile, à k remettre à ce Prince. Ces<br />
Chevaliers, tout Soldats qu'ils étoient, ne purent les réduire à<br />
l'obéïiïance.<br />
Il eft pourtant vrai, que Gui de LUZIGNAN, Roi de Jérufalem y<br />
en aïant enfuite poiiédé la Souveraineté, Se mené avec lui quantité.de<br />
Nobleffe Françoife y en fit, en quelque manière, changer la<br />
œn-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. II. CH.IIL 8^<br />
confteflation.' Depuis ce tems-là, plufieurs du Pays fe fîgnalèrent,<br />
cn diverfes occafions, dans les longues Guerres, que les Chrétiens<br />
eurent à foutenir contre les Infidèles, C'/mme on le verra dans k<br />
foite de cette Hiftoire. En Europe même, lorfque les Armes O/tomanes<br />
les obligèrent à abandonner leur Patrie,fl? donnèrent des<br />
marques éclatantes de leur valeur, & de kur courage;- Témoins Rares<br />
les Seigneurs de la Maifon d'AviLA, qui remplirent di2;nement les Henri "^ *<br />
Emplois Militaires qu'ils avoient obtenus en France, où fls s'é- Catarin<br />
toient réfugiés; & fur-tout HENRI CATARIN,. lequel après s'être<br />
diftingué dans les diferens Combats, où fl s'étoit trouvé, pendant<br />
les Guerres ciyiles de ce Roïaume, nous a kiffé un Monument<br />
de fon favoir, dans l'Hflloire des Evènemens qui font fî<br />
long-tems afligé.<br />
Gomme file de Chypre a auffi produit des Femmes, qui ont Fermes<br />
é^alé les plus grands Hommes en courage Se en ré:)liition, fl ne ^^^^^^u^'^j:^^,<br />
feroit pas jufte de leur ôter la gloire que méritent leurs adions hé- fait des<br />
roïques. AGIOTHE'E, Femme de Nicoa-ES, Roi de Paphos y doit héroïques..<br />
tenir le premier rang. Cette Héroïne, pour empêcher lès Gens<br />
de PTOLOME'E LAGUS, qui favoient affiégéé dans fon propre<br />
-Palais, d'abufer d'elle. Se de fes deux Fflles, les poignarda de fe Agiothée.<br />
propre main, & fe donna enfuite la mort à elle-même. Ce qui<br />
arriva dans un tems, où tout fe reffentoit encore du culte de VET-<br />
NUS.<br />
L'Adion éclatante de RENE'Ë de ROCHAS, jeune Demoifelfe Renée de<br />
d'uae des plus illuftres Maifons du-Roïaume,& plus digne de por- ^^'^^^^'<br />
ter une Couronne que des Chaînes, eft également di^ne d'admiration.<br />
Après la prife de Nicofie y en l'année 15:71. elle fe trouva<br />
embarquée, avec la fleur des Beautés de file, tant en jeunes garçons<br />
, qu'en jeunes fifles y Se les plus précieufes dipouflles de cette<br />
Capitale; comme elle vit,, que k gros Vaiffeau,. où elle étoit,,<br />
portoit les Vidimes deftinées, par MU:T\PHA Pacbay à l'ufage<br />
dû.Sultan fon Maître, enflamée d'un gé.xreux reffentiment de fe<br />
L'3J voir^"<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«« HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
voir condamnée, après la perte de fes Parens, & de fes Biens, à"<br />
'affouvir la paffion brutale d'un Infidèle, efle mit le feu aux poudres,<br />
& fit fauter le Vaiffeau en fair. Ainfî, ce Barbare ne put<br />
faire aucun ufage des Ridieffes de fon Pays, ni jouïr defle, & de<br />
fes Compatriotes, qui, outre la perte de kur honneur, auroient<br />
peut-être été contraintes de renier la Foi de J. C Se- de vivre<br />
dans k fauffe Créance de MAHOMET.<br />
Plufîeurs autres perfonnes de diftindion, qui, après la perte<br />
de ce Roïaume, eurent k bonheur de fe réfugier à Fenife y Se dans<br />
quelques autres Vifles d'Italie, quoiqu'elles n'aïent pas fait d'actions<br />
fî éclatantes que cefle de îa DemoifeUe de ROCHAS, n'ont<br />
pas kiffé de donner, dans kurs adverfité?, des marques d'une<br />
conftance, & d'une vertu, dignes de louange. Quelquesunes<br />
même fe font tellement diftinguées, dans les belles<br />
Lettres, qu'elles ont mérité de grands applaudiflemens, & d'être<br />
mifes au rang des Hommes Illuftres; Parmi ces derniers a<br />
fur tout 'brillé JASON DENORES, fun des principaux<br />
Seigneurs de CHYPRE, qui fc retirîp à Padoue y où il enfeigna<br />
long-tems, avec beaucoup de réputation , dans f Univerfîté de<br />
cette Vifle, & laiffa divers Ouvrages remplis délégance Se d'érudition.<br />
Il auroit été à fouhaiter, que k Père LUZIGNAN fe fut<br />
anffi bien aquité de l'Hfftoire de ce Roïaume t^tffl -a compoféc;<br />
mais fl faut avouer, que ce bon Religieux étoit beaucoup plus recommandabk<br />
par fe naiffance, & par fe piété, que par fon fevoir.<br />
Malgré toutes les diligences qu'il paroît avoir faites,<br />
il a rempfi fon Livre d'un fî grand nombre de Fables, Se d'imaginations,<br />
qifun Auteur moderne a dit, que c'étoit un affemblage<br />
de Blaphêmes hiftoriques. Il me paroit cependant, que, quelque<br />
fabuleufe que foit fon Hiftoire , en bien des endroits, par raport<br />
à la foibleffe qu'il a eue, de vouloir attribucîr à fon Pays natal<br />
quantité de Faits, qui n'en font point, & qu'il doit avoir puifés<br />
dans les Fidions des Auteurs Grecs qui lui étoient familiers-, on<br />
peut<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. n. CH.III. -I 8r<br />
peut encore y trouver de la fetisfadion, foît pour ce qu'fl y a de<br />
fondé fur des conjedures. Se des vraifèmWanees, foit pour ce<br />
qu'on y trouve de bien apuïé par d'autres Auteurs, qui ont mérité<br />
faprobation générak. Tout k monde feit, qu'fl y en a pluh^<br />
fleurs qui ont parlé - d'ADONIS , de VE'NUS, des Fêtes AdonienneSy<br />
Se des Loix flbertines & voluptueufes, que cette Reine impudique<br />
avoit établies, en faveur des Filles du Pays, qui alloient aux Rivages<br />
de la Mer fe proftituër aux Etranges, qui y abordoient,<br />
pour gagner leur Dot; Coutume, qui, comme nous l'avons déjà<br />
dit, dans le premier Livre de cette Hiftoire, facilita à DIDON ,<br />
felon JUSTIN, fenlèvement de plus de quatre-vingts de ces<br />
Nimphes, qu'elle maria enfuite avec les Hommes de fa Flotte, fur<br />
laquelle efle vint de Tyr à CartbagCy pour y fonder fon Etat.<br />
Les fréquens changemens, & les grandes révolutions qui font<br />
arrivées en CHYPRE , marquent f inftabflité des chofes humaines, Se<br />
prouvent qu'fl fe trouve des Régions, qui y font plus* fujettes les<br />
unes que les autres:. Ce Pays-là eft de ce nombre, Se fon ne<br />
fauroit difconvenir, qu'fl n'ait été auffi maflieureux, que fon féjour<br />
eft agréable; puifqpe fes Habitans n'ont jamais eu le bonheur<br />
de fe conferver long-teijjfr (fens un état de tranquiilité. Outre les<br />
diverfes fois qu'on les a dépouillés, dè^ toutes feurs Richeffes , &<br />
qu'fls ont été affligés par d'autres fléaux , comme de Sécheref^<br />
fe , d'Inondations, de Pefte, de Famine, & de Sauterelles y<br />
ils ont encore éprouvé la Servitude de la plupart des Peuples<br />
dOrient, Se d Occident, qui les ont attaqués tour à tour,<br />
comme je fai raporté dans mon premier Livre, & dins celui-ci.<br />
Mais, comme, dans la foite, cette Ile a été poffedèe d'une manière<br />
plus ftable, Se plus folide par les Princes Latins y qui devinrent<br />
auffi maîtres de Jérufalem ,-]e ne puis me difpenfer, après<br />
avoir parlé des Antiquités du Roïaume de CHYPRE , de fes qualités, de<br />
fa fertilité en général. Se de fes produdions en particufler, de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
?8 HIST. GEU DE L'ILE DE CHYP. LIV. IL CH. m.<br />
même que des Hommes Ifluftres qui l'ont habitée, ou qui y ont<br />
pris naiffance, de joindre ici un abrégé de celui de Jérufalem. J'y<br />
fois d'autant plus porté, que les Affaires de ces deux Etats ont<br />
eu une fî grande liaflbn, qu'on ne fauroit faire fHflloire de l'un,<br />
fens parler de l'autre; fur-tout, lorfqu'ils ont été gouvernés par un<br />
ôiême Souverain.<br />
^fe:-<br />
H I-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
HISTOIRE GÉNiRALir<br />
R G ï A° U M E S<br />
D E<br />
CHYPRE, JÉRUSALEM,<br />
D' É G^Y^P T E.<br />
L I V R E IIL<br />
CHAPITRE PREMIER.<br />
(^^t^ E'RUSAL£M, qui eft une des plus nobles. Se article h<br />
""des plus anciennes ViUes de VOrient, Métro-<br />
^^ pôle. Se Siège Roïal des Rois de j^dée, fut<br />
;'^'fondée par un Prince de Cananée y qui fe<br />
'-. nommoit k Roi JU&TE, à ce que dit FLAVIUS<br />
JOSEPH , au 7^ Livre de la Guerre Judaïque, Dîverfet<br />
Quelques-uns prétendent, que ce Fut par SEM, 2r&<br />
Fils de NoE;d'autrcs en attribuent la Fondation àMELCHiSEDEc- d'au- "^^^<br />
M ' Jéiufalem.<br />
très<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
çè n I SrT.-0 IRE €rE'M Ë' H A h Ê:.<br />
trèsvc^ttlent,que fon^Fondateur aitét^S^Lpi^ Fil^^'^RPfiAX^D;<br />
C SALEM a jamais été un homme. Il fe trpiive ime tr'oifièitieQpi-'<br />
nion, qui attribue fon-Origine aux Jékq/'éem y- Dèiç^fidms, de<br />
;CAM. - '• • • • ' • ' ' • • ^ ^ ^ ^ • • • ^ " - ' ' ' •••<br />
' ;• Les Hiftoriens ne s'accordent pas plus^ Jur le^rNf)?lS^9ue cette<br />
Vflle a portés^ que for fes Fondateurs. (Le même Jos^ç;.? H, Se_ .<br />
EGYRIPE , affurent, qu'efle fut d'abord ^ppeUe^Safij?ta ^.'à^qu'a-^<br />
près MELCHISEDEC, elle fiit nommée jérofoUm'a r d'autres veulak<br />
quantité d'Apandiers qui y croiffoienten ce tems-S^ Sgdifent, qu!ipn<br />
^ rappella enfuite Bétbely c'eft-à-dire. Mai/on, cîè^piètiv,Que^^<br />
.uns, affirment encore, qu'Elfe fut nommée^ T^'Jw^*,, àes^fmtiens y<br />
qui, félon cette opinion, la pollederent loiig-tems, après en avoir<br />
châffé ks Enfans de SALEM; .& que ces Peuples, aïknt joint<br />
k nom de Jébus à celui de Salem y h. nommèrent Jébufalemy<br />
Nom qu'elk a retèmi Jûfqu'aV ^^^^ du Roi I)^VID, qui s'en em-<br />
. para, & qui le changea en celui de Jh-ufalemy qu'elk a conferve<br />
^ jufqu'à préfent; fî ce n'eft durant !e tems de l'Empereur ELIUS<br />
ADRIÇN, quf, aprèsravoifrenterrée, & détruit fes JwfSy la<br />
fit rebâtir, & nommer, de ifon propre Nom , Etia.<br />
Cependant, quel qu'ait4té le Fondaçeur de cette célèbre Ville,<br />
& quelques noms qu'elle ait portés, efle augmenta long-téms. fa<br />
Domination; &.,.par mie fav^ divine, efle lut comblée de toute<br />
^w^âl^ forte de profpérités. ^Mais,.enfin,Dieu, irrité de fj^oktrîe du<br />
M(ies' Roi SALOMON, Se de llmpietè de fon Ffls ROROAM,'envoïa fur<br />
efle. Se for fon Peupk des Ûéau^, & des punitions terribles. 11<br />
permit, qu'efle devînt la prok de plufieurs Nations barbares &<br />
cruelles, qui la feecagèrent, k brûlèrent. Se la. détruifîrent preA<br />
que entièrement, pfllèrent,& prophanèrent fon Temple, enchai,<br />
nèrent, & maffacrèrent fes Rois; Se pafferent fes Habitans au fil<br />
de l'épée, ou ks menèrent en efckvage, fans diftindion d'âge, ni<br />
de fexe*<br />
Mais=<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LiV. HI. Cat pj<br />
Mais aucune de ces Défoktions, quoique terribks, n'égala Cd- Sadefill^.<br />
ie qu'efle fouffrit fous TITUS VESPASIEN, dont il y a appareiKîé, ^^'^<br />
que Dieu fe fervit pour châtier ce peuple ii^at & impie , <br />
- CAÏUS NE'RON , qm gouvernât alors f Em|âre, irrité de kur<br />
rébelflon, envo'ia d'abord VESPASIEN, avec ime puiflànte Armée<br />
en Palefline y pour les exterminer. Ce Général devenu lùmpe- sadémoureur,<br />
dès le commencement de fon Entreprflè, en kiffe k fom à x1?Jsf/L<br />
TITUS, fon Fils, & s'en retourna à ROME, pour s'oppol^ àrVefpaCen<br />
ViTELLius, fon Concurrent à l'Empire. Ce jeune Romain^ s'aquita<br />
très-fevèrement de k commiffion que fon Père lui avok laiffée. Il<br />
fe rendit m^tre de Jérufalem, après un long Se très-rude fîége :<br />
fl fit démoflr cet;te Vifle, jufqu'aux fondemens ; de forte qu'à peine<br />
en demeura-t-il quelque trace. Il y périt douze cent mifle<br />
Juifs; Se fl en reflâ quatre-vingts dix-fept mflle en efekvage.<br />
Voflà comment cette fuperbe Vflle fut détruite, après avoir été<br />
onze-cens ans k fiége de fe Rehgion Judaïque ; c'eft ainfî que<br />
îe Peuple Hébreu, fut privé de fe flberté, & entièrement dépouillé<br />
de toute fe grandeur, & de toute fon autorité. On peut<br />
dure, que jamais aucune Vflle du Monde n'a été plus féconde en<br />
Prophètes, Se qu'aucune n'en fiiC plus ennemie. Aucim Peuple<br />
ne s'accrut jamais par de phis faints Principes, Se aucun ne fut<br />
enfuite foufllé de tant de vices,& de tant de crimes,ni plus juftement<br />
puni de fes iniquités.<br />
Après cette terrible déftHidion, k Roïaume de Judée demeura jujfs, r/paffibk<br />
Se tranqufle, fous la Domination des Romains y jufqu'au JJ^^^» ^<br />
M 2 ' tems<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
jpa H I S T.O I R E ' G E^ N F KAL E<br />
tems d'Enus ADRIEN, fous k Règne auquel les Jûifs^firenf<br />
une nouvelk tentative, pour fecouër le joug. -Mais, leur en-^<br />
treprife, & leur témérité furent bientôt punies, par le nouveau-<br />
Jérufalem maffacrc d'une infinité dentre eux^ & la deftrudion prefqu'entière<br />
rebâtie, de kur Pays. Ge fut alors , que. cet Empereur fit/rebâtir la^<br />
Smnoni Vflle de Jérufalem y fur les ruïnes de la première. Afin qu'il<br />
ceiuf " ne reftàt aucune mémoire dès noms qu'elfe avoit portés auparad'Ehi,<br />
yant, fl la fit appefler Eliay felon EUSE^'BE. Gê Prince défendit<br />
expreffément aux Juifs y non feulement d'y entrer, mais'<br />
encore de k regarder de loin, tant fl. avoit''conçu de Imine con^<br />
tre ce Peuple rébelle.<br />
Comme, fur les remontrances dé QUADRÀT, Evêque d'Athée<br />
nes y Se du Philofophe ARISTIDE , ADRIEN avoit ceffé de perfé- -<br />
cuter les Chrétiens y & promis de ne les punir, que pour crimes<br />
, & non pour leur Religion , &> qu'il en- allok un grand*<br />
nombre en Pèlerinage à Jérufalem^ pourv vffiter les Lieux* où<br />
les Miftères de notre Rédemption s'étoient accomplis, fl leur<br />
^^^ £ K^' accorda cette ViHe, fan 138. afin qu'ils la repeuplaffent. Elle^<br />
îMf rfe jé-commença bientôt à refleurir, & eut alors MARC pour Evêrufaiem.<br />
^^ ;. &. ce fut k prcmfer. des Gentils Chrétiens y qui' gouverna'<br />
cette Eglffe.'<br />
^itl^ L'efprit de Haine , & d'Idolâtrie, dont ADRIEN ,& les,<br />
Lieux Empereurs Romains y qui favoient précédé, étoient poffédés*<br />
A^inT^ contre les Chrétiens, le porta, malgré k donation qu'il leur a-'<br />
voit faite peu auparavant, de k Vflle, de Jérufalem y à y fairetriompher<br />
f Impiété, dans les Lieux les plus Saints: ce que fEcriture<br />
appelle labominatlony ^J^ la défolàtion. Car fl'érigea<br />
un Tèini^le à JUPITER, fur le Calvaire y &..un autre à ADONIS<br />
en Bethléem y & des figures de Porcs, fur ks-portes de la ViUe<br />
de Jérufalem y en dépit des Juifs y qui ont cet Animal en horreur.<br />
Ces Monumens infâmes ont fobfifté jufqu'au tems de^:<br />
CONSTANTIN k Grand y qui les fit détruire, & .bâtît des Eglife*<br />
en kur pla$;e..<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
JE'RUSALEM'LIV. m. CH. r. 93<br />
•.'• La*même Idolâtrie pouffa lès Sueceffeurs' d'AoRii^N à inquiéter-,<br />
Se à perfécuter de nouveau les Chrétiens. Ils fouffrirent des<br />
perfécutions infinies, fous les Règnes d'ANTONiN, de COMMO<br />
DE SEVE'RE, de MAXIMIN, de VALE'RIEN, D'AURE'LIEN, &de<br />
DIOCLE'TIEN; Leurs tourmens ne fe terminèrent que par la Con - Confianverfion<br />
de l'Empereur CONSTANTIN, qui donna enfin la paix Se ^cejirla<br />
k tranquilité aux Chrétiens; Se fls en jouirent jufqu'au tems de J^fchr^<br />
JULIEN VApoflat, Cet impie, au mépris du CbrifUarùfme, tiens.<br />
fit ouvrir par tout les Temples des Idoles; &,>non content de 3"«<br />
favorifer ouvertement le Pagaràjmey fl permit aux Juifs de re^<br />
tourner k Jérufalem y & même de rétablir le Temple de SALO- -<br />
MON, pour y facrifier felon leur-Loi, ce qu'fls ne purent pourtant Efforts"<br />
exécuter: car, pendant qu'fls travaflloient àr cet Edifice , fl forvînt ^^"*^f"<br />
un Tremblement de Terre, qui renverk, non feulement ce qu'ils poufreUtîr<br />
avoient fait de neuf, mais encore tout ce qui reftoit^ des fonde» saîamoi^*<br />
mens de ce célèbre Temple*> Divers autres Prodiges, qui arrivèrent<br />
dans le même tems, étonnèrent tellement les Juifs y qu'fls<br />
furent obligés d'abandonner entièrement le deffein de relever ce<br />
Sanduaire. Ils donnèrent auffi beaucoup de réputation, & de<br />
courage aux Chrétiens y qui, loùi d'en être furpris, les regardèrent<br />
comme des effets de l'Affiftance Divine, qui les délivra de la douleur,<br />
de voîr un Peupk réprouvé pofieffeur de ce Saint Lieu. Ils<br />
vécurent enfuite avec affez de repos. Se de tranquflité, fous les<br />
Empereurs Grecs y jufqu'au tems du cruel, & vîckux, PHOCAS.<br />
GosROEs, ,Roî de Petfcy irritéde la perfidie qu'avoit eue ce Tiran, cofroes,<br />
duforper l'Empire, Sede fairemourir l'Empereur MAURICE, Sefe& ^"^ i^«<br />
Enfixns, fe mit à la tête d'une puiffante Armée, avec laquelle, vlngeia<br />
après avoir fubjugué la Méfopothamie y fl entra Vidorkux ckns la ^^^J^^<br />
Syrie y qu'il mit entièrement à feu & à fàng. U traita de même là *«^ p^^<br />
Ville de Jérufalem, après favoir prifè par force. Il viola les cliofes<br />
facré2S Se profanes. 11 eut f inhumanitéde faire paffer trente-fix.<br />
mflle.Perfonnes, ou felon d'autres, quatre-vingts dix-mflle, au fil<br />
M 3 de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
94 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
de^.c.^'^
DE JE'RUaALEM. Lit. ^m. G H. I. pj<br />
Eglifes, d'avoir un Evêque, ' & d^ejsercer kur Religion* Tous ces<br />
Privilèges n'empêchèrent pas f Egflfe de Jérufalem de fouffrir de<br />
grandes tribulations, fous k dure Domination de ces Infidèles.<br />
. ARON Rpi de Perfe, Se qui étoit leur Calife y laiffa enfin ref- chréJ^ns<br />
pirer les Chrétiens en paix, & leur donna le tems de fe réta- '^^ J^r^f^ibfir<br />
de kurj! calamités paffées. Il en ufa ainfî, par f eftime qu'il ^plhTcif<br />
avoît pour l'Empereur CHARLES-MAGNE , auquel même ce fu- -^^1}^^,^^,<br />
perbe Sarrafin avoît envoïé des Préfens confîdérables, malgré Dominai<br />
le mépris qu'il faifoit de tous ks autres Princes de la Terre. Les "'"^'<br />
conteftations qui s'élevèrent après la mort de ce Prince entre<br />
ks Sarrafins dEgyptty Se ceux de Perfe y pour la différence qui<br />
s'étoît gflffée parmi eux, au fujet de leur fauffe Croïance, allèrent<br />
fi loin, qu'fls en vinrent à une guerre ouverte entre eux.<br />
Gela replongea ks Chrétiens de Jérufalem dans de nouvefles défoktions<br />
, par raport aux fréquens changemens de Domination,<br />
qu'ils éprouvèrent alors , fe trouvant tantôt fujets aux Perfes y<br />
Se tantôt aux Egyptiens, felon que ks uns, ou les autres, demeuroknt<br />
vidorieux, ou vaincus.<br />
Après une longue & fanglante Guerre, ks Egyptiens eurent<br />
enfin le deffus , Se s'emparèrent de tout le Pays, jufqu'à Antioche.<br />
Ils kffsèrent pourtant encore goûter aux Chrétiens quelle<br />
tranquflité. Mais, foît que Dieu voulût fouvent les éprou- Perfécution<br />
-ver, ou que k Judée fût deftinée à des troubles, Se des rava- tiemfous'k<br />
ges continuels, -ils fouffrirent des perfécutions beaucoup plus ^^^^ ^'<br />
terribles, que toutes les précédentes, fous le Règne du Calife<br />
EQUEN. Ce fcélerac, qui étoît né d'une Mère Chrétienne^y apréhendant<br />
que fes Sujets ne fe cruffent pas véritable DAcipIe de '°'*'<br />
HALI leur grand Prophète, commença d'abord à les traiter avec<br />
beaucoupde févérité, & enfin à les perfécuter cruellement, dans<br />
fefpérance, que fe conduite rigoureufe, envers ks C&r^//mj, feroit<br />
perdre aux Sarrafins tous ks foupçons qu'ils pourroient avoir de<br />
lui. Cet Impk ne fe contenta pas des maux infinis qu'fl kur faifok<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ç6 H I S T O I R E i G E' N E' R A JJ^<br />
foît fouffrir, il eut encore la fureur de faire .renverfer le Tèltt^<br />
pie du Saint Sépulcre y dont le vénérable ORESTE, Frère de k<br />
Mère de ce Califcy étoxt Evêque. Ge Sanduaire demeura 37. ans<br />
dans ce déplorable état ; malheur qui fut encore plus infuportable<br />
à ce pauvre Peupk, que la perte de fes biens, & de fa flberté.<br />
Malgré la doukur qu'fls reffentirent, delà deftrudion de ce<br />
facré Monument, ils njs purent le rétablir, que dans le tem-<br />
Ï044- que CONSTANTIN MONOMAQUE gouvernoit l'Empire de C(?«/?^«-<br />
Z.Î Calife ti^^P^^' Ils lui députèrent JEAN ÇARRIANITHE, Homme d'une<br />
àla prière feinte vîe, quî agît avcctaut d'ardeur, & d'efficace, auprès de<br />
ftlntiV ce Prince, qu'fl fe rendit enfin à fes inftantes prières. DABER,'<br />
fie"SJ- ^^^ ABOUMENTOR ELMORITENSAB, Calife d'jE^yp/^, cqnfentit à<br />
«t.' le faire rebâtir; & fl eut même k générofité, félon quelques<br />
Auteurs, de faire relever ce Tempk, à fes propres dépens. D'autres<br />
difent, qu'il ne fit qu'en accorder k permiffion aux Chrétiens',<br />
Se que ce furent eux-mêmes qui le rébâtirent, auffi bien<br />
que les autres Eglifes de Jérufalem y vers l'année 104.4,. GUIL<br />
LAUME de Tyr affure pourtant, que ce Prince charitable, touch<br />
des mifères. Se des fouffrances des Chrétiens y qui habitoient<br />
dans cette ViUe, Sç qui étoient ailés fe jetter à fes piés,<br />
pour lui reprérenter l'impuiffance où ils étoient de fournir à la<br />
quatrième partie des Murailles, Se des Tours que les Sarrafins<br />
dEgypte ,les contraignoient de rebâtir, leur promit une groffe<br />
fomme d'argent, pour cet ouvrage, à condition qu'ils obtiendroient,<br />
du Souverain de cette Provinee , une permiffion au^<br />
thentique qu'fl ne pourroit habiter que des Chrétiens, dans le '<br />
Quartier dont ils feroient relever ks Tours , & les Muraflles,<br />
s»mme con- ^^ Privilège leur fut accordé par le Calife , avec un commanfidérabie,<br />
demQnt exprès, fcellé de fon Sceau ; de forte que f Empereur é- '<br />
{TGouv!r^, crivitdor^ au Gouverneur de CHYPRE, de leur fournir, de<br />
^^^^\'l' fon Domaine, l'argent qui leur feroît néceffaire pour cet ouvrage.<br />
pour le il. Les Chrétiens de la 5/^. Cité exécutèrent pondueflement ce qui<br />
Sépulcre. . i . .^ . - • y ^^<br />
kur<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
a DE JE'RfU.SALEM. Lïv.m. CH: L H 9?,<br />
•leur'avoit été ordonné par les•âSarr/z^«J,.& eurent le bopheur<br />
de fe féparer de ces Infidèles, avec lesquels fls avoient été obligés<br />
dhabiter jusqu'alors, avec de grandes incommodités, pour fe retirer<br />
du côté qui leur avoit été accordé; & où, en conféquence des<br />
ordres du Colley les Barbares les laifferent s'accommoder, fans<br />
aucun obftacle.<br />
Ge Quartier s'étendoit depuis la Porte.Occidentale , ou de<br />
DAVID, venant de l'angle de la Tour nommée deT A NCRE'DE,<br />
jusqu'à la Porte de St. ETIENNE, qui fe. trou voit au Nord dek<br />
Vifle : fl renfermoit dans fon enceinte le Temple du St. Sépulcre y<br />
la Maifon de l'Hôpital, Se les Gouvens d'Hommes,. & de Femmes,<br />
appelles communément la Maifon du.Patriarche y Sede<br />
Cloître des Chanoines du St. Sépulcre.<br />
Comme le Patriarche étoit la perfonne la plus éminente,qu'il ^^^^'iJrfO<br />
y eût parmi eux. Se que cliacun lui déferoit volontiers la dézgeenSou.<br />
cifion de fes démêlés, fl s'érigea lui-même en Juge fou-X'^^vS<br />
verain , tant pour le Spirituel, que pour le. Temporel, lori^^^'^^^"»'<br />
.qu'ils eurent leur Quartier féparé des Infidèle» ; •& c'eft<br />
de-là qu'eft venue la prétenfion de tous les autres Patriarches<br />
fes Sueceffeurs, d'être Seigneurs de la quatrième Partie de Jérufalem.<br />
Ils voulurent même, que les Princes Ztf^//2^ leur ac- '<br />
cordaffent cette Prérogative, après k 'prife de-la Sainte Cité y<br />
fur les Infidèles, l'année lopp.<br />
C H A P I T R E IL<br />
Ce fut à-pei|.près dans le tems de ce rétabflffement, que quel- jrtîcie L<br />
ques Gentilshommes ,• & Négocians dAmalfiy Vflle du<br />
Roïaïune de Naples , qui avoient coutume de trafiquer, avec<br />
kurs Vaiffeaux , dans les Lieux maritimes de Syfie, & dE-<br />
^ • N gypte y<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^ HISTOIRE G F N F R A L E<br />
gypte y où fls portoient des Marchandffes d'autant plus agréablei<br />
aux Sarrafins y qu'elles kur étaient inconnues, fe firent chérir<br />
non feukment des peupks, mais encore des Gouverneurs , &<br />
du Calife y qui leur procurèrent la liberté de parcourir k Pays,avec<br />
la permiffion de faire bâtir une Eglife, Se une Maffon, dans<br />
Jérufalem, où fls puffent fe loger, & célébrer f Office Divin<br />
fuivant f ufage de fEglffe Romaine , puffqu'on n'y officioit encore<br />
que felon le Rite Grec,<br />
Le Préft- Le PréfidcHt de cette Vifle , qui étoît bkn-aife de les favot^Jd^u^<br />
rffer, n'eut pas plutôt reçu f ordre du Calife y qu'il kur affigna^<br />
ne Place, uue gfandc, & fpatîeufe Placc, dansk Quartier où habitoient<br />
du Strié- ks Chrétiens y Se vis-à-vis de la Porte du St. Sépulcre. Ges pieux<br />
^uicre. î^égocians fe taxèrent entre eux, & fournirent généreufement<br />
de quoi fubvenir à la çonftrudion d'une Eglife, qu'ils dédièrent<br />
à là SAINTE VIERGE, d'un Hofpicey pour loger ks Reflgieux qui<br />
devoiêût k ^ffervir, Se. d'une Maifon capabfe de recevoir tous<br />
ceux de kur Nation, qui auroknt la dévotion d'alkr vifiter les<br />
Saints Liéuié. Ces Edifices furent conduits , en peu de tems, à.<br />
leur perfedion ; Se. l'on fit venir un Abbé,. & quelques<br />
Ttsfita- Moines du Couvent de Monteaffiny Ordre de St. BENOIT, pour<br />
îîEay^^r avoir foin de cette nouvelle Eglife ,^ qu'ils nommèrent Ste.. MA-<br />
^^'^^^ RIE, la Latine y afin de la difUnguer des autres Eglifes de Jér<br />
' rufalem, qui étoient toutes Grèques. Ils chargèrent enfuite<br />
ces Religieux de recevoir , &. de logpr indiféremment, tous les<br />
Pèlerins Latins,<br />
La nouvefle de cette pieufe Fondation attira bientôt à Jéru^<br />
falem un fî grand nombre de perfonnes, des deux fexes, que cetté<br />
Maifon n'étoit pas capable de ks loger. Les Fondateurs^<br />
jtoutours animés du même efprit de Charité, & de Zélé, firent"<br />
bâtir un autre Monaftère, pour ks Femmes , fous k. diredion:<br />
de quelques Dévotes, qui s'y trouvoient.<br />
Ils dédièrent ce nouvel Edifice à Sainte MARIE MADELAINE.<br />
Cette affiuence des ChrétienSy qui y afloieût de toute VEuropCy<br />
tenta;<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE^USALtM. Ltr: IIÏ. Cn. ÎL îp><br />
tenta l'avarice de Infidèles , & leur fit mettre un Impôt, d'un<br />
Xcu d'or, par tête, fur tous ceux qui voudroient entrer dans la<br />
Vflie; Tribut qu'on eft oUigé de payer encore aujourd'hui, mal*<br />
gré les grandes révolutions qui y font arrivées depuis ce tems*<br />
là. Enfin, la charité de ces Négocians devint fî grande , que<br />
non feulement fls maintinrent ces deux Maifons , jufques en<br />
Pannée io95>. qiie ks Chrétiens Croifés y fous GODEFROI de<br />
BOUILLON, prirent k Ste. Cité, mais encore fondèrent un célèbre<br />
Hôpital, dans l'enceinte de k Pkce qu'on leur avoit accordée.<br />
On y recevoit égakment ks Malades, Se ceux qui joutffoient<br />
d'une parfake fanté.<br />
Pour la commodité des Infirmes, îls firent une Chapeîk, qu'fls<br />
dédièrent à Saint JEAN BAPTISTE , parce qu'ils aprirent, que<br />
le Prophète ZACHARIE, Père de ce Saint Précurfeur de JE'SUS-<br />
CHRIST , avoit coutume d'alkr faire fe prière dan« cet efluinoît- Ongine de<br />
k. Pour diriger cet Hôpital, fls nommèrent un Gouverneur, st-jean^^<br />
«u Redeur, ce qui a donné lien , dans la fuite, à l'Etabhfïe- J^"'^*^^"^?<br />
ment de fOrdre de St. JEAN de Jérufalem, qui s'eft rendu fî<br />
célèbre , dans la Chrétienté. Quelques Hiftoriens lui donneot<br />
une origine beaucoup plus ancienne : les uns apparemUient,<br />
pour flétrir la gloire des Amalfitains y qui en ont été les véritables<br />
Fondateurs , prétendent, qae cet Hôpital Rvoit éfcé fondé<br />
du tems de Propliète SAMUEL , Se rétabli enitee, fous fe<br />
Règne de JULES GE'SAR, aux dépens da Tréfor, qu'un certain<br />
MELCHIOR avoit furtivement tiré du Sépulcre de DAVID , qu'ail<br />
avoit rompu. Se que k Propl^ète ZACHARIE en fut le premier<br />
Gouverneur. Les autres, auffi peu fondas, ve^^ent , que cet Fables, fsp<br />
Hôpital fût le même où JUDAS MACHABE'E fiiifoit retirer , & LT'&^*<br />
traiter les Soldats bleffés, pendant .les Guêtres qif fl eut contre<br />
les Gentils ; Se que ce fût-là, que çe Capitaine envoïa les douzemille<br />
dragmes d'argent, pour faire prier Dieo, pour les Ames de<br />
ceux qui étoient morts, dane les BataSes qifû kur avoit livrées.<br />
N 2 D'au-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
io6 HT S T 'Ô I R "E G E'^N E' R A L E<br />
' D'autres pr'tendent, que cet Hôpital fut fondé par JEAÎ?<br />
HiRCAN, Fils de SIMON MACHABE'E , & Père d'ARiSTOBULE,<br />
qui fut le premier Roi des Juifs y après la Captivité de Babik-^<br />
ne. Ils fe fondent fur ce que JOSEPH , dans fon premier Livre<br />
de la Guerre Judaïque , dit, que ce Prince aïànt été affiégé,<br />
' dTiUs Jérufalem y par ANTIOCHUS, furnommé le Pieux y tira du<br />
Sépulcre de DAVID troîs-mifle talens, dont il en donna troiscens<br />
à fes Ennemis, pour fe délivrer du fiége , & emploïa une<br />
partie du refte à faire bâtir un Hôpital, pour la commodité de<br />
ceux qui alloient des Pays éloignés , vifiter le Temple de SA<br />
LOMON , ce qui arriva 135*. ans avant la venue de' J-E'SUS^<br />
CHRIST; \<br />
Pour détruire toutes ces Opinions, fl'fuffit dé dire, que ces<br />
Hôpitaux furent bâtis auprès du Temple de SALOMON , qui<br />
eft fort éloigné du Mont CALVAIRE, auprès- duquel les Amalfi^<br />
tains avoient bâti celui de St. JEAN BAPTISTE , qui a été k<br />
véritable origine de fOrdre Militaire des Chevaliers de Jérufalem<br />
y qui fleurit aujourd'hui à M?//Zr^. Ces Opinions ont été<br />
réfutées par les Hiftoriens les plus approuvés ; & entre autres<br />
par GTILLEAUDE de Tyr y dans le Livre XVIIL Chap. 4- & 5;. dé<br />
fon Hiftoire de la Guerre Sainte^<br />
Origine des A peine CCC Hôpital fût-fl étabU , que la Vflle de Jérufalem<br />
emparent* tomba au pouvoir des Turcs y Peuples Septentrionaux y à fégard<br />
ifcjérufa- de la Paleftine. C'étoient des Peuples cruels ,& vagabonds,<br />
originaires de la Scythie, & de la Province nommée Sarmatie<br />
Afiatique, que PTOLOME'E renferme entre les Fleuves TanaïSy<br />
Se IFoiga y Se les Monts liyperb&réens Se Càucafe, où ils avoient<br />
vécu long-tems errans, dans les Bois, fe nourriffa'ns de leur<br />
Chaffe, fans Religion, fans Chef, fans Loi, fans Habitations,<br />
& enfm fans Humanité ; mais fort foigneux de s'exercer à<br />
monter à cheval, & à tirer de l'arc.<br />
Ces Peuples fe multiplièrent à tel point, que ne pouvant ^iis<br />
fobfifter dans kurs Forêts, fls commencèrent, dès le tems dAu-<br />
GUSTE,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JÉRUSALEM LIV. HL CH.IL IOI<br />
GtJSTE, a en fortir par troupes, pour inquiéter leurs Voifins. Le<br />
Pape PIE IL dit, que „ ces Barbares aïant entendu par-<br />
„' 1er du Tribut que les Chrétiens payoient à ce Monarque,' lui<br />
„ en offrirent un volontairement ,'.s'imaginant que c'étoit un<br />
„ Dieu des Jours, & du Tems, nouvellement né.<br />
Ils s'accoutumèrent ïi fort aux rapines, Se a la bonne nourriture,<br />
qu'ils trouvoient dans leurs Brigandages, & fortirent en<br />
fî grand nombre de leurs tanières , que peu-à-peu ils s'emparèrent<br />
de tout le Pays d'alentour, jufqu'aux Palus Méothides , où<br />
ils s'arrêtèrent, & firent venir grand nombre de Famifles , qui<br />
étoient reftées dans les Bois de Scythie , afin de les faire jouïr<br />
des mêmes avantages qu'ils s'étoient procurés.<br />
Ce fut alors qu'ils commencèrent à éflre un Sujet d'entre eux,<br />
pour gouverner leur République naiffante. Ce Chef, voulant AN N E'E<br />
aguerrir fesConfi:ères,afm d'être en état de faire de plus grands ^^^J*^progrès,<br />
fe mit à la tête des plus braves , & alla prendre parti Twcsunn<br />
au fervice d'ARTAXERSES, Roi des Parthes , qui étoit en guer- fesT^S^<br />
re contre l'Empereur ALEXANDRE SE'VE'RE. Ils firent admirer fr ^'""'*kur<br />
valeur , fous le nom. de Scythes ; mais ce Prince aïant été Alexandre<br />
vaincu par les Romains y ils fe foumirent à leur Domination, Se ^"^'<br />
vécurent affcz tranquillement, jufqu'au tems de GORDIEN. Soit<br />
qu'fls vouluffent vanger k mort de ce bon Empereur, que PHI<br />
LIPPE, Préfet du Prétoire, avoit Mt affaffmer en Perfe, pour ufurper<br />
f Empire, ou que f habitude de fArtMifltaire les eût rendus<br />
inquiets & entreprenans, ils- fe révoltèrent contre les Rqmains<br />
, Se commencèrent à ravager les Provinces de f Empire.<br />
Ils en furent chaffés par DE'CIUS , & contraints de fe retirer<br />
chez eux. Ge ne fut pourtant pas pour long-tems ; car ils reffortirent<br />
bientôt après, pour fe jetter une féconde fois fur les Provinces<br />
Romaines , qu'EMiLiEN leur fit encore abandonner. Il défk<br />
même , Se mit en déroute kurs meifleurs Soldats ; mais fls ne<br />
tardèrent pas à fe vanger. SAPOR, Roi de Perfe y les î^jpelk à<br />
fon fecours; & fls furent caufe de la défaite de fArmée Romai-<br />
N 1 ne y.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
103 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
ney auprès de Céfarée y Se de la prife de f Empereur VALE'RIEÎS<br />
que ce Prince Perfan traita d'une manière fort cruefle.<br />
•Llle de Cet Barbares ne fe croïoient point encore affez vangés des<br />
?^Sde Romains; Se fls obtinrent des Perfes une Armée Navale , -pour<br />
ravage, par aUçr ravager file deChypre y Sc
DE JE'RUSALEM LIV. m. CH. IL 103<br />
propofîtion ; mais, pour empêcher qu'ils ne fe révoltaffent, Se<br />
ne fiffent quelque entreprffe, dans f Endroit où fls s'étoient arrêtés<br />
, ils leur affignèrent d'autres Habitations, dans des Lieux<br />
plus écartés, & où îls avoîent moins à craindre leur rébeflion.<br />
Les Sarrafins s'aperçurent auffi-tôt, qu'fls n'avoient rien à<br />
apréhender de ces nouveaux hôtes ; Se fâchant, que ks Turcs Turcs di-.<br />
étoient fatîsfàîts des terres qu'fls leur avoîent accordées, bien S'^JJJ;^<br />
loin de fonger à les inquiéter, fls s'accoutumèrent à leurs Moeurs, avec les<br />
à leurs Manières y & à leur Religion; de forte que peu après ils dePerfe!<br />
devinrent comme une même Nation*. Les Sarrafins mêmes firent<br />
part à ces nouveaux Peupks des Charges , des Honneurs,<br />
Se des Dignités de kurs Etats. Ceux-ci devinrent infenfîbkment<br />
compagnons des ceux auxquels fls s'étoient foumis, & tellement<br />
confondus avec eux, que, dans k plupart des Hiftoires,<br />
fous le nom des Infidèles y on entend indifféremment les Sarra- Erreur des<br />
fins Se ks Turcs. Erreur digne d'attention. Se qui vient de ce qu'on f^^ant"^^<br />
n'a pas bien diftingué les Sarrafins dEgypte , Se ceux de Perfe. Sarraiins.<br />
Ceux qui habitoient les Palus Méothides, fatigués de fervir des<br />
Princes étrangers, & de vivre à leur folde, fe crurent affez forts, pour<br />
s'aqucrir eux-mêmes une Souver^neté, dans un meifleur Pays<br />
que celui qu'ils occupoient, où d'aflleurs îls s'étoient extrêmement<br />
multipflés : îls aUèrent attaquer les Alains, Se enfuite les<br />
Colchers ; mais k guerre s''ttant allumée, entre les Sarrafins d'Egypte<br />
y Se ceux de Perfe , GIAMBRAIL , qui regnoit en EgyptCy Mahomet<br />
entreprit d'envahir li Perfe Se k Médie y où regnoit MA-^ff^[f^<br />
HOMET. Ce dernier appefla ks Turcs à fon fecours. Ils y allé- Perfe à/o^r<br />
rent avec tant de promtitude , & en fî grand nombre y fous la'tnVst!^conduite<br />
de MUHALET , un de leurs Capitaines y qu'ils mirent gy^pj^f^'<br />
en déroute, Se chafferent f ennemi. Il eft vrai, que la vidoire,<br />
que MAHOMET remporta, ne kii fut pas d'une grande utilité. Se<br />
que k puiffant fecours, que les Twcs kii donnèrent, lui devint<br />
, dans k fuite , plus funefte, qji'il ne lui avoit été avan*.<br />
tigeux. •<br />
LesP<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
'lOf HISTOIRE GE'NE'RAiLE<br />
Les peupks, qui étoient du Parti de GIAMBRAIL, fe révoltèrent<br />
•contre lui, défirent fon Armée, Se ne fongèr^t plus qu'à fe rendre<br />
maîtres de la Perfe. Dans cette réfolution , fls attaquèrent<br />
les Sarrafins, que MAHOMET , informé de leur deffein , avoit<br />
poftés fur les bords del'^r^.r^. Fleuve delà grande Arménie,<br />
Mais., malgré kur courage, fls ne purent les forcer, qu'après<br />
plufîeurs Combats très-fanglans, Se dans lefquels ils furent tourà-toiu:<br />
vaincus, ou vainqueurs.<br />
Cependant, MUHALEI^, Chef des TurcSy aïant été tuédanSun de<br />
ces Combats, ceux-ci appellèrent promtement TANGROLIPIE,<br />
fon Frère, qui étoit refté aux Palus Méothides y pour les commander.<br />
Ce nouveau Général leur amena un renfort fi confidérable,<br />
tant de ceux qui y .habitoient avec lui, que de ceux qui étoient<br />
reftes en Scythie y qu'il défit les Sarrafins y qui gardoient les Fron^»<br />
tières de la Perfe y Se entra, avec tant d'jmpétuofité, dans ce<br />
Roïaume, qu'il demeura enfin maître de plufieurs Endroits.<br />
hes Sarrafins, pour ne pas perdre la Domination d'un Pays<br />
fi beau, & fi florifknt, firent de leur côté des efforts fî extraordinaires<br />
, pour s'y maintenir , que ce ne fut qu'après plufîeurs<br />
années de Guerre , Se des maffacres infinis, que les<br />
Turcs s'en rendirent entièrement ks maîtres, par faffiftance<br />
que leur donna LE'ON, Empereur de Conflantinople} en reconnoiffance<br />
de ce qu'fls l'avoient aidé à réduire ks Bulgares,<br />
qui s'étoient révoltés contre lui.<br />
L'Empire Mais, comme ce Peuple fier, & entrepuenant, afpiroit toujours<br />
%'uvenif à de nouvelles Conquêtes, & que, dans _ la fuite des tems,<br />
Trinceffes l'^^^P^^^- ^^ Grècc tomba entre les mains,de Princes lâches. Se<br />
' efféminés, Se peu après, fous le Gouvernement, de Zoë, dp<br />
THE'ODORE , Se d'EuDOXE, les Barbares furent fi bien profiter<br />
de,la foibleffe de ces Princeffes, qu'ils ravagèrent les Provinces de<br />
LycaoniCy de BythiniCy & de Galatic, &, fous la conduite deËEt-<br />
JE'TOC , BELFER , ou BELCHFOIS^D , fls entrèrent dans k Syrie,<br />
' . ... dont<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
x JE'RUSALEM. Lïv. HI. CH. IL loj<br />
î'dcnt ils s'emparèrent, anffi bien que de tous les Pays qui font<br />
•depuis Laodicée de Syrie y jufqu'à VHélefpont y malgré les efforts loCo;<br />
^ue fit f Empereur Romain, furnommé DIOGENE , pour arrêter<br />
leurs progrès. ^<br />
Les Turcs s'étant emparés de la Sainte Cité, vers fan 1060, Perfécutraitèrent<br />
fi crueflement les Chrétiens qui fhabitoiçnt, qu'fls chr
o5 HISTOI R E G E' N E' R A L E<br />
Pfr/^ , ils fe feroient maintenus dans leur ùfurpation : cenendant,'<br />
,. V Krmé.i Chrétienne y qui alloit en «Syr/>, pour la Conquête de k<br />
VArmée de Terre Sainte y z.b2Li(ffans qu'aucun d'eux prétendît au Commandement général<br />
de cette puiffante Armée. Après avoîr, comme je viens de<br />
le dire, pris Nicée, Antioche y avec près de cent autres Villes,.<br />
& défait, en plufieurs Combats, CORBAGA, ou CORBANA, Capitaine:<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM Lïv. III, CH. HI. Î07<br />
faine Général des Perfes, avec cent-mille Turcs de fon Armée,<br />
qui avoîent voiflu s'oppofer à kur marche , ils arrivèrent enfin à<br />
Jérufalem, dont fls formèrent k fiége. Ils la prirent aux EgyptienSy<br />
qui en avoient chaffe fes Turcs, trois mois auparavant.<br />
Le fîége de cette Vflle ne dura que trente-neuf jours, malgré Siège de<br />
la vigoureufe réfiftance des ifc/îd^/^i, & les grandes incommpdi- ^^^opl.'"*<br />
tés que fouffrirent les Croifesy faute d'eau, dans une faffon où fl<br />
faifoit auffi chaud, qu'fl .fait en ce Pays-là au mois de Juin ; fl ne<br />
fe trouvoit même aux ewviroKS aiKurîeRivière, RiiATeau, ni Fontaine<br />
, fî ee-n'eft k petite Siyhé y qui étôit alors prefque entièrement<br />
tarie.<br />
C H A P I T R E IIL^,,<br />
J<br />
érufalem eft fîtuée en Syrie , dans le Pays qu'on nommoit an- ^^^^^ j^<br />
ciennement k Cananée y Se dans la Partie de la Terre de Promiffion,<br />
qui tomba en partage à la Tribu de BENJAMIN. Cette<br />
Ville Se fes dépendances furent nommées Paleftine, mot corrompu<br />
de.P/b/7^/«^ , des Philiftins qui l'habitoient EUe aété aufïi<br />
nommée Judée des Juifs, qui la poffédèrent long-tems , &wétoit<br />
alors bâtie fur le penchant de deux hautes Montagnes, dont fune,<br />
qui eft vers VOrient y s'appefle Sion y fî renommée dans la<br />
Ste. Ecriture,«Se fautre vers VOccident fe nomme Moria; de forte<br />
qu'efle regardoit le Levant Se le MidL Elle n'avoit, fiir fes émînencesj<br />
que le Temple de SALOMON , Se le Fort appelle<br />
Antonia, ou Tour de DAVID. L'Empereur ADRIEN avoit<br />
aclievé de k détruire, pour punir les fréquentes rébelflons des<br />
Juifs y Se l'avoit fait enfoite rebâtir* Afin qfffl ne reftât aucune<br />
mémoire, ni de fe première forme, ni de fon ancien nom, il<br />
l'appefla Elia, de fon propre nom ; il la fit bâtir for Je fommet<br />
O Z de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
oS H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
de ces Montagnes,, «Se toute diférente de ce. qu'efle étoit aupara%<br />
vant.<br />
Au lieu qu'efle s'étendoit/environ une bonne flene du Midi ait<br />
Septentrion, flk fit beaucoup plus petite, & très-irrégufière, quoi^<br />
qu'elle fût encore de figure quarrée, mais toujours un peu plus<br />
longue, que large.. Le Temple dé la Réfurredion^ qui étoît hors<br />
de l'ancienne Ville, fe trouva dans f enceinte des muraflks de la<br />
nouvefle, qui, par fa fituation ékvée , 6c penchante , demeura<br />
environnée, de trois côtés , de grandes & profondes Vaflées»<br />
EUe avoit, à l'Orient,^celle de JOSAPHAT; au Midi, «Se au Cou-^<br />
chant, celle d'ENNON , qui fut la borne des Terres de JUDA , Se<br />
de BENJAMIN.. Gette Vallée s'étend, vers le Couchant, jufqu'à.<br />
k Pifcine nommée aujourd'hui le Lac du. Patriarche, L'Accès<br />
en eft cependant affez aifé, du côté, du Nord, & le chemin facile,<br />
&unL<br />
Ge fut de ce côté-là, que fe campa l'Armée Chrétienne. Elleétendit<br />
fes Quartiers vers l'Occident, c'eft-à-dire, depuis la Porte<br />
de St. ETIENNE , jufqu'à cefle qui étoit fous la Tour de DAVID.<br />
Des Rochers efcarpés Se les Précipices des Vallées l'empêchoient<br />
de renfermer la Ville- du côté du Levant. Ges Vaflées «Se.<br />
tous les Environs de h.'Sainte Cité y font fî pierreux & il arides,<br />
qu'ils font entièrement fans Bois, fans Jardinages, fanr<br />
Prairies; & l'on n'y trouve aucun des autres agrémens, dont,<br />
jouiffent les Pays, qui ont des Rivières ,> ou d'autres eaux;<br />
auffi, les Habitans n'ont que celle des pluies, qu'ils ramaffent, &:<br />
confervent avec foin, dans de grandes Citernes; Se ce fut cette,<br />
grande difette d'eau, qui fit tant fouffrir les Croifés y pendant ce<br />
mémorable f'ége.<br />
Enfin, après plufieurs rudes. Se fréquentes attaques, de la part<br />
des Chrétiens y Se une très-vigoureufe réfîftance, du côté-des affiégés,<br />
GODEFROI de BOUILLON, avec EUSTACHE, fon Frère, furent<br />
les premiers, qui, dans un affaut général, fautèrent, l'épée à<br />
k mafli, dans k Vflle, Se fuivis de leurs meflkurs Soldats, fe firent:<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. IIL CH IIL rop<br />
nent un paffage jufqu'à une des Portes, qui fut bientôt enfoncée, Tous les<br />
par d'autres Croifés y qui les fuivirent en grand nombre. Le gros ^|é?u£'<br />
de l'Armée y entra triomphante, fans trouver aucun obftacle,'^"J,^^^^^^<br />
un jour de Vendredi i J^ dé Juillet, & paffa au fil de Vépée Npée.<br />
tous les Egyptiens y qui s'y trouvèrent- Voik comment les Chrétiens<br />
y qui y habitoient, parmi les Infidèles, furent déflvrés dé<br />
la fervitude, dans laquelle fls vivoient depuis fi long-tems, & fe<br />
re.uirent en poffeffion des biens qui leur apartenoient. •<br />
On en trouva même plufîeurs chargés de fers,- dans' des Pri- Délivrance<br />
fons obfcures. Le bon GÉRARD, Redeur de f Hôpital, étoit deffen^'j^.<br />
ce nombre. Gc vieillard ne fut pas plutôt en flberté, qu'fl al-"^^*<br />
la, avec fôn zèle ordinaire, prendre les Soldats malades, ou<br />
bleffés. 11 les traita avec tant de foin, & d'affeétion, que Go-<br />
DEFROi de BOUILLON, poiu recompenfer fa charité, & affermir<br />
une Maifon, dont il reconnut futflité, lui fit à perpéturté<br />
Donation d'une Maifon fondée kMontboizcy dans la Monta^<br />
gne froide y avec toutes fes terres Se dépendances. Gette J)of-P''^^"<br />
nation eft.la première que l'on trouve avoir été faite à l'Hôpital/«jt? à<br />
de St. JEAN de Jérufalem. Ce généreux Prince lui donna en-^'/glfl-îm<br />
core des biens plus confîdérables; &, à fon imitation, les au-de jémiv<br />
tres Princes Chrétiens l'ont enrichie de tant de beaux Revenus, ^^'<br />
Se les Papes de tant de Privflçges, & d'Indulgences, que k<br />
première Nobleffe de VEurope a fait gloire d'entrer dans fOrdre<br />
Militaire, qui s'en eft'formé dans la fuite. Se qui fait aujourd'hui<br />
fa réfidence à Malthe.<br />
Les Seigneurs Croifés, après avoir rendu de très - humbles Godefroi<br />
grâces à Dieu,qui venoit de les faire triompher fi glorieufementi^jn^^^*^^!;des<br />
ennemis de fon faint Nom", Se après avoir fait purffier h^ejérdù-^<br />
Vflle des horreurs, & des maffacres, dont elk avoit été rempfle,<br />
s'affemblèrent, pour donner un Roi à Jérufalem. GODE<br />
FROI de BOUILLON, qui avoit eu la meifleure part à fa Conquête,<br />
fut élu,d'un commun confentement,& élevé, à cette haute<br />
Dignité. Tous ies Hiftoriens CLnviennent,quejamais Elec-<br />
O 3. tion<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
IIP H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
tion ne fut plus univerfeflement applaudie ; jufqu'aux momdrei<br />
Soldats de fArmée donnèrent des marques de leur fatisfàdion.<br />
Ce vaillant. Se pieux Prhice fe défendit modeftement d'accepter<br />
cette Dignité, Se n'y confentit qu'aux inftantes prières de toute<br />
fArmée. Les principaux Seigneurs aïant enfin vaincu fa réfîf^<br />
tance, fl fut conduit dans le Temple du St. Sépulcre y qui, de-^<br />
puis que k Vifle avoit été rebâtie par l'Empereur ADRIEN, fe<br />
trouvoit, comme nous venons de le dire, dans f enceinte des<br />
Murailles. Ce fut dans ce Sanduaire refpedable, que GODE<br />
FROI fut foleronellement proclamé Roi de Jérufalem y le 23. de<br />
Juillet, huit jours après la prife de cette Place.<br />
1100. Maisfl refufa abfolument de prendre la Couronne d'or, qu'on<br />
Samodejîie, luî prefeuta, proteftant qu'fl n'en porteroit jamais de ce métal,<br />
dans im lieu, où le SAUVEUR du Monde, Se le Roi des Rois<br />
n'en avoit porté qu'une d'épines. Bel exemple de Mod^ation-^<br />
ChiMemwy dans laquelle ce grand Prince perfévéra jufqu'à la<br />
Monde mtxrt, qui, au grand regret de toys les Chrétiens y l'enleva, un<br />
Go efroi. ^^ ^mÀns cîuq jours, après fon élévation fur le Trône.<br />
Ce ne fut pas fans raifon, que les Chrétiens reffentirent fî<br />
vivement la,perte de leur Souverain; les grandes adions de vertu<br />
, Se de valeur qu'fl avoit faites, pendant la courte durée dé<br />
fon Règne, étoient trop mémorables, pour qu'ils ne pleuraffent<br />
|)as am^èrement un Pripce fî digne d'être regretté. Les belles<br />
Loix, Se les fages Ordonnances qu'il avoît d'abord établies, qui<br />
-ont toujours été obfervées depuis, & ont fervi de règle à les<br />
Sueceffeurs, fous le nomdAjfifes-, le .courage héroïque, avee<br />
lequel fl afla à la rencontre de l'Armée Egyptienne, qui s'avançoit,<br />
•poux 2S^\.éger Jérufalem y «Se qu'fl défit près dAfcalonCy malgré<br />
l'inégaflté de fes forces ; enfin, cent autres faits de piété, «Se<br />
de prudence, caufoient les juftes regrets de les Peuples.<br />
Il avoit fondé deux Chapitres de Chanoines, fun dans l'Eglife<br />
du Temple, «Se fautre dans celle du St. Sépulcre. Ces denniers<br />
furent faits-, dans la fuite, ChevaUers de fOrdre Militaire du<br />
St,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LIV. m. CH. ÏÎL tft<br />
St. Sépulcre y par BAUDOIN I. GODEFROI avoit auffi fait bâtir<br />
un Monaftère, dans la Vallée de JOSAPKAT. 11 avoit nommé<br />
LLIBERT, Evêque de Pifé, Se Légat du St. Siège, au Patriar<br />
chat de Jérufalem, «Se avoit ctabfl des Evêques dans les autres<br />
Villes, qu'il avoit conquifes. Il avoit fait fortifier le Port de ^" ^f^r-s<br />
Jaffa y comme le pRis voifîn de Jérufalem y afin d'affurer ^"*'^ ^'<br />
la Ville de ce côté-là. Enfin, on peut dire, que ce Prince,qui<br />
poffédoit toutes les Vertus Chrétiennes, Civiles, Se MiUtaires,<br />
n'oublia rien, pour affurer ce Roïaume aux Chrétiens , qui<br />
avoient eu favantage d'en chaffer les Infidèles. Sa mort fut une<br />
piTte irréparable, tant pour les Chrétiens d Orient, que d Occident.<br />
U fut inhumé dans une Chapelle de f Eglife du St. Sépulcre<br />
, où fl avoit choifî fa Sépulture, qu'on voit encore aujourd'hui,<br />
à côté du Tombeau de fon Frère BAUDOUIN, Comte<br />
dEdeffe, qui lui fuccéda, & qui, moins fcrupuleux que lui, fe<br />
fit couronner. Se facrer le jour de Noël y de l'année i loi. dans I^OÏ.<br />
fEglifè de Bethléem, par le Patriarche ELIBERT, qui avoit foc- Bau.io.iin,<br />
cédé à SIMEON, Patriarche Grec, mort en Chypre, pendant le^'**"-'-^<br />
Succeji ir<br />
fiége de Jeruiàlem. ARNOUL , qui avoit été élevé à cette Digni- de<br />
té, par des brigues, n'a point été mis dans ce Catalogue*<br />
BAUDOUIN, qui poffédoit auparavant le Comté dEdeffe y ^en<br />
démit d'abord, en faveur de BAUDOUIN du Bourg y fon Coufîn,<br />
& donna à HUGUES de St. Orner y Homme Ifluftre, & grand<br />
Capitaine, la ViUe de Tibériade y que TANCRÈDE venoit<br />
de lui réfigner. Ce dernier, par une générofité extraordinaire, re- x<br />
nonça volontairement au Comté de Caiffa, & à la Principauté de<br />
Galilée, que GODEFRCJ lui avoit données à perpétuité, tant<br />
pour lui, que pour fes Defcendans y pour recompenfer fon mérite<br />
, Se les grands fervices qu'fl lui avoit rendus, TAN-<br />
CREDE, Homme droit & généreux, préférant le point d'hon-^<br />
neur à l'intérêt ,& ne pouvant oublier une injure qu'fl avoit reçue<br />
de BAUDOUIN à TfjraceyVilledeCi/iciéy aima mi-ux abandonner<br />
ces Seigneuries, que de s'engager, par aucun Serment de fid^-<br />
'<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
'II.2 H I s T o I R E G E' N E' RALE<br />
déUté, avec une perfoane qu'fl ne pouvoit aimer fiAcère^<br />
ment.<br />
Il prît le parti de fe retirer à Antioche y où les Habitans de<br />
cettefcVille favoient appelle, pour luî en donner le Gouvernement,<br />
auffi bien que de toute la Province, jufqu'au retour de<br />
BOÉMOND, leur Prince légitime, qui fe trouvoit captif chez les<br />
Infidèles. Cependant, le Roi BAUDOUIN,qui étoit très-vafllant.<br />
Se grand Homme de guerre, à l'imitation de GODEFROI fon<br />
Frère, s'apliqua d'abord à faire quelque Entreprife fur les Infidèles<br />
y pour tâcher d'étendre la Domination des Chrétiens. Il<br />
fut fi heureux dans fes premières Expéditions, qu'il prit fur les<br />
Prife de Barbares les Villes dAntipatride, Se de Céfarée. Il défit leur Armée<br />
Wi"s''par en bataille rangée, auprès dAfcalonCy où fls eurent 5'ooo.Homijandouin.<br />
mes de tués. Il étoit en état ^de pouffer fes Conquêtes, s'fl ne les<br />
avoit .pas pourfuivis, avec trop de chaleur, dansia Piaînede<br />
.M R,ama. Il y perdit fes meilleures Troupes, & â peine put-.il<br />
/ fe fauver lui .fixième dans la Ville de ce nom. Néanmoins,<br />
pour réparer cette faute, Se ne point donner aux Ennemis le '<br />
tems de profiter de fa difgrace, fl affembla fi promtement les<br />
Troupes, qui fe trouvoient en garnffon dans les Villes de fa dépendance<br />
, qu'il les furprit, Se les attaqua fi brufquement, au<br />
miUeu des réjouïffances qu'ils faifoient, pour leur Vidoire, qu'fl<br />
'les ^lit en déroute^ «Scies obligea d'abandonner tout leur Bagage-<br />
Ce Prince, affifté de la Flotte des Génois y prit enfiflte les<br />
YïVies de Ptolomaïde y de Sidon, de Baruth y Sefe rendit enfin<br />
maître de toute xette Côte jufqu'à Tripoli y à la réferve de la cé^<br />
lèbre Vflle de Tyr, -Il fit auffi bâtir la Fortereffe de Montréal y<br />
afin d'empêcher les courfes des Arabes, du côté du Défert ; &<br />
après avoir confidérablement augmenté la gloire, «Se la réputation<br />
des Armes Chrétiennes y en Orient y Se joint au Roïaume<br />
de Jérufalem pluVieurs grandes & befles Vifles, fl mourut de<br />
la diffentcric, après dix-huit ans de Règne, fans laiffer aucun<br />
En-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv.IIL CH. UL 113<br />
Eiifent de fes deux premières Femmes, non plus que d'ADE'LAïoE,<br />
Veuve de ROGER , Comte de 5/W/^, avec kquefle fl fit une troifième<br />
alliance, après avoir répudié la Fille de TAFROC, Prince<br />
d Arménie, Mais il ne fut pas plus religieux, à fégard d'AoE'-<br />
LAÏDE,qu'fl renvoïa aulfi en Sicile, zprès avoir jouï trois ans de fe<br />
compagnie. Il prit pour prétexte de ce divorce un remord de confcience,<br />
& le confefl de quelques Religieux, quoique ce ne<br />
fut en effet, que pour demeurer maître abfolu des grandes richeffes<br />
que cette Princeffe lui avoit aportées en Mariage, Se dont îl ne<br />
lui rendit aucun compte, en la renvQïant. C'étoient cependant<br />
ks groftes fommes qu'fl en avoit reçues, qui l'avoient mis en état<br />
de faire tous ces grands progrès fur les Infidèles; car, avant la<br />
venue de cette Dame, fl avoit bien de la peine à entretenir fes<br />
Troupes. "ii ;<br />
La tromperie, finjuftice, Se faffront qu'il fit à cette Princeffe<br />
furent généralement défaprouvées de tous ks gens de bien, ternirent<br />
beaucoup la gloire de fes belles adions, «Se portèrent un grand<br />
préjudice à la Terre Sainte. ROGER, Ffls d'AoE'LAïDE, & Roi<br />
de Sicile y avec tous fes Sujets, conçurent tant de dépit de l'injure<br />
qu'elle y avoit reçue, qu'ils ne voulurent plus affifter ce Pays-là,<br />
& furent toujours depuis infenfibles aux misères des Chrétiens y qui<br />
fhabîtoient.<br />
Le Corps de BAUDOUIN, comme nous l'avons dit, fut inhumé ^^SèpuitU'<br />
dans une Chapelle de l'Eglife du St. Sépulcre y à côté de celui de<br />
GODEFROI, fon Frère, l'an 1118. qui fut remarquable, par la ms.<br />
mort de plufîeurs grands Princes, entre autres du Pape PASCAL IL<br />
auquel fuccéda G E'L AS E IL Se d'A LEX i s Co M N E'N E. Empereur<br />
de Conflantinople y qui avoit fi fort traverfe les Chrétiens y Sf<br />
nui à leur Armée, qui avoit paffé fur fes terres, pour afler à la<br />
Conquête de Jérufalem. Cette Ville fut en même tems privée de<br />
GE'RARD, Redeur de f Hôpital, qui mourut après avoir édifié tout<br />
le peuple, par Ja grande charité qu'fl y avoit exercée, tant à leur<br />
égard, qu'envers tous les Etrangers, ,quî y abordoient. Les Frè-<br />
P res<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ÏI4 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
res de cette Maifon, dont k nombre s'étoît fort augmenté, élu-^<br />
rent en fa pkce RAYMOND de PODIO, OU du Pui, kquel a été le<br />
premier, qui ait porté le nom de Maître de l'Hôpital, & ceki<br />
qui en a étabU la Règle.<br />
Comme le Comte EUSI^ACHE, autre Frère du grand GoDEFROiy<br />
& du Roi BAUDOUIN, fe trouvoit en E«ro^^, «Si que le Roïaume<br />
avoît befoin d'un Souverain, pour le maintenir, par fa prefence,<br />
en fétat où fl étok, & pour le défendre de finvafîon des Infidèles<br />
toujours prêts à l'attaquer ; les Barons , Se les Seigneiors de cet<br />
Baudouin, Etat élevèrent d'abord fur le Trône BAUDOUIN du BofunG, Cojsh<br />
Se J1'^. ^^ dEdeffe y qui, à fon avènement, céda à fon tour cette Seigneu'^<br />
te fur le ric à JossELiN dé GouRTENAi, foH Parent."^<br />
^^^' En effet, les Sarrafins y &ksTMn;5, qui ne pouvoient, fens<br />
jaloufîe, voir [fleurir les Etats que poffédoient les Chrétiens y faifoient<br />
des courfes contùiuefles, pourles inquiéter, particulièrement<br />
dans la R'ovince d Antioche, Se dans la €^0mté dEdeffe^<br />
Ceft ce qui obflgea le nouveau Roi de fe mettre proiostem^at en<br />
Campagne, pour alkr fecourir cette prémi^e Place, qu'il eut te<br />
bonheur de délivrer, 11 remporta une Vidoire complette iSiir fes<br />
Ennemis,qui faffiégeoknt: mais il ne fut pas fi heureux,quand fl<br />
h eft f (lit voulut fecourir le Comte JOSSELIN, qui étoit aifleurs fort prelfe<br />
frifmuer. ^^^ j^^ Turcs, Il s'avança, pour le foutenir, & fut fàrpris<br />
par un des Chefs de cette Nat ion, nommé BALAC, qui le fit prifonnier,<br />
& le conduifît dans une Fortereffe, où il tenoit dé^a k<br />
Comte dEdeffe y avec un de fes Parens, qu'fl avoît pris peu auparavant.<br />
Quoique la captivité de ces deux Princes intérefïàt tous ks<br />
Chrétiens de h Palefline y Se qu'elk dura même près de quatre ans,<br />
efle n'aporta aucune altération aux affaires du Roïaume de Jérufalem<br />
y par ks bons ordres, & la vigilance des Seigneurs de Sidon,<br />
Se de Céfarée. Le premier repouffa les Infidèles y qui, pour profiter<br />
de la prifon du Roi, avoient affiégé la Vifle dé Jaffa; Se le<br />
Comte de Céfizrée fe fervit fî utilement de k Flotte Fénitienne y qui<br />
avoit<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liy. ÏIL CH IIL ny<br />
avoît déjà batu cdk des Sarrafins y qu'îl fe rendit maître de k<br />
Vflle de Tyr, fî fameufe, & fî renommée dans f Hiftoire.<br />
Ces avantages, joints au bonheur qu'eurent enfoite ks Chré-Son éiartiensy<br />
de défaire l'Armée des Turcs y qui avoient affiégé Anti(h^^"^'<br />
i-ib^, procurèrent enfin la liberté du Roi, en fannée 1124.. Ce 1124.<br />
Prince fe vangea bkntôt après, de ce qu'il avoît foufert pendant /<br />
Êi captivité. Il attaqua les Infidèles de tous côtés, & remporta<br />
des Vidoires confîdérables fur les Sarrafins dEgypte, fur les<br />
Afealùnites, fur ks Perfansy Se fur ceux de Damas y qu'il aflia<br />
même attaquer jufque dans le fein de leurs Etats. Enfin, après<br />
avoit donné des marques extraordinaires de valeur, de probité..<br />
Se de conftance, pendant trois ans «^e dura fon Règne, fl mourut<br />
à Jérufalem y au mois d'Août, l'an 113L II kiik de fon Ma- nji.<br />
riage avec MORPHIE, Filk de GABRIEL, Prince de Mélétine en<br />
Arménie y quatre Filles, dbntPaînée, nommée M E'L i s E'N a,<br />
fut mariée à FOULQUES, Comte d Anjou y qm lui fuccéda. à k<br />
Couronne; ALIX, qu'fl maria à BOÉMOND, Prince dAntkfcbe;<br />
HoDiERNE, qu'fl donna à RAYMOND , Comte de Tripoli; Se hm%-<br />
SE, ou JUVRE'E, qui fe fit Religieufe. Ge Prince fut inhumé<br />
auprès des Rois fes nédéceffeurs. Se fut autant regretté de fe Famifle,<br />
que de tous fes Sujets.<br />
Ce fut fous le Régne de ce Prince, que fOrdre des TefnpHets Origine de<br />
prît naiffance. Comme je ferai obligé d'en parler fouvent, dans Tem-'<br />
îa foite de cette Hiftoire, il eft à propos de raporter ce qui donna P^^^"*<br />
lieu à leur Etabliffement à Jérufalem, comme je l'ai déjà fait de<br />
celui de VHôpital Les Chevaliers de ce dernier, dont k nombte<br />
s'étoit fort accru, avoient pris les Armes quelque tems auparavant,<br />
tant pour efcorter les Pèlerins, qui y venoient, pour vi^i.<br />
ter les Saints Lieux y que pour affifter les Rois, dans les guerres<br />
continuefles, qu'ils avoîent à foutenk contre les Infidèles. La profpérité<br />
des Hofpitaliers fit naître à quelques Gentflshommes jPnmsya/j,qnîy<br />
étoient venus en Pékrinage,k deffein de fe dévouer au<br />
même exercice. Les principaux fbrent HuouES de f AGAN, &<br />
P 2 GEO-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ii6 H I S T O I R E ^ G E' N E' RAL E<br />
GEOFRoide ST.ADMAR, OU ST. OMER, avec fept autres, dont<br />
on ne trouve pas les noms. Ces pieux Chevaliers, autorifés par le<br />
Patriarche,, auquel fls avoient communiqué leur deffein, ne s'attachèrent<br />
d'abord qu'à affurer k chemin aux Pèlerins, depuis k<br />
Port de Jaffa jufqu'à Jérufalem y ,où ils étoient fouvenc dévalifés,<br />
Se même quelquefois affaffinés', par les Arabes. Le Roi BAU<br />
DOUIN , admirant leur zèle,.leur permit,quelque tems après, d'ha-<br />
,biter dans le Palais qu'fl avoit auprès du Temple, d'où leur vint<br />
le nom de Templiers. Ils furent neuf ans, fans que le nombre en<br />
augmentât>ni qu'fls portaffent,fur leurs habits,aucune marque de<br />
la profeffion. qu'ils avoient embraffée. Diverfes, perfonnes s'é tant<br />
jointes à eux formèrent enfin une Communauté, que le Pape Ho»<br />
NORius IL Se le Concile de Troie approuvèrent. Gefut alors,<br />
-qu'on, leur ordonna de porter le Manteau blanc, Sede vivre félon<br />
la Règle que ST.: BERNAI^D leur dreffa, par ordre du même Concile.<br />
• . •''/.-''.':.''•'.• :. ^ ' • '<br />
Huit ans après leur Etabliffement, k Pape EUGE'NE ajouta la<br />
Croix rouge, fur leur Manteau blanc. La vertu. Se la piété de<br />
de ces premiers Templiers fit,que tous les Princes Chrétiens s'empreffèrent<br />
aies enrichir, comme ils l'avoient fait, en faveur des<br />
Hofpitaliers. Plufîeurs perfonnes de diftindion. entrèrent, dans<br />
leur Ordre/ de forte que l'Archevêque de Tyr y qui eft un^^des<br />
principaux Auteurs que j'ai fuivis,pour tout ce qui regarde les affaires<br />
du Roïaume de Jérufalem y dit que, defon tems,,fls étoient<br />
déjà 3CO. Chevalins, fans compter un grand nombie de Frères-<br />
Sèrvans: Comme kur Religion s'augmentoit tous les jours, en<br />
biens & en hommes, à l'imitation des Hofpitaliers y,ils s'armèren.t<br />
pour fecourir les Rois de Jérufalem,lefquels. dès fan 11.20..avoient<br />
divifé leur Communauté en trois Ordres. Les .premiers étoient<br />
Chevaliers,, ôc deftinés pour la guerre;, les autres Frères. Ser vans.,<br />
emploies à recevoir les Pèlerins, ks foigner j (Se les traiter, auffi<br />
bien queles Malades; & les autres Eccléfiaftiques, pour deffervù:<br />
kur Eglffe,. 6e.adminiftrer ks Sâcremens,. : <<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM Liv. HL Cn. IIL ii^<br />
Cet Ordre Militaire, qui avoit été approuvé par P afe al II: Se<br />
par les autres Pontifes, fes Sueceffeurs, portoit une Croix d Argent<br />
y au Champ de Gueules. Ceux du Temple, qui portoient un<br />
Manteau blanc, avec une Croix rouge, pour fe diftinguer dans<br />
les Guerres contre les Infidèles, prirent ime Enfeigne noire «Se<br />
blanclie, &pour Devife le mot Vaucenty voulant faire entendre,<br />
qu'un d'eux en valoit cent. Ces deux Religions ont rendu de trèsgrands<br />
fervices, non feulement aux Rois de Jérufalem y m^is encore<br />
à. tous les Princes Chrétiens de VOrient.<br />
Cependant, FOULQUES , Comte d Anjou y qui, en vertu des Foulques,<br />
Comte<br />
droits de la Princeffe ME'LISE'N.E,. fa Femme, fuccéda au Roi ^Xn lOU,<br />
BAUDOUIN ,, fori Beau-Père, fut couronné Roi de Jérufalem, Ce fi ^^ ^^-<br />
Prince, qui n'avoit pas moins de valeur. Se de générofité que fes<br />
Prédéceffeurs,^ commença par défendre la Principauté d Antioche<br />
de l'invafion des Turcs, qui faifoient des efforts continuels pour<br />
s'en emparer. Afm de la conferver a CONSTANCE , Fifle de BOÉ<br />
MOND, qui en étoit la légitime héritière, Se renverfer les projets<br />
de fa propre Mère, qui vouloit l'en exdurre, fl maria-cette jeune<br />
Princeffe à RAYMOND, Ffls du Comte de Poitiers. Comme ce<br />
jeune Seigneur fe trouvoit à la Cour du Roî d Angleterre, FOUL<br />
QUES lui envoïa GÉRARD GE'BERT,, Chevalier de V Hôpital y pour'<br />
'traiter cette Alliance.-<br />
Dans le même tems, ne pouvant foufrir que lès Chrétiens y qui'<br />
poffédoient plufîeurs Villes, Se Fortereffes plus éloignées c^xAfcalone,<br />
fuffent tous les jours inquiétés, par les courfes de la Garnifon<br />
que \& Calife dEgypte tenoit dans cette Pkce, fl fit rétablir Se fortifier<br />
fancienne Ville de Berfabée, que lès' Infidèles nommoient<br />
Beith Gébrily ou Maifon de GABRIEL, «Se que les Chrétiens ^ppe}loient<br />
Gcbelliny fituée à l'oppofite dAfcalûne. Il en confia la gds^<br />
de ^ux Hofpitaliei'S, afin que, parleur vigilance,& leur valeur,,<br />
fls réprimaffent finfolence des Barbares y qui s'avançoient qiieiq^iefois<br />
jufqu'aux portes de y^r^f/^/m.<br />
Berfabée étoit autrefois fur les Frontières de la Terre de Pro- situation-<br />
F 3: nrtf'^^ ^''^-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ii8 H I S T O I R E- G E' N Ë' R A L E<br />
bée, rka- mifflon, du côté du Septentrion, comme tiamy Panée y Se Céfa-<br />
Fouiqu'es. ^^ de\Philipe la bornoient du côté du Midi; ainfi que le marqut<br />
f Ancien Teftament, en parlant de cette Terre, qui s'étendoit<br />
depuis Dam jufqu'à Berfabée.<br />
Le Roïaume n'étoit pas moins inquiété de fautre côté, par les<br />
ravages qu'y faifoient un grand nombre de Brigands des Pays dé<br />
Moaby dAmony Se deGalaad, Us s'étoient fortifiés, dans une<br />
Grotte au-de-là du Jourdain y qui n'avoit d'autre^ accès qu'un petit<br />
fentier, coupé dans le roc à force de cifèaust; ce qui k rèndbit<br />
^^'& prefque impraticable, &înacceffibk. LeRoi, affifté des âbj^i/^lietSy<br />
Se foutenu par THÊ'ODORIC, Comte de Flandres y ibt<br />
Gendre, qui venoit d'arriver en Palefline, avec une groffe fuite<br />
dé braves Soldats, le mit en campagne, pour en chaffer ces Valeurs<br />
; mais il les trouva fi bien retranchés, Se munis, que, pour venk<br />
à bout de fon entreprife, il fut obligé d'appeflef les Garnifons des<br />
Pkces voifines; ce qui penfa lui être bien funefte.<br />
' Les l)iréSy informés de fon Expédition, Se du dègamîffemeiït<br />
de fes Fortereffes, s'affemblèrent en diligente, & pafsèrent h<br />
SiTétiet? yo^f'àainy pour s'aller jetter fur k Paya des C&;V/^/z^, vuide de<br />
ravagées ' geHs dé Guerre. Ils commencèrent leurs ravages par Teccûay ^^x-<br />
^}^^fs.^^''tremeni'^ppûlée la Fille des Prophètes y qu'ils trouvèrent déferté,<br />
parce que les Habitans découragés, en fe voïant privés de ceux qui<br />
étoient capables défaire tête aux Êarbaf-es, favoient abandonnée,<br />
au bruit de leur approché. Ils brûlèrent, ôe faccagèrent, avec<br />
la même facilité, tous lès autres Bourgs, Se Viflages cïè k Montagne,<br />
ou Province, qui étôit autrefois le partage de la Tribu de<br />
JÛDA.<br />
Les Barbares y animés par ces avantages, auroient fait dt plus<br />
grands maux, & ruiné plufieurs autres Lieux, fî R06ÊRI' BoûU-<br />
GUIGNON, alors Maître des .Templiers y qui étoît rèfté à Jérufalem<br />
y oùfl aprît la défoktion de ce Pays, rie fè fût promtement<br />
mis en campagne, avec fes Ciievaliers, Se k pliiS dé moft^e<br />
qu'il put ramaffer, pour arrêter leur fureur. Ceûx-cî, dans k<br />
craui*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JF:'R U S A L E M. LIV. HL CH. IIL iip<br />
crainte de perdre kur biJtin, n'osèrent l'attendre, & prkent k Barbares<br />
fuite, vers Hébron y Sépiflture des Patrkrehes, dans le deffein de JJ"^>'gagner<br />
k Plaine dAfeaîom. Leur lâclieté anima les Chrétiens à<br />
ks pourfoivre, avec pks d'ardeur que de précaution; car, fe<br />
Croiant déjà affurés de k Vidoire, par la peur qu'As avoient infpirée<br />
à kurs Ennemis, Hs marchèrent avec tant de défbrdre, Se<br />
decoafufîon, qu'fls leur donnèrent fieu, non feiflement de fè garantk<br />
de leurs coups, mais encore de profiter de leur préfcwiptiiOn,<br />
& de kur'mauvaife conduite.<br />
Enefïbt,ksT«r£'i,qtti s'en étoientapperçus5 bien loin de con- Articieiu.<br />
tinuer à fuir, firent vcdte 6ce,& trouvèrent ks Chrétiens teflement<br />
écartés ks uns des autres, qu'il leur fut auffi facfle de ks mettre<br />
en déroute, qu'il fut impQJffibk au Makre des Templiers de ks rai- Mo^te<br />
fier, & même d'empêcher que la plupart de fès gens ne périffent ^piiers.<br />
Qn chercliant à fe feuver vers Teçcuayoù ils forent vivement poiirfoivîs<br />
par ks ftfidàks^<br />
La nouvefle de cette défait-e, qui coûta la vie à plufîeurs Chevaliers<br />
du Te^mpley entre autres à OTHON de MONTFAUCON, qui<br />
jmgEOHt à fe haule naiffance une vertu, & un courage, qui k<br />
feûfoiesit eftimer'dç tout le monde. Se k perte de ce vaiflant homme<br />
^ Êirént également fenfîbks au Roi, Se à toute l'Armée Obr^if»a/i^,quiétci!ittoujours<br />
campée au-de-là du Jourdain. Cependant, rtaoire de<br />
le plaifir qu'eut ce Prince, de s'emparer de vive force, quelques^^'J^Jg^^^<br />
joons après, du Pofte avantageux qu'occupoient les Brigands, qui ^arçs,<br />
dfifckbientfon Roïaume, & la joie qu'fl eut de ks avoir défaits<br />
entièrement, firent qu'fl s'en retourna k. Jéruiakmy corifolé de<br />
fe douleur.<br />
A peine eut-fl pofé les armes, qu'fl fut folieîté, par les Infidéks<br />
mêmes, à ks reprendre. Dans le même tems, fl reçut une célèsbre<br />
AnÂaflkde d'AMARD, Gouverneur de Damas y Se Prince de k<br />
MiUce. Ce Gouverneur ne fe trouvant point affez fort, pour t£fifkr<br />
à SANGUIN, Soudan dAlep y Se de Muffuly déjà enflé dc<br />
quelques fiijccès dé guerre,. & qui, non contint d'inquiéter ks<br />
Chré-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
i^o H I S T O I R E G'^E' N E' R A L E<br />
Chrétiensys'étoit propofe d'envahir les Etats des Héritiers de BOL-<br />
DEQuiN, Roi de Damas, & Gendre dAMARD , s'avançoit à grandes<br />
journées, pour mettre ce projet en exécution. AMARD, pour<br />
être en état de repouffer cet Ennemi commun, fit offrir au Roi<br />
FOULQUES vingt-mifle écus dargent comptant, pour les fraix de<br />
l'Armement qffil feroit pour le fecourir, & outre cela, d'aller luimême,<br />
avec toutes fes forces, reprendre la Ville de Panée y ou<br />
Céfarée de Philipe, que BOLDEQUIN, fon Gendre, avoît enlevée<br />
aux Chrétiens quelques années auparavant, & dont le Gouverneur<br />
qu*fl y avoit mis, apuïé de la protedion des Sarrafins y s'étoit<br />
approprié la Souveraineté, dans la penfée de pouvoir s'y maintenir.<br />
AMARD envoïoit en même tems des otages, pour k fureté<br />
de fà parole, à ce Prince ; Se fes MîAiftres vouloient les lui configner.<br />
Le Roi FOULQUES, à qui ces propofitions ne déplaifoient pas,<br />
& qui connoiffoit d'aflleurs le danger qu'fl y avoit, pour fes propres<br />
Etats, d'en laiffer aprocher un Ennemi auffi puiffant? & auffi<br />
/ entreprenant, que fétoit SANGUIN , de favis de fon Confefl, & des<br />
Maîtres des Ordres Mflitaires, accepta les offres, & les otages<br />
d'AMARD , Se affembla en même tems le plus grand nombre de<br />
Troupes qu'fl lui fut poffible, avec lefquelles fl alla le joindre,<br />
dans la Vilk de J/^2
DE JE'RUSALEM. Lïv. HI. CH. m. ïïf<br />
Il la lui remit entre ks mains, après l'avoir prffe. Le Gouverneur<br />
de cette Place perfîfta néanmoins long-tems dans fa rébellion, malgré<br />
féloignement de fonProtedeur, Se le peu de fuceès de fon<br />
Expédition.<br />
Ge Rebelle foutint même, avec beaucoup de fermeté, les premiers<br />
affauts, «Sefe défendit, pendant quelques jours, avec la<br />
même vigueur; mais, aïant perdu fefpérance d'être fecouru, &<br />
voïant, qu'il nepouvoit éviter de fuccomber fous tant de forces, il<br />
rendit enfin la Ville , à condition d'en pouvoir fortir librement,<br />
avec les Siens, leurs Effets, Se toutes leurs Familles, pour fe retirer<br />
où bon leur fembkroit. AMARD , charmé de trouver l'occa-<br />
^ fion de fatisfaire par-là à fa parole. Se le Roi de Jérufalem y content<br />
de recouvrer une Place fî importante, acceptèrent, fens<br />
balancer,ces conditions ; de forte que ce Prince en prit poffeffion.<br />
Se la remit en même tems à RAYMOND BRAS , qui en étoit le légitime<br />
Seigneur, Se auquel elle avoit été enlevée, quelques années<br />
auparavant, par les Troupes du Roi de Damas. Après cet heureux<br />
foccès. FOULQUES, accompagné du Prince d Antioche, du<br />
Comte de Tripoli, qui s'étoient rendus à fArmée, avec leurs<br />
Troupes; des Barons du Roïaume, «Se des Ordres MiUtaires,s'en<br />
retourna à Jérufalem, rendre grâces à Dieu de s'être délivré, fans ^ retwm<br />
tirer l'épée, d'un Ennemi, dont fl craignoit fî fort le voifînage, lem."**'<br />
& d'avoir recouvré une Vilk auffi confîdérable, que l'étoit Béline,<br />
ou Céfarée de Philippe. Cette Ville reçut ce nom de PHILIP<br />
PE Tétrarque. Fils du premier H E'R ODE, qui l'avoit agrandie<br />
Se embellie de plufîeurs beaux Edifices,& de TIBE'RE, alors CE'-<br />
SAR. Elle mettoit fon Roïaume à couvert de' l'infulte des Barbares<br />
y de ce côté-là.<br />
AulTi, ce Prince ne penfe plus qu'à le bien affurer du côté<br />
dAfcalonCy dont la Garnifon Egyptienne incommodoit toujours<br />
extrêmement fes Sujets, de même que le Fort de Berfabée y ou<br />
Gibelin y qu'fl avoit fait bâtir, quelque tems auparavant, dans<br />
le voifinage de cette Place. Cependant, commç la Fortereffe J<br />
Q, n'étok<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
lar-is HÎS T O I R E G ^'î^ m AL E<br />
n'étoit pas capable d'arrêter les courfes 'des Infidèles, fl fit faîref,<br />
^n diUgence, deux-autres Châteaux, fun fur une éminence,<br />
où fe trouvoit anciennement la Vflle des PhiliftmSy nommée<br />
Getb, affez près de la Mer. 11 fut bâti, avee d'autant plus de<br />
faciUté, qu'on y trouva beaucoup d'eau, 6e quantité de matériaux<br />
des ruïnes de cette ancienne Ville. Comme cet endroit<br />
fe nommoit déjà Jbelin, le Roi FOULQUES lui laiffa k même nom.<br />
Se en donna le Gouvernement à un brave Seigneur, nommé<br />
BALIAN, que le Père LUZIGNAN fait Fils de HUGUES de RAMA.<br />
Il prit alors le furnom d'iBELiN, «Se a été le Chef de cette ifluftre<br />
Famifle, qui s'eft diftinguée en Orient, par un grand nombre<br />
d'Adions de valeur Se de générofîté , pendant plufkurs<br />
cles.fiè<br />
Le Roi fit faire la féconde Forterefie vers la féparation d'un<br />
Détroit., pdir oii:hs dk^idJles entroient dans k Roïaume, ΫSC fur<br />
une ColUne éloignée de huit miles dAfcabney que ks Arabes<br />
-nommoient Jeléfc^ y c^i fignifie Montagne noire. Ce ^Prince<br />
(hii donna le nom de Blanche^garée. Il s'en réferva k propriété^<br />
«Se y mit une partie de fes meiUeurs ScMats; de manière<br />
tjue les Garnifons de ces trois Places s'uniffant, dans les occafions,<br />
pour s'oppofer au ravage des Sarrafins y les réduifirent<br />
bientôt à s'enfermer eux-mémas dans leurs propres Murailles y<br />
làns ofer davantage efitreprendre de pifler les paffans, '&e ra-<br />
-içager ks campagnes, comme ils faifoient aupa'Kivaflt; Se<br />
:par ce moien, le Roïaume jouît enfin d'une entière tranquilité..<br />
- Cette ;paix donna lieu au Roi d^aûfer paffer P Automne kPUàmatdej,<br />
.pour y procurer quelques Divertiffemens à la Reine<br />
M E'L ISA NT E. Les Spedacks, & les Feftins, qui foccupè-<br />
;^f6at fiendtanrt toute cette Saifon., furenl: TOaHieureufement fuivis<br />
d'un accident Êrès-iunefte à ce Prince. * Un jour qu'il fe prome-<br />
«loit à cheval, avec toute fe- Goiu, dansia Plaine de cette Vflfe,<br />
fes Î3«teaeft*gues firent par hafard lever un Lièvre,^que chaîna<br />
s'fiampceflà^ çourfiMvre,^ & que k Prince, lui-mçme chaffer<br />
•J'I ^-' avec<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LIB. IH. Ca HL 121<br />
avec tant de précipitation, que fon cheval s'abattit tout à coup Mmiu ;<br />
fous lui. Le pomeau de la Sefle lui fracaffa la tête, «Se fl en ^^^p'<br />
mourut au bout de quatre jours. Cefâclieux accident arriva le 13. acad^m^ '<br />
de Novembre de fan 114.2. Se le onwème de fon Règne. Son L<br />
corps fut tranfporté à Jérufalem, Se inhumé dans f Eglifo du<br />
St. Sépulcre y auprès de fes Prédéceffeurs.<br />
FOULQUES laiffa deux Ffls encore fort jeunes. L'aîné, nom^<br />
mé BAUDOUIN , lui fuccéda : fautre, appeflé A L M E'R i c, demnir<br />
ra, auifi bien que fon Frère, fous la tutèk de k Reine kur<br />
Mère, qui fit d'abord couronner l'aîné, fous le nom de BAU»<br />
DOuiN UL La Cour de Jérufalem éCoit occupée aux Funerail^<br />
les du Père, Se au Couronnement du Fils ; & la divifon regnoit<br />
entre RAYMOND, Prince d Antioche y Se le jeune JOSSEUN,<br />
Comte d'Edeffe. Celui-ci, bien loin d'imiter k vertu de foa<br />
Père, avoit entièrement négligé k Gouvernement de fes Etats, '<br />
Se la confervation de fe Ville principale, que ce généreux i$e<br />
refpedable Vîeflkrd avoit fortifiée avec de grands foins, & '<br />
beaucoup de dépenfe. Il s'étoit retiré à Turbefel, lieu délicieux,<br />
fitué fur les bords de VEufratCy où fl ne fongeoit qu'à<br />
fatisfaire fes piaifirs, qu'il pouffoit même jufqu'à k débauche.<br />
SANGUIN, vouknt profiter de'cés favorables conjondures,fe mit<br />
à la tête d'une puiffante Armée, furprit Edeffe, qu'fl emporta<br />
de vive force, après quelques jours de fiége ; & exerça toute<br />
forte de cruautés fur les Chrétiens y qui l'habitoient. On n'attribua<br />
pas moins la perte de cette ViUe à f avarice de HUGUES , qui<br />
en étoit Archevêque, qu'à la moUeffe de JOSSELIN. Ce Prélat,<br />
qui poffédoit de grandes richeffes, auroit pu, fens * beaucoup<br />
s'incommoder, réparer la négligence du Comte, en muniffai^<br />
la Place de Soldats, Se de tout ce qui étoit néceffaire pour ré*<br />
fifter aux cfibi-ts des Infidèles y ou du moins, pour la foutenir," ;<br />
jtifqu'à ce que ks fecours des autres Princes de k Pakfiine y<br />
puffent arriver. Cette fordide avarice fot bientôt punie ; car Punition<br />
tous fes tréfors ne fempêclièrent pas d'être étouffé dans k ibii-rt,^j«fX*;
124 • H L S T D- î R E X E' N E' R A-L E<br />
Pife d'E- le du peuple, qui cherchoit à fe fauver, lors que f Ennemi y<br />
entra.<br />
Diferens Cette VÎUe eft la même que la Sainte Ecriture nomme Réges,<br />
^ed'E-^ STRABON Bambicay Se quelques autres Arachy ou Rafe y Se que<br />
defle. nous connoiffons préfentement fous le nom^dOrphay Métropole<br />
très-puiffante, dans la Méfopothamie y fituée au-de-là de VEufratCy<br />
& la même où regnoit ABAGAR, qui, felonEusEBE,<br />
écrivît une Lettre à J E'S u s-C H R i s T , «Se en reçut une réponfe.<br />
Qiielques Auteurs prétendent, que ce fut ALEPH , Prince Turc,<br />
^^^é^R qui prit alors cette Ville fur les Chrétiens; mais f Archevêque<br />
fes Etats de Tyr affure, que ce fut SANGUIN, «Se que ce Soudan y étant<br />
frtagés. ^jj^ enfuite affiéger Cologomhat, autre forte Place fur VEufratCy<br />
fes Valets de Chambre, gagnés par les Habitans de cette<br />
ViUe, f égorgèrent une niiit dans fon Ut ; ce qui fut caufe qu'on levât<br />
le fîége. Les Etats de SANGUIN furent, après fa mort, partagés<br />
entre fes deux Enfans, dont faîne, nommé SANGUIN COTHE-<br />
BEDiN,eut la Souvraineté de Mufful: Se NORADIN,qui fut dans<br />
k fuite auffi vaillant qu'heureux, eut cefle dAlep.<br />
Article IF. La perte d''Edeffe ne fut pas la feule difgrace, qui arriva alors<br />
^^43. aux Chrétiens Orientaux: les Turcs s'emparèrent, peu de tems<br />
après J d'un Château , fîtué dans la Syrie Sobal, dans la Vallée<br />
de MOÏSE , au-de-là du Jourdain. Ce fut dans cet endroit,<br />
que ce fage Légiflateur du Peuple de Dieu fit fortir, dit-on,<br />
feau d'un Rocher, pour étancher la foif des IfraëUtes qu'il conduifoit.<br />
Les Chrétiens, qui gardoient ce Fort, furent affez lâches<br />
pour fe laiffer féduire, «Se pour le livrer aux Infidèles y qui<br />
n'eurent pas k plaifir d'en jouïr long-tems. La trahifon, ^ la<br />
perfidie de ces mauvais Sujets piqua fî fort le Roi BAUDOUIN ,<br />
" que fa générofîté natureUe, & fon ardeur pour la gloire f élevant<br />
au-deffus de fa jêuneffe, ff affembla promtement ies forces<br />
du Roïaume, «Se accompagné des Ordres MiUtaires, il alla hardiment<br />
attaquer cette Place, qu'fl eut le bonheur d'arracher, en<br />
; peu de tçms, des mains des Barbares. II. la munit abondam<br />
ment,.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE J E R u s A L E M. Liv. îïl. CH. Ilf. r 2 f<br />
ment. Se avec tant de foin,de tout ce qui étoit néceffaire pour<br />
fe confervation, qu'il n'eut plus lieu de craindre un accident femblable<br />
à celui qui lui étoit arrivé, Se s'en retourna enfuite à Jérufalem<br />
, auffi glorieux, que fatisfàit, d'avoir fî bien réùlfi, dans<br />
fa première Entreprife.<br />
Il n'eut pas k même bonheur dans la féconde. La fortune fe<br />
kffa bientôt de lui être favorable. L'année fuivante, de favis<br />
de fon Confefl, fl accepta les offres d'un Seigneur Turc y nommé<br />
STANTAI, auquel le Roi de Damas avoit ôté le Gouvernement<br />
de Boftray Vifle principak de V Arabie pétrée. Ce Turc y<br />
outré de cet afront, s'engagea de rendre BAUDOUIN IV. maître<br />
de cette Place, moïennant une fomme d'argents BAUDOUIN fe<br />
mît en campagne, avec les Ordres Militaires, pour aller la furprendre.<br />
Mais, foit que f intrigue fût mal concertée, ou qu'elk<br />
eût été découverte par les Infidèles y après avoir fouffert,<br />
pendant ce Voïage, k foif, la faim, les chakurs exce^wesy imprudence<br />
Se toutes les incommodités d'une route fî longue, & fî pénible, do^iii"iv.<br />
il ne put rien entreprendre, par raport à la multitude d Infidèles<br />
que la propre Femme de STANTAI y avoit introdmts, en vue de<br />
ruiner les projets de fon Epoux. Bien plus, pour fortir de<br />
ce mauvais pas, BAUDOUIN fut obligé de s'ouvrir un paffage les<br />
armôs à la main,parce que NORADIN, Fils de SANGUIN,«Se Gen- Noradin<br />
dre du Roi de Damas s'étoit mis en campagne, avec une puif-campl/nl<br />
faute Armée, pour s'oppofer à fa retraite ; de forte que ce ne "^^^^ '"**<br />
fut qu'après bien des dangers. Se des peines, que ce jeune Prince<br />
regagna fes Etats. Son arrivée fit ceffer les allarmes, & ,ks<br />
inquiétudes, que k foccès de fon Entreprife donnoit à la Reine<br />
fe Mère, Se à tous fes Sujets.<br />
Le jeune Prince NORADIN, dont l'inclination étoit auffi beUîqueufe,<br />
qu'inquiette, n'étant pas plus fatisfàit, que fon Frère,<br />
du partage des Etats de SANGUIN fon Père,n'eut pas plutôt terminé<br />
f affaire de Boftray qu'il alla à Muffuly pour lui di^uter<br />
k Succeffion paternefle; ce qui donnarlieu aux Habitans dEdeffe y<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ti6 HIST. GETNfER. DE JEHUS. LIV. ffl. CH. IH.<br />
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
R G ï A" U M E S<br />
D E<br />
CHYPRE, JÉRUSALEM,<br />
D' É G Y P T K<br />
L I V R E IV.<br />
C H A p I T R E P R i M I E R.<br />
An»<br />
ePape EUGÈNE<br />
;^îcsaç^^ cius îî. ri^prit pas<br />
XIL<br />
plutôt<br />
qui avoit<br />
la<br />
fuccédé<br />
trifte nouvelle<br />
à Lu-<br />
^ _ >:^ de k prife dEdefièy Se le cruel maffacre des<br />
C%^ L ^ ^^y Habitans de cette Vifle, qu'fl envo'ia des Pré-<br />
Ç^^iC:ic3Î^> dicateurs dans toutes les Provinces d Europe y<br />
^^|%^â^i^ pour exRorter ks Princes, «Se les Peuples à<br />
afler fecourir les Chrétiens dOrient. Le cé--<br />
Mire ST. BERNARD, Abbé de ClervauXy emploïa ïi efiîcacement<br />
fon»<br />
Il Creifa^<br />
de. -^<br />
Eugène<br />
III.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
128 H I s T o I R E G E' N E' R A L E<br />
fon éloquence, dans cette preffante conjondure, qu'il engagea<br />
divers Princes Se grands Seigneurs à prendre la Croix. L'Empereur<br />
CONRAD III. fut fi touché de fes remontrances ,& du récit<br />
déplorable qu'fl lui fit des fouffrances des Chrétiens de la Palefline,<br />
que ce Monarque s'unit avec Louis VIL dit le jeune. Roi<br />
de France y ^qui s'étoit déjà croiféy pour cette fainte Entreprife.<br />
Ces deux grands Princes firent d'abord publier la Croifade<br />
dans leurs Etats, «Se travafller en diligence aux préparatifs néceffaires,<br />
pour cette importante Expédition. Les peuples "^foivirent<br />
leur exemple, avec tant d'empreffement, que leurs Armées<br />
en devinrent très - nombreufes, puifqu'outre flnfanterie, il<br />
s'y trouvoit la fleur de k Nobleffe de leurs Etats, avec près de<br />
14.0. mifleClievaux. Les munitions, 6e les apparefls, qu'fl falut faire,<br />
pour la commodité de ces deux puiffans Corps, pendant une fî<br />
longe route, en retardèrent affez long-tems le départ.<br />
CONRAD, qui fe trouva le premier en état de partir, fe mit en<br />
marche, avec la plus belle, 6c k plus fuperbe Armée qu'aucun<br />
Empereur eût jamais eue. Après avoir traverfe divers Pays, fans<br />
aucun accident, fi non celui d'un gros orage qu'fl effuïa, dans les<br />
Campagnes de Thrace, où fl s'étoit arrêté, pour faire repofer fon<br />
Arrivée de _Armée, fl arriva hemeufement à Conflantinople, où k Roî de France<br />
f Empereur , • . , ^—i*^ n<br />
Conrad à dcvoit k joindre, avec fes Troupes, pour faire enfemble le refte<br />
Bopie.^"^^
JTE JEUtJSALEM. Liv. IV. CH. L 129<br />
Il eft furprenant, que CONRAD, après avoir été fi mal reçu lîefttraK<br />
d'EMANUëL, Se avoir reconnu fa jaloufie, auffi bien que la malignité ^l„r^'<br />
de fes intentions, eut la foibleffe de fe livrer, comme fl fit, aux ^'^^•<br />
Guides que ce cruel Ennemi lui avoit donnés, pour le conduire.<br />
Le plaifir qu'fl eut de fe voir à la tête d'une Armée, qu'fl croïoit<br />
invincible , ' f aveugla dans cette occafion, Se lui fit négliger les<br />
précautions ks plus nécef&ires, dans des Pays auffi dangereux.<br />
Cet Empereur, d'aflleurs fi expérimenté, fe vit conduit, com- '<br />
me une Vidime, où k fer f attendoit. Ce ne fut pas, fans avoir<br />
reçu de fages avis des Seigneurs, qm f accompagnoient, Se qui,<br />
tous de concert, le prioient de prendre la route la plus voifine de<br />
k Mer, fans fe fier à la parole fospede des Grecs,<br />
Ces perfides le conduifirent dans la Lycaonie, où, loin de<br />
trouver les rafraichiffemens, 6c l'abondance, dont le traître EMA<br />
NUEL favoit affuré , il ne rencontra qu'un Capitaine Turc ,<br />
nommé PARA MON, OU P A RAME', OU felon d^autres, MAHA-<br />
MOUT, Soudan de la Ville de Cogni ou /«row/li/», quife jetta brusquement<br />
fur fArmée de C o N R A D.<br />
Il y avoit long-tems qu'EMANuëL avoit foflicité ce Barbare<br />
à unir les forces de fa Nation, pour s'opofer au paffage des Croifés.<br />
Il fut donc impoffible à ceux - ci de réfifter à k multitude<br />
d'Ennemis, dont ils furent tout-à-coup envelopés , Se pourfuivis<br />
dans les défilés, où ces Infidèles les avoient engagés. De<br />
foixante-mille Chevaux, Se un nombre prodigieux d'Infanterie,<br />
dont PArmeé de CONRAD étoit compoféê, à peine s'en fauva-t-fl dixmifle.<br />
Ce Prince reconnoiffant, mais trop tard , le malheur où<br />
fa préfomption l'avoit plongé, fot contraint de rebrouffer chemin<br />
5 Se de s'en retourner ,-avec ces triftes débris y k Conflantinople j<br />
fans penfer , qu'fl avoit tout à crahidre auprès d'un Empereiar<br />
Grec y qui venoit de le trahir, 6c de lui caufer une perte fi cruelle,<br />
6c fi préjudickble à fa gloire, 6c à fes mtérêts.<br />
CONRAD , dans f accablement de fes réflexions, fe rctka presque<br />
fans fuite, & fan? tagagej 6c, dans cet équipage afi:eux,ii<br />
R arriva<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
130 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
arriva au Camp des François y prèsde Nicée, où fls étoient parvenus<br />
, après avoir effuïé, de leur côté, de terribles contretems<br />
Se beaucoup d'outrages, de la part du même Empereur EMANUCL.<br />
Quelque penchant qu'eût l'Empereur CONRAD à accomplir<br />
fon Vœu, la honte de fe voir fi mal accompagné, 6c la crainte de<br />
bleffer la Majefté Impériale, s'fl avoit continué fon Vbmgc, avee<br />
le Roi de France, qui n'avoit rien perdu de fon Armée, l'engagea<br />
à prendre congé de ce Prince, Se d'aller hiverner à Conftantinople.<br />
Pour le Roi de France y après avoir paffé une partie de l'Hiver<br />
dans ks Campagnes d JK^^ , fl traverfe le Méandre y Se<br />
continua fa route vers hi Paleftine, EMANUEL s'entendoit<br />
toujours avec les Infidèles ;Se ces JB^rr^r^^, attirés par l'espérance<br />
d'un grand butin, attendirent au paffage de cette Rivière fArmée<br />
Françoife, qu'^fls haitelèrent continuellement, par kurs efearmouches,<br />
fans ppuvoir cependant remporter aucun avalitage confidérable.<br />
Il n'en fut pas de même, au paffage dune haute<br />
Montagne, que ks François dévoient néceffairement traverfer^<br />
Ce fut-là, que ks deux Corps de Bataille, dont leur Armée étoit<br />
compofee, commencèrent k s'écarter, imprudemment, fun de<br />
fautre. Lcs Barbares profitèrent decette faute, Se fe feifîrént du<br />
fommet de la Montagne, qui reftoit entre deux : ils attaquèrent<br />
Vifaite de vigoureufemcnt f Arrière-Garde , liors d'état d'être fecourue-<br />
VArmée^^ Cctte adiOU fut fî avantagcufe aux Infidéks, qu'fls y défirent<br />
/IfETn^'^ presque entièrement fArmée des Français y Se que k Roi, qui s'y<br />
lidèies. trouvoit CD peribnne, ne dut fon falut qu'à k Proteétion Divine,<br />
qui foutint fon courage- En e^ty fl foporta ee revers de<br />
fortune, avec'autant de prudence, que de fëftneté. Il ralUa les<br />
reftes de fon Armée, Se marcha, aVec plus de circonfpedion,<br />
;u%u'à Atalk, ou Satalie, VîBe Maritime de k PampUlh, 'dont<br />
k Gouverneur lui accorda, pour un prix cxeeffif, Se avec beaiK<br />
coup de peine,fes Vaiflèaux nécdfeïres,pour paffèr à Antioéfe.<br />
€
DE JE'RUSALEM. Lm IV. CH. L 151<br />
embarquer toutes fes Troupes, une partie fut obligéed'aflerpar<br />
terre jufqu'à Antioche y où efles ne purent arriver, qu'après a- Françoi.%<br />
voir encore fouffert beaucoup de k maUce, 6c de la perfidie,des ci^""®'<br />
Grecs y auffi, bien que de k fureur des Infidèles y qui agiffoient<br />
toujours de concert avec eux. Ce fut-fe, que l'Armée frmtçdfe<br />
eut k tems de fe rafraîchir un peu, pas les bons traitemens de<br />
RAYMOND, Prince de cette Vflk. Mais le Roi, qui, malgré<br />
tous ces bons accuefls, rfétoit pas fort fetisfait de ce Prince,<br />
dont il craignoit même l'e^^rit violent Se emporté, parce qu'fl<br />
luî avoît refufé d'emploîer fes Troupes à f agrandi ffement de fes<br />
Etats, fortit fécrettement de la Vflle, avec k Reine ELE'ONOR , fon<br />
Epoufe, quoique cette Prmceffe, pour laquelle , felon quelques<br />
Hiftoriens, RAYMOND avoit conçu de l'inclination, eût fouhaitè<br />
dy dQineurer pkis long-tems. Louïs marcha toujours, à k<br />
tête de fes Troupfiis, vers Tripoli. -<br />
L'£m|iereiœ.ÔdNRAJ^, dont la difgsaee avoit ^paifé k viov<br />
lente jaloufîe, que fe grande Se belle Armée,- avec tout fon pom*<br />
peux attirail, avoit donné à l'Empe^èuip^rfC, en avoit plus fe»<br />
cikment obtjenu des Vâiifleaux, 6i s'éttait déjà »endu en Palefti^<br />
ne, où il attendoit, avec : impatience, le Roi- de France, pour faire<br />
enfemble quelque Entreprife importante for les In^èks. Comme<br />
f Empereur, 6c le Roi de Jérufalem y n^ïgoQroient pas les ef* ':<br />
forts qu'avoit faits le Prince d Antioche, pour engager Louis à<br />
faire k guerte dans le voifinage dé fes Etats, 6c qu'fls ^élien?*<br />
doient, quô le Comte de Triplly qui n'étoit pas moins avide de<br />
s'agrandir, n'en fit autant de fon côté, fls îui envoïèrent, en qiia*<br />
fité d'Ambafïàdeur, FuLCHasR, Patriarche de Jêrvfefienty pour<br />
fefetticiter de fe rendre danscette Capitale ,1e plus promtement qu'fl<br />
lui feroit poffible- Le Roi de Fraticcy qui n'avoit pas moins de<br />
paffion d'y arriver. Se d'éloigner k Reine fèn Epoufe d^<br />
lien, OÙ elle atoit aulfi pris des engagemcais, qui lui étoient défagréÊèksvprda<br />
fi'fort fa marclie, qu'fl arriva beaucoup plutoC<br />
qu'on n'^roit ofé- f efpérer.<br />
R i. Voi-î<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
•
132 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
Voilà comment les deux plus grarrds^ Princes de VEurope eu^<br />
rent le chagrin d'entrer dans la Terre-Sainte, dépouifles de k<br />
plus grande partie de leurs formidables Armées, de tous leurs<br />
préparatifs de guerre. Se des fuperbes équipages qu'fls avoient tir<br />
rés de leurs Etats ; maflieur, que ks François, auroient évité,<br />
s'ils avoient fuivi les fages confeils de ROGER, Roi de Sicile y quiy<br />
pour les garantir de la perfidie de l'Empereur EMANUCL, Se des<br />
Grecs, dont il connoiffoit la haine invétérée contre les Latins,<br />
avoit offert fes Ports,6c.fes Vaifteaux, pour les paffer en Pa*<br />
kftine.<br />
Cependant, comme ces deux Monarques fouhaitoient également<br />
d'emploîer le peu de forces, qui leur reftoient, à l'accom*pliffement<br />
de leur Vœu, 6c à l'avantage des C^r^//^^ de la<br />
Palefeinty Tiprtw lès premiers CompUmens de civilité, qu'ik fe<br />
rendirent réciproquement, Se après avoir vifite le Saint Sépulcre, &<br />
fes autres Lieux Saints de Jérufalem y ils convinrent, avec le<br />
€Mfea Roi BAUDOUIN, de tenir une Affemblée générale k Acre y où<br />
umtk. ^^^^ ^^^ Princes, ks Barons, Se SeigneufS du Roïaume, pouvoient<br />
jeanifA- fe rendre plus facflemént, afin de coÈfulter avec eux, fur les<br />
epimlon" Entreprifes, qui feroient ks plus avantageufes aux intérêts com-<br />
^^^ muns, 6c à leur propre fureté;<br />
Cette Affemblée fut la plus célèbre 6c la plus augufte, quir<br />
fe foit jamais tenue en Paleftine. L'Empereur CONRAD y<br />
affifta en perfonne,avec tous les Prélats,/Princes, 6e Barons de<br />
rEmpire,qui étoient reftes auprès de lui;de même que leRoî dei^r^wf^,avec<br />
k Comte de Dreux y fon Frère, THÊ'ODORIC ou TIERRI y<br />
Comte de FlandreSy avec un grand nombre d'Evêques ,.6c de principaux<br />
Seigneurs de fon Roïaume, les Cardinaux: TH E o D i N, 6r<br />
GUI de Provence y le premier Légat du St.. Siège,, dans fArmée:<br />
de f Empereur, 6e l'autre dans celle de Fiance, BAUDOUIN, Roi<br />
de J^ufakm, k Reine MELISE^NE, fa Mère, le Patriarche<br />
FouLQUER, les Archevêques-, 6e Evêques de la PalefeinCy avec,<br />
tous ks Çpmtes, 6c.Barons de cet Etat, RAYMOND de PODIO,.<br />
Mai-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DB JE'RUSALEM. Lïv. IV. CH. L 133<br />
Maître des Hofpitaliers, Se ROBERT BOURGUIGNON , Maître des<br />
Templiers y avec plufieurs autres Seigneurs, tant dOrient y que Rifoiutitn<br />
d Occident. Ily fut réfolu d'attaquer les Sarrafins de Damas y '^'«««^«f»'<br />
comme ks Ennemis les plus voifins, 6c les plus redoutables, fins'rf*<br />
qu'euffent les Chrétiens de la Terre-Sainte y quoiqu'fls euffent ^^"^^^^<br />
été peu auparavant unis avec eux, contre SANGUIN , Soudan<br />
de Muffiil<br />
Pour cet effet, on donna k Rendezwous général à Tibéria^<br />
' de y où tous ces Princes fe rendirent, avec leurs Troupes, au<br />
Mois de Mai de l'Année 114.7. ou felon d'autres, 4.8. Ils en "4».<br />
partirent en bon ordre y vers la fin du même Mois, 6c marchèrent<br />
de même, jufqu'aux déUcieufes Campagnes y qui environ*<br />
nent la ViUe de Damas.<br />
Le jeune Roi BAUDOUIN , qui commandoit f Avant-Garde, 6c<br />
qui joignoît à. k feifveui! de l'âge, 6c à fa valeur naturefle, un<br />
ardent defir de fe fignaler, dans une occafion Vi intéreffante<br />
pour lui, 6c à la vue de l'Empereur, Se du Roi de France y<br />
dont l'approbation lui étoit fi chère, attaqua les Infidèles retranchés<br />
dans ks Jardins, comme on en étoit convenu dans<br />
le ConfeiU avec beaucoup d'ardeur. Se de courage. Cependant<br />
, malgré fa bravoure, 6c cefle qu'fl infpiroit à-fes Soldats, par<br />
fes befles adions, il y fut arrêté long-tems. Il ne pût même<br />
ks forcée, fans le fecours de f Empereur, qui s'avança avec fes<br />
Troupes, pour le foutenir. Les Damafquins furent alors contraints<br />
d'abandonner les Jardins, pour fe retirer dans la Vifle.<br />
Toute l'Armée Chrétienne campa, avec beaucoup de commodité,<br />
le long de la Rivière, où elle trouvoit abondance de fourage<br />
, Se quantité de rafraichiffemens.<br />
Ils formèrent k fiége de la Place, 6c fauroient emportée, sugeier'<br />
s?ils avoîent continué à la batre de ce côté-là;, mais l'avarice y parliî*''<br />
6e la jaloufie, paffions auffi dangereufes,que condamnables, fi- Jj^jf.<br />
cent tout d'un coup clianger ces bonnes difpofitions, 6c ruïnè-<br />
R 3. renc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
in HISTOIRE GE'NE'RAprofitsr decette fkufle<br />
démardi% qui étoit confomie à. leur intention, ils fe feflirent<br />
d!abond du*bon Pofte, queles Chrétiens venoient d'abandonner y<br />
65 k fortifièrent fî-bkn., qu'on n'entreprit plus de les en chaf*<br />
iièis. L'Empereur:, Se le Roi de i^r/mce, connoiffent, par la for*<br />
ce des Miiraifles, 6c la bonté des-Tours, dont k Vflle étoît<br />
(Rendue, du côté cm fls venoient de pa&t. Se par l'incommodité<br />
de kur nouveau Camp., où ils ne trouvaient pks ni eau,<br />
ni rafraichiffemens,: qu'ils> étoient k dupe de k traliffon des<br />
Levée du SeigocuTs de Syrie^y en conçurent tant dci dépit, 6c d'indigiaation,<br />
qu'ils levèrent incefkmment k fiége, pour s'en re^<br />
tourner à Jérufalem,<br />
Le Roi BAUDOUIN ks fuivit, auffî innocent ,'que mortifié dc<br />
k mauvaife foi des Grands du Pays, auxfentimens^defquek fl<br />
avoit déféré, comme ks autres, fens pouvoir s?i|naginer,.qu'fls<br />
feffcnt capabks d^ne conduite fi indigne de,leur Naiffance, &<br />
fi contraire à leur Religion. Le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. LIT. IV. CH. L 13^<br />
Le reffentiment de ces deux Monarques, contre fes Orientaux^ ji^^i^ j^<br />
fut fi vif, qu'fls ne voulurent plus entendre ptiier, ni de l'Entreprife<br />
dAfcaloney qu'on kur propofa, 6c qui n^auroit pas été<br />
plus avantageufe , que cefle de Damas, ni d'-aucUne autre.<br />
L'Empereur partit même peu de jours après, pour retourner en<br />
Allemagne; 6e, quoique k Roi de l^r^w^ s'arrêtât encore quelque<br />
tems dans k Pakfiine y il ne voulut Jamais rien entreprendre<br />
, contre les Infiàèks.<br />
Ces deux Monarques, à kur retour en Eurêpe, firent des ra- ^^^^ *<br />
ports fi défàvantageux des Chrétiens de k Terre-Sainte y qu'fls e^^\^<br />
raflentirent entièrement fardeur , 6c k lèle qu'auroient eu les ^^^*<br />
autres Princes de ks fecourir. Ce fut dans cette maÉteureufe LOUÏS en.<br />
Expédition, jqu'AME'IIL Comte de Sa^yey qui avoit pris Ja ^^^^^'<br />
Croix y Se fait ce Voïage, -mourut, fekn GUICHENON, dans k<br />
Vifle de Nicofie en Chypre y où ce Prince avoît paffé, ou par<br />
curiofité, ou parce qu'ail y fut jette par -qtf^ue Tempête.<br />
Le peu de pf«ogtès, que firent ces deux grandes Armées de<br />
Croifés, qui avoient à kur tête ks deux plus puiffans Princes<br />
de la Chrétienté y Se qui faifoient trembler tout VOrient y au feul<br />
bruit de leur approche, réduifit ks affaires des Chrétiens de ce<br />
Pays-là dans un état beaucoup pks déj^orabk,qu'eflesn^étoknt<br />
auparavant. Après le départ des Allemands Se des François y<br />
non feulement les 7bT^,6cks iS^rr^^j,reprirent courage,mais<br />
fe croïant en état de tout entreprendre, fls commencèrent à<br />
ks inquiéter de tous côtés.<br />
NORADIN,profitant de leur foibleffe, entra, avec une puif&n- NoRADnr,<br />
te Armée, dans la Principauté d Antioche y où îl s'empara du ^^ndpavc<br />
fort Château de Neppa, Il défît, 6c tua, en Bataflfe rangée, fe t^d'An-<br />
Prince RAYMOND , qui étoit àHé pour fecourir cette Place ; ravagea<br />
toute cette Principauté, jufî^'aux Côtes de k Mer; Se auroit<br />
peut-être emporté k Capitale de cet Etat, -qui fe tromoit<br />
privée de fon Prince, iSe dégarnk de Gens de guerre, fî fe Roi<br />
BAUDCttJiN> fur favis qu'fl reçut des pit^s d^s Infidèles y 6c da<br />
maî-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
136 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
malheur de ce pauvre Pays, ne fe fut mis promtement en campagne,<br />
avec les Chevaliers de VHôpital y Se du Temple y 6c toute<br />
la Nobleffe du Roïaume, pour aller s'opofer à kurs progrès.<br />
Mais, foit que NORADIN ne voulût point rifquer ion Armée, ou<br />
qu'fl voulût conferver le riche butin.qu'fl venoit de faire, fl évita<br />
le combat. Il fe contenta de bien munir la Fortereffe d Arène<br />
y ou dAréthufe, qu'fl avoit aufli prife, 6c marcha<br />
vers Damas y dont fl vouloit s'emparer, auffi bien que des<br />
Pays, qui appartenoient aux Chrétiens. BAUDOUIN, de fon côté,<br />
ne jugeant point à propos de le pourfoivre, prit le parti de<br />
profiter de fon éloignement, 6c attaqua le Château d Arène y<br />
dans fefpérance de recouvrer cette Fortereffe. Mais, après favoir<br />
batue plufieurs jours, fans aucun fuceès, 6c reconnoiffant,<br />
qu'fl y confumeroit inutilement fes-meflleures Troupes, fl en<br />
abandonna l'entreprffe, pour afler confoler, 6e raffurer les peuples<br />
dAntioche, en mettant cette Place en état de défenfe, en cas que<br />
les Infidèles tentaffent de f attaquer. Il follicita fortement la Princeffe<br />
CoNsi ANCE , Veuve du Prince RAYMOND , à laquelle k<br />
Gouvernement en étoit demeuré, de fuivre les fages, 6e prudens<br />
avis de quelques Perfonnes d'expérience, qu'fl lui indiqua,<br />
Se d'éviter au contraire les confeils de quelques autres, dont k<br />
vanité, 6e l'infuffifance, lui étoient connues. Enfin, après avoir<br />
exhorté ks Habitans à fe bien tenir fur leurs gardes, 6c à être<br />
fidèles à cette Princeffe, il en prit congé, Se s'en retourna à<br />
Jérufalem y où fe prefence n'étoit pas moins néceffaire.<br />
Retour de BAUDOUIN , quî étoit Un Prînce rempfi de zèle, 6c de coura-<br />
DOUIN à ge, ne voïoit qu'avec doukur,la perte inévitable des Pays,qui<br />
leS!^ avoient coûté tant de peines, 6c de fang à fes Ancêtres. Il<br />
avoit le cliagrin de trouver les Chrétiens d Occident dégoûtés,<br />
II50. P^^ ^^^ ^^^^^^ défàvantageux de ceux de la féconde Croifade y<br />
Se infenfibles aux malheurs de ceux de la Paleftine. Afin donc,<br />
d'affurer par lui-même, autant qu'fl le pourroit, k confervation<br />
du Roïaume de Jérufalem y fl penf^ aux moïens d'enlever<br />
aux<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
BE JE'RUSALEM. Lïv. IV. &. L 13?<br />
aux Irfiàèks la Vflle dAfcalone, dont la garnffon ravagepit<br />
continuellement les Campagnes de fes Sujets, 6c tenoit en fujettion<br />
les Pkces dc fa dépendance, qui en étoient voifines.<br />
Pour f entreprendre avec plus de commodité, il fit ajouter un nouveau<br />
Fort aux trois, que le feu Roi, fon Père, avoît &it confbnîre »<br />
aux environs de cette Place. Il choifit le même endroit, où étoit<br />
autrefok fituée la Vifle de Gaza, ou Gazara, ancienne Satrapie<br />
des Pbiliflins. La quantité de marbres. Se autres matériaux,<br />
qu'on trouva dans fes ruines, fit bien comprendre l'importance<br />
dont elle avoit été ; Se les fources d'eau vive, qui y étoient<br />
en abondance, faciUtèrent extrêmement la çonftrudion de cette<br />
Fortereffe, dont le Roî confia k garde aux Chevahers du Tempk.<br />
Ils k munirent parfaitement de tout ce qui étoit néceffaire,<br />
6e refferrèrent fi bien la Vflle dAfcaloney que k Garnifon<br />
Sarrafine n'ofoit plus en fortir, pour faire des incurfions, comme<br />
auparavant. Qui plus eft, ces Ghevaflers faifoient eux-mêmes<br />
de fi vigoureufes forties, que le Soudan, qui rekvoit fouvent k<br />
Garnffon de cette Place, par de nouvefles Troupes qu'fl y envoyoit<br />
dEgypte y au travers du Défert, fut contraint de les faire<br />
paffer par Mer, où fes Bâtimens étoient fouvent pris, par<br />
ks Flottes Chrétiennes y Se k ViUe réduite à ime extrême difette<br />
de vivres.<br />
Mais, quelque favorables que fuffent ces di^wfitions, pour D(/r««V<br />
la Conquête que BAUDOUIN méditoit, deux accidens fâcheux ^' f^jk<br />
en retardèrent f entreprffe. De retour à Jérufalem , fl écouta ^^^*<br />
tjuelques efprits inquiets, 6c mal-intentionnés, qui lui perfiiadérent,<br />
que l'Autorité de k Reine,fa Mère,étoit trop grande,6c<br />
qu'Efle difpofoit feule du Gouvernement de l'Etat, qui devoit<br />
déformak n'appartenir qu'à lui, 6e fans aucun partage.<br />
Ces dffcours envenimés caufèrent une teUe difcorde, entre k , .<br />
Mère, Se le Ffls, que kurdéfunion penfe tout bouleverfer. Ce- treieBm,<br />
pendant, après plufieurs conteftations, ils convinrent enfin de^jj,<br />
partager k Roïaume, 6c que les Vflles de 3}r, 6c de Ptolomaih<br />
S dc.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
l|S%-: Htï ST^:I R E-G E'N «'R'Al. E<br />
âty d^eureroknt au pouvok du Roi,.. 6c zeÏLeéde Jérufalélfll<br />
Se de Napoubufey à la Reine. .<br />
Article UI, Gette, dernière Ville ,. qui eft fancienne Sishen <br />
Enfàiîs de JACOB,, qui en mailacrèrent, dans une nuit, tous<br />
Situation ks Habîtans mâles, avec EMOR^kur Roi, Se SICHEN, fon Fils,<br />
louie^aw-" dans le fort mêi^e de leur maladk, caufée par la Circoncifion,<br />
cheh^ ^^ pour-fe vanger dé la violence, que ce dernier avoît faîte à DÎNA,<br />
kur Soeur, eft.auffi la même Ville qu'ABiME'LEiCyFils naturel de<br />
V GE'DE'ON,fit rafer quelques Xiècles après^6e fur les ruïnes delaiquefle<br />
fl filfemer du fel. JE'RO^BOAM la fit enfuite rebâtir^ 65<br />
nommer Mamortay enfuite Naples; Se elle s'appefle aujourd'hui<br />
Napoulqufe. Efle fe trouve fituée dans la Province de Samarie y<br />
qu'on pf^tend avoîr été ainfi nommée^ à caufe des Colonies Affi"<br />
riefines, que SENÎÎACHI;RI;B , Roides Cbaldéens, y eavoïa pour tenir<br />
ks Juifs en bride. Ces fojets étant enfuite devenus ennemis des<br />
Origtney ^ûîfsy flsen furent^appellés Samaritains, qui fignffie Gardiens ; c'eft<br />
catimlu pourquoi, lor^u|,:ksry«^yôukient.iiljurier JESUS-CHRIST, ils<br />
Sui^* f appélloknt 5Àî»z
èE JE'RUSALEM. Ur. IV. Ci t "^^<br />
kurs affaires particuUères, mais encore ceUes de tous les Cè^^tiens<br />
de la Terre-Sainte. Ges remontrances les portèrent enfin<br />
à quitter le parti de la Reine, Se à introduire le Roi, fon Ffls, dans<br />
la Vifle; ce qui obUgea cette Princeffe à fe retirer promtement<br />
dans la Tour de DAVID i oùefle efpéroit de pouvoir fe foutenir; Retraîtede<br />
mais y deftituée de forces, elle fut hienfeôt obligée de fe foumet- dan/iT *<br />
tre àla difcrétion dû Roi, qui, par la médiation de tout ce2°^[^*<br />
qù'fl y avoit de confidérable dans l'Etat, 6c pour mettre fin à<br />
un fcandale capable de faire triompher les Infidèles y voulut bien<br />
lui rendre la ViUe de'Napoukufey à condition qu'Elfe ne fe mçkroit<br />
plus des affaires du Gouvcrn^nent, ni de cefles de la Couronne.<br />
Gé fut-là k première affaire fâclieufe, qiû) retarda î'utfle,<br />
6c néceffaire , Entreprffe d'^^^z^îw^.<br />
La féconde fut la néceff^té ,dans kquefle fe trouva ,prèfqu'enmême-tems'^ce<br />
Prflice, d'afler fecourir le Comté dEdeffe y c^ étoit<br />
dans un état déplorabk, par la mért du Comte ^SSELIN , kquel<br />
avoit été pris .dans une embufcade,-^-6c conduit prffonnier à<br />
Alep y où il avok péri dans les fers. NORADIN étoit entré dans<br />
cette Principauté d'un côté, pendant,que k Soudan dleoniunn^<br />
entra de fautre, avec un nombre prodigieux de Cavalerie. Ces deux<br />
."^Princes infidèles,' y mettoient tout à feu 6c à fang. Ce deraièf<br />
s^empara même des meilleures Fortereffes, fans que la Comteffe,<br />
à qui le Gouvernement en étoit^demeuré, pût rien faire, pour<br />
arrêter k cours de leurs ravages. ; BAUDOUIN accourut promtement<br />
à fon fecours, avec toutes les forces de fon Roïaume; mais<br />
voïant 5 qu'il îui étoit impoffibk de défendre cette Province, contre<br />
deux fi puiffans Ennemis, parce que fon élpighéînent de JE'-<br />
RUSALEM, '^6cle peu de tems,qu'fl avoit, ne lui permettoient pas<br />
de conferver'fun de ces deux Pays, fens rffquer f autre, fl confeilla<br />
à la Comteffe,^'6e à fes Enfans, ; qui s'é^ièntrètirés à i'ttrheffel,Vû\&-de<br />
leur dépendance, daccepter les offres d'EMANuëL,<br />
-Empereur de Confiantinople. GePrince kur avoit oifçrt d'unir kPays<br />
S. 2 dEdeffe<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
i4b H f S T' O I R E^ G r N F R A L E<br />
dEdeffe à fon Empire, dès qu'il avoit apris le rifque qu'fl courroit,<br />
de tomber au pouvoir des Infidèles.<br />
EMANUCL propofa à cette Dame de lui donner la poffeffion<br />
de plufieurs Terres, dans un Pays auffi abondant, 6c plus tranquik,<br />
que ne fétoit le Comté d" Edeffe y à condition pourtant<br />
de lui remettre les Places, qui reftoient encore en fon pouvoir.<br />
EUe Se fes Enfans acceptèrent ce parti, fans balancer, aimant<br />
beaucoup mieux, que ce Monarque Grec en fût lui même pof^<br />
feffeur, que de f expofer à l'invafion des Barbares. L'Ade de<br />
l'Echange en fut paffé, en prefence du Roi, des Barons de k<br />
Paleftine y qui l'accompagnoient, 6e des Seigneurs Grecs y qui<br />
fe trouvèrent dans un corps d'Armée, que l'Empereur av-^.<br />
defîùné à défendre cette Province. i<br />
Peu de jours après cette convention, le Roi BAUDOUIN confîgna<br />
lui-même aux Députés de f Empereur EMANUCL k Ville de<br />
Turbeftely celles d^Antapy Revende], Rancolety BytCy Samofa^<br />
te y & divers autres Lieux; ce qu'fl exécuta avec affez de tran-<br />
Noradin quîUté. Le Soudan dîconium y auffi bien que NORADIN, aïant<br />
danrf'ico- quîtté k Campagne, pour fe retirer dans Edeffe y Se dans les<br />
^tet^ent autres Fortereffes, dont ils s'étoient emparés, de crainte que<br />
àans fArmée Grèque y Se la Latine y ne s'unîffent enfembk, 6c ne les<br />
refferraffent dans quelque endroit,d'où ils auroient eu de la peine<br />
à fe tirer, d'autant plus que ces Barbares y quoique de même<br />
Religion, Se affez unis dans cette Expédition, euffent<br />
d'aflleurs des intérêts, qui leur donnoient également de la défiance.<br />
^ Si les Officiers de fEmpereur EMANUCL eurent la fatkfadion<br />
de terminer fi heureufement une affaire, qui intéreffoit fi fort<br />
kurMaître, ils eurent prefqu'en même-tems le déplaifir |de voir<br />
'déferter la plupart des Habitans des Vifles,dont ils venoient de<br />
prendre poffeffion. Le Roi BAUDOUIN, touché de compaffion<br />
'jpour ces pauvres Peuples, voiUutUien les conduire, quoîqu'avec<br />
beau.»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
- DE JE'RUSALEM. : Lïv; IV. Cn. l 14,1<br />
beaucoup d'incommodité,6c à travers mflle dangers, en Ueu de<br />
fûrete. Ces Peuples, qui ne croïoient pas ks Grecs affez vafl.<br />
lans, ni affez courageux, pour ks mettre à couvert de finfulte<br />
des Infidèles, Se les garantir de devenir bien-tôt leur proie, fe<br />
chargèrent, avec précipitation, de ce qu'ils avoient de plus précieux;<br />
Se, avec leurs Femmes, .6c leurs Enfans, ils aflèrent fe<br />
réfugier dans k Camp Latin , qui fe trouva bien-tôt rempli<br />
d'une~infinité de perfonnes, de tout âge, de tout fexe, 6c de toute<br />
condition, accablés de douleur de quiter leur Patrie, Se les<br />
Biens qu'ils y poffédoient. Un fpedaek fi touchant attendriffoit<br />
jufqu'au moindre des Soldats, qui tous cherchoient à les<br />
foulager dans leur difgrace,- Se augmenta la pitié de BAU<br />
DOUIN, natureflement généreux. Se magnanime,<br />
Jl divifafon Armée, en quatre Corps, 6e prit lui-même k con- chrétiens<br />
duîte de f Avant-Garde. 11 donna l'Afle droite aux Templiers, 6c la c^its '<br />
gauche aux Hofpitaliers. Le Comte de Tripoli conduifoit l'Arrière- ^^ ?*'^-<br />
Garde, dans laquelle fe trouvoit k Nobkffe de la Principauté<br />
d"*Antioche, On pkça, par ordre du Roî, tout ce Peuple infortuné<br />
, avec fon bagage, au miUeu de fArmée, ne doutant<br />
point que NORADIN, qui poffédoit Edeffe y ne mît tout en ufage,<br />
pour f inquiéter dans fa marche, fur tout lors qu'fl feroit informé<br />
du grand nombre de perfonnes inutfles, Se embarraffantes, dont<br />
il s'étoit chargé.<br />
En effet, à peine fut-il parti de Turupany qui n'eft qu'à<br />
deux Ueues de Turbeffely qu'on commença à découvrir les Infidèles<br />
y qui s'avançoient, pour attaquer fArmée Chrétienne y<br />
qu'ils cotoïèrent toujours jufqu'au Château dAatap , fans pourtant<br />
pouvoir f înlulter, ni lui nuire.<br />
Conune cette Fortereffe étoit une des plus confidérables du<br />
Comté dEdeffe, EMPHROI de Thoron , Connétable de Jérufalem,<br />
Se ROBERT SOURDEVAL, fun des plus puiffaiïs Seigneurs<br />
di Antioche y tous les deux auffi ambitieux, qu'imprudens, fans<br />
confidérer k bonne foi du Traité qu'on venoit de conclure avec les<br />
S 3 Grec^y<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
;44« H tSrrT 0 1 RE . G E' N E' R A L E<br />
,: Grecs y fe pitéfentèrent également; au Roi, fun après fautre J<br />
pour lui en demander k poffeffion,-6c faffurer, qu'ils fe faifoient<br />
fort de s'y maintenir, avec kurs feules forces. Maîs ce<br />
Prince, plus irrité ^que fatisfak ,d^ leur vanité^ fans même dai-<br />
. gner leur faire aucune xréponf^,, CQnfigna. d'abord cette Pkce<br />
., .2iux Qrecs y comme fl favoit fait de toutes les autres; enfuite de<br />
quoi, à la vue, 6c4nalgré toutes les tentatives des Ennemis, fl<br />
^ continua fa marche, avec tant d'ordre,"6c de précaution, qu'fl<br />
- fut jmpoffitïk aux Troupes de N o R A D I N de l'interrompre.<br />
. Ge ne fijt pas néaniijQÎns, fans beaucoup foûfrk.de k quantité<br />
., de flèches que leroient les Bar^res. EUes pénétroient môme, juf^<br />
.tju'aux Chariots, Se aux Bêtes deK:harge, qui en furent fi couvertes<br />
, qu'en entrant dans k Principauté.;Â^«^/ô^fe , elles rei-<br />
•^ fembloient à des Porcs-Epics. BAUDOUIN eut pourtant'la confolation<br />
d'y conduire fon, Jtrmée, 6ç.le§JBabitans du Comtéd^E^<br />
deffcy fans avoir perdu un feùî homme.<br />
?E^effë P^ fut-là, que, " pour couronner une# belle œuvre, ce grand<br />
hien rf^M^ «Prince s'apliqua avec une ardeur, Se une bonté inconcevable, à<br />
fn^urs,^ donner à ces exilés volontaires tout ce qui pouvoit adoucir leur<br />
Bourgeois 4nifère affreufe, ,6c leur faire oublier la perte,de leurs,Biens,..&<br />
che. de leur»Patrie. Les Seigneurs,î^6ç,les Bourgeois dAntioche, y<br />
V contribuèrent, avec d'autant plus dépkifir, que les fréquentes<br />
courfes des ^Infidèles dans leur..;Province, où fls n'épargnoient<br />
rien, en avoient confidérablement diminué k^ Habitans.<br />
Artkieiv. Pendant^.^e'^AUDOuiN faifoit des adions héroïques, dans le<br />
CovûtédÈdéffey 6c dans k Principauté d'^/2/?ev^^, le Roïaume<br />
de Jérufalem y ^^dént ce Prince ne pouvoit prefque jamais<br />
s'éloigner, iàns courir quelque rffque, ^penfa être furpris d'une<br />
.manière bien fâclieufe, à l'occafion de deux Frères Turcs, nomj<br />
mes les JoRAQjjiNS. Leur Père avoit été Seigneur de Jérufalem<br />
y toriqu'ALî^ D E'LI. Général du Calfe dEgypte, reprit cette<br />
ViUe, r 6e la remit de nouveau fous la Domination des Sarjrafins:<br />
«liangement, arrivé peu de te^s avant que "GoDEiiROi<br />
" - ' ' • ' .^ . - • ,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JË'RÙSALÈ^l^LIv:ÏV; G!H.L 14^::<br />
^ • •<br />
de BOUILLON , Se les autres Princes Vrôifés ,* en fiffent la Con^<br />
quête.<br />
Les JoRAQUi^, foUicités par leur vieille'Mère, qui, ne pou-^^"«<br />
vant fouffrir cette ùfurpation, leur reptochok fi fouvent leur là-nommés les<br />
cheté," Se leur peu de cOurage^J-qu'efle les porta enfinrà affem- £,^^"Jt"^'<br />
bkr quantité de Turcs y Se d Arabes y du Défert où fls s'étoient >r/;r
144 HISTOIRE G E'NE'RALE/<br />
ces de quelques vieux ChevaUers de V Hôpital y Se du Temple l<br />
qui étoient demeurés à la garde de leurs Maifons, Se qui fe comportèrent'fî<br />
efficacement dans cette périlkufe conjondure,<br />
qfffls engagèrent les Habitans à fe mettre en état de fe bien défendre.<br />
Ils leur infpirèrent même le courage de ne point atten-<br />
«Tdél*^ dre, dans kurs murs, les coups de ces Barbares y 6c de leur en<br />
route. porter eux-mêmes dans leur propre Camp ; de forte que, par<br />
les feges confefls de ces jnêmes Chevaliers, fls furprirent les InfiHèieSy<br />
Se les mirent en déroute, dès le premier choc.<br />
La terreur, qu'fls avoient caufée auparavant aux Chrétiens ,<br />
ks faifît eux - mêmes, jufqu'à les forcer de fe précipiter dans<br />
ks Rochers , qui font du côté de Jérico , où le chemin eft<br />
encore aujourd'hui fî étroit, fî efcarpé , Se fî rapide ', que<br />
les perfqnnes qui y paffent avec tranquilité, 6c fans aucun embaras,<br />
ont bien de la peine à s'en tirer ; enforte qu'fl n'eft<br />
pas forprénant, fi , dans une teUe occafion, vu le defordre,<br />
Se k confufion , il y pérît un fi grand nombre d Infidèles.<br />
Car ceux qui avoient cru trouver leur falut dans la Plaine,<br />
où les Habitans de la ViUe, contens de leur Vidoire, ne jugèrent<br />
pas à propos de. les pourfuivre, n'eurent pas un meiUeur<br />
fort. Ils gagnèrent du côté du Jourdain , 6c donnèrent juftement<br />
dans fArmée du Roi, qui venoit de Napouloufe. Ils furent<br />
tous tués, ou noies dans ce Fleuve: leur défaite fut fi<br />
grande. Se fi complette, que le même Archevêque de Tyr affure,<br />
que, dans cette Journée, qui fut le 23. Novembre de l'An<br />
f^eftu iï^2. OU félon d'autres Auteurs, le 4. Décembre, en compnombrede<br />
tant ccux quî fe précipitèrent, qui furent maffacres, ou noïés,<br />
fl y périt plus de cinquante-mille Barbares,<br />
Il feroît difficile d'exprimer la joie que le Roi, les Seigneurs,<br />
• 6c tous les peuples reffentirent d'un fi grand avantage, & d'une<br />
protedion fî vifible du Dieu des Armées y qui avoit voulu aveugler<br />
les Infidèles y Se permettre, qu'une poignée de gens fans expérience<br />
les épouvantât, 6c ks mît en déroute. Auffi, après<br />
lui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LIV. IV. CH. L ^ 14,1<br />
'lui cn avoir rendu de très-humbles Adionâ de grâce, tant au<br />
Camp, que dans k Vflk, BAUDOUIN, profitant de fardeur que<br />
cet heureux fuceès avoit infpiré à fes Troupes, fans s^arrêter à<br />
Jérufalem y les conduiOt à Afealomy oùll fit ravager toute k<br />
Campagne, pour prélude du fiége de cette Place, qu'fl méditoit<br />
depuis long-tems.<br />
Les AfcaloniteSy qui^ malgré les Fortereffes qu'on avoit conduites,<br />
pour les tenir en bride, n'avoient pas kiffé de faire<br />
quelques courfes for les terres des Chrétiens , furent alors<br />
très - confternés , foit que k nouvefle de la défaite des J o- '<br />
RAQ.UINS les eût abatus, ou que le manque des renforts,<br />
qu'ils recevoient ordinairement dEgypte, les eût découragés<br />
, ils virent fArmée Chrétienne détruire leur Gran- io"ites^<br />
ges , 6c leurs Hameaux ; couper leurs Arbres ; arracher ^^*'^"^ "'<br />
kurs Plantes , Se détruire entièrement leurs Campagnes , uws camfens<br />
ofer fortir de leurs muraifles, ni faire aucun mouvement, J^^"o/êr<br />
pour arrêter des ravages, qui leur étoient. d'un préjudiceV'«^»'^<br />
mfini.<br />
C'eft pourquoi, BAUDOUIN, qui n'avoit penfé d'abord, qu'à<br />
faire le dégât de leurs Campagnes, jugeant de leur confternatîon,<br />
par la lâcheté de leur conduite, réfolut de ne plus tarder<br />
à ks affiéger dans les formes. Il fit camper fon Armée devant<br />
la Place , envoïa des Détachemens fe faifir des paffages , i/^ftaio.*<br />
par où efle pouvoit être fecourue, fit en même tems travafller °®'<br />
aux chofes nécefkires pour la bien battre, 6c envoïa avertir le^<br />
Barons du Roïaume de fon Entreprife, afin qu'fls vinffent incef^<br />
famment le joindre, avec, kurs Troupes.<br />
Tous les Seigneurs, qui fouhaitoient auffi paffionnément, que<br />
le Roi, de chaffer les Infidèles d'une Vifle, doù fls incommo»<br />
doient fecilement la plus ^ande partie de k PakJHne, fe mirent en<br />
devoir de k bien féconder dans cette grande affaire. Les Prékti<br />
même voulurent prendre part à une Expédition fi intércilanta<br />
Fto-CHJa, Patriarche d^y/r
liÔ HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
Tf7' •,. BAUDOUIN , Archevêque de Céfarée ; ROBERT , Archevêque<br />
de Nazareth ; F R E' D E'R i c, Evêque dAcre ; Se G E'-<br />
RARD, Evêque de Sidon y fe rendirent au Camp, auffi bien<br />
que HUGUES d Ibelin y PHILIPPE de Naples y EMPHROI de Thorony<br />
SIMON de Tibériade y GE'RARD de Sidon y Guï de Baruth<br />
y MAURICE de Montréal; Se divers autres Barons, tous<br />
bien accompagnés. Se en très-bon équipage. Leur jondion<br />
augmenta confidérablement l'Armée du Roi. On y tint dabord<br />
*I53. un Confefl général, le 24. Janvier ii)3. dans lequel fl fut<br />
réfolu de bien ferrer k Place, 6c den commencer ks attaques.<br />
?Afca-^ ' AfcalonCy qui eft une des cinq Villes des PhilifeinSy fe troulane.<br />
vefîtuée au pié d'une CoUine^aubordde la Mer, dans kProvin- ^<br />
ce didumée; elle étoit alors extrêmement forte. Les Califes<br />
d* Egypte y quila regardoient comme la clef de kurs Etats de<br />
ce côté-là, n'avoient rien épargné pour la rendre teUe. Outre<br />
les épaiffes, Se hautes Muraflks, flanquées de groffes Tours,<br />
peu diftantes l'une de l'autre, dont elle étoit environnée, elle<br />
avoît des Foffés profonds, Se toutes les autres Fortifications que<br />
les Sarrafins avoient pu conftniîre, pour k mettre en état de<br />
ne point craindre* ks attaques des Chrétiens y qui en effet n'avoient<br />
pu la réduire, quelque tentative, Se quelques efforts<br />
qu'ils euffent faits jufqu'alors, pour en venir à bout.<br />
-Sei BOUT- Ejjg ^toît d^aiUcurs fi peuplée , que k nombre de fes Habrguerris.<br />
taus , k plupart très-aguerris, furpaffoit au double celui de<br />
l'Armée Crétierme y qui faffiégeoit. Les Califes y qui connoif^<br />
foient de quelle importance il leur étoit d'entretenir ces peupks<br />
contens', foudoïoient non feukment leurs enfans mâles dès le berceau,<br />
mais encore les faifoient jouïr de plufieurs belles prérogatives;<br />
de forte qu'il n'eft pas furprenant, fi tant de bons traitemens<br />
, 6e de fi grandes UberaUtés, ks rendoient fidèks à leur<br />
Souverain, Se attachés à fe maintenir dans une ViUe, où fls<br />
^ vivoient avec tant d^agrément. Se daifance.<br />
' Cependant, k Roi s'aperçut bien-tôt, que, fi quelque rai-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. Liv. IV. CH. I, 14.7^<br />
fon, dont fl n'avoit pu pénétrer la caufe,ks avoît empêchés de<br />
fortir de leur Vifle, pour s'oppofor au ravage de leurs Campagnes,<br />
ils n'en étoient pas moins dflpofés à fe bien défendre. Se<br />
à repouffer tous fes affauts. En effet,la valeur de ce Prince,fon<br />
adivité, en tout ce qui pouvoit avancer le fiége, fardeur qu'fl<br />
infpiroit à tous ks Seigneurs de fArmée , &: l'empreffement<br />
des Soldats à exécuter fes ordres,ne purent rien contre la bravoure.<br />
Se la fermeté des Afcalonites, Le fiége n'étoit pas Lw^ew<br />
plus avancé au bout de quelques mois, que le premier jour qu'fl<br />
l'avoit commencé; tant ces peuples étoient attentifs,6cardens,<br />
à ruiner tous les travaux des affiégeans, 6c à réparer les<br />
^dommages qu'ils en recevoient.<br />
Ils étoient d'aflleurs fi accoutumés à k manière de combatre<br />
des Chrétiens, par les fréquentes occafions qu'ils en avoient<br />
eues, depuis cinquante ans, qu'ils poffédoient le Roïaume de<br />
Jérufalem y que, bien loin d'être étonnés de leurs armes, de<br />
l'ordre,ou de k difcipUne,avec laquelle ils les attaquoient, ils<br />
kur firent tête, avec tant de conftance,6c de fermeté,qu'ils ks<br />
obligèrent bien fouvent à fe retirer avec perte.<br />
Cependant, toutes ces fàcheufes difpofîtiôns, au lieu de rebuter<br />
BAUDOUIN de fon entreprife, ne faffoient qu'augmenter<br />
la paffion qu'il avoît, d'en venir à bout. Animé par f utiUté<br />
qu'en recevroient tous fes Sujets, Se par k gloire particulière<br />
qui lui en demeureroit, il s'avifa de joindre f induftrie à la force.<br />
Il fit travafller, avec beaucoup de dfligence, à k conftruction<br />
d'une Tour de bois. Cette Machine étoit une des plus grandes.<br />
Se des plus hautes qu'on eut encore fabriqué jufqu'alors.<br />
Efle furpaffoit ^i fort k hauteur des Muraflks de k Ville, que<br />
ceux, qui étoient placés dans ce Château mouvant, y lançoîent<br />
avec facilité. Se à coup fur, quantité de pierres, de dards, 6c<br />
de traits, non feulement fur les Infidèles, qiû défendoient ks Remparts<br />
, mais encore fur ceux qui pafïbîent dans les rues ; en forte<br />
que cette furieufe Maciiine devint fi incommode, 6c fi funefte<br />
T 2 aux<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
148 H I S T OIRE G Ë' N E' R A L E<br />
aux aÛi^és, qu'ils reconnurent, qu'efle cauferoit leur perte,<br />
s'fls ne trouvoient k moïen de la détruire..<br />
Pour y parvenir, ils jettèrent, à l'entrée-de là nuit, un<br />
grand tas de bois fec, dans l'efpace qui reftoitvcn^e la Machine<br />
6c leur Muraille, fur lequel fl verfèrent quantité d'hiûk , de<br />
goudron, 6c.de fuif;fls y mirent le feu, qui s'afluma avec tant<br />
de promtitude. Se de violence, qu'fl fut impoffible aux Chrétiens<br />
y Se aux Infidèles même, à qui cet incendie devhitcégakment<br />
préjudiciable, de fétemdre, quelque chofe qu'ils puffeiw:<br />
feire.. Un vent impétueux, qui fe kva fubitement, pouffa-ks<br />
courbfllons de k flamme effroïable de ces amas de bois contre<br />
la Muraifle, dont efle fut fi échaufée Se fî embrafée, pendant<br />
le refte de lanuit, qucyprécifément au point du jour, fl en tombaune<br />
partie, qui fit un .affez grand efpace, poiu c; .:><br />
Un-^bonheur fî'grand, 6c'fî'inefpéré, 6c qui .auroit rendu;<br />
dès-lors les-Chrétiens maîtres de la Place, s'ils y étoient entrés<br />
avec fùnion. Se la prudence néceffaires, dans nne occafion fi<br />
importante, 6c f i déUcate, penfa, au - contraire, - ks obliger à<br />
abandonner un fîége, qui leur coûtoit déjà fî cher.<br />
BERNARD de TREMULAi, Maître des Templiers, qui fe trou^^<br />
voit le plus proche delà brèche, vouloit que les Chevaliers<br />
de fon Ordre euffent f honneur d'être les premiers à réduire les<br />
affiégés, comme fl le croïoit fort aifé; Se y fuivant l'avidité qu'fls<br />
avoit de s'emparer de leurs plus ricfies dépouifles, fl fut affez<br />
imprudent, Se mal-avifé, pour ne faire entrer dans k Ville que<br />
foixante de fes ChevaUers, avec un petit nombre de Troupes;,<br />
comme fi cette poignée de monde eût été capable d'effrayer,<br />
6c de défaire des gens, qui jufqu'alors s'étoient défendus contre<br />
toute fArmée, 6e qui avoient donné tant de marques de courage<br />
6c.de fermeté.. 11 fit plus, fl fe pofta lui-même, avec k"<br />
refte de fon monde, à l'entrée de la brèche,6c empêcha ks autres<br />
Troupes, qui y accoururent, d'y monter. La préfomption, «<br />
oui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE^RU^SALEM. Liv. IV. Cn: t t^^<br />
ouràvarice,avcugbit le Chef d'une "Religion, kquefle ne devoit<br />
avoir en vue que la gloire 6e favantage commun des Chrétiens y<br />
qui, par la mauvaffe conduite d'un feul homme, perdirent tous<br />
les fruits de leurs travaux ,u 6c fe trouvèrent comme à recommencer;<br />
• En effet, ks /«/îi^^^fc qui reconnurent, que lê petit nombre'<br />
d'affaflkns n'étoit pomt foutenu par d'autres Troupes, les environnèrent,<br />
avec tant de promtitude, 6c de fureur, qu'fls fes*<br />
mirent toùs en-pièces en un moment, 6c travafllèi:en,t,avec tant<br />
de foin, 6c de dfligence, Préparer leur brèche, qu'ils la rétafeUrent<br />
parfaitement, avant même que le Roi fût informé du<br />
trifte accident qui venoit d'arriver. Il en fut d*autant plus touché,<br />
qu'fl fe voïoit par-là retardé, dans la Conquête d'une Place,<br />
qui lui tenoit fi fort à cœur, 6e qfffl fembloit que la fortu*ne<br />
avok voulu lui procurer, par l'ouvrage même de fes propres<br />
ennemis.<br />
Outre ce déplaifir; ce Prmce eut encore là doukur, de voir'<br />
-expofés aux crénaux des Muraifles les corps de tant de braves -<br />
ChevaUers, Se de vaillans Soldats, qui avoient fî malheureufement<br />
péri, pour avoir obéi à leur Chef, Se celui d'entendre les-<br />
Barbares pouffer de grands cris de joie, Se d'aflégreffe. Ils fe<br />
moquoient en effet de luî,6e de fon Armée, par des geftes infâmes,<br />
qu'fls joignoient à mifle paroles piquantes, Se injurieufes.<br />
Ce Prince reconnut encore, avec un double chagrin, le<br />
découragement des OfiSeiers, Se des Soldats, qui étoient plus<br />
dffpofés à abandonner le fîége, qif à chercher les occafîons d'en<br />
venir aux mains avec les Infidèles, dont ils craignoient également<br />
la réfolution, 6c k bravoure.<br />
En effet, k bruit s'étant répandu, dans k Camp, que NO<br />
RADIN s'étoit emparé du Roïaume de Damas , après la m.ort<br />
d AMARD, qui, en quaUté de Gouverneur de cet Etat, favoit<br />
conferve à fes légitimes Maîtres; 6c qu'après une Conquête fi^<br />
avantageufe, ce Soudan étoit allé affiéger k Vflle de Belline y<br />
T 3 pofTé-'<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fô H I S T O I R E G E' N F/ R A L E<br />
poffédée par les Chrétiens, il n'y eut que le Maître des Hofpiia^<br />
//>r.f,^qui, animé d'un fincère attachement aubienpubUc, Se<br />
dun ardent défir de réparer le dommage. Se faffront caufé par<br />
f imprudence du Maître des Templiers yls'oppofàt au fentiment de<br />
toute l'Affemblée, qui opinoit pour la levée du fiége, fous prétexte<br />
d'aller s'oppofer aux entreprffes' de NORADIN, dont l'agrandiffement<br />
ne pouvoit être que très-funefte au Roïaume dc<br />
Jérufalem,<br />
Le Maître de VHôpital repréfenta, avec ardeur, k néceffité où<br />
fon étoit de tout fouffrir y pour terminer une Entreprife, dont<br />
£fchr? dépendoit le repos de tous les Chrétiens de k Terre-Sainte, U<br />
tiens à le- fit yoîr, qu'CH l'abandonnant, les Sarrafins y devenus plus fiers,<br />
' Se plus orgueilleux , ne manqueroient pas dt redoubler leurs<br />
courfes, Se leurs ravages, avec encore plus de fureur qu'auparavant.<br />
Il releva la honte qu'il y auroit à décamper de devant<br />
une Place, qu'fls tenoient affiégéé depuis plus de fix mois, Se<br />
qu'ils avoient réduite à une extrême difette de vivres, fens efperance<br />
den recevoir: fl ne faut, kur dît-fl, qu'un peu de pa-<br />
^^'^^^"j"^ tience, pour f arracher aux Infidèles y 6e pour mettre tout k<br />
de i^Hopi- Roïaume à couvert de leurs infultes, de ce côté-là. Ce difcours<br />
vie^dufié' fut proHOucé avcc tant d'ingénuité, Se de force, qu'fl perfuada<br />
^*' enfin le Roi, Se tous les Seigneurs du Confefl,de pouffer,avec<br />
la dernière vigueur, une Entreprife fi avancée, 6c d'où depen-:<br />
doit ou la gloire, ou le déshonneur des Armes Chrétiennes,<br />
On voit par-là, que, fi le Maître des Templiers fit manquer<br />
la prife d'une Vifle fi importante, les feges remontrances de celui<br />
de VHôpital en procurèrent la Conquête. On recommença<br />
donc les attaques, avec tant d'ardeur Se de réfolution ; Se les<br />
Soldats, animés par ks exhortations. Se f intrépidité de leurs<br />
Chefs, firent fi bien leur devoir, qu'après fîx mois, 6c demi<br />
de fiége, ils réduifirent enfin les Afcalonites à capituler avec les<br />
Chrétiens, Ceux-ci de leur côté étoient entrèmement fatigués<br />
de leurs pertes,6ç de tout ce qu'fls avoient fouffert,pendant un<br />
fi<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liy. IV. CH. L 151*<br />
fi long fiége. Auffi, ne crurent-ils pas devoir réduhe au défefpoir<br />
des gens capables de les arrêter encore long-tems, 6c de leur<br />
faire acheter plus chèrement leur défaite. Ils ne balancèrent pas<br />
à accepter leurs propofitions; 6e, en vertu du Traité qu'fls conclurent,<br />
le 12. Août 11 ^4,. îls entrèrent triomphans dans k Vil- 1154.<br />
le, que les Afcalonites évacuèrent, deux jours après cet accord. SiOTef^'<br />
Ils fe retirèrent, avec leurs Femmes,Enfans,6e Effets portatifs, P^r ca^i^^<br />
à la Vflle de Larizza, dans VArabie déferte, où k Roi çut k<br />
générofité de les fake efcorter, par un Détachement de fes<br />
Troupes.<br />
La prife dAfcalone intéreffoit fi fort ks Peupks de la Paleftine<br />
y qu'fls s'eniprefîerent tous à donner des marques de leur<br />
joie, par des Fêtes, Se des Réjouiffances pubUques. Ceux de<br />
la campagne, en particuUer, reffcntoient un plaifir qu'on ne<br />
peut exprimer; ils fe voïoient en Uberté de cultiver déformak<br />
kur terres, fans craindre davantage, que d'autres en fiffent k<br />
moiffon. Le Roi aïant fait une aquifition que fes Prédéceffeurs<br />
avoient tant fouhaîtée. Se après kquefle lui-même avoit tant<br />
foupiré, fit d'abord purger k Vifle, Se purffier les Mofquées,<br />
dont il fit autant d Eglifes. Le Patriarche, accompagné de tous ^^ww claies<br />
Prélats, célébra k Meffe pontificalement, dans k Cathé- %%"ia<br />
drale, Se entonna k Te Deum, en Adion de grâces. Les Exer- |î^|^ ^'^ **<br />
cices de piété fmis, on n'entendît plus que des cris Se des aela:mations<br />
de joie dans la Vifle, 6c tous les Lieux d'alentour.<br />
BAUDOUIN donna enfuite fes premiers foins à faire réparer<br />
promtement les Murs de k Vifle, à y attirer des gens de toute<br />
forte de profeffions,pour k peupler, 6e à y étabUr un bon<br />
ordre, tant pour la Guerre, que pour la Police. Afin qu'fl n'y<br />
arrivât aucun trouble, dont les Infidèles puffent profiter, fly<br />
mît une forte Garnifon, Se en donna le Gouvernement au BA<br />
RON dlBELiN. Après cela, fl s'en retourna k Jérufalem, trèsfatisfait<br />
de fon Expédition, Se content du Maître de VHôpHaly<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ifi lî I € -T^O I R E G r N E' R A-L E<br />
qui| pr fes ppudens avi?? avoic fi fcrt contribué à jûette fa^<br />
meufo Cosquête,<br />
Lea apîaudiffemenii qu§ e§ Chevalier reçut en iSyWf, furent<br />
bleîï-tôt fuivis d'un honneur ? & dun avantage très-confidérabkjpoi^r<br />
tout fon Ordre. Les Princes dQ VEurapCy non moins<br />
fenfîblesqwe ceuK d Outremer à k prife d'.^^/
t»T: JE'RUSALEM. LivI IV. Cn. lï. î^f<br />
«•entre-détruire, fls emploïèrent les Armes, qui leur dévoient uniquement<br />
fervir contre f ennemi commun de leur ReUgion, 6e<br />
de leur Patrie.<br />
D'un côté, les Hofpitaliers, autorifés par la nouvelle Bufle<br />
du Pape , réfofèrent non feulement de payer les dîmes aux<br />
Evêques , mais foutinrent encore, que tous leurs Ecdéfiafliques<br />
, Se autres Vaffaux, ne dévoient plus dépendre de kurs<br />
Paûeurs ordinaires, ni pour k fpirituei, ni pour le temporeL<br />
De fautre côté,les Prélats ne pouvant fouffrù d'être privés des<br />
avantages, 6c des prérogatives, qui étoient attachés à leurs dignités<br />
, armèrent des gens pour foutenir leurs droits ; maîs,<br />
comme ils étoient trop foibles. Se trop peu expérimentés, pour<br />
rien gagner, par la voie des Armes, contre une ReUgion auffi puif^<br />
fente, .6e auffi befliqueufe, que fétoient les Hofpitaliers, fls en<br />
furent très-mal menés, 6c perfécutés jufques dans les EgUfes mêmes;<br />
fiu tout dans celle du Saint-Sépulcre y où, felon GUIL- ^^55-<br />
LAUME de Tyr y on voïoit encore, de fon tems, fofpendues aux<br />
JMuraiUes de ce vénérable Temple, les flèdies que les Hof^taliers<br />
y avoient tirées contre Jes Eccléfiaftiques, pendant f Office<br />
Divin.<br />
Ces violences obUgèrent k Patriarche FULCHER, âgé de près<br />
de cent ans, de s'embarquer au commencement de l'année 1155*.<br />
avec les Archevêques de Tyr y Se de Céfarée y les Evêques de<br />
Sidon y de Ptolomaïde y de Tibériade y Se de Sébaftcy pour en<br />
afler porter leurs plaintes au Souverain Pontife. Mais, comme<br />
VItalie fe trouvoit alors encore plus agitée', que la Paleftine y<br />
Se que le Pape ADRIEN IV. qui avoit fuccédé à ANASTASE ,<br />
étoit également dans de grands embarras, par raport aux guerres,<br />
Se aux féditions, caufées par l'excommunication qu'fl avoit<br />
fulminée contre GUILLAUME Roi de Sicile y le Patriarche, Se les<br />
Prélats, n'eurent pas toute k fatisfàdion,qu'ils avoientefperée,<br />
contre les Hofpitaliers.<br />
Le Saint Père, entièrement occupé dçs troubles du SaintSié-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Xf4^ H I S T O IRE C F Kt^K^-h E<br />
ge, remit f examen de cettfe affaire à des Avocats ConfflloriauxJ<br />
qjii, après divers plaidoïers , Se conteftations, fe dédarèrent<br />
pour les Hofpitaliers ; foît qu'AoRiEN voulût maintenir ce que<br />
fes Prédéceffeurs avoient fait enTaveur de ces'CJ:ffivaUer&, ou<br />
que, félon le même Ardievêque de Tyr, le Pontife, Se le fecrè<br />
Collège euffent été gagnés par ks^granc^,préfens des ChevaUers ^<br />
on les confirma dans tous leurs Pri viléges. Immunités, 6e Exemp-^<br />
tions, pendant que k Patriarche, 6c les autres Prékts, furent<br />
contraints de s'en retourner, fans aucune liépar^ion des infuU<br />
tes qu'ils en avoient reçues r ,<br />
Cette mortification nç fut pas la feufe, que reçurent ces Ec-t<br />
défiailiques.. Ils eurent encore, en arrivant en Pakfiine y celle<br />
que leurs ennemis avoient confidérablement augmenté leurs ri^<br />
cheffes, 6c leur crédit, Se qu'ils rravaflloknt même à faire de<br />
nouvelles acquifitions ,^pour diminuer encore l'autorité, 6e les ré-*<br />
venus de leurs compétiteurs. ...<br />
¥^c'^ufe Cependant les Hofpitaliers y Se ks Templiers y qui entrete^<br />
Agypte, noient des étions chez tous ks Princes Infidèles du voifînage ^<br />
^r/e SQU- ^^Qj^gj^j- été informés, quele Soudan EBEIS, alors Gouverneur d'E-<br />
Et»eis. gypte y fous le CaUfe, fe moquant du refped, que les Peuples<br />
avoient pour ce Calife, qu'fls nommoient Idole dcSowoermny<br />
favoit njaffacré, Sse s'étoit emparé de fes immenfes tréfors, dans<br />
k deffein d'élever fur le Trône fon Fils Noferaàin; mais que le<br />
foulèvement du Peuple ne lui aïant pas donné k tems d'exécuter<br />
ce grand projet, fl avoit été contraint de s'enfuïr, avec toute<br />
fa famiUe, 6c fes richeffes, pour aller chercher un azile à<br />
Damas.<br />
Maffacre Les ChcvalUers profitèrent ^ à propos de ces avis, qu'ils fe<br />
au Soudan, . • • • .. i o J ,-i /v<br />
^prije de mirent en campagne, joignirent le Soudan, avant qu'il pût ar-<br />
>jorera- ^-^^^^ ^ DamaSy k maffacrèrent avec la plupart de fa fuite, à k<br />
prhsche- referve de Noferadiuy fon Ffls, qu'ils prirent vifs. Ils firent auffi<br />
rHôpUl^, un butin ineliimable; Les tréfors du Roi dEgypte y que ce,Sou*<br />
fempie. ^ cmpoitoit avcc Mr étokntj,fens contredit,ks plus grands,.<br />
kS'<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
»L— ••<br />
DE JERUSALEM: Lir. IV. CH.IL îst<br />
îes iphiè riches, ôc les plus rares de tout VOrient, malgré les<br />
grandes révolutions, qui étoient arrivées.dans ce Roïaume; de<br />
forte -qu'fl n'eft pas furprenant, fi, après une avanture auffi extraordinaire<br />
, qu'heureufe, pour ks Ordres Mflitaires, fls cherchoient,<br />
avec tant d'avidité, à s'en emparer, pour s'agrandir.»<br />
EMPHROI de Thoron y Connétable de Jérufalem y étoit alor»<br />
Seigneur de Belline, 6c fe trouvoit continuellement inquiété par<br />
Noradin y depuis qu'il poffédoit la ViHe de Damas. EMPHROI,<br />
voulant fe foulager des groffes dépenfes, qu'fl étoit obligé de><br />
faire, pour entretenir la garnffon d'une Pkce fi expofée. Se<br />
pourvoir mieux à fa confervation, s'accommoda avec les Hofpi^'<br />
faliers, auxquels fl vendit la moitié de k Souveraineté, à condition<br />
qu'ils y enverroient inceffamment un bon nombre de Troupes,<br />
avec toutes les armes, 6cks munitions néceffaires.<br />
' Comme cette acquifîtkn faifok autant d'honneur aux HofpL<br />
faliers y qu'elle pouvoit kur devenir utile, RAIMOND de PODÏO,<br />
kur premier Maître , y envoïa proitttement plufîeurs de ces<br />
ChevaUers, bien accompagnés, pour en aUer prendre poffeffion.<br />
Se pour y conduire un grand convoi d'armes, 6c de munition©<br />
de guerre, Se de bouche. Cependant la vic humaine étant ordinairement<br />
entremêlée de bonheiu-, Se de difgraces, la fortune<br />
leur fut auffi contraire dans cette expédition, qu'elle kur avoit<br />
été favorable , dans cefle qu'fls avoient faite contre le Soudan iis
iS6 H I S T O I RE G F N & R A .L E<br />
^Jfit^ba- Chevaliers, 6c de Soldats, périrent dans cette fâcheufe rencont^'e j<br />
res fur les Se les Infidèks demeurèrent maîtres de tous les chariots, che*^<br />
li&iV^' vaux, chameaux, 6c bagages, qui compofoient ce convoi.<br />
Une fi grande perte dégoûta fî fort ks Hofpitaliers y qu'ap*<br />
préhendant d'en faire d'autres femblables,. s'ils entreprenoient<br />
de garder Belline, ils remirent à EMPHROI de THORON , la por-<br />
^ tion qu'il kur en avoit cédée, avee autant d'empreffement y<br />
qu'ils avoient eu d'ardeur à f acquérir. Ils s'excufèrent de ce<br />
qu'eUe étoit trop éloignée de kurs autres Châteaux, 6c dirent,.<br />
•qu'ils ne pouvoient,. fans tout rifquer, la fecourir dans les occafions<br />
, ni, par confequent, la conferver ; de manière que la démarche<br />
qu'avoit fait le Connétable, poiu k mettre à couvert ,,<br />
faflUt au contraire en avancer la perte.<br />
Bemn? ^^ ^^^^ 5 NORADIN , prévoïant la confternation, que la défaite<br />
iar Nora- dcs HofpitaHers caufei'oit aux habitans de Belline, alla d'abord,<br />
l'affiéger ;. Mais, comme k déplaifir, qu'ils en avoient reffenti y<br />
n'avoit point diminué leur courage, non feulement\fls repouffèrent<br />
fes premiers affauts, mais ils firent encore des forties,fi bien<br />
concertées, qu'ils lui tuèrent beaucoup de monde, Se lui firent<br />
connoître, qu'fl s'étoît fort trompé, en voulant les furprendre..<br />
Cependant, foit que ces heureux fuceès les rendiffent un peu<br />
trop téméraires, ou que leur ardeur les emportât trop, fls s'en^<br />
gagèrent dans une nouveUe fortk vers k Camp ennemi, Se s'avancèrent<br />
fi loin, qu'ils ne purent plus régagner leur Ville. En^<br />
ce defordre , îls furent fi vivement pourfuivis des Infidèles, qu'fl<br />
leur fut impoffible d'empêcher,, que plufieurs n'y entraffent, pè-,<br />
k, mêle, avec eux..<br />
h!ft,i^ NORADIN, qui favoit parfaitement profiter de tous les avanta*<br />
fjf"T S^> s'avança promtement avec le gros de fon armée, 6c fouf^g^<br />
tint fi bien ceux des fiens, qui y étoient déjà- entrés, que k ,<br />
Ville fut bientôt remplie de maffacres , Se les Peuples fi effrayés<br />
de ce changement de fortune inopiné, qu'au lieu de fe défendre,,<br />
fls ne foogèrent qu'à fuivre,avec précipitation k Connétable,<br />
'<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. IV. CH. H. ist<br />
l)le,6c fon Fils, qui s'étoient retirés dans k Château, dès qu'ik<br />
reconnurent le danger inévitable de la Vflle. En effet, efle ne<br />
tarda pas à fe trouver remplie entièrement d Infidèks, kfquels<br />
pafferent au fïl de l'épée tous ks habitans, qu'ils purent- at-^<br />
traper.<br />
Ils commencèrent enfuite à battre le Château, avec tant de j^^^s ^y^<br />
fureur, Se de viofence, que, malgré fes munitions, 6e fa vi- ^''<br />
goureufe défenfe, fl lui auroit été impoffible de foutenk long^<br />
tems ks affauts continuels de NORADIN, fans la marche forcée,<br />
que fit le Roi BAUDOUIN, pour fecourir cette Place. Ce Prînce<br />
Infidèle fut olfligé à lever k fiége, dès qu'il fut informé de farrivée<br />
de BAUDOUIN. En fe retirant, fl mit lé feu aux maffons,<br />
en attendant quelque occafion plus favOTabk, pour emporter une<br />
Place, dont fl avpit déjà fi fouvent tenté la conquête ; 6e le Roi,<br />
fans autre peine, que celle de voir la défoktion de cette malrheureufe<br />
vilk, y entra pour confoler le Connétabk, 6c fes SU'<br />
jets ; 6c, pour la remettre en état de rendre, à l'avenir, inutiles<br />
les tentatives des Infidèles', îl emploïa toute fon armée à k réparer.<br />
Mais, en agiffant fi généreufement pour favantage du Connétable,<br />
BAUDOUIN manqua de précaution pour lui-même. Se fe<br />
rnit dans un embarras, 6c dans un danger, dont il eut bien de<br />
k peine à fe tirer. Se qui coûta même la vîe à plufieurs des plus<br />
braves de fon armée, Se la liberté aux plus confidérables ;. car<br />
aïant kiffé fon Infanterie à Belline, pour en achever ks fortifications<br />
, 6c y fervir de garnifon , îl s'en retourna avec fa feule<br />
Cavalerie, qu'fl laiffa marcher avec fi peu d'ordre, 6c de difcipUne,<br />
qu'il paroiffoit avoir entièrement oublié k circonfpedion ^<br />
avec laquelle il s'étoit toujours conduit, 6e k vigflance de f enr<br />
nemi, qu'fl avoit à rédouter.<br />
NORADIN, plus avifé, que lui, ne négligea pas une fi beUe<br />
occafion. Au lieu de gagner Damas y où le Roi croïoit, qu'il<br />
s'étoit retiré, il traverfe fî promtement, 6c fi fecrettement le<br />
y ^ Jour^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
jS^ H ï s TOIRE G Ë'^ E'R A L E<br />
ysardén*, à Ferii^dt, nommé k Guéàe j'oeûby qu'fl furprit^<br />
6c attaqua la Cavalerie Chrétienne, avec tant davantage, qu'il<br />
ne fut point poffibk à ce !l^ince de réunir fes Efcadrons, pour<br />
lui faire tête. l.esSm'rafi/ns]^ enfoncèrent, fans pourtant en<br />
faire un grand maffacre, chacun aïant d'abord cherché fon falut<br />
dans la fuite. Qtiantité des plus liàrdis y périrent. BERTRAND<br />
de BLANGHEFORT , Maitre des Templiers ; OTHO-N , de S.<br />
AMAND, Maréchal de Jjérufalem ; k vafllant HUGUES d'iBE-<br />
UN ; JEAN GRORIOND ; BGUAR de JAPFA ; BALIAN , fon Frère,<br />
^'-plufîeurs autres des principaux Seigrieftrs de U Paleftin<br />
ne y furent farts prifonniers. Ce ne fut que pat un coup<br />
du Ciel, 6e par la vigueur dun excellent cheval , que<br />
le Roi évita un femblabk fort. H gagna le Château de Sa^<br />
fifety d'où fl fe rendit, peu de fours après, à Ptoltmarde y<br />
avec ceux, qui, comme lui, avoient eu le bonheur d'éviter Mmort,<br />
ou f efekvage. '1<br />
La prefence de ce Prince raffura, 6c confok, en quelque<br />
manière, les habitans de cette Place , de la douleur , qu'ils^<br />
avoîent reffentie , en apprenant fa défaite. Comme il étoit.<br />
entrèmement aimé des Peuples, chacun^empreffoit à lui témoigner<br />
fa fatisfàdion de k voir déUvré dun fî grand pérfl,<br />
lorfqu'il fe trouva dans la dure néceffitê de s'y expofer<br />
de nouveaiL<br />
Article IL Le Soudan de Damas, enflé du grand avantage, qu'fl ve-<br />
^e de Bel- noit de remporter, 6c fktté par fefpérance de s'emparer faciïè'smdan<br />
iemtnt de BclUne ydoHt fl fupofa,que le^ murailles ne feroient<br />
^éDamas, poinè^ eucore réparées, retourna d'aborcf devant cette Place^<br />
avec un gros Renfort de Troupes, qu'il avoit fait venir de<br />
Damas y Se qui avoit confîdéraMêment augmenté fon Armée:,<br />
il récommença fes attaques., avec f^us d'ardeur, qu'auparavant.<br />
Le Roi, qui n'avoit pas une moindre paffioh deconle*rver<br />
cette Ville, que ' le Soudan de s'en rendre Maitre, em<br />
ydia promptement avertir k Prince d Antbche y Se k Comte<br />
de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Uv. IV. Cn. ÏI. rj$<br />
dé Tripoli y de .joindre leurs Troupes, pendant qu'il affembkfroit<br />
les fîennes, 6c de venir à fon fecours. . .<br />
Il fe mit en marche, accompagné de ces deux Princes, Se<br />
des Ordres MiUtaires, Se afla fe camper, près de Chateauneuf y<br />
fur une hauteur, appeflée Neuve-Garde y d'où ,fl découvrgit à<br />
plein le camp ennemi, duquel fl pouvoit égakment être vu. Le<br />
peu de Cavalerie, qui reftoit à BAUDOUIN, ne lui permettoit pas<br />
de fe trop avancer, crainte de quelque nouvefle difgrace, qui<br />
fauroit mis entièrement iiors d'état de pouvoir rien entreprendre.<br />
Cependant, foit que NORADIN, qui s'étoit imaginé, qu'a^ ^b "^i^^ni<br />
près k déroute, qu'il lui avoit caufée, près du Gué de Jacob,<br />
fl ne feroit de long-tems en état de fe mettre en Campagne,<br />
fût étonné de fon approciie, ou qu'fl ne voulût point rifquer,<br />
par l'incertitude d'une bataille, les avantages, qu'fl avoit remportés,<br />
quoiqu'fl eût déjà fait des brèches aux murailles. Se<br />
réduit la Garnifon, Se les habîtans à fextrémité, fl abandonna<br />
de nouveau le fîége y Se s'en retourna dans fes Etats.. Tant<br />
k manière de faire la guerre en ce tems-là étoit différente de<br />
celle d'aujourd'hui, où lès allées, Se les venues infrudueufès,<br />
du Roi-, 6c de NORADIN, feroient regardées,, comme lâches,6t<br />
efféminées.- .- >,<br />
Le Roi de Jérufalem2 fatisfàit d'avoir obUgé NORADIN, à:<br />
abandonner le fîége, fans tirer l'épée, reprit le chemin de fa<br />
Capitale, où il s'apliqua d'abord à réparer fe- Cavalerie, pour fe<br />
mettre en état d'agir avec plus de vigueur, lors que f occafîon<br />
s'en préfenteroit. Il eut le tems de fexécuter, en tranquflité ,<br />
par la maladie, qui furvint à NORADIN, après la dernière affaire<br />
de Belline: Ce Barbare, après avoîr quelque tems langui à<br />
Damas y s'étoit fait tranfporter à Alep y dans l'efpérance que cet<br />
air épuré lui feroit avantageux.<br />
La longue infirmité de ce Soudan, jointe à farrivée en Paleftine<br />
de T H E'O D o RI c, Comte de Flandres , qui mit pié<br />
à terre à Ba^'uty avec bon nombre de Troupes fort leftes. Se<br />
bien^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ï6o HISTOIRE G E' N E' R A L^ E<br />
bkn pourvues, engagea k Roi à fortir dabord, avec toute foii<br />
Armée, pour afler rencontrer ce Comte. Après les accueils, 6c les<br />
civflités, ordinaires, fls partirent enfemble pour Antioche y d'où<br />
BAUDOUIN envoïa preffer les Ordres MiUtaires de venir le joinr<br />
dre, 6c foflicita, en même-tems, THOROS , Prince d Arménie, de<br />
vouloir unir fes Forces aux leurs, afin de ne point perdre une<br />
Nouvelle Qccafion fi favorabk de faire quelque entreprife d'importance fur<br />
mitre ks fes InfidèkS.<br />
Infidèles. TiiOROS, qui ne k défîroît pas avec moins d'ardeur, fe rendit<br />
lui-même avee fes Troupes à Antioche y pù le Comte de<br />
Tripoli y ks Chevaliers de V Hôpital y Se du Temple y étoient<br />
déjà arrivés. D'un commun confentement ils aUèrent affiéger k<br />
Ville de Céfarety que quelques-uns, nomment G E'S A R E'E, Pkr<br />
^c fxif^ede ce fort coufidérable fur le Fleuve Oronte, appelle aujourd'hui Tarr<br />
fut m wn-fac y qui traverfe k ViUe dAntioche. Ils fe fervirent fî utilement<br />
xe^ûMTar-^çg machînes,qu'fls avoient fait conftruire pour la battre, qu'en<br />
peu de jours ils fracaffèrent les muraifles, 6c s'en rendirent les<br />
Maîtres ; Mais elle avoit un fort Château, où la plupart des<br />
habitans fe retirèrent. Les Chrétiens fe difpofoient à l'attaquer,<br />
lorfque le même malheur, qui avoit accompagné toutes leurs en?<br />
treprifes, fit encore'échouer celle-ci.<br />
Soit par prédiledion, ou autrement, le Roi déclara dans un<br />
CJonfefl, que, pour conferver la Ville, dont on venoit de s'emr<br />
parer, fl n'y avoit pas de meifleur moïen que de la remettre au<br />
Comte de Flandres, comme plus en état de k maintenir.<br />
^Jf/l^^,RAIMOND de CHATILLON, qui, à'caufe de fon mariage avec la<br />
le Château. Princcffc CoNSi^ANCE, gouvemoit alors la Principauté dAntioche<br />
y ne s'oppofe pas ouvertement à la propofition de BAUDOUIN ;<br />
mais il fit comprendre, que celui qui pofféderoit Céfarée y feroit<br />
obUgé d'en faire hommage. Se de prêter ferment de fir<br />
délité, au jeune* BoéMOND, fon Beau-Fils, légitime héritier<br />
de la Prmcipauté", dont cette Vflle dépendoit.<br />
i' Le Comte de Flandres y qui ne vouloit reconnoitre daur<br />
tre<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
t)E JE'RUSALEM. Lir. fV. CH. n. i6i<br />
tre fupérieur, que k Roi, méprifa k propofîtion de RAI-<br />
>iavD. Et les autres Seigneurs de l'armée, foît par" jaloufîe,<br />
ou par d'autres motffs, prenant tous part à ce démêlé, ks<br />
uns pour, .les autres contre, fe dégoûtèrent teflement ks uns<br />
les autres, qu'au Ueu de s'attacher férieufement à réduire k<br />
Cliâteau, comme ils fauroient pu facilement, fls fe débandèrent<br />
peu, à peu, 6e s'en retournèrent k Antioche. Ainfî, par une<br />
conduite auffi indigne, que honteufe, fls firent évanouïr toutes<br />
les efpérances, que les Chrétiens avoient conçues de leur union,<br />
Se de leur entreprife, IjtqueUe n'aboutit enfin, qffà la prffe d'un<br />
petit Château, que les Infidèles poffédoient à quatre lieues d'^«tioche,Se<br />
dont les Citoïens incommodoient très-fouvent les Boiuj'<br />
geois de cctte ViUe, 6e ceux de la Campagne.<br />
Voik comment les dflpofitions ks plus favorables. Se k plu- Rtjjexien<br />
part des fecours de Vfyrope de-venoient inutiles ^ux Chrétiens de ^''''"*^'<br />
h Tçrre-Sainte. Il n'eft donc pas furprenant, que les Infidèles<br />
les aïent enfin chaflés d'un Pays, où les paffions, les intérêts,<br />
^c la jaloufie, triomphoient également,.6c où, par une politique<br />
inconcevable, les Souverains fe dépouiflèrent de leurs Vifles, 6c '<br />
de leurs Châteaux ,pour en gratifier des perfonnes, dans des vues<br />
particuUères, ce qui leur faifoit très^fouvent des ennemis plus<br />
redoutables, que les Barbares mêmes. D'aifleurs, ils ne recevoient<br />
de ces perfonnes aucun fecours, fî non, lorfque leurs Ennemis<br />
communs attaquoient quelque endroit, qui ks intéreffoit<br />
tous, Se rarement, lorfqu'fl faloit les attaquer fur leurs propres<br />
terres; fatalité que je Roi BAUDOUIN, Se fes Prédéceffeurs, n'éprouvèrent<br />
que trop fouveat, fans y pouvoir remédier.<br />
Dès que ce Prince, le Comte de Flandres, Se les Ordres Mi- ^ffi
i6^*i H I S T 0.1 R E G F N E' R A L E<br />
fétoit allé affiéger, dès qu'fl fot relevé.de fa maladie. Ilauroir<br />
même réduit les affiégés à fe rendre ,^'fls n'étoient fecourus dans<br />
dix jours. L'armée du Roi aïanÇ paru, avant ce terme, kSou-<br />
Difaite de djin quitta k fiége, pour l'aUer affronter dans k^Plaipe de Puthua<br />
y où il engagea d'abord une bataifle, qui lui fut très-funefte;<br />
puifque k meilleure partie, de fon armée fut taillée en pië-*<br />
ces, 6c fautre obUgée de fe fauver en grand defordre.<br />
Gc Prince Infidèle y qui étoit plus accoutumé à vaincre, qu'ai<br />
être vaincu, fut fi déconcerté de la défaite de fes Troupes, que,<br />
fi le Roi eût été fecondé par les Seigneurs de la Paleftine y qu'fls<br />
avoit inutilement foflicités de le venir joindre, fa Vidoire aurait<br />
été des plus compkttes ; mais, comme les Barons n'étoient<br />
pas fort exads à fuivre fes ordres, 6c qu'fl n'ofoit'trop entreprendre<br />
avecies feules Troupes ; tout l'avantage, qu'fl reiÈfpor—<br />
ta dans cette grande journée, fut,, qu'fl délivra-le Fort de Sué—<br />
Suétideii- fay Se fit ceffen,, pour quelque tems,,k bruit de k guerre, dànS*<br />
fes Etats. i<br />
J^ïaîf^ ^^ fut, pendant: cette tranquiUté, que BAUDOUIN termina^douin,<br />
fôn mariage, qui avoit été traité quelque tems auparavant, avec<br />
doTeCom- T H E'O D o R E C o M NE NE,. Filk de f Empereur de Co^flàntinonène,<br />
F;7 p/^; Gettc Princeffe fut conduite à JérufalemA La cérémonie de •<br />
p_^^re%r de feurs nôccs .fot" célébrée, avec d'autant plus de pompe, 6c de<br />
Bopief"'^ magnificence, que k bruit-de la guerre y avoit entièrement ces-'fé,<br />
6c que chacun s'abandonnoit, fans crainte, à la joie, 6c auplaifir.<br />
de voir la fatisfàdion de leurs Souverains.<br />
II59- Ces Réjouiffances durèrent même affez long-temB. Oh ne fait*<br />
pour quefle raffon l'Empereur EMAN cet S'étoit rendu kAntiochey.<br />
Les uns attribuèrent le voïage dé ce Monarque à quelques affaires<br />
fécrettes, qu'fl vouloit traiter perfonnellèment avec le RoL-<br />
Les autres conjedurerent, que c'étoit par raport à la fatisfac*<br />
tion, qu'fl avoit de vifîter la Reine fa Nièce. Qiioiqu'fl en foit,-.<br />
toute la Cour de Jérufalem fe rendit k Antioche y où les divertiffemens<br />
recommencèrent avec.encore plus d'éclat, que dans la-<br />
Capi-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
h% JERUSALEM. LmTV. CH. t 163<br />
Capitale. On y inventoit tous ks jours difîérens fpeâacles j<br />
pour amufer agréâbkment ces Princes, pendant que les Infidèles<br />
fe faifoient k guerre entre eux, 6c ne penfbknt qu'à s'entre-dé- '<br />
truire; ce qui rendoit plus fenfibks les pkifirs de k Cour, Se<br />
des Peuples, qui, par la continuation de la difcorde de ces Barbares<br />
y demeurèrent auffi, pendant quelques années, dans une<br />
profonde paix ; Au lieu qu'ils auroient dû profiter de la difcorde<br />
de leurs Ennemis, 6crfe fervir de cette occafion pour rétabUr<br />
kurs affaires.<br />
NORADIN s'étoit fî fortement iicharné contre k Soudan dIco- ^i**niumy<br />
qu'il emploïoit toutes fes forces, 6c toute fon induftrie,<br />
pour fe dédommager, fur luî, de la honte,' Se de la perte, qu'il<br />
avoit requë k Puthua. Il eft vrai, que le Roî BAUDOUIN, quoique<br />
hdUqueux, ^ entreprenant, apparemment fatisfàit de ce<br />
qu'on le laiffoit en repos, ne fit alors aucune tentative , p©ur<br />
profiter des embarras, oùfe trouvok fes Ennemis; foit qffil fe<br />
fût un peu trop abandonné aux piaifirs, qui avoient fuivi fon<br />
mariage, ou qù'fl voulût kiffer jouir tranquflement fes Si^ets, de<br />
ce tems paifible, pour fe refaire du paffé.<br />
Les Templiers y que f avarice, 6c la cupidité dominoient, 6c^*''»»«»auxquels<br />
ce tems de paix, 6c de tranquflité, ne xîonvenoit point, xem- *^<br />
parce qu'fls ne faifoient plus, ni courfes, ni butins, pour s'in-P^^"**<br />
demnffer de ne qu'ils avoknt manqué de gagner,firent alors une<br />
adion liien indigne de leur profeffion. Se qui fit extrêmement<br />
crier le Prince, 6c tous les Chrétiens.<br />
NosERADïN, Ffls du Soudan EBEYS , que ces Chevaiiers avoîent<br />
•pris, en s'enfuïant dEgypte à Damas, étoit im jeune Seigneur<br />
de beaucoup d'efprit.Il apprit,pendant fa captivité, à parler,lire.<br />
Se écrire la langue Latine; 6e, après avoir été inftruit des<br />
vérités de la Religion Chrétienne y û demanda à être bâtffé;<br />
Mais les Templiers furent affez cruels, Se inhumains, pour k<br />
vsendre aux Egyptiens y qui le recherchoient, pour fe vanger,<br />
fur lui 3 de f adion crimineik, que fon Père avoît fàke, 6c de k<br />
X s fedi.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
î6^ H I S T O I R E G E' N E' R AiL E<br />
fédition qu'fl avoît caufée dans Içur Roïaume, voulant fe défrvrer,<br />
difoient-fls, de la crainte qu'ils avoient,* que ce jeune Seigneur<br />
, qui avoit fefprit entreprenant, n'introduifît un jour quelques<br />
Ennemis dans kur Pays, capables d'y caufer de nouvefles<br />
iï
^ 1» JE'RUSALEM. Lïv. FV. CH. III. i6î<br />
posèrent d'attaquer le Roïaume de Jérufalem y afin de profiter<br />
de la confternation que fa perte caufoit à fes Sujets, il fut fi généreux,<br />
qu'fl leur rq>ondjt, que leur affiidion étoit trop jufte,<br />
pour vouloir en tirer avantage, puifqu'fls pkuroient la mort dun Eloges de<br />
Souverain, qui les avoit gouvernés avee tant de douceur. Se dt fa^joTln^<br />
bonté, Se dont ik ne trouveroient jamais d'égal, dans le refte «*«'"•<br />
du monde. Rare exemple de modération dans un Barbare,qui,<br />
malgré fon ambition. Se fon défîr de conquérir, préféroit à fes<br />
propres intérêts k déférence, qu'il avoit pour le mérité 6c la<br />
vertu de ce grand Prince. Son Corps fut tran^:f«rté à Jérufa^<br />
km y Se inhumé dans f Eglife du St. Sépulcre, à côté de fes Prédéceffeurs.<br />
Les pleurs, 6c les regrets, furent beaucoup plus<br />
grands, que k pompe de fes funéraiîks.<br />
Comme fl ne laiffa point d'enfans de THEODORA-, fon Epou- ^Jff^*?^<br />
fe, ALME'RIC, Comte de JAFFA ,fon Frère ,^ prit d'abord l'admî-A>i fv^r<br />
nîftration du Gouvernement. Il fut, peu de jours après, fo-^" °"^^<br />
kmneflement couronné, dans le même Temple, où il reçut le<br />
ferment de fidéUté de tous les Ordres du* Roïaume/ La- Reine<br />
THEODORA COMNE'NE fe retira à Ptolomaïde, d'où Elle fut enle- ^"'^5'<br />
. • myrit de<br />
véè, quelques mois après, par ANDRONIC GOMNE'NE , fon Pa- Théodore<br />
rent, fcélérat fi connu dans f Hiftoire , tant par fes grandes J'a^Andî'o-'<br />
cruautés, que pour avoir ufurpé l'Empire fur ALEXIS II. fon Petit- "'
^^ H I S T O I R E G E' N E' R A L W<br />
pes vivoient, depuis quelques années, ne ks ramolît a<br />
Se ne les mît hors d'état de faire tête aux Infidèles,<br />
lorfque l'occafion s'en pref^teroit, réfolut, peu après fon<br />
courqnnement, de pqrter la guerre en Egypte, Il eSp^<br />
roit de fair^ plus de progrès, que fur NORADIN, contre lequel<br />
toute la valeur 4» Roi) fon Frère, avoit échooé. Il a^<br />
fembla, pom cet (^ffét, tous ks forces du Roïaume: 11 fit de<br />
nouvefles levées; Se y d^ k Mois de Septenibrc de la meaaae<br />
An^îée , accompagt^é des Qi^ea de VHopital, 6c du Temple<br />
y fl partit pour aU^r exécuter fon pro^t ; mais if ne put<br />
traverfer le Péfert, ^i féparé VEgypte de k Paleftine ,f2aas<br />
que lè Calife fût infqrnfié de fa marche , Se de fes deffeins.<br />
Tentative C'eft pourquoî ALME'RIC trouva une Armée ii conabattr^a<br />
tic Mie. avant qu'il pût fortir des fables 4u Défert..<br />
En effet, quelques lâches, 6ç, efiféminés que fiflfent ks GÎ^<br />
•y-\ lifes y celui qui regnoit alors fit fî promtement mettre en<br />
campagne DRAGAN , fon Soudan, à la tête d'une puiffant©' Armée,<br />
qu'fl af&onta les Cfe:^//V«i, vers k moitié du chemin,<br />
ils en vinrent d'abord aux mains,,6c engagèrapÉ la batailk,<br />
dans kquelle, m^^ré l'inadion où les CWi^m^. vivoient depuis<br />
fî long-tems, fls s'aquitèrent fî bien de leur devoir,<br />
jqu'fl fut impoffible ?LUX Egyptiens de leur., réfifter , 6c qu'après<br />
quelques heures d'un combat, auffi fanglant,qffopiniâtre,<br />
ils furent conla-aints de leur céder le Champ de bataflle, 6c<br />
.de fe retu^, avec autant de perte, que de confufion. Les<br />
Sarrafins gagnèrent la Vflk de Belbeis y ou Pluriemy fîtuéeà<br />
f entrée^ de VEgypte y dans Iaquelk DRAGAN, ne s'y croïant<br />
pas encore en fureté, fit d'abord couper les digues, qui retiennent<br />
le bras dv NHy qui fe d^harge près de cette Vilk,<br />
ajin d'inQB4er ks campagnes , 6c dempecher ks Chré^<br />
tiens de s'avancer dans le Pays.<br />
fÉ'^^r A L M ^'R IC, de fon côté, f^t bien aife de borner dors fa Vic-<br />
Aimirir toire ^u gaÎQ de k toaille , 6c de tout le bagage des Egyp^<br />
fiens 9<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
B* JÉ'RtJiSALEM: Ur.t^. Calîl. »«#<br />
tiens y dont il fit grand nombre de prifonnfers , qu'il èm- -^ ^<br />
mena à JérufalerHy très-fatisfait du foccès de Cette ^irémiète<br />
tentative. .<br />
Mais-, fi,- dans cette occafion, k Soudan en fot quite à fîbon<br />
marcliéj parce que lès Chrétiens ne prirent pohît pié en<br />
J^yptey fl eut bientôt à combatre un ennemi plus dangereux,'<br />
Se irréconcfliable. SANNAR,;que DRAGAN avoit eu l'adreffe, quel-^^^J^^J^;<br />
que tems auparavant, de chaffer du pofte de Soudan y pour fe fiance ck<br />
faproprier lui-même, s'étoit retiré à Damas y rempU de haine, ^®'**^'<br />
Se ne refpirartt que vangôànee. Par préfens , ou par fkteries,<br />
il s'étoit fi bien infinué dans les bonnes graèès-'de NORADIN,<br />
qu'fl le porta enfin à lui accorder l'affiftance néceTFaire, pour tirer<br />
raifon de l'afront'qu'il avoît reçu dt fon Concurrent, 6cpour<br />
rentrer dans la dignité qu'fl lui avoit ufurpée. "<br />
NORADIN, dont la foff dé;s'agrandh^ étoit înfàtîablé, en en-' -<br />
voïant une Armée en Egyptéy pour*foutenir SANNAR', penfoit'<br />
beaucoup'plus à fes propres intérêts, ^ qtfau rétabliffement de ce '<br />
Soudan, 6e comptoit de profiter de la difcorde de ces deux Ri-vaux,<br />
pour joindre ce beau, Se fertile, Roïaume aux grandes<br />
Provinces, qu'il avoit déjà conquifes en Syrie y Se dans h Méfopôtamity<br />
même jufques dans la Sycaônie, où, après avoir défkir<br />
Vé Soudan dleotiium en bataifle rangée, fl'S'étoit emparé de la'<br />
meilleure partie de fes Etats.<br />
Le prudent NORADIN choifit, entre fes plus affidés, SYR'ACON ,<br />
auquel il confia ce grand fecret. Celui-ci étoit un Efclave, qui,<br />
avec fon Frère NOGERADÎN,-étôit entré dans la confidence de<br />
fon Maître. Ce Soudan^ ?i'^o\t préféré ces deux Efcla\iés aux<br />
principaux de fe Cour, 6c rerriis au premier lé Commandement'<br />
de fes Armées, Se à fautre lé Gouvernement du Roïaume de"<br />
Damas ; de hrte que SYRACON , bien inftruit des fentimens de fon<br />
Souverain, affembla une puiffante Armée, avec laquelle, accompagné<br />
de SANNAR, qui devoit aider à le conduire en Egypte y<br />
il marcha vers ce Roïaume.<br />
Cepen-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4^8 H I ST O I R E G Ê'N E'R A,L E<br />
''Dragln, Cependant, comme flavoit falu du tems à SANNAR, pour<br />
Soudan * obtenir cette affiftance, de même qu'à SYRACON, pour faire ks<br />
uS^' préparatifs néceffaires; DRAGAN,' qiû^ne joùiffoit pas trànquilement<br />
de fon Emploi,craignant toujours, que c-élui qu'fl en ayoit<br />
' dépoffedé n'entreprit de fen chaffer à fon tour, aïa^t été informé<br />
de forage qui le menaçoit, de la'quantité d'ennemis qui alloient<br />
lui tornber fur les bras, 6c du peu de moïens qu'il avoit<br />
de kur réfifter, par raport à .k perte, qu'fl avoit faite de fes<br />
meflleures Troupes, dans la Bataifle du Défert, s'avifa de recourir<br />
aux mêmes Ennemis qui favoient défait, pour tâcher de<br />
fe délivrer des autres. «;!-'<br />
11 .dépêcha promten^nt,des Aïnbaffadeurs au Roi ApiE'Ric,<br />
auqud il,fit de très-grandes offres, à condition qu'il falfifteroit<br />
dans ee preffant befoin, s'engageant de fon côté, à luî rendre<br />
. les fraix de l'armement, 6e à lui payer tous les ans un tribut<br />
confîdérable. ALME'RIC, dont les belles quaUtés étoient affejt<br />
mélangées de défauts. Se fur tout d'une avarice fordide , qui<br />
lm fit commettre bien des fautes, pendant fon Règne, ébloui<br />
d'ailleurs par les offres de DRAGAN, principalement au fujct du<br />
tribut, qui affujettiffok le Roïaume d'Egypte à celui de Jérufa-<br />
Içniy accepta fes offres. Se fe mit, fans balancer, en campa,<br />
gne, avec les Ordres MiUtaires, 6c toutes leurs Troupes, faifent<br />
tous leurs efforts pour traverfer le Défert, avant que SAN^<br />
NAR, Se SYRACON, puffent parvenir aux Confins dEgypte^<br />
"êiS^tra- ^^^^ ^ P^^ malheur pour DRAGAN, fArmée de Nt) RADIN<br />
iSfon. avoit trop devancé celle^s Chrétiens; de forte que, pour lui<br />
difputer l'entrée dans le Pays, fl fut contraint de lui livrer bataflle<br />
avec ks feules Troupes Egyptiennes , qui la foutinrent affe%<br />
bien; mais ce Soudan y fut tué, par la trahifon d'un 3e fes<br />
propres Officiers ; qui peut être en avoit reçu quelque mécon»<br />
Sannar tentement, ou avoit été corrompu par fes Ennemis. SANNAR,<br />
rentre t/ans • n * . o , -riî-ti r. r^<br />
jf4n Gcu- yiUorieux, .s'avança jufqu'aux Poftes du Caire, fit maffacrer tous<br />
wrnemnt. ÇQ^ ç^^r^^ foupçonna pouvoir nuire à fon deffein, 6c rentra dans<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. Liv. I^; CH. IH. . 16^<br />
le 'pofte de Soudan. Le Calife, toûjotirs enfermé dans fon foperbe<br />
Palais, Se auquel on cachoit le rifque que couroient fes propres<br />
Etats, par les qiereUes particuUères, qui y attiroient des Ennemis<br />
capables de les envaliir, paroiffoit indifférent lequeL de<br />
fes Sujets occuperoit ce Pofte, pourvu qu'fl ne fût point troublé<br />
dans fes plaifîrs y qui f attiachoient entièrement.<br />
La joie que reffentoit SANNAR , d'être enfm rentré dans le<br />
Gouvernement d'un Roïaume, auffi confîdérable que VEgypte, Se<br />
dont k perte lui avoit été fî fenfîble, fe trouva extrêmement diminuée.<br />
Il ne pouvoit alors ^ qtfavec beaucoup dc peine, éloigner<br />
SYRACON, qui lui devenoît d'autant plus à charge, après fon rétabliffement<br />
, qu'il favoit ,'que le fervice qu'il venoit de lui rendre<br />
étoît intéreffé, Se qu'fl auroit infailliblement de fàcheufes fuites.<br />
En effet,SYRACON, ceffant d'agir en ami, 6cne penfantplus Syracon<br />
qu'à exécuter les ordres du Soudan fon Maître, s'empara de kpffium.*<br />
Ville de Pélufiumy Place forte, de grande importance, 6c qui<br />
étoit comme la Clef du Roïaume, du côté de la Paleftine, Il<br />
publia même ouvertement la réfolution qu'fl avoit prffe, des'emparei*<br />
de tout le Roïaume.<br />
SANNAR n'avoit point affez de forces, pour fen chaffer. Sui- Amiaffavant<br />
les traces de fon Prédéceffeur, fl envoïa promtement desp^'^Hr.Jar<br />
Ambaffadeurs au Roi de Jérufalem y qui, fur l'avis de la niort |^j""".^<br />
de celui qu'fl alloit fecourir, s'étoit arrêté dans le. Défert, 6c<br />
engagea ce Prince à luî accorder la même affiftance, par l'offre<br />
5 qu'îl lui fit de ratifier toutes les Conditions qu'fl avoit faites<br />
avec DRAGAN ; Se outre cela, de lui faire un Préfent, dont<br />
il auroit Ueu d'être fatisfàit. > *<br />
A L M E'R i c, qui ne vouloît point perdre le fruit, qu'fl s'étoit JrtîckiiL<br />
propofe de tirer de fon Expédition, n'héfita point à renouvefler<br />
k Traité, qu'il avoit fait avec fon Prédéceffeur, Se fe mit d'abord<br />
en marche, pour aller joindre SANNAR, aux Confins de<br />
P Egypte y dans la réfolution de chaffer SYRACON de la Vflle qu'fl<br />
avoit occupée, avant qu'fl eût le tems de fe munir de provifions.<br />
y En<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
iro H I s T Q î R E ,,G E' N E' R A L E<br />
• >><br />
En effet, k dificulté qu'fl eut d'en trouver d^ns un Pays ennemi,<br />
k promt fiége qu'fl eut à foutenir. Se la quantité de monde<br />
qu'fl avpit à nourrir; tout cek fit, qu'fl fe trouva, en peu de<br />
teuis, affamé. Il fut obligé de capituler, 6e.de rendre; k Vilk,<br />
pour s'en retourner à D^wâiJ. , ' .<br />
dff^Nola- Pendant qu'A L M E'R I c forçoit ks Tr.oùpes de N OR A DIN H<br />
din/wr fe défifter de kur Entreprife fur VEgypte, ce Prince Infidèle ypxo-<br />
''^^'' fitant de fon abfence, & voulant fe vanger du fëeours qu'fl avoit<br />
donné à fç» Enneiïvis, a'avapça, avec un Corps d'Année, aux<br />
environs de Tripli, dans le deffein de fe jetter fur cette Viflé,<br />
04 fur quelque autre du voifinage, mou)S fortc,6e moins pour-,<br />
vue. Comme Jf cherchoit plutôt à furprendre, qu'à attaquer àim<br />
les formes ; Se que, tout habilp Capitaine qu'fl fût, il ne laiffoit<br />
pas que de faire des fautes,en attendant quelque occafion favorable,<br />
ileut l'imprudence de camper dans les Campagnes de jBoaaè^, avec<br />
auffi peu de précaution, que s'fl avoit été for fea propres;terres;<br />
comme fî f éloignement du Roi eût dû empêdiet ka autres Seigneurs<br />
du Pays de réprimer fe préfomption.<br />
Il reconnut bientôt, que le danger u'eft jamais^ pks voifîn ^<br />
que lorfqU'on s'en défie le moins. GEOFFRQI MARTEL,Frère du<br />
Xomte d Angoulême y 6e le vieux HUGUES, de LUZIGNAN, fur-<br />
'* nommé le Brun, accompagnés de divers autres Seigneurs i^r^fffffiSySe<br />
d'ime bonne fuite,de gens de guerre,fè trouvoient alc«rs<br />
à Jbtmhe, de retour de leur Pékrinage de Jérufàkm. Ces<br />
Seigneurs, informées par quelques ChevaUers du T(?a!/^Z?, 6c de<br />
VHépitaly qui faifoient leur réfidence en cette Ville, de là négligence<br />
de NORADIN , 6^*de la befle occafion qui fe pȎfcntoit dc<br />
ViBoires^ reuikei fervicc à l'Etat i 6c d'acquérir de k gloire;, guidés par<br />
Us.remper- GCs mêmcs Chevaliers; vers le Camp Sarrafin y faffaiiliîent penr<br />
Noridin ^^^^ ^^ nuit,avec tant dfe cQurage, Se de réfoktioiî, que,malpardssSd-gY^<br />
ïînégaUté de leurs forces, ils en firent un grand carnage ,<br />
françois. avaut même que kur Chef fût en état de s'y oppofer, fe trou^<br />
vant alors, comme k plupart de fon Amiée^enfévelt dans ua<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DR JE'RUS ALE W LIV. IV. Cô. HI. x^i<br />
profond fommeil ; de forte que, dans cette étrângâiconfufîon, NO<br />
RADIN fut prefque le feul qui fe fauva fur une Jument, même à<br />
demi nud, 6c fans armes, tout k refte «des gens aïant été faits<br />
prifonniers, ou péri par le fer des Chrétiens.<br />
Outre k gloire qu'fls acquirent, d'avoir défait un auffi grand<br />
Capitaine que NORADIN, ils eurent encore favantage de s'emparer<br />
de tout fon bagage. - H étoit fî confîdérable, qu'fl enrichit<br />
tous ceux qui fe trouvèrent dans cette Expédition ; 6e les,<br />
Seigneurs JF>vsra|f?m, doublement fatisfaits de leur Pèlerinage, s'en<br />
retournèrent triomphans en Europe y chai*gés de riches dépouAles<br />
des Infidèks. NORADIN reffentit trop vivement la groffe perte<br />
qu'il venoit de faire, Se faffront infîgne qu'il venoit de recevoir<br />
, par fa propre faute, pour ne pas chercher à réparer promtement<br />
fun, Se l'autre. Pour y réùffir, fl engagea, par préfens<br />
, ou par promeffes, quelques Princes Arabes à prendre les<br />
Armes en fa faveur, Se ne tarda pas à former une Armée affez<br />
nombreiffe, qu'il conduifît dans k Principauté d'Antioche y où fl<br />
Rffiégèa le fameux Château dArèneTy fitué, comme nous l'avons<br />
dit, aux confins de cet Etat.<br />
Le grand intérêt, que BoëMOND III. alors Prince dAntioche y<br />
avoit de conferver cette Fortereffe, fit, que, pour fopléer aux<br />
forces du Roi de Jérufalem y qui fe trouvoit encore en Egypte y<br />
il s'adreffa à THOROS, Prînce d Arménie y Se à GALMAND, GOUvernftir<br />
de la Caramanie y pour fEmpereur de Conftantinople ylefquels<br />
vinrent promtement le joindre, avec grand nombre de bonnes<br />
Troupes. Le jeune RAYMOND, Comte de Tripoli y qui n'étoit<br />
pas moins intéreffé à la confervation dA'èneyen fit de même.<br />
Ils marchèrent tous enfemble, 6c en bon ordre, au fecours<br />
de cette Place. NORADIN, dont la maxime étoit d'éviter lea<br />
Batailles, encore étonné de fa dernière défaite ; Se appréhendant<br />
d'être mat fecondé des Arabes, dont fon armée étoit la plupart<br />
compoféê, ne fut pas plutôt informé du mouvement des<br />
Chrétiens y Se de kur aproche, qfffl leva d'abord k fiége, pour<br />
Y 2 fc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
i?^ H I S T O IR E G E'N E'R AL E<br />
fe retirer dans des lieux avantageux, 6c'0Ù, s'fls entreprenoient<br />
de le pourfuivre, fl pourroit avoir fa revange. Il ne fe trompa<br />
riEioîre point, les Chrétiens lut en fournirent bientôt foecafion; car<br />
^^N'oî'a- s'étant imaginés, que k peur avoit eu plus de part à fe fuite ,^ue<br />
B^ëm^nd ^^ ^"^^' ^^^ contens d'avoir délivré le Château d Arène y flsfeéaç^^^cSi-'prifèrent<br />
les fages confeils du Prince dArménky quiy connoifféiérés.<br />
fant mieux qu'eux les feintes, 6e les rufes des Infidèles y exhortoit.<br />
fes Confédérés à fe contenter de leur avantage ; Se fls vour<br />
lurent abfolument pourfuivre NORADIN. Ils le firent, avec tant<br />
d'inconfidération, qu'fls s'engagèrent dans une Valée marécageufe,<br />
où fl les attendoit, 6c où, après les avoir envelopés de<br />
tous côtés, fl les tailla prefque tous en pièces, ne s'étant guères<br />
fauve de cette fatale journée,que le même Prince d'^/w^m^,<br />
. qui, réccffinoiffant le danger inévitable, auquel ks autres alloient<br />
s'expofer, malgré fes bons avis, fe retira adroitement,<br />
avec fes Troupes.<br />
> Le Prince dAntioche, le Comte de Tripoli, Se CALMAND , Gouverneur<br />
de Caramanie y avec plufieurs de leurs principaux Officiers<br />
demeurèrent prifonniers de NORADIN,à qui fardeur incour<br />
fîdérée de fes Ennemis donna occafîon defe vanger doublement,<br />
de la perte qu'il avoit faite peu auparavant. Après cette Victoire<br />
, perfuadé, qu'il ne trouveroit plus d'oppofition à fon deffein^<br />
il afla recommencer k fîége d Arène y dont il ne tar^ pas<br />
beaucoup à s'emparer. *<br />
Il marcha enfuite vers Belline y où il avoit fî fouvent échoué.<br />
11 en forma k ïiégû;Sey quoique cette Place lui réfîftàt incomparablement<br />
phis que la première, k défaite du Prince dAntioche<br />
y Se du Comte de Tripliy jointe à l'éloignement du Roi<br />
II68. aïant fait comprendre aux Habitans, qu'ils s'opiniatreroient inii-<br />
^^^^^]'|J^^ tflement à la défendre,îls prirent le parti de la rendre, à condiradin.<br />
tîon de pouvoîr fe retirer, avec kurs effets, dans teUes autres<br />
- Villes du Roïaume de Jérufalem.qu^'As fouhaiteroient; ce que<br />
NORADIN kur accorda facflemént. Il demeura ainfî Maître d'une<br />
Vflle,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JEHUSALEM. LIV. FV. CH. III. 1^3<br />
Ville, qui étoit fort à fa' bienféance, foit par raport à fe proximité<br />
avec fes Etats, que parce qu'efle étoit la Clef de ceux 'des<br />
Chrétiens de ce côté-là.<br />
C H A P I T R E IV.<br />
LEs difgraces des Chrétiens ne fe bornèrent point alors à k Syracoir,<br />
perte de ces feules Places , ni aux ravages de NORADIN. ^f^l^m-<br />
SYRACON, non moins animé que lui, voulant'ffe vanereren fon ^i;^/'»"-^ ^<br />
1- X « 1 rt 1 1 T» • A / • . V /. R'naumede<br />
particulier, de f obftacle que le Roi ALMÉRIC avoit mis, a fes jérufalem.<br />
projets fur f^^j^/^, aïant apris, en quittant ce Roïaume, les<br />
pi-ogrès de NORADIN, fon Maître, au Ueu de fe retirer droit à<br />
Damas y entra de fon côté dans celui de Jérufalem y Se fe préfenta<br />
devant la Caverne du Tiron, nommée MAARA , fîtuée dans<br />
k Territoire de Sidon. 11 reconnut d'abord, par la force, 6c<br />
la fîtuation de ce Pofte, que, fî ceux qui le défendoient faifoient<br />
bien leur devoir, il y emploieroit inutilement fon Armée; c'eft<br />
pourquoi, fl travaifla à les gagner à force d'Argent,Se y réùffit.<br />
' Ces perfides, plus 4pb2es à l'attrait de ce Métal, qu'à k '<br />
perte de leur honneur, 6c à leur manque de fidéUté envers le<br />
Prince, qui leur en avoît confié la garde, livrèrent ce Fort à<br />
cet Infidèle; 6e, pour fe mettre à couvert du châtiment, que<br />
méritoit leur félonie. Se jouir du bien qu'efle kur avoit procuré<br />
, ils fe retirèrent auprès de luî. Le feul Commandant, qui<br />
voulut prendre une route différente, fut pris, Se conduit k Sidon,<br />
où fl reçut d'abord le châtiment que méritoit fe.trahffon.<br />
' SYRACON , encouragé par f heureux foccès de Maara, traversfe<br />
le Jourdain, 6c mit le fiége devant une Caverne également<br />
forte, fituée au-delà de ce Fleuve, Se dont la confervation n'étoit<br />
pas moins importante aux Chrétiens, On n'aïuoit jamais;<br />
Y i cru.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
174 HISTOIRE G'E' N E' R A L E<br />
cru, que ks Sarrafins euffent emporté ce Pofte, parce qu'îl étoit<br />
défendu par les ChevaUers du Temple, fi accoutumés à être aux<br />
mains avec eux, que leurs attaques ffétoanoierit point, 6c dont<br />
la fidélité n'étoit point fufpede, 'Se qui enfin avoient fî fouvent<br />
donné des marques éclatantes de leur valeur. Se de kur courage.<br />
Cependant, contre l'attente publique. Se au grand étonnement<br />
du Roi ALME'RIC, qui étoit de retour dEgypte y Se<br />
qui s'étoit même mis en marche, pour les aller fecourir, foit<br />
par lâcheté, ou pour quelque autre motif, après avoir foutenu<br />
affez mal quelques affauts, ils la rendirent à SYRACON, qui leur<br />
permit d'en fortir, avec leur bagage*<br />
i5o«2? La lâcheté de -ces Chevaliers, dans cette occafion, piqua fi<br />
Au'rmpie fort A LM ERIC, qUc, dans ks premiers tranfports de fa colèfzruiusjparj^Q<br />
faus confidércr, Qu'ils n'étoient ni fes Sujets, ni foumis à fa<br />
êirdredAl- .^vn- -i e i i A r\- • i<br />
anéric. jurifdiaïQn, il en fit pendre douze; Adion violente, qui neut<br />
pourtant aucune mauvaife fuite. Tout leur Ordre étoit fî bien<br />
entré dans k jufte reffentiment du Roi,qu'fls n'en témoignèrent<br />
aucun mécontentement.<br />
Si le retour de ce Prince ne put eiiipêcher la perte d'un Pof^<br />
te fî avantageux, il arrêta, du moins les entreprifes, que SYRA-»<br />
CON auroit continué de faire for fes terrç$. Cet Infidèle connoif»<br />
foit trop la valeur de fon Ennemi, poÉjte rifquer à faire aucun<br />
autre fîége. Il fe contenta de munir lesTieux Forts, dont fl venoit<br />
de s'emparer, 6e s'en aUa à Damas y dans fefpérance, que<br />
ces Conquêtes effaceraient l'idée du mauvais fuceès de fon Voïage<br />
dEgypte ; Mais, foit que NORADIN fût mécontent de ce qui<br />
s'étoit paifé, ou que féloignement eût diminué f incUnation que<br />
çe Soudan avoit pour lui, îl ne témoigna plus à ce favori la mê*<br />
me confiance» Il la redonna à ceux qu'il en avoit privés^<br />
syra6oft SYRACON,quî n'avoit rien à fe reprocher, fut fi mortifie d'un<br />
jiLce^de tel changement', qu'fl réfolut, fur le champ d'aller chercher,<br />
Noradin. auprès de quelque autre Souverain, la fortune qu'fl venoit de<br />
perdre auprès du fien. Car, quoiqu'efckve d'origine, comme<br />
à<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DR JE'RUSALEM. Lrr. IV. Cfe. IV. i^j,<br />
îl rfavoit pas moins d'dprk, que de valeur, Se d'ambition, 6c ^e<br />
le Gouvernement dEgypte lui avoit paru digne de k remplir, il<br />
projetta un moïen infaiUibk, pour y parvenir; le voici.<br />
11 s'écarta auffi-tôt de k Cour de Damas, 6c fe rendit auprès Syrncôîit<br />
du Calife de Bagdet, qui étoit alors k plus grand Prince de FO- s'infmif<br />
rient y confîdéré de tous les Mabométans y comme vrai. Se là-'^^Sikie<br />
gitîme Succeffeur de leur grand Prophète. Les feuls Egyptiens Bagdet.<br />
s'étoient foùtraits à fon obéïffance, Se fuivoient k fe^e' d'HALY,<br />
fous un Calife particulier. SYRACON fe flattoit, que, «'il pouvoit<br />
s'infînuër auprès de ce Monarque, il en obtkndroit des forces<br />
capabks de parvenir à fes fins. Dans ce deffein, fl dit ><br />
qu'il fafloit réduire ks Rebelles Egyptiens, à leur, devoir, 6c faire<br />
ceffer k Schifme, Se k divifion, que la fauffe Interprétation<br />
d'HALY avoit introduite, parme le Peuple des Croïans.<br />
Arrivé à Bagdet, il agit avec une adreffe fînguUère auprès iifaît efdu<br />
Calife y qui, fens être d'en naturel plus guerrier, ni plusen-clîffe/a<br />
treprenant, que celui du 0?;rd, fe Imffa flatter. SYRACON fin-^"'^î"^*'<br />
téreflà par des endroits fî fenfibks, en lui faiknt envifager k te.<br />
gloire, 6c les bénédidions qu'fl s'attireroit, s'fl réùniffoit tous<br />
ks Mufulmans fous ton autorité, 6c pimiffoit k Chef des Schif^<br />
matiques révoltés, puifqu'il avoit eu f audace de vouloir s'égale*<br />
à' lui, Se lui dérober des hommages, qui lui appartenoient uni-*<br />
quement.<br />
Il lui expUqua enfin la faciUté,aVec laquelle on pouvoit le dé^<br />
pouiflèr , & faire rentrer fous fe domination le riche, Si fertile<br />
'^imme dEgypte y le plus fécond du Monde, en PeUpks, 6$<br />
en befles ViUes, mais dont la grande abondance rendoit les Ha^<br />
bitans plus fenfibks aux piaifirs, 6c à l'oifîveté, que propres au<br />
manîment des armes, 6c par confequent, très-aifés à-iubjuguer.<br />
Il ajoutoit, que le télé y 6e le refped, qu'il a-vok pour fe perfonne<br />
facrée, ne hii aïant pas permis de voir, fans douleur, k<br />
profanation des £^^/»^V»x, U étoic venu lui offrir fon bras, &<br />
. • " fes<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ii6 HISTOIRE G E' N E' R A L^ E<br />
fes fervices,'pour faire cette Conquête, 6c pour le vanger derf^<br />
offenfés qu'fl avoit reçues de cette Nation rebelle.. î-"^<br />
Le Calife Le Calife y à qui jufqu'alors perfonne n'avoit ofé parler, dèk<br />
iierfeT'^ortey fut fî bien pcrfuadé, que l'jB^r/)/^ avoit été ufurpée fur<br />
'^^'^^làre^^^ Prédéceffeurs, Se fe fentit en même-tems fî piqué de la con-<br />
/«r j'Egyp-currence de celui du Cf^/r^, qu'fl fit ordonner à tous fes Vaffaux,<br />
^*' - 6c aux Gouverneurs des Provinces de fa dépendance, d'affembler<br />
inceffamment des Troupes, pour aUer recouvrer ce Roïaume,<br />
6c cliâtier les Impies, qui favoient ufurpé. Ce fut ainfî,»<br />
que finduftrieux S.YRACON fe vit à la veille daffouvir fon ambition<br />
^ en allant dépofféder SANNAR, qu'il avoit étabU peu auparavant;<br />
6c que la Vifle de Bagdet y qui joùiffoit depuis lorig-tems<br />
dune profonde paix, commença à retentir du bruit des armes,-<br />
6c des inftrumens de guerre.<br />
Article IL L'occafîou, quc faî de parler de Bagdet, m'enfi:aire à faire<br />
Erreur de i i, i j- A • f, -r «<br />
plufîeurs comprendre 1 erreur de divers Auteurs, qui font prife pour 1 antSnt<br />
]a àtnne Babilone des Cbaldéens, bâtie fur VEufrate, qiû la tra-<br />
Vifle de yerfoîto Au lieu que Bagdet fe trouve fur le Tigre y éloigné de<br />
douze Ueues, ou environ des riiïnes de cette ancienne. Se fuperbe<br />
Ville, Se au même endroit où étoît autrefois SeleutiCy<br />
fondée par S E'L E u c u s NICANOR, qui s'étoît fervi des débris<br />
de la grande Babilone y pour enrichir, 6c embeUir fa ViUe.<br />
Ges Hiftoriens, peu attentifs, font, confondue avec Babilone y<br />
Se ont attiré plufîeurs autres Ecrivains dans leur erreur.<br />
. Les mouvemens, 6c les grands préparatifs de guerre, duGr-<br />
Iffe aUarmoient cependant tous les Princes dOrient. Chacun<br />
craignoit, que ces formidables Armées ne fuffent defthiées contre<br />
fes Etats, Se travaUloit de fon côté à fe mettre en état d'y<br />
réfîfter,. ;lprs que le bruit fe répandit enfm, que la tempête ne<br />
menaçoit que k feule Egypte.<br />
11 n'y eut que le Roi Alméric , qui, ne craignant plus<br />
pour la Paleftine, fe trouva dans une efpèce d'obligation de<br />
con-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. IV. CH. IV. 177<br />
continuer à lever des Troupes, pour alkr fecourir un Roïaume,'<br />
qu'fl avoit tant d'intérêt de conferver, par'raport au tribut^<br />
qu'fl en-retiroit. Mais, comme ce Prince avoit épuifé fes finances,<br />
par les précédentes Expéditions, H n'étoit guère en état<br />
den faire de nouvelles, fens quelque affiftance extraordinaire<br />
de fes Sujets, qu'il ne vouloit pourtant-pascharg-er d'aucun nouvel<br />
impôt, fans l'avis des Prélats, Se des Seigneurs, du Roïaume.<br />
il les convoqua dans la Vifle de Napouloufe, où, après plufîeurs<br />
moïens, qui furent propofés dans le Confeil, on s'arrêta enfin à,<br />
celui de taxer tous les Habitans à la dixième partie de leurs Meubles.<br />
Les grands. Se les petits, y fatisfirent, avec tant d'exactitude,<br />
qu'ils mirent ALME'RIC en état de mettre fur pié une Armée<br />
affez confidérabfe. Les Ordres Militaires s'y joignirent ^<br />
avee leurs Troupes. Après quoi, ce Prince marcha vers le Défert<br />
de Faran, psitoùy il avoit apris, que devoit paffer SYRA<br />
CON, avec 'l'Armée de Bagdet. Il efpéroit par là, de pouvoir<br />
traverfer la marche de cet Ennemi, jSe lui di^uter feutrée "^<br />
de VEgypte.<br />
Le Roi de Jérufalem, 6c les Ordres Mflitaires, s'avancèrent Marche<br />
jufqu'à Cadésbarnéy qui eft fèndroit, où les^r/z^ZrV^iattendirent, vers l'E-"<br />
quarante jours, ceux qu'ils avoient envoies à la découverte de la ^^^^'<br />
Terre de Promiffion, A L M E'TI i c aprit , avec chagrin, que<br />
/l'Armée Perfane étoit déjà paffée; ce qui fobligea de changer<br />
de routé. Se de prendre celle dAfcalone, Se de Gaza^ beaucoup<br />
plus courte, que la première. Il s'avança jufqu'àkA/5;z^, ancienne<br />
ViUe du Défert, où il fit repofer fon Armée, Se 'traverfe enfuite<br />
le refte du Défert, avec,tant de diligence, qu'fl arriva à ^<br />
Pélufium, non feulement avant que SYRACON y vînt, mais encore<br />
avant qu'fl eût tra\'erfé la moitié du Défert, où fl fut longtems<br />
arrêté, par k mauvais tems.<br />
SANNAR,, par une mauvaffe politique, & par une négUgencc<br />
bien condamnable, pour un homme, qui doit foutenir le Gouvernement<br />
d'un Etat, fe laiffa éblouir par k joie, qu'fl avoit dc<br />
2 fe<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
dAlmé-<br />
1^8 H I StT O'I RlE >G B' N E' R;A L-E<br />
fevokékvé-à la Dignité dé Soudan; 6c., fans fe mettre en peinedes<br />
affaires étrangères, fl négligea tout-à-ffait f entretien des Trou-pes<br />
néceffaires à la defenfe.du Roïaume.^ Aulfi,, fut-fl.très-fur-<br />
Sur prife de ^^is dc f arrivée dû. Roi^ ALME'RIC , ne facfiant point fi ce Pruice ;<br />
farJil'éè " étoit venu en Egypte y comme Ami, Ou comme Ennemi. Auifi,..<br />
n'aïant point de Troupes à lui oppofer, il penfa d'abord à emploïer<br />
for, 6c l'argent, pour engager fon Ennemi à k-,laiffer'<br />
en repos, 6c à s'en retourner chez lui. Mais il aprit', qu'fl avoit:<br />
im autre Ennemi pks dangereux àcraindre,. 6&dont,fl.ne fe défioit<br />
point.. ' .'i<br />
- Ge Soudan connoflïant alors ^ que fon iàilùr; Se celui du Ca-^<br />
life, fon Maître, dépendoit entièrement de faffiftance des C^r^-tiens<br />
y 6c admirant la générofité,.avec laquelle fls venoient à fon..<br />
fecours, fans ?en.avoir été priés, voulut kur en témoigner fa gra-^:<br />
titude. Se fentière confiance qu'fl prenoit'en eux.. C'eft pour-quoi,<br />
fl dépêcha des ordres ktous les Gouverneurs des Vifles,.<br />
Alméric Bouygg ^ & VîUages du Roïaumer, de recevoir le Roi Alméric y,<br />
eieufement. Se y toute fou Armée, Se-de lui fournir toutes ks provifions né—<br />
^^.*°' ceffaircs, comme fi c'euffentété Ms propres Troupes du Califey\<br />
;ii 6cirur favisv- qiiè SYRACON étoit parvenu k. Attajté.y Yilhge û-^<br />
' • tué aux Confins du Défert, fl^envoïa prier ALME'RIC de s'a-^<br />
vancer, avec fon Armée, vers k Caire y afin de mettre cette J<br />
Capitale à l'abri des infultes des Ennemis^ .<br />
. Le Roi de Jérufalem y. qui conjedura-, parrlà route qu'avoit v<br />
tenue SYRACON, qu'fl avoit deffein de commencer fes litrepri-'<br />
fes fur k ViUb'du C/7/r^, partit inceffamment^de Félufiuniy 6ci<br />
f?r-*"':''^^aBaffecamper fiu k bord du Nily entre Boulacy Se le Cairey^<br />
siytortenSi • « A • i •<br />
flM/tt^»du que quelques Auteurs ont pris .pour Pancienne Memphis y dontr<br />
^^"Mem'Àl- eft tant parlé dans les Hiftoires., L'Archevêque de Tyr y.<br />
i*Js. qui fit akrs le voïage,. avec leRoi ALME'RIC, affiire, qu'ifi<br />
sUnfomia exademenr. dès antiq|iités du Roïaume àlEgfpte y^<br />
6c'dit avoir vu dès ruïnes air-dclà du. iT/V, à environ dix<br />
mflks ixkCair^y kfqueUcs, felon kur grandeuit, 6c k tradition;.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
•DE JE'R IT SALEM, Xit. W, Cn, IV. lyp<br />
Hition des gens du Pays-, .étoient les reftes de la grande,<br />
*^ véritable Memphis,<br />
Quelques autres donnent auffi au grand Caire le nom d@ Barhibney<br />
qui, félon S'PRABON, lui a été attribué, à caufe de k<br />
permiffion qu^une Troupe de Babiloniens obtint, de pouvoirs''éitabUr<br />
dansiksv ruïnes de fancienne Vflle de LitOy qui avoit été<br />
.détruite par CAMBYSES, lorfqu'fl ravagea VEgypte. Ces vaga-<br />
'bonds bâtirent un Bourg, auquel, pour conferver la mémoire<br />
de leur Pays, natal 5 ils -donnèrent le -nom de Babilone ; 6c, comme,<br />
dansiafiiite du tems, la Vflle du Gaire fut fondée dans<br />
le même endroit, divers Auteurs ont continué-à k nommer JB^-<br />
•èilone. Le même Archevêque de Tyr raporte, que, de fon tems,<br />
on l'appefloit encore de même; Sec'efï auffi pourquoi, lorfqu'fl<br />
parle du Campement, de 4'Armée Chrétienne, M dit, qu'elle<br />
avoit la noble, 6c magnifique, Babilone k fa droite, qui eft lo<br />
vieux Caire dk préfent, 6c à fe gauche la Ville de BoulaCy qui<br />
fubfîfte encore dansk même état. Jene crois pas interrompre le<br />
ffl de mon Hiftoire, en parlant de Memphis y Se du CaireyGégG<br />
Roïâl des Califes dEgypte, Mon Ledeur fera bien-aîfe de voir<br />
ki l'origine des Caufes y Se ce qui a donné lieu à la divifîoh, qui<br />
règne encore aujourd'hui dans 'la Religion Mahometane, dont<br />
SYRACON fe fervit fî utflement, pour engager le Oï/^ de Ba^<br />
^idet à'lui donner une Armée, pour fvhyu^er VEgypte,<br />
Après la niort de MAH0MET,Légiflateur,>6c grand Prophète, ^^«.<br />
des Infidèles qui décéda environ l'année 6 3 2. de l'Ere Chrétienne y^ fes, (fu<br />
ce faux Prophète eut pour Succeffeur un de fes Difcipksfemfliôrs, jf^^'"^^<br />
nommé BE R B E'C E' , ou felon quelques, A BO u B E c K E R , fon 'Hvijion,<br />
Beau-Père^ 6c aprèslui OMAR, Fils de OATAJ auquel fuccéda sllelfeti<br />
THE'ME'NI, 6C à ce dernier -HALI, Fils deBE'THALEB, qui^'çj^*^*tous<br />
portèrent k.nom de Califéy ainfî que i'ont conferve tous<br />
leurs Sueceffeurs.<br />
HALI , qui avoit ^us ^'ambition, & l'indination plu8gnerri&.<br />
re, que fes Prédéceffeurs^ dédaignant d'être appdk Succwikur,^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
» •<br />
iSû H I s T o I R E G E' N E' R AL E<br />
6c Héritier dc MAHOMET, 6c afpirant lui-même au titre dexcehr<br />
Rêveries knt Prophète y commença à prêcher, que f Ange GABRIEL, que<br />
f(fur s'êp- Dieu avok envoïé avec la Loi, s^étoit mépris, en s'adreffant à<br />
fiet*^" MAHOMET. C'eft pourquoi, cet Ange avoit été, felon lui, aigre»ment<br />
repris, 6c févèrement châtié de Dieu,^ dont fl avoit. mal<br />
'^' ' exécuté ks ordres.<br />
ArticleiiL\ £gg folies, 6c cesîmpertinences', quoique remplies de vîfîons<br />
.. ridicules, trouvèrent pourtant créance parmi une partie des Peu»<br />
ples:, qui eurent la foibleffedy ajouter foi, comme à des véri-<br />
JrSte ^^ ^^^^ fondées. C'eft ce qui donna= lieu au Sdiffme, 6c à. la<br />
S:Stes.,. divifion, qui règne encore aujourd'hui parmi ces• gens groffiers,<br />
Se ignoi*ans ; Se ce qui fit naître entre eux une haine fi irrécon?<br />
cfliabk;, que rien n'a pu la,diminuer,, ni Interrompre.-<br />
Les uns, qui, en leur knguc, fe nomment SUMRY, préten»<br />
dent, que MAHOMET étoit le plus.grand, 6e k pk& exceflent<br />
de tous les Prophètes, 6c qiie c'étoit à lui feul que Dieu avoit<br />
envoïé la Loi. Les autres^ qui s'appellent SEJA, foutiennent,.<br />
au contraire, qiVHALI étoit le vrai Prophète du Seigneur..<br />
Quoique ce dernier; eût été tué, ai^^ant que de fe pouvoir faire<br />
un Parti affez^ fort',*6e affez confîdérabfe, pour contre - bakncer<br />
fautre, 6c qu'après fa mort, ks Adhérens de MAHOMET euffent<br />
entièrement le deffus ; cependant, leurs Monarques, ou Califes<br />
y qui s' étabUrent alors à Bagdet y avec tous les mauvais trai^<br />
temens qufls firent fouffrir aux fedateurs 4'HALI, ne purent les<br />
». * détruire, ni même ks» empêcher de perfifter dans kur croïance;.<br />
Car, après avoin demeuré long-tem.s dans cette oppreffion ,,<br />
f un des Difeipks de ce propre Vifionaire, nommé ABDALA ,,<br />
plus vaillant, 6c plus courageux qup les autres,..ne pouvant pks<br />
fouffrir, que ceux defa Sede fuffent fi maltraités. Se regardés<br />
comme des Mé€réans,fe révolta environ.l'an 286. après k mort<br />
de MAHOMET. Il fortit de Sékucky avec une groffe fuite,'paffa<br />
en Afrique y où fl s'empara d'une grande étendue de. Pays, 6c<br />
grit fc nom M^HEDI, qiù veut dire égalité. Ily fonda une..<br />
Vflle,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE J E'R u s A L E M. Liv. IV. .CH. IV. i g-1<br />
Vifle, à laquelle fl donna le même,nom de ME'HE'DIA, ainfF<br />
que les Maures fappeflent encore aujourd'hiù. Les Grecs k'<br />
nomment Aphrodifion.ySelés SiciUenSy qui s'en emparèrent longtems<br />
après, lui donnèrent le nom dAfrica. IL-y a pourtant<br />
d'autres Auteurs, qui prétendent, qu'AsDALA ne fit que répare*<br />
cette Vifle, qui eft fituée fur la Côte du Roïaume de Tunis. Cependant,<br />
foit qu'fl k fît bâtir, ou ré-édifier, fl eft fur, qu'fl la<br />
choifit poiu fa demeure, 6e quil-en fit k Capitale des Etats qu'il?<br />
avoit conquis.<br />
Ce fut alors, que ce CoUQuérant, enflé de l'heiueux firccés de n prend u<br />
fes Entreprifes, au Ueu du nom de M E'H E'D i, prit celui de C^/i- JfJ*/'^*<br />
fiy en concurrence de celui de Bagdet y Se que la Fadion d'HA-<br />
Li fe releva- enfin. Depuis ce tems-là, ks Mabométans furent<br />
partagés en deux Branches,' gouvernées par-ces dfeux Califes y<br />
pour la dignité defquels elles avoient le même refped^ Seune<br />
égale vénération, que les'Catholiques Romaim ont pour<br />
ks Souverains Pontifes. Le nomv de Calife fîgnifie en leur<br />
"Langue Succeffeur y pour marquer, que celui qui le porte eft Vicaire-,<br />
6c Succeffeur de kur faux Fropkbte:<br />
. Quelques années après la mort de ME'HE'DI, ABUTAMIN, ouy<br />
comme LÉON ^/r/>^/« le nomme, ELAIN, ME'DINALA, OU ME'-<br />
HE'DINALA, fon Neveu, qui lui fuccéda, envoïa GEOAR à la tête<br />
dîme groffe Armée, contre VEgypte, Ce Général eut le bon-. Fondatitirt<br />
heur de s'emparer de ce Roïaume, 6e y fonda k Vilk du Caire y du caire,.<br />
fous les aufpices de MARS. Les Arabes.h. nomment X^aher y qui^'•^^®"*"<br />
fignifie Vainqueur y ou Conquérant* Il la nomma EUÇaheràky.<br />
qui veut dire Viàorieufe^<br />
La fondation de cette Vifle, jointe au raporr avantageux<br />
qu'on fit 2iU Calife ME HE'DINALA de fe beauté, de f heureux climat,<br />
6e de la fertflité du Pays, l^ngagea à quitter k Vflle de<br />
Carovany où il faffoit fa réfidence. Il tranfporta au Caire k<br />
fiége Roïal de^alifes de la Defcendance de HALI, dont les><br />
Sueceffeurs ont*ntinué à y régner, grand nombre d'années ,=<br />
• Z 3^ fotis.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^m HISTOIRE GE'N^RALE<br />
^fous le titre de Califes d'Egyp^y difputanttoujours l'égalité, ^sl<br />
préiéance, Se :1a fupériorité à. ceux de Bagdet, qui .étoient au-<br />
•paravant ks feuls Monarques, & Califes des Sarrafins y dehiSei><br />
te Mahomet ane,<br />
'ÎEwpte • ^^ P^"^ ^> ^^ M^P^Sy iirenchérifïknt encore fur^k pro»<br />
«ppeff
D r JE' RU S AL E M: Lm IV.v CH. IVl i^^<br />
du repos à fes Troupes >: qui fe trouvoient entièrement hors<br />
d'état de rien entreprendre.<br />
Un vent impétueux, qui s'étoirékvé, pendant qu'fl traver-^'^^^^J^^<br />
foit le Défert, enkva, avec tant de vioknce, les fables dont yûi#«, -<br />
ces ftériks campagnes font couvertes, que femblabks aux vaguei l^iu-oti'<br />
furieufes d'une Mer agitée, dans la plus affreitfe tempête,-k ^^rt.<br />
pouffière fuffoquoit, 6c enfévélflfoit hommes. Se chevaux; dc<br />
forte qii'outrek grand nombre d^hommes qui avoient péri, les<br />
diameaux, Selz plupart des provifîons,"avoient été également"<br />
perdîtes. Ceux qui en étoient échapés avoient tellement fouffert<br />
de la faim, 6e de la foif, qu'ils étoient entrés dans les terresà^EgyptCy<br />
fî knguifl^s, SeSi atténués, qu'à peine pouvoient^ils<br />
fe foutenir.. .<br />
Pour profiter d'une conjondure fî favorabk, le Roi décam-jJ/^J^î<br />
pa promtement y dans le deffein d*aller. achever de détruire l'Ar- »««««mée<br />
ennemie, avant qu'elle pût*paffer le Nil; mais; foît qu'fl'"*"^'<br />
eut reçu trop tard la nouvelle de fon defordre,- ou que SYRA<br />
CON, qui craignoit d^être attaqué dans un état fî déplorabk, fit*<br />
un dernier effort pour traverfer ce fleuve ;, ALME'RIC , ma^ré fe»<br />
dfligence,ne put attraper qu'une partie dé l'Arrière-Garde, qu'îF<br />
mît en pièces, ou fit prifoflnière ; mais cet avantage, ni le<br />
report que lui firent les captifs du miférable état dés Troupes de \^<br />
SYRACON, ne lui furent pourtant'd'aucune utilité, parce qu'fl'<br />
ne fut point fecondé, > ni guidé par cefles dû Soudan ; de forte y*<br />
que n'cffant'fe rifquef'feulà, pourfuivre l^iinemi, fl regagna^ k<br />
camp qu'fl avoit quitté.^- '<br />
Sa retraite, fans avoir-pu-empêcherSYRAcoN de pénétrer dans '<br />
k cœur du Pays, augmenta terriblement la confïemation, 6c^<br />
l'embarras de SANNARV qui prévoïoit, que cette guerre feroit pré—<br />
judiciable à VEgypte y tant par raporta fa durée, que par ladfffitulté<br />
qu'il y auroit'à en chafferim Ennemi, qui en connoiffoit<br />
fî bierî les détours, 6c ks forcée. Il s'attacha plus que janiais<br />
h carefler k Roi de Jérùfahmi 6c:tous ks'Seignçîwl de fon Ar*<br />
mée,-. .<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
îiÎ4< H I S T O I R E G E'N FR ACE<br />
•mée, afin de les engager àjie Je point abandonner dans im fî<br />
preffant befoin. Il offrit à ce Prince, non feulement d'augmen^<br />
ter le tribut annuel qu'iUui payofl:, mais encore de le rembourser<br />
iexadement, aulfi bien que les Ordres MiUtaires, de toutes<br />
les dépenfes, qu'ils avoiçnt déjà faites. Se de celles qu'ils^ feroient<br />
à i'avcnir, pour l'entretien de leius Troupes., tant que<br />
dureroit la Guerre. .<br />
L'Intérêt étant k paffion dominante d'ALMîE'Ric, fl accepta,<br />
avec avidité, une propofîtion fî agréable, 11 exigea d'abord un<br />
nouveau Traité, p;ir lequel le Soudan s'engagea de lui augmenter<br />
le tribut annuel, Se de lui payer aduellement 400. mille<br />
écus d'or pour les fi-ais de la guerre. Ce Prince, Se les Ordres<br />
MflitÂÎres, s'engagèrent, de leur coté, à ne point quitter TEgyp-,<br />
te, qu'ils n'euffent défait SYRACON , ou qu'ils ne f euffent du<br />
moins contraint à-en fortir, à .condition pourtant que ce Traité<br />
feroit ratifié par le Calife lui-^ême. 1<br />
.•RenHtvei- SANNAR, qui u'étoit poîut en état de fe paffer de Jeur aflement<br />
de fn • • r' A. J i • n t* r<br />
paix, entrenïïzncey IU y par confequent., -de leur rien refufer, fe trouva<br />
fc^^""^dans k dure néceffrté d'y confentir, malgré la grande répu-<br />
.te. gnance^ qu'fl avoit de faire entrer le Calife dans des affaires,<br />
dont fl n'avoît point coutume de fe mêler.<br />
Après que le Roi eut fîgné ce Traité, -où fon inféra un<br />
renouvdkment de paix entre les deux Roïaumes. d'Egypte,<br />
6c de Jérufalem y Se que pour gage de fa foi ce Prince eut<br />
touché de fa main droite dans scelle de SANNAR, 6e des autres<br />
Mhiiftres Eg^yptknSy quî y affiftèrent, le Soudan conduifît<br />
lui-même HUOUËS de Céfarée y, )eme Seigneur dun grand<br />
mérite. Se GEOFROI FULCHER, Chevalier du Tempk y qui furent<br />
choifîs.5 pour en aUer recevoir la Ratification .du Calife.<br />
Loiffque ces deux ',Seigneurs furent iutroduits' dans le Palais'<br />
de ce Monarque,ils ne purent s'empêcha de confidérer,<br />
avec étonnement, la beauté 6c la grandeur des appartemens,<br />
.6c Ja .magnificence, avec laquelle jls étoient parés. En .eff^t,,<br />
Vùr<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. Liv. IV. CH. IV. 1S7<br />
l'or, faîzur, f émail. Se les perles y brifloient de tous côtés. Ils<br />
y admuèrent toutes ks plus grandes raretés de VOrient. La<br />
chambre du Calife furpaffoit encore toutes les autres en fomptuofité<br />
, 6c en chofes précieufes ; foit que k Calife fût bien affe d'étaler<br />
à leurs yeux fes grandes richeffes, ou que çe fût k manière<br />
ordinaire de ce Princ. Ils le trouvèrent affis, comme une Idole,<br />
fur un trône*d'or maffif, tout couvert de pierres précieufes. Se ^'fi^'P^^'^<br />
fous un fuperbe dais, qui tomboit, en forme de rideau, à une «/«Caiife.<br />
certaine hauteur, Se qui étoit également frangé de perles, 6e de<br />
joïaux d'un prix ineftimabk.<br />
Lc Calife, qui avoit été prévenu de la néceffité qu'fl y avoit<br />
de fatisfaire le Roi de Jérufalem y Se tous les Seigneurs de fon<br />
Armée, dont dépendoit alors fon propre falut. Se celui de fes<br />
Etats, que celui de Bagdet vouloit lui ravir; effrayé d'aflleurs<br />
du bruit des inftrumens de guerre, Se des clameurs des Habitans<br />
du Caire; reçut les Ambaffadeurs *Ci[^/'^//>«j, avec un air fort<br />
gracieux, penfant que fon affabilité fiiffirQÎt pour la Ratification<br />
du Traité, dont il s'agiffoit. Il leur dit, qu'fl approuvoit tout<br />
ce que le Soudan avoit promis en fon nom; Mais fl fut furpris,<br />
lors que k Comte de Céfarée lui répondit, avec autant de hardieffe,<br />
que de civîUté, que fes paroles étoient fort bonnes;mais<br />
qu'fl fàloit que Sa Majefté prît la peine de les foufcrire. Se de<br />
leur toucher dans la main, comme le Roi ALME'RIC l'avoit fait à<br />
fes Miniftres.<br />
Les favoris du. Calife y qui f cnvîronnoient, 6e le regardoient<br />
' comme une Divinité, demeurèrent dans le dernier étonnement,<br />
Se en furent fcandaUfés. Cependant,, malgré l'étonnement des<br />
uns Se des autres, la crainte de devenir la proie de l'Armée de<br />
Bagdet fit, que le Calife mit fon fceau au Traité, Se toucha, quoi- Ratifica- \<br />
qu'avec beaucoup de peine , dans la main des Ambaffadeurs rraiï"*/^<br />
Chrétiens ; après quoi fl kur fit des Préfens, dignes de fa grandeur, ^'jj[f^^'"'^'<br />
6c des îinmenfes richeffes qu'fl poffédoit.<br />
Au retour des Ambaffadeurs vers leur Camp, où k Soudan<br />
Aa les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
i8S HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
ks reconduifit très-pompeufement, fls trouvèrent toute l'Armée<br />
en mouvement. La vue de celle de SYRACON, qui étoit venu<br />
fe camper à l'oppofite, fur l'autre bord du Ml y excitoit C fort<br />
fardeur des Soldats, que les Offiders avoient peine à les retenir.<br />
Le Roi, jSe ks autres Chefs, n'avoient pas moins d'impatience<br />
d'en venir aux mains avçc eux. Ce Prince fit inceffamment<br />
venir quantité de barques pour la çonftrudion d'un pont,<br />
fur lequel fl pût faire paffer fes Troupes. On y travaflk en toute<br />
diUgence; mais, lorfqu'fl fiit avancé à la portée du trait, les<br />
ennemis leur en décochèrent une quantité fl prodigîeiffe, qu'il<br />
fut impoffible de le continuer. On fabriqua plufieurs Châteaux<br />
de bois, pour couvrir les Ouvriers; mais leur peu d'habileté,<br />
6c la dffette de bois, fut caufe qu'fl fe paffa près d'un mois, avant<br />
que ces machines fuffent en état de fervir ; de forte qu'fls devinrent<br />
tout à fait inutiles.<br />
SYRACON, qui, après avoir rafraîchi fon Armée, ne l'avoit<br />
conduite dans le pofte, où efle fe trouvoit, que pour obferver<br />
les mouvemens des Chrétiens y Se pour tenter de furprendre la<br />
Ville du Caire y Rï^nt confumé toutes fes provifîons, fans pouvoir<br />
rien entreprendre^, ni même ofer en décamper, parce qu'il étoit per*»<br />
fuadé, que, fî-tôt que fes gens cefferoient d'inquiéter les Chrétiens,<br />
fls achéveroient bientôt le pont, qu'fls avoient commencé, 6c ne<br />
manqueroient pas dc le pourfuivre, s'avik, pour fortir de cet<br />
embarras, d'envoïer un gros Détachement fe faifîr d'une petite<br />
Ile nommée Maelecy que formoit le Nily à environ deux Ueues<br />
de diftance de fon'Camp. •<br />
Le Roi, qui pénétra fon deffein, envoïa d'abord MILON de<br />
PLANCHI, Se CHAMEL, Ffls du Soudan, avec bon nombre<br />
de Troupes, pour lui en dffputer k terraUi ; 6c, fur favis, qu'fl<br />
reçut, qu'ils avoient eu le bonheur de paffer au ffl de fépée, ou<br />
de faire noïer tous les ennemis, qui avoient débarqué dans cet-<br />
• te Ile, ALME'RIC s'y rendit lui-même avec le refte de l'Armée,<br />
fit.defcendre quantité de Barques, pour traverfer les deux<br />
bras.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
RE JE'RUSALEM. Lïv. IV. CH. IV. .189<br />
bras du Nily qui l'environnent, 6c réfolut d'afler attaquer SYRA<br />
CON, dans fes propres Retranchemens.<br />
A L M E'R I c décampa, à feutrée de la nuit, dans un profond filence,<br />
afin de cacher fa mardie aux Ennemis: Cependant, lorfqu'fl<br />
fut parvenu à flk de Maelecy fl s'éleva un vent fî furieux,<br />
qu'fl lui fut impoffible de traverfer fautre bras du Nily qui féparoit<br />
leur Camp. Il fut contraint de s'arrêter dans flk, k<br />
Téfte de la nuit. Le jour neparut pas plutôt, que SYRACON découvrit<br />
foir décampement ; 6c, ne doutant pas, que ce ne fût pour<br />
l'afler furprendre, fl décampa promtement, pour afler s'oppofer<br />
à fon paffage. ^<br />
Les Troupes Egyptiennes aïant joint f armée du Roî, SYRA<br />
CON, qui ne fe fentoit point affez fort, pour donner bataflle, fe<br />
tînt fur la défenfîve,afîn de traîner la guerre en longueur, pour<br />
cn dégoûter ALME'RIC. Il fortit donc , décampa dès la nuit<br />
fuivante, 6c regagna les Retranchemens, qu'fl avoit quites.<br />
Ce mouvement fubît obligea auffi A L XM E R I c à changer de<br />
deffein. Il fit deux gros Détachemens, fun fous la conduite<br />
de HUGUES d'iBELiN, Se de CHAMEL, pour afler garder la Vflle<br />
du Gnire, Se fautre fous le commandement de GÉRARD de Pu-<br />
Gi, 6e de MAHADAN, autre Fils du Soudan, pour garder k<br />
pont, qu'îl avoît entrepris de conftruire fur le NiL II laiffa fon<br />
Infanterie, Se le gros du bagage dans ffle, d'où fl fortit avec la<br />
feule Cavalerie ; Se, guidé par le Soudan lui-même, îl s'avança<br />
vers le Camp ennemi. SYRACON en fortit promtement ; mais ,il<br />
ne put éviter le combat, s'étant infenfiblement engagé, entre<br />
deux Montagnes, dans un endroit, nommé Baben y ou Porte y où<br />
les Chrétiens tombèrent fur luî. Se le mfl*ent dans k néceffité<br />
d'en venir aux mains.<br />
Maîs, fi le Roi A L M E'R I c, 6C les Hofpitaliers, eurent d'abord<br />
le bonheur de rompre le Corps de bataille, que commandoit<br />
SYRACON, le Comte de Céfarée y qui fe trouva aux prffes avec<br />
SALADIN, fon Neveu, fut d'un autre côté mis en déroute. Se<br />
Aa 2 fait<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ipq HISTOIRE GE'NE^RALE<br />
fait prffonnier avec plufieurs des fiens. Les Chrétiens furent fî<br />
mal fecondés par la Cavalerie Egyptienne, que l'Efcadron, qui<br />
gardok le bagage, fut défait par le jeune SALADIN. Ainfi, pendant<br />
qu'un parti:gagnoit d'un côté, fl perdoit de l'autre.<br />
Les deux ArméeS: fe battirent fort long-tems, avec une égale<br />
fureur, 6c beaucoup d'anîmofité; mais l'une, 6c l'autre,fans<br />
ordre, 6c fans règle, à caufe de l'inégaUté du terrain, qui ne<br />
leur permettoit point defe ranger. Elles fe féparèrent enfm, également<br />
fatiguées d'une fi rude, Se fi fanglante journée. SYRACQN<br />
récueillit, comme il put, fes Soldats, qui s'étoient difperfés<br />
dans les Montagnes, Se dans les Vaflées, ,6c gagna le Défert ,<br />
qui féparé VEgypte de la Lybie,qfifil traverfa à grandes Journées;<br />
6e fl alla fe prâènter, devant Alexandrie, dans fefpérance de<br />
s'emparer de cette Vflle, de fe dédommager des pertes qu'il venoit<br />
de faire,6ede rétablir fa réputation. Il réùffit iieureufement<br />
drie^/e ^^us fou projet. Lcs habitans d Alexandrie y qui le croïoient ocrendà<br />
SY- cupé au Caire y comme le bruit s'en étoit répandu, furent fi furpris.<br />
Se fi épouvantés de fes premières attaques, qu'ils fe rendirent,<br />
fans aucune réfîftance; 6e, par leur reddition précipitée,<br />
ils mirent SYRACON en état defe maintenir, 6ed'inquiéter^^ti-èmement<br />
tout le Roïaume. ^ ,<br />
Outre la quantité de provifîons, que çe Général obligeoit les<br />
Habitans d Alexandrie de fournir à fes Troupes, fl faifoit encore<br />
faccager. Se ravager, tous les Pays des environs, pendant<br />
que le Roi, Se le Soudan y qui ignoroient la route qu'fl avoit prife,<br />
ramaffoient dans k Bourg delamoniay où fls s'étoient arrêtés,<br />
les Troupes Chrétiennes y Se Egyptiennes y qui avoient pris<br />
k fuite pendant le combat.<br />
Lorsqu'ils aprirent la'perte d Alexandrie, Se qu'îl n'y avoit<br />
plus rien à craindre pour le Caire y ils envoïèrent avertir MILON<br />
de PLANCHI, GÉRARD de PUGI, Se les deux Ffls du Soudan y de<br />
venir les joindre inceffamment, avec leurs Troupes. Ils firent,<br />
en même-tems, avancer plufieurs Barques,pour fermer k paffage<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. LIV. IV. CH. IV. ipi<br />
fage à celles qui conduifoicnt des proviCons à Alexandrie,<br />
perfuadés qu'à caufe de k ftériUté des environs de cette Vifle ,<br />
les vivres manqueroient bientôt. Se qu'il ne leur feroit pas difficile<br />
de f affamer, dès qu'efle ne recevroit plus de fecours étrangers.<br />
Ils firent auffi venir flnfanterie, qui étoît reftée dans<br />
f Ifie de Maelec.<br />
Toute fArmée Chrétienne y s'étant enfin combinée, marcha<br />
vers Alexandrie ; le Roi la fit camper entre les Bourgs de TorgueSy<br />
Se de Domencary qui en font éloignés de trois lieues, étant<br />
affez à portée d'empêcher ks gens de kcamgagne,d'y conduire<br />
des provifions. Il la tint bloquée, pendant un mois. Les Troupes<br />
de SYRACON , 6e les Habitans, y fouffrirent une fi grande<br />
difette de vivres, que les Bourgeois fe mutinant, Se les Soldats<br />
mourant de faim, fl fut contraint de laiffer dans la ViUe<br />
fon Neveu SALADIN, avec mille Gievaux, pour k garder; Se<br />
fl en fortit, avec le refte de fon armée, afin de gagner quelque<br />
canton, où fl pût la faire fubfîfter. Ce qu'il fit fécrettement ; il<br />
marcha en fî bon ordre, qu'fl parvint aux environs du Caire y<br />
avant même que le Roi aprît, ou foupconnât fon départ<br />
d Alexandrie, ^ . * *<br />
A L M E'R I c, qui défîroit ardemment de défaire, ou de fatiguer<br />
SYRACON, outré du tour qu'fl venoit de lui jou^r, décampa,<br />
dès qu'fl en aprit la nouvefle, ne laiffant au blocus d Alexandrie<br />
y qu'autant de Troupes qu'il faloit, pour empêcher le fecours<br />
de la campagne. Il s'avança vers le Caire y à grandes<br />
journées, craignant la furprife decette Place; mais fl reconnut,<br />
par ks différens avis qu'il reçut en chemin, que SYRACON ne<br />
cherchoit qu'à faire rafraîchir fes Troupes, Se à procurer quelque<br />
fecours à SALADIN , qu'fl avoit laiffe à Alexandrie. Le Roi<br />
fut en même-tems informé-par un des Grands dEgypte y nommé<br />
BENTX CALCOLLE, qui avoit plufîeurs Parens à Alexandrie<br />
y que la mffére. Se les murmures y augmentoient confidérablement<br />
, Se qu'fl étoit abfolument impolfibk aux Habitans de<br />
Aa 3 fub-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ne.<br />
ip2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
fubfîfter encore long-tems. Ce qui fit refoudre ce Prince, k<br />
Soudan y Se ks Ordres Militaires, à retourner fur kurs pas, pour<br />
en aller former le fiége.<br />
Siège d'A- Ils y firent conduire diverfes machines, pour battre k Place,<br />
^r^Aimé- & s'cu fervircut fort utflement. SYRACON auroit extrêmement<br />
fouhaitè de la fecourir; maisfl ne k pouvoit, fans en venir à<br />
une bataifle, dont il craignoit trop les fuites, SALADIN lui envoïoit<br />
Courier, fur Courier, pour finformer, qu'fl ne pouvoit<br />
plus tenir, 6e queles vigoureufes attaques de l'Armée Chrétienne y<br />
jointe au mécontentement, 6c aux fouffrances des Habitans, le<br />
mettoient tous les'jours en danger d'être égorgé, ou de fe rendre'<br />
à la difcrétion de fes Ennemis.<br />
SYRACON, qui réconnut que la perte dAkxandriCySede SALA<br />
DIN , fon Neveu, qu'il eftimoit infiniment, étoit inévitable, prît<br />
le parti d'envoïer au Roi le Comte de Céfarée y avec un Officier<br />
nommé AMULFE de TURBASSE'S , qui étoient fes Prifonniers, depuis<br />
la bataiUe de Baben, avec ordre de lui propofer un accommodement.<br />
ALME'RIC, qui, de fon côté, ne demandoit pas<br />
mieux, que de fe déUvrer d'une guerre, qui le tenoit depuis fî<br />
long-tems éloigné de fes Etats, écouta favorablement fes propofitions<br />
; 6e SANNAR , qui ne refpiroit qu'après le moment d'éloigner<br />
les uns, Se les autres de VEgypte, foit pour y goûter la<br />
tranquiUté, ou pour foulager les Peuples des groffes contributions,<br />
qu'on en tiroit pour f entretien de la guerre, confentit bientôt<br />
à la conclufion de la Paix,aux conditions fuivantes.<br />
Traité de. I. Que SYRACON reftîtueroit d'abord au Roi, 6c au Soudan y<br />
Ahnéric! la VÎUe d Alexandrie. II. Qii'il rendroit, de bonne foi, tous<br />
ÊP^syrt"' ^^^ Prifonniers Chrétiens y Se Egyptiens y qu'fl avoit faits,, depuis<br />
con. le commencement de la guerre. III. Qu'il fortiroit inceflamment<br />
dEgypte y avec toutes fes Troupes, .avec promeffe de ne jamak<br />
faire aucune irruption dans ce Roïaume , ni dans aucun autre<br />
endroit de la dépendance du Calife. IV. Quele Roî, de<br />
fon côtéi laifferoit Ubrement fortir SALADIN, Se fes gens, dAkxan-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. W, CH. IV. ipj<br />
kxandriey avec armes, 6c bagages. Se rendroit également à SY<br />
RACON tous les Prifonniers, qu'fl avoit faits, depuis fon entrée<br />
en Egypte,<br />
Ce Traité, aïant été figné de part, 6c d'autre, toutes les<br />
hoftilités ceffèrent. Le Roî fit pubUer fon ordonnance, qui defendoit<br />
expreffément à fes Soldats, d'infulter davantage ceux de<br />
SYRACON. Il careffa, Se regala fort gracieufement, fon Neveu SA<br />
LADIN, lorfqu'fl lui rendit la Place; 6c, pour marque de fon<br />
triomphe, fl fit arborer fes étendarts fur les MuraiUes, 6c fur k Tour<br />
du Phare y n'eftimant pas moins cette conquête, qu'une grande<br />
Vidoire: furtout, lorfqu'fl réconnut le grand nombre d'Habitans,<br />
qui fe trouvoient enfermés'dans Alexandrie y où l'on comptoit<br />
plus de cinquante mifle Hommes, capables de porter les armes<br />
, outre les mille CavaUers, que SYRACON y avoit laiffés, 6c<br />
les Etrangers, dont k nombre étoit fort confidérable, par ra-^<br />
port au grand commerce*, qui fe faifoit alors en cette Vifle.<br />
A L M E'R I c admira, en même-tems, le bonheur, qu'fl avoit eu de<br />
foumettre cette Place, avec cinq cens Chevaux, 6c cinq mflle<br />
Hommes d'Infanterie. C'étoit-là toute fon Armée, y compris<br />
ks Ordres MiUtaires; car, pour les Egyptiens y fls ne lui fervoient<br />
qu'à faire nombre, Se quelquefois à caufer de la confufion.<br />
La joie. Se l'allégreffe,fuccéda enfin,par tout, au tumulte de<br />
la guerre, 6c aux calamités, qu'efle avoit caufées. Les Habitans<br />
d Alexandrie y auffi fatisfaits d'avoir recouvré leur liberté, que<br />
les Chrétiens fétoient de la kur avoir procurée, ne fongèrent<br />
.plus, qu'à jouïr de fabondance de toute forte de provifîons,<br />
qu^fls trouvoient dans leur Camp, Se dont ils avoient<br />
un extrême befoin , pour fe refaire de leurs fouffrances paf^<br />
fées. A l'exemple du Roi, les principaux Seigneurs de fArmée<br />
s'éforçoient à bien régaler le jeune SALADIN , pendant<br />
deux jours, qu'il demeura dans leur Camp. Ils ne fongeoient<br />
pas, que ce jeune Infidèle y qu'As trouvoient fî aimable. Se<br />
fî<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
1167.<br />
ip4 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
fî modefte, deviendroit un jour la terreur des Chrétiens de<br />
k Terre-Sainte ; Se qu'fl les dépouilleroit d'un Pays fî excellent,<br />
6c fî précieux.<br />
Ce fut ainfî qu'échoua la féconde entreprife de SYRACON fur<br />
VEgyptp. Il étoît bien éloigné de penfer, lorfqu'il en fortit avec<br />
fon Armée, que celui, qui fen chaffoit, lui en procureroit bientôt<br />
feutrée, Se k conquête.<br />
En effet, ce même Roi ALKIE'RIC, qui s'étoit acquis tant '<br />
de gloire dans ces deux expéditions, par une conduite, auffi<br />
contraire à fes intérêts, qu'à la juftice , Se par f unique cupidité<br />
de pofféder des richeffes, qui f aveugloit entièrement,<br />
perdit l'honneur. Se la réputation ; 6c, en voulant s'emparer<br />
de VEgypte y fl en rendit SYRACON poffeffeur.<br />
Ebloui par la gloire , Se le plaifîr , 6c voiant, que le Calife,<br />
Se le Soudan y également contens de fa valeur. Se de fa générofité,<br />
s'empreffoient à lui témoigner kur reconnoiffance. Se ne<br />
s'étudioient , qu'à le renvoïer dans fes Etats , auffi fatisfàit<br />
d'eux, qu'ils fétoient de lui,fl ne penfoit de fon côté,qu'à s'y<br />
rendre promtement. Il y étoit encore porté parla nouvelle,<br />
qu'fl avoit reçue, qu'ERNEST, Evêque de Céfarée y Se OTHON<br />
de ST. AMAND;, fon Echanfon, qu'il avoit envoïés à Conftantinople<br />
y avant fon départ de Jérufalem y pour traiter fon Mariage<br />
avec MARIE, Fille de JEAN PROTOSEBASTE, Se Nièce de<br />
l'Empereur EMANUEL, étoient arrivés à Tyr, avec cette Princeffe.<br />
Je me contenterai de parler préfentement de fa fortie<br />
triomphante dEgypte, Se des Réjouiffances, qui fuivirent la cérémonie<br />
de fes Noces.<br />
Le Roî de Jérufalem partit donc , chargé de magnifiques<br />
Préfens. Il fut accompagné du Soudan y Se des principaux Officiers<br />
du Calife y jiffqu'aux confins du Roïaume d'Egypte. AL-<br />
ME'RIC arriva, vers la fin du mois d'Août, à Afcalone y d'où<br />
fl fe rendit à Tyr. Il y fut reçu , avec de grandes acclamations.<br />
La cérémonie de fon Mariage y fut célébrée avec beaucoup<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lrv. FV. Cn.fV. 19j<br />
coup de pompe, 6c de fomptuofité, maîs non fens fcandale,<br />
puifqii'fl ne contrada cette AUiance, qu'après fbn divorce avec<br />
AGNES de COURTENAI, Fflle de JOSSELIN II. Comte dEdeffe y<br />
^u'îl avoît époufée, avant fon avènement à k Couronne ; 6c<br />
que, pour plaire au Roi, ou deffervir cette Dame, le Patriarche<br />
lui avoît fait quitter, fous prétexte de kur étroite parenté.<br />
Il eft vrai néanmoins, qu'en faifant tort à cette Princeffe,<br />
on, rendit juftice à fes deux Enfans, On leur conferva leurs<br />
droîts fur la Couronne de Jérufalem y à laqudle tous les Grands<br />
du Roïaume convinrent, qu'ils fuccéderoient, à f exclufion de<br />
ceux qu'ALMs'Ric pourroit avoir dece fecond Mariage. Cependant,<br />
quelque desavantageux que fût cet article pour les Enfans<br />
de la Reine MARIE, cela tfempécha pas*, que tous ks Seigneurs<br />
Grarj, qmPavtîient ^compa^ée, ne goittffent parfaitement<br />
toutes les Fêtes, 6c les ELéjouiffances, qui fuivirent ces<br />
Noces, ^qui furent même de longuç durée, par raport à la<br />
grande tranquflité, dont jouif&k alors tout le Roïaume de Je»<br />
riifakm.<br />
. Bb IIÏSTOI-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
R o ï A" u M E s<br />
D E<br />
CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />
E T<br />
D' E G Y P T E .<br />
L I V R E V.<br />
CHAPITRE PREMIER.<br />
foi Ml%e d'Al oMMk^^ ^P.?^'^^ ^T^ ^'' Pï^^fi^^ ^'^t^^t point cafoi<br />
meric, rf'Ai- (^ ^X.xx:^->çincx5 pabks de faire perdre au Roi fenvie fécret-<br />
fin deffein è^§ f^ xiB ^^ ' ^^^'^^ ^^^^^ couçuc de s'cmparcr de 1'^-<br />
>i'Egyp. ç^^ \^ ^^^ gypu, Sede fes grandes richeffes, ce vafte<br />
^ ^ ^<br />
r^^^:^^5tl!^> ^^^*^^^ f occupoit encore pius, que ks délî-<br />
^ ^ 1 ^ ^ ^ ^^^ ^^ mariage. Il méditoit fans ceffe ks<br />
ï^oïens de fexécuter; mak craignant, en<br />
mêmetems, k blâme, que lui attireroit une entreprffe û injufte.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH.I. ' ipjr<br />
jufte, fl eut l'adreffe d'y faire entrer l'Empereur EMANUEL,<br />
6c pubUa, que ce Monarque, qui vouloit fe prévaloir dek molkffe,<br />
6c de l'âvfliffement des Egyptiens y le folUcitoit à lui prêter<br />
fes forces.<br />
Néanmoins A L M E R i c eut 4)eau s'éforcer de cacher fon infidéUté,<br />
chacun reconnut,que fa feuk avarice le faifoit agir,6c<br />
que c'étoit lui, qui foflîcitoit fEmpereur, à qui fl avoit fait envikger<br />
cette conquête, comme trèsfacîle.<br />
GUILLAUME de TYR même, quoi qu'entièrement dévoué à AL- Onfédéra-<br />
ME'RIC, à caufe des grandes obligations qu'fl lui avoît, ne peut TÊmlmÛr<br />
s'empêcher de reconnoître, que ce Prince étoit f unique promo- Çi^fî'^f''<br />
teur de la guerre dEgypte. Cette entreprife injufte, 6c contre ric,/"r«<br />
' lafoi d'un Traité, qu'fl avoit renouvelle, 6c confirmé, par fer-•^"^^*ment,<br />
2.vec le Calife y Sele Soudan y eut une fuite auffi fâcheufe,<br />
que funefte pour lui, Se pour ceux qu'il y avoit engagés. Cc<br />
fut le jufte châtiment, que méritoit fa mauvaife adion. L'Empereur<br />
EMANUEL envoïa k Jérufalem ALEXANDRE y Comte de Gravincy<br />
6c MICHEL d'OTRANTE, fes Ambaffadeurs, pour arrêter<br />
les Articles de Confédération ; Après quoi le même GUILLAUME de<br />
TYR, qui n'étoit encore qu'Arcliidîacre de cette Cathédrale, paf^<br />
fa à Conflantinople, accompagné de ces Miniftres, pour faire ratffier<br />
le Traité. ^<br />
Pendant qu'A L M E'R I c étoit tout occupé à ifaire les préparatifs<br />
néceffaires pour cette expédition, Se pour colorer fempreffement,<br />
avec lequel il levoit de nouvefles Troupes, fl préte^tta d'avoir été<br />
averti, que le Soudan dEgypte y 6c NORADIN, avoient fait une<br />
AlUance féçrette contre le Roïaume de Jérufalem y afin de fe délivrer<br />
du Tribut, que ce premier lui payoit, Se qu'il difoit ternir<br />
la gloire. Se la réputation du Calife y ion Maître, auffi bien que<br />
fon honneur en particulier.<br />
Il faut pourtant convenir, avec le même GUH^LAUME de TYR,<br />
-que GILBERT ASTAII, Maître des Hofpitaliers^ dont f humeur<br />
entreprenante fe conformoit affez à celle du Roi, ne contribua<br />
Bb 2 pas<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ip9 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
pas peu à cette mauvaife expédition. • Il apf^aniffoit toutes ks^<br />
difficultés, qui s'y pouvoknt rencontrer, dans fefpérance d'y<br />
pouvoir trouver de grands avantages pour fon Ordre. C'eft pourquoi<br />
fl s'engagea non feulement d'accompagner A L M E'R I c, avec<br />
tous fes ChevaUers, 6c k plus de Troupes; (^'fl pourroit mettre fur<br />
pié ; mais, de plus, de lui fournir encore de fi groffes fommes, qu'au<br />
raport dèBosio, dans fon Hiftoire de cette Religion, fl épuifa<br />
entièrement les coffres de fon tréfor, qu'fl avoit trouvés rempUs<br />
à fon avènement au Magiftère. Il prit même d'autres femmes<br />
à intérêt, fur faffurance, que le Roi luî avoit donnée de<br />
céder à fa ReUgion la Ville de Pélufium y Se fes dépendances, libre,<br />
6e frandie de tous droits, 6e Hommages.<br />
A l'égard des Templiers y quoi qu'égakiïsent avides. Se aufft<br />
peu fcrupuleux, que les Hofpitaliers, foit que fémulation qui régna<br />
depuis avec tant de fureur, 6c d'animofké, entre ces deux Ordres,<br />
eût déjà commencé, ou qu'ils ne vouluffent point fe mêler<br />
dans une affaire, à kquelle kurs rivaux avoient tant de part, ou<br />
qu'enfin fls n'euffent pas bonne opinion de cette entreprife, fls ne<br />
voulurent jamais s'J; engager, 6e blâmèrent hautement le Maître de<br />
VHopital d'y être entré avec tant d'ardeur ; au lieu qu'fl auroit<br />
du faire fon poffible, pour détourner le Roi d'une chofe auffi préjudickble<br />
à fon honneur, 6c à fes intérêts..<br />
Cependant toutes kurs oppofitions , non plus que les rénïontrances<br />
des Perfonnes, véritablement attachées au bien, Sek h,<br />
gloire de ce Prince y ne purent rien gagner fur fon efprit. Son<br />
impatience étoit fî vive, qu'fl partit même de k Paleftine, fans<br />
attendre k Flotte, que l'Empereur EMANUEL devoit joindre à fon<br />
Armée., 'Il traverfa le Défert avec k même ardeur; Se y par fon<br />
jra&jtanr irruption imprévue, il furprit fî fort les Habitans de la Ville de<br />
fwxmjaffis Pélufium y qu'fl la prit d'affaut; 6c fit prifonniers MAHADAN, Fils<br />
î^^f. ^ Au Soudan y qui s'y trouvoit, avec un de fes Confins, qui en étoit<br />
Gouverneur, tl ne s'en tint.pas-là, mais, par une barbarie indi^<br />
gne d'unPrince Chrétien.y il fit paffer au.ffl.de l'épée Hommes,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LmV. CH.L i^^<br />
Femmes, Se Enïkns, Se abandonna k Vifle au piflage de fes Soldats,<br />
qui y commuent des excès, qui auroient fait liorreur aux plus<br />
médians de ceux qu'ils traitoient d Infidèles , Se de Barbares^<br />
La prffe de Péltftumy Se le ma^eureux fort de fes Habîtansjétour"<br />
dirent extrêmement le Soudan SANNAR, 6C tous hsEgyptienSyC^<br />
ne fe trouvoknt pas alors pks en état de fe défendre, que loifque<br />
SYRACON les avoit attaqués. Si ALME'RIC eût fait la même<br />
dfligence, pour fe rendre devant le Caire, qu'fl avoit fait pour<br />
traverfer k Défert, 6c fiirprendre la ViUe deP^ufitm, il fe feroîtf<br />
infaifliblement rendu maitre de cette Capitale, aveck même facflité.<br />
Mais ce Prhice avide, 6c entreprenant, au Ueu de profiter de la<br />
fortune, qui lui étoit fi propice, k négtigea fi fort, qu'il lui fut impoffible<br />
delà ratrapper. Malgré la paffion, qu'fl avoit de s'emparer<br />
deV Egypte y foit qfffl crût, quek terreur, qu'fl avoir infpirée<br />
à fes Habitans, fen eût déjà rendu poffeffeur, ou qu'fl voulût temporifer,<br />
pour attendre les Troupes de l'Empereur,, fl marcha fîfentement<br />
vers cette Capitak, qu'il paf& quinze jours à faire le<br />
chemin, qu'il auroit pu faire en une feuk journée. Parfe nonchaknce,<br />
il donna le tems au Soudan , de revenir de fe première confternatîon<br />
, Se d'appefler NORADIN , Roî de Damas, à fon fecours y<br />
pour le délivrer de f oppreffion dé celui qui avoit été peu auparavant<br />
fon Défenfeur, Se qui étoit préfentement venu envahir fes<br />
'£tats, malgré la cordialité, avec kquefle fl avoit cultivé fon<br />
amitié, 6e non obftant f exaditude, avec kquefle fl s'étoit ac
2Ô0 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
lui en ouvrir les Portes, la même avarice, qui lui en avoit fait<br />
entreprendre la conquête, lui fit également manquer ce grand<br />
coup..<br />
Sa paffion pour les richeffes, jointe aux remontrances de Mi-<br />
^ LON de PLANCHI , qui luî fit envifager, que la prife des Vflles d'af^<br />
faut n'étoit avantageufe qu'aux Soldats, Se nuflement aux Prin-<br />
^y^^ice ces; témoin le Sac de Pélufiumy qui avoit enrichi l'Armée, 6c<br />
lie. lui avoit kiffé une Vifle, entièrement dépouiUée de Biens, 6c<br />
d'Habitans, lui fit croire, qu'il lui couvenoit beaucoup mieux<br />
de recevoir une groffe fomme d'argent comptant ,6c de conferver<br />
f amitié du Calife, Se le Tribut qu'il lui payoit ; ainfi, fl fe rendit<br />
aux offres du Soudan y qui s'obligea, par un nouveau Traité ,<br />
à lui payer deux mfllions d'or , dont fl lui devoit compter,<br />
fur k champ, cent mifle Ecus ; moïenant quoi, A L M E'R i c,<br />
de fon côté, lui rendroit d'abord fon Ffls, 6c fon Neveu, qm<br />
étoient ks feuls Prifonniers, qu'il avoit faits à Pélufium ; Se fl<br />
fortiroit du Roïaume avec toute fon Armée, lors qu'il feroit entièrement<br />
payé des deux millions d'or.<br />
SANNAR n'eut pas plutôt recouvré les deux Prffonniers, qu'il<br />
fit entendre à A L M E'R i c, que la fomme, qu'il devoit lui payer,<br />
étoit trop confidérable, pour pouvoîr f exiger des Habitans d'une<br />
ViUe affiégéé; Se que, pour en accélérer la levée, Se tranquiUfer<br />
le Calife y il le prioit de faire éloigner fon camp de la<br />
ViUe. Le Roi, qui n'étoit plus occupé que de k groffe fomme<br />
d'or, qu'on lui avoit promis, oubUant entièrement fon projet,<br />
décampa, fans héfîter, 6c aUa fe pofter près des Jardins du ^^2^nwy<br />
qui étoient à une Ueue de diftance, d'où, peu de jours<br />
après, fur les inftances du Soudan y fl recula encore jufqu'à Chiriaco,^<br />
Son avidité étoit fî grande, qu'il ne fe mît point en peî-<br />
^e d'aprofondir les deffeins de SANNAR , qu'il croïoit tout occupé<br />
à lui recueflUr fargent, qu'fl lui avoit promis ; tant fl étoit<br />
aveuglé, par fon avarice.<br />
Le Soudan y fans fe faire fcrupule de tromper un Prince, qui<br />
avoit<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm V. CH. I. 201<br />
avoît le premier fauffe fa foi, profita de fon éloignement, pour Sannar<br />
faire fortifier le Caire y amaffer des Provifions, Se armer le plusffie! '*<br />
de Peupk, qu'il lui fût poffibk, pour le joindre à l'Armée de<br />
Damas. Il avoit eu avis, qu'elle ne devoit pas tarder long-tems<br />
à paroître y Sek agir en fa faveur.<br />
En effet, NORADIN, qui trouvoit un double avantage à fecourir<br />
VEgypte y en affoibliffant les Chrétiens y dans feÇ)érance<br />
qu'fl conçut d'y faire lui même quelque acquifition à fon profit,<br />
remit d'abord le commandement dc fon Armée à SYRACON , qui<br />
n'aïant plus ofé paroître aux yeux du Calife de Bagdet y après le<br />
mauvais fuceès de fon expédition, s'étoît de nouveau retiré à<br />
Damas y Se s'étoit fi bien infinué, 6c remis dans les bonnes grâces<br />
de NORADIN, que cederner lui rendît toute fa confiance. La<br />
grande connoiffance, qu'fl avoit de VEgyptCyne contribua pas peu<br />
à cette réconciUation. La hahie invétérée qu'fl avoit pour les<br />
ChrétienSy par les traverfes, qu'ils avoient fufcitées contre fes deffeins,<br />
redoubloit encore fon impatience de s'en vanger. Se lui<br />
fit faire une fi grande diligence dans fa marche, qu'fl arriva en<br />
Egypte y même avant que SANNAR eût ofé f efpérer.<br />
Ce -Soudan, fe fentant apuïé d'un fi puflfant fecours, loin de<br />
ménager davantage le Roi ALME'RIC, par la continuation de<br />
fes Préfens, Se de fes Meffages, ne luî park plus des fommes,<br />
qu'fl luî avoit promifes, fe mit à la tête des Troupes qu'il avoit<br />
affemblées, 6c afla joindre SYRACON, à feutrée du Roïaume :<br />
Changement, qui fit bientôt connoître à ALME'RIC, qu'au<br />
lieu d'avoir à efpérer ks deux muions dor, dont fa lâche paffion<br />
favoit flatté, il auroit une forte Armée à combattre, dont<br />
le courage fuppléeroît à la mofleffc desEgyptiens,<br />
Ce Prince voulut alors réparer fa faute, Se fa négUgence. II<br />
s'avança, pour combattre SYRACON, avant qu'fl pût pénétrer<br />
dans k cœur du Pays ; mais, par une nouvefle erreiu, non<br />
moins bkmable que la première, il prit k route de Pélufiumy qui<br />
n étok point cefle, par où SYRACON devoit natureflement venir 3<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
soi H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
à moins qa*fl n'eût voulu rencontrer ks Chrétiens. Ceux-d<br />
aprirent, qu'fls avoient perdu leur peine; 6c que leur Ennemi<br />
avoit non feulement eu k bonheur de traverfer k Dé*<br />
fert ; mais encore que SANNAR favoit joint, avec fes Troupes.<br />
Ainfi, les Chrétiens reconnoiffant, qu'il leur étoit im-<br />
1169. -poVÉAey de combattre les BdrhareSy Se de conferver k Vflle<br />
de Pélufium y en reth-èrent la Garnifon , qu'fls y avoient<br />
laiffée, s'en retournèrent à Jérufalem, couverts de honte,<br />
& de confufîon , 6c remportèrent, pour tout fruit de<br />
k-ur befle campagne , fintrodudion d'^un redoutable Ennemi<br />
en Egypte; k perte du confîdérable Tribut, qu'ils en reti^<br />
roient; la haine, 6c le mépris des Turcs y Se des Sarrafins;<br />
Se enfin l'indignation de toute la République Chrétienne y cpx<br />
n*avoit apris leur entreprife, qu'avec beaucoup d'indignation.<br />
Il n''en fut pas de ïaeme de SYRACON , qui ne manqua<br />
^fesyïï* pas fon coup. Cet habile Capitaine," penfent plus à fes in-<br />
^^' térêts, qu'à ceux de NORADIN , fon Maître , fe voïant en<br />
état, après k départ du Roi ALME'RIC, de fatisfaire la paf-<br />
^ * fîon, qu'il avoit depuis long-tems de parvenir au Gouvernement<br />
de VEgypte y f exécuta avec toute la politique imaginable, fans<br />
même y emploïer la force, ne voulant pas y entrer d'une manière<br />
odieufe au Peuple, Se fe contentant de fecrifier k vie de<br />
celui, dont fl vouloit occuper la place.<br />
En effet, il étoit campé devant la Ville du Caire, dont k<br />
prffe lui auroit été facfle'; Cependant, bien loin de rien tenter,<br />
fl ordonna expreffément à fes Troupes de demeurer paifibks dans<br />
km"pofte; 6e,fens donner aucun fujet de plainte,ni de mécontentement<br />
, aux Peupks de la Vifle, Se à ceux de k Campagne,<br />
d^ ^In'af ^^^ conduite fî modérée trompa fî bien le Soudan lui même,<br />
fmé. qu'fl aUoit k vifîter tous les jours dans fa Tente, fans aucune<br />
précaution. Il ne penfoit, qu'à le renvoïer content, Se ktisfait,<br />
lors que SYRACON le fit affaffiner un matin, qu'fl aUoit lui<br />
^en(Jre fe vifîte ordinaire, accompagné de MAHADAN, 6C de<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D-E JE'RUSALEM. Lrv. V. CH. I. soi<br />
CHAM3ÊL, fes Fils , qui évitèrent k maf&cre, par la viteffe de leurs<br />
Chevaux; Mais fls n'eurent pas un meflleur fort, en arrivant au<br />
Caire. Le Calife, qui vivoit plutôt en Brute, qu'en Prince,<br />
•6e qui n'avoit aucune Connoiffance des affaires de fon Roïaume,<br />
étonné de kmort du Soudan^ qui gouvernoit tout; 6c craigna|it<br />
lui même de perdre la Vie, 6c la Couronne, dans .cette<br />
occafîon ; foit pour favorifer celui à k merci duqud > il fe voïoit<br />
réduit, ou pour fe venger fur les Enfans de la mauvaife condui-.<br />
te dc leur Père,les fit étrangler fiirk champ; 6c,dès le lendemain,<br />
il reconnut SYRACON, cn quafité de Soudan. Il s'eftimoit<br />
même heureux, s'il vouloit fe contenter de cette Dignité, Se lui<br />
laiffer la fîenne. Ce fut ainfî que SYRACON entra triomphant<br />
dans le Caire, f^û[iS qu'fl s'y fit aucun mouvement; Se que fentreprife<br />
mal concertée des Chrétiens procura enfin le Commandement<br />
de VEgypte à f ambitieux SYRACON, 6C enfuite fentière<br />
poffeffion de ce Roïaume à SALADIN , fon Neveu, qui leur donna<br />
Ueu de fc repentir long-tems de km* mauvaife démarche par<br />
k longue, Se terrible Guerre, qu'fl leur fit, 6e qui fut ïi £unefte<br />
à la Palefline. Aulfi a-t'on nommé, avec raifon, ce Prince<br />
Infidèle le Fléau des Chrétiens, Se celui que Dieu avoit choifî<br />
dans fa colère pour les dépouifler des Saints Lieux, qu'fls profanoient<br />
par leurs dérèglemens" abomhiables, comme tous les<br />
Hiftoriens en font foi.<br />
SALADIN , qui étoit encore plus vaiflant, Se plus liardi, que Article a.<br />
fon Oncle, ne lui eut pas plutôt fuccédé à la Dignité de Soudan<br />
y qu'fl ne voulut plus fouffrir ni fupérieur, ni égal. Se<br />
croïant tout permis, pour parvenir à une autorité abfolue, îl<br />
entreprit de faire finir le Règne des Califes dEgypte y qui y ^o-^^^^^'<br />
minoient depuis 240. ans. 11 maffacra ACLEDET EBEN EL BEYS, i Egypte,<br />
qui y regnoit alors , Se qui fut le dernier , fous prétexte,JJ'^^^.<br />
qu'fl en vouloit à fa vie. Il fe défit auffi de toute fa Famflle ; din.<br />
Se y par fes grandes largeffes, il fe captiva f affedion de tous les<br />
Grands du Roïaume, 6c des Soldats, 6c s'étabUt fi bien fur le<br />
Ce Trô-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
202 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
Trône, qu'ils auroient tous volontiers facrffié leur vie, pour fy<br />
maintenir.<br />
Mais,comme la poffeffion de ce Roïaume,quelque grand. Se<br />
magmfique qu'fl fût, ne pouvoit rempUr fon ambition, fl ne fe<br />
propofa rien moins que la conquête de tout VOrient, Il profita<br />
dc fardeur de fes nouveaux Sujets, Se réfolut de commencer,<br />
fes entreprffes par fEtat, que les Chrétiens poffédoient en<br />
Syrie,<br />
Il ne les attaqua pourtant, qu'après la nouveUe tentative ,<br />
qu'fls firent, pour le chaffer dEgypte. Le Roi ALME'RIC ne<br />
pouvoit fe perfiiader, que ce nouveau Soudan fe fût fi-tôt affermi<br />
dans fon ùfurpation; ni que les Egyptiens y dont le refped<br />
pour leur t!alife afloit jufqu'à f adoration, 6c qui s'étoient autrefois<br />
fi crueflement vangés fur le Ffls du Soudan EBEYS du Meurtre<br />
commis par fon Père, fe fuffent fi-tôt accoutumés à obéir à<br />
f Affaffin de leur Souverain.<br />
ALME'RIC, voulant hâter l'expédition, qu'fl méditoit contre<br />
SALADIN , envoïa d'abord fes Ambaffadeurs à fEmpereur<br />
EMANUëL, pour le foUiciter à vouloir réparer, par une promte<br />
affiftance, k fecours qu'îl avoît manqué de luî envoïer la campagne<br />
précédente. La conjondure ne pouvoit être plus favora-<br />
We, pour profiter des grandes Révolutions qui venoient d'arriver<br />
en Egypte , Se afin d'empêcher f affermiffement du Tiran,.<br />
qui venoit d'ufurper cet Etat. Il dépêcha , en même tems,<br />
FRE'DERIC, Archevêque de Tyr y Se GUILLAUME, Evêque<br />
dAcre, aux Princes d Europe 5 pour leur repréfenter, que le<br />
Roïaume de Jérufalem, fe trouvant alors environné d'Ennemis,<br />
non moins puiffans, qu'avides de s'en emparer, il étoit fort à<br />
craindre, qu'fls n'en dépouiUaffent entièrement les Chrétiens y à<br />
moins qu'fls ne lui envoïaffent des fecours capabks de leur réfifter.<br />
Pendant le voïage de ces Prékts enEuropey VEmpereur Grec<br />
fît paffer à f/o/m«iVfe une Flotte de 150. Galères, 6cde^o. Vaiffeaux<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. V. CH. L 203<br />
féaux de charge, foit que l'occafion lui parût avantageufe pour<br />
fake de grands progrés en jE^y/>/^, ou qu'fl voulût affifter puiflàmmant<br />
le Roi de Jérufàkm y fon Neveu, dans une affake fî intéreflànte.<br />
A L M E RI c, qui avoit déjà bien muni les FrcMitières du côté de Alméric<br />
Damas, afin d'empêcher NORADIN de profiter de fon abfence f^ P^<br />
avoit affemblé fon Armée, près dAfcalone. Il en partit le 10, i^f'<br />
d'Odobre, ^ccomp^gné des Hofpitaliers y Se des Templiers, qui,J^,^<br />
dans cette occafion, voulurent bien être de la partie. Ils traver-^^.^ôfpiièrent<br />
heureufement le Défert ; 6e, en neuf jours de marche, fls^^^<br />
arrivèrent kjarmicy andenne Vflle dEgypte y fituée fur le bord<br />
de k mer, à environ une Ueue de diftance du premier bras Oriental<br />
y qu'avoit alors le A7/, qu'on nommoit Carabez. Ce bras,<br />
ou canal, devoit être bien large. Se bien profond, puifque, pour<br />
le traverfer, toutes les Troupes furent obUgées de s'embarquer fur<br />
la Flotte Impériale, qu'efles trouvèrent à f ancre devant cctte Vifle,<br />
qui avoit été autrefois très-renommée. Se très-recommandabk;<br />
mais qui étoit alors entièrement détruite, 6e déferte. Après avoir L«r arri.<br />
paffé cette branche du A7/, fArmée Chrétienne reprit fon che- mie«P*"<br />
min par terre ; Se, laiflànt la mer à fe droite, 6c k ViUe de Janes<br />
à gauche, eUe march^vers D^w/^//^, où eUe arriva en deux jours,<br />
6c y attendit la Flotte Grèque.<br />
Gette Vflle, felon GUILLAUME de TYR, étoît bâtie fur le fecond<br />
bras Oriental du Ail; mais d'autres Auteurs affurent,<br />
avec plus de raffon, que c'étoit fur le premier, ce Fleuve n'en<br />
aïant jamais eu que deux' prîndpaux, Se naturels, comme nous<br />
le remarquerons, en parlant de VEgypte en particuUer, c'eft-à dire<br />
celui de Damiette y Se VOccident deRoffely ou Canope. Damiette<br />
n'étoit, au raport des andens Auteurs, qu'à un Mfle de<br />
dflknce de la mer, au Ueu qu'efle cn eft éloignée aujourd'hui de près<br />
de trois Ueues; ce qu'on doit attribuera la quantité de Umon du<br />
i^//. Gela n'eft pas feulement arrivé à Z)/ww/V/^, mais encore à toutes<br />
ks Vflles maritimes de hh^o Egypte y où l'on voit kur fitua-<br />
Cc 2 tîon,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
S04. H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
tion, les Lacs, ks Côtes, 6c ks Vflks voifines fort différentes<br />
de ce que ks Anciens nous les repréfentent.. Ce qui prouve encore<br />
mieux ce changement, c'eft que fembouchure du Nil à DamiettCy<br />
qu'on nomme vulgairement le Bogaffe, qui forme une efpèce<br />
de port, dans kquel entroient autrefois ks gros Navires en toute<br />
forte de faifon,s'eft teflement comblée,qu'il n'y en peut plus<br />
entrer, que de médiocres, encore eft-ce en certain tems de l'année<br />
feulement, Se avec beaucoup de précaution ; Ce qui fit dire<br />
en 1697. à un vieux Rais, ou Capitaine de Saiquey qui avoit<br />
coutume d'y voïager dès fa tendre jêuneffe, qu'fl craignoit, de<br />
n.e pouvoir plus continuer ce trafic, avee des bâtimens un peu<br />
grands, puisque, de quinze braffes de fond, qu'il y avoit trouvé,<br />
quinze ans auparavant, à pekie s'y en trouvok-il alors quinze<br />
piés.<br />
^tlcdt C^ ^ut ^ïi^re Is, Bogaffe y 6e la Vflle, que le Roi ALME'RIC<br />
mnt Da- campa avec toute fon armée, dans k réfolution d'en former le fiéniiette.<br />
^^^ fitôt que la Flotte Impériale feroit arrivée ; Maîs, comme ks<br />
Egyptiens y avoient changé de maxime, en changeant de Maître,<br />
bien loin d^étre épouvantés , comme auparavant , à la vue de<br />
de leurs Ennemis , ils profitèrent ouvertement de leur inadion,<br />
muniffant bien kur Place , 6c minant les campagnes ; de forte<br />
que , lors que les Grecs , qui avoient été retenus par les vents<br />
contraires, arrivèrent, 6e qu'ALM'ERic commença à battre k<br />
Pkce , les Habitans fe défendirent avec tant de courage , que<br />
^^^[J.L l^s ChrétienSy au Ueu de pouvoir avancer en rien, fe retiroient<br />
toujours , avec beaucoup de perte. Leurs Châteaux de bois,<br />
kurs BeUiers , ni leurs autres Machines , ne faffoient plus d'ef<br />
,. fet, foit qu'eUes fuffent mal placées, ou que l'incapacité de ceux<br />
qui les conduifoicnt y contribuât. LesAlfiégés, ni kurs Mu»<br />
raiUes , n'en recevoient prcsqu'aucune incommodité ;, pendant<br />
que ks Chrétiens emploïoient inutilement leur tems, Se leurs provifions,<br />
fans pouvdr en faire venu que très-diificflement, 6c<br />
que les Infidèks en recevoient en abondance<br />
Les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D É JE' R u s A L E M. Liv. V. CH. I. 30 j<br />
Les Hiftoriens Grecs, Se particulièrement NICETAS GONIETE<br />
rejettent toute la faute de cette mauvaife conduite, Se de ce peu<br />
de fuceès, fur les Latins; Se ceux-ci f attribuent, au contraire,<br />
entièrement a k maUce , Se à f ignorance des Grecs ; mais foit<br />
que les uns^ ou les autres, y contribuaffent, ou qu'fl y eût de k<br />
faute des deux Nations enfemble , fl eft fur que kurs attaques^<br />
6c leurs batteries mal concertées, jointes aux pluies exceffives,<br />
6e continuefles, qui furvinrent au mois de Décembre , ks obUgèrent<br />
d'interrompre leurs opérations, 6c les contraignirent à ne<br />
plus fonger qu'à fe garantir de la faim , qui les avoit rendus fî<br />
knguiffans, qu' à-peine pouvoient-fls fe foutenir.<br />
Les Affiégés ne négUgèrent pas f occafîon de profiter de leur gj^^^^^^"<br />
relâchement. Ils entreprirent de brûler la Flotte Grèque , qui trùiées, par<br />
étoit à f ancre dans la rivière , par le inoïen d'un gros bateau, ^'^^
2o6 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
ner. Ge fut tout ce qu'fls purent obtenir par un Traité ', fans<br />
quoi îls auroient eu bien de la peine à regagner leur Pays, tant<br />
ils étoient foibles, 6c abatus de leurs longues fouffrances.<br />
L'armée du Roi reprit le chemin du Défert, qu' efle eut le<br />
bonheur de traverfer, fans aucun inconvénient, Se arriva enfin<br />
F/S^Grè" * Afcalone. La Flottc Grèque , plus infortunée , fut furprife<br />
qwteflen- d'uucTempête, fi furieufe, que la plupart des Vaiffeaux fut enfa^Tmpête.<br />
gloutîe. Nouvcau malhcur, qui acheva de détruire ce que n'avoit<br />
pu faire le feu. Il ne retourna à Conftantinople , qu'une<br />
petite partie des Vaiffeaux , Se des Galères. L'Empereur fut fî<br />
fEmpereur cliagriu , Se fî dégoûté de cette malheureufe expédition , que,<br />
Emanuel. malgré ks fortes folUeitations du Roi de Jérufalem, Se les grandes<br />
promeffes qu'fl fitàPuiLiPPEde NAPLES, Ambaffadeur de ce<br />
Monarque, Se enfuite à lui même, EMANUEL ne voulut plus entendre<br />
parler , ni des affaires dEgypte , ni de celles de Palestine.<br />
Article III. Si la précédente entreprife d'ALME'Ri c fur VEgypte fut caufe<br />
de f établiffement des Turcs dans ce Roïaume, cette dernière<br />
les lui attira bientôt fur les bras. Ils défolèrent les Sujets, Se<br />
L Armée de IQ privèrent lui même d'une bonne partie de fes Etats. SA-<br />
Saladin ^ . niz-n-n i / /<br />
dansja LADIN, qui ue coulideroit 1 Egypte y que comme un dégre,<br />
Paleftine.<br />
II70.<br />
pour parvenir à fes vaftes deffeins, vouknt y donner f effort,<br />
Se fe vanger de l'affaire de Damiette , affura bien VEgypte de<br />
tous côtés , Se entra dans la Paleftine , à la tête de 40. mille<br />
Chevaux. Il fe jetta dabord fur le petit Château de Darony<br />
qu'ALME'Ric avoit fait copftruire , près de Gaza. Il fauroit<br />
emporté d'emblée, fans la hardieffe, avec laquelle ce Prin-.<br />
ce, foutenu feulement de 2 5'o. Chevaux, de 25*00. Fantaf^<br />
fins, 6c des Ordres Mflitaires , afla fe pofter à k vue des Ennemis<br />
, qu'il attaqua enfuite, avec tant de réfolution , que,<br />
malgré l'inégalité du nombre, fl en fit un grand carnage , 6c<br />
ks obUgea à lâcher prife. SALADIN, étonné du désordre de fes<br />
propres Troupes, 6c de la vakur des Chrétiens, fit fonncr k<br />
rétrai-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. I. 207<br />
rétraite, 6c marcha vers k Vifle de Gaza y qu'il fe flattoit de furprendre;<br />
Mais fl ne fut pas plus heureux, dans cette entreprife,<br />
qu'à celle de Daron. Les Templiers y qui défendoient cette<br />
Place, lui firent bientôt comprendre, qu'fl y perdroit inutikment<br />
fes Troupes, 6c fon tems. Cet Infidèky au désespoir ^^JJjyj?'<br />
de fon peu de foccès, déchargea fa colère fur les Fauxbourgs,>«5» *»«/<br />
Se les Campagnes, qu'il mit tous à feu, 6c à fang. Il paffa Sljrieenfuîte<br />
dans la Syrie-Sobal y qu'îl ne traita pas moins cruëfle- ^^^^•<br />
ment, 6c fe retira en Egypte y avec les'dépouflks de tant de<br />
pauvres malheureux.<br />
Dans cette même année, le Roïaume de Jérufalem y auffi ^i^JJ';^^<br />
bien que tous les autres Pays de VOrient y reffentirent de fi ter- "Ww der<br />
ribles Trem^blemens de terre, que leurs fecouffes violentes, 6c mens de<br />
redoublées, pendant tout l'Eté, enfévélirent un nombre infmi J'*"]^^.^^<br />
de Perfonnes,*fous les ruïnes des Maffons.. Diverfes Vifles, de jérafa*<br />
Bourgs, Se Villages, en furent renvcrfés. La célèbre Antioche<br />
y Laodicée de Syrie y Gaballay Alep y Se Emeffiy foufïrkent<br />
des dommages irréparables. La Vflle de Tripoli y en particuUer,<br />
en reffentit un û terrible, le 27. de Juin, au point du jour,<br />
que peu de Perfonnes, du grand nombre qu'efle renfermoit, en<br />
échapèrent, prefque tous les Edifices, même les Muraifles de k<br />
Vifle, aïant été renverfées de fond en combk.<br />
Ces terribles défoktions, que les Infidèles n'avoient pas moin»<br />
éprouvées, que les Chrétiens y n'empêchèrent pas SALADIN de<br />
fe remettre en campagne, avec une Armée, plus grande, que<br />
k précédente. Il rentra dans la Syrie-Sobal y où fl 'affiégea d'abord<br />
le Château de Montréal; mais, comme fl trouva cette<br />
Fortereffe, auffi bien munie, que défendue. Se que le Roi s'étoit<br />
avancé jufqu'au Ueu voifin, où habitoit autrefois finfenfé.<br />
Se impie NABAL CARMEIL, îl s'ennuïa de battre une Place, où Ravager<br />
il n'avançoit en rien, 6c fe contenta de ravager , Se brûler k.^^f^^^^_<br />
fon ordinaire les Campagnes, 6c les Ueux ouverts, fans que k jj|^'^'|j'"<br />
Roi pût y mettre aucun obftacle* En effet, les Troupes d'AL- souau*<br />
ME'-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
M8 H I S T O I R E G E'N E'R A L E<br />
M E'R I c étoient trop inférieures à celles de fon Ennemi, Se il<br />
craignoit de perdre fon monde, dont la défaite lui auroit été<br />
très-difficile à réparer ; d'autant plus que la Principauté dAntioche<br />
fe trouvoit, en même tems , remplie des Troupes de<br />
NORADIN, qui n'y faifoient pas moins de désordres que les Egyptiennes<br />
y aux environs de Montréal<br />
'Articleir. Ce fut ainfi que fe termina cette Campagne, ks Infidèles fe<br />
retirèrent fur leur terrain, 5c le Roi A L M E'R i c à Jérufalem.<br />
11 y eut le tems de réfléchir fur les fréquentes irruptions des<br />
Barbares y Se fur k mauvaife réùffite de f Ambaffade de l'Archevêque<br />
de Tyr, Se de l'Evêque de Ptolémaïde, en Europe,<br />
^'où, après deux ans de fortes foflicitations, ils n'avoient remporté,<br />
que de vaines efpérances, moins par raport à la défunion<br />
des Princes, que par la part que chacun d'eux avoit prife<br />
^!tïL ^^ Schifme, qui travailloit le St. Siège y Se toute X Italie y depuis<br />
glife. k mort d'ADRIEN IV. Le Roi fe trouva dans un grand embarras,<br />
faute de moïens pour leur faire tête. Il avoit perdu fef^<br />
pérance d'être fecouru des Puiffances d Occident ; Et fl fe voïok<br />
deftitué du fecours, qu'fl avoit autrefois reçu de THOROS,<br />
Prince d Arménie y fon Ami, 6c fon Voifîn. Lcs Etats de ce<br />
dernier étoient tombés après fe mort, au pouvoir de ME'LIER ,<br />
fon Frère, méchant, Se fcélérat, qui avoit apoftafîé, Se fiiit<br />
Rfliance avec NORADIN, après avou quitté f Habit de Templier y<br />
Se chaffe de la Principauté un de fes Neveux, à qui efle devoit<br />
appartenir.<br />
M E'L 1ER fe déclara même fî ouvertement, contre fOrdre<br />
qu'fl venoit de quitter, que, peu fatisfàit d'avoir ravagé les<br />
Maifons, 6e les Terres, qui lui appartenoient, fl pouffa encore<br />
fe cruauté, jufqu'à enchainer tous ceux de fes Confrères,<br />
qu'il put attraper, 6e à les vendre aux Infidèles. Tant de méchancetés<br />
obligèrent le Prince dAntioche y Se les autres Sdgneurs<br />
du voifînage, à prendre leurs armes contre cet impie,<br />
afm d'arrêter fes violences. Ils envoïèrent, en même tems,<br />
prier<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH.I. 209<br />
prier k Roi ALME'RIC de vouloir les féconder dans une affaire<br />
qui ne f intéreffoit pas moins, qu'eux; car cet uforpateur n'avoît<br />
pas plus d'égards pour fes Sujets, que pour ceux des autres<br />
Princes.<br />
Le Roi de Jérufalem y qui auroit fouhaitè ; d'appaifer , par<br />
les voies de la douceur, des troubles fî dangereux pour tous les<br />
Chrétiens du Levant y qui n'avoient déjà que trop d'Ennemis à<br />
rédouter, fe rendit k Antioche y pour tâcher d'y remédier;<br />
mais, reconnoiffant, que la douceur, ni ks Négociations, ne<br />
pouvoient rien fur feô)rît revêche du nouveau Prince dArméniCy<br />
fl fe joignit enfin au Prince dAntioche y Se aux autres<br />
Seigneurs, qui étoient déjà armés, pour afler le détruire.<br />
Us auroient facflemént accablé; ME'LIËR, qui étoît mû susre d'A<br />
fecondé de fes Peuples, fî NORADIN, pour faire diverfîon, rac,/.flr<br />
Se pour foutenir une Perfonne, dont îl avoit pris k défenfe,<br />
n'eût été d'abord affiéger k Vflle dAraCy Capitale de<br />
VArabie-Pétrée. A cette nouvelle, ALME'RIC quitta promtement<br />
V Arménie y pour aller fecourir cette Pkce, dont la confervation<br />
lui importoit beaucoup plus, que la pourfuite de<br />
V Arménien y qui s'étoit retiré dans les Montagnes, d'où fl<br />
n'étoit pas facile de le faire fortir.<br />
Quelque diUgence, que fït le Roi, pour afler fecourir Levée du<br />
AraCy il eut la fatisfàdion de n'y plus trouver d'Ennemis à '^^^*<br />
combattre, parce qu'EMPHROi de THORON, Connétable du<br />
Roïaume, qui étoit demeuré à Jérufalem y en compagnie de<br />
l'Evêque de Bethlem, Se de quelques autres Seigneurs, en étoît<br />
allé renforcer la Garnifon ; de forte que NORADIN, qui n'étoit<br />
aflé affiéger Aracy que pour délivrer fon AlUé du danger,<br />
où fl fe trouvoit, fatisfàit d'apprendre que les Chrétiens s'étoient<br />
retirés de V Arménie y s'en retourna k Damas y Se le Roi à<br />
Jérufalem y où, contre fon attente, fl trouva les affakes<br />
fort tranquiles.<br />
Dd La<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
2IO HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
La mort de NORADIN, qui arriva peu de tems après fon expédition<br />
dVAraCy procura aux Chrétiens la continuation de la<br />
même tranquflité, d'autant plus que l'avide SALADIN fe jetta<br />
d'abord fur le Roïaume de Damas. A L M E'R i c auroit pu profiter<br />
de la mort de fun. Se de f acharnement de l'autre, fans<br />
fembarras, Se le danger, dans lequel les Templiers mirent tout<br />
d'un coup, 6c k Cour, 6c l'Etat, par le fâcheux accident que<br />
je vais raporter.<br />
jf!t)^i>. OMif. .«o»». A9%1h 4.9^ih >«OS)i. A9ÇilU.!SJDvl08i)ii. jM>^ih v>i:06». .sXti^h. A9
DE JE'RUSALEM. LIV. V. CH. IL 211<br />
chofe au monde, qudque difficfle, 6c perifleufe qu'efle fût, qu'fls f",^ff;"'<br />
n'exécutaffent au moindre de fes ordres, jufqu'à fe précipiter vieux.<br />
eux-mêmes du haut de leurs Maifons, Se des Tours, au moindre<br />
fîgnal qu'il kur en faifoit. Par kur étrange foumiffion dans<br />
des chofes auffi barbares, que ridicules, ils s'étoient rendus redoutables<br />
à tous leurs Voifîns , parce que, lorfque quelqu'un<br />
d'eux déplaifoit à leur Fieux y fl confîgnoit un poignard à un,<br />
ou à plufieurs de fes Sujets, pour f aller affaffiner; ce qu'fls ne<br />
manquoient pas de faire, même aux dépens de leur propre vîe,<br />
qu'ils expofoient avec gaieté, 6c fens aucun ménagement. Ils<br />
étoient perfuadés, qu'fls fe rendoient agréables à Dieu, en fuivant<br />
exadement la volonté de kur Prînce: Et c'eft peut être,<br />
par k grand nombre de meurtres, que ces Scélérats avoient<br />
commis par fes commandemens, qu'on a donné dans la fuite le<br />
nom d Affaffins à ceux qui, comme eux, en commettoient par ^f^^2<br />
traiiifon, ou par fupercherie. fins-<br />
Parmi les cas furprenans, qu'on trouve, dans f Hiftoire, de<br />
f aveugle dévouement de ces Peuples aux volontés de leur Chef,<br />
on en voit un, qui arriva, lorsque HENRI , Comte de Champagne<br />
y paffa fur leurs terres, fous la bonne foi dun Sauf-conduit<br />
, pour afler de Tyr à Antioche. Il fut courtoffement reçu<br />
du Fieux de la Montagne ; C'eft aflifi que les Clorétiens mêmes<br />
le nommoient. Ce Chef, pour honorer le Comte, voulut f accompagner<br />
; fls pafsèrent à cheval fous une Tour, au haut de<br />
kquefle fe trouvoient plufieurs de fes Sujets; Se y pour faire voir ^<br />
au Comte leur foumiffion, 6c le pouvoir abfolu qu'fl avoit fur<br />
eux, il en appella un par fon Nom, lequel, fans héfîter im moment,<br />
fe jetta en bas. Se demeura mort, Se fracaffé prefqu'à<br />
leurs pieds. Le Comte, furpris d'un fpedaek fî barbare, craignant<br />
qu'fl n'en appeflât encore d'autres, le pria inftamment d'épargner<br />
la vîe à des gens qui lui étoient fî foumis, 6c fî fidèles.<br />
Les Affaffins fuivoient, depuis près de quatre Siècles, la Loi Reiiginn<br />
Mahomet ane y dont ils étoient même grands obfervateurs; Ce-f^s.<br />
Dd 2 pen-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
212 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
pendant, malgré la défenfe que porte cette Loi de fire aucun<br />
Livre, celui qui les gouvernoit du tems du Roi ALME'RIC,<br />
foît qu'il eût plus d'efprit, ou qu'fl fût plus curieux que fes Prédéceffeurs,<br />
aimoit les fciences, 6c s'apUquoit à la ledure des<br />
Livres qui pouvoient f inftruire, Se principalement à PHiftoire<br />
du Nouveau Teftament. Il y reconnut bientôt la différence,<br />
qui fe trouve entre la Sainte Dodrine de JESUS-CHRIST, Se les<br />
Fables que MAHOMET, 6C HALI, leurs Prophètes, leur avoient<br />
enfeignées dans VAlcoran. Ce Chef, fe reprochant d'avoir fî<br />
long-tems fuivi de fi faux principes, qui ne promettent que des<br />
récompenfes groffières, Se fenfuelks,; à ceux qui les obfervent,<br />
réfolut d'embraffer le Chriflianifme. Il commença à mftruire fes<br />
Peuples de la pureté des maximes de fEvangfle,6c à les desabufer<br />
des fuperftitions, qui fe trouvent dans leur croïance ; mais,<br />
fans vouloir d'abord fe fervir de fautorité qu^il avoit fur eux,<br />
parce qu'il étoît perfuadé, par la ledure de l'Ecriture Sainte,<br />
que la Religion, qu'fl vouloit leur faire embraffer, ne demandoit,<br />
que de la charité. Se de la convîdîon, de k part de fes<br />
Sujets.<br />
Comme il avoit affez d'efprit pour s'apercevoir que ce changement<br />
leur feroit utile, il envoïa d'abord un de fes confidens,<br />
Leur def Hommé BoADELLA, Hommc de pHideucc, Se de capacité, au<br />
fau-fchiér ^^'^ ALME'RIC, pour l'affurer, que, s'fl vouloit engager les<br />
tiens. Templiers à les décharger du tribut de 2Coo. Ecus, qu'fls s'étoient<br />
engagés de leur payer, afin d'éviter ks fréquens ravages,<br />
que ces Ciievaliers faifoient dans kurs Vaflées, à la faveur<br />
des Fortereffes, qu'fls poffédoient fur leur Frontière, luî, 6c<br />
tous Peupks, étoient difpofes à recevoir k bâtême, 6eàfe décla-rer<br />
ennemis de tous ceux qui n'étoient point Chrétiens.<br />
Générofité ' Ce Princc, quî rccounut l'avantage, que tout k Roïaume<br />
't^^Tmrke ^^ Jérufukm recevroit de cette union, ne balança pas à facri-<br />
%^%^' ^^^^ ^^^ propres intérêts pour la faire réuffir.Il s'engagea à payer<br />
*" '"^* lui même aux Templiers les 2000. Ecus de trfljut, 6c careffe extrè-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. II. 213<br />
trèmement l'Envoïé du Fieux de la Montagne, pendant plufîeurs<br />
jours, qu'fl le retint à fa Cour, pour achever un Traité fi<br />
avantageux. Il le renvoïa enfuite avec les mêmes honneurs,<br />
fans avoir jamais pu penfer, que les Templiers euffent des fentimens<br />
contraires à une œuvre f î femte, Se fi louable. Les ChevaUers,<br />
au contraire, qui ne comptoient pas trop fur les promeffes<br />
du Roi, plus fenfibks à un tribut, qui leur faifoit honneur,<br />
6e à la fujettion, dans kquefle fls avoîent feuls l'avantage<br />
de tenir ces Peuples cruels, 6c farouches, qu'à f augmentation<br />
de la Foi,, encore plus fcélérats. Se plus méchans qu'eux,n'eurent<br />
aucun égard aux fuîtes fimeftes, que pourroit avoîr une<br />
adion auffi criminefle, que cefle qu'fls méditoient. Ils aflèrent sariarie<br />
fe pofter aux environs de Tripoli y où ils affaflflrent BOADELLA, ^wTem-<br />
6c f affaffinèrent aux yeux même d'un Gentflhomme du Roî, qui ^ ^^"*<br />
Paccompagnoit.<br />
Une adion fi fcandaleufe, 6c û déteftable, renverfe entièrement<br />
fefpérance des Chrétiens y Se ks bonnes difpofitions du<br />
Prince des Affaffins. Il fut fi juftement irrité d'une entreprife,<br />
qui violoit le Droit des Gens, 6e la foi publique, fi révérée ^<br />
parmi toutes les Nations, que, bien loin de penfer davantage à<br />
,le convertir à la Religion Chrétienncy û ne refpira plus, que<br />
haine, Se vengeance, contre elle.<br />
Il n'auroit pas manqué de joindre fes armes à ceUes des autres<br />
Princes Infidèles, pour faire éprouver fon jufte reffentiment<br />
aux ChrétienSy ou, cc qui étoit encore plus à craindre, de fè<br />
fervir, comme à fon ordinaire, de k voie de f Affaffinat, pour ^^f"/"" *<<br />
fe défaire du Roi, Se des principaux Seigneurs de fon Roïau- rufaiein"<br />
me, fans k prudence. Se la promtitude, avec kqueUe ce Prin- v*j^u^^*li<br />
ce fapaife, en lui faifant connoître fon innocence , 6c fon ^'ntagne.<br />
désintéreffement ; l'affurant, que ceux qui favoient offenfé,<br />
en la perfonne de fon Miniftre, en feroient punis, par lui<br />
mêjne, fî févèrement, qu'fls ferviroient d'exemple à la poftérité.<br />
Dd 3 Le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
214 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Le Roi fe trouva fî intéreffé à ne pas laifler impunie fadion<br />
barbare des Templiers, qui avoient violé le Droit des Gens, 6c<br />
offenfé k Majefté Roïale, qu'fl fe mit en état de punir les coupables,<br />
comme fl l'avoit promis au Fieux de la Montagne ; mais<br />
il mollit dans k fuite. Se fe contenta de faire affembkr fon<br />
Confefl,! Il fit ; entendre à OTHON de ST. AMAND, alors<br />
Maître des Templiers y qu'fl prétendoit abfolument avoir à fa<br />
difpofition GAUTIER MASNILLO, Chevalier de fon Ordre, avec<br />
tous fes complices, pour les punir du crime atroce , qu'ils<br />
avoient commis en la perfonne d'un Minifire public. SAINT-<br />
AMAND , qui n'en étoit pas.ja:ioins coupable, que les autres,<br />
refufa de les livrer ; foutènant, que ces Religieux depcndoient du<br />
Pape feifl; 6c fl prptefta contre la violence du Roi. Surquoi<br />
ce Prince fe tran^Jorta à Sidon y où fe trouvoit MASNILLO: Il<br />
étoît aifé de le reconnoître, parce qu'il étôit borgne. Le Roi<br />
l'arradia, par force, de fa Maifon, 6c k fit conduire prifonnier<br />
à Tyr. Cependant, quoique, dans k commencement de fon<br />
Règne, il eût fait exécuter douze ChevaUers de cet Ordre, pour<br />
une affaire beaucoup moins criminelle, foit qu'il craignît f indignation<br />
du/S/. «S/V^^, dont SAINT-AMAND l'avoit menacé, ou<br />
qu'fl eût alors plus de ménagement pour une Religion, qui s'étoit<br />
rendue très-puiffante, ou que le bonJieur, qu'fl avoit eu<br />
d'appaffer le Fieux de k Montagne, l'eût rendu plus modéré,<br />
fl fe contenta de retenir long-tems le meurtrier en prifon, fans<br />
même rechercher davantage ceux qui l'avoient fecondé; 6c fl ne<br />
penfa qu'à engager tous les Seigneurs du Roïaume à faider, de<br />
tout leur pouvoir, dans l'entreprife de Belline y ou Céfarée de<br />
Philippe y qu'fl avoît méditée, pendant que SALADIN avoit des<br />
occupations, qui ne lui permettoient pas de s'y oppofer.<br />
Artickïi. il affembla toutes fes Troupes, ^Se accompagné des Barons<br />
du Roïaume, 6c des Ordres Militaires, il alla former le Siége^<br />
céfa'rée*, dc ccttc Placc. La Veuve de NORADIN s'y trouvoit enfermée.<br />
par Aimé-£jjç ^voitfur ks bras une partie des Forces de SALADIN, qui s'étoit<br />
déjà<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. V. CH. II. 21^<br />
déjà emparé de Damas, par k trahifon de fes Habîtans. Cette<br />
habile Femme, n'ignorant pas que f avarice étoît le foible<br />
dominant d'ALME'Ric, lui fit propofer une groffe Somme<br />
d'argent, pour l'engager à la kiffer en repos; mais, quelque<br />
touche qu'il fut de fes offres, fl affeda de les rejetter, dans<br />
l'efpérance, qu'en redoublant fes batteries,6c fes affauts, fl l'obUgeroit<br />
à les augmenter. Cependant, voïant le peu de foccès<br />
de fes attaques, 6c aïant reconnu, quelques jours après,<br />
que les Affiégés, encouragés par k prefence de leur Souve- -^^< *»<br />
raine, les rendoient prefque inutfles, il réfolut de rénouer fac- j^e^l^r^it<br />
commodément, Se d'accepter fargent qu'efle lui avoit offert ; ^^^^^^<br />
deforte que, fans fe mettre en peine des murmures de fArmée,<br />
ni de la nouvefle tache, que cette kcheté faffoit à<br />
fa gloke, fl s'en retourna à Jérufalem y auffi content dc fon<br />
expédition, que s'fl eût conquis k Place.<br />
Il eft vrai, que fe fatisfàdion ne fut ni complette, ni de<br />
longue durée. Il ne put fake aucun ufàge du tréfor qu'fl<br />
venoit de gagner, d'une manière fi préjudiciable à fon<br />
Roïaume, 6c à fon propre honneur. En arrivant à Tibériade<br />
y après fon expédition, fl y fut attaqué d'une diffenterie fî<br />
violente, qu'à peine lui permit-eUe de fe rendre à Jérufalem y<br />
où la fièvTC s'étant jointe à cette indifpofition, fl mourut le 13. ^^f'^<br />
Jufllet de cette même année 1173. âgé de 38. ans, dont fl en<br />
avoit régné douze, 6e fîx mois.<br />
Après les funéraflles de ce Prince, dont le corps fot inhumé<br />
à côté de fes Prédéceffeurs dans fEgUfe du St. Sépulcre; BAU<br />
DOUIN IV. du Nom, fon Ffls, qu'fl avoit eu d'AoNES DE<br />
CoLTiTENAi, fa première Femme, fut couronné dans le même^*^-<br />
Temple, avec beaucoup de pompe, 6: de magnificence. Ce Baudouin<br />
jeune Prince, qui n'avoit encore que treize ans, commençoit<br />
déjà à reffentir les effets de la terrible maladie, dont fl fiit affligé<br />
tout le tems de fe vie, 6c qui le mettoit hors d'état de foporter<br />
k poids du gouvernement. Ceft pourquoi ks Barons du Roiaume<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
2i6 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
me proposèrent dénommer un Régent, qui l'adminiftrât pendant<br />
quelques années : ce qui caufa des troubles,, 6c des désordres,<br />
qui ne contribuèrent pas peu à la ruine de fEtat. Qiielques<br />
Seigneurs prétendoient, que la Régence leur appartenoit de<br />
droit ; d'autres vouloient f emporter par brigues. La haine fe<br />
mêla à l'émulation, qui regnoit entre eux. Se leur fit facrifier<br />
k bîcn commun à leurs paffions particulières.<br />
MILON DE PLANCHI, Sénéchal du Roïaume, auffi préfomtucux,<br />
qu'infînuant, étoit û avant dans les bonnes grâces du<br />
TroîMes jeuue Roî, qu'il régloit prefque feul toutes les affaires. Il écar-<br />
/i7^"Te ^* ^^^^ même, autant qu'fl pouvoit, les autres Seigneurs d'auprès<br />
de ce Prince. Ils en furent fi irrités, qu'fls fe rangèrent tous<br />
du parti de RAIMOND , Comte de Tripoli. Ils s'affemblèrent,<br />
Se le déclarèrent unanimement Régent du Roïaume, pendant<br />
que MILON étoît aflé faire un voïage à Ptolémaïde y où il fut af^<br />
faffmé, fans qu'on pût jamais découvrir par qui, ni pour quel<br />
fujet.<br />
Le Roi, qui n'ignoroit pas, que la Régence appartenoit éffèdivement<br />
au Comte de Tripoli y comme fon plus proche Parent,<br />
approuva fe nomination, 6c l'inveftit d'abord de toute<br />
fautorité ; ce qui appaife, pour quelque tems, ceux qui afpiroient<br />
à cette Dignité.<br />
Article m. SALADIN Cependant continua à s'emparer des Etats du jeu-<br />
Entreprife uc M E'LECS AL A, Ffls de NoRADiN. Après s'êtrc rcudu maî-<br />
^^ Saladin tre dc la fameufe Ville de Damas y qui faprochoit entièrement<br />
Zs7eMé- des ChrétienSy fl avoit foumis toute la Province de la Célo-SyriCy<br />
lecfaïa. ^ ^^^^^ ^^^^^^ j^j^g VApaméCy où il s'étoit auffi emparé des Vilks<br />
dAman-Céfary appeflée communément la Grande- Céfarée y<br />
auffi bien que dEmeffe. Cette dernière avoit une Fortereffe,<br />
dans laqueUe s'étoient retirés les fidèks Sujets de NORADIN, Se<br />
de fon Ffls. Ils fe défendoient encore vigoureufement. Se faifoient<br />
des efforts incroïables pour conferver ce Fort à leur Maître<br />
». lorfque, de favis du Confefl de Jérufalem y le Comté de<br />
Tri-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D'E JERUSALEM. Lir, V.vCfr. Iî. 2I^<br />
Tripoli fe mit à^k-téte des Troupes du Roïaume, pour aller dé<br />
Uvrer cette Place, Se tâcher d'interrompre les progrès de ce ^<br />
Conquérant Jl ne couvenoit point .du tout aux Chrétiens.y<br />
qu'fl poffcdât VEgypte y 6c k iS;'H^ ; .mais fl étoit de kur intérêt,,<br />
que ces deux-Ro'iaumes fuffent occupés pas deux différens Maîtres<br />
; lesquels, quoi que d'une même Religion, ne laiffoient pas d'avoir<br />
fouvent des démêlés enfemble, qui procuroient ^.uxChrétiens<br />
des intervaUes de tranquflité, pendant lefquels fls pouvoient trouver<br />
les moïens de repouffer les attentats de l'un, iSe de fautre.<br />
: Cependant, qudque empreffemènt que témoignât le Prince<br />
RAIMOND de vouloir fe bien acquiter.de cette expédition, 6c<br />
quelque intéreffé qu'il y fût en effet, à caufe de k fureté de,fes<br />
propres-Etats, 6c de. celle detout le Roïaume, dont on venoit<br />
de lui confier la conduite, fl fe contenta >de fauver>les apparences,<br />
6c ne s'avança, que jufqu'au Château d'^r^^ï, fitué au pié<br />
du Mont-Liban y où.il csimpsL '•<br />
Ce fut-là, que SALADIN iui envoia fes Ambaffadeurs, avec<br />
plufieurs riches préfens. Ces Députés f affurèrent, de la part<br />
de leur Maître, qu'fl iui rendroit les otages, 'qu'fl avoît donnés<br />
à NORADIN, après k bataiUe d Arène y où .ce Comte avoit été<br />
fait prifonnier. Se qu'fl avoît laiffés en fon pouvoir pour fureté<br />
des quarante mille écus de.fa rançon. Il s'engageoit de plus à<br />
kii rendre les .otages, du Comte RAIMOND de Sydon, qui fe trouvoient<br />
dans le Château de Camélia, pour nantiffement de k<br />
rançon de ce Comte, 6c de fon Frère EUSTACHE, à.condition<br />
qu'il ne le troUbkroit point dans le fiége, qu'fl faifoit adueflement.<br />
Se quî.étoit déjà fort avancé, non plus que dans les autres<br />
entreprifes, qu'fl, feroit contre M E'L E es A L A. *<br />
Pour l'effaî de ce que le Comte de Tripoli devok faire un jour,<br />
au préjudice dc l'Etat, 6c de tous les Chrétiens de la Paleftine y<br />
après avoir été fpedateur delà prife du Château de Camélia y fens<br />
faire aucun mouvement, 6c après avoir reçu dc SALADIN les ôta^<br />
ges, qu'fl lui.avoit promis, avec quelques autreçprffonniers, dans<br />
Ee ' foa<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
218 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />
fon Armée, fl congédia toutes les Troupes, 6c fe retira lui<br />
même à Tripoli y afin de mieux faciUter les projets d'un Ennemi,<br />
qui ne penfoit pas moins à envahir ks Etats .des ChrétienSy que<br />
ceux des Princes de fa propre CTOïance.<br />
Il n'eut pas phitôt termmékfiqge du Château d^ Camélia y 6c<br />
affuré fes conquêtes, qu'fl alla à la rencontre de COTOBE'DI,<br />
Soudan de Muffuly qui s'avançoit avec une forte Armée au fe-<br />
ViBoire de cours de ME'LEC S AL A, fou Ncvcu. Il fe joignît aux environs<br />
^wcoi ^^^^P^ ^^ ^^^ Armées en vinrent d'abord aux mains. SALAbédi.<br />
DIN remporta une entière vidoire, foit par le bonheur, quî paroiffoit<br />
attaché à toutes fes entreprifes ; ou par k fécret, qu'il<br />
avoit de favoir corrompre tous ceux qui pouvoient contribuer à<br />
fes avantages. D affiégea enfuite cette grande Vflle, dont k prife<br />
devoit décider du fort de ME'LECSALA, qui s'y trouvoit<br />
enfermé.<br />
Les Maîtres des Ordres MiUtaires, Se les Barons du Roïaume<br />
, outrés de k mauvaife conduite du Comte de Tripoliy qui,<br />
trahiffant fi indignement la caufe commune, les livroit au plus<br />
redoutable Ennemi des Chrétiens y en firent leurs remontrances<br />
au jeune Roi, Se lui infpirèrent de fe mettre lui même à la tête<br />
de fes Troupes, pour tâcher de recouvrer quelqu'une des<br />
Places, dont SALADIN s'étoit emparé. Il étoit alors occupé au<br />
Siège fiége dAlep; 6e, pour groffir fon Armée, U avoit dégarni la<br />
d*Aiep. Province de Damas de gens de guerre.<br />
,174; • BAUDOUIN, qui, malgré fe jêuneffe, 6cfes indffpofitions, ne<br />
^TsTes l^ffoit pas d'avoir beaucoup de jugement, 6c dc courage, ne<br />
deux pré- balança pas à fuivre leurs avis. On fit raffembkr ks Soldats,<br />
Campagnes quc k Comtc de Tripolî avoit congédiés. Chacun fe mit en<br />
dodn^'iv. ordre. L'Armée Chrétienne paffa k Jourdain, 5c entra dans<br />
k Province de Damas; Mais, par maflieur, le Roi, auffi mal<br />
guidé, qu'fl avoit été confeillé, au lieu de s'attaclier à quelque<br />
entreprife utik, 6c confidérable, qui put obliger SALADIN à k*<br />
ver k fiége djlepy s'adiufa à faire ravager, 6c bçiler les campagnes<br />
j<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. II. 219<br />
pagnes; 6c, quoiqu'fl s'avançât enfuite jufqu'à D^m, qui n'eft<br />
qu'à quatre miles de Damas y -fans même rencontrer aucune op^<br />
pofition, fl n'ofa rkn entreprendre fur cette Vifle, 6c fe contenta<br />
de pfller plufieurs lieux ouverts, entre autres fe grofe JBoùrgdb<br />
Èed^enéy fitué au lâé du Mont-Liban, où ks ÔsfréHerts firent<br />
un butin très-corifîdérabk, par raport à la grande fertifité de ce<br />
fieu, qui rendoit fes Habitans fort opulens.<br />
Ce fut-là le fniit de la première campagne du Roi BAU<br />
DOUIN. Les Chefs de fon Armée furent caiâfe que la féconde<br />
n'eut pas un meilkur fucôès. Malgré k fecflité de feire quelque<br />
grand coup, pendant féloignement deSuLADW, 6c l'avantage<br />
qu'ils remportèrent fur SANSEDOL , fon Frère, qui com- ^<br />
mandoit à Damas y Se qui s'étoit avancé dans la vallée de Baccary<br />
avec k peu de Troupes qu'fl.avoib, pour s'oppofer là leurs<br />
ravages, les Chrétiens ne s'attachèrent ^u'à ravager cette grande<br />
vaflée, qifon prétend être Vltwrée^Traconitidey autrèfois<br />
Tétrarehie de PHILIPPE , Fils du vieux H E'R ODE, kquelle cft<br />
Dominée le Saut du Liban dans le Livre des Rois. Pays, qui<br />
par la-pureté de fon air, la bonté de fes eaux, Se k fortflité de<br />
fes campagnes, étoît rempU de gros Villages très-riches, 6c<br />
très-peuplés; 6cils y mh*ent tout en combuftion jufqu'à l'ancienne<br />
Ville dArhégàra y qu'on dit être fancienne PalamyrCy colonie<br />
des Phéniciens y ou, felon quelques Auteurs, la Ville de Thaâmùry<br />
qui avoît été bâtie par SALOMON. Les Chrétiens firent<br />
par tout des prifes très-corifiderables, foit en riches meubks,<br />
foit en prifonniers. Se enbêtafl. Se fe retirèrent à Tyr.<br />
Le Comte de Tripoli voulant, de fon côté, profiter de k<br />
fortie de l'Armée du Roi, fe mit auffi en c^npagne avec fes, •<br />
Troupes, entra dans k même vaflée, où fl fit fa part de butin.<br />
Voilà, à quoi fe bornèrent les entreprifes des Chrétiens y<br />
pendant que S AL ADIK faifoit des conquêtes auffi folides, qu'importantes,<br />
Se glorieiîfes pour lui, 6c pour fes Defcendans.<br />
On reconnut cependant que la makdie, dont k Roi étoit fi Artideiv<br />
Ee 2 crud-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
'420 HIST O IRE. G. E'N E'R. AL E"<br />
cruellement tourmenté, dès fa tondre jêuneffe,-étoit* la lèprej.<br />
uupreduce quî luî fit donner le nom de. Lépreux. Cette terrible infirdduinft<br />
iiaké le mettoit hors d'état d'agir; mais, n'ofànt-non plus que<br />
nmife/ie. .fon Confefl^ - remettre la Régence au Comté de Tripoliy ^>rts<br />
k mauvais iffage, qu'fl en avoit fait, les Seignors confefllèrent<br />
au Roi d'envoïer rechercher GUILLAUME LONQUE-EPE'E , pour<br />
le marier avec la Princeffe SYBILE, fe Soeur, Se lui confier f adminiftration<br />
des affaires, comme un vraî moïen de faire ceffer les<br />
prétenfion» de tous ceux qui y afpîroient. Ce Seigneur étoit Ffls<br />
du vieux Marquis de Montferrat,.6c s'étoit déjà acquis beaucoup<br />
de réputation;.<br />
Guiiiau-- GUILLAUME . n'héfita point à accepter une propofition auffi<br />
"»«^°'J"ç ^honorable,., qu'avantageufe.^ Il partît pour Jérufalem y dès<br />
Eggent de\qu^][ en reçut..avis.;. 6e fl ne tarda pas à confommer fon mariage<br />
^ **"*avec cette Prùiceffe.. Il prit en même tems. Se avec un «pplaudiffement<br />
univerfel, k conduite des affaires de l'Etat. - Le Roi<br />
lui. affigna en. dot les Vifles de Jaffa y Se dAfcaloney dont il <<br />
prit le titre de Comte. •' Mais 'il fembloit, que tout ce qui pou-<br />
«K)it contribuer à. rétarder la perte du Roïaume de Jérufalem y 65<br />
SgifMTt.^ à foukger le pauvre BAUDOUIN, devoit être d'abord renverféi<br />
Le Comte dey^^, dont on avoit conçu de fî grandes e§)éran«'<br />
cesj mourut à .AfealonCy trois mois après fon mariage, 6c laisfa<br />
k Roi, qui s'y trouvoit malade, dans la néceffité de recommencer<br />
à agir par lui même. Ce Prflice étoit auffi affligé de k perte<br />
de fon Beau Frère i qu'embarraffé d'un fardeau, qui ki étoit infuportabkv<br />
d'autant plus qu'fl fekit reprendre les armes, pour<br />
accomplir le Traité> renouvefléavec l'Empereur de Conftantinople, -<br />
Deffein i^: Ce Monarque, brûlant d'envie de tranfporter, -pendant l'ab-<br />
^^^^{ fexiceAe^ S Ai.Aïii^i là-guerre en Egypte y pour fe dédom-<br />
/«frïgyp;mager de laptrte, qu'fl.avoit faite defa-Flotte, quelques années,<br />
auparavant; avoit déjà, fait tous les préparatffs néceffair<br />
res pour cette entreprife.. ANDRONIC LANGE, ALEXANDRE DE<br />
P€JuiUE,-.6c JEAN SyATHifi., fes. Ambaffadeurs, étoient p^rtk -<br />
^ . * pour-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
• iD'E JE'RUSALEM. Liv.'V. CH.'ir. 2-i'<br />
pour Ptolomaïde 2ivec 66. Gîflères, & plufîeurs Vaiffeaux de<br />
tfanfport ; - 6e fls n'attendoient, que l'Armée de Jérufalem.<br />
Malgré ks*grandes douleurs, que reffentoit- BAUDOUIN, fl<br />
fe fit tranfporter dans cette G^itale ,t tant pour faire affembkr<br />
fes» Troupes," que pour y recevoir v avec plus de, commodité,<br />
PiiaiPPE, Comte de'Flandres^ qu'on y attendoit depuis<br />
long-tems , - Se qui venoit enfin d'aborder à Ptolomaïde é<br />
Le Roî> de l'avis de fes plus chers confidens, avoit réfolu n^^j/<br />
de lui remettre, non feulement le foin de la guerre d-Egypte\<br />
mais-encore k conduite de fes Etats.--<br />
Après cette déUbération , BAUDOUIN envoïa l'Archevêque Refus delà<br />
de Tyr\ au Comte de Flandres y pour luî offrir ces hautes ^^^J"'^.';,<br />
Dignités; mais, foit que PHILLIPPE n'eût pas deffein; depc, Cbmj^<br />
faire un long féjour en Paleftine y ou qu'fl craignît de ne JS.*"<br />
point''réùffir dans k guerre d'£^4^/f, par raport à la facflité,<br />
qu'avoient les Infidèles y d'inonder k Pays, il remercia<br />
k Roi de la Régence du Roïaume, Se du Commandement<br />
de fArmée,.au gjrand étonnement -de ce Prince, & de fon<br />
Gonfeil.'-<br />
Les Ambafladeurs Greès, qui- foflicitoîênt fortement cette '<br />
expédition engagèrent BAUDOUIN, dont la foibkffe du corps *<br />
ne donnoit-^aucune atteinte à la fermeté de fefprit, de fe difpo- '<br />
fer à y alkr ^n-'perfonne. Il l'auroit exécuté, pour s'aquiter de k<br />
parole qu'fl avdt donnée à-l'Empereur, fans que les mêmes ^<br />
Miniftres de ce Monarque, reconnoiffant, par la promte rétrai- "<br />
te du Cbmte de Flandres à Napouloufe y -6& par la compkifance<br />
que les prîndpaux Seigneurs du Pays avoient-pour lui, que<br />
le Rbi feroit mal accompagné dans cette- expédition, - 6e ne<br />
pOurroit faire aucun progrès confîdérable, le prièrent de remet*<br />
tre fon voïage à fannée prochame. - Ces ' Minifbres repartirent, -<br />
peu de tems après, pour Conflantinople y avec leur Flotte, pour<br />
informer l'Empereur, leur- Maître, du fujet qui ks avoit obUgé» '<br />
à-prendre ce partie-<br />
, Ee 3^ Leur •<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
222 H I S T O I R E G E' N E' R AL E<br />
Leur départ fit bientôt repentir le Comte de Flandres y natureflement<br />
inconftant, d'avoir été caufe du délai de la guerre<br />
d!Egypte. Il en fit témoigner fon chagrin au Roi, avec proteftation,<br />
que, fi fes affaires domeftiques ne fobligedient pas à<br />
repaffer en Europe y avant qu'il la commençât, fl ne manqueroit<br />
paà d'y afler. Se d'y prendre td emploi qii'fl plairoit à.Sa Majefté.<br />
Il faffura, que, pour réparer ce retardement, fl étoit<br />
{îrêt à k fervir dans telle entreprife qu'fl jugeroit à propos de<br />
faire contre les Infidèles. Comme cette foible fatisfàdion ne-Con>.<br />
tentoit pas fort BAUDOUIN, ni les Perfonnes édairées, qu'fl<br />
avoit auprès de lui; Se que, d'ailleurs, fl ne comptoit pas<br />
MépHi, beaucoup fur les engagemens du Comte, dont il n'ayoit que<br />
Ztin\» trop reconnu l'inftabiUté, îl reçut, d'une manière fort indiffélégéreté.<br />
fente, k propofition qu'fl faifoit d'attaquer les Infidèles, i<br />
janmon Lc Prînce dAntioch»y Se le Comte de Tripliy profitant<br />
^duPHnce ^^ ^^ rcfroidiffement, Se efpérant de fe fervir utflement des<br />
d'Antio- Troupes de PHILIPPE , engagèrent ce Comte à fe joindre à<br />
^Cmtefde ^^t, Se k Roi à kur acorder cent Cavaliers, 6e 2600. Fangipoii,<br />
taffins.<br />
Flandres, Lfes ChcvaUérs du Temple y Se de VHopital y foît pour ne<br />
Tem-" point demeurer dans l'inadion, ou pour accompagner le Com-<br />
Pjjg^'^ce de Flandres y qu'ils avoient toujours fiatté, voulurent être de<br />
taiiers. ^' là partk. Ils compofèrent tous enfemble une Armée affez forte<br />
pour entreprendre quelque chofe de confidérable, avec d'autant<br />
plus d'apparence, que, fur la nouvefle de la Ligue, que k<br />
Roi-de Jéruflikm tmit faîte avec fEmpereur de Conftaritinopk y<br />
SALADIN s'étoit racomraodé avec M^LECSALA, 6C avoit<br />
repaffé en Egypte, avec toutes fes Troupes, pour défendre ce<br />
Roïaume contre leurs attentats.<br />
LeComte de Flandres, Se ks Seigneurs de Pakftlne, au lieu<br />
de profiter de fébignement de ce Soudan par quelque entreprife.digne<br />
d'eux, ne s'amufèrent, qu'à ravager les environs des<br />
Vflles de Céfarée y Se de Camélia, ll eft vrai, qu'fls aflèrent<br />
enfui-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH.II. 22%<br />
enfuite attaquer le Château d Arène; mais fls le battirent, avec<br />
tant de lenteur, 6c avec fi peu d'ordre, que les Affiégés, quoiqu'en<br />
petit nombre, 6c fens efpoir de fecours, fe défendkent fi<br />
vigoureufement, qu'fls les obligèrent à abandonner Jionteufement<br />
ce fiége; Car, au lieu de s'attacher férkufèmcnt à réduire<br />
cette Place, les Seigneurs Chrétiens y négligeant entièrement<br />
leur devoir, perdoient leur tems en promenades contmueflcs du<br />
Qzmp k Antioche y qui n'en eft qu'à quatre Ikues. Les piaifirs, iWWi^enr<br />
qu'ils trouvoient en cette Vflle, les attiroient ; 6c s'y abandon-Q^^^J^„;<br />
nant fans referve, fls oubUèrent les fokis, les mouvemens, Se^^"^•<br />
fattention néceffaires, pour bien ràïffir à k guerre.<br />
Les Soldats, à fflnitation de leurs Chefs, avoient plutôt ks<br />
cartes, Se les dés à la main, que ks armes. Us ne fongeoient<br />
à rien moins, qu'à donner des affauts capables de pouffer leur<br />
ent|*eprife. SALADIN, qui n'épargnoit rien pour être informé<br />
des mouvemens des Chrétiens y aïant reconnu, par k rektion<br />
du fîége dA^ènCy que cette Fortereffe n'avoit rien à craindre;<br />
Se que, comme la Flotte Impériale étoît retournée à Conflantinople<br />
y fl n'y avoît aucun danger pour VEgypte y fe remit promtement<br />
en campagne, pour afler furprendre quelque Ville de<br />
la Pakfiine,<br />
'%V«iP'(?i»v' Ki)»»^•«>'Tiçoï-'-««(Ji.' «^AV^'«©«.iv 7(;çâfïcT(ï)"(îiv'(i^v^w!f*
224: HISTOI RE. G E' N E' R A ^L E<br />
fon mal, lorfqu'fl s'agiffok de laconfervation de fes Etats, fl<br />
affembk promtement*le peu de Troupes, qui étoient reftées à<br />
Jérufalem, 6c fe jetta lui même dans Afcalone. Ainfî, par fa><br />
diligence, il prévint fon Ennemi, lequel ' perfuadé qu'il en tenteoit<br />
inutilehient la furprife, fe campa aux environs de la Pla-,<br />
ce, dont fl ravagea les campagnes, &.mit toutes.ks habitations<br />
à feu 6c à fang.<br />
LeRoi, fenfiblement-touché de ces défoktions, réfolut enfin<br />
défaire une fortie avec le peu de Troupes, qu'fl avoit, pour tacher<br />
de les arrêter; Se y rempli de confiance en la protediondu<br />
Ciel, fl s'avança courageufement vers l'Ennemi:^ mais, confidérant<br />
enfuite, qu'fl y auroit plus de-témérité, que de bravoure, à<br />
l'attaquer avec des-forces fi inégales, -après quelques légères<br />
efe-armouches, fl rentra dans la Vflk; ce qui,rendit jes Infidèles<br />
encore plus hardis, Se plus infolens. Ms ferépandirent .dans tout<br />
4e Pays, 6c'le détruifirent avec tant de fureur, 6c de cruauté,<br />
DE JE'RUSALÏM. LIV. V. CH. IH. * 22^<br />
OTHON DE ST. AMAND, Maître des Templiers y qui, fur k<br />
nouvefle, que SALADIN avoit paffé le Défert, avoît quîtté le<br />
fiége d Arène y pour entrer dans Gaza, Le Roi arriva enfin à<br />
la vue de k nombreufe Armée de SALADIN, compoféê de 25".<br />
mifle Chevaux, parmi lesquds s'en trouvoknt 8000. d'éUte,<br />
nom^més WooffirSy outre mflle Qiiraffiers, qui fervoient de<br />
Carde de Corps à ce Prince Infidèky 6e qui portoient, comme<br />
lui, un furtout orange, couleiu -dont fl s'habifloît ordinairement<br />
en campagne.<br />
Ces Gardes, qu'on nommoit Catacauglansy ou MammelucSy Origi-<br />
^qui fignifie Efclave'domcftique y étoient des Enfans que les Sou- MammedanSy<br />
Se Gr%nd& d Egypte y faifoient élever avec beaucoup ^^^^\^cafoin,<br />
6c inftruire au maniement des armes, foit qu'ils nâquifferit "•«•<br />
deJeiirs Concubines, ou qu'ils les fiffent acheter des Nations<br />
étrangères; de forte qu'accoutumés, dès leur -enfance, aux • •<br />
exercices MiUtaires, .Se encouragés par la folde, qu'on leur<br />
payoit, lors qu'ils avoient atteint l^ge viril. Se par les emplois,<br />
qu'on Jeur donnoit,. pour recompenfer leurs belles adions, ils<br />
devaioient la plupart fi vaillans, 6c fi intrépides, que c'étoit en<br />
leur Corps, que les.Sof^/^wj mettoient leur plus folide e^érance<br />
dans les bataifles. Auffi, cette Milke fe reiidit fi pmffante, 6c<br />
firédoutabk dans la foite, qu'elle iufurpa enfm la fouveraineté de<br />
VEgypte y dont efle a été en poffeffion depuis fan 125:0. jusqifen<br />
l'y 17.* que S^IIM premier, Empereur des Turcs, défit les<br />
deux derniers Soudans de cette valeureufe race, l'un nommé<br />
CAMPSON-GURRI, au quel il fit couper k tête, 6e l'autre Tou-<br />
MON-BEIG , qu'il fit pendre à une des Portes du Caire. C'eft ainfi<br />
que fmitle Nom des AtammelucSy £e que VEgypte chingea de<br />
Maître.<br />
Cependant^ comme, fous le Règne de "SALADIN, cette Mi- Défaite de<br />
Ike ne faffoit que de naître, fl, ne faut pas s'étonner, fi, quelques ^*1*'^"'braves<br />
qu'fls fuffent déjà, fls ne purent lui feuver l'affront d'une<br />
Ff " défai-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
226 • H LS T O I R E G E' N E' R A L E<br />
défaîte, d'autant plus Jionteufey qu'il avoit huit daviers à: Dp*'<br />
pofer à un feul de ceux du Roi de Jérufalem,<br />
Ce Prince 6e toute fa petite Armée, juftement irrités des ra.*<br />
yages, Se des incendies, qu'ils voïoient de toutes parts. Se. également<br />
animés par ies exhortations de leur Souverain, qui><br />
malgré fon infirmité, kquefle ^'augmentoit avec l^ge, s'expofoit<br />
fi généreufement, pour les délivrer des Barbares y Se<br />
par k vue du fecré Bois de la Croix y qu'ALBERT, Evêque<br />
de Nazareth y portoit devant eux, affaflUreot l'Armée ennemie,,<br />
avec autant de gaieté, 6c de hardieffe, que fi la partie avoit»<br />
été égale. Ils eurent le bonheur de renverfer le» premiers<br />
" Efcadrons,, enfoncèrent les fecdnds, 6e mirent entièrement en<br />
déroute les fuïards. SALADIN ks fit recueillir des campagnes,,<br />
où ils étoient épars. Se ks ramena à la charge lui memèi-<br />
Mais, enfin, fortifiés par k DieiL des Armées, ^, dant<br />
cette occafion,' fit renaître en eux les mirades furprenans de<br />
G E'D E'O N , Se de fès autres anciens Serviteurs , iksqaels,.<br />
par fba affiftance plutôt, que par leurs propres forces,<br />
avoient fak des adions prodigieufes, 6c obtenu de& Vidoi*<br />
res, qui fearorit à jamais:^ôrieufes à leur mémoire, ksC^r^v<br />
tiens firent* un carnage fi eSrdizble, dos* Infidèles y que ceu3><br />
ci kur abandonnèrent le champ de bataflle, 6c pirirônttous:<br />
une firite précipitée. J<br />
Mfe famé hts Chrétiens ks pourfuivîrent à outrance depuis le Monlgi*<br />
m^^y^ie. fard y où fe donna cette mémorable batailk jufquîau l*tfte,<br />
ûomftié VEtang des étoumeauXy^^. qui en eft à quatre Ueues,-Se<br />
en firent un fi grand maffacre, que, fi la nuit ne fut fuivenue,.<br />
k gran^ Armée de SALADIN auroit entièrement péri II eut<br />
bien de la peine à fe feuver lui même, avec une centaine de fes<br />
mdlkurs CavaUers, qui le firent monter fur un Dromadaire , p»<br />
lequel fl fut porté, en peu de jours, en Egypte y auffi mortifia<br />
ie h perte qu'il venoit de faire,, qu'ûrité contre. fesEnnemk.,<br />
Ap.rès<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
• ÎDE JE'RUSALEM Lïv. V. CH. IH. 227<br />
Après cette fignalée Vidoire, le Roi fe retira à Afcalone y<br />
•pour y attendre les Troupes, qui avoîent pourfuivi les fuïards.<br />
Leur retour couronna fon triomplie. Il eut la fetisfadion de les<br />
vok arriver, tous chargés des dépouilles des Infidèks, Il n'y<br />
eut aucun Soldat, qui n'entrât dans la Vflk, fens avoir à fa fuite<br />
efclaves, chevaux, 6c ibagages ; 6c k perte des Chrétiens ne fe<br />
trouva que de cinq CavaUers, 6c très-peu d'Infanterie, Auffi, ce<br />
bon Prince ne pouvoit fe laffer de rendre de très-Iiumbles adions<br />
de grâces au Tout-Puiffant, d'admirer les effets furprenans de<br />
fil providence, 6c dans l^xcès de fa contemplation, d'exhorter<br />
tous les ^Seigneurs, Se les Soldats, de lui adreffer des vœux fin^<br />
a2a H i s T OI R E G E'N E'R AL E,<br />
Levée du efpérer, quc, pour comble de joie, il auroit bientôt la fatisrène,pflr/e<br />
fàdic»! d?apprendre la reddition du Château. d'u^^«^, dont le<br />
FS/^ fîége occupoit toujours le Comte de Planètes y Se ks autres ScigneiH:s,<br />
qui l'avoient entreprk; mais, foit que ce Comte eut<br />
conçu de k jaloufîe, pour la gloire, que BAUDOUIN venoit d'acquérir,<br />
avec une poignée de monde; ou qu'fl fut chagrin du peu<br />
de progrès, qu'il avoit fait lui même , avec une Armée, beaucoup<br />
plus confîdérable; ou enfin qu'il dcfefpérât entièrement de<br />
réùffir dans * fon- enti-eprife , il abandonna ce fîége , malgré les^<br />
remontrances du Comte de Tripoliy Se du Maître dés: MofpitffiierSy<br />
qui firent tout leur poffible pour fen diffuader,<br />
, ji^g . Enfin le Comte de Flandres de retour k^Jérufalém^ y cdé^<br />
Sm retour hra kPâqiic, 6e s'embarqua quelques jours après k Laodicée y pout<br />
Etats." s'en retourner danSr fes Etats, laiffent tous ks Chrétiens de la<br />
Paleftincy auffi fcandalffés de fa conduite,; 6c dé fon inconllance„<br />
qpe k Roi peu fatisfàit en fon particulier. Tout favantage qj.iele<br />
"Prince dAntioche recrut d'avoir engagé ce Cemte à faire k..<br />
guerre fur ks confins de fes Etats, dans l'efpérance de po^ifc.<br />
voir réùnk à fe Principauté quelqu'une des Places, qui eiL<br />
avoient été démembrées par les Infidèks.y n'aboutit qu'aune<br />
fomme d'argent, qu'fl reçut des Habitans d'-^r^,. avec les^<br />
quels fl eut Mdreffe de s'accommoder, fitôt qu'i^reconnut, que<br />
PHILIPPE avoit réfolu d'enlever k fiége. A' fégard du Roî, qui<br />
avoit auffi reconnu, par le mauvais foccès de leur entreprife,<br />
quil ne-devoit compter, que fur cc qu'il pouvoit lui même, H<br />
emploïa- fes Troupes à k confbudion d'un Fort fur la'rive du<br />
Jourdain y à fèndroit nommé le Gué de Jacob y qui eft entre<br />
les Vifles de-Panée y Se de Nephtaliy pour tenir en bride ceux<br />
de la Province de Damas, On travaflla à ce Château, avec tant<br />
d'affiduité,. 6c de diUgence, qu'fl fut en état de défenfe. en<br />
moins de fix mois. Il le remit à la garde des Templiers y qui<br />
poffédoient^ une bonne partie des Terres, où fl étoit fîtué.<br />
. Il n'y avoit encore, que deux mois que cette Fortereffe étoit<br />
adievée><br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JEU US A LE M. LIV. V. CH. IIL 2 25^<br />
achevée, lors que SALADIN, qui avoit remis fiir pié une nouvefle<br />
Armée, vint l'aflïéger. È la battit, jour, 6c nuit, avec<br />
tant de fureur, que les Affiégés, accablés par une grêle continuel<br />
fc de pierres, ne pouvoient plus fe montrer aux défenfes y Se<br />
étoient prêts àfuccomber, quand, par un coup-de bonheur, RE'-<br />
GNiER DE MARON tira une flèche, qui tua un dcsprindpauxOfiiciers<br />
des Ennemis, nommé JARON. SALADIN, plus fenfible à la perte<br />
de fon Favori, qu'à fefpérance de fe rendre maître de laPlaccj<br />
cn abandonna k fiége, Se afla fe camper avec toute fon Armées<br />
entre la Ville de Belline y Se k Fleuve Dam: A peine y fut-fl<br />
arrivé, que,'J)Our appaifer fa douleur. Se commencer àfe vanger»<br />
de la mort de fon Ami, fl envoïa la plupart de fa^ Cavalerie,<br />
ravager les Pays dîalentour. Les Ckmeurs du Peupk obligé^<br />
ient kRoi^ à. fe mettre en campagne, pour arrêter k cours<br />
de cette irruption.<br />
BAUDOUIN pafïà promtement les Vifles de Tihérfadcyde Saphefy Défaite sde<br />
Naaffon, 6c le Château de Thoron, Se s'avança jufqu'à. Jt^rf* Sa'celui<br />
de Meffaphar, fkué au fommet de VAntiliban , d^où îi ^^^^^<br />
découvr^^ît toute k plaine, k camp de SALADIN , 6e^ les dégâts,<br />
qu'y faifoié fa Cavalerie de tous côtés. Comme efle s'écartoit<br />
beaucoup du gros de V Armée Egyptienne y le Roi, 6c tous k»<br />
Chefs, jugèrent à propos d'en profiter; mais ils defcendirent<br />
dans la plaine avec tant d'empreffement, qu'il fut impoffible k<br />
kur Cavalerie de les fuivre. Cependant, foit par hazard, ou<br />
par prévoïance, ils fe poftèrent fort avantageufement. La Cavalerie<br />
Eimemie avoit paffé la Rivière, qui' féparé le territoire<br />
ds Sidon de la plaine j de forte qu'efle tomba juftement au mflieu<br />
d'eux; 6c, dans la confternation que cette rencontre inopinée^<br />
lui caufa, ks On^étiens h. défirent entièrement.<br />
. Mais fls firent un fî mauvais ufage de cet heureux commence- NéeUgenment,<br />
qu'ils n'eurent pas Iku de s'euréjemir, comme de k ba- ^éf^"^^<br />
taille de Montgifard; car, au lieu de fonger, qu^ils n'avoient«audoui»»^<br />
latu qu'une petite partie de l'Armée Ennemie, 6c qu'fls avoient<br />
•^'.. Ef 3. «DUÇ<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
a^^. H IS T O r R E C f.'V E'R ALE<br />
^out k craindre de l'autre, ik s'amufèrent, k^ uns à partagea<br />
ries.dépouifles des Infidéks , & les autres à fe- i-epofer avec<br />
autant de .tranquilité, que s'fls n'euffent eu plus rkn à faire.<br />
SALADIN, qui, dès leur approche, avoit fait tranfporter foa<br />
gros bagage à Belline, pour être plus ,à portée d'accourir où<br />
befoin feroit, >6c qui s'étoit enfuite avancé, pour foutenir fa<br />
iCavakrie^ profita fi l>ien de leur négligence-, qu'fl ne tarda pas<br />
it fe revanger du mafïàcre des fiens. 11 trouva les Chrétiens fî<br />
écartés fes uns des autres, qu'il* leur fut impofl&bk de fe rallier<br />
.affez tôt, pour réfifter il fe&reur. Il ks dardoit de tous co-»<br />
«tés. La Cavalerie: Chrétienne .n'avoit pu couvrir TInfanterk,<br />
qui, en^iefcendantde la Montagne, s'étoit campée près de la Rivière.<br />
Elle prît k fmte avec tant de précipitation, qu'efle entrai-^<br />
iia k refte de l'Armée, 6c caufe k maffacre, ou k prife dHi*<br />
:grand nombre de Perfonnes de diftindion. BAUDOUIN, Comtd<br />
•de Rama^ HrouES DE TIBC'RIADJ:., 6C OTHON DE<br />
SAINT-AMAND, Maître des Templiers y furent du nombre<br />
=des derniers. Le malheur,' Se la défaite des Cibr^/^i fut ficoniidérabk,<br />
qu'fl n'y eut queceux qui fuivirent le Roi, le Comte<br />
de Tripoliy Se JAUBERT , Maître des Hofpitalkrs, qui, après<br />
avok traverfe la Rivière, gagnèrent le Château de Beaijfort^ Se<br />
eurent k bonJieur de fe fauver, ^utre queîques-ims qui prièrent<br />
la route de Sidon. «Ceux qui voulurent régagner les Mon*<br />
tagnes y furent tous taiflés en pièces; ce qui mit SALADIN en<br />
état non feiflement de pifler., M fon gré, tout le j^at-pays, mais<br />
encore d'î^aquer ks meiUeures Places du Roïaume. ,<br />
Le Roi, qui n'avok pas, comme lui, la facflité de remettre<br />
fon Armée for péé, par raport à k petite étendue de fes Etats,<br />
dont plufieurs Sdgneurs pîutageoient l'autorité;, 6c avoîent leurs<br />
Troupes à parf^ ne put ranimer le courage de fes Sujets, ni mettre<br />
©bftade aux prc^rès, 6c à la puiffance de fbn Ennemi; de<br />
forte que celuÎTci, peu après fe Vidoire, alla dc nouveau affiéger<br />
k Château du Gué de Jae0k, H l'emporta de vive force^ le<br />
fit<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
"DE 'JE'RUSALEMT Liv. V. CH. III. ' 2jv<br />
fit* rafer jufqu'aux fondemens. Se pa£Èi au fil de l'épée, ou<br />
conduifit en efckvage tous lès Habitans, fens que BAUDOUIN ,<br />
qui s'étoit mis en campagne, avec HENRI, Comte de Champagne<br />
y PIERRE DE COURTÈNAI, Frère du Roi de Franccy PHI<br />
LIPPE, ^lu de Beauvais y 6c phifieurs autres Seigneurs JV^^w/wi^<br />
qui venoknt d'arriver^ puffent y venir afferà tems-, pour en<br />
empêcher la prife.<br />
Tant de malheurs, joints aux grandes infirmités de BAU<br />
DOUIN, commencèrent à le rendre -extrêmement inqmet, 6c<br />
foupçonneux. Il craignoit mêm$, qu'on-ne rejettât fur ki tous<br />
ces contretems fâcheux., 6t ^'on ne le crût incapabk du<br />
gouvernement, d'autant plus que fe Duc de jBowr^^w^, à qui<br />
il avoit fait propofer,. dès fannée précédente, k Princeffe'<br />
SYBILE en markge. Se fur kqwel il comptoit de fe repofer<br />
pour Jes affaires de l'Etat, fembloit ne plus penfer à cettt<br />
Afliance, malgré la pairok d'honneur, qu'il en avoit donnée<br />
aux Miniftres du Roi; foit que la confîdération' d'un<br />
Fils, que SYBILE avoit déjà de fon préiaikf mariage, fen détournât,<br />
ou qu'fl eût qiielquc! afutre raifon pour ne point quitter<br />
VEurope: /.<br />
Les inquiétudes du Roi redoublèrtne^, krs qui! ftit'informé y<br />
que k Prmce d^Antioche y Se le Comte d^HripeU éCoient entrés<br />
dans fes Etats avec feurs Troupcs; Il craignoit ^akmesït kurs<br />
forces, 6c kufs brigues, fur ce qu'ils pouvoknt' s'eiapsirer'^<br />
du gouvernement du Roïaume. Iî' en doit fî aflarmé, que 5<br />
pour fe délivre* de'ces nouveaux chagrins, 6c faire caffer les<br />
prétenfions de pîufiaips Grands, qui a^iroknt afu markge de<br />
k Princeffe, fa Sœur, fl k maria, tout d'un coup^ à Gui DB<br />
LUZIGNAN, jeune Seigneur ftui«içois?5 Fik deHu«tJES LE BRUW,<br />
iffu, felon q«cl(juès Auteurs, des anciens Rois àeBomgpgm: Il -<br />
fei affigna en dot ks Comtés dé Jaffa y Se df^alone, comme<br />
il favoit déjà fait à Yéga.râ deGuiLLAPMBLoNGU E-E'P E'E, ^^.^^ ^,<br />
premier Mari de fa Sœur. Il réfignâ en même tems à Gui k Régent du<br />
T> ' « Rttaumede<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
232 H Î S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Régence du RoJÉaume, dans l'efpérance qu'fl auroit d'autant plus<br />
de valeur., 6c de courage, qu'fl étok jeune^ robufte. Se bienfait<br />
.de fa perfonne, 6c qu'fl empêcheroit non feiflement ks attentats<br />
des Barons de la Syrie fur la Couronne, mais qu'fl la<br />
defendroit encore contre ceux des Infidèks.<br />
Cependant la tranquilité, que BAUDOUIN efpéroit de s'êtare<br />
procurée par le mariage de k Princeffe, fa Sœur, 6c par le<br />
choix qu'fl avoit fait de Gui DE LUGIGNAN, ne fit au contraire<br />
qu'augmenter fon trouble, j& fes*embafras domeftiques, 6cmet^<br />
tre la difcorde, 6e la ;défunion^ans ;tout le Rokume.. ; .<br />
Les Seigneurs du pays, fâchés que ce Prince kur eût préfé»<br />
ré un jeune Etranger, n^avoient aucune confidération pour fa<br />
Perfonne, ni pour fon ifluftre Maifon , dont les Ancêtres ayoient;,<br />
en divers-tômsi, f)uifkimment feicouru la T^r^-^-^^/»/^, 6e fait; de<br />
fi befleS* adions pour k: fervice, Se l'utilité de fes Hal^itans. Ils<br />
le méprifoient auffi Ubrem^it, 6c pubUquement, qu'fls blâ-^<br />
moient le Roi d'avoir fak cette alliance, ,6c de lui avoir confié<br />
k maniement des affaires. Us firent .enfin tant, par leurs discours<br />
malins, ;6e envenimés, qu'ils rendirent Gui très-fo^ed; k<br />
BAUDOUIN. Quelques Hiftoriens prétendent, que GUILLAUME,<br />
Aiîchevêque de Tyr, alors Chancelier jdu Roïâutne, qui n'aimoit<br />
pas Gu^, contre l'efprit de paix, 6c decharké, qui doit<br />
toujours régner dans le cœur dun Eccléfiaftique, ne laiffok<br />
échaper aucune occafion de le.deffervir, 6e 4e k rendre odieux<br />
au Roi, Se à toute la Cour. >••• j v.<br />
Le Comte de Champagne y /Se ks autres SégviGuxs François y<br />
qui fe trouvoient encore ^ Jérufalem, reconnoiffant par tous les<br />
mécontentemens publics Se particuliers , „ qu'on n'entrepren^<br />
droit alors rien fur les Infidèles y Se que leur féjour en Paleftine<br />
feroit inutile, ^n partirent, après avoîr vifite les fàints Lkux,<br />
avec une dévotion exemplaire; mais, comme fls s'arrêtèrent<br />
qudques jours à Tibériade y ils eurent le bonheur de CQnferver<br />
^5tte JPl^cC;, que SALAPIN vo^iloiit furprendre,.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. III. ' ^33 ^<br />
Le Roi avoit été informé, que ce Soudan attendoit une Flotte<br />
d'^^y/>/^, compoféê de cinquante galères, 6c de plufieurs<br />
autres bâtimens. Il en craignoit d'autant plus l'arrivée, Se les<br />
entreprifes, qu'il étoît trop foible pour les empêcher ; 6e, fur<br />
les foupçons qu'il avoit conçus de fon Beau-Frère, il apréhen- ,<br />
doit également de luî confier le commandement des Troupes.<br />
Cette perplexité lui fit prendre le parti de propofer une trêve à<br />
SALADIN, qui étok campé.à Panée. II fe flattok, que fon peu<br />
de foccès fur la Vifle de Tibériade y 6c la grande difette, qui<br />
regnoit alors dans tout le Roïaume de Damas y où fl n'avoit'<br />
point plu:depuis cinq ans, le porteroit à l'accepter.<br />
Il ne fe trompa point, quelques fiipérieures que fuffent les Trêve, conforces<br />
de rcet Infidèle à cefles des Chrétiens y fétat déplorable, B^d"u7n<br />
dans lequel la féchereffe avoit réduit tout ce pays-là, où fon ne £f Saia- '<br />
trouvoit plus aucun aliment pour les Hommes, ni pour ies Bêtes , "*'<br />
fit qu'fl écouta favorablement les Ambaffadeurs de BAUDOUIN,<br />
-6c condut avec eux la trêve qu'fls lui propoferent, tant par mer,<br />
que par terre, fans pourtant vouloir rien relâcher de tout ce<br />
qu'il avoit enlevé aux Chrétiens, ni même comprendre dans ce<br />
Traké k Prinop^té dAntioche y ni le Comté deTripçliy qu'il<br />
•regardoit comme des Provinces entièrement détachées du Roïaume<br />
de Jértifê^em,<br />
Ces conditions n'étoient pas fort honorables pourBAUDOUiN^ "7f.<br />
puifque jufqu'alors fes Prédéceffeurs n'avoient fait aucun accommodement<br />
avec les Infidèks y fans en retirer quelque avantagé;<br />
mais les affaires avoîent cliangé de face, Ils n'avoient jamais eu<br />
un SALADIN en .tête; 6c,. .lor? qu'ils avoîent eu à difputer contre<br />
NORADIN, Roi de Damas y l'^n de leurs,plus fameux Capitaines,<br />
ils étoient /çn paix ^vec VEgypte y qui4toit même tributaire<br />
dc y
234 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
vakur, le courage, Se là dffcipUne de kurs Troupes l'aïuoienfe<br />
emporté fur la multitude de leurs Ennemis; 6c•• SALADIN n'auroit<br />
eu que la gloire d'avoir fiibjugué ks Princes de fa croïance;<br />
Témoin la crainte, 6c la précaution, avec kquefle, après la<br />
Paix de Panée y il alla attaquer la Vifle de Tripoliy où, quoir<br />
qu'apuié de fa Flotte y qui avoit abordé à Baruth y .6c qui s'étoit<br />
enfuite rendue for les Côtes de ce Comté, fl détadia encore une<br />
partie de fa Cavalerie, pout afler ravager les campagnes. Se<br />
s'affurer des chemins par où fl devoit paffer ; Se enfin, quoique<br />
parvenu à fe camper entre les Troupes duComt& de TripoH y Se<br />
ks Ordres Militaires, qui poffédoient quelques Terres, 6e.Châteaux<br />
dans le voifînage, 6c que fon Armée Navale fe fût même<br />
emparée de file de Tortofe, fl n'ofa jamais attaquer les Tripoli-<br />
Retour de tains dans leurs murs, 6c borna fon entreprife au dégât de leurs<br />
^danÎ7es campagncs ; après quoi fl renvoïa-fe Flotte en Egypte y Se fe re^<br />
Etats. tira luî même fur fes Terres. • - .<br />
Racomm- ^ L'alkrme, qu'fl avoit donuêe auComté deTi^^i, 6ek ra^dément<br />
en- ^^ÇTQ qu'A avoît fait daus fes Etats, lui faifant apréhender une<br />
treleComte o ^ ^ -i i r t n i ^ i<br />
deTi-ipou, fecoudc uruption cucore plus grande, k nt rcfoudre a recher»-<br />
^,^*'*" cher f amitié de cet InfÙlèky Se à s'accommoder avec lui, à<br />
II80. quelque prix que ce fot^ Comme ^^/»w«^ n'étoit pas fort fcnir<br />
puleux , il en vint facilement à bout ; mais ce ne fut que par de<br />
Toks, qui, dun côté, affufoient fes Etats, 66, de fautre, lui^<br />
feifoient fi3rt peu d'honneur, comme on le verra par la fuite.<br />
La-Cour de Jérufalem y fut fort fenfibk; 6c k crainte qu'elfe<br />
eut, que la difcorde, qui regnoit alors entre le Prince dAntioche,<br />
Se le Patriarche de cette Ville, ne portât ce Prince à<br />
-. fuivre l'exemple de fon voifîn, en difant auffi fa Paix avec SA^<br />
LADIN, fk que le Roi y envoïa , fans déki, k Patriardie de.<br />
Jérufakmy RAINAUD DE CHATILLON, ROGER DE MOULINS,<br />
Maître de VHopital; 6c ARNAUD DE TORGUES , Maître des Tm-^<br />
ftiers y 6c Succeffeur dOTsoNDE ST. AMAND, mort en captivitéi<br />
Le Roi ks avok chargés de tâdier d'apaifèr k fcandak, Sek<br />
défor:-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
j)E JE'RUSALEM. Lnr. V. CH. IIL 53^<br />
defordre, que caufoit l'interdit, 6c f excommunication, que k<br />
Patrkrche dAntioche avoit fulminée contre le Prince, à caufe<br />
jqu'fl avoit répudié Théodore y fa Femme, Nièce de fEmpereur<br />
de Conftantimpky pour en prendre une autre nommée SYBILE.<br />
Us dévoient,» en même tems, faire eeffer k faifîe, que le Prince,<br />
de fourcôté, avoit faite de tous les Bkns Eccléfiaftiques, 6c<br />
ies violences qu'fl faifoit à tout le Qergé; ce qui ne pouvok<br />
-avoir que de très-fâciieufes fuites pour les uns. Se pour ks<br />
autres.<br />
Ladextérké, avec laqudle les Députés de Jérufàkm zgi-<br />
Tent auprès d'eux, les porta enfin à fe donœr une réciproque<br />
^tisfàdion, au grand contentement de tous ks P-euples de k<br />
Principauté, qui, au milieu de ces démêlés, vivoient privés des<br />
•Sacremens, 6c des Offices Divins.<br />
LeRoi BAUDOtumaprit avec urie égde fatkfadion, que cette<br />
-dangereufe difcorde avoit été terminée; 6c que k Paix avoit<br />
été rétiibUe dans un Pays, qui n'étok déjà que trop défolé par<br />
ies fréquentes courfes des Infidèks: Mais, comme ce Prince infirme<br />
étoit, en même tems, très-agité des foupçons, qu'il avoit<br />
2^6 H I S T O I R E G E' NE' R AL E<br />
de chercher à fe détruire mutuellement, lors qu'fls étoient en<br />
guerre avec les Infidèles. Comme le Comte de Tripli lui étok<br />
fort fufped. Se qu'il s'étoit avancé jufqu'à Giblet y avec uilc<br />
groffe fuite, pour afler vifiter la Vifle de Tibériade y qui lui appartenoit,<br />
le Comte JOSSELIN, Sénéchal du Roïaume, 6c quelques<br />
autres Seigneurs, qui entendoient aulfi peu ks intérêts du<br />
Roi, que fes kurs propres, lui firent comprendre, que ce Comte<br />
étoit trop bien a^compa^é, pour n'avoir d'autre deffein, que<br />
, celui dc vifiter Tibériade.<br />
imprudence Ce mauvaîs raport aUarma tellement ce Prhice, qui devenoît<br />
wJ^Su" toujours plus infirme. Se plus méfiant, que, fans chercher à s'é-<br />
«louin. daircir de la vérité, il envoïa défendre au Comte de Tripliy d'avancer<br />
plus loin dans fes Etats. Cet affront fit un effet fî terrible<br />
fur fefprit de RAIMOND , qui n^avoît alors rien à fe reprocher,<br />
que, fans f efpoir de trouver bientôt l'occafîou de s'en<br />
vanger, fl auroit dès-krs méprifé ks ordres du Roi, 6c fait fentir<br />
à ce Prince, 66 à fes mauvais Confeilkrs, le tort qu'ils<br />
avoient de s'attfl^r des Ennemis. Ce fut peut-être k fouvenir<br />
de cette injure, jointe à fa mauvaffe inclination, qui le portai<br />
éansla fuite, afaire des adions non moins indignes de fa Naisfence,<br />
que de la ReUgion, dans laquelle fl étoit né<br />
Indifférent Car, quclquc apparence de réconciUation qu'fl y eût entre<br />
^^;^^rBAUDOUIN, & lui, 6c quelques témoignages»d'amitié qu'ils fe<br />
'«^5 Tri- donnaffent enfiiite, parles foins du Patriarche, 6c de quelque»<br />
V^rddes autres Seigneurs, fèigniuit également d'avoir oubUé ce qui s^<br />
ciirétiens.^Ql^ paffé, k Comtc n'eut plus que de l'indifférence poup les<br />
intérêts de k Couronne, 6c pour ceux des ChrétienSy Se travaifla<br />
plutôt à leur ruine, qu'à kurfoûtien. Tant ont de pouvok<br />
la haine, 6c k reffentiment fur ks cœurs des Hommes méchant.<br />
6c corrompus par ua efprit de vangeance..<br />
CTLAP<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
p<br />
. i>E JERUSALEM. Liv. V. CE. IV. 23?<br />
C H A P I T R E IV.<br />
Endantque les Chrétiens ^iffoient entre eux^avec fî peu- "Si.d'union,<br />
6c de charité, k fier, 6e îrréGonciliaWc SALA-^*^**^* '<br />
DIN, qui ne penfoit, qu'à ufurper, 6e à conquérir, fâché de n'avoir<br />
pu profiter de k mort de ME'LEC s ALA. Fils de NORADIN,<br />
6c s'emparer de la Ville^dAlepy qu'il n'avoit pu lui enlever i<br />
avant qu'H E'R B'D i N , Soudan de Mufful y fon Héritier, en prît<br />
poffeffion, réfolut de rompre k Trêve avec le^Chrétien^y pour<br />
gagner fur eux ce qu'fl croïoit avoîr perdu de ce côté-là. Il<br />
commença par fe rendre maître d'un grand Navire Chrétien y sthdin<br />
qui avoit échoué fur la côte de Damiette y Se fit prifonnier tout^^JJ Jj^<br />
Péquipage, Se ks Pékrins, qui s*y trouvoient à bord. Il envoïa ,en le Rit de<br />
même tems, déclarer au Roi BAUDOUIN, que, s'fl ne lui rendoit £^*'<br />
plufieurs Marchands Ar^abes, que RAINAUD DE CHATILLON avoit,<br />
contre le droit des gens, pris, 6c dépoufllés, en paffant fur fes<br />
Terres du Crac y fl ne relâcheroit ni les Chrétiens y ni k Vais-'<br />
feau, ni les effets, qu'fl retiendroit pour dédommager les Famifles<br />
de fes Sujets, qui avoient fouffert ; 66 que, de plus, iî<br />
tiendroit dès-lors là Trêve pour rompue.<br />
Comme fl ne dépendoit pas du Roî de k fatisfaire àcette occafion<br />
, Se qu'il reconnut d'aflkurs k véritable motif, qui faifoit<br />
agir SALADIN , il renvoïa fes Ambaffadeurs avec de fhnples excufes;<br />
Sey perfuadé,- qu'après k déclaration de cet Infidèky il<br />
ne tarderoit pas à faire quelque irruption dans fes Etats, il tra^<br />
vaiUa aux moïens de hii réfîfïcn<br />
' Eneffef, ces Miniftres ne furent pas plutôt de retour ^^^P^Trifhs<br />
te, que SALADIN affembla fes Troupes, entra dans h'Fakftincy é^f^de îa<br />
Se fe campa près du Château de Montréal: Comme fon Armée dfi^^^<br />
a;^'OÎt extrêmement fouffert au paffage du Défert, fl ne l'em-^°""»*<br />
ploïa d'abord, qu'à ravager la Province de h Syrie-Sobal y dont<br />
* Gg 3 RAI-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
2%% H I S T O I R E «G E' N E' U A L E<br />
RAINAUD DE CHATILLON étoit Seigneur, duClief de faFemme.<br />
11 la fit enfuke rafraîchir aux environs de Damas, pendant queie<br />
Roi, qui avoit ôté la Régence au. Comte dAfaakney Se repris<br />
lui même la conduite des affaires, «''arrêtoit, d'autant plus mal<br />
à propos, dans VArabie Pétrée y où fl s'étoit avancé, que Î98<br />
Xjouverneurs de JBO/?/*^, de Damai y de Boabeîy Se dEmeffe %<br />
cncouifagés par farrivée de kur Souverain, unirent ks Milices<br />
de leurs dépendances, pafferent k Jourdain, Se entrèrent dans<br />
la Province de Galilée y dont fls brûlèrent 6c faccagèreait la meilleure<br />
partie. Hs y. firent un grand butin, 6c emmenèrent plus<br />
de 5*00. Chréfiem prifonniers. Ils fe jettèrent dans le Pays de<br />
Suitay y affiégèrent une Fortereffe, pratiquée dans k Roc,<br />
qu'fls emportèrent 6n dnq jours, malgré fa fituittion avantageufe^<br />
|fuffqu'à peine deux Hommes y pouvoient paffer de front.<br />
La kc4ietsé des Syrim^y dont la garnffon étoit coînpofée, fiit<br />
câufe decette perte. Le Comte de Tripliy qui k trouvoit auprès<br />
du Roi, lors qu'on lui en aporta la noiivdk, condamna<br />
hautement FOULQUES DE TIBÉRIADE , Gouverneur de cette Province,,<br />
d'avoir confié à des gens auffi lâches, que fétoit cette<br />
-Nâftiioià, un pofte, dont la perte expofoit toutes les campagnes,<br />
& k Vflle même de Tibériade:» à la fiùeur des Barbares. Ce<br />
fut dans cette occafion, que k Roi, touché de toutes ces dis^<br />
^aces, réconhut avec douleur, qu'il avoit trop écouté le fentiment<br />
des Amis, que RAINAUD DE CHATILLON avôit dans le Cô»fefl;<br />
6c qu'fl avoit fait trop d'attention aux avis de ceux qui<br />
ivoktit voulu lui perfuader de ne fe point tant écarter du centre<br />
du Roïaume.<br />
Pour réparer la fâcheufe démarche, qu'fl avoit fàke, fl quit^<br />
ta k Viile nomifiée k Pierre ^u Défert y Se vint camper à la<br />
fontait» ^SéphorienfiCb fituée entré Nazareth ^ Se Séphor^y parce<br />
qu'fl y éttrit plusà portée d'acc^urii: où le bèfoiîa k demandérok. S<br />
ne tarda pas d.'app'fendre, qu'après favtoifiage qu'avoient eu les<br />
iOfipeierB «k SJkLA'pm 4sm k Provinee de Si^ta^ fl y étjok cft*<br />
* trè<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
. DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. IV. 2^<br />
tré lui même avec toute fon Armée, 6c qu'fl s'étoit arrêté,pendant<br />
quelques jours, à Rafeit-Elmay d'où fl étoit enfuite allé<br />
camper à Canaan près de Tibériade ; c'eft. ce qui obUgea BAU<br />
DOUIN à s'avancer promtement de ce côté-là, pour s'(^)pofer<br />
aux entreprifes qu'il pourroit faire fur cette Vifle.<br />
Mais SALADIN, au Ueu d'attaquer cette Place, pafïà lejour^<br />
dain y Se prit k chemin deScitopoliSy ou Bethfariy autrefois Métropole<br />
de k Piovînce. Cctte Vflk n'étoit î^iis qu'un petk<br />
Bourg, depuis qu'on avoît tran^rté le fiége Archiepffcopal à<br />
Nazareth y pour honorer y par cette Dignité, le Ueu où JÉSUS<br />
CHRIST avoit été élevé.. i'<br />
Le Roi rangea d'abord fon Armée en bataflle. Se pourfuivk<br />
• l'Ennemi, avec beaucoup dincommodité, par raport aux exceffi^<br />
ves chakurs, 6c à la jSitigue de fes Troupes, qu'fl fut obflgé<br />
de laiffer repofer une nuit entière fur une éminence, vis-à-vis<br />
le Château de Belveir. Il y fut renforcé par fes Hofpitaliers<br />
de k garnifon de ce Fort, Se par celle de Saphet;.<br />
mais fl fut, en même tems, privé deraffiftance du Comte<br />
de Tripoli y qu'une groffe fièvre empêcha de fuivre fArmée..<br />
Dès k lendemain, BAUDOUIN defcendit dans la pkine, qui<br />
cft entre Bethfan y Se Fortblai>ety où, de crainte de queP<br />
que forprife, ce Prince la fit demeurer fous les armes.<br />
Soit que SALADIN eût trouvé de trop grandes difficukés dans^<br />
Kattaque du Château de ScitopoliSy ou qu'il voulût venir e^ pré^<br />
fence des Chrétiens dans la plaine, il s'y avança, 6e rangea-.<br />
a«ffi-tôt fon Armée en demi-cercle. EUe étoit fi nombreufe, queks<br />
Cbi^étiens forent étonnés de k voir couvrir toute k campagne.<br />
Elk paroiffoit devoir les enveloper de tout côté. Cepen*dant<br />
les Fidèks y animés par les exhortations du Roi, qui les<br />
fiùfok reffouvenir dc k journée de Montgifard'y où kurs iforce^,<br />
beaucoup inférieures à celks de l'Ennemi, Se à cefles qu'ils<br />
avoknt eux mêmes pour le préfent, avoient triomphé. Ilajou-<br />
Gl, qu'ils ne devoknt donc point craindre k multitude dès En*nemis;^,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^Mo H I s T o I R E
i>ï JE'RUSALEM. Lïv. V. CH.IV. ^I<br />
*<br />
gage. Se mérita qu'fl eut toujours fait de femblables merveiflcs<br />
en leur faveur.<br />
SALADIN, auffi défolé, que chagrin, 6e confus, de recevoir-rfrtiV/# 77.<br />
des échecs fi confîdérables, rnalgré la quantité de monde, qu'il chrétiens<br />
oppofok toujours au petit nôrribre des Chrétiens : conftant à les «"^"^^
U2- H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
aux attaques de SALADIN , BAUDOUIN fe préfenta fî à propos devant<br />
la Vifle, avec 33. galères, que k feule vue de cette Flotte<br />
fit lever le fiége à ce Prince Infidèky qui apréhendoit que le<br />
fort ne lui fît encore perdre une troffième bataflle. C'eft ainfî<br />
Levée du que, Contre l'attente pubUque, la Ville de Baruth fut délivrée<br />
B^uth, à d'un fîége, dont on avoit lieu de tout craindre. Les Habîtans<br />
la vue de Q^ furciit quîttcs pour k perte de quelques-uns de leurs Confrèchrétien-<br />
rcs, Se pour le dégât de leurs campagnes. SAFADIN ftt éprou-<br />
°*^* ver le même fort à celles de Gaza y Se dAfealfifiCy 6c repafEfe<br />
enfuite en Egypte, comme fon Frère le lui avoît ordonné,<br />
pendant que SALADIN lui même, rébuté du mauvais foccès de<br />
fes entreprifes en Paleftine y paffa dans la Méfopotamie y où il<br />
efpéroit d'être plus heureux.<br />
Trifede Le Roî, qui craigHoît, que k route qu^avoît pris SALADIN<br />
me^le ne fût une feflite pour le mieux furprendre, afla reprendre fon<br />
Méfopo- Camp à la fontaine Séphorienne, afin d'être à portée de traver-<br />
Saïadin. fer fes deffeîus : Mais fa précaution fut inutfle. Il aprît bientôt,<br />
que fon Ennemi avoit éffèdivement pris cette route ; Qii'fl avoit<br />
même déjà paffé VEufrate; Se que*» par force, ou par rufe<br />
, ou par trahifon , fl s'étoit emparé des Vflles dEdeffe,<br />
de Cafiara, 6c de divers autres lieux de la Méfoptamie ; Qu'il<br />
avoit, de plus, fi bien corrompu les Officiers de H E'R E'D IN, Soudan<br />
de Muffuly Se dAlep y que ces perfides avoient non feule-^<br />
ment fait révolter la plupart de fes Sujets contre lui; mais qu'ils<br />
avoient encore eu la cruauté de l'empoffoniier. Se de procurer<br />
Mufful, à fon Ennemi la conquête de la fameufe Vilk de Mufful y qui eft<br />
*mmç! fancienne Ninive, autre-fois fiége Roïal des Rois dAfiyrie. Il<br />
eft vraî, que k dureté. Se h rigueur, avec laquelle HE'RE'-<br />
DiN gouvernoit fes Peuples, contribua beaucoup à fon malheur.<br />
On affure, qu'efle étoît fi grande. Se fi înfupportabk, qu'fl y<br />
avoit long-tems qu'ils le regardoient, comme le plus cruel Tiran;<br />
Se fl s'étoît rendu fi odieux, qu'fls ne refpiroîent que le<br />
moment de pouvoir s'en déUvrer. Exemple, qui mérite reflexion.<br />
Des<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. IV. 24.3<br />
"Des occupations fi importantes, qui dévoient natureflement Articieiii.<br />
retenir long-tems SALADIN éloigné de h Paleftine y firent réfoudre<br />
BAUDOUIN à profiter d'une conjondure fi favorable, pour<br />
fe vanger des fréquens ravages, que cet Infidèle avoit faits dans<br />
fes Etats. Dans ce deffein, il manda d'abord les Barons du<br />
Roïaume, qui s'étoient retirés fur leurs Terres. Ils ne f eurent<br />
pas plutôt jomt avec leurs petites Troupes, qu'fl entra dans la<br />
Traconitidcy qu'il parcourut, 6c ravagea entièrement. U en<br />
fit de même au fameux Bourg deLoray Se paffa enfuite aux environs<br />
de Boftray réfolu d'afliéger une Fortereffe, qui s'y trouvoit<br />
; Mais la ftérflité de ce Canton, tant en eau, qu'en pâturages,<br />
f obUgea à changer de réfolution. 11 revint dans la Province<br />
de Suitay afin de recouvrer la Caverne fortifiée, dont les<br />
Gouverneurs de Damas y de Boftray de Boabel, Se dEmeffe y<br />
s'étoient emparés fannée précédente, par la lâcheté des Syriens.<br />
Cette conquête étoît d'autant plus importante, qu'efle mettoit<br />
à couvert tout le territoire, 6c les environs de Tibériade.<br />
Quoique le Roi fût affuré, que la garnifon de cette caverne<br />
n'étoit pas fort confidérable, cependant fon avantageufe fituation<br />
rendoit ce lieu fi aifé à défendre, qu'fl étoît à craindre qu'on y<br />
confomeroît beaucoup de tems. Se de monde, fi fon ne trouvoit<br />
quelque expédient, qui en faciUtât la prife. Pour hâter ce desfein,<br />
ce Prince s'avifa de faire couper le rocher. Les ouvriers k<br />
trouvèrent fi tendre, Se fi facile, que la garnifon, qui reconnut<br />
fa perte inévitable, fe rendit le vmgtième jour du fiége,<br />
avec la vîe fauve, qu'on leur accorda. Il confia la garde de ce 1182.<br />
Fort à des gens, dont la fidéflté, 6e la valeur luî étoient connues; Baudouin<br />
Se y foît que fes infirmités, ne lui permiffent pas de tenir plus'^ Céfarée^<br />
long-tems la campagne, ou qu'il voulût augmenter fon Armée,<br />
pour faire quelque entreprffe plus confidérable, il s'en retourna<br />
k Jérufalem y Se en repartit peu de tems après, pour paffer à Céfarée<br />
y où fl avoit donné rendez-vous à tous ks Seigneurs du<br />
Roïaume. Comme flnfanterie n'y fut pas auffitôt affemblée,<br />
Hh 2 que<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
IU HIST O I RE G E' N E' R A L E<br />
liE JE'RUSALEM. LiV. v; CH. IV. ^45<br />
fâîre'des levées de gens de guerre. Ils convinrent de prendre<br />
k centième dénier fur tous les meubles, 6c le cinquantième fur<br />
k vakur de tous les immeubles du Roïaume, fens même enexcepter<br />
ceux des Eglifes, des Couvents, ni des Hôpitaux ^<br />
non plus que des étrangers qui y étoient étabUs.<br />
Cet expédient produifit des fommes affez confidérables, pour .<br />
augmenter les Troupes, amaffer des munitions de guerre, Se<br />
de bouche, réparer les fortifications des Places, principalement<br />
belles de Baruth y que SALADIN avoic fort endommagées, Se faire<br />
tous les autres préparatifs néceffaires pour luî réfifter. Après<br />
ces réparations, le Roi afla fe camper, à fbn ordinaire, à la fontaine<br />
de Séphor y d'où il envoïa foUiciter le Prînce dAntioche<br />
y Se le Comte de Tripliy de le venir joindre avec leurs<br />
Troupes.<br />
Ce premier, qui n'étoit pas moins allarmé du retour de SA<br />
LADIN', Se de fa nouvelle puiffance, 6c qui craignoit extrêmement<br />
fes entreprifes, ne jugea point à propos de s'éloigner de<br />
fa Principauté. Il vendit même la Ville de narcéy Métropole<br />
de la Cïlicie, à RUPIM DE LA MONTAGNE , Prince d Arménie, •<br />
crainte qu'en voulant conferver cette Place éloignée, fl ne perdit<br />
fes autres Etats; au lieu que RUPIN, qui poffédoit le refte<br />
de cette Province, pouvoit facilement la défendre. Se même,,<br />
par fon acquifition, fe mettre mieux en état de réfifter à leurs*<br />
Ennemis communs.<br />
Cependant, BAUDOUIN, qui avoit plusde courage, que de Baudouin<br />
force, fe vit hors d'état de tenir la campagne. Les agitations•^^^^'^^^^<br />
continuelles de fon efprit, jointes aux cuifantes douleurs, qu'fl»f'-a»n«
2+6 H I s T o I R E G E' N E' R A L E<br />
gneurs, Se Barons du Roïaume, le Patriarche, les Evêques, 6c<br />
les Maîtres des Ordres Militaires; 6c, en leur prefence, fl dér<br />
clara Gui DE LUZIGNAN, Comte de Jaffa y Se dAfcalone y fon<br />
Beaufrère, comme plus intéreffé, qu'aucun autre, à la confervation<br />
de l'Etat, fon Lieutenant, 6c Procureur-Général, 6c<br />
. Adminiftrateur ^u Roïaume. Il lui remît abfolument entre les<br />
mains le pouvoîr, 6c le Gouvernement, ne fe réfervant que la<br />
Dignité Roïale, 6c la Vifle de Jérufakmy avec dix mflkEcus<br />
de penfion pour l'entretien de fe Maffon.<br />
Jaloufie L'extrême déférence, que chacun avoit pour les volontés de<br />
tneurl'du ^^ ^^^ Priuce, ks fit tous appkudîr à la nomination qu'il ve-<br />
Rdiaume noit dc faire, quoiqu'ils reftentiffent intérieurement une véride^Luzi-<br />
table jaloufie de k nouvefle autorité d'une Perfonne, pour k-<br />
5nan. qucflc fls n'avoicut, ni eftime, ni inclination. C'eft ce qui parut<br />
bientôt. SALADIN , qui avoit fait une irruption du côté de<br />
Cavany Se pris la Vflle de ScitopoliSy abandonnée par fes'Habitans,<br />
au feul bruit de fon approche, étoit allé camper aux environs<br />
de Tibériade y d'où fl avoit envoïé divers détachemens,<br />
pour ravager toutes les campagnes. Les Seigneurs, jaloux de<br />
l'élévation de Gui DE LUZIGNAN, bien.loin de le foutenir, en<br />
s'oppofant aux entreprifes de f Ennemi, ne fe firent aucun ferupule<br />
de fecrffier les intérêts communs à fenvie de ternir la réputation,<br />
que le Comte de Jaffa y Se dAfcaloney auroit pu acquérir<br />
dans cette occafion. Ils oubUèrent même leur engagement,<br />
6c f union, dans laquelle fls étoient partis de la fontaine<br />
de Séphor y Se avoient traverfe la montagne de Nazareth y<br />
Se la plaùie difrelony pour afler combattre f Ennemi.<br />
Ils ne penferent point, que leur Armée étoit compoféê de<br />
1500. Chevaux, Se de i^000.Fantaffins tous bien armés; Se,<br />
quoiqu'fls euffent apris f affoibliffement des Troupes de SALA<br />
DIN, par.les gros détachemens, qu'fl avoit faits, dont l'un avoit<br />
forcé le Château de Gefraély Se celui de Fort-Blavet y Se avok<br />
monté jufques fur le Thabor; entreprffe inouïe aux ChrétienSy<br />
V de-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LIV. V. C^. IV. 24,?<br />
depuis qu'ils poffédoient le Roïaume de Jérufalem; ces Seigneurs<br />
fe contentèrent d'aller camper près de la fontaine de<br />
Tibériade y que SALADIN leur àvoit abandonnée, pour afler<br />
prendre fes quartiers à un mfle au-deffus, dans k vue d'éviter<br />
la bataflle qu'fl craignoit; mais SALADIN, reconnoiffant,<br />
par leur mauvaffe manœuvre, que leur deffein n'étoit point de<br />
l'attaquer, bkn kin de rappefler fes Troupes qui battoient k<br />
campagne^ leur ordonna de fe faifir des avenues du camp<br />
Chrétien, afin d'empêclier qu'on ne pût y porter aucune pro^<br />
vifion.<br />
\j2irméeChrétienne^t encore renforcée par un grand nombre<br />
de Vénitiens y Génois y Se Pifans y dont les Flottes fe trouvoient<br />
à Ptolomaïde. Le Comte dAfcalone les avoît invités au camp,<br />
dans la penfée de donner bataille à SALADIN. Ces gens étant<br />
venus avec leurs Troupes, 6c fort peu de provifions, aidèrent<br />
à confumer cefles de l'Armée, dont les avenues étoient telkment<br />
occupées par ks Infidèks y que ceux de la campagne 1183.<br />
n'ofoient s'expofer à y en apporter ; de forte qu'efle fe trouva<br />
bientôt dans une extrême difette, fans que les Chefs fe. donrnaffent<br />
aucun mouvement pour y remédier ; tant ils étoient<br />
obftinés à faire échouer les entreprffes du Comte dAfcaloney Se<br />
à faire rejetter entièrement fur lui le blâme d'une affaire, non<br />
moins criante, que honteufe pour eux tous.<br />
En effet, après avoîr fouffert la faim, 6c les autres in- Mauvais<br />
commodités, qu'ils auroient pu faire endurer à leurs Enne--Chré- "<br />
mis, vu prefqu'à leurs yeux défoler le pays, Se manqué foc- ^j^^l^^^^l<br />
cafion de leur donner bataifle avec avantage, le Comte de Tri-jaioujîe.<br />
pli y RAINAUD DE CHATILLON, BAUDOUIN DE RAMA , BALIAN,<br />
fon Frère; RAINAUD DE SIDON, GAUTIER DE CE'SARE'E, 6C<br />
JOSSELIN DE COURTENAI, Oncle du Roi, 6e Sénéchal du Roïaume,<br />
ne manquèrent pas de pubUer, que le mauvais foccès provenoit<br />
du peu d'expérience, 6c du manque de courage du Comte<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
24S HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
te dAfcabney quoiquetoute fArmée n'ignorât pas,, qu'ils euffent^"<br />
•par leur propre faute, détournék combat. Ils avoient même four<br />
tenu, que SALADIN étoit poftétrop avantageufement pour pouvoir<br />
l'attaquer. Se que fes Forces étoient'trop fupérieures aux leurs.<br />
On voit par-là, que quelques Hiftoriens, qui ont fuivi<br />
DE JE'RUSALEM. Lïv. V. Ca. IV. 2^<br />
k faute fur GUI DE LUZIGNAN, fon Beaufrère, lui fit concevoir<br />
tant de haine, 6c d'avcrfîon contre liù, qu^fl ne penfa plus qu'à<br />
le priver du gouvernement, qu'il lui avoit confié, 6c à l'abailfer,<br />
autant qu'fl favoit élevé.<br />
Dans cette vue, fl fit afftmbkr tous les Seigneurs du Koïzu-cmrenne.<br />
me dans k Temple du *S;^.5^ôtt/;r^, 6c couronner fokmnelkment J'"^ *^'<br />
k jeune BAUDOUIN, âge de cmq ans, que k Princeffe SYBILE, v.rfuwfa<br />
Sœur, avok eu de fon premier mariage avec GUILLAUI^IE DEJ
3ja HIS.TOIRE GE'NE'RALË<br />
Mmtréaly dont îl entreprit k fkge. Il commença d'abord<br />
à battre furieufement cette Pkce , avec diverfes machines.]<br />
Çett0 attaque fubite changea les danfes, les jeux, 6c les concerts,<br />
en cris, en pleurs, 6c en gémiffemens. Cette confufioa<br />
fot encore augmentée, par.l'auivendes Habitans des lieux circonvoifi^,<br />
qui vmrent en foule s'y réfugier: Le nombre enfot<br />
f\ gîaiid, que, pour ne point trop embarraffer k Château><br />
qui en étok déjà fi rempà, que plufîeurs FamiUes campoient<br />
dansks foffés avec leur bétail, le Prince RAINAUD en refufa<br />
même l'entrée aux Habitans d'tm Bourg voifîn, parce q^'fl fe.<br />
flattoit, que ce iku étant bâti fur une éminente, où étoit;<br />
l'ancienne Vilk de Petray dont f accès étoit très-difidk, fls<br />
pourroient fadkment s'y défendis.<br />
. Mais fl fe repentit bientôt d'avok trop préfiuné de cctte<br />
avantageufe fituation, 6fc de k vakur .cle ceux à qui fl en.<br />
avok confié Ja. garde. SALADIN, qui ne manquoit ni de^<br />
cœur, ni d'expérience, .iittentif daflkurs. à bien animer fes<br />
Soldats dans les occafions, aïant réconnu combien ce pofte><br />
ki feroit avantageux, pour venir à bout de fon entreprife^<br />
tenta fi foulent (fe k furprertdre, qu'fl l'emporta enfin:-<br />
Ce qui contraignît ceux qui le défendoient, de s'aller réfu-<br />
'^gier dans k Château, .où les Infidèks feroient entrés pèkmèfc<br />
'avec eux, fims k grand courage d'un ChevaUer, nommé<br />
YVES, qui les arrêta feul à feutrée du pont-kvis. Se<br />
ks obligea de .regagner k Boui^g, dont fls venoient de<br />
s?cûip^rer, 6c où fls tronvètent gtande abondance de grakis,<br />
Ittiik, vin, 6c autres provifions. ils eurent k camraodiciât.<br />
d'en jouïr tranquflement, parce que les Affiéger n'étoknt pointen<br />
état de faire des forties, qui puffent ks eh empêcher.<br />
QiB pks eft, SALADIN cut encore f agrément de faire plan-*<br />
ter dans ce même Ueu fix nEtélikies, dont k prostimicé incom*<br />
modoit extrêmement k Pkce, 6c fes défenfeurs, aitffi bien que<br />
ceux qui demeuroknt eofeimés dans kocs maifons, dont pk^<br />
fîeurs<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lr^. V.'CH. IV. 2^<br />
Heurs forent enfoncées par les groffes pkrres, que ces machines<br />
y déchargeoient.<br />
A k faveur de ces batteries, ks Infidèks approthoient fî .<br />
fort des foffés, qu'avec de gros cratnjwns de fer ils en arraclioient<br />
le bétafl que fes payfens y avoient conduk. Les Affiégés<br />
au contraire n'ofoient prefque plus paroître aux défenfes;<br />
Sey par furcroit de mallieur, ils commencèrent 1i manquer dc<br />
provifîons, pendant qu'ils avoient le chagrin de vok hs Barbares<br />
fe divertir, à leurs dépens, de celles qu'fls avoknt trouvées<br />
dans le Bourg, 6c que les pauvres Habitans, qui fe trouvoient<br />
îdfors dans la difette I, avoient amaffées à la fueur de kur front.<br />
Les Affiégés étoient enfin réduits en un état très-déplerabk,<br />
îorfque le Roi, doublement obligé à fecourir cette Place pour<br />
délivrer fe Sœur d'un évident danger, 6c c
&^2 H I s TOI R E G E'N E'R AL E<br />
.Château, que lesi«/W^/fifc avoient battu un mois entier, 6c fans'<br />
relâche.<br />
' Pendant k féjour que BAUDOUIN fit à Montréal y non<br />
content d'avoir privé le Comte dAfcalone du commandement^,<br />
. Jl déclara, le deffein^ qu'fl avoît rompre fon mariage. > Ces discours<br />
parvinrent bientôt aux oreilles de foa Beaufrère, qui,<br />
pour prévenu ce fcandale, 6c.les fuîtes fàcheufes qui en arriveroient,<br />
foignit une indffpofition, 6c fe retira à Afcalone^ Il.y<br />
fit venk la Princeffe,^ fa,Femme,, qui fe trouvoit à Jèrufalem.y<br />
Se fit, par cette démarche, échouer ks mauvaifes mtentions du<br />
Roi, fans pourtant fe mettre à couvert de fe pourfuite. Ce<br />
Prince lé fit fommer plufieurs fois de comparoître avec la Princeffe,.<br />
fon Epoufe, devant k Patriardie, fans qu'fl répondît jamais<br />
à ces citations..<br />
ABionpeu. BAUDOUIN, irrité.defe contumace, 6c guidé par lès confeik<br />
|^|2^^^^^-envenimés des ennemis du Comte, eut alors l'inconfidération<br />
^ d'abaiffer la Majefté Roïale, jufqu'à fe faire transporter lui même<br />
k Afcalone y pour la lui^ arracher de vive force; maîs fl trou^<br />
va les portes de k Vifle-ff. bien fermées, 6c ks murailles, fi bien<br />
gardées, qu'après- y avok frappé plufieurs fois, 6c. commandé<br />
inutilement qu'on les ouvrît, il fut obligé de s'en .retourner^<br />
plein de dépit, 6c.chargé^deconfufion, d'avok fait une dématdie<br />
fi déshonorante..<br />
Pour s'en vanger en^ quelque manière,. il* envoïa d'abord<br />
des Troupes fe faifîr de la Vifle, Se du Comté, de Jaffa y<br />
faifant défendre aux Habitans d'obéïr davantage à Gui DE<br />
LUZIGNAN. Il; fe rendk enfuite à Ptolomaïde y où fl avok<br />
convoqué les Grands du Roïaume,. pour pourvoir- aux be?<br />
foins de "l'Etat, Se pour envoïer une Ambaffade au Pape,<br />
6c aux autres Puiffances de VEurope y afin d'en obtenir quelque<br />
fecours, pour défendre, 6c mamtenir le Roïaume de JefuSf<br />
Chnft. ,^<br />
Cefut.dans cette occafîon ^ek,Patriarche HEiACLiusi<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. IV. 2^^<br />
ARNAUD DE TORGUES, Maître du Tempky Se ROGER DE MOU<br />
LINS, Maître de VHopital y égakment zdés pour k bien de<br />
l'Etat, fe jettèrent aux. piés du Roi, pour lui demander la grâce<br />
du Comte d^Afcalone ;'Se y afin de f engager à jie la kur pasrefufer,<br />
fls lui répréfentèrent, qu'il' étok de fe gloire ^ 6c de fèn<br />
intérêt,. d'étdndre une difcorde , qui pouvoit bouleverfer le<br />
Roïaume; puffque, dans k trifte état où fl fe trouvok alors,<br />
efle étoit capable den achever la ruïne. Ils ajoutèrent à kurs<br />
remontrances, qu'ils n'accepteroient, qu'à cette condition, k*<br />
commiffion de paffer en Europe y dont Sa Majefté, Se foivConfefl<br />
venoknt de ks charger. Gette déclaration f emporta enfin<br />
fiir le reffentiment, 6& fur la répugnance, qu'avoit k Roi de'<br />
pardonner à fon Beaufrère,- quoi qu'fl ne pût oubUer faffront,<br />
qu'il en avoit reçu à Afcalone y ni la violence que fe Comte venoit<br />
de faire à plufieurs Bergers Arabes y qui faifoient paître<br />
kurs troupeaux aux environs de Darony fous la>bonne foi d'un^<br />
feuf-conduit.<br />
Enfin, en confidération de ces puifïans interceffeurs, Se pour' '<br />
ne point retarder leur départ, BAUDOUIN voulut bien facrifier<br />
fe colère, 6c- fes mécontentemens, 6c-recevoir G u t dans fes GUÎ de<br />
bonnes grâces, lui-rendre le Comté de Jaffa y St le làire Gou- ]^^f^<br />
verneur du jeuneRoi, fon Neveu. Le couronnement de ce dernier rieur du<br />
avoit été.regardé comme fort inutik, puffqu'fl ne fervoit qifà•'***^"^'<br />
donner deux Souverains à un-même Etat, également incapables<br />
de le régir, fun par raport. à* fon enfance, 6c l'autre par fon<br />
infirmité, qui, après avok épuifé ks forces de fon corps, avoît,<br />
felon les apparences,- donné quelque atteinte àfon efprit; car,<br />
dans ks derniers tems de fon Règne, fl montra autant de lé*géreté,<br />
qu'il avok donné de marques-de folîdité,. Se de faru^<br />
dènce dans ks commencemens.<br />
Mi 3 &U^-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
2H H ï S T O IR E G E' N E' R A L E<br />
J^©ftJ^ .
DE JE'RUSALEM,. Liv. V. CH. V. 2^?<br />
Ils n'eurent pas de mokidrcs fojets defe louer du St. Père, Se<br />
de fEmpereur F R E'D E'R I c, qui étoit auffi arrivé à Férone. Ils<br />
trouvèrent ces deux Princes, non feukment dffpofés à affifter<br />
de leurs propres forces les Chrétiens Orientaux ; mais encore trèsempreffés<br />
à écrire des Lettres fort touchantes pom: le même fojet<br />
aux Rois de France y dAngkterrcy Se de Hongrie. Cependant,<br />
malgré ces grandes dcmonfbations, 6c ces belles appa-»<br />
rences, les Miniftres de Jérufalem reconnurent bientôt, avec<br />
un extrême chagrin, que les intérêts particuliers, qui occupoient<br />
Lucius, 6c F R E'D E'E I c, ne les détoumeroient que<br />
trop de leur bonne volonté pour la Guerre fainte. Les Brefs de<br />
Sa Sainteté y Seles Lettres de l'Empereur, dont ik avoient "«4;chargé<br />
les Ambaffadeurs pour divers autres Princes, ont fait dire cbeoauer<br />
fauffement au Chevalier Toxan, qu'ils fe partagèrent d^îs kur ,^°^^JJ^<br />
Ambaffade, en partant dô Férone; Se que k Patriarche p^%M^^<br />
en Angleterre y le Maître du Tempk en France y Se celui de<br />
VHopital en Hongrie, . _<br />
Le Continuateur de la Guerre fainte, que fai fuivi, affu-*<br />
re au contraire, que, pour mieux faire connoître aux Puisfences,<br />
dont ils alloient foUiciter ks fecoi»s, l'extrême, 6c urgente<br />
néceffité des Chrétiens de hPakftiney fls partirent de Fé-^<br />
rone tous les trois enfemble ; que k Maître du Tempk tomba<br />
malade en chemin; 6c que fes Collègues, après avoir fait humainement<br />
tout ce qui dépendoit d'eux pour le foulager, eurent<br />
k douleur de k voir mourir. Se lui rendirent ks derniers devoirs,<br />
ayant que d'arriver à Paris, Ainfi, ce furent k Patriarche,<br />
Se k Maître de VHopital y 65 non celui du Tempky com- ^<br />
me ce ChevaUer le prétend, qui traitèrent avec le Roi PHILIP<br />
PE. Ce Prince les reçut avec beaucoup d'honneur. Se d'affcdion<br />
; mate, Comme, par raport à fa' je^àicffe, 6c aux intérêts<br />
de fbn Roïaume, fl ne pouvoit alors entreprendre fe voïage<br />
d'outremer, comme ces Ambaffadeurs fefolUckoicnt, fl fe contenta<br />
de ks afliirer, qu'fl ferok exhorter fès Sujets à prendre<br />
Ik<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
%$:6 HISTOIRE. G E' N E'R A L lE<br />
k Croix y Se kuribumiroit jnême tout ce qui feroît ' néceffaire<br />
pour cette fainte entreprife.<br />
En effet, ce Monarque ordonna la levée de quelques Trour<br />
pes d'Infenterie^ Se de Cavalerie, pour fe joindre à ceux de<br />
fes Sujets, qui entreprendroient la Croifade, Cefut-là tout<br />
vCe que les Ambaffadeurs de Jérufàkm purent obtenk de ce<br />
Prince. Ils en prirent congé pour paffer en Angleterre y dans<br />
ijefiîérance d'y faire de plus grands progrès,, à caufe des engagemens<br />
que le Roi HENRI U. avok pris long-tems auparavant»<br />
de .conduke lui même une puiffante Armée en Paleftine y afin<br />
d'obtenir fabfolutîon du Meurtre de ST. THO3IAS , Archevêque<br />
de Cantorheri^ qui lui.avoit été imputée.<br />
article II iCependant, malgré les promeffes que ce Prînce avoît faites<br />
au Pape, en acceptant k pénitence qu'il .lui avoit impofée, qui.<br />
.étoit de paffer, dans trois ans, en Paleftine, pour expier fon<br />
crime, il s'en étoit déjà .écoulé plus de dix-fept, fans qu'fl y eût<br />
feulement penfé, fl reçut néanmoins les Aufoaffadcurs très-gradeufement-4<br />
mais,ils lui ?repréfentèrent inutilement le déplotabkîr<br />
état, oùfe trouvoient les faints lieux. Toutes kurs rémois<br />
tr^nces firent auffi peu d'ejfet, que le Bref du Pape, qu'fls lui<br />
préfentèrent^- 6e par kquèl le St. Père k preffoit de s'acquitter<br />
dp fon devok. Il leur répondit fièrement, après k délflDération<br />
des Grands, qu'il avoit affemblés, qu'fl étoit encore plus obligée<br />
.à.la cojnfervation de fes Etats, 6c aux j^yantages de fes Sujets,<br />
qui auroient pu coiuir de grands rifques ipendaot fon abfence,<br />
c^\m y Qi^ge'de Paleftine-, Et qu'fl ne pouvoit leur donner, pour<br />
k préfent, que de fargent, &e quelques Troupes, en attendant<br />
que fes affakes lui permiffent dy allpr en perfonne, avec<br />
des forc.es plus confîdérables^ ,^^<br />
Le Patriarche HE'RACLI^US, mn peu trop altier, 4SC incon^<br />
fidérp., çe put ^'empêdier, d'outre-paffer ks fimites de la modération,<br />
qui coiivknt à unEcdéfia(lique, 6c fur tout à unEp-<br />
^^aftique, revêtu du par^dèr^ dAmb^adeur. U reprocha o\y<br />
vertement<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lir. V. CH; V. 25-7<br />
vertement à HENRI fon manque de foi, ^ de parole, 6e tou-f^:^^<br />
tes les adions de fa vie, qui pouvoient le plus l'offenfèr. Ces ^fi ^*f^.<br />
injures ne fervirent de rkn ; 6e fl n'en put obtenk un plus grand terre, é<br />
fecours, non plus que du Roi de France, auprès duquel ce a^'|jJJJ j«<br />
Prélat, 6e fon Coflègue, firent une féconde tentative fur les!Jfï«5«'*<br />
confins de Normandie^ Ces deux Monarques eurent une con- Sainte.<br />
férence au fujet de la Guerre fainte ; après kquefle ils répUquè- "^^'<br />
rent à cePrdat, que leurs affaires domeftiques, ne leur permettant<br />
pas de perdre leurs Etats de vue, ils ne manqueroient pas<br />
de faire preffer le départ de ceux qui avoient pris la Croix.<br />
. Le Patriardie, Se le Maître de VHopitaly traverfèrent enfuite<br />
VAllemagne y où ils firent des tentatives aufli grandes, 6e auflS.<br />
inutiles auprés des Princes. Ils n'en obtinrent aucune affiftance,<br />
parce que les,uns n'y avoient aucune inclination, 6c que<br />
les autres manquoient de moïens. Ils parvinrent enfin en Hongrie<br />
y où la connoiffance, qu'fls avoient faîte avec ks Ambaffadeurs,<br />
que k Roî BELLA avoit envoïés en France y pour demander<br />
en m.ariage la Princeffe MARGUERITE, Fflle du Roi<br />
PHILIPM:, ks aida\beaucoup à obtenir du Roi l'affurance, que<br />
ce Prince leur donna, que, fi fes intérêts ne lui permettoient<br />
pas pour le préfent de joindre fes Armes à cefles des autres<br />
Princes dEurop, pour concourir à l'abaiffement des Infidèles y<br />
il favorifèroit au moins tous les Croifés y qui pafferoient dans fes<br />
Etats pour cette entreprife.<br />
Après toutes ces négociations, ks Miniftres de Jérufàkm Articieiu,<br />
retournèrent à Férone y pour informer le Pape du peu de ffuit^^^^<br />
dc leurs foins,* 6c des follicitations de Sa Sainteté y Se pour lui Jj^*»"^<br />
faire comprendre le peu de fond qffîl y avoit à faire à f avenir compte au<br />
fiir ks promeffes des uns, 6c des autres. Le Pontife, afin «ie^^jjj -<br />
les confoler, en quelque manière, les affura, qu'fl redoubkroît "«»
25;« HLSTOIRË GE'NE'RALË<br />
Le Roi de ce dcmier, qu'fl avoit nommé Chef de la Croifade y pafferoit en<br />
léraUe^taFaleftinCy à la tête des Troupes. En.effet, lors qu'ils retourné^<br />
Croifade. ^tnt ï Palerme, ce Prince, qui avoit accepté le Généralat,<br />
kur promit, qu'il partiroit, dès que ks fecours, qu'on de^^oit lui<br />
envoïer, feroient arrivés; 6c qu'ils pouvoient cependant s'embar*<br />
quer fur deux galères, qu'fl kur avoit fait préparer, pour en<br />
^^^^*^^ aller porter la nouvefle au Roî, kur Maître, afin qu'fl pût<br />
àeurspour fe tenir prêt à faire quelque entreprife de conféquence fur ks<br />
HISTOÎ<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
-DES<br />
R O Ï A U M E S<br />
D E<br />
CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />
E T<br />
D' É G Y P T R<br />
L I V R E VI.<br />
CHAPITRE PREMIER.<br />
^-^S^^S-^S^^ ^ retour du Patriarche, Se de fon Coflègue;<br />
,^liSii§^ ^ Jérufalem avec de feuks efpérances, y<br />
t^^ T x^ corifterna tout le monde. Chacun s'étoît<br />
r^â" L ^x^ ^^^^^ 5 que ces Mîmftres, par raport à leur<br />
r^^iî^i^^î^ ^« des ^"^' fecours ^ ^ confidérables ^^"^ mérite, des auroient Princes del'^w- obtenu*<br />
rope. Se que quelcun d'eux feroit venu cn<br />
péafonne, pour foulager leurs mifères, 6c abaiffer l'orguefl des<br />
Kk 2 Infi-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
26o H I S T O I R E G E' N E' R A L E .,;<br />
aagrin de Infidèles y principalement du fuperbe SALADIN. LeRoi BAU-<br />
?umo«r"* i>ouiN, CD particulier, ne put fe confoler du peu'de fuccès de<br />
de fes An- leur voiagc. Ils cureut beau lui repréfenter ks> bonnes dîfpofi-<br />
"**"' tions, où ils avoîent trouvé le Pape, fEmpereur, 6c les autres<br />
Puiffances, fl ne réconnut que trop, que kurs fecours feroient<br />
tardffs. Se de peu d'importance. -C'étoit un preffentiment fécret<br />
de ce qui dbvoit véritablement arriver eh Europe y où les<br />
préparatifs, qu'on y avoit commencés pour k Guerre fainte, s'é^<br />
vanouïroient bientôt. ; »: •<br />
Il y en eut différentes caiffes. La première fut la mort du<br />
Pape LuGius, principal promoteur de cette grande'affaire. Il<br />
décédz: kFérone^ . URBAIN IIL lui fuccéd^i H Ce Fiantife / qubi<br />
, qU'égakment zélé pour la confervation du" Roïaume dé Jérufalem,<br />
entra, dès fon avènement au Pontificat, dans de fi grandes<br />
conteftations avec'fEmpereur, qu'efles ne permirent pas de<br />
douter ,t, qu'fl ne s'allumât bientôt une nouvdle Guerre entre ce<br />
Mbnar(jùe, Se le St. Siège, En fecond lieu, la mort de HkN-<br />
Ri', Rôi dAngleterrey qui étg^t indifpenkblement obligé'de<br />
conduire une Armée en Paleftine y Se qui u'avoit chargé aucun<br />
de fes Enfans de s'acquiter de ce devoir. Et enfin, la Guerre,<br />
dans laquelle RICHARD, fon Fils, 6c Succeffeur, étoît entré<br />
contre k'Pr^wn?. ,<br />
Tant de triftes nouvcUts afiligèrent-extrêmement k Roi<br />
BAUDOUIN, Se lui firent perdre toute efperance de fecours. Portant<br />
fes reflexions fur le déplorable état, ^ où étoit réduit fa Perfonne,<br />
Se fon Roïaume; fur la jaloufie, 6e la mes-intelligence<br />
des prîndpaux Seigneurs ; fur le peu de capacité, que lui pa«<br />
roifibit avoir Gui DE LUZIGNAN, fon Beaufrère,, pour foutenir<br />
les intérêts du jeune BAUDOUIN, fon Neveu ; fur f ambition dé-<br />
. méfurée , qu'fl avok toujours réconnue dans le Comte de Tripoliy<br />
qui n'afpirok à rien moins, qu'à ufurper k Couronne; &<br />
enfin, fur la puiffance de SALADIN, dont les Provinces envi-<br />
\ronnoient les Terres des Chrétiens y que ce Prince Infidèle ne<br />
man»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
»E JE'RUSALEM. Lm VI. GH. I. iSi<br />
Ihanqueroit pas d'envahir, comme fl favoit déjà tenté plu- ngj^.<br />
fîeurs fois.<br />
Tdlis ces fujets de douleur dans un corps fi épuifé. Se fî^^^^^<br />
knguiffant, caufèrent à ce Prince un fî grand redoublement<br />
d'afflidion, qu'fl ne put y réfîfter. U en mourut le 16. de Mars<br />
de l'année i iSf. qui étoit la 2 j, de fon âge, 6e k 12. defon<br />
règne. Il fut généralement regretté de fes Sujets, qui ne prévoïoient<br />
que trop ks troubles, Se les malheurs, qui menaçoient<br />
k Roïaume. Ils n'^admiroient pas moins k valeur. Se la prudence,<br />
avec laqueUe fl avoit régné, malgré fa jêuneffe, 6cfes infirmités;<br />
fi fon en excepte les dernières années de fa vie, où<br />
fl avoit donné quelques marques de foibleffe : k conftance.<br />
Se k fermeté, avec kquelfe il avoit fupporté une fî longue 6c<br />
terribk maladie, malgré kquefle il avoit toujours été adff, 6c<br />
fort apliqué aux affaires du gouvernement. Qiioique privé d'une<br />
partie de foi même, il n'avoit jamais héfité à fe mettre à k tête<br />
de fes Troupes, pour courir où k befoin de l'Etat le demandoit.<br />
Son Corps fut -inhumé dans f Eglife du St. Sépulcre y dans SonEnvev^^<br />
k tombeau de fes Prédéceffeurs, avec beaucoup plus de ré- *"""'"'•<br />
grets. Se de larmes, que de pompe. Se de magnificence, parce<br />
que la Princeffe SYBILE, fa Sœur, étoit fi préocupée, auffi<br />
bien que les Grands, de kurs intérêts particuUers, qu'ils ne penferent<br />
guères à ce qu'ils dévoient à la mémoire d'un fî bon, 6c<br />
fî généreux Prince.<br />
Cfeielques Hiftoriens raportént, comme une chofe fort extraordinaire,<br />
6c comme un mauvais préfege pour le Roitume db<br />
Jérufakmy quelques grands orages, tant maritimes, que terrestres<br />
, qui arrivèrent en ce tems-là. Cependant, fls ne de^<br />
voient pas ignorer, que ce font ks changemens de faffons, qui<br />
produifent ordinairement ces effets d'éclîpfes, de tremblemens<br />
de terre, de vents impétueux, de pluies exceffives. Se de tonnerre<br />
épouvantable, qui arrivent, non feukment dans k Sy-<br />
Kk î ric y<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ti6i: H ï s T 0 I R E G E'N E'R A L E<br />
rie y Se dans, tout VOrient, mais encore dans toutes lesR^iont<br />
de f Univers.<br />
Faux pré- H faut plutôt attribuer k véritable caufe de la ruine de cet<br />
jugeas de £^jjj. ^ 1^ dffcorde, 6e à la haine kivétérée des Perfonnes, qui<br />
mj^ens. dévoient le foutenir par leur union, Se leur bonne intefligence ;<br />
6c qui, au lieu de travaiUer de concert à fa confervation, comme»cèrent,<br />
peu de jours après k mort dc BAUDOUIK, à. s'élever<br />
les uns contre les autres, 6c caufèrent, par4à, les maflieurs<br />
qu'on a youlu être les effets des tempêtes furieufes, que les mêmes<br />
Auteurs, 6c principakment le P. MAIMBOURG, décrivent,<br />
avec tant d'éloquence.<br />
Le Comte de Tr//)
fit JERUSALEM. LIV. VI. CH. I. ^ 26%<br />
»<br />
troubks, fes' agitations Se hs mécontcritémens des uns, ' 6c '<br />
des autres, 6c rendit un peu de tranquflité aux Peuples de<br />
l'Etat. •<br />
Efle fot cependant bientôt interrompue, par un accident fî ^"^ ^<br />
fatal, qu'fl cn caufa rentière ruine. Le jeune Roi mourutdouin.<br />
fept mois, après k décès de BAUDOUIN, fon Oncfc. On<br />
prétendit, que ce fut par un poifon lent, que le Comte de<br />
Tripli hii avoît fait donner, dans k deffdn d'ufurper le<br />
Trône; fe flattant, que, dans fétat déplorabk, où étoient<br />
alors les affaires, on fc préf^eroit aux Princeffes SYBILE, 6S<br />
ISABELLE. D'autres attribuèrent cet horrîbfe attentat à SYBILE y<br />
fe propre Mère, qui avoit été affez dénaturée, difoient ik,.<br />
pour préférer le plaifk dc régner à k vie' de fon propre<br />
Fils. Cette dernière opinion fut même la plus fuivie.<br />
Quoi qu'fl en foît, cette mort inopinée rompit entièrement<br />
Punion apparente entre cette Princeffe 6e k Comte de Tripli.<br />
Leurs prétenfions fe renouveflèrent avec plus de chakur<br />
qu'auparavant, Se remirent tout le Roïaume dans le desordre ,<br />
6c dans k confufion. Les uns favorffoient les prétenfions du<br />
Comte. Les autres applùoient les droîts de la Princeffe SYBI<br />
LE. Un troifième parri voulok faire donner k Couronne à.<br />
EMPHPROI DE THORON, Mari de la Pl^inceffe ISABELLE. Maîs.<br />
enfin, k fermeté, 6c faddreffe de SYBILE à fourenir k préfércnce,<br />
que lui donnoit fa Naiffance, remporta fur fes compétiteurs<br />
, foitpar Vzdâreffe qu'efle eut de cacher, pendant quelques<br />
jours, là mort defon Fiîs ; foii: qifelle gagnât par préfens, ou par<br />
promeffes, plufieurs de ceux qui n'étoknt pas de fbn parti. En<br />
im mot, elk s'affura des fuffrages du Patriarche, de diversEvêques,<br />
6e Barons, ôc du Maître du Tempky qui étoit un d'es Confervateurs<br />
dek Couronne, Se des: autres ornemens Roïaux. Enfin,,<br />
efle fot fî bien fe conduire, que, malgré ks clameurs de fes*<br />
Concurrens, elk fe fit folemneUement couronner, avec Gui DE'<br />
LUZIGNAN, fon Epoux, dans fEgUftrda St. Sépulcre^<br />
Quel-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
204- H I s T p I R E G E'N E'R A L E<br />
Article^. Quclques-uns ont écrit, que SYBILE n'aïant pu engager k<br />
Maître de VHopitaly qui étoit un des Confervateurs des habits<br />
Roïaux, à lui en donner la clef, elk avoit fait, avec autant<br />
de réfolution, que de prefence d'efprk, enfoncer les portes du<br />
*"';.: tréfor; deforte qu'on vit, dans un même jour, le couronnemenf<br />
de cette Princeffe, Se de fbn Epoux, Se les Funéraflles<br />
du jeuneRoi BAUDOUIN. La trifteffe de fune de ces cérémonies<br />
contrebalançoit îa réjouiffance de l'autre; Tant k foif de régner _<br />
ét:ouffe ks fentimens de la Nature. Cette paffion ne laiffoit<br />
alors à la Reine SYBILE , que la joie, 6c k plaifîr de pofféder<br />
k fouveraineté, Se de triompher de ceux qui avoient voulu la<br />
Arrivée de lui difputer. Il cft pourtaut vrai, que l'arrivée-de BONIFACE ,<br />
S-iwv' Marquis de Montferrat y Beaufrère de cette Princeffe, qui avoit<br />
ferM^i fuccédé à fon Frère R E'G NIER. Roi de TheffaliCy mort fans<br />
jérufaîcm.Enfans, 6c qui avoit d'abord pris k parti de SYBILE, ne<br />
contribua pas peu à la tranquflité de fon couronnement.<br />
.. BONIFACE étoit venu à Jérufalem, pour prendre lui même<br />
k Tutelle du jeune Roi, fon Neveu, Se la Régence de fEtat ;<br />
mais l'aïant trouvé mort en arrivant, fens s'informer fî fa mort<br />
avok été naturdk, ou prématurée, 6e perfuadé que la Couronne<br />
appartenoit de drok à la Princeffe SYBILE, fl apujafi bien<br />
fes prétenfions , que, malgré les murmures des Grands du<br />
Roïaume, efle fut couronnée avec Gui, fon Mari. EMPHROI<br />
DE THORON, bien loin de vouloir leur difputer le Trône, fut le<br />
premier à leur fake hommage, &ç à leur prêter le ferment de<br />
fidéUté. Tous les autres Seigneurs fuivirent fon exemple. Le<br />
feifl Comte .de Tripliy qui n'avoît pu y mettre obftacle, ne<br />
refpîrant que vengeance du tort, qu'fl prétendoit avok reçu,<br />
fe retka brufquement fur fes Terres ; bien ^éfolu de ne rien éparr<br />
gner, pour renverfer du Trône un Homme, qu'fl en croïoit beaucoup<br />
moins digne que lui C'eft çe qu'fl fit bientôt voîr, fans<br />
aucunégard à la ruine de tout un Peupk, ou à k perte d'un Roïau-.<br />
ine, qui devoit être fi cfier, ^ fi recommandâbk ^tpus ks Chrétiens,<br />
6jr<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE J E'R U SALE M. LIV. VL'A CH. I. - 269<br />
Car SALADIN , dont faddreffe, 6c la vigilance à profiter de<br />
leur désunion étoit infinie, aïant apris le bruit, que faifoit k<br />
rupture du Comte avec Gui, Se tous les autres mécontentemens<br />
, qu'avoit produits l'avènement de ce dernier à la Couronne,<br />
crut cette occafion la plus favorable, qui pût jamais fe préfenter,<br />
pour dépouiUer les Chrétiens des meilleures Places du .<br />
Roïaume. Comme fl connoiffoit le Comte de Tripoli capable ii8
26
DE JE'RUSALEM. Lïv. VI. CH.I. ^6^<br />
Ils attaquèrent enfuite les Barbares avec tant d'intrépidité.<br />
Se de courage, qffils les étonnèrent d'abord par ks coups fûrs,<br />
Se terribles, qu'ils kur portèrent Le maffacre, qu'ils firent,<br />
joint à fembrafement de leurs retranchemens, fit qu'fls s'abattirent<br />
, Se prirent enfin la fuite, avec tant désordre Se de confufion<br />
, que tout auroit été perdu pour eux, fi SALADIN , qui<br />
reconnut f épouvante de fes Troupes, n'y fut accouru promtement<br />
lui même, avec fon Efcadron de Mammelucs y 6c n'eût Tit-Valeur des<br />
teint celui des Chevaliers, dans le tems qu'ils fe retiroient fous J^^^j^îf "^<br />
les murs de la Place. Il s'engagea alors un combat, bcaucoup cmbatconplus<br />
fanglant, Se plus opiniâtre, que le premier. Lcs Barbares<br />
y animés par la prefence de leur Prince, faifoient des prodiges<br />
de valeur pour rompre la Cavalerie Chrétienne. Tous leurs<br />
efforts furent cependant inutiles ; Se, fans k mort de ROGER<br />
DE MOULINS, Maître de VHopitaly de la plupart de fes braves<br />
Chevaliers, 6c de plufieurs autres Perfonnes de diftindion,<br />
les Chrétiens auroient eu la gloire de faire périr ce jour-là, avec<br />
la meilleure partie de la floriffante Armée de SALADIN, le perfide<br />
Comte de Tripli, qui, mafqué, Se travefti, combattoit à<br />
fon côté.<br />
Plus de quinze mille Infidèks demeurèrent for le champ de ^„,-;^ ^^<br />
«taille, outre ceux qui périrent par le féu, ou le fer, dans leur Saïadin.<br />
mp. Une fi grande perte déconcerta teflement SALADIN,<br />
quil décampa dès la nuit fuivante, 6c reconduifît fon Armée<br />
flir feslTcrres, tant pour la rafraîchir. Se la renforcer, que pour<br />
donner le tems au Comte de Tripoli de lui procurer quelque<br />
occafîon favorable d'avoir fa revanche. Se de défaire les Chrétiens.<br />
Ce fut alors que le perfide RAYMOND , bi^n loin de fe répen- Artieuiii.<br />
tir de fes erreurs, par le danger qu'il venoit de courir devant Rufes du<br />
Ptolomaïde y non moins fâché, que SALADIN, de la mauvaffe Ç^^^^5<br />
réûffite de cette entreprife, renchérit encore fur fes méchancetés<br />
à fégard des Chrétiens; foit àla folUcitation de ce Prince/«-<br />
Ll 2 fidèle y<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
268 H I S T O I R E G.E'NE'RALE<br />
fidèle y ou de fon propre mouvement II affeda de vouloir fe<br />
réconciUa* avec le Roi Gui, afin d'avoir la commodité de le livrer<br />
plus commodément à celui à qui il favoit vendu; Se fl<br />
pouffa fa haine Se fe vengeance à un point, que fi efle ne coûta<br />
pas la vie à ce Prînce, comme ce Traitre favoit projette,<br />
efle lui coûta au moins fa Uberté, la perte de fes meilleurs Suj.ets.<br />
Se cefle de k plus grande partie de fes Etats, par k plus<br />
infâme trahifon, dont on ait jamais ouï parler. •<br />
Sa feinte H commcuça par témoigner un vérkable repentir des démarttoTavet<br />
^^^^ 5 ^"^ ^^^ premiers mouvemens de fa colère lui avoient in-<br />
Gui. fpirées : Se, par plufieurs foumflfions, il engagea quelques Seigneurs<br />
à affurer le Roî des véritables regrets, qu'fl en reffentoit;<br />
les conjurant, en même tems, de lui procurer fa réconci<br />
Uation. Ce Prince, qui étoit natureflement bon, Se généreux,<br />
crut facflemént, que ceTraitre s'étoit véritablement repenti de<br />
fes fautes. Se qu'fl étoit rentré dans fon devoir; de forte qu'fl<br />
prit tant de confiance en lui, que sll n'avoit jamais rien fait<br />
contre fes intérêts, qui dût le lui rendre fufped.<br />
Alors le Comte, qui reconnut, que cette aveugle confiance<br />
alloit le mettre en état d'agir felon fon inclination, 6e de faire<br />
plus de mal à Gui, en paroiffant le fervir, que lors qu'fl avoit<br />
eu les armes à la main contre ki, affeda une grande fou<br />
fion pour fe réconciUer. Par une méchanceté auffi noire,<br />
maligne, que ce qu'fl avoit déjà fait, fl envoïa renoncer p<br />
bUquement à f Afliance, qu'il avoit eontradée avec SALADIN.<br />
C'étoit le fignal, concerté avec cet Infidèky pour f avertk de<br />
rentrer fur les Terres des Chrétiens. En effet, il attaqua d'abord<br />
la Vifle de Tibériade, Capitale de hi Galilée y que le Comte<br />
avoît dégarnie de gens de guerre. Il paffa lui même à Tripoliy<br />
où fl leva quelques nouvefles Troupes, Se en fit augmeur<br />
ter les fortifications; faffant entendre, qu'fl ne doutoit pas,<br />
que SALADIN ne vînt l'attaquer, pour fe vanger de fon changement.<br />
La<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LIV. VI. CH. I. 269<br />
La Princeffe ECHINE, Femme du Comte, fe trouvant enfer- imprudent<br />
mée dans Tibériade y Se ignorant la trahffon de fon Mari, en- g ^"j^"*<br />
couragea d'abord les Habitans, Se quelque peu de Soldats afe Luzignan;<br />
bien défendre, les affurant qu'ils feroient bientôt fecourus. En<br />
effet, fur les inftances de cette Dame, Se fur cefles. du Comte<br />
fon Epoux, le Roi, qui ne fe défioit de rien (contre favk des<br />
plus expérimentés de fon Confefl) dégarnit toutes les Pkces<br />
du Roïaume, pour compofer une Armée capable de fecourir<br />
ouvertement Tibériade y Se de livrer bataille à SALADIN,<br />
fî f occafîon s'en préfèntoit.<br />
GUI, accompagné du vieux Marquis de Montferrat, qui<br />
étoît allé vifker les faints Ueux ; des prîndpaux Barons du<br />
Roïaume, des Ordres MiUtaires, Se du même Comte de Tripliy<br />
qui étoit venu le joindre avec fes Troupes, alla camper à<br />
k fontaine de Séphor. Il avoit fous fes enfeignes, felon les<br />
meiUeurs Hiftoriens, près de deux mifle Chevaux, 6c environ<br />
quinze mifle Hommes de pié, outre plufîeurs Compagnies de<br />
mflice, qui s'y étoient jouîtes. Quelques Hiftoriens font cette<br />
Armée beaucoup plus nombreufe, mais trop difproportionnée<br />
aux Forces des Chrétiens de k Paleftine y lorfqu'il ne s'y<br />
trouvoit aucun Prince étranger. Les uns prétendent, qu'efle<br />
étoit de douze mflle Chevaux, 6c de vingt mille Fantaffins, 6c les<br />
autres encore moins vraffembkblement de 30000. Chevaux, 6c<br />
de 4.0000. Hommes de pié<br />
C H A P I T R E II.<br />
LE Roi, après avoir campé, pendant quelques jours, àla fon- ^^ticie i.<br />
taine de Séphor y jugea à propos de changer de pofte,<br />
pour en afler occuper un plus commode en im Ueu nommé ^//«,<br />
entre Nazareth y Se le Château deBeheiry par raport àl'a-<br />
Ll 3 bondance<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
2?o H I S T O I R E G E'N E'R A L E<br />
bondance des eaux. Se des fourages. La conduite de ce Prînce<br />
étoît exceflente ; mais il avoit^ auprès de lui un efpion trop<br />
dangereux. Se trop exad à informer fon Ennemi de tous fes<br />
deffeins, pour ne pas trouver de l'oppofîtion à fon nouveau<br />
campement. Les Infidèks favoient prévemi, Se s'en étoient fî<br />
bien emparés, que, pour les en chaffer, il fut obligé de commencer<br />
un combat, qui ne fot pas moins long, que cruel, Se terri-<br />
Ltng 6? hle. Il dura, depuis midi, jufqu'à l'entrée de la nuit, fans que la<br />
fanglant vidoirc fe déclarât pour l'iiu, ui pout l'autre parti, fî ce n'éft<br />
combat en- . ^ , -, ^ . . A I • ,-i<br />
tre les quc ks Barbarcs demeurèrent toujours maîtres du terrain, qu ils<br />
p'saia-'^'' avoient occupé ; Se que ks Chrétiens, accablés de laffitude, fu-<br />
^^»- rent contraints de camper dans des Ueux arides, 6c très-incommodes,<br />
où les Soldats tomboient en défaiflance, faute d'une<br />
goûte d'eau, dont ils avoient tant de befoin, à caufe de l'extrê-.,<br />
me chaleur qu'on reffent ordinairement, au commencement de<br />
JuiUet, dans ces quartiers-là.<br />
Le trifte , 6c déplorabk état, où fe trouva alors fArmée<br />
Chrétienne commença le triomphe du Comte de Tripoli. Il fe<br />
' ' crut à la veîfle d'ufurper le Trône de Jérufalem, 6c de donner<br />
la loi à tous ceux qui avoient été contraires à fes deffeins. Ce<br />
fut auffi cette mauvaife fîtuation, qui obUgea leRoi à affembler<br />
^ ' le Confefl pendant la même nuit, afin, de le confulter fur le parti<br />
qu'on devoit prendre, pour fe tirer d'un fi grand embarras.<br />
Comme fl n'y avoit pas beaucoup à déUbérer, Se qu'on ne<br />
pouvoit décamper, fans en venir aux mains, ni demeurer plus<br />
long-tems dans un Ueu fî desavantageux, fans expofer les Hommes,<br />
6c les Chevaux, à périr de faim, de foif, 6c de mifère, fl<br />
fut d'abord réfolu, qu'on fe mettroit en bataflk, dès le point du<br />
jour, afin de s'ouvrir un paffage, avant que la foibleffe, SeVépuifement<br />
mît les Soldats hors d'état de f entreprendre.<br />
Il ne s'agiffoit plus que de décider, fî on devoit attaquer<br />
l'Ennemi, ou attendre, qu'fl s'oppofât à leur rétraite, lors qu'un<br />
Renégat, nommé JEAN, fe jetta aux piés du Roî devant toute<br />
fAf-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. VI. CH. II. 271<br />
l'Affemblée, 6c lui dît, que le fmcère repentir qu'fl avoit conçu<br />
de fon Apoftafîé, 6c d'avoir fî long-tems fervi SALADIN contre<br />
ks ChrétienSy favoit porté à quitter cet Infidèky pour venk<br />
avertir Sa Majefté, 6c lui dire, que, puisqu'fl ne pouvoit fe<br />
difpenfer de recommencer un combat, fl faloit que le fort de<br />
fes Troupes s'attachuffent à f Efcadron des Mammelucs, qui environnoient<br />
SALADIN, 6C dans lequel confîftoit toute k force 6c<br />
k vigueur de fon Armée; l'affurant, que fî cet Efcadron, qui<br />
étoit aifé à reconnoitre par l'élévation extraordinaire de fon étendart,<br />
recevoit le moindre t échec, tout le refte, qui n'étoit que<br />
gens ramaffés, fans difcipUne, 6c fans expérience, les abandonneroit,<br />
6c prendroit une fuite fî précipitée, que fes Soldats<br />
n'auroient plus la peine que de tuer, fans trouver aucune réfîftance.<br />
11 s'offrit, en même tems, de guider cette attaque lui<br />
même, 5c de facrifier fa propre vie pour la gloire de 7
272 HISTOIRE G E' N E' RALE<br />
comme on favoit, qu'fl connoiffoit parfaitement le Pays, foit<br />
par foibleffe, ou par deftin, on approuva fon malin, 6e pernicieux<br />
fentiment. Au lieu de ferrer leurs Troupes, 6c d'en opjp.ofèr<br />
la fleur contre les Mammelucs y comme le transfuge k<br />
leur avoit indiqué ,^ ils les divifèrent en plufieurs Corps, féparés<br />
les uns des autres, de la manière quelle Comte de Tripli<br />
le confeiUa. < ^^^<br />
Làrheté, Le jour aïant paru, la bataille commença; 6c'ils n'eurent<br />
Tj£e P^^^ le tems de changer cet ordre, qui les mettoit hors détat<br />
rie Tripoli, de pouvoir fauc tête ^ux Infidèles. Ils s'aperçurent alors, mais<br />
inutilement, de la trahifon du Comte de Tripli. Ce perfide,<br />
profitant du désordre de fArmée Chrétienne y f abandonna au<br />
plus fort du combat 5 6c fe retira avec fes Troupes à Saphet y<br />
^ enfuite à Tripoli. Sa retraite. Se k déroute des premiers<br />
Bataillons Chrétiens y qui donnèrent, fut fuivie du découragement<br />
de toute fArmée, déjà accablée de foif, de fommeil, 5c<br />
de laffitude. A tous ces mau^ fe joignit fardeur des rayons du<br />
folefl, qui leur donnoient dans les yeux, les brûloient. Se les<br />
éblouiffoîent fi fort, qu'il leur étoit impoffible de fe fervir du<br />
peu de forces qui leur reftoit. On auroit dit, que cet Aftre<br />
eût été d'accord avec les Infidèles, pour les perdre dans cette<br />
malheureufe journée.<br />
Elle fut bkn funefte aux Chrétiens, Les Infidèles y dont le<br />
nombre étoit incomparablement plus grand, profitèrent fî bien<br />
de tous leurs avantages, qu'ils les ènvelopèrent de tous côtés.<br />
Se en firent un fi grand carnage, qu'aucune autre bataille ne<br />
kur avoir coûté tantdefarig, depuis qu'fls poffédoient leRoïau-<br />
LeUisdeiame dc Jérufakm, Il n'en échapa que très-peu au fer des^^rprls<br />
paroles bar es. RuFFiN LE MoiNE, Evêquc de Ptolomaïde y qui por-<br />
Barbares.|-oit le facré boîs delxCroix y le perdît, aveck vie, dans ce malheureux<br />
jour.- Les autres Prékts, qui favoient porté, avant<br />
luî, dans les autres bataflles, n'avoient jamais reçu k moindre<br />
bleffure.<br />
Cet-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
M JE'RUSALEM. Lcvi VI. Ca. IL 273'<br />
Cette fainte Refique fut prefentée à SALADIN, comme le pïns Défaite de<br />
glorieux trophée de fe Vidoire, Se k plus grande partie de c^i'édl-uf<br />
Armée Chrétienne périt. Il n'y eut que le Roi, ALME'RIC DE ne.<br />
LUZIGNAN, fon Frère, qui étoit Connétable du Roïaume, le<br />
Marquis de Montferrat y RAYNAUD DE CHATILLON, GÉRARD<br />
DE RIDFORT, 6e quelques autres Perfonnes de diftindion, à<br />
qui les Turcs, fatigués de maffacrer, confervèrent la vie, dans<br />
la vue d'en tirer de groffes rançons. GARNIER DE NAPLES,<br />
Maître de VHôpital y eut le bonJieur de fe fauver à Afcalone y<br />
avec une petke troupe ; mais fl y mourut de fes bleffures, peu<br />
• de jours après. SALADIN , dès le lendemain, fit trancher la tête<br />
à plufieurs Chevaliers des deux Ordres, qui tombèrent entre<br />
fes mains ; tant fl défiroit d'éteindre deux MiUces, de la valeur<br />
desqudks fl avoît fouvent expérimenté, que dépendoit la prindpale<br />
force des Chrétiens de la Paleftine, -/ /<br />
Le Maître dès Templiers n'évita ce fupUce, qu'aux inftantes 5^^^,^^-^<br />
prières du Roi; mais fl ne put obtenir la même grâce pour RAY- rf^Saïadin.<br />
NAUD DE CHATILLON. SALADIN étoît fi outré contre ce brave<br />
Seigneur, de ce qu'fl àvoit empêdié fes entreprifes fur la Province<br />
qù'fl gouvernoit, 6e s'offenfa fi fort de la manière, avec<br />
laquelle il répondit à fes queftions, qu'fl lui abatit lui même la<br />
tête d'un coup. Barbarie , bien indigne d'un auffi grand<br />
Homme que l'a été SALADIN, qui, en déshonorant, par une<br />
adion fi indigne, k Vidoke, qu'fl venoit de remporter, fit<br />
bien voir, qu'il eft plus difficfle de fe vamcre foi même, que de<br />
vaincre fes Ennemis.<br />
Ce Prînce Infidèky qui fe kiffa furmonter à la colère d^ns Article n.<br />
une occafion, où la modération, Se la clémence, auroit confidérablement<br />
augmenté fe gloire. Se fa rénommée, ne manqua<br />
point de dfligence, 6c de conduite, pour retirer tout k fruit,<br />
qu'fl pouvoit attendre du gain de k bataiUe, 6c de la prifon du<br />
Roi; car, bien informé, que ce Prince avoit dégarni les Places<br />
du JRoïaume, pour renforcer fon Armée, fl ne s'arrêta que<br />
Mm trois<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
i74 H I S T O I R E.> G E' N E';R A LE<br />
.;»,< trois jours au pont de Tibériade y ppurfaire pancer fes bleffés,.<br />
6c rafraîchir les Troupes. La conquête de Ptolomaïde lui tenoit<br />
trop à cœur, depuis long-tems, pour la négliger. Il afla d'abord<br />
pknter le fiége devant cette Vilk, Se n'âttendk pas longtems<br />
à â'en rendre maître; •<br />
Siège^' •• Qiielque fortifiée que fût cette Place de Tours, 6c de Mug'^^j^"""^^*<br />
railles, ks Habitans., prefque tous gens de commerce, fe voïant<br />
de, privés de faffiftance des Chevaliers du Tempk y-Se de VHopitaly<br />
leurs défenfeurs, 6c fans fefpérance de recevok aucun fecours,<br />
tous les Soldats aïant péri à la bataflle dlÊ/m^, fe rendkent dès<br />
k lendemain,: qu'fls furent attaqués,^ fur l'^irance que SALA<br />
DIN donna ^}x.Cbrétiens Otkntaux, qui s'y trouvcâent en plus<br />
grand nombre, de les y kiffer tranqmkment jouïr de leui»<br />
biens > 6c de kurs Maifons; 6c aux Latins y de fe retker avec<br />
kurs meubles où bon leur fembkroit. Par-là, fl fe trouva enfin<br />
goffefleuL de cette importante Flace , fews* qu'fl lui en coûtât- un.<br />
feul Homme.- Effet de l'in^rudence qu'on avoit eu d'en tirer/<br />
tous les gens de guerre..<br />
Il ne manqua pas d'y mettre toutle bon ordî'e, làmuniflant:<br />
de tout ce qu'fl crut néceffaire pour fe conferver une Vilk fi importante<br />
par mer.i 6c parterre. Il marcha enfuite vers Baruth y<br />
dont les Habitans, qui fe trouvoient également fans reffource,<br />
fècrendùentau feuLbruit defon approche, afin d'éviter fon în^<br />
dignation, par une réfiftance inutile. Satisfait de leur foumiffion,<br />
il les traita avec la même douceiu, qu'il avoit fait ceux de Ptolomaïde.,<br />
Et'enfin, auffi clément. Se retenu,, qu'fl avoit été'<br />
iwoknt,.- Se. emporté après la .bataflle dEtin, il leur laiffa le libre<br />
exercice dé leur Re%ioii, fans permettre que fes Sddats<br />
kur fiffent jamds la moindre'infuke.. Tant de douceur. Se de<br />
géaérofké,- le rendk,. en moins d\in mois, makre dé toutes<br />
ks Places dé k Paleftine y à la referve. dâ Jérirfalem^y de Tyn<br />
StMAfcahnœv. Les uns lui ouvrkent leurs portes;-, avec^empresfiment.;,<br />
6c. ks Habkans desr>autresk prévinrent j, eniui épar-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«E'JËÎIUSAI.EM. liv. VI. CH. It. ^.79<br />
jgflànt le chemin, pouf k mettfe, avec plus de pompé, en posfeffion<br />
de kurs Villes, comme k firent ceux de Biblis,<br />
Les Latins y que SALADIN défîroit de chaffer entièrement de<br />
la Syrie y furent les feuls qu'fl fit fortir des Vifles, dont fl s'empara.<br />
Les Grecs y les Coptes y les Jacobites y Seles NeftorienSy<br />
ne firent que changer de Maître, fans changer de fortune.<br />
Après une fi grande fuke de profpérités, SALADIN, fe flattant,<br />
que rien ne pourroit réfifter à fes armes vidorkufes, alla fe<br />
préfenter devant Afcahne y efpérant d'emporter cette Place,<br />
avec la même facilité qù'fl avoit affujetti ies autres; mais, fok<br />
que fes Habitans fuffent plus.affedionnés à leur légitime Souverain<br />
, ou qu'fls fuffent encouragés par quelques ChevaUers, qui<br />
s'y étoient feuvés avec GARNIER DE NAPLES , Maître des Hofpitaliers,<br />
qui, en mourant de fes bleffures, comme ye viens de k<br />
dire, avoit non feukment exhorté ce refte de Chevaliers, mais<br />
encore tous ks Habitans, à mourir en gens d'honneur, plutôt<br />
que de fe rendre aux Infidèles ; ils rejetterait ks propofîtions saïadîn<br />
de SALADIN, avec autant de mépris, qu'fls repouflerent fès atta- jJ^^^^^V<br />
ques avec vigueur, ôe avec fermeté Ils mirent le feu aux ma- ««rf'Afca-<br />
.chines, qu'fl avok plantées, jçur ks incommoder, 6c l'oblige- ^"*<br />
rent enfm â lever le fîége ;L' Mcriant de deffus leurs murailles,<br />
comme par infulte, qu'il i|e fdfoit jamais le Maître des Afcalonites<br />
y tant que durerok Jérufétkm.<br />
Ces difcours injurieux envers un Prînce accoutumé à vaincre,<br />
6c auffi enflé du fuccès de fes armes, que fétoit SALADIN, fenflamèrent<br />
fi fort, qu'il conduifît, fans héfîter, fon Armée devant<br />
Jérufakmy bien perfuadé, que, s'il trouvoit la même réfîftance<br />
dans les défenfeurs de cette Capitale, qu'fl avoit trouvé<br />
de réfolution à ceux dAfcaloney fl étok au moins certain<br />
que fes murailles ne lui donneroient pas tant. de peine à<br />
entamer.<br />
En arrivant devant Jérufalem, fl mit tout en ufage, poui*<br />
engager les Habitans à fe rendre. Il kur propojâ fçxempk dés<br />
Mm 2 ^tres<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
été H I S T oa R E- -Ç E' N E' R A L E<br />
autres Vilks, qui avoîent pris ce parti, 6e^qui avoknt tout Ikude<br />
fe louer de fes bons traitemens ; fl ne put cependant les ga:gner.<br />
La Reine SYBILE, k Patriarche, 6c quelques Chevaliers<br />
des deux Ordres, qui y étoknt demeurés à la garde de leurs<br />
Maifons, les animèrent à fe bien défendre, afin de'mériter,<br />
comme les AfcakniteSy le titre gkrieux de bons. Se fidèles<br />
fojets à leur Prince, dont fl s'agiffoit de conferver k refte de la<br />
famifle, avec le fepiflcre de Jefus-Chrift,.<br />
' SAXADIN commença, enfuite à faire jouè'r diverfes, machines^<br />
qu'fl avoit fait placer du. côté du Septentrion y où il avoit rer<br />
connu que les murs étoient en ruinei Ils en furent fi fracaffés<br />
qu'au bout de dix jours, ks Peuples qu'on avoit eu bien de la<br />
peine à retenir jufqu'alors, ef&ayés de voir cette formidable Armée<br />
Ennemie, 6e confternés d'aifleurs du malheureux fort de<br />
kur Souverain, ne vouloient plus écouter ni prières, ni.exliortations.^.<br />
Ils difoient, que c'étoit vouloir tous, fe perdre avec<br />
kur Vflle, s'fls réfiftoient davantage, puifqu'ils ne pouvoknt<br />
efpérer aucun fecours du dedans, ni du dehors du Roïaume.<br />
Téïufàiem 1^ tumulte devînt fi ^nd, que la Reine SYBILE fut enfmconfepnrfi-<br />
traînte à capituler, k 14. jour du fiége, 6c d'accepter k.triftp,<br />
/wir fa])im. 6c. dure condkion, de fortir de^k Sainte-Cité y avec tous les<br />
i»tim. Latins y ^.uxquels il ne fut permis'de retirer de tous kurs. biens,<br />
que ce qu'ils purent emporter fur leurs épaules. Les Chrétiens<br />
Orientaux y qm y reftèrent, n'eurent pas le même bonheur, que<br />
ceux des autres Vflles, qui s'étofent rendues à SALADIN; car<br />
ils forent obUgés de racheter leur liberté, par; une. capitation<br />
proportionnée aux facultés qu'fls poffédoient. ' ^<br />
Quelques Hiftoriens prétendent, mal à propos, que ce fu*<br />
rent les Latins,, Se non le? Chrétiens Orientaux y qui demeurer<br />
rent d^ns Jérufeile$n^; 6e que les Infidèles.y pouffes, parleur<br />
avarice ordinaire, 6e contre la capitulation, les forcèrent à leur<br />
.payer cette rançon. Ils ajoutent même, que plufieurs fe trouvant<br />
dans l'împmffance d'y fetisfake, les CfievaUers du Temple,j<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
•EjE'RUSALEM. Liv. VL C^. H. ^nr<br />
6c de VHopitaly y fupléèrent, pour ne les pas laiffer au^pouvoir<br />
des Infidèles. Cependant, les Auteurs, les plus approuvés,<br />
affurent, que S A L A D i N^ cbferva très-reUgieufement le Traité ;<br />
qu'fl ne fit aucune violence aux. Latins ; qu'il leur donna même<br />
de bonnes «fcortes, comme il leur avoit promis; 6e que, de<br />
plus, fenfible aux maflieurs de k Reine, 5c de tant de Perfonnes<br />
de diftindion, qui témoignoient leur grand regret de quitter<br />
h. Sainte-Cité y plus qu'ils ne régrettoient les richeffes, qu'ils . us;-,<br />
y laiffoient, il fut touché des pleurs. Se des gémiffemens, de<br />
ce Peuple infortuné.<br />
C'étoit en. effet un fpedaek bien déplorabk. Se digne^de<br />
compaffion, de voir le 2. jour d'Odobre de l'an 1187.; quatre-vingts-huit<br />
ans, deux mois, 6c 17. jours, après que GO<br />
DEFROI DE, BOUILLON,. Se ks autres Princes Croifés y f eurent<br />
conquife, fortir de Jérufalem, un Patriarche à la tête d'un célèbre<br />
Clergé,, à la garde desquels les faints lieux-étoient confiés.<br />
Se qui, dans les jours fokmnels, avoient coutume d'y paroître,<br />
avec tant de pompe, 6c de magnificence. Une Reine, eonduifant<br />
avec elle deux de fes Enfans, fuivie de grand nombre Tri/iefor^<br />
de Princeffes, Dames, Se autres Perfonnes de qualité; d'une ^^,-^j''*^^<br />
floriffante Bourgeoifie, Se d'un Peuple nombreux , marchant Patriartous<br />
comme en exfl, pour fe réfugier dans les autres Vifles du laBourgen^-<br />
Roïaume, qui reftoient encore à leur dévotion, dépouillés dej^^^^^^^'<br />
leur grandeur,, de leurs dignités, de leurs biens, 6c contraints<br />
de fe foumettre aux Perfonnes, qifils regardoient auparavant<br />
comme beaucoup au deffous d'eux..<br />
Ceux des.Citoïens de Jérufalem, qui aflèrent chercher leur Articuim.<br />
afile à Tripoliy ou à Antioche y encore pks infortunés que les<br />
autres, qui fuivirent la Reine à Afcalone y eurent le malheur<br />
d!être dépouiUés,,. par le Comte de Tripoli y de ce que ks Ennemis<br />
leur avoient laiffée Ce Scékrat aïant renoncé à toute forte<br />
d'huir^nité, comme fl l'avoit iàit à fa ReUgion;, encore plus<br />
barl^are, 6c plus dénaturé, que les i?^&7r^j[,mêmes, fit dévaU-r<br />
Min 3, fen-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
:t?8 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
fer ce miférable Peuple, malgré les prières, les pkintes, & le»<br />
kmentations de ces pauvres afligés, qui, réduits au défespoir<br />
par un fi crud traitement, vomirent mifle imprécations contre<br />
ce perfide, afin d'attirer fur lui la vengeance de Dieu, qu'ils<br />
imploroient. Se dont fl ne tarda pas à reffentir les effets. Se k<br />
jufle châtiment, que méritoient tous fes crimes, dont ce dernier<br />
trait combloit là mefure.<br />
Entrée Cependant SALAÇIN, après la fortie des Latins dt Jérufatriomphan-<br />
km y y cutra, comme en triomphe, à la tête de toutes fesTroudindans<br />
pcs, révêtucs dcs richcs dépouifles de tant de Princes, Se Seijémfaiem.<br />
gj^gyj.^^ Ilétoît foîvî du Roî, quî avoit k douleur de fe voir,<br />
comme cfckve, entrer dans une Vilk, où fl avoit été affis fur<br />
k Trône, en qualité de Souverain : de tous les autres Illuftres<br />
Prifonniers, qu'il avoit fait à la bataille dEtin ; Se enfin de plus<br />
de vingt mflle Chrétiens captifs. Il commença d'abord par fairo;<br />
abattre les faints Autels, brifer les Images, 6c renverfer tout<br />
.ce> qui fe trouvoit de faint, dans k Tempk de SALOMON.<br />
Il fit enfuite laver ce fameux Temple avec de feau de rofe i<br />
6c parfumer avec les aromates les plus précieux, comme pour<br />
k purifier, avant que d'y entrer poUr faire faire fa prière, felon<br />
fon culte. Il rendit grâces à Dku de toutes ks Vidoires,<br />
qu'il venoit de remporter ; Se, dans f excès de la fetisfadion<br />
qu'fl reffentoit à ce moment, fl dit à haute voix,- que les Chrétiens,<br />
qu'fl nommoit Infidèks, étoient indignes d'y entrer, encore<br />
moins de le pofféder. Cet Infidèk n'eut pas îa même confidération<br />
pour les autres Eglifes. 11 les abandonna à la difcrétion<br />
de fes Soldats, qui, après les avoir pillées. Se profanées;<br />
ks changèrent en écuries, ou en d'autres ufages non moins vils.<br />
Se profanes.<br />
«ii'cTré- ^ Temple du St, Sepultr^.fut le feul, que SALADIN permk<br />
tiens Rux Chrétiens Orientaux de racheter pour une grofe fomme<br />
mx'rftf dai^gent; mais fl en enkva tous les riches ornemens, & k pro-!<br />
suscpui! %^^
^ Ht JE'RUSALEM. Liv. VI.:Ca IL 27^<br />
avoient envoïés. La vénération, que lés Mabométans ont pour<br />
Jefus-Chrift y qu'fls regardent comme un grand Prophète, Se k<br />
vue du profk confidérable, qu'fl e^éroît retirer des Pékrins y<br />
qui viendroient vifker ce facré monument, le fit confentk à<br />
fe confervation.<br />
Ce fut ainfi que la célèbre Jérufakmy qui avoît été dèUtrée<br />
de k tirannie des It^dèkSy fous k Pontificat d'URBAiN<br />
II. retomba fous la domination de ces Barbares y pendant<br />
celui d'URBAiN IIL.de même que k vraie Croix,, qui avoit été<br />
recouvrée par fEmpereur HE'RACLIUS, que les Chrétiens<br />
perdirent paiement fôus un Patriarche du même Nom; cequi-fut<br />
obfervé comme une chofe fort remarquable; ainfi que"<br />
l'a auffi été k commencement*,^ 6c k fin de l'Empire de<br />
Conftantinopky qui avoit commencé par CONSTANTIN LE-<br />
GRA-ND, 6C qui fmit< enfuite fous im autre Prince du même<br />
Nom*-<br />
Enfin SALADIN, qui ne fe donnoit aiKUn repos, lors qu'fl<br />
s'agiffoit de conquérk, ne voulant point interrompre le .coursd'une<br />
entreprife fi heureufement commencée. Se après laquelle<br />
fl foupiroit depuis fî fong-tems; avide d'aifleurs denkver'<br />
aux Chrétiens tout ce qu'fls occupoient dans la Syrie y n'eut *<br />
pas plutôt fait r^arer lés muraifles de la Sainte-Cité y qu'fl<br />
fe remit en campagne. Il" conduifit fon Armée devant k*<br />
Vifle de Tripliy perfuadé que k Comte RAIMONÛ, qui venoit<br />
de lui envoïer prêter ferment de fidélité, ne manqueroit<br />
pas de fy introduire, dans la vue de recevoir l'inveftiture<br />
du Roïaume de Jérufalem, félon k conventionr'^ Makfl<br />
ne fut pas au pouvoir de ce Traitre, de lui rendre cenouveau<br />
fervice. • II- voulût inutflement perfuader aux Habi^<br />
tans^ fts Sujets,
280 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
Tentatives cun impôt , 6c dout Ics Enuemis même étoient obligés de<br />
PfaVilielouar k générofité. Se k démence.<br />
Jefripoii. ^QUS CCS raifounemeus flatteurs ne purent les éblouir, non<br />
plus que k confidence, qu'fl leur fit de vouloir transférer le fiége<br />
Roïal déJérufalemkTripliy qui deviendrok, par ce moïen,<br />
la Ville capkale du Roïaume, 6c fes Habitans beaucoup plus<br />
confîderés, Se plus opulens, que tous les autres. Loin de fe<br />
rendre à fes foflicitations. Se à fes remontrances flatteufes,<br />
ces vrais Fidèles conçurent une fî grande horreur de fon impiété,<br />
6e de fa félonie, qu'ils eurent encore plus de iiaine, Se<br />
d'indignation contre lui, que contre les Infidèles mêmes. Ils<br />
fauroient dès lors facrifié à leur jufk reffentiment, fans la précaution<br />
qu'il prît de faire mettre fes Troupes fous les armes, autour<br />
de fon Palais ; ce qui fut caufe qu'fls diffimulèrent leur cokre.<br />
Se leur dépit. Ils eurent du moins la prudence de, lui<br />
,. demander du tems jufqu'au lendemain , pour perfuader leurs<br />
confrères y Se fe confulter eux mêmes for une affake fi importante.<br />
pjfoiutrons Ce u'cft pas qu'ils fuffent incertains du parti qu'fls avoient à<br />
îitaiiis.'^° prendre, ce n'étoit que pour avoir la commodité' de fe préparer<br />
à lui'réfîfter ouvertement, 6c à repouffer les attaques de SA-,<br />
LADIN : bien réfokis de périr tous, ks armes à la main, plutôt<br />
que de fe foumettre au joug de cet Infidèle, ii<br />
Les Tripolitains travaillèrent fécrettement toute la nuit à fe<br />
bien armer. Se à gagner les Domeftiques du Comte, = afin de les<br />
engager à les déUvrer d'un monftre, qui, contre les loix divines.<br />
Se humâmes, prétendoit de les livrer aux Ennemis de<br />
leur Foi, Se de leur famte Religion. Enfin, foit que ces Domeftiques,<br />
outrés de fénormité de fon entreprife , l'euffent<br />
étouffé eux mêmes, ou que Dieu voulut avoir^pitié de ces .zélés<br />
Mort du ChrétienSy Se prendre foin de leur vangeance,~ion k trouva<br />
TrTpon! ^°^^ ^^ kndemaki matin dans fon Ut. VINCENT DE BEAUVAIS<br />
affure, dans fon Mroir Uiftorifi^y que ce Comte avok été<br />
réceniT<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. VI. CH. II. 2Si<br />
récemment circoncis. On prétend, que SALADIN, vouknt fe<br />
déUvrer d'un efprit fî dangereux, 6c fi turbulent, 61 fe dégager<br />
de la promeffe, qu'il lui avoit faite de le mettre fur le Trône<br />
de Jérufalem, contribua beaucoup à le fake périr, comme<br />
il arrive affez ordinairement aux Traîtres, qui deviennent<br />
odieux. Se infuportabks à ceux mêmes qu'ils ont fervi. Se pour<br />
lefquels ils fe font facrifiés. Bel exempk, qui apprend aux<br />
Hommes à modérer kurs paOions, 6c à ne rien entreprendre<br />
contre k devoir, f honneur, 5c la juftice, puifque Dieu ne<br />
manque jamais de faire retomber fur eux le mal, qu'fls préparent<br />
aux autres.<br />
La mort du Comte de Tripli aïant mis les Habkans de<br />
cette Ville dans f indépendance, Se en Uberté d'agir par eux<br />
mêmes , ils fe mirent d'abord en mouvement , pour fe<br />
fortifier, 5e pour garnir leurs murailles de tout ce qui pouvoit<br />
contribuer à leur défenfe. Afin d'avoir un Chef d'expà*ience,<br />
6c capable de ks bien conduire, fls députèrent<br />
quatre des principaux d'entre eux, pour aller prier le Prînce<br />
dAntioche de voulok accepter le-Gouvernement, 6c la défenfe<br />
de leui: Ville; Précaution, qui, jointe à k fermeté,<br />
avec kquefle fls répondirent aux Officiers, que SALADIN leur<br />
envoïa, pour ks fommer de fe rendre ; favoir, qu'fls étoient<br />
réfolus de conferver, au prix de k dernière goûte de leur<br />
fang, la liberté, que Dieu venoit de leur accorder, fut la<br />
caufe de leur déUvrance.<br />
En effet, SALADIN, informé delà venue du Prînce dAi- saiacHn<br />
tiochcy dont fl n'ignoroit pas la valeur, 6c k prudence, ?S"^*<br />
confidérant d'aflleurs favantageufe fituation de la Place, 6c<br />
la force de fes muraflles, où fl auroit pu perdre beaucoup<br />
dc tems, 6c la fleur de fes Troupes, fans en venk à bout^<br />
décampa peu de jours après, pour afler faire une nouvefle tentative<br />
fur Afcalone y où il efpéroit de mieux réuffir , quoique<br />
Nn ks<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
lem.<br />
282 H I S T Ô I g. E' G E' N E' R AL E<br />
les fortifications n'en fuffent pas moins bonnes, ni les Habitans<br />
moins braves, que ceux de Tripli.<br />
Il* ne fe trompa point. Les Afcalonites furent fi furpris de fon<br />
arrivée, Se fe trouvoient fi mal fournis de provifions, qu'après<br />
avoir foutenu diverfes attaques, 5c même repouffé fes plus furieut<br />
affauts pendant neuf jours, ne pouvant enfin réfifter à la faim, qui<br />
les tourmentoit, 5c qui augmentoit confidérablement, par le<br />
défaut de vivres, qu'ils avoknt coutume de recevoir de la campagne,<br />
ils furent contraints de capituler le dixième jour du fiége,<br />
à des conditions fort honorables.-.' SALADIN leur permît<br />
d'en fortir avec armes, 6c bagages. Se promit à la Reine, Se<br />
aux Habitans, qu'il rendroit la Uberté au Roi, 5c au Maître<br />
Bures con- du Tempk. Cependant, dès que cet Infidèle fut entré dans là<br />
^^élTduM Ville, Se qu'îl eut-reconnu f extrême difette, où ils étoient ré-<br />
4ejérufiL- duits, écumant de rage, 5c décoléré, il s'écria qu'on Pavoit<br />
trompé; 6e^, continuant fes exclamations avec fureur, 6c emportement,<br />
il ks fit dépouiller, non feulement de ce qu'ils<br />
avoient de plus précieux, mais encore retint leRoi en fon pouvoir,<br />
pendant un an entier. Il ne lui donna même la liberté,<br />
qu'après avoir exigé de ce Prince un ferment folemnel, par k^<br />
quel fl s'engagea, à ne prétendre plus rien fur le Roïaume de Jérufalem<br />
y Se à n'entreprendre jamais rien pour le recouvrer ; ain^<br />
fî, ks pauvres Afcalonites y dont la doukur de perdre leur Ville<br />
devoit être en quelque manière foulagée, par la confolation de<br />
fiiire rendre la Uberté à leur Souverain, 6e par ceUe d'en pouvoir<br />
fortir avec leurs effets, furent contraints de la quitter presque<br />
nuds. Ce qui prouve, que, quelques louanges que la plupart<br />
des Hiftoriens aïent donné à SALADIN , fl n'étoit généreux,<br />
6c rnagnanime, qtTe par caprice, 6c non par raifon ; Se<br />
qu'fl n'étok jamais fcrupuk\ix à fauffer fa parole, 6c fes fer*^<br />
mens, forf^'ue fés intérêts le"demandoienL -;;.-<br />
•-• >; '' • • ^'-^r<br />
CB>IK<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
î)t JE'RUSALEM. Lïv, VL CH. BI: 283<br />
^,^»)). ..rCftM. .•t,*'5^ii^^©^^. At«(V.^.•:»>.i^<br />
C H A P I T R E III.<br />
LE bruit des progrès de SALADIN, de la prifon du Roi, Sej^ttcui.<br />
de fafoibUlfement des Chrétiens de toute la Pakfiine, E^7ro e<br />
fe répandit bientôt dans toute VEurope y caufe un étrange ch.7in-prend part<br />
gement dans tous les efprits. Le Pontife en particulier reffentit ^^^71^<br />
fi vivement ces malheurs, qiffl en mourut de déplaifir, 6c de Chrétiens<br />
trifteffe, pendant qu'il afloit à Fénife y pour follkiter iui même taux,<br />
k départ des Troupes, deftinées au fecours de k Terre-Sainte,<br />
G R E'G o IR E VIII. qui lui fuccéda au Pontificat, également<br />
-iélé pour cette fainte entreprife, écrivit d'abord des Lettres<br />
très-preffantes à tous les Fidèles y pour les exhorter à prendre la<br />
Croix ; leur accordant ks mêmes indulgences, 6c prérogatives,<br />
dont avoient jouï ks premiers Croifés, Il ordonna des jeûnes.<br />
Se des prières publiques, pour implorer faffiftance divine. Il dépêcha<br />
divers Légats aux Princes Chrétkns, pour tâcher de ks<br />
engager à fecourir ks Orientaux, ou du moins à faire une<br />
trêve entre eux, qui en facflitât les expéditions, auxquelles la<br />
charité, f honneur, Se k Rdigion dévoient naturellement ks<br />
porter. Il fe rendit lui rbême à Pife y pour accommoder ks<br />
différends de cette République avec celle de Gènes y afin que leurs<br />
Flottes, qui étoient alors fort confidérables, puffent fervir utilement<br />
k Chrétienté y dans une expédition fi importante.<br />
Mais ce bon Pafteur étant auffi m.ort 57. jours après fon "SS,<br />
exakation, tous les mouvemens, qu'fl s'étoit donné, n'eurent<br />
pas grand fuccès. Il eft vrai, que CLÉMENT III. qui lui fuccéda,<br />
aïant confirmé tout ce qu'fl avoit fait, 6e non moins empreffé<br />
que fes Prédéceffeurs, à remédier aux maux de là Syrie y y trar<br />
vailla avec plus de bonheur; car, foit que la nouvelk de la perte<br />
de Jérufalem achevât de toucher le cœiu des Princes Ôn^éiknSy<br />
ou que farrivée de GUILJUUME, Archevêque de T/r, en-<br />
Nn 2 voie<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
284. H ! S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
voie par k Reine SYBILE, pour implorer leur fecours. Se les<br />
informer de l'état déplorable, où efle. Se tous les Peupks, fe<br />
trouvoient redmts , les attendrît ; il eft certain, que les Rois<br />
de France, Se dAngleterrey qui fe faifoient une cruëfle guerre^<br />
fe réconcifièrent tout à coup, 6c prirent en même tems la Croix<br />
de la main des Légats, Se en prefence du même Archevêque de<br />
^ Tyr, Les principaux Seigneurs de leurs Etats fuivirent fexempk<br />
de ces deux grands Princes, dans une conférence, qu'ils<br />
eurent à Gizors, Vifle de la Normandie.<br />
Les Génois y Se les Pifans y de leur côté, entrèrent auffi<br />
dans cet efprit de paix, que GRE'GOIRE leur avoit infpiré, Se<br />
travaiflèrent égalftnent à ce qui pouvoit foulager les Chrétiens<br />
Orientaux. L'Empereur FRE'DE'RIC , furnommé BARBE<br />
ROUSSE, non moins pénétré des fortes remontrances de l'Evêque<br />
dAlbanOy Légat du Pape, Se de cdles du même Archevêque<br />
de Tyr y qui avoît auffi paffé en Allemagne y reçut k<br />
Croix à Maïence, Se avec lui grand nombre de Prékts, Princes,<br />
6e Seigneurs de VEmpire y qui voulurent imiter ce Monarque.<br />
Toute VEurope enfin fe mit en mouvement pour ks préparatifs<br />
de la Guerre fainte, 6e chacun paroiffok empreffé à<br />
travailler, de bonne foi, au recouvrement du Sépiflcre de Jéfus-Chrifky<br />
Se à réfréner forguefl des Ennemis du nom Chré^<br />
tien.<br />
Cependant, comme fl fafloit beaucoup de tems pour faire ks<br />
préparatifs néceffaires au voïage de tant de grands Princes, 6c<br />
pour l'entretien des nombreufes Armées, qu'ils mettoient fur<br />
pié; SALADIN, qui ne s'endormok pas. Se qui appréhendoit îa<br />
réfolution des Puiffances dEuropy s'empreffa d'achever la consugede<br />
quête de k Paleftine, Il affiégea k Vflle de Tyr y par mer. Se<br />
Sldinf P^^ terre. Les Peupks en étoient fi déconcertés, 5c découragés,<br />
qu'il f aurok emportée, comme fl avoit fait tant d'autres,<br />
fans l'armée de CONRAD de Montferrat y Frère de GuiLr<br />
LAUME LONGUE-EPEE, foutcnu de BONIFACE> Se de<br />
RE'-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. VI. CH. III. 28f.<br />
R E'G NIER, Roi de TheffaliCy qui la feu vèrent par leur vakur.<br />
Se par leur bonne conduite.<br />
Ce brave-Seigneur, qui s''étoit aquis beaucoup dlionneur,<br />
de gloire. Se de réputation, dans les Guerres d Italie y pendant<br />
le Schifme, prit enfuite la Croix y pour afler au fecours<br />
de la Terre-Sainte. Paffant par Conftantinople y fl fecourût fi à<br />
proposIsAcLANGE, que, pour fen recompenfer, cet Empereur<br />
lui donna THE'ODORE, fa Sœur, en mariage, avec le Titre de<br />
Céfar y Se fefpérance de lui fuccéder à l'Empire.<br />
De fi beaux avantages lui firent fufpendre, pour qudque tems,<br />
fon voeu pour k voïage de Paleftine ; mais aïant reconnu, que ,<br />
malgré les grands fervices qu'il avoit rendus à ce Monarque, fl<br />
ne faifoit que f amufer. Se ne penfoit à rien moins, qu'à s'aquiter<br />
dé fes promeffes, k Marquis CONRAD, qui étoit fier. Se<br />
hautain, s'en offenfa fî fort, qu'fl jéfolut de lui faire éprouver,<br />
qu'on n'abufoit pokit un Homme, comme lui, fans avoir Ueu<br />
de s'en repentir.<br />
Pour exéaiter fon deffein, iî prit le tems quIsAC étoit occupé<br />
contre les Falaques. Au lieu dc f aller joindre avec fes Trou^<br />
pes, qui étoient demeurées à Conftantinople y comme ils en<br />
étoknt convenus, CONRAD s'embarqua avec grand nombre de<br />
Perfonnes, qui lui étoient affidées. Se fit voile vers k Terre^<br />
Sainte. A fon approche de Ptolomaïde y où fl vouloit débarquer,<br />
fl apperçut fur les Tours de cette Vflle les Enfeignes de<br />
SALADIN. Il >ugea fur le champ, qu'elle avoit changé de Maître.<br />
Il vka de bord. Se arriva à Tyr y dans le tems que cette<br />
célèbre ViUe étok fur le point de foccomber.<br />
Les Affiégés, admirant farrivée de ce fecours, comme une<br />
faveur partkuUère du Ciel, regardèrent k Marquis CONRAD^<br />
comme leur Ange Tutdaire, Se le reçurent comme kur Patron,<br />
Se leur Protedeur. Avant que d'entreprendre feur défenfe, il<br />
voulut les engager par un Ade autentique à le reconnoître Itti,<br />
6c fesDefeendans, pour véritables Maîtres, 6cSeigneurs de leur-<br />
Nn a yille*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
de Tyr.<br />
2-^6 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Vifle. Ils y confentirent volontiers. Se luî prêtèrent ferment<br />
de fiddité. Satisfait de leur foumiffion, fl ne perdit pas un<br />
moment à joùidre une nouvefle gloire à f honneur,- qu'fl venoit<br />
de recevoir.<br />
Il s'apliqua inceffamment à augmenter ks fortifications de<br />
cette andenne ViUe, qu'fl r^ardoit comme fon véritable Patrimoine,<br />
ramaffa avec foin les Chrétiens y qui avoient échap*<br />
pé à la bataflk d'Etin, ou qui étoient fortis des autres Places<br />
fubjuguées, fe fit donner une lifte générale de tous ceux qui fe<br />
trouvoient dans k Vflle, 6e k munit enfin de toutes fortes de<br />
Provifions, dont fes Vaiffeaux étoient chargés,<br />
Situation Cette Métropok de la Phémcie, que quelques Hiftoriens as-<br />
fiirent avoir été entièrement ifolée, étoit alors une péninfule,<br />
attachée au continent de la terre ferme par une kngue de terre,<br />
ou grande digue, longt^ de 700.pas. Se d'une largeur inégale<br />
, que NABUCDONOSOR , ou ALEXANDRE LE GRAND , y<br />
avoient fait conftruke, lors qu'ils f affiégèrent ; Ouvrage, bien<br />
digne de fun Se de fautre de ces deux grands Princes. La<br />
mer y eft ordinakement agitée , Se d'une grande profondeur,<br />
d'où l'on peut conjedurèr les travaux immenfes, 6c les dépenfes<br />
exceffives, cp'il fahit faire pour conftruire un ouvrage fi extraordinaire.<br />
Cette ancienne Vilk, fi renommée par le fiége, qu'en fk<br />
ALEXANDRE , ne fa pas moins été par fes excellentes fortifications<br />
, par la grandeur, 6c la magnificence de fes Edifices, par<br />
l'abondance de fon commerce, .6c les richeffes de fes Habitans.<br />
Les Perfonnes Ifluftres, qu'elle a produits en divers tems, font<br />
égakment récommandahles, TYR, feptième Fils de JAPHET,<br />
dont elle a retenu k Nom, en fut k Fondateur. Parmi ks<br />
f^us grands Hommes qu'elle ait produks, on compte le Roi<br />
AGE'NOR, Père d'EuROPE, de PHE'NICE, Se de CAD-<br />
H\jSy fî rénommés dans THiftoire, 6c fî vantés par les Poëtes;<br />
|arîn|âpaiement ce dernier, qui fonda en Egypte la fameufe, 6c<br />
foper-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
- DE JE'RUSALEM. Liv. VI: tu. IIL 28r<br />
fuperbe Ville de Thèbes, qui avoit cent portes^ Ce fut lui qui<br />
inventa les Lettres Grèques. ELISE, OU DIDON, Fondatrice<br />
dé fflluftre Carthage, fî long-tems rivale de l'Empire Romain r<br />
Les Fondateurs des Villes de Gadez, aujourd'hui CadiZy dUtique<br />
y Se de Septl, dont les ruines fervirent enfuite à bâtir k<br />
Vifle de Tripoli d^ Barbariei ULPIEN^ fî favant dans la Jurisprudence,<br />
6c qui a compofe le Z)/^^^, encore fi eftimé, 6c fî<br />
foivi aujourd'hui; 6c enfin divers autres grands Perfonnages,,<br />
dont k dénombrement feroit trop ennnuïeux, étoknt Tyriens.^<br />
• Auffi, les Romains eftimoient fî fort cette Ville , Se fes Citoïens,<br />
que lors qu'elle tomba, avec une partie du Monde y<br />
fous leur domination, ils lui accordèrent tous les honneurs^<br />
privilèges, exemtions , 5c dignités, dont jouïffoient les principales<br />
Vifles d Italie.. Par la révolution ordinaire des cliofes du<br />
monde, cette Ville, alors fi fuperbe, fi opulente,. 5c fi magnifique,<br />
eft fï déchue de toutes fes grandeurs, qu'à peine reconnoit-on<br />
fèndroit où elle étoit bâtie. Son nom. même a été<br />
changé en celui de Sour, mot corrompu de celui de Sur y que<br />
hii donnoient anciennement les Juifs.<br />
Lorfque SALADIN f affiégea, 5c que le Marquis CONRAD en»<br />
entreprit la défenfe, die n'avoit d'autre accès par terre, que<br />
celui de la Digue, dont nous avons parié, vers VOrient. Elle<br />
àvoit'encore une tripk enceinte de fortes murailles, flanquées<br />
de groffes Tours, peu diftantes les unes des autres ; un large<br />
6c profond foffé, qu'on rempUffoit facilement de feau de lamer<br />
; deux bons ports vers le Septentrion, dont f Un étoit dans<br />
Fenceinte de la Ville, 6c fautre dehors, également fûrs pour l'ancrage<br />
des Vaiffeaux, à k faveur d'une Ile voifîne, qui couvroit<br />
entièrement leur embouchure, Se les mettoit à l'abri des ventr<br />
forîiins. Ce fut-là, que SALADIN fit ancrer fa Flotte, pendant<br />
qu'fl battoit k Vifle du côté de terre, où il étoit campé avec fa^<br />
grande Armée.<br />
Cependant, ^oi qu'il fit jouer fans ceffe diverfes machines-,'<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
28^ H ï .s T o I R E G E' N E' R A L E<br />
Se conftruire des Châteaux de bois, pour accabler les Affiégés des<br />
groffes pierres, qu'on leur lançoit ; qu'il leur donnât des fréquens<br />
affauts; Se qu'enfin, il tachât, jour, 5c nuit, de ks<br />
harceler, par mer, 5c par terre, il ne faifoit prelqu'aucun progrès,<br />
d'un côté, ni de fautre, paries bons ordres, 6cla vigilance<br />
du Marquis, qui couroit fans çeffe, où^ le danger étoît le<br />
plus grand, faifant par tout foffice de bon Capitaine, 5c de<br />
Vigoureufe vaillant Soldat. Son exemple animoit tellement ks Troupes,<br />
il part des 6c ks Bourgeoîs, que, par une généreufe émulation, chacun<br />
^u^^s^^- s'efforçojl dc f imiter. îls repouffèrent toujours fi bien les Ennemis<br />
, ^ firent quelques forties fi à propos, qu'ils ne les étonnèrent<br />
pas moins, par leur hardieffe à les attaquer, que par<br />
leur bravoure à les battre.<br />
Offres de SALADIN luî même auffi furpris, que défolé du peu de fuccès<br />
.«aiadm. ^^ toutcs fes teutativcs, commença à défefperer de ks réduire<br />
par force. Se eut recours à la négociation, qui lui avoit fi fouvent<br />
réùffi. Il offrit un parti très-avantageux au Marquis; Sey<br />
pour le mieux engager, il lui promit la délivrance du vieux<br />
Marquis fon Père, qui étpit fon prffonnier ; ajoutant encore à<br />
ces offres de groffes fommes d'argent Comptant. Toutes fes<br />
propofitions furent inutiles, 6c n'eurent aucun pouvoir fur l'efprit<br />
de ce généreux Seigneur, non plus que fur celui des Tyriens<br />
y qui les rejettèrent avec mépris. Se renvoïèrent même les<br />
Deputés de SALADIN.<br />
Qe V^ince Infidèle y écumant de rage, 6c de fureur, fur leur<br />
refus, réfolut fur k champ de faire rédoubler fes batteries, de<br />
tout mettre en ukge pour ks exterminer, Se de ne* leur faire<br />
aucune grâce. Après avoir fak jouer plufîeurs jours fes machines<br />
avec une violence extraordinaire, fl donna un afiàut général<br />
à la Place. Ses Tr-oupes, animées par fa prefence, Se par<br />
fes exhortations, fe préfentèrent avec tant de rèfdution, 6c<br />
d'intrépidké, que, quelque vaiflans, que fuffent k Marquis<br />
CQNRAD, 6C ks Afliégés, .fls auroient eu peioc à réfifter aux<br />
• ' ' efforts<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE jrRySALEM. LIT. VI. CIL III. 289 ^<br />
efforts rédouMés des Infidèles y fens farrivée imprévue du Gé-'<br />
néral MARGARIT , Gentflhomme Catalan, avec quarante Galères,<br />
6c quelques Vaiffeaux, que GUILLAUME, Roi de Sicile y<br />
envoïoit au fecours de h. Terre-Sainte y avec 300a Arbalétriers,.<br />
6c 2000. Hommes d'armes.<br />
Ce Commandant, qui étoit grand Homme de mer. Se dt<br />
guerre, d'ailleurs fort entreprenant, aïant reconnu par la fumée,<br />
6e par les autres fignaux, qu'on lui faifoit, que la Vifle<br />
étoit preffée, 6c les Chrétiens aux mains avec kurs Ennemis,<br />
fk rédoubler la vogue, 6c força tdkment de vofles, qu'fl aprocha<br />
bientôt du port ; ce qui contraignit les Sarrafins de quitter<br />
l'affaut, pour fe jetter dans leurs Vaiffeaux, afin de pouvoir les<br />
défendre, ou de gagner le krge, fî le tems 6c f occafîon le leur<br />
permettoit.<br />
Ils ne purent cependant fexécuter. La promtitude, vcfec Défaite â;<br />
laquelle MARGARIT leur boucha le paffage, les mit en désordre. ^g^J^J*.^ '^^<br />
Il jetta d'abord le feu à quelques-unes de leurs Galères, 6c affafl-<br />
Ik fî vivement les autres, que les Soldats, Se les Matelots Sarrafins<br />
y déjà effrayés de l'incendie, perdirent tout courage. Les<br />
Troupes Siciliennes y firent des merveifles. Efles tafllèrent en<br />
pièces prefque tous les/«^^^/(?j, prirent, brûlèrent, ou coulèrent<br />
à fond la plupart de leurs Bâtimens, à la réferve de quelques<br />
Galères, qui s^'arénèrent volontairement, Se dont les<br />
équipages fe fauverent avec précipitation, afin d^évîter le fort<br />
de leurs Confrères, qui avoient été tués, noïés, ou maffacres<br />
à leurs yeux.<br />
Après cette Vidoire, le Général MARGARIT entra triomphant<br />
dans le port le plus intérieur, conduffant les Bâtimens,<br />
dont îl s'étoît emparé. SALADIN, qui avoit été Spedateur de<br />
la défaite de fa Flotte, Se de fes Soldats, fans avoir pu y remédier,<br />
appréhendant égakment d'avoir du deffous du côté de<br />
terre, par la nouveUe vigueur, que cette avanture, Se ce renfort,<br />
donnoient aux Chrétiens, .6c qui décourageoit entièrement fes<br />
Oo Trou-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
,2p(> H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Troupes, abandonna l'affaut. Les Affilés s'en apperçurent y<br />
Se firent alors une fortie fi vigoureufe, que SALADIN fut contraint<br />
de quitter fon camp, Se fpn bagage, que le Marquk de<br />
Montferrat abandonna au pillage. .<br />
jiontettfe Après la fuite des Barbares, fl ne. fut pa^ difficik à CONR^AD<br />
&iad£ ^^ s'affermir dans & nouvelle domination. La coiffiance, que<br />
les Tyriens avoient prife en lui, étoit infinie. La gloire, 6c k<br />
réputation, que kur défenfe lui avoit acquife ai^rès des autres<br />
Peupks d'Om»/, ne l'étolr pas moins. Le Père MAIMRQURQ avance<br />
même, qu'il fe trouva en état de faire la guerre à SALADIN »<br />
Se qu'entre ks prifonniers Sarrafins qu'il fit, if s'en trouva un<br />
de la première qualité, qui fut échangé avçc le vieux Marquis,<br />
fon Père. Mais, comme les Auteurs contempçrains difent au<br />
" •<br />
contraire, que ce vieux Seigneur n'obtint fa liberté, qu'apirès<br />
k prife de Ptolomaïde par ks Chrétifm^ Se même pour une<br />
groffe fomme d'argent; je crois, qu'fl eft pks à propos de s'en;<br />
tenir à ceux-ci, d'autant plus que, malgré la vakur. Se la bravoure<br />
de CONRAD , fl avoit affez de peme à conferver Tyr, 6c<br />
entretenir cette Vilk bien munie.<br />
jtrticteiL En effet, après la levée du fiége, les Barbues ravagèrent,<br />
Pro rèsde ^ ^^^^^^ à feu 5e à fang les Campagnes, les Bourgs, ks Vil-<br />
Saladin kgcs, 6c ks Hameaux de la Province de Pb'émcie, fans qu'fl y<br />
Payl' pût mettre obftacle. Il fe jettèrent enfuite fur la Principauté<br />
d'Ando' dAntioche y bùy en moins de trois mois, îîsfe dédommagérent<br />
des pertes, qu'ils avoient faîtes devant Tyr, Soit par for*<br />
ce, par ftratagème, ou par compofîtion, SALADIN fe rendit<br />
maître de vingt-dnq Vflles, qui compofoient cette Principauté,<br />
6c de tous ks environs de la Capitale, qu'il ne jugea pourtant<br />
point à propos d'attaquer, par raport à la force de fes remparts.<br />
Se au grand nombre de peuple, qu'elle renferpoit; craignant,<br />
avee raifon, de n'en raporter que des coups, 6c de k<br />
confufîon, comme fl lui étoit arrivé devant Tyn II en brûla<br />
pourtant toutes les avenues;, 6c U fe flattoit. de k réduke, fans<br />
qu'fl<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
0E JE'RUSALBM. Lnr. W. Ctf. flt ta|^*<br />
qu'fl lui en coûtât un feul Homme* On dk, qnè ks HabitaiM^<br />
privés des fecours de la campagne, fe trouvèrent dans une fî<br />
grande difette, qu'ils convinrent de fe rendre, s'ils n'étoient<br />
puiffamment fecourus dans un certain tems.<br />
Les Républiques d^Italie furent les premières à apprendre<br />
cette nouvelk dflgrace. Efles en informèrent d'abord le Pape,<br />
qui ne manqua pas d'ordonner à fes Légats d'en faire part à<br />
fEmpereur, Se aux Rois de France y Se dAngleterrey qui<br />
s'étoient croifés ^ 6c de kur repréfenter , que , s'ils vou- *<br />
loient éffèdivement fecourir les Chrétiens de k Terre-Sainte y il<br />
n'y avoit point de tems à perdre, puifque SALADIN étoit fur k<br />
point d^eng^outir tout ce qui leur reftoit.<br />
Ces mêmes Républiques, qui reconnurent, par k renouvellement<br />
de k Guerre, entre la France y Se VAngleterrCy que les<br />
Croifés de ces deux Nations ne feroient pas fîtôt prêts à entreprendre<br />
le vorsk^ de Paleftine y armèrent efles mêmes leurs Flottes<br />
; fur kfquelks s'embarquèrent grand nombre de Perfonnes<br />
de toute condkion, qui s'étoient vouées à la Guerre feflitc,<br />
dans fefpérance d'y arriver affez promtement, pour prévenir<br />
fentière ruine des Fidèks,<br />
"Led Fénitiens donnèrent le commandement de leur Armée à<br />
ODDON, Evêque de Ravenne, Les Pifans confièrent la leur à<br />
UBALDE LANFRANC, leur Archevêque. Divers Seigneurs<br />
François y 6c grand nombre de ParticuUers, qui ne voulurent<br />
pas différer facompliffement de leurs voeux, fe joignirent à<br />
GEOFFROI DE LUZIGNAN , dit à la grande dent. Il avoit levé k<br />
plus, de monde, qu'il lui avoit été poffflile, pour afler fecourk<br />
le Roi GUI, fon Frère, Tous ces Seigneurs fe mirent à bord<br />
des Vaiffeaux de ces RépubUques. Quantité de Nobleffe Ark- chrétiens<br />
gloifey Flamande y Se Hollandoife y s'unirent de kur côté, Sef^^^""^<br />
armèrent, à leurs propres fraix, plufieurs Vaiffeaux, fur lefquels par les EV.ils<br />
embarquèrent leur monde. Ils donnèrent k commandement '°^ ^"^'<br />
de kur Armée au Comte JAQUES D'AVENES, l'un des<br />
• ' Oo 2 prin-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
z.^i K I S TO I R E G E'N E'R AL E<br />
priridpa«3t Sdgneurs de k Province de Hainaut, Plufîeurs at^<br />
tres Croifés de différentes Nations prirent la route de terre, 6c<br />
^ arrivèrent, ks uns après les. autres, heureufement en Paleftine.<br />
Pendant que fEmpereur F R E'D E'R i c fe préparok à ce grand<br />
voïage, les "^dis de France y Se dAngleterrey au lieu de fuivre<br />
fon exemple, continuoient à empkïer les armes, qu'ils avoient<br />
deftinées contre les Infidèles y à fe détruire eux mêmes. Leur<br />
désunion fut caufe, que cette célèbre Croifade, ménagée avec<br />
' tant de peines, 5c de foins, par les Souverains Pontffes, par<br />
ks aflées. Se venues de tant de différens Légats, par les exhortations<br />
des plus habiles Prédicateurs, 5e par les fortes ré^<br />
montrances de f Archevêque de Tyr y Se des autres Ambaffa^<br />
deurs de Jérufalem y n'eut pas, à beaucoup près, le fuceès qu'elfe<br />
auroit pu avoir, fî on l'avoit exécutée a\^ec une bonne. Se<br />
fîncère intelligence. Il eft indubitable, que^ fî toutes ces Forces<br />
fiiffent parties enfemble, Se euffent agi de concert, elles<br />
auroient été plus que fuffifantes, pour remettre les Chrétiens<br />
dans la paifîbk pofleffion de tous les Etats, qu'ils avoient perdus;<br />
pour chaffer ks Infidèles de Iz. Syrie y Se refferrer SALA^<br />
DIN dans un coin de VEgypte y dans l'impuiffance de fe rdever.<br />
s>esunion L'Empcrcur fut le premier en état de partir avec fes feuls<br />
mtreies allemands, hes François y 6c ks ^«^to, ne le fuivirent que<br />
Chrédens. long-tems après. Ils étoient même fî peu d'accord entre eux,<br />
qu'ils étoient toujours dilpofés à rompre enfemble ; ce qui fit que<br />
les mouvemens de toute VEurope nt produifirent que la déUvrance<br />
du Roi Gui> k recouvrement de k Vifle de Ptolomaïdcy<br />
Se celui de quelques autres Places de momdre importance. 11<br />
eft vrai, que la mdheureufe difcorde, qui fe mît d'abord entre<br />
le Roi Guï, Se lé Marquis CONRAD , au fujet de la Ville de<br />
Tyr y que ce premier vouloit ravoir, comme k feule qui refioit<br />
de fon Roïaume, Se que le Marquis-, qui en étoit en poffesfîon,<br />
prétendoit lui être bien acquife, partagea également les<br />
écrits des Seigneurs du Pays, 6c des Croifés^ Se ne contribua<br />
gas.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
: DE JE'RUSALEM. Li^. VI. CH. ffl. 5^5<br />
pas peu à empêcher ks progrès, qu'fls auraient pu i^e fo<br />
ks Infidèles,<br />
Le premier fruit de l'armement des Princes dEttrop fut hcminisen<br />
liberté, que SALADIN acorda au Roi Gui, qu'fl auroit retenu^'^f^^^^<br />
l^us long-tems, fens f étonnement que lui caufèrent tous ces<br />
grands préparatifs. Ce ne fut pourtant, qu'après en avoîr exigé<br />
le ferment, qu'fl ne prétendroit, ni n'entreprendroit jamais<br />
k recouvrement du Rofeume de Jérufakm, Sur le fcrupule<br />
qu'il avoît de le rompre, le Patriarche, Se ks Evêques, f affi>rèrent,<br />
qu'il n'étoit nuflement obUgé d'obferver une promeffe,<br />
qu'fl avok faite par contrainte à un Homme, qui, k premier,<br />
lui avoit manqué de foi.<br />
Sur cette affurance, îl fe rendit à TrlpHy dans k deffeki de<br />
fe mettre à la tête des Troupes qu'fl pourroit affembler, 6c des<br />
Croifés y qui fe trouvoient déjà en cette Vifle, pour tenter k<br />
recouvrement de quekune dès Places ,* dont on Pavoit dépouiUé.<br />
Il crut pouvoîr entrer librement dans Tyr; fe flattant,<br />
que le Marquis CONRAD k feconderoit dans fes entreprffes;<br />
mais celui-ci refufa abfolument, de fy recevoir. Il foûtenoit,<br />
que cette Ville, 6e fes dépendances, lui appartenoient à jufte tirtre,<br />
6c ne dévoient plus reconnoitre aucun autre Seigneur, que<br />
lui, felon k convention qu'fl; en avok feite avec les Habitans,<br />
lors qu'fl en entreprit la défenfe ; c'eft ce qui donna Ueu à k<br />
fonefie mésinteUgence, qui dura fî long-tems, qui fot fi<br />
préjudîdabk aux intérêts de fun Se de fautre, 6c qui feiflk ,<br />
enfin à faire naître une Guerre entre eux.<br />
GUI, qui ne pouvoit, fens un extrême di^it, fe voîr privé<br />
d'une Place fî confîdérable, campa tout auprès, avec fa petite<br />
Armée; Sey malgré k médiocrité de fes Forces, fon reflentiment<br />
étoit fî vif, qu'fl en auroit entrepris l'attaque, fens ks<br />
prudentes remontrances du Patriarche, 6c du Maître du Tem^pie<br />
y que SALADIN avoit auffi relâchés, D'aiUeurs, la plupart des<br />
^Q^tféSy quoique dévoués aux ordres de ce Prince pour toutes<br />
po 3. les=<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
19* n.ï s T o I.R E G.E'N E'R A:!, E<br />
ks autres entr^rifes, refufoieasit de k fetvtr dans celk-ci, pour<br />
ne point tourner contre les Chrétiens ks armes, qu'ils<br />
avoknt fait voeu d'emploîer contre les Infidèks, Les Comtes<br />
BERTOLD, 6e ALBERT j Seigneurs Allemands y qui fe trouvoient<br />
auprès de Gui, avec quelques Troupes de leur Nation, 6c les<br />
avis, qu'fl reçut, que SALADIN avoit quitté le fîége du Château<br />
de Beaufort, pour le venir attaquer, lui firent diffimukr fes<br />
mécontentemens,. Il fe di^ofe à faire tête à ce redoutable Ennemi<br />
AloBS cliacun s'empreffa de lui témoigner fardent défir,<br />
qu'fls avpient de k bien féconder. Se dc lui donner des marques,<br />
qu'ils ,ne cl^erchoient qu'à combattre, lorfqu'fl s'agiffok<br />
de la gloire de Dieu, 5e de l'avantage .des Chrétiens,<br />
Ainfi, bien loin d'être étonnés à la vue de fArmée Sarrafine<br />
y qui ne tarda pas à paroître, ik allèrent l'affronter en fi<br />
bon ordre, 6c avec tant de réfoktion, qu'ils engagèrent ime<br />
Saladin bataifle, dans kqpiefle -SALADIN fut abandonné de fon bonheur<br />
*//chi?- ordinaire. Jlj lui tuèrent beaucoup de monde, firent quantké<br />
tiens. de prifonniers, k contraignirent à leur céder le champ de bar<br />
taifle, 6c à prendre une fuite précipitée vers k Cliâteau de<br />
Beaufort y où fl avoit kiffé une partie de fes Troupes.<br />
Cette lueur de fortune pour un Prince, qui venoit d'éprottver<br />
une fî longue prifon, Se qui avoit eu k doukur de voir périr<br />
fes meifleurs Sujets, Se de perdre fes Etats, jointe à l'efpérance<br />
, que lui donnoknt GEOFFROY DE LUZIGNAN , fon Frère,<br />
6c tous ks autres Seigneurs Croies y qu'fl- feroit bieiitôt fecouru<br />
par les Princes dEuropy lui fit concevoir eeUe de pouvoir rétablir<br />
fes pertes, 6cmême de commencer dès'loh à les réparer,<br />
par k réprffe d'une des plus importantes Pkces.<br />
Dans cette confiance, fl alla fe préfenter devant Ptolornaïdèy<br />
où fl eu^ encore k fatisfàdion de voir groffir fon Camp de<br />
quantité de LatinSy qm s'étoient feuvés des Vflles, que SALA<br />
DIN avok çonquffesi» Se qui jufqu'alors n'aient ofé parekre,<br />
ni prendre aucun parti. La Flotte des FémftmHy 6Ï cefle des<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm VI. CH. IIL apy<br />
Pifans y ne tardèrent pas non plus d'arriver avec ABDELA&DE,<br />
Légat du Saint-Siège y quantité de Nobleffe ItaBenncy Se un<br />
nombre affez. confidérabfe de befles. Se bonnes Troupes^.<br />
Ces Renforts mirent Gui en état de ferrer k Pkce, 6c SaUdinao<br />
de fe bien fortifier dans fes retranchemens, qu'il fit entou--^t^iomtïrer<br />
de krges, 6c profonds foffés, pour ks mettre à ^^^-^l^^^j^<br />
vert des infultes de l'Armée Ennemk, 6c, des forties des Gui.'<br />
Affilés. SALADIIN ne fot pas plutôt averti de fon entreprife,<br />
qu'il qukta k fiége du Château de Beaufort; fe fkttant,.<br />
qu'Ai l'obligeroit à s'en défifter, foit par raport au grand<br />
nombre de fe» Troupes, qu'à k forte garnffon de Ptolomatdey<br />
dont ks Chefs étoient des plus braves. Cependant, ng^.<br />
quoiqu'fl s'en approchât-avec une Armée de près de cent<br />
mifle ComhaLtans, 6a qu'fl. attaquât k Camp Chrétien k plufieurs<br />
reprifes,. fl lui fut impoffibk de le forcer; ce qui lui<br />
fit prendre; le paarti de fe campser lui même d'une manière<br />
fort étendue, afin dempêgher qu'il ne pût recevoir aucun<br />
fecours.<br />
Il ne réùffit cepecdant p^ mieux dans ce projQt, que<br />
dans k premier. 11 ne put ewpêeheï la Flotte du ComCe<br />
d'AvE'NES de prendre terre. Elk avok touché à Màffme.y<br />
où elle fut jointe par plus de 80. Bâtimens Danois y Prifons<br />
y Se Hollandais, Ces Croifés de k Baffe^lemagm élurent<br />
auffi d'un commun confentement, le même Seigneur<br />
d'Av EN E s pour leur Général. Ce vaiflant Chef prit fi Mien<br />
fes mefures, que, pai' fa valeur, 6e fon expérience, fl fit<br />
débarquer tout fbn monde aux yeux même de SALADIN,<br />
fans en recevoir aucun dommage.<br />
Cet Infidèle reconnoiffant alors, qu'fl ne pouvoit faire resfentk<br />
aux Chrétiens k dflfitte, qu'il s'étoit propofée, transporta<br />
fon Camp dans un lieu élevé, encore plus éloigiié<br />
de k Vifle, en attendia»* fairrivée de fe Flottje, qui> étok<br />
«ocore en I^pt^. Mais, avant de contint^ k d^nïpwa<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
' 296 H IST O I RE G E'N E'R A LE<br />
de ce fiége, fl me paroît à propos de faire celle de cette<br />
importante Place, 6e. des différents Noms, qu'efle a portés.<br />
jirticieiii Afichcy Ftolomaïdcy ou Acony tire'ce premier Nom d'u-<br />
Defcription^^ herbe, dont on prétend qu'HERCuLE fe guérit des<br />
de La Ville morfurcs de l'Hydre; -Se ce Nom fut enfuite changé en cem^de.^<br />
lui dAcre. Les deux autres Noms lui viennent de fun des<br />
PTOLOME'ES, Roi d* Egypte y ou d'AcoN, Frère de ce Prince,<br />
qui en furent les "Reftaurateurs. Elle eft fituée fur le bord de<br />
mer de Phénicie. Sa forme eft triangiflaire ; enforte que deux<br />
de fes angles, dont l'un eft au Nord, Se fautre au Sud y aboutiffent<br />
à la mer, qui baigne tout f efpace, qui eft entre ces deux<br />
pointes. Le troifième s'étend dans la plaine, qui eft à VOrient,<br />
Elle avoit une douUe encdnte de Murailles, diftantes d'environ<br />
cinquante pas l'une de l'autre, outre leurs larges, 6e pro-.<br />
fonds foffés. Ces Muraflles étoient flanquées, k première de<br />
dpuze. Se fautre de feize Tours, à ^ale diftance. EUes avoiéht<br />
chacune, for l'angle le plus avancé, une Tour, plus grande, 6c<br />
beaucoup plus confidérable, que les autres; la première fe nom^<br />
moit k Tour Maudite: Nom, que le Peuple croïoit bonneméïît<br />
dériver de ce qu'on y avoit fabriqué les 30. Deniers, dont JU<br />
DAS fut récompenfe, en vendant Jefus-Chrift aux Juifs ; Se<br />
k féconde fe nommoit la Tour du Roi.<br />
La Vflle avoit de plus un bon Cliâteau, au mflieu de k fecondé<br />
enceinte. Un bon port, vers le Midi y dans un golphe,<br />
que forme la mer en cet endroit, à la faveur d'un grand rocher,<br />
qui s'avance en pointe vers VOccident y où étoit bâtie une<br />
haute, 6c forte Tour, nommée la Tour des Mouches y quik<br />
defendoit, Se lui fervoit de fanal.<br />
Ce port, quoique de médiocre étendue, étoît pourtant d'une<br />
grande commodité pour k commerce, Se pour la fureté des<br />
Flottes, qui y mouflloient. EUe n'étoit pas moins agréable du<br />
côté de terre, où s'étendoit une fpacieufe, 6c fertile pkine,<br />
termmée, YersleMidiy p^r le Mont-Carmel, qui en eft à huk<br />
mfles.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm VI. CH. IIL ipî<br />
miles. Se au Levant par les Montagnes de Galilée y d'où fortent<br />
deux petites rivières, dont l'une paffe au mflieu de k Vfl- '<br />
le. Se fe décharge dans le port; 5e l'autre, nommée Bellusy<br />
ou Pagidcy traverfe cette première campagne. Se entre dans la<br />
mer, à quelques 300. pas de k Ville vers le Sud.<br />
Cette plaine, quoiqu'unie jufqu'aux montagnes , a pourtant Ctfm;'i«<br />
quelques coUines, fur fune desquefles, nommée le Turon, affez ^rtn^,<br />
voifine de la Place, étoit campée fArmée Chrétienne. Celle de<br />
SALADIN étoit poftée fur une autre colUne à l'oppofite, mais<br />
beaucoup plus reculée dans les terres. Il s'y étoit retiré, après<br />
avoir perdu fefpérance *de couper aux Chrétiens les fecours, du<br />
côté de la mer.<br />
Cependant, qudque bien fortifiée que fût la Ville, quelque<br />
nombreufe qu'en fût la garnifon, Se quelque puiffante que fût .<br />
fon Armée de terre, comme fl n'avoit aucune Flotte, il ne<br />
pouvoit empêcher les Chrétiens de recevoir tous les fecours maritimes<br />
, qui leur venoient.<br />
Le Marquis CONRAD, qui avoît pris le Titre de Prince de<br />
Tyr y fe rendit enfm aux remontrances du Légat a Se aux follicitations<br />
du Landgrave deTburinge y du Duc de GueldreSy Se<br />
de divers autres Prélats, 6c Seigneurs. Ils lui firent envifeger,<br />
qu'il flêtriroit fa gloire, fi, après avoîr fait de fi belles adions,<br />
il demeuroit dans f inadion, Se dans f indiférence, à fégard<br />
d'un Prince, que les Infidèks avoient dépouifle de fes Etats, Se<br />
qui fe trouvoit adueflement, Se prefqu'à fes yeux, aux mains<br />
avec eux, pour tâcher d'en recouvrer quelque partie, d'autant<br />
plus que les Princes 6c les Peuples d Occident y les plus reculés,<br />
accouroient en foule, pour le fecourir.<br />
Lcs remontrances de tant d'illuftres Perfonnes le firent réfou-Flotte de<br />
dre defe rendre, avec fa Flotte, à Ptolomaïde y où fl débarqua fes p^^^!^;<br />
Troupes, Se des Munitions, fans trouver aucun obftacle. Ce ren- Tyr, defort<br />
groffit beaucoup fArmée Chrétienne, LeRoiGuifaccueflUt,ïomaïdc'<br />
avec de grandes démonftrations d'efîime, 5c d'amitié On tint da-.<br />
Pp bord<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
apS H I s T o I R E . G E' N E' R A L E<br />
bord un Confefl général, pour déUbérer fur ce qu'on devoit entreprendre,<br />
foit contre la ViUe, ou contre fArmée de SALADIN.<br />
Toute f Affemblée convint, que, ne pouvant fe flatter d'emporter<br />
la Pkce, tant qu'fls auroient en tête une fi puflTante Armée,<br />
fl fafloit abfolument lui Uvrer bataiUe, Se forcer SALADIN<br />
dans fes retranchemens, avec d'autant plus d'efperance d'en<br />
venir à bout, que kur Armée étoit alors plus nombreufe, que<br />
ne favoit jamais été aucune autre, depuis que ks Chrétiens<br />
avoient mis k pié en Paleftine. Conféquemment à cette réfolution,<br />
ils fortirent de leur Camp/ k lendemain matin. Se fe<br />
rangèrent en bataifle dans la pkkie, qui*étoit entre eux, 6c ks<br />
Ennemis.<br />
Le Roî GUI conduffoit fafle droite, k Marquis CONRAD k<br />
gauche ; Se le Landgrave de Thuringe commandoit le Corps de<br />
bataille. GÉRARD DE RIDFORT, Maître des Templiers y avoit<br />
k corps de réferve. SALADIN, dont l'Armée étoit beaucoup<br />
plus confidérable, que celle des Chrétiens y Se qui croïoit qu'une<br />
bataiUe étoit le véritable moïen de leur faire abandonner le<br />
fîége, quitta de fon côté fes retranchemens, 6c rangea toutes<br />
fes Troupes. Les deux Armées.demeurèrent quelques heures,<br />
en prefence l'une de fautre, fans faire aucun mouvement. Le<br />
combat commença enfin , avec beaucoup d'avantage, pour<br />
ks Chrétiens; Sey felon ks apparences, fls auroient remporté<br />
une promte vidoire, fans un acddent de rien , qui penfa<br />
caufer kur perte.<br />
Le Marquis CONRAD , qui avoit commencé fadion, renverfà<br />
d^abord les Efcadrons, qu'fl avoît en tête. Il fut fi bien fecondé<br />
par ceux qui le fuivoient, qu'fl avoit déjà entamé le centre de<br />
rArmée Ennemie, lors que k cheval d^un de fes Cavaliers,<br />
Accident quî avoît été tué, échapa vers le Camp. Qiielques Sd^ts,<br />
r^î«fl- ^^j ibrtkent imprudemment de kurs rangs, pour courir ?sptbs ce<br />
cheval, étonnèrent telkment kurs compagnons, qu'fls crurent<br />
que tout étoit en déroute > 6c que ks premiers efcadrons<br />
avoient<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm VI. CH. III. 299<br />
aVQÎent été entièrement défaits ; Se y fens fevoir de quoi fl SV<br />
giffoit, fls fe dérangèrent, pour fuivre k trace de leurs compagnons<br />
, comme il arrive affez fouvent, que le mouvement d'an<br />
feul Homme en fait remuer plufieurs, fans qu'fls en fâchent k<br />
fujet.<br />
TACITE remarque, que, lorsqu'ARMiNius, Général des ^<br />
kmands , Uvra bataiUe à VARUS, un cheval, qui s'étoit échapé,<br />
étant épouvanté pardes cris, renverfà quelques-uns de<br />
ceux qu'fl rencontra; Se que tout k Camp en prit faflarmô.<br />
Chacun, s'imaginant que c'étoit une irruption des Ennemis,<br />
courut aux portes, pour fe fauver^ CECINUS, qui reconnut,<br />
que c'étoit une terreur panique, ne pouvant retenir ksSe^dats,<br />
fe coucha à travers la porte, Se leur ferma le pâflàge, par<br />
fhorreur qu'ils eurent de paffer for fon corps.<br />
Cette bizarre avanture.mit dans un inftant toute fArmée<br />
Chrétienne dans une étrange confufion. Les Bataillons, 6c les<br />
Efcadrons entiers fe retirèrent, avec précipitation, vers kurs<br />
retranchemens, fans qif fl fût poffible aux Officiers de les raffurer.<br />
Ainfi, favantage, qu'avoient eu les premiers Efcadrons<br />
de l'afle gauche, ceffa tout à coup; 6c SALADIN fut fi bien<br />
en profiter, que, de demi-vaincu qu'il étoît, fl devînt leur vainqueur.<br />
Il rallia avec, tant de promtitude, ceux des fièns, qui<br />
avoient pris la fuite, que, fans la forte réfîftance du Maître<br />
des Templiers y qui commandoit le corps de réferve. Se qui,<br />
comme l'écrit FLORENT, Evêque de Ptolomaïde y témoki<br />
oculake , foutint plus d'une heure toute f impétuofité des<br />
Barbares y ils auroient fait ce jour-là une horrible boucherie<br />
des ChrétienSy Se peut être défait toute leur floriffante Armée.<br />
La valeur, 6c fintrépidité de ce brave Chevalier, 6c de fes<br />
confrères, donna le tems à GEOFFROI DE LUZIGNAN, au Comte<br />
ANDRÉ' DE BRIENNE , 6e au Seigneur d'AvE'NEs, qui étoient<br />
demeurés à la garde du Camp, de venir à fon fecours avec des<br />
Troupes fraîches. * L'Armée reeonnnut fon erreur, 6c retour-<br />
Pp 2 na<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
nUoîre<br />
des Chrétiens.<br />
300 H.I S T O I.R E G ET N E' R:A L E<br />
na à la charge. Le combat fe raUuma avec encore plus d'ar-'<br />
^ deur qu'auparavant, 6c les affaires changèrent de face ; car, fî<br />
ks Chrétiens ne remportèrent pas une vidoire complette ,<br />
comme ils l'auroient pu, fî la bataifle avoit été continuée<br />
de la manière qu'elle avoit commencé , ils eurent au<br />
moins l'avantage de bien fatiguer les Ennemis; 6e, malgré la<br />
faute confidérable, que la terreur panique leur avoit fait commettre,<br />
ils leur tuèrent beaucoup plus de monde, qu'fls îi'en<br />
perdirent, n'aïant trouvé à.dire, après le combat, que k vafllant<br />
GÉRARD DE RIDFORT, Maître du Tempky avec quelques<br />
ChevaUers de fon Ordre; le brave Comte ANDRÉ' DE BRIENNE,<br />
Se environ deux mîUe Hommes de différentes Nations. Les<br />
Infidèles y perdirent huit miUe Hommes de leurs meilleures<br />
Troupes, outre le Fils du Soudan y Se un de fes Neveux, fon<br />
Grand-Admiral, Se plufîeurs de fes principaux Officiers.<br />
Après cette épreuve de leurs forces, les uns, ni les autres<br />
ne penferent de long-tems à fe battre. Les Chrétiens s'appUquèrent<br />
à fortifier leurs retranchemens, Se à battre la Place<br />
avec toutes les machines, dont îls purent s'avifer. SALAÎÎIN,<br />
de fon côté, fit preffer la venue de fa Flotte, pour ravitaiUer la<br />
ViUe; 5c fl ordonna de lever des Troupes dans les Provinces defa<br />
dépendance, pour augmenter fon Armée, 6c remplacer ceUes<br />
qu'fl avoît perdues. -<br />
Cependant les ChrétienSy avec toute kur ardeur, leurs batteries<br />
, 5c kurs attaques, ne faifoient pas grand effet. Ils s'étudioient<br />
inutilement à furprendre les Affiégés, en les attaquant,<br />
tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Ils les trouvoieiife<br />
par tout égaletnent fur leurs gardes. Se ne réùffiffoient jamais..<br />
Ils étoient d'aflleurs fi promtement^attaqués par SALADIN, lorsqu'ils<br />
vouloient donner quelque affaut, qu'fls étoient prefque<br />
toujours obligés de s'en défifter, pour garder leur Camp. Ils<br />
avancèrent encore moins, quelque tems après, que k Flotte<br />
Sarrafine arriva dEgypte^ Efle étoit compoféê de cmquante<br />
Galè-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. VI. CH. III. 301<br />
Galères, qui débarquèrent tranquflement kurs Troupes, Se<br />
abondance de provifions, les Vaiffeaux Chrétiens s'étant rétkés<br />
à Tyr ; ce qui rendit les Infidèles maîtres de la mer.<br />
Pour comble de difgrace, GUILLAUME, Roide Sicile y qui Mort ^<br />
étoit le ferme foutien des Chrétiens de h. Paleftine y Se aux-quds mef^w*'<br />
il avoît envoïé, pendant ce fiége de fréquens renforts d^Hom- ^'^^?^^*<br />
mes, Se de rafraichiffemens, étant mort dans ces entre-faîtes, chrétiens<br />
fls furent privés d'une affiftance fi néceffaire, qui les garantiffoit Orientaux.<br />
de ia dffette, 6c les mettoit en état de fe foutenir ; au Ueu que<br />
ks Affiégés avoîent été.fî bien fecourus. Se renforcés , par leur<br />
Flotte, qu'fls jouiffoient de l'abondance, 6crepouffoientles attaques<br />
des Chrétiens. Parla bonne conduite de CARACACH,<br />
kur Commandant, qui étoit grand Guerrier, fls faifoient des<br />
forties fi vigoureufes, qu'fls renverfoient bien fouvent les travaux<br />
des Affiégeans, Se brûloient leurs machines ; de forte qu'fls en<br />
étoient prefque toujours à recommencer ; 5c, qu'au bout dfun<br />
an, le fiége n'étoit pas plus avancé, que le premier jour.<br />
Ce peu de fuccès, Se cette longueur exceffive dégoutoit tellement<br />
les Seigneurs Croifés y que plufîeurs quittèrent k Camp,<br />
pour s'en retourner en Europe. Le Landgrave de Thuringe<br />
fut de ce nombre. Cependant, comme leur départ étoit bientôt<br />
réparé par farrivée de plufîeurs autres, tant François, Anglois<br />
y qu^Italiens, on ne s'apercevoir guères de leur rétraite ;<br />
5c fon continuoit toujours à battre k Place, Se les Affiégés<br />
à la défendre.<br />
Il eft vrai, que la vigueur des Affiégeans fot extrêmement ArHcum<br />
ralentie, la féconde année du fiége, par f extraordinaire dffette<br />
de vivres, qu'ils fouffrkent. La Flotte de SALADIN, comme<br />
je viens de le dire, s'étoit rendue maîtreffe de la mer. Les<br />
Alfiégés recevoient aifément toute forte de provifîons, pendant<br />
que les Chrétiens étoient fî affamés dans leur Camp , qu'ils<br />
étoient réduits, à manger tout ce qui fe trouvoit de plus fele,<br />
Pp 3 6s<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
302 H I s T o I R E G E'N E'R A L E<br />
6c de plus dégoûtant. Ces mauvais aUmens ne tardèrent pas<br />
à corrompre le fang des Soldats, 6c à engendrer de grandes<br />
makdies parmi eux. La contagion devint enfuite fî générale,<br />
•^le les principaux de fArmée ne purent s'en garantir. Plufieurs<br />
même en moururent, au grand préjudice des affaires du<br />
Roi GUI, 6C de tous les Chrétiens de k Paleftine.<br />
GUILLAUME DE TYR raporte, qu'fl mourut tant de monde de<br />
' cette famine. Se de cette efpèce de contagion, que, fans<br />
fefpérance de la promte arrivée de l'Empereur FRE'DE'RIC,<br />
qu'on favoit être parti de fes Etats, 6c dont la renoqjmée foûtenoit<br />
encore ceux que la maladie avoit épargnés, tous auroient<br />
.abandonné un fîége, qui avoît déjà été fî funefte à tant de braves<br />
gens. Cette efperance avoit; relevé d'autant plus kur courage<br />
, que le Marquis CONRAD, touché des miferes pubUques<br />
, 6c folUdté par tout ce qu'fl y avoît de confîdérabk'dans<br />
le Camp, s'étoit embarqué lui même fur fes Vaiffeaux, pour<br />
afler chercher des provifîons dans les Pays d'alentour.<br />
Mais, comme fl y avoît long-tems qu'fl étoît parti, Se<br />
qu'^oa n'en avoit aucune nouveUe, la confternatîon devint générak<br />
, 6c le défefpoir des Soldats augmenta fî fort, qu'après<br />
avok fait de grandes inftances aux Chefs de les conduire au<br />
combat, ou de leur permettre d'aUer chercher des vivres, fans<br />
pouvok en obtenir la permiffion, leur fureur devînt fî grande,<br />
que plus de trente miUe fortirent du camp, Se allèrent fe jetter,<br />
comme des furieux, fur celui de SALADIN, pour avoir de<br />
tféfefpoîr quoi raffafîer leur faim, ou perdre la vie.<br />
den^Mtt/tf Quoique leur réfolution étojinât d'abord tout le quartier qu'fls<br />
àeuwdé' affkiflîrent,. 62 que leur animofîté leur fit renverfer tout ce qui<br />
fe préfenta devant eux, ces forcenés fe trouvèrent bientôt envelopésv,<br />
6c guéris de k feira, qui les avoit portés à faire une<br />
adion fî viokntCi, fî contraire à f intention de leurs Commandansi,.<br />
6c àkDifcipIineMflitake. Ils furent fî maltraités, qu'àpeîne<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm VI. CH. III. ^oj<br />
peme s'en fauvât-fl quelques-uns, pour porter la nouvefle du masfàcre<br />
de leurs compagnons, dont on plaignit le malheur, fans<br />
pouvoîr vanger leur mort.<br />
Tout k Camp fe trouva dans une confîemation. Se dans un<br />
abattement inconcevable; foît par raport à ce funefte accident,<br />
qui privoit l'Armée d'un fî grand nombre de fes meflkurs Soldats;<br />
foît pour la mort de la Reine SYBILE, Se de fes quatre<br />
Enfans, de même que de plufieurs autres Perfonnes de la première<br />
quaUté; ou enfin à caufe de la langueur, 6c de k foibleffe<br />
de ceux qui refpiroîent encore. Ce fut cependant un<br />
grand bonheur, que SALADIN n'^aUât point les affaillir, 6c ks<br />
mettre tous en pièces.<br />
Le Marquis CONRAD arriva enfin avec fes Galères, Se plufîeurs<br />
autres Bâtimens. Il apporta une fî grande quantité de<br />
grains, 6c de toute forte de provifîons, qu'il ranima k courage<br />
des Chrétiens y en rétabliffant kurs forces, que la faim, 6c k<br />
mauvaife nourriture, avoîent éputfées. Ils fe trouvèrent bientôt<br />
en état de recommencer kurs attaques, d'autant plus qu'ils furent<br />
fecourus, peu de tems après, par HENRI, Comte de Chantagne<br />
y qui arriva avec quantité de Nobleffe, 6c de très-belles<br />
Troupes. Sa venue, Se l'abondance, leur firent oublier kurs<br />
malheurs paffés. Ik ne penferent plus qu'à forcer k Ville, qui<br />
commençoit, à fon tour, à n'être î^us fî bien pourvue, parce<br />
qu'fl n'y pouvoit arriver aucun Bâtiment, depuis que kur Flot-^<br />
te étoit repartie pour V^Egypte, 6c la Chrétienne devenue maîtreffe<br />
de k mer.<br />
Cependant, toutes ces heureufès difpofîtiôns ne leur furent Nouveaux<br />
prefque d'aucune utilité, 6e faîHîrent à faire échouer leur entre-'jjjf^^ç^j<br />
prife, par la nouvelk difcorde, qui forvînt entre le Roi Gui, 6c
^04 H I S T OIRE .G E' N E' R A L E<br />
la Couronne à Gur DE LUZIGNAN, qui en étoît en poffes-^<br />
fîon. .11 afléguoît, que, comme celui-ci n'avoit été eouron»né.<br />
Se reconnu Roi de Jérufakmy que par raport aux droîts<br />
de SYBILE , fa Femme, quî venoit de mourir, avec tous fes<br />
Enfans, îl n'y pouvoit plus rien prétendre; 6c qu'efle appartenoit<br />
de droit à la Princeffe ISABELLE, fon Epoufe', qui en<br />
étoît devenue l'unique j Se légitime héritière. Le Roi Gui, au<br />
contraire, prétendoit, fe maintenk dans fa dignité, par. raport<br />
àfon facre,. 6c au ferment de fidéUté, qu'fl avoit reçu de tous<br />
les (Ordresdu Roïaume, Se dont perfonne ne pouvoit le priver.<br />
Ce nouveau démêlé partagea les efprits de tous les Princes,<br />
6c Seigneurs de l'Armée. Chacun prit parti, félon fes.intérêts,<br />
ou fbn inclination. Toutes les opérations, pour l'avancement<br />
du fîége, furent encore fufpendues. Il fembloit, qu'il n'y:avoît<br />
plus ni fîége entrepris, ni Ville à conquérir; tant jls.étoient<br />
tous occupés de brigues, 6e d'intrigues. Le Roi Gui, voïant<br />
enfin, que le Comte de .Cib^/wp^^^, 6c,,à fon exemple, k<br />
{dupart des Seigneurs, panchoient en faveur de fon concurrents<br />
outré.de l'injuftice, qu'on alloit lui faire,^malgré'le peu de<br />
courage, que la plupart des Ecrivains lui attribuent, réfokt<br />
de fe maintenir, les armes à k main, contre EMPHROI, 6C<br />
contre tous ceux qui voudroient le foutenir ; déclarant ouvertement<br />
à toute fArmée, qu'fl perdroit; plutôt la vie, que de céder<br />
l'Augufte caradère, dont fl étoit reyêtUi . -<br />
-i Au miUeu, de toutes ces conteftations, k Marquis. CON<br />
RAD, pks fin, 6c plus puifïànt, que ces deux rivaux, fe trouvoit<br />
en poffeffion d'une ViUe, Se d'une Flotte, dont dépendoit<br />
le falut de l'Armée, par rapDrt aux vivres, qu'elle en retiroit,<br />
5c f^s Jes(iuds eUe ne pouvoit fubfifter. Il fentoit bien,<br />
qu'après k mort de la Reine SYBILE, k-Couronne de y^r^/
OE JE'RUSALEM. Lrr. VI. CH. III. 'joj<br />
nes grâces de k Reme MARIE, Mère d'ISABELLE, qui, ajprès<br />
h perte de Jérufakmy s'étoit retkéc à 7>r, fl^fe flatta, qu'fl<br />
viendroit -fecflcment-à bout dune^^entreprife auffi déUcate, que<br />
hardie. cV<br />
En effet, fl gagna 'fî bien k Mère, 6c la Fflle, "qu'il ks porta<br />
à^ fake citer EMPHROI devant l'Evêque dc Ptolomaïde y parce<br />
que le Patriarche fe trouvoit au Ut de k mort; Se y foit fous<br />
prétexte^dc parenté, ou à caufe du ferment, que prêta ISA<br />
BELLE, qu'fl n'avoit jamais confommé le mariage avec efle,<br />
ou enfin fur Je ténioîgnage de BALIAN D'IBELIN, qui,-après,<br />
la mort du Roi ALME'RIC, avoît»époufé la Reine MARIE; de.<br />
PAGAN DE CAIPHAS,"6C de RAINAUD DE SIDON, grands paftifuas<br />
de CONRAD , qui dédarèrent, „ qu'IsABELLE n'avoit jamais<br />
,V confenti à fon mariage avec E»IPHROI ; Se qu'elle avoit au con-<br />
„ traire fouvent protefté contre kvioknce, qu'on luî avoit fai-*<br />
„ te ;rl^'EvèquQ de Ptolomaïde déclara folemneUement nul le mariage<br />
d'EMPHROI, 6c d'ISABELLE, quC CONRAD épOUfe pubUqUCment<br />
peu de jours après. Ils prirent alors le Titre de/6/, 6e de<br />
Reine de Jérufalem, fans ffe mettre en peine-des murmures pu-.<br />
blics, ni du fcandale^de tous ks gens de bien, qui ne pouvoient<br />
fouffrir une procédure, ni une adion-fî contraire aux<br />
loix divines, 6c huirfaines. '<br />
Le Roi GUI, en particulier,'fe voïoit en tête un rival bien<br />
plus dangereux, Se plus entreprenant qu'EMPHROi. En effet,<br />
CONRAD étoit auffi grand Capitaine, qu'heureux dans fes e^reprifes;<br />
6e Gui, au contraire, d'une humeur douce 6epaifîbk,<br />
fë contentoit de faire grand bruit. Se de rendre odieufe la té-.<br />
mérité du Marquis, Se k collufîon qu'fl avoit fait commettre<br />
à l'Evêque de PtohmOïdcy contre k juftice, 6c la traïfon.<br />
•' Tout le monde connoiffoit «ffez-, que ce Prince avoit raifon%<br />
fi;tr cet artick; c'eft pourquoi pkifîeurs Prélats, Se Seigneurs,<br />
quî jufqu'alors n'avoient pris aucun parti, enibraffèrent le fien ;<br />
d'autant plus qu'fls appréheadoknt, que fon'dq)it, 6cfa
30(5 H 1 S T 0 1 R E ' G E-'N E'R'A::b E<br />
' ne le portaffent à donner, tête baiffée, avec fes feules Trou?,<br />
pésy contre l'Ennemi, commfiifl le publioit, 6c n'achevât da<br />
ruiner toute chofe. ;- On. affure même, que. l'Arclievêque de<br />
Cantorberi fut fî pénétré de ces désordres. Se des malheurs^<br />
qui mehaçoknt lai' càufe çomnume:^ qu'fl • en mourut^ de douleur.<br />
Quoi que tout ce-qufl y avoit de confidérabfe; dans<br />
le Gamp ,fik du fentimendi de> ce fàint Prélat, foc tout à<br />
l'-égàrd • du. gran4 " fcandale > que caufoit k •. mariage de C a N-*<br />
RtAJ), ")6c.dM*SîA*;BELLE^. il fàflut pourtaut tout diffunukB, à<br />
caufe du grand befoin qu'ils avoient des fecours que fe Flot-»<br />
te leur apportoit. ' I<br />
Ils s'unirent- tous, pour trouver quelque tempérament à<br />
une affake fî préjudici^te à l'honneur, 6c. à k gloire du<br />
"Nom Chrétien, Ils agirent enfin, avec tant de zde:,*6cjd^<br />
. prudence auprès":des uns, 6c des autres, q;ie, pour ne pas<br />
interrompre davantage une entreprife, qui leur coûtoit déj^<br />
fi cher", ils fe contentèrent de kiffer les diofes dans l'état<br />
cù efles fe trouvoient, jufqu'à farrivée de fEmpereur, des<br />
Rois de France y Ssd^A^gktterre, qui décideroient de leurs<br />
prétenfions fur la Couronne de Jérufalem; qu'en attendant;<br />
le Marquis CONRAD continueroit d'agir comme auparavant ^<br />
6e emploieroit fa Flotte pour le fervice de toute de f Ar-^<br />
^ée, qui travailloit à forcer la Place.<br />
Cet accommodement provifionnel parut ktisfaire ks pai'-»<br />
lies,. 6ir chacun fe mit en mouvement. On continua ks<br />
attaques, avec différens foccès. Il en étoit de même des<br />
Alfiégés, dont les fréquentes forties leur étoient quelquefois<br />
fav'orablesy' Se d'autrefois funeftes. C'étoit la même chofe<br />
Tur mer, où le Marquis CONRAD, Se les Sarrafins avoient,<br />
tour à tour, du bonheur, ou du malheur, ainfî qu'fl arriva k<br />
premier jourde Jufllet, que SALADIN ^ffaillit le C^mp Chrétien y<br />
pour favorifer fes Bâtimens, qui venoient d'iî^/»/^, chargés do<br />
provifions, pour ravitaHler kPkce, laqueBc en avoit grand befoin^<br />
m • Le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
E JE'R US A L'E M. Lm VI. CH. m, ' - ^<br />
Le ^afquis^CDîatAD, qui découvrit fon mouvement, avant<br />
que d'avoir aperçu fa Flotte, mit d'abord pié à terre, avec k<br />
•plupart de fès gens, pour ibutenk le Camp Chrétien; mais,<br />
malgré la promtitude, avec kqadk fl fe rembarqua un moment<br />
après, fl ' lui fut impoffibk d'empêcher k flotte Sarrafine<br />
d'entrer datts k port II skmpara poUrt^it de quelques Bà^<br />
timens Ennemis^ 6e couk à fond deux de leurs Galères: maîs<br />
fl lui en coûta beaucoup de inonde, 6c fes Vaiffeaux n'en fouf-<br />
-frirent pas mokis. Voilà en quel état fe trouvoit k fîége de<br />
Ptolomaïde , pendant que iPÉmpereur FRE^E'RIC étok e»<br />
marche, pour venir fecourir les'Clv^/ito. :<br />
C H A ^ I I ^ R I E IV. v<br />
» • ' ' ' . _ . ? _ •<br />
CE Mdriatque, après avoir terminé ks différends de* quel- Article i<br />
ques Princes, 6c ViUes de l^»^/>^, fait couronner7Jw ^^<br />
des Romains le Prince HENRI, fbn Fils aîné. Se tenu une Diè- «^rFrète<br />
générale à Nuremberg y s'embarqua for le Danube à Ratisbon- bllnrt^<br />
fie y où fl avoit fak affembler fes Troupes; c'était vers k fin J,?J^^^'<br />
d'Avril. Il defcendit à F/^w, où LE'OPOLD, Dite.d AU-Hongxic<br />
trkhe, qui avoît auffi pris la Croix k Maïence y l'attendoit^' Ils<br />
•^continuèrent leur voïage enfembk, jufqu'à Budey où BELLA,<br />
Roi de Hongrie , qui étoit convenu avec f Ârdievêque de<br />
Maïence du mariage de fa Fille avec FRE^DE'RIC, Duc de.Suabe<br />
y fecond Fils de l'Empereur, 6c de fournir tous ks vivres néceffaires<br />
à fon Armée, ne manqua pas de recevoir magnifiquement<br />
ce grand Prince, Se de lui tenir fe parok, touchait<br />
les provifions, à fort jufte prix.<br />
Quoi que k Roi de Hongrie n'eût point encore prw la Croix^<br />
pour paffer perfonneflement dans k Terre-Sainte y fl n'en étok<br />
pas moins zélé, pour contribuer au foulalgcoient de fes Habsr<br />
ivv Q^q 2 tanr.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
joS H l'S T O I R E G: E' N Er R AvL E<br />
tans* Il Rvoit même fait^mnc trêve de deux ans avec k République<br />
de Fenife ym afin de n'être pas détourné de-cette fainte<br />
entreprife; 6e fl traitoit auffi très-fayorablement tous, les Crw^-<br />
-JÈî, qui paffoient for fès terres^ ^:'. ;<br />
TtaUfon "^ L'Empereûr ne fit pas uii ktagîféjonr ^ Budél , Apaîès avok<br />
^r^Grcc ^^'^^ ^^ mariage^dc fon Fils J: avec la Fifle du Roi BELLA, qui<br />
envers ^ l'accompagua jufqu'à iS^^^/z^d, Jl cutta daus k-Sî/i^^r/^, dont<br />
'rédénc. jç p^ff^g^ Jni fut auffi/fàcheux, quc celui de h: Hongt'ie lui<br />
âvoit été agréable,, par les embûches.contkiueUes ; que lui tendoient<br />
les Baréares^y qui Jiabitoient cette Province. ., Comme<br />
fon Armée étoît nombreufe 6c.^ floriifente, fl furmonta aifément<br />
toutes les difficultés, 6c les oppofîtions, qù'fl trouva<br />
II90. âàn^ la Thrace y par k malice des Grecs.. Au lieu d'y. trouver<br />
abondance dé provifions, comme ÎSAAC L'ANGE, Empereur<br />
dé Confiantinopky favoit promisjà ^ AmbafÇideurs, il trouva.^<br />
par tout des gens armés, pour lui en difputer k paffage. Déloïauté-,<br />
qui fobligea, d'en venir à.des;bataflles,6ck. faire des fieges<br />
, qui n'étoient pourtaiitlpas. de longue durée, parce que les<br />
• Gr^i^i étoient auffi kdies, que les ^//igwWj i étoient vaillans.;<br />
de forte qu'en fort peu de tems F RE'D E'R I Ç s'empara de toute<br />
cette Province,- 6c.de toutJcipays joignant, ju%'.aux environs<br />
de Conflantinople:' : / .«^ i, -' •?!> .,<br />
Cette Tapidité dé conquêtes ^étonna, 6c abàîfla fi foît forguefl<br />
du perfide'Empereur Grec y qu'appréhendant .d'être renverfé<br />
de fon Trône,, il lui envoïa demander k;Pak avec em^<br />
prèffementi 6e: lui ofErk tous les Bâtimens^ qui-lui-feroient né-*<br />
ceffakes pour -traverfer^ VHclkfi[)ont, F R E'D E'R I c, content dc<br />
fa foumiffion, ,paffâ Vhiver k Andrinople y où il-reçut de fréquentes:<br />
AmbafTades, . 66 de grands préfens de k partd'IsAAC..<br />
Ses Troupes fe refirent parfaitement des fatigiies du voïage; &,<br />
^ au commencement du: Printems, fl-s'embaîqua à Galipoli, où fl<br />
fe trouva encore plus de Vaiffeaux, que l'Empereur- Grec n'en<br />
axoit promis; Tant, ce lâçhç. étoit;empreffé de vok daigner<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D r JElbUS ALE M. Lm VI CH. TV. féj^<br />
àe fes EtatSy. des gens qui4tii avoient donné de fi terribles al^<br />
larmes.<br />
/-;: Gomme ISAAç joignpk à la haine invétérée, qu-fl avoit pour^<br />
tous les Latins y un^ défir encore plus gçand de fe vanger des^<br />
mortifications, qu'il venoit de recevoir de l'Empereur FRE'DB»<br />
RIC, fl fit une Afliance féçrette avec le Soudan dîconium y afin<br />
de l'inquiéter par tout le pays, oùfl devoit* paffer, 6c lui fuscita-tant<br />
d'Ennemis, que F R«'D E'R I c eut bkn de4a peine à<br />
s'en débarraffer; 6c,'quoi qu'fl les foumît enfin, ce-ne fufr<br />
néanmoins qu'après bien des dangers pour fe. propre Perfonne ^^<br />
6c une diminution confidérable defon Armée^ La faim, 6c-k '<br />
mifère n'y contribua pas peu, par la maUce qu'avoient eue<br />
les Infidèles de: faire le dégât de toutes les campagnes.<br />
.», U Armée Allemande nefe fot pas plutôt avancée dans k Lycaonie^<br />
qu'elle trouva.-k pays tout défert y, fans aucune fubfîs*<br />
tance, DÎ pour les , Hommes, ni pour, les-Chevaux, malgré •<br />
les promeffes du perfide Soudan, qui, pour mieux attirer .PEm^pereur<br />
dans;le piège, qu'fl luî avoît tendu, lui avoit envoie des '<br />
Ambaffadeurs, pour faffurer qu'fl y trouveroit des provifions -<br />
en abondance.- s "f -.> ..<br />
La dffette ne fut pas le feul obftack, qu'fl fallut fiirmonter*<br />
Une multitude .de Barbare s y, c^i s'étoient poftés dans des Ueiuc<br />
avantageux, 6c qui harceloient contmueflcment fArmée, lui -<br />
faifoient tous les maux imaginables.-: La valeur y, 6c k bonne<br />
conduite de FRE'DE'RIC, qui mettoit ordre à tout, avecr une -<br />
prdiaice d'efprit admirable, lui fit éviter quelques-unes des embûches<br />
des Barbares^ Il les écarta plufieurs fois,. 6c fes Trou- '<br />
pçs en tuèrent-un grand nombre en diverfes rencontres ;-> deforte '<br />
que, malgré tant d'obfhicks, ce Monarque parvint enfin à k '<br />
.vue de la Vifle dîconium y qu'il étoît réfolu de forcer, à queltpp<br />
prix que ce fût, tant pour fe vanger de la-trahifon jdà* Soudan y ^^^<br />
que pour y; faire rafraîchir fon'Armée.- . , ,.<br />
Le Soudan y qui fc flattoit de n'avoir i.fake qu'à dés gf^ •<br />
Q^q 3 dêm^-'<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^îê HlSf OmE GE'^E'RA^LE<br />
écmt^morts éieftim,& de kffitude, fe mit d'âboid en état ds<br />
lui donner bataflle. Son Armée étoit prodigieufe. Il ordonna<br />
à'MEL^icH, fon Fils aîné, d'occuper toutes les hauteurs des<br />
ènvîn>ns'He k Vflle, afin quel'^fped de fes Troupe donnât<br />
de k terreiTr aux Allemands. Le ^nombre des Barbares étoit<br />
fi gnmë, 6c Hs"coùvroient'tant de ternim, -qu'un courage,<br />
moins^grandque icelui de FRE'D E'R IC, en aurait été étonné:<br />
Gepeniaîttt y bien ^ lom d'en témoîgnw aucune furj^ife, ce grand<br />
Prince rangsa lui même fon Armée en hatafllei avec beaucoup<br />
de tranqùiltfé.^ ^ i ^' - ^-^ '<br />
Ceux di- ti fèignk -enfuite - de vouloir fe retirer, pbùr éviter -le com-<br />
"iufaitT 6f ^^ 5 "^^^ ^^ deffein d'attirer " les. Ennemis dans -la plakie ; ce qui<br />
mis enfui-ne_ manqua pas d'arriver. Trompés par ce ftratagème, ife<br />
%iil ^ defcendirent, en caracolant,i avec des hurlemens épouvantables,<br />
6c attaquèrent ces prétendus fuïards, fans t)rdre, ^A fans<br />
meftire. I^es Allemands les reçurent avec tant dintré^idité, 6c<br />
en renverèèreht un fi grand nombre, que ks autres régagnèrent<br />
les collines, avec la même précipitation, Qu'fls les avoient<br />
(Jrtittées. i<br />
Après ces échecs, les deux Armées demeurèrent quelques<br />
jours en prefence fune de fautre, pendant lefquels fl ne fe paf^<br />
fa rien de confîdérable. Efles en vinrent cnfki à une bataiUe<br />
générale, dans kquefle les Allemands s'acquktèrent fî bien de<br />
leur devoir; 6e tous les Princes, 6c Seigneurs - imitant l'exemple<br />
de fEmpereur, firent de fi grands prodiges de valeur y qlie,<br />
malgré la multitude d'lf2/î^/(?5, qu'ils avoient en tête, ils les<br />
enfoncèrent dès le premier choc, 6e ks mirent en déroute. Ils<br />
furent fî étonnés de k fermeté, aveckqnéle ks Allemands lés<br />
combattbient. Se couvroient la campagne des coi^ps de leurs'<br />
riBoire compajErnons, qu'ils prkent tous une fuite prédpitéé, pour reêmplettede.^.f^^^,<br />
?. ^ «_ ^ ^ i ^ •<br />
fEmpe- gagner leur premier pofte.'<br />
reur<br />
La défaîte de cette grande Armée prodtdfît tant de terreur<br />
dans fautre corps de Troupes,que commandoient ksFrèrcî dé<br />
• ' ' - . • '• " M E -<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
E JE'RUSALEM. Uvi VI. Cit IT.^ %it<br />
MELictf, qu'il leur fut impoffibfe de les feke avancer, pour<br />
feuteair kur Frère, qui, avec qudques reftes des plus braves,<br />
di4>utoit encore le terraki aux Chrétiens y mak qui fut enfin<br />
obligé de fe fauver à bride abatue dans k Vifle.. L'Encreur<br />
pourfiiivit fil vidoke, avec tant d'ardeur, qu'sçrès avok tué,<br />
6trenverfé,pendant le refte du jour,tout ce qui fe préfenta devant<br />
lui, il fe trouva à Tentrée de knuit affez ppès de k Place,<br />
où fl fit jÊùrc alte, dans k réfolution dé l'attaquer k kn-^demain.<br />
.<br />
- Cependant ces Barbares y plus accoutumés au brigandage,;<br />
qu'à.combattre de pié ferme, étoiesC auffi facflesà rallier,qu'il<br />
étok affé de leur fake. prendre la fiiite; MELICH les raffembk,<br />
pendant k nuit, au dehors dek Pkce. 'Leur prefence ne furprit<br />
point tF RE'D ERIC, 6c ce Prince ne changea rien à fon<br />
deffein. IL ne voulut pas même^ écouter les propofîtions dei<br />
Paix, quie 16 Soudan-lui fit feke.' L'entière confiance, qu'il<br />
avoit dans k protedion du Ciel, redoubloit fon ardeur,6c fon<br />
courage. Mépriknt tous les obftades, fl s'avança hardiment, pour<br />
inveftk k ViUe. Jamais entreprife ne fut plus hardie, ni plus<br />
douteufe; cependant, jamak aucune n'eut un plus heureux<br />
fuccèfc<br />
: Iconiumy Capitde de h. Lycaonie y qui, felon l'Hifl^ke ÎTL-Artick n.<br />
buleufe, Rvoit pris ce Nom dune Statue, que PROME'THE'EDç/în>n(w<br />
66 MINERVE,y avoient dreffée,par ordre de JUPITER>6c qu'on *^^^°"<br />
Dium.<br />
a:enfuite changé en celui de Co^m,étoit alors une befle, grande,<br />
Se riche Vifle, entourée de fortes muraifles, 6c de quan-s<br />
tité de hautes Tours, avec un fameux Château fur une éminence<br />
, qui la dominoit. EUe renfermoit un Peuple très-nombreux,<br />
outrc k moitié'des Troupes dvL Soudan y qui y étoknt<br />
CHtr^ pour k défendre, pendant que ks autres, qui avoient<br />
encore été renforcées par divers petks corps, tenoient la campagne<br />
, pour attaquer les Chrétiens ^ s'ik entreprenoient de l'af-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
U
3ii m S T o I R E^G E' N E' R A*L E<br />
* Le Duc Suabe, ^ qui fEmpereur, fon Père, avoit donné fe<br />
commandement d'une partie de fom Armée, 6c le foin• d'investir<br />
k Vifle, s'en acquita avec -tant Âe ^bravoure, qu'fl força*;<br />
non feulement un Corps d'Armée, qui en étoit forti fous k con- "<br />
duîte du 5o«
DEJE'RUSALEXI LIV. VI. CH.IV. 3^1^<br />
Oiàteau. Dès le lendemain, ce Monarque fit bénir k principale<br />
Mofquée, où fon célébra f Office Divin, en rendant au<br />
Ciel de trés-humbks adions de grâces, avec ks acclamations<br />
univerfelles de l'Armée, à laquelle fl abandonna le pillage de<br />
cette opulente Vifle, 6c en fit renverfer ks Fortifications.<br />
Cependant, tout vaincu qu'étoit le Soudan y comme l'Empe- L'£W;Creur<br />
avoit encore une longue mardie a faire fur fes Etats, Se<br />
qu'fl fouhaitoit avec une égale paffion de ménager fes Troupes,'<br />
déjà fort diminuées,6c d'arriver promtement en Syrie, il accorda<br />
la Paix à ce Prince Infidèky qui, ne pouvant fe foutenir<br />
long-tems dans le Château, la lui faifok demander, avec beaucoup<br />
dinftance, Se de foumiffion ; Mais ce ne fut, qu'à condition<br />
qu'fl liù fourniroit des vivres, tant qu'fl ma'rchm>it fur<br />
fes Terres. •><br />
• C'eft ainfî que F R E'D E'R I c fe fit raifon de la trahifon, Se de<br />
la tromperie du Soudan dîconium y Se qu'fl vangea en même<br />
tems faffront que l'Empereur CONRAD, fon Oncle, avoit reçu<br />
dans le même endroit, en l'année 114.0. Il fit rafraidiir fon*<br />
Armée, pendant quelques jours, des bonnes provifions3 dont<br />
la Vifle étoit rempUe ; après quoi flfe remit en marche, dans<br />
fefpérance de ne plus rencontrer tant de difficultés dans k refte<br />
de fon voïage. Cependant, quoiqu'fl eût foumis ce Soudan<br />
y renverfé fa Capitale, 66 détruit fes meifleures Troupes, ii'<br />
fut encore beaucoup inquiété, avant que d'arriver 2iu Mont Taurus<br />
y Se encore plus au paffage de cette grande Montagne,<br />
fous ks petks Souverains des Provinces voifines, qui, ne fe<br />
croïant pas moins intéreffés, que k Soudan dîconium y à la deftrudion<br />
de f Aimée Chrétknncy y avoknt conduit leurs Troupes.<br />
La multitude de ces Barbara étoit fi grande, queles<br />
montagnes, Se les valéet en étoient couvertes.<br />
Leurs ^iréquentes îrttaqiies, 6c k:grcte" de dards, qu'ils<br />
knçoicnt contre ks Allemands y étoit fi prodigieufe j 6c les chemkis,<br />
paroù fl leur Moit'{)affler, C impraticables, -qu'fls ne<br />
Rr pu-<br />
reur accor-<br />
'de la Paix<br />
au Soudan<br />
iflconiam.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
JH H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
purent traverfer cette rapide Montagne, qu'avec des peines infinies<br />
y 6c des pertes très-eonfidérabks pendant plufîeurs jours*<br />
Mais aïant enfin gagné la plaine, où ils pouvoient combattre<br />
avec commodité, ils écartèrent bien-tôt ks Infidèles y qiû<br />
avoient ofé y defcendre, pour continuer à ks harceler-<br />
L'Empereur parvint auprès de Philomèk y Ville forte. Se<br />
Liçn munie. Les Habîtans en fortirent en bon ordre, 6c<br />
attaquèrent fArmée Chrétienne; mais ils payèrent kur témérité<br />
encore plus cher. FRE'DE'RIC, déjà accoutumé à furmonter<br />
tous ces obftacks, ks hurta fî furieufement, qu'fl les<br />
contraignit d'abord à regagner k Place, avec précipitation. Ils<br />
ne purent même en fermer les portes affez promptement. Les^<br />
Impériaux, qui les pourfuivirent fépée dans lés reins, y entré-,<br />
rent pêk, mêle y avec eux, 5e s'en rendirent maîtres. Ils firent<br />
main baffe fur tout ce qui fe rencontra devant eux, la piflètel^t,<br />
6e la détruifirent entièrement. Gette adion vigoureufe épouvanta<br />
tellement les Barbares y qu'ils n'osèrent plus rien entreprendre;<br />
Se l'Armée Chrétienne arriva enfin tranquflement.<br />
d2in&^ Arménie y où efle fut parfaitement bien reçue du Prince<br />
SivQN, Frère de RUPIN, Souverain de cette Province, qui,,<br />
accompagné des principaux Seigneurs de fes Etats, fe rendit<br />
auprès de l'Empereur, lui^offrit fon bien, fes forces, 6e-cefles<br />
de fon Frère. Il voulut même l'accompagner dans: le refte de<br />
fa route ;^ mais, comme ce Monarque étoit déjà fi avancé, 6ci<br />
qu'fl crut ne rien rencontrer,.qui pût arrêter fa marche, fl les remercia<br />
de leur bonne volonté, 6&ks congédia, avec de grandes<br />
marques dé reconnoiffance;.<br />
Il traverfet enfuite k Mont-Aman y 6c entra dans k Comagè^<br />
ney où, contre fon attente, fl trouva le plus fâcheux djg tous<br />
ks obftacles. SALADIN, qui appréhei^doit fon arrivée en Paleftine,<br />
6e qui nlignoroit pas les grands avantages, qu'fl avok<br />
remportés, fur l'Empereur de Conftantinople y fur le Soudan dl-<br />
•^oniumySe fur tous ks autres Princes de fa croïance aqui avdenfc<br />
• - ofé<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D E J E^ u s AL E M. Lm. VL CH. IV. 31 f<br />
©fé f attaquer; avoit non feulement fak ravager les campagnes,<br />
démolir les Fortffications des Vifles de Laodicée, de Syrk, de<br />
Giblet y d''Antarde y de Baruth y Se de Sidon y qu'fl défefpéroit<br />
de pouvoir conferver; mais fl avoit encore envoïé SAFFADIN,<br />
fon Frère, à la tête d'une puiffante Armée aux confins de la<br />
Caramanie, pour tâcher de f arrêter, 5e de diminuer fArmée,<br />
qui venftit au fecours de ceux qui affiégeoient la ViUe de PtolOmaïde.<br />
C'eft ce qui obligea FRE'DE'RIC d'en venir aux mains<br />
avec fArmée de SAFFADIN. Il eft vrai, que fa déroute ne coûta<br />
pas beaucoup aux Impérkux, qui, dès le premier choc, lui<br />
tuèrent beaucoup de monde, Se obligèrent les autres à prendre<br />
la fuite ; mais ce combat fut le plus funefte de tous ceux<br />
qu'ils avoient eu à effuïer, pendant leur long 5e pénible voïage.<br />
L'Empereur aïant voulu pourfuivre fe Vidoire avec trop Trifie mm<br />
d'ardeur, entra dans le fleuve-5^r, qu'on nomme aujourd'hui^^5^^^^<br />
Selef. Son cheval s'abatît fi fubitement, qu'fl lui fut impoffi- quèur de<br />
ble de débarraffer fon pié de l'étrier. Le cheval fe releva, 6c ^ * "*'<br />
traina ce grand Prince, accablé fous le poids de fes armes, juf^<br />
qu'au bord du rivage, où il expira entre les bras de fes Offickrs.<br />
A-peine, eut-fl le tems de lever les yeux au Ciel, pour recommander<br />
fon ame à fon Créateur-<br />
C'eft ainfi que PAUL-EMILE, Se f Archevêque de Tyr y<br />
Ecrivains contemporains, raportént ce funefte accident. D'autres<br />
Auteurs , entr'autres le Père MAIMBOURG, prétendent,<br />
que la chaleur du combat,5c celle de la faifon, portèreHft FRE'<br />
DE'RIC à fe baigner dans ce fleuve; Se que, furpris par<br />
l'extrême froideur de fes eaux, fl tomba en défaillance. Se<br />
en mourut quelques heures après ; mais, «ils diffèrent à f é-<br />
^ gard des cireonftances, ils conviennent tous du fak, Se que<br />
ce trifte accident arriva dans le même fleuve. Le Continuateur<br />
de la Guerre Sainte n'eft pas.k feul bon Hiftorien,<br />
qui affure, avec eux, que ce fut dans, le fleuve Sekfy qui<br />
paffé dans k ComagènCy Se trz.yçrfe Y Arménie-Mineure y Se<br />
Rr 2 non<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
51^ H rS T o T R E. G E'N rR A L E<br />
non dans le CydnuSy qui paffe dans la Cilicie y que ce malheur<br />
arriva. Ainfi fl eft à croire que ceux qui ont avancé que ce<br />
fot dans ce dernier, fi connu par le danger qu'y courut ALE-»<br />
XANDRE LE GRAND, pour s'y être baigné,' fe font'lourdement<br />
mépris avec f Annalifte, en confondant tous VArménie y Se la<br />
Cilicie y qui font deux Provinces différentes, auffi bien que les<br />
deux fleuves, le Cydnus, Se le Selef.<br />
Eloge de Maîs, eufiîi, quc ce fût dans V Arménie y ou dans la Cilicie y fl<br />
îiedénc. gj^ j^ moins certain, que F R E'D E'R i c premier, fun des plus<br />
grands Princes, qui aient jamais rempli le Trône Impérial,<br />
mourut le lo*. Juin de fan ripo. 6c dans fa 70'. année, dans le<br />
tems même que, rempli de zde, 6c d'ardeur, fl alloit pour<br />
combattre le fléau des Chrétiens de Ja Terre-Sainte, en vue de<br />
recouvrer k Roïaume de Jéfus. Si cette mort fut d'un préjudice<br />
infini aux Fidèles d^Orient y fl eft à prcfumer qu'elk fut<br />
précieufe devant Dieu, puifqu'eHe arriva au milieu des vidoires,<br />
que ce Monarque avoit remportées fur les InfidèkSy Se<br />
daris le tems qu'fl accompliffoit fon vœu ,6ei fori pèlerinage avec<br />
tant d'édification. Amfi,-ceux qui ont ofé attribuer fa mort à<br />
une punition du Ciel, à caufe qu'fl avoit fi longtehié perféeuté<br />
k St. Siège y font voir une témérité condamnahle à juger de ce<br />
qui n'appartient point aux Hommes; 5c d'aflleurs, la cJiarité.y<br />
qui eft le fond de notre RéUgion, les obUgeoità ne juger des<br />
adions du prochain,, que par les endroits qui peuvent édifier.<br />
ArticieiiL Après ks premiers mouvemens dé doukur, '5c de confternation,<br />
où la mort de l'Empereur avoit jette tout le monde,<br />
fmFiis/ les Princes, les Prélats, 5c les autres principaux de fArmée<br />
""pourThef s'affemblèrent 6c reconnurent unanimement FRE'DE'RIC de<br />
de l'Armie ^ijtabe y fou Ffls, pour kur véritable Chefî Ils lui firent tous<br />
ne/ ferment d'obéïffance, avec autant de joie, qu'ils étoientcapa*<br />
blés d'en avoir dans une conjondure fî affligeante: bien per-^<br />
fuadés, que ce Prince, quî avoît déjà donné tant de marques<br />
de fa valeur, 6c.de fa prudence, 6tquî avoit apris fart de k<br />
guer-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
• M JE'RUSALEM. far. Vï. CH. FV;' 31?<br />
guerre fous un auffi grand Capitaine, que l'avoit été fon Père,<br />
tae manqueroit pas d'imiter fes rares vertus, 6c les feroît triompher<br />
des Infidèles de la Syrie, comme fls avoient fait de ceux<br />
de tant d'autres Provinces.<br />
Ils ne tardèrent pas à en être convaincus par fe bonne con-<br />
Aiite y Se par fe fermeté. Il repouffa les nouvelles attaques de<br />
SAFFADIN. Cet Infidèk aïant rallié fon monde, dans le deffein<br />
de profiter du troubk, que la mort de fEmpereur devoit avoir<br />
caufé aux Allemands y les affaillit, avec foreur, même avant<br />
qu'fls puffent fe mettre en bataiUe; mais il reconnut bientôt,<br />
que la doukur de la mort de kur Prince n^'avoit point avik<br />
feitr courage ; 6c qu'fl avoit toujours les mêmes Hommes à combattre.<br />
" : , .<br />
L'adivité du Duc de Suabe à mettre ordre par-tout, Se. à ^^^^^^<br />
exhorter les Officiers, Se les Soldats à ne fe point kiffer vain- Frédéric:<br />
cre par des gens, qu'ils avoient terraflés, 6e mis en fuite, peu^<br />
dé jours auparavant, fut fi bien fécondée par k bravoure des<br />
Autrichiens y dont le quartier fut attaqué k premier. Se enfuitje<br />
par celle de toutes les autres Troupes, 'qu^ife foutinrent non<br />
ffeulement le premier choc des Barbares; mais, après un combat<br />
des plus fanglànts, les rompirent entièrement, Se les ofeUgèrent<br />
k prendre une fuite précipitée. SAFFADIN, cféccmcerté d'une fî<br />
grande déroute, qui lui coûta encore plus que k première, ne<br />
p«ifa, qu'à leur faire éprouver, par la faim, ce qu'fl n'avoit<br />
pu obtenir par le fer.<br />
'Ceft pourquoî, à l'imitation de SALADIN, fon Frère, fl ravagea<br />
, brûla, Se détruifit entièrement tous les Bourgs, Viflages<br />
& Campagnes, par où fArmée Chrétienne devoit paffer, depuis<br />
les confins de la Comagène jufqu'à Antioche; Deforte que,,<br />
lôrfqu'elk fe remit en marche, après quelques jours de repos,<br />
6e que k Duc de Suabe eut fait embaumer le corps de l^'Empereur,<br />
fon Père,qu'fl fouhaitoit de fake inhumer dans la Terre^<br />
éSaintCy elle ne tarda pas à éprouver une grande difette de vi-<br />
Rr 3, vres-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Si8 HÏST.OIRE GE'NE'RALË<br />
vres 6e de fourages. Malheur, qui, joint à k fatigue du chemin<br />
rude, 6e très-difficile en plufieurs endroks, rendit tous ks<br />
Soldats fi foibles. Se fi knguiffans, qu'à-peine pouvoient-ils<br />
fe foutenir ; ce qui rétarda beaucoup leur marche, 6c la rendit<br />
plus pénible.<br />
Arrivée de n^ artivércait enfin à Antioche y mais ii défaits, 5c fi affa-<br />
,l'Armée de , '•> i i ,- ,.,<br />
Frédéric, pies, quc la quantité de bons alimens qu'fls y trouvèrent, leur<br />
'suabf% fut encore plus funefte, que la famine, qu'ils venoient d'endu-<br />
Antioche. j-er : car .le fubit .changement d'une extrême misère en une<br />
grande abondance à des gens qui ne cherchoient qu'à fe raffafier.<br />
Se qui n'avoient nulle difcrétion dans le boire,.6c k man-"<br />
ger, en fit tomber plufieurs makd^s. Les infirmités s'aug-:<br />
mentèrent fi fort, qu'elles fe convertirent, en une cruëfle pefte,<br />
qui en fit pérk plus que tous les combats, 6c toutes ks<br />
fouffrances qu'ils avoient endurées; deforte que cette florif?faute<br />
Armép, qui avoit été compoféê de cer\t mille Com-,<br />
bataiis, fut réduite à 7,000. Hommes de pié, 6e près de 700^<br />
Chevaux.<br />
Ils auroient p^ri., felon les apparences, -cpnime ks autres,<br />
tant k contagion étoit violente , 5e terrible parmi eux, fî<br />
le Duc de Suabe, après avoir éprouvé inutilement tous les<br />
remèdes, dont on put s'avifer, n'eût pris k parti de quitter<br />
Antioche y Se d'aller fe camper à dix lieues de cette<br />
ViUe. Le changement 4'air opéra plus que n'avoit pu faire<br />
toute fhahfleté des Médecins, Se des Chirurgiens. La<br />
makdie ceffa entièrement en , peu de jours. Ceux qui en<br />
étoient échapés reprirent fi bien leurs forces, qu'ils fe trou^<br />
vèrent en état de réfîfter aux efforts, que fit DODEQ^UIN,<br />
un des Amiraux de S A L A D i N , qui eyitreprit d'achever leur<br />
défaite. Il les foprit de manière, qu'à, peine le Duc de<br />
Suabe eut le tems de ranger fe petite Armée en bataille^<br />
H fit placer le corps de l'Empereur, fon Père, au milieu des<br />
Tjoupes, foit pour les engager à bien combattre dans cet-<br />
•tp<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D=E JE'RUSALEM. Liv. VI. CH. IV. ^iç<br />
te périUeufe occafion, ou pour mieux conferver ce pr^îeux<br />
dépôt. Ses premiers bataillons furent d'abord affaiUis par les<br />
Barbares y avec dès cris, 6c des hurlemens affreux-, même<br />
avec une égale fureur.<br />
En effet, leur impétuofité fut fi grande, qu'fls- enfoncé- •^'*'*?^*<br />
rent d'abord les premiers rangs', 6c continuoient leur poin- par les<br />
te avec fuccès, lorfque F R E'D E'R i c s'avança à la tête de fe^c^^"^°^"<br />
Cavalerie, Se ks inveftit avec tant de réfolution, qu'il arrêta<br />
leur foreur. Se les fit même reculer. U fut fi- biert<br />
foutenu, par LE'OPOLD, DUC d Autriche y qui le joignît<br />
avec fes gens que ces deux braves Princes forcèrent la multitude<br />
d Infidèles à plier, 6c à kur abandonner enfuite le<br />
diamp de bataille. Ce ne fut pourtant, qu'après s'être bien<br />
battus, Se avoir perdu quinze étendarts, 4,000. Hommes, qui<br />
furent tués. Se mifle faits prifonniers.<br />
Après tant d'obftacles, de travaux, 6c de contretems, ks Frédéric<br />
débris de fArmée Impériale arrivèrent enfin à Tyr, où k \nbZlà<<br />
Duc FRE'DE'RIC rendit les derniers devoirs à l'Empereur, fon Tyr.<br />
Père, qu'fl fit inhumer dans la Cathédrale de cette Vifle, avec<br />
toute la pompe, 5e la magnificence, due'k la mémoire d'unfî<br />
grand Prince. GUILLAUME, Ardievêque de cette Vflk,<br />
de qui fl avok reçu la Croix en^ Allemagne y Se qui avoit<br />
beaucoup d'éloquence. Se de favok, en fit lui même k harangue<br />
funèbre, avec beaucoup d'applaudiffement.<br />
A' fiffue de cette affligeante cérémonk, k Duc de<br />
Suabe s'embarqua , avec toutes fes Troupes , fur la Flotte<br />
du Marquis CONRAD, qui k conduifit à Ptolomàide. Son<br />
arrivée au Camp devant cette Place réjouît infiniment le<br />
Roi GUI, Se tous les autres Seigneurs de fArmée, quife<br />
reçurent, avec d'autant plus de joie, que, depuis deux^<br />
ans, que duroit le fiége, ils n'avoient encore rien avancé ;<br />
6c que, depuk k départ du Marquis CONRAD, ks Affié^<br />
gé»><br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
32Q H I S T O ï R E G ^. N E'R A L E<br />
gés avoknt fait une. fi vigoureufe :fi>rtie, qu'ils avoient pénétré<br />
jufques dans les retranchemens, jçlpnt ils avpient même<br />
, brûlé quelques tentes. Se où fls auroient fait de plus<br />
•grands dégâts, fans la valeur des Hofpitaliers y qui y accoururent,<br />
en maffacrèrent une grande partie, 6e pourfuivirent<br />
les autres jufqu'aux portes de la Vifle; Ce qui n'é-»<br />
toit'pourtant pas extrawdinaire, puifque de femblables adion»<br />
étoient plufîeurs fois arrivées., depuis que;duroit k. fîége,<br />
tant du coté des C^étienSy que de celui des Infidèles.<br />
LI-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
• V \<br />
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•.^^^•l;VX ^"^ venoient de terraffer tant de y<br />
t \-t ^x^ Nations-Stfr^/ïrpy, réfolurent, de favis du Roi<br />
„^^^^-^^^^ GUI ,"6e de tous les autres Chefs, de donner<br />
$X30f3tX30«^ un Affaut général à la Place. Le Duc FRE'-<br />
DE'Ric avoit a peine pris fon quartier à fèndroit,<br />
qu'occupoit aupai'avant k Landgrave de Thuringe y qu'on<br />
Ss af.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
322 H I S T O I R E G E'N E'R A L B<br />
affigna à chaque Nation le quartier de la ViUe, qu'eUes dévoient<br />
attaquer. Toutes ks Troupes marchèrent à faffaut, avec beaucoup<br />
plus de joie, 6c de réfolution, qu'elles n'en avoient jamais<br />
témoigné. LeRoi, les François y les Templiers y 6e les<br />
tifans y firent leur attaque du côté du iir(?r//. Le Duc de iSfWfbcy<br />
avec les Alkféandsy finveflit vers le Midi y depuis le pont<br />
du Fleuve Bellus jufqu'à la Tour du Patriarche ; les Fénitiens y<br />
les Hofpitaliers y Se les Génois y depuis cette Tour jufqu'à k Tour<br />
A fiant, gé- niaudite : les Flamands y les Danois y les Prifons y Se les Tlol- :<br />
néral donné landois y dcpuîs k Tour vtaudite y ]ufqu'zux attaques du Roi<br />
maïde, Gui; pendant que le j^arqùis CONRAD, avec fa Flotte, rén-<br />
Srédens ^^^^^^ ^" ^"^ d Autriche y Se de fes Trolîpes, devoit f attaquer<br />
du côté de la mer. Il avoit dreffé fur un de fes Vaiffeaux,<br />
près de k Tour^ des M9uche$y une haut^ va^lm^y\ dont on<br />
efpéroit beaucoup de fuccès, /<br />
^^ Cependant, quoique les^Çi&r^//^«j donnaffent tous en même<br />
ricms; '6c que, par une génâreufe éjnuktîoa, îls lifïeiit égikfnient<br />
(tes effort)? incroïables-pour em|K)rter une Place, laquel<br />
occupoit, depuis fi longtenis, tout ce qu'fl y avoit de braves<br />
geijis enMurip&y.qui» pour acquérir d^ 1» ^iri,joir.pa.r dévotion,<br />
y étoient accourus^ 6c, quoi qu'ils fuffent montés, en<br />
plus d'un eilt^oit, au plus ha1a£ de^ murailes, 'iiieur fut néanmoins<br />
impoffibk dC' s'en rendre maîtres.<br />
Irruption S ALADIN, quî rccounut k danger de la Viflé, qukta d'abord<br />
de Saladin £Q^ Camp;6C fetjetca.,*^ avet fes.mdtetres TnQupeOfi brufquefur<br />
le camp . ^ ' . . , ' ^, . . . . ^ , . ^<br />
des Chré- mcut fur ceUu aesChrétifns,, que ceux qui le garqpient ne pu-<br />
"^' rent réfifter, que foiblement, à la quantité. d'Ennemis, qui kiir<br />
tomboient fur ks bras, ni ks empêcher de pénétrer dans les retranchemens,<br />
par diy^s endroits^ Ils en arrachèrent ks liifèignes,<br />
6c y mirent k feu. Le quartier 4es allemands fut le plus lasi-<br />
. traké. Plus de cent Soldats de cette Nation y perdirent k vif.<br />
.Une fi yioknte irruption obUgea Gui, 6c les autres Chefs, à<br />
quitter ks attaques de k Ville, pour afler défendre leur Camp,<br />
* " ' dont<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
. BE JEïlUSALEM. LIV. VÎI. CH. I. 323<br />
dont k confervation leur étoit pks initportwïte, que fefpcar de<br />
remporter qudque avantî^ ; d'autant plus que k diverfion de<br />
SALADIN avoît fi fort tédoubk ie courage des AÛiégës, qu'ils<br />
avoknt vigoureufemertf: repouffé ks Affafllans de boos côté«, &<br />
nèïiverfè ceu3C qiù s'étoient préfeàtésfiir le Château dfe bois,'ji©ut<br />
attaquer k Tmr des Mruches,<br />
Ce fot du haut de 4:ette gtande machine, qu'on prétend que<br />
LE'OP0'LD,DUC d'^flfifr/V/^^jfît cette befle Se feéroïqde adion,<br />
^i a' méritJé une jdace fi confidérable dans l'Hiftoine. Ce vail- ^<br />
lant Prince, aïaint vu tuër, 1 fe^ côtésj tous ceux qui avoient eu<br />
lé courage dy monter avec Itn, 6c fe voïant enfin réduk à être<br />
accablé lui même par ks Infidèks y tout couvert de fon fang,<br />
6c du kur, ife ^tta dans k mer, 6c nagea jt^u'au rivage, oà<br />
il «parut encore aux yeuii de la plupart de l'Aritoée, tout enfangîanté,<br />
ne luiieftant defcknc, qtie 'fèndroit d'une éehatpe><br />
dont^ étoit cdnt, & qitoaviak quïctée. Il en fut extrême^<br />
ment applaudi ; 6c k Ducde iftï»6^, en fon particulier ^ louasit<br />
fon grand courage, voulut técertipenfer fa valeur, en lui donnant<br />
pour armes un écu d& gumks à la face dargent y que ks<br />
Princes
324 H I S T O I R E . G E' N E' R A L E<br />
Chef 5 6c s'en retournèrent en leur Pays, à la referye de qùel^<br />
ques Troupes, que le Duc d Autriche retînt à fa folde.<br />
Une fi extrême dffette fe joignit à cette mortaUté, qu'on y<br />
feroit mort de faim, fans les provifions, qu'y conduifoit k<br />
Flotte du Marquis CONRAD. Les appkudiffémens, qu'fl en recevoit,<br />
furent caufe que la plupart des Seigneurs 6c Officiers<br />
de l'Armée, qiii tenoient le parti de Gui DE LUZIGNAN, k<br />
quittèrent, pour fe ranger du fien. La divifion de ces deux<br />
Princes devint plus grande,que jamais;6e ils ne fe fëcondoient<br />
point dans les entreprifes, qu'fls auroient pu faire. Lorfque le<br />
Roi GUI faifoit quelque attaque contre la Ville, ou contre le<br />
Camp ennemi, le Marquis CONRAD demeuroit dans finadion;<br />
Et,fi celui-ci fe donnoit, àfon tour,'quelque mouvement,Gui<br />
en reftoit ^edateur; enforte que les opérations de l'im. Se de<br />
fautre, devenoient infrudueufès au bien public. C'eft pour<br />
7<br />
quoi les Perfonnes, les plus éclairées du Confefl, opinoient toujours,<br />
„ que l'empreffement, qu'ils avoîent tous de réduire une<br />
„ Place, qui ks auroit fait retourner dans leur Pays, couverts<br />
„ d'honneur. Se de gloire, feroît inutfle, tant que la difcor-<br />
„ de règneroit parmi eux; 6c qu'ainfî, n'y aïant aucun re-.<br />
„ mède, fl valoit mieux ne rien entreprendre, 6c fe tenir fut<br />
3, la ddenfîve, jufqu'à l'arrivée des Rois de France y Se dAn-<br />
„ gleterre y qu'ils favoient être partis de leurs Etats, pour<br />
„ venir les fecourir. Se dont fls efpéroknt que la prefence<br />
„ termineroit enfin cette dangereufe désunion, qui avok été<br />
„ jufqu'alors fi fatale à l'Armée C/?r^//f/2K^. " ''<br />
Tamine ex- \\s réitérèrent fi fouvent ces falutaires avis, qu^ils prévalurent<br />
ZiV^'^ enfin, par f extrême néceffi té, à kquefle ils étoient réduits, foit<br />
Chrétiens. par raport aux maladies, ou au manque de vivres. La faim<br />
étoit fi grande, que ks Soldats n'avoient plus, ni force, ni<br />
vigueur. Une mogc de farine, qui.pèfe 250. livres, fe vendok<br />
jufqu^à 96. Ecus; une de froment, 7$. y une d'orge, 4.0.;<br />
6cune de fon, 7.Ecus. ^ r.<br />
A<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE J E'R u S AL E M. Liv. Vn. CH. L 32^<br />
A' tous ces malheurs fe joignît encore la perte de mifle de<br />
leurs meiUeurs Soldats. La néceffité fit prendre aux Chefs k<br />
réfolution d'envoïer grand nombre de bêtes de charge aux Vfllages<br />
cîrconvoifms, pour y chercher des vivres, à quelque prix<br />
;.que ce fut. Ils firent partir ces Troupes, pour efcorter k convoi;<br />
mais, par maflieur, SALADIN aïant été averti de leur desfeki,<br />
par un fcékrat, nommé PLOFINI, qui aUa fe rendre à<br />
lui, il fit furprendre ce convoi, Se maffacrer tous ceux qui le<br />
conduifoicnt; de forte qu'on ne fongea plus qu'à fe garantk<br />
des attaques des Infidèles y au milieu desquels les Chrétiens<br />
étoient campés, en attendant que la Providence leur envoïât<br />
de quoi fubfifter. Il eft certain, que, fans la générofité, avec<br />
kquefle les Seigneurs, 6e les Officiers, partageoient, avec<br />
ks Soldats, le peu de vivres, qui leur reftoient, k plupart feroient<br />
morts de faim.<br />
Mais, enfin, la Flotte du Marquis CONRAD, qui étoit aUée<br />
aux Iles Se Côtes voifines, pour en procurer, étant de retour,<br />
avec une prodigieufe quantité de toute forte de provifions, l'abondance<br />
fuccéda tout d'un coup à f extrême mifère ; en forte que<br />
la moge de farine ne valoit plus que 3. Ecus, Se tout le refte<br />
à proportion. Ils oubUèrent alors leurs mifères paffées: 6e fefpérance<br />
de voir dans peu paroître les Flottes de FrancCy Se dAn^<br />
gleterre, les confola entièrement.<br />
.' Ils ne tardèrent pas à avoir cette confoktion, par farrivée des<br />
Rois de France y Se dAngkterre. La crueUe Guerre, que ces<br />
deux grands Princes s'étofent faite depuis deux ans, Se dans la]<br />
queUe ils avoient confumé beaucoup d'argent. Se k plus grande<br />
partie des Troupes, qu'fls avoient mifes fiir pié, pour aUer au fecours<br />
des Chrétiens de la Terre-Sainte y s'étoit enfin terminée<br />
par la mort du dernier; Se la paix', 6c la bonne intefligence,<br />
avoîent fuccédé au bruit des'armes, entre PHILIPPE-AUGUSTE,<br />
Se RICHARD , fur-nommé Cceur-de-Lion, Ffls Se Succeffeur de<br />
HENRI, Koi d Angleterre. Ils convmrent dans une Conféren-<br />
Ss 3 ce,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
32^ HIST O I R E.' G E' N.E' RALE<br />
ce, tenuQ h'Mmancour*y é^ ne plus différer kur voïage d'Otttremer.<br />
'U Ib firent un Tnaità -k ce fujct, 65 fe prownirent rédpooqiMment<br />
une foi inviolable dans cette fainte ^ntaptto; >ik B*^quèrent<br />
égakai«Bifi à-kver de nonvdks; Troupes, • & k faire<br />
tous kë préparatifs néceffaires. RICHARD, ifok pour fafire oftentation<br />
de fes forces, ée forpafler le Roi PHILIPPE en magniô-<br />
Grands ^^^^9 dxnsune ocmfionff ^latante ; ou, par un vérkabk mdpréparatifs<br />
tif de piété, -pout accoiïipfir fon voeu," 6c tâohei? de réparer k<br />
^ ^ïïn- négUgcjuce du fe^ Roi fok Père, qui avoit manqué aux engaëJ^J^F^-gemensfolemncels^<br />
qu'il avoit pris de fecourir puiffamment les<br />
rir la vaie-Chrétiens de k Pat^ne-y 6c de faire k Guerre aux InfidèkSy<br />
^^"^* iàns qu'il fe fût jamais mis en devok de s'en acquiter, vendit<br />
-les Cl^atges, Jes. Honneurs 6c kS'Dignités de fon Roïaume,<br />
Se démembra même plufieurs Fiefs de fon domaine. Ces res-<br />
:foiurces kiî iproduifirent des fommes fi confîdérabkâ, qu'il fit<br />
k phis puflîkît armement, qui fut jamais fem di'Àngktmtê,<br />
Il parut avec des équipages plus pompeux, & plus foperbes,<br />
que n'avok fek aucun de fès Prédéce&iFS.<br />
H fit équiper dans les ports de fe domination phi8 dedeux<br />
cens Bâtimens pour k traiïfport.de fes Troupes* ' Il :fit par-tout<br />
une fi groffe dépenfe, 6c de f\ giiandes largeffes, qu'fl ne fô<br />
fit pas moins admirer, qu'fl 5'attira des partifans. Pmw»%<br />
fe fervit utilenient," 6c bien à propos, >des deniers defon épargne,<br />
Se de. f aident, 'qiûiui reftoit encore de Ità^T&t^kékney<br />
qui avûk été .ixrspc^ pour cet 'ei&ti" "Quoique-ce-MMàrqta®<br />
ne fit point d'auffi téclaitans ^wépaRkîfe qu'avok imt RICHARD ^<br />
Se qu'il iik obUgéde fretta la Fkicte des Gémis y pour k pas^<br />
fàgéde>fon Armée, fl ne fe fit pas «ïoins diftinguer. Se rendk<br />
même de plus grands fervices àk Chrétienté* Onc on ne<br />
peut difconvenk, qu'fl ne dépendît de hïî d'empoiw k Vflle<br />
de Ptolomaïde y avant 4'arrivéô de RICHARD en Ptdefiine; &<br />
que, fans jriea dumnuigr de k grieur 6c de k mi^^ Wi^^i<br />
qui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DI JE'RUSALEM. Liv. Vn. Cft. L 32?-<br />
qm accompagnoit toutes fes aftions, il agît d'une manière; piaf<br />
modérée. Se phis édifiante, que kRoi dAÊ^gkterre.<br />
PHILIPPE reçut k boundon de foo péiceinage, avec beaucoup<br />
de piété, 6c de dévotion, k SSi, Denis cn France y des<br />
mains de GUILLAUME, Aieherèiiie de Rheims, fpn Oride maternel.<br />
Il recommanda, k foin de fon Ro'joiuiBe, 6s du^ jciimc<br />
Prince Loms, fon'Fils, à la Rdme ADELLR, fe Mère, 6c au<br />
même Archevêque
328 H I S T O I R E G E'N E'R A L E^<br />
barquer fur les Bâtimens de cette Republique avec toute fori<br />
Armée, dans laqueUe fe trouvoient les plus grands Seigneurs<br />
de fon Roïaume, entr'autres OTHON, Duc de Bourgogne y les<br />
Comtes de Nevers y de Chartres y du Perche y de Beaumonty<br />
de Rocheforty de Faleriy MATHIEU DE MONTMORENCI, 6C<br />
quantité d'autres de la plus haute Nobleffe,<br />
La Flotte de ce Prince fit vofle du port de Gènes dans une<br />
feifon, qui lui faifoit efpérer de gagner bientôt celui de Mejfincy<br />
où les deux Rois étoient convenws de fe joindre; mais elle<br />
fut furprife d'une tempête f\ furieufe, quelle fut difperfée;<br />
Se les mariniers, après avoîr vu déchirer leurs vofles, rompre<br />
kurs mâts, Se brifer leurs antennes, furent contraints de jet^<br />
ter àla mer quantité de Chevaux, 5c d'équipage. Désaftre,<br />
qui f empêcha d'arriver en Siciky avant la mi-Septembre.<br />
; PHILIPPE y exerça d'abord fe générofité naturelle, par des<br />
libéraUtés, vraiment dignes d'un auffi grand Prince. Comme<br />
plufieurs Gentilshommes, dont ks équipages avoîent été<br />
jettes à k mer, n'étoient point en état d'en refaire d'autres,<br />
fens s'incommoder beaucoup, il leur fit donner krgement dequoi<br />
y fubvenir ; Se, afin de recruter promtement fon Armée, fl<br />
dépêcha en France y pour avoir des Hommes, Se des Chevaux.<br />
Il donna auffi ordre, qu'on lui envoiât des Machines, pour<br />
rempkcer.celles qu'on avoit jettées à la mer; fe flattant, qu'fl<br />
pourroit recevoir le tout, avant farrivée du Roi RICHARD,<br />
qui fe trouvoit encore à Marfeille y où fl attendoit des nouvefles<br />
de fa Flotte. Cependant, ce Prince , plus heureux<br />
que PHILIPPE, dans ce commencement de voïage, aborda à<br />
Meffine, vers la fin du même mois de Septembre, fans avoir<br />
rien fouffert ; mais ni fun, ni l'autre, ne profitèrent dé la belle<br />
faifon, pour continuer leur voïage.<br />
Comme il faUoit» du tems, pour réparer les Bâtimens Géf<br />
mis y qui avoîent été endommagés, le Roi PHILIPPE étoit bien<br />
aife de recevok les renforts, qu'fl attendoit. RICHARD , de fon<br />
côté,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. Liv. VII. CH. I. 525^<br />
côté; avoit quelques affakes à terminer avec TANCREDE,Ffls<br />
naturel de ROGR , Duc de k Pouille y qui avoit fuccédé à la Couronne<br />
àeSkik. Ces affaires étoient relatives à la dot de la Reine,<br />
Sœur deRK:ilAfe9,6c Veuve deGuiLLAUME II. fornommé le Bon,<br />
Ceft ce ^ fit rjéfoudre ks Rok de France, Se d ^gleterre, d'y<br />
paffer l'Hiver, d'autant phis c^e TANCRÈDE kur témoignoit<br />
réciproqtteaient kgmnde fatisfedion, qu'fl avoit de ks retenir<br />
dans fès Etats; mais les intéiêts, les inclinations. Se les<br />
tempéramens de PHILIPPE, 6C d» RICHARD, étoient trop dffforents,<br />
: pour que leur bonne iateUigence pût durer long-tems.<br />
Auffi fut-efle bientiô# interrompue, pas des aigreurs fî grandes,<br />
que, malgré la foi, 62^l'amitié inyiokble, qu'ils s'étoient jur<br />
rée, ils fKnsèrent plus d'une fois, tourner contre eux mêmes<br />
les armes, qu'ilsuvoient deAinées contre les/«^^«e^, pour le<br />
recouvrement de la Terre-Sainte^<br />
PHILIPPE fe fentit offenfé, de ce qu'au préjudke du Traité<br />
qtffls «avoknt fait enfem^bk^ Se par lequel RICIL^RD s'étoit<br />
engagé d'é|K)ufër la Princeffe ALiN,fa Soeur,dès qu'ils feroient<br />
de retour de^Paleftim, ce dernier voulût le rendre fpedateur<br />
de fon Markge avec k Princeffe GELAISE, OU BERANGE^E ,<br />
F^e de. Don GARCIE, Roi de Navarre y que laReme E-LE'O-<br />
NOR,feMère, lui amenoit. Ainfî, fans un véritable fond de piété<br />
Chrétienne y qui portok PHILIPPE à modérer fes tranfports, Se<br />
k facrifier fon propfe reffentiment au bien commun de k<br />
Chrétienté y fls en feroient venus à quelque extrémité.<br />
Les fages rémonirances des priappaux Seigneurs de fArmée,<br />
6e prineipaleDaent du Comte de Flandres y firent enfin<br />
confentir PHILIPPE à un accommodement, afin de ne<br />
plus rétarder Pextrême paffion, qu'fls avoient tous d'accom**<br />
f)Ur leurs voeux. RICHARD, de fon côté, qui ne cherchok<br />
qu'à fe dégager, avec quelque bienféance, de f Afliance de<br />
la Princeffe ALIN, qu'fl avoit, en effet, de juftes motifs de<br />
refufer, pariaport au violent amour, que tout te monde<br />
Tt û-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
330 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
favoit que le feu Roi HENRI, fon Pèse-, avoit eu pour elle, 6s<br />
qui l'avoit même porté à k violer, tâcha'de terminer trànquilement<br />
fon mariage, avec la Princeffe de Navarre ;Se, pour cet effet<br />
, il s'engagea par un nouveau Traité, de rendre àPHiLipPE le<br />
Fexin, qui lui avoit été aifigné pour dot, 5e de lui payer diïcmfl^<br />
le marcs d'argent. PHILIPPE s'en contenta, avec d'autant moins<br />
de peine, qu'il n'ignoroit pas la forte raifon qu'avoit RICHARD<br />
de rompre ce mariage, 6e- d'effacer la mauvaife adion de foo<br />
Père, qui avoit abufe une jeune Princeffe", deftinée^«mEpoufé<br />
à fon propre Fils, 6e dont on lui avoit confié'la garde. » Ainfî,<br />
forage, que cette g^ndo quereMe îtvôit excité , fut diffipé<br />
par ce nouvel accommodement, 5c par une réconciliation, plus<br />
apparente, que fincère, entre les deux Nations. Elles paôè*<br />
rent affez trànquilement k refte de l'hiver. Se ne s'occupèrent<br />
plus qifaux préparatifs néceffakes* pôur continuer leur voïage,<br />
dès le commencement du printems-<br />
Ce fut aufïi ce que k Roi de France ne manqua pas de faire<br />
promettre à celui d Angleterre'y dont il craignoit, que famour,<br />
6c lès intérêts, ne retardaffent encore le départ. Il nefe trompa<br />
point; Il furvint un démêlé fi furieux entre RICHARD, &<br />
TANCRE^DE, qu'fl fit craindre Un nouveau retardement du<br />
voïage de Paleftine.<br />
Ce dernier aïant remis là Reine JEANNE entre lès mains de<br />
fon Frère,fans le fatisfaire fur fes autres prétenfions, RICHARD,<br />
natureflement emportée; fe fervit d'abord de la forée,qu'fl avoit<br />
en main, pour fe faire raifon par lui même; Mais^ le Roi de<br />
France y qur désaprou voit tous ces emportemens, s'entremit<br />
poiir terminer leurs différends , Se engagea TÀNCRE^DE à<br />
céder. Cet accommodement aïant encore mis la paix. Se la<br />
"concorde par tout, les Rois de France y Se dAngleterrey recommencèrcnr<br />
à vaquer à leur expédition..<br />
Comme l'Abbé'JoAeHiM,^À?^ii de Nation, étok alors<br />
'Ctt^gran* rép^taéén de-prêdifé-'favenir, ces deux Princes,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM.. Liv. VII. CH. L 331<br />
également curieux de fevoir le fuccès de kur entreprife, prié- »<br />
rent TA N C R E^D E de le faire venk à Meffine, pour le corffulter.<br />
Cet Homme célèbre leur prédît, fens héfîter, „ le maujy<br />
vais fuccès de leur expédition en Orient y où, à la vérité, fls<br />
„. triompheroient des Infidèles en plufîeurs occafîons, mais où<br />
fls n'avanceroient^rienTpour le recouvrement de Jérufakmy<br />
5><br />
parce que le jour fatal à la cruelle bête n'étoit point encore<br />
35<br />
„ arrivé. Se qfue le folefl qui devoit voir la Terre - Sainte de-<br />
„ livrée du joug des Infidèks y n'avpit point encore paru." Un<br />
raifonnement fî obfcur. Se fî én^matique, fit, que les deux<br />
Rois, 6e les Seigneurs, quife trouvoient préfens Tegardèrent<br />
cet Homme, plutôt comme un vifîonake, qui avoit l'efprit gâté<br />
, que comme un prophète, tel qu'on le croïoit en fon pays.<br />
Auffi, ajoutèrent-ils fî peu de foi à fes prédidions, qu'fls ne<br />
voulurent plus l'interroger fiir leur voïage, ni fur leur entreprffe<br />
, Se le renvoïèrent dans la foUtude, pour s'y faire admker<br />
des Italiens, qui étoient plus créduks qu'eux, Se qui avoient<br />
k foibleffe d'écouter, comme des oracles, toutes les diimériques<br />
rêveries, qu'fl leur débitoit fur VApocalipfe. Cet Abbé<br />
fe vantoit de fevoir 'parfaitement expliquer ce Livre mifté-^«»^'>«'<br />
rieux, 6c de f entendre auffi bien, que ST. JEAN, qui favoit joachim.<br />
compofe.<br />
La rigueur de fhiver s'étant paffée tantôt en paix, 6c tantôt Artide IL<br />
en conteftations, entre les F^ançûis y les Anglois y Se les SiciîienSy<br />
le Roi PHILIPPE fit embarquer fes Troupes,avec les machines<br />
qu'il avoît fait conftruire; Se las des remifes continudles<br />
du Roi RICHARD , il s'embarqua au commencement du mois<br />
de Mars ; ne prévoïant que trop, que les nouveaux, 6c fuperbes<br />
équipages, qu'fl faffoit préparer pour fa nQuvelk Fiancée,<br />
Se pour la Reine JEANNE , fa Soeur, qui dévoient faire le volage<br />
de la Terre-Sainte en fa compagnie , de même que ceux<br />
qu'il deftinoit pour le retour de la Reme ELEONOR, fa Mère,<br />
€n .^^/^/^/'/^ 5 farrêteroient encore long-tems.<br />
Tt 2 Lcs<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
332 H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />
'Arrivéedu Lcs veuts furcut fi propîces à la Flotte de PHILIPPE, qqe<br />
Roi de ce Prince arriva heureufement à Ptolomaïde y vers k fin du mêïtoiomai-<br />
me mois de Mars. Le Roi Gui Se tous les autres Princes, Ôc<br />
^^' Seigneurs Croifés y qui étoient dans la troifième ^année du Siège<br />
de cette Ville, le reçurent avec dés tranfports de joie inexprimables<br />
, k regardant comme un Ange defcendu du Qel k<br />
leur fecours, pour leur procurer le terme des travaux infinis^<br />
des peines,6c des dangers, qu'fls avoîent effuïés.» Il prit fonquartier<br />
à l'oppofite de k Tour maudite y comme k plus forte,<br />
6c k plus difficfle à forcer: Il vflîta tous les ouvrages du<br />
camp. H fit planter fes machines, aux quelles fl fit encore<br />
ajouter quelques Châteaux de bois, qu'fl crut néceffaires pour<br />
«n hâter la- prife. Après quoi, on recommença à batt;re la Pkce,<br />
avec beaucoup de vigueur.<br />
Les attaques de fes Troupes fraîches, encouragées par k<br />
prefence de leur Souverain, Se fécondées par toutes les autres<br />
du Camp, qui s'étoient refaites de leurs travaux paffés, déconcertèrent<br />
fi fort les Infidèks y Se les réduifirent, en peu de<br />
jours, à une fi grande extrémité, que, fans k ddicateffe. Se<br />
l'exaditude, avec laquelle ce Prince voulut garder fa parole envers<br />
RICHARD, en fe refufant la gfeire d'emporter la^Pkce avant<br />
fa jondion, fl auroît contraint les Infidèles à fe rendre. Se terminé<br />
feul un fiège fi long, fi fetiguant, 6c fi meurtrier. Mais,'<br />
comme ils étoient convenus dans k Traité,-^qu'ils avoîent fait<br />
enfemble, qu'fls partageroient les conquêtes,qu'ils feroient fur<br />
les IrfidèkSy fl-voulut, qu'fl en fut de même de la gloire. II<br />
arrêta fardeur de fes gens, qui alloient monter à faffaut par<br />
une brèche confidérable, qu'avoient fait ks machines, Se fe<br />
contenta de k faire bien garder, jufqu'à farrivée du Roi dAn^<br />
gleterre, afin ' d'empêcher ks Affiégés de là réparer.'<br />
RICHARD cependant, moins fèrupukux que lui^ faifoit des<br />
acquifitions très-corifidérables à fon profk particulier, par une<br />
avanture affez extraordinaire, Se qui devoit lui être, pktôt fi^<br />
nes-r<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DÉ JE'RUSALEM. Lïv. VII. CH. L ^33<br />
nefte, qu'avantageufe, mais qui cependant luî valut k conque^<br />
te d'un Roïaume entier. Car, quoique k Flotte Angloife ne<br />
partît du poFt de Meffine y qu?au mois d'Avril ; 6c que la èaifon<br />
parût encore plus propre, que lorfque les François en étoient<br />
partis, efle rencontra une bourafque fi terrible, qu'efle faflUt<br />
à en être engloutie;- eUe en fut du moins dflperfée, 6e extrêmement<br />
endommagée. Ge ne fot pas, fans des peines<br />
extraordinaires, que RICHARD gagna le port de Rhodes<br />
y OÙ , pendant qu'il attendoit fes autres Vaiffeaux,<br />
qui avoient été jettes de part. Se d'autre, fl aprît le malheur<br />
arrivé à un Navire, 6c à deux de fes Galères, qui<br />
avoient donné à travers fur les Côtes Méridionales de<br />
Klle de Chypre y de la manière, que je fai raporté au fecond<br />
Livre de cette Hiftoire, où je renvoie mon Lecteur.<br />
La conquête^ d'un Etat auffi riche,- & auffi- floriffant, que<br />
file de Chypre y donna quelque jaloufîe aux Chefs de fArmée<br />
Chrétienne. Ils reçurent pourtant RICHARD, avec beaucoup<br />
d'appkudiffemens, Se de grandes marques de joie. PHI<br />
LIPPE-AUGUSTE, en particuUer, qui ne refpiroit que le moment<br />
de chaffer les Infidèles de Ptolomaïde y fe repentit alors d'en avok<br />
manqué l'occafion. Cependant, foît que ce fût fincèremenÉ><br />
ou non, fl témoigna à RICHARD k joie, qu'fl reffentoit de fes<br />
profpérités; 6c, afin d'accélérer leur conquête, 6c que rien ne<br />
retardât k reddition de la Place, fl lui-préfenta d'abord toutes<br />
•ks machines, 6c autres inftrumens de guerre, dontfl avoit hérité<br />
par k mort du Comte de Flandres-,<br />
Le renouvellement d'amitié entre c-es deux Princes, la proximité<br />
de kurs quartiers, Se l'état où la Vflle étoit réduite, faifoient<br />
efpérer à tous ksCré?{/^j,qu'fls en feroientbientôt ks maîtres;<br />
mais fls eurent encore bien des affauts à donner,.- 6c des<br />
dangers à effuïer, avant que d'avoir cette confolation.- Car,<br />
quelques attentives, qu'euffent été les Troupes Françoifes y k<br />
Tt 3. bien-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
33+ HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
bien garder ks brèches, les Infiàèks y avoîent trouvé les moïens<br />
de les réparer, pendant f intervalle de repos qu'on leur avoit<br />
donné, Se même de recevoir des fecpurs, qui les avoient mis<br />
en état de fe foutenir encore. Se de repouffer affez fouvent les<br />
Chrétiens.<br />
Bromiie- "Le diagrirt fécret, que RICHARD reffentoit d'entendre publier,<br />
n^Emn- qu'il n'avoit tenu qu'à P H i L i p p E de réduire la Place avant fon<br />
Angles^^^ arrivée, contribua beaucoup à la peine Se aux travaux, à caufe<br />
€aufées par du peu d'éfforts, quc fit ce Prince, dans les premiers af^<br />
desder^'^ feuts, qu'ou douna, après fa jondion. Il étôit bien aife d'en<br />
niers àfe- !Ç^Q rétarder la prife, pour faire ceffer les bruits, qui dimiconderles<br />
. © i i • vi i • *' •<br />
premiers, nuoieut la part Ôe la gloire, quil vouloir y avoir.<br />
La négligence des-J^^te offenfa les François y Se renouvella<br />
la haine, 6c l'antipathie, que les guerres.paffées avoient<br />
caufées entre ces deux Nations. Elles en vinrent aux rép'ro-'<br />
idhes y aux injures, 6c enfuite à une difcorde ouverte, qui paffa<br />
des fimpîes Soldats aux Officiers, Se des Officiers aux Princes<br />
mêmes, fiutout après un affaut général, qu'on réfolut de donner.<br />
Se dans.lequel les Anglois ne firent pas, à beaucoup près,<br />
-ce qu'il auroient pu faire. Mais, comme les Croifés des autres<br />
IMâtioris s'y fignalèrent, furtout les Italiens y fl.réalfit encore<br />
moins mal qu'on n'auroit ofé fefpérer.<br />
Amonhé- ^ Il fiQ feroit pas jufte de dérober à cette Nation les louanges,<br />
^çe^tiibom- que méritent leurs belles adions ; puifqu'après, avok fait des<br />
^*j^"î^"'^digcs de valeur pour fui-monter l'opiniâtreté', avec kquelle<br />
Maîfonde jes Affiégés fe défeiidoieut, 5cque ks Sold^itsItaliens,k l'exemonagui<br />
1. ^j^ ^^ j^^^ Officiers, eurent agi par tout, avec un courage extraordinaire,<br />
bon nombre d'entre eux, conduits par un Gentilhomme<br />
Florentin de la Maifon BONAGUISI , plus heureux que<br />
ks autres, forcèrent ks Infidèles à leur abandonner'l'endroit<br />
qu^ils attaquèrent. Ce vaiflant Homme, fecondé par fa généreufe<br />
troupe, fe faifît d'une Tour, où fl tua VO^detSarrafiny<br />
qui''tenokà la main un grand étendart çramoifi. Son ardeur<br />
fut<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. VII. CH. L 33;<br />
fui"fi extraordinaire, que, fans confidérer, que les Chrétiens<br />
n'avoient pas eu le même bonheur aiuc autres attaques, fl entreprit<br />
de fe maintenir dans cette Tour,, conferva toujours fétendart<br />
, Se renverfà plufieurs des' Barbares, qui favoient envkonné,<br />
6c qui, confus de fa réfîftance, faifoient les derniers<br />
efforts pour f accabler. Enfin, refté ,prefque feifl de fa petite<br />
troupe, fans s'^étonner, il régagna la»muraille. Se ie fauva au<br />
camp, fans jamais quitter l'étendart, qu'fl eut la fetisfadion de<br />
porter dans k fuite en fa patrie, où ilïe dépofe dans l'Eglife de<br />
iS. Jean"Batifte, comme un monument de fa piété,6eune inarque<br />
de k g^ire immortelle, que lui aquit cette sdion^héroïque.<br />
Cotte journée d'aflleurs fut plus funefte, qu'avantageufe, aux-<br />
Clorétiens. Outre le grand nombre de C^fés de diverfes Nations<br />
, qui y périrent, elle coûta la vie à plufîeurs^ Seigneurs de<br />
confîdération, qui, comnie 3BONAGUISI , firent des adions forprenantes.<br />
Les principaux'forent ALBE'RIC CLÉMENT,<br />
Maréchal de France; Celui-ci s^étoit jette dans la ViUe, avec<br />
quelques-uns, qui avoient été affez hardis pour k fuivre; mais<br />
ils .furent malheureufement tous maffacres. TIBAUT, Cbmte<br />
de Champagne y qui commandoit la Cavakrie iFr^wfo^, le Comte<br />
de Blois y Se quantité de ChevaUers des Ordres MiUtaires,<br />
furent "*6rûlés par les feux griègeois, par f iiufle bouillante, k<br />
poix fondue. Se le fabk enflamiîié, que les Affiégés vcrfbient<br />
fur tous ceux qui ^proehôient de kurs murailks.<br />
Le mauvais fuccès de cet affaut, 5c de divers autres, qm<br />
les Chrétiens donnèrent dans la fuite, 5c dans lefquels périffoit<br />
grand nombre des plus vaiflans Hoiïîmes, ne put arrêter la malheureufe<br />
difcorde, qui. regnoit entre fes Chefs de fArmée. Ils<br />
étoient tous plus occupés de kurs propres paffions, qu'attentifs<br />
à procurer la fin d\in fiége y fi fonefte à tant de braves gens*<br />
La mes-intelligence des Rois de France Se dAngkterre-y partageoit<br />
non feulement les efprits ; mais augmentoit fanrmofîté du<br />
Roi Gui,6c du Marquis CONRAD,dont les prétenfions s'étoient<br />
. re-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
33t5 HISTOIRE G E'N E'.R A L E<br />
réveillées avec beaucoup de chakur, au fujet duTitredeijM^?<br />
Jérufakm, que le premier vouloit pidef, 6c que l'autre prétendoit<br />
abfolument lui apparf^ir; ce qui,les portoit,tous les* deux,plus<br />
k briguer les fuffrs^g^ pour foutenir leur papti, q^'à -foi^erà k<br />
conquête de la Vflk. Deforte
DE JE'RUSALEM. Lïv. VILCH. I. 33^^<br />
feu y prit avec tai>t de violence, 6c cônfuma fi bien tous ces<br />
foutiens pendant là nuit, qu'au point du jour onfîème de Jufl- ^.<br />
kt 1191. cette haute Se fuperbe Tour, fur la force de laquelle<br />
les Affiégés comptoient k plus, fot entièrement renverfée.<br />
Sa cheute fit un fracas fi furieux, que ks Kjhrétiens mêmes,qui<br />
Pàvoient minée, en iurent effrayés. ïl n'eft dont pokt fof r<br />
prenant, fi cette ruine acheva de déconfcefter ks Mfidèkty qui<br />
fe virent tout d'un coup. Se d'une manière fi inopinée,réduits<br />
à la dernière extrémité. Auffi, voïant bien qu'après une brèche<br />
fî confidérable, fl leur étoit impofîlbk dé fe maintenk-plus<br />
kng-tems, fls perdirent cpu«sige.<br />
Us arborèrent enfin baniere blanche,avec d'autant pltis d'em»- LeRoHe<br />
préffement, que, depuis que'les Forces de France y Se d^An-for^e7es<br />
gleterre y étoient arrivées au Camp Chrétien y SALADIN n'avoît ^^^^^^^*<br />
plus ofé tenter de leur envoïer aucun fecours par mer, ni par capitulaterre.<br />
Il leur avoît fait entendte, „ que,dans k neceffité, où^'*"*<br />
5, fl fe trouvoit de fe retirer lui nième, pour aller faire tête aux<br />
„ Princes Miifuléms, qui, profitant de fon éloignement, avoient<br />
„ repris une partie de h Méfipotamiè y ils fiffent kur accommo-<br />
„ dément le mieux qu'fl leur feroit poffible." Les Affiégtès, qui<br />
n'avoient plus aucun fecours à ei^érer, épargnèrent alors aux<br />
Chrétkns la peine, '6e fembarras de faffaut, qu'ils fe préparoient<br />
à'donner, pour les^ réduire. Se qu'fls avoient même commencé.<br />
Cependant, malgré k mauvaife contenance des Infidèles y h<br />
crainte qu'eurent les Chrétiens de pouffer au désefjjoir des gensy<br />
dont fls avoient fi fouvent léprOUvé la bravoure 6c le courage,<br />
ks porta |„ôcouter leurs prbpofitîons ', 6c à fuspendre leurs attaques.<br />
Après quelques conférences, qu'ils eurent avec les Amiraux<br />
, Se les principaux Habitans de la Place, ils conclurent<br />
enfin k Traité fuivant.<br />
„ î. Que les Affiégés remettroîent aux Chrétiens h Vilk Traité de<br />
„ de Pt^omai^êy dans fétat où efle fe trouvok. W. Xlu'ils *•'<br />
Vv ,> don-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
33S H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />
„ donneroient k liberté à tous les Chrétiens prifonniers, qui<br />
„ fe trouvoient en leur pouvoir, ou en celui de SALADIN.<br />
„ III. Que ce Prînce leur rendroit k bois de la Crw, qui<br />
5, kur avoit été pris à la Bataflle dEtin. IV, Qu'fls paie-<br />
„ roient aux Chrétiens ioo. mifle Bezans d'or, argent com-<br />
„ tant, moïenant quoi il feroit permis aux Affiégés, de fe re-<br />
„ tirer au Camp de SALADIN, OU en tel autre endroit, que bon<br />
„ leur fembkroit. "<br />
Cet accord aïant .été approuvé, 6c figné, de part d'autre,'<br />
les portes de la Vifle furent ouvertes à l'Armée Chrétienne,<br />
Cependant LE'OPOLD, DUC dAutriche y félon la diftribution<br />
des attaques, avoît forcé la Tour, qui lui avoit été affignée<br />
; Se ignorant la reddition de k Pkce, il continuoit encore<br />
k faire un grand maffacre des Infidèles dans la Vifle, où fl étoî|<br />
entré avec fes Troupes; Mais ce Prince fit ceffer k carnage,<br />
dès qu'fl fut informé du Traité; Se voulut, pour marque^de<br />
fa vidoire, faire pkntçr fes Drapeaux fur k Toiir, qu'il avoit<br />
gagnée ;' ce quî donna lieu à un différend, qui eut de longues<br />
6c fàcheufes fuites, 6c qui faîUit même'dès-lors à mêler beaucoup<br />
d'amertume à la joie 6c à la fatisfàdion pubUque.<br />
^ Le Roi dAngleterrey qui avoit fon Camp vis à vis de cette<br />
Tour, foit qu'fl eût déjà quelque aigteur contre le Y^ùcdJw'<br />
triche y ou que fa fierté naturelle ne lui permît pas de fouffrir,<br />
que les Dn^aux de LE'OPOLD y.p^ufl^nt, au préjudice de<br />
cdks deiS.T^eç Couronnées , courut avec précipitation de ce<br />
côté là, pour les faire arracjier, avec mépris. Il ks^fit déchirer,<br />
Se jetter dans ks, foffés. Se en même tems arborer les ficnûes<br />
cn leur place. ^ ^<br />
hes Allemands y non njioîns fiers, 6c jaloux de leur gloire,<br />
Sede leur honneur, qu'aucune autre Nation du Monde, ne<br />
pouvant fouffrk, cet affront, ni le luépris qu'on faifoit de leur<br />
Prince ; frémiffant de dépit, ^ 6c de colère , fe ferrèrdit d'abord<br />
tous enfemble, pour affaiflk les Anglois y Se en tirer une promte<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. VU. CH. L 339<br />
te vangeance. Ainfî, la prffe de PtolomaUdey qui faifoit, depuis'fijôrigtems,<br />
foupirer toute k Chrétienté y lui feroît devenue<br />
encore plus,funefte, par la guerre, qu'eUe aUoit aUumer<br />
entre ces deux Nations bdUqueufes, que paç toutes les pertes,<br />
qu'eUe avoît déjà faites, pour k conquérir; mais la prudence<br />
du Duc dAutriche y rémédia promtement. Il diffimuk l'injure,<br />
qu'fl venoit de recevoir. Se fe fervit de fon autorité, pour 1191.<br />
appaifer l'anîmofîté de fes Troupes.<br />
Mais, fi ce Prince difllîmula alors fon reffentiment, fl en tira<br />
dans la fuite une vangeance fî cruëfle,» qu'fl fit,"" plus d'une<br />
fois, r^entir RICHARD, de l'avok offenfé, comme on le verra<br />
dans la fuite.<br />
Les Chrétiens entrèrent enfin dans k. Ville k 12'. Juillet;<br />
après trois années entières de fîége. , Il y périt plus de monde,<br />
qu'fl n'en auroît faflu pour la conquête de tout VOrient.<br />
Outre le nombre prodigieux de Soldats Allemands y François y<br />
Italiens y Flamansy Anglois y Danois y Prifons y Se Levantins y<br />
qui y périrent, fly mourut beaucoup de grands Seigneurs, 6c<br />
autre Nobleffe de toutes ces Nations, foit de pefte, d'autres<br />
maladies, ou de leurs bleffures. Les principaux furent les quatre<br />
Enfans de la Reine SYBILE, avec leur Mère; FRE'DE'RIC, '^^^^<br />
Duc de Suabe ; PHILIPPE, Comte de Flandres ; le Comte Seigneurs<br />
ANDRÉ' DE BRIENNE; RI D FORT, Maître des T^rw^ilf^rj; îJ^f^Jinles<br />
Comtes de Chartres y de Blois y Sede Ponthieu; ALBE'-^^^<br />
RIC CLÉMENT, Maréchal de France; Se ADAM, Grand- ^''<br />
Chambellan. Plus de cinquante A|3ehevêques , ou Evêques;<br />
ODET, Evêque de Ravenne; BAUDOUIN, Archevêque de Cathtorheri<br />
; celui de Bezançon, 6c f Evêque de Faënce, furent<br />
du nombre ; outre des Armées entières, qui pérkent, . ^<br />
avant que d'y pouvoîr arriver ; auffi bien que l'Empereur<br />
FRE'DE'RIC premier. Se le Landgrave de 2]&«r/«g:f, qui fe<br />
noïa, en retournant dans fes Etats.<br />
Vv 2 Les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
34a HIST O I RE G E'N E'R A L E<br />
Gui de Lu- • Lgg g^Qig de France y Se dAngleterrey firent inceffamment<br />
zignan ae- i T> • n* T<br />
ciaréRoi arborcrles enfeignes du Roi Uin DE LUZIGNAN, auquel ces<br />
jffleS.deux Monarques, 6c tous les Seigneurs de fArmée avoient<br />
jugé, „ que devoit appartenir k Couronne de Jérujalemy<br />
yy pendant fa vie; mais, à condition- pourtant, que s'il fe<br />
„ rémarioit, 5c qu'fl eût des Enfans d'un fécond mariage, ils<br />
y^ ne pourroient y rien prétendre ; Se qu'elk appartiendroit<br />
yy de droit à la Reine ISABELLE, 6C ^ fes Enfans; Que ce-<br />
„ pendant le Marquis CONRAD, fon Epoux, demeureroit en<br />
,,'poffeffion de la Principauté de Tyr, qui relèveroit tou-<br />
„ jours de k Couronne de Jérufalem. "^^<br />
Ils partagèrent ènfùite à toutes les Nations les dépouflks,<br />
6c les provifions, qui fe trouvoient dans la Vflle, à k<br />
referve des prifonniers, qui demeurèrent entièrement au pouvoir<br />
de PHILIPPE, 5C de RICHARD, afin que ces deux Priiwi<br />
ces les fiffent furement •conduire;au Camp de SALADIN,<br />
dès que ce Soudan auroit remise en Uberté les Chrétiens y<br />
qui fe trouvoient en fon pouvoir, comme ils en étoient?<br />
convenus. Ils accompagnèrent, en cérémonie , k Cardinal<br />
Légat, avec les Archevêques, Se Evêques d Europe y Se de<br />
Paleftine y qui récondlièrent toutes les Eglifes de k ViUe,<br />
dont les Infidèles ^Yoient fait des Mofquées; Après quoi<br />
ces Princes, 5e toute fArmée, rendirent de très-humbles actions<br />
de grâces au Tout-Puiffant y d'avoir enfm. triomphé de»<br />
I.nn^isdQ JefuS'Cbrift.<br />
HA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DK JE'RUSALEM. Liv. VII. Ca U. 341<br />
f^tî)r^w
3+2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
appuïée, 6c maintenue par tous les Prmces 6c Seigneurs Alh^<br />
mands ^ qui fe trouvèrent à ce fameux Siégé, particulièrement<br />
par les Evêques de MisniCy de ÎVirisbpurgy Se de Munftery par<br />
F R E'D E'R I c, Duc de Suabe, tant qu'fl.vécut ; par L E'O p o L D ,<br />
Duc dAutriche y par le Landgrave de Thuringe y par les Comtes<br />
de Bade y de Mons y Se par quantité dVitre Nobleffe. Ce<br />
foible commencement devkit enfuite f origine d'un Ordre , qui<br />
s'eft rendu fî confîdérable ySefi célèbre, que k principale Nobleffe<br />
d'Allemagne a fait gloire d'y entrer , 6c d'en porter les<br />
marques.^^ _ -^<br />
L'exercice de ces Chevaliers fut toujotirs femblable à celui des,<br />
Hofpitaliers', en j^ratiquant comme eux l'hofpitalité, 6efaifant k.<br />
guerre aux Infidèks. Ils s'durènt un Supérieur , auquel ils don-/<br />
nèrent auffi le nom de Maître. Le premier, qui fût révêtu de<br />
cette Dignité, fut HENI^I DE VALPOT ; OTHON DE<br />
G H A R p E N lui fuccéda. Il n'y avoit autre différence entre ces<br />
deux Rdîgions,que ceUe de f Habit: les Teutoniques le portoient<br />
blancy^yec une Croix noire y au lieu que les Hofpitaliers le portoient<br />
«(7ir, zwec une Croix blanche.<br />
Cependant*, comme les mêmes prérogatives, que ks Rois<br />
venoient d'accorder aux Fénitiens , Génoiis, Pijans , Se aux<br />
Ordres Mflitakes, furent enfuite odroïées à diverfes autres Nations,<br />
tant de VEurope y que du Levant y cette quantité de jurisdidions,<br />
indépendantes l'une de l'autre, diminuèrent fîfort cetle<br />
du Souverain, 6c caufètent enfuite une fî grande confufîon<br />
dans Ptolomaïde , qu'efles furent la caufe de fa perte, qui en-,<br />
traina cefle de tout ce que les Chrétiens poffédoient en Paleftine.^<br />
Comme toutes les inftances, qu'on avoit faîtes auprès de SA<br />
LADIN, pour ravoir la vraie CroiXy felon k Traité y qu'on avoit<br />
fait avec les Habîtans de Ptolomaïde , furent inutfles, le Roi<br />
d'Angleterre y toujours violent, 6c impétueux, prenant l'excufe<br />
que faffoient ks Infidèks, de ne pouvok la trouver, pour une<br />
véri-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
BE JE'RUSALEM. Lïv. VII. CH. IL 34.3<br />
yéiitabk tromperie , fans réfléchir aux malheurs, que fe fureur Vioieme<br />
afloit caufer aux Chrétiens , facrifia au dépit, qu'il en conçut, Roui»près<br />
de^pt mille de& prifonniers Sarrafins , qui lui étoient é-f^^'J^^.<br />
chus. Il,ne referva que fes plus riches de ces miférables, dans maffacre<br />
Pefpérance d'en retirer une groffe rançon. Adion mhumaine t/^. ^<br />
Se intéreffée, dont ce Prînce fut extrêmement bkmé, d'autant<br />
plus qu'elle caufe le maffacre d'un plus grand nombre de ChrétienSy<br />
que les Ennemis mirent en pièces, par droit de répréfaifles.<br />
La conduite du Roi de France fut bien oppofée. Ce Prince,'<br />
toujours prudent, 6c modéré, conferva fes prifonniers avec attention<br />
, Se les échangeai enfuite contre un parefl nombre de<br />
Chrétiens ,.qui languiffoient dans Jes fers des Barbares, Quelques<br />
Auteurs prétendent, qu'il donna ces prifonniers au Marquis<br />
CONRAD; Se qu'fls fervirent, comme nous favons dit, à<br />
rachetter k Marquis BOISTIFACE, fon Père , que SALADIN<br />
retenoit prifonniè» depuis la bataille d'-E//».<br />
Il fe trouva, "parmi les prifonniers du Roi dePr.an^y unOffi- Portrait<br />
cier Sarrafin y nommé ÇARACUT, mal-fait de corps, 6c laid de cuc/^ivifage,<br />
mais d'un efprit vif, 6c périétrant, d'un ji^ement fî -^"^'^.f.<br />
bon, 6c fi folide, qu'on prétendoit, qug^'étoit, par fes pru- w^«chrédens<br />
avis, que SALADIN étoit parvenu, en fîpeu de tems, au'^^"°^'faîte<br />
de grandeur, >où fl fe trouvoit<br />
PHILIPPE, 6e tous les autres Princes, informés des qualités<br />
de CARACUT , furent curieux de voir un Homme fî extraordif^aire,<br />
6c de le confulter férieufement fur la ifcondi^te, qu'ils [^dévoient<br />
tenir pour acquérir. Se conferver le Roïaume-de y^'«r<br />
fakm. Avant que de lui faire aucune queftion, ils l'sngagè*rent,<br />
fous un étroit ferment, à avouer la vérité fur ce qu'on alloit<br />
lui demander:^ Après qu'fl feut promis, on l'interrogea<br />
fur ce^ qu'ion défîroit favoir de lui. Il fit d^abprd bcaucoup de<br />
difficulté de répondre à une queftion, auffi déUcate, qu'intérefïànte,<br />
pour fôn Maître. Mais, enfin, preffé par f engagement,<br />
qu'fl avoit pris, de déclarer fon fentiment, fans aucun<br />
dégui-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
* $4-4' H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
Seswdis' déguifement, û dtty avec autant de franchéfe, que de bon<br />
S^Cbré- fèns, ,î que les Chrétiens ne dévoient jamais fe flatter de pofvtiens.<br />
^^ jT^^j. tranquflement k Paleftine y ni k Terre qu'fls appel-<br />
„ loient Sainte, tant que VEgypte * feroit au pouvoir d'un<br />
53 "Prince dé différente Rdigit^n , parce que celui qui pofTè^<br />
„ deroit les ViUes maritimes de k h^iffe- Egypte s'empareroit<br />
„ toujours facflemént de Jérufalem y Se de h Syrie,<br />
„ Qu'ainfî, puifqu'fls avoient cette affaire fi fort à cœur, il<br />
.yy ïàlloît commencer par fe rendre maître dés embouchures du<br />
„ Nily c'eft à dire des Vflles de Damiette-y R^et, Se Akxan.<br />
'/yy drie; ce qui leur étoît d'autant plus facile, qu'fls étoient le#<br />
^, piàs puiffans fur mer. Il ajouta, que, fî les Rois AMAULRI,<br />
„ 6e BAUDÔtriN^* avoîent été foûtenus par une bonne Armée na-<br />
5, vale, lorfqu'fls enti^eprîrent la guerre en Egypte y afin de pou-<br />
„ vok conferver ces "poftes, les Cibr^//V«J d'à-prefent n'auroient<br />
„ pas eu befoin de le confukeï fur le recouvrement, ni for k<br />
„ confer||tion de la-P^/^/«^; 5e qu'fls auroient, dès-lors^', pu<br />
„ chaffer les Turcs y Se lés Sarrafins y de toutes ces Provinces,<br />
„ détruire ei^tièrement leur mémoire, 5c demeurer paifibks pof^<br />
,,'feffeurs de fun. Se de l'autre de ces Roïaumes, fans qu'au-<br />
„ cune Puiffance eût jamais pu les en cfiaffer. "<br />
Ce Sarrafin y qu'on poùvPit nommer un 'fécond E's OPE,<br />
kur donna {àufieurs autres bons avis, dont le Roî PHILIPPE,<br />
ni les autres Princes ne fitent pas grand ukge.' Jls reconnurent<br />
cependant, dans la fuite, mais un peu trop tard, qùô^fes inftrudions<br />
n'avoient pas été moins fincères, qii'a^ntageufes à<br />
leurs deffeins. En effet, tous ceux qui, comme moi, connoîffentla<br />
Pakftinéy Se VEgypte y ne fauroient difconvenir, que<br />
Jugement ks Vîlfes maritimes de ce -Roïaume, facfles à conquérir. Se à<br />
/ttfiwûlTconferver, ne foient totijours k pierre d'achoppement, ^6c l'éaif^*^^<br />
cuefl qui fera échouer toutes les entreprifes qu'bn po'u'rtbit faire<br />
pour le recouvrement du Roïaume de Jérufakm , où les<br />
C^rftiens ne feuroient faire aucun progrès' fans fe rendre maîtres,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. VII. CH. II. 34.;<br />
treô, comme k difoit CARACUT, des Côtes maritimes de k<br />
baffe Egypte y ainfî qu'ils ne f éprouvèrent que trop, pour n'avoir<br />
point ajouté foi à fes falutaires avis.<br />
Le Marquis CONRAD, aïant réyefllé fes prétenfîons fur Jéru-Arme n,<br />
falem y contekz. au Roi Gui le droit, qu'fl difoit y avok de fou/^'J^^"<br />
côté, fens que fun, ni fautre, en fût en poffeffion. Ce dé-^^^'"c^<br />
bat, 6c la difcorde, qui recommença apr^ k prffe de Ptolo- Conrai<br />
maïde y entre ks François y 6c ks Anglois y occupoient fî fort<br />
tous ks Princes Chrétiens y Se partageoient tellement toute l'Armée<br />
, qu'il n'eft pas forprénant, s'ils ne firent aucune attention<br />
aux avantages, qu'ils auroient pu retirer des avis de CA<br />
RACUT , non plus qu'au peu de fruit, qu'ils tirèrent de cette<br />
grande Croifade, Sort déplorabk de toutes les Ligues, .qui<br />
fe font entre différens Princes î Les intérêts particuUers les<br />
agitent, 6e la méskitelligence empêche tous les progrès, qu'fls<br />
pourroient faire, en agiffant de concert. Se avec l'union, qui<br />
eft fi néceffaire pour réùffir en toutes fortes d'entreprifes, mais<br />
principalement à la guerre.<br />
Ces Princes ne forent pas pouffer leur Vidoke, ni profiter<br />
de la confternation, que la prife de Ptolomàide avoit caufée aux<br />
Infidèks, L'Armée des derniers fe trouvoit en très - mauvais<br />
état ; foit à caufe des grandes pertes, qu'ils avoient faites pendant<br />
ce long fîége, foît par les grands détachemens, que SA<br />
LADIN avoît été obligé de fake entrer dans k Place. U falut<br />
donc travaiUer à un nouvel accommodement, qui fut d'autant<br />
plus difficfle à conclurre, que k Roi de France; OVWQTAy Duc<br />
AeBmrgogne; LE'OPOLD, Duc dAutriche; RODOLPHE,<br />
Comte de Clermont; les Templiers y les Génois yle Landgrave de<br />
Thuringe, 6c ^qudques autres Seigneurs, foûtenoient, „ qu'on<br />
„ ne devoit point balancer à reconnoitre le Marquis CONRAD<br />
3, pour véritable Roi de J^ufalem, puifque c'étoit à lui qu'fls<br />
„ devoknt en partie k conquête qu'ils venoient de fake; Se<br />
>, que,fans ks fecours de vivres, qu'fl avoit conduit continuel-<br />
Xx „ lement<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
34-$ H I S T O I R E G E' N E'R AL E<br />
yy lement au Camp avec fa Flotte, 6c k valeur, avec kquefle<br />
„ fl avoit empêché les Vaiffeaux Sarrafins de renforcer,' Se de<br />
„ ravitaiUer la Place, les Chrétiens auroient été contraints d'en<br />
„ abandonner le fîége: Que, d'aifleurs, on devok cônfîdérer<br />
„ que ce Marquis étok aloçs mieux en état, que Gui, de fou-<br />
„ tenk la Dignité Roïale, 6c de recouvrer ks autres Places du<br />
,, Roïaume, qui étoient au pouvoir des Infidéks; Se qu'enfin^<br />
„ dn pouvoit dire, que Gui avoit entièrement perdu fes droits<br />
„ fur k Couronne, dès que k Reine SYBILE,fa Femme,avoit<br />
„ ceffé de vivre. Ajoutant, de plus, que fon couronnement<br />
,,^avoit même été dédaré nul, dès k vivant de cette Princef»<br />
» fe, puifque tout k monde étoit convaincu, qu'il avoit été<br />
„ fait par prières, par négociations ilUckes, par tromperie,<br />
„ 6c par k mort prématurée du jeune Roi BAUDOUIN, fon<br />
„ Beau Fils. Au lieu que k Princeffe ISABELLE, Femme de<br />
„ CONRAD, n^avoit donné aucun fujet, qui dût l'exclurr© de<br />
„ la focceffion paternefle, qui, après k mort de fa Sœur^ lui<br />
„ appartenoit de droit. "<br />
Le Roi dAngkterre y BAUDOUIN, Comte de Flandres y qui<br />
fut depuis Empereur de Conflantimple ; HENRI , Comte de<br />
Champagne y les Hofpitaliers y les Pifans y 5c divers autres Seigneurs,<br />
prétendoient, ,,que, puffque Gui avoît été reconnu,<br />
3, depuis fi long-tems, par toutes ks Nations, pour vrai. Se<br />
„ légitime Roi de Jérufakm, Se qu'fl avoit jouï paifibkment<br />
„ de ce Titre, Se de cette Dignité, il n'étoit point jufte de<br />
„ Pen piver pendant fa vie; d'autant plus qu'il n'en étoit pas<br />
„ moins digne alors, que dans le tems que la décifion en avoit<br />
„ été faite en fe faveur par tous ks Princes, Se Seigneurs<br />
,5 Croijés. " Les Anglois foûtenoient ce parti avec chaleur,<br />
foit qu'fls cruffent ks droits de Gui mieux fondés, que ceux de<br />
fon Compétiteur; ou qu'ils vouluffânt être d^ua fentiment oppofé<br />
à celui du Roi PHILIPPE, 6C des autres partifens (fc<br />
CONRAD.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
Ce
DE JE'RUSALEM. Liv. VIL CH. II. 347<br />
Ce nouveau démêlé avoit aigri les efprits, Se altéré la paix,<br />
6c l'efpèce d'union, qui avoit régné jufqu'alors entre les Rois<br />
de France y Se dAngkterre; en forte que, fans les bons offices<br />
de quelques Perfonnes impartiales, qui faifent réflexion<br />
fur le fcandale, 6c fur les fàcheufes fiâtes, que pouvok avoir<br />
cette conteftation dangereufe, fl y auroit eu tout à cramdre.<br />
Ils répréfentèrent à ces ^deux Princes le grand préjudke, que k<br />
caufe commune recevroit de leur difcorde, 60 qu'fls auroient<br />
dû fe fervk de leur autorité , pour appaifer une querelle ,<br />
qui détruiroit non feulement la conquête de la Terre-Sainte<br />
y but principal de kur voïage ; mais qui empêdierok<br />
auffi le progrès, que kurs armes vidorieufes auroient pu<br />
faire fur ks Infidèles. Ces exhortations touchèrent enfin<br />
PHILIPPE, Se RICHARD, qui engagèrent CONRAD ktéréentre'<br />
fe contenter de la Vflle , Se du Titre de Prince de Tyr ; Se cïn^d.<br />
Gui de celui de Rjoi de Jérufakmy avec la Vflle de Ptolomaïde.<br />
Pendant que les Chrétiens perdoient ainfî le tems en vaines Article///,<br />
conteftations, SALADIN , qui désefpéroit de pouvoir faire tête à f^Jf jf^ ^*<br />
leur puiffante Armée, s'fl diminuoit encore la fîenne par ks^««'««Î"*<br />
fortes garnifbhs , qui auroient été néceffaires pour garder les tiens ^pû-<br />
Places, qu'fl poffédok en P^/^/w, réfolut de les faire démo-^^^JJg."<br />
lk,afm de fe fervir des Troupes, qu'fl y tenoit ordinairement, tms.<br />
6c empêcher que les Chrétiens ne puffent fe prévaloir de ces mêmes<br />
Places.<br />
Il fit démdîr ks murailks dQCéraféey de Jaffa y de Gaza y<br />
de Porphire, ou Caïphas, 6c ceUes du fameux Château, planté<br />
au pié du Mont de Sinaï y où étoit autre fois fancienne Vflle<br />
d Elans y ou AUa y que les Barbares nommoient Tour; Et<br />
fl ne s'attacha uniquement, qu'à faire réparer, 6eaugmenter<br />
celles de Jérufalem y ci^il fouhaitoit de conferver préférabkment<br />
à toutes ks autres, 6c que les Chrétiens avoient réfolu d'attaquer<br />
k première.<br />
Xx 2 Dans<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
34.8 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Dans le Confeil, qu'ils tinrent à ce fujet, plufîeurs Seigneurs<br />
François y qui fe reffouvenoient des avis de CARACUT , infîftèrent<br />
long-tems, ,,qu'fl étoit plus à propos dépaffer promtement en<br />
„ Egypte y que d ^.tt^quer h Sainte-Cité; Ils alléguoient, qu'fl<br />
„ ne leur feroit pas difficile de faire de grands progrès dans ce<br />
„ Roïaume, qu'ils trouveroient dégarni de gens de guerre, 6c<br />
„ de munitions, dont SALADIN l'avoit épuifé, pendant une fi<br />
„ longue guerre. Ajoutant ^ que, pour conferver k Vifle priur-<br />
„ cipale de fon Empire, ce Prînce Infidèle abandonneroît d'a.-<br />
„ bord cefle de Jérufitkm y qui étoît d'une moindre importance<br />
„ pour lui, 6c qu'fls pourroient alors s'en emparer avec fa-<br />
„ cîlité. "<br />
Quoique ce fentiment fût en effet le plus avantageux, on<br />
fuivit pourtant celui de ceux quî opinèrent ; „ que, foit par<br />
5, devoir, ou pour conferver feur réputation, fl faUoit com-<br />
„ mencer par recouvrer y^nf/4f/(p»r, 5c fes dépendances, puff*<br />
„ que toute fArmée étant ranimée par le recouvrement du<br />
„ Saint*Sépulcre, elle iroit enfuite avec plus de courage atta-<br />
„ quer la Vflk de Damas y après-la prife de kquefle on pour-<br />
„ roit entreprendre k conquête de VEgypte, "<br />
Cependafit, comme ils ne doutoient point, que SALADIN<br />
ne fît tous fes efforts pour s'oppofer à leur deffein, 6e confervsr<br />
la Vifle de Jérufakmy aux environs de laquelle il s'étoit campé<br />
avec toute fon Armée, îls réfolurent, qu'on travaîfleroit en<br />
diligence à rétabUr les fortifications de Jaffa y afin d'avoir plufieurs<br />
paflages libres, du côté de la mer, pour recevoir facflemént<br />
les provifîons néceffaires^<br />
Le Roi dAngkterre, à qui rien ne paroiffoit difficfle, quand<br />
il s'agiffoit de PaccompUffement de fon vœu, 6c qui étoit toujours<br />
prêt à ^'expofer aux pkis. grands dangers, fe chargea gaiement<br />
de la réparation des murailks de Jaffa, Se partit, avec<br />
fes feuls Anglois y pour y faire travaifler. ^ \\fsX pouffer cet ouvrage,<br />
avec tant de dfligence, qu'fl étoit prefque perfedion?<br />
né.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. VII. CH. IL 34.^<br />
né, lorfque SALADIN l'attaqua fubitement avec toutes fes forces.<br />
RICHARD, qui n'étoit pas moins prudent, que courageux:,<br />
reconnoiffant la grande inégaUté des fîenne^ fe retira en fî bon<br />
ordre, que les Infidèles n'oferent pas le pourfuivre ; tant ce<br />
Prince leur étoit devenu rédoutalbk. Auffi leur fit-fl-bii|ntôt<br />
connoître , que ce n'étoit , ni par foibleffe , ni par crainte,<br />
qu'fl les avoit évités ; Car, après avoîr envoïé fa Flotte fe faifir<br />
de la. Vifle de Jaffa y 6c empêcher que SALADIN ne fit détruke<br />
les fortifications qu'fl y avoit faites , fl fe remit en campagne<br />
avec les Hofpitaliers , Se alla , fans balancer, affronter ce Soudany<br />
qu'fl chargea avec tant de réfolution, qu'fl fit plier fes Troupes,<br />
dès le premier choc. Se ks mit en déroute. Sans la rufe,<br />
dont fe feryit ce Prince Infidèky pour arrêter k fureur des^»gloiSy<br />
il n'auroit pu éyiter de devenir leur captif<br />
Pour fe retirer de ce danger évident, il envoïa deux de fes<br />
Amiraux k RICHARD, avec de maginifiques préfens, pour<br />
lui demander la paix à telles couditions qu'il jii^erok à propos.<br />
La nouveauté de cette démarche aïant retenu RICHARD, fl<br />
commanda k fes Troupes de s'arrêter. Par ce mpièn , S A L A-<br />
DiN fe tira d'affaire lui, 6c fon Armée, qu'fl mit en lieu de<br />
fureté.<br />
Le Roi dAngkterre reconnut faddreffe du Soudan , par<br />
le mauvais difcours de fes Amiraux , qui marquoient trop l'impreffempnt<br />
de leur Maître pour la paix, 6c infiftoient, avec trop<br />
d'affedation, fur l'affurance de ne plus troubkr RICHARD dans<br />
fon entreprife de Jaffa^^ Qutré de dépk, fl renvoïa ks Miniftrps<br />
Sarrafins, 6c kur défendit de paroître davantage devant lui,<br />
à moins que ce ne fût pour lui faire une entière jeftitu*<br />
tion du Roïaume de Jérufalem. Il leur .prfjonna même de. dire<br />
«SALADIN, leur Maître, " qufl n'avoît que faire de fon<br />
" cQiffentement, pour faire aciiever les fortifications de Jaffa y<br />
^ Se qu'fl ne devoit fon falut, qu'au fb^tagème, dont U s'étoit<br />
Xx 3 !' fer-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
3J0 H I S T O I RE G E'N E'R A L E<br />
.^' fervi pour lui échaper ; mais qu'fl efpéroit d'avoir bien tôt<br />
" occafîon de fen faire repentir.<br />
Les Ennemis s'étant mis à couvert , RICHARD prit le<br />
parti de retourner â Jaffa, Il fit achever , en diligence,<br />
les ouvrages de cette Place, qui fe trouva en meilleur état,<br />
qu' auparavant. _ Les foins , 6c les peines , qu'il venoit de<br />
prendre pour cette réparation, luî firent.fouhaiter, avec d'autant<br />
plus d'odeur , de conf^ver cette Vifle , que fon port<br />
étoit le plus voifîn de Jérufalem y Sey par confequent, le<br />
plus important pour les Chrétiens. Il y en fit venir un bon<br />
nombre, tant Orientaux y que LatinSy dont fl forma une Colonie.<br />
Il y mit une forte garnifon, 6c pourvut la Place de provifîons.<br />
Jl s'en retourna enfuite à Ptolomaïde , où les Habitans le<br />
reçurent avec tant de plaifîr , 6e de fî grands appkudiffémens,<br />
qu'fls s'écrioient à haute voîx , que le Roi dAngkterre étoit<br />
le feul Prince, qui pouvoit délivrer la Terre - Sainte du joug<br />
des Infidéks, 6c rétablir ks affaires des Chrétiens Latins en<br />
Orient.<br />
Ces louanges furent un écuefl à la vertu du Roi PHILIPPE,<br />
quine put s'empêcher de concevoir de la jaloufîe de la nouveUe<br />
gloire de fon rival. Le cliagrin , qu'il en conçut, fe communiqua<br />
bien-tôt à tous les François y qui, non contens de<br />
fe moquer des acclamations du Peuple , s'efforcoient encore<br />
d'abaiffer , par kurs difcours , les adions de RICHARD, Se<br />
même de le cjflomnier d'une manière très-outrageante.<br />
Les Anglois , de leur côté , ne pouvant fouffrir ces injures<br />
, réa^roûimsnt aux l^rartçois la nonchalance Se k froideur<br />
de levêc Roi , qm paroiffoit (difoient-ils ) n'être venu àla<br />
Guerre famte , quç pour être fpeff^eur des travaux d autrui.<br />
Ces brcmilkries ne tardèrent pas de paffer des Soldats aux<br />
Officiers, de pénétrer jiffqu'aux principaux Seigneurs de l'Armée<br />
, 6c de caufer eafin une rupture ouverte.<br />
En<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. VIL CH. IL 3,-1<br />
En effet , fc parti des uns n'étant pas moins fort , que<br />
celui des autres , 6c fanimofîté augmentant toujours , il<br />
pouvoit , à tout moment, en arriver de grand désordres,<br />
d'autant plus que les deux Rok même en vinrent à de fàcheufes<br />
paroles. PHILIPPE réprochoit à RICHARD, " qu'fl avoit<br />
" trahi la caufe commune, en laiffant échapper SALADIN*,<br />
'** dont les riches préfens , 6c l'aident favoient gagné, 6c<br />
*' l'accufoit de s'*entendre fécrettiment avec ce Barbare ; ^<br />
qiienfin il afpiroit h s'emparer du Roïaume de Jérufekm , comme<br />
il amit fait de celui de Chypre.<br />
RICHARD, de fon côté, accufoit PHILIPPE de Lenteury<br />
Se dlrréfohttien , Se par un fouris malin , il fe moquoit, en<br />
fe prefence, de fon peu de Faleur y Se de fon Igrwrance dans<br />
la guerre. Ce réproche n'étoit pas , à beaucoi^ près , fî offenfent,<br />
que celui que luî avoit fait PHILIPPE; Cependant Rupture<br />
cdui-ci en fiit fî piqué, que fon dépit, joint à k jdaufîe, kfit ^^TL<br />
réfoudre dès lors à s'en retourner en France , afin d'éviter des deux Roisr<br />
déboires, qui lui étoient fi fenfibks , Se ks fiiites funeftes, qui e? BS-^'<br />
en pouvoient naître. '^"^'<br />
Néanmoins , PHILIPPE vouknt faire taire k médifànce, ArtidcTT.<br />
6c empêcher , qu'on ne dît , quil quittolt légèrement la Paleftine<br />
, dédara , '^ que, comme fl avoit reconnu, qu'il ne con-<br />
" venoit point au fervice de la Cbrétkntéy que deux Rois JS«ro-<br />
" péens s'y trouvaffent enfemble , perfoadé qu'un feul condui-<br />
" roit mieux les affaires de la Guerre, 6c les avanceroit toujours<br />
" avec plus de promtitude, 6c de fuccès ; au lieu que la dif-<br />
" férence d'opinion retardoit bien fouvent les entreprifes Se les<br />
" progrès , qu'on pouvoit y faire , il fouhaitoit d'eta partir<br />
" promtement ; d'autant plus que fa fanté fe trouvoit fort al-<br />
" térée. Se ne lui permettoit pas dagk, comme fl k défkoit,<br />
^ pour l'avantage de k Terre - Sainte.<br />
Après avoir fait répandre ces motifs de fon départ, pour y<br />
préparer les esprits, fl fe dédara dans un Confefl général : Affil-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
3Î1 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
fiirant pourtant tous les Princes, 6c Seigneurs de rAffemblée^'<br />
^ que fon intention n'étoit pas d'abandonner la Guerre fainte;<br />
" qu'au contraire , fl défiroit ardemment, d'y contribuer, en<br />
" y laiffant fes meifleures Troupes, bien entretenues , pour la<br />
" continuer ; perfoadé qu'efles y rendroient autant , Se plus<br />
" de fervice , que s'fl y demeuroit en perfoiuie.'<br />
Il prit enfuite fort civilement tSongé du Roi dAngleterrey en<br />
prefence de toute f Affemblée, lui difant, -" qu'fl ne devok<br />
" point s'oppofer à fon dépzrt, dans la crainte, qu'fl ne fe<br />
" prévalût de fon abfence , pour attaquer fes E'tats ; puis qu'fl<br />
" lui promettoit, que , s'il avoit à le faire , ce ne feroît ja-<br />
" mais, que lors qu'il feroit en état de les défendre.<br />
Enfin, malgré les inftantes prières de tous ks Princes Se Sei-<br />
^lue ^^ giiGurs de fArmée , PHILIPPE , après avoir remis au Duc de<br />
France ^ Bourgognè cîuq ccus Chevaux , 6c dix mflle Hommes d'Infan-<br />
Ptoioroai- ^gf^g^ ^yçç. ordre d'obéïr au Roi dAngkterre , qui devok^feul<br />
conduire la Guerre, s'embarqua avec le refte de fes Troupes fur<br />
k Flotte Génoife , qu'fl augmenta de trois Vaiffeaux , 6c aborda<br />
heureufement à Q/?/>, d'où il fe rendit à Rome , pour y vi-<br />
^TàK ^^^^ ^^^ principales Eglifes de cette Métropole du Monde Chrême,<br />
tien y Se recevoir la bénédidion du Pontife. Cétoit CÉLESTIN<br />
III. qui avoit foccédé à CLE'MENT III. Ce Prince fut reçu du St.<br />
Père, avec de grandes démonftraticMis d'honneur , 6e d'eftime;<br />
Se y pour marque, qu'fl avoit accompli fon voeu , 5c qu'fl approuvoit<br />
fon retour , CÉLESTIN donna des palmés au Roi, 6c à<br />
tous les Officiers de fa fuite. Après cette cérémonie , ce Monarque<br />
fe rembarqua , 6c arriva heureufement dans fes Etats<br />
L'exemple . n • i n /<br />
rfe Philip, vers k lin de fannée.<br />
parUn^c* L'efprit de désunion, qui avoît toujours tourmenté les Chefs<br />
rf'Autri- de l'Armée des Croifés , Se qu'auam accommodemfut, ni au-<br />
VénUiens cuue confidération , n'avoifc pu étouffer, fut caufe, que k Duc<br />
nois^*6? ^'-^"^^^^^^ 5 ^Ji confervoit, dans fon coeur , un vif reffentitesvms.<br />
ment de l'affront, qu'fl avoit reçu du Koi dAngkterre y pour<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D t JE'Rrl^S AL EiM. f Jîm VIL CJ8|. ÏL T 3t3r<br />
k gloire du quel il n'étoit pas d^umeur à ^'epaploïer, abandonnE<br />
auffi k Pakfiine, dès qu'fl vît que le fouverain commandement<br />
étoit refté entre fes mains ; 6c qu'fl n'avoit plus le Roi<br />
PHILIPPE, pour contrebalancer fautorité de RICHARD. LesFfottcs<br />
Fénitiennes , Gémifes, S^ Pifanes , fuivirent bientôt fon<br />
eicemple. Le Marquis CONRAD en fit de même, malgré les prétenfions<br />
, qu'fl avoit fur le Rokume de Jérufalem , 6c qui au- "^*<br />
roient dû f engager àr agk avec un peu plus d'ardeur, qu'aucun<br />
autre pour le recouvrer. Il na dqmeura donc au Camp, que le<br />
Roi d Angleterre y TLYeo fes Tr
fïf HISTOI R E G E' N E' R A £ E<br />
Soldats de fArmée, èpuifèrent ks grandes richeffes, qu'fl avoît<br />
portées en Paleftine. Ces reffources lui manquant, il engagea<br />
s.'nede aux Templiers y dont l'Ordre étoit très pécunieux, file de Chyer^gagée<br />
^^5 pour vingt-cinq milk marcs d'argent. • Quelques Auteurs<br />
""iei?'"^ prétendent, qu'il la kur vendit pour ce prix. Ces Chevaliers<br />
pour \ en prirent poffeffion : mais, au Ueu de s'attirer famour des Peuwa^j'flc-<br />
pies, par un gouvernement doux, 6e modéré , tel qu'fl conzev.t.<br />
vient dans un commencement d'acquifîtion , fls les traitèrent<br />
avec tant de violence , qu^ils les obligèrent àfe révolter, 6e à<br />
prendre les armes, pour fecouër un'Jbug , qui leur étoit infuportable<br />
; de forte que la dureté des Maîtres , Se la réfolution.'<br />
des Vaffaux à défendre leur liberté, alluma une Guerre, dontles^<br />
fuites feroient devenues fàcheufes pourles une, 6c pour les autres:<br />
mais les Templiers y qui y perdirent leurs meflleures Troupes,,<br />
fens avoir pu affermir leur domination, désespérant enfin de pouvoir<br />
réduire ces Peuples irrités , prirent k parti de remettre ce<br />
Pays au Prince , qui le ieur avoît cédé. Cette renonciation,,.<br />
Se l'ufage, que RICHARD fit enfuite de ce Roïaume, fait affe%<br />
comprendre, queles Templiers ne l'avoient eu, que-pour gage<br />
de l'argent, qu'ils lui avoient prêté; • ^<br />
Le recouvrement de Jérufalem zmnt toujours été l'objet prlii*'<br />
cipal de la Cfuerre Jainte y 6c le prix quî devoit couronner l'oeumtifica.<br />
vre des Croifés y RICHARD-réfolut d'aUer affiéger h. Sainte-Cité..<br />
tions de ^ Il fe mit en campagne, dés que les fortifkationS'de Ptolomaïde'<br />
derépa. furent achevées;. Ii divife fon Armée-en trois corps, dontfl<br />
'^"' conduifoit l'avant-garde. Le Duc de Bourgogne commd,ndoit<br />
S r<br />
k corps de bataiUe, 5cle-Comte d'^«;^;2^.f l'arrière-garde, toute<br />
compoi&e de Flamans y Hollandois y Danois y Se Frifons, Le.<br />
bagage étoit:renfermé entre l'avant-garde, 6c k corps de ba-:<br />
taille.<br />
Ils marchèrent, dans cet ordi-e, jufqu'au petit Chàtem dAfi<br />
>^ y ^^^^ Pr^s de k Mer , entre J aft a, Se Céfarée. Ils<br />
wèsd'k'i- s'étendirent dans la plaine où étoit autre fois, la ViUe dAnti^<br />
tjirmée" $atridey^ anciennement Arfabazai. SALADIN , qui ks cotoioît:<br />
tout<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM, Lîv.TIL Oi. m. 3^^<br />
toujours de loin, attaqua leur arrière-garde vers fheure du midi, chrétien.<br />
Le Comte dAvènes foutint la première impétuofité de l'Ar- J^^ j^"*<br />
mée ennemie, avec tant de fermeté , que les François eu*<br />
rent le tems de venir à fon fecours. Le Roi dAngkterre<br />
y arriva quelque tems après. La mêlée devint générale, 6c<br />
le combat des plus furieux , 6c des plus fanglans. Les Infidèles<br />
y animés par la prefence de leur Soudan y faffoient des<br />
efforts extraordinaires pour vaincre , 6c pour conferver Jérufalem<br />
y qui étoit la feule Place , qui leur reftoit, 6c de laqueUe<br />
dépendoit la fin , ou k continuation de kur domination<br />
en Paleftine.<br />
L'Armée Chrétienne étoît compoféê de diveriesNations, qui<br />
toutes , rempUes d'une généreufe émulation , combattoient<br />
avec une valeur héroïque ; de forte que la Vidoke fut longtems<br />
difputée; Maîs, enfin, le Roi d! Angleterre y aïant reçu<br />
à f oefl un coup de flèche, 6c joignant alors, à fon coeur<br />
de Lion, la fureur d'un SangUer, lors qu'fl fe fent bleffé, porta<br />
par-tout des coups fi terribles, qu'fl renverfoit tout ce qui fe<br />
trouvoit devant lui ; Mépriknt fa vie , Se oubUant fe qualité<br />
de Roî, fl fe jettoit, en déterminé, dans les plus forts<br />
Efcadrons des Ennemis , où fl faffoit des prodiges étonnans.<br />
Les Anglois, attentifs aux mouvemens de leur Prince, Se<br />
jaloux de fon falut, s'expofoient, à fon exemple, aux plus grands<br />
dangers, Se donnoient , tête baiffée 6c en gens désespérés,<br />
fur les Barbares, Les Ordres Mflitaires, qui étoient accoutumés<br />
à combattre contre les Infidèles, fe tenoient bien ferrés, 6c<br />
• en faffoient une horrible boucherie. Les François , qui ne fe<br />
piquoient pas d'une moindre valeur , que toutes les autres Nations<br />
, combattoient avec tant de fureur , Se de bravoure,<br />
que rien ne pouvoit leur réfifter.<br />
Le vaillant Comte dAvènes , avec fes Bas-Allemands , ne<br />
faifoit pas un moindre carnage des Infidèles. Ce grand Homme<br />
fe fîgnala extrêmement, dans cette mémorable journée. Ce<br />
fut luî, qui fraya le chemin à k Vidoire; car fl avoit non feu-<br />
Yy 2 k-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
3f^ HISTOIRE GTNE'RALE<br />
lement foutenu feul k premier efïbrt des fffidèkSy mais il combatit<br />
encore, durant tout le refte dek bataflk, avec tant de<br />
• fermeté , 6c de conduite , que ce fot lui qui commença à faire<br />
plier, & à mettre en fuite lesBatafllons SmrafinSy qui ki étoknt<br />
naoire expofés. Awttttgê , qui mit bkntôt la couÈifàon parmi<br />
"fe^chré- ^ Ennemis, ï^rayés, enfin -, du terribk maffacre dc kufs<br />
tiens fur compagnon*, ils prkent k foite-, pour tâdier de fe feuver à k<br />
SaïadiQ. fg^^^g. ^Q iji ny|^ ^ qui aprocboit ; de forte que ieur défaite,<br />
augmentant par la terreur, *Jk fot fi extraordinaire, quek<br />
^upetrt demeurèrent fur^k «cliam^ de bataifle ; ée ilii'y eut ck<br />
fàuvé, que ceux qui eurent le bonheur de psôfit^r des îénchrea.<br />
Cette-grande Vidoire fut, tes confiredit, la .pans iigmftl'ée, 5c<br />
la plus doïfipktte , que ks ijbréiim euffent remportée fur ikf<br />
Infidèks. SiiLABiN y ^r^ k ^Iu$ gpande partie ^de fon Armée,<br />
qui étx)it de près de trois cens mflle dSlomane»., fie ceaittut<br />
lui même un'granà'risque, H n'en 40Uta auK ObrétieaSy qukn<br />
Cort petit nofâire dé "ku^s ^;*»o^p^, ''fens aucun Offider de distindio^<br />
; Mais la «pfefte du fetemix Comte id'j^/iïèwj , qui fat<br />
tué, afîigefi eattrèmenterit tout-e HA^mée, 6c diminua confidérablement<br />
k jèie d'un fî grand avantiage.<br />
Article //. L'Affilée Cbréfieme pafl^ k nuit, qui avok terminé k combat<br />
, fur le diamp de%ataflk , -& laardîa k lendemain matin<br />
vers Bethekm. 'À peine y ^ut-^dk^cajffi^ée, quek Roi dAngkterre<br />
fut mformé, de k'Venue dun grand Convoi d'iE^/j^/iP,<br />
'chargé de îMWÎfîons ^po^'S^LAIMN. Ce Prince , toi^CHirs ardent<br />
, Se infatîgàbk, ^^éfîta pas un moment à f afler cliereher.<br />
Il choifît bon nombre-de fes nïeflkures Troupes, piur alkr enlever<br />
ce fecours aux Infidèks, Il marcha pendant la nuit, en<br />
grand fîknee, 6e fe pofta avant^ufement fur fe route. Il<br />
n'attendit pas kng - tems. Les Figyptiens parurent bientôt,<br />
6c fe trouvèrent fî peu en état de réfîftearài cette furprife, que<br />
RfCHARD eut le plaifîr de ks faire tous pifonmeni^ 6c d'emmener<br />
au Camp k grande quantité de Omtmmiy oSs tout ce qu'ii»<br />
te«iduifotent.<br />
: Ce<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ni JE'RUSALEM. Lrr. VH. CH. HI. 3^7<br />
Ce nouveau bonheur pour les Chrétiens y f abbattement, 6c la<br />
confternation des Ii^fidèJeSy depuis leur i^f^xét^e défaite. Se le<br />
peu d'entre eux qui vouluffent fe charger de la défenfe de Jérufakm<br />
y par le fouvenir qu'ils confervoient du kmg &> crud &.ége<br />
de Ptolomàide ; le mfina^ de U. Sainte- Cité , que ks Chrétiens<br />
avoient déjà devant les yeux ; kurs voeux unanimes d'^<br />
«ikr faire Jis fi^ ; ks fortes foflickauions du Pape, qui avoit<br />
mêmj^ envoïé de îgyQffesfeunmes pour payer fArmée , afm que<br />
cette entreprife me lut plus différée: Toutes ces raifons, dis-je,<br />
îjfeff(?ient efpérer, que RICHARD ne manqueroit pas d'aller inveflk<br />
Cependant 0 foit que ce JPrince fe kifllit perfoader par les<br />
Mnmi^y qui chercJioient, dit - on, k détourner ce fiége, de<br />
peur que ks .A^kis nkn euffent k gloire^ pwdantquekur Roi<br />
#v©it é|é comme qhtgéd'cçn ^ndoanerk projet; ouque leRoi<br />
é'Ansletprreexm&ïi^y en effe^ que.f afiprpdsie de fhiver nel'cmpcidiâtdedfespvpirkfi<br />
fecjQurs nécefkkes pour en venùr àbout;^perfua-<br />
4é que JSALADIN mettroit tout enaifage pour k conferver ; ou<br />
qu'enfin Dieu ne voulut pas permettre que ks Chrétiens poffédaffent<br />
encore ce fakit lieu ; loin.de profiter de fes Vidoires,<br />
de l'ardeur des Tioupes, 6c de l'abattement des ennemis, fl<br />
diangea tout-à-coup de fentiment; &, fous Je prétexte ipéckux.,<br />
que la faifon était trop arancée , fl congédia l'Armée;<br />
.^avec fes Seules Troupes, 6c celles du Nord ^ qui, depuis la<br />
mort de kur Génd^l, fuivoient fes enfeignes , fl alla hiverner<br />
k^alone ; le Duc de B(n4rgogne , avec fes François y kTyr;<br />
les Hojpitaliers à Ptolomaïde y Se les Templier s k Gaza. Dc peur<br />
que l'oifîveté du quartier d'hiver n'engpuriïït ks Troupes , le<br />
'JRJOÎ d'^«g-^/^rr/en^pldïa ks fiennes àrdever ksfqntifications<br />
^d^ l'iniportante Vifle dAfcalone. Efles y travafllèrent avec tant<br />
d'affiduité, que cette Pkce ne tarda pas à être,réparée.<br />
A^ f eacempk de Ric^iARn, les Templkrs firent âuffi létabUr<br />
4aifortereffç de Gaza y que SALADIN avoit fek démolir , dans<br />
i'e^âwnce , qu'étant une.desçkfsdu Roïaume, ccfoftc con-<br />
Yy 3 tri-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
3f8 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
tribueroit à avancer k conquête de Jérufalem y Se fervîroit enïuite<br />
à fa confervation ; Mais, par une fataUté impénétrable<br />
aux Htoimes, les peines, les foins, 6c les dépenfes, qu'avoient<br />
coûté k rétabUffement de ces Places, ne furent d'aucune uti<br />
Uté aux Chrétiens y Se n'affermirent, ni n'augmentèrent en rien,<br />
leur domination en Paleftine.<br />
Pendant que le Roi dAngkterre , Se les Templiersy faifoient<br />
réparer les Places maritimes, les Hofpitaliers étoient occupés<br />
aux Funéraflles d'ERMENORAND D'APS, leur Maitre, 6c à féledion<br />
dun Succeffeur au Magiftère. Ce fut GODEFROI DE<br />
D u I s s o N. Les Génois, Se les PifanSy habitués à Ptolomaîdcy<br />
troubloient toute cette Ville , par îeius querefles particuUères.<br />
Ils s'étoient armés les uns contre les autres. Les Habitans de<br />
Tyr y de leur côté, fe trouvoient dans la confternatîon. Se dans<br />
la douleur , à caufe de la mort funefte du Marquis CONRAD,<br />
Aforura- kur Prîuce. Elle fut, en effet, bien tragique. Il fut al-<br />
Sonrad ^^^^^ 3 eu pkîu jour , par deux inconnus, dans une place puiPrince<br />
de bliquc. Ils f affaflUrcnt, 6c le percèrent de plufîeurs coups de<br />
^^' poignard, avec tant de promtitude , que perfonne ne put empêcher<br />
cet affaffinat ; 5c , quoi qu'on fe faisît d'abord de ces<br />
fcélérats. Se qu'on leur fît fouffrir tous les tourmens, dont on<br />
put s'avifer , fl fut impoffible de leur faire confeffer ce qui les<br />
avoît portés à commettre une adion fî déteftable* Qui plus eft,<br />
fls fouffrirent la mort avec la même conftance , qu'ils avoient<br />
enduré les tourmens de la torture, Se s'y préfentèrent, avec autant<br />
de gaieté, que fî elle eût dû les recompenfer de quelque fak<br />
héroïque. '^<br />
L'accident terrible. Se inopiné , de la mort de ce Seigneur<br />
donna lieu à divers murmures , 6e à des raffonnemens injuftes.<br />
Roi i'An- Les uns en accufoient le Roi dAngkterre. Ils étoient même<br />
fdmnieu- ^^^^ hardîs , pour avancer , qu'il avoit gagné le Fieux de la<br />
fementac^ Montagnc y uou feulcmeut pour le faire affaffmer, mais encore<br />
^pemort" pour CU faire autant au Roi de France, ll faut cependant convenk,<br />
avec ks mefllçurs Hiftoriens contemporauis, 6c dire, à<br />
la<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
SE JE'RUSALEM. LiV.Vn. CIL IIL ^y^<br />
la louange de RICHARD , qu'fl étoit incapable d'une penfée fi<br />
baffe, 6c natureflement trop généreux pour avok recours à une<br />
kcheté, lors qu'il vouloit fe vanger de ceux dont il étoit mécontent.<br />
Il eft vrai, qu'il n'aimoit point PHILIPPE , par raport<br />
à la différence de leurs Jiumeurs 6c de leurs intérêts. Jl n'aimoit<br />
pas non plus CONRAD , parce qu'fl avoit refufé d'époufer<br />
k Princeffe JEANNE , fa Soeur. RICHARD k lui avoît offerte<br />
en mariage , pourvu qu'il quittât k Princeffe ISABELLE , qu'fl<br />
ne pouvoit , difoit - fl , légitimement garder : mais ce Prince<br />
n'auroit jamais penfé à attaquer fun, ni à fe vanger du refos<br />
de fautre , que par une Guerre ouverte , Se non par une trahifon,<br />
indigne non feulement dun aufft grand Prince , mais^<br />
encore du moindre Galant - Homme..<br />
D'autres publièrent , qu' EMFROI DE THORON, après avoir<br />
paru long-tems infenfîbk , Se même indifférent à finfîgneaffront,<br />
que lui avoit fait CONRAD, en lui débauchant laPrin^<br />
ceffe ISABELLE , fa Femme , s'étoit enfin vangé de ce rival, en<br />
féduffant deux vagabonds , pour Paffaffiner. On ne tarda pas<br />
cependant long-tems à reconnoître la fauffeté de ces bruits, :6c;<br />
la caufe de la fin tragique du Marquis* C'étoit véritablement^<br />
le Fieux de la Montagne y qui avoit envoïé deux de fes Sujets k<br />
Tyr y pour le poignarder, non pas^ à la folUcitation du Roi d'.^«gkterrcy<br />
ni d'E.MFROi DE THORON, mais pour fe vanger lui<br />
même de l'injuftice, que le Marquis CONRAD avoit fait à fes Sujets<br />
, aux quels il avoit retenu un Vaiffeau, richement chargé,<br />
qui avoît abordé en cette ViUe , fans qu'fl eût jamak voulu Je^<br />
reftîtuër, ni leur en payer la valeur:<br />
Quoi qu'EsiFROi DE THORON vécût d'une manière fort paî-Article/C»<br />
fîble, 6c qu'fl ne fît pas plus de bruit à la Guerre, que dansks<br />
Vifles , où fl habitoit, fl fut pourtant également afïàffiné<br />
peu de tems après, fans qu'on pût en découvrir le fujet. Par<br />
ces meurtres , k Princeffe ISABELLE demeura Veuve de deux<br />
Maris, dont la fin fut auffi déplorable, l'une, que-fautre. E1k.<br />
avok eu du dernier une Fifle,,nommée MARUB.. ies- droits»<br />
iûi-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
po H l s T o I R E . G E' N^ E'.R A u E<br />
kcontdbibkB de cette jeune Princeffe, fur le Roïaume de^'^rufalem<br />
f ficent, que k Roi dAngleterrey non moins politique<br />
, que guerrier, fongea d'abord.à la marier à quelque Seigneur,<br />
qui dépendît entièrement de lui, in&n de pouvoir dispofer<br />
de la Souveraineté de cet Etat : ce qui lui paroiffoit<br />
d'autant; plus fadle, q^'fl ne doutoit point que Gui DE LUliGi^ASy<br />
k qui le Titre de Roi de Jér-ufakm , Se la poffeffion<br />
de la Vflk de Ptokmaîde^ étoient demeurés , ne lui cédât fes.<br />
droits fur cette Couronne, en échange du Roïaume de Chypr^p<br />
donc fl pouvoit di^ofer;.. les Templiers y aux quels fl l'avoit engagé,<br />
s'en étant démis.<br />
RICHARD ne fè trompa point dans feS coi^edures. U perfuada<br />
facflemént à la Princeffe ISABELLE de contrader une nou-.<br />
vefle AlUance avec HENRI, Comte de^Cbampt^gncy foa Neveu.<br />
Il n'eut pa« plus de peine à obtenir ce qU'fl fouhaitoit de Gui,<br />
Gé Priftcô infortuné étok fi fatigué des conteftations, qui naiffoient<br />
tous ks jours pour k vain Titre d'un Roïaume, enti^ement<br />
détruit, ou poffédé par les Infidèles , qu'fl ne fe fit pas<br />
beaucoup prier, pour lui céddr, tous fes droits, raffons, 6c adkns»<br />
fur k CoMtotme^de Jérufakmy en échange du Roïaume dipG&ypre.<br />
Il fe chargea même d'acquitter les vingt-cinq mflle<br />
mares d'argent, dont RICHARD étoit rédeisrabl^ aux Templiers.<br />
C'eft ainfî , qu'il eut f adreffe d'ac(juérir. k Souveraineté d'un<br />
Pays fî eftimé, Se révéré de toute la République Chrétienne;<br />
Se c'eft k raifon pourquoi fes Sueceffeurs ont, joint à tous kurs<br />
autres Titres celui dé Rois de. Jérufakm , qu'ils ont toujours<br />
porté dépuis.<br />
QUôi que RICHARD, donnât l'mveftkure du Roïaume de Je*<br />
rufalem à ISABELLE, 6C au Comtc de Champagne y fl en exigea<br />
cependant k ferment de fiddité, comme Seignepr Suferain de<br />
ce Roïaume, auffi bien que pour la Principauté do^^Tyr , qu'A<br />
donna en particidier à HENRI , fur le même pié., que k Marquis<br />
CômAD l'avoit piofféâfe^ 6c comme Fief doiaJdelaPriii*<br />
ceffe fon Epoufè,<br />
HI-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
D E S<br />
T) E<br />
M<br />
CHYPRE. DE JERUALEM,<br />
D' É G^Y^P T E.<br />
LIVRE VIU.<br />
C tif A PITRE PRE'MIER^<br />
^j^^^^^^^^ ET accord ainfi condu, Cui ne-balança pas Dépmâe<br />
.J^JÎ^^URC^ un moment à quitter mi Pays, où il avok Sî^<br />
r jrtr -srs^ eijy^^ jç H gniids dépkifîrs, 6c dans lequel ^' Wl<br />
il ne prévoîok que trop , qu'fl aurok tou-'êby^c<br />
'«xJtiHciî^^ ^""*^ rciituiiurc aes oDitacies mvmables,<br />
" ^ï^Sîif^^ P°"^ ^^ mamtenir. Il k quitta fens regret,<br />
' ^ & en partit avec joie , pour afler prendre<br />
pcffeifion d'un Etat, à k vérité mokis confidérabk, mais où,<br />
Zz en<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
362 H I S T O I R E G E' N E' RAL E.<br />
en récompenfe ,. fl e^éroit de-jouir avec-tranquilité , non feu*<br />
lement dès plaifîrs , 6c de la douceur de la Souveraineté, mais<br />
encore de tous les autres agrémens de la vie Au lieu que fes<br />
concurrens, pour coriferver: celui qu'fl leur abandbnnoit, étoient<br />
obUgés d'être tous les jour? aux mains avec les Infidèles y Se<br />
presque toujours à k veîUe d'en être entièrement dépomUés.<br />
Le départ du Roi GUI, 6e le nouveau mariage d'IsABELLE avec.<br />
k Comte dé Champagne, qui étoit également aimé des Seigneurs<br />
de VEurope y & du Levant y. aïant terminé tous les dffférends,<br />
qui avoient jusqu'alors troublé l'Armée , ^ k repos"<br />
des Habîtans , rétablirent enfin la tranquiUté des uns Se. des"^<br />
autres ;, de forte, qu'on ne penfe pliis qu'à fake les préparatifs-<br />
^^^.. néceflaires pour fentreprife de Jén^akm: .La befle faffon étant*<br />
^urla'^de retour J k ^:fÀ.dyAn^eHrre p^xjéi M "^éxfii&i: dAscalorie y<br />
jé"5^^/''* pour fe rendre à jB^/fe&w,^où étoit le rendez-vous général. Le^<br />
icm.. pijc de Bourgogne y les T^pUersy Seles HtfpitalierSy lé fuivi-<br />
0i\t peii» ^rès.. • Tbutes ks Àachiiies i 6ë leâ^ munitions, y fi»,<br />
rent contees».'€feg;pré^^ étcrieitt fi confidérés, c^m.<br />
ne doutoit pas, que, malgré la com.môdité, que SALADIN avoiteue^<br />
de renfià*cct fôn Armée*, &^Ck garûflèûv de la^ Vifle, on»<br />
ne k lui enkvât bientôt..;* .. ,. :<br />
Mais^, p^ un'^chaiffeme1?^d^àc^îden^, 5^d^ contrariétés^.<br />
de pouvoîr promtement radtreri 5^^'-Ciî)»r^^ dan^ fon- famt<br />
^ulprei «^anouïtîb avecMpémcf,qu'fls ayoient eue jusqu'alors, ><br />
d'arracher ce vénérable' ^Sandu^rei dès ankiilfi des Infidèks,<br />
Dans l!^ iRonaeEit, que TArméiï CI?pétknne'û\mfe mettreen<br />
U^fcl^, RifiHARD, qui avoit déjk étéJnformé de quStîues troiî-<br />
Wesi^qiui^étQ^^kvé^ en Angleterre, re qjj|ii'mfw»a^ non feiriement à; l'augmentatkn du dé^c^-<br />
4{)s^^s ce R«^^î^^ne>; mak encore le Roi PÎÏILIÎPE,<br />
3ij.ns^.^ont«iMi%^!^K^^ foutenir les mécontens vavmt<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^DE JE'RUSALEM. Lïv. VIII. CH. L 363<br />
.,, auffi pris ks armes, pour entrer da^sk Normandie, 6edans<br />
„ Jes autres Provinces, qu'fl poffédoit en France, Des avis fi<br />
intéfeflàna lui firent fufpendre fon entreprife, 6c tourner tou^<br />
tes fes penfées à £aire un accommodement avec SALADIN, afin 4e<br />
s'en.retourner inceffamment, pour défendre,^ tranquiUfer fes ^'^J'^^*<br />
propres E'tats, dont on vQiiloit k 4épouiJl^, pendant qu'fl tra- Etats de<br />
vailiok au bien commun de k Chr-éiimtè- fmpd^<br />
Son naturel promt, 6çcoJère, ne lui permit pas de diffimu-l"''"^'^-<br />
1er unièùl moment fon dépit , 6e fon_ reflentiinent. il ne fe<br />
contenta pas de fe déehai»^ centre PHILIPPE. Il ^ récria hautement<br />
contre fa conduite , & fa mauvaife foi, dans un Confefl,<br />
qu'fl affembla fur k champ , 6ç où fl déclara fà réfoUition.<br />
Sa paffion fut fi violente, que , fans confîdéi;erk grand préjiidicê,<br />
que les Chrétkns de Pal^ine.klloient recevoir defm départ<br />
précipité, fl voulut, que toute fArmée-fut i^Cotïnée de<br />
f m>ufïîce, que lui faifoit k RQÎ de France y Se de Jia- Efécefljté<br />
qù fl le mettoit d'abandonner k Guerre "&«inte.<br />
La prompte publication de ce çhangpnient ftjt, gKfeflfefe, bien<br />
funefte. Se très - deshonorablç à tous ks Çroife^, La noi^veUe<br />
de la réfolution de ce Prince paffa bientèt au Campée SALADJÎ^<br />
de forte que ce Soudan y qui auroît accepté auparavant teUet<br />
condkions, qu'fl auroit plu à RICHARD de hii iflapofpr-, fefit<br />
alors rechercher, 6c prier. Il objigea les Chrétiens k recevoir dq<br />
lui k loî^, Tant cette nouvelle le rdeva de fabatteajenÇ , qi^e<br />
fes dernières pertes lui avoient caufé. Auffi, les P^fonnes judi^<br />
deufes , Se zélées pour f avantage de k Terre - Saifitç , ne<br />
purent -eUes s'empêcher de blâmer, 6c de cDiidamner la vivacité<br />
6c f emportement du RIDÎ d^ Angleterre, qui, par fe précipitation,<br />
donnoit Ueu aux Ir^dèks de triompher des Chré tiens y ea<br />
les obligeant à détruire eux mêmes ks fortificatioiîs
^6^ H«I ST O I XE G:E'N E'R A L E<br />
1193. faire différer fon départ-^, fut fî Men profiter de l'empreffement^<br />
Traité des- qu'fl témoigna des'accommoder avec lui, qu'il l'obligea à ac-»<br />
^gell%r cepter une Trêve, non moins honteufe pour-lui, que^préjudi»<br />
/«Chré- cîabk aux Chrétiens. En effets parun des Articles du Traité,*<br />
qu'fl fit pour cinq ans , „ RICHARD-s'obligea de faire démolir<br />
J, toutes ksPkces, qu'il avoît fait fortifier, depuis la prife de<br />
,, Ptolomaïde; Et l'on convint, qu'fl ne demeureroit zux Chré-»<br />
„_ tiens aucune autre Ville fortifiée, que cefles d"* Antioche y Tyr y<br />
,, Ptolomaîdey Se jaffa y Se qu'ils feroient obligés de reftituër à^<br />
„. SALADIN toutes celles qu'As avoient prifes depuis trois ans..»<br />
Le Soudan^de fon côté, promit, "dé faire ceffer toute forte<br />
;, d'Iioftflkés , dé ne troubkr, ni inquiéter en aucune manière<br />
„ les Chrétiens y pendant ce terme. Il leur permit mêm^<br />
,v d'aUer-, en-petit nombre y k Jérufakm y pout mfiterAeSainte<br />
„ Sepukrci,, Il s'engagea, de plus, " à donner une groffe fom-^<br />
,> me d'argent au Roi d'^j^/(f/^rr^, pour le dédommager des:<br />
„ grandes dépenfes, qu'il avoit faîtes pour ks fraix dekGtierre^<br />
,i 6c pour les Places qu'il avoit fait-réparer.<br />
Réflexions \- Voflà, à quoi aboutîrentles fuperbes apparefls degiierrèj-qu'a-*<br />
de,rJuteur.<br />
voient fait-les trois plfes puifïans Princes de là Chrétienté, &•<br />
k mouvement de "presque toute VEurope pour les? féconder, Se<br />
pour avoir part à leur feinte 6e'géûéiPéufè entreppîfe, qui, api:ès><br />
tant de dépenfes -, de travaux , 6c ' de mortalité, n'abdutit?. à<br />
rien, 6e-ne fut d'aucun profit à là Chrétienté) : Tous fes proî<br />
grès.fe termmèrent à la feule prife de la ViUe de^PtolomàUe:<br />
T^ fl-eft vrai,que l'efprit de divifion,: joint à f ambition, efl?<br />
Fécueilfûneftè des plus grandes'entreprifes. '<br />
"- Car-fl eft conftant^ que l'ambition^,'6e la'desuniort-des Princes,<br />
6c Seigneurs'Cr(?//^5', qui s'y étàient:;Qn^<br />
d'ardeur'6c de zèle, fut f Unique'caufe dupeude.fift:cès;deleurs<br />
armes ; au lieu que ,• finine feule Puiffaiïce avoit entrepris la<br />
•*- Giiêrrè. contre*les'/«^ii;^
DIS JE'RUSALEM. Liy. VUL GH. I. ^6f<br />
Après la ratification cfe c^ mauvais Traité , RICHARD , qui<br />
ne refpiroit que k moment de s'en retourner enAngktierreyenvoïa<br />
d'abord unPrdat de fafuitéporter fon voeu mSt,Sepulcrei<br />
Cet EcdéfkfUque eut le bonheur d'obtenk," de la génÈérofîté de<br />
SALADIN, la permiffion de kiffer deux Prêtres Latinry 6c deux<br />
Affiftans, pour deffervir ce Ueu fàinty 6c un pareil nombre<br />
k Béthelem y Sek Mizareth^y pour y célébrer le fervice Divinj •<br />
felon leur rite.<br />
L'air de Jsffa étant contraire à k faiîté du Roîd'.^«^/^/^7r^<br />
fl quitta k féjour de cette Vflle , pour fe rendre k Ptolomàide,<br />
U s'y apliqua à préparer fa Flotte , fur laquelle fl fit embarquer,<br />
avec k même empreffemènt, la Reine BE'RANGE^REy<br />
fon Epoufe, avec la Reine JEANNF, fa-Soeur, qu'fl fit partir<br />
avant Iiîi. Il ne fe réferva qu'un feul Vaiffeau ,u fens con-^<br />
fidérer le grand danger, auquel" fl aflok s^xpofer.-^ Ces deux<br />
Princeffes arrivèrent heureufement ' en Angleterre , pendant<br />
que ce Ptince'couroit, en effet, des pcrfls très - grands, 6ci<br />
prouvoit ks plus fâcheux contretems, qui puiffent jamais arri-'<br />
ver à un Souverain.<br />
Car, étant parti lui même ' peu de tems après *; fl leffuïa<br />
une fi horrible tempête , que fon Vaiffeau courut risque y<br />
pendant phifîeurs jourfi , d'être fubmergé. Cette affreufe<br />
bourasque diminua enfin , Se le jetta for les Côtes de k<br />
Dalmatie, Auffi, tout Coeur de Lion c^on le ntyxamoity<br />
6c quelque courageux qfffl fût en effet, il prit'terre , 6P<br />
ne voulut plus fe Bazarder for-ce terribk élément,' bijrk mort,<br />
qu'il avoit vue de fi près, lm avoit fait plus d'horreur,^ que cefle<br />
qu'fl affrontok fî hardiment dans les combats , : les plus cruels,<br />
& les plus fengian* , dans lesquels fl-paroiffoit "k méprifer, •<br />
par ks grandes , 65 Jiéroiques adions^ qu'fl y faifoit tou-'<br />
Jours.<br />
11 prit le parti de continuer fon voïage ptrVAlkmagne^tovitey'<br />
^n'étoit pas moins dangereufe pour lui, que finconftance, 65-<br />
Zz 3 . l'agi- -<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
36i5 H I S T O 1 R :X G E' N E' R A L ^<br />
Tagitation de k .mer. RICHARD iie figaoroit pas. 1\ iàvoît<br />
,bien, qu'il y avoit ^m ce^'^ys-iH dçs Princes,, ^par ks E'tats<br />
des ç^és fl devoit abfolument paffer, qui n^ manqueroient<br />
pasde'le,ehftgnn«r-; mais il fe flattoit, de pouvoir éviter leur<br />
iiirprflè, en prenant un habit de Templier<br />
ijGependant, .après avok/ouffert de grandes ineommoditési<br />
-pîk xaport aux précautions, qu'il étoit obligé dç prendre par^<br />
jtoitt^ù il paffok; foit que ce déguffement ne le changeât'point<br />
arrêté en affct^ OU quc fe mauvçùfe ^oîle y eût par-li, il fut reconnu, en<br />
*"*"'^^^* paflant par un Vfllage, auprès de Fienneypm ks gens, que LE'O-<br />
^fCA^j, €)uc dAutrkhe , fon Ennemi irréconciliable s avoit mis<br />
-en campagne , pour fattrapeiv^ Ils k conduifirent dans cette<br />
Ville, d'où ce .Prince , fiçr de fon bonheur , k fit conduire au<br />
Château de Tit^ftein, Il f yr^int prifonniw, pendant vingt-<br />
,deux mqis; &, fans fe mettre en peine des foflicitations du Pape<br />
CÉLESTIN, ni de celles de fEmpereur, 6e de quelques autres<br />
IPrii^çes (détiensy ni enfin des foudres defî^Ufe, que ce Pon-,<br />
^tife fulmina .contre lui, " pour avoir arrêté un Roi Pèlerin, &<br />
.,, qui même portoit encore la Croix, pour marque qu'fl vçaikit<br />
„ continuer k .'Guerre contre les infidèles ; LE'OPOLD en exigea<br />
une fi groffe rançon, avant de le mettre en liberté , que<br />
quelques-;uns k font monter à deux cens miUe mares d'iu-<br />
^nt<br />
L^ Hiftoriei^ ne s'accordent pas for cet article; Il y en »<br />
qui tîq>portettt, "*' que le Duc d Autriche n'eut pas plutôt fait<br />
„ arrêter RICHARD, qyTil :l'envoïa à fEmpereur HENRI VI. 5c que<br />
„ ce fut ce Monarque,, qui f obUgea à lui payer une fomme fi<br />
.„ confidérable , que ,k Roiaume dAngkterre fe trouvant alors<br />
yy épuifé, p^ les dépenfes exceffives, que ce Roi avoit feites, pour<br />
„ foutenk k jGuerre feinte , il fut obligé de fe fervir des vafes<br />
„ facrés., pour k fournir; Se que tous les ornemens desEglffea<br />
99 «'aw^nt même pas'fiiiE, il'fot contramt de doauôr des ptapf<br />
ges, ^vant que dietre mis en liberté.<br />
L'Em-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DB JE'R;USALEM. LIV. VIII. CH. I: ,. ^6%<br />
L'Empereur cependant, pour couvrir finjuftice , qui lui<br />
avôit fak comïnettre une;violence, fî contraire aux droits Di-'<br />
vins, 6c humains, pubUoit par tout,. " qu^il avoir ufé He cette<br />
yy févérité-envers k^Roi d'.^/^/«rrr,*poiff tker raffon, dece<br />
,, q^'fl avoit fait en Sicile y au pr^udice de fes intérêts. Mauvais<br />
prétexte, puisque ks demies, que RICHARD'-avoit eus contre<br />
TANCRE'DE , n'avoient rien de commun , 6c ne dônnoicntf<br />
aucune atteinte aux prétenfîons de HENRI fur ce Roiaume.<br />
Après dés^traverfes fî chagrinantes, fîloàgUes,'6c fî crueUâs,-<br />
RICHARD arriva enfin dans fes Etats. Son premier fom fut d'fenvoïer<br />
des Ambafladeurs au Pape, ^'pour fe-folUciter à ea^doïer<br />
„^ fon autorité, -afin de lui faire nbn feulement rendre lés otages^<br />
„ qu'on Pavoit»contrakit de laiffer en Allemagne , Se f argenl^<br />
„ qu'on avoit fi injuftement exigé de lui;*niais encore pour lui<br />
„^ faire avoir répaiiatibn de fiiljure atroce , qu'fl atoit reçue de<br />
„ l'Empereur, 5c du Duc d'^/r/^iij^. ^.<br />
Le Saint Péircy qui connoiffoit l'équité dé fes demandés^ s'em*^<br />
ploïa avec beaucoup de chakur , potirlui procurer la réparai<br />
tion, qu'fl prétendoit. H fulimna de nouveau l'Anathême contré<br />
LE'OPOLD , Se enfuite contre fEmpereur même ;, Maîs, quoi-'<br />
que les foudres de f EgUfe fiffent enfin rentrer ce premier dsms<br />
fôn devoir5 6e qu'il reconnût, -par lès funeftes, 6c terribles aûddens,<br />
qui affilèrent fes E'tats 6c^ fa Perfonne ,>ique fe^faute<br />
avoit apéfenti la main de Dieu fur lui, 6c fur fes Sujets, le Roi ^<br />
dkAn^eterre-v^en fut guères mieux dédommagé , ni ktisfait.<br />
LE'QPOLD mourut, dans ces entrefaites, contrk, 6c humâié^<br />
H'avoit ordonné, par fon teftament, qu'on reftituât k RICHARD *<br />
toutes les fommet y qu'il en àvoit exigées injuftement: Mais fes<br />
Sueceffeurs eurent peu d'qgard à f accompfâfement de fa dfctnière<br />
volonté ; Et ce ne fut, qu'après beaucoup de foins, 6c des peines<br />
infinies, que k Pape IÎINOCENT III. qui fuccéda à CÉLESTIN,<br />
mit enfin fes Héritiers à k raifon.--<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
3^8 5 I.S T 01 R E G E' N E'H ALE<br />
Article -Lé Duc de Bourgogne, étant mort à Ptolomaïde , peu après<br />
^^^' le départ du Roi dAvgkterr.ey. les François, 6c tous les autres<br />
^l^ Croifés, qui fe trouvoient encore en Pakftinéy en partirent im-<br />
Bourgo- ihédktement après, laiffaQt,les pauytès Habîtans dans la défola^<br />
>maïde.^ tiou , plûs ioîbks, ,6e en pks mauvais état, qu'ils n'étoient<br />
auparavant. Ceft pourquoi, malgré;l'exaditude , .avec kqueUe<br />
SALADIN feifoit obfèrverik Trêve., kiPatrkrche, les Seigneurs<br />
du Pays^ 6c les Ordres Mflitakes , firent ^de grandes inftances<br />
au Comte de Champagne, afin qu'fl prîtfokmnekmentkTitre,<br />
6c-k Couronne de Jérufalem y,d^ns l'efpérance, que cette haute<br />
Digiiitéle rendroit plus atteijtff, ,& plus attaché aux affaires<br />
dc.l'E'tat. -^Cependant, foit, par l'excrcnie confidération, qu'il<br />
confervoit toujours paur \e Roi i Angleterre , ,fon Qncle, qm<br />
s'étoit. rcfervé ce Titrç; *pu, à caufe du deffein , qu'fl avoit de<br />
retourner ..en .JS«rc>pf f tfiu enfin , par fon inclination natureUe<br />
pour le repos , 6c ppur, les piaifirs , qui ï'occupoient<br />
tout entier , il ne voulu t. point écouter toutes les rémoritrançcs,<br />
qu'on lui fit for ce fujet ; .6c il fut .knppfribk 4c lui<br />
làk^ accepter Ja Roïauté. ; ^<br />
te «<br />
: C H A P Jt TRE IL<br />
.Article L pendant quèce Sejgeur réfîftok fi conftamment à porter le<br />
X JSceptrej ^ la Couronne, 6c qu' à la faveur du repos 6c de<br />
k tranquiUté , .(jue la Trêve avoit procurée aux Chrétiens de<br />
Pakftinéy il neVoccupok qu'aux.divertiffemens du jeu Se de la<br />
.chaffe, .Cui DE .LUZIGNAN, par une conduite toute oppofée,<br />
ti'avafllok y avec autant 4'ardeur , que d'utifité , à gagner les<br />
coeurs de fes nouvaux Sujets, 6c à affurer le Roïaume de Chyprt<br />
Jt'fe Famifle. Ce Prince judideux fe conduifok avec tant de<br />
pni-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D X J E'R US A LE M. Lm VIU. CH. IL i6p^<br />
prudence , 6c de fegeffe, que, malgré les grands obftacles,qu'fl/«/^f^''«<br />
rencontra , en arrivant dans cette Ile , où-tous les Peuples, en--rfi? GU?**^<br />
core rempUs d'indignation contre ks. Templiers , P^^^^-'^J^lg.<br />
foient plus dispofésà fe révoker, ou àl'âbandonner , qu'^à fëimtfnt.<br />
foumettre à la domination d'un Prince Z
Î7Q H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
là, l'opulence aux Habitans ; c'eft pourquoi-, fl fit pubfiç»^<br />
un Edit dans les pays drconvoifîns , tant pour en détache»<br />
ks naturek €/^rit^Jr, qui s'y trouvoienr,- que pour invker-le»<br />
Ëtongers^ qui voudixHentr venk s'établir en Chypre. Aûn de mieux<br />
encourager les uns 6c ks autres,, il accorda à chaque Nation la liberté<br />
de vivre felon fe RéUgion , 6^;- d^oir dès- Eglifes pubUques,<br />
pour y fuivre kurs rites :, Il affura les O&y/riwfr, "que<br />
5, leurs maifons. Se les biens, qu'fls avoient abandonnésfîmaï<br />
„ à propos, kur feroient bien conferves-, ôé tendus, pourvu<br />
„ qu'ils retoumafïent en prendre poffeffion dans un certain:<br />
„, tems, qu'il leur fixa ; après Icqudrfl déckroit, qu'A ea<br />
„ dispofëit)ït en faveur 4esPeuples, qui vîendk)ientihabiter ea<br />
„ Chypre. ^''<br />
Latteaceuri 6c favantage-, que lès C%r/
DE JE'RUSALEM. LIV. VHI. CH. P. 371<br />
^ Roi RICHARD y eût laiffe quelques P«:êfcrés , Se que ies Templiers<br />
y en euffent enfuite amenés de^f^n^/Cz/^, fls n'en avoient<br />
point formé de Ckrgé , 6c fl n'y avoit ni Prdats, ni Evêques.<br />
GUI recommanda à «ces Pafteurs de choifîr parmi )ks Prctres<br />
xeux qu'ils connoîtroient k$ plus dignes , & les.plus capable*<br />
de remplir les «Canonicats ck leur? Cathédmk? , 6c de ..donner<br />
aux autres des Bénéfices dans ks mêçae$.E^fe6, chacun felon<br />
fon mérite. Il accorda de plusà fArchevêque, 6c aux Evêques j^,^.<br />
Latins, non feiflement la pçéémineace fur ksGrfrj, qui avoient "««jca*-<br />
^coujours dirigé ks Habitans , depuis que .fye, ffeléne,^v'ttfzit 'i^R^Sm<br />
"«peupler file ,*mais encore k nadlkure partie 4e kurs reyerai^ tltxmjiir<br />
•ce qui caufe dans J» llike das 4i%utes ^ 6c des troubles infinis lesotu»^<br />
4^titTe ces deux Oergésw<br />
Après avok réglé ks affakes de 4a Religion , ce Prince t«a- Article Jî<br />
^aiUa à former, uu ^uvemcment poUtique bon. ^ 4c folide, qid<br />
^tropêcliât lesdeBoidre6^6c les fiidîons, que la.4ivee$té^des i^tes<br />
auroît pu caufer, 6c qui lui affurât^l^autorit^ 6e k pouvoir qu'ufi<br />
1Sou?erain dok avoir fur fes Sujets. Coftwne les Loi» fond»mentales<br />
du Roïaume de Jérujakm îiû parurent propres à foi^<br />
deffein^ fl affembla tous les nobks Feudatakes, 6e les principaux itoi/im<br />
d'entre la Bourgeoifîe , aux quds. il déckra^ que feu intention 3^^.<br />
étoit de fuivre les mêmes maximes, 6e «de gouverner le Roïaume ^'T^jff<br />
de 'ÛJfpre , comme M avok gouveraé celui de Jérufakm, uumus "<br />
Il donna, en même tems, k GhaigedeCoaaétabkàXonftèrc ''«"'^•<br />
ALME'RIC, qui poâédok aoftl cefle du Roïaume de Jérufalem* li<br />
diftribua les autres iDdgnkés aux prkur^aux.tv^tilsfaommes,<br />
qui favoient accompagiÈ , aux quds il donna ic Tkre de Ba^<br />
rons, 6c dont M forma le Confefl fi^érieurde PE^qju'ii nomma<br />
h Haute-Cour y avec pouvok de conno^re des af&res priacipi^s,<br />
tant pour le Civfl, que pour te Criminel. Il étabUt ua<br />
fecond Confeil, qu'fl nomma la Cour-Inférieure y pour la conduite<br />
de k Police, Se des affakes Civiles. Lc/Qief de ce dernier<br />
Confefl avok k Titre de Fieomte de Xiet^^ tèSiésnct or-<br />
Aaa a dkuMf»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^î?;a^ HISTOIRE G E'N E'R AL E-<br />
dinaire du Roi,, qia s'étoit réferve fautorké foprème fur l!unj»<br />
6c fur Tautre de ces deux Cortfefls* i^^ , >.<br />
On-fit enfuite la ledure des règlemens", fUivant ksqaekvce<br />
Frince vouloit gouverner fes Peupks: Il exigea des deux Cours,<br />
du Qergé, 6t de tous ks Ordres du Roiaume k ferment de ^<br />
délité , èc promit à fes Sujets, que lesvLoix;, qu^l venoit d'établir,<br />
feroient inviolables , Se éternelles , tant pour lui, que<br />
pour fes Sueceffeurs-; 6c.qu'on n'y ferok jamais aucun changement.<br />
'- t - -jt<br />
iMais , comme ces louables commencemens, 6c ces bonne»<br />
inftitutions, ne lui^apportoient points encore ks Revenus né-<br />
JHJ^' ceffakes pour- fe maintenir en Souverain», 6c quUl s'étoit pri^<br />
les Trou- dune groffc partie des Fiefs , pour recompenfer Ja Nobleflfc<br />
'^^" f étrangère, qui s'étoit attachée à lùk,.il fupprima les vîeflkt<br />
Troupes AlbanoifiP y appeUées Stradiots y qui fe trouvoient.d^<br />
puis long-tems ênCi^ey^ dont le fervjce étoit devenu inutile^<br />
par rapoFC k leur- attachement aux plus vils métiers, ou à k culture<br />
des terres^ ^i kur avoientfait entièrement oubUe^k métier<br />
de k guerre.. .;<br />
' U donna enfoite fés foins k la réparation dès Fortereffe» du<br />
Roïaume ; au rétabliffement de la ViUe de Neapoiis. ,>. tant par^<br />
ce que celle d Amathonte y qui en étoit voifîne,. avoit-été^ entièrement<br />
renverfee par fe Roi d'^:^«g'/ïi^m', tes^qu'fl s'empwa<br />
de l'Ile , qu'-à caufe de la bonté' de fa Rade, qui eft très<br />
fore i, 6c très--commode pour l'ancrage des^Navires. Il embellit<br />
cette nouvelk ViUe dedeux Eglifes-Cathédrales^, l'une pourks<br />
Latins y Se l'autre pour XesGrecs ; - de deuxMDouvents de ReUgieux<br />
, d'un bon Château , 6c • de plufîeurs beaux Edffices ; B<br />
k nomma I^4mofie > en mémoire de foirPay^natal, qui portoit<br />
k même Nom. Les Grecs ^ù^j^^xÈ:MémfiiUa neuves 66 ks Euro*-<br />
r^-^ •: ipQcns ±amifi)u^ . . ...:•. \ .•<br />
-•^ Afin déirendre cette Vfllô plus célèbi-e, fl y fit transférer k<br />
&S!^^^t^P^d]Amqfbm^9 6d travaiUer avec la même ardeui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D U JE'R IfS AL-E M, Liv. VIIL CH. H. . J{rr^-,<br />
à k réparation dé f Eglffe de Ste, Sophie y Cathédrak de k Vifle<br />
de Nicofie , dont fl avok privé ks Grecs r^ pour-k donner aux<br />
J^insi II fit auffî achever la fomptueux EgUfe, que ks ChevaUers<br />
du Tempk avoient commencée, en prenant »pofeffion<br />
de nie. Se que kur court féjour ne kur*^ avoit pas permis d'achever.<br />
Afin de perfedionner plus promtement ces deux-fameux<br />
E^ce^ fort voifins fun de f autee, 6c d'un grand ornement<br />
dans la Capitale, fl obUgea les Grecs à y contribuer*; ce<br />
qui porta leur Clergé-à- murmurer de cette nouvefle vexation.<br />
Ils fe plaignirent hautement, '^'de ce que le Roi, non content -<br />
„ de les' avok privés de kurs EgUfes , 6c de leurs Revenus, •<br />
„ vouloit encore les furcharger .par des dépenfes exceffives, qui • '<br />
„ ne ks regardoient point-; Ik revdllèrent enfin l'idée de la tyrannie<br />
des Templiers y & commencèrent a détefberdes. Loix,_;qu'ik<br />
avoient approuvées peu auparavant*.<br />
ci Les mécohtentemens dû Qeigé (?r^r pafïèrent bientôt au ArticieJ/i*<br />
Peuple de cette Nation ,. qui, oubUant d'avoir rendu grâces à<br />
Dieu d'éfire tombé fous la domination d'un fi bon ^Prince , fe*<br />
mutinà:ent, 6c^ne parloient plus, que de fe foutraire à l'obéïf^<br />
fànce, qu'As lui avoientijurée. .Gui, qui n'ignoroitrpoint kur«<br />
murmures, Se leur mauvaffe volonté, mais qui favoit s'accomr<br />
moder parfaitcmenfe au tems , ne jugea point encore à propos<br />
de fe fervir de la force, pour les fake'rentrer .dans kur devoir; ^<br />
perfuadé, qu'fl fe préfenteroit Kentôt^qudque ofecafîon dekst,-^*foi<br />
réduire , fans s'expofer audaogereux'événement d'une révolte, ^*î^^**'*<br />
fur tout dans un commencement de> règne.. tvrtf.<br />
Leur ândociUté ne fempêcha pourtant pas de continuer, avec<br />
fuccès, toutes fes entreprffesi: Sa-prudence , 6c fa douceur,<br />
lui ikent même obtenir tout ce qu'flénavoit défîré ; de forte qu'il<br />
eut la fetisfadion de furmonter des difficultés , qui auroient<br />
paru fort pénibles 6c dc longue durée à d'autres ;- & enfin , il<br />
-tut ceUe de fe voir affermi fur le Trône, & de n'avoir pks aMcun<br />
concurrent àrédouter; mais ,^ coinme kpio^éritérdcs Hommes<br />
Aaa 3. isxcitc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
374 HIST O I R E G E' N E' R A L E -<br />
excke toujours de la jalouÇe , fonpropre Frère fut Je premier,<br />
qui comnicmjà à troubkr ion bonheur.<br />
> LOREDAN , qui a écrit il'Hiftoire particulière des Rois LU<br />
ZIGNAN, raporte, " gUe GEOFFROI DE LUZIGNAN, Frère de<br />
„ Gm, par un efprit de chagrin , Ôc d'envie, de voîr fon<br />
^ Cadet porter une Couronne * fensxonfîdéper, que c^étoitk<br />
^, plus grand honneur ^ que pouvoit acquérir fe Famille, met-<br />
^ toit tout en ufàge , pour entretenk ies Cbypriotstdsins kur<br />
.„ efprit de cébeflion ; qu'id kur &ifoit entendre , que leurs<br />
^-pkkites contre Gui étoient d'autant plus juftes, que foa<br />
,„ pouvoir alloit devenir abfbhi 6c despotique; 6c qu'il.les-trai-<br />
,,^ tok d^à plutôt cn Efekves, ^u'en' Si^ets libres; Ce même<br />
rAutettr ajaute, " que Gm ne tarda pas à reconnokre k mau-<br />
,„ vais .coeur de fon Frère ; Se que , pour ©rapcdiier'feffet. de<br />
.„ fes mauvak offices, fliluixéda fes droits, 6c fès prétenfi^<br />
^ fur k Comté dé Jjtzignany & fur fès autres Fiefs , pour le<br />
^ faire promtement retourner en i?]r^we:.<br />
Mais, ie Pèi«ç LUZIGNA^J, qui a auffi écrit PHiftoire de<br />
iChfpre^ Se tous les autres Auteur», qui traitent, des Crd-<br />
^kààs , î& des ^Guerres tde Fakfiine ^ difent au contraire,<br />
„• que ^ÈOF]^oi étoit aflé , avec fes propres Troupes, fecou-<br />
^ rk, .^ ddivref ^ui., fon Frère , alors Roi de Jérujalemy<br />
j^«»i«iw ^5 ^w SALADIN avok fak prifonnier avec ALME'RIC, foa<br />
lleiirf^r. ^" *^^ Frère.; .^ju'il avoit fait plufîeurs befleis adions, pentàgés.<br />
^ éint le %^ Àe Ptolomaïde ; Se qu'fl s'ent retourna, avec<br />
LoreL «les ai^res SeigUeurs Croifés, après k prife de cette Place;<br />
.mifv^i. De forte, que LoitBDAi«r s'eft trompé , doutant plus, " que<br />
„' GEOFFROY .étok «n poffeflipn des Terres 6G Fiefs de fa<br />
^, Maifon ; qu'fl armoit , & entretenok des Troupes à fe«<br />
^, propres dépens ; qU^fl; s?en étok fervi pour aider fes Frè-<br />
^ res ; 6c qu'fl n^avok^ par conféquîent , pas befoin de la<br />
4i, cefSon de Gui, pour pofféder ce quihii appartenoit, ni au-<br />
^ cune occafion de ^herchw k lui fake de la peine.<br />
"'^^ CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm Vm. CH. ni. jjrji<br />
G a A p X 'T R i^ IIE<br />
Voilà ksprogièsj (Çie Girr avok &k'sng-tems<br />
de grandr démêlés' y 6^ même de petites guerres<br />
avec les Princes d^Arménie fes voifîns, dont li grandeur lui<br />
donnoit de k jak)ufîe, coujours nemplî d'ambition , 6c.déppurvu<br />
de Forces fiiffifantes pour ks foutenk ,t^eutrecpurs à k; riïfe,,-^'t«M<br />
Se pritfî bien fes'mefures, qu'fl fe faifk d?un de ces St^i^eurs, SiS^<br />
nommé RUPIN DE LA MONTAGNE. Il fit n^en» ipn ^'^'^^MZ^I^phitôt<br />
par trahifon, que par fhae^gême. • ^<br />
LJVGN^, Frère de RUPIN, prît alors k^confdùitî^ dô tou»<br />
kurs EtatSi. Irritéde la fkpercherie de Bof^iONii', npn moki^<br />
que de la mort dé RUPIN, qui arriva quelle tems après la^<br />
prifon, il leva dès Troupes en dilijgenQe, Se entra dans la-<br />
Brincipaitté d'-.ife/«?riv, où> fl fit de terribles ravages; H fe^<br />
rendit maître de phifîeurs Villes, 6c eut k>bonhçur de s'emparet-de<br />
la propre Perfonne du Prince ,-qu'fl conduifît, à fon<br />
tour , prifonnier^ en^ Arménk,- Les j&^^^^iri auroient pu tket<br />
de grandi avantages de cette nouvelk dffcorde v ^ aifoi^'<br />
bliffoit encore ks iorcesChréti^nes, lesquelles n'étoient déjà que<br />
èfop épuiféèa pour pouvoir leur réfîfter, fi la Providence ne<br />
ks eût affifté dans cette occafîon , 6è donné tant^d'o^tipa-t<br />
^tfons aux Barbares y
1^6 H-I S T O I -R E .G F^E' R ALE<br />
•s<br />
^«rtfu ,.Le .grand SALADIN, qui n'auroit pas manqué de s'en pré^<br />
faX i*' vâlôk , étoit tombé makde, 'Se mort à Damas. Le partage<br />
Pâmas, ^^y^ £^ j^ ç^^ Ç^^^g à neuf Enfans, qu'il Jaiffa, fans avoir<br />
fait aucune mention de -SATFADIN ,î fon ^rère , qui favoit<br />
toujours fidèlement fervi ; • foit que la violence de fon mal<br />
ne lui eût pas permis de s'en fouvenk;, ou qu'il ne voulût<br />
point diminuer l'héritage de fes propres Enfans ; fit concevoir<br />
à SAFFADIN un fi grand ^dépit de fou ingratitude., qu'il<br />
réfolut de s?en vanger for fes Neveux :; ce qui ne lui fut<br />
pas difficile, i ,- c ,<br />
SafFadin L'aîné, k qui VEgypte étoit tombée en partage., mourut<br />
s'empare d^uue-chute dc dicval. SAFFADIN, aimé ,. 6c favorifé des<br />
me d'E- Troupes , qu'fl avok commandées en tant d'occafipivs, s'em-<br />
W^- para d'abord de ce ^^beau Roïaume , 6c enfuite des Provinces<br />
, que'poffédoient fes autres Neveux en Syrie, Il les £t<br />
y ' même tous mourk ^ pour n'en avoir plus rien à craindise.<br />
SATFADIN , ^ou NORADIN , Soudan d'^/fp, fut le, feul des En-i.<br />
^fans de SALADIN , qui échapât àJafureurde fon Onck Ses<br />
Sujets lui furent affez fidèles, pour le défendre .contre fon periBcuteur',<br />
6e itti ikent éviter les rufes , qu'fl mettoit en ufage<br />
pour -k forprendre-; Tant la mémoire du fameux SAJUADIN, f^fl<br />
Père, leur étoit çhèrç-<br />
Ce Soudan , qu'on peut dke , à fuftè titre., avok.été le<br />
plus glorieux , le plus vafllant, 6c,le plus généreux Prince de<br />
fe croïance , 'fit bien voir, par la dernière adion de fa vie, que,<br />
s'fliles avoit: tous fuipafÊs en bonheur , Se en courage, fl les<br />
furpaffoit encore en modération, 6c en prudence ; car , fentant<br />
approcherJ'heure de fa mort, U fit venir, en fa prefence»<br />
ceki qui portoit fon grand étCQ^art dans les bataflles, 6c ki<br />
ordonna d'attacher tune de fes chemifes au bout d'un lance , ^<br />
de la porter devant la bipre , en forme de Trophée 5 afin<br />
.quechacun confidérât, que , " s'fl avoît triompi^^pendant fa<br />
V W ) .de tant de Peuples, la mort triomphoit de lui, comme<br />
n du<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
l JE'RUSALEM. Lïv. VIII. CH. IÎI. ^y^<br />
du dernier des Hommes. Il commanda de plus à ce Héraut<br />
de crier à haute voix , en expofent cette chemife ; Foila tout<br />
ce que le grand SALADIN , vainqueur de /'Afie, g^ Souverain de<br />
tout l'Empire ^Orient, emporte de tous fes tréfors , gjp de toutes<br />
fes fameufès conquêtes. Belle leÇon fur la fragiUté des grandeurs<br />
humaines, Se reflexion digne d'un auffi fameux Conquérant!<br />
Spedacle, qui devroit apprendre à tous les Grands, que,<br />
fi la fortune ks élève en ce monde au-deffus des autres Hommes,<br />
fls doivent en même tems fe reffouvenir , que la mort ne met- "W*<br />
tra un jour aucune différence entre eux, 6c les plus miférables.<br />
Les grandes révolutions, que cauferent la mort dc SALADIN, 6c Article TI.<br />
ks guerres civiles, qui s'élevèrent d'abord parmi les InfidékSy dont j^^^r-^^^<br />
les uns favorifoient SAFFADIN , fon Frère, Se les autres No-'desPrjncee<br />
RADIN, fon Fils, auroient été fune des plus favorables conjonc-fi^^""g^<br />
tures, que les Chrétiens euffent pu défirer pour le recouvrement & «^'.Ardu<br />
Roïaume de Jérufalem , fi kur propre désunion ne les eût termnét.<br />
empêchés d'en profker. Ce n'eft pas que, pour commencer à<br />
les réunir, le Comte de Champefgncy 6eles autres Seigneurs de<br />
la Terre-fainte ne s'emploïafferit, avec chaleur, à accommoder<br />
les différends , qui régnoient entre les Princes d Antioche y Se<br />
^Arménie, Ds terminèrent même leur quereUe par. un Traité,<br />
qui fut enfoite confirmé, en prefence du Grand-Chancelier dc<br />
l'Empke d^Occident y lors qu'il paffa en Paleftine , pour donner<br />
la Couronne â^ Arménie au Prince LIVON. Par ce Traité^<br />
fls convinrent, " que la Principauté d''Antioche relèveroit à f a-<br />
„ venir de la Couronne d*Arménie ; que k Fils aine de BoE-<br />
3, MOND époufenoit la Fille de RUPIN DE LA MONI^AGNE , 6c<br />
„ que le premier Enfant mâle , qui naîtroit de leur mariage^<br />
„ feroit d'abord reconnu Prince dAntioche. Conditions, que<br />
BoEMOND accepta aveuglément , pour recouvrer k liberté,<br />
qu'fl ne pouvoit obtenk autrement.<br />
Bbb Mak<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
378 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
Mais cet accommodement ne fuffifoit point encore, pour<br />
mettre les Chrétiens en état de rompre la Trêve. Ils jugèrent<br />
à propos d'écrire aux Princes d Europe y pour les informer de la<br />
mort de SALADIN , 6C de f acharnement de fes Sueceffeurs à<br />
s'entre-détruire eux-mêmes? 6cpour leur demander les Secours<br />
néceffaires pour recouvrer les Saints Ueux.<br />
. CÉLESTIN III. qui occupoit alors la chaire de St, Pterrey quoi<br />
que dans un âge fort avancé , n'aprit pas plutôt ces grands chan*<br />
gemens, qu'fl s'emploïa avec autant d'ardeur, que fes Prédé*^.'<br />
ceffeurs favoient fait, pour engager ks Puiffances Chrétiennes^<br />
à unir , encore une fois , leurs forces , pour déUvrer le St, Sé^<br />
p«^r^. Ce Pontife envoïa d'abord fes Légats aux Rois de 2^r/zw^<br />
6c dAngkterre, pour ménager un accommodement, ou du<br />
moins une fofpenfîon d'Armes, entre ces deux Monarques, qui<br />
fe faifoient une crutilk guerre. ^<br />
Il écrivît, en même tems, aux Archevêques 6c Evêques de<br />
ces deux Roïaumes, pour les exciter à faire prêcher la Croifade<br />
dans leurs dîoeèfes; mais, quelques fortes que fuffent ks remontrances<br />
du St, Père, elles ne purent porter ni PHILIPPE , ni<br />
RICHARD , à aucune fufpenfion d'Armes ; tant ces deux grands<br />
Princes étoient animés l'un contre l'autre. Ils étoient d'aiUeurs<br />
affez peu fatisfaits de leur voïage d'outremer , pour ne jamais<br />
penfer à en entreprendre un fecond , non plus qu'à terminer<br />
kurs différends, que par la voie des armes; de forte que ks ex-<br />
Croifade fiortatious de CELESTIN furent également inutiles, pour kur<br />
%nsfuccès. faite détacher une partie de kurs forces, 6c ks envoïer en Pa»<br />
kftine.<br />
Cependant, comme fl défiroit extraordinairement, que kf<br />
Chrétiens profitaffent de la désunion des Infidèks pour recouvrez<br />
la Terre - fainte y fl ne fe dégoûta point du peu du fuccès dea<br />
foUidtations de fes Légats auprès des Rois de FrancCy Se dJn^<br />
gkterre. Ik s'adrefïa à l'Empereur HENRI VL 6c fl fe flattoit,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
i JE'RUSALEM. Lnr. VnL CH. Ht 3^9<br />
•<br />
qu'il feroit bien aife de profiter de cette occafion , pour fe raccommoder<br />
avec le St. Siège, 11 lui envoïa un Légat ; 6c, fana<br />
pàri'er de f Anathême , qu'fl avoit prononcé contre lui, à caufe<br />
de la détention du Roi dAngkterre; ni de l'interdit, qu'il avoit<br />
mis fur fes Etats, fl f exhorta à fuivre l'exemple de FRE'DE'RIC,<br />
fon Père , pour arracher des mains des Infidèks le Roïaume de<br />
Jérufalem , 6c k St. Sépulcre , dont le recouvrement étoit devenu<br />
beaucoup plus facile , qu'il ne fétoit alors ; tant par k<br />
mort du redoutable SALADIN, que par raport à la dffcorde, qui<br />
regnoit entre fes Sueceffeurs.<br />
Le Pontife eut bientôt la confolation d'apprendre , que fon<br />
Légat avoit été accueflli très - gracieufement par fEmpereur, 6c<br />
que ce Monarque luî avoît promis d'emploîer toutes fes Force$<br />
pour une fî feinte entreprife. En effet, foit qu'il fût touché du<br />
zèle du St, Père pour la gloire de Jefus-Chrift y ou qu'fl vour<br />
lût le fatisfaire dans cette occafîon, ou qu'enfin la guerre fainte<br />
lui fervît de prétexte pour fake un grand armement, 6c s'en fervir<br />
en Italie y où fl en avoit encore befoin, fl reçut très^ dévotement<br />
la Croix des mains du Légat. Plufkurs Princes, 6c<br />
Seigneurs dAlkmagncy fuivirent fon exemple, 6c travafllèrent ^jf??'*<br />
tous, avec tant de dfligence, à unir leurs Forces, que HENRI ne magne au<br />
tarda pas à avoir fur pié une Armée formidable, Se bien munieft^r^<br />
de toutes fortes de provifîons. Toutes les Provinces, 6e Vflles Sainte,<br />
particulières de VAllemagne, avoient krgement contribué à une<br />
«ntreprife fî -glorieufe à kur Nation.<br />
Les affaires domeftiques de l'Empereur, Se peut - être k crainte<br />
d'effuiër des malheurs femblables à ceux qui étoient arrivés à<br />
FRE'DE'RIC fon Père , 6c au Duc de Suabe , fon Frère, l'engagèrent<br />
à fe di^enfer du jvoïagc Je Pakftme. Il donna k<br />
fouverain commandemwit de cette grande Armée à HENRI,<br />
Duc de Saxe , auquel fl joignit f Archevêque de Maience , 6c<br />
le Duc de Brétbanty pour ConfeiUers : HERMAN, Landgrave<br />
de Tfmringe; H-ENRÎ, Comtc Palatin du lUfin; Se FRÉDÉRIC:,<br />
Bbb 2 Duc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
58o H I S T O I R E G E' N E' R AL E<br />
Duc dAutriche , pour Lieutenans - Généraux. Ils étoient àc^<br />
compagnes de quantité d'autres Seigneurs Allemands y tantEc*<br />
cléfiaftiques, que Séculiers. Ils prirent leur route par la Hon^<br />
grie y Se par ks autres Provinces Limitrophes, jufqu' à Con^<br />
Jtdfffinopk.<br />
xrtkieUL Pendant que cette multitude de Croifés mârchoient vers la<br />
Terre-fainte, Gui DE LUZIGNAN éprouva en Chypre, qu'il<br />
manque toujours quelque cjiolè aux profpérités, 6c à la fatisfaction<br />
des Hommes.^ Après les grands foins, que ce bon Prince<br />
s'étoit donné, pour étabUr un gouvernement jufte , Se durable^<br />
Monde pour embeUir cette Ile, Se k rendre floriffante, k mort k fur»^<br />
Luzigpin. prit , dans le tems qu'fl commençoit à récueiflir le fruit de fes<br />
travaux. Il n'eut pas même le plaifîr de voir achever les Edi»<br />
fices, qu'fl faifoit conftruire à Limifol y malgré f affiduité, avec<br />
kqueUe fl y faifoit travailler, pour laiffer à la poftérité'un monument<br />
achevé , Se digne de fa magnificence. Il mourut à l'âge<br />
de 6S' ans, pendant que la force de fon tempénmKfnt<br />
paroiffoit lui promettre une plus longue vie.<br />
Son corps fut inhumé dans l'EgUfe des Templiers y qu'il avoit<br />
fait'achever : Cette cérémonie fe fit avec autant de pompe,<br />
qu'un E'tat naiffent, comme k fien , pouvoit k permettre;<br />
mais on y vit éclater une véritable douleur, 6c des fincères regrets,<br />
de k part dc tous fes Sujets , qui commcnçoknt effeéfivement<br />
à reconnoitre , qu'fl leur auroit bientôt procuré l'opUknce<br />
6c la tranquflité, foit par fa bonté patemdk, foit par fon<br />
affiduité à chercher les moïens de ks rendre heureux.<br />
Sen ùoge, Ceft CC qu'ou ne feuroit s'empêcher de croire , fî on confîdéré<br />
ks avantageux étabUffemens, qu'fl avoit faits en fî peu de<br />
tems: Les bons ordres, qu'fl avoit mis dans le gouvernement,<br />
tant pour le fpirituei, que pour le temporel : Le foin, qu'il<br />
avoit pris de former des Tribunaux, où les Magiftrata étoient<br />
obligés de rendre une exade6cpromte Juftice, a&i d'éviter les<br />
longues procédures, qui caufent bien fouvent ia rukie àes f^<br />
^miUes;<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. VIII. CH. III. 38»<br />
milles : Sa bonté, 6c la générofité , avec kquelle il avoît diminué<br />
fon domaine , pour recompenfer ceux qui favoient fuivi,<br />
6c pour établir honorablement les Veuves, 6c les Fflles de tant de<br />
Perfonnes de diftindion , qui avoiçnt péri dans k guerre de<br />
Paleftine : La fondation d'une Ville, l'embelUffement des autres,<br />
la réparation , Se f augmentation des Fortereffes : Les préro^<br />
gatives, Se les immunités, qu'fl avoit accordées aux Négocians<br />
du pays. Se aux Etrangers; perfuadé que le Commerce étoit le plus<br />
excellent de tous ks moïens de faire fleurir fon Roïaume : La<br />
création d'un Ordre de Chevalerie, nommé de VEpée y dont k<br />
colier étoit compofe de lacs d'amour , formés d'un Cordon de<br />
foie blanche , au bout duquel pcndpit une ovale , avec f empreinte<br />
d'une épée , émaiflée d'argent, la garde croifetée 6c<br />
fleurdeUfée d'or , avec ces Lettres, S. R. qui fîgnifioient<br />
Securitas Regni, pour dffunguer les anciennes Famflles du pays,<br />
6c les véritables Gentflshommes Etrangers, venus avec le Roi,<br />
d'avec ceux qu'fl avoit nouveflement ennoblis. Le prémier,qui fut<br />
invcfti de cet Ordre, fut ALME'RIC DE LUZIGNAN, Frère<br />
du Roi, Connétable du Roïaume , 6c après lui 300. Gentilshommes<br />
, dont la plupart étoient des meilleures Maffons de<br />
France. La cérémonie de leur inftallation fe fit, avec beaucoup<br />
de magnificence , k jour de VAfcenfion de fannée i ipjf.<br />
dans l'EgUfe de Ste, SopbiCy Cathédrale de Nicofie, Si on confîdéré<br />
toutes ces chofes , auffi bien que la conduite fage , prudente<br />
, 6c modérée, avec laquelle il fut fî fadkment domter<br />
ces peuples mutins , 6c révoltés , qui avoient même forcé lea<br />
Templkrs, tout puiffans qu'ils étoient, à fe défîfter de kur entreprffe<br />
, 6c qui étoièht fî fatigués des oppreffions de ceux qui<br />
ks avoient gouvernés auparavant, qu'il ne fàlkit rien moins que la<br />
bonne conduite, 6c f affabiUté du Roi Gui, pour ks réduke, on ne<br />
fauroit s'empêcher de mettre Gui au rang des plus grandsPrinces.<br />
*' Ainfî, après avok parcouru un Règne fî judicieox , 6c fi<br />
équitabk 9 il eft fuprenant, que divers Eaivains rendent fi peu<br />
Bbb 3 de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
%ii H I s T O I R E G E' N E' R A L E<br />
de juftice au mérite 6c à la mémoire de ce grand Prince ; puisque<br />
, fî on peut lui attribuer quelques fautes dans les première»<br />
années qu'il régna à Jérufalem , on doit, en même tems, reiuai'quer<br />
, que la quantité de jàlOux, que fa haute Dignité, 6c<br />
fe fortuiie lui avoît attirés, augmentoient toujours le bruit de<br />
fes fautes; Qu'ils faifoient même fouvent échouer fes meiUeurs<br />
projets ; Se qu'fls lui faifoient enfin un crime des fautes les plus<br />
légères,<br />
C'eft pourquoi auffi G u i L L A u »i E D E TYR, que ces Auteurs<br />
paroiffent avoir fuivi, quoi que d'aflleurs exad , aurok<br />
dû leur être un pe# fosped fur ce point. Ce Prélat ne fut jamais<br />
des Amis de Gui. Il avoit, au contraire, toujours<br />
cherché à le deffervir auprès du Roi BAUDOUIN, k Lépreux ; 6c<br />
même fl a affedé de ne faire aucune mention de lui dans fon<br />
Hiftoire de k Guerre fainte, que lors qu'fl n'étoit encore que Comte,<br />
de JaffaySedAfcahne y quoi qu'fl l'ait encore continuée trois<br />
ans, après fon avènement à la Couronne de Jérufalem, Ces Ecrivains<br />
auroient peut-être évité de fuivre un Auteur pafftonné,<br />
s'ils euffent confulté JAQIJES DE VITRIAC ^ Se PIERRE DE LA<br />
PALU , Ecrivains' contemporains du même Archevêque de T^r,<br />
ksquels ont rendu plus de juftice aux bonnes quaUtés, 6c aux<br />
mérites de ce Prmce, en raportant, fans paffion, tout ce qui<br />
fe paffa en ce tems-là,<br />
Ilfaut d'ailleurs convenir, que le bel étabUffenient, quele<br />
Roi GUI avoît fait en Chypre , réparoit affez le peu de conduite<br />
, que les mal-intentionnés lui'reprochent d'avoir eu en Pa^<br />
hfiine y pour mérker quelque confidération ; 6c qu' enfin, après<br />
avoîr tout bien examiné, il fe trouve affurément beaucoup plus<br />
Ae bon , que de mauvais , dans fon Régné , qui fut d'environ<br />
douze ans ; fevoir trois à Jérufakm ; fix, après k perte de k<br />
Sainte Cité y entre Tyr» 6c Ptolomàide ; 6è près de trois, en<br />
Gbfke<br />
CHAT<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'R US ALE M. LiV. VIII. Cft. IV. 383<br />
C H A P I T R E IV,<br />
ALME'RIC, fon Frère, 6c Connétable du Roïaume, lui fuc-Article 1.<br />
céda , ainfi qu'fl favoit ordonné par fon Teftament. Il FrS^'dk'<br />
reçut d'abord k ferment de fidéUté de tous les Ordres du Roî- gj;>'^<br />
aume, aux quels fl promit, en même tems, "d'obferver religieu-<br />
„ fement les Loix fondamentales , felon que k feu Roi, fon<br />
„ Frère , les avoit étabUes.<br />
Quoique le Roi dAngkterre y Se après luî, k Roi Gui euP»<br />
fent fun, 6c fautre, fokmnelkment pris la Couronne deCi^y^*,<br />
A L M E'R I c eut cependant la foibleffe de ne pas fuivre un fi bel<br />
exempk. Il fe contenta de prendre le Titre de Seigneur de<br />
cette Ile. Il y a apparence, que k peu de Revenu , qu'il<br />
trouva attaché à k Roïauté, f empêcha de prendre une Dignité<br />
, qu'il ne fe croïoit point en état de pouvoir foutenk , avec<br />
f éclat convenable.<br />
Auffi, le Père LUZIGNAN remarque, "qu'après fon avènement,<br />
„ fl fit d'abord affembler ks Etats du Roïaume , pour leur re-<br />
„ préfenter la modidté de fes Revenus , caufée par les gran-<br />
„ des donations, que le feu Roi, fon Frère , avoit faites des<br />
„ meifleurs Fiefs de la Couronne ; 6c k peu d'honneur, qu'fl y<br />
„ auroit pour eux, d'avoir un Souverain plus pauvre , que fes-<br />
,j propres Sujets : Situation, qui k feroit, avec raifon, mépri-<br />
„ fer par les Etrangers , 6c qui le mettroit hors d'état de dé-<br />
„ fendre le Pays contre les attentats des Infidèles y Se des Cor*<br />
„ faires, s'ils entreprenoient de troubler fon repos ; Qu'fl reyy<br />
mettoit, à kur prudence , 6c à leur affedion, de remédier<br />
„ à des inconveniens fi dangereux , 6c fî préjudickbks à kur<br />
„ fureté commime.<br />
La<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
iH HISTOIRE GE'NE'RALË ^<br />
lîçç. • La Nobleffe , Se les Peupks furent fî touchés , 6c en même<br />
tems fî charmés de voir leur nouveau Souverain fî bien imiter<br />
k douceur , 6c k modération du feu Roi, fon Frère , qu'ils<br />
augmentèrent fur le champ fes Revenus des trois cens mifle Be-<br />
Augmen- Zans annuels ; Se le fupUèrent ; " de vouloir fe contenter de<br />
iRnmi" " ^^^^^ fomme , en attendant que le Pays fe fut un peu mieux<br />
mmueif. „ remis des pertes, que les Anglois y Scies TemplierSy y avoient<br />
„ caufées, pendant trois ans entiers.<br />
" ALME'RIC, à quila mémoire du feu Roi, fon Frère, étok<br />
trés-chère , fatisfàit de ce fecours, 6c de k bonne volonté de<br />
fes Sujets, s'attacha à faire perfeétionncr la Ville de Umifol, Se<br />
ks autres Edifices , que fon Prédéceffeur n'avoit pas eu le tems<br />
de finir.<br />
Pendant qu'il étok occupé à ces ouvrages, 6c qu'fl travaUloit,<br />
avec une férieufe attention, à maintenir le Roïaume dans<br />
k bon ordre , où il favoit trouvé , 6e à augmenter l'opulence<br />
deufes Peuples, fl reçut deux Ambaffades, fort différentes l'une<br />
de fautre. La première altéra un peu fa tranquilké. Elle vint,<br />
felon LOREDAN, de la part de HENRI , Comte de Champagney<br />
, qui lui demandoit le paiement de foixante mille Ecus, dont le<br />
Dimren ^^^ ^^^ ^"^ ^^^^^ encore redevable pour pareille fomme, qu'il<br />
tesAmb'af. avoît payée pour fon compte , aux Templiers'y felon f ordre<br />
^v^tri ^^ ^voit eu du Roi dAngkterre , fon Onde , lui déclarant,<br />
Àtoéric. „ que, s'fl ne lui donnoit une promte fetisfadion, i} prendroit<br />
J, telles mefures, qu'il jugeroit à propos.<br />
L'autre Ambaffade fut de la part de fEmpereur de Confiant<br />
tinople y qui, apparemment pour fe confoler de la perte de Tlle<br />
de Chypre y qui avoit toujours appartenu aux Empereurs Greçs^<br />
depuis que Ste. Hélène favoit fait repeupler, 5c pour y conferver.en<br />
même tems une efpèce d'afcendant, lui faifoit offrir d'é*<br />
riger cette Ile en Roïaume y de lui en donner finveftiture, 6c le<br />
Titre de Roi-^ Et, fous prétexî;e que ksRok RICHARD,6çGin,<br />
Ai ' qui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
iVt jE^RUSALt-VL Liv. VHI. CH. IV. 3sj<br />
(^iii en avoient déjà pris la Couronne, n'avoient eu ce Titre,'<br />
que, par raport aux Roïaumes qu'fls poffédoient , ou qu'ils<br />
avoient poffédés, fans qu'fls euffent eu aucun droit d'ériger cc<br />
Pays cn Roïaume, fl faifoit comprendre à ALME'RIC, "qu'fl<br />
„ ne pouvoit s'attribuer la Dignité Roïale, fans le confentement<br />
„ d'un Empereur, de qui dependoient tous ks titres Roïaux;<br />
Quelques agréables,6c obligeantes,que paruffent ces offres,'<br />
ALME'RIC ne jugea point à propos de les accepter de l'Empereur<br />
Grec y qui auroit pu, dans k fuite, k troubler dans k<br />
poffeffion de cet Etat. C'eft pourquoi,-fl congédia ces Ambaf^<br />
fadeurs avec beaucoup de civflité, .6c avec de grandes marques<br />
de reconnoiffance envers l'Empereur, leur Maître.<br />
Il ne trouva pas la même faciUté à renvoïer ceux du Comte<br />
de Champagney c^i infiftoient fort fur le rembourfement des<br />
foixante mille Ecus, que ce Seigneur avoit payés aux Templiers,<br />
Ils propoferent à ALME'RIC, ,,de rem-ettre au défaut de cette<br />
„ fomme à HENRI le Comté de Jaffa y Se la Charge de Conné-<br />
„ table de Jérufakmy qu'fl poffédoit depuis k mort d'EMFROi<br />
„ DE THORON, 5C que le Roi Gui avoit voulu conferver àfe<br />
„ FamiUe, en renonçant à la Couronne de Jérufalem.'<br />
Après bien dc réflexions, cette démiffion aïant paru plus<br />
douce à A L M E'R I c, que k paiement effedff de foixante mflle<br />
Ecus, cn argent comptant, qui l'auroit fort incommodé dans<br />
la conjondure prefente, fl céda le Comté de Jaffa, Se la Charge<br />
de Connétable au Comte de Champagne y Se confentit de<br />
plus au mariage de HUGUES DE LUZIGNAN, fon Fils aîné,avec<br />
ALIX , Filk aînée de ce Comtc, - 6e d'IsABELLE, Reine de Jerufalem.<br />
Cet accommodement Se cette AlUance furent réciproquement<br />
approuvés des Cours de Jérufakmy Se de Chypre y<br />
fesqueUes s'engagèrent à fake accompUrk mariage de ces jeunes<br />
Princes, en cas que k mort prévint leurs Parens, avant fbn exécution.<br />
Ccc CCCCÇ"<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
xl<br />
3S
^E JE'RUSALEM. Lry. VIII. CH. IV. 387<br />
&ainte prétend, que cette cérémonie fut &ite par k Miniftère ^<br />
de jArchevêque de Maïence,<br />
A l'exemple d'A L M E'R i c, il prît auffi envie à LIVQN , Prinice<br />
d Arménie y de devenk iîoi; 6e, foit qu'fl eût les mêmes raifons,<br />
que celui de Chypre y pour ne pas s'affujettir à fEmpereur<br />
de Conflantinople y dont les Etats étoient trop voifins; fl s'adreflà<br />
également à l'Empereur HENRI , qui ordonna au même Evêque<br />
de Wïrtzbourg de paffer auffi à CourcOy pour y couronner LI<br />
VON, dont le couronnement fut enfuite approuvé par le Pape,<br />
en confîdération de la foumiffion de ce Prince à f Eglife Romaine.<br />
Le Patriarche, 5e. les Peuples reconnurent alors la fouveraineté<br />
de cette Eglife, J6C reçurent très-refpedueufement les Sta*<br />
tuts, Conciles, Décrets, 6c Cérémonies.<br />
Le Roi d Arménie y pour donner au Souverain Pontife ^es Livon eji<br />
marques de foumiffion Se de reconnoiffance, céda même au St, PJ^^^^ '<br />
Siège trois Fortereffes dans fe^ Etats. Bosio, dans fon Hiftoire ^iç»<br />
de Malte y dit, „ que les Chevaliers de VHopitaly k qui le St,<br />
" père les fit configner, les ont poffédées, tant que ce Pays<br />
," a évité le joug des Infidèles, Ce fut aUffi à f occafîon du paffage<br />
du grand Chancelier de VEmpire y que fut ratifié faccon^mod.ement,<br />
qui avoit été fiiit entre LIVON , 5e le Prince dArh<br />
pioche; mais leur bonne intelligence ne fut pas de longue durée,<br />
par la faute de ce dernier, qui, malgré fon peu de force, étok<br />
toujours k premier à enfraindre ks loix de la paix, 6c à troubkr<br />
le repos de fes propres Sujets.<br />
L'Armée Impériale, commandée par le Duc de Saxe y arriva ^"'!^^<br />
enfin à Coiiftantinopk, L'Empereur Grec lui fournit des Vaif- v Armée ic<br />
féaux, qui la tranfportèrent k Antioche y doù cUe paffa kTyry Se [f^f"<br />
peu après à Ptolomaïde: Cependant, au Ueu de profiter à propos<br />
de k difcorde des Infidèles qui étoient toujours acharnés les un^<br />
contre ks autres, ks premières Troupes Allemandes y sf^^ér<br />
parquèrent a impatientes d'en venir aux mains , rompkent 1#<br />
Jjàvt, iivectant de prédpitation, en lavageant gBuclquçs V*<br />
Ccc z lage»!<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^88 H' I S^ T OIRE G E' N' E' R: A L E<br />
lages, qu'on peut, diî*e qu'elles dérobèrent à leur Nation la glo^<br />
re des conquêtes. Se des grands avantages, qu'elle auroit pa<br />
remporter fur les Barbares.<br />
Car SAFFADIN, grand, 6c expérimenté Capitaine,, qui n'é^<br />
toit pas moins braver que poUtique,fot fi bien faire comprendre<br />
à tous ceux de fa croïance, qui avoient pris les armes<br />
contre lui, pour foutenk k^ parti de fon Neveu, la néceffité,<br />
où ils étoient tous, de terminer leurs querelles, 5c d'u^<br />
nir promtement leurs Forces, pour s'oppofer à leurs Enne^.<br />
mis communs, qu'fls fe rangèrent d'abord fous fes enfeignes.<br />
Se ne penferent plus qu'à fuivre fes ordres, pour combattra,<br />
les Chrétiens ; deforte que cet habile Sarrafin en forma une puiifante<br />
Armée, 5c prévint celle des Croifés y en aflant affiégei<br />
la Ville de Jafiay que le Koi dAngleUrre avoit laiffée bien<br />
forte, 5c bien munie.frifedt<br />
SAFFADIN pouffa fx vivement ce Siège, que, maîgré la ré-<br />
^iffsdin**^ fiftance ^^ k-garnifon, la plupart Allemande y Se les vigoureufes<br />
forties qu'elle fit, il f emporta' de vive force, pafS<br />
tous les Latins y qui s'y trouvoient, au fil de fépée, 5c en<br />
fit rafer les murailles" jufqu'aux fondemens,-pour ôter aux<br />
C^r^^/V«j fefpérance d'occuper davantage un pofte, fi avantageux<br />
pour-favorifer leurs deffeins fur Jérufalem, Il eft vrai<br />
que le funefte accident, qui arriva en ce même tems au<br />
Comte de Champagne, facilita cette cono^ét^ 'ILUK Sarrafins,<br />
6c. empêcha, que fArmée Allemande ne fe mît affez tôt en<br />
campagne, pour fecourir cette Place ;.tant la mort précipitée<br />
dé ce Comte étonna tous-les Chefs - des Cr
DE JE'RUSALEM. Liv. VIII. CH. IV. i^y<br />
un Confefl général, pour déUbérer fur la conduite, qu'fls dévorent<br />
tenir. Se fe vanger du maffacre que les Infidèles-ventilent<br />
de faire de la garnifon , 6e des Habitans de Jaffa,<br />
Ils partirent enfuite de Ptolomaïde , Se marchèrent vers SinoN,<br />
en vue d'aller affiéger la Ville de Baruth y où ils favoient<br />
que les Infidèles avoient fait un grand amas dé pror<br />
vifions , 5c de leur donner bataille, sils pouvoient les rencontrer<br />
en campagne , ou qu'ils fe prefentaffent pour s'op*^<br />
pofer à leur entreprife.<br />
Comme ks murailks de Sidon n'avoient point été réparées', Sidon^nv<br />
depuis que SALADIN les avoit-fait démolir, 6c que • ceux qui Croifés.<br />
habitoient cette Ville n'ofoient plus fe flatter d'y demeurer<br />
à l'abri de la Trêve, ils l'abandonnèrent j dès qu'ik aprirent<br />
les mouvemens dp fArmée Allemande, qui s'empara d'un<br />
lieu fî fertile, 6c fî commode, pour éviter les furprifes de SAF<br />
FADIN , 6c èrïtteprcndre k fiége de Baruth y avec fuccès.<br />
Les Seigneurs Croifés erivpïèrent prier les Ordres Mflitaires<br />
de venir les joindre , afin d'aprendre d'eux ks détours dû<br />
Pays, 5e la manière de combattre contre les' Infidèles.<br />
Ces Chevaliers , dont f humeur. Se les intérêts étoient fi<br />
oppofés, s'accordèrent pourtant dans cette occafion , en re-,<br />
fufant également aux Impériaux de s'unir avec eux ; alléguant<br />
pour fe juftifier, „ qu'après avoir, auffi folemneUement<br />
" qu'ils favoient fak, accepté, approuvé. Se juré la Trêve,<br />
" que k Roi dAngkterre avoit établie , pour cinq ans',<br />
" avec les Infidèles y fls ne pouvoient enfrahidre ce Traité,<br />
" fans bleffer leur honneur, 5e contrevenir à l'iriftitution de<br />
" kurs Ordres." Quelques Hiftoriens prétendent pourtant,<br />
que ce ne fut point cette dêlicateffé, qui les empêcha de fe<br />
joindre aux Alkmans; Mais plutôt le bruit, qui s'étoit répandu,<br />
que kurs Chefs étoient fi foupçonneux,' Se fi jaloux de la<br />
gloire qu'ils s'étoient propofés de remporter dans leur voïage<br />
i'outremer, qu'fls ne vouloient qu'aucune autre Nation, que "<br />
Ccc i te-^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
990 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
la leur, eût part dans leurs entreprifes. C'eft pourquoi auffi fls<br />
ks avoient fi mal commencées, en entrant dans la Paleftine-,<br />
Se c'eft auffi ce qui les engagea à tenir des Confefls, dans les-<br />
,quek fls n'avoient jamais voulu admettre aucune des Perfoimes,<br />
qui auroient pu les inftruire des maximes, qu'il fafloit pratiquer,<br />
pour attaquer les Infidèles y :$e les ^combattre avec avantage.<br />
4rtickjr. On fait que la Nation allemande a été de tout tems trop<br />
fière, Se trop courageufe, pour croire qu'il y ait quelque chofe<br />
au-deffus de fes forces. Ainfî, fans s'arrêter au refus des Ordres<br />
Mflitaires, affcdant même de faire peu de cas de leur affiftance,<br />
le Duc de Saxe afla mettre le fîége devant Bar^ith. ll<br />
battit cette Vflle avec tant de violence, qu'fl f emporta enfin<br />
d'affaut, malgré la vigoureufe réfîftance , que firent, affez<br />
longtems, les Affiégés, qui ne manquoient ni de courage, ni<br />
de réfolution. Ils eurent k fetisfadion, en s'cmparant de cette<br />
Place, de déUvrer grand nombre de Chrétiens captffs, que les<br />
Barbares retenoient dans le Château. Jls y trouvèrent une fi<br />
prodigieufe quantité d'armes, que le Continuateur de la Guerre^<br />
Sainte affure,, qu'on en auroit chargé deux grands Navires, fls<br />
n'y trouvèrent pas une moindre abondance de provifions ; dc<br />
forte qu'ils fe virent en état de fubfifter long-tems aux dépens<br />
des Ennemis, 5e de faire fentreprife de Jérufakm fans<br />
jçrainte que les vivres leur manquaffent.<br />
mmewri' Mais, comme il arrive affez fouvent, que ceux qui favent fî<br />
wfîrîrfM bkn vaincre, manquent de profiter de leur Vidoire; après un<br />
.Chrétien», commencement fi heureux, au lieu de s'attacher à la conquête<br />
de la Sainte-Citéy ou des autres Places, qui pouvoient la leur far<br />
cfliter, fls allèrent, mal-à-popos, affiéger le Château de Tho^<br />
ron ; entreprife, qu'fls dévoient éviter avec d'autant plus de<br />
foin, que c'étoit l'endroit le plus fort, Se le plus difficile à réduire<br />
, que les Infidèles poffédafïent. Ils y emploïèrent inutilement<br />
trois mois entiers, 5c confumèrent toutes les provifions,<br />
^'jils avoient trouvées dans J^rutbjf /a;is qu'au bout de ce<br />
:.. " temv<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm VUT. Ca. m 'jpjj<br />
rems-lSj îls fuffent plus avancés y que k premier jour qu'ils<br />
avoient commencé cc fiége. Ds ne firent pas plus de progrès,<br />
après l'arrivée de leur Année navale, fous le commandement<br />
de l'Evêque de Wirtsbourgy qui de Ptolomaïde y ou fl avoît abordé,<br />
envoïa ks Troupes des Vaiffeaux au fecours du Duc de- ^^^'^'<br />
Saxe.<br />
C H A P I T R E V.<br />
Le peu de fuccès du fiége de Thoron ne fut pas k feule dis- Article r»grâce,<br />
qu'éprouvèrent ks Allemands. • Pendant qu'ils étoient<br />
occupés à cette difficik, 6e épirieufe entreprffe,ks Infi-^;<br />
dèles furprkent la garnifon, qu'ils avoient laiffée dans Baruth y<br />
quoi qu'efle fût affez nombreiffe, Se qu'efle fe défendît vafllam-'<br />
ment. Ils l'attaquèrent avec tant d'impétuofité, qu'efle ne pûtleur<br />
réfifter. SAFFADIN s'empara de la Vifle, 6c en fit rafer les<br />
fortifications ; deforte qu'en peu de tems, cette Place fut pri-.<br />
fe, 6c reprffe ; ruinée, 5c reparée ; alternativement par les Chréi'<br />
tiens y Se par les Barbares,<br />
La nouvefle de cette perte,& le peu d'efperance de furmon-~<br />
ter les obflacks, qui fe rencontroient à k continuation du fiége<br />
de Thoron y fut caufe, que le Duc de Saxe y dépité du tems,qu'fl<br />
avoît perdu fi infrudueufement, l'aban4onna d'abord. Se'<br />
marcha, avec toute fon Armée, vers y
Spl H LS-T O I RE G E'N E'R ALB<br />
Thoron, feignirent de craindre f attaqué des Infidèles dans ua<br />
Ueu, qui n'étoit pomt encore en état défeiife. Us en fortkent<br />
promtement, pour gagner la campagne. ..Les Infidèks y trompés<br />
par un mouvement fi prédpité , fe contentèrent d'envoï«r<br />
une partie de leurs Troupes, .pour fe faifir de la Place, pendant<br />
que le refte de leur Armée pourfuivoit les Ennemis, avec<br />
précipitation,6c fort en désordre, fe flattant de vaincre fans peine<br />
des gens qui paroiffoient fi épouvantés de leur approche-;<br />
Mais fl reconnurent bientôt leur erreur ; Car les aïant joints<br />
. le lendemain au point'du jour , bien loin de les trouver découragés,<br />
comme ils s'en étoient fiattés, ies Allemands les chargèrent<br />
fl brusquement, qu'fls les déconcertèrent, dès le premier<br />
' choc. Se les mirent en désordre; Les Barbares y -fe rallièrent<br />
enfuite, 6c combatirent avecibeaucoup plus de fermeté, qu'à<br />
~ leur ordinaire ; de forte que k combat fut très-opiniatré, &<br />
très-fenglant.<br />
iemmée î^aVidoirc étok toujours-incertaine, lorfque, dans le fort<br />
par les M- de'k mêlée, le Duc d* Autriche aïant reconnu le Général Sar-<br />
^^^^ ^' rafiny pouffa fon cheval avec beaucoup de fureur ,5e le renverfà<br />
parterre. Âlorsies Infidèles y abatu» de la perte de leur Chef,<br />
commencèrent à fe ralentir, 5c peu après à prendre une fuite<br />
précipitée, qui n'empêcha pourtant pas les Chrétiens d''en f^âre<br />
un grand maffacre. Quelque avantage, que remportaffcnt les<br />
Allemands dans cette grande journée, leur pèixe fut plus confidéra.fcle<br />
que cefle de leurs Ehneniis. Us eurent la douleur d'y<br />
Mort des perdre Ic Duc de êaxcy Se cdui dAutriche; Le premier, pour<br />
sïxeâ avoir
DE JE'RUSALEM Liv. Vni. CH.V. 593<br />
pes Satrafines, qui étoient allées pour s'en emparer, n'avoient<br />
pas mieux paffé leur tems, que ks autres. Cefles que le Duc de<br />
Saxe y avoit laiffées, les avoient prefque entièrement défaites.<br />
SAFFADIN ne tarda pas à rétablir fon Armée. Il la rendit Article //.<br />
même plus forte, qu'efle ne fétoit auparavant U s'approcha safùdin'<br />
de Jaffa y pour provoquer les Allemands au combat Comme'^"•^'^^^^<br />
ceux-ci avoient perdu, avec leur Général, grand nombre de<br />
leurs meilleurs Soldats, les Seigneurs de Paleftine craignoient,<br />
qu'elle ne reçût quelque nouvel échec, qui la fît réfoudre à quitter<br />
la Terre fainte ; ce qui les auroit expofé eux mêmes à'toute<br />
la fureur des Barbares, C'eft pourquoi, ils convinrent, " qu'il<br />
" étoit abfolument néceffaire de fe procurer un Souverain, qui<br />
" pût, par fon autorité,empêcher la divifion des fentimens, fî<br />
" dangereufe pour la confervation d'un Etat fi affoibli, 6c auffi .<br />
" fouvent attaqué, que fétoit celui de Jérufalem.<br />
Après plufieurs Confeils, que le Patriarche, les Seigneurs,<br />
^ les Ordres Militaires tinrent à ce fujet, d'un commun confentement,<br />
5c avec l'agrément de la Rdne ISABELLE, quiy<br />
préfidoit toujours, ils envoïèrent des Ambaffadeurs en Chypre y Laeowmi^<br />
pour offrir au Roi ALME'RIC cette Princeffe en mariage, 6c "ajffjfi*'<br />
la Couronne de Jérufalem pour dot; perfuadés, que, s'fl ac-Z^f^àAiceptoit<br />
ce parti, fa valeur, 6c fon expérience étoient fuffifan-SJchypre^<br />
tes pour maintenir les débris de ce Roïaume, Se même pour en<br />
recouvrer la Capitde, quî fe trouvoit toujours au pouvoir des<br />
Irfîdèles.<br />
Ce Prince,qui, peu de tems avant fon couronnement, avoit<br />
perdu CIVE D'IBELIN, qu'fl avoit époufée, même avant qu'il<br />
fut Connétable de Jérufakmy reçut les Ambaffadeurs des Seigneurs<br />
de JP^/Ï^/«^, avec beaucoup d'honneur, 6cécouta favorablement<br />
leurs propofitions. Il ne voulut cependant point s'engager<br />
dans ime aftaire fi importante, fans favis de fon Confefl;<br />
maÎG fl aflura ces Miniftres, qu'il ne tarderoit pas à leur faire<br />
une réponfe pofitive. Il fit, dès le lendemain, affembler k<br />
Ddd Cour<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
39+ HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
Cour fupérieure, pour la confulter furim fujet, où il y avoit<br />
d'un côté beaucoup d'iionneur pour lui, 6c de l'autre bien de<br />
k peine. Se des dangers, à effuïer; Car, quoique k Couronne<br />
de Jérufalem fût en grande vénération dans toute la République<br />
Chrétienne, Efle demandoit des travaux continuels pour<br />
la conferver.<br />
Toute l'Affemblée remercia k Roi de kdéférence, dont fl<br />
ks honoroit à fégard d'une affaire, qui k regardoit perfonnellèment.<br />
Les principaux Barons lui répréfentèrent, avec<br />
beaucoup de re^d, " qu'fl kur paroiffoit que fon Afliance avec<br />
" la Reine ISABELLE lui feroit, 6c à fes Sujets, beaucoup plus.<br />
" préj-udiciable, qu'avand^eufe, parce que le Roïaume de Je»<br />
" rufalem étoit fi épuifé d'Hommes, & d'argent, qu'fl ferait<br />
" obligé d'affoiblir celui de Chypre y Se d'en incommoder les<br />
" Habitans : foit, par des contributions pour foutenir k guer-<br />
" re de Paleftine; foit, pour k levée des Troupes nécefTai-<br />
" i^es: Et que, daiUeurs, cette Princeffe avoit déjà des Ei>-<br />
" fans de deux Uts , qui s'accorderoient difficilement avec<br />
" ceux qu'il pourroit en avoir ; encore moins avec ceux qu'il<br />
" avoit déjà lui même ; ce qui ne pourroit que lui cauftr<br />
^' des inquiétudes, dont fEtat fe reffentiroîL<br />
Us k prièrent cn même tems de vouloir confidérer, "que<br />
" les AUknces des Princes, comme îui, fe contradoient ordi^<br />
" nairement, pour entretenk k Paix avec leurs voifins, pour<br />
" la fureté de leurs propres Etats , 5c pour avoir des Suc-<br />
." ceffeurs ; Que , grâces au Gel, fl n'avoit aucune de ces<br />
" raîfons; Qu'ainfî, leur fentiment étoit, qu'fl ne fe chargeât<br />
" point d'un fardeau , qui lui cauferoit phis de foin, 5c dç<br />
" dépenfes, qu'fl n'en recevroit d'utflité , Se de fatisfàdion.<br />
" Que, déplus, comme fl feroit indifpenfàblement obligé de<br />
" s'abfenter d'un Roïaume naiffant, comme l'était celui de<br />
" Chypre y rempU de Peuples fî différens de moeurs, de reU-<br />
^' gion, 6c d'intérêts, fl pourroit y naître des désorîcs d'une<br />
3^ dan-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. VUT. Cfl. Y. ^çf<br />
*' dangereufe conféquence ; Le fupUant enfm f» bons, léîés,<br />
^ Se fidèks Sujets, de vouloir bien demeurer avec eux, 6c i^-<br />
'^ mercier les Sdgneurs de Pal^ine de leur bonne voionté.<br />
Quelques prudens, 6c felutaires que fuflent ces avk, 6c qudque<br />
intérêt qu'euffent tous les Seigneurs du Confefl à ks foiitenir,<br />
fl s'y en trouva pourtant bon nombre qui les rejettèrent,<br />
foit qu'fls aimaffent les nouveautés, ou qu'ils reconnuffent, que<br />
leur fentiment convenoît à l'intention du RoL<br />
Ils kii rémontrèrent avec chaleur, " qu'aucune confidération<br />
„ ne devoit fempêcher de profiter de l'occafion, qui fe préfen-<br />
3, toit dacquérîr une gloire, qui fimmortaliferoit : Qu'il y au-<br />
„ roit,au contraire, du deshonneur pour fe Perfonne,6cpour<br />
„ fes Sujets, s'fl refufoit de fecourir les Chrétiens de k Terreyy<br />
fainte i kurs confr^es, 6c feurs voifîns, pendant que tant<br />
3, de Princes, Se de Nations Chrétiennes y venoient du fond '<br />
„ de VEurope y pour les affifter. Se pour maintenir un Roïau-<br />
„ me, que y^^^ Cl'/^ avoit fandifié par fon propre fang, Se<br />
5, par fes miracles. Se pour la défenfe duquel Sa Majefté mê-<br />
„ me, 5e plufîeurs de fa FamiUe, avoient fî généreufement aban-<br />
3, donné leur patrie, Se expofé leurs Perfonnes.<br />
A L M E'R IC , qui aîmoit entrèmement la Pakftinéy où il avoît ^"^^^^^<br />
paffé la fleur de fon âge, d'aiUeurs bien affe de fe voir Souve- enfait.<br />
rain d'un Roïaume, qu'on avoit prefque obUgé fon Frère de<br />
quitter, après avoir écouté tranquflement les avis des uns Se des<br />
autres, déclara, fans héfîter, qu^ilétoit réfolu de fuivr-e le fentiment<br />
des derniers y comme k plus généreux y (f [le plus digne<br />
d'un Prince Chrétien. Il s'apliqua d'abord aux préparatifs néceffaires<br />
pour fon voïage,avec d'autant plus d'ardeur,6c d'efperance,<br />
que, depuis k mort de SALADIN, la réputation 5c ks forces<br />
des Infidèles étoient beaucoup diminuées, par raport aux<br />
guerres qu'ils s'étoient fait entre eux.<br />
Ce Prînce fouhaitoit, en même tems, de laiffer les affaires Artide/f/.<br />
de Chypre en fi bon ordre, qu'il ne pût y arriver aucune alté- f^^^*^'* ?a ftt<br />
Ddd 2 ration.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^9^ HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
^J^AI' ration, pendant fon abfence. U ne défiroit pas moins d'arrô*<br />
méric ter les fcandales, que caufoient la désunion, 6c fanimofîté des<br />
TépartpLr dcux Ckrgés. . Il fit affembler les principaux Eccléfiaftiques<br />
Paleftine. Q^^^^^ ^ Latins y dans f Eglife Cathédrale deNicofie. U aflifia<br />
hii même,avec toute k Cour fupérieure,à cette Affemblée,afin<br />
de prendre une entière connofl&nce de leui's griefs, 6c de leurs<br />
conteftations^<br />
Le Grecs dédamèrent extrêmement ^' fur la privation du re^<br />
'„ venu de leurs Eglifes, dont on avoit dflîpofé en faveur des<br />
„ Latins y qui, non contens de les avoîr dépoufllég de leursi<br />
3, biens, vouloient encore réformer leur croïance, 6cles trou-<br />
„ bkr dans la diredion des Peuples, qui étoient fous leurcon-<br />
„ duîte.<br />
Les Latins y de leur côté, accufoient ks Grecs y "non feii-<br />
„ lement de Simonie, mais encore de ce qu'ils entretenaient<br />
„ les Peuples de leur dogme dans Un ôfprit de révolte, contre<br />
„ l'obéïffance 5c la fidélité, qu'fls devoknt à leur Souverain ;<br />
„ Au lieu que, s'ils avoient ceffé de les infeder de leur fauffe<br />
„ dodrine, ces brebis égarées abandonneroient k fdiifii^e, 65<br />
„ entreroient dans le bon chemin.<br />
Le Roi, après avoir bien écouté les uns Se les autres, leur<br />
ordonna, fous des peines très-rigoureufes, " de vivre à f avenk<br />
33 avec plus de charité, fans fe chagriner aucunement ks uns,<br />
3, ni les autres, par raport à la différence de leur ReUgion36c<br />
„ de ne s'attacher également, qu'à la conduite des troupeaux,<br />
3, qui leur étoient confiés; fe réfervant lui même le temporel,<br />
3, auquel il auroit foin de pourvoir d'une manière,. qu'fls au-<br />
„ roient tous lieu d'être contens.<br />
U affigna, dans la même Affemblée, aux CarmeSy qui<br />
avoient été les premiers ReUgieux Latins, qui fe fuffent établis<br />
dans file, les revenus de quelques Vfllages, pour entretenir leur<br />
Couvent, 6c leur Eglife, Après avoir amfi réglé les affaires<br />
Ecdéfiaftiques, il s'apUqua: à pourvok aux temporeUes, afin<br />
dcG-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
3>E JE'RUSALEM. Lrr. VIII. CH. V. 39?<br />
d'entretenir par-tout k bon ordre, 6c k tranquiUté: U envoïa<br />
des Gouverneus aux douze ^Cantons de l'Ile ; favok à Famagoufte<br />
y Baffo y Limifol y Cehnesy Salines y Maffaricy Carpafiby<br />
Mazato y ArdimOy Crifokouy Solie y SePentaîa; Et fl confk<br />
au Vicomte de AicofiCy Chef de la Cour inférieure, k Gouvernement<br />
de cette Capitale, avec trois Ueues de territoire à<br />
k ronde, comme une efpèce de BanUeue.<br />
U ordonna, en même tems, que les quinze Compagnies de<br />
Soldats Albaruois à cheval, qui compofoient environ mflle Hommes,<br />
tous armés de lances, de couteks, avec la rondadie, que<br />
le Roî GUI avoît confervées, demeuraffent toujours dans les<br />
lieux maritimes ; Se qu'fls fortiffent, régulièrement tous les foirs,<br />
pour faire le guet le long des plages, afin de furveiUer, 6c empêcher<br />
la defcente des Pirates. U ordonna, de plus, que les Habitans<br />
des Bourgs tinffent continuellement des fentmeUes for<br />
les hauteurs ; 6c qu'ils y allumaffent des feux, lorsqu'ils découvriroient<br />
quelques voiles en mer, pour les indiquer. Ilfit étar<br />
bUr de pareiUes vedettes fur les plus hautes Montagnes de l'Ile,<br />
afm que,lorsqu'A parokroit plufieurs voiles enfemble, ils fiffent<br />
des fignaux proportionnés à leur quantité, dont la Vifle Capitale,<br />
Se tout k Pays pût être averti, Se que ks Compagnies<br />
des Stradiots y pufïent accourir.<br />
U afranchit, pour une bonne fomme d'argent, les Fénitiens<br />
blancs. C'eft ainfî qu'on nommoit certains Sujets de cette République,<br />
lesquels, fatigués de faire la guerre en Paleftine, où<br />
ils avoient été envoïés, comme par force, en diverfes occafions,<br />
s'étoient retkés en Chypre y Se étabUs eiî divers Villages,<br />
dés le tems même des Ducs Grecs y qui gouvernoient cette Ue.<br />
Le Roi leur permît même de s'éUre un Juge particulier, devant<br />
lequel ils traitoient de leurs différends, en première inftance, Se<br />
dont îls appeUoient enfuke au tribunal- fuprêrae, fens que les<br />
ihbalternes puffent en connoître. Ce Magiftrat fe nommoit<br />
celui desr Fénitiens, Après cet affranchiffement, ces Peuples<br />
Ddd 3 dévia-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
39r HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
devinrent Sujets libres, 6c n'eurent plus à payer au Roi, qu'un<br />
léger tribut annud, dont ils «'ac
D E J E'R u S AL E M. Liv. THI CH. V, 599<br />
provenoient, étoient moitié Efdaves, 6c moitié Libres;'6c, s'ik<br />
n'en avoient qu'un, il^ dcmeiuoit dans k fervitude.<br />
A L M E'R I c fit divers autres règlemens, non moins bons, 6c Le Mauavantageux<br />
pour l'Etat, que pour les Peupks. U confia à h.^f^§%<br />
Cour fupérieure k Gouvernement du Roïaume, 5c le foin de fes ^^'JJ^-i"^<br />
Enfans. U en avoit fix: HUGUES, qui, comme aîné, lui de-fiusiari-i<br />
voit fuccéder à la Couronne; JEAN, à qui fl avoit donné kf^j{^^<br />
Charge de Connétable ; Gui qui poffédoit cefle de Sénéchal du t^"eur.<br />
Roïaume; 6c trois Filles, ll partit pour Ptolomaïde y ^ccomp^-Départ du<br />
gné de k fleur de la Nobkffe Chypriotte y Se bon nombre de^^J^^^.<br />
Troupes. U y arriva en peu de jours ,6c y fut reçu avec beau- «^^jÉf/w<br />
coup de joie, 6c un apptewdiffement univerfeL cettevnie.<br />
•<br />
J.^e»J^ .vr©©w, .«efl.>^ ^«^^a^. ..t«OJ). otô'9».^Ô»>j*fite>s.»flO<br />
C H A P I T R E VL<br />
Pu de jours après fon arrivée en cette Vflk ; on y ce- ^''9^^^lébra<br />
la cérémonie de fon markge avec k Reine is A- i/cowL<br />
BELLE, 6c cefle de fon couronnement, avec de grandes ac- Sméric<br />
ckmations de joie, 5c même avec plus de pompe, 6c de magni-»
jyoà HISTOIRE GE'NE'RALEj<br />
comme deux Frères de k Maifon de Luzignan épouferent, en<br />
peu de tems, deux Soeurs hériti^^ de celk de Jérufalem, 6c<br />
enporterent, tour à tour, la Couronne. ALME'RIC n'en fut<br />
pas plutôt poffeffeur, qu'fl s'attacha à examiner fétat du Gouvernement,<br />
6c les forces qui demeurôient ^ux Chrétiens y dans<br />
le deffein d'affembler le plus de Troupes qu'il lui feroit poffible,<br />
pour les joindre à celles qu'fl avoit amenées de Chypre y Se s'unir<br />
avec l'Archevêque de Maïence, Chef de fArmée Impériale,<br />
"58. pQ^j. j^iiej. affiéger la Sainte-Cité. *<br />
Le projet, ' qu'A L M E'R I C s'étoit formé, d'emporter Jérufa-<br />
;. km y dès le commencement de fon règne, s'evanoûit bientôt,<br />
par favis, qu'fl reçut, que les Allefftands y campés à Jaffn^<br />
La mon de bien loin de penfer davantasre à aucune entreprife contre ks Iti"<br />
l'Empereur y,j.j , . *^ ^ ^ i -<br />
Henri eau-fidèles y ctoieut tous CU mouvcment, pour retourner dans leur<br />
"brmi Piys, fur la nouveUe, qu'fls avoient fraîchement reçue delà<br />
leriesen mort de l'Empereur H E N R1, 5c de la défunion, que fa mort<br />
gneT^/c avoît fait naître-dans V Empire,' Comtne une partie desEledeurs<br />
^|jar»t/?x avoit élu PHILIPPE de Suabe y Frère de fEmpereur défunt, &<br />
n»nds. les autrcs OTHON, DUC de SaxcyTrbrc de HENRI, mort après<br />
la bataflk de y
6 Ii JE'RUSALEM. Lir. VIII. CH. VL ' 40Î<br />
de grands JM^ogrès des armes Alkmandes en Pf kftine y par le<br />
peu de cas, que faifoient leurs Chefs, des avis, que les Seigneurs<br />
expérimentes contre ks Infi!l?les avoîent voulu leur donner, el<br />
ks donnoient affez d'ombrage pour les retenir.<br />
Ainfî, le Roi ALME'RIC, qui n'avoit point affez de For-Article//,<br />
ces, pour fe mettre en camp^igne, ne fongea plus qu'à atten- d^Jf^égodre<br />
le fecours que le nouveau Pontife promettoit de lui envoïer ^««fo^^
^1 *H I s T O I R Ë G E' N Ë' R A L E<br />
Le Comte de MONTFORT, un peu^^tonné de ce mallieurj<br />
campa au même endroit, où fl en reçut k nouvelle., pour déli*<br />
bérer fur le parti,qu'fl avoit à prendre. Pendant que la plupart<br />
des Seigneurs du Confeil étoient d'avis,qu'on allât promtement<br />
affronter les Ennemis, 5c que les autres foûtenoient,qu'fl étoit<br />
plus convenable de rebrouffer chemin, afin de ne fe point commettre<br />
avec une Armée vidorieufe, dont ils ne connoiffoient<br />
pas bien les forces, il furvint une pluie fî forte, Se fi longue,<br />
qu'elle ne leur permit feulement pas de fortir de leurs tentes,<br />
fôus lesquelles ils • étoient presqu'entièrement inondés. Ce déluge<br />
fut fuivi dun froid rigoureux. Les Soldats en furent fi abatus,<br />
que k Comte fut Contraint de s'en retourner à Ptolomaïde<br />
y-âm d'éviter les maflieurs,qui pouvoient lui arriver dans ces<br />
campagnes défertes.<br />
La perte de Jaffa y que les Allemands avoient fortifiée avec<br />
tant de foin, 5e qui étoit un lieu fi néceffaire pour entreprendre<br />
k fiége de Jérujalemy jointe à la difcorde, qui commençoit à<br />
naître entre les Templiers, 5e les Hofpitaliers, 6c enfin le peu<br />
d'e^érance de pouvoir rien faire de confidérable contre les 7»fidèles<br />
y obligea le Comte de MONTFORT à ménage un accommodement<br />
avec eux, qui put, en quelque manière, tranquilifer<br />
les Chrétiens de k Terre-faintey Se colorer le projet, qu'il<br />
avoit fait de repaffer en Europe.<br />
Les Sarrafins y de leur côté, malgré la promtitude, avec la«<br />
queUe îls s'étoient réunis, pour faire tête aux Allemands, lorsqu'ils<br />
rompirent la Trêve, n'étoient pourtant pas bien d'accori<br />
entre eux. Les uns vouloient toujours favorifer le Soudan dAlep<br />
y Fils du grand SALADIN. Les autres étoient partffans de<br />
SAFFADIN , fon Oncle. Ces derniers ks engagèrent à accepter<br />
iipp. ^^s propofitions du Comte de MONTFORT, avec lequel fls firent<br />
une trêve pour dix ans, afin de pouvoir terminer leurs affaires<br />
domeftiques, fens cramte d'être troublés par Içs Chré^<br />
tiens.<br />
Ce<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lir. VIE CIL VL ifôj<br />
Ce Comte étoit grand guerrier ; mais fl trouva les affai- ^«««tf»*<br />
res de Pakfiine fi mal difpofées , qu'il s'en rébuta entière- ^d%^lts<br />
ment. Ainfi, après avoir terminé cet accommodement, fl Sarrafins.<br />
fe rembarqua avec tout fon monde ; de forte que l'expédition<br />
des François ne fut pas plus avantageufe aux entretiens<br />
Orientaux, que favoit été k fameufe Croifade de la<br />
Nation Germanique.<br />
Peu de tems après leur départ, les Templiers y Se ks Hofpita-Artkiciii.<br />
liers y qui avoient déjà eu quelques conteftations, en vinrent aux JJ" /^^ ^'<br />
voies de fait. Il s'agiffoit de certaines Terres,fituées aux confins du Templiers<br />
Château de Margat, qui appartenoit aux derniers, Se dont les piuiien.<br />
autres s'étoient emparés de force, après en avoir chaffe les Fermiers<br />
, qui étoient Vaffaux des Hojpitaliers, Ceux-ci prirent<br />
les armes,pour les y maintenir. Us ne purent en venir à bout,<br />
fens qu'il y eût beaucoup de feng répandu, de part, Se ^^autre.<br />
Ces violences augmentèrent la haine, 6c f animofité de ces deux<br />
Religions. Us en réfulta une guerre ouverte,6e fort cruelle; deforte<br />
que n'aïant pas moins de force, de valeur, 5c d'expériehce,<br />
les uns, que les autres, îl en périt grand nombre dans ks<br />
divers combats, qu'ils fe livrèrent.<br />
Cette dangereufe querelle entre deux Corps fi puiffans , PJÙ entre^<br />
Se fi beUiqueux , qui étoient cn effet k plus ferme foutien l'r^i^gd]<br />
de la Têrre-faînte , en affligea extrêmement tous les Habi- ^'^ ; ".<br />
tans qui apréhendoient, avec raifon , qu'ils ne fe détruififfent<br />
entièrement. Le Roi ALME'RIC , ks Patriarches dAntioche<br />
y Se de Jérufalem , tous les autres Prélats , Se Seigneurs<br />
, s'emploïèrent avec chaleur , pour les appaifer, 6c<br />
firent tant, par leurs foins , Se leurs remontrances , qu'ils<br />
les portèrent enfin à quitter ks armes, 6c à remettre au<br />
fouverain Pontife la décffion de leurs prétenfions.<br />
Les uns, 6c les autres envoïèrent cfes Députés à Rome.<br />
Ceux des Hofpitaliers furent les ChevaUers SEGRINI , Prieur<br />
de Barkttty 6c AUGER, Prieur d^Italie: Les Templiers en-<br />
Eee a volèrent<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
461 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
voïèrent au Pape les Chevaliers THÊ'ODORIC, Se PIERRE<br />
DE ViLLAPiANA. Le St. Pcrc y après avoîr bien fait examiner<br />
leurs raifons, écrivit aux deux Maîtres, Se aux Convens des<br />
deux Ordres, " pour les exhorter à vivre en paix à f avenk,<br />
„ fans donner aucun fujet de murmure, ni de fcandale aux<br />
,-, Peuples, les menaçant, en même tems, que, s'ils ofoient<br />
„ contrevenir à fes ordres, il les châtieroit févèrement, 6c fra-<br />
,j peroît d'Anathême ceux qui, les premiers, romproientf union,<br />
,, 6c la bonne inteUigence, dans laqueUe il kur commandoit<br />
5, de vivre, en vertu de la Sainte obédience.<br />
CHAPi'TRE VIL<br />
Article/, l- e Roi ALME'RIC, profitant de la tranqufllit:é, dont<br />
J—^ jouïffoit alors la Paleftine y s'appliqua à faire fortifier la<br />
Ville de G/M/, anciennement Guébaly ou Bibles y qu'fl avok<br />
trouvé le moïen de racheter, pour de fargent, de quelques FamiUes<br />
SarrafineSy qui f habitaient, par raport aux guerres, qui<br />
occupoient les Infidèles. Il eut la fatisfàdion de la faire rélever,<br />
fans aucun trouble ; mais, confidérant, que, malgré le<br />
calme de fEtat, il ne pouvoit fe difpenfer de continuer fa réfidence<br />
à Ptolomaïde y afin de conferver cette Place, 6c ks autres<br />
qui reftoient encore au pouvoir des Chrétiens; 6e que fon<br />
féjour en Paleftine pourroit être préjudiciable aux affaires de<br />
Chypre ; d'autant plus que la principale Nobleffe, qui auroit pu<br />
y empêcher les désordres, fe trouvoit auprès dc lui; fl écrivit<br />
au Pape, Se luî repréfenta, "qu'aïant abandonné le repos,<br />
„ Se les commodités, dont fl jouïffoit en Chypre y pour embraf^<br />
„ fer les dangers. Se les peines, auxquels fl étoit expofé,<br />
„ pour mamtenir les débrk du Roïaume de Jérufakm yil prioit<br />
3, Sa<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ï)Ê JE'RUSALEM. Lïv. VIIL Cif. VIL'^ fof<br />
5, Sa Sainteté de faire en forte que celui de Chypre y qui devoit<br />
„ être f héritage de fes Enfans n'en fouffrît point ; Et fl lui<br />
fit comprendre, "qu'Elle pouvoit y pourvoir facflemént, en ;^°^"[/p^^;<br />
9, ordonnant au Maître des Hoffitaliers y auquel fl avoit une^acwi/èrya-<br />
„ entière confiance, d'envoïer uiie partie de fes Chevaliers,6c£/"<br />
3, de fes propres Troupes, cn garnifon dans ks Fortereffes de<br />
3, cette Ue; tant pour y tenir ks Habitans dans leur devoir,<br />
„ que pour détourner les nouveautés , que fon doignement<br />
„ pourroit y caufer, 6e le préferver de l'invafion des Bar^.<br />
„ bares.<br />
Ces remontrances firent beaucoup de plaifîr au Pontife. U<br />
envoïa d'abord un Bref à GEOFFROI LE RAT, Maître des Hofi<br />
pitaliers, dont on voit f original dans la Bibliothèque du Fati"<br />
can y par lequel Sa Sainteté s'expUque ainfî : Nous mus prions<br />
conjurons y ^exhortons d"* accorder ci notre bien aimé Fils y Ki.li<br />
E'R I c, illuftre Roi de Chypre, ÊJP de Jérufalem, la promte af<br />
fiftance, qu^il demande de mus; £«?, en mrtu de ces Lettres<br />
ApoftoliqueSy Nous mus commandons denmîer en Chypre/
io6 lïlSTOlRE GE'NE'RALË<br />
difcorde des Ordres Militaires, qui pouvoient beaucoup y contribuer.<br />
Dès qu'fl fut informé des brouilleries, qui s'étoient<br />
renouvellées parmi les Barbares y au fujet de f héritage de SA<br />
LADIN , fl dépêcha encore divers Légats aux Puiffances<br />
Chrétiennes, pour les engager à ne point négliger une occafion<br />
fî favorable de leur enlever un Etat, qui devoit être fi<br />
cher y Se fl précieux à tous les Fidèles ; de forte que, malgré<br />
les guerres, que caufoit la divifion de VEmpire, 5c auxquelles<br />
la plupart des Princes avoient pris part, principalement les Roîg<br />
de France y Se dAngkterre; le premier en faveur de PHILIPPE<br />
de Suabe, 5e VAnglois pour foutenir OTHON , fon Neveu ; le<br />
St. ïere ne défèfpéra point de parvenir à la réunion de ces deux<br />
Monarques, Se de former une Armée fuffifante pour exécuter<br />
cette fainte entreprife.<br />
Afin de la faire accélérer, 6c de k mieux foutenir, il déclara<br />
de nuUe valeur la Trêve, que le Comte SIMON DE MONITORT<br />
avoit établie avec les Sarrafins. U difpenfe auffi du ferment<br />
tous ceux qui s'y étoient engagés. U obligea même tous les<br />
Eccléfiaftiques à donner une partie de leur revenu pour la Guerre-Sainte<br />
, 6e fit en même tems prêcher la Croifade dans toutes<br />
les Provinces de VEurope,<br />
Article //. Lcs Princcs, touchés des exhortations Apoftoliques, Se les<br />
^s^ts Peuples, exckés par les prédications de divers fa vans Perfonna-<br />
Peupies ges, qui n'oubUoieut rien pour ks engap:erà cette fainte en tre-<br />
SroiT^ * prife, prirent, à l'envi, la Croix avec autant de zèle, que d'empreffement.<br />
D'autres, qui ne fe trouvoient point en état de<br />
faire le voïage d'outre-mer 5 contribuèrent largement aux frak,<br />
diacun félon fes moïens.<br />
Plufieurs Princes, 5c Seigneurs, de France, SedAngleter*<br />
rCy en firent de même. Se s'emploïèrent, avec chaleur, aux<br />
préparatifs néceffaires pour une fi glorieufe expédition. Le<br />
bonheur, qu'avoit eu le Cardinal de CAPOUE^de ménager enfin<br />
une Trêve entre ks Rois PHILIPPE-AUGUSTE , 6c RICHARD,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
M JE'RUSALEM. Lm VIIL CH. VD. 4.0?<br />
r(?^«r-
ÎPS H I S T O I R E G E'N E R A L E<br />
rable. Le Doge, Se les Sénateurs, qui avoient famé grande;<br />
touchés du zèle, 5c de la générofité , avec laqueUe tant de<br />
braves Seigneurs François quittoient les commodkés, 6c les plaifîrs<br />
de leurs Maifons, pour entreprendre un voïage, 6c une<br />
guerre, dont les travaux, les pérfls, 6c les malheurs avoienÇ<br />
dégoûté les plus grands Monarques, voulurent auffi avoir part<br />
Soixante à k gloire d'une fi befle entreprife. Outre les Vaiffeaux, qu'fls<br />
S«7ar/M ^voient promis aux Croifés y ils firent armer foixante Çalères,<br />
Vénitiens, qu'ils joignirent à leur Flotte.<br />
Article///. Cependant, comme les ^effeins des Hommes font fouvent<br />
fâcheufe" interrompus parles fécrets impénétrables de la Providence, lor^<br />
ff-fi^ qu'on travailloit, fans relâche, à ce puiffant armement, on aprit<br />
k Fénife la révolte des Habitans de Zara y qui fe donnèrenti<br />
pour la cinquième fois, au Roi d Hongrie, Pour furcroit dqi<br />
di%ïace, les Députés des Seigneurs Croifés, s'en retournant<br />
en France y trouvèrent, que le Comte de Champagney qu'ils<br />
avoient reconnu Chef de leur Croifade y étoxt mort. Cette per^<br />
te imprévue les arrêta, 6c les embarraffa fur le choix d'un nouveau<br />
Général. Après divers Confefls, ils réfolurent unanimement<br />
d'envoïer offrir le commandement de leur Armée à BON^T<br />
FACE, Marquis de Montferrat. I}s le croïoient d'autant plus<br />
capable de les bien conduire, qu'outre fa valeur, 5c fon expét<br />
rience dans fart militaire, fl avoit déjà fait la guerre en Pale-.<br />
ftincy Se n'y connoiffoit pas moins le pays, que la manière de<br />
combattre les Infidèks.<br />
BONIFACE accepta, fans balancer, fhonneur que tant d'illuftres<br />
perfonnages voulurent bien lui offrir. Il mk promtement<br />
ordre à fes affaires domeftiques , 5e paffa en Fran»<br />
ce y où fl fut reçu avec un applaudifferpent général, 5c reconnu<br />
chef de la Croifade. Le Roî PHILIPPE-AUGUSTE en<br />
faifoit fî grand cas, qu'fl luî avoit écrit, de fa propre main,<br />
pour le prier d'accepter une Charge, à la vérité pénible,,<br />
& dangçreufè, mais dans laquelle fl ne pouvok manfluer<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D^ -^J E' R U S AL E M. Lir. \Ui, CH.-\ il. 40^<br />
d'acquérir une nouveUe gloire auprès des .Hommes-, .6c un<br />
très-grand mérite .auprès de Dieu.<br />
Un autre inconvénient, auffi, fâcheux, que la mort du<br />
Comte de Champagne, fit non feulement différer la Guerre<br />
Sainte , mais faflUt • même à rompre la Croifade. Lorsque<br />
les Seigneurs Franç&is arrivèrent k Fénife y pour s'embarquer,<br />
plufieurs de ceux qui s'y étoient engagés , foit qu'fl çruf^<br />
fent de paffer plutôt cn Paleftine par une autre route , ou<br />
qu'ils trouvaffent trop>-«xceffive la fomme, qu'on avoit promife<br />
aux ^(^«/V/V/zj, diangèrent de fentimens. Les autres,<br />
qui ne pouvoient, fans s'incommoder beaucoim , fubvenir à<br />
de fi grands fraix, 6c qui vouloient cependant accomplk<br />
leurs vœux, à quelque prix que ce fût, fe virent dans k<br />
néceffi té d'accepter le parti que les Fénitiens leur offrirent,<br />
qui fut de leur fournir non feukment les Bâtimens. nécef^<br />
faires pour kur paffage, felon la convention,déjà faite; maîs<br />
encore-de les aider à recouvrer la T(?rr^--S«i«/^, à condition,<br />
yy qu'ils fe joindroient à eux pour réduire h Ville de Zara y<br />
yy 6c les autres Ueux de h J^almatie, qui s'étoient révoltés;<br />
5, Que toutes les conquêtes, qu'fls feroient dans cette Pro-<br />
„ vînce ;. Et dans VEfclavonie, appartiendroient entièrement<br />
„ à la RépubUque ; Et que ceUes, qu'fls feroient enfuite dan»<br />
„ k Pakftinéy feroient partagées en égale part.<br />
Plufieurs Croifés y qui ne purent s'accommoder de ces conditions,<br />
ni fe réfoudre à emploïer contre les Chrétiens le»<br />
armes, qu'fls avoîent prifes contre les Infidèks y s'en retournèrent<br />
cn France , ou aflèrent s'embarquer dans les autres<br />
Ports de VItalie ; d'autant pks qu'fls favoient, que le Roî<br />
d Hongrie i à qui appartenoit la ViUe de Zara y avoit prk<br />
k Croix y pour la même fin qu'eux ; 6c que le St. Père<br />
avoit menacé d'Anathèmc tous ceux qui entrcprendroient<br />
d'inquiéter ks Croifés , pendant que dureroit k Guerre<br />
Sfiinte.<br />
m ^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4,io HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
Ce fut alors que k judicieux DANDOLO déploïa toute<br />
fon éloquence. U fut perfuader ks Croifés y '* qu'fl s'^agiffok<br />
„ uniquement de réduire dès Sujets rébelks , 6c non d'offcn-<br />
„ fer le Roi d Hongrie dans fes Etats; Qu'ainfî , fexcommu^<br />
„ nicatîon,qui étoit attachée aux Bufles dc kCro^^(?,nepou-<br />
„ voit avoir lieu à leur égard; Qu'ils pouvoient donc, fans<br />
„ ferupule, aider à faire rentrer ces mauvais Sujets dans leur<br />
„ devoir ; Et qu'ils pourroient enfuite accomplir kurs vœux<br />
„ contre les Infidèles y avec plus dc force, 6c de vigueur." Ces<br />
raifons, Se plufîeurs autres gagnèrent enfin la plupart des Sei*<br />
gnems François, Ils s'embarquèrent avec ce généreux Vieillard^<br />
qui, malgré fon grand âge, 6c f affoibliffement de fa vue, voulut<br />
*wi. aUer, en perfonne, commander ks armes de fe RépubUque, dans<br />
une occafion, auffi intéreffante pour eUe, que glorieufe pour lui.<br />
Parce moienylesFénitiens profitèrent adroitement de la Ûo^<br />
riffante Armée des Croifés François y Se rentrèrent dans kpoA<br />
feffion des pays, qui s'étoient foùtraits à leur obéïffance, &<br />
qu'ils auroient difficflement recouvrés fens leur affiftance, malgré<br />
le grand nombre de Bâtimens, qu'fls avoîent armés, &<br />
qui compofoient k plus belle, 5c la plus floriffante Flotte, qui<br />
Rétarde- ^^ jamais fortie du Port de Fénife, Elk étoît de deux cens<br />
memdudé- foîxante Voflcs, parmi lesqueUes fe trouvoient 6o, gros Vaffc^oifés.<br />
féaux, autant de galères. Se d'autres Bâtimens plats, pour k<br />
transport de la Cavalerie, des provifions. Se des machines;<br />
Quoi qu'fls arrivaffent devient Zara fiam aucun mconvenient,.<br />
6& qu'ils emportaffent cette Place en fort peu dc tems, par les<br />
fi^équens affauts que ks Cro//^j lui donnèrent, après que les Galères<br />
en eurent forcé k Port, 'fls ne purent pourtant terminer<br />
cette entreprife àffez tôt, pour continuer leur voïage avant<br />
rtiiver. Us furent obligés de paffer toute cette faffon cn I^^^*<br />
maticy Se d'y attendre le retour du Printems.<br />
Articic/r. - Pendant ce tems-là,une affaire fort imprévue,6c non moins<br />
ékignée de kur deffein, que ceUe de Zara^ rétarda encore la<br />
' Çuenc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
t JE'RUSALEM. Lir. VIH. CH. VIL ^it<br />
Cuerre Samte, 6c la fit prefqu'échoucr. Ce fut le démêlé, quij$^'re<br />
furvint entre les Seigneurs Croifés y à foecafion d'ALEXis,^'^**"'<br />
Fils dlsACH LANGE, Empereur de Coriftantinopky à qui fon<br />
Frère ALEXIS, également ingrat, 6c perfide, avoit eu l'inhumanité<br />
de faire crever les yeux, après favoir renverfé du Trône,<br />
malgré la générofîté, qu'fl avoit eue de le racheter des<br />
mains des Turcs y Se de lui faire tenir k premier rang dans fa<br />
Cour.<br />
Le jeune ALEXIS avoit eu le bonlieur d'échapcr des mains du<br />
Tiran, par la fidélité, 6c f attachement de quelques Seigneurs,<br />
qui favoient conduit à l'Empereur PHILIPPE de iS«/?^^, fon Beau-<br />
Frère. Comme ce Prmce étoît hors d'état de lui donner faffiftance<br />
néceffaire, par raport à l'embarras,où fl fe trouvoit lui<br />
même contre OTHON, Duc de Saxe y fon concurrent kVEmpire<br />
y fl luî confeifla d'aller implorer faffiftance des Prince§CmféSy<br />
Se celle des Fénitiens y pour faider à recouvrer fon Empire,<br />
6c vanger les outrages, que fon Oncle avoit commis contre<br />
fon Père, 6c contre lui.<br />
La compaffion, que les uns 6c les autres eurent des malheurs<br />
de cc jeune Prînce, jointe aux fortes recommandations de l'Empereur<br />
PHILIPPE , Se aux inftances des Ambaffadeurs, qui f accompagnoient,<br />
mais encore plus aux preffantes Lettres, que PHI<br />
LIPPE-AUGUSTE , Roî de France y leur écrivit à ce fujet, ks<br />
firent d'abord réfoudre à entreprendre fon rétabUffement, 6c à<br />
punir k fcélérat, qui avoit ufurpé le Trône Impérial.<br />
Comme fl étoit difficfle, que tant de Perfonnes, dont ks génies<br />
, Se les inclinations étoient fi différentes, puffent s'accorder,<br />
plufieurs des Croifés y Se principalement les Prélats, 6c les<br />
autres Eccléfiaftiques, foit par bon, ou par mauvais zèle, rejettèrent<br />
ce deffein, quelque glorieux, 6c avantageux,qu'fl parût<br />
aux autres. Us s'y oppofèrent même avec tant de vioknce,<br />
qu'fl penfa en arriver de fort grands désoidrçs* Cependant,<br />
Fff 2 mal-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fli H I^S TOI RE G F N'Ef R A LTE<br />
Vif ehfe malgré toutcs ces conteftations i lès principaux Seigneurs j^r^n-^<br />
prfftpal çoit y Se les ' Fénitiens , réfolurent unanimement de fecôurk<br />
H^ Véni- ^^Exis, perfuadés que le recouvrement de Coriftantinopk leur<br />
fcxFràn- fhycroit k dicmin a la conquête de k Terre-Sainte:<br />
^®^'" Us firent un Traité avec le jeune ALEXIS, les Seigneurs-<br />
Grecs y Se les Ambaffadeurs de l'Empereur PHILIPPE, qui fac-^<br />
compagnoient, par lequel les Croifés s'engagèrent demploïer<br />
tQui:es leurs Forces, pour le mettre en poffeffion du Trôné'Im-'<br />
périal, moïenant une groffe fomme dor, qu'il s'obligea de leur<br />
payer pour les fraix de leur armement. U s'engagea auffi à inï<br />
terpofà: toute fon autorité, pour porter le Patriarche de ConS'^<br />
tantinopky Se tout fôn Clergé, à fe foumettre à VEglifeRomai*<br />
ne y Sek reconnoître le Pape comme fouverain Pontife, 5e Vi-*<br />
caire de Jefus-Chrift. Ce dernier Atticle appaife les murmures*<br />
de diverfes Perfonnes, qui témoignoient du mécontentehieilt;'<br />
6c leur exempk en retint grand nombre qui vouloient s'en retourner,<br />
ou aller chercher une autre route pour paffer en Paleftine.<br />
Il n'y eut que les Comtes SIMON, Se Gui DE MôNtrôRr;<br />
avec quelques autres Seigneurs-de leur compagnie-, 6c plufîeurr<br />
Eccléfiaftiques, qu'un fcrupule plus délicat, ou quelque autre<br />
motif, fit détacher du gros de fArmée, pour s'aller embarquer<br />
dans les Ports de VApouilléy pendant "que k Marquis BONIFA<br />
CE, les Comtes de Flandres y de Blois y Se deSt.Pôly^vec tous<br />
les autres Seigneurs, 6c le courageux Doge DANDOLO, avec<br />
fes Fénitiens y fe préparoient à partk de Zara pour la fameufe<br />
entreprife de Coriftahtinoplei'<br />
1202. Tout k'monde s'étant enfin embarqué au commencement<br />
?a&t' ^^ ^^rs, on fit vofle avec un vent favorabk. Us abordèrent<br />
Mpm''' ^^^^ quelques Iles de VArchipel, où ils furent par-tout reçus<br />
coniianti-avec foumflfion. Us arrivèrent enfin devant Coriftantinopk y Se<br />
h'm'ft.^m^lh bQxàmde forcer k Port de cette fwetf^ Vflk, en<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
OE jrRtfSALÉMf ËmVIli: C«.-V1I; 4,1-<br />
coupaïit la chaîne, qui le fermoit; Us défirent enfuite THE'O<br />
DORE LASCARIS, Gendre de l'Ufurpateur, qui étoît forti<br />
avec foixante mflle Hommes, pour s'oppofer à kur débarî<br />
quement.<br />
^î«fe^i^^^5$^5îf*i^^-^V^5«^38^^^^<br />
G H API T R È^ VI I t<br />
'près ces heureux*commenceniens, îls formèrent le fîége de Article/.<br />
cette importante Place, par mer. Se par terre. U h çésfJml'nt<br />
Battirent fî vigoureufement, 60 avec tant de fuccès, qu'ALEXis j^-^5^^ ''^.<br />
en fut épouvanté.' Il n'eut pas affez-de courage, pour les attaiquer<br />
dans une fortie, qu'fl fit, -avec im fi grand nombre de<br />
Troupes, qu'fl auroit pu les enveloper de toute part, 6c peut<br />
être les obUger à regagner leurs Vaiffeaux, fî fa Uciieté ne l'eût<br />
empêché de profiter de fès préparatifs.-<br />
- Ce fcélérat, qui n'avoit que la cruauté,^ 6c point du tout k Fuite pri~<br />
valeur en partage, fit plus. Dès k même nuit, fl n'eut pas léits^rtj*<br />
honte d'abandonner la Vifle, 6c fa propre Famifle, pour s'en-Z"'"^^^'"^'<br />
fuïr, avec tout ce qu'il avoit de plus précieux. Une adion fî<br />
lâche irrita teflement les Peuples de Conftantinople , " qui craignoient<br />
déjà, que les Latins ne priffent la Vilk d'affaut, qu'ik<br />
coururent promtement à kprifon de fEmpereur ISACH , qu'ils<br />
délivrèrent. Us y enfermèrent, à fa place, la^Fémme, 5c les<br />
Enfans de fon perfécuteur; deforte que les Princes Croifés eu*^<br />
rent, en fort peu de tems. Se même'plutôt qu'ils n'auroient<br />
ofé fefpérer, la fatisfàdion de s'aquitter de leur promeffe. Se<br />
de remettre la Couronne Impériale furk tête de cdui, à qiâcUe<br />
appartenoit légitimement.<br />
' Ffft.> Ck<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
+i4< HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
Lejeune Ce cliangetnent inopkié fit cramdre aux Seigneurs Latins<br />
^iïK^à quelque foiprffe de k part des Grecs y dont k foi kur étok fuf^<br />
ifach. pede; Us conduifirent le jeune ALEXIS , comme en triomphe,<br />
dansk Ville, 6c l'affocièrent à l'Empire avec fon Père. Cependant<br />
, comme k fortune n'eft pas moins inconftante pour les<br />
Princes, que pour les autres Hommes, l'Empereur ISACH, ni<br />
ALEXIS , fon Fils, ne jouirent pas long-tems du plaifîr de leur<br />
rétabliffement, ni de la fetisfadion «d'être remontés au faîte<br />
de grandeur, dont on les avoit dépouifles.<br />
Mortd'i' ISACH, plus accablé des fouffrances, 6c des incommoditd|,'<br />
^*^^' que lui avoît caufé fa prffon, que 4^ fon âge, mourut peu de<br />
jours après; Se ALEXIS, auffi malheureux que fon Père, eut<br />
k foibleffe de s'abandonner à la feinte, Se dangereufe amitié<br />
d'ALEXis MiRTiLE , fur-nommé MURTZUPHLE , f Homme du<br />
monde le plus perfide. Se le plus fcélérat. Celui-ci, par fes<br />
mauvais confefls, par fes menées, 6c par fa cruauté, porta ce<br />
jeune Prînce, prémièrelhent à aUéner de lui f affedion des Latins<br />
y fes protedeurs, par fon peu de ponduaUté à les fatisfaire,<br />
malgré k ratification folemneUe, que fEmpereur, fon<br />
Père, avoit faîte du Traité, qu'fl avoit paffé avec eux: fecondement<br />
à foukver idPeupk contre lui, par k paiement des Sommes,<br />
qu'fl en exigea, pour s'aquitter envers les Croifés. Ce<br />
i^iexig MURTZUPHLE trouva enfin k moïen, par fes cabales criminel-<br />
Mur u-^ ks, de fe rendre maître de la vie, 6c du Trône de ce Prince<br />
phie. infortuné , qu'fl eut k cruauté d'étouffer lui même dans ua<br />
cachot, où il favoit fait enfermer.<br />
Après cctte aétion barbare, fl s'empara de fautorité Souveraine,<br />
Se de l'Empire; Mais, comme plufîeurs Ecrivains ont<br />
parlé de la manière, dont fl le fit, je me difpenfe de faire id<br />
un plus ample détail des ckconftances, qui ont jarécédé cette<br />
catafirophe, qui d'aiUeurs m'auroit'trop écarté du fujet prindpal,que<br />
je me fuis propofe, en écrivant VHiftoire des Roïau*<br />
mes de Chypre y de Jérufakm, Se d'Egvpte,<br />
U<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
©E JE'RUSALEM Lm VHI. CH. VIH.' 41?<br />
La nouveUe ùfurpation, 6c la tirannie du déteftable, 6c ArtîcieZfc<br />
perfide MURTZUPHLE , donna occafion aux Croifés de s'emparer<br />
pour eux mêmes de la ViUe Impériak. Les Empereurs<br />
dOrient y avoient étabU leur fîége depuis plufîeurs<br />
Siècles, à caufe de fa fîtuation fingulière, fa grandeur, k<br />
magnificence de fes Edifices, le nombre prodigieux de fes<br />
Habîtans, rextraodmaîre abondance de tout ce qui eft né*<br />
ceffaire à la vie, fes incomparables dehors, qui font jouïr<br />
de k commodité de deux mers, 6c des confins des deux plus<br />
belks parties du Monde ; 6c , enfin, par tant d^avantages,<br />
qui la font regarder comme un Ueu deftiné à dominer le<br />
pefte de f Univers. Je ne puis m'empêcher dé raporter la<br />
manière, dont les Croifés en firent la conquête, Se comment<br />
les François eurent l'honneur d'être élevés fur ce Trô*<br />
ne, dès que les principaux d'entre eux. Se le Doge deFé*<br />
nife furent informés de k mort tragique du jeune ALEXIS;<br />
6c du peu d'apparence, que fon affaffin , qui s'étoit fait<br />
proclamer Empereur, accomplît k Traité, qu'ils avoient fait<br />
avec lui.<br />
Tous ces changemens, contraires aux intérêts des Se\- Defcriptim^<br />
gneurs Croifés, les firent réfoudre à différer encore leur ^J J^<br />
paffage en Pakfiine, pour vanger la mort de celui qu'fls ^^^^'<br />
avoîent rétabli fur le Trône, Se punk f Uforpateur, qui s'en<br />
étoit emparé, par un crime fi énorme. Us vouloient, en<br />
même-tems, fe payer, par leurs propres mains, des fom^<br />
mes, qui leur étoient encore dues. Ils recommencèrent<br />
donc à battre la Place, par mer , 6c par terre. Qiiantité<br />
dc Seigneurs François, Se Fénitiens, fe diftînguèrent par<br />
dès adions dignes de mémoire. Les Grecs ne fe défendoient<br />
pas, avec moins de bravoure. Se de fermeté, qu'fls étoient<br />
attaqués; Mais, enfui, après plufieurs furieux affauts, ks<br />
Latins remportèrent un grand avantage fur MURTZUPHLE,<br />
qui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^i6 H I1S T 0 1 RE G E' N E' R A L li<br />
qui étoit forti, avec fes meiUeures Troupes , pour ks furprendre;<br />
De forte que ceTraitre, n'ofant plui rentrer dans<br />
la ViUe , prit une fuite.auffiprécipkéç, que,l'avoit fak k<br />
vieux ALEXIS.<br />
Le mauvais fuccès, 6c la fuite du Chef, cauferent du désordre<br />
parmi les Affiégés.- Les Croifés forcèrent ks murailles,<br />
Se fe rendirent entièrement maîtres de la ViUe , malgré les<br />
efforts de T H E'O D aR E LAS CAR I s , que le Peuple en<br />
tumulte avoit proclamé Empereur, vOn vit d'abord le desr<br />
prdre, _6e la confufion^, qui, arrivent ordinairement dani<br />
•une Ville prife ^d'affaut, où l'avidité du piUage met tou(,f<br />
une Armée en un furieux mouvement ; Et tout aUoit être<br />
houleverfé, fans ^ l'ej^traordinairé attention des Cliefs, qui<br />
emp_êçlièrent févèrement .ja violence, 6c les excès, tant par<br />
raport à leur honneur, qu'à fintérêt, qu'ils avoientjde couronner<br />
leur vidoire, en confervant à leur dévotion la première<br />
Vifle de fEmpirç.<br />
Us n'en eurej^t pas plutôt pris poffeffion , qu'fls fongèrent<br />
à f éledion d'un Souverain , qui la gouvernât Six<br />
Seigneius François y Se un pareil nombre de Fénitiens, furent<br />
chargés de'ce foin. On n'en tr-ouve pas les Noms<br />
dans les Hiftoires; mais .les deux Nations furent également<br />
fatisfaites de la prudence de ces Ekdeucs. Ils s'affemblèrent,<br />
5e raifonnèrent long - tems fur une affaire , auffi gra^<br />
ve, qu'importante ; puisqu'il s'agiffoit d'un Empire, 5c dc<br />
choifir un Sujet capabk ,de k conferver. Us ne forent cependant<br />
fufpendus for ce choix, qu'entre BONIFACE de<br />
MONTFERRAT, Se BAUDOUIN DE COURTENAI,<br />
Comte de Flandres, C'étoient, fans contredit, les plus capables<br />
, 6c les plus en état de k défendre. Enfm, tout<br />
^ien confidéré , îls fe déterminèrent en faveur de BAU<br />
DOUIN, qui, quelques jours après, reçoit la Couronne Impéria*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. VIIL CIL VIIL 417<br />
périale, avec un appkudiffement général de toute l'Armée,<br />
dans le célèbre Temple de Ste. Sophie.<br />
Afin de donner quelque fetisfadion au Pape , qui avoit<br />
témoigné du mécontentement par raport à fentreprife de<br />
Coriftantinopk , 6c au retardement de la Guerre Sainte, les<br />
mêmes Ekdeurs nommèrent THOMAS MOROSIN, Noble<br />
Fénitien y Patriarche de cette Capitale. Le St. Père y qui<br />
prétendoit , que cette nomination n'appartenoit qu'à lui<br />
feul, la dédara nufle , lorsqu'fl en reçut k nouveUe. U<br />
s'en contenta pourtant enfuite, 5c la confirma. Voflà comment<br />
l'Empire dOrient , que le Grand CONSTANTIN*|'^|^''^<br />
avoit fondé, environ 8jo. ans auparavant, paffa des Gr^rj Grèque â<br />
aux François y Se comment l'Eglife Grèque fut réunie à k^^'^*^*<br />
Latine*,.après le long fchifme, qui fen avoit féparée.<br />
Ggg<br />
HIS.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Article X ^^<br />
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
ROÏAUMES<br />
D E<br />
CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />
D' É G^ Y P T R<br />
1 IV RE IX.<br />
CHAPITRE PR E M ÎER,<br />
ç^^^o^g^^'Empire fut donc déféré à BAUDOUIN,<br />
^3!?^«::Ï!F^JRWI?^^ Comte de Flandres, Comme les Fénitiens<br />
Itêlliffe- ^^§ T ^ 3 ^^^^^^^ notablement contribué à fa conquêmentdef$^<br />
JL :^5t!> te, le nouvel Empereur n'eut pas beaucoup<br />
Baudouin»<br />
Cmte dg ^^-ëJ?^^ On convkit, qu'ils auroient à Conftantino-<br />
Flandres,<br />
Ëinpërtîtr'. . '^ pk y Se dans toutes les autres Vifles de<br />
l'Empke, un quartier, qui kur appartiendroit en propre, 6c<br />
dans<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
HISTCflRE GE'NE'R. DE JE'RUSALEM.Lir.IX.Cal. 419<br />
dans* lequel ils pourroient vivre felon leur loix , Se exercer<br />
tous les ades d'une entière Souveraineté fur les Qabitans. Ceft<br />
ce que SANSOVIN , dans fon Hifloire y appelle trois parties de<br />
huit de tout l'Empire; 5c d'autres Hiftoriens de Fénife y Q^rta<br />
pars y cum dimidiay Imperii Romani y h. quatrième partie, 6c une<br />
demie, de l'Empire Romain,<br />
On doit ici corriger, en paffant, une erreur, dans laqueUe Remriue*<br />
quelques-uns font tombés, parce qu'fls ont cru, que,lors qu'on "Jc^ew.<br />
trouve, dans l'Hiftoire de/7/2//^, certains Nobles, avec le titre de<br />
Podeftat de Conftantinopky fl failoit croire, qu'ils avoient exercé<br />
cette Charge dans toute la Ville de Conflantinople. Leur<br />
jurisdidion ne s^étendoit que dans ce quartier de k Ville, où<br />
habitoient les Fénitiens y qui, félon f ufage des Vifles d Italie y<br />
envoïoiént un Podeftat, lequel, à la vérité, étoit un Magiftrat,<br />
tant pour le Civfl, que pour le Criminel, mais dont fauç^rité<br />
ne s'étendoit que fur les Sujets de la République, Se cela pour<br />
un tems limité. ^<br />
On trouve même dans quelques Manufcrits des Chroniques<br />
de Fénife y " que, nonobfïant cet établiffement de l'Empire,<br />
„ en la perfonne de BAUDOUIN, les Fénitiens mirent en déUbé-<br />
„ ration , s'fls transporteroient le fiége de kur RépubUque à<br />
J, Conftantinople. Cependant, comme il n'y a aucune apparence,<br />
qu'ils vouluffent aller réfider k Conftantinople y pour y<br />
exercer leur fouveraineté dans cette feule partie de la Ville, qui<br />
kur appartenoit, fl faut fuppofer, que leur deffein étoit de fe<br />
faifir du refte. Se de l'Empke même; ce qui leur devoit paroître<br />
fadk, 6c qu'fls auroient peut-être mis en exécudon, fi les<br />
révolutions qui furvinrent bientôt après, Se qui donnèrent de<br />
grands embarras aux Sueceffeurs de BAUDOUIN, n'euffent détour*<br />
né ks Fénitiens de ce projet.<br />
Le Doge DANDOLO, condnuant fon f^our à Conftantinopk y Article//.<br />
acquit, par Traité , figné le 12. Aoiit 120$*. de BONIFACE,<br />
Marqms de Monferraty file, 5c Roïaume de Candie y dont ce-<br />
Ggg 2 lui-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4.20 H I S T O I R E G E' N E' RALE<br />
lui-ci étoit en poffeffion, dépuis que fes Prédéceffeurs, qui s'é-i<br />
toient emploies à la Guerre Sainte, 6e à la conquête de Jérufakmy<br />
avoient trouvé le moïen de s'en rendre maîtres. SAN<br />
SOVIN prétend, " que le Marquis de Montferrat étoit devenu<br />
5, Maître de C^/w//^, parce qu'fl étoit Oncle de fEmpereur<br />
„ ALEXIS, que les Z^//m remirent fur le Trône de Confitantim*<br />
yy pie; Et que celui-ci la lui avoit donnée. En effet, quelquesuns<br />
écrivent, " que ce Marquis, qui étoit un des Chefs des Croi*<br />
yy fiés y pour f entreprffe de h Paleftine y avoit époufé la Veuve<br />
„ de l'Empereur ISACH, Père de ce jeune Prince; Mais fl eft<br />
vrai auffi, que celui-ci vécut fi peu depuis fon rétabliffement,<br />
qu'on ne fauroit croire, qu'il eût eu le tems de donner aucune<br />
récompenfe au-Marquis> à titre de Neveu, puisqu'fl ne furvécut<br />
à fon Père que de quelques jours.. Se peut-être de quel-»<br />
ques ^eures feulement. -<br />
Dindoio u eft> plus vraifemblable , comme f écrivent d'autres Hifto-'<br />
r/ïïr ^^^^^ > ^^^ ^^^ Latins vidorieux aïent partagé entre eux les dé*<br />
Candie, pouflles de l'Empire Grec; Qye le Roïaume de Theffalie foit<br />
^JWN échu à BONIFACE, à qui ils avoient peut-être déjà affigné celui<br />
^maumede de Candie y en confidération du mariage de fa Soeur JORDAI-<br />
ThcHkiie. NE, promifeau jeune ALEXIS, mais quine put être exécuté;<br />
Et que cette féconde difpofition, d'échanger le Roïaume detodie<br />
avec celui de Theffalieykit été néceffaire, pour contenter les<br />
Fénitiens y que file de Candie accommodoit. ^<br />
Les Fénitiens 'àcc^irenty dans cette occafîon,non feulement<br />
rUe de Candie; mais, avec la quatrième partk de la Vflle de<br />
Coriftantinopk y un nombre confîdérable d'autres Vilks, Terres,<br />
Se Iles de f Empire. Il eft vrai que les Princes Gr^rJ, chaffés<br />
de leur fiége-, s'en allèrent, partie à Trébifonde y fur la Mer^<br />
Noire; partie à Nicée y en BithinrCy ou en d'autres Vflles dc<br />
VAfie mineure y Se y confervèrent le nom, 6c le caradère d'Empereurs;<br />
Mais, pour les Provinces de l'Empire, qui étoient en<br />
EuropCy elles reçurent toutes la loi des vainqueurs,65 furent k<br />
prp:,6c k partage de kur Vidoke, - * I^s<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
OE JE'RUSALEM. Lïv. IX. CH. L i^it]<br />
Les Hiftoriens de Fénife veulent, que leur part fut k Vflle<br />
d* Andrinople y une partie de la Romanie, les Iles de Nègrepont y<br />
partie des Cyclades, Se quelques autres Iks de Y Archipel y celles
422 HISTOIRE GE'NE'R AL E<br />
tre Nobleffe Françoife y Se Flamande y tous bien accompagnés,<br />
leur voïage fut presqu'entièrement infrudueux. Au lieu d'aider<br />
le Roi ALME'RIC à repouffcr ks Sarrafins y qui défoloieot<br />
k pays des Chrétiens y Se c^ faffoient des ravages jufqu'aux portes<br />
de Ptolomaïde y la plupart de ces Seigneurs prirent le parti<br />
de BOÉMOND d'iBELiN, Comte de Tripoliy contre LIVON, Roi<br />
d'Arménie y qui lui faffoit la guerre pour la Principauté dAntioche<br />
y que ce Comte avoit reçu en héritage du feu Prince BOÈ-<br />
1204. MOND, au préjudice de RUPIN, fon Petit-Fils, 5c contre le Traité,<br />
qui avoit été fait avec le même LIVON.<br />
Qui plus eft, les Croifés eurent le malheur d'être furpris par<br />
les Infidèles y en allant fecourir le Comte dc Tripoli. Ils furent<br />
non feulement défaits ; Mais Pépouvante fe mit auffi teUemeot<br />
parmi ceux qui s'étoient échappés, qu'ils fe rembarquèrent avec<br />
Nowjeaux précîpîtation pour VEurope ; de forte que les Comtes de Mont'<br />
Croifés font y Se de Salisburi y tout grands Capitaines, 6e tout remplis<br />
lesstnt^ de zélé, qu'ils étoient pour le recouvrement des Saints lieux,<br />
fiûs. fg trouvèrent abfolument hors d'état de rien entreprendre;fok,<br />
par raport au peu de monde, qui leur reftoit; foit, par raport<br />
à la maladie, qui fe mit parmi leurs Troupes, 6c qui en emporta<br />
la plupart.<br />
A Pégard de ceux quî avoient fait la conquête de Conftantinopk<br />
y bien loin d'accomplir leurs Vœux, ils furent obligés de demeurer<br />
auprès dû nouvel Empereur, pour faider à réduire les<br />
deux Ufurpateurs ALEXIS, 6e MURTZUPHLE, qui s'étoient récoignés<br />
dans les Villes de la Thrace y où fls faifoient feparément<br />
tous leurs efforts pour en chaffer les Latins.<br />
Mort de . BAUDOUIN fut malheureufemcnt tué, avant la fin de k prétué^par^ies<br />
mîêre année de fon règne, dans une embufcade, que les Grecs<br />
un^^uf- ^"^ ^voient dreffée, lorfqu'fl afloit affiéger la Vifle dAndrinoplcy<br />
fade. où ALEXIS, Se THE'ODORE LASCARIS, fon Gendre, s'étoient<br />
retii'és avec leurs principaux adhérens. HENRI, fon Frère, fut<br />
d'abord falué Empereur à fa pkce. Comme ce Prince avoit befoia<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. LiV.lX. CILL 423<br />
fom d'affiftance, fl engagea le Cardinal de ST.MARCEL , Légat du<br />
Pape, qui, à la foflicitation de BAUDOUIN, avok quitté laP^leftiney<br />
pour venir à Conftantinople y à abfoudre les Croifés du<br />
voïage dc la Terre-Sainte, Ce Prélat k fit faf\s héfiter, pour conferver<br />
aux Latins une conquête fi importante, 6c où k St, Siège<br />
reprenoît fautorité qu'fl avoît perdue.<br />
Le Légat fit plus. Afin d'encourager les Croifés y fl ajouta,<br />
à f abfolurion du vœu, des indulgences pléniaîres, 5e k remiffion<br />
de tous les péchés, à tous ceux qui demeureroient encore un'<br />
an entier au fervice du nouvel Empereur. U n'en faloit pas<br />
tant, pour détourner les Croifiés de leur première entreprffe.<br />
Us n'en étoient déjà que trop rébutés par les incommodités, 6c<br />
les disgrâces qui étoknt arrivées à ceux qui favoient pourfuivie.<br />
Cek, joint aux occupations, que donnoient à BONIFACE<br />
DEMONFERRAT, aux Fénitiens y au Comte de Blois y au Sei^gneur<br />
de ChamplilCy Sek plufieurs autres des plus confidérables<br />
Seigneurs Croifés y les arrangemens néceffaires dans les Provinces,<br />
dansks ViUes, 6c dans les Iles, qui leur étoient échues<br />
en partage après la prffe de Conftantinople, pour fe ks conferver;<br />
Ces embarras, dis-je,furent caufe,que perfonne ne fongea<br />
plus à la Paleftine, ni à la délivrance du St. Sépulcre.<br />
La conquête de PEmpire dOrient y que tous les Chrétiens Conquête de<br />
d''Europe y Se du Levant y s'étoient flattés devoir immanquable- nopiTn^'<br />
ment kur procurer le recouvrement de hPakftiney penfe au/Wff4iu*<br />
contraire, caufer fentière perte de ce qu'ils y poffédoient ; Car, deiWûal<br />
outre que le petit nombre de CroiJéSy qui furent de ce voïage, '^"^•<br />
n'y fit aucun progrès , la plupart des ChrétienSy qui l'habitoient,<br />
ne furent pas plutôt aflurés de l'étabUffement des Latins<br />
à Conftantinopk y qu'ils partirent pour s'y aller établir; deforte<br />
que la Paleftine demeura prefque déferte, Se le Roi ÀLi^fE'Ric<br />
fi foible, que les Sarrafins l'en auroient facflemént chaffe, ou<br />
«nvahi fes Etats, s'fls l'avoient entreprk.<br />
Aufll,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
+24. H I S T O I R E GE'NFRALE<br />
Article///. Aulïi, n'aïant pu profiter de leur désunion, comme fl favoit<br />
Trivd- ^ÎP^^> il s'eftima heureux de pouvoir conclure avec eux une<br />
fix ans, " TrèvC de fix ans. Il fe flattoit, que, pendant cc tems-là, les<br />
«dSes!^° Latins s'affermiroient entièrement dans PEmpire de Grèce y Se<br />
que le Pape, qui avoît témoigné tant d'ardeur. Se d'empreffement<br />
pour la déUvrance des Saints Ueux, engageroit les Puiffances<br />
Chrétiennes dans une nouveUe Croifade y qui lui feroit plus<br />
utile, que .toutes ks précédentes ; d'autant plus que Jes Armées<br />
ne rencontreroient plus les obftacles, que leur avoit fufcité la<br />
malignité des Grecs,; Mais la mort, qui fe joue des projets des<br />
Hommes, qudque élevés qu'ils foient, ne permit à ce Prince,<br />
ni de voir aucune nouvelle Croifade , ni j'affermiffement des<br />
François k Conftantinople,<br />
Mirtd'Ai' U mourut k Ptolomaïde y foit de maladie naturelle,, ou, com-<br />
""^*^' me quelques-uns k prétendirent, de la douleur, qxCilconçut<br />
de là mort d'un Ffls, nommé AMARIN , qu'il avoit eu de la Reine<br />
ISABELLE , 6c qui auroit dû lui fuccéder, 6c conferver à la '<br />
Maifon de LUZIGNAN la Couronne de Jérufalem. U ne refta de<br />
fon mariage avec ISABELLE, que deu^c Filles, dont l'une,nommée<br />
SYBILE, fut enfuite mariée avec LIVON, Roi d Arménie y<br />
Se la cadete, ME'LISANTE, à RAIMOND-RUPIN fon Petit-Neveu,<br />
Se alors Prince dAntioche. C'eft de ce mariage que naquît la<br />
Princeffe MARIE, qui donna, dans la fuite, tant de peine au Roi<br />
de Chypre y Se de Jérufakmy en renonçant en faveur de CHAR<br />
LES d'ÀNjoir, aux droits qu'elk prétendoit avoîr for ce dernier<br />
Roïaume.<br />
syncerps Lcs Barous ChypTiots n'aprirent pas plutôt la.mort de leur<br />
3y'J*4 Souveram, qu'ils envoïèrent une célèbre Ambaffade à//ote/»r<br />
f^nta/ de y pour demander fon corps, qu'fls transportèrent k'Nicofie y<br />
' ^^° ^* en grande cérémonie. U fut pompeufement mhumé dans l'EgUfe<br />
Cathédrale de cette Ville, très-régretté de tous fes Sujets.<br />
HUGUES, fon Fîls aîné, lui fuccéda àla Couronne dc C^y?f
DE JE'RUSALEM. LIV. IX. CH.I^ Ifsf<br />
Oimme fon âge ne lui permettoit point encore de gouverner<br />
l'Etat par lui même, k Cour fupérieure, fuivant les Loix, en<br />
donna f adminfftration à GAUTIER DE MONTBEILLARD , fon<br />
Beau-Frère, qui, fens confidérer l'intérêt, qu'fl avoît à fe bien rjdminisacquiter<br />
de cette importante Charge, en confervant les biens^^'^^"^^^<br />
de k Couronne, l'opulence. Se le bon ordre dans le Roïaume, ^^ ,^**<br />
s'attacha au contraire à l'opprimer, pour fetisfeire à f avarice Montbeiifordîde,qui<br />
le dominoit. Se qui,dans cette occafion,luî fit en-1"*^'<br />
tièrement oubUer fon devoir, 6e fon honneur, par des adions<br />
très-indignes de fe naiflance, Se très-oppofées à fentière confiance,<br />
que la Cour avoit eue en lui.<br />
. GAUTIER ne fe contenta pas feulement de charger les Peu- Artide/r.<br />
pies de nouveaux Impôts, de rendre les Charges vénales, SeQ^^^^ç^<br />
d'exiger de Pargent par tous les moïens, dont il pouvoit s'avi-/"'"^*'»'"^*<br />
fer, 6c qu'fl détournoit à fon profit particuUer. U eut encore 4f^t éiêla<br />
mafice dc fake élever k jeuneRoi dans un Château, fous V^é-^aJ^^<br />
texte qu'fl s'y appUqueroît mieux à l'étude, mais, en effet, pour Cbdtet», •<br />
l'éloigner entièrement de la connoifïance des affaires, 6c le rendre<br />
comme incapabk de les r^ir par lui-même.<br />
Qudque kijufte, 6c quelque préjudiciable, que fut cette condmte,<br />
on fe contentoit cependant d'en murmurer, fans que<br />
perfonne ofât entreprendre d'y remédier;tant le Régent s'étoit<br />
rendu redoutable. Se avoit affermi fon autorité.<br />
Quelque-tems après la mort du Roi ALME'RIC, le Maître du<br />
Hofpitaliers rapelk les Chevaliers, Se les Troupes, qu'fl avoit<br />
envoïés dans les Fortereffes de Chypre y tant par raport au<br />
changement du gouvernement, que pour affranchk fon Ordre<br />
de k dépenfe, que lui caufoit cette commiffion. Ce Maître<br />
mourut prefque dans le même-tems à Ptolomaîdey Se eut pour<br />
Succeffeur le ChevaUer GUE'RIN DE MONTAGU. La Reme ISA<br />
BELLE décéda auffi en ce tems-k, quoi qu'en dife k Père LU<br />
ZIGNAN, qui fait m.ourk cette Rekie avant k Roi ALME'RIC;<br />
&qui veut, que ce Prmce quitta k/'/^Z^/w^ à l'arrivée DE JEAN DE<br />
Hhh BRIEX-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
426 HISTOLRE G E'N E'R A L JS<br />
BRIENNE, 6C le fait paffer en Chypre ^Lyrec fes detix Fflûes, où îl<br />
dit qu'fl mourut peu de tems après fon retour. Il y a apparen?<br />
ce, que cet Hiftorien s'eft trompé, en fuivant PAUL EMILE,<br />
SE'BE'LIQUE, TRACAGNOTA , 6c le Continuateur de la Guerre*<br />
Sainte y qui font de ce fentiment, 6c qui, dans cette occafion».<br />
ont affurément erré, comme fl paroît pas une Lettre, qui fe<br />
trouve dans la BibUothèque Faticane. EUe eft du Pape INNO<br />
CENT IIL 6c addreffée aux Evêques de Paris y Se d'Orléans Van<br />
1206, le huitième de fon Pontificat. Le St, Père y f^t une longue<br />
narration du pitoïable état, auquel la mort du Roi ALME!-<br />
Ric, arrivée l'année précédente, rèduifoit les Chrétiens delà<br />
Terre-Sainte y par le bas âge du Prince, fon Fils, qui devoit lui<br />
fucééder, 6c par le décès du Patriarche de Jérufakm, Pertes,<br />
qui laiffoient ce pauvre Pays fans gouvernement fpirituej, ni<br />
temporel. C'eft pourquoi, le Pontffe ordonnoit à ces Prélatsde<br />
prier. Se d'exiiorter,de fa part,k Roi PHILIPPE à y envoïer<br />
promtement quelque fecours. *<br />
Remarques ^ Qcttc Lettre du St, Père étant une pièce autentique. Se mfur<br />
Terreur couteftable, uc kflfc aucunUcu de douter de f erreur decesHis-»^<br />
M^oliens. toriens. Elle prouve clairement, que le Roi ALME'RIC, bien loin<br />
d'être mort, comme fls l'avancent, après l'ékdion de JEAN DE<br />
BRIENNE, étoit mort plus de trois ans, avant qu'on parlât de marier<br />
la Princeffe, 5c de donner la Couronne de Jérufalem kco^<br />
Seigneur. Pareifles fautes arrivent affèz fouvent aux meflleurs<br />
Auteurs, pour fuivre, avec trop peu de précaution, le fentiment<br />
de ceux qui ont écrit avant eux.<br />
La Reine ISABELLE avoit déckré héritière du Roïaume MA^I^<br />
RIE, fa Fflle aînée, qu'efle avoit eue de fon fecond mariage avec<br />
CONRAD,Marquis de Montferrat, Elk avoit recommandéparticulièrement<br />
cette jeune Princeffe aux ChevaUers de VHopitaly<br />
Se du Tempky pour les engager à défendre fes Etats,avec plus<br />
de chaleur,, pendant qu'ils demeureroient fans Chef. Ce qui mit<br />
ks deux Maîtres de ces Ordres, quoique d'aifleurs très-peu unis,<br />
dans<br />
.x<<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv.IX. CH.L 4.2?<br />
dans un égal embarras. Us craignoient toujours, que, s'fl arrivoit<br />
quelque désordre, avant qu'efle fiit étabUe, on ne leur<br />
cn attribuât'la faute. Us reconnoiffoient auffi, que les Seigneurs<br />
du Pays, qui aspiroient à fon AUiance, commençoient<br />
à y caufer des divifions. Pour prévenk de plus grands malheurs<br />
, ces Chevaliers écrivirent conjointement au Souverain<br />
Pontffe; le fopplîant d'interpofer fon autorité, pour lui choifir<br />
un Epoux, quî fût digne de porter la Couronne de Jérufakmy<br />
afin d'éviter les inconveniens fâcheux, qui pourroient<br />
naître de fémuktion , 6c de la jaloufie des Seigneurs du<br />
Roiaume, qui afpiroient à cette Dignité, 6c qui ne paroif^<br />
foient pas difpofes à fe rien céder entre eux.<br />
C H A P I T R E IL<br />
Si les Maîtres des Ordres Mflitaires agirent de fi bonne in- Article /.<br />
telUgence dans cette affaire, fl n'en fut pas de même pour "^^*<br />
cefle qui fe réveiUa entre LiyoN,. Roî d Arménie y qui foûtenoit<br />
lè parti de RAIMOND-RUPIN, fon Petit-Neveu, Se BOËMOND,<br />
Comte de Tripoli, au fujet de la Principauté dAntioche y que<br />
fun, 6c l'autre prétendoient leur appartenir; Car les Hofpitaliers<br />
y folUcités par k Pape même, fe rangèrent dabord du côté<br />
du Roi d Arménie y Se de fon Neveu; Se les Templiers y fuivant<br />
leur coutume t)rdinaîre, de prendre toujours le contre-pié,<br />
époufèi-ent inceffamment le parti du Comte.<br />
Une guerre fi dangereufe entre une poignée de Chrétiens^<br />
qui reftoient en Syrie, faflUt à les perdre entièrement, puisqu'eUe<br />
diminuoit toujours leurs forces, 6c procuroit aux Infidèles<br />
les moiens de les en chaffer. Cette dffcorde dura deux ans,<br />
au bout desquels k Comte de Tripoli fut contraint de céder,<br />
Hhh 1 Se<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
428 HLSTOIRË GE'NE'RALË:<br />
6c de kiffer à RAIMOND-RUPIN la fibre poffeffion de la Principauté<br />
dAntioche,<br />
/.«Turcs, A peme ces démêlés furent terminés, que tous les Chrétiens<br />
ures, bat-de k Syric fe trouvèrent obligés de reprendre les armes, pour<br />
««wAr- s'oppofer à finvafîon que firent ks Turcs dans le Roïaume d'^rménie.<br />
Ces Peuples, qui, après avok long-tems poffédé la P^,<br />
dont ils avoient chaffe les Sarrafins y & que les Tartares Mogols<br />
leur firent quitter à leur tour, reprkent leur première vigueur,<br />
fous le fege. Se prudent gouvernement dc DUZALPE,<br />
qu'ils avoîent élu pour leur Chef, ainfî que je Pai raporté au<br />
III. Livre de cette Hiftoire. Et fls firent de fi grands progrès<br />
contre les Grecs, fous la conduite d'A u G u z A L p E , fon Ffls,<br />
qu'fls le mirent en état de fe répandre dans VAfie-Mneure,<br />
Comme fls ne ravageoient pas, avec moflis de foreur, les Pays<br />
des Chrétiens de h Syrie yil attaquèrent VArménie y pendant o^e<br />
le Roi LIVON étoit occupé des affaires dAntioche, U eft vrai,<br />
que la promte affiftance, qu'fl reçut des Chrétiens de la Terre^<br />
Sainte y Se princip^emetit des Hofpitaliers y empêcha les Infidèle<br />
s d'y faire de grands progrès. Au lieu de pouvoir piUcr, Se<br />
ravager cet Etat, comme ils s'en étoient flattés, fls y furent<br />
teflement battus en diverfes rencontres, 6c y perdirent tant de<br />
monde, qu'fls furent obligés de l'abandonner, 6c d'aUer cher-<br />
1209. cher fortune aiUeurs.<br />
LIVON, qui étoit un Prînce généreux 6c reconnoiffant, fut<br />
C fenfibk au fervice que lui avoient rendu ks Hofpitaliers, y qu'il<br />
donna la Vflle de Selef k leur Religion. U y ajouta enfuite deux<br />
. Vflïages voffms, Pun nommé Clmteauneufy Se VmtreCamardo.<br />
U fit favok cette donation au Pape,' afin de lui-marquer toujours,<br />
déplus, en'tplusyf^fourniffxon ^uSt,Siège, \jeSt,Père<br />
l'approuvas 6c k loua fort de fon zèle, par un Bref, qu'il lui<br />
fit expédier k 5. Août de fannée 1211. qui fut la XIIL de fon<br />
Pontificat. Ce Bref fe trouve dans les Regitres d'IwNOCENT IIL<br />
à k Bibliothèque Fatiçanc.<br />
Cesi<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. Lir. DC. CH. IL 4.2^<br />
Ces troubles n'empêchèrent pas ks Maîtres des Ordres Mi-Article a<br />
ficaires de s'emploïer, 6c d'agir avec dextérité auprès des Seigneurs<br />
de k Paleftine y qui ne pouvoient fe réfoudre à avoîr un<br />
d'entre eux pour Sôuveram. Us les firent enfin déterminer à<br />
envoïer, d'un commun corffentement, des Ambaffadeurs au Pape,<br />
6e au Roî de France, pour les prier de leur donner un<br />
Roi, qui fut capabk de gouverner, 6c de maintenir im Roïaume,<br />
aulfi affoibU,6c autant expofé aux infoltes des InfidèkSy que<br />
fétoit celui de Jérufakmy Se pour la confervation duquel fls<br />
avoient la bonté de s'iiitéreffer fi fort.<br />
INNOCENT, 6C PHILIPPE, reçurent ces Miniftres fort gracku-Jean de<br />
fement. Parmi les Seigneurs François y qui auroient mérité cet-p"uphfn<br />
te haute Dignité, fls préférèrent le Comte JEAN DE BRIENNE,.*^ienqu'on<br />
nommoit le Dauphin de Fienne en Dauphinéy Se quipaf-iiMrfejéfoit<br />
pour k plus brave, 6c k plus expérimenté Capitaine de fom'"^^^"*<br />
tems. Après avok accepté cet honneur. Se témoigné beaucoup<br />
de reconnoiffance au Souverain Pontife, 6c au Roi PHILIPPE-<br />
AUGUSTE , ce Seigneur mit inceffamment ordire à fes affairesdomefiiques,<br />
dont fl donna k fom à un de fes Frères, 6c partit^<br />
en compagnie des Ambafladeurs, pour fe tendrtkRome. U étoit<br />
accompagné du peu de Troupes, qu'fl avoît pu lever de fe&<br />
propres deniers, ou de quelque fomme que k Roi lui avoit fait<br />
compter.<br />
Le Pape le reçut avec de grands témoignages d'honneur 6c<br />
d'affedion. U lui donna, avec fa bénédidion, un petit fecours<br />
d'argent, 6c Pexhorta à partir le plutôt qu'fl feroît poffibk. Sa<br />
prefence étoit d'autant plus .néceffaire à la Pakftinéy que les<br />
Maîtres des Ordres MiUtaires lui avoient écrit, que SAFFAMN<br />
avoit fait bâtir une Fortereffe fur k Mont Thabor y pour-être<br />
plus à portée d'infulter les Chrétiens y Se qu'fl faffoit des préparatifs<br />
extraordkiakes, qui,felon ks apparences,étoient dçftinés.<br />
contre eux.<br />
Hhh 3 Lc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
430 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
nferenià Lc Comtc de Brienne y qui y en époufent la Princeffe MARiBi<br />
Vénife. ^ çj^ acceptant la Couronne de Jérufalem, avoit réfolu d'eAploïer,jufqu'à<br />
la dernière gouce de fon fang, pour la conferver,<br />
paffa promtement à Vénife, Sans 5'arrêter à k magnifique réception,<br />
6e aux Fêtes, que lui avoit préparé le Sénat, fl s'y<br />
embarqua d'abord fur k Flotte de la République, avec le peu dc<br />
Cavalerie, 5c d'Infanterie, qu'fl avoit. U ^hord?i k Conftantinopk^<br />
où fEmpereur HENRI le reçut avec beaucoup dc diftindion.<br />
Se luî fit tous les honneurs imaginables. Il arriva enfin à Ptolomaîdey<br />
le 5. Septembre de cette même année 120p. Le$ Peuples,<br />
qui l'attendoient avec une extrême impatience, s'étoient<br />
propofe de lui donner, pendant quelque tems, des Fêtes Se des<br />
Réjouiflances. Mais ce Prince, qui étoit entièrement occupé<br />
des affaires de PEtat, ne penfa qu'à s'en faire promtement informer.<br />
Il n'en eut pas plutôt pris connoiffance, qu'fl fe rendk à<br />
Tyr avec la Reine MARIE , accompagné de toute la Nobleffe du<br />
Pays. Ils y célébrèrent leurs Noces, 6c leur Couronnement,<br />
avec une magnificence vraiment Roïale, le 30.,du même mois<br />
de Septenibre.<br />
-SonCoHron- Cependant, quelque empreffemènt, qu'eût ce nouveau Sou-<br />
/.Twlr"/? verain, d'attaquer les Infidèles y ils avoient fi bien pris leurs me-<br />
' ee,àTyï. fures,qu'ils le prévinrent eux-mêmes, 6c entreprirent de l'affiéger<br />
dans Ptolomaîdey où fl doit retourné avec toute fa Cour.<br />
Les guerres inteflines, qui avoient fî.long-tems agité les Bar-:<br />
haresy après la mort de SALADIN, s'étoient enfin terminéea<br />
après celle de SAFFADIN, fon Frère. Us étoient convenus, que<br />
LesinMe- NoRADiN, Fils du premier, demeureroit Soudan dAlep;Se les<br />
Jttlqueni deux Ffls du fecond, dont Pun fe nommoit CORADIN, 6C Pau-<br />
^çat^' tre M^^E'LE'DIN, feroient, le premier Maître du Roïaume de<br />
V Damas y 6c k fecond de celui d'^j;)(p/^.<br />
Cet accommodement termina toutes leurs difcordes. CORAnmp<br />
qui étoit le plus ambkieux, 6c k plus entreprenant, mît<br />
d'abord<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm IX. CH. IL ^u<br />
d'abord une puiflance Armée fer pié, avec kquefle il marcha<br />
vers ptolomaîdey où fl fe fkttoit de furprendre les Chrétiens y<br />
encore occupés des réjouiffances du mariage, 6c du couronnement<br />
de leurs Souverams.<br />
Aux premiers avis que k Roi ,reçut de fon mouvement, il<br />
fortit en campagne, avec toutes fes Forces, 6c cefles des Ordres<br />
Mflitaires; mais efles étoient ejitrêmèment inférieures à celles<br />
de CORADIN. Cependant, quelque hardi, 6c courageux qu'il<br />
fût, fln'ôfa, ni entreprendre le fiége, ni accepter k bataifle,<br />
que k Roi JEAN lui préfenta. Au contraire, intimidé de la<br />
bonne contenance de ce Prkice, U rebrouffa diemin, fe retira<br />
fur fes Terres; 6e, fans vouloir risquer un combat général,<br />
'û prit le parti de faire divers détachemens, qui couroient, 6cravagcoient<br />
les campagnes, tantôt du côté de T^r, tantôt aux "^^'<br />
environs de Ptolomaïde,<br />
Ces partis faffoient des dégâts fî fréquens, Se fî confidéra^<br />
bks, qu'fl étoît knpoffibk de les atteindre ;^ Se ces défolatîons<br />
imprévues avoient fi fort épouvanté les gens de la campagne^.<br />
& des lieux ouverts, qu'fls n'ofoient plus y habiter; deforte<br />
que la plupart des Terres demeurôient incultes, fans qu'on pût<br />
y remédier, par raport à l'afile, que les Troupes de CORADIN<br />
trouvoient dans le Fort du Mont Thabor y que le Soudan dA*<br />
Upy fon Coufin, avoit fait bâtir peu auparavant,6c dans lequel:<br />
il tenoit une forte garnifon. Auffi,les ViUes étoient fi rempUes<br />
des Perfonnes, qui s'y étoient retirées, que ks vivres commençoient<br />
à y devenir rares; ce qui fit dire à quelques mauvaîs ef^<br />
prits, qu'on fe reffentoit fort peu de k venue de nouveau Roi:<br />
Mais que pouvoit-fl faire de plus ?'<br />
Si k Roïaume de Jérufalem fe trouvok dans cet accablement,^);^^;<br />
faute de forces capables de fiiire tête aux Infidèles y celui de Chy- rf« Chypre<br />
pre n'étoit guères en meilleur état, par le mauvais gouverne- %^<br />
ment du Comte de Montbeilîard, Ce Régent, uniquement occupé<br />
de fon avarice, continuoit; k accabler les Peuples, Sek<br />
accu«<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«2 H î S T-O I R E G E'N E'R A L E<br />
accumifler des richeffes par des concuffions énormes; tenant<br />
toujours k Prince HUGUES éloigné de la ViUe, 6e des affaires<br />
du gouvernement, qu'fl auroit été en âge de commencer à ré-,<br />
gir pas lui même.<br />
Aucun des Seigneurs de la Cour Supérieure , fok par indolence,<br />
ou pour quelqu'autre raifon, ne fe mettoit en peK<br />
ne de Pûiftruire de fes intéjj^ts. U y avoit même apparence,<br />
'qu'fls auroient laîffé croupir long-tems leur jeune Souverain dans<br />
l'ignorance. Se dans la vie folitaire, fens les. bons offices d'ua<br />
Dominiquain y k qui fon éducation avoit été confiée.<br />
* Ce bon Religieux, attaché depuis long-tems à la Mailon<br />
Roïale, 6c las du peu de foin des Barons pour favantage de la<br />
Couronne, 6c pour le bien public, inftruifit enfin fon Difciple<br />
des malverfations du Comte de Montbeillard y fon Beau-frère,<br />
Se lui rémontra fi vivement, qu'fl ne failoit plus différera y metta-e<br />
ordre, afin d'évker l'entière ruine de fon Roïaume, que ce<br />
jeune Prince, pénétré de ces bons, 6c falutaires avis,quitta le<br />
Cliâteau, Se fe rendit dans fa Capitale, U y fit affembler les<br />
Seigneurs, auxquds fl dédara, "qu'fl vouloit désormais pren-<br />
» dre les rênes du gouvernement. Se fe faire rendre compte<br />
„ de l'adminfllratîon, qu'en avoit eue, pendant cinq ans, le<br />
„ Comte de Montbeillard,<br />
• Le Confefl,charmé d'une réfolution fi néceffaire, 6c fi admirable,<br />
puîfqu'efle déUvroit l'E'tat dc la tirannie d'un fi mauvais<br />
Sujet,applaudit, avec beaucoup de refped, 6c d'empreffement,<br />
aux volontés du Souverain ; 6c lui fit en même-tems comprendre,<br />
qu'il étoît bon de ne point différer fon couronnement,<br />
afm que fon Beau-Frère n'eût plus aucun prétexte de fe mêler<br />
des affaires de PE'tat; 6c qu'fl pût, avec plus d'autorité, tirer<br />
raifon des malverfations qu'fl avoit faites à fon préjudice.<br />
HuS ^^ ï'etour d'attention des Barons du Roïaume, joint aux fa-<br />
Fiisd'Ai' ges, 6c prudens confeils, que continuoit à lui donner fon Pré-<br />
St^. cepteuTjlui ût prendre k Couronne avec çmprdfement. La cerémo^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Bfc JÏ'RUSAIEM.. LmiX. CH.n. +3J-<br />
î?&nonie s'en fit dans k Temple deStcSophicyZïïx. acdamations<br />
univerfefles des Peuples, qui fe voïoient à k veflle d*être foukgés<br />
des knpôts^ dont on les avoit accablés pendant la Régence.<br />
En effet, fls ne tardèrent pas à éprouver k différence qu'il<br />
y a entre k gouvernement d'un véritable Souverain, 6c celui<br />
d'un Régent; Car, quoiqu'il trouvât ks coffres de la Chambre<br />
Roiak vuides. Se qu'efle fut même chargée de groffes dettes,<br />
il foukgea fes Sujets, autant qu'fl lui fut pofl[ible; Sey malgré<br />
l'embarras, où k mettoit cet épuifement de finances,fl ne voulut<br />
point ufer de rigueur avec k Comte de Montbeillard y en<br />
confidération de Peflime, 6c de l'amour, qu'fl confervoit pour<br />
(à Sœur, que ce Comte avoit époufée. Il fe contenta de lui<br />
demander les comptes de fon adminifli-ation, en prefence de<br />
la Cour fupérieure, 6c de lui dire, " que f épargne Roïale au-<br />
5, roit dû être remplie , au lieu qu'elle étoit vuide ; d'au-<br />
9, tant plus que, pendant fa Régence , le Roïaume n'avoit<br />
5, eu aucune guerre à foutenir, ni aucune autre dépenfe à<br />
„ faire , qui fût capable d'abforber ks revenus de k CDU-<br />
„ ronne.<br />
Le Comtc, qui fc fentoit coupable. Se qui n'avoit point envie<br />
de rendre cc qu'fl avok ufurpé kijuftement ; au Ueu d'être<br />
• touché dc la modération du Roi, fut fi bien en profiter, qu'il<br />
luî emporta fonbieh. Se fe garantit de fes recherches. Il demanda<br />
un délai de quelques jours, pour produire fes comptes,<br />
6c juftifier fa conduite II &ty pendant ce tems-là, transporter<br />
fécrettement tout ce qu'fl avok de plus précieux au Château de<br />
Gqflira^ fitué au bord de la mer, au canton du Cap-Grec y<br />
appartenant aux Templiers. U s'y fauva enfiflte lui même, pendant<br />
la nuit, avec toute fa Fanîflk, 6c s'y embarqua fur une<br />
Galère du Comte de Tripoliy qui le conduifit à Ptolomaïde. ^<br />
Tout jeune qu'étoit k Roî, il reffentit vivement une fuite fi<br />
honteufe, plus par raport au deshonneur, qui lui faifoit l'Allii<br />
lian-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
434. H I S T O I R E: G E' N E' R A t E.<br />
fiance d^un Homme, capabk d^àdions fï baffes, que, pour<br />
fes propres intérêts.. Qiielques confidérables qu'fls fuffent,<br />
il aima mieux les facrifier entièrement, que le faire pour-»<br />
fuivre dans les Pays étrangers, oii fl n'auroit fait qu'augmenter<br />
fa honte y fans faire impreffion^ fur k cœur dun<br />
Parent fi indigne,' 5e fi deloïah-<br />
U fe contenta de Pabandonner à là juftice Divine, qui<br />
ne laiffe jamais de pareilles iniquités impunies; 6c fl s'apliqua<br />
à reparer, par fes foms. Se par fon œconomie, ks maux que<br />
Pavarice, 6c la cupidité de fon Beau-Frère avoit caufés-i<br />
tout fon Roïauma C'èft à quoi' contribuèrent généreufement<br />
tous fes Sujets, parla fetisfadion^ que leur avoit procuré<br />
la manière réfolue , avec Iaquelk , malgré fa jêuneffe,<br />
n prend le ce Princc avoît dégradé fon Parent, pour prendre lui mêi'ï^cS^e<br />
k foin, 6c k conduite de fes affaires; 6e par Pefpérance<br />
, que cette première adion leur fit concevoir de k fuite<br />
de fon Règne.. Auffi, eut-il k contentement de voîr, en<br />
peu d'annécsi'fes coffres rempUs, fes Peupks dans l'opulence,<br />
6c fes Etats entièrement rétablis.<br />
121 r. Voilà la fkuation , dans laquelle fe trouvoient lès Roïau-<br />
Attidc/K j^eg^ç Chypre y Se de Jérufalem, Le Pape , qui en fut<br />
bientôt informé, craignit, que la réunion des Infidèles ne<br />
caufât k perte entière de ce dernier, d'autant plus qu'onlui<br />
avoît auffi fait comprendre , que le Soudari de Damas y<br />
poffeffeur de Jérufalem y' faifoit de grands préparatifs pour<br />
ce deffein; 6c que les troubks,-qui agitoient toute P^«r(?^,<br />
ne permettoient pas au St: Père d'efpérer d'^auffi promts fecours<br />
qu'il auroit fouliaké dés Princes Chrétiens* U réfolut<br />
de convoquer un Concfle général, afin déménager un accommodement<br />
entre eux,. 6c, à l'exemple de fes Prédécef^<br />
leurs, les engager au recouvrement d'un Pays, qui Revoit<br />
'être l'objet des rcdierchçs des Chrétiens.toi»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lrr. IX. CH. IL 4.3J<br />
'^ais, quelque empreffemènt qu'eût k Pontife de parve- Secourt mnk<br />
promtement à fes fins, flfe paffa encore qudques an- Tscffl<br />
nées, avant qu'fl pût y réùffir, ni foulager, en aucune ma-^Jj^g^^'l*^<br />
nière, les Chrétiens Orientaux y .puïfqu'au Ueu de la Croifadey réturdéptUr ^<br />
^'fl projettoit en leur .faveur, fl fallut en publier une autre de coîSr/"<br />
contre les Albigeois y qui avoient pris les armes, pour fou-'"^^****<br />
tenir leur héréfîe , 6c dont le parti étoit même affez puiffent<br />
pour caufer de grands desordres dans le Roïaume dc<br />
France; de forte qu'fl fembloit que le Démon travaillât pour<br />
accabler la pureté de la Religion de tous côtés.<br />
• Car, dans le même-tems, MEHEMET-NASSER, Koi de Ma- -^<br />
roc y Prince très-puiffant de la race, que les Efpagnols ap- *<br />
pelloient de los Almoadosy après s'être vanté de vouloir exterminer<br />
tous ceux qui -.iîoroknt la Croix, étoit entré dans<br />
la Province dAndaloufie avec une Armée, felon les meflleurs<br />
Hflloriens , forte de 120. mille Chevaux, 6c de 300.<br />
mille Hommes de pié. Cependant, malgré ce nombre prodigieux<br />
de Barbotes y qui, à fexempk de leur Prince, ne<br />
refpiroîent que la deftruétion du Chriftianifme , Dieu Tout;-<br />
Puiffant, qui Pa toujours rdeyé, lorsqu'fl paroiffoit le plus<br />
en danger de fuccomber fous la Tirannie de fes perfécuteursi<br />
permit encoi*e que f ambitieux Chef de cette forn^idabk Armée<br />
n'eut que la honte de l'avoir conduite à la boucherie,<br />
6c le chagrin dc la voir entièrement défaite par une poignée<br />
de monde.<br />
ALPHONSE , Roi de Caftille, huitième, ou neuvième du<br />
Nom, fur-nommé le Nobk y Se le Bon; les Rois de Porthh<br />
gai. Se de Navarre; Don RODRIGUES, Archevêque de<br />
Tolède ; Don TELLES , Evêque de Placentia ; les Prieurs du<br />
Tempk, 6c de VHopital, qui fe trouvoient à la garde dç j<br />
leurs Bénéfices en ce Pays-là; les ChevaUers des Ordres de<br />
St, Jaques y Se de Caktrava y qui tous avoient un nomhtQ<br />
raifonnable de Txoupes, s'étoient afieinblés à Tolède.<br />
Iii 2 Ihî<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4.3« H I S T O I RE G E' N E' R A L E<br />
Us fe mirent en campagne, pour s'oppofer aux entreprffes des<br />
Maroquins ; Et ils réfolurent même de leur livrer bataïUe.<br />
hes Barbares y informés de leur approche, 6c fâchant que<br />
fArmée Chrétienne n'étoit pas la dixième partie de la leur, ne<br />
firent qu'en rire; fe flattant d'une Vidoire affurée. Se defe<br />
rendre maîtres de tout le Pays. Ils fe rangèrent en bataflle,<br />
dans une vafte plaine, près de Baeza, Ce fot-là que fe donna<br />
la fameufe. Se mémorable bataille, que les Efpagnols nom-<br />
1212. ^^^^ encore aujourd'hui, de las naviis de Tolojay qui étoitle<br />
Bourg le plus prochain de cette plaine,<br />
Defcriptim On rccounut, cn effet, un miracle évident. "Les Maures nt<br />
mt^iês purent pas feulement foutenir le premier choc des Chrétiens. Us<br />
S^r^mê prirent d'abord la fuite, en fî grand desordre, 6c avec tant db^<br />
i^tfMehe- pouvautc, quc plus de deux cens-riïiMe furent taiflés en pièces^<br />
* Maroc, fà^^s qu'fl en coutât qu'environ vingt-cinq Hommes 2iuyi Chrétiens.<br />
Ceft ce qu'affurc le même Archevêque de TbZ^iiP, qui<br />
s'y trouva prient. Journée vraiment glorieufe, 6c mémorable!<br />
Ce fut k ê. Juillet de fannée 1212; On en- cdèbre encore<br />
aujourd'hui la commémoration dans plufîeurs Eglifes d Efpagne.<br />
La bataille fut, en effet, la plus fengknte. Se la vidoire<br />
k plus complette, que les Fidèles kieniL remportéefurksi?
BE JE'RUSALEM. LlV.IX CH, II. «)r<br />
dq[ues, afm d'empêcher que k venin de leur pernicieufe dodrine<br />
, qui avoit kifedé la Vifle dc Touloufe Se fes envkons, ne fe<br />
vepandît encore dans ks autres Provinces du Roïaume dc<br />
France,<br />
Le nombre des Croifés fot confîdérable. Le Pape en donna<br />
k commandement au Comte SIMON DE MONFORT , qui prit"<br />
d'abord*dix,ou douze Bourgs, ou ViUages, fur RAIMOND, Con»^<br />
te dc T(?aiî?«/^,kquel,fous prétexte de défendre fes Etats,favorifoit<br />
ces mécréans, 6c avoit appeUé divers Seigneurs à fon fecours.<br />
PIERRE IL Roi d Arragon y vint le jokidre en perfonne^<br />
avec de bonnes Troupes. Le Comte forma une Armée de prè»'<br />
de cent mille Hommes, 6c donna qudque terreur aux Catholi'*<br />
ques y dont le nombre étoit beaucoup inférieur; Mais, fe con*<br />
fiant en k juftice de ieur caufe, 6c fur les ferventes prières de<br />
diverfes Perfonnes pkufes. Se dévotes ,^ qui fe trouvoient dans<br />
kur camp, dontles prhicipaks étoient ST. DOMINIQUE, PAr*.<br />
chevêque de Touloufe , les Evêques dAgàcy de LodèveSy de<br />
Leitoure, 6c de Cominge, que les Hérétiques avoient chaffés de<br />
leurs Diocèfes ; ils allèrent courageufement fecourir le Château<br />
de Murel,que RAIMOND avoit affiégé, 6c y Uvrèrcnt enfin cette<br />
fanglante bataflle, fi terrible. Se fi funefte aux Albigeois y<br />
qu'elle renverfà entièrement kur parti. Le Roi d'u&ragon fut<br />
tué fur le chajnp de bataille, avec plus de vingt-mifle de leurs<br />
adhérens; fans qu'après k combat les Catholiques trouvaffent<br />
manquer, dans leur petite Armée, qu'un feul GentiUiomme><br />
Se un fort petit nombre de Soldats. Us remportèrent cette<br />
étonnante Vidoke, au mois de Septembre de l'an 1213. EUe<br />
confok entièrement le Pontife. U en rendît de très-humbks actions<br />
de grâces au Tout-Puiffant, qui, par cet heureux évènement,<br />
le mettoit en état de pourfuivre foa deffein pour la<br />
Terre-Sainte*<br />
Iii 3 Ciïjk-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
+33 H I S T O I R E G fr N E' R A L E<br />
jC H A p I T R E IIL<br />
4fiicie/. TOendant que les affaires paroiffoient fe tranquiUfer en jE«ro/>f,<br />
jL par l'élévation de FREWRIC IL Roi de Siciky k'VEmpir^;<br />
par le detrônement, 6c la défaite d'OTHON; 6c par celle<br />
des Albigeois y le jeune Roi de Chypre y à qui les Tuteurs d'A-<br />
LIX, Fflk de la feue Reine ISABELLE, 6C du Comte de Cha%<br />
pagne y fon troifième Mari, avoient envoïé une Ambaffade,<br />
Mariage pour Ic foUicitcr à conclure fon mariage avec cette jeune Priib<br />
Sn^rr*ceffe, aûifi que leurs Parens en étoient réciproquement conye-<br />
Hugues
m JE'RUSAtEM. Ltv. IX, ea.-IIf. ^3^<br />
Les piaifirs, 6c ks réjouiffantes n'cmpêcboîent pas HUGUE^^<br />
d'être égakment attentif aux affaires de PE'tat, Se à procurer<br />
à fes Peuples le commerce 6c fabondance.- Afin que la famflle'<br />
Roialc fut auffi fatisfaite, 6c tranquilèV qu'fl le défiroit, fl donna<br />
au Prflice JE]AN', fon Frère, la Charge de Connéta,bk.'<br />
C'eft de ce Prince, 6c d'IsABELLE,fa Nièce,6c Fille du mê^"<br />
me HUGUES", que quelques Hiftoriens prétendent qu'eft defcendu<br />
le Roi HUGUES III. U donna la Charge de Sénéchal à Gur,<br />
fen Cadet; 6c travailla à étabUr deux SœurS, qu'fl avoit encore,<br />
outre celk qui avoit été mariée au Comte de Montbeillard-y<br />
de forte que le Roiaume auroît jouï d'une tranquiUté profonde,<br />
fans Panimoéîté invétérée des deux Clergés;- Leurs , y affifta pour cdui de cette Ville, que<br />
les Infidèles empêchoient d'en fortir. Les Ambaffadeurs de<br />
HENRI , Empereur d'Orient ; de F R E'D E R i c, Empereur d'Okreident;<br />
des Rois de Francty d Efpagne y dAngkterre y de Jé\<br />
rufalem^ de Chypre y Se de Hongrie; foixante^fix Archevêques;^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4+Ô H t S T Ô î R E • G E' N E' R A 1 E<br />
quatre cens douze Evêques, les Procureurs de plufieurs autres<br />
, 6c -environ deux cens Abbés, -Ou Prieurs des Ordres<br />
RéguUers ou SécuUers, fe trouvèrent à ce Concile.<br />
INNOCENT , dont fardeur égaloit fdoquence , 6ç le zèle,<br />
pour Punion dies Princes Chrétiens y Se Pextirpation des hé.<br />
réfies, qui troubloient l'Eglife de Dieu, 5c pour délivrer les<br />
•Saints lieuç du joUg des Infidèles y qui les occupoient depuis<br />
•fi long-tems, fit lui-même f ouverture de ce fameuK Concile<br />
, par un difcours , fi grave , 6c fî touchant, que toute<br />
'îAffcmblée en fut attendrie. U leur repréfenta vivement,les<br />
mifères, .•6c les calamités , où ks pauvres Chrétiens de li<br />
Terre - Sainte étoient réduits, ,à la grande honte de leurs<br />
Confrères ; lesquels, poiir un foible intérêt, ou pour quelques<br />
légers démêlés, emploïoient plus volontiers leurs armes<br />
pour s'entre-détruire, que pour les affrancliir de la<br />
dure fervitude âes Barbares. Ce Difcours fit tant d'effet,<br />
que cliacun réfolut de cpntribuër, detout fon pouvoir, àla<br />
Guerre-Sainte ; en forte qu'après avoir réglé ks affaires qui<br />
-regardoknt la Foi, Se les Dogmes de la Religion-, ks Pères du<br />
jDc'tm rftt* Concfle ordonnèrent, "que, pour accélérer, 5e donner vif^eirdr<br />
^9 gueur à la guerre ^contre ks Infidèles y les Evêques fe-<br />
|«.c*"o^ „ roient prêdier la Croifade dans leurs. Diocèfes ; Qu'fls<br />
„ Çlieheroient, par leurs remontrances, de porter lesPrincei,<br />
,, la Nohkffe , 6c les Peuples, à prendre la Croix , ; ou à<br />
^ .contribuer, diaçun felon fon pouvoir, à cette Sainte en-<br />
.„ treprife; Que,'^our y fubvenir, on lèveroit quelque fom-<br />
„ me, pendant trois ans, fiir tous les Biens Eccléfiaftiques ;<br />
9, Que, pendant ce tems-là, le Pape, 6e les Cardinaux,<br />
,, donneroient le dixième de tous leurs Rev.enus ; Qu'il y<br />
„ auroit Paix-OU Trêve, pour quatre ans , entre tous Içs<br />
,„ Prmces Cl)réiiens , afin .qu'ils puffent s'yengagei", avec<br />
„ plus d'affurancc ; X^ie les Croifés jouïroient de tous les<br />
''py privfléges 4>irituels,,'i^ temporels j qup les Souverains<br />
„ Pou-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSA;LEM. LIV.IX. CH.IIL 44,r<br />
„ Tontifes leur avoient accordés dans les Croifades précé-<br />
„ dentés.<br />
Afin d'encourager tout le monde par fon exemple y le St.<br />
Père commença par donner quarante cinq mflle marcs d'Argent<br />
comptant, au-delà de ce qu'il s'étoit taxé ; Et fl s'engagea,<br />
en même tems, de paffer en perfonne à Meffine y afin que<br />
Pexpédition fe fît avec plus d'ordre 5e de diligence. Ceci termina<br />
ks déUbérations de ce grand Concile, 5c les mefures qu'on<br />
y prit, pour chaffer les Infidèles de la Paleftine. Il eft étonnant,<br />
que, malgré la quantité d'affaire^ importantes, 6c de<br />
différente nature, qui y furent traitées, 6c réglées entièrement,<br />
il ne dura pas plus d'un mois entier : Terme qui ne fuffiroit<br />
pas aujourd'hui, pour, régler le cérémonial, ou pour décider<br />
k moindre intérêt"particulier ; ce qui prouve évidemment,<br />
que les Hommes ne pratiquent plus cette voie.^de droiture, Se<br />
de fincérité, avec kquefle fls agiffoient autrefois, 5c qui les<br />
conduifoit heureufement, 5c avec facflité, à une promte exécution<br />
des plus grands j[?rojets, au lieu qu'ils échouent le plus fouvent<br />
aujourd'hui, par la^longueur des intrigues,6e la vaine dêlicateffé<br />
, avec laquelle on traite.<br />
On'^cha par-tout la Croifade y avec tant d'ardeur, Se de<br />
fuccès, qu\en.fort peu de tems il fe trouva un affez grand nombre<br />
dc Croifés, pour en former une Armée /ormidabk. Chacun<br />
contribuoit fi laicgement, 5c de fi bon'cœur, à ce qui étoit<br />
néceffaire pour fon entretien, qu'on n'auroit pu douter de Pheureux<br />
fuccès de ces entreprifes ; mais, par malheur, cette expédition<br />
fut encore interrompue par la mort de celui qui en étoit<br />
le principal prornotcur.<br />
Le Pape INNOCENT, après avoir lui même prêché la Croifade<br />
à Rome y Se dans quelques Vflles de la Tofcane y eut la douleur<br />
d'apprendre, que, malgré la décifion du Concile, touchant la<br />
Paix, ou la Trêve, entre les '^ui^'ànces Chrétiennes yles RtpxMi-'<br />
ques de Gènes Sede Pife y continuoient à fe faire une cruelle'<br />
Kkk Guer-<br />
I2I
442.: H I|;S^>.T o 1 R.B 6^^: NE R 4 L E"<br />
Guerre, qui ne pouvoit êt,re que très-préjudiciable aust affaires,<br />
de la Paleftine y par raport à la quantité de Bâtimens, qiie l'u<br />
ne,^ 6c l'autre de ces Républiques,' pouvoient fournir pour k<br />
paffage des Troupes, . Cdte désunion d^rmin^ le St. I^èrei à<br />
fe traniporter lui même à Pife y pour ménager un accommode-,<br />
ment cntre-eUes; Mais les chakurs exceffives lui cauferent une<br />
violente fièvre , dont fl mourut, cn arrivant à Péroufe y le 6.<br />
Juiflet de cette année 1216. qui fut la, dix-neuvième dcjfpn<br />
Pontificat, dont fl avoit rempli les devoks, avec tant de prii^<br />
4ence, de piété, de dodrine, 6c de grandeur d'ame, quefe<br />
mort f^t une perte trbs-qpnfidérabk à toute la Chrétienté y (St<br />
en particulier pour les C^étiens Orientaux y qn'il cherchoit à(<br />
foulager avec tant d^emîM-effement.*<br />
Artide//. ' U cft vraî qu'HoNORius IIL fon Succefféur, de Pllluftre Mai-.<br />
peHmo^ fonde Savelli y que les Cardinaux élurent deux jours apijès fà^<br />
lius,pour mort, enii-ra fi bien dans les fentimens du défunt pour le re*<br />
lerecêuvre- , . ^ . i ^<br />
ment delà couvrcmc^t de k Terrc-Sa^ntc, 6c pourfuivit: a^nec tant d'ardeur<br />
Jainte! l'entreprife, que ; fon Prédéceffeur avoît fi heureufement commeiicée,<br />
qu'on n'apperçut prefque point dC: changement à cet égard;<br />
Car ce nouveau Pontffe craignant, que la nouvelle de,la»mort<br />
4u^Pape. INÎ^OCI^NT. n'achevât dc^ décourager les> Peuples de la<br />
Pakfiine. y écfivit promtet^^ent au^^oi de Jérufakmy 5îicauX'<br />
Maîtres des,Ordfes MiUtaires,les anima à foûtênir avec fermeté<br />
les intérêts du Chriftianifme y 5c Jes affura qii'fls: feroieiit hi^fâT' '<br />
t^ puiffamment fecourus. .<br />
En effet, ce Ppntife aprk, que, m^gré l'ei^agement,qtfiacc<br />
vpitprisPEmperepr FRE'DE'RIC, lorsqu'il fut éleYé*a,P^wp/-r<br />
rcy d'aUer, en peribnne, à la tête des Croifés y fl ne fe dpnnoit.<br />
aucunmouvement,pour s'acquiter de fa promeffe; Et qu'au contrake<br />
, plufieurs Princoj & Sçi^neurs Allemands y tant Eceléfias-.tjjqufis,<br />
que^écuUers, dont les principaux étoient les Archevê-,<br />
ques, 6c Evêques de Trêves y de Cologne y de Spire.y de Makn*-<br />
, m d^^JJége^^ dQ'4&inft^:7.i^ Slrtl^ur^:y,S^ ancres<br />
Pré-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JEÎIÙSALEM. LIV. tK, CA. IÏL 44,3<br />
Prélats ; Louis, Duc de Bavière; HENRI, Duc de Brabant;<br />
L E'o p o L D , Duc dAutriche ; A N c E'E , Duc de Clèvès, lè<br />
Comte Palatin du Rhmy le Marquis de Bade y Se plufieurs autres<br />
Seigneurs de confîdération, qui tous avoient pris la Croix y<br />
étoient difpofes à paffer en Palefline; Auffi bien que BONIFA<br />
CE , Marquis de Montferrat y Neveu de celui qui àvoit été<br />
Roi de Theffalie y avec quantité de .Nobleffe Italienne y Se k<br />
ficur de la jêuneffe des RépubUques de Florence, Se de Gènes,<br />
Pour profiter de l'ardeur de tant de Perfonnes iUùftrei, ce<br />
Pontffe déclara Général en Chef ANDRÉ', Roi de Hongrie y c^i<br />
s'étoit auffi croifé. , U nomma le Cardinal GOLONI»^ Légat de •" ''<br />
Grèce y Se de Syrie, 6c Pehvoïa d'abord, avec lés Italiens, k Conftantinopk<br />
y afin dé foUiciter le même 'R.oi de Hongrie à s'y rendre<br />
promtement, avec fes^roiijes. Aux jprémiers avis, que<br />
ce Prince reçut du Légat, il rie manqua pas de fè lilèttre en<br />
-marche. Se ne tarda pas à arriver dà*is cette Vflle Impériale,<br />
où les Ducs dAutriche, Se de Bavière y affer de Conftantinople en Chypre y où étoit le rendezvous<br />
général, ils furent précédés par les Croifés des Provinces<br />
de Hollande, de Zélande, de Frifiy Se des environs, qui avoient<br />
équipé ime Flotte de 120. voiks. Se qui trouvèrent les vents<br />
fi favorabîes,que,non obftant la bngueur du chemin, ils y arrivèrent<br />
les premiers, 6c mouiflèrent à la rade des Salines, Lé<br />
Roi de Chypre y que celui de Jérufalem avoit informé des grznds^ipart.<br />
mouvemens, qu'on fe donnoit en EuT^'pour la Ouerré-Sàin-^{'^^y?^<br />
té y vouknt aùfii avok part à la gloire dune expédition fi con-J^^<br />
fidérable, accueiUit faVotabfement ton^ les Croifés y qui abordè-^adaS?"<br />
Kkk a rent<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4^4r H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
rent dans fes Etats ; 5c, avide de faire paroître fon zèle pour<br />
là Ubération du St. Sépulcre y fl leva bon nombre de Troupes,<br />
Se équipa plufîeurs Bâtimens bieii munis, pour paffer lui même<br />
en Paleftine, auffi-tôt que le Roi de Hongfie, Se les autres Croifés<br />
iai7. feroient arrivés.<br />
/EUSTORGE, premier Archevêque Latin de Nicofte y à l'imitation<br />
du Roi, prit auffi la Croix ; GAUTIER , Seigneur de Ce"<br />
farée ; JEAN D'IBELIN , Seigneur de Baruth ; PHILIPPE , fon Frè*<br />
re ; GAUTIER DE BE'SAN , Se plufîeurs autres des principaux Barons,<br />
fuivirent fon e?cemple. Se Paccompagnèr^nt en Paleftine,<br />
Article///. Le Roî de Hongrie y Se toute PArniée des Croifés d^Europt^<br />
RoUe' " étant enfin arrivés, en CZ^/>r^, vers la mi-Scplembre, remplirent<br />
Scfcf"^ tout k pays d'admiration, 6e de joijj« pn n'y avoit jamais vu<br />
' un fpedaek plus merveilleux, ni fî grarîd, que fétoit faÇuen-,<br />
ce de tant de floriffante, 6c martiale Nobkffe, toute paréfe,&<br />
caparaçonnée de différentes façons, felon Pufage des Provinces,<br />
d'où ils étoient fortis. Les Maîtres de VHopitaly Se de Temr^<br />
pie y s'y rendirent auffi, fuivant Pordre qu'ils en avoient regu<br />
du Pape, tant pour honorer, 5c accompagner ce Prince,6c les<br />
autres Seigneurs à Ptolomaïde, qù^ pour les inftruire ,felon leur<br />
expérience, de la manière de faire la guerre aux: Infidèks, Se<br />
pour propofer même les entreprifes, qui leur paroiffoieiatks plus<br />
avantageufes.<br />
flîittx* Lorsque la Flotte du Roi HUGUES fut équipée, ce Prince,<br />
R»isaborde laîffa k foin du gouvernement à la Reine ALIX, fa Femme, 5c<br />
»Sdl? recommanda à là Cour fupérieure de Pal^Tift^de fes prudens<br />
confeils. Les deux Rois, les Princes, 5e Seigneurs Croifés y<br />
s'eriibarquèrent avec leurs Troupes, 6c abondance^,de pfôvifions.<br />
Us abordèrent, en peu^fle jours, heureufement à Ptolomaîdey<br />
©ù k Roi de Jérufakmy qui fe trouvoit alors à Tyr.y vint d'akord<br />
les joindre. Sans perdre le tems cn cérémo^i^fupêrflues,<br />
ils s'affemblèrent d'abprdpour déUbérer, de quel côté Us commenceroknt<br />
kurs opérations contre les Sarrafins,<br />
Leur<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
toE JE'RUSALEM. Liv. IX. CH. IIL 44^<br />
Leur Armée ne pouvoit être plus kfte, ni mieux pourvue.<br />
Us réfolurent d'aller attaquer la Fortereffe du Mont-Thabor y<br />
dont la garnifon incommodoit fort ks Chrétiens des environs<br />
de Tyr, Se de Ptolomaïde ; Mais, comme ils aprirent que CO<br />
RADIN, Soudan de Damas, étoit campé près du Jour dain y ZVSL<br />
confins de Bethekm y ou Scitopolis y autrefois Ville Capkàk de<br />
k Province Décapolitaine, ils jugèrent à propos de Palier conibattre,<br />
avant de commencer le fîége du Thabor.<br />
L'avidité, qu'ils avoient tous d'en venir promtement aux<br />
mains avec ks Infidèles y fit, qu'ils mirent fur le champ leurs<br />
Troupes en bataille, 6c marchèrent en bon ordre vers la plaine<br />
de Faba. Us campèrent le premier foir à la fontakie de Tubanicy<br />
traverfèrent k lendemain la grande vallée, qui a le Mont<br />
Gelboë à droite, 5c de errands maréca£:es à e:auche, 6e s'avancèrent<br />
jusqu'à Bethzan, Us croïoient y devoir rencontrer Penne- ohandmni<br />
mi;mais, au bniit de leur approche, fl avoit abandonné cette ^in^^^V<br />
ViUe. Les Chrétiens s'en emparèrent, 5c s'avancèrent, fans paries<br />
s'y arrêter, jufqu'au bord du .7owr^^/«, où ils campèrent deux ^^^<br />
jours pour k commodité des fourages, fans avoir pu découvrir<br />
les traces de CORADIN. Ce qui ks engagea à côtoïer le fleuve,<br />
jufqu'au pié duT^/7^c>r, dans le deffein d'en affiéger la fortereffe,<br />
oùrils n'auroient en tête que la garnifon,qui la defendoit.<br />
CORADIN, qui ne manquoit, ni d'efprit, ni de prévoïance,<br />
6e qui étoit mieux en efpions que ks Chrétiens y informé de k<br />
difpofîtion, Se des forces de leur Armée ; Se perfuadé qu'fl arriveroît<br />
de l'union de tant dc Princes, 5e Seigneurs Chrétiens y<br />
qui afpiroient à la prife de Jérufakmy ce qui étoit arrivé dans<br />
ks ?iUtres Croifades y évita toujours foigneufement d'en venir à<br />
une adion, qui pût lui être funefte dans un commencement<br />
de campagne. Se dans un tems,où les Ennemis étoient rempUs<br />
de vigueur, 5c de courage : Auffi, cet habile Sarrafin s'étoit<br />
campé fur fes propres Terres , où fl demeuroit for k défonfive.<br />
.<br />
Kkk 3<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ff6 H I S T O IRE G E' N E' R ALE<br />
- Il ne devina que trop k raaflieureufe iffue de cette grande<br />
Crj9(fa4e, Les Chrétiens, après avoir paffé inutilement kur<br />
tçms y au piè du Ti&^^^r, à creufer des puits pour chercher<br />
,dc l'eau, dont ils fouffroient extrêmement. Se après avok enduré<br />
plufkurs autres incommodités, fe retirèrent,fens rien cnjrtreprendre,<br />
ni contre cette forjtereffe, ni fur les autres Place*<br />
,,dcs Infidèkjs, U étoient déjà ert marche, lorsqu'ils furent arrê-<br />
.tés par un accident affez fîngulier, que je vais raporter.<br />
,Aïûc\tiy. Le Château, que les Croifés vouloient attaquer, fe trouvoit<br />
duclTeau bâti au fommet du Mont-Thabory qui a près- d'une lieue 5c delaor^Kuté<br />
^^^ ^^ hauteur. Se dont les fentiers font fort étroits, 5c rapiparUsin-<br />
dcs. Us étoîcut d'aîUcurs fi foigneufement gardés par ks Sar-<br />
-' ^"' rafins y que ks Croifés n'ofoient prcsqu'cntrcprendre d'y monter,<br />
à caufe de l'avantage qu'avoient encore kl Infidèles de ks<br />
affomnaer, en roulant feiflement des pierres fur eux. Ces grandes<br />
,difficultés les firent réfoudre à fe défifter d'une entreprife, qui<br />
kur paroiffoit prcéqu'impoffible, lorsqu'encouragés par un jeune<br />
Infidèk y qui avoit été pris; ou, comme quelques uns le pré-<br />
.tendent, par un Efclave Chrétien y qui s'étoit fauve, (du Château,<br />
ijsfe raffurèrent.<br />
Ce transfuge, ou Efckve, fut conduk au Roi de Jérufa'^<br />
km y Se lui propofa, en prefence de tous les autres Princes, uu<br />
chemin, par lequel on pouvoit parvenir au fommet de la Montagne,<br />
fens être aperçu par ceux qui k gardoient; l'affurant,<br />
qu'ils ne faifoient aucune garde de ce côté-là, dans k perfua*<br />
lion que perfonne ne pouvoit y grimper.<br />
Sur ce raport, on réfolut unanimement de tenter cette voie.<br />
.Cependant, afin de n'être point trompés par cet mconnu, avant<br />
/que de fe rffquer eux mêmes à cctte entreprffe, ils y env^wèrent<br />
avec lui-un Ingénieur, accompagné de quelques Soldats, pour<br />
afler reconnoître fèndroit, qu'il leur avok kidiqué. Ife montée<br />
rent effiedivement jufqu'auprès du Château., fans être vus, ni<br />
l^nt^dus des Sarrafins y Se raportèrent aux Princes, que, quoique<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
jyi J E' R U S.A L EU, ' • Iiv. 1%. CIL^ JÏÏ. 4^f<br />
ifie cette fifllk fût entrèmement rude , 6c difficile, on pdùvoit -<br />
pourtant k franchir, 65fiirprendre ks Ennemis. ^. .<br />
Comme toute l'Armée ne pouvoit agir dans un lieu fî étMt^" \^..<br />
Se que le Roi de Jérufalem avoit le principal intérêt afaire réiif^ '<br />
fir une affaire, dont le fuccès lifl étoit de la dernière importance,<br />
ce Prince voulut fe rifquer lui même à l'exécution de ce<br />
projet. U priti avec lui,- un corps confidérable dès meiUeurs^<br />
Soldats, Se partit à l'entrée de la nuit, avec le Comte de TYipoliy<br />
le Maître de VHopitaly Se bon nombre de fes ChevaUersy<br />
6e de ceux du Tifwp/if ; marchant toujours avec bcaucoup de cir--<br />
ÔDnfpedion, 6c ordonnant à tous ceux de fe fuite d'en faire de<br />
même, 6c de ne faire que k moins de bruit qu?il leur feroit<br />
poffibk.*'<br />
Mais, malgré toutes ces précautions, le profond fîîencè,
^S HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
propre Sarrofiny anima tellement "tous ceux de fa fuite, qu'fls firent,'<br />
'aH^man- à fo% imitation, des prodiges de valeur, 6c contraignirent<br />
rafîn^^" ^^^^ ^^^ Infidèles à leur céder le champ de bataille, 5c à<br />
' fe retirer dans leurs murailles, après avoir perdu grand nombre<br />
de leurs meilleurs Soldats. Il en coûta auffi beaucoup<br />
dc vaiUans Chevaliers, 6e de braves Soldats aux Chrétiens;<br />
fur tout, lorsqu'fls fe furent .mêlés daris la ^^laine , où le<br />
combat fut très-rude, Se très-fenglant ; Mais, par une conduite<br />
bien condamnable à des Perfonnes fi expériineiîtécs,<br />
6c aufft intéreffées que fétoient le Roi de Jérufalem , &<br />
les Seigneurs de la Paleftine, à la conquête d'un Ueu, quf<br />
tenoit tout le Pays en fujettion, 5e dont ils recevoient tous<br />
les jours de grandes inquiétudes, ils négligèrent ks .avantages,<br />
qu'ils venoient de recevoir.<br />
En effet, au lieu de pouffer une entreprife, qu'ils avoient<br />
fi hesureufement commencée, 5c de faire promtement monter<br />
les Troupes, parce qu'elles n'avoient plus d'autre obfta*<br />
de à furmonter, que celui du mauyajs chemin. Se qu'elles<br />
auroient pu fe camper d'abord , à leur aife, dans k plaine<br />
du fommet, 5c contraindre bientôt les Infidèles à leur rendre<br />
le Château; le Roi, &, fa compagnie, s'amufèrent a<br />
confulter, s''ils dévoient paffer la nuit à Pendroit.y oii ilsfe trouvoient;<br />
ou defcendre inceffamment, pour prendre lavis des autres<br />
Chefs fur la manière d'affiéger y '^ de battre le Château,<br />
Le Maître de VHopital avec fes Chevdiers, 5e ceux du<br />
Tempk , étonnés de cc relâchement, dirent, fans héfîter,<br />
9, qu'ils ne dévoient, pour aucune raifon , abandonner le<br />
5, terrain, qu'ils venoient d'occuper, 6c qui leur avoit CQÛT<br />
„ té tant de peine , 5c tant de fàng ; Que la plus<br />
5, grande difficulté, pour réduke le Château, confiftoit k<br />
„ faire promtement avancer des Troupes , 6c monter leurs<br />
y, maçhmes, qu'ils planteroient en toute liberté, & fans au-<br />
„ cun empêchement; Que, d'ailleurs, s^étant détermini^s à la<br />
con-<br />
3><br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DÉ JE'RUSAL&IsL Lrr. ÏK. CH. IIL 44^<br />
,, conquête de ce Fort, avant que de partir de Ptolomaîdey il<br />
„ fallait abfolument tout mettre en ufage pour en venir à<br />
,,'bout ; Qu'fls s'offroiertt feuls à garder, pendant le refte<br />
5, delà nuit, le pofte dont ils venoient de s'emparer; Que<br />
„ le Roi pouvoit defcendre lui même, s'fl le jugeoit à pro-<br />
„ pos, afin de confulter les autrçs Princes , 4c ordonner la<br />
„ marclie de fArmée, pour le lendemain matin." Ajoutant<br />
de plus, "qu'outre k honte, qu'fl y auroit, pour eux tous,<br />
,5 de s'en retourner , fens faire aucune autre tentative, Se<br />
y, de fe contenter du petit combat, qu'ils venoient de fou-<br />
„ tenir , 5c qui ne décidoit encore .de rien , leur retraite<br />
3, précipitée enorgucifliroit immancablement les Infidèles, qti<br />
„ ne manqueroient pas de l'attribuer à foibleffe , 6e à lâ-<br />
5, cheté, 6c pouiToient enfin fî bien ife renforcer, qu'fl leur<br />
„ Teroit enfuite impoffible de les réduire.<br />
,Quelques bonnes que fuffent les raîfons décès ChevaUers,'<br />
le Comte de Tripoli, dont ks fentimens n'étoient pas fîncères.,<br />
s'y oppofa, 6c fut caufe qu'fls perdirent tout k<br />
fruit «des avantages , qu'ils avoient remportés. Il aflégua-,<br />
•5, qu'en demeurant fur la Montagne, ils fe rifqueroient eux<br />
5, mêmes, auffi bien gue toute l'Armée, que CORADIN ne<br />
„ manqueroit pas d'attaquer, au premier avis, qu'U recevroit<br />
„ de leur entreprife ; Qu'fl fafloit cônfîdérer , qu'elle étoit<br />
5, toute compoféê d'étrangers, qui ne connoiffoient ni k<br />
5, pays, ni la manière de combattre contre les Infidèks;<br />
5, Qiie 5 s'il leur arrivoit quelque malheur, pendant qu'ils<br />
„ étoient féparés, toute la faute en feroit rejettée fiir<br />
5, eux , parce qu'fls avoient une entière ' connoiffance<br />
„ des rufes , 6c des détours ordinaires des Barbares;<br />
„ Que, de plus, fls dévoient confidérer, que le fiége de ce<br />
„ Château feroit immancablement long Se difficfle, tant par<br />
„ raport à la force de; fes Tours, 6c de fes Muraflles qu'à<br />
1^ fa fituation avantageufe, à fa forte garnffon, 6c à fabonhU<br />
~ „ dance<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4-ro H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
3, dance de provifions, dont fls favoient, qu'fl étoit muni;<br />
„ Qu'fl fafloit, d'ailleurs, faire attention, que CORADIN pou-<br />
3, voit facilement, pendant qu'ils battroient la Place, fe faifîr<br />
„ du bas de la Montagne, 6c les y faire tous périr de faim.<br />
Concluant, enfin, "que fon avis étoit de redefcendre prpm-<br />
„ tement, afin d'éviter de fi fâcheux inconveniens.<br />
Voilà, comment le Comte de Tripoliy foitpar uîi principe<br />
de véritable zèle, ou par jaloufie, 6e trahifon (ainfî que la plupart<br />
des Hiftoriens k taxent) empêcha, qu'on n'affiégeât le<br />
Château du Mont Thabor, fî préjudiciable aux affaires des<br />
Chrétkns de Paleftine, Car fon fentiment aïant prévalu, le<br />
Roi, 6c les Oi*dres Mflkaires defcendirent de k Montagne, dès<br />
la même nuit qu'ils en avoîent gagné le fommet à la pointe de<br />
J'épée ; 5c le Comte, apuïé par nombre d'Officiers, qu'il avoit<br />
gagnés, foutint fon fentiment avec tant d'opiniâtreA devant<br />
le Koi d Hongrie y Seles autres Chefs, que toute l'Armée décampa<br />
le jour fuivant, pour fe rendre kTyry Se à Sidon: Fatalité,<br />
qui fait bien comprendre, que les Comtes de Tripoli<br />
étoient deftinés à renverfer les meilleurs projets de h.éPerre-<br />
SaintCySe à faire échouer leurs plus belles entreprifes!Car,quoique<br />
celui-ci ne caufât pas un fî grand malheur, que Pavoit fait<br />
fon Prédéceffeur, à la bataille d'i;//«,fl fut pourtant caufe, qu'on<br />
ne fît plus rien pendant toiît le refte de k campaÉgne, Se que<br />
cette célèbre Croifade y dans laquelle, outre les Tètes couronnées,<br />
fe trouvoient tant d'autres grands Princes",5c Perfonnes,<br />
des plus lUuftres de VEurope y devint tout-à-fait infiudueufe.<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lir.IX. CIL IV. 4,^1<br />
i»Sf«*Sîî«^^^455tîg0îî{îK-^î^<br />
C H A P I T R E IV,<br />
Auffi, ils fe féparèrent d'une manière, qui fit bien con- artide r.<br />
noître, que leur deffein n'étoit pas dc fe réunir, pour J'"^"'?*<br />
faire la guerre aux -^^^
I2l8.<br />
4,^1, H rs T'O'I RE. G^E' N E^-R:A E E<br />
hes Templiers y les Teutoniques y Sed mires Croifiés y prirent<br />
leurs quartiers, entre Caïphas, SeCéfarée, fur une langue de<br />
Terre, fort élevée, 5e fpacieufe, qui s'avançoit en mer, 6c<br />
qui étoit naturellement fortifiée, du côté du Nord, par des<br />
précipices, qui Pénvironnoîent. EUé ne fétoit pas moins vers<br />
VOccident y Sele Midi y par dès écueils, 6c des rochers efcarpés<br />
, 5c avoit à VOrient une affez forte Tour, appeUée la Tour<br />
du Fils. de Dieu. Les Templiers favoient bâtie'long-tems auparavant,<br />
pour affurer le paffage aux Pèlerins, qui alloient vifiter<br />
les Saints lieux, Se qui étoient fouvent dévalifés par 1er<br />
Arabes y dans les chemins étroits 5& difficfles. Ce fut-là, que<br />
ces ChevaUers, par émulation, Se peut être par jaloufie des appkudiffémens,.<br />
que s'étoient attirés les Hofpitaliers leurs rivauxy<br />
qui .avoient contribué, avec tant d'ardeur;, à k-conftrudion du»<br />
Château de Céfarée y entreprirent d élever une Fortereffe, qah<br />
feroit d'autant plus utfle, qu'eUe empêcheroit "les courfes dft.la<br />
garnifon du Thabor fur-les Terres des Chrétiens. ^<br />
: En creufant les fondemens de ce nouveau Fort, les Tentplim<br />
curent le bonheur de trouver un tréfor confidérable^ U confis^<br />
toit en lingots.d'or 3 6e. d'argent, cn quantité de monnoies,[<br />
de ces deux métaïKi, d'une efpèce fi antique, qu'elles leur étaient<br />
entièrement inconnues; ce qui leur donna le moïen de faire accdércr<br />
cet ouvrage, par la forte paye qu'ils'donnaient aux<br />
Soldats, Se aux travailleurs ; - deforte qu'en moins de fix femaines<br />
fl fut perfedionné. Us lui; donnèrent le Nom de Château<br />
Pekgrinyfàns qu'on fût par quel motif; mais fl pa toujours conferve.<br />
Se le conferve encore aujourd'hui^ Sa forte, 6c avantageufe<br />
fituation ; diverfes fources d'eau vive, qu'ils y trouvé^<br />
rent; Se le tranfport, que ces Chevaliers y firent enfuite de<br />
leur Couvent, y attira grand nombre d'Habitans, Se le rendit<br />
très-utfle aux gens dé k : campagne, par -les fréquentes courfer<br />
que la garnifon faifoit fur les Terres. des Infidèles, Us les presfèrènt<br />
iî fort dans la fuite dii tems, qu'ils furent contramts d'a-<br />
• ' ban^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE J E'R U S'A LEM Liv: IX. Cn: IV:- 4.^ y<br />
baridonnef, 6c de détruire eux mêmes kur Fortereffe du Mont<br />
Thabor y qui n'eft éloignée que de trois Ueues duChâteau Pekgrin.<br />
Pendant que le Roi de Jérufakmy-^ les Ordres MiUtaires,- 6c Départinele<br />
peu de CroiJéSy qui étoient en leur compagnie ,s'ôçcupoient ?Ho1"^fi'j<br />
à ces fortifications, 5c fe fiattoient de pouvoir faire, en leur/""*''^'i!^«'<br />
faveur, quelque meilleure entreprife^^'•-que dans la-campagne °^^'<br />
paffée, ils-apprirent, avec autant de furprife, que. de chagrin,<br />
que le Roi d Hongrie y bien loin de fonger à les féconder, comme<br />
ils k croïoient, fe difpofoit à partir, fens vouloir écouter,<br />
ni leurs prières,*ni les remontrances du'Patriarches Celui-ci,<br />
irrité de fon refusa Se prétendant, qu'il.n'avoit poûit accompU<br />
fon vœu, fulmina- enfin contre ce Prince, 6c contre fes adhé*<br />
rens,l'anathême,dont fl l'avoit menacé. Violence,qui fut aufft<br />
inutile, que les preffantes inftances, que lui réitérèrent le Roi<br />
de Jérufakmy Se les Seigneurs Croifés. Le Maître de VHopitaly<br />
en particuUer, pour qui ANDRÉ avoit une confidération^<br />
fi grande, qu'fl âvoit-fait une donation à fon Ordre dé fept cens<br />
marcs d'argent, fit tous lés efforts imaginables,5e euiploïà toutes<br />
ks fuplications poifibles pour l'arrêter,,fans pouvoir en rien:<br />
obtenir. ><br />
11 partit avec toutes fes Troupes, dès que la Saifon le luipermît.<br />
U eft vrai, que, pour couvrir la légèreté'de ce Prince,<br />
les Auteurs, qui ont écrit l'Hiftoire d Hongrie y particuUè*<br />
rement, ANtoiNE BONFINI , affurent hardiment, que j-bipn^loin<br />
de s'être retiré dans fes Etats, il alla, avec tous les Croifés y ^u<br />
fiége de DanHette.' Cependant, tous ceux qui ont écrit, fans^<br />
flatterie, affurent pofitivement, qiffl s'en retourna de la manière,que<br />
je viens de le raporter j 5c fens avoîr rien-opéré pour l'avantage<br />
des Chrétiens'de Ik Paleftine.'<br />
Le départ précipité du Roi d Hongrie y]oint àla mort'de "ce- Mort du'-]<br />
luî de Cbfpre-y au miUeu des Fctes, 5c des Réjouïffances,qu'on gûésf'*'<br />
feffoit à Tripoliy à foecafion du mariage du Comte BOJËMOND ,<br />
LU 3 . . avec "<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4.J4 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
avec k Sœur du Roi HUGUES, que la Rekie , fon Epoufe, y<br />
avoit conduite eUe même, ^déconcertèrent entrèmement k Roi<br />
JEAN DE BRIENNE, Se les autres Seigneurs de Paleftine y qui perdirent<br />
Pefpérance de pouvoir plus rien entreprendre contre ks<br />
Infidèles; lorfque, par un bonheur , également fingulier, 6c<br />
inopiné, ils recurent un fecours confidérable, qui les mît en<br />
état de faire f expédition dEgypte.<br />
Ce fut Parrivée d'un grand nombre de Bâtimens, qu'ion nommoit<br />
Cagones, e^èce de Navires, dont fe fervent les Peuples<br />
de la BafiTe-Allemagne. Ces Vaiffeaux conduifirent une multitude<br />
de Croifés des Provinces de Hollande y de Flandre y de<br />
Frifiy Se autres lieux voifins; Des Evêchés de Cologne y de Brème<br />
y Se de Trêves, Tous ces Peuples, émus par des fignes<br />
céleftes, qui avoient paru dans leurs Pays, particuUèrement<br />
dans la Province de Cologne , 5c dans une ViUe da Diocèfe<br />
de MufifteryOÙyle vendredi avant k Pentecôte, dans le tems<br />
qu'on y prêchoit la Croijade y fl apparut trois Croix en l'ak,<br />
ainfi que f affure VINCENT DE BEAUVAIS , dans fon Miroir Historique,<br />
Cet Auteur raporte, que deux de ces Croix y dont<br />
l'une étoit tournée vers k Septentrion , 6c Pautre au Midi,<br />
étoient Blanches y Se la troifième, placée au milieu. Se vers POrient,<br />
étoit rouge, avec la figure d'un Crucifix au-deffus.<br />
Ces indices' furnaturels engagèrent ces bons Chrétiens à fc<br />
croifer avec empreffemènt , pour le recouvrement du St. Sépulcre;<br />
Mais, comme l'Archevêque de Cologne y 5c ADOLPHE,<br />
Comte de Mons y qui en avoient pris la conduite, ne purent<br />
les affembler affez à tems, pour profiter de la befle faffon, ils<br />
ne partirent que vers la fin de l'Automne, Se furent furpris<br />
d'une fi furieufe tempête, qu'après les avoir long-tems battus,<br />
6c fracaffé plufieurs de leurs Vaiffeaux, 'efle les jetta enfin dans<br />
la Rivière de Lisbonne, où ils furent contraints de paffer Fhiver,<br />
pour réparer les dommages, qu'ils avoient foufferts.<br />
Les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
M JERUSALEM. LIV. K. CH. IV. 4^5<br />
Les Portugais y alors en guerre avec les Maures y qui s'étoient<br />
emparés du Château dAlcazary Se tenoient tout leur<br />
Pays cn fojettion, regardèrent Paccident, arrivé aux Croifés y<br />
comme un effet miraculeux de k Providence ; perfuadés, qu'fls<br />
les aideroient à délivrer leur Patrie de f oppreffion de ces cruels<br />
Ennemis du Nom Chrétien, d'autant plus que la faifon ne kur<br />
permettoit pas de fe mettre fi-tôt en mer.<br />
Les Prélats, 6c les principaux Seignhurs Portugais y kur répréfentèrent<br />
"les mérites, qu'fls skcquerroient envers Dieu,.<br />
5, pour le fervice duquel ils avoient fi généreufement quitt^<br />
„ leurs FamiUes 3 6c leurs Maifons ; Se auprès du Souverain<br />
33 Pontife, qui ne manqueroit pas de leur tenir compte de Pas-<br />
35 fiftance, qu'fls kur donneroient d^is leur preffante n6^|fi-<br />
3, té, "^que ces Allemands Croifés fe joignirent,fans liéflÊt'yk<br />
l'Abbé dAlcobaria, Se aux autres Prélats, Se Seigneurs dti'<br />
pays; aux Chevaliers de St. Jaques y Se à ceux de VHopitaly<br />
Se du Temple, qui fe trouvoient en ce pays-là, pour aller reprendre<br />
le Château dAlcazary Se chaffer les Maures de leur<br />
Province-<br />
Comme la garnifon en étoit forte, Se qu'elle fe défendoif<br />
vigoureufement, fls n'avançoient pas beaucoup dans leurs attaques.<br />
Les Rois Maures de Sevilky de Gieny de BaldacoSySc<br />
dQ Cordoue y qui vouloient abfolument conferver ce Fort, eurent<br />
le tems d'unir leurs forces pour le fecourir. Les Chrétiens<br />
cependant, quoique beaucoup inférieurs à k multituded'/w/î^^<br />
kSy encouragés par un renfort de Nobleffe CafiUlanCy qui leur<br />
amena quelques bonnes Troupes, 6c par la vifion d'une Croix,^<br />
qui parut en Pair, fe préfentèrent courageufement aux Barba^<br />
res, La bataille devint fanglante, 6c la Vidoire fort incertaine;<br />
mais une' terreur panique faifit fi fort, tout à coup, ces<br />
Maures y que k plupart jettèrent les- armes, pour fe fauver<br />
avec plus de viteffe.<br />
Leur<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4J5 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Leur confternation décida du fort du combati II en demeura<br />
plus de quinze miUe fur le champ de bataille, avec ks Roi<br />
de Gien,:iSe de Cordoue, Les Chrétiens pourfuivirent long-tems<br />
ks fuïards. Us en tuèrent encore .un grand nombre, 6c firent<br />
quantité de prifonniers, lesquels, .rempUs d'épouvante, leur<br />
dcmandoient, en tremblant, qui étoient ces Chevaliers habillés<br />
de blanc, qui ks avoient accablés de traits,6edont ils n'avoient<br />
pu fuporter k fplendeur désarmes. En effet, tous les Hiftoriens,<br />
qui parlent de cc cojubat, affurent cette vifion miraculeufe;<br />
6c qu'au fort de la mêlée, fl parut foudainement un Efcadron<br />
de CavaUers vêtus de blanc, qui combatirent, en faveur desCir^tiens.<br />
Se qui firent d'abord déclarer la Vidoire pour eux.<br />
On trouve la même chofe dans une Lettre, que les Evêques<br />
dé lÊbonne Se dEvora y le Çomrn^ndéuï de Palmela^ le Prieur<br />
de Vifopitaly qui réfidoit en Portugal y Se celui du* Temple, qui<br />
réfidoit en Efpagne y écrivirent au Pape HONORIUS, pour lui<br />
rendre compte du grand avantage, qu'ils venoierit de remporter<br />
furjes Barbares y 6c du bon fecours qu'fls avoient reçu des<br />
Croifés Allemands dans cctte importante conjondure. Apre»<br />
nn témoignage C autent^ique, qui fe trouve dans la BibUothèque<br />
du Fatican y j'ai cru pouvoir, comme les autres, raporter<br />
ces vifions extraordinaires, que je laiffe au jugement du Lecteur.<br />
Après cette mémorabk bataiUe, l'Archevêque de Cologne A<br />
le Comtc de.Mons y avec tous leurs Croifés y fe rembarquèrent,<br />
très-fatisfaits» d'avoir eu part à une journée fi glorieufe; non<br />
moins que de l'affiftance, Se des bons traitemens, qu'ils reçurent<br />
à Lisbonne y Se arrivèrent-heureufement k Ptolomàide y comme<br />
je viens de le dire, où ils furent accueiUis avec d'autant<br />
plus de joie, que Içur venue répara la perte, que les Chrétiens<br />
avoient faîte des Rois de Chypre y de Hongrie y Se de tous le?<br />
autres CmT?/, qui ks avoient quittés.<br />
Le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D£ JE'RUSALEM. Liv. IX. CH. IV. ^.ff<br />
Le Roî de Jérufakmy qui brûloit d'impatience de faire quel- croifés de<br />
que progrès fur les Infidèles y affembk d'abord un Confeil géné^ AI^^'<br />
rai de fes Barons, 6e des Chefs des Croifés y .pour délibérer for g^e arrila<br />
manière deks attaquer, pendant que la Reine ALIX, qui bmaïdc!<br />
fe trouvoit encore à Tripoliy repaffa en Chypre y de peur que<br />
la mort de fon-Epoux, 6c fa propre abfence, n'y fiffent naître<br />
quelque nouveauté, préjudiciable aux kitétêtf^ de fes-Enfans,<br />
qui étoient au nombre de (juatre; fevoir, trois Fflles, ISABEL<br />
LE, MARIE,. MARIETI^E, 6C. un Prince, nommé HENRI, qui<br />
n'étoit âgé que de neuf mois-, lequel fuccéda àla ÇourQnne.<br />
Cette Princeflê fit transporter en Chypre k corps du Roi HucuÉs,<br />
qui fut inhumé avec beaucoup de pompç dans 1 EgUfe<br />
des* Hofpitaliers à Nicofte y ainfi qu'fl Pavoit ordonné par fcwa<br />
Teftament. v. r . ,,<br />
Les Peuples, qui^voient admké avec combkn de fageffe,<br />
6c de prudence, ce Prince s'étoit conduit, dès le commencement<br />
de fon règne, 6c la douceur, avec kquelle Jl lès aVpit<br />
gouvernés, malgré le m.auvais ufage que le'.Comte, de Mbntr<br />
îeillard avoit fait de fes finances, regrettèrent infiniment la<br />
perte d'un Souverain, qu'fls pouvoient, ..à jufte titre, appefler<br />
leur Père; puffque, non content de Popuknce, qu'fl,leur avoit<br />
procurée', fl avoit coutume de dire , " qu'il avoit trouvé les<br />
3, maifons de Chypre y de briques 3 mais qu'fl efpéroit de ks<br />
33 faire convertir en marbre; Se qu'fl n'oubUeroit rien3 pour<br />
3, augmenter k profpérité de fes Sujets. - ^- ^<br />
Après la cérémonie des funérailles, la Rehie ALIX,qui agif^ LesSet-<br />
(bit en tout, avec jintant de modération, que de prudence, K^^!'<br />
convoqua la COUR fupérkure, pour déclarer aux Barons, " qu'a- ^'""i^.<br />
'5, fin d'obferver ks loix duRojaume,efle,fouhaitoit, qu'fls dé- Henri. '<br />
3, ckraffent. Se reconnuffent kg Seigneurs JEAN, 6C PHILIPPE<br />
,, D'IBELIN, Oncles du Roi, Tuteurs, Se Curateurs de jeune<br />
„ Prince HENRI , fon Ffls, d'autant plus que leur affiftance lui<br />
„ étoit très-néccffaire, pour lui aider à maintenir k bon ordre<br />
Mmm 5, daii^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4ïS H I S T O I R E G E'N E'R AL E<br />
33 dans le gouvernement; foit, pour empêcher les troubles,qui<br />
33 pourroient y furvenir; foit, pour conferver le Roïaume dans<br />
3, l*%ulence, 6c la tranquilUté, dont fl jouïffoit.<br />
*La probité, v6c Je zèle des Seigneurs de Baruth y étoit fî gé- ^<br />
néralement connue que les Princes JEAN, 6C GUI, Frères du<br />
Roi, qui auroient pu prétendre à fadminiftration des affaires,<br />
furent les premiers à appkudk au choix de la Reine. Tous<br />
les Seigneurs du Confeil fuivirent leur exemple, 6c les déclarèrent<br />
unanimement Tuteurs du jeune Souverain, Se Régens du<br />
Roïaume, pendant fe minorité. Leur conduite, dans cet emploi<br />
délicat 6c épineux, fut bien différente de ceUe qu'avoit tenue<br />
k Comte ^de Montbeillard y fous k règne précédent Elle<br />
fut auffi- avantageufe à Ja Couronne, 6c aux Peuples, que l'autre<br />
avoit étç préjudiciable à tous les deux. La vérkable affection<br />
de ces Sdgneurs pour la Maifon Roïale, Se pour J'Etat en<br />
général, leur fit généreufement mettre à part k/oin 'de kurs<br />
propres affaires,pour fe donner entièreqient à ceux du gouvernement;<br />
de forte que chacun fut fi fatisfàit de leur mtégrité,<br />
qu'on n'auroit pu défîrer une plus grande fetisfadion,fi les démêlés<br />
ordinakes des deux Clergés Grec y Se Latin y n'euffent<br />
recommencé à troubler la tranquilité publique.<br />
Artîcie/r.,: Les.Gr^^j ne pouvoîeut fouffrir le nouveau règlement, qui<br />
S^Î"t.2.voit été fait au Concfle de Latran y k k foflicitation des Am-<br />
TJr'él'dt ^^^^^^"^s ^^ Ro^ HUGUES, qui y avoient affifté. U portoit:<br />
Chypre. „ L Que k .dignité Arcliiépifcopale ferok tranfportéc dc/'tf-<br />
/ • 3, magoufte à iyi^^,réfi4ence ordinaire des Rois;5e qu'on en<br />
3, ^vefîuroit ks latins y au préjudke des Grèves y qui favoient<br />
„ poffédé^ jufqu'alors. . ,<br />
3, IL Que les EvêqUes Grecs y qui étoient au nombre de<br />
„ quatorze, dans les Vflles^de Famagoufte, NicQfiCy Papho^i<br />
yy Umifol y Carpaffo y Chiti y Chitrie y Lapathos y Solky TreyyjJiitosy<br />
Thamafosy Curiasy Arfiis y Se Cérines y feroient rér<br />
53 drits'à quatre, avec p^xeû nombre de Latins y ce nombre,<br />
„ tant<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. DC. CIL IV. 459<br />
5 tant de l'un que de fautre rite, étant foffifant pour condui-<br />
35 re les Peuples du Roïaume 3 quine pouvoient d'aflleurs fob-<br />
35 venir, fans s'incommoder, à l'entretien de tant de Prélats;<br />
35 de forte que, s'fl y en avoit eu un plus grand nombre 3 ils<br />
3, auroient été obUgés de vivre d'une manière peu convenaWe<br />
33 à leur caradère. ^<br />
„ IIL Qu'après k mort d'un des Evêques Gr^r^, qui fubfi-*<br />
3, ftoient encore, les Latins jou'iroient entièrement des dixmes,<br />
„ Se des revenus, qu'fls poffédoknt ; 6c qu'fl ne demeureroit<br />
3, aux quatre Grecs y qui refteroient en pkce , que quelques<br />
3, penfîons fur les Monaftères, 5c fur kurs Eglifes, avec quel-<br />
3, ques penfîons, qu'fls exigeroient de leurs Clercs, en leur con-<br />
33 férant les Ordres de prêtrife, ainfî que leur Nation k prati-<br />
33 quoit dans les autres pays.<br />
3, IV. Afin d'éviter les conteftations, qui auroient pu for-<br />
3, venir entre les Evêques^Gmi, Se Latins y qui faifoient leur<br />
33 réfidence^dans les'mêmes Villes, on affignoit à l'Archevêque<br />
3, Grec de Nicofie la Vflle de Solky à celui de Famagoufte celk<br />
„ dc Carpafiby à celui de Baffo la Vflle d! Arfos y Se k cehii de<br />
33 liimifisl la Ville de Lefcara ; " Us ont depuis toi^urs continué<br />
à fake leur réfidence dans ces VlSies, Il eft vrai, que cc<br />
ne fut pas, fansèeaucoup de ptoe, qu'on les contraignit à fe<br />
retirer dans ces Cantons, 5c encore plus à les obliger d'y demeurer<br />
cn repos.<br />
Ces Prélats, Se leur Clergé,ne pouvoient fe confoler,qu'on<br />
les eût dépouillés de leurs tiens, 6ede leur autorité, avec tant<br />
de violence. En effet, l'injuftice étoît bien criante. Sous pré*<br />
texte de Religion, îls travaiflèrent d'abord à révolter tous ceus,<br />
quî fuivoient kur. rite, dont le nombre étoit incomparablement<br />
plus grand, que celui des Latins. Ils pouvoient, par confequent,<br />
caufer de grands troubks dans k Roïaume. C'eft pourquoi auflfî,<br />
pour détourner les fîùtes fàcheufes de ces ijaécontentemens, k<br />
Reine fut obligée de fe fervir de toute fon autorité, poiir les<br />
Mmm 2 ré-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
+60 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
. réduire, 6c pour faire inftaUer les Cathbliques Romains dans ks<br />
prééminences, Se les bénéfices, que la Bulle du Pape leur accordoit.<br />
C'eft ainfi que fe terminèrent, ou pour mieux dire,<br />
que s'affoupir^t les dangereufes querelks des deux Clergés,qui<br />
avoient fi fouvent embarraffé k Cour, le Confefl, 6c tous les<br />
Habitans du Roïaume.<br />
Les Seigneurs d'iBELiN, qu'EusTORGE, Archevêque de Nicofie<br />
y qui fe trouvoit encore kPtokmaïde y avoit informés de la<br />
réfolution qu'avoit prife le Roi JEAN DE BRIENNE ,. 6c les Sei-<br />
Troupes gncurs CroiféSy daller attaquer VEgypte, ne pouvant quitti|f<br />
tesenvoUes l^s affaires du Gouvernement pour afler eux mêmes à • cette géà<br />
Pwb- néreufe entreprife, Se ne croïant point d'avoir fuffifàmment accompli<br />
leur vœu dans la précédente, 5e in][rudueufe expédition,<br />
où ils n'avoient pas eu Ueu de tirer fépée, envolèrent à Ptolomaïde<br />
un renfort affez confidérable de bonnes Troupes, fous<br />
k conduite du Baron G A U T I E R DE C E'S A R E'E , ""qui. étoit<br />
auffi du nombre des Croifés, au tems du Roi HUGUES, que<br />
quelques Hiftoriens prétendoit n'être mort qu'après l'expédition<br />
dEgypte, où ils le font affifter; Mais, comme ils conviennent<br />
en même tems, qu'il n'a régné que treize ans, ilsfe fbnt contredits<br />
eux mêmes, puisque la'guerre, que les Chrétiens firent<br />
alors en Egypte, ne fe termina qu'en 1221. qui auroit été la<br />
16'. de fon Règne.<br />
i"8- LOREDAN, qui eft un de ces Auteurs,fans fereffouvenk d'avoir<br />
avancé," que ce Prince étok à la tête de fes TroUpes, raporte<br />
dans le Chapitre fuivant, que- ce furent les Seigneurs d'i<br />
BELiN, qui, à la foUickation du Roi de Jérufalem, cnvoïèirent<br />
une Armée de Chypriots k Pexpédition dEgypte y où, après<br />
avoir tenu plufîeurs Confeils à Ptolomaîdey ce Prince avec les<br />
Ordres MiUtaires, 5e les autres Seigneurs Croifés y.réfolurent<br />
d'aller. Le peu de progrès, que faifoient leurs armes en Pakftinéy<br />
les détermina à attaquer les Infidèks y du côté de VEgypte;<br />
dautant plus que ce pays étok k fource de kurs maux,<br />
par<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM.^ Liv. IX, CH.IV. 461<br />
par raport aux groffes Armées qui en fortoient. Se qui avoient<br />
toujours empêché les Chrétiens de faire aucune conquête de confidération.<br />
C'eft pourquoi fl étoit déformais tems de profiter<br />
des bons, Se- falutaires avis, que le Sarrafin CARACUT avoit<br />
donnés aux Chrétiens y après la prife de Ptolomaïde y qui étoient<br />
de fubjuguer VEgypte y où fe nourirffoit l'hydre, qui les tourmentoit;<br />
làns quoi, il leur feroit impoffibk de recouvrer le pays,<br />
qu'ils avoient perdu en /Syr/V. D'aflkurs, fl.fut réfolu d'agk,<br />
en conféquence de la déUbération, qui avoit été faite au Con <<br />
cile de Latran, Se de furprendre ks Infidèks^ , qui ne s'attendoient<br />
affurément pas à être attaqués de ce c^té là.<br />
Toutes les Troupes étant enfin combinées au Château Pelé- LaFiotte<br />
grtHy où étoît k rendez-vous général, 5e la Flotte bien en or- vam^l'<br />
dre, la plupart des bâtimens firent voife le 12.du mois dc Mai"^^^"**<br />
de l'année 1218. avec un vent fî favorable, qu'fl les conduifît<br />
dans trois jours devant Damiette. Le Roi, le Duc dAutriche y<br />
ks !NÏaîtres de VHopitaly du Tempky des Teutoniques y Se qudques<br />
autres Chefs, s'étoient arrêtés au Château Pekgrin, pour<br />
délibérer de queUe manière ils feroient leur defcente à Damiette<br />
y OÙ fls n'arrivèrent que fix jours uprès le gros de la Flotte.<br />
Leur retardement embarraffa fi fort ceux qui étoient déjà arrivés,<br />
qu^ils demeurèrent deux jours, à l'embouchure /^ A7/,<br />
dans l'inadion, Se en grande perplexité. Ils ne favoient quel<br />
parti prendre, faute de Chef. Plufieurs étoient d'avis dc s'en<br />
retourner ; 5c l'on alloit prendre cc mauvais parti, lorfque l'Archevêque<br />
de Nicofie repréfenta vivement, qu'il étoit plus à propos.<br />
d'éUre eux mêmes" un Chef, 6c de fe loger fur k ri^ge,<br />
où ils attendroient, avec commodité, la venue du Roi, 5c des<br />
autres Princes.<br />
Les raifons dc ce Prélat parurent fi bonnes. Se fi généreufes<br />
à ceux mcmes qui avoient opiné pour le retour, qu'ils<br />
fuivirent- tous unanimement fon avis. U élurent le Comte de<br />
SARP^ON peur kur Général. U fit inceffamment débarquer<br />
Mmm 3 les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
462 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
les Troupes. Elles fe logèrent commodément au bord du<br />
fleuve, entre la Ville, 5e la plage, fans trouver aucune oppofîtion;<br />
foit que les. Habitans de cette Pkce méprifaffent leur<br />
descente, ou qu'ils vouluffent conferver leurs Forces pour défendre<br />
leurs muraifles.<br />
Article V. Le Roi dc Jérufalem étant enfin arrivé avec fa fuite, toute<br />
U^MIT^^ Flotte s'apiocha pour entrer dans la rivière, afin de pouvoir<br />
rêteiari»t-{Q fervîr utilement de leurs Vaiffeaux, Se de leurs machines<br />
pour battre la Place; Mais, contre leur attente, ils,trouvèrent<br />
l'embouchure ^2^ ito/fermée, par une groffe chaîne, qui étoit<br />
tendue des murs de la Vflle à une haute Tour, fituée à l'autre<br />
bord. Cet obftacle les arrêta quelque tems; mais ils voguèrent<br />
enfin avec tant de force. Se de réfolution, qu'fls k bru'èrent,<br />
. 6c ancrèrent auprès de la même Tour, qu'ils jugèrent à propos<br />
de forcer, avant d'entreprendre le fiége de k Ville; confidérant,<br />
que,quelque médiocre qu'en fik la garnifon, eUekurrélîsteroit<br />
toujours beaucoup, tant par raport à Ja force de èette<br />
Tour, qu'à fon avantageufe fitjiation.<br />
Comme la hauteur extraordinaire de la Tour, que les Croifés<br />
vouloient attaquer, étoît caufe, que leurs batteries n'y pouvoient<br />
aucunement atteindre, ik travaiUêrent inceffamment à<br />
élever des Tours de bois fur leurs plus grands îsl^vires, avec<br />
d'autres machines, qui s'abattoient en forme de poht-levis, à<br />
la faveur dès quelles fls efpéroîent de réduire ceux qui k défendoient.<br />
Le zèle 6c fempreffement, avec lequel c^que Nation<br />
vouloît avoir part à cette attaque, firent qu'il y monta coiifufément<br />
une fi grande quantké de monde, que, malgré toute<br />
leur ardeur, ils étoient fî preffés, qu'fl étoit impoffible aux Soldats<br />
de fe fervir de leurs armes, ni aux matelots de manœuvrer;<br />
de forte qu'un de ces châteaux n'aïant pu foutenir }p poi^s, les<br />
fecouffes. Se les mouvemens.exccffifs de tant de gens, rompit<br />
tout à coup, avec un bruit. Se un fracas fi effroïabk, qu'fl fe<br />
fit un horrible maffacre, non feulement de prefque tous ceux<br />
qui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LIV. DC. CIL IV. ^ 461<br />
quiTe trouvoient en haut, mais encore de ceux qui .étoient au<br />
bas, qui furent mfférabkment écrafés par les poutresy'les antenes,<br />
les planches, 6c les autres matériaux qu'on avoit em-<br />
^ploïés pour les conftruke. D'autres furent enferrés,dans Jes<br />
épées, piques, ou bâtons ferrés de leurs Compagnons. Grand<br />
nombre, qui tombèrent dans k rivière, furent fi-acaffés, ou<br />
noïés, pour n'avoir pu fe débarraffer de leurs harnois, 6c pour<br />
s'y trouver accablés par la quantité d'armes, pièces de charpente,<br />
ou autres cnibarras.<br />
Les cris kmentabks de tant de gens.bkffés, ou mourans,<br />
6c le fpedaek affreux des différents genres de mort, que venoient<br />
de fouffrir tant de vaiflans Hommes, remplirent toute<br />
rArmée de doukur, 6c de triftefle. Les Barbares y au contraire,<br />
en jettèrent de grands cris de joie, mêlés d'hurkmens,<br />
d'injures. Se de hhfphémes. Ils auguroient, en leur faveur, un<br />
grand avantage, d'un événement fi funefte à leurft Ennemis,6c<br />
qui devoit les épouvanter; mais fls éprouvèrent bientôt des effets<br />
contraires à leur vanité.<br />
' LeRoi JEAN DE BRIENNE accourut promtement au fieu,^<br />
où étoit arrivé ce grand défaftre, 6c ordonna d'abord, qu'on pançât<br />
ks bleffés, qu'on enfevefit les morts, 5c fit, parfepyéfence,<br />
bientôt .ceffer le tumiflte, 5e l'émotion; U confok enfin<br />
fi bien tout le monde par la douceur, avec laqueUe il rcprk le<br />
trop d'ardeur des Soldats, en les exhortant d'être à Pavenk plus<br />
attentifs à leur devoir. Se plus obéïfïàns aux ordres de leurs<br />
Oflfîciers , afin d'éviter de femblables disgrâces, qu'au Ueu<br />
d'être intimidés de la mort précipkée de kurs compagnons, ik<br />
fe montrèrent tous plus animés, que jamais, à combattre ks<br />
Infidèles y pour fe vanger de leur perte.<br />
Pour profiter de leur empreffemènt, le Roi fit promtement z^jCroiavancer<br />
les Galères Se les autres Bâtimens à rame, afin d'em-^^^^T^'<br />
pêcher k communication de la Tour à la Ville, 6c les fecours ^"^^<br />
qu'elle auroit pu rcccvoix par k rivière. Et, au moïen d'une Damiette.<br />
nou-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
464 H I S T O LR E G Ef N E' R A L E<br />
nouvelle çiàchine, qifon conftruifit en diligence, 6c avec plus<br />
d'attention, que ks premières, ils donnèrent un nouvel aifaut<br />
à k Tour, avec tant de vigueur, 5c de, conduite, que,malgré<br />
les efforts prodigiepc des Infidèks y ik s'en rendirent maîtres;<br />
Se l^n ne put empêcher les Bâtimens des Chrétiens de fe<br />
faifir du haut du fleuve, r6e de rompre Je pont qui étoit entre<br />
Maffacre k Vilk, Sc k Tour. Lc maffacre, qu'ils firent des Infidèks<br />
flf«tofidè-Tut effroïable. Tout fut paffé au fil de fépée, ou précipité^du<br />
^^' haut des murailles. On donna pourtant la vie à quelques-un»<br />
qui s'étoient ré^rés dans les Souterrains de cettç Tour. . »*<br />
Cette heureufe expédition mit ks Chrétiens en état d'attaquer<br />
le fauxbourg joignaht, 5e qui étoit bien fortifié. Cétoitlà<br />
où logeoicnt tous-ks Marchands étrangers avec leurs marchandifes.<br />
Les-rétranchemens n'en étoient pas çonfiderabiây.<br />
Us furent emportés fépée à la main, 5c tous ces mi^Hbks<br />
taiflés en pièces, ou retenus prifonniers. L'Armée y trouva un<br />
merveifleux iecours, par J%bondan«?ï, de vivres, 5c y fit un butin<br />
ineftimabk, tous les magafîns étant rempUs de marchandflès<br />
f\ précieufes, qu'on auroit dit que les Sol«^t5 avoient faccagé<br />
h Perfi^y V Arabie y Se les Indes,<br />
Une vidoire fi complette, accompag^iée. d'un,butin fi confî-<br />
' dérabfe, rédoubla tellement le courage des Troupes, qu'on ré-<br />
- folut de tenter d'efcaladerja Place, dès le lendemain. On n'a<br />
jamais vu émuktion plus grande, que le fut celle des Soldats,à<br />
cette occafîon. Us appu%*ent grand nombre d'écheUes,6e montèrent<br />
à f affilât, avec tant de gaieté, que s'ik^ n'euffent eu perfoime<br />
à combattre. Us f% fiattoient du moins de trouver les /«fidèles<br />
fl abatus,, 6c fi confteri:i,és, qu'ils n'autpknt pas eu beaucoup<br />
de peine à If s vamcre; Mais ils les trouvèrent, au contraire,<br />
fi bien difpofes àfe défendre,qu'après avoir perdu grand<br />
; nombre de kurs plus vaflkns compagnons, ils furent contraints<br />
d'abandonner leur entreprife. ... 7v<br />
Le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
»E JE'RUSALEM. LfV. IS:. Cri. IV. 45y<br />
Le Roi, 6c ks autres Chefs, à qui k fermeté des Affiégés<br />
ftt connokre , qu'on tenteroit inutilement de ks furprendre,<br />
avant d'avoir fait brèche à leurs muraflles, firent alors dreffer<br />
diverfes machines, pour battre la Place. Elles jouèrent, fans<br />
relâche, pendant plufieurs jours, avec grande fureur : Mais elles<br />
en purent à-peine entamer les remparts. Divers affauts,<br />
qu'on tenta de leur donner pendant ce temsJà, n'eurent pas<br />
un meflleur fuccès; Sey malgré ks adions héroïques des- Officiers<br />
6c des Soldats, ils rencontrèrent par-tout tant de réfistance',<br />
qu'fls furent obligés de fe retirer avec perte: Le peu de<br />
progrès de tant d'affauts, 6c le peu d'effet de ces batteries, fit<br />
réfoudre le Roi à ne plus fonger qu'à affamer la ViUe.<br />
On mit,pour cet effet, tout en ufege pour la bien ferrer,6c ^^^^'^^<br />
fc faifîr de toutes les avenues, fans pouvoir en venir à bout. Le rue par<br />
Soudan ME'LEDm y quoique d'un naturel plus tranquik, 6c ^^'^'^^'*<br />
beaucoup moins guerrier, ^ue CORADIN, fon Frère, avoit af^<br />
fcmblé une Armée fort confîdérable, pour fecourir une Place,<br />
dont la confervation lui étoit de k dernière importance. Il vint<br />
camper fî près du Camp Chrétien, qu'fl ne reftoit qu'un rameau<br />
du Nil entre deux. Afin d'encourager les Affiégés, ce<br />
Soudan leur envoïoit contînùeflement des provifîons, des rafraichiffemens<br />
, 6e des Lettres, par lesquefles fl les exhortoit à bien<br />
défendre leur Ville, leurs biens, 6c leurs familles, ks affurant<br />
qu'il ne tarderoit pas à les déUvrer.<br />
Les ChrétienSy dont l'Armée étoît fort diminuée; foit, par<br />
la mort de quantité des plus vailkàïs ; foit, par k retraite de divers<br />
Seigneurs, qui, ennuïés d'un auffi long fîége, favoient<br />
abandonné, avec leurs Troupes, n'étoient plus'en état d'empêcher<br />
les fréquens fecours qui entroient dans la Place, dont -<br />
les Habîtans, encouragés par ces afïïftances, ? 6c par la proximité<br />
de leur Souverain, étoient plus réfolus,que jamais, àfe bien<br />
défendre. Le Soudan y de fon côté, fe tenoit toujours dans fes<br />
retranchemens, fans vouloir en venir aux mains avec ks Cbré-<br />
N n n tiens.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4$6f HIST ai RE >G E' N E' R Aa E<br />
tiens, C'eft poikquoi «Is demeurèrent k>ng'tems en prefence les<br />
uns des autres,fens qu'fl ne fe pafSt que quelques légères efcarmouehes,<br />
qui ne décidoient de rien.<br />
Dans ces entrefaites, k perte desO'CfiféSy qui avoient voulu<br />
fei retirer, malgré les prières dii Roi, 5c ks exhortations du<br />
Patriarche ,i fut heureufement réparée par farrivée du Cardinarl-'PÈ'LAGius,-Evêque<br />
dAIbano, que le Pape avoit envoïé pour<br />
rekvèr le Cardinal COLONNE, foh Légat en Grèce y Se en Syrie.<br />
PE'LAGICS arriva à Damiette y avec urt gros renfort de Troupes<br />
Malienne y Se Françoifes; Les Evêques de Paris y dAutun,Se<br />
dt Liège y le Comté ée NEVERS , 6c plufîeurs autres Seigneurs<br />
des principaks'*Maifons de France^ 'forent de cette Croifades '<br />
Un fecours fî confidérable, joint à diverfes autres bandes,<br />
qui y.*: arrivoient de tems-à-autre , groffiffoit, Se réjouïffoit<br />
Mruîéei'f ' U faifoit efpérer aux Chrétiens de véiiir à bout de<br />
ce flége, 6c^ d'emporter la Place aux yeux du^Soudanmeme;<br />
En effet 5 ce Prince Infidèle y qui commençoit à Craindre les<br />
Chrétiens y par raport aux fréquentes allarmes, qu'ils donnoient<br />
tous les fours à fon Camp., auroit dès-lors penfé à fe retirer,<br />
Se Pauroit fait, fans la difcorde, qui fe mit dans l'ArméeCWtienncy<br />
parla hauteur, 6e la vanité du Cardinal Légat r qui<br />
prétendoit en avoir le fouverain commandement ; ce qui partagea<br />
les efprits des principaux Seigneurs, 6c des Officiers, fur<br />
tout de ceux qui n'obéïffoient pas volontiers au K(À de Jérufalem.<br />
M; "• ' ^<br />
Une disgrâce, encore plus grande, que ces cont^ft^ions,<br />
penfa faire périi: tout le Camp,6cfut caufe qu^fls ne purent profiter-de<br />
la terrAr des Barbares, Ce malheur fut caufé par des<br />
vents furieux, que s'élevèrent Wrs la'fin de l'Automne. Us<br />
fouffièrent, pendant trois jours, Se trois nuits, avec tant de viofence,<br />
que la mer, enflée par leur agkation, fortir de fes bornes;<br />
6e fes vague^repouffant, avec impétuofité, le cours du<br />
Nily 5c empêchant celui de fes eaux, tout le Camp Chrétien<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM; Liv.IX. CH. IV. 4^1:<br />
en fot inondé, 6c'auroit été immancabkment fubmergé,fî©jieu,<br />
touché des larmes, 6c des ferventes prières des pieux perfonnages,<br />
qui s'y trouvoient. Se qui imploroknt fa fainte mifericorde<br />
, n'eût enfm fait ceffer cet affreux orage, Sc rentrer la meri<br />
6c la rivière dans leur lit ordinaire. Les Chrétiens perdirfi»ç<br />
pourtaat plufîeurs Bâtimens, que k tempête fit brifer contre torre;<br />
6c la phipart de leurs vivres en furent fî gâtés,qu'fls devinrent<br />
entièrement inutfles. , ^<br />
M E'L E'D I N , au contraire, dont le Can^p étoit. plus fécule,<br />
Se qui avoit la campagne Ubre, eut k, bonheur d'éviter cette<br />
inon
468 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Ceft,pourquoi, voïant, que tout ce qa'ils avoient fait, pour<br />
le piquer d'honneur, avoit été inutfle, Se qu'il refufoit toujours*<br />
la bataifle, leur impatience augmentant, ils fe déterminèrent<br />
à f attaquer dans fes retranchemens. Us palïèrent<br />
l'eau , fur divers bateaux, d'un air fi hardi, Se fi réfolu,<br />
que leur feul mouvement ^ouvanta M E'L E'D IN, qui,<br />
'Ufé^d't^^^^^ plus fonger à la confervation de k Ville, ni à fa probandonner<br />
pre réputatîon , uî enfin au mépris que fes Sujets auroient<br />
{"tf«tw!&pourfa lâcheté, abandonna promtement fon Camp, 6c fc<br />
fmcamp. xQtilrd. vcrs k Capitale. ni*<br />
La fuite précipitée. Se la timidité de ce Prince furprirent<br />
agréabkmcj^t • les Chrétiens, Us demeurèrent quelquej tems<br />
fospendus , parce qu'ils craignoient toujours que ce ne fijt<br />
un ftratagème, pour les attirer dans le piège ; mais ils reconnurent<br />
enfin, qu'fl ne fongeoit effisdivemènt qu'à gagner<br />
le Caire y foit par un pur effet de couârdife, ou que Dieu,<br />
voulant favorifer fon Peuple, luî eût iriÇ>iré une terreur pfe<br />
nique, qui le rendit incapable de s'oppofer à leur entreprife.<br />
Us s'emparèrent d'abord de fès ^retranchemens, où ils<br />
trouvèrent une fi grande abondanèe de prDvifîons, qu'fls fii*<br />
rent largement dédommagés de celles que' • l'inondation du<br />
iVf/leur avok gâtées; 6e, de plus, tant de riches dépèuilles,<br />
que le butin, qu'ils y firent, fut extraordinaire. -<br />
L'avantage de ce Pofte , où une partk "de l'Armée prit<br />
fes quartiers, pendant que l'autre travaifloit à faire un pont<br />
de Bateaux, pour ferrer k Place, Se s'entre-fecourir facilement,<br />
en cas de befoin, paroiffoit devoir bientôt en faciUter<br />
la prife aux Chrétiens y dmtTint plus que ce bon fuccès les<br />
mettoit en état d'empêcher qu'elle ne pût être fecourue ;<br />
maîs, comme fes fortifications étoient extraordinaires, Se que<br />
la garnifon, 5c ks Habitans étoient déterminés à périr plutôt,<br />
que de fe rendre, fls trouvèrent tant de réfiftance de<br />
tous<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liy.IX. CH. IV. 46P<br />
tous ks côtés, que , malgré k bonheur , qu'fls avoient eu<br />
de faire éloigner le Soudan avec fon Armée, 6c de bloquer<br />
entièrement la Place , le fi%e n'en étoit guères plus avancé.<br />
U y avoit même apparence, qu'avec les fréquçns .fecours,<br />
qui 4eur arrivoient d Europe y fls auroient encore confumé<br />
des années entières , fans en venir à bout; d'autant<br />
plus- que les nouveaux venus ne faifoient que remplacer ceux<br />
qui, dégoûtés de la longueur de cctte entreprife, f aban^<br />
donnoient, pour s'en retourner ; de forte que leur • Armée<br />
n'étoit jamais ni plus forte, ni plus nombreufe.<br />
C H A P I T R E V.<br />
Le Duc d^Autriche y qui avoît paru fi zélé pour k réus-Article/.<br />
fite de ce fiége, 6c qui avok été des premiers, à h^-^^^ll<br />
mer ceux qui favoient abandonné, fuivit cependant leur""iche.fif<br />
exemple. Se partit avec fes Troupes; foit, comme quelquesflwSM&'^<br />
uns le prétendent, que fa prefence fut néceffaire dans fes fjl^J*<br />
E'tats , ou que quelque autre motif ne lui permît point<br />
d'en attendre la im. U eft vrai auffi, que le peu de concoïde»,<br />
qui regnoit entre les Chefs , Se fur tout entre k<br />
Roi, 6c le Légat, qui, dans tous ks confeik, s'oppofoit<br />
au fentiment de ce Prince, avec beaucoup de vioknce, parce<br />
qu'il ne pouvoit Pengager à lui céder le commandement<br />
de PArmée, comme ce Prékt le défiroit : cette méskitcUiç<br />
gence , dis-je , avoît été Punique caufe du départ !de plufieurs<br />
Seigneurs Croifés, qui ne prévoïoient que trop ce qui<br />
en arriveroit. En effet, elle rétarda, non feukment k prife<br />
de Damiette, mais encore fk perdre dans la fuite anx>C/v^tiens<br />
l'occafion de rentrer fans peine, 6e làns aucune effu-<br />
Nnn 3 fion<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
470 H ï S T. O l R E ^ G E' N E' R A.L E<br />
i fion de fcigt, dans kippff^^n du Roïaume de Jémfakmyqm<br />
étoitle grmâbnt de^toutesle^^Cmfades,<br />
Car les Affiégés,dont lejionibrc étoit fort grand, aïant confumé<br />
presque toutes leurs provifîons, fans pouvoir cn faire venir<br />
d'autres, trouvèrent le moïen d'informer M E'L E'D IN, queles<br />
vivres ^wrmaïKpUQÎent, dans P^g^érance d'en être fecourus. Le<br />
.Soudan, qui étoit entièrement occupé à fe.fortifier dans fe<br />
-Gapitgflç, Se qui daigaoit une difette générale dans toute P^gypteypzrct<br />
que le M/n'ayoit point crû cette année, félon fon<br />
ordinaire, écrivit promtement k( .CO&ADIK , fon Frère, pour<br />
f exhorter à lui ménager un accommodement avec les ChréiéinSy<br />
à quelque prix que ce fut, pourvu qu'ils, le vaffentdabordk fiége<br />
dc Damiette y Se qu'ils fortiffent des terres dEgypte: -- -<br />
Coradin CoRADiN, quî, coutrc k coutumc dcs 5^r^
©E JERUSALEM. LIV. EX. CH. V. 4?-j<br />
55 tienSy Sede ks laiffer tranquflement jouïr de toute la Pales-^<br />
„ tine y à condkion qu'fls kifferoient k Roïaume d'Egypte en<br />
yf repos.<br />
Les Miniftres de CORADIN n'eurent pas plutôt notifié leur<br />
commiffion dans un Confeil, où ils forent introduks-, que Je<br />
Roi, k Maître de VHépitaly Se plufkurs autres Seigneurs, qui<br />
n'étoient pas moins bons politiques,que vaiUans guerriers,connoiffant<br />
combien leurs propofîtions étoient avantageufes aux<br />
ChrétienSy convinrent, fans iiéfitcr un moment, " qu'fl failoit<br />
3,'les accepter; puisqu'on leur offrok par mi Traité, ce qu'fls<br />
3, ne recouvreroient peut-être, de leur vie, par k voie des ar-<br />
3, mes. U leur fembloit, que la Providence bivine devoit<br />
3, avoir infpiré à ce Prince Infidèk de ks traiter fi raffonnabk-<br />
3, ment.<br />
C'étoit-Ià parler judicieufement; maîs k fatale désunion,qui Le Légat,<br />
regnoit entre le Roi Se le Légat ; fémulation, qui dominoit ^J^.<br />
également les Templiers y Se les Hofpitaliers y engagèrent le Maî- P^'^J?» ^'><br />
tre des premiers à aj^uier k fentiment du Légat, qui voulant<br />
s'oppofer à Popinion du Roi, que la plupart paroiffoient approuver<br />
, foutint, avec chaleur, " que le recouvrement de Jérufa*<br />
33 lem n'étok pas k feul objet, pour lequel les Chrétiens avoient;<br />
3, pris les armes; que leur but étoit d'étendre leurs conquêtes,<br />
5, d'augmenter h foi Catholique y d'anéantir, 5c d'étckidre, l'inv<br />
„ pie. Se déteftabk feue ée Mahomet y Se d'affurer kur domiyi<br />
nation en Syrie y ce manière qu'eUe ne pût plus,être ébran-<br />
3, lée, ni leurs affaires y retomber en décadence, comme eUes<br />
5, avoient fait du tems paffé ; Que, pour y réùffir ,11 n'y avoit<br />
„ point de meflleur mo'kn, que defe renà-e makres duRoku-<br />
„ me dEgypte ; Et qif enfuke fls rentreroicnt, fans peine, dans<br />
„ celui de Jérufalefn, Sc chafferoi^t les Infidèks de toutes les<br />
3, Provinces, qu'ils occupoient en S;rrf. - ><br />
C'eft ainfi,que raifonnoit le Légat, préoccupé de fe paffion,<br />
66 de certaines prophéties, oùfl avoit troiivé, que celui qui<br />
ddi-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
47.2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
defivreroit Jérufakmy 6c k Terre-Sainte y fortiroit d Efpagne:<br />
U en avoit l'imagination d'autant plus frappéei? qu'il croïoit,<br />
qu'étant de cette Nation, tous ces vaftes projets dévoient s'accomplk,<br />
fous fon.Miniftère.<br />
^infi, feps fe mettre en peine du grand préjudice, qu'fl fei.<br />
foit à la caufe commune, fl/outint avec tant d'opiniâtreté,qu'il<br />
failoit rejetter 1^ propofitions de CORADIN, que le Patriardie,<br />
6c la plupart,(des Evêgues, foît qu'fls n'euflipnt point affcz dc<br />
connoiffance des affaires poUtiques, pour difcerner favantage<br />
des offres qu'on leur faifoit,. ou par pure compkifence pour le<br />
Légat, forent de fon avis ; deforte que, malgré les bonnes raifons<br />
du Roi, Se des Seigneûr,s diftingués par leur expérience,<br />
fl fut impoffible de faire revenir ces Prélats de leur erreur; &<br />
le Cardinal, infatué de fon ambition, voulut abfolument qu'on<br />
renvpïât les Ambaffadeurs du Soudan de DcmaSy avçc cette<br />
mauvaife rqwnfe. . .<br />
Article //. CoRADiN fut fi outré de Pavancc, qu'il avoit faîte inutflement,<br />
d^oUe^plr & du pcu dc cas quc ks Chrétiens ^ypxent fait de fes offres, quoi<br />
Coradin. q^g f] avai^ageufes^pour eux, qu'il ne fongea plus qu'aies en<br />
d&ire repentir. Il commença à fair^ démolk les murailles de<br />
y^ra/^^w, jusqu'aux fondemens. U en fit de même de tous les<br />
,;^ beaux Edifices, dont.cette^Ville étoit ornée, àja réferve du<br />
Tempk de SALOMON, SÇ de celui du St. Sépulcre;, le prépUer,<br />
par raport à la vénéiâition que ceux de fe croïgnce confervent<br />
, pour cet ancien monument; Se celui
' »"ï jEltJSALEM. tiy. IX. CH. V. 4^3<br />
fuivi kurs Confrères en Egypte. Aînfi, k Soudan s'en empara<br />
facilement, 6c le fit rafer, auffi bien que celui que le Roi JEAN<br />
^ BRIENNE, Se les Hofpitaliers y avoient bâti peu auparavant<br />
près de Céfarée. Il prit enfuite cette Ville , défola, 6cra-,<br />
vagea entièrement tout le plat pays, Se mit la plupart des<br />
Bourgs, 5e Villages de la Palefline à feu Se à fang, afin que cbAteaux<br />
k bruit de ces défolations parvint filutôt en Egypte y Se obligeât l^^; par<br />
les Chrétiens à abandonner ce Roïaume, pour venir promtement c^radm.<br />
défendre leurs propres Terres. ' ^<br />
• Cependant,malgré la nouvelle de toutes ces disgrâces. Se k Articie/iJ.<br />
maladie, qui s'étoit mife danâ le Camp par la difette des vivres,<br />
par les chaleurs exceffives du jour, 5e par l'humidité de k nuit;<br />
6c quoique que k mal eût paffé des fimples Soldats jufqu'aux<br />
principaux Seigneurs de l'Armée , dont même plufîeurs des<br />
plus qualifiés; moururent; entre^autrcs GUILLAUME DE CHAR-•^"'f*^«<br />
TRES, Makre des Templiers; ADOLPHE, Comte de Mons; Ri-Damiette.<br />
CHARD MoLiNiERS, Frère, Ou Ffls du Roî dAngleterrey Se divers<br />
autres , le refte de PArmée ne laiffa pas de continuer<br />
le fiége avec la même ardeur, Se le mêrtie zèle. Il eft vrai, que<br />
quantité de Nobleffe de toutes les Nations, plus effrayée de<br />
la mort de tant de grands perfonnages, 5e du ravage que faifoit<br />
cette efpèce de contagion, que de tant defengkns combats,<br />
OÙ ils s'étoient trouvés, fe rembarquèrent,avec kur fuite,pour<br />
retourner en-E«r(?/>^.<br />
Alors, mais trop tard, ks Chrétiens reconnurent la faute. Repentir<br />
qu'fls avoient faite de refufer les offres avantageufes de CORA- ticS^d^'<br />
vi<br />
DIN, Se commencèrent tous àfe repentir véritabkment de kj^^'y*'.<br />
complaifance, qu'ils avoient eue dc fc rendre au fentiment du mens d»<br />
Légat, qui n'avoît aucune expérience des affaires dc la guerre, ^^^'"'<br />
Se qui étoit caufe des incommodités qu'ils fouffroient, Sc du<br />
péril qu'ils couroient de périr tous, ou, tout au moins, d'échouer<br />
dans leur entt-feprife. Les Affiégés, quoi qu'«ncore plu»<br />
accablés dé faim, de mifcrc, 6c de maladie, qu'eux, n'étoient<br />
Ooo pa«<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
écnne<br />
474 HISTOIRE GENERALE<br />
pas moms fermes à fe défendre, 6c à répouffer leurs attaques;<br />
de forte que le fîége tramoit toujours en longueur, fens'apparencc<br />
de pouvok être termkié avec fuccès ; malgré ks grands<br />
foins, que prenoient les Chefs des Croifés de confoler, 6c d'encourager<br />
les Soldats à pcrfévérer dans la réfolution, où fl»<br />
étoient tous de prendre Damiette^<br />
*T"X On y étoit réduit à ces extrémités, lorsque le Camp Ci&r/.<br />
nue'cïaé' tien fut fecouru dc qusmtité de provifions6cde rafraichiAsuifiis,<br />
que lui apportèrent divers Navires, fur ksquels étoiçnt embar»<br />
qués l'Archevêque de Milan y les Evêques de/î^^w, de Bresfey<br />
Se de Faënce y avec k Duc dc Bavière y les Comtes d'Augs*<br />
bourg y Se Zurmartu/hy dHôchftety Se phifîeurs autres Perfonnes<br />
de k première qualité, tant d^ Allemagne y q^e dit alk y le^<br />
queUee, fur le bruit dc la réfiftance, que ks Croifés trouvoient<br />
dans leur entreprife fur l'^^y/^/^, voulurent avoir parc à la gloire,<br />
qu'fl y avoit pour eux tous, de s'emparer des côtes maritimes<br />
de cc Roïaume. En effet, ce grand fecours arriva bien i<br />
propos pour ks foulager, 6c pour rekver leurs forces abatue»<br />
par la difette de vivres, par ks travaux çontmuekj 5c par k<br />
maladie.<br />
Un fi puiffant renfort d'Hommes, Se dç vivr^, anima teflement<br />
toute PArmée, que les TrcHipes oubUèrent bientôt leurs<br />
fouffrances. EUes alloient aux affauts avec autant de gaieté,<br />
que fî c'eût été un feftin. U n'en étok pas de mênie des Affiégés.<br />
Us n'avoient rien pu recevoir,depuis la fuke de kur Soudan;<br />
Se y pendant feize mois de fîége, fls avoient confumé tou^<br />
tes leurs provifîons ; de forte qu'îfe étoient rédum à manger def<br />
chiens, des çliats, 6c tout ce qu^fl y a de plus fàle, 6cde plu»<br />
immonde. Ces mauvais alimens leur avoîent corrompu k fàng;<br />
ce qui engendra une fi cruelk maladie, qu'ils en mouroicnt<br />
iniférabkment, fans pouvok s'entre-fecourir, ni même donne»<br />
k fepulture à leurs cadavres. Enfin leur ^tat étok fî dépk^<br />
rabk, ^fu'iis n'étaient plus défendu», ^ç par leurs muraflle»,<br />
Cc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DI JE'RUSALEM. Liv. IX. CH. V, 47^<br />
Cependant, comme cUcs étoient très-difiicfles à forcer, les ArticiciK.<br />
Chrétiens ne pouvoient guères profiter de kur accablement. Us<br />
efpéroient, que la famine, ou les autres malheurs leur procureroient<br />
la prife de k Vflle. Les Affiégés eurent encore le bonheur<br />
de fake favoir au Soudan l'extrême mifère, où fls étoient<br />
réduits, lui déclarant, " que,s'fl ne fe mettoit promtement en<br />
„ état dc ks fecourir, il ne refteroit bientôt que des morts,<br />
fy OU des mourans, pour oppofer aux ennemis." Ce Prince /»*<br />
fidèle y foit qu'fl fiut véritablement touché des calamités de tant<br />
dc Sujets affedionnés, 6c fidèks, ou qu'fl craignît qu'on ne refcttât<br />
fur lui tout le bkme de leur perte, 6c de cefle de leur<br />
ViUc, fe mit alors de nouveau à k tête de fon Armée ; mais,<br />
la réfolution, qu'fl avoit prffe, de ks alkr fecourir, cédant k<br />
fon peu de courage, fl s'arrêta à environ trois Ueues au-deffous<br />
du Caire y au même endroit, où k Nilfe fêparc en deux branches.<br />
U fe contenta de faire charger abondance de provîfion»<br />
fur de groffes barques, garnks d'hommes adroits, vafllans, &<br />
bien entendus, pour les conduire à Damiettey2^sec ordre,lorsqu'As<br />
feroient à portée d'être découverts du Camp Chrétien y dt<br />
s'arrêter jusqu'à la nuit, pour introduire le fecours, qu'fl envoïoit<br />
aux Affiégés, à k faveur des ténèbres, Se ks affurer qu'il viendroit<br />
bientôt lui même les ddivrer de kur mifère.<br />
Afin de mieux affurer ce convoi, fl fit marcher une partie<br />
dc fe Cavalerie le long du Nily pour faire tête aux Chrétiens<br />
y qu'fls pourroient rencontrer ; Mak , comme l'un dc<br />
fes Amiraux lui fit comprendre , que , malgré ces précautions,<br />
ce convoi, 6c cette Cavakrie courroient grand rifque y<br />
6'fl ne s'avançoit lui même pour ks foutenir , il marcha à<br />
petites journées, pour faire réùffir fon entreprife, qui n'eut<br />
pourtant pas un meifleur fuccès.<br />
Les Chrétiens étoiené trop attcntffs à fermer les avenues dc<br />
la ViUe, tant par mer, que par terre, pour empêcher qu'il n*y<br />
pat rien entrer* Ik apprirent bientôt le» approches de la Ca*<br />
Ooo a vale-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
47
DE JE'RUSALEM. Lir.IX. CH.;V. 47?<br />
ennemk, fans même perdre un, pié_ de terrain; Et le Roi, qui<br />
y accourut promtement, avec les Templiers y Se tput le refte dé<br />
l'Armée, engagea un combat général,qui devint ^si^i^pint plus<br />
fanglant,que la nuit les furprit, fans pourtant ks emp^çJl^r de<br />
k continuer.<br />
Le* deux Armées firent également des efforts furprenans<br />
pour obtenir la Vidoire ; cependant, fait que la timidité naturelle<br />
du Soudan le reprît,ou qu'fl s'ap§erçût,que fes gens conx.,<br />
mençoient à fe relâcher, ;flfe retira le premier du. champ de<br />
bataille , .014 fl kiffa quanùtp des fiens étendus fur k pkce. Se<br />
afla fe camper fur le bord du Nil y k quelque diftance de PArmée<br />
Chrétienne. Il eft vrai,que,fi cette adion coûta un plus grand/r^7?<br />
nombre d'Hommes à M E'L E'D IN, k quaUté de ceux qu'y per- ^*"*^*<br />
dirent les Ch'étiens Pemportoit. Les Maîtres de VHopitaly Se<br />
du Tempky avec pkfieurs Chevaliers de ces deux Religions,'y<br />
perdirent la vie; ce qui diminua beaucoup la joie du gain de k<br />
bataflle.<br />
C H A P I T R E V L<br />
• •• • 1 •<br />
Quoique les Affiégés n'euffent encore reçu aucun fecours iArtîcièjr<br />
la proximité de leur Souverain les avoit fi fort ranimés ,* ^^^^li^^<br />
que, malgré Pétat déplorable, où fls étoknt réduits, fls retmime<br />
fe défendoient toujours conftamment. Leur réfiftance fit com- SiSédin -<br />
prendre au Roî de Jérufalem, qu'il ne viçndroit jamais à bout fnnfbt-^'^<br />
de ce fiége, tant que M E'L E'D IN feroit fi près de k Vifle ; c'eft ^tnt. - '•<br />
pourquoi, .dès qu'il fut affuré de^fon campement,, fl réfWut de<br />
l'aUer attaquer dans fes retranchement. Uf exécuta même avec<br />
pks de confiance, que n'auroit dû en avok un Ptkice auffi ex-<br />
Ooo i péri-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
•
j^^i H I S T O I R E G Ë' N E' R A L E<br />
îériïiientc que lui ; Cétoit le 6* Odobre. U kiffa k gros de<br />
Î'Armée continuer k fiége, ôc marcha avec un corps de Troupts<br />
fort médiocre i en eoinparaifon de k multkude, qu'fl aUok<br />
attaquer.<br />
ME'LE'DIN, furpris de la hardieffe des ChrétienSy jura de<br />
punir leur témérité. En effet, fl fit bien connoître dans cette<br />
ôccàfiott, qu'un Homme fans courage, 6c fans vakur ^peut quelque<br />
fois téduire un grand, Sc vaillant Capitaine à k dernière<br />
extrémité; for tout, lorsqu'il fè hazarde à des entreprifçs trop<br />
dispropdrtionnées, comme fit k Roi de Jérufakm dans cette<br />
ttiallieureufe conjpttddre; puifque j malgré fa valeur, 66 fon ha.<br />
Il pert u bileté, fl ne fe fauva qu'avec beaucoup de peine, apr^ avok<br />
rr"« M"^ perdu k fleur des Troupes, qui l'accompagnoient; Car, dès<br />
•Sfiu^ que ks Infidèles f eurent découvert, le Soudan quitta fes retriui*<br />
/ê/J^er^ Chèmens, 6c feignk de prendre la fuite; mais c'étoit pour fé»<br />
lôîgner du Camp, 6c fattirer dans des lieux plus avantageux;<br />
perfuadé que les Chrétiens, non moins avides du butin,que de<br />
la gloire, s'amuferoient aie piller, comme ils curent en effet<br />
l'imprudence de faire. ME'LE'DIN , profitant alors de leur<br />
inadvertance, 6c de fa propre feinte, retourna fur fes pas, &<br />
les chargea avec tant de fureur, 6c d'avantage, que disperië?,<br />
comme ils étoient, fl leur fut impoffibk de fe raUier affez promtement<br />
pour lui faire tête; de forte qu'au fieu de vaincre, 6c<br />
de s'enrichir, comme ik Pespéroicnt, ils furent la plupart tafl-:<br />
lés en pièces, ou faits prffonniers , fans mêm^ que plufîeurs<br />
Sdgneurs, qui furent de cette fatale expédkion, puffent éviter<br />
ce trifte fort.<br />
&ièfuurt GAUTIER, Connétable de France y qui commandoit les Trou*<br />
trifemers. pcs dc ccttc Natiou, 6c MILON DEME'LUN,y perdirent k vie,<br />
auflfi bien que divers autres Seigneurs d'égale confîdération.<br />
L'Evêque de Beauvais y GAUTIER DE NE'IIOURS, AN<br />
DRÉ'DE CHATILLON, HENRI DI LORHB, avec grand<br />
nombre d'autres,furent faits prifonniei:8. Le Roi, qui avok eu<br />
le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
9t JE'RUSALEM. Lir. DC CH. VL 475^<br />
k bonheur de fe débarraffer de k quantité de Sarrafins y qm<br />
cherchoient à Penveloper, penfa encore être brûlé, en fe retirant<br />
avec les miférabks débris 'de cette fonefte journée. U re*^<br />
gagna enfia kCamp, dautant plus mortifié, que le Légat, 65<br />
fes partifans, ne manquèrent pa$ de (ui ^tdribuc'r toute k Ëiute<br />
de cette grande déroute.<br />
Pour tâcher de la réparer, ce Rrince ne s'attacha plus, «^pfàArticleJfe<br />
preffer le fiége dc k Ville, 6c à empêcher que ks Affiégés ne<br />
puffent recevoir aucun fecours; periuadé qu'étant déjà rédmts<br />
à k dernière mifère, ils ne réfîfteroient pas encore long-tems ;<br />
6c que, malgré la proximité de ME'LE'DIN, 6c l'avantage qu'il<br />
venoit de remporter fur lui, ils feroient contraints de fe rendre,<br />
ou de mourir de faim; d'effet, ces Peupks opiniâtre» 6c<br />
déterminés, fe foutinrent encore prè» d'un mois. Se enduré:rent<br />
des calamités incroïables. Leur» maifons, leurs rues, 6c<br />
kurs pkces,étoientrcmpUes de cadavres,auxquels ils n'avoient<br />
pas k force de donner k fepulture ; 6c le peu de vivans, qui<br />
reftoient encore, n'étoient pas inoins empoffonnés de leur puanteur,<br />
que d«L mauvais aUmens, qu'ik étoknt obligés de man-ger<br />
, pour prolonger feur Janguiffànfe vie ; dc forte qu'il» ne<br />
purent phis continuer leurs garde», ni s'oppofer aux eifprtis des<br />
Chrétiens, Ceux-ci renverièrent une des Tours de la premièiï^<br />
enceinte, où ils remarquèrent, avec étonnement,Jque peripnoô<br />
ne paroiffoit plus pour la défendre.<br />
Oe fflence des Affiégés donna la çurioCté à qiqelques Soldat»<br />
Florentins y plus hardîs que ks autres, d'efc^ikder la feçofid^<br />
muraifle. Ils l'exécutèrent avec beaucoup de précaution-, de<br />
crainte que l'inadion des Ennemk ne fût une fdnte, pour lep<br />
attirer dans quelque piège. Ils forent cependant bien étonnés,<br />
6c leur crainte ceffa, lorsque, parvenus au fommet de la muraille,<br />
fls apperçurent la quantité de coips morts,dont les places<br />
6c les rues étoient jonchées > Se dont ik reffentirent même<br />
k mauvaffe exhalaffon.<br />
Ce»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4^0 H I S T'O I R E G E' N tf R A LE<br />
Extrémité, ^es vafllans Soldats, bien affurés de la réalité du fpedaek<br />
*i*iisfm horribk, qu'fls venoient de voir^ defcendirent inceffamment,<br />
pour en aller avertir leurs Officiers ; les affurant, qu'fl ne leur<br />
reftoit plus d'Ennemis à combattre dans la Place ; puisqu'As<br />
avoknt reconnu, avec autant d'horreur, que de furprffe, tous<br />
les Affiégés morts, ou mourans, dans les rues.<br />
Les Officiers, ne pouvant ajouter foi à une nouveUe fi extraordinaire,<br />
voulurent s'éclaircir, par eux mêmes, d'une affaire<br />
fi importante, avant de là répandre; 5c, montés fur la muraille<br />
, fls reconnurent en effet, que k, raport de leurs SoMats<br />
étoit véritable ; 5c qu'il n'y avoit plus d'autre obftacle à furmonter,<br />
que celui de faire une ouverture, ou d'abattre une des po^<br />
tes de la Place, afin que l'Armée pût y entrer avec plus de<br />
commodité. Us plantèrent en même tems, fur la muraille fétendart<br />
de la ViUe de Florence y dont les armes étoient a/ors,<br />
felon JEAN ViLLANi, Se k Continuateur de h. Guerre-Sainte y<br />
une fleur de lis dargent en champ dc gueules.<br />
'Us firent, en diligence, approcher des béliers à la porte voifine,<br />
qu'fls renverfèrent ^ientôf Le bruit s'ei^tfépandkd'abord<br />
danô tous les quartkrs ; Maîs, comme la plupart en ignoroient<br />
encore les particularités, chacun étoit réfolu de fe bien<br />
•anger fur les Infidèles y qu'fls ne trouvèrent plus en eut de recevoir<br />
kur châtiment. r<br />
^ Les Chrétiens entrèrent dans la Place le ^ Novembre; Scy<br />
bkn loin d^xercer leur colère, 5c leur indignation, fls furent<br />
tous extrêmement touchés de l'affreux fpedade, quis'offrkà<br />
kurs yeux, 6e dont fans doute, ks Hommes, les plus.cruels,<br />
auroient eu compaffion. La Vflle n'étoit rcmpUe, que de cadavres<br />
renvcrfés les uns fur les autres. U y avoit même, parmi<br />
ces Corps, quelques-uns qui refpiroîent encore, mais fi knguisfans,<br />
qu'ils n'avoient pas la force de fe débarraffer de tant der<br />
morts, dont fls étoknt entourés. Se plus prêts à en augmenter<br />
le nombre, qu'à s'oppofer à kurs Ennemi»,<br />
L»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DS JERUSALEM. LIV. IX. CH. VI. 4S1<br />
La confiance, 6c la défoktion de ces miférabks avoit été C<br />
grande i que ks Hiftoriens affurent, que, de foixante dix'mifle<br />
Peffonnes, qui fe trouvoient dan» Damiette y au commencement<br />
du fiége, à-peine cn trouva-t'on trois mflle en vic, mais qui<br />
ne pouvoient plus fe foutenir. On leur fournit d'abord de bons<br />
alimens, 6c on leur promît la Uberté, à condition pourtant,<br />
„ que, lorsque leurs forces feroient rétabUes, ils travaifleroient<br />
^y à nettoïer, 6c à purger k Vflk, dans kquefle fl étoit alors<br />
„ impoffibk d'habiter, fans s'expofer à périr du même m al, qui<br />
„ cn avoît détruit les Habitans.<br />
Auffi, à-peine les Chrétiens Peurent-fls reconnue, qu'ils s'en Articief/r<br />
retournèrent promtement dans leur Camp, afin d'éviter Pim- uliédL<br />
preffion que pouvoit faire fur eux fa dangereufe kifedion; Se y •«^^f'^fatisfaits<br />
d'être devenus maîtres de cette importante Place, même<br />
aux yeux du Soudan y fls en aUèrent rendre des adions dc ' "<br />
grâces au Tout-Puiffant,pendant que ME'LE'DIN, afliligé d'une<br />
perte fî confidérable, fit mettre k feu à fes logemens, 6c fe<br />
retka au Caire, Us redoubla fes foins, pour en augmenter ks<br />
fortifications, 6c munir cette Capitale, d'abondance de provifions,<br />
afin de foutenir un fiége, auquel fl s'attendoit. Le»<br />
Chrétiens auroient immancablement réùffi dans cette entreprife,<br />
fi leur indolence, 6c la difcorde, qui fe renouvefla, avec encore<br />
plus de chaleur, que jamais, entre k Roi Se le Légat, rieles<br />
eût empêchés de profiter de la confternation des Infidèles y ^^<br />
qui ne s'attendoient à rien moins, qu'à être entièrement chaffés<br />
de VEgypte,<br />
La mésintelligence de ce Prince, 6c de ce Prélat, fut caufe<br />
, que l'Armée demeura dans l'inadion, jusqu'au premier Février<br />
de fannée fuivante. La Vflk, fe trouvant alors purgée<br />
de toute infedion, ils y entrèrent comme en triomphe; 6c,<br />
dès le lendemain, jour de k Purification de la Fiergey ils dédièrent<br />
folemneUement à fon honneur un fomtueux Se fuperbe<br />
Tempk, qui étoit k Mosquée principale, que k Légat jaccom-<br />
Ppp pagné<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
482 HIS TOI R Ë G E' N E' R A L E<br />
pagné du Patriarche, Se de tous les autres JPrélats, avoit récon*<br />
ciUée. U y célébra pontificalement les divins miftères. LeRoi,<br />
6c tous ks Seigneurs de l'Armée, y affiftèrent en grande dévotion,<br />
6c avec des acclamations univerfeUcs des Troupes.<br />
Après cette célèbre cérémonie, tous les principaux Seigneurs,<br />
tant Eccléfiaftiques, que SécuUers,s'affemblèrent dans k même<br />
Eglffe; Se y d'un commun confentement, ils donnèrent la Ville<br />
de Damiette y Se toutes fes dépendances, au Roi JEAN DE<br />
BRIENNE, pour en jouïr,-lui, 6e fes Sueceffeurs, comme Rois<br />
de Jérufakmy à perpétuité. -^ Cependant, charmés des ridieffes,<br />
qu'ils y trouvèrent, tant en or, en argent,qu'en meubles<br />
précieux, 6c marchandifes de grand prix, fls s'y habituèrent<br />
avec autant de tranquiUté, que fi fa prife eût été l'unique but<br />
dc leurs projets ; fe contentant d'envoïer de tems-à-
DE JE'RUSALEM. Lrr. IX. Cn. VL 481<br />
de Tant y ou TaneSy anciennement Titani des GéanSy qui l'habitoient<br />
, étoit entièrement ruinée. Elle avoit autrefois furpaffé<br />
Pélufiumy en grandeur, 6c cn magnificence; mais efle n'avok<br />
conferve de fon andenne fplendeur, que cette Fortereffe, qui<br />
étok, en effet, fi.confîdérable, que toute l'Armée Chrétienne<br />
auroit eu bien de la peine à.la forcer, G elle avoit été auffi bien<br />
défendue que Damiette.<br />
Cette nouvelle conquête donna bcaucoup de joie au Roi, au<br />
Légat, Se à tous les Chefs, fans pourtant qu'ils en fiffent ufi<br />
meilleur ùfage, que de la première. La, Difcorde continuefle de Difcorde<br />
ce Prince, 6c du Cardinal, en, fut la caufe principale. Us ne entre le<br />
pouvoient jamais s'unir, lorsqu'il s'agiffoit de quelque entreprife j^'J^ ^<br />
d'importance. L'un, Sc Pautre, avoit fon parti. Us fe croïoient<br />
également en droit de commander l'Armée ; de forte qu'fls pasfoîent<br />
leur tems en conteftations inutiles, fans jamais cn venir<br />
à aucune expédition effedive. Leur désunion dégénéra enfin<br />
en animofité. Les fuites cn parurent fî dangereufes que, pour<br />
éviter d'en venir à d^fttus grandes extrémités, le Roi prit le JHetow du<br />
parti de s'en retourner en Pakfiine y avec toutes fes Troupes, ^Jfj^"^^'<br />
fous prétexte de recouvrer le Château de Blanche-Garde y que<br />
MELEC-EL-SARAF, Frère de CORADIN, avoit nouvellement furpris<br />
; 6e que, pour empêcher les Infidèles de continuer leurs courtes<br />
dans cette Province, il devoit abfolument rétabflr les fortifications<br />
dc Saphet y Sc de Céfarée y que CORADIN avoit enlevés<br />
aux Templiers, 6c aux Hofpitaliers, pendant le fiége de Damiette,<br />
U déclara néanmoins fa réfolution de revenir bientôt en<br />
lEgyptCy pour y continuer la guerre; Se même d'emploîer tous<br />
"fes foins pour engager les Arméniens y Se les Chrétiens, Sujets<br />
du Soudan dîconium y à fe joindre à lui, puisque tous ces Peuples<br />
avoient témoigné beaucoup d'empreffement pour aider les<br />
Croifés au recouvrement du St, Sépulcre,<br />
' Ceft ainfî que ks plus grands Hommes fecrffient bien foU- pfe^^<br />
-yent les intérêts communs de leur patrie à kurs paffions parti-<br />
Ppp 2 culiè-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^B4 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
cuUères, leur gloire, 6c leur réputation à des fujets de vanité<br />
inutile. Car , quelques vraifemblables, que paruffent les prétextes<br />
du Roi de Jérufakmy pour paUier le véritable motif de<br />
fon départ,on reconnut afTez,par fon féjour continuel à Ptoh-<br />
- maïde, qu'il ne fongeoit aucunement à faire la guerre aux Infidèles<br />
, ni à réparer les fortifications des Places, qu'ils avaient<br />
démolies; non plus qu'à foUiciter les Géorgiens y Se les Arméniens<br />
y à le venir joindre, comme fl favoit affuré; 6c que fon<br />
éloignement dc VEgypte provenoit uniquement du mécontentement,<br />
6c du dédain, qu'il avoit conçu contre f arrogante, du<br />
Légat.<br />
Aufll, tous les gens de bien blâmèrent ce Prince, d'avoir abandonné<br />
les affaires communes de toute k République Chrétienney<br />
pour un fujet, qui devoit être au-dcffous de fa générofité. Se<br />
de fon grand cœur ; 5e de n'avoir pas fait quelques efforts fur<br />
lui même, pour furmonter fes paffions, 6c ces obftacles, par<br />
fa pmdence, 6c par fe modération,-<br />
On ne condamnoit pas moins le Û%at, dc fe lafller afTet<br />
aveugler à fon ambition , pour voulok exercer k commandement<br />
général d'une Armée : Métier, fî oppofé à fa profeffion,<br />
6c fî fort au-delà de fes lumières, fur tout dans im pays, qui<br />
ne lui étoit point connu, Sc contre les Barbares; Sc cela, au<br />
-pr^udice d'un Princc, qui paffoit pour un des plus grands Capitaines<br />
de fon tems. Ce Prélat, rempU du zèk de Paugmen-<br />
•tation de la foi, qui Pavoit ccpdluit en Orient y Se qu'il faifoit<br />
tant valoir, auroit dp fe contenter de faire, en compagnie de<br />
tant d'flluftres Prélats, qui s'y trouvoient, comme lui, de fkcères<br />
vœux au Ciel pour la proÇîérité des armes Chrétiennes, Si<br />
en laiffer k conduite à ceux qui étoient plus favans en cet art,<br />
que lui, 6c deftuiés à cet exercice.<br />
U reconnut, enfin,bientôt, qu'fl n'étoit pas fi facfle dc fai-<br />
TCle Général d'Armée, ni de retenir dans leur devok tant de<br />
f crfoniics dc différentes Nations, 6c de différentes mœuri, qu'il<br />
fe<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D E JE'RUSALEM. Liv. IX. CH. VL 4.85<br />
ft l'étok imaginé. A-peine le Roi fut-il parti, que le Soudan^<br />
«ncouragé par fabfence d'an fi grand Chef, 6c par la diminution<br />
de PArmée Chrétienne y fortit du Caire avec fes Troupes,<br />
Se vint fe camper à une journée dc Damiette y d'où fes Soldats<br />
faifoknt des courfes jufques aux portes de k Vifle, fans que,<br />
faute d'expérience, le Légat fut remédier à ces desordres, ni<br />
ordonner ce qui étoit néceffaire pour les repouffer. Recon<br />
noiffant, enfin, fon incapacité pour la guerre; 6c craignant,<br />
par la confufion, qui s'étoit mife dans toute PArmée, quelque<br />
fâcheux inconvénient, fl délibéra, avec les principaux Chefs,<br />
fur ks moïens de fake revenir le Roi, pour en reprenilre le<br />
commandement.<br />
U lui écrivit, pour cet effet, d'une manière très-obUgcante;<br />
mais ce Prince, qui ne pouvoit oubUer fon mécontentement,ni<br />
croire que le Légat fût capable de changer fes maximes, »kxcufa<br />
de ne pouvoir encore quitter la Paleftine y Se perfîfta toujours<br />
dans fa réfolution, malgré les inftantes prières, que le •<br />
Légat, Se tous les autres Chcfe de PArmée lui réitérèrent plufieurs<br />
fois; de forte que ME'LE'DIN, profitant de fon éloignement,<br />
remportoit toujours de l'avantage fur les Chrétiens y mil- jirrvokdf<br />
gré ks grands fecours, qu'fls venoient de recevoir des Képu-^J^^l'J^j<br />
hVic^e^ de Vénife y de Gènes y Se de Pife. La nouvcUc de la i'-^mir<br />
prife dc Damiette y ks avait d'abord portées à armer kurs Flot- ne. ^^^^^^<br />
tes, pour venir aider les Chrétiens à faire l^ntière conquête de<br />
VEgypte y qui paffoit en Europe pour très-facfle.<br />
Plufieurs Princes, Se grandsJBeigneurs, s'étoient même embarqués<br />
fur ces Flottes. Entre autres Louis, Duc de Bavière^<br />
avec 300. Gentflshommes, 6c bon nombre de Troupes, que<br />
l'Empereur FRE'DE'RIC II. luî avoit données à ce fujct. >Ce<br />
Monarque écrivit même au Roi de Jérufalem y 6c aux autres<br />
Chefs des CroiléSy qu'fl viendroit bientôt ks fecourir en perfonne.<br />
U eft vrai, que k jondion de ces renforts n'empêcha<br />
4^as,que le Soudan ne continuât k ks înfulter, 6c n'eût toujours<br />
Ppp 3 Je<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
48« H I S T O I R E' G E'N E' R A L E<br />
k deffus dans fes efcarmouche», feute d'un Chef, dans l'Armée<br />
Chrétienne , à qui tous ks autres puffent obéïr avec<br />
refped. Se foumiffion.<br />
.i • ..t a»?'.. v-vOS'?;. >^eo?i. .«
DE JERUSALEM. -Liv.^X. CH.VIJ. 4&7<br />
çn donna des marques publiques, 5c témoigna, dune manière<br />
éclatante, le plaifir, que lui faifoit fon retour. Le Roi<br />
JEAN DE BRIENNE y fans beaucoup s'arrêter à toutes ces<br />
vaines démonftrations, ni aux compUmens que chacun s'empreffoit<br />
de lui fme y- affembla d'abord un Confefl général, Tenue d'un<br />
pour déflbérer for ks entreprifes, propres à réparer k tems, r^râu ^<br />
qu'ils avoient perdu dans l'inadion ; Mais, lorsqu'fl s'attendoit<br />
à trouver k Légat i 6c fes partifans, plus modérés, 6c<br />
plus docfles qu'auparavant, fl reconnut , au contraire, que<br />
ce Cardinal confervoit toujours le même efprit de hauteur,<br />
&^ de fupériorité ; 6c qu'fl prétendoit, que fon fentiment<br />
prévalut fur tous les autres. • ^<br />
En effet, fl n'eut aucun égard pour le Roi, ni pour<br />
tant d'autres Seigneurs expérimentés en fart miUtaire , qui<br />
opinoient de repaffer promtement en Paleftine y pour chaffer<br />
les Infidèles des ViUes-, Se des Châteaux, qu'ils y occupoient. ^<br />
Ceux-ci difoient, " qu'en poffédant Damiette y Se Tàniy qui<br />
„ étoient les deux Places les plus Orientales de VEgypte y<br />
„ ils n'avoknt qu'à y maintenir de bonnes garnffons, pour<br />
„ n'avoir rien à^ apréhendet de ce côté-là j Qiie cela fuffi-<br />
„ foit pour tenir les Sarrafins dans une crainte perpétuel-<br />
„ le , 6ie les empêcher de fecourir ceux de k Syrie , les-<br />
„ quels, faute de cette affiftance , feroient abfolument hors<br />
„ d'état de leur nuire ; au Ueu que cherchant à s'emparer<br />
33 du Caire y comme le Légat, Se fes adhérens, le préten<br />
53 doient , ils ne feroient que détruke kur Armée , pour<br />
3, prendre une Vifle, qu'fl^leur feroit impoffible de confer-<br />
„ ver. " . ^ .<br />
Ce fuperbe Cardinal foutint f avec oftentation , 6c pétU- entêtefence,<br />
"qu'fl étoit plus à propos d'aller afronter le Soudan y^'^^^<br />
„ 5c lui donner bataifle, afin (difoit-fl) de ne laiffer plus ^^s^^croupir<br />
ks Troupes dans Poifivetéy Çf arr-et er celles qui vouloient<br />
repaffer* en Europe.^ U ajoutoit, _'_^ que k peu de courage,<br />
J, que<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4SS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
„ que ME'LE'DIN avoit fait paroître, dans les autres occafions,<br />
„ devoit les déterminer à prendre cette réfolution ; d'autant<br />
„ plus qu'on avoit re.çu des Troupes fraîches, qui ne refpi-<br />
„ roient que ks occafions de combattre les Infidèks ; Qu'il fal-<br />
„ Ioit profiter de leur ardeur, pour les défaire, 6c afler enfuite<br />
3, s'emparer de la Capitale, dont la conquête entraineroit im-<br />
„ mancabkment ceUe de tout k Roïaume ; après quoi il ne<br />
„ kur feroit pas difficfle de rentrer dans fentière poffeffion dc<br />
„ celui de Jéryifalem,<br />
Il apuïa ces raifons d'un Difcours fi éloquent ySefi perfuafiÇ<br />
qu'fl engagea plufîeurs des principaux dans fon opinion. Le<br />
Roi au contraire, foutenu des Maîtres de VHopital, Se du Tempky<br />
qui avoient une parfiiite connoiffance de VEgypte y où ils<br />
avoient autrefois - fait la guerre , firent tout leur poffibk,<br />
pour faire comprendre au Légat , 6c à ceux dc fon parti,<br />
„ Pévident danger, qu'fl y avoit de conduire une Armée ver»<br />
„ le Caire, dans une Saifon, où le Nil étoit fur le point de fè<br />
„ déborder, 6c d'inonder toutes les campagnes, dont fls ne<br />
„ pourroient fe débarraffer, 6c où fls courroient rffque d'être<br />
3, tous noïés, ou de mourir de faim; Que, d'aiUeurs,ksCfcr^<br />
3, fiens n'aïant pris les armes, que pour le recouvrement de k<br />
„ Terre-Sainte y Se non pour conquérir le Caire y Babilone y ni<br />
„ Thèbes y ils ne dévoient s'attacher, qu'à l'objet qu'fls s'étoient<br />
„ propofe ; Que, quant à lui en particulier, le Pape, k Roi<br />
„ de France y 6c les Seigneurs de P^/^z/z^, Païant choifî, pour<br />
„ gouverner le Roïaume de Jérufiakmy fl aimoit mieux la con-<br />
„ quête d'un pié de terrain dans cet Etat,que cefle d'unePro-<br />
„ vînce aflleurs; Et qu'enfin ,fl préfèreroit toujours le Titre de<br />
„ Roi de Jérufakm à celui de Soudan d^Egypte,<br />
Cependant, le Légat, toujours entêté de fon opinion, reprenant<br />
fes violences ordinaires, fe mit au-deffus de toutes ces<br />
bonnes raifons, Se entraina non-feulement cous les Eccléfiafti-<br />
^DE JE'RUSALEM. Liv.TX:. CH. VIL 43-^<br />
core les Chefs des Croifés y nouvellement débarqués, qui brûloient<br />
d'impatience de-combattre les-J^z/W^/i?!. Il fit plus; car,<br />
menaçant d'excommunier ceux qui feroient d'une opinion contraire<br />
à la fienne, il attira tous les autres dans fon parti ; de<br />
forte que le Roi, craignant alors de fe rendre fufped, 5c d'être<br />
accufé de ne vouloir agir, que pour fes intérêts particuliers,<br />
fut contraint, malgré lui, d'aquiefcer aux volontés du Cardinal;<br />
5c, quelque répugnance qu'il eût pour une entreprife fi<br />
dangereufe, 5c fi mal concertée,fl ne.fongea plus,qu'à fe mettre<br />
à k tête des Troupes, pour aller - attaquer le Soudan.<br />
L'événement en fut-auffi trifte, que ce Prince favoit prévu, s^dtefi-<br />
L'Armée Chrétienne y forte de foixante.dk mille Hommes, tous 'rerî^reprije<br />
bien armés, 6c en bon ordre, fortit dc Damiette yle ij«. Jufllet. ^'j^^'»'^*-<br />
•Celle des Ennemis étoit beaucoup moindre. Se comfî^ofée de<br />
gens fans difcipUne ; cependant k maUieur des Croifés fut fî<br />
grand,qu'ils y penferent tous périr, fans même pouvoir-comi)attre.<br />
Ils s'eftimèrent encore bien heureux, de pouvoir fortir<br />
du labirinte, où ils s'étoient engagés, en rendant la Place,qui<br />
leur avoit coûté tant de feng, 6c tant de peines.<br />
Le Légat cependant, qui ignoroit entièrement le danger<br />
qu'fl couroit, s'aplaudiffoit fans ceffe d'apprendre, que le 5OMdan<br />
reculoit, à mefure que les Chrétiens avançoient dans kl<br />
terres. Il louoit contînùeflement les Officiers, Se les Troupes,<br />
d'avoir fuivi fon confeil, qui alloit leur devenir fi utile, 6c fi<br />
glorieux; Et fl ne fe laffoit point.de dke, " que les Hommes<br />
55 lâches trouvoient tout difficfle; Se que la fortune étoit tou-<br />
„ jours favorable à ceux qui étoient hardis, Se entreprenans.<br />
Sa joie augmenta encore, lorsqu'il vit les Chrétiens s'emparer<br />
de tout le plat pays, 6c fe rendre maîtres, à vive force,<br />
d'un pont, que M E'L E'D I N avoît fait jetter fur le Nil; mais il<br />
ne fongeoit pas, que c'étoit, par rufe, que ce Prince Irifidèk<br />
les laiffoit avancer, fans faire aucune oppofition; 6c qu'fl ne<br />
dierchoit, qu'à ks attker dans des Ueux, où il pût faire valok<br />
Qqq le»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
45)a HIST 01 RE- G E' NE' RAL E<br />
les avantages, que lui donnoit fa fituation; perfoadé qu'fl auroit<br />
bientôt Ueu de faire un terrible ufege dc leur préfomtion,<br />
6c de leur inadvertance; ainfi qu'fl leur arriva, par leur propre<br />
faute.<br />
Us arrivèrent, fans obftacle, jufqu'à environ dix mfles du<br />
Caire; mais, au Ueu de brufquer cctte entreprife, comme ils<br />
favoient projette, avant de fortir de Damiette y ils s'amufèrent<br />
à former, Se à fortffier des logemens. Se des retranchemens à<br />
fextrémité du Delta y entre les deux bfas du il/ij/. C'étoit effectivement<br />
un lieu très-commode. Se très-déUcieux; mais, en<br />
même-tems, le plus dangereux de toute VEgypte pour fArmée<br />
Chrétienne. On fit divers détachemens, qui coururent les campagnes.'.<br />
Tout étoit ouvert. Us s'avancèrent même jufqu'aux<br />
portes dc la Ville, 5e provoquèrent, par mille bravades, le»<br />
Ennemis,• leur reprochant la timidité, 6e la lâcheté, avec la-<br />
^uefle ils demeurôient enfermés dans leurs muraifles.<br />
Les Sarrafins étoient trop prudens,;5c trop affurés dé leur<br />
fait, pour fe rifquer au hazard d'aucun combat ; puisqu'ils fe<br />
voïoient à la veflle de triompher de leurs Ennemis, fans aucun<br />
danger,"- Auffi, fe moquoient-fls de leur fotte vanité. Les<br />
, Fidèles pafferent prefque tout le mois d'Août, dans ces agréables<br />
retranchemens ; 5c, lorfque le Nil fut parvenu à fon plus haut<br />
débordement, le AS^JZ^^^?» fit fubitement couper les digues, qui<br />
JU=Ca»flp cn retenoient les eaux.^ Elles rcmpUrent, en fort peu de tems,<br />
»fens ^^ tous les canaux, dont le terrain cft entretoupé. Se inondèrent<br />
h'mT' toutela campagne. Se par confequent le Camp Chrétien; deforte<br />
que tout le pays devint alors, comme une vafte mer.<br />
Un débordement fi terrible, 5c ii imprévu, étonna mfiniment<br />
toute PArmée. Grand nombre d'Officiers, 6c de Soldats,<br />
qui fortirent de leur Camp, pour gagner quelque hauteur, furent<br />
rmiférablement fubmergés dans ces différens foffés, qffil<br />
kur étoit impoffible de difcerner, toute la terre étant également<br />
âçoadéc .^ Ceux qui ne bougèrent de kur place, outre V'^R^<br />
com-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
O K J E'R US ALE M. Lit. IX, CH. VIU 4t,L;<br />
f commodité dc fe trouver dansTcau jufqu'à la ceinture, eurent<br />
le maflieur dc perdre toutes, leurs provifions, que les eaux bourbeufes<br />
du Nil corrompirent entièrement ; deforte que, quoi-<br />
- qu'ils en euffent porté grande abondance, à-peine purcnt-fls en<br />
fubfifter trois jours ; au bout-desquels, accablés de faim, de<br />
fommefl, 6c de laffitude,ils s'attendoient tous à périr, fans que<br />
leur valeur, leurs armes, ni leur courage puffent leur fervir dc<br />
rien. Leurs feuls Ennemis pouvoient les délivrer de fétat pitoïable<br />
, où iîs étoient réduits.<br />
-Dans ces cireonftances , ME'LE'DIN, qui étoit naturelle- Humankt<br />
ment iort humain, leur envoïa offrir k paix. U ne pouvoit fe ain envers<br />
'réfoudre à voir périr fi miférablement tant de milliers de «vail les ChritieBS.lans<br />
Hommes, quoique fes Ennemis; d'autant plus, qu'fl étoit<br />
perfuadé, que leur perte ne lui feroit pas plutôt recouvrer les<br />
Villes de Damiette y Se de Tani; 6c que les garnffons, qu'ils y<br />
avoient kiffées, joignant alors la fureur à k bravoure, feroient<br />
les derniers efforts pour les conferver, 5c pour vanger k mort<br />
de leurs confrères.<br />
A' Pégard du Roî, 6c du Légat, Us n'eurent pas plutôt entendu<br />
les propofitions du Soudan y que, pour conferver leur»<br />
vies. Se celles de tant dc Perfonnes ifluftres, 6c de braves gens^<br />
.;qui avoient abandonné leurs maifons,,6c leur patrie,pour k recouvrement<br />
des Saints Ueux, qu'fls ks acceptèrent avec beaucoup<br />
dc joie. Us reîndirent même de très-humbles adions de<br />
grâces à Dieu, de ce qu'il lui avoit plu attendrir le cœur dc ce<br />
Prînce Infidèky jufqu'à avoîr pitié de leur nîifère, 6c à ne leur<br />
pas impofer des conditions plus dures, 6c plus hohteufes, que<br />
cefles qu'îl leur fit propofer; dé forte que, du confentement de<br />
toute l'Armée, la Paix fut étabUc dc la manière fuivante;<br />
!. „ Qu'il y auroit Paix 6c Trêve pour huit ans, entre ks f'*'*»^<br />
Chrétiens de la Pakfiine y Se ks Sarrafins des Roïaumes d'JS- uom^<br />
typtey Se de Damas,<br />
Q.qq t 11, y, Qllft<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4f 2 H:r S T 0 1 R E G E' NE Ri A L- E<br />
II» 35 Que les ChrétknS'rendroient inceffamment, ?iu Sou^<br />
yy dan ME'LE'DIN, la Ville de Damiette y Se le Château do<br />
yy Tani y Se fortiroient de fes Etats, auffi-tpt qu'fl leur au-*<br />
„ roit rendu le bois de la Cmx-, que SALADIN- leur avoit<br />
,y enlevé à la bataille dEtin. -<br />
III. „ Que les prffonniers , ^ 6c les efekves , feroient, de<br />
,,, bonne foi, rendus, départ, Sc d'autre; Se que, fi les<br />
„ Vaiffeaux des Chrétiens - n'étoient pas fuffifans pour leur<br />
„ transport en Paleftine, le Soudan leur en fourniroit fan»<br />
„. aucun fraix..<br />
Cet accord: aïant été figné-6c foknmelkment juré*, dc<br />
part, 6c d'autre, ils fe donnèrent réciproquement des otages.<br />
On le publia, à fon de trompe, 6c le Soudan fit d'abord<br />
fermer les édufes; en forte qu'avec l'affiftance des<br />
propres Sarrafins , les Chrétiens^ furent bkntôt fortis du<br />
bourbier. On conduifk toute PArmée dans des lieux fecs,<br />
6c commodes , où, par-une générofité, non encore pratiquée<br />
parniji les Barbares y Se qui feroit même glorieufe à un<br />
Prince Chrétien y MELE'DIN leur envoïa abondance de vivres<br />
, 6c. toute fortc de rafraichiffemens, obfervant fort religieufèment<br />
tout, ce qu'iLleur avoit promis, 6c même beau»<br />
coup au-delà; ^<br />
Article U. _ La nouvcUe du mallieur , arrivé k l'Armée Chrétienne,<br />
^mdTh étant parvenue à ceux qui gardoient Damktte y les rempUt<br />
^rëS^ d'une douleur,' 6c d'^ine trifteffe infinie ; mais fls furent en-<br />
»i«ttc. eore plus confternés, lorsqu'ils aprirent, qu'fl failoit rendre<br />
cette Place ^Lus-rInfidèles y felon k Traité, que k Roi, k<br />
Légat, 6c toute PArmée avoient été obligés de faire avec k<br />
Soudan^' Alors ces gens, fans confidérer, qu'fl s'agiffoit de<br />
ia ' vie , 6& de- la Uberté de ce Prince , 5e de toute fa fuite<br />
,, commencèrent à murmurer de cet accord. Les efprit»<br />
fe; partagèrent ; 6c la plupart foûtenoient, ." qu'aucune rai-?.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D Ê JE'R US A LE M. Liv. K. CH, VIL 493 ^<br />
i,-fen ne devoit les obliger à rendre un pofî^e fi important,<br />
,,- 5c fi avantageux pour le recouvrement de la Terre-SainyrtCy<br />
d'autant plus que CORADIN n'étoit point obligé de<br />
yf reftitudr aux Clfrétiens aucune des Fortereffes, qu'il leur<br />
„ avoît enlevées dans la Paleftine ; Se qu'en rendant Da-<br />
„ miette, ils feroient encore plus'réculés, qu'auparavant,^ de<br />
„ la prife de Jérufalem,<br />
U eft vrai, qu'une partie de la garnifon d,e Damiette^<br />
plus fenfible, ^que le» autres, à-la confervation de leurs confrères,<br />
rémontroient, " que , puifque Dieu avoit voulu les<br />
„ affliger d'un fi^and malheur, fl^ étoit très-jufte. Se plu»<br />
„-que raifonnable, de rendre une ,Vifle, quelque confidéra-<br />
„ bk qu'eUe fût, que de les laifïer périr miférablement: "<br />
Ajoutant, " que les Hommes faffoient. les ViUes , mais que<br />
„ les ViUes ne produifoient point les JHonunes. " Les pré"<br />
ftfiers cependant , toujours obftinés dans kur réfolution^ fe<br />
faifîrent fî promtement des armes pubUques, 6s particulières,<br />
qu'ils obligèrent^ les autres àfe ranger à leur volonté.<br />
Pendant que ces révêches fe préparoient à faire une vigoureufe<br />
réfîftance dans Damiette, au cas qi^s y fuffent attaqués, le bruit<br />
de leur refus, 6c de kur témérité parvint au Camp Chrétien, he<br />
Roî, Se toute l'Armée, en furent fî fqandaUfés 5e fî furpris, que,<br />
dans l'empreffement^ où ils étoient tous"de fortir des mains '<br />
des Infidèles, ik envoïèrent anoncer à ces mutin» , " que, -<br />
„ puifqu'ils préféroient la poffeffion de-Damiette à tant^e mfl*<br />
^ Ikrs d'honnêtes gens, qui n'avoient pas eu mokis de part^<br />
„ qu'eux, à fe conquête, au lieu de cette Place, ils remets<br />
,,-troient ^wSoudan la- Vflle de' Ptolomaïde y pour leur-rar<br />
» chat.<br />
Cette menace, jointe à f in^offibiUté, où fls fe reconnurent '^^'fi "<br />
de pouvok s'y maintenir loi^-tems, les détermina enfin kfe}eftcmèrk<br />
tendra Ik en fortirent le 8. Septembre, aprài u& an, 6c<br />
Qjl^ 2 - demiy<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
,494 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
demi, de poffeffion; 6c l'échange des.prifonniers fut fait en mfc<br />
me tems.<br />
Comme k Flottc Chrétienne étoit diminuée, par le retour<br />
de quelques Croifés en Europe y Se qu'elle ne fuffifoit pas pour<br />
embarquer toutes les Troupes, une partie de PArmée fut obUgée<br />
de traverfer le défert, pour fe rendre en Pakfiine. Afin<br />
c^e les Ç}?rétiens firent ce trajet avec plus de tranquilité, le<br />
•Soudany dont les intentions étoient droites 6c fincères, leur<br />
configna fon propre Ffls en otage, pour les accompagner,- &<br />
les fit abondamment pouvoir de tout ce qui leur étoit néceffaire,<br />
pour faire ce pénible trajet, avec commodité. U en fit<br />
de même envers ceux qlii s'embarquèrent, leur faifant donner<br />
non feulement toutes fortes dc provifions 5c dc rafraichiffemens;<br />
mais, de plus, il chargea le Rpi, 5c les autres Seigneurs, dc<br />
plufieurs riches préfens.<br />
Voilà, comme tant de mouvemens,,d'expéditions, de dépenfes,<br />
de pdries, de travaux, 6c de fang répandu, devinrent<br />
inutiles, 5c infrudueux à la Chrétienté y par la vanité, la préfomtion<br />
, 5c f entêtement chimérique du Cardinal PE'LAGIUS;<br />
kquel, s'imaginant d'être deftiné à la délivrance du St. Sépulcre<br />
y à conquérir VEgypte y Se à exterminer la Sede Mahomé*<br />
tancy fut, au contraire, la véritable caufe de la décadence des<br />
affaires dés Chrétiens y 6c leur fit perdre l'efpérance de jamais<br />
reccuvfer les Saints Ucux. Il n'y eut qiie le recouvrement de<br />
h. vr^ie Croix y qui diminuât, en partie, la honte, le blâme.<br />
Se l'ignominie du mauvais fuccès dc Pentreprife dEgypte, 6c<br />
de k reftitution de Damiette y Se de Tani,<br />
Mécènten- hes Chrétknsy parvenus k Ptolomaîdey bien loin d'être en<br />
cbiéticns. ^t^t de rien entreprendre contre les Infidèks y fe trouvèrent fî<br />
mortifiés. Se fi abattus dc leur malheureux fort, qu'fls fc féparèrent<br />
inceffamment ; les Croifés, pour s'en retourner en Eu"<br />
rope y les Chypriots dans kur Ue, Se ceux de la /^r/# dans leur»<br />
Tiiles. Leu»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM, Lm IX. Cu. VJI. ^pf<br />
Ltur départ, 6c k dépkifir d'avoir per^u l'occafion de ren- Mtrt dei»<br />
tifer dans la poffeffion du Roïaume de Jérufakmy ne fut pas fic^Epti^j'e<br />
k feule mortification, qu'eut alors le Roi JEAN DE BRIENNE. U ^" ^"^<br />
cut encore la doukur de perdre, peu de tems après, la Reine Brienne.<br />
MARIE J fa Femme, qui ne laiffa , de leur mariage, qu'une IÊ2$/<br />
Fifle, nommée YOLANDE.-- , ,<br />
La mort de cette Princeffe, qui natureUement kiffoit la couronne<br />
à fa Fflle; la paix qu'on venoit d'étabUr, par néceffi té, ;<br />
avec les Infidèles ; Se Pengagement, qu'avoit pris fEmpereur<br />
FRE'DE'RIC II. de paffer lui mênie en Syrie y déterminèrent<br />
HERMANS SALTZA, Maître des T
45r5 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
ment un fecond mariage avec la Princeffe YOLANDE , 5c à Taire<br />
l'expédition de h..Palefline avec vigueur, lui avoit donné<br />
une haute idée des richeffes des Pays Orientaux y principalement<br />
de VEgypte y dont il lui vantok la fertilité. U lui faifoit,<br />
en même tems, envifager la facflité, qu'fl y avoit à fubju-<br />
. guer ce Roïaume, 5e celui de Jérufakmy dont la conquête<br />
éterniferoit fa niéiiîoire, 6c k rendrok arbitre de tout PUnivers.<br />
L'Empereur, natureflement avide, frapé de ces vaftes projets,<br />
5e en même tems porté-à époufer la Princeffe YOLANDE,<br />
fit comprendre à SALTZA, " qu'en fàilant les avances, il<br />
„ craignoit de.commettre fa réputation: " Mais fl lui répondit<br />
, avec une admirable prefence d'efprit, " qu'fl avoit fi bien<br />
„ prévu tous les inconveniens, que, fi Sa Majefté vouloit s'en<br />
,^ raporter à lui, quelque mécontent que fût le Pape de fa<br />
„ conduite paffée, fl fe flattoit de porter le St. Père à le re-<br />
„ chercher lui même, pour le bien commun.de k Chrétienté;<br />
„ de forte que fon honneur ne courroit aucun .rifqua de ce<br />
3, côté-là, 6c que fes avantages feroknt affurés.<br />
L'impe- FRE'DE'RIC, à qui les propofîtions de SALTZA avoient pa-<br />
/mt. ru d'autant plus agréables, qu'elles fkttoient fon ambition, &<br />
fe cupidité, puisqu'en acquérant de nouveaux Etats, 5c une<br />
nouvelle gloire, fl pouvoit fe racommodcr avantageufement<br />
avec le St. Siège y le remercia de fon affeétion. Se le pria de<br />
fe fervir de toute fa prudence, pour conduire cctte grande affaire<br />
à une heureufe fin; l'affurant en même-tems, qu'fl lui ea<br />
demeureroit fort obligé.<br />
U n'en fallut pas davantage au Maître des Teutoniques î<br />
pour le déterminer à tout entreprendre, pour perfedionner fon<br />
ouvrage. U fe rendit inceffamment auprès du Pape, qu'il<br />
fevoit avoîr un extrême défir dc voir recouvrer ks Sts. Lkux.<br />
En effet, dés la première audience, le St> Père lui demanda,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
flE JE'RUSALEM. Liv.IX. CH.VIÏ. ^.^f<br />
da y comment on pourroit réùffu: au recouvrement de k<br />
Terre - Sainte, SALTZA lui répondit d'abord, "qu'fl ne<br />
„ connoiffoit point de plus fur, ni de plus promt moïen,<br />
„ que celui d'intéreffer fi fort l'Empereur dans cette entre-<br />
„ prife, que non feulement Ton vœu l'engageât à s'en char-<br />
5, ger, mais encore qu'fl entreprît le voïage de Paleftine,<br />
yy par des motifs d'honneur , qui ne lui permettroient plus<br />
„ de laiffer le Roïaume de Jérufakm entre les mains des<br />
„ Infidèles,<br />
Le Pontife , qui ne comprit pas d'abord de quelle manière<br />
on pouvoit engager l'Empereur, pour la déUvrance,<br />
6c la poffeffion d'un Etat, qui avoit fon Prince légitime,<br />
lui demanda , avec empreffemènt, Pexplication de fon difcours.<br />
SALTZA, fans héfiter, lui répartit, " que Sa<br />
„ Sainteté n'avoit qu'à faire marier fEmpereur avec fhéri-<br />
„ tière du Roïaume de Jérufalem, 6c engager le Roi<br />
,3 JEAN DE BRIENNE à le lui remettre , en faveur de<br />
„ cctte alUance ; Que cek feroit facile, en faifant venk ce<br />
„ VrincekRomey 6c, avec lui, GUE'RIN DE MONTAGU,<br />
„ Maître des Hofpitaliers , par les confefls duquel il fc<br />
„ gouvernoit entièrement; Bt que, pour cet effet, on de-<br />
„ voit prétexter un nouveau projet, touchant la reprffe de<br />
„ la Terre - Sainte, " Il affura le St, Pèrey " qu'après cet-<br />
5, te démiffion , ilfe faifoit fort de difpofer l'Empereur à<br />
„ accepter les autres Conditions.<br />
Quoique k St, Père eût entrèmement à cœur le recouvrement<br />
de la Paleftine y la crainte de priver ce pays-là<br />
du Roi JEAN DE BRIENNE, Se du Maître de VHopital<br />
y qui en étoient le foutien , le fit long-tems balancer à<br />
les faire venir en Italie ; mais, enfin , l'adreffe, avec laqueUe<br />
SALTZA lui fit entendre, que la Trêve, qui avoit<br />
été condue avec les Infidèks y affuroit fî bien les affaires,<br />
Rrr qu'il<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4P 8 HISTOIRE GE'NE'R. DE JE'RUSALEM. Liv. IX. Cii.riL<br />
qu'fl n'y avoit rien à crandrçi, fit enfin réfoudre HONO<br />
RIUS à leur écrire de preffantes Lettres,- aulfi. bien qu'au<br />
Maître du Tempk y pour les faire venir à- Rbikry aulfi-tôt<br />
qu'fls pourroient le faire, fans rifquer les intérêts du pays,<br />
afin de délibérer fur un projet d'importance.. Quelques-uns<br />
ont même écrit, que, pour accélérer leur venue, l'Empe-<br />
|cur kur envoïa une Efcadre de fes propres Galères..<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
H IS t o IRE GÉNÉRALE<br />
D E S<br />
R O Ï A U M E S<br />
D Ê<br />
CHYPRE, DE JÉRUSALEM.<br />
D' E G Y P T E .<br />
• L I V R E X.<br />
CHAPITRE PR E'M I E R.<br />
^^^a^^^ A tranquflité , dont jouïffok k Roïaume de Article/.<br />
. 5^ï3l?X;^^^^ ^^ypfc y depuis quatre ans, fut cepen-^J^*^'<br />
^5 Y X^ dant troublée par ks démêlés ordinaires des ^^toffrftf<br />
Sk L ^^5 deux Ckrgés, fans quek Reine ALIX, ni Stjr^^-<br />
^^^^^^^^^ les Seigneurs d'IsELiN, puffent l'empêcher. ^^^'^^<br />
cÇ^^^^^r Les brouîUeries des^ Eccléfiaftiques cn vin- '^"'<br />
rent à un tel point, que tous les Habitans<br />
du Roïaume s'armèrent pour Pun, ou pour l'autre parri. Dés-<br />
Rrr a Qrdrc^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
500 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
ordre,qui auroit eu des fuites très-funefles, fî le Cardinal Pif.<br />
LAGius , qui fe trouvoit encore à Ptolomaîdey ne s'y fut<br />
promtement tranfporté, avec ks Maîtres du Temple Se de VHâ^<br />
pital<br />
JbfoHt ' Ce Prélat fe fervît fi utflement de fautorité du 5/. 5/^^^, qu'a-<br />
»mifit- pj,^g diverfes conférences il appaifa enfin les troubles, dont<br />
l'Etat étoit agité. Il expédia une Bufle, datée de Famagoufte y<br />
le 18. Septembre, 1222; par laquelle U régla ks différends,<br />
qui aigriffoient, depuis fi long-tems, les efprits des Eccléfiaftiques<br />
des deux rites, 6c calma entièrement tous les Peuples.<br />
Cet accord fut enfin caufe, que, malgré k haine invétérée, qui<br />
régnôit entre les Grecs y Se les Latins y fls demeurèrent,<br />
- au moins, en repos, pendant quelque tems, quoi que les<br />
uns 5c les autres fuffent toujours dflpofés à renouvellcr leur<br />
querelle, dès que foecafion s'en préfenteroit ; de forte qu'on<br />
peut dire, que, pendant la minorité du Roi HENRI, la paix,<br />
6c la tranquilité du Roïaume ne fut jamais troublée, que par<br />
leurs contefiarions, à la réferve pourtant des violences quePEinpereur<br />
FRE'DE'RIC voulut exercer, lorsqu'fl paffa en Pakfiine<br />
y où il parut plutôt aller pour tourmenter les Chrétiens y que<br />
pour faire la guerre aux Infidèles, comme nous aflons le voir.<br />
Article //. Lc Cardinal Légat, 6c les Maîtres de VHopitaly Se du Tem-<br />
"*^' pky trouvèrent, à leur retour k Ptolomaîdey ks Brgfs du Pape,<br />
6c le Roi occupé à donner les ordres néceflaires touchant<br />
le gouvernement de PEtat, afin qu'il n'y arrivât aucun désordre<br />
pendant fon abfence. Us fe préparèrent à accompagner cc<br />
Prince en Italie y en conformité des ordres du Souverain Ponti-<br />
P^gjàu fc. Le Patriarche de Jérufakmy Se PEvêque de Bethekm y<br />
jàJufaiem voulurcut auffi être du voïage. Us s'embarquèrent tous à Pto-<br />
«Rome. jQffiaîdcy Sc arrivèrent hcurcufement à Rome y où le St. Père<br />
les reçut avec beaucoup d'honneur, 6c de grands témoignages<br />
d'amitié.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LmX .Qi.1 yoi<br />
Ils eurent diverfes conférences avec le Pontffe, oii chacun<br />
propofa les moïens, qui lui paroiffoient ks plus propres pour<br />
chaffer les Infidèks du Roïaume de Jérufakm, Après avok<br />
écouté, 6c péfé toutes les propofirions, le St, Père fit au Roi<br />
cefle du mariage de la Princeffe, fa Fîfle , avec fEmpereur<br />
FRE'DE'RIC, que cette Alliance engageroit*à agk, avec plus Cw/«^#.<br />
de chaleur, pour les intérêts de la Paleftine, Le Roi JEAN, KM««qui<br />
avoit une déférence aveugle pour la volonté du Souverain ^^i^<br />
Pontife, perfuadé d'ailleurs par le Patriarche, par l'Evêque de/«Yoian.<br />
Bethekm y Se par les Maîtres des Ordres Mflitaires, y confen-^^Séik.<br />
tit facilement. U ne prévoïoit pas ks cliagrins, que ce mariage<br />
lui cauferoit, ni le grand préjudice qu'fl en recevroit dans la<br />
fuite.<br />
Après ce réfultat, ils fe rendirent danS la Province de Campanie<br />
y où fe trouvoit l'Empereur, lequel, en prefence du Pape<br />
, de plufieurs Cardinaux, du Roi JEAN , du Patriarche, de<br />
l'Evêque de Bethekm, 6c des trois Maîtres des Ordres Militai- •<br />
res , promit folemneUement d'époufer k Princeffe YOLANDE,<br />
Fille du Roi JEAN DE BRIENNE , 6c de k Reine MARIE , 6c jura<br />
fur les Sts. Evangiles d'aller, cn perfonne, dans deux ans,<br />
à k tête d'une puiffante Armée, en Paleftine y Se de n'en point<br />
partir, fans recouvrer enrièrement le Roïaume de Jérufalem,<br />
Après la conclufion de cet Engagement, Se de cette AlUance<br />
, que le St. Pire, Se toutes ks Perfonnes, qui affiftèrent à '**''•<br />
cette célèbre affemblée, crurent fî utfle, 6efi néceflàke aubien^rticie/xr.<br />
commun de toute h. Chrétienté, ils commencèrent à travaiUer |ricW«<br />
aux préparatifs néceffaires pour la grande entreprffe de la Guer-^*^'***'<br />
re Sainte. Le Pape, qui défiroit ardemment cette expédition,<br />
envoïa d'abord prêcher la Croifade dans toutes les Provinces de<br />
VEurope, U écrivît aux Princes, 5c aux Evêques ; Aux premiers,<br />
pour ks exhorter à fe réconcflier, 6c à fe jomdre à l'Empereur<br />
; Se aux Pafteurs, pour engager les Peuples à s'armer<br />
pour la ddivrance du Sépulcre de Jefus-Chrift,<br />
Rrr 3 TB*-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
joa HISTOIRE G E'N E'R A L E<br />
FRE'DE'RIC , foît par affedation, ou dans une intention<br />
fincère de fake le voïage de Pakftinéy non content de fe donner,<br />
de grands ^mouvemens en Italie y envoïa foflicitcr tous ks<br />
Princes d Allemagne .à prendre part .à fon projet U dépêcha,<br />
cn mSme tems, PEvêgue de CàpouCy avec une Efcadre de Galères<br />
5 à Ptolomaïde, pour y recevoir la Princeffe YOLANDE,<br />
afin de confommer fon mariage, avant départir lui même pour<br />
ce pays4à.<br />
Quant au Rôi JÈAK DE BRIENNE , qui ne pouvoit, que follicîter<br />
les Puflfances Chrétiennes de contribuer au recouvrement<br />
de fon Roïaume, comme fl avoit fait vœu d'aller vifiter la fameufe<br />
EgUfe de St. Jaques, en Galice y fl prit cette occafîon,<br />
pour s'en aquiter. H paffa premièrement en France y tant pour<br />
faluër le Roi PIIILIPPE-'AUGUSTE , que dans fefpérance d'obtenir<br />
quelque puiffant fecours de ce Monarque, qui avoit été<br />
fauteur de fon élévation, 6c qui confervoit toujours un grand<br />
^èk pour le recouvrement du St. Sépulcre ; mais fl eut le mal-^<br />
heur dc le trouver atteint d'une maladie, dont fl mourut peu<br />
de jours après fon arrivée. Ce grand, 6c pieux Prince avoit<br />
légué, par fon teftament, trois cens mifle Livres, pour être<br />
emploïées à k Guerre Sainte, dont cent mille furent comptée»<br />
au même Roi JEAN ," 6e les autres deux cens mille aux Maîtres<br />
de VHopitaly Se du Temple.<br />
h'Rofde*^ Le Roi de Jérufalem, après avoir rendu les derniers de-<br />
France, ««Voirs à celm de France, paffa cn Angleterre y Se enfuite en<br />
^SoïùïJ*-Ffpagney où il acomplit fon Pèlerinage, Se époufe, en fecondés<br />
noces, B E RA N G E'R E , Fflle d'ALPHONSE IX. Roi de Leon ;<br />
de lorte que , s'il ne put emporter dc ce pays-là aucun fecours<br />
pour le recouvrement de la Terre-Sainte, flcut au moins lafaï^i^-<br />
tisfadion d'en ramener une Compagne, qui ne lui étoit pas moms<br />
chère,6equi l'aida à fupportér les grands fujets de chagrin,que<br />
fEmpereur, fon Gendre, lui caufa quelque tems après.<br />
L'Eve.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. Liv.X. CH.I. 5^03<br />
L'Evêque de Capoue y étant arrivé à Ptolomaîdey avec les'<br />
Galères de l'Empereur, la Princeffe YOLANDE fut couronnée<br />
à Tyr des mains de SIME'ON, Archevêque de cette Vifle,, 5c<br />
s'embarqua,, peu de jours après, pour fe rendre à Rome. El!e<br />
aborda en Chypre y où la Reine ALIX, fa Goufine, la reçut*^<br />
avec beaucoup de magnificence,- 6e k retint plufieurs jours en*<br />
réjouïffances continuelles y Se fuperbes feftins,^- Après une heureufe<br />
navigation, elle arriva* enfin au port d'O/7/V, où l'Empereur<br />
alk la recevoir, 65 la conduifît, comme en triomphe, à Rome,-<br />
Le Pape fit lui même la cérémonie de leur mariage dans PEgUfe<br />
de St.PiertCyV^ec la plus éclatante pompe, qu'on eût jamais vu. •<br />
Ces célèbres fondions, 5c les réjouiffances de ces noces,fu-A^m^<br />
rent bientôt fuivies d'amertumes pour le Roi JEAN DE BRIENNE, de, ^ de<br />
qui étoit; retourné k Rome. FRE'DE'RIC; OU indigné du ma-^^^'^'^^^*^*<br />
riage, que fon Beau-Père venoit de contrader; ou impatient<br />
dc pofféderV avec PImpératrice fon Epoufe, les Etats, qui lui<br />
appartenoient, déclara au Roi JEAN, même avec hauteur,<br />
„ que comme le Roïaume de Jérufalem étoit la dot de fa Fem-<br />
„ me, fl prétendoit, qu'fl renonçât desrlors à toutes fes pré--<br />
„ tenfîons fur cet Etat, dont fl voulok avok feul ks Titres,.<br />
„ Se tous les droits de Souveraineté.-<br />
Ce bon Prince fut d'autant plus étonné d'une prétenfîon fî^„'"*J"J,.<br />
fière 6c fî orgueilleufe, qu'en traitant du mariage de fa Fifle, je^n de<br />
on lui avoit promis, qu'fl jouïroit, pendant fa vie, du Titrey^^^'^c^^n-<br />
Se de Padmmîftration du Roïaume. Cependant, malgré la du-^J'J'^reté<br />
de l'Empereur, fon Gendre, 6c ks moïens, qu'fl auroît<br />
pu trouver, pour fe maintenir dans fe'poffeffion, foît parfe"<br />
propre vdcur; foit par le fecours de divers Princes dEjÀropey<br />
qui l'cftimoîcnt;: ou par k fidéUté des Peiq)ks' de la Pakftinéy ^<br />
qui le chériffoient infiniment, fl fut affez généreux, pour facrifier<br />
fes propres intérêts à la tendreffe; qu'fl avoit pour fa Fflle,<br />
plutôt que d'en venir à des extrémités, qui auroient pu détruizt<br />
entièrement ks affaires des Chréfiem Orientaux, Auffi,<br />
pout<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
2225.<br />
Î04 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
pour éviter ce fcandale, U renonça, fans difficiflté, au Tkre<br />
de Roi de Jérufakmy qu'il portoit fi légirimement. Se à tous<br />
les droîts, 6c prétenfîons, qu'il pouvoit avoir fur cette Couronne;<br />
ce qui donna occafîon à l'Empereur d'ajouter à fes autres<br />
Titres celui de Roi de Jérufalem, que les Rois dc Sicik<br />
ont depuis toujours continué de prendre.<br />
Quelque fenfible, que fût au Pape îe procédé injufte, Se vio.<br />
knt de FRE'DE'RIC, la paffion, qu'fl avoit de furmonter tous<br />
les obftacles, qui auroient pu rétarder la Guerre-Sainte y fît<br />
qu'fl exhorta le Roi J E A N à fupportér cette injure, pour Pamour<br />
de Jefus-Chrift; puffqu'fl s'agiffoit de fa gloire; 5e,quelque<br />
mécontent que fût le St, Père de la conduite de l'Empereur,<br />
Ja même raifon f engagea à prendre fes intérêts, pour<br />
appaifer quelques Provinces d^Italie y qui s'étoient révoltéeia<br />
contre lui, afin que ce Prince n'eût plus aucun prétexte, qui<br />
pût rétarder fon départ pour k Pakfiine; mais fl fe trompa;<br />
car les bontés, les foins, ni les grands mouvemens qu'fl fe doifr<br />
na, ni fempreffement, qu'avoit eu F R E'D E'R I c, de dépowUer<br />
fon Beau-Père, ne fervirent de rien ; puifque, malgré Paffectation,avec<br />
laquelle il continuoit fes préparatifs, fa conduite fit<br />
bien voir, que c'étoit la çhofe, à kquefle fl penfoit le moins.-<br />
C H A P I T R E II.<br />
Article 't. "pendant que F RE'D E'R i c amufoit airifi le Pape, 6c • toute k<br />
La Reine<br />
rfe Chypre ^/e X Chrétienté, la Régence _ des Seigneurs _ d'IfiteLlN en Chypre y<br />
"^Mame. ^^^ n'avoît cncore. été troubléc, que par les querelles du Clergé,<br />
le fut alors par une affaire, qui devoit être de bien moindre<br />
importance; mais qui eut cependant des fuites beaucoup plus<br />
fàcheufes. La bonne iffteUigence, Se Punion, qui régnôit tou-<br />
^'^ jours<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
UE'JÊ'RUSALEM.^ LIT.X. C«.IÏ. ^ fhi^i<br />
|burs entre la Reine, 6c eux, fe convertit cn une haine fi grande,<br />
que cette Princeffe, fans réfléchir au tort, qu'dle aUoit faire<br />
à fa réputation, Se à fes intérêts, fortit brufquement da<br />
Roiaume; cc qui fit refoudre les Seigneurs d'IBELIN de fe déliiettrc<br />
de leur Régence, .6c de leur adminiftration, entre les<br />
mains de k Cour fupérieure.<br />
Cc désordre fut caufé par un démêlé, qui furvint entre CAlîERiN<br />
DE BARLAS, Favorî de la Reine, 5c k Chevalier To-<br />
RiNGELLo, Parent des Seigneurs d'fBELIN , pendant qu'ils don-»<br />
lioient une fête dans leur Maifon. On y jouoit au jeu de k<br />
Chouette y ou Civette. Le premier fe fâcha, de ce que l'autre<br />
Pavoit frappé trop rudement,5clui dit quelques paroles piquantes.<br />
ToRiNGELLO luî répondit, avec k même vivacité ; furquoi<br />
ils s'échauffèrent fi fort, que, fans la confîdération, qu'ils avoient<br />
pour la maifon, 6c pour ^ la compagnie, compoféê de toutcc<br />
qu'il y avoit de plus confidérable à k Cour, ils en feroient venus<br />
aux dernières extrémités.<br />
CAMERIN, qui, malgré le grand bruit qu'il avoit fait, man-^^*''^'<br />
quoit apparemment de courage pour tirer vangeance p?Lr lui'Roiaume,<br />
même, de Pinjure, qu'fl prétendoit avoir reçue, engagea, dès<br />
le lendemain, quatre de fes amis à le foutenir. L'adion,qu'fls<br />
firent, marqua, en effet, qu'ils n'avofent pas plus de cœur,<br />
que celui qui avoit redierché leur alfiftance. Us affaiUirent To-<br />
RiNGELLO tout feul;6c, foît qffîls agiffcut, à l'envi, poiir bien<br />
fervir leur ami, ou qu'ils vouluffent tous avoir part à cet affaflUnat,<br />
fls le percèrent de plufieurs coups, 6c ne le quittèrent,<br />
que lorsqu'fls le crurent mort.<br />
Un attentat, fî lâche, 6e fî indigne, révolta toute la Cour.<br />
Les Seigneurs dlBEHN, en parriculicr, en furent extrêmement<br />
irrités. Us étoient trop équitables, pour ne pas faire punir une<br />
C noire adion, felon la rigueur des loix, quand même f offenféo'auroit<br />
pas été leur Parent. AuflU, firent-fls d abord pourfui-<br />
Ssi vre<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fo* H I s T o ï R E G E' N E' R A t «<br />
Yre avec chaleur, ces Affaffins, malgré l'appui, 6c les foUiclt«i<br />
tions de la Reine, qui prétendoit, qu'on fît grâce à fes amis^<br />
^quelques criminels qu'fls fuffent. Les Régens, au contrake,<br />
vouloient, que les affaffins fuffent châtiés ; deforte que cette Prin-?<br />
ceffe,oubliant la modération,Se la prudence, avec kqueUe eUe,<br />
s'étoit toujours conduite, s'emporta jufqu'à leur dire en iface,<br />
qu'étant Reine y elle vouloit être obéîe.<br />
Ces Seigneurs lui répondkcnt,fans héfîter, quCyfi elk vouhit<br />
y que fes ordres fuffent exécutés yil ne failoit rkn commander<br />
êînjtfte. Une répoiffe fî vive lui aïant fait comprendre, qu'flf<br />
ne défîfteroient pas de kur pourfuite, 6c n'ignorant pas d'aflleur»<br />
que kur crédit étoit affez grand, pour contre-bakncer fon pou-,<br />
voir, efle fit inceffamment évader les criminels, qui paflerent à<br />
Tripliy fens pourtant rien diminuer de la haine, 6c du dépit>.<br />
que fà paffion désordonnée pour fon Favori lui avoit fait concevoir<br />
contre ks Seigneurs d'IsELiN, malgré la juftice, qu'eUa<br />
avoit toujours rendue à leur mérite, 6c à leur probité.<br />
Cette Princeffe fit plus ; car, après avoir mis tout en uiàge<br />
pour les chagriner, 5e pour leur marquer k reffendment, qu'cUe<br />
confervoit de leur refus, par une l^èreté, 6c une inconfidé^<br />
ration, bien indigne, non feulement d'une Rekie , mais encore<br />
de la momdre Femme dhonneur, efle qifltta le Roïaume pour<br />
fuivre fon Favori à Tripliy où fl s'étoit réfugié avec fes com*<br />
pUces. Une fuite fi honteufe, jointe à fhprégularité de la vie,,<br />
qu'on aprit bientôt, qu'eUe menoit en cette ViUe, offenfa, 6c<br />
fcandalifa extrêmement toute la Nobkffe de Chypre y Se lui fit<br />
entièrement perdre l'eftime finguUère, qu'elle avoit toujours eue<br />
pour elle. Les Seigneurs dlBÉLiN en furent fi outrés, qu'Ut<br />
fe démirent d'^abord des aflSaires de l'Etat, dont ils n'avoient<br />
accepté fadmmiftration, que par un pur zèle pour k jeuneRoi,<br />
Isur Neveu, Se pour le bien de fes Sujets.<br />
LaJUkie,
M JE'RUSALEM. Liv. X, Cn. U, • joy<br />
•er à la Régence, dans Pefpérance, que la,Nobleffe du payi<br />
refpederoit trop fa Perfonne, pour s'oppofer à fes volontés,<br />
prit k mauvais parti d'envoïer CAMERIN DE BARLAS en ChyprCy<br />
pour prendre, en fon nom, le gouvernement du Roïaume. Elk<br />
fe flattoit, que les grandes richeffes, qu'fl poffédoit, 6c la ^vcur,<br />
dont efle f honoroit, lm attireroit affez de parrifans, pour<br />
s'y faire inftafler ; mais fa mauvaife conduite favoit rendue ch r^ -.<br />
dieufe, Se avoit teflement aliéné l'efprit des Peuples, que cetteg^sdtidémarche<br />
ne fervit qu'à les irriter davantage ; d'autant plus que ^^j'2/JJ!<br />
CAMERIN , quoique fort riche, n'étoit point d'une Maifon affez Ç'^^r*.<br />
iUuftre, pour porter la Nobleffe à fe foumettre à un Homme, tratim du<br />
qui luî étoit inférieur. Se généralement méprifé pour fes vices, ^•»*«'*-<br />
6c fes débauches. Auffi, bien loin devoir aucun égard pour<br />
ks ordres de la Reine, ni pour la perfonne de fon Favori, ils<br />
refuferent abfolument de f admettre, 6c prièrent, au contraire,<br />
avec tant d'inftance, les Seigneurs d'iB^ELiN, de reprendre<br />
la Régence, qu'ils fe rendirent enfin à leurs preffantes foUkitations.<br />
Comme les Seigneurs du Confefl foprèmc ne doutoient pas,<br />
fue la Reine ne mît tout en ufage, pour fe vanger de leur rér<br />
flis, 6c du rapel au gouvernement des Seigneurs d'iBELiN, ils<br />
fugèrent à propos d'envoïer des Ambaffadeurs au Pape, pour<br />
prier Sa Sainteté de prendre le jeune Roi fous fa protedion, 5c<br />
de vouloir ordonner aux Chevaliers de VHopital de f affifter de<br />
leurs forces, en cas de befoin. Le Pontife, qui ne défiroit, que<br />
la concorde parmi les Chrétiens Orientaux, afin que leslnfidèlet^<br />
ne profitaffent point de leur desunion, écrivit d'abord au Chotalier<br />
de MONTAGU , Maître des Hofipitaliers , la Lettre fuivante<br />
, qui fe trouve enregkrée dans la Bibliothèque du Faftcan.<br />
S$i « HO-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
f oS H IST O I R E G: E' N E^ R A? L E<br />
HONORIUS y au Makre, & aux Religieux de P/ïo/>i/ï<br />
de St. Jean de yérufalem, [ fatut, iÇT' ' ''. '^<br />
RénéHiffiori Apoflolique;,,<br />
XT^tre cher Filï, HENRI' DE LUZIGNAN, iHûllre Roi de Q\vfi<br />
^"^ pre, Nous a nouvellement envoïé fon Ambaffadeur, pour Nous<br />
faire favoir, que votre Confeil, g^ votre'affiftance; lut étant'y<br />
Ê^ h fon RoïaMie, entrêniement néceffaire, Comme Nous làHhoni<br />
avec fincérité, ^ qffeâion, Sf que Nous dé lirons làugmbnfdtion<br />
. de jQfi honneur, gcp dé /a gloire; Nous vous exhortons'y ^ prions i<br />
avec inftance, que, pour Pamour de Nous-, ^ par reJpe&'pùUn<br />
léSt, Siège Apqfloliqià'', Fous P aidiez lui, •^'^les Ré^-èns dé fon<br />
Roïaume ,de vos confeils \ gs? de toutes vos forces, tOîts' les fois ' qÛ<br />
Fous en ferezréqitisy lés aïant reçus Jous M)tre "prâtéliion, ^<br />
fims celle du St. Siégé Apoftolique, contre tous ceux qui vôudrèfft<br />
les inquiéter, afin qtte, par le promt fecours^ queFouS'leur dorfi<br />
nerez, en cas^ de béfi)in, ils reffentent les effets de mtr^ récom^<br />
mandat ion; ^ que ce jeune Prince putffe-croîrre, ^ vivrez dans<br />
Pattachementy du à notre Perfonne, ^ à lÈgiiJe Romaine. Ce '<br />
que Nous ne doutons pas, que Pous ne Jajffiez dlune manière, qui<br />
Nous oblige à Fous confirver notre reconnoiffance, ., Donné a Sti<br />
Jean dé Latran le i^, Fé.vrier, 6e la.dixicmc. année de notre<br />
PtxntifKati-<br />
^rtierejr.' Laprécautiou-des Seigneurs dlBELiN, 6e de la Cour fupé-<br />
'^1mf7i rieure, ne fut point inutfle. Car la Reine, qui ne refpiroit que<br />
Je rémarier vaugeance xoutre eux 1 toujours aveuglée par fa paflion, coair«Vrf#<br />
noiffant» queâ pour venir à bout de les deffems , fl lui failoit<br />
Oîxipoii. qudque Perfonne de pkis grande auioritê, que fon Favori, 5«<br />
fes adhérens, s"'cngagea légèrement à un mariage avec le Comte<br />
de Tripoli, qui étoit auffi Veuf, Se en état défaire valoir<br />
Ic)^droits, .6c fes prétenfions.-<br />
« L'an><br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
' fit JÏ'RUSALEM; LIV.X CICH. • jro^<br />
L'ambition déméfuréè qu'avôif ce Comte de dokiiner, jointe ^miitoi<br />
kfori caradère fourbe 5e entreprenant, 5e enfin fa mauvaife ^"^ "^^'*<br />
foi, plutôt que Pamour, qu'^fl eût pour cette Princeffe, le portèrent<br />
à lui faire la Cour, 6e la rechercher avec empreffemènt^<br />
des qu'elle fiit débarquée dans fes Etats;-perfuadé^ -que c'étoit<br />
là plus favorâWé oCcafîdn,'qu^it^pût défirer, pour s'introduire<br />
dans le Roïaume de 0&)'/>ri?-, 5c i]ui lui procureroit les moïens dc<br />
profiter de la facilité de la Mère, 6c dek jêuneffe du Fils, piour ufiu><br />
per cet Etat^ ainfi qu'fl avoit voukK-fake de la Principauté d'-
f IO H I S TOIRE GE'NE'RAtB<br />
déclara, qu'fls ne pouvoient fc marier enfembk, fans contrevcnk<br />
aux facrés Canons de PEgUfe; 6c, par confequent, fl caffa^<br />
6c annuUa toutes les promeffes, qu'ils s'étoient faites réciproquement.<br />
Articler/L Après ccttc diffolurion, qui offeûfa vivement k Comte, k<br />
UR^ine'en Rcinè uc fongca^ plus, qu'à repaffer en Chypre y pour réparer,<br />
«hjrpre. s'fl lui étoit poffiblc, par une conduite plus prudente, 6c plus<br />
folide, fes légèretés paffées. Elle étoit fâchée de ne pouvok<br />
auffi remédier aux désordres, que pouvoient caufer les mécontentemens<br />
du Baron GAVAN DE ROSSI, qui ne pouvoit digérer,<br />
que les Seigneurs dlBEUN, Peuffent obligé, felon les loix<br />
du pays,;a combattre, en diamp-clos, contre le Chevalier<br />
de LA TOUR, auquel Rossi prétendoit être fupérieur en naïf;<br />
fance. La Reine, qui foûtenoit ce dernier, étoit entrée<br />
dans fon reffentiment ; 5c, dans k fureur dc fes emportemens,<br />
elle lui avoit confeiUé d'aller trouver f Empereur,qui devoit bientôt<br />
venir en Paleftine y zfin déporter à ce Monarque des plaintes<br />
contre ks Seigneurs d'iBELiN, Se Pengager à les priver du gouvernement<br />
de PEtat, 6c de la tutelle du jeune Roi, Se même à leur<br />
enlever la Seigneurie de Baruth, partie du Royaume de Jérur<br />
falem, qu'fls s'étoient appropriée.<br />
Cette Princeffe, qui avoit étéPaUteur de ce malin projet, 6c<br />
^i connoiffoit Rossi capable d'envenimer affez les chofis, pour<br />
engager PEmpcrcUr à quelque grande extrémité, non feulement<br />
contre la Maifon d Ibelin y mais encore contre le Roïaume, ne<br />
fut pas plutôt arrivée à AVro^f, qu'après s'être racommodée avec<br />
le Seigneur d'iBELiN, elle travaiUa , de tout fon pouvoir, à<br />
obtenir k grâce, 6c k rapel • dc CAMERIN DE BARLAS , 6c.de fei<br />
amis, afin qu'fl s'emploïât efficacement à appaifer Rossi,<br />
6c à le faire revenir en Chypre y avant qu'fl portât fes plaintes à<br />
l'Empereur ; perfuadée, que ce Prince, qui écoutoit favorablement<br />
tous ceux qui lui fourniffoient des prétextes pour envaiik<br />
des Etats, ne chercheroit pas une meflkure occaîbn*<br />
Maig<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Bl JE'RUSALEM. Lrr.X. CHVTI. }I9<br />
Mais fes précautions, Zc fes foins furent inutfles. ll lui<br />
fut impoffible dc dflfiper f aigreur, Se le reffentiment, quo<br />
ces mécontens confervoient contre la Maifon d Ibelin ; dc<br />
forte qu'au Ueu de retirer quelque avantage de la grâce,<br />
que la Reine venoit d'obtenir pour eux, tout cek ne fervit<br />
qu'à augmenter ks désordres, qui 'arrivèrent peu de tems<br />
a^rès, par fempreffement qu'eurent ces mécontens de favorffer<br />
f injufte attentat de l'Empereur for k jeune Roi, fur<br />
fon Tuteur, Se fur fes Enfans. Ce.qui ne prouve que trop,''^^'»*»'^<br />
que, lorsque les Perfonnes d'autorité fe laiffent aUer à leurs<br />
caprices, 6c à leurs paffions, fl n'eft plus en leur pouvoir<br />
de détourner les dépkifirs qu'ils caufent, ni les ^maflieurs<br />
qui cn arrivent, qudque repentir qu'fls conçoivent de leurs<br />
fautes , Se quelque mouvement qu'fls fe donnent pour ea<br />
•mpêchcr les fàcheufes fuites.<br />
FRE'DE'RIC , après avoir long-tems amufé le Pape par dc AxticicJW>.<br />
fauffes promeffes, affeda enfin de vouloir véritabkment accom«<br />
pUr fon voïage en Pakftine. Lc St. Père y qui le crût fincère,<br />
fit d'abord defeendre en Italie tous ceux qui s'étoient voués k<br />
la guerre Sainte. Le nombre s'en trouva fi confidérable, 6c<br />
tous paiement bien pourvus du néceffaire, par l'exaditude,<br />
avec laqueUe les ViUes, qui s'étoient vokntakcment taxées, y<br />
avoient mis ordre, qu'ils auroient été capables dc conquérir tout<br />
^Orient y fi on avok promtement profité de leur ardeur à afler<br />
combattre les Infidèles.<br />
Mais deux accidens fécondèrent fi bkn fEmpereur, dont le ^M^^ i*<br />
ckffcin étoit d'enaploïer tous ces grands préparatifs de terre, 6c "<br />
de mer, à tourmenter VItalie, 6c non à faire la guerre aux Infir<br />
ééks y Se à recouvrer k Terre-Sainte, que les peines, les foins, 6c<br />
les dépenfes prodigkufes de tant de Croifés, furent non-feul&.<br />
ment inutiles zux ( hrétiens Orientaux y mzis encore très-fâchei:^<br />
fts pour ceux de VEurope; puisque la plupart de ces braves gens<br />
l^rkent, kt uns à caufe def exceffives chaleurs de VApouilléy<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fii Hî ST O ï R E iG F N E R ArL E<br />
Se de la Calabrcy que ces Ultramont ains nepou voient fouffrir, 5c lei<br />
autresdc faim. Se de mffére en cherchant à regagner leur Patrie.<br />
*^^Lc premier lujet, qui'fervit de prétexte à F R ED ER i c, pour<br />
tetardèr fon vo agç doutre:.mer, fut f accouchement 6c la mort<br />
de f Impératrice fa Femmes après avoir mis au monde un Prince,<br />
qui fut nommé CONRAD. La plupart des Hiftoriens attribuent<br />
la mort de cette Princeffe, plutôt aux mauvais traitement<br />
6c-aux chagrins,qufélle recevoit dcf Empereur, foa Epoux, qu'aux<br />
•".' doukurs de l'enfantement.<br />
* - L'autre accident, aufl[i funefte, que *le premier, fut li, mort<br />
du bon Fape HONORIUS. U décéda à Rome , le 8. Mars de<br />
.^7. cette année 4 22^7. après avoir gouverné faintement l'Eglife do<br />
Dieu, pendant dix ans ;6c huit mois. U avoit fait humainement<br />
tout ce qui avoit dépendu de lui, pour faire rentreriez Chrétiens<br />
dans le Roïaume de Jefus-Chrift. GK E'G O I R E IX. de l'illuflr^<br />
Maifon de Conti y que les Cardinaux élurent deux jours après<br />
fon décès, lui fuccéda.<br />
ScftprciK -Ce nouveau Pontife, auffi zélé pour le recouvrement de la<br />
rTdaller 'Terre-Sointey maisijeaucoup plus vif, 5e plus réfolu, qtie fou<br />
•n<br />
m.<br />
Faiejlt- Prédéceffeur, preffa d'abord FRE'DE'RIC d accomplir, fens plus<br />
de déki, les promeffes, qu'fl avoit fi folcmncUeincnt juré^g, d'aller<br />
en Pakftine y à la tête d'une puiffante Armée; le ménaçspit,<br />
** que, s'fl tardoit davantage à s'en aquiter y fl knceroit con^<br />
» tre lui les foudres dc l'Eglffe, 6clc.déclareroit déchu defEm-<br />
^ pire, Se de fes autres Etats.<br />
Ces terribles menaces, 6e k hauteur de G R E'G OI R E , aïant<br />
fait comprendre à F R E'D E'R I c, qu'fl ne Pamuferoit pa^ fi facilement,<br />
qu'fl avait fait HONORIUS , fl cxcufa fon retardement par<br />
toutes kl raifons, dont fl put s'avifer, 6c fit de grandes proteftations<br />
au St. Père, qu'fl alloit inceffamment fc mettreen état<br />
de fatisfaire à fon obligation. Il écrivit, poiic cet effet, au<br />
Çrincc HENRI, fon Fils; de convoquer une Diète kJix la-CbOt<br />
felle y pour foUidtcr les Princes 6ç Seigueius, ^ui vouçjro^enç<br />
i'acco»*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DR JE'RUSALEM. Lïv. X. CH. IL jij<br />
l'accompagner à la Guerre Sainte, dc s'y préparer promtement.<br />
Se ks Villes d Allemagne de contribuer à cctte Sainte entreprife.<br />
U recommença lui même à.faire affembler du monde. Se à combiner<br />
fon Armée Navale, qui fe rendit toute dans le Port dc<br />
Brindes y où étoit le rendez-vous général, pendant que le Pape<br />
fîi ifoit de nouveau prêcher la Croifade dans toutes les Provinces<br />
de la Chrétienté.<br />
Néanmoins ,. tous ces grands préparatifs furent auffi infrudueux<br />
, que les précédens, 5c ne fervirent, qu'à faire périr<br />
encore grand, nombre de Croifés Allemands y qui.étoient defcendus<br />
dans VApuille , malgré les malheurs , arrivés à ceux qui<br />
ks avoient précédés, tant la fureur des Peuples étoit grande<br />
, en ce tems-là , pour k voïage de la Terre-Sainte. La<br />
perte de tant de beau monde, qui accouroit avec empreffemènt,<br />
pour avoir part à la déUvraUce du St. Sépulcre, irrita d'autant<br />
plus le Pape, qu'il, voïoit que ce malheur n'étoit caufé, quepar<br />
k mauvaife foi, 5c les détours malicieux de l'Empereur. ••<br />
Tant de tromperies obligèrent enfin G R E'G o i R E à redou- j'^«"^<br />
bkr fes menaces contre F R E'D E'R I c, d'une nmnière fi violente, ?^^ ^^J^"que<br />
celui-ci fe rendit enfin à Brindes, où il s'embarqua avec le Patriarche<br />
Patriarche de y^nf/^/(?/»,k Landgrave de Thuringe y Se plufîeurs £if'^'*^*'<br />
autres Princes 5c grands Seigneurs ; mais fa navigation ne fut<br />
pas de long cours. A-peinc fut-fl arrivé au Cap St. Ange y dans<br />
la Morée y qu'fl ordonna à PEvêque dAmalfiy 6e à deux de fes<br />
principaux Officiers, de pourfuivre, avee fa Flotte, le voïage de<br />
Paleftine; car, fait qu'il fût éffèdivement malade, ou qu'fl feignît<br />
de Pêtre ; ou qu'enfin k mort du Landgrave de Thuringe,<br />
qui étoit arrivée d'abord après fon départ, lui fît abandonner la<br />
pourfuite de fon voïage, il s'en retourna en Italie y fans fonger<br />
davantage Tiux Croifés y qu'fl avoit embarqués, ni à faire k guerre<br />
aux Infidèles, AHalbLe'<br />
Une conduite fî extraordinaire, Sc un chans-ement fî fubit, ne f^^'% .<br />
laiffa plus lieu au Pape de douter de la mauvaife foi de F RE'D E- décic.<br />
Ttt RIC.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fi.l, H I S T O I R E G E'N E'R A L E<br />
RIC. U crut s'appcrcevoir, qu'au Ueu de s'aquiter de fon vœu,<br />
5c dc fes promeffes, fl ne cherchoit qu'à fe jouer de lui, 5e de<br />
toute la Chrétienté. Sur cela, ce Pontife ne s'amufa plus à exhorter,<br />
ni à foUiciter un Prince, dont le cœur étoit trop endurci<br />
, pour fe rendre à fes remontrances ; 5e il fulmina contre lui<br />
fanathême, dont fl Pavoit menacé en prefence du Sacré-Collége.<br />
U écrivit en même tems à tous les Princes 0^r^^/f«jks raifons<br />
, pour lesqueUes il s'étoit porté à cette extrémité.<br />
^ettZttt " Premièrement, parce que F R E'D E'R I C , par fa vie molle,<br />
me, 3, 6c fcandaleufe, avoit caufé la perte de Damiette, où il s'était<br />
„ engagé d'aller en perfonne. II. Que,pour avoir négligé Pé-<br />
„ quipement d'une Flotte, pour tranfporter les Croifés y Se a-<br />
„ voir, par fes faux fermens, trompé le Pape HONORIUS , qui<br />
„ les avoit fait defcendre en Italie y fl avoit fait périr une in-<br />
„ finité de ces bons, 6e zélés Chrétiens. III. Qiie, bien loin<br />
„ d'obferver la parole, 6c le ferment folemnel, qu'il avoit fak,<br />
„ d'afler lui même, à la tête d'une puiffante Armée, déUvrer<br />
„ la Terre-Sainte du joug des Infidèles, fl venoit d'abandoiîher,<br />
„ en chemin, tous les Croifés y qui s'étoient rendus auprès de<br />
„ lui, pour le féconder dans cette Sainte entreprife. IV. Qu'fl<br />
,, s'étoit fervi du prétexte d'une feinte maladie, pour rompre<br />
„ fon voïage, 6c retourner cn Italie y où Pon favoit, à n'en<br />
„ pouvoir douter, qu'fl n'étoit revenu, que pour s'emparer des<br />
„ riches dépouifles du Landgrave de Thuringe y Se fe plonger<br />
„ dans la débauche, 6c dansk désordre. V. Qu'fl avoit vio-<br />
„ lé une DemoifeUe de PImpératrice YOLANDE, fon Epoufe.<br />
„ VI. Qu'il avoit plufieurs fois maltraité cette Princeffe, 5c<br />
„ l'avoit fait enfermer dans une étroite prifon, où elk étoit<br />
„ morte de doukur, 6cde chagrin.<br />
CMA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
»E JE'RUSALEM. Lrr. î. CH. m. jij<br />
C H A P I T R E III.<br />
SI la douceur, les prières, 6c les exhortations, n'avoient pu per- rangegnee<br />
ter fEmpereur FRE'DE'RIC à entreprendre le recouvre-^f^.^^^'^'*'<br />
ment du Roïaume de Jérufakmy les foudres dc l'Eglife, que<br />
GRE'GOIRE venoit de lancer contre lui, firent encore moins<br />
d'effet. Ce Prince, irrité, au dernier point, de la démarche<br />
violente du Pontife, bien loin de fc mettre en peine de fanathême<br />
qui avoit été folminé contre lui, ou dc chercher à s'en<br />
faire abfoudre, ne fongea, au contraire, qu'à s'en vanger. Auffi,<br />
fans fe contraindre davantage, 6cgarder aucunes mefures, ilcnvo'a<br />
un gros détachement de fes Troupes,pour ravager VEtat*<br />
Eccléfiaftique y Se perfécuta crueUement toutes les Perfonnes, qui<br />
étoient attachées au Saint Siège. U auroit entièrement défolé<br />
les Vflles de Spkte, de Bcnevent, 5e toute la Marche d Ancone,<br />
C le Pontife n'y eût promtement oppofé le Roi dc JEAN DA<br />
BRIENNE.<br />
Ce Prince, qui demeurait à Bologne, avec k Reine fon Epoufe,<br />
depuis qu'il avoit été contraint de renoncer à fon Roïaume<br />
, nourriffoit une haine irréconciUable contre fon Gendre,<br />
qui favoit traité avec mépris, 5e n'avoit eu que des duretés pour<br />
PImpératrice fe FiUe. Lc Pape ne pouvoit choifîr un Général, "*••<br />
qui foutint mieux fes intérêts, comme, f événement le juftifia.<br />
D.ans ces entrefaites, le St. Père reçut des Lettres du Patriardie<br />
, Se des Seigneurs Croifés de la Paleftine, qui lui dcmandoient<br />
du fecours, avec beaucoup d'inftance. Le Pontife travailloit<br />
déjà à faire embarquer le Roi JEAN DE BRIENNE fur la Flotte<br />
Fénitienne y avec grand nombre de Troupes, pour y aUercom-<br />
Ttt 2 znanderf<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
5^16 H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />
mander, lorsque fEmpereur en fut averti. Ce Prince, qiû<br />
craignoit, que fon Beau-Père ne rentrât cn poffeffion du Roïaume<br />
de Jérufalem ; Se qu'il ne fût approuvé des Puiffances Chrétiennes<br />
y aux quelles lui même avoit écrit, qu'fl accompUroit fon<br />
vœu, fitôt que fa fanté le lui permettroit ; Se preffé d'ailleurs par<br />
tous fes amis, qui fouhaitoient de mettre fa réputation à couvert<br />
, fe détermina enfin à ne plus différer fon départ.<br />
Mais, comme il ne fe croïoit point encore affez vangé de<br />
faffront, que lui avoit fait le Pape, il laiffa une partie de fes<br />
Troupes au Duc de Splettty fon Lieutenant en Italie y pour<br />
y exercer les hoftiUtés, qu'fl avoit commencées, fur les terres<br />
du St. Siège. Ainfi, la divifion de fes forces fit, qu'il s'embarqua<br />
à Brindes y la veille de St. Pierre y Se St. Paul y avec une<br />
Armée fi médiocre, qu'elle étoit indigne, Se de la Majefté d'un<br />
Empereur, Se de l'entreprife qu'fl allait faire ; Car, outre qu'il<br />
n^avoit que vingt Galères » 6c quelques Bâtimens de tranfport?,<br />
k peu de Troupes de débarquement, qu'fl conduifoit, faifoit<br />
affez comprendre, que fon deffein n'étoit pas de faire beaucoup<br />
de mal aux Infidèks ; Auffi, peut-on affurer, qu'au lieu d'aider'<br />
les Chrétiens de la Terre-Sainte k fe relever de leurs malheurs,<br />
fl ne fit que reculer, 5c affoiblir kurs affaires.<br />
qu'il fait" Les Chypriots furent les premiers, qui éprouvèrent les effets:f'ff<br />
de la mauvaife intention de FRE'DE'RIC Ce Prince s'était<br />
l lie de<br />
Chypre, kîffé tromper par les malins raports du Baron DE ROSSI , 5e de<br />
CAMERIN DE BARLAS. Ce dernier étoit forti de nouveau du<br />
Roïaume, pour une nouveUe quereUe, qu'il avoit eue avec AN-<br />
RiAN DE BRIES, Parent du Seigneur deBaruth, U s'étoit rendu<br />
auprès de l'Empereur, auquel il avoit raporté miUe fauffeté^<br />
pour Pirriter davantage contre ce Seigneur, qu'il affuroit être<br />
ennemi juré de fe Majefté Impériale, 6ede tous fes bons Serviteurs<br />
; ajoutant, que ks IBELINS n'avoient recherché la tuteUe<br />
du jeune Roi HENRI, que pour s'enrichkeux mêmes des deniert<br />
de la Couronne.<br />
Tous<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. X. CH. III. 517<br />
Tous ces faux raports con venoient parfaitement à f humeur sonarrivk<br />
inquiète de FRE'DE'RIC. Dès fon arrivée à lAmifioly où flabor- '^Lunifoi.<br />
da, fl écrivit une Lettre, rempUc d'affedion, 5e de civflité, au<br />
Seigneur de JS^r«//j, afin de le furprendre, 5e defe faifir, avec<br />
plus de facflité, de fa Perfonne, de celle de fes Enfans, 6c du<br />
Roi même, pour s'emparer enfiiite de fes Etats. U gagna même,<br />
par les cabales criminelles des mécontents, les Gouverneurs<br />
de quelques Places, 5e les engagea à favorffer fes deffeins. C'efV<br />
ainfi que ces Traitres à.leur Prince, 5e à leur Patrie, machbioient<br />
la perte de fun 5e de l'autre, 5c que FRE'DE'RIC, pour parvenir<br />
à fes fins, vouloit tromper le Seigneur dc Baruth, proche<br />
Parent de k feue Impératrice YOLANDE.<br />
MONSIEUR, ET TRES-HONORE'<br />
ONCLE,<br />
T A préfente fei^vira, pour Fous faire part de notre arrivée à ^f^'cie u<br />
Limifol, en paflant pour aller en Paleftine, afin de fecourir tieu/e'de^<br />
Us Serviteurs de Jeius-Chrift, ^ pour Fous dire qu^avant notre ^^^^<br />
départ pour ce pays là , Nous défirons d'avoir la fatisfalïion de 'DeBaruth.<br />
Fous voir y avec le Roi y ^ vos Enfans, tous nos chers, £^ bienaimés<br />
Coufins, afin d'avoir le plai fir de les embraffer, ^ de les<br />
connoître perjonnclkmet. Nous défirons encore y de Fous confulter<br />
fitr la conduite, que Nous devons tenir pur le recouvrement de la<br />
Terre-Sainte, eftimant infiniment les avis, £«? les confeils d'un<br />
Homme au fli fage y i^ aufli expérimenté y que Fous; £«?, perfuadé<br />
que T alliance y qui eft entre Nous y doit Fous faire pr^endrepart<br />
à Pheureux fuccès de nos entreprifes. Ceft pourquoi, Nous Fous<br />
prions de venir inceffamment à Limffol, puisque la néceffltéde nos<br />
âfifaires ne Nous permet pas dy faire un long féjour, A Lirnifol, le<br />
17. Septembre, 1228.<br />
Fotre très-affeUionné Neveu,<br />
:f RE'D E'R IC, Empereur;<br />
' Ttt 3 Le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
jiS H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Le Seigneur de Baruth y qui n'ignoroit ni les mauvais offices,<br />
que lui avoient rendu les mécontens Chypriots y ni les deffeins dc<br />
F R E'D E'R I c, communiqua fa Lettre à la Cour fupérieure , pour<br />
prendre fon avis fur la réponfe, qu'fl avoit à lui faire. U fit<br />
cette démarche plutôt, pour découvrir fi quelcun du Confefl<br />
trempoit dans la cabale, que pour fe régler fur leur fentiment.<br />
Tous les Barons de P Affemblée, qui, bien loin d'avoir quelque<br />
intefligence avec ces perturbateurs du repos pubUc, eftimoient<br />
infiniment le Régent, dont ils connoiffoient le mérke.<br />
Se Péquîté, le diffuadèrent de fe rendre aux follicitations de<br />
fEmpereur, dont fl devoit craindre la malice, malgré f inclination<br />
, qu'fl lui témoignoit pour le Roî, pour lui même, &<br />
pour fes Enfans, 6c lui confeiUerent unanimement de lui envoler<br />
feulement quelques Perfonnes de diftindion pour îe complimenter<br />
, avec abondance de rafraichiffemens, 5c offre dc<br />
toutes ks provifions, dont il avoit befoin pour fon Armée.<br />
Le Seigneur de Baruth, qui étoit trop éclairé pour ne pas<br />
reconnaître, par la bonté de ces avis, la fincérité des Perfonnes,<br />
qui les lui propofoient, les en remercia, 5c les pria, avec<br />
fe cordiaUté naturelle, de perféverer dans l'attachement, qu'ils<br />
avoient pour leur Prince légitime, 5c pour la tranquillité de fon<br />
Roiaume ; Mais fa générofîté, 5e fon grand cœur, ne lui permirent<br />
pas de croire, qu'un auffi grand Prince, que l'étoit l'Empereur<br />
, pût être capabk d'ufer d'aucune violence dans un pays,<br />
fur lequel fl ne pouvoit avoir aucune jufte prétenfîon, ni qu'fl<br />
voulût fe fervir de fes armes aifleurs, que contre les Infidéks,<br />
Dans cette perfuafîon, fl fe rendit, avec le jeune Roi, fes propres<br />
Enfans , 5e plufîeurs des principaux Barons, auprès de<br />
FRE'DE'RIC, afin qu'on ne pût lui reprocher d'avoir rétardé,<br />
d'un moment, le fecours, qu'fl conduifoit en Pakftine,<br />
Mais il ne tarda pas à s'apercevoir, qu'il avoit jugé trop<br />
avantageufement de FRE'DE'RIC, puis qu'après les témoigna-,<br />
ge»,de la plus cordiale amitié, Se des émbràffemens, qui paroiffoient<br />
^ rem-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lrr. X. Ca. III. ' fif<br />
remplis de joie, 6c de fincérité, fl en expérimenta bientôt Jes<br />
effets contraires.<br />
Car, après beaucoup d'affurances d'eftime, Sede confîdération<br />
, fl leur propofa de quitter le deufl, qu'ils portoient pour<br />
k mort du Seigneur PHILIPPE D'IBELIN , Gouverneur du Roïaume<br />
, parce qu'il fouhaitoit, que la joie de fon arrivée effaçât leur<br />
trifteffe. U joignit divers beaux préfens à ces gracieufes expref^<br />
fions, Se les invita tous à dîner pour le lendemain. ^ Un procédé<br />
fî diffimulé trompa les Seigneurs Chypriots y à la réferve<br />
de CAMERIN , GAVAN , 5e des autres conjurés, qui n'ignoroient<br />
pas les feintes careffes, 5c les mauvaifes intentions de l'Empe- •<br />
reur. Le jour fuivant, ils fe rendirent à l'heure du dîner. Ce<br />
Prince s'étant placé au haut de la table, fit affeoir le Seigneur<br />
de Baruth à fe droite, 5c le Seigneur de Céfarée, Connétable<br />
de Chypre y à fa gauche. U fit placer le petit Roi HENRI à Pautre<br />
bout de la table, le Marquis de Montferrat à fa droite, 6c<br />
un Prince Allemand à fa gauche, 5cvoulut que tous les Barons<br />
Chypriots fuffent affis d'un même côté, afin de les mieux obferver.<br />
Les principaux Officiers de l'Empereur entrèrent dans la fak ^ priten.<br />
fur la fin du repas, après avoir entouré la Maifon de Soldats."SeS^'"^<br />
Alors F R E'D E'R I c, adreffant la parole au Seigneur de Baruthy<br />
lui dit, d'un ton bien différent du premier, qu'il lui demandoit<br />
deux chq/esy 6? qu''il le croïoit trop avifé pour les refufer. Ce<br />
Seigneur répondit, fans s'émouvoir, que Sa Majefté n''avoit<br />
qu'à commander, £«? quelle trouveroit furement en lui beaucoup<br />
d empreffemènt àla fatisfaire y en tout ce qui dépendoit dun Hom-<br />
' me y qui avoit Phonneur de lui appartenir, F R E'D E'R I c lui repartit,<br />
d'un air impérieux, '' qu'fl lui demandoit, prémière-<br />
^ ment, qu'il lui remît la Ville 5e le Château de Baruth, comme<br />
" une portion du Roïaume de Jérufakmy qui appartenoit à fon<br />
" Fils, Se dont cette Ville ne devoit point être démembrée, ni<br />
^ demeurer au pouvoir d'aucun ParricuUer ; fecondement qu'il<br />
„ lui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
J20 H ï S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
'.' lui rendît compte des revenus de la Couronne dc Chypre y<br />
" dont lui, 6efon Frère, avoient eu fadminiftration, pendant<br />
" dix ans ; puisque , félon les droits de l'Empire, dont ce<br />
" Roïaume rekvoit, c'étoit à lui feul qu'en appartenait la con-<br />
" noiffance.<br />
Ce difcours, quoi que forprénant pour le Seigneur de Baruthy<br />
ne l'empêcha pas de répliquer fur le champ, "qu'il n'au-<br />
" roit jamais cru, que la malignité de fes Ennemis eût été ca-<br />
" pable de tromper fa pénétration, 5c de porter Sa Majefté<br />
" Impériale à des recherches fî injuftes ; mais que, puis qu'il<br />
" paroiffoit que leurs faux raports, Se leur malignité avoient<br />
" fait affez d'impreffion fur fon efprit pour le porter à cette ex-<br />
" trémké, ii vouloit bien lui faire connoître , qu'ils avoient<br />
" apparemment oublié de finformer, qu'fl poffédoit la Ville de<br />
" Baruth à jufte titre ; Qu'elle lui avoit été cédée par ISABELLE,<br />
" Reine de Jérufalem, fa Sœur utérine, Se unique Héritière<br />
" du Roïaume, en échange de la Charge de Connétabk,dont<br />
" îl s'étoit démis entre fes mains, Se qui valoit alors beaucoup<br />
" plus que cette Place, laquelle fc trouvoit tellement ruinée,que<br />
" les Chevaliers du Temple, ni ceux de VHopitaly auxquels elle<br />
" favoit offerte, gratis, n'avoient jamais voulu s'en charger,<br />
" de peur d'être accablés de la groffe dépenfe, qui aurok été<br />
l^ néceffaire pour k"réparer. Se pour la conferver,<br />
" Que, de plus, comme fl avoit emploïé le revenu des au-<br />
" tres Terres qu'il poffédoit en Chypre y Se dans la Pakfiine y<br />
" pour la mettre en état de défenfe, il ne croïoit point que<br />
" perfonne fût en droit de la lui ôter ; Que cependant, fi Sa<br />
" Majefté Pentendoit autrement, il vouloît bien s'en remettre<br />
" à la décifîon du Confefl fuprême de Jérufalem, Se aux Maî-<br />
" tres des Ordres Mflitakes, qui avoient une entière connoiflàn-<br />
" ce de ce qu'il avançoit, 6c qui favoient, en même tems,<br />
" avec combien de juftice cette Place lui appartenoit.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ûE JE'RUSALEM. Liv.X. Cn,m. f2$<br />
« Qu'à fégard de la Régence du Roïaume de Chypre y donc<br />
i, Sa Majefté lui demandoit compte, fl fe trouvoit en fa pré-<br />
„ fence plufîeurs témoins, qui pouvoient affurer, que fonFrè-<br />
,5 re. Se luî n'avoient eu que la peine. Se les foins de l'admi-<br />
„ nîftration des affaires de l'Etat, dont ils avoient bien voulu<br />
„ fe charger, par la pure affedion, qu'ils avoient pour le jeu-<br />
„ ne Roi leur Neveu, même en négligeant leurs propres af-<br />
,, faires, fans avoir jamais mis la main aux revenus de la Cou-^<br />
„ ronne,dont la RCUICALIX avoit toujours difpofé feule,com-<br />
„ me Mère, Se Tutrice du Roi, fon Fils. Que, fî cet aveu<br />
„ ne le fatisfaifoit pas, fl étok également difpofé à s'en remet-<br />
„ tre *àu jugement du Souverain Confeil de Chypre : " Ajoutant<br />
avec fermeté, '* qu'aucune crainte,'ni aucune menace ne feroit<br />
„ jamais capable de lui faire abandonner fes droits, ni de com-<br />
„ mettre aucune adion indigne de fa naiffance.<br />
La vivacité, avec la quelle fl proféra ces dernières paroles,<br />
ne contribua pas peu à modérer Pemportement de l'Empereur.<br />
U reconnut, qu'fl lui feroit acheter chèrement les ufurpations,<br />
qu'fl entreprendroit fur fes Terres, 6e fur les Etats de fon pupile.<br />
Auffi, il confentit de s'en remettre au jugement des deux<br />
Cours de Jér-ufiakmy Se de Chypre; mais, comme fl ne défesperoit<br />
point encore, qu'fl ne réduifit quelques Fortereffes à fà<br />
dévotion, qui le mettroient en état de s'emparer du refte dc<br />
file, ainfî que ks calomniateurs Ven fiattoient ; 5e que fa cupidité.<br />
Se fa mauvaife foi femportoient fur toute forte de juftice,<br />
'6e de confîdération, il attendit que k Seigneur de Baruth s'en<br />
retournât à Nicofie y pour demander, fous prétexte d'amitié,<br />
qu'on lui laiffât k jeune Roi, avec les deux Ffls du Seigneur<br />
de Baruth; Se y fans fe mettre en peine du retardement de fon<br />
paffage en Pakftine, il travailla ouvertement à faire réùAlr fon<br />
projet, faifant garder ce jeune Prince,5c ces jeunes Seignors,<br />
tomme des véritables prifonniers.<br />
Vvv L»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fia H l S T O I R î^ G E'H E'R AXE<br />
La diligence, avec laquelle Iç Seigneur dé Baruth affomblf<br />
du monde, pour vanger cette perfidie ; 5c. fempreffement,avec<br />
lequel k Nobleffe, 5c le Peuple accoururent, pour le féconder,<br />
6c déUvrer leur Souverain, obligèrent bientôt F R E'D E;'R Ï c, qui<br />
fe trouva afliégé. dans Limijol, non feulement à lui rendre le<br />
Roi, 5c fes Enfans, mais encore à fe défîfter de lès prétenfions<br />
Con/u>n fur ks Fortcreffes du Roïaume, 6c à^en fortir inceffamment,<br />
' avec la confufîon d avoir commencé fes opérations en Orient y<br />
par une démarche, qui lui aliénoit les efprits de tous les Chré*<br />
tiens de ces pays-là, lesquels,, ff efpérant phis rien de bande<br />
fon voïage, après la tirannie, qu'fl avoit voulu exercer eniby-,<br />
pre. Se la mauvaife commiffion, qu'il avoit donnée à RAYNAUD<br />
de Bavière, Général de fa Cavakrie, commencèrent à le regarder<br />
j plutôt comme Ennemi, que comme Protedeur.<br />
En effet ,ks ordres, dont fl ^voit chargé ce Général, en lui<br />
- faifant prendre le devant,avec une partie de fes Troupes, mé»<br />
ritoient bien Pindignation des Peuples ; Car, fur les avis, que<br />
BRE^DE'RIC reçut en Chypre de la mort de CORADIN, Soudan<br />
de Damas; Se que les Chrétiens de Palefline y trop foibles pour<br />
rien entreprendre, s'étoient attachés à fortifier quelques Place8|.<br />
Se avoient prolongé la Trêve pour deux ans avec M E L E'D I N,<br />
Soudan dEgypte y que fon Frère avoit nommé Tuteur de fes<br />
Enfans, l'Empereur avoit chargé RAYNAUD de commencer fé-<br />
.crettement à traiter la Paix avec ce Prince Infidèle ; déforte qu'il<br />
n"'eft pas furprenant, fî, lorfque les Habitans de Ptolomàide<br />
découvrirent cette intrigue, ils fc révoltèrent contre ce Général,<br />
6c méprifèrent fEmpereur lui même, n'aïant plus lieu de<br />
douter de fes mauvaifes intentions.<br />
f^flfJIi ^^^t pourquoi, lorfqu'fl y aborda, après avoir été contraint<br />
éement re- d'àbàndonncr 1 Ile de ChyprCy il n'y fut pas re:,u avec grand applaujgawïder<br />
diffement, Sc perfonne ne fe mit en peine de lui faire la cour.<br />
Le Patriarche même, qui l'avoit re uavec les cérémonies accoutumées,<br />
iui déclara en même tems, que, s'ilnejefaijoit abfouf.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ht JE'RUSALEM. Liv. X. CH. III. ^23<br />
foudre du Pontée, on ne pouvoit continuer à lui rendre les honneurs<br />
y qui convenoient à fia Dignité; Mais cette déclaration,<br />
non plus que k froideur des Seigneurs du Levant, 6c des Croifés<br />
même, ne Pempêcha pas de perfîfter dans fon premier def^<br />
fein, qui étoit de ne fe point arrêter long-tems enPukftiney<br />
pour faire la guerre aux Infidèles, avec lesquels il étoit réfolu<br />
de faire un promt accommodement, à quelque prix que ce fût,<br />
d'autant plus qu'fl reconnut, qu'il n'avoit point affez de forces,<br />
pour rien entreprendre contre ME'LE'DIN, qui, au bruit de<br />
ïà venue, avoit mis fur pié une puiffante Armée, 5c s'étoit avancé<br />
]ufo^k NicopoVis y VEmails de la Ste. Ecriture.<br />
Ce fut-là que F R E'D E'R J c envoïa à M E'L E'D I N , le Comte<br />
THOMAS DE CELANO , fon Confident, avec fon Prémier-Sécrétaire,<br />
pour lui déclarer, " qu'fl n'étoit point venu en Paleftine^<br />
5, pour lui faire la^ guerre ; mais feulement, pour vifîter les Sts,<br />
„ Lieux y Se prendre poffeffion du Roïaume de Jérufakmy qui<br />
„ appartenoit à fon Ffls ; deforte que, s'fl voulok lui rendre<br />
5, amiablement cet Etat, comme fl l'en priait, fl fe difpoferoit<br />
„ à retourner en Europe y fans qu'fl fe paffât aucun ade d'hos-<br />
„ tilité entre eux, fon intention étant de vivre en bonne in-<br />
„ telUgence, tant avec lui, qu'avec fes Neveux; Que cepen*<br />
„ dant, s'il refufoit de le fatisfaire fur une demande fi jufte,<br />
„ il ne pourroit fe dffpenfer de commencer une guerre, xjui<br />
^ ne feroit pas moins fanglante, que celles qui s'étoient fai-<br />
„ tes auparavant pour le même fujet<br />
ME'LEDIK, qui étok naturellement plus enclin au repos, J'^*'*?^^<br />
6c à la tranquiUté, qu'au tumulardc la guerre, écouta favo-M^iédi.<br />
rabkment ces Ambaffadeurs; Mais, foit qu'il eût pénétré que<br />
FRE'DE'RIC défkoit de repaffer promtement en Italie y ou que<br />
fon Armée ne fût point affçz confîdérable pour l'épouvanter,<br />
îl les renvoïa froidement, fans kur faire aucune réponfe»<br />
FRE'DE'RIC, furpris d'un procédé fi fier, 6c fi méprifant,<br />
comprit, ^uil n'étoit pas plus confidéré des Sarrafins, que<br />
Vvv 1 (kf<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
f2f HIST O LR E G E' N r R A L E<br />
dès Chrétiens. C'eft pourquoi, il réfolut fur le champ d'aï*<br />
1er fordfier la Ville de Jafiay afin de s'affurer le chemin dc<br />
Jérufalem. U affembla fon Confefl, 5e communiqua fon deffein<br />
aux Seigneurs du pays, qui f approuvèrent, 6c lui promirent<br />
leur affiftance., Les feuls Chevaliers de VHopitaly Se du Tempky<br />
refuferent dé fe joindre à lui, for les ordres qu'ils avaient*<br />
nouvellement reçus du Pontife. Noirveau fujet de déplaifir,<br />
où ir efpéroit dé recevoir-un appkudiffement'général.<br />
Mais , comme le tems ne lui paroiffoit pas propre à en<br />
témoigner fon reffentiment, il le diffimula ; 5e, marquant autant<br />
d'indifférence pour faffront, que pour Paffiftancé, qu'fl.<br />
auroit pu recevoir de ces deux Religions, ilfe rendit à<br />
Jaffa y avec fes feules Troupes, 6c en fit commencer la ré*^<br />
paration. U fe trouvoit cependant fort embarraffé de com-"<br />
mencer la guerre contre les Infidèles y fans l'affiftance dc ces<br />
ChevaUers, qui étoient, non feulement puiffans par eux mê-.<br />
mes, m.ais encore très-expérimentés dans la manière de les<br />
combattre. Se d'éviter leurs furprifes; Mais , comme fl ne.<br />
Touloit pas s'abaiffer à les rechercher, fl préféra le parti de.<br />
renvoïer le'même Comte de CELANO, 6C fon Secrétaire, au.<br />
Soudan y pour, tâcher de renouer quelque efpèce d'accommodement.<br />
Cette fecondé tentative fut encore plus malheureufe, que<br />
k première. ME'LE'DIN, piqué de ce qiul lui envooit<br />
faire des propofitions de paix , ^pendant qiffl faifoit travailler<br />
aux fortifications d'une Place fi importante , 5e que fes<br />
Troupes couruffent, 6c ra^(|ëaffent les Terres de fes Su-<<br />
jets , tourna, le dos à ces Minifires, Se leur fit dire de fe<br />
^w^ retirer promtement, FRE'DE'RIC, qui avoit appréhendé le<br />
mépris de ce Prince Infidèky commença alors à rédouter fes<br />
armes. Il craignoit, qu'il ne vint l'attaquer avec toutes fes Forces,<br />
6c cefles de Damas y qui dévoient k joindre inceffamment;<br />
-cafortè. qu'^o^yanté}. fl,eut4a foibleffe de faire res-<br />
; titua;<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D E J E'R U S A L EM. : IJÎV.X Cfr.* IIL ;. j^ '<br />
titucjr ^uj^-Sarrafins y non féulçUient tout ce que fes Soldats<br />
kur avoient enlevé, mais encore d'envoïer préfenter au Soudait<br />
fa propre épqp, fa cuiraffe, 5c fon boucUer, afin de lui mar- •<br />
qu^r par-là, qu'fl ne vouloit point combattre contre lui;fe flat-^<br />
tant qu'une démarche fi humiliante fappaiferoit, 5c le feroit enfin<br />
confentir à un accommodement.<br />
L'empreffement de F R E D E'R I c était d'autant plus-grand, smeti^^<br />
^u'fl avoit apris, que la guerre d Italie y qui étoit celle qui lui'/««'"» ^<br />
tenait le plus au cœur, ne fe faifoit pas à fon avantage. Le Europ*.<br />
Roi JEAN DE-BRIENNE, à qui le Pape avok donné k<br />
commandement de fpn Armée, avoit défait ks Troupes Impériales<br />
,.^ en plufîeurs rencontreSi- •<br />
Il eft à croire, que ces mauvaifes nouvelles rendirent^'^/^^^<br />
l'Empereur infenfible aux injures , 5c aux mépris dc M E'L E'-fra/rf^
fiS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
En effet, ME'LE'DIN, qui avoit été fi revêche auparavant<br />
6c qui avoit refufé avec tant de hauteur, 6c de fierté, d'écouter<br />
aucune propofition fur ce fujet, fe rendit enfintraitabk, 66<br />
fe difpofa à un accommodement avec les Chrétiens, U eft vrai,<br />
que le manque de parole de fon Neveu, qui lui avoit promis de<br />
le venir joindre avec les mflices de Damas, contribua beaucoup<br />
à fa dociUté. Ce jeune Prince Sarrafin, reconnoiffant, qiie le<br />
Soudan, fon Oncle, difpofoit de fon bien avec trop d'autorité,<br />
6c fe conformant au confefl ^ que lui donnèrent fes Amiraux, fc<br />
retira dans fa Capitale, 5e fit Un grand amas de provifions, pour<br />
être en état de réfifter aux attentats, que ME'LE'DIN pourrait<br />
faire contre lui, 5c fempêcher de difpofer de fes E'tats, comme<br />
il faifoit, non comme Tuteur, mais .en véritable firan, qui<br />
vouloit les ufurper.<br />
Les Ordres Militaires fcependant, qui, pour ne pas contrevenir<br />
aux ordres du Pontife, n'avoient point voulu fuivre fEmpereur<br />
à Jaffa y n'aprirent pas plutôt la mauvaife démarciie<br />
qu'fl venoit de faire, cn quittant un pofte fî avantageux, &;lc<br />
péril que couroit fon Armée, 5c les Barons de Paleftin^;, qui<br />
je fëcondoient, d'être tous taillés en pièces, allèrent fe pofter à<br />
quelque diftance de fon Camp, afin d'être à-portée de les fecourir<br />
, en cas de befoin ; ce qui contribua beaucoup à réfréner finfolence<br />
des Infidèles, qui, malgré la Paix, qu'on négociait fortement.<br />
Se dont on étoit déjà presque convenu, infultoient continueUement<br />
le Camp Chrétien y fans que les Troupes de ffmpereur<br />
fiffent aucun mouvement pour fe défendre. Mais F R E-<br />
D E'R I c, s'étant enfin aperçu du grand danger, où il s'étok<br />
expofé, envoïa prier les Ordres Mflitaires de vouloir bien fe<br />
joindre à lui ; Et, les trouvant toujours fermes à ne point vouloir<br />
fervir fous fes ordres, fl fut obligé de fe rendre à leur volonté,<br />
qui fut, que, fans faire aucune mention de l'Empereur,<br />
fes Officiers commandâffent, Se donnaffent les ordres, au nom<br />
de Dieu, Se de h République Chrétienne.<br />
Mai,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DB JE'RUSALEM. LIV.X. ÇH. m. ;2?<br />
Mais, fi la jondion de ces deux puiffans cprps fit ceffer la A«icîe r.<br />
crainte de FRE'DE'RIC,elle ne fut point capable de lui infpirer<br />
fon retour à Jaffa, pour y terminer les ouvrages, qu'fl y avoit<br />
commencés, ni de faire aucune autre eptreprife, malgré l^ffurancc<br />
qiul avoit donnée aux Chevaliers, en recherchant leur afliftance,<br />
qu'fl commenceroit inceffamment la guerre. Bien loin d'y<br />
penfer,il déclara quelques jours après, " que,fe trouvant trop^î^'J^-J<br />
„ dépourvu de cc qui auroit été néceffaire pour faire aucun M^ » ""*<br />
„ progrès d'importance en Paleftine, fl étoit réfolu de s'en re- roie, qu'U<br />
„ tourner en Europe, où fl avoit des intérêts, qui ne lui per l^^^^^<br />
„ mettoient pas d'être plus long-tems abfent; c'eft pourquoî il<br />
„ ne vouloit pas différer davantage à établir la Trêve avec<br />
„ ME'LE'DIN, d'autart plus qu'il confentoit à lui rendre la<br />
„ Ville dc Jérufakm, qu^il pourroit faire fortifier. Se y mettre<br />
„ telle garnifon, qu'fl jugeroit à propos. '<br />
Le Maitre dts Teutoniques, Se quelques principaux Officiers,<br />
qui rcccmnurent, que toutes leurs remontrances feroient inutiles<br />
pour l'arrêter plus long-ten>s, lui répréfentèrent, " que><br />
„ puifqu'fl ne pouvoit faire venir d Europe les provifions néces-<br />
„ faires, 5c que fes affaires le preffoient fi fort de s'en retour*<br />
„ ner, fl leurparoiffoit, qiul pouvoit le faire fans fcrupulej<br />
„ pourvu que le Soudan lui remît de bonne foi la Ste, Cité, Se<br />
„ les autres lieux des environs.<br />
Sur ce raifonnement, qui avok été concerté avec fEmpereur,<br />
il,fit affembler un Confefl général, dans lequel, aprèiJ<br />
avoir déclaré ce qu'il avoit déjà fait publier touchant la nécelfité<br />
de fon départ, 5e liir celle d'un accommodement avec les<br />
Infidèles, au grand étonnement de toute l Affemblée, fl fit lire Conditimi<br />
les Articles de là Paix, que fes Ambaffadeurs avoient conclue iHtn^,"^<br />
avec M E L E'D I N. Ils portoient : , ^« ^muot'<br />
\. „ Qu'il y auroit Trêve pour dix ans entre fEmpereur AéSie<br />
ERE'DE!RJC, Se k Soudan MM^LtDia, Î^J^**<br />
11. ., aue<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fa9 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
•II. I, Que ME'LE'DIN rendroit à l'Empereur la Vifle dc Jé^<br />
^, r(^/p/« dans l'état, où efle fe tiouvok; Qu'fl cn pourrait<br />
.„ faire rebâtir les muraflles, 6c en difpofer à fe volo ité, à k<br />
„ réferve* du Temple de Salomon y qui demeureroit au pouvoir<br />
„ des Sarrafins y fans, qu'fl fût permis à aucun Chrétien d'y<br />
,„-entrer.<br />
III. „ Que ME'LE'DIN lui cèderôit encore les Villes de A^i^-<br />
,„ zarethy Bethekm y Se Sidon y avec leurs dépendances; 5e qu'il<br />
„ lui feroit également permis de ks fortifier, auffi bien que<br />
„ les Villages, fitués fur Jes, chemins, qui conduifent^de J'^T^<br />
„ k Jérufàkm; mais qu'il ne pourr.oit faire aucune fortifica-<br />
,„ tion à ceux qui font entre Nazareth 5e Ptolomaïde,<br />
IV- 5, Qif à l'égard de la Principauté dAntioche, du Co rnté de<br />
„ Tripoli, Se des autres Vifles, qui n'étoient pas du Roïaume<br />
,, dc Jérufalem, elles ne feroient pas comprifes dans ce Trai.<br />
^, té; ,6c que l'Empereur n'y pourrok envoïer aucun fecours.<br />
|{jA^**i i>. ,»\t* (jjL ^it*j5)ji> .1^^<br />
PTWÏJ''' '(«àV'iï'éÇV'''(93*^<br />
^Ç H A P I T R E IV.<br />
•<br />
Ariitie/. T a plupart des Seigneurs Croifés y Se ceux de Syrie y mais<br />
particulièrement les if^//^//Vrj, .5e les Templiers y qui<br />
trouvoient ces , conditions , non moins désavantag^fes, que<br />
déslionorantes, eurent beau repréfenter à F R E'D E'R I c, " qu'une<br />
„ Paix fi honteufe, 5c fi dommageable,intéreffoit fort fe répu-<br />
-35 tation, ,5c l'honneur de toute la Chrétienté; puisqu'on pou-<br />
5, voit efpérer, d'enlever ^ux Infidèles tout ce qu'ils poffédoient<br />
.M daas k Royaume de Jérufalem y même de les chaffer de leurs<br />
„ propres Etats, par raport à la dffcorde, qui venoit de fe mettre<br />
4ji .entre pux, 6c qui, félon les apparences les occuperait long-<br />
» temsi<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«t JERUSALEM. Ltv. X. CH. ly. ftp<br />
tems; 6c détruire ainfî leurs meilleures farces ; Que, d'ailleurs,<br />
fl devoit confidérer, que cette Paix ne pouvoit être, ni fo*<br />
»<br />
->5 lide, ni durable, attendu que le Soudan de Damas, Neveu<br />
95 de M ELE DIN, n'approuvoit point la ceffion, que fon Oncle<br />
faifoit aux Chraiens du Roïaume de Jérufakmy dont il<br />
•>5<br />
«5 ne pouvait, en effet, difpofer ; puifqu'fl ne lui appartenoit<br />
^5 pas,6e que k premier feroit toujours en droit de recommen<br />
^9 cer la guerre contre eux , Se de les en diaffer , lorfque<br />
»5 bon lui fembkrok ; Que, de plus, fl leur paroiffoit ,• qu'une<br />
•9 affaire de cette importance ne devoit point fe conclurre,<br />
»5 fans en faire part au Patriardie de Jérufalem, qui étok<br />
"•5 Légat du St. Siège.<br />
Toutes ces raffons, quoique bannes, ne purent cependant O'iHinstim,<br />
ébranler ce Prince. Au contraire , perfuadé, que les fenti- ric,' ^''<br />
ment ,du Patriarche ne feroit pas différent de celui des Ordres<br />
Militaires, 6e qu'il ne confentiroit point à cette Paix,<br />
ilfit brufquement appeller les Ambaffadeurs de ME'LE'DIN,<br />
cn prefence desquels il jura d'obferver les Articles de Paix, que<br />
\e Comte THOMAS DE CELANO, Se fon Secrétaire, avaient,<br />
de fon confentement, établis avec le Soudan leur Maître<br />
FRE'DE'RIC figna, en même tems, ce Traité, 5c envoïa k<br />
M E'L E'D I N le Maître des Teutoniques , le même Comte de<br />
CELANO , 6e le Seigneur de Sidon , afin qu'ils le lui fiffent<br />
auffi figner, 6c jurer; ce qu'ils obtinrent fans aucune difficulté.<br />
Le Seigneur de Sidon, que PEmpereur envoïa enfuite à Da*<br />
mas, pour k faire approuver du Soudan de ce Roïaume, bien<br />
loin d''y trouver la même facilité, y rencontra des obftacles<br />
qu'il lui fut impoffible de furmonter , Car ce jeune Prince,<br />
indigné de la conduite de M E'L E'D I N , fon Oncle, refufa non<br />
feulement de foufcrire l'accord, qu'il venoit de faire avec les<br />
Chrétiens, mais encore protefta d'invalidité de tout ce que fon<br />
Onde avoit fait contre fes intérêts, 5c s'apUqua avec encore<br />
3^^x plus<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
f5o H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />
plus d'attention, qu'auparavant, à faire des préparatifs de<br />
guerre, afin de fempêcher de difpofer davantage de fes<br />
E'tats, 5c pour lui faire connoître , qu'fl n'avoit désormais<br />
plus befoin de Tuteur.<br />
^ Son mécontentement, ni fes menaces, n'empêchèrent pas<br />
l'exécution du Traité, que ME'LE'DIN avait fait avec PEmpereur.<br />
U lui remit exadement toutes les Vifles, 5e Terres, qu'il<br />
lui avait promifes ; de forte que ce Monarque, fatisfàit de cet<br />
Accommodement, quelque mauvais, 5c ignominieux, qu'fl fût<br />
pour lui, 5e pour le Nom Chrétien, fut infenfible aux murmures<br />
5e au mécontentement des Chevaliers de VHôpital, Se du<br />
Temple, Se de quantité d'autres Perfonnes de diftindion,qui,<br />
n'en pouvant fouffrir l'indignité, quittèrent le Camp , pour<br />
s'en retourner à Ptolomaïde , pendant que FRE'DE'RIC fe<br />
préparoit à faire fon entrée dans Jérufalem. ^<br />
Article//. Il fitj pour cet effet, écrire au Patriarche', par k Maître<br />
des Teutoniques , pour le prier de fe rendre ?âu Camp, afin<br />
d'entrer fokmnelkment , en compagnie de PÉttpereur, dans<br />
k Ste. Cité, dont ce Monarque défîroit d'aller- inceffamment<br />
prendre poffeffion. Ce Prélat, qui avoit étf^ inftruit de k<br />
Paix honteufe, 5e préjudidabk, qu'il venait dç^xonclurre, répondit<br />
au Maître des Teutoniques, " qu'fl fouliàitoit,qu'on lui<br />
„ donnât connaiffance du Traité, qu'on avoit conclu avec les<br />
„ Infidèles ; parce qu'fl ne jugeoit point à propo^ de fe livrer lé-<br />
„ gèrement entre les mains de gens, qui auraient pu faire, un<br />
„ mauvais ufage de fa faciUté. " Cependant ^lorfqu'il en eut<br />
reçu la copie, qu'on lui envoia par un Religieux Dominiquain^<br />
il fut pénétré de douleur, de voir, que le plus grand Prince<br />
de la Chrétienté eût confenti de laiffer le plus antique, 6c<br />
le plus confîdérable fanduaire au pouvoir des Infidèles y pour y<br />
exercer leur Religion, fans même qu'fl fût permis aux C/?r///>«J<br />
d'y entrer, 5e qu'fl fe fût contenté d'un Accommodement ignoçikiicux,<br />
qui même ne pouvoit fubffller, 6c que tant de grandes<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv.X. CH. IV. ^31<br />
des entreprifes échouaffcnt. Auffi, bien loin dc fe rendre au Toutes tt»<br />
Camp, pour entrer, en compagnie de ce Prince, dans Jérufa-ffffç^^f^<br />
km y fl interdit toutes les Eglifes decette Ville, 6c défendit'•"^«''^';"<br />
abfolument à tous les Ecdéfîaftiques d'y célébrer ks Divins Ofli-fiéd/rTc.*<br />
ces, jufqu'à ce qu'il eût confulté le Souverain Ponrife, 6c reçu<br />
fes ordres là-defms.<br />
Tout cela n'empêcha pas F R E'D E'R I c de pourfuivre fon pro- Frédéric<br />
jet. II fit pompeufement fon entrée dans Jérufalem un Samedi '^tre^ant<br />
I7^ Mars de fan 122p. efcorté par h g^rde Sarrafine y quWejc^rtVp^r<br />
avoit été obligé de demander à ME'LE'DIN pour la fureté dcfi^s^*"*'<br />
fa Perfonne ; attendu que les Arabes, Se les Sarrafins mêmes<br />
dévalifoient, 5c affaffinoicnt impunément, de jour , Se de<br />
nuit, tous les Chrétiens, qui s'éloignaient du Camp; 5e, comme<br />
perfonne ne s'oppofoit à leurs brigandages, ils pouffèrent<br />
leur infoknce, jufques dans les Tentes. lis en piflerent quelques-unes,<br />
6c maffacrèrent ceux qu'ils y trouvèrent.<br />
Ce fut pour éviter la continuation de ces désordres, que FRE'-<br />
DE'RIC eut encore la foibleffe d'envoïer rechercher quelques<br />
compagnies de Soldats à M E'L E'D IN, qui les lui accorda, k<br />
condition qu'fl les foldoieroit, pendant tout le tems, qu'elles k<br />
garderoient : Et, malgré l'interdit du Patriarche, Se le léfus<br />
que firent les Eccléfiaftiques de célébrer les Divins Offices, 5e de<br />
faire la cérémonie du couronnement de l'Empereur, dès k lendemain<br />
de fon entrée dans Jérufalem, revêtu de fes habits<br />
Roïaux, accompagné du Maître Teutonique, 5e fuivi de fes<br />
Allemands y il alla à l'Eglife du St. Sépulcre y où, après avok<br />
fait fa prière, fl prit lui même la couronne, qu'fl avoit fait pofer<br />
fur f Autel, 6e fe la mit fur la tête. Enfuite de quoi, par<br />
une adion, non moins condamnable, que le refte de fa con-duîte,<br />
il exhorta les Chrétiens du pays,que là curiofité y avoit<br />
attirés, de contribuer, chacun felon fon pouvoîr, au rétablîsfement<br />
des fortifications de la Vflle.<br />
Xxx a II<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fl% HÏS TOIRE GE'NE'RALË<br />
II'dépêcha, en même tems, le Maître Teutonique aux Maîtres<br />
du Tempk, Se de VHopital,pour les foUickerà faire la même<br />
chofe. Ces Religieux y confentirent, fans héfîter; 5e, afin<br />
qu'on ne pût leur reprocher d'avoir manqué, ou rétardé cette<br />
bonne oeuvre,MONTAGU> Maître de VHopital,Se le Prieur du<br />
Temple, avec bon nombre de leurs Confrères, allèrent inceffamment<br />
à Jérufakmy pour affurer l'Empereur,qu'ils fourniraient,<br />
avec tant de libéraUté, 5c de promtitude, tout ce qui dépenpendait<br />
d'eux pour cette réparation, que toute la Chrétienté ferait<br />
farisfaite de leur zélé, 5e de leur empreffemènt à mettre la-<br />
Ste. Cité en état de défenfe ; mais fls trouvèrent, que ce Prince,<br />
bien loin de fonger à une chofe fî néceffaire, 5c fî importante<br />
, cn étoit déjà parti pour fe rendre à Jaffai Ils le fuivirent<br />
, avec tant de diligence, qu'fls le joignirent encore en chemin<br />
, Se lui proteftèrent, qu''il ne tiendroit pas à eux, que les<br />
murailles dé ^érn^àlem ne fuffent bientôt rétablies, ^ qu^ elles ne<br />
fuffent auffi fortes, qiCelks Pétoient auparavant.. F R E'D E'R-I C<br />
loua fort leur zèle,5c leur générofité,fe contentant de leurré'^<br />
pondre, quils en par leroient une autre fors. Il continua fa<br />
marche, fans s'arrêter un feuf moment; ce qui fit bien cannois<br />
tre à ces Chevaliers, qu'il n'avoit pas deffein de s'occuper d'aucun<br />
foin; puifqu'à-peine fut-fl arrivé k Ptolomaïde, qu'il ne fongea,<br />
qu'aux préparatifs pour fon départ.<br />
Atticie//r. Cependant, fok qu'fl- reconnût, que cela Parrêteroit encore<br />
RiyMud h)"g-tems , ou qu'fl s'ennuïât de la vue de tant de Perfonnes,<br />
de Bavièreqpi né luî faifoicut pas plaifîr, 6c qui, de leur côté,n'avaient<br />
ji^r'ii pas beaucoup de confîdération pour fa Perfonne, fl laiffa RAT-<br />
Jér«faiem. j^^^jjj jg Bavièrc^ ion Lieutenant, 6o Gouverneur du Ro aume<br />
dc j^/rz(/«3'/(?w;5c,fansfe mettre en peine du blâme, 5e de»<br />
réproches du public, fl abandonna la 5/?.C//^', 5e les autres^<br />
Villes,dans le même état, que ME'LE'DIN les lui avait remifes,^<br />
6c partit avec deux feules galères, accompagné d?EERMANS»<br />
ï SALIÎ^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D'E JE'R U S ALE M. Liv. X. Cn. IV. f 3f<br />
SULTZA , Maître des Teutmiqûes, 6c de la plupart de fes Chevaliers<br />
, qif il emmena, fous prétexte qu'ils n'avoient plus rien<br />
à faire en Pakftinéy par raport à la Trêve, quil venoit d'étabUr<br />
; mais, en effet, pour les envoïer contre les Infidèles de Prufi<br />
fCy OÙ ils firent enfuite défi grands progrès, que leur Ordre<br />
demeura enfin maître de cette Province.'<br />
Le départ précipité de PEmpereur F R E'D E'R I c, 6c fes dernières<br />
adions en i'^ï/g/?/»^, obligèrent le Patriarche à écrire une<br />
longue Lettre au Pontife, pour finformer de la conduite feandaleufe<br />
de ce Prince, 6c du préjudice infini, qu'il avoit fait aux<br />
Chrétiens de la Terre-Sainte y dont les affaires fe trouvoient en<br />
beaucoup plus mauvais état, qu'elles ne Pétoient avant fa ve»<br />
nue; affurant le St. Père y "que, s'ils jouïffaient alors d'un peu<br />
„ de tranquiUté, cen'étoit point laTrève, qu'il avoit conclue avec<br />
,, les InfidèkSy qui la leur procuroit, puisqu'elle n'avoit fait que<br />
„ les des-honorer; Mais feulement la guerre ouverte, quiavoife<br />
„ fuivi leurs démêlés, dont les Chrétiens auroient pu tirer dé<br />
„ grands avantages ; Qu'ils leur auraient m :mc pu procurer _<br />
3, les moïens de les chaffer de tous les pays, qu'ils kur avoienf<br />
„ enlevés, fî FRE'DE'RIC ne les eût facrifiés, 5e trahi la<br />
„ caufe commune, en s'accordartt avec eux d'une manière fi'<br />
„ lâche, 5e fî honteufe, qu'il avait donné Ueu à tous les Croi-^<br />
,^ fies de s'en retourner en EttrîpCy fans avoir rien entrepris;<br />
Ajoutant, "qu'outre Pignominie d'avoir partagé la 5/f. OV^ avec<br />
„ les Sarrafins, comme fl étoit parti, fans en avoir relevé les<br />
„ muraflles, non plus que celles des autres Places, fl n'y avoir<br />
„ point Ueu dé douter, qu'il n'eût laiffe une partie de fesTroi*.<br />
„ pes en l a kftine, plutQt pour y tourmenter les Chrétiens, que<br />
„ pour s'oppofer aux entreprifes que pourroient faire les Infi^<br />
„ dèks, lors qu'ils feroient en paix; puisque les Officiers-^//?*-<br />
3, mands commen(^oientdé]k à traiter les Peuples avec beaucoup'<br />
„- de violence.<br />
Xxx ^. CctCc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
y3'4. H I S T O I R E G E' N E' RALE<br />
Cette Lettre fe voit dans k Bibliothèque du Fatican ; le Pa*<br />
be en envoïa copie à toutes les Puiffances Chrétiennes, Elle<br />
diminua beaucoup le crédit, que les Princes avoient donné à<br />
celles que FRE'DE'RIC leur avoit écrites de Jérujalemy Sep^rles-^<br />
qucUes il les conviait à rendre des adions de grâces à Dieu, dc<br />
ce qu'fl lui avait fait cefle de recouvrer les faints Lieux, fans aucune<br />
effufîon de fang, Se d'avoir mis les Chrétiens dans la poffeffion<br />
d'un pays, qui leur étoit fî précieux, 5e qui leur avoit<br />
coûté tant de beau monde, fans en pouvoir venir à bout ; Mais,<br />
comme il ne fongeoit, qu'à recouvrer ce que les Troupes du Pape<br />
hii avoient enlevé dans le Roiaume de A'ifl'/)/?^, pendant fon volage<br />
de Palefline y fl ne s'embarraffa point du tout de détruire les<br />
mauvaifes impreffions, que les Lettres du Patriarche, 5e celles<br />
de la Cour de Rome pouvoient avoir données aux Princes Chrétiens<br />
de fa mauvaife conduite ; 5c il ne s'attacha uniquement,<br />
qu'à faire k guerre à outrance à VE'tat Eccléfiaftique.<br />
C H A P I T R E V.<br />
Article t- TJ our revenir aux affaires de f^hypre. Quoi qu'après k départ<br />
JL de PEmpereur, le Seigneur de Baruth eût d'abord fait punir<br />
ks Rébelles, 5e fortifier les Places, où fl étabUt des Gouverneurs<br />
fidèles à leur Prince, 5c à leur Patrie, 5c qu'fl eût mis le<br />
Connivence . „ , i , • i . , ^<br />
entrequ;i- k Roïaumc CU état de ne plus craindre, m les attentats des<br />
uescht' Impériaux, ni k révolte des Chypriots y dont fl s'efforça, en<br />
priots, 6? j^^j^g tems, de dflfiper le mécontentement, fl ne put cepenrfffiîaviè<br />
dant empêcher ces Traitres de continuer leurs cabales avec le<br />
J^;,/'rff''Lieutenant, que FRE'DE'RIC zvo'it Mifé en Paleftine y 5c avec<br />
rEmpe- diverfes Perfonnes du Roïaume , qui avoient les inclinations<br />
aufli<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ï>E JE'RUSALEM. Lir.X. CIL V. JBJ<br />
àuffi méchantes qu'eux, ou qui avoient k foibleffe de fe kif^ ^231.<br />
fer féduire par eux ; ce qui caulà, peu de tems après, des malheurs<br />
infinis à tous les Habitans.<br />
Car, après que fEmpereur eut repris ce qu'fl avoit perdu en ^^p*J"^^<br />
Italie, Se fait fa paix avec le Pape, par fentremife de l'Evêque Frédéric.<br />
de Meffine, 5c du Maître des Teutoniques, moïenant fîx mille<br />
livres d'or, qu'fl donna à la Chambre AppftoUque, pour la dédommager<br />
des dépenfes, qu'elle avoit faites à cette occafîon,<br />
fl ne fut pas plutôt abfoùs de l'anathême, qui avoit été fulminé<br />
contre lui, qu'à la folUcitation du Pontife, fl envoïa 300.<br />
Hommes d'armes, Se quelque nombre d'Infanterie en Palefline y<br />
fous la conduite de RICHARD FELiNGHER,Fils d'AUGER, Grand- Mauvaife<br />
Maréchal de VEmpire; Homme propre à féconder le défîr,qu'il, j^prédéavait<br />
conçu dc fe vanger des IBELINS , 5c de leur enlever la Vil- \'i]^^^'<br />
le de Baruth; perfuadé que l'avidité, qu'avoit FELINGHER de .Chypre,<br />
s'enrichir dans cette expédition, lui feroit tout entreprendre ;<br />
de forte qu'en fe faifant un mérite, auprès du Pape, du renfort<br />
qu'il envoïoit, il fatisfaifoit, en même tems, fa paffion contre le<br />
Seigneur de Baruth.<br />
U eft vrai,que les Lettres envenimées,que lui écrîvoient continueflement<br />
les Mécontens Chypriots, par lesquelles fl f affuroient,<br />
que c'était ce Seigneur, dont k crédit étoit fort grand, qui engageoit<br />
les Principaux du Roïaume de Jérufalem à méprifer fes<br />
ordres, Se fes Officiers ; 5c les Peuples à n'avoir pour eux ni<br />
refped, ni obé "ffance ; cc qui faifoit craindre que Sa Majefté ne<br />
perdît entièrement un pays, dont k poffeffion lui étoit fî chère,<br />
d'autant plus que les Barons, 5e les Ordres Militaires de VHôpl*<br />
tai,Se du Temple, avaient déjà ufurpé toute l'autorité, 5e dispofoient,<br />
à leur volonté, des affaires du Gouvernement.<br />
Ces efprits inquiets, 5e turbukns, non contens d'augmenter<br />
la mauvaife humeur de l'Empereur,parleursmaUns raports,agirent<br />
avec tant de malice auprès de FELINGHER, lorsqu'fl aborda<br />
cn Chypre y qu'ils lui perfuadèrent, qu'fl ne pouvoit rien entrepren-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
5S^ HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
prendre de plus avantageux à-ce Prince, ni dc plus utfle à lui<br />
même, que k furprife de k Ville de- Baruth, qui avait été<br />
'^M»» démembrée du Roïaume de Jérujalemy Se dans .k Château<br />
. de Iaquelk fe tfouvoient renferm.ées toutes les richeffes des<br />
Seigneurs d'IBELIN. FELINGHER, qui s'étoit engagé au voïage<br />
de Pakftine, plus par intérêt, que pour aucun motif de<br />
dévotion, ou de gloire, 6c qui n'ignoroit pas la haine de<br />
• PEmpereur contre le Seigneur de Baruth, 5c le pkifîr qu'il<br />
lui feroit de le dépouiller de fes biens, cingla, fens héfiter,<br />
vers cctte Place. Il arriva au port, fans trouver aucune oppofîtion<br />
, 5e entra dans la Ville, où f Evêque le reçut même<br />
fort favorablement. Les Habitans, tous gens de commerce,<br />
fuivirent fon exemple, 5c r firent un bon accueil aux<br />
Allemands. Ce fut ainfi que FELINGHER demeura maître<br />
de la Ville, fans avoir occafion de tirer fépée; Mais, com^<br />
me -C'étok au Château, qu'il en vouloit, 5e qfffl n'y trouva<br />
pas k rnême facflité , fl fit fommer le Baron JEAN GOjtEME,<br />
qui y commandoit, de le lui rendre.<br />
Cc Gentilhomme , dont Pintégrité, 5c la bonne foi égalaient<br />
ia valeur, fit réponfe, *'qu'fl ne remettrait jamais cet-<br />
„ te Place , qu'à celui qui la lui avok eoiffiée , 5c qu'il la<br />
„ défendrait, jusqu'à la dernière goûte de fon fang, pour<br />
„ k lui conferver. " Il fit en même tems fon poffible,<br />
pour amaffer de plus de provifions ^ qu'fl put , 5e dépêcha<br />
d'abord une Frégate en Chypre , pour donner avis au Seigneur<br />
dc Baruth, du danger, où il fe trouvoit, par raport<br />
au peu de Troupes qu'il avoit , pour défendre cette Fortereffe,<br />
qui 5 fdon toutes les apparences, allwt être affiégéé<br />
dans les formes.<br />
^Vrticîe //. £n effet, FELINGHER , après s'être inutUebent fervi dc<br />
Attaque . , -, • A , .^ t /i'^cbitem<br />
tous les inoiens, dont il put savifer, pour gagner le Oou-<br />
^rlJcf"^^''"^"^' auquel fl fit même des offres au dAk de fon poufwra/<br />
de yoir > fit avancer les Troupes Akmandes, qui fe trouvoient<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
iE^jrRtfSAtËM.^ Crv.X. 6LV. Jar<br />
â Ptobmaïde, lesqueUes fl augmenta encore de quelque^ petits<br />
corps, que lui envoïèrent les Mécontens Chypriots. U<br />
commença ks attaques, 6c fit donner quel
ns HISTOttlE GE'NE'RALË<br />
Mère, fe trouvok depuis quelque tems en France y où elle étoît<br />
allée demander raifon du Comté de Champagne y que THIBAUD,<br />
fon Coufin, lui avoit ufurpée.<br />
La Flotte Chypriote partit de Famagoufte y 6e aborda peu do<br />
jours après entre Buftron y Se Népbriny qui eft à envfron vingt<br />
mfles de la Ville deBaruth, Us y débarquèrent, tant par raport<br />
au mauvais tems, que pour tâcher de mieux furprendre ks Im»<br />
périaux ; Mais le Roi Se le Seigneur de Baruth avoîent trop<br />
de Traîtres en leur compagnie, pour pouvoir réùffir dans leur<br />
deffein ; Car le Roi, qui comniençok à gouverner par, lui-même,<br />
avoit été confeiUé d'amener de Cibj'prf' toute k Nablefk,<br />
qui étoit. foupçonnée de trahifon , Se furtout BERNARD DB<br />
ROSSI, CAMERIN DE BARLAS, 8C leurs adhérens. Dès que ces<br />
perfides eurent mis pié à terre en Paleftine, ils ne \ manquèrent<br />
pas d'aller furtivement joindre FELINGHER, qui conîfaSx<br />
^ tinuoit le fié^ du Château de Baruth, U en avoit même aba-<br />
Chy- tu un affez grand efpace de muraflle. IT15 Pinformèi^t de<br />
''"°''' toute chofe; mais heureufement leur trahffoii. Se leur joiiâion<br />
ne lui furent d'aucune utiUté.<br />
'Cmpagnk Car, au bruit de la violence des Allemands y contre une des<br />
de St [aques'can-<br />
prîncîpaks Maîfons de k Paleftine, joint aux extorfîons, &<br />
^Frélé^ aux vexations, qu'ils exerçpient continueUement à Ptolomaîdey<br />
J^ic- Sc dans fes envkons, les Habitans fe révoltèrent, 6c firent entre<br />
eux une confédération, à kquelle ils donnètent le Nom de<br />
Compagnie de ST. JAQUES. Le Seigneur de Céfarée y Se divers<br />
autres Barons, kvèrent des Troupes, Se eurent même favantage,<br />
en allant joindre le Seigneur deBaruth y de défaire un<br />
p^rti d Allemands y quileiur avaient dreffé une embufcade aux<br />
confins du territoire de Tyr ; avec d'autant plus d'efperance de<br />
forcer FELINGHER à fe défifter de fon entreprife, que fa Cavalerie<br />
ne pouvoit plus fubfifter , faute de fourage.<br />
Après la jondion de tant de braves gens, le Roi Se le Seigneur<br />
de Baruth parvinrent à k vue de la ViUe, 6c campèrent<br />
. li<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DI JE'RUSALEM. Liv. X. Ci^ V. $29<br />
G près de la ftace, qu'il n'y ayoit qu'une rivière, du çôtç jip<br />
VOccident y entre eux, 6c ks Allemands. FJILJNGHER , qui,<br />
par PaUénatîon des Peupks pour toute fa Nation, ignoroit que<br />
cctte rivière fût guakble, méprifa l'armée du Roi; Se y par<br />
uneoftjentation, condamnable à un Homme de guerre, flfit d'abord<br />
fortir toutes fes Troupes de k Vilk, Se les rangea en bataflle,<br />
visrà-vis des ChyprwtSy comme pour les înfulter ; maig<br />
il fe trouvoit auprès du Rpi des Perfonnes de valeur, 6c d'expérience,<br />
lesquefles ne tardèrent pas à profiter de la fanfaronnade<br />
du Général Alkmand,<br />
Lc Seigneur de Baruth n'ignoroit point la mauvaife fîtya- yS^*'*<br />
tion,. où fe trouvoit k Baron de GONE^ME. CÇ dernier avok maitr».<br />
reçu diverfes bleffures dans la défenfe du Château; 6e fl ne fç '^*<br />
trouvoirplus cn état d'agir, que foiblement. Ceft ce qui engagea<br />
le Seigneur de Baruth de fe mettre à la tête de mifle<br />
Chevaux, avec autant de Fantaffms en croupe; Se y par dcf<br />
fentiers détournés, il afla paffer la .rivière à un gué, dont il<br />
avoit connoiffance. Pendant que le Roi, avec Je refte dc PArméc,<br />
amufoit ks Ennemis, par des mouvemens conrinuels,<br />
comme s'il avoit éffèdivement voulu en tenter le paffage ; de<br />
•forte que le Seigneur de Baruth tomba fur les Allemands avec<br />
tant de fureur, qu'fl en fit un grand maffacre; iSc fl les auroît<br />
enrièrement défaits, s'fls ne foffent promtement rentrés dans<br />
la Vifle, où fls auroient même été pourfuivis, fi FELINGHER,<br />
qui reconnut fe faute, n'en,eût d'abord fait fermer les portes,<br />
£c abandonné une partie des Cens à la dffcrérion des ennemis.<br />
Le Seigneur de Baruth, fatisfàit de cet avantage, qui lui<br />
procura la commodité de faire .entrer le Baron d'AssuR, fon<br />
Ffls, avec un bon renfort dans le Château, repaffa enfuite la<br />
TÎvière, Se fe rendit au Camp, pendant que BALIAN d'iBELiN,<br />
fon Fils aîné, qu'fl avoit envoie k Ptolomaïde y emprunter dc<br />
•Fargent, faire Jes provifions, 6c du monde, y travaUloit, avec<br />
Yyy 2 fuc-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
*y40 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
fuccès, à Pun, 6c à Pautre. Alors, FELINGHER, déconcerté<br />
de ces futcès, commença àdésefperer de fon entreprffe, 6c ne<br />
favoit plus quel parri prendre; Cependant, comme.fl étoit le<br />
maître dans la Vifle, 5c que fes Troupes n'y manquoient de<br />
rien, pendant que celles de Chypre'étoient expofées à la rigueur<br />
de Phyver dans une campagne ftérile, fl fe flattoit encore<br />
de les y voir périr, fi le Seigneur de Baruth s'opiaiâtroit à y<br />
demeurer davaEK:age, Se de réparer, par une conduit^plus circonfpede,<br />
ce qu'il avoit perdu par fon trop de confiance. .<br />
Article///. C'eft pourquoi tous les efforts, que fit ce Seigneur pour Patj^'^^^éV^tirer<br />
à une bataille, furent inutiles.' Bien loin de,quitter la<br />
Allemand Viflc, îl défendît rigour^fement à tous les Officiers, 6c aux<br />
Utauu! Soldats, de reparoître fur le rivage, 6c s'^apUqua uniquement à<br />
battre le Château, fans que fes attaques, ni fes batteries fiffent<br />
de plus grands progrès, par la vigoureufe réfîftance duJBaron<br />
d'AssuR, qui, en même tems,-avertiffoit fon Père du peu de mal,<br />
qu'il recevoit des Allemands.<br />
Le peu d'apparence de les attirer au combat, joint à-la défertion<br />
des Soldats Chypri^sy f3.ute de paie, 6c dc nourrkure,<br />
ks fouffrances de l'Armée, Se enfin la crainte, que la fanté<br />
du Roi n'en fût altérée, firent réfoudre le Seigneur de Baruth<br />
à conduire ce Prince dans un lieu plus commode. U décampa<br />
avec toute l'Armée, 6c aUa fe pofter au ViUage de Rus y laisfent<br />
le commandement des Troupes au Baron dé BRIES , pendant<br />
que lui, avec k Roi, 6c un gros détachemen*: v s'avança<br />
au Château Gomberty pour être plus à portée de foUiciter les<br />
fecours que BALIAN,, fon Fils, étoit aflé chercher kPtoh-<br />
Ce jeune Seigneur, après avoir emprunté de groffes fommes<br />
des Négociant Fénitiens y Se Gémis y établis dans cette Place,<br />
avoit paffé à Tr^liy pour y faire du monde. U engagea deux ^<br />
cens braVes Cav^iers, Se huit cens Fantaffins, avec lesquels il<br />
partit d'abôïd pour fe rendre à Baruth, EEUNGHER, informé,<br />
' - paî<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. X. CH. V. i^t<br />
par les Alkmands de Ptolomàide y des emprunts qu'fl y avoît<br />
faits, 6c de fon retour, dégoûté d'aiUeurs de PinudUté de fes<br />
tentatives; par un excès de rage. Se de désefpoir, abandonna<br />
la Ville au pfllage de fes Troupes, malgré ks bons traitemens,<br />
qu'il avoit reçus des Habitans, 6c y fit enfuite mettre le feu, X(^BJII«<br />
qui en confuma k plus grande partie. Ses Soldats, auffi p«r-4iJI^«<br />
fides,6e ingrats, que ki, non contens d'y avoir podfé l'impie-'^^^'^**"<br />
té, l'avarice, 6e lUmpudidté, à l'excès, exécutèrent fî ponc-y/«tme*tueUement<br />
fes ordres, qu'fl ne tint pas à eux, qu'eUe ne fût ^'^^^*^*"*<br />
entièrement réduite en cendres. *<br />
Les Rébefles Chypriots, étonnés du mauvais fuccès du Siège J^Irritin<br />
de Baruthy Se de la retraite du Général Allemand à Tyr y lui<br />
demandèrent quelques Galères, 6c une partie de fes Troupes<br />
pour repaffer en Chypr'Cy où fls f affurèrent d'avoir encore affez<br />
de crédit, 6cde partifans, pour s'emparer de toute Pile, 6c la<br />
réduire fous Pobéïffance de l'Empereur, avant même que le<br />
Roi, 6c le Seigneur de Baruth puffent s'y oppofer.<br />
FELINGHER , qui ne cherchoit qu'à fe dédonimager du tems<br />
perdu y Sek fatisfaire fa cupidité, kur. s^xorda: d'abord quatre<br />
Vaiffeaux, 6c autant de Galères, avec ksquels fls pafferent en<br />
Chypre,<br />
.- L'embrafement de Baruth aïant fait connoître au jelme Seigneur<br />
d'IBELIN, que ks Allemands avoient abandonné la ViUe,<br />
-Il forrit du Château avec la meilleure partiede k garnifon, pour<br />
ks pourfuivre. Il atteignit encore une partie de leur arrière<br />
garde, qu'fl maltraita fort. Content de ce petit avantage, il<br />
rebrouffa chemin, pour afler fecourir les Habkans de Baruthy<br />
& leur aider à arrêter l'incendie, 5c remédier,aux défojiaûons<br />
que les Allemands y avoient caufées.<br />
BALIAN d'iBELiN, fon Frère , revint de Tripliy avec les<br />
-Troupes, qffil avoît levées. Comme il ig^ioroit le pajti, ^iie<br />
FELINGHER avoit pris, fl n'av.pit pu fempêcher de gàgp^i^Ty;'*<br />
Auifij il fo rendit auffi à Baruth\ d'où fl parût deux jours<br />
Yyy 3 après.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
54.a H I S T O î R E G E' N E' R A L E<br />
• après,, cn compagnie de fon Frère, pour aller informer k Roi,<br />
6c kur Père, de k retraite des Ennemis, 6c du bonlieur, qu'avoit<br />
eu le Baron d'AssuR de défaire une partie de leur arrièregarde<br />
; mais, comme fls s'arrêtèrent, avec un peu trop de confiance,<br />
au Ciiâteau
M JE'RUSALEM. Liy. X. CH. V. ^45<br />
U ne tarda pas long-tems à découvrk plufieurs fukrds, dont<br />
îun fot affez mal-avffé pour lui dire, que fes deux Fils avoient<br />
été tués. Ce Seigneur lui répondit froidement, que tel de-><br />
voit être le fort des bons Soldats ; mais que ee ne ferait jar<br />
mais celui des lâches y comme lui, U ne parla pdnt avec la même<br />
indifférence à un autre, qui, faifant l'officieux, eut l'impm-^<br />
dence de lui dire, qu'on pourroit peut-être ks trouver parmi<br />
ceux qui s'étoient fauves y s'offrant mêmedaUer les reconnoitre;<br />
Car il lui fépohdit avec emportement, qu'Une croïoit point y que<br />
Jès Enfans puffent être parmi ksfe^ards'y bien perfuadé que y fi<br />
la néceffité ks eût i)bligés aprendre ce parti y ils n''auroient jamais<br />
pris une route y ou ils Peuffent pu rencontrer.<br />
Le difeours, 6c la contenance de ce Grand-Hoiiime ranima i>xAiie.<br />
tellement les Soldats effrayés, 6c éparè,*qù'ikfe ralUèrentdeux frisÀns^û<br />
mêmes, 6e le fuivirent avec autant de hardieffe, qu'fls avoient Jj^j^"^*<br />
témoigné de lâcheté auparavant. Parleur courage, ils k mirent<br />
en état de ffirprendre,à fon tour, les^//pw^^/z^j, qui, aveuglés<br />
de l'avantage, qu^ils venoient de remporter, s'étoient amufés<br />
à butiner, & à faire bonne chère desiM*ovifîons, Se de l'exceUent<br />
vin, qu'ils avoient trouvé. Ainfi, leur défaite ne lui donna<br />
pas plus de peine, qu^ils en avoient eu eux mêmes, à mettre<br />
en fuite les Troupes de Chypre y 6e de Paleftine.<br />
FELINGHER , qiii étoit à table, avec la plupart de fes Ojfficiers,<br />
cut bcaucoup de peine à fe feuver avec quelques débris de fes<br />
Troupes. U gagna le détroit de Polariy où il s'arrêta pour<br />
prendre haleine!; perfuadé que, fî on k pourfuivoit jiffques-îà,<br />
favantage du fieu fàideroit à fe défendre de leurs attaques.<br />
Lè Sdgneur de Baruthy qui fe poffédoit parfaitement, content<br />
d'avoir, en fi peu de tems, réparé fa perte, vangé k mort<br />
des fiens. Se dégagé fes Enfans avec les autres Seigneurs, qui<br />
fc trouvoient en feur compagnie , bien loin de pourfuivre les Ap.^<br />
kmands y ne penfa plus, qu'à réunir toutes fes Forces, 6c à bien<br />
demeurer fur fes gardes^<br />
QuoÎK<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
544- HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
Quoique les Allemands euffent beaucoup plus perdu, que gagné,<br />
dans l'affaire du Château Gomberty leur nouvel attentat<br />
fut caufe, que le Patriarche rencontra dc grandes difîkultés,<br />
pour appaffeij^k révolte, 6c le mécontentement des Peuples de<br />
Pakftine ; mais, enfin, ce Prélat, fecondé par les Maîtres des<br />
Ordres Milkakes, auxquels le Pape avoît auffi écrit, les fit<br />
rentrer dans l'obéïffance de PEmpereur, dont fls s'étoient fi<br />
ouvertement fouftraits ; ce qui procura la. paix, 6c le repos à<br />
tout le pays. Ce ne fut néanmoins , qu'à condition que ce<br />
Monarque rappefleroit inceffsÊmment FELINGHER, avec les 300.<br />
Hommes d'armes, 6c les autres Troupes, parce qu'on regardoit<br />
ce Général,. comme fAuteur principal des désordres, 6c<br />
desfcanddes, qui n'étoient arrivés, que par fon avarice, 6c<br />
par finfolence de fes Soldats.<br />
^ - C H A P I T R E VI.<br />
Depuis cet accommodement, le jeune Roi, qui étok fati1234gué<br />
de tant d'embarras, ne fouhaita, que le moment de<br />
de s'en'retourner enChypre. U étoit prêt à s'embarquer, lorsqu'fl<br />
aprit, avec autant de douleur, que d'étonnement, les révolutions,<br />
qui y étoient arrivées, par k continuation de l'infi-<br />
Excèscom- déUté de fes Sujets mécontens. Ces traitres étaient abordés<br />
^^ "*^ aux Salines, avec les Vaiffeaux, 6c les Galères, que FELINGHER<br />
par les mi- Icur avoit coufiés.^ Commc ils trouvèrent le pays entièrement dé-<br />
"'^'"^* garni de gens de guerre, ils n'eurent pas beaucoup de peine à<br />
s'emparer de la plupatt des Fortereffes. Les feuls Châteaux de<br />
Buffavento y Sc Dieu d^Amour y leur réfiïïérent. Le premier par<br />
le courage, Sc la prudente conduite de Dame CIVE DE MONT<br />
BEILLARD, Femme dcBAUANd'lBELiN, kqueUe s'y tranfporta,<br />
dé-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D E JE'RUSALEM. Liv. X. CH. VI. j^y<br />
déguffée en habit de Francifcainy Se munit, à fes propres dépens,<br />
cette Fortereffe de toutes les provifîons nécefkires ; mais,<br />
ni elle', ni le Gouverneur de NAVARRE ,• ne purent empêcher<br />
ks Allemands de courir toute Pile, Se d'y commettre des cruau<br />
tés , 6c des violences inouïes ; laiffant par-tout de terribles marques<br />
de leur avarice, 6c de leur impiété. Les Vieux les plus Cnmtis<br />
Saints n'en furent pas exemts. En effet, ils violèrent ks Ke-lZ^t^Mligieufes,<br />
jusques dans leurs propres Temples, dont fls empor- i^"^^"'*'^tèrent<br />
tous les vafes Sacrés, avec les plus riches ornemens.<br />
Pendant ces excès de cruauté, FELINGHER , que fEmpereur t^e Générai<br />
avoit fait rappefler de Paleftine y aborda en Chypre; ce qui aug- rapp^ehplt<br />
menta confidérablement le tumulte , 6c le désordre du pavs. ^^^^'-<br />
• ^~t r* feur.<br />
PHILIPPE DE NAVARRE, qui en étoit Gouverneur, avoit fi peu<br />
de Forces à kur oppofer, qu'fl s'eftima bien-heureux de pouvoir<br />
fe feuver dans le Château Dieu d'Amour; Se le Commandant<br />
Allemand y ravi de trouver une fî promte occafîon de<br />
fe vanger du Roi, 5c du Seigneur de Baruth, qui avoient été<br />
k caufe de fon rapel, s'apliqua tout entier à chercher les moïens<br />
d'entretenir le pays dans 'un foulèvement contmuel.<br />
Son premier foin fut de créer, aunom de l'Empereur, ks<br />
cinq Chefs dés Rébelles, qui étoient GAVAN DE ROSSI, CAMB-<br />
RiN DE BARLAS, ALME'RIC DE BEZAN, GUILLAUME RIVET, 6C<br />
HUGUES GIBLET , Gouverneurs du Roïaume ; Sc, foit pour<br />
n'en mécontenter aucun, ou qu'fl crût que c'étoit le véritable<br />
moïen de parvenir plus facilement à l'entière deftrudion de cet<br />
Etatjil leur attribua une égale autorité; perfuadé que cette pluralité ^" «'«i<br />
de Chefs, ne manqueroit pas d'y entretenir le trouble, Se la confu- Rébeiie"<br />
fîon. U partit, enfm, fatisfàit des richeffes, qu'il attrapa, leur laiffant ^^w"^"<br />
k meilleure partie de fes Troupes, fous le commandement du gens de<br />
Comte ETIENNE , auquel îl ordonna de mettre tout en ufege pour ^ **<br />
fe rendre maître des deux Fortereffes, qui reftoient encore attachées<br />
au Roi; Seil affura les nouveaux Gouverneurs, "qu'fl<br />
" ne manqueroit pas de faire valoir leur zèle auprès de fEm- . ,^<br />
Zzz » " pereur,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
•
54.6 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />
" pereur, 6c qu'il folUciteroit ce Monarque à leur envoïer efc<br />
" nouveaux renforts, pour fe foutenir dans le gouvernement,<br />
" qu'il leur laiffoit en- fon nom.<br />
FELINGHER ne fut pas plutôt parti, que les Régens, qui<br />
fouhaitoient, avec paffion, de devenir maîtres des deux Châteaux,<br />
afin de fatisfake à la haine, qu'fls portoient à diverfes FamiUes<br />
nobles, qui s'y étoient retirées, obligèrent d'abord les Payfans<br />
à prendre les armes, pour leur aider à les réduire, particulièrement<br />
celui de Dieu d'Amour y qu'ils vouloient affiéger le premier.<br />
Les affaires de Cfsypre fe trouvoient dans ce trifte, 5c déplorable<br />
état, lorsque le Roi en fut informé; deforte qu'fl n'eft<br />
pas furprenant, fi ce jeune Prince en fut d'abord frappé, 5e fî<br />
le Seigneur de Baruth reconnut, mais trop tard, qu'fl n'avoit<br />
point affez fait d'attention àla conduite, ni à la démarche<br />
des mécontens, lorsqu'ils avoient déferté. C'eft pourquoi, réfolu<br />
de réparer cette faute, il s'apUqua extraordinairement aux<br />
préparatifs néceffaires pour rétablir la tranquiUté du Roïaume,<br />
6e pour punir k félonie des RébeUes, qui favoient fî fouvent<br />
troublé.<br />
Article//. U frctta d'abord plufîeurs Vaiffeaux, 5c autres Bâtimens Fénitiens<br />
y Se Génois y qui fe trouvoient dans le port de Ptolonu&<br />
àcy lesquels, joints à ceux de Chypre y compofèrent une Flotte<br />
affez confidérable. Les dépenfes extraordinaires, qu'il failoit<br />
faire pour lever de nouveUes Troupes, 6e pour tout le refte de<br />
cette expédition, contraignirent le Roi à faire de nouveaux<br />
emprunts; Et, afin que les Impériaux de Paleftine ne puffent<br />
fecourir ceux de Chypre y le Seigneur de Baruth s'empara de<br />
plufieurs de leurs Bâtimens, qui étoient reftes dans le port de<br />
Twy presque dégarnis d'équipages; ce qui fit bien augurer au<br />
u^atti Roi du fuccès de fon entreprife.<br />
chyp're' En effet, fl partit, Se fon bon droit fut accompagné d'un<br />
fortifié con- grand bonheur; Car, fitôt qu'fl fut à la vue de Famagmfte y fl<br />
*beuef.
5E JE'RUSALEM. Liv. X. CH.VL ^4,7<br />
fa venue. U les trouva non feulement bien difpofes à le recevok<br />
avec tout k refped, 6c Pobéïffance, qu'fls lui dévoient,<br />
mais encore à prendre les armes pour chaffer les Ennemis communs<br />
du Roïaume. Us n'étoient cependant point en état d'effeduër<br />
leurs bannes intentions, par la précaution qu'avoknt<br />
eue les Régens d'envoïer à Famagoufte une groffe bande d Allemands<br />
y avec tous les Bâtimens du pays, dont ils s'étoient<br />
faifis, pour garder k port de cette Vifle, 6e s'oppofer au débarquement<br />
des gens du Roi, dont ils foupçonnoient farrivée.<br />
L'avis de leur prévoïance, Se la bonne difpofîtion des Habitans<br />
, fit que le Seigneur de Baruth ne jugea point à propos<br />
de tenter aucune defcente, pendant le jour; perfuadé quek<br />
nuit lui feroit plus favorable. Il détacha plufîeurs Compagnies<br />
fous le commandement de BALIAN , fon Fils, 6c d'ANZiAN DE<br />
BRIES , qui abordèrent à VOccident de la Ville. Us entrèrent dans<br />
les jardins, où fls mirent le feu, Se donnèrent Palkrme à tout<br />
k quartier, afin d'y attirer les Allemands y qui ne manquèrent<br />
pas d'y acourir. Alors, profitant de leur mouvement, il s'avança<br />
lui ntême avec les Galères, 6c plufieurs autres Bâtimens,<br />
vers le port, encourageant fon monde à en forcer l'entrée, à<br />
quelque prix que ce fut. Ce fut dans cette occafion que le Sei^<br />
gneur de Baruth fit cette iiéroïque réponfe à un Officier, qui<br />
fut affez imprudent pour lui demander le nombre des Bâtimens<br />
ennemis, qui défendoient le port. Une s'agit point y lui dit fl,<br />
de J avoir leur nombre y mais feukment de ks affronter y gs? de<br />
ks faire périr.<br />
Bien loin de rencontrer de k réfiftance de k part des En- ^tte det<br />
nemis, leur défaite ne lui coûta presque rien; car, foit que les brûiée'daiw<br />
Equipages ne fuffent pas bien fur kurs gardes, ou qu'ils ne puf ^J^* ^«<br />
fent éviter la quantité de feux artificiels, qu'on leur jettoit de goufte.<br />
tous côtés, k feu prit à leurs Vaiffeaux, avec tant de violence,<br />
qu'ils s'embrafèrent, les unô, les autres, 6c furent, en peu<br />
de tems, presqu'entièrement confiimés..<br />
Zzz 1 Let<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Î4.8 HISTOIRE G E' N E' R AL B^<br />
Les Famagouftains y k la feveur de cet embrafement, profitèrent<br />
de la fortie des Impériaux, ouvrirent leur porte de k<br />
marine, 5c reçurent leur Souverain avec de grandes acclamations<br />
de joie, maffacrèrent même quelques partifans des Rébelles,<br />
qui fe trouvoient dans la Vflle, dbnt fls avoient foigneuf^lluf^'^'<br />
fement fermé ia porte de terre, afin que ks Allemands ne pusdu<br />
Roi dans (è^t pliis y rentrer. Ce changement de fcène les furprit fi fort,<br />
gouiie. que, fans voukir s'opiniâtrer à faire tête aux Troupes du Roi,<br />
qui avoient débarqué aux jardins, ils abandonnèrent tout, &<br />
prirent promtement la route de Nicofie y où le Seigneur de Baruth<br />
ne jugea point à propos de les pourfuivre.<br />
Article/7/. Le bruît de Pentrée du Roi dans Famagoufte fe répandît d'aan^ldu"<br />
bord daus toute Vile y Sc produifit des effets bien différens. fl<br />
•^^^' encouragea fes fidèles Sujets, qui, peu auparavant, fe trouvaient<br />
dans l'accablement, 6c dans k défolàtion, 5c abatit, au contraire,<br />
k fierté, 5c les forces des mécontens', qui perdoîenfctoiis<br />
les jours quelques-uns des'lieux, qu'fls avoient occupés.,; A l'imitation<br />
de ceux de Famagoufte y les Chypriots qui fe trouvoient<br />
dans le Château de Cant ara y égorgèrent k plupart delà gar*<br />
nifon Allemande y que les Régens y awient mife, s'affurèrent<br />
du refte , Sc envoïèrent inceffamment demander au Roi un<br />
Gouverneur, pour les conduire, 6c ks aider à retenir cette<br />
Fortereffe dans fon obéïffance.<br />
Les Habitans de Nicofie y de kur côté, commencèrent à fe<br />
mettre en mouvement, 5e obUgèrent le Comte ETIENNE , qui<br />
fe trouvoit dans la Vflk, Se qui craignoit d'être traité, comme<br />
•' '\ ceux de fe Nation l'avoknt été à Famagoufte y Se à Cantaray<br />
d'en fortir promtement. U afla fe camper, avec fes Troupes,<br />
dans une grande vaflée à deux Ueues au Nord de Nicofie y où<br />
fl fe croïoit d'autant mieux pofté, qu'fl pouvoit empêcher les<br />
fecours, qu'on enverroit au Château Dif « d''Amour y qui fe<br />
trouvoit fort affamé ; 6c recevok lui même, avec commodité,<br />
toutes les provifions, qu'fl voudroit tixex deCérims, qui étok<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. X. CILVI. SW<br />
entièrement à fa dévotion, 6c dont il avoît fait fa place d'ar<br />
mes.<br />
Ce Général ne fut pas plutôt forti de la Ville de NicqfieyLa niie d^<br />
que les Bourgeois en fermèrent les portes, 6c prirent tous lesj^^oue^^ ,<br />
armes pour s'oppofer aux entreprffes des Régrens. Ils envoie- i?^ '^"^^^<br />
A 1 • • I, Régens,^<br />
rent, en même tems, quatre des principaux d'entre eux ypom prend les<br />
informer le Roi de la fidéUté de fa Capitale, Sc pour le fopUer^^^^'^<br />
d'y venir promtement, afin de diffiper entièrement,par fa pré- ^»'<br />
fence, le parti de fes Sujets rébeUes, 5c pour obliger de fortir de fon<br />
Roïaume ks étrangers, que ces mécontens y avoknt introduits,<br />
Sc qui avoient déjà tant fait de mal.<br />
Les gens de la Campagne, qui ne vouloient pas être les i>x^«u<br />
derniers à témoigner kur attachement, 6e la joie qu'fls avoîent^^^/Sl<br />
du retour de kur Souverain^ conduifirent avec empreffemènt, ^^"*<br />
une fi grande abondance de provifîons à fon Camp, qu'on n'y dTceûxde^<br />
reffentoit aucune des incommodités, qui accompagnent ordi- ^icoûe.<br />
nairement la guerre. Plufîeurs Perfonnes, qui, par foibleffe,<br />
ou par politique, avoient jusqu'alors foutenu le parti des Ré*<br />
belles, f abandonnèrent, Se aUèrent ouvertement fe ranger à<br />
Pobéïffance du Roi, lui offrant leurs vies, 6c leurs biens, pour<br />
punir leur révolte, 6c leur trahffon.-<br />
C H A P I T R E V IL<br />
ant dlieureufes difpofîtiôns engagèrent ce Prînce àfe ren-Article /.<br />
dre à Nicofie , où la tranquiUté fut d'abord rétabUe. ^«I^m<br />
Alors le Seigneur de Baruthy & le Baron dé NAVARRE, qui
f yo H I S T O I R E G E' N E' R AL E<br />
dant le faire, fans forcer les Allemands y qui étoient campée<br />
dans k vallée de Monadiy par où il fallait néceffairement paffer.<br />
C'eft pourquoi, fls s'arrêtèrent au Village Abbidcy d'où<br />
ils fe contentèrent de risquer quelques centaflies d'Hommes,<br />
chargés de provifîons, qui, guidés par quelques Bergers, à<br />
travers des fentiers inconnus, 6c presqu'impraticaMes, y entrèrent<br />
heureufement,<br />
Mais, comme ces petits fecours étoient trop, foibles, pour<br />
foutenir le grand nombre de,Perfbnnes, qui fe trouvoient enfermées<br />
dans cette Fortereffe, le,Seigneur de Baruth fe détermina<br />
à attaquer. les Impériaux.^ Ceux-ci, avertis de cette réfolution<br />
, 5c enfermés entre deux Montagnes., où, en leur coupant<br />
les vivres, on pouvoit ks faire périr de mifère, prirent le<br />
Camp des parti de defcendre dansia plaine, 6c d'^n venir aux mains avec<br />
«r«îtt
DE JE'RUSALEM. Lm X. CIL VII. sji<br />
Après avoir harangué, en peu'de mots, ks Chypriots y Se<br />
les avoir exhortés à fe réjouir de trouver le mdinent de fe vanger<br />
des outrages, qu'ils avoient reçus des Allemands, tant en<br />
kurs biens, qu'en leurs Famflles, qui en avoient été la plupart<br />
des honorées ; Il leur dît, " qu'il fefloit abfolument fe délivrer<br />
„ pour toujours de leur joug, 6c de la tyrannie des RébeUes<br />
„ qui les avoient introduits, 6c remettre leur Souveraki légi-r<br />
„ time dans la paifîbk poffefiQon de fes Etats.<br />
Cette courte harangue fut fuivie de grandes acclamations,<br />
qui firent comprendre au Seigneur de Baruth les effets, qu'elle<br />
avoit produit fur l'efprit des Ofiiciers, 6c des Soldats. .11 fit,<br />
fans héfiter, attaquer le premier corps des Allemands y que commandoit<br />
le Comte GAUTIER. Soit, que ce Capitaine.fût éton- BataiUe.<br />
né de Pimpétuofîté, dont il fbt invcfti ; ou que, peu fatisfàit<br />
des Régens, il ne voulut point faire la réfîftance, qu'fl auroit<br />
pu, l'adion ne fut pas plutôt commencée, qu'il Mcha le pié, 6c<br />
s'éloigna fi fort du champ de bataille, que le fecond Bataiflon<br />
demeura feul expofé à fArmée Chypriote,<br />
Cependant, malgré ce mauvais exemple, 6e la fermeté, avec Article ii.<br />
kquelle les Troupes du Roi continuoient le combat, les Alkmands<br />
donnèrent de fî grandes marques de leur courage, 6c de<br />
leur valeur, que, fans k mort du Comte BE'ROLD, quele<br />
Baron de BRIES tua de fa propre main, la Vidoire auroit été<br />
long-tems difputée ; car le Comte ETIENNE , 5c ks Régens, étant<br />
entrés dans la mêlée, le maffacre devint égal, de part 6ed'au-»<br />
tre; mais la mort du Comte BE'ROLD ralkntif l'ardeur des r .^<br />
Troupes, qu'fl commandoit,' 6cleur fit même prendre la fuke.<br />
Les autres d^à fort affoiblies ne furent plus en état de foutenir<br />
les efforts de toute Armée ennemie. U ne fut même pas poffi- f^^^l ^<br />
ble au Comte ETIENNE d'empêcher leur fuite précipitée, fens Aiiemanfavoir,<br />
fî la route qu'efles prenoient leur étoît favorabk, ou non ;<br />
de forte que, pour fe fauver, fl fut lui même contraint de k»<br />
muter. ' ^'"^<br />
• La<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
5 fs H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
La perte de la bataiUe ne termina pas la disgrâce des Alk*<br />
mands. Le Barbn d'AssuR, que k Seigneur de Baruthy fon<br />
Père, avoit, pour quelque dépkifîr, privé ce jour làdu commandement<br />
de fa brigade ; foit pour rentrer dans fes bonnes<br />
grâces, foit pour avoir part à une adion, qui alloit décider du<br />
repos de PE'tat, engagea) les Barons RAYMOND DE NASSAU,<br />
PIERRE DE MONTOLIF , ROBERT MAMMENI , ET EUDES DE<br />
FiTi^ES, à le féconder dans le projet, qu'il avoit formé. Ils<br />
allèrent fe pofter, avec une cinquantaine de Domeftiques, fur<br />
des hauteurs très-èfcarpées, qui dominoient le chemin par où<br />
les Impérkux dévoient paffer, à qudque prix que ce fût. En<br />
effet, ils roulèrent une fi grande quantité de groffes pierres fur<br />
ces'miférables fuïards, qu'fl en échapa bien peu de ceux qui<br />
prirent cette route. Les Payfans, de leur eôté,en affonunèrent<br />
un fi grand nombre, qu'ils achevèrent leur défaite. Un'y<br />
en eut guères de fauves^ que les premiers, qui avoient abandonné<br />
le combat, avant que le Seigneur d'AssuR, 5e fes Compagnons<br />
fe fuffent poftés. Ceux-là eurent le bonheur de fe retirer<br />
par des chemins détournés jufqu'au Château de Gaftriayqui<br />
appartenoit aux Templiers y mais leur fort n'en fut pas plus<br />
heureux.<br />
Artide///. Car k bruk de la Vidoire du Seigneur de i5^r«/i&, aïant ragneur<br />
mcué tout k pays à Pobéïffance du Roi, le Baron d'AssuR les<br />
pourfuit les pourfuîvît avcc UU bou Détachement, Se les atteignit auprès<br />
"^^fî/ ^^ même Château, dont les Chevaliers, qui fouhaitoient de<br />
truitentiè- s'entretcuîr dans les bonnes grâces du Roi, avoient refufé de<br />
rement. j^^j. Q^yj-jr fes portcs. U cn abandonna une partie au carnage^<br />
6c conduifît le refte, avec leur Commandant, prifonniers kM-<br />
' cofie y où ils périrent presque de tous de mifère, ou de leurs<br />
•- bleffures.<br />
AM'égard du Comte ETIENNE, plus heureux, ou mieux guidé,<br />
que les autres, fl gagna, avec les Chefs des Rébelles, la<br />
ViUe de Cérines y qui étok k feule Fortereffe, qui tenok-encoî<br />
rt<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm X. CH. vn. y^y<br />
'rc pour eux. Les petits corps, qu'ils avoîent laiffés aux avenues<br />
du Chitezu Dieu d^ amour y les abandonnèrent, fîtôt qu'ils apprirent<br />
la défaite de leurs compagnons, Se eurent auffi le bonheur<br />
de fe retirer à Cérines y où la garnffon, confternéê dun<br />
changement de fortune fî fubit, 6c k Comte ETIENNE lui<br />
même, ne fechant quel parti prendre, avec le peu de forces,<br />
qui lui reftoit, dans un pays , qui lui étoit devenu entièrement<br />
ennemi, 6c d'où même il ne pouvoit fortir, fans courir<br />
un grand'rffque, ne fongea à propofer aucun accommodement.<br />
Les RébeUes, de leur côté, commencèrent à trerîMer pour Pumtim<br />
leurs vies, avec d'autant plus de raifon, qu'ils aprirent, que le %beikf!"<br />
• Baron de NAVARRE avoit fait exécuter trois de leurs adhérens,<br />
qui s'étoient trouvés parmi les prifonniers de Gqftria ; ce qui<br />
leur fit comprendre, qu'ils n'avoient aucun pardon à efpérer,<br />
's'fls avoîent k malheur de tomber entre les mains des gens du<br />
Roi.<br />
Ces triftes réflexions les firent réfoudre à emploïer tout ce<br />
qui leur reftoit, pour fe procurer quelque Bâtiment, 6c s'embaitjuer<br />
avec le Comte ETIENNE , qui ne vouloît plus écouter<br />
aucune dc klirs propofitions ; mais n'y pouvant réuffir, comme'<br />
fls le defiroient, fls le firent enfin confentk à leur laiffer le<br />
peu de Troupes, qui leur reftoient, fous le commandement<br />
de GAUTIER D'AQUAVIVA, Napolitain; 6c, moïenant quelque ^f^j*"J^"<br />
fomme, qu'fls lui donnèrent, fl paffa en Caramanie y d'où il ^^^f cours.<br />
leur promit d'envoïer quelque fecours. • •<br />
• - U leur tint, en effet, parole; ôc, quoique lé-fecours qu'il'^''
5?4 H I S T O I R E G E'N E'R AL E<br />
x.,v céder le revenu des douanes du pays, 6c de leur accorder plu-"<br />
Grandes ç excmtions touchant le commerce, que ces Nations faiprêtées<br />
au foient dans fes Etats, aimant beaucoup mieux facrifier fon pro-i<br />
Roi<br />
^"^iftTens! pre domaine, que de furcharger fes Sujets de nouveaux knpôts.<br />
Vén<br />
^ lesGé<br />
sois.<br />
jR®®^. At©©)2. AîOtWj. .k^i'f'vJ.^ AOftJ^ JtOS^i; jîôÇji.^OftJfealflÇJj.AtOjïJiivVli^<br />
CHAPITRE VIII.<br />
Article/. T a Nobkffè de Paleftine, qui avoit vécu fort paUiUeipeût<br />
mands -*-*' dcpuîs k L^^tiou du Patriarche dAntioche y ne pou-<br />
•bi^Jfde vaut plus fouffrir les infolences des Impériaux, commença ende<br />
Ptolo- fin à remuer. Le Comte de Jaffa y de la Maifon d'iBELiN^ qui<br />
xyi avoit beaucoup d'autorité à i'/o/, grand Ami de FRE'DE'RIC; mais ce Prince refufa<br />
de fe mêler dans une affaire, qui auroît pu lui en attker de<br />
plus ^cheufes.- _<br />
tisUaVx- ,Le désordre des Allemands de Ptolomaide\ Se l'extrémité,<br />
Cérines où fe trouvoit réduît le Gouverneur de Cérines, qui n'en pou-<br />
'pi^elu ^^^^ P^^^ efpérer aucun fecours, l'obligea à capituler, lors que<br />
Roi, 6? ^ k Roi, 5e-le Seigneur de Baruthy s'y attendoient le moins.<br />
capitulent. Cependant, quoiqu'ils n'ignoraffent pas long-tems le^ujet, qui<br />
favoit obligé à leur demander la paix, foît qu'ils ne jugeaffent<br />
point à propos de pouffer à bout des gens, doiît ils avoient déjà<br />
tant éprouvé le courage, 6c l'opiniâtreté, ou qu'ils fiflfent<br />
fatigués de la ^offe dét^enfe,* Se de la perte, qu'ils avoient<br />
faite de leurs meifleurs Soldats, ils reçurent favorablement leur<br />
i.-^p :•• -. ~ pro-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ÔI JE'RUSALEM. Lïf.X ÇH.VItt f^f<br />
propofîtion ; 6c Paccord en fut conclu par l'entremife des Chevaliers<br />
du Tempky 6c des Barons de GIBLET,5c de NAVARRE,<br />
aux conditions fuivantes : favoir ;<br />
I. „ Que PHILIPPE GE'NARD, Gouverneur de Cérines pour<br />
„ PEmpereur, 6e GAUIIER D'AQUAVIVA, Commandant de fes<br />
„ Troupes, remettraient au Roi cette Place , dans fétat où<br />
„ elle fe trouvoit, avec toutes les armes, Sc les munitions.<br />
II. „ Que les prifonniers feroient fidèlement rendus, de part,<br />
„ 5c d'autre.<br />
III. „ Que le Roi leur fourniroit des Bâtimens à fes fraix,<br />
„ pour transporter à Tyr toute la garnifon, avec fon bagage,<br />
Lcs Chypriots révoltés furent exclus de ce Traité. Le Roî,<br />
confeiUé par le Seigneur de Baruth, ne voulut jamais leur accorder<br />
aucune grâce, malgré les grandes inftances, que lui en<br />
firent les Baroj^s GE'NARD , 5e AQUAVIVA. Voilà de quelle manière<br />
le Roïaume de Chypre fut enfm déUvré des calamités,<br />
qu'il avoit fouffertes, par la fdonie de fes propres Habitans,<br />
6c par k cupidité des Allemands y dont le nom y demeura pour<br />
toujours odieux à tous les Peuples, même à ceux, qui les y<br />
avoiept introduits.<br />
Après leur départ, le Roi congédia les Vaiffeaux, 6e les Artide//.<br />
Troupes étrangères, qui lui étoient fî fort à charge. U avoit chypî?<br />
reconnu par'expérience, combien il lui importok deln'emploïer ^ff'^f" ^'*<br />
que des Sujets fidèles dans fes affaires, fur tout pour le Gou- ment de fes<br />
vernement de fes Places. U commença par donner celui de favfurdT<br />
Cérines, qui étoit le plus confidérable, à BAUDOUIN DE BRIES , fff %'^^<br />
tant par raport à fon mérite perfonnel*, qu'en confidération affidés.<br />
d'ANRiAN, fon Frère, qui avoit été tué peadant ce Siège. U<br />
chargea, en même tems, cet Officier d'en faire téparer les fortifications.<br />
Le premier foin de ce Prince, revenu k Nicofie y fut de r^<br />
tabUr k Confefl fupérieur. Se les autres Tribunaux, qu'il-remplit<br />
de Perfonnes capabks. Se véritablement attadiées à fes in-<br />
Aa aa 2 térêts.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^Ïï6 HISTOIRE G E* N E' R A L E<br />
iiritahHt térêts, 6c au bien général dc f E'tat. Il remit dans fon premier<br />
dre'^ëfa- ordrc k police, qui avok été entièrement négligée, pendant les<br />
verifeie troubks du Roïaumc. u accorda beaucoup de fi^anchifeg,'62<br />
mmerce. ^ij^j^^^j^^^^g^ aux Négotiaus ; perfiiadé quele commerce étoit<br />
k plus fur moïen d'attirer des richeffes dans fes E tats. fl récompenfa<br />
largement, même au-delà de fes forces, les Officiers, qui<br />
s'étaient diftingués au Siège de C^r/«^j.U étabUt plufieurs étrangers<br />
de toutes fortes de conditions, qu'il avoit amenés de Pa-'<br />
leftine, Sc qui défîroient de refter en Chypre, Se leur diftribua<br />
tous les biens des Rébelles, qui avoient été confifqués, 5c dont<br />
fl n'avoit point voulu difpofer jusqu'alors.<br />
Article JJ/. Pendant que cc Prince était occupé à remettre en bon ordre<br />
ifcf AÎIC- ^^^ affaires de fon Roïaume, les Chevaliers de VHopital, Se du<br />
mands à Tcmpléy for les preffantes Lettres, qu'fls avoient reçues du Pa-<br />
•iHa^de. pe, ' travaiUoient à appaifer le nou vau foulèven^nt des Peuplés<br />
de Paleftine contre les gens de PEmpereur; 6c, felon l'intention<br />
du St. Pèrey ils fe difpofoient à les fecourir, au cas que<br />
le Comte de Rama, 5c les Habitans de Ptolomaïde entrepriffent<br />
de les inquiéter à Tyr y comme fls k craignoient; 5c qu'ils ne<br />
fe rendiffent point a leurs foflicitations. Comme la puflTancé<br />
^, de ces deux Ordres prévaloit à celle de tous les Habitans de la<br />
Terre-Sainte y la Nobleffe, 5c k Peuple acceptèrent d'abord<br />
leur médiation, 5e reçurent de nouveau les Allemands dans<br />
Ptolomaïde y où k tranquiUté fut encore rétablie, 5c maintenue<br />
par ces deuxvîReligions, qui, en effet, gouvernoient les débris'<br />
du Roïaume de Jérufakmy en véritables fouverains; car, malgré<br />
la préfénce de RAINAUD DE BAVIÈRE, c'étoit eux<br />
qui di^ofoient des charges, Se des emplois; publics, 6c qui<br />
donnoient la loi, tant aux étrangers, qu'aux gens du pays.<br />
L'empreffement, avec lequel le Pape foûtenoit les intérêti<br />
de FRE'DE'RIC en Paleftine y fait bien voir, que ks Pontifes ne<br />
fe portèrent à aucune extrémité contre lui, que lors que ce Prince<br />
fe départit entièrement du refped 6c de la révérence", que<br />
< tous<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JEJ'RUbALEM. L1Y.X Cu; VIIL Ji jyy<br />
tous'les Chrétiens doivent avoir pour le Vicaire de Jefus-Chrifti .<br />
C'eft pourquoi le Continuateur de la Guerre Sainte y 5c l'Au- ><br />
teur du Livre intitulé , Militaris Ordinis Jmitarum , n'ont Î"» f^t ^<br />
pas eu raifou de vouloir le juftifier, en attribuant fes excès, Seji^J^<br />
la longue perfécution, qu'fl a faite en divers tems contre l'Égli-^'^^^f^^*<br />
fe, à la rigueur des Papes, pour l^quels fa conduite â toujours<br />
jEait connoître qu'fl.n'avoit de confidération, qu'autant que fes<br />
intérêts le demandaient, puisque le terme de la Trêve, qu''fl<br />
avoit établie avec les Sarrafins y ét^t fur le point d'expirer, 5c<br />
que d'aflleurs, de tems-^à-autre, les Peuple* de Pakftine^ fe foule<br />
voient contre fes Officiers, 5c ch»çhoient à fe ^uftrâire à<br />
fon obéïffance, fl la prolongea encore, pour dix ans, avec les<br />
Infidèles y contre le fentiment, 6e l'inclination de GRE'GOIRE,<br />
malgré les grands fervices, qu'fl venoit dc lui rendre i 5e quoique<br />
les troubks d'//
Îî8 HISTOIRE GÏN. DE JFRUS. LIV.X.Cft.Vm.<br />
Difi„^ nement, avec lequel les Hojpitaliers, Sc les Templiers, qui demtreies<br />
voîcnt être les plus fermes foutiens de k Terre-Sainte, cherdeux<br />
Or- . ^ t, • i « / ^ - i<br />
drcsMiii- choient à fe detrrare entre eux, pour des intérêts de peu d'imwJnîL^f^portance;<br />
que les Seigneurs du pays ne vivoient pas dans une<br />
tre les Sei- meiUeurc harmonie ; & que, d'aiUeurs, la guerre contre les,<br />
Spaiiemi Infidèks étoit beaucoup plus utfle aux Chrétiens, que la paix,<br />
"^* puisque le repos. Se làtanquflité ne faifoit, que ks animer, k<br />
îe faire la guerre^ les uns contre les autres.<br />
Car ks Chevaliers de VHopitaly Se du Tempky après avok<br />
agi de concert, 6e de bonne intefligence, pour appâifè^les Peu-<br />
, 'pks de la Paleftine , Se les faine rentrer dans leur devotf^ revefllêrent<br />
d'abord leur* ancienne difcorde, 6G cette jalouÉfe invétérée,<br />
qui les avoit toujours *agités, 6c que k mifère des tems,<br />
ni aucune autre confidération n'avoît pu diffiper. Ce qui-y donna<br />
lieu étoit bien peu dediofe. Il ne s'agiffoit que de la joui^ance<br />
de certains mouUns, pour lesquels ils avoient déjà eu pro<br />
Guerre ou- cès. ' Us ne kifïèrcnt Cependant pas d'en venir aune guerre ou-<br />
?//Hofpi- verte, même fi cruelle, 5c fi fanglante, que, fans l'autorité du<br />
fcjTem-^^^P®' 6c l'entremife des Ahhés du St. Sépulcre y Se de St. Sapiiers.<br />
muel de Ptolomaïde, ces deux Religions fe feroient entièrement<br />
détruites.<br />
Peu de tems apifes. Une fallut rien moins que l'autorité de<br />
l'Archevêque de Ravenne y Légat du St. Siège y les bons offices,<br />
k crédit, 5c la dextérité de l'Archevêque de Tyr y Se de PEvêque<br />
de Faloniey pour appaifer k quercfle,qui étoitfurvenue entre<br />
les Hofipitaliers y le Prince d'Antioche y 6e'k Comte de Tripoliy<br />
au fujet du Cliâteau de Maraclée, que les uns, 5eles autres<br />
prétendoient leur appartenir, 6c qui auroît eu des fuites<br />
auffi fàcheufes, Sc auffi funeftes, que Pavoit eu peu auparavant<br />
cefle des Ordres MiUtaires.<br />
HISTOI-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
R"O Ï A° U M E S<br />
DE<br />
CHYPRE. DE JÉRUSALBM,<br />
^i! ' -^i<br />
D'aÉ G^Y^P T E.<br />
L I r R Ë XI<br />
C H A P I T R E PR E M ÎER.<br />
^-^>^^ Lix, Reine de Obyprf, qui avoit paffé en Francey j^^^^^ ><br />
«l*
S6o H I S T O I R E G E' N E' R* A L E<br />
à Méluny en 1206. où le Roi PHILIPPE-AUGUSTE tenok alors<br />
fon lit de juftice. Ces Pairs, à la folUcitation de Louïs de<br />
France y Ffls aîné de ce Monarque, décidèrent en faveur du<br />
Comte, avec lequel cette Princeffe s'accommoda enfm, 5c termina<br />
cette importante-affaire , moïennant une groffe fomme<br />
d'argent. Se une penfion annuelle. EUe contrada enfuite un<br />
Af«a//irtn- troifième mariage avec RAOUL DE SOISSONS , 6c s'en retourv^ife<br />
con- na CU Chypre ; Mais Elle n'y trouva plus les mêmes agrémens,<br />
iStiixi^ caufe dc cette AlUance, qui ne convenoît, ni à foQ^âge, ni<br />
•à fa dignité. La Cour blâma fi fort cette adion, qu'oubUant cn-<br />
. tferement le fouvenir du mérite,qu'eUe s'étoit acquife, durant<br />
les premières années de fon veuvage, 6e de fa Régence, on n'avoit<br />
plus aucune confidération pour Elle. • ^ ,<br />
Cette Princeffe fût 'fi indignée de ce rfiépris^ qu'elk quitti<br />
kCour, 5e fè retiraJ)rufquèmèftt à la campagne; mais foabx*<br />
meur hautaine, 6cambiticufe, ne lui permettant point! de s'accommoder<br />
dc cette*vk privée, malgrék licence, avec kquôUe,<br />
, elle y paffoit fon tems, jufqu'àfcandafifer tous les gens du lieu,<br />
Se les étrângiÉs., qui alloient? la vifiter, cUe ne tarda^pas à prendre<br />
des mefures pour fc remettre à la tête des aflfaires de<br />
PE'tat. . ;[ M' q V<br />
Ses intrigues allarmèrelot d'autant plus le Roi,'5c k Seigneur<br />
Baruthy qu'flsia connoiffofent capable de tout entreprendre,<br />
pour parvenir à fes fins. Ils n'ignoroient pas en même tems,<br />
qu'à y avoit encore ^juelquc levain de mutinerie dans les Famflles<br />
intérefl^s^à la ruflie, 6c à Pexfl des Rébelks; 5c que ces<br />
Perfounes; n'auroient pas manqué -^e, fçipondeî fes deffeins, &<br />
d'embraffer avidement une nouvelle occafion de tumulte, afin<br />
de fe dédommager du tort, qu'ils prétendoient qu'on avoit fait<br />
à leurs Parens. - > /- ., \. • ^<br />
&yM««-- Pourrprévenir les. fuîtes fachci^s., qu'auroit pu caufer le<br />
&.{nV* ^mécontentement-de cette PrineejQfe, ,6c l'éloigner de ^Chyprey<br />
ifjérufaï ^jyçc quelque apparence "de* raffon , 6c de' bienféance, on lui '<br />
"' fit<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
î)! JE'RUSALEM. Uv.XI. OÎ, I. . i6i<br />
fit adroitement irifpkerks juftes Droks, qu'efle pouvoit prétendre<br />
fur le Roïaume de Jérufakmy dont les loix fondamentales<br />
excluoient de la fucceffion les Souverains, qui ne fe rendoient<br />
pas for les lieux, pour cn prendre finveftiture, 6c en<br />
donnoient, au contrake, le gouvernement au plus proche Parent<br />
, qui fe préfèntoit pour la recevoir.<br />
L^adreffe des Perfonnes, que la Cour emploïa pour perfuader<br />
la Reine , qu'eUe parviendroit immancabkment à cette<br />
Souveraineté, fit fur fon efprit tout feffet, qu'on pouvoit en<br />
défirer. Cette efperance flattoit trop fon inclkiation de dominer<br />
, pour ne pas mettre en ufage tout ce qui pouvoit f y faire<br />
parvenir. Dans cctte impatience, eUe en parla au Roi, fon<br />
Ffls. EUe lui demanda faffiftance, qui lui étoit néceffaire, pour<br />
paffer en Pakftine, 6c pour fe mettre en état de foutenir fes<br />
droits. C'eft dc cette manière que ce Prince trouva le moïen<br />
dc fe déUvrer de k Reme, fa Mère, 6c de l'éloigner d'auprès de<br />
lui, avec autant d'honneur pour lui, que de fatisfàdion pour<br />
eUe. U fit promtement équiper divers Bâtimens pour fon paf Sm départ<br />
fage, la fit accompagner avec d'autant plus de pompe, 6c de £i?.<br />
magnificence, que fes Etats fe trouvoient entièrement rétablis<br />
des mifères paffées, 6cmême plus opulens, par faccroiffement<br />
des Peuples", 6c par l'augmentation du commerce. Il étoit<br />
devenu fi floriffant, que les Bâtimens du pays ne pouvoient<br />
plus fuffire, pour le tranfport des marchandifes dans les pays<br />
étrangers. G'eft pourquoi le Roi accorda à fes Sujets, de couper,<br />
dans fes forêts, tout le bois, qui kur feroit néceffaire pour<br />
en conftruire ; cc qui ne contribua pas peu à remplir fes<br />
coffres. . ^ . Article //.<br />
Cette opulence lui donna le moïen d'acquiter les dettes,^j|^"<br />
qu'fl avoit contradées en Pakftinéy Se dégager les douanes, qu'il ww dnjew<br />
ne Roi de<br />
re,<br />
avoit remifes aux Fénitiens, Se aux Génois. Tant d'aifance clyp<br />
l'invita auffi à augmenter le nombre des Chevaliers, que le Roi'*'^*"^"<br />
GUI, fun des fes Prédéceffeurs, avoit établis, afin d'engager les Perr merce.<br />
Bb bb fonnes,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
t62 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
fonnes, qu'fl honorok de cette dignké, à le fervk avec !zèlé,^<br />
6c fidélité, dans les occafions.<br />
La confolation, que reffentok le Seigneur de Baruth y de toutes<br />
ces profpérités, d'avoir eu k deffus dans tous ks contre^<br />
tems, qui étoient furvenus pendant fa Régence, 6c enfin d'avoir<br />
mis fon Pupile en état de gouverner fon Roïaume par<br />
lui-même, le fit • déterminer à paffer cn Pakfiine y pour aller<br />
mettre ordre à fes affaires domeftiques, qui avoient grand befoin<br />
dc fa prefence, par le dérangement, que les Impériaux y<br />
avoient caufé, particuUèrement k Vflk de Baruth, dont les<br />
flammes avoient confumé la meflkure partie. Le Roi, qui<br />
eftimoit infiniment une Perfonhe, qui lui avoit tenu Ueu de<br />
Père , voulant lui témoigner fa réconnoiflance, 5c combifen<br />
fa féparation lui était fenfible, lui donna toutes "les marquèB<br />
poffibks dc fon affedion, Se voulut Paccompagnèr avecltoute<br />
fa Cour, ]ufqu\ Famagoufte y où fl s'embarqua. '<br />
^^ - Là Reine ALIX, de fon côté, avoit déjà fait plufieurs intiensdeia<br />
ftauccs aux Batous du Roïaumc de Jérufalem , Se aux Orch^re/wrdres<br />
Militaires, pour être inftallée dans le gouvernementHe<br />
Térùfaiem p£'tat, qu'cflc prétcudoît luîappartenir, avec d'autant plusde<br />
juftice, que k Prince CONRAD'n'étoit jamais venu cn prendre<br />
poffeffion, ni recevoir f hommage des Peuples. C'était à elle,<br />
en effet, comme Fflle, 6c légitime Héritière de la Reine ISA<br />
BELLE, qtfappartenoit cette Couronne. Cependaî^, quoique<br />
chacun reconnût fon bon droit, toutes fes foUicitations, 5e fes<br />
remontrances furent inutflesl Les Barons ,> 6s les Ordres Mi<br />
Utaires lui répondirent, " qu'ils n'avoient point affez de pou-<br />
„ voir, pour décider une affaire fi importante, d'autant pks<br />
„ que le Patriarche, qui étoit un des principaux Membres de<br />
5, PE'tat, fe trouvoit en .E«^o/>^; Que, d'ailleurs, Pengagement,<br />
„ qu'fls avoient pris, en reconnoiffant fEmpereur, pour leur<br />
3, Koi, Sc par confequent le Prince CONRAD, fon Fils, Sel^<br />
5, gitime Héritier du Roïaume de Jérufakmy ne kur perniettoit<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D'E JKRUSALEM. vL|V.Xt. ÇH.L . ^ ^6^<br />
'^ toit pohit dcpipndre d'autce parti; Qifauffi, ils étoient rc-<br />
„ folus de l'attendre encore un an; après quoi,fi ce Prince ne<br />
„ venoit point, ils prendroient favk du,Pontffe, cejuidu Pa-<br />
,3 triarche, 6c de tous les Ord^'es du Roïaume ; Et qu'fls fépon-<br />
„ droient alors favorablement à fes demandes,<br />
r U eft néanmoins fur,., que ce n'étoit point pour confdter les<br />
abfens, ni par fcrupule de kur engagement gpvcrs fEmpereur,<br />
qu'Us ne vouloient point recoiinokre cette Princeffe. Ils fer<br />
voient tous , qu'un Etat auiji délabré, Se auffi expofé aux<br />
invafions des Infidèks y avoît plus befoin dW Guerrier, que du<br />
gouvernement d'une Femme. Je raporte ce fak, comme je l'ai<br />
trouvé dans les Auteurs les plus approuvés; quoique LORE<br />
DAN prétende, que k Reine ALIX fût non feulement admife au<br />
gouvernement des affaires d&^ Jérufalem, mais encore qu'elle<br />
gouvernât cet Etat, pendant qudques années ; qu'elk en cjiaffât<br />
même les Impériaux, qui avoient voulu s'y oppofer; 5c enfin<br />
qu'eUc y gouvernoit encore, lorfque THIBAUT , Roi de Navarre<br />
y fon Coufin, arriva en Paleftine y à k tête de cette fameufe<br />
Armée de Croifés y qui s'étoient ajfemblés de toutes les Provinces<br />
d'£i!
J6+ H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
Mort fii. velle, qu'fl en mourut, peu de jours après dans la Maffon des<br />
2|«f2r Chevaliers du Tempky où fl fut tranfporté. Ce fut une perte<br />
«
DE JE'RUSALEM. Liv. XI. CH.1 y5j<br />
bleffe de France y de Navarre y Se de Bretagne y qui tous dé- t^«n>eïïe<br />
férèrent unanimement le fouverain Commandement au Roi de v^nJiKih<br />
Navarre. /**<br />
Leur Armée étok très-nombreufe, n'étant'guèro^ moins forte,<br />
ni moins bien pourvue , que ceUes que ks plus grands<br />
Princes de la Chrétienté avoient conduites contre les Ir^dèles'^<br />
ce qui faifoit d'autant plus de plaifir au St. Père y qu'il étoit<br />
perfuadé, que le repos, dont jouïffoient alors les Chrétiens de<br />
la Pakfiine y ne pto^enoit que des guerres inteftines, dans losif.^quçUes<br />
les Barbares étoient plongés entre eux, 6c point 3u<br />
tout de la bonne intention qu'fls euffent d'obferver la Trève ;<br />
Mais malheureufement, 6c par une fataUtè incom^tji^ëÉffibk,<br />
cette Croffade n'eut pas un plus heureux fuccès, que toutes les<br />
premières, par les contretems qui y furvinrent, mêae avant<br />
que les Croifés fe miffent en chemin. Malheur, quelle Pape,<br />
non plus que les autres Princes, n'avoient pu prévoir.<br />
Car les Empereurs Latins deQ^antinopkziznt toujours été £^''<br />
en guerre contre les Grecs y & contre les Bulgares y fe trou-''£»»?»«<br />
voient teUement affoibUs par les pertes, qu'ils avoient feites cSa^<br />
dans les diverfes adions, qui s'étoient pajDKes, que, quoiqu^a-'^"^P**près<br />
la mort de ROBERT DE COURTENAI, les Seigneurs JRrii»fôis<br />
euffent appeflé le Roi JEAN DB BRJENNE, pour gouverner<br />
l'Empire, durant la mmorité de BAtJDOuiN II. 5c que ce grand<br />
Capitaine eût, en quelque manière, rétabU les affakes,fesibrces<br />
étoient fi médiççw, que, malgré fa conduite, 6e fa valeur,<br />
fl lui étoit knpoffibk de réfifter aux puiffans Ennemisj<br />
qu'fl avoit fur les bras. . •<br />
Bb bb 3 CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
J,6* H r s T o I R E G E' N E' R A L E<br />
G H A P IT? R E II.<br />
Article/. T^ans cette extrémité, flfit paffer k^Rome BAtmoéiN, foa<br />
JL/ Gendre,'pour informer lef^apc, 5c les autres Puiffances<br />
d Europe y du danger, où étoit l'Empiit de retomber au pouvoir<br />
des Grecs y à moins qu'ils ne lui envoïaffent un promt, &<br />
puiffant fecours. *^ j<br />
.<br />
Le St, Père y attendri à k.mic dei ce jeune Princ^ 6c touché<br />
des remontrances de fon^Bère, qu'fl voïoit à la veflle d'être<br />
dépoufllé de l'Empire, Paffura.de l'affifter, non feulement de<br />
feit propres Forces, 5c de folUciter les Puiffances Cbrétienné^ï<br />
smurs ^^ faire autant; mais encore dc faire enforte que PArmée des<br />
promspar CtoiféSy j^Xii fe prépaTOÎt à partir pour hPaleftiney changeai fon<br />
i'Empergur vpïâgc, & s'cmpiçïât toutc entière à fon affermiffement, k à<br />
deCom^ réparer les pertes, qu'fl avoit faites. U l'exécuta effedivcBïcnt;<br />
tmtinopie-<br />
\, défortfe qu'une grande partie des Croifés y foit pour faire plaifir<br />
au Pontffe, fok qu'fls cruffent là guerre'de Grèce moins dan-<br />
Cefecours gcreufe, quc Celle jà&Pàl0iney s^'attachèrent à BAUDOUIN, 5C<br />
'"'"'''' affbiblirent confidâ^bkSent l^rm^.^ ^•<br />
Article//. La difcè'rde, 5c mêpe la guerre^'dans laquelle touteVltalk<br />
prit part, fe renouvefla alors entre le Pape, jSc fEm^eur, au<br />
croifadÈ fiijet du Roïaume de Saré&ffié. F R E'D ER I c, malgré les droits<br />
'Si^^î ^^ ^^- ^^^iJ^-i e^ avokinVefti ÊNTius, fon Fils naturel:' U avok<br />
vavagjtii- même fait foukver tous les Barons Tîow/ïmj contré k Pontife,<br />
qui ne pu0|rentrer dans Riome, que par; Paffedibn particulière,<br />
, 6c la dextérité de JAQUES CAFUCCIO, qui eut affez de crédit<br />
pour appaifer. la colère du Peupk; nx^ le St. Père, pour s'y<br />
maintenir, fut obligé de pubUer une nouveUe Croifade coi^e<br />
FRE'DE'RIC, qui venait, avec une puiffante ArÉiée, attaquer<br />
ri^tat-Mcléfiaftique, Ce fut-là k féconde caufe de f affoibliffement<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Dt J E'R tr s AL E M. Lm Xï. CH. Tl, if6f<br />
ment de ceUe qui étoit deftinée pour la Terre-Sainte, Quantké<br />
de Croifés crurent d'avoir fuffifàmment accompU leur vœu, en<br />
prenant parti au fervice du St. Siège, Plufieurs autres, plus<br />
dévots, qui vouliirent,de bonne foi, terminer leur pderinage,<br />
furent obUgés de demeurer, faute de pouvoir s'embarquer. Les<br />
Fénitiens s'étoient engagés à porter ks Troupes, deftinées<br />
pour Coriftantinopk; Se les Génois y qui foutcncûeiifc le Pape,<br />
avoient befoin de toute leur Flatte, pour faire tête à ccUe d€s<br />
Pifans y qui favorifoient FRE'DE'RIC. •^^>. .-<br />
Tous,ces contretems obUgèrent le plus grand nombre dâs^'j/^'J^^<br />
Croifés fcrupuleux à prendre la route de tcrr^, qui ne leur futauxCroîpas<br />
moins funefte, qu'à ceux des Croifades précédentes. La plu-o/L^"'<br />
part périrent de faim, 6c de milèrcrde forte que leur entreprife «'^^*^eftir<br />
fut entièrement inutile aux Chrétiens de k Pakftine;^ puifque '1239.<br />
k petit nombre de ceux qui eurent k bonheur d'y parvenir,<br />
étoient exténués," Se fi foibles,"qu'fls fe trouvèrent hors d'état<br />
dc rendre aucun fervice. LeRoi de Navarre y avec quelques . r<br />
Seigneurs, Se nombre dc troupes, qui s'étoient embarquées à<br />
Marfeilky Se à AiguemorlCy furent les feuls, qui y arrivèrent<br />
heureufement. **•<br />
Ce renfort, quoique médiocre, en comparaifon de k grande<br />
Armée, qu'on avoit efpérée,fit un^ extrême plaifîr aux Habitans<br />
de PtohmaïdCy 6e aux ChevaUers du Tempky lesquds, à l'instigation<br />
du Seigneur d'iBELiNf ne vivoient pas en fort'bonne<br />
intelligence avec les Officiers de P&î^ereur, dont fls ef^roient<br />
de fecouër entièrement k fujettion. Auffi, cette mésintelU--^'^««f
i6S H l s T o I R E G E' N E' R A L E<br />
Nouvelle pflkr, 6c ravager indifféremment tout le pkt-pays de la dépenvéTpart<br />
dance du Roi de Dama% Sc du Soudan dEgypte, Ce dernier,<br />
s^dan informé du débarquem^tit d'une nouvelle Armée dc Chrétiens<br />
contre les CU Pakftine y 6c ne doutant pas que, malgré la TrèveVeUe ne<br />
Chrétiens.^^j. ygnug pour iàîrè k guerre à ceux de fa croïance,auffi bien,<br />
qu'à lui même, outre fArmée, qu'fl tenoit en campagne, contre<br />
le Soudan d& Damas y eri leva promtement une autre, qu'fl<br />
envoïa au Gouverneur de Gaza y pour défendre cette Place, 5c<br />
les autres Terres, qui luî appartenoient dans cette Province;<br />
6c'ce fut la précaution de ce Prince Infidèky qui fit échouer<br />
J24'^- toutes les entrcptifes, que les Croifés auroient pu faire contre<br />
fes Etats.^^, *" — . ,^^.<br />
Lcs Croifés s'étoient campés aux environs dAfcakmey dans<br />
le deffein de relever les murs de cette Place; mais la jaloufie,<br />
qui ne manque jamais de fe gUffer parmi k pluraUté des Chefs,<br />
furtout lorfque ks uns font indépendans des aRptres, les désunit<br />
fi fort, qu'au lieu de s'attacher à un ouvrage, auffi utfle, que<br />
^^ ^, ^néceffaire, Se dans lequel ils n'auroient rencontré aucun obfta-<br />
^mauvai-cXey par faport à la difcorde des/«^^^/ifj, ils ne penferent, au<br />
•f,/chl?/contraire, qu'à courir, 5c butiner la campagne, chacun avec<br />
tiens. fes Troupes'^particulières i 6c felon fon caprice; de forte qu'il<br />
y avoit autant de bandes différentes, .qu'fl y avait de Chefs.<br />
La jaioujîe Lc Roi de Navarrc y Sc le Duc de Bourgogne y piqués des<br />
Princi" louanges extraordinaires , qu'on donnoit au Duc de Bréta-<br />
Croifés. gne, Se à qudques autres* Seigneurs, qui avoient fak de<br />
riches butins dans kurs courfes, voulijrent auffi faire parler<br />
d'eux, contre le fentiment des TemplierSy Se des Seigneurs<br />
du pays , qui désaprouvoient ces .brigandages. Ils s'unirent<br />
avec les Comtes de 5tfr, 5c de Montfort y 6c fe jettèrent du<br />
côté de Gaza y dont ils ravagèrent les environs, fans trouver<br />
aucun obftade. Ces avantages, leur faifant croire, que la<br />
garnffon de la Vflle ne feroit pas plus de réfiftance, ils fe mirent<br />
en état de la furprendre; perfuadés qu'une adion fi ècla-<br />
4— tante<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LIV. XI. CH. H. $6p<br />
tante effaceroit les appkudiffémens, que s'étoient attirés leurs<br />
dvaux.<br />
Le Gouverneur de Gaza, quî étoît grand-Homme de guer- article IK<br />
rc, informé par les Payfans, qui couroient s'y réfugier, des l^^^f^f^'<br />
préparatffs, que faifoient les Chrétiens y fortit avec la garnifon, ^""Ï'"'-<br />
6c afla fe pofter avantageufement. Après avoir bien reconnu Gaza,<br />
leur manœuvre, fl les attaqua fi brufquement, 6e avec tant de<br />
fuccès, qu'ils forent effrayés de voir en armes, Se en fureur,<br />
des gens, qu'ils s'étoient flattés de furprendre. Hs ne penferent<br />
plus, qu'à fe retirer ; mais fl n'en furent pas quittes,<br />
auffi facilement qu'fls le croïoient. Le Commandant Sarrafin<br />
y qui s'apperçut dc leur embarras, les fit attaquer par fe<br />
Cavalerie , quî, étant toute fraiche , les dardoit de loin à<br />
coup de flèches, fans qu'fls puffent l'aprodiet, par taport à<br />
la laflkude de kurs chevaux, qui ne pouvoient plus remuer<br />
dans le fable mouvant, dont ce pays eft entièrement cou^<br />
vert.<br />
Après avoir paffé prefque toute k journée dans un com»bat<br />
fi étrange , 6c fi funefte , les Chrétkns furent encore<br />
^obligés de paffer la nuit fous les armes dans un endroit<br />
auffi incommode , 6c fans aucune nourriture pour les gens,<br />
ni pour les chevaux. U n'eft donc pas furprenant, fi, malgré<br />
leur bravoure , 6c leur courage , ils furent enfin contraints<br />
de fuccomber, fous le grand nombre d'Ennemis, qui<br />
les environnoient.<br />
Pour comble de disgrâce , ÎOrà que le jour Commença à ^"^^^<br />
parokre, Se qu'fls efpéroient de fe retirer d'un auffi mauvais maibeurs,<br />
pas , où leur trop de confiance ^ 6c leur témérité les avoit<br />
engagés, le Gouverneur de Gaza fut renforcé par les Troupes<br />
, qui lui vinrent dEgypte, Alors fl ne craignit plus de<br />
faire attaquer,de près, des gens, dont la laffitude, le fommeil,<br />
la faim, 6c la foif, avoit entièrement épuifé les fôr^<br />
ces. En effet, ils étoient fi accablés, qu'à-peine pouvoient-<br />
Cc cc fls<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^70 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
ils foutenir leurs armes. Us ne laifferent -cependant pas de<br />
vendre bien cher leur vie , 5c dc faire;, dans cette malheureufe<br />
occafîon, tout ce qu'on peut attendre des plus fameux<br />
Guerriers , Se des Soldats les plus déterminés. Ne<br />
pouvant enfin plus réfifter à la quantité de gens frais, qui<br />
les chargeaient de toutes parts, leur défaite fut fî grande,<br />
que le Roi de Navarre y Se le Duc de Bourgogne y avec un<br />
petit nombre d'autres Perfonnes, furent les feuls, qui fe fauverent<br />
de cette horrible boucherie.<br />
Les Comtes de Bar y Se de Clermont y avec plufîeurs autres<br />
Seigneurs de la première condition, y perdirent la vie;<br />
le Comte de Montfort y avec divers Barons Ff^ançoiSy furent<br />
mis aux fers, 5e conduits prifonniers au Caire.\ A' Pégard<br />
du Roi de Navarre y Se du Duc de Bourgogne y après avoir<br />
erré, pendant deux jours, 5e deux nuits, par des fentiers,<br />
qui leur étoient entièrement inconnus , ils parvinrent enfin<br />
à Jaffa y Se enfuite au Camp dAfcalone, où la nouvelle du<br />
funefte accident ;, qui venoit de leur arriver , confterna, fi<br />
fort le refte de l'Armée , que , fans plus fonger à aucune<br />
autre entreprife, efle reprit, fur le champ , k chemin de<br />
Ptolomaïde.<br />
Article V. La malheurcufe, 5c fatale avanture des Croifés, dans un<br />
^ . tems, qui leur aurait été fî favorable à faire de grands<br />
Conjlerna- v r i r Y-J,, I • A t rr<br />
nation à progres lur les Infidèles, chagrina extrêmement les lem-<br />
KuSde. pliers y qui n'avoient eu aucune part à leur mauvaife conduite.<br />
Ces Chevaliers ne furent pas moins fâchés, peu de<br />
'jimance î^"^^ après, que le Roi de Navarre, 5e les autres SeirffyXera-<br />
gneurs Croifés y commencèrent à parler de s'en retourner en<br />
VsouS.n Europe ; d'autant plus qu'ils allaient demeurer feuls expofés<br />
è^wHo- ^^ reffentiment des EgyptieriSy dont on avoit ravagé les Terfpitaiiers<br />
rcs. Dans cette crainte, les Templiers firent fecrettem^ent Al-<br />
Soudan fiance avec le Soudan de Damas, Les principales condiii-Egpyte.<br />
tions du Traité furent ; " QLi'il kur rendroit ks Châteaux<br />
de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. XI. CH. II. ^71<br />
„ de Beaufort y Se de Saphet y Se qu'ils s'entre-fecourroient récî-<br />
„ proquement contre le Soudan dEgypte , leur Ennemi com-<br />
,) mun. 11 eft vrai , que cette Alliance n'était pas moins<br />
condamnable, que les courfes incônfidérées , qu'avaient fait<br />
ks Croifés.<br />
Les Hofpitaliers ne tardèrent pas à découvrir ce Traité.<br />
Leur haine invétérée contre les Templiers leurs rivaux, fit, que,<br />
pour leur être toujours oppofés, ils firent, de leur côté, une ligue<br />
avec le Soudan d Egypte ;çe qui n'étoit pas moins déshonorant,<br />
que pernicieux. Ces Afliances capricieufes, 5c três-blamables<br />
attirèrent bien tôt des Ennemis à ces deux Religions, qui<br />
faillirent à les détruire Pune, 5c l'autre ; mais c'eft à quoi les<br />
Hommes les plus fages, 5c les plus prudens, ne font guères d'attention,<br />
lorsqu'il s'agit de fatisfaire à leurs palfions déréglées.<br />
C H A P I T R E III.<br />
Cependant le Roi de Navarre y non moins dégoûté du mal- Article/,<br />
heureux fuccès de fes entreprifes, que de la mésintelligence,<br />
5e des ligues, que venoient de faire les Ordres Militaires<br />
, après avoir vifîte le St. Sépulcre, en compagnie des autres<br />
Seigneurs Croifés, s'embarqua avec eux, fans que la mauvaife jyf^^^j. ^^^<br />
iffue de leur expédition pût empêcher les Chrétiens d'Europe Seigneurs<br />
1 3 1 ^ ' ' 1 - 1 Croifés.<br />
de prendre la Croix, pour en commencer une autre. Tant leur<br />
'zjdey Se leur empreffemènt étoit extraordinaire en ce tems-là<br />
pour le recouvrement du Roïaume de Jéfus-Chrifl; Se pour le<br />
Saint voJage, dont aucune difficulté, ni aucun danger ne pouvoit<br />
les dégoûter.<br />
En effet, prefque dans le même tems, RICHARD, Comtc<br />
de Cornouaille y Frère d'HENRi III. Roi dAngkterre, fe mit à<br />
k tête de quarante mille Hommes de fa Nation, qui avoient<br />
Cc cc 2 „ pris<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
f72 H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />
pris la Croix y à la folUcitation du Patrkrche de Jénrfalemy &<br />
de divers autres Prédicateurs, que k Pape avoit envoïés en ce<br />
pays-là, pour exhorter les Peuples à fecourir k Terre-SairUe^<br />
Tant ce Ponrife étoit attentif à profiter de f occafion-de la guer*<br />
re,que les Infidèles fe faifoient entre eux; malgré les embarras ><br />
où il fe trouvoit lui même de réfîfter à F RE'D E R IC, qui sétoit<br />
avancé, avec fon Armée, jufqu'aux portes de Rome, dans Pintention<br />
d^en exterminer k Peuple ; mais, au lieu d'être reçu<br />
avec magnificence, comme il s'y attendoit, il i reu va qu'on<br />
Visite- avoit pris les armes, pour lui en difputer l'entrée. Auffi, fe<br />
wurFré- colère fut fi grande, qu'fl fit fendre la tête en croii!: à pludéric<br />
«1^<br />
|eRome, fieurs Prifonnicrs. Il eft vrai, que, connoiffant enfin, qu'il<br />
rE'tatlEc- lui étoit impoffibk de forcer cette Capitak du Monde Chrétien^<br />
nu?^^' que les Habitans défendoient, avec une vigueur, 6e N une opiniâtreté<br />
extraordinaire; furtout pour la confervation des Tètes<br />
de St. Pierre y Sc de St,Paul y que le Pape fit porter proceffionrellement<br />
, en les tenant toujours embraffées , FRE'DERIC<br />
abandonna cette entreprife. Se ravagea, de dépit, k campagne<br />
de Rome y les Vflks de Eenevento^y Sora, Montcaffm, &<br />
plufieurs autres Terres de VE'tat Eccléfiaftique.<br />
Article//. La défolation de ces lieux, non plus que le pfllage^ 5cle<br />
facagement des maifons,'5c autres biens, que poffédoient les<br />
Templiers dans cet E'tat, dont il s'empara, fous prétexte qu'ils<br />
avoient été les infradeurs de la Trêve avec les Sarrafins, ne<br />
fut encore rien, en comparaifon des maffacres, des incendies,<br />
. Se des terribles ravages, qui fuivirent cette cruelle guerre.<br />
J^GueU ^^ ^^ forma en Italie deux partis confîdérables, & puiffans,<br />
u^,^des fous les Noms de GUELFES, 5C de GIBELINS. Les premiers tenoient<br />
pour le Pape, 5e les autres pour l'Empereur. Us penferent<br />
renverfer toute VItalie de fond en combk, 5c enfévelir<br />
tous les Peuples fous les ruines de ce beau, mais malheureux<br />
pays. Le Pontife extrêmement fenfibk à tant de calamités publi-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lrv. XL CH. IIL STJ<br />
bliques, 6c particuUères, réfolut de convoquer un Conole gé-Cmdu gth<br />
néral à 5/. Jean de Latran, afm de diercher les moïens d'en Zltizi.<br />
arrêter le cours. Il envoïa, pour cet effet, deux Cardinaux<br />
Légats en France y Se en Angleterre y Se d'autres Nonces aux<br />
autres Puiffances Chrétiennes y pour y inviter ks Princes, 6&<br />
Prélats, 6c poiur en accélérer f Affemblée.<br />
FRE'DE'RIC, bien informé des démarches, 6c des deffeins ^««^^<br />
-I r» 1 • /-> -1 OA -v Frédéric<br />
du Pape, ne douta point, que ce Concile ne fut entièrement cmtre «<br />
contraire à fes intérêts, 6c convoqué pour fulminer contre lui ^^*^quelque<br />
nouvel anathême.^ U ne s'en mettoit pas, à k vérité,<br />
fort en peine en fon particuUer ; mais fl apréhendoit qifil ne<br />
lui aUenàt ks efprits des Peuples, Sc n'augmentât la difficulté<br />
où fl fe trouvoit de réduire diverfes Provinces mal-intentionnées»<br />
U réfolut dé tout mettre en ufege, pour en interrompre la te»<br />
nue, Se poiu s'oppofer au paffage des Perfonnes, qui devoknt<br />
fe rendre à Rome y pour y afiifter.<br />
Dans ce deffein il ordonna à ENTIUS, fon Fils naturel. Roi<br />
de Sardaigne, de renforcer fa Flotte, 6e de fe joindre aux Pifans,<br />
pour attaquer celle du St. Siège, Se des Génois, qui, à.<br />
k foUicitation de GRÉGOIRE, favoient beaucoup augmentée,<br />
afin de mieux affurer le chemin aux Légats, aux Ambaffadeurs,<br />
Evêques, Abbés, 6c autres Perfonnes, qui s'étoient rendus k<br />
Gi'nes, pour le m me fujet. Plufîeurs des Prélats, qui fe trouvoient<br />
dans cette Ville, 5e qui avoknt rencontré quelque diffi*<br />
CMlté dans leur route, apréhendant d'en trouver encore de plua<br />
fàcheufes dans le chemin, qui leur reftoit à faire, refuferent<br />
d'abord de s'embarquer ; Mais ils furent encouragés par les Lettres<br />
du5/. Fère,p^r les remontrances des Légats,5c par les affurances<br />
des Commandans Génois, qui leur diloient, qu'fl n'y avoit<br />
rien à craindre; 6c que, quand même ils rencontreroient k<br />
Flotte ennemie, k kur étoit affez forte pour k disfiper.<br />
Cc cc 5 Ik<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Ç7^ HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
jLrticie/rf 'Us s'embarquèrcut enfin cous, mais les Génois ne fiirent pas<br />
\^^^' J fi heiweux dans cette occafîon, qu'ils s'en étoient flattés. Us<br />
rencontrèrent ENTIUS, 6C les Pifans, dans la mer de Tofcane.<br />
Le Combat' fut rude, 5c û fatal aux Génois y que trois de leurs<br />
Galères coulèrent à fond, 5e k plupart des autres furent prifes<br />
avec les Cardinaux Légats, les Ambaffadeurs j Evêques, Ab-<br />
* bés, • 5e autres Perfonnes. Us furent tous conduks prifonniers<br />
'^^d?tns les Qhite2iux"de Naples ; Se, malgré leurs caradères, on<br />
les traita fî indignement, 5e avec tant de rigueur,que plufieurs<br />
^rdinaux, mourureut de mifère, 5e de douleur. Celle que GRE'GOIRE<br />
^aMre's rcffentît de leur difgrace fut très vive; 6c fl ne put vok, fans<br />
ffifj"^;-. mourir,, le malheur, qui leur était arrivé, 5e qui renverfoit<br />
fonniers. fous fes projets, auffi bien que la Paix, qu'fl s'étoit flatté de<br />
Mort de donner à f Eglife. U décéda p'eu de tems après. Ce Pontife<br />
Grégoue. ^^Q\^ gouvemé PEgUfe un peu plus de quatorz,e ans, avec un<br />
!z,êle, 5e une fermeté incomparable, malgré fon grand âge, la<br />
perfécution continuelle, qu'fl fouifrit de fEmpereur FRE'DE'<br />
RIC, 5c tous les autres troubles, qui affligèrent fî cruellement<br />
Céleftin PEgUfe, 5e VItalie, pendant le cours de fon Pontificat. CELES-<br />
/r. luijuc- Yjj^ ly Milanois de nation, qui lui fuccéda, n'eut ni le tems<br />
de remédier à ces désordres, ni celui d'accomplir la tenue du<br />
Sa mort, Concflc, qu'fl avoît convoqué ; car il ne vécut, que dix-huit<br />
jours après ffon exaltation ; cette haute dignité n'aïant pu le<br />
guérir des infirmités, dont fl étoit atteint depuis loftg-tems. fl<br />
ne fut pas pofliible aux Cardinaux de s'affembler après fa mort,<br />
pour procéder à une nouvefle éledion. Ceux qui fe trouvoient<br />
au pouvoir de PEmpereur , proteftoient contre toutes celles<br />
qu'on pourroit faire en leur abfence ; Se ce Monarque, s'obftinant<br />
toujours à ne les point rélâcher, le St. Siège vaqua près<br />
de vingt-un mois. Mais FRE'DE'RIC, s'étant enfin rendu aux<br />
foUkitations de BAUDOUIN II. Empereur de Confiantinopk, qui<br />
fe trouvoit alors en Italie, il rendit k Uberté aux Cardinaux,<br />
6c aux autres Prélats; ce qui donna le moïen au Sacrê-Collégt<br />
. dc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LÏV. XL CH. m. sy^<br />
de s'affembler à Agnani, où le 24.. Juin ', jour dédié à St. sulafiùn<br />
Jean-B tifte, ils élurent, d'un commun confentement, le '^'Jnno-<br />
Cardinal FIESQ^UE, Génois de Nation, qui prit le nom d'iN- rceieftin.<br />
NOCENT IF, ^^•<br />
Pendant que les affaires du St. Siège fe trouvoient dans une Trifie fifi<br />
déplorable fituation, par la perfécution de F R E'D E'R I C , cel- ^^^^^ffl^ '^^A<br />
les de la Terre-Sainte n'étoient pas dans un état moins afi3î- la Paieiiîgéant.<br />
La difcorde des Ordres MiUtaires, qui continuait, "^*<br />
Se f averfion des gens du pays contre les Allemands, ne permettoient<br />
pas à cet infortuné pays • de fe relever , malgré les<br />
puiffans fecours, qui y aUoient d Europe. Ces désunions les<br />
rendoient entièrement inutfles, 5c donnoient Ueu aux Ennemis<br />
de triompher ; de forte que le voïage du Comte de Cornouaille<br />
fut aufli infrudueux, que l'avoit été celui du Roi de<br />
Navarre, Se des autres Seigneurs de la Croifade,<br />
Quoique ce Comte eiit le malheur deffuïer une forieufe^'J^J^j/*<br />
bourafque fur les côtes de la Caramanie, qui fit périr plufieurs comouaiide<br />
fes Vaiffeaux, 5e quantité de monde, 5e qu'fl abordât à ^ ^'^*<br />
Tyr en affez mauvais équipage, fl lui reftoit encore affez de<br />
Forces, pour faire quelque entreprife de confidération contre<br />
les Infidèks; mais, par malheur, fl trouva, 5c RAINAUD DE<br />
B A VIE R E, 5c les Ordres MiUtaires, fi mal difJDofés à le feconder,<br />
qu'fl prit le parti de s'en retourner, fans rien tenter, après<br />
avoir vifite les Saints lieux, 5e retiré de captivité quelquesuns<br />
des Seigneurs, qui fe trouvoient prifonniers au Caire y depuis<br />
f affaire de Gaza, ll les débarqua en Italie y Se continua<br />
fa route vers VAngleterre, auffi peu fatisfàit de fon expédition,<br />
que tant d'autres Princes, qui avoient entrepris le Saint voïage<br />
avant lui, 6c également perdu leurs foins, leurs dépenfes.<br />
Se leurs armées, fans aucune utiUté.<br />
CH4^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
57^ HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
C H A P I T R E IV.<br />
^1^2.^' T E Roi de Chypre y qui, malgré k tranquflité, cïont jouiA<br />
|^>««^ X^ foient fes E'tats , craignoit toujours , qu'après que les<br />
s'enretmr- Sarrofins auroîcnt terminé leurs querelks, ils ne s'accordaffenC<br />
"'* enfin , pour envahir ce que ks Chrétiens poffédoient dans<br />
hPakftiney Se ne Pattaquaffent enfuite lui-même, profita de<br />
l'opulence de fes Peuples, afin de fe mettre en état de réfifter<br />
aux attentats des Infidèles. U taxa les affés de fon Roïaume,<br />
le Qergé, la Nobleffe, la Bourgeoifîe, Scie menu Peuple,<br />
chacun felon fon pouvoir,6e rempUt en peu de tems fes coffres;<br />
perfuadé que c'étoit-là le véritable moïen de foutenir la guerre.<br />
Il fit auffi réparer les fortifications de fes Places, fur tout celles<br />
de Limifol, que fon Prédéceffeur n'avoit pas eu k tems<br />
d'achever.<br />
Il avoit bien raifon d'aprèhender k perte entière du Roïau*<br />
Erttret>rUe mc dc Jérufakm, 6c le voifinage des Sarrafins. Le SouM<br />
d^E^^pte" dEgypte y extrêmement indigné contre les Templiers y à caufe<br />
pafeftine. ^^ la Uguc, qu'ils a voient faite avec celui de Damas y fon En»<br />
nemi, fè fervit utflement des Corafmins y que LE BLOND, danâ<br />
fon Livre de la décadence de lEmpire Romain, nomme Grofi<br />
fons y pour fe vanger de ces ChevaUers. Il eft vrai, qu'en en* •<br />
voïant ces Peuples cruels, 6e barbares, dans h Pakfiine y flaccabloit<br />
également les gens de PEmpereur, 6c les Hofpitaliers;<br />
quoique ceux-ci, bien loin d'avoir été infradeurs de la Trève^<br />
avoient fait avec lui une Ugue contre le Soudan de Damas.<br />
rfaSoïdan Maîs, outrc Ic défir de vangeance, quiPanimok, VEgyP'<br />
-^'Egypte, fjgf^ étoit bien aife d'éloigner de fes Etats une Nation furieufe,<br />
6c vagabonde, queles Tartares avoîent chaffe de Perfe y où<br />
elle<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
* E J E'R u s A L E M. Lïv. XL CH. IV. y^Y.<br />
efle s'étoit emparée d'une Province, dans laquelle elle s'étoit<br />
enrichie ; de forte que, comme ils fe trouvoient pour lors fans<br />
terres 6e fans rétraite, le Soudan apréhendoit, qu'fl ne leur prît envie<br />
de faifir dc quelque partie de VEgyptey dont il auroit eu bien<br />
de la peine à les chaffer. Ceft pourquoi, en déchaînant ces brutaux<br />
contre fes Ennemis, fl fe donnoit la commodité de fortifier<br />
k ViUe de Belbeis, anciennement Pélufium, qui eft la<br />
principale ckf de VEgypte, du côté de la Paleftine, 5c dont<br />
les fortifications, jointes aux marécages, qui fe trouvent entre<br />
cette Place, 5e le Défert, affuroient fi bien fes Etats de ce côte-là<br />
, qu'fl n'auroit plus à craindre leur invafion ; bien perfuadé,<br />
que, s'ils entreprenoient de forcer un paffage fi dangereux,<br />
ils y périroiejît immancablement, comme il étoit arrivé, felon<br />
DIODORE^ à ARTAXERXES, dont l'Armée étoit incomparablement<br />
plus grande. Se plus floriffante, que celle des Corafmins y<br />
lorfque ce Monarque Perfan faifoit la guerre à NECTABO , Roi<br />
dEgypte.<br />
Ces Peuples, qui joignaient à leur férocité naturelle favidité Article //.<br />
de fe dédoÀimager des rkheffes, dont fls avoient été dépbuil- corat^'<br />
lés en Perfe y traverfèrent fi proîntement les trois Arables, ^^^^Pew<br />
qu'ils arrivèrent en Paleftine y même avant qu'on y fût informé wa,^<br />
de leuï marche, 6e fe jettèrent avec tant de foreur fur la ViUe ^""^a pade<br />
Gaza y que Bosio raporte, qu'ils s'en enfparèrent en peuieiiine.<br />
de jours. Se maffacrèrent, tous les Templiers y qu'ils y trouvèrent;<br />
foit que le Soudan en eût retiré la garnifon, avant d'y/îa^^M,<br />
envoïer ces Barbares y ou que les mêmes Chevaliers Pen euffent f^jj^^<br />
diaffée.<br />
Enfin,après l'entière défolàtion de cette Villeyks Coî-afm^s<br />
^avancèrent à Afcalone y où les Chrétiens avoient nouvellement<br />
bâti une Fortereffe, qui ne leur réfifta pas plus long-tems. Us<br />
y exercèrent les mêmes cruautés, qu'ils avoient fait à Gaza.<br />
Le ravage inopiné de ces désefperés, fit fur le champ ce que la<br />
'raifon, 6c la crainte des armes des Sarrafins, n'avoient pu<br />
Dd dd fake.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
7S HISTOIRE G E- N F R A-L E'<br />
faire, à l'égard. des Ordres Militaires, dont les indfliations, &<br />
les fentimens avoient été jufqu'alors fi oppofés.<br />
V/frmie Car ks Corafmins, ne faifant aucune dflHndion entre les<br />
^•^'i^^*^"; Amis, ouïes Ennemis du. Soudan y qui les avoit envoïés, k<br />
ne ^T ctlle ' x , J —<br />
(fM Soudan péril étqit devenu commun pour tous les Clfrétiens de la Pakstams'p^r<br />
tine. Lcs Hofpitaliers y avec GAUTIER DE BRIENNE, Frère utejfijCoras-<br />
j-in, OU Neveu du Roi JEAN, qui étoit alors Comte de Jaffa^y.<br />
unirent leurs Forces. Les Templiers, par une néceffité indispenfable,<br />
5c. les Barons du pays, fe joignirent à eux, pour arrêter<br />
le torrent, qui les alloit tous inonder. Le.Soudan.de Damas<br />
y qui n'était pas moins intéreffé, que les C^r^-^Vcj, à fa<br />
deftrudion dc cette maudite race, leur envoïa un. renfort de<br />
4000. Chevaux.- Ils réfolurent alors d'afler combattre les Co*<br />
rafminSy qui étoient campés près du pont de Tibériade. Lea<br />
Officiers de la Cavalerie de Z)tf/«/7i n'étoient point du fentiment,.<br />
qu'on allât afronter des gens désefperés, qui tenoient pliis'de la<br />
Bête féroce, que de PHomme. Ils propofèrent, de les réferrer<br />
dans les endroits les plus ftériks, pour les voir bientôt fc<br />
débander eux mêmes, faute de fubfiftânce; defort^e'qu'ils auroient<br />
alors la commodité de les défaire j fans fe rffquer à l'événement<br />
incertain d'un combat général; Mais, malgré ces fages<br />
remontrances, les Chrétiens n'écoutèrent, que leur ardeur, fe<br />
rangèrent en bataiUe, 6c. aUèrent la leur préfenter.<br />
Ces Barbares y qui y tous groffiers qu'ils étoient, n'ignoroient<br />
pas entièrement les rufes delà guerre, reconnoiffant que Pendroit<br />
, où ik fe trouvoient, n'étoit point affez fpacieux, pour pouvoir<br />
combattre à leur aife, paflerent promtement le Jourdain y<br />
6ç aflèrent camppr dans une vafte plaine à deux lieues de-Ei.<br />
JwtprudertifLes Chrétiens, eurent l'imprudence de confidérer ce mouvement,<br />
tisM. ^ comme une vérkabk fuite; deforte que, fatisfaits de les avok<br />
épouvantés, ils campèrent eux mêmes dans le pofte, queles<br />
Corafmins venoient de quitter, avec autant de tranquilité &<br />
de xonfiaiice, que s'fls avoient été dans une Pkce bien fortifiée.<br />
N6^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
»<br />
tit JE'RUSALEM. Liv. XI. CH. IV. j?a<br />
NégUgence impardonnable à des gens auffi expérimentés dam<br />
'4'art miUtaire, dont fls faifoient profeffion !<br />
Mais eUe leur coûta bien cher. Les Corafmins, auffi diUgens,<br />
que les'Ci&r^//V«j avoient été mal-avifés, profitèrent de<br />
• quelques barques de Pêcheurs, qu'ils rencontrèrent fur k rive<br />
du Lac de Genazareth y3.yec lesquefles ils firent paffer, pendant<br />
k nuit, une partie de leur Infanterie fur l'autre bord; pendant<br />
que leur Cavalerie traverfoit le Jourdain^un peu au-deffus de k<br />
fontaine de Capharnaon. ' Leurs Troupes s'unirent juftement<br />
au point de jour, 6c aflàfllkent fi furieufemient'les C/)r^//m,<br />
que, malgré la diUgence, avec laquelle ils s'armèrent, 5c fe<br />
mirent en bataille, fl leur cn coûta beaucoup de monde ; mais<br />
ils eurent enfm le bonheur de repouffer ces cruels Ennemis, 5c<br />
de les mettre en fuite. V<br />
Cependant, par une continuation de mauvaife conduite, au •<br />
lieu de profiter,de leur avantage, 5e de combattre félon ks règles,<br />
ils fe déroutèrent entièrement. Lès uns pourfuivirent<br />
les fuïards. Les autres s'amufèrent au pfllage de ceux qui avoient<br />
été renvcrfés; 6e aucun d'eux ne s'avifa de remarquer, qu'fls<br />
alloient bientôt avoir des Ennemis frais fur les bras. Bsndant Perte ai%.<br />
qu'ils en étoient aux mains, le refte de flnfanterie Corafmine desChiétraverfa<br />
la mer Tibériade fur les niêmes barques. Il y forma ^'^"'*<br />
d'abord un gros Bataillon, accueilUt une bonne partie des fuïards,<br />
Sc attaqua les Chrétiens, ^wec tant d'anîmofité, 6c de promtitude,<br />
qu'il leur fut impoffible de fe Rejoindre, ni de fe râUier,<br />
pour leur faire tête; deforte qu'ils âs^ijurcrit ks vidimes dc<br />
ceux, dont îls pouvoient triompher ; 5c leur défaite fut fî grande<br />
, que très-peu échapèrent au fer des Ennemis. La Cavalerie<br />
du Roi de 2)^w^.f combatit même, de fî bonne foi, dans cette<br />
occafion, qu'fl ne s'en fauva pas la quatrième partie, ni la<br />
dixième des Chrétiens, • Ces miférables reftes s'enfuïrent à Ptolomaîdey<br />
où k confternation devint exceffive, par l'imminent<br />
ianger, où cctte Vflle fe voïoit expofée, faute de défenfeurs. ><br />
Dd dd z En<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
fSo H I S T O I R E G E' N E R A L E<br />
En effet, les Maîtres du Timpky Sc des Teutoniques y avec<br />
grand nombre de leurs Chevaliers, 5e de ceux de VHopital,<br />
moururent fur le champ,de bataille. Le Maître de ces derniers,^<br />
Se GAUTIER DE BRIENNE, furent faits prifonniers. GUIRBOCA,<br />
ou BARBACA , que quelques-uns nomment BARAT, Chef des<br />
Corafmins y les envoïa enchaînés au Caire, pour donner ^VL Soudan<br />
des marques de fa Vidoire, 5e lui faire connaître, avec<br />
quelle ponduaUté fl.exécutoit fès ordres.. Ges deux" Seigneurs<br />
périrent miférablement dans les fers,» peu de téms après.j<br />
Article///. Après une vidoire fi complette, les Corafmins y ne trouvant<br />
Jérufalem plus aucuu obftack à kur entreprife, aflèrent fe jetter fur Jét^ufa--<br />
^iC^' ^° ^^^' ^^ ^^^^ ^^^^^ d'autant plus facile de s'en emparer, que RAI<br />
NAUD DE BAVIE'RE venoit de mourir, 5e que ks Troupes jt/I^<br />
mandes y qui reftoknt encore dans le Roïaume, avaient été diA<br />
tribuées dans les Vifles de Tyr Se de Ptolomaïde. D'ailleurs,<br />
ks Habitans de la" Sainte - Cité n'étoient capables d'aucune réfiftance<br />
; fur tout dans k mauvais état, où elle fe trouvoit alors.<br />
Auflû, devint-elle d'abord la proie dé ces inhumons, lesquels<br />
furpaffant encore toutes les, autres Nations Barbues en cruauté<br />
, 5e en violence, après favoir pfllée , 5e facagée, affouvi<br />
leur brutaUté-, 5c exercé tout ce que la rà^e, 5c la fureur<br />
la* plus infernale peut .infpirer de plus exécrable aux plu»'<br />
méchans des Hommes , maffacrèrent, ou égorgèrent indifféremment<br />
toutes les Perfoniiés, qui eurent le malheur de s'y trouver,<br />
fans diftindion d'âge, ni de fexe, même jufques fur les<br />
Autels du St. Sépulcre y où les pauvres Chrétiens s'étaient réfugiés,<br />
comme dans un lieu fecré,5e qui jufqu'alors avoit toujours'<br />
été refpedé par les Nations ks plus Barbares y Seles plus dé-'<br />
naturées.<br />
Non contens de tant d'excès exécrables, ks Corafrnins ren-<br />
Ycrferent encore*tous les plus beaux Edifices,qui reftoient dans<br />
cette ancienne Ville, 5e la réduifirent enfin dans un état.fî déplorabk,<br />
qu'on n'y reconnoiffoit plus aucune marqua de fafplçndeur,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE J E' R U S A L E M: ' LIV. XL CIL IV. f^ r<br />
«<br />
deur, ni de'fa magnificence. Malheur ir:éparable, que k dés- Re/t^noif'<br />
union, 5e le manque de bonne foi,fi contraires à l'honneur, 6e '""'*^^'<br />
à h probité, attirent ordinairement aux Habitans, qui cn font<br />
coupables; Car on ne fauroit disconvenir,que la jaloufîe. Se.h<br />
difcorde des Templiers, 5c des Hofpitaliers y ne fuffent les caufes<br />
de cette nouvelk défolation dansia i*tf/^/>2^,principalement<br />
les ligues incônfidérées, que ks uns firent avec le Soudait de Damas<br />
y Se les autres avec celui d'Egypte:'<br />
Cependant, foit que ks Corafmins ne fuffent point fatisfaits Article/r.<br />
dés pays, dont ils s étoient emparés, Se qui font, en effet, c>ra(rains<br />
fort ftériks ; ouque leur naturel inquiet, brutal. Se orgueil-^^'^'^'^<br />
léiix', ne leur permît pas d'être longtems Unis, plufi^eurs d'en- Nations'.tre<br />
eux commencèrent à fe mutiner, 5c à fe fouftraire à Pobéïffance<br />
de kur Chef. Ils s'avancèrent, fans ordre,ni précaution,<br />
jufqu'aux confins de VEgypte y dans k vue de fe jetter fur quelque<br />
canton de cc beau Roïaume, qui leur plaifoit par fon abondance,<br />
5c par fes richeffes. Leur voifînage allarma le Soudan:<br />
Il n'en fut pas plutôt informé, qu'fl mit des Troupes en campagne,<br />
pour les empêcher de prendre pié dans fes Etats; Se<br />
fls furent contraints de rebrouffer cliemin.<br />
Leur désordre donna 2iux Chrétiens ^"de h Paleftine le tèms de ^^ Co^<br />
refpirer, 5c de fe mettre, autant qu'il leur étok poffible, en fmTlntiè.<br />
état de défenfe contre ces inhumains, dont ks maximes diabo-'î"?""^<br />
, 1 • / ^ ^M etetntsdans<br />
liques avoient egalem^ent excite contre eux les Chrétknii Se ks »« o»-<br />
Sarrafins. Us fc trouvèrent enfin enfermés dans des Ucux fecs,<br />
6e arides, où une partie périrent de faim 5e de mifère, fans<br />
que les autres fuffent quel parti prendre, pour fortir de ce labi-" ^<br />
rinte. Us s'étoient rendus fî odieux à toutes les Nations, que ^<br />
les y.'râbes, les lurcs, les Sarrafins y Se les Chrétiens'y ks regardoient<br />
comme leurs Ennemis communs; 5c chacun,s'empref^<br />
foit à les détruire, 5c à éteindre une Nation, qui n'étok pas<br />
moins cruelle envers les uns, qu'envers les autres.<br />
Dd dd 3. Auffi,.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
.fSî H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Auffi, tout déterminés, qu'ils étoient, ils ne purent ré^<br />
lîfter aux pièges. Se aux embûches,qu'on leur tendit de toutes<br />
:parts.* Selon tous les Hiftoriens, qui s'accordent en ce point,<br />
)ils furent entièrement exterminés, 6c anéantis-, dans une<br />
feule année , fans qu'il en reftât d'autre mémoire, que cel-<br />
:1e des ravages, Se des impiétés, qu'fls avoient commis en<br />
..P^/^/«^, 6c particulièrement à Jérufakm, Le Pape en fut<br />
fenfîbkment touché. Ce Pontife , qui, pour éviter la perfécution<br />
de l'Empereur FRE'DE'RIC , lequd continuok à dé-<br />
.foler V Italie , fut obligé de fe réfugier à L^on , y convoqua<br />
un Concfle univerfel., pour tâcher de remédier aux<br />
maux de l'Eglife, 6c de faire -rentrer .ce Prince dans fon<br />
devoir, 5c pour procurer quelque fecours CLUX Chrétiens Orientaux<br />
y dont le. foulagement ne lui tenoit pas moms au<br />
cœur, que fes Prédéceffeurs y avoient été'fenfîbks.<br />
F RE'D ERIC y fut excommunié. Se privé de VEmpirey<br />
te de fes autres E'tats , dont il fut déclaré déchu pour<br />
plufieurs crimes. Ses Sujets furent abfous du ferment dc<br />
fidéUté , Se les Ekdeurs mis en liberté de procéder à une<br />
nouveUe éledion ; Se Vun des principaux Décrets de cc<br />
Concfle porta, qu'on précheroit la Croifade contre' les Infi-<br />
.dèles y qui occupoient la Terre-Sainte y Se qu'on affifteroit<br />
puiffamment B A u D o u i N IL Empereur de Conftantkopk^<br />
qui s'étoît rendu en perfonne au Concilç , pour folficiter<br />
l'affiftance 3 dont fl avoit befoin, {)Our fe maintenk fur le<br />
Trône, 6c empêcher fes Etats de retomber au pouvok des<br />
iGrecs.<br />
Cvi^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
K E- J E'RU SA L E-M. Lrv. XL CH. V. f 3>'<br />
dM!>>fe;^^t«*'ii.iô9)...tôÎJi. . / J?^rope '<br />
6c aux Peuples, fiaffent- très-fortes. Les nouveaux troubks, qui '^'^^l' ^<br />
r • r J n f- . V mauvats<br />
furvinrent, preique dans toute VEurope y. ne permirent a aucu- /uccè; de lê^<br />
ne Puiffance de fonger à-k Pakftine^ ^'°'''^*^-<br />
En effet, ksEledeurs aïant apris, que le Concile avoit con- Extrémidanmé<br />
FRÉDÉRIC, 5e l'autorité qu'il leur donnait de procé- ^porieFxi<br />
der à une nouvelle éledion, s'affemblèrent à/^/r/z^r^, 5c «^^"«•"<br />
élurent Empereur HENRI , Landgrave de- Thuringe ; ce qui<br />
augmenta fi fort l'animofitê dc FRE'DE'RIC contre le Pape,<br />
6c contre fes.par^fens, qu'fl n'y eut forte de violence, dont il<br />
n'ufat envers eux, .6c où il-rfèmpjoîàt le fer, 6c le feu, pour<br />
les accabler; de forte que V Italie y SefAliènagne fe trouvèrent<br />
dans un fi grand désordre, 6c par ce fchisme,'.6c par cette<br />
guerre, que perfonne ne put s'engager pour fecourir la Tèrre-<br />
SarrUCy ni Conftantinople y ni-même h Hongrie y quife trouvoit<br />
égakment-rempUC' de Tartares y lesquek avoient aufli entamé<br />
la Pologne. V<br />
Ges Peuples, qui;-avoient épouvanté VEurope y Se VAfté, ^^^}^Y ^<br />
étoient fortis, felon les meiUeurs Autairs, de la Taurique- Xartarei.<br />
Cherfon^fe, 5e s'étoient habitués en Scithie. Ils s'y étoient tel- '*^'<br />
lement»mukipUés; que n'y pouvant plus fubfifter, ils furent<br />
obfir<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
|8+ HISTOIRE C E' N E' R AL E<br />
obligés d'en fortir, environ Pan 124.1, Leur multitude étoit<br />
fl grande, qu'ils fe partagèrent en trois corps. L'un entra<br />
dans la Perfe, faccagea ce Roïaume, 5e en chaffa les (orafi<br />
mins. Les autres fe jettèrent fur ks Roïaumes^ dc Font Se de<br />
Colchos, qu'ils ravagèrent de fond cn comble, de même que<br />
VlbériCy Se VArménie y 5e pénétrèrent enfuite ]uiQÙ'k Iconium,<br />
Capitale de la Lycaonie y 5e fiége Roïal des Turcs y qu'fls reni24
•E JE'RUSAXEM. LIV.XL CILV. jSç-<br />
le. U travaifla dabord à fe mettre en état de partir. Les<br />
Princes fes Frères, plufieurs Archevêques, Se Evêques, 6e les<br />
principaux Seigneurs, 5c Barons de fon Roïaume fuivirent fon<br />
exemple, peur l'accompagner dans cette Sainte expédition.<br />
Cependant, malgré la dfligence, avec laquelle ce Monar- «^t.<br />
que faifoit travaifler aux préparatifs de ce grand voïage, fl luî ^^/'^<br />
fut impoffibk de pouvoir partir, qu'après la Pentecôte de l'an parâtes:<br />
1*4.8. De forte que les pauvres Chrétiens de la Terre-Sainte £^v^<br />
curent encore bien des malheurs, 5c des mifères, à effuïer, avant Palefline.<br />
fon arrivée. A-peine furent-ils déflvrés des Corafmins y qu'un £.„Tur-<br />
^rand nombre d'autres Barbares y appcUés TurcomaniSy entré- comanrs<br />
rent dans la Province dAntioche y où ils ravagèrent, 6c mirent iansu<br />
tout à feu, Sek fang. Les Ordres Mflitaires s'unirent prom- 4^^^^<br />
tement. Se fe mirent en campagne, pour arrêter ce nouveau ^^^> ^ytorrent.<br />
Ils rencontrèrent ces Barbares y près de Bethzan y fi fut * feu,<br />
chargés de butin , Se embarraffés de bêtafl, qu'fls n'eurent ^V*'^.<br />
pas le tems de fe mettre en défenfe. Rufieurs tombèrent d'à- combtt<br />
bord fous le fer des ChevaUers : mais les autres fe défendirent /""ff^"»<br />
1 1 n n entre ewtf<br />
enfuite avec tant de bravoure, que ce ne fut pas fens peine, &iesOr.<br />
Sc fans effufîon de fang, qu'ils demeurèrent maîtres .du champ i^n^"^^<br />
de bataifle.<br />
Il en coûta la vîe à BERTRAND DE COMPS , Maitre de l'^opital<br />
y Sc à plufîeurs ChevaUers des deux Ordres; mais ks Ennemis<br />
furent k plupart tués. Se perdirent tout leur butin. Lc<br />
peu de ces Barbares y qui fe fauverent, furent fî épouvantés<br />
du maffacre de leurs compagnons, 5e de la valeur des Cb^étiensy<br />
qu'ils fortirent à la hâte de leurs terres, 6c n'eurent plus<br />
envie d'y fake aucune irruption.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
Ee ee CHA-
^S6 HIST O I R E G E' N E' R A I- E<br />
C H A P I T R E VL<br />
Article /. Tï Eudaut quc ks mîférabks débris dû Roïaume de Jér'ufa-<br />
Henri. Roi X km étoîent fî fouvent pfllés, Se ravagés, celui de Chfpre<br />
de Chypre . • s . .. i, r o Ji^ •/»•.. ^ •<br />
fait des coutinuoit a jouir dfun grand' repos, & a une parraite tranqui-<br />
2^7/,f Uté.- Le Roî HENRI étoit alors k feul Prince dOrient y dont<br />
pourfe 'les Etats fuffent paifîbks 5c.opulens; c'èft pourquoi fl n'eft pas<br />
ïoufsix. furprenant, fî fes Peuples firent des réjouïffances fi extraordi-<br />
Fiance. maires à la réception de PLAISANCE D'IBELIN , Sœur de BOÉ<br />
MOND , Comte de Tripoliy qu'fl avoit époufée. Ge Prince<br />
voulut préférer la grande vertu, 5e le mérite de cette Princeffe<br />
à d'autres alUances, quir lui auraient été plus-avantageufes, du<br />
côté de l'intérêt. Il fit, cn même tems, de grands préparatifs<br />
de guerre, pour fe joindre'à ST.Louis,, dont îLavoit apris<br />
k réfolution, 5c qu'fl attendoit avec l^emcoirp d'impatience.<br />
En effet, ce St. Monarque, après avoir mis ordre aux affaires dc<br />
fon Roïaume, dont fl'déclara Régente la Reine BLANCHE, fa Mè-<br />
*^'' re, partit de Paris, accompagné de la Reine fon Epaule ; de<br />
ROBERT, Comte d'Artois y Se deXiiARLES, Comtc d'^wjoM,<br />
fes Frères. HUGUES, Duc de Bourgognè ; PIERRE, Duc de*<br />
Bretagne;GuiLLAmiE,Comtc de Flandres;lesComtesde SAINT-<br />
PoL, de la MARCHE, de DREUX, de BAR, dé SOISSONS, 6c plufieurs<br />
autres Seigneurs;, ks Archevêques de Rheims Se de<br />
Bourges; les Evêques de Beauvais y de Laon, Se dOrkans, fiirent<br />
auffi de ce voïage.. Le Roi fe rendit à Lyon, où fl reçut<br />
h bénédidion du Pontife, quî y faifoit alors fa réfidence.<br />
Le St. Père le fit accompagner par le Cardinal EUDES DB<br />
CHATEAUROUX, Evêque de Tufculum^ fon .Légat. Ce Monarque<br />
fe mit fur le Rhône ^ Sc defcendit à AiguemorteSy où il<br />
i-'em?<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LIT. XL CH. VI. s^T,<br />
•'embarqua fur la Flotte Génoife y qu'fl avoit frettée. Il fit mettre<br />
à la voile le 2$. Août, jour qui fut enfuite confacré à fa<br />
mémoire, pour célébrer fa Fête, lorfque l'Eglffe feut mis au<br />
nombre des Saints,<br />
Le gros de fon Armée s'embarqua à Marfeilky Se fe navigation<br />
fut fi heureufe, que le 21. Septembre, fl aborda àla<br />
rade de Limifol y en Chypre, Le Roi HENRI, quî s'y étok<br />
rendu avec toute fa Cour, le reçut avec de grands témoignages<br />
d'une parfaite, 6c cordiale amitié. U le conduifît enfuite<br />
à Nicofie y où îl le traita toujours avec une magnificence vraiment<br />
Roïale. HENRI ne fut pas moins attentif à faire conduire<br />
à Limifol abondance de provifions, 6c de rafrachiffemens VAmk<br />
pour PArmée Françoife y qui s'étoit campée aux environs dei'jjSfoî.<br />
cette Vifle. La'profufîon de vivres étoit fî grande, queles<br />
Troupes Françoifes en furent furprifes.<br />
La Reine de France ne fut pas moins fatisfaite de fempreffement<br />
, avec kquel la Reine ALIX , Mère du Roi de Chypre,<br />
qui étoit auffi revenue de Paleftine y Se la Reme PLAISANCE,<br />
cherclîoient à la dékffer des fatigues du voïage,5eà la dédommager<br />
des déUces, qu'Elle avoît quittées en France y pour Pentreprendre.<br />
Cependant 'ces deux Rois, quoiqu'égakment ztàés pour k-'^'^'^^ic//.<br />
recouvrement du Roïaume de Jérufakmy firent une faute bien<br />
grande, 6c qui, fansdoute., empêcha les progrès, qu'ils au-22m«rf
f S^ ÏI I S T 0 I R Ë G E' N E' R A L E<br />
de tous les Vaiffeaux, qui étaient à fon fervice, dont quelquesuns<br />
, chargés d'armes, 5e de munitions, n'étoient point encore<br />
arrivés; ces deux Princes réfolurent de remettre kitr départ<br />
jufqu'au printems, quoique la Saifon fût encore très-propre à<br />
commencer leur entreprife.<br />
Ce retardement des Chrétiens donna le tems, 5e la commo^<br />
dite aux Sarrafins y non feulement de terminer leurs querelles.<br />
Se de fe racomm'oder, mais encore d'unir lelirS' Farces, pour<br />
leur faire tête, 5c s'oppofer à leurs deffeins ; au lieu que, s'ils<br />
étoient allé» d'abord attaquer VEgypte y ils auraient trouvé le<br />
pays dépourvu de gens de guerre, 5c fans chef, parce que le<br />
Soudan fe trouvoit alors en Syrie y avec fes meilkunss Troupes,<br />
occupé au Siège dEmeffe, ou Camelle, ViUe apartcnante à MB^<br />
LEC-NASSER , Soudan dAlepyC^i s'étoit ligué avec les petits Souverains<br />
des environs. Ceux-ci craignoient d'autant plus la puiffence<br />
de V Egyptien, qu'fl s'étoit emp2xé d%iyamas quelque tems<br />
auparavant. 11 étoit même malade en cette dernière Ville,<br />
lorfque VArmée Françoife aborda en Chypre y Se par confequent<br />
hors d'état d'empêcher les progrès, qu'elle auroit pu faire en<br />
£gypte. C'eft le fentiment de tous les Auteurs contemporains*<br />
Mais le tems, qu'efle confuma- inutilement dans cette fie, en<br />
donna affex à ce Prince Infidèle, pour informer le Calife de Bagdet<br />
y Sc le Fieux de la Montagne y du danger qu'il couroit encore<br />
de perdre le Temple de Salomon y ficher, 6e. fî précieux<br />
à tous les vrais Croïans. Uleur fit repréfenter fi vivement l'intérêt,<br />
qu'fls avoient tous,d'unir leurs Forces , pour conferVer<br />
un Ueu fî refpedable. Se empêdier, qu'il ne tombât entre les<br />
mains de gens indignes de le pofféder, que le Calife, 5c le<br />
Fieux de h. Montagne envoïèrent des Ambaffadeurs au Soudantous<br />
les in- dAlep. Ccs Mûiiftrcs agirent efficacement auprès de lui.<br />
«dèiies«n- i^e Calife emploïa: même l'autorité, qu'fl avok fur tous ks Ma^<br />
Cïbrétiens. hométans ; deforte que, malgré la répugnance, qu'avoit ce Soudan^<br />
à. fàke k Paix, avec celui dEgypte y ïl y confentit enfin, naoïenânt<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM.- Liv. XL CIL VL' fS><br />
fiant la levée du Siège dEmeffe. Ce~ dernier fut charmé dé<br />
pouvoir retirer les Troupes avec honneur ; fait, par raport aiî<br />
peu de progrès, qu'elles avoient fadt devant cctte Place; fait,<br />
par le befoin qu'il en avoit cn Egypte, où fl étok informé que<br />
devoit tomber le premier effort des Chrétiens.<br />
Ceft pourquoi auffi il s'y tranfporta, dès que fe fanté put<br />
k lui permettre, 5c que la ligue avec MELEC-MASSER , 5c les autres<br />
Turcs de fon parti, fut établie. U s'apliqua très-foigneufement<br />
à augmenter fes Troupes, à fe renforcer de ceUes de<br />
fes Alliés, Se enfin à amaffer de grandes provifîons de guerre,<br />
6c de bouche, pendant que celles du Roi de France fe<br />
confumoient fans fruit ; 5c que fon Armée s'affoibliffoit, tous<br />
les jours, par les maladies;, qui emportaient Soldats, 5s<br />
Officiers, même ks Perfonnes le plus diftinguées, puifque les<br />
Evêques dc Beauvais, Se de Noïon, les Comtes de BOUR<br />
BON, dc VENDÔME, de MONTFORT, deDREux, 6B<br />
deSAiNT-PjOL, avec pdufieurs autres Seigncius, en moururent.<br />
On auroit, peutrêtre, pu éviter ces pertes, fî l'on avait<br />
eu la précaution d'éloigner le camp des côtes maritimes, çà<br />
Pair, beaucoup moins pur', que dans les terres, caufe ordinairement<br />
, aux étrangers, des fièvres malignes, 5c très-dangercufes.<br />
On diftribua enfuite les François, dans divers Bourgs, 66<br />
Vfllages des montagnes. Cette mauvaife influence ceffa alors de<br />
les affliger;5e ceux qui en avoient fouffert,s'y rétabUrent bientôt.<br />
Marque évidente, que, fi on les y eût d'abord envoyés,<br />
ils n'auroient pas eu Ueu de fe plaindre , ni d'augmenter k<br />
mauvaife réputation de fair de C/^jpr^.<br />
Le bruit, qui s'étoit répandu dans tout VOrkrtt,de Parrivée<br />
du Roi de f"rance en Chypre y Sc du dcffda qu'il avoit de chaf^<br />
fer les Sarrafins de Roïaume de Jérufakmy fit plus d'effet,<br />
que les expéditions de fes Prédéceffeurs, 6c celles des Empereurs ,<<br />
quoique les ims, 6c ks autres, y fuffent aUés avec des Armées<br />
Ee ee % in*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
f^o HISTOIRE GENERALE<br />
incomparablement plus nombreufes que la fienne, qui n'étoit<br />
compoféê que d^environ quarante miUe Hommes; foit que la<br />
renommée de fes grandes vertus eût difpofé les Princçs Orientaux<br />
à,feconder fes entreprifes; ou que le parti, qu'avoit pris,<br />
quelque tems auparavant, Pun des principaux d'entre eux, d'embraffer<br />
le Chriftiamfme, les eût engagés à concourir à la deftrudion<br />
des Ennemis de Jefus-Chrifi.<br />
Article///. ^. Ce fut ERCALTAI, Prince Tartare y dont le Roî de Frams<br />
Mclw^/i-reçut, vers les Fêtes de JV(?
-DB JE'RUSALEM. Liv, XL C:L VL -. 5(51<br />
k Rôi de France cgreffa extrêmement ces Miniftres, 6c leur<br />
fit des honneurs extraordinaires. Non content de ks avoir<br />
conduits, avec lui, aux Offices Divins, pendant les jours fokmnels<br />
, • 6c de leur en faire obferver toute la beauté, 5e la<br />
magnificence, en leur inipkant ïe re£pe&y Se la vénération,<br />
ajvec laquelle on doit y alfifterv6c adorer les St s.,Mift ères y qvV on<br />
y repréfenté; fl les fit encore manger à fa table, 5c n'oublia<br />
rien de tout ce qui pouvoit les engager à'perfèvérer dans la^<br />
Religion Chrétienne.<br />
Par le retour des mêmes Ambaffadeurs, ce pkux Roi envoïades<br />
Religieux Cordeliers Se Dominiquains, a>ec deux de fes<br />
Gentilshommes , 6c de riches préfens, pour le Prince ERCAL<br />
TAI, 6c pour k Grand-Can. Parmi ces préfens, il y avoit<br />
une magnifique Tente d'écarlatc, fur kqueUe étaient artiftement<br />
brodés en or tous les miftères de la paffion de Jefus-<br />
Chrift; le tout accompagné de Lettres pour ces deux Princes,<br />
remplies d'exhortations vives, 5e touchantes, pour ktfjanimer à<br />
vivre conftamment dansk candeur de la foi Catholique y dont<br />
ils avoient cu le bonheur de connaître la vérité i daiis le tems<br />
qu'fls avoient reconnu l'abus, 6e k fauffeté de celle qu'ils avoient<br />
quitée; les affurant,,que,s'ils en fuivoient exadement les maximes,<br />
elles leur procureraient cette féUcité éterncUcy qu'on ne<br />
peut acquérir autrement, 6c qui eft préférable à tous les piaifirs<br />
grofliers y Sek toutes les grandeurs pafïagères du monde.<br />
Le Cardinal Légat ne manqua pas auffi décrire à l'Empereur<br />
Tartare y Se à l'Impératrice fa Mère; ks animant, par<br />
des raifons très-fortes. Se très-convaincantes, à le maintenir<br />
avec foin dans k Sainte ReUgion, qu'fls avoient embraffée, Seà<br />
fe conferver dans Punité de PEgUfe Ibmainey Se dans la foumiffion<br />
qu'ils dévoient au Souverain Pontife, qui écoit le Vicaire<br />
de JéfuS'Chrift en terre, auprès duquel fl affuroit ces<br />
Princes, qu'il ne manqueroit pas dê.fàke valok k zek, q /fls<br />
témoignoient pour la di^ftrudion du Mahomitifme y, non^ plus<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ypj HISTOIRE G E' N E' R A L B<br />
^ que dc leur ménager le rang, qu'fls méritoient parmi lesplus<br />
grands Princes Chrétiens,<br />
kî^doir. Le Roi d'Arménie y Sc le Prkice dAntioche y qui avoient auffi<br />
envoïé des Ambaffadeurs à ST. Louis, pour le compflmenter<br />
fur fon arrivée. Se pour lui offrir kurs fervices, 6e leur affiftance,<br />
dans la guerre Sainte, occupèrent affez long-tems ce Monarm.<br />
Louis ^ue. U ne vouRit point congédier leurs Miniftres, fans termi-<br />
TnnJs^ ner auparavant les différends, que ces deux Princes avoient en*<br />
entre le . fembk, Sc quî Ics engagcoîcnt à avoir prefque toujours les ar-<br />
«TAnSo- ïnes à la main fun contre fautre, au grand préjudice dc leurs<br />
âi'rf^/' Sujets, 6c de tous les Chrétiens dek Terre-Sainte y que leur<br />
inénie. difcordc fes empêchoit de fecourir dans les occafîons. Enfuite<br />
dc cet accommodement, il fit paffer fix cens dc fes arbalétriers<br />
dans la Principauté d'Antioche y pour aider BOÉMOND à réprimer<br />
Pinfoknce d'une groffe bande de Turcs, qui la ravageoient.<br />
Le Saint Boi s'emploïa, avec la même charité, à appaifer<br />
ks troubles, qui s'étoient renouveflés en Chypre y entre le Clergé<br />
Grec y Sc Latin y lefquels avoient même obligé SIMEON,<br />
Archevêque Grec y à fortir de PUè. Dans le même tems, il<br />
envoïa le Patriarche de Jérufalem, PEvêque de SoiffofiSy Sc k<br />
Seigneur de Beaujeu , Connétable de France y à Ptohmdièe*,<br />
pouf accommoder un différend, furvenu entre le Bayle de Chjfre<br />
y Se celui des Fénitiens y Se une querelle encore plus confidérable<br />
entre ks Génois y Se les Pifans y qui réfîdoient en cette<br />
Ville. Ces deux Nations en vinrent aux mains, avec tant d'anîmofité,<br />
qu'fl en coûta la vie à plufieurs Perfonnes de l'une, 5c dc<br />
l'autre, principalement au Conful G^'^m, qui fut tué fur la place.<br />
La déférence, 6c le refped, que chacun avoit pour le Saint<br />
Roi, firent que fes Emiffaires raccommodèrent les Génois, Se<br />
les Pifans y avec bcaucoup moins de difficulté, qu'ils ne favoient<br />
efpéré; mais ils.ne trouvèrent pas la même facflité, lorfqu'fls<br />
voulurent traker du noliffement des Vaiffeaux, 5c des Galèrei<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
M JE'RUSALEM. Liv. XI. CH. VL 593<br />
lères de ces Républiquains, pour le paffée de PArmée Françoife<br />
y en Egypte. Leurs prétenfîons furent fi exorbitantes,<br />
qu'ils eurent bien de la peine à s'accommoder; encore fut-ce<br />
à un prix extraordinaire ; tant fls furent fe prévalok du befoin<br />
qu'on en avoit !<br />
Le Maître du Temple ne penfoit, qu'aux avantages de fe<br />
Religion. U défiroit ardemment de lui conferver les Châteaux,<br />
Terres, Bourgs, Se Villages, qu'efle s'étoit injuftement appropriée<br />
, depuis k départ de fEmpereur F R E'D E'R i c, 5e dont<br />
plufîeurs appartenoient à la Couronne de Jérufalem, ou à d'autres<br />
Seigneurs particuUers du pays. U n'aimoit pas à voir,<br />
qu'il fe fît aucun changement, ni nouveau règlement en Paleftine;<br />
perfuadé qu'fl ne pouvoit être que tres-préjudiciabk à<br />
fon Ordre, qu'on obligeroit de rendre ce qu'fl avoit ufurpé.<br />
Dans ces fentimens, fl s'avifa d'écrire une grande Lettre au Roi<br />
de France y par kquefle il lui mandoit, " que le Soudan dE-<br />
„ gypte luî avoit envoïé un dc fes principaux Officiers, pour<br />
„ le prier de vouloir être médiateur de la Paix entre Sa Ma-<br />
„ jefté, Se lui. " U ajoutoit, " que ce Prince Sarrafin témdi-<br />
„ gnoit, non feulement ja défîrer ardemment, mais offroit en-<br />
„ core de l'accepter, à tefles honnêtes conditions, qu'efle vou-<br />
„ droit la lui accorder ; Que cette démarche lui aïant paru fîn-<br />
„ cère 6c de bonne foi, 6c plus avantageufe, qu'une guerre,<br />
„ dont les évènemens font toujours incertains, fl n'avoit pas<br />
„ jugé à-propos de différer à luî en faire part, afm que Sa<br />
„ Majefté lui ordonnât, de quelle manière fl devoit répondre au<br />
„ Soudan.<br />
Cette Lettre ne produifit pas feffet, que le Maître du Temple en<br />
avoît attendu. Le Saint Roi la fit lire en plein Confefl. Celui de<br />
Chypre y Se le Patriarche de Jérufalem, qui connoiffoient la<br />
paffion dominante de ce Chevalier , s'écrièrent d'abord, cw^/oiv^<br />
„ qu'fls ne croïoient nuflement, que le Soudan eût fait de tel- p
5P4, H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
piiers re- „ été k Makre lui même, qui eût eu la lâcheté de faire la prés'tfLods.<br />
3, mière démarche auprès de ce Prince /«^^^/(?,fans cônfîdérer,<br />
„ qu'fl commettoit la réputation des Chrétiens; puifque, quel-<br />
„ que perte, ou quelque difgrace, qui leur fût arrivée aupa-<br />
„ ravant, ils n'avoient jamais été les premiers à rechercher,<br />
3, ni Paix, ni Trêve , avec les Infidèles ; c'eft pourquoi fls<br />
„ prioient le Roi de fe défier d'un Homme, qui leur paroiffoit<br />
„ fufped.<br />
U n'en fafloit pas tant, pour faire connokre au Roi de France<br />
y que les Templiers fongeoient beaucoup plus à fe maintenir<br />
dans leurs ufurpations, qu'à foutenir fhonneur, 5e les intérêts<br />
des Chrétiens Orientaux. Auffi, après s'être bien éclairci du<br />
fait, Se avoir reconnu la fourberie du Maître de leur Ordre, fl<br />
témoigna, qu'fl étoît fâché, qu'on pût croire dans le monde,<br />
qu'il fit rechercher la Paix avec les Infidèles, avant même d'arriver<br />
en Paleftine; Se fl fit écrire, avec beaucoup de reifentiment,<br />
au Makre du Tempk y " qu'fl fe gardât à l'avenir de<br />
„ faire de femblables démarches, Sc d'avoir aucun commerce<br />
„ avec les Infidèles y dont la deftrudion devoit être Punique ob-<br />
„ jet des bons ChrétienSy Sc furtout des perfonnes de fa pro-<br />
„ feffion, qui s'y étoient engagées par des vœux fi folemnels."<br />
Il f exhortoit enfuite , " d'être plus circonfped à remplir fes<br />
„ devoirs, Se à donner de bons exemples à ceux de fa Reli-<br />
„ gion, s'fl vouloit attirer fur ki, Se fur eux, les bénédic-<br />
„ tions de Dieu, qui, tôt ou tard, ne manque pas de pu-<br />
„ nir ceux qui ne s'en acquitent point, 6c qui en font un mau-<br />
„ vais ufage.<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Dt JE'RUSALEM. Liv. XL CH. VIL ypj<br />
C H A P I T R E VIL<br />
Le Comte de SALISBURI étant enfin arrivé en Chypre y avec Article/,<br />
cent Hommes d'armes de fa Nation , 6c peu après lui<br />
GUILLAUME DE VILLEHARDOUIN , Prince dAchaie, Se de Bitbinie<br />
y en compagnie dHuouEs, Duc de Bourgogne y qui avoit<br />
paffé Phyver avec lui ; Se le tems, auquel ST. LOUIS avoit réfolu<br />
de commencer à agir contre les Infidèks étant venu, fl fit réunir<br />
toutes fes Troupes, Se les Vaiffeaux, qui avoient hyverné<br />
dans les Iles voifines, auxquels vinrent auffi fe joindre ceux qu'fl<br />
avoit fait fretter à Ptolomaïde, afin d'être en état de partir au<br />
commencement du mois de Mai. Il faifoit cependant achever<br />
quantité de petites Frégattes, 6c autres Bâtimens plats, qu'il<br />
avoit fait conftruire, pour faciliter le débarquement des Troupes.<br />
Celles qu'on avoit diftribuées dans les Bourgs Se Villages f ^^'JjJ**'<br />
de k Montagne defcendirent à la marine. On embarqua tou- Rois nemi<br />
tes les provifions. Se les machines, qu'on avoit conftruites en é'Loui?*<br />
Chypre. Le Roi HENRI en fit faire autant des fiennes. Toute ^^J/^l^^*<br />
l'Armée fe rendit à bord, 5c les deux Rois s'embarquèrent eux miette,<br />
mêmes le Samedi après VAfcenfion.<br />
Après un grand Confefl, qu'fls tinrent fur la galère, qui portoit<br />
ST. Louis, Se auquel affiftèrent tous les Princes, Seigneurs,6c<br />
principaux Ofiiciers de fArmée, on ordonna aux Pilotes de<br />
faire route vers Damiette, qu'ils avoient réfolu d'affiéger ;<br />
mais à-peine furent-ils doignés de cinq, ou fix miles de la rade<br />
de Limifol y que le vent leur devint fi contraire, qu'ils furent<br />
obligés d'y remouiUer, Se d'y demeurer à Pancre, jufquà la fecondé<br />
Fête de la Pentecôte. Le vent leur fut alors fi favorabk,<br />
qu'fls ks conduifit trois jours après à la vue de Damiette,<br />
Ff ff 2 Lc<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Î9(5 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
i^Egypte" ^^ Soudan y qui n'îgnorokpas leur deffein, avok eu foin d'y<br />
Tarife jes envoïcr fes meilleures Troupes, pour s^bppofer à leur defcente.<br />
S^ïïr* U avoit auffi fait pofter quantité de Navires, 6c autres Bâtiti'p^r^<br />
mens, à Pemboudiure du Nily pour en défendre Pentrée; De<br />
forte que le préhiier objet, que découvrirent les Chrétiens^y fut<br />
PArmée Sarrafine, qui couvroit le rivage, 6cune forêt de Mâts,<br />
Sc d'antennes, à Pentrée de la rivière.<br />
Article//. Cette vue, ni k bonne contenance des Barbares y n'empêcha<br />
pas k Flotte Chrétienne de s'avancer, autant que cette rade<br />
baffe, 6c fablonneufe le lui permît. Alors, on mouilla Pancre,<br />
Se on mit en mer ce prodigieux nombre d^Efquifs, de Frégatines,<br />
de Felouques, Se autres petits Bâtimens, deftinés à<br />
débarquer les Troupes. Les Soldats, à fexempk des OfUciers,<br />
s'y jettèrent, avec un empreffemènt extraordinaire; mais, foit<br />
que ces petits Bâtimens foffent trop chargés, ou que le fable<br />
mouvant les empêchât d'approcher du rivage, ICIB: ardeur étoit<br />
fi grande, que,malgré la pefanteur de leurs armes,fls fautèrent<br />
dans Peau, avec une intrépidité étonnante ; 6c, quoiqu'ils en euffent<br />
jufqu'à la ceinture, 6e plufieurs^ même jufqu'aux épaules,<br />
ils s'avancèrent courageufement fur là plage. Se attaquèrent les<br />
InfidèkSy au travers d'une grêle de dards, 6c.de flèches, qu'il?<br />
kur décochoknt; tant kur impatience étoit grande d'en, venir<br />
aux mains avec eux.<br />
Cmiatepi' La valcur, Se la réfolution, avec laquelle ils s'efforcoient<br />
Ze Zr' de les enfoncer. Se de fe rendre maître du terrain, ne décon-<br />
Oirétiens, ^.gj.^^ aucunement les Barbares; non plus que le maffacre, qu'ils<br />
Egyptiens, voïoient fàîrc de leurs compagnons. Au contraire, ils paroiffoient<br />
encore plus animés à vanger leur mort, Se à repouffer<br />
leurs Ennemis. Mais, enfin, le Gouverneur d& Damiette y qui<br />
combattoit à kur tête, 6c deux de leurs Amiraux, aïant été<br />
renvcrfés, ils commencèrent à reculer. Se y peu de tems après, à<br />
prendre une fuite fi précipitée vers la Ville, qu'ilis jettèrent la<br />
confternation, 6c l'épouvante parmi les Habitans, pendant que<br />
les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. XL CH. VIL . ^py<br />
hs ChrétienSy animés par le grand avantage, qu'fls venoient de<br />
remporter, achevoient de fe débarquer, 5cde fe bien loger fur<br />
le rivage, afin d'être en état de bien recevoir les Infidèks y au<br />
cas qu'fl leur prît envie de revenir à k charge.<br />
Les deux Rois, le Légat, Se les autres Princes, Se Eccléfiaftiques<br />
, aïant enfin débarqué , la Fktte Chrétienne alloit<br />
s'avancer vers l'embouchure du fleuve, pour inveftir cefle des<br />
Sarrafins , mais la déroute des Troupes de terre de ces derniers<br />
les avoit déjà fi fort étonnés, qu'fls leur en épargnèrent<br />
la peine, puffqu'fls n'eurent pas k courage de ks attendre, 6c<br />
qu'ils fe retirèrent fort avant dans la rivière, dès qu'ils les virent<br />
manœuvrer. De forte que les Chrétkns demeurèrent victorieux<br />
fans combattre. Se entièrement maîtres du fleuve , 6c<br />
de la rade, où îls ancrèrent fens peine, 6c avec commodité.<br />
Bonheur bien extraordinaire, qu'une flotte, fur laquelle Une^^"^'^'^^<br />
reftoit plus que les feuls matelots, eût fait prendre la fuite à des chréune<br />
autre plus nombreufe, 6c incomparablement mkux armée;, ^^^"^*<br />
6c qu'un nombre médiocre de Chrétiens y tous dégoutans d'eauj<br />
euffent, en fi peu de tems, défait, 6e diffipé une Armée frair<br />
che, Se qui combattoit pour défendre fes propres terres.<br />
Ces heureux commencemens furent fuivis de la jondion de<br />
divers Seigneurs, 6c de la plupart des ChevaUers de VHopitaly<br />
Se du Tempky qui étoîent demeurés en-arrière avec kurs Troupes.<br />
Renfort, dont on faffoit d'autant plus dé cas, qu'outre la<br />
valeur, avec laqueUe ces deux Ordres s'étoient toujours diftingués^<br />
ils avoient une parfaite connoiffance des rufes, des détours.<br />
Se de la manière de combattre des Infidèles. Cependant, malgré<br />
cette union, 5c Pefpérance, que les Chrétiens dévoient concevoir dc<br />
tant d'avantages,ils ne pouvoient encore fe flatter de fe rendre maîtres<br />
d'une Place, dont les fortificationsquoique déjà très-cpnfidérablès,<br />
avoient été nouveUement augmentées>6c qui fe trouvoit abondamment<br />
munie de toute forte de provifions, 6c défendue par<br />
une forte garnffon, accoutumée depuis longtems à combattre<br />
Ff ff 5 con-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ypS .HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
contre les Latins, U s'y trouvait encore parmi elle quantité<br />
de Soldats, qui fe fouvenoient du fiége, qu'en avoit fait trente<br />
ans auparavant le Roi JEAN DE BRIENNE , 6e qui n'avaient<br />
point oublié les fouffrances, 5e les mifères,qu'ils y avoient endurées<br />
pendant dix-huit niais qu'fl dura,5c que ce Prince n'auroit<br />
peut-être jamais terminé, fi la famine. Se la pefte ne s'en<br />
fût mêlée,puifque la force, 5e les affauts, y furent prefqu'en^<br />
tièrement inutiles.<br />
Article///. Il eft vraî auffi, que le fouvenir de ces calamités leur faifoit<br />
tulne les craludrc un femblable fort, 6c qu'ils n'ofoient s'y expofer. Conf-<br />
Wde^Soi- ^^^^^ d'aifleurs de k perte de leur Gouverneur, Se de fe troudatfrfeDa-ver<br />
fans un Chef, capable de faite agir la garnifon, fls réfolu-<br />
"*^"^* rent unanimement d'abandonner la ViUe , Se f exécutèrent<br />
pendant la même nuit. Us emportèrent, avec eux, ce qu'ils<br />
avoient déplus précieux. Se en fortirent au point du jour,<br />
'7 après avoir mis le feu aux principaux édifices, afin que leurs<br />
Ennemis n'en puffent profiter. Ils pafferent, fur un pont de<br />
hateaux, le bras du Nily qui rendoit la Vflle ifolée. fls le<br />
rompirent enfuite avec beaucoup de foin, pour avoir le tems<br />
de fe fauver dans le centre du pays. Voflà, comme la lâcheté<br />
de ces Peuples rendit inutfles les foins, les précautions, 56 les<br />
grands préparatifs du Soudan y pour la confervation d'une Place<br />
fî importante. Se comme ils firent triompher leurs Ennemis,<br />
fans rifquer un feul Homme , 5c lorfp'ils s'y attendoient le<br />
moins.<br />
Les Chrétiens aïant aperçu les flammes en divers endroits<br />
de la Ville, allèrent promtement reconnoître ce qui pouvoit<br />
avoir donné Ueu à cet incendie. Se ne tardèrent pas à s'ape^<br />
cevoir que les Sarrafins l'avoient abandonnée. Dès que les<br />
deux Rois en furent informés, ils détachèrent d'abord quelques<br />
Compagnies de vaiflans Hommes, pour en afler abatre les<br />
portes. Toute l'Armée fe mit en bataiUe, pour les foutenk;<br />
mais fls ne trouvèrent plus d'autre Ennemi à combattre, que<br />
le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LiV.XL CH.VIL ^pp<br />
k feu, qui la confùmoit; ni d'autre obftack à formonter, que<br />
la peine de Péteindre. Ils y travaiUêrent avec tant de dfligence,<br />
qu'ils en vinrent bientôt àbout. Alors, les deux Rois,<br />
6e les autres Prmces, eurent la fetisfadion d'y entrer triomplians,<br />
fans tirer fépée. Leur premier foin. Se celui du Légat<br />
, fut de purifier k Mofquée principale, qui fut convertie<br />
en une célèbre EgUfe, 5e confacrée à Dieu, fous le titre de k<br />
Mère-de-Dieu, Us rendirent enfuite de très-humbles adions<br />
dc grâces à fa toute-puiffance d'un événement fi favorable,6cfi<br />
inopiné, puifqu'fl les mettoit en état, non feulement d'afler at-^<br />
taquer la Capitale du Roïaume, mais encore de pouvoir s'y<br />
affermir, 5c d'y faire fleurir la Religion Chrétienne,<br />
Le Roi SAINT LOUIS , à qui cette bonne œuvre faffoit un<br />
plaifir extraordinaire, 6e qui défîroit, qu'on fît un bon ufage<br />
de fabondance des provifîons, qui fe trouvèrent dans la ViUe,<br />
Se qu'on profitât de fardeur, que donnoient aux Troupes les<br />
richeffes, qu'elles y avoient piflées , Se qui avoient parfaitement<br />
accommodé, 5c Officiers, Sc Soldats, fit inceffamment<br />
affembler tous les prflicipaux de l'Armée, pour prendre leurs<br />
avis, fur la manière dc conferver leur conquête, 6c de continuer<br />
la guerre avec fuccès.<br />
U y eut dans ce grand confefl, comme dans bien d'autres,<br />
une fi grande diverfité d'opinions, que, malgré k capadté,65;<br />
l'expérience des Perfonnes, qui le compofoient, on s'attacha<br />
au plus mauvais parti Faute encore plus dommageable aux<br />
ChrétienSy que le féjour qu'fls avoient fait dans Pile de Chypre;<br />
Car, quoique le Comte d'Artois y Se plufieurs autres Seigneurs<br />
fou tinffent, " qu'il failoit fe mettre promtement en campagne,<br />
3, Se pourfuivre les Ennemis, avant qu'ils puffent fe remettre<br />
yy de l'abattement, que la perte,qu'fls venoient de faire,6c de<br />
„ Pépouvante, que la fuite de la garnifon, 6e des Habitans<br />
„. de Damiette y jointe à la maladie du Soudan y venoient de jet-<br />
3, ter dans tout k pays. " Le Duc de Bretagne sWorçoit de<br />
per*-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6oo H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
perfuader , " qu'fl fallait abfolument s'emparer de la Ville<br />
„ d Alexandrie y dont l'importance. Se la bonté des ports,<br />
„ les rendroient entièrement maîtres de toute la côte Septentrionak<br />
de VEgypte y Se mettroient en fureté leur Flotte,<br />
33<br />
qui ne pouvoit hyvcrner dans aucun autre endroit de ce<br />
33<br />
„ Roïaume, fans y être toujours en danger de fe perdre,<br />
3, ou d'être tout au moins fort endommagée ; Que, d'ail-<br />
„ kurs, la poffeffion de cette Place les mettroit en état<br />
„ de recevoir facflemént tous les fecours, qui leur vien-<br />
„ droient dEurope , au Ueu que les Infidèles , privés d'un<br />
5, port fi avantageux, ne pourroient recevoir aucune affif<br />
„ tance du côté de k mer, fans s'expofer à tomber entre<br />
„ leurs mains.<br />
Cependant, quoique Pune, Se Pautre de ces opinions fuifent<br />
également bonnes, on s'attacha à une troifième, qui renverfe<br />
tous les progrès, qu'ils avoient déjà faits, 6c qui empêcha<br />
ceux qu'ils auroient pu faire. Ils réfolurent d'attendre<br />
f écoulement des eaux du Nily qui ne faifoit encore<br />
que de commencer à croître ; puifque , felon VINCENT DE<br />
BEAUVAIS, les Chrétkns entrèrent dans Damiette qmme<br />
jours après la Pentecôte ; de forte que, pour arriver au tems<br />
que ce fleuve inonde ordinairement VEgypte , îl leur reftoit<br />
encore plus de trois mois ; terme plus que fufiSfant, pour<br />
venir à bout de Pune, ou de Pautre de ces entreprifes,<br />
Se peut-être de toutes les deux ; mais , par une fatalité,<br />
dont on ne fauroit deviner k caufe, ils demeurèrent, près<br />
fefchïé- ^^ ^^ mois, dans finadion à Damiette. Cette longue oitiensnwf-<br />
fivcté douua Ucu à toutc PArméc de fe plonger dans des<br />
^akei!^^ diffolutions abominables, lesqueUes contribuèrent, fans dour<br />
te, au mauvais fuccès de leur expédition.<br />
On étoit encore enféveU dans ce dangereux repos, lors que<br />
le Comte de Poitiers y Frère de St. Louis, arriva devant D^miette,<br />
U conduffoit plufieurs Bâtimens, chargés d'Honunes,<br />
•^^ darr<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lir. XI. CH.. VII. tfoi<br />
d'argent, 6c de munitions. U mouilla, le 27. Odobre, à l'embouchure<br />
du fleuve. Ce Prince ne fut pas plutôt débarqué,<br />
qu'on tint un nouveau Confefl. Il fut réfolu d'afler attaquer k<br />
Soudan, qui étoit campé près de la Vifle de Maffmra,<br />
L'Armée Chrétienne fortit enfin de Damiette, le 20. Novembre,<br />
6c marcha vers cette Ville, qui eft fituée à trente miles<br />
du Caire y fur le bras Oriental du Nil. Comme ce fleuve<br />
fe trouve coupé un peu au-deffus de Maffouray par un grand<br />
canal , qu'on prendroit facilement pour un de fes véritables<br />
bras, fl y formoit une prœqu'Ik ; ce qui obligea PArmée Chrétienne<br />
de s'arrêter pour chercher un gué, Se aller attaquer celk<br />
des Sarrafins, Chacun était d'autant plus impatient, qu'on<br />
venoit d'apprendre la mort du Soudan ; Se que M E'L E C-S A L A. Mort du<br />
fon Ffls, qu'il avoît envoïé en Syrie, quelque tems auparavant, ^°"'^^"pour<br />
y 'lever des Troupes, 6c pour demander du fecours aux<br />
Princes fesAlUés, n'étoit point encore de retour.<br />
Mais k profondeur de ce Canal, 5e la hauteur de fes bords,<br />
ne permettant point aux Chrétiens de le traverfer, on emploïa<br />
quantité de monde à couper des arbres, à faire des fafcines, à<br />
tranfporter dc k terre, 6càpillater, afin de faire une digue, qui<br />
en détournât feau, Se qui la retint dans fon Ut ordinaire.<br />
L'ardeur, 6e l'affiduité, de ceux qui étaient occupés à cet<br />
ouvrage, à k faveur d'un grand château de bois, qu'on avoit<br />
conftruit, pour les mettre à couvert, leur faifoit efpérer d'en<br />
venir bientôt à bout; Mais l'Amiral SACCARDIN, à qui le Soudan<br />
avoit kiffé, en mourant, le gouvernement de fes Etats,<br />
6e le commandement de fon Armée, pendant fabfence de fon<br />
Ffls, Se qui connoiffoit combien fl lui étoit important d'empêcher<br />
k continuation de cette digue, trouva le moïen de mettre<br />
le feu à leur château, Sc fit jetter fur les travaflkurs une fî<br />
grande quantité de flèches, 6c de feu grégeois, qu'fl en périffoit<br />
tous les jours un très-grand nombre, fans qu'on pût remédier<br />
à fun, ni à l'autre de ces fâcheux mconyeniens.<br />
Gg gg Ou-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^02 H I S'Y o I R E^ "G E' N E' RALE<br />
Articic'/r. Outre ces grands obftacles, les Infidèles leur gâtoient encô*<br />
re plus d'ouvrage, en une heure de tems , qu'ils n'en pouvoient<br />
faire en plufieurs jours ; 5e, fi les Clorétiens étaient conftans,<br />
5c réfolus à tenter ce paffage, les Ennemis n'étoient<br />
pas moins fermes, 5e attentifs à fempêcher, lorfque, par une<br />
avanture affez fingulière, un Sarrafin même les tira d'embarras.<br />
On ne fait, pour quefle raifon cet Homme-quitta le Camp<br />
Bon office Egyptien y pour venir, de fon propre mouvement, leur indici"rétîcns,<br />
quer un gué, à quelque diftance de Pendroit, où fls étoient<br />
sïraL. campés. Le canal y formait une efpèce d'étang, qui, parfà<br />
grande étendue, rendait les eaux beaucoup plus baffes, & par<br />
confequent. moins difficiles à traverfer.<br />
Les Perfonnes, que le Saint Roi envoïa pour reconnoître ce<br />
paffage, le trouvèrent, en effet, tel que le transfuge ^S^rr^fin<br />
Pavoit affuré. Après leur raport, ce Prince ordonna fur ie<br />
champ, qu'on difpofât toute PArmée, pour le traverfer le lendemain.<br />
Le Comte dArtôis, avec les Chevaliers de XUôfitaly<br />
Se du Tempky qui étoient à la tête de Pavant-garde, le<br />
frandiirent le premier, malgré le limon gluant, 5e profond,<br />
où les Chevaux s'enfonçoient. Apeine, en furent-ils fortis,<br />
qu'ils rangèrent leurs premiers Efcadrons en bataiUe ; Sey fans<br />
attendre la jondion du refte de la Cavalerie, ils s'avancèrent<br />
courageufement contre les Sarrafins. Ils firent, dans cette occafion,<br />
ce que toute fArmée enfemble auroit eu peine à fou**<br />
tenir. ^<br />
:ï'\iitepréci. Ils affailUrcnt fi brufquement les Infidèles, 5e eu renverfereât<br />
îmidéfes. ^^ fî grand nombre, qu'étonnés d'un fi prodigieux maffacre,<br />
Se croïant d'avoir toute fArmée Chrétienne fur les bras, ils<br />
prirent une foite précipitée vers Maffourà , 5c abandonnèrent<br />
leur Camp, avec toutes les machines, qu'ils avoient conftruir<br />
tes, pour oppofer à cefles des Chrétiens , 5c quantité de pièces<br />
de bois. Se autres matériaux; Mais, fait que cette grande<br />
pro^érité aveuglât ks Chrétiens y ou que fardeur du Coror<br />
te<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. LiV.XL Cir. Vit 6oi<br />
te 'dArtois Pemportât for fa conduite, 6c fur fa prudence ordinaire<br />
, fl pourfuivit fi inconfidérément les Infidèles, ( même<br />
contre le fentiment des Ordres MiUtaires, qui lui repréfentoient,<br />
qu'il feroit affez glorieux pour eux de conferver ce qu'ils venoient<br />
dc gagner ) qu'il fut caufe dc fa propre perte, de k<br />
leur, 5e d'un grand nombre d'autres Perfonnes de diftindion, «50.<br />
6c de mérite.<br />
Car les Barbares'y qu'ils avoient pourfuivis jufqu'aux portes<br />
de Maffourà , revenus de leur terreur panique , 5c piqués<br />
qu'un fi petit. nombre de Chrétiens euffent eu la témérité<br />
de leur donner la chaffe jufques dans leurs propres maifons,<br />
firent tout d'un coup volte face, 6e fe ralUèrent fi promte-^<br />
ment, que, fans Parrivée des Hofpitaliers y Se des Templiers y<br />
qui s'étaient avancés pour foutenir le Comte, il aurait fuccombé<br />
plutôt, 5e peut-être avec, lui, tous ceux qui favoient fuivi.<br />
C H A P I T R E VIIL<br />
Cependant, ni ces Chevaliers, ni la valeur de la No- AtUcie /.<br />
bleffe Françoife, ne purent foutenir la multitude de<br />
Sarrafins , qui arrivoient à tout moment ; 5c qui, comme<br />
furieux, les preffoient de toutes parts. Le Comte d Artois<br />
fut tué d'un coup de flèche ; furquoi fes gens prirent le parti<br />
de la retraite, 5e Pexécutèrent en fort bon ordre, malgré la perte<br />
confidérable, qu'ils venaient dc faire, 5c l'affoibUffement<br />
de leurs forces ; puifqu'outre le Comte d Artois , le Comte<br />
ERALD DE BRIENNE , RODOLPHE DE COUCI , quantité d'autres<br />
Seigneurs , 5e près de trois cens Chevaliers des deux<br />
Ordres, demeurèrent fur le champ de bataiUe ; ce qui ne<br />
les empêcha pas de regagner les retranchemens , que les<br />
Infidèles leur avoient abandonnés. Us y joignkent le corps de<br />
Cavalerie, qui avoît paffé après eux , Se s'y maintinrent,<br />
Gggg z non<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
(5o4 H I S T O I R E G E' NE'RALE<br />
non obftant tous les efforts , que firent les Barbares pour<br />
les en chaffer. Us eurent même le bonheur d'achever à<br />
kurs yeux, S^ de leur propre bois, un pont dans le même<br />
endroit , où ils avoient commencé k chauffée, fur lequel<br />
les deux Rois , Se tout le refte de PArmée paflerent<br />
à Pentrée de la nuit, fans y faire aucune perte.<br />
Ce fut à la defcente de ce pont que le ChevaUer HENRI<br />
DE RouAï, que les ChevaUers de VHopitaly Se du Tempky<br />
avoient envoïé au-devant, annonça à SAINT-Louis la mort<br />
du Comte d'Artois , fon Frère. Ce Monarque reçut cette<br />
trifte nouvelle, avec une conftance, 5c une réfîgnation^vraiment<br />
digne de fe piété; 5e, quelque fenfible, que lui fût une ft<br />
grande perte, fl continua trànquilement fon chemin, fans donner<br />
aucune marque de la véritable douleur, qu'il en reffentoit,<br />
6e afla fe loger dans le Camp, dont le Comte fon Frère, &<br />
ks Ordres MiUtaires avoient chaffe les Infidèles,<br />
Satwe^"^ A' peine le Saint Roi eut-fl le tems de le reconnoitre, &<br />
de nouveau, f Anuéc cclui d'y arriver, que les Sarrafins y enflés de k vicpane!^^<br />
toire, qu'fls avoient remportée le jour précèdent, 5c qu'ils<br />
Sarrafins. croïoicnt d'autant plus complette, qu'fls s'imagînoient davoir<br />
trouvé, au Ueu du Comte d Artois y le Roi même parmi les<br />
morts, fuivirent les Chrétiens, Le Général ennemi faifoit porter<br />
devant lui la côte d'^Armes de ce Prince, comme un glorieux<br />
trophée,afin d'encourager les fiens, 5c donner dé la terreur<br />
aux Fidèles, U les attaqua, dès le point du jour, avec<br />
des cris, 5c des hurlemens épouvantables, 6c avec tant de fureur,<br />
qu'il en fit d'abord un grand carnage.<br />
Car, foit que k laffitude de ceux, qui avoient combatu, les<br />
incitât au repos; ou que l'embarras, 6c la fatigue qu'avaient<br />
cu les autres, en paffant le pont, pendant la nuit, les portât<br />
à en faire de même, fl eft certain, que les Chrétiens étoient<br />
encore endormis, lorfque les Sarrafins affaiflirent kur Camp;,<br />
6c que > fi ks Barbares avoient fu profiter de f étonnement,<br />
que<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lm XL CIL VUI. Cof<br />
que leur caufa une attaque fi imprévue, fls les auroient entièrement<br />
taiflés en pièces. Mais, par bonheur pour eux, les /«/î^<br />
dèks y extrêmement avides du butin, s'amufèrent au piUage du<br />
Camp, 6c leur donnèrent k tems de fe mettre en défenfe, de<br />
les arrêter,6c de les charger enfuite,à kur tour,d'une manière<br />
fl brufque. Se fi vigoureufe,qu'ils les forcèrent à fe retirer plus<br />
vite, qu'fls n'y étoient entrés, Se enfin à prendre une fuite fi<br />
précipitée, que les Soldats abandonnèrent kurs Officiers, dont<br />
plufieurs périrent, en voulant les ralUer, pour faire tête aux<br />
Chrétiens. SACCARDIN même,avec quatre dc leurs Amkaux, 6c<br />
k fleur des Mammelucs, y perdirent k vie.<br />
Les Auteurs contemporains affurent, que les Seigneurs d'i<br />
BELiN, Pun Sénéchal, 6c fautre Connétable de cc Roïaume,<br />
contribuèrent beaucoup à cette vidoire ; Car, foit qu'ils fe<br />
trouvaffent plus voifins de l'endroit, que ks Sarrafins attaquèrent<br />
, ou qu'fls fuffent plus promts à prendre les armes, ce furent<br />
eux qui foutinrent le mieux fadion, 6c qui procurèrent k<br />
tems aux autres Troupes de fe mettre en défenfe.<br />
Le nouveau Soudan M E'L E C-SALA arriva fur ces entrefaites. Arrivée-<br />
Il ne trouva aucune altération dans les affaires, Se plus au fait soS'^<br />
que fes Amiraux, après s'être fait rendre compte dc tout ce qui Mé'ecs'étoit<br />
paffé pendant la guerre, il ne vouhit jamais donner,, ni qui neveut^<br />
accepter aucune bataifle, malgré la quantité de Troupes qu'fl Ï^^J^;^"*<br />
avoît amenées de fes Etats de Syrie y ou de celles que lui avoient aucune ba^<br />
fourni fes Afliés ; perfuadé que, pourvu qu'fl empêchât les Chré- ***<br />
tiens d'avancer davantage vers le Caire y les incommodkés que<br />
kur cauferoit leur féjour dans une campagne auffi humide, 5c<br />
dont Pair de la mût eft très-pernicieux, fl ne manqueroit pas<br />
de leur caufer de grandes maladies, qui feroient plus d'effet,,<br />
que tout Peffort de fes armes ; 6c que ces fouffrances, jointesà<br />
la difette de vivres, leur feroient bientôt éprouver des miferes,<br />
qui les obligeroient à fortir de fes Etats, fans qu'il lui en<br />
coutât la perte d'un feul Homme<br />
Gg gg 5 Cefl<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«o6 HÏSTOÏREGE'NFRALE<br />
C'eft pourquoi, comme Damiette étoit le feul lieu, d'oùïf<br />
pouvoient recevoir du fecours, il détacha une groffe partie de<br />
fe Cavalerie, pour faire une garde exade le long du Nily Se<br />
pour s'emparer dc tputes les avenues. Non content de cette<br />
précaution, il fit encore tranfporter diverfes barques fur la rivière<br />
entre Damiette, Se le Camp Chrétien y qu'fl fit remplk<br />
de gens de guerre, fi réfolus, 5e fî promts à exécuter fes ordres,<br />
qu'il fut impoffible à un convoi chargé de provifions,<br />
que le Patriarche de Jérufalem envoïoit aux Chrétiens y de pal^<br />
fer, ni à aucune des barques, dont fl étoit compofe, d'échaper<br />
AoaMtage aux Ennemis. Lcs unes furent prifes. Les autres caulèrent à<br />
insfurXs fond; Se tous les Soldats, 5c Matelots qui les conduifoient,<br />
€hréci.=ns.furent tués,ou faits prifonniers. Diverfes autres barques,qu'on<br />
envoïoit, de tems à autre, au Camp Chrétien, eurent un parefl<br />
fort; deforte, qu'on ne tarda pas à éprouver k difette, 5c<br />
les maladies, que le Soudan avait prévues.<br />
Grand nombre de Soldats fe trouvèrent toi^t d'un coup les<br />
jambes, 5c les piés enflés d'une manière à ne pouvoir fe foutenir.<br />
Us furent accablés enfuite d'une grande douleur de tête,<br />
5e de dents, avec une fièvre fî violente, qu'ils en mpuroient en<br />
peu de jours. Cette dangereufe maladie fe répandit fi extraordinairement<br />
dans tout le Camp', qu'fl n'y avoit plus pavfllon,<br />
ni tente, où fl ne fe trouvât, tous les jours, des morts, 5c des malades<br />
, fans que la fcience, ni tous les foins des Médecins, &'<br />
des Chirurgiens, puffent remédier à cette efpèce de contagion,<br />
que les Phifîciens nommoient Scorbut.<br />
Article // L'évident danger , que couroit toute PArmée de périr dc<br />
cette infirmité,, ou de la famine,qui augmentoit tpus les jours,<br />
fit que le Saint Roi, 5e les autres Princes firent, plus d'une<br />
fois, mettre en bataille le peu de Troupes, qui fe trouvoient<br />
encore en état de manier les armes, pour préfenter le combat<br />
7iu Soudan y'Tifm de mourir glorieufement, ou de fe tirer des<br />
calamités, dont ils étoient accablés. Mais tous leurs mouvej<br />
meni<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^ DE JE'RUSALEM. Liv. XL Cu. VIIL (^o?<br />
mens furent inutiles. M E'L E c - S A L A demeura toujours conf Dépr des<br />
tamment réfolu de n'en point venir aux mains, à quelque prix de Tomet<br />
xjue ce fût ; perfuadé fur le raport de fes efpions, qu'il ne tar- ^«^ûtii^.<br />
deroit pas long-tems à cn triompher, fans être obligé d'expofer<br />
fes Soldats au désefpoir, oùfl fevoit que les Chrétiens étoient<br />
réduits.<br />
En effet, les Princes, les Seigneurs, 6c les principaux OfiS*ciers,"<br />
outre l'infirmité, dont la plupart étoient atteints, man-<br />
•quoient également de nourriture ; deforte que le peu de Soldats,<br />
que le mal avoit épargnés jufqu'alors, périffoient, faute<br />
de fubfiftânce, 5e par la laffitude, que leur caufoit la dure néceffité,<br />
où fls étoient de fupléer aux fondions de ceux que la<br />
maladie avoit emportés.<br />
Lc Saint Roi même, après y avoîr réfifté quelque-tems par<br />
k force. Se la grandeur de fon courage, fut enfin contraint<br />
de céder à la violence des douleurs, 5c de s'aliter ; ce qui achejva<br />
dc mettre la confternation dans toute l'Armée. L'intérêt<br />
que chacun prenait à fe confervation étoit très-fenfîbk ; 5e ils<br />
étaient tous pénétrés de le voir en cet état. Lcs Princes fes<br />
Frères 5e tous les Seigneurs de PArmée le foflicitèrent inutilement<br />
de fe mettre fur une petite Frégate légère bien pourvue,<br />
dc rameurs, 5c de gardes, qui, à la faveur des ténèbres, k<br />
conduirait promtement à Damiette. Ce grand Prince répondit<br />
toujours, avec autant de générofîté, que de réfolution, "qu'fl<br />
„ n'abandonneroit jamais une Armée, qu'fl chériffoit fî fort,<br />
^y 6c à la tête de laquelle fl s'étoit mis pour la gloire de Jéfus*<br />
3, Chrift ; Qu'il voulait partager tous les pérfls avec elle, 6c<br />
.,, encourir la bonne, ou mauvaife fortune, qu'il plairoit à Dieu<br />
„ dc leur envoïer. " Cc fut alors qu'on fit les derniers efforts,<br />
pour fe retirer à Damiette.<br />
Le lendemain 5. Avrfl, ils firent embarquer les plus infirmai<br />
fur quelques Bâtimens, qui leur reftoient encore, 5c les amenèrent<br />
fur k Nily à l'entrée de la nuit, à la faveur du cou^<br />
; rant><br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6oS HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
tant de Peau. Les triftes reftes de cette Armée, fi floriffaa;<br />
te quatre mois auparavant, quittèrent leur Camp, 5c fe mirent<br />
en marche ; mais à peine l'eurent - fls perdus de vue , qu'fls<br />
donnèrent dans la Cavalerie Sarrafine , 6c furent affaiUis par<br />
toute PArmée du Soudan, contre laquelle ils fe défendirent fî<br />
bien, que, malgré leur langueur, 6c leur épuifement, ils foutinrent<br />
, pendant plus de trois heures, fes terribles, 5c furieux<br />
afïàuts, 6c renverfèrent un fi grand nombre dInfidéleSy<br />
que ce n'étoit pas fens raifon, que ME'LEC-S ALA avoit apréhendé<br />
de combattre contre des gens, dont le désefpoir augmentoit<br />
infiniment la bravoure.<br />
Cependant tous les prodiges de valeur, que firent les Chrétiens<br />
dans cette fanglante journée, furent inutiles. Les plus<br />
vigoureux tombèrent fous le fer des Barbares, Les autres furent<br />
contraints de fucomber à la mifltkude, qui ks accahloit<br />
de tous côtés. Les Comtes d'Anjou, 6c de Poitiers ; los Métrés<br />
de VHopitaly Se du Tempky Sc tout ce qui reftoit de ChevaUers<br />
de ces deux Ordres, qui étoient à k tête de l'Armée,<br />
furent auffi les premiers prifonniers, après avoir vu pérk tous<br />
Les Rois kurs coufrércs. La déroute, 6c le maffacre devmt alors fî<br />
^^de^chy-ë^^^^y quc k Roî de France y Sc celui de Chypre y avec tous<br />
pre, faits ccux qui Ics cnvironnoicnt, furent également arrêtés. Tout le<br />
W^^ne. refte de PArmée eut enfin le même fort. Perfonne n'échapa à<br />
ce malheureux coup. Les uns furent tués fur le champ de bataille.<br />
Les autres devinrent la proie des Infidèks y qui ne les<br />
épargnèrent, que dans l'efpérance de s'en fervk dans Pefclavage,<br />
ou d'en retirer de bonnes rançons.<br />
Les.pauvres malades, qu'on avoit rifqués for le Nih ne furent<br />
pas moins malheureux. Toutes les barques, où on les<br />
avoit mis, furent prifes. Les Sarrafins eurent k cruauté d'en<br />
égorger une partie, 6c brûlèrent ks autres tous vffs, comme<br />
Paffure VINCENT DE BEAUVAIS. Cet Auteur dit auffi, que SAINT<br />
LOUIS, 66 les autres Princes, aïant été préfentés au Soudan,<br />
C9<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
CE JE'RUSALEM. Liv.îî. CM.VITE. tog^ •<br />
6îo HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
V. „ Que tous les effets, que les Chrétiens avoient à 2)44<br />
i, miette y leur feroient bien conferves, fous la fauvegarde du<br />
„ Soudan y 6e fidèlement rendus, lorfqu'fls les rechercheroient<br />
VI. „ Que le Soudan feroit efcorter les Chrétiens, qui, fau«<br />
5, te d'embarquement, feroient obligés de fe rendre par terre<br />
„ en Pakftinéy où fls jouïroient en Uberté,5c fans aucun trou-<br />
„ ble, de toutes les Villes, Châteaux, Bourgs,-5c Vfllages,<br />
„ qui fe trouvoient adueflement en leur pouvoir.<br />
VIL „ Qiie les malades, Se tous les Chrétiens, qui auroient<br />
„ encore des affaires à Damiette, après fa reftitution, pour-<br />
„ roient y demeurer en fureté. Se fans y être aucunement in-<br />
„ quiétés, non plus que lorfqu'fls voudroient fe retirer en Eià*<br />
„ rope y ou en Paleftine,<br />
Ce Traité aïant été étabU, 6c approuvé de part 6c d'autre,<br />
afin de le rendre plus foUde, Se plus inviolable, le Soudan voulut<br />
le confirmer, par un jurement terribk 6c folemnel. Il prononça,<br />
que y fi jamais iî contrevenoit à aucun de fes articles, il<br />
gntendoit avoir renié fon Prophète Mzhomet,(i^ confentoit qu'on<br />
k regardât comme un fcélérat y Ç^ comme un parjure; Mm flfut<br />
fort étonné, que, lorfqu'fl voulut exiger un parefl ferment du Roi<br />
de France;c'efi à dire, " qu'fl jurât de fon côté,que,s'fl man-<br />
5, quoit d'obferver les articles, dont ils étoient convenus, fl<br />
5, entendoit également avoir renié Jefus-Chrifî: ce fàge y 5c<br />
pieux Prmce, à qui cette propofition fit horreur,répandit avec<br />
une fermeté, 5c une conftance digne de fefprit de Dieu, dont<br />
fl étoit rempli, qu'il fouffriroît plutôt la mort, quede proférer<br />
une chofe fî impie, 6c fî exécrable.<br />
Cependant, quelque fâché que fut k Soudan de ne pouvok<br />
parvenir à la fin, qu'fl s'étoit propofée, tov^t Sarrafin qu'il<br />
était, fl ne put s'empêcher d'admirer la confiance, avec lamelle<br />
SAINT-LOUIS foutint fa ReUgion ; Se de voir enfin, qu'aie<br />
cun danger n'étok capable de l'ébranler fur ce point: deforte<br />
^ue, reconnoiffant qu'fl étoit impoflQbk d'^ arracher quefà<br />
fimple parok, û s'en cajot^ata^ perfoadé J^u'ilne ferot pas moins<br />
leli-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
OE JE'RUSALEM. Liv. XL ÇH. VIIL 6it<br />
religieux à k tenir , qu'il avoit été ferme envers fon Dieu.<br />
Ceft pourquoi fl fit inceffamment publier la Trêve, qu'il venoit<br />
de condure avec lui. Ce qui eft bien contrake au fentiment imprudente<br />
de quelques Hiftoriens, qui, fans aucun fondement, ont eu ài^vrSZ<br />
fifmprudence d'avancer que SAINT-LOUIS avoit laiffe k faint Ciboire,<br />
avec l'hoftie confacrée, en otage aux Sarrafins y comme<br />
C ces Infidèles euffent connu k valeur , Se l'importance d'un<br />
gage fi prédeux.<br />
Opinion fî oppofée à k vérité du fait, qu'efle doit rendre<br />
leurs ouvrages fufpeéts à ccux qui écrivent après eux, 6c qui ne<br />
feuroient être trop circonfpeds, lorfqu'fls font obligés de raporter<br />
des faits fî confîdérables, principakment loriqu'ils intéreflent<br />
la réputatîon d'un Prince, dont k vertu, 6c k fainteté à<br />
été fî généralement reconnue de tout le monde.<br />
C H A P I T R E IX.<br />
PDur reprendre le cours dc notre Hiftoire, lorfque le Saint Article/.<br />
Roî, 6c tous les autres Princes, 5c Seigneurs Chrétiens<br />
efpéroient de recevoir leur liberté. Se qu'ils croïoient que rien<br />
n'étoit plus capable d'empêcher l'exécution du Traité, fl arriva<br />
parmi les Infidèks un foulèvement, fî grand, 6c fî fubit, qu'il<br />
renverfe toutes leurs efpérances, 6c les mit même dans un extrême<br />
danger de perdre la vie.<br />
Ce changement fut caufé par ks Mammelucs y dont les Sou- tj^s MWians<br />
avoient fait leur garde ordinaire. Le corps de cette mi- ^^.j^î^.<br />
lice, quoique compofe defch.\esRuffienSy Se Circaffiens,^che- w«.<br />
tés des Tartares , qui les cnkvoknt de ces Provinces ; ou<br />
d'Enfans, nés des efclaves des Grands d'Egypte; ou de Garçons<br />
prk en guerre,comme je l'ai expliqué, en pariant dc leur<br />
Hh hh z orit<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6î2 H I S T O I R E G E'N*E'R ALE<br />
origine, dès le règne du grand SALADIN, Pan 1176. ce corpff<br />
de milice , dis-je, était pourtant devenu fî puiffant enEgyptCy<br />
par la faveur des Soudans leurs Maîtres, 5e par les befles adions,<br />
qu'ils avoient toujours faites, que leur crédit, 6c leur valeur,<br />
les avoient randus fufpeds à leurs Princes. Quelques-uns de<br />
ces Chefs en furent même fî jaloux, que, fous divers prétejj^<br />
tes, ils fe défirent affez fouvent de ces Officiers étrangers, fans<br />
pourtant que les Soldats en témoignaffent alors aucun reffentiment,<br />
foit qu'ils ne fe fentiffent point encore affez forts pour<br />
s'en vanger; ou qu'ils ne fuffent point affezfenfibles,à la perùe<br />
de leurs Officiers. , V: ,<br />
M E'L E c-s A L A, par une poUtique plus mauvaife, que celle<br />
de fes Prédéceffeurs, ne fit que dépouifler les Mammelucs des<br />
grands emplois, qu'fls poffédoient, 6c en gratifia les Officiera,<br />
IwT^'^" ^^^^ ^^^^^ amenés de SYRIE. Cet affront leur fut fi fenfible,<br />
**" qu'ils confpirèrent d'abord contre fa Perfonne, 5e réfolurent<br />
de le facrifier à leur reffentiment, fans aucun égard pour<br />
Paffedion, que ce Prince avoit pour leur corps. Il favoit fort<br />
augmenté d'un grand nombre de jêuneffe Chrétienney nouvellement<br />
achetée, Sc foigneufement inftruite dans Religion MO'<br />
hométancy 6:r aux exercices miUtaireSw<br />
Méiec-Sa- Cc fut après la publication de la Trêve, qu'ils exécutèrent<br />
f^Sr^ leur projet. Plufieurs d'entre eux entrèrent furieuferaenfe dvas<br />
Mamme- \^ ^Q^^Q JU Soudany lorfqu'il fortoit dc table, 6c le percèrent<br />
de plufieurs coups. Cependant, malgré fes bleffures, fl eut<br />
encore affez de force, Se de courage, pourfe dégager de leurs<br />
hiains, Se prendre la fuite ; mais ces ' affaffins le pourfuivirent<br />
fî vivement, qu'fls ne tardèrent pas à l'atteindre, Se achevèrent<br />
de le maffacrer, à la vue de toute l'Armée, fans qu'il fe<br />
trouvât aucun Officier, ou Soldat, qui ofât s'y oppofer, ni<br />
qui eût affez de hardieffe pour vanger fa mort. Tant la<br />
miUce des Mammelucs s'étoit rendue puiffante 5e redoutable à<br />
toutes les autres Troupes. Aufll ne trouva-t-eUe aucune difficulté<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. XL Cn. IX. ôi^<br />
culte à fîirmonter, lorfqu'après ce meurtre eUe ufiirpala fouveraineté,<br />
qu'elle a depuis confervée fans aucune interruption, pendant<br />
Pefpace de deux cens cinquante ans.<br />
TuRcoMAN, ou TURCOMANI , Pun de leurs Emirs, avoit déjà<br />
tant d'autorité, 6c fur ks Mammelucs fes confrères, 5c fur ks<br />
Sarrafins mêmes y qu'fl empêcha, par fa feule préfénce, le tumulte,<br />
qui commençoit à s'élever parmi ces derniers. U fit d'abord<br />
écarter les meurtriers de M E L E c-S A L A , lesquels fépée<br />
a la main, 6e teinte encore du fang de leur Souverain, étoîent<br />
entrés tumultueûfement dans la tente de SAINI^Louis,<br />
6c menaçoient de le traiter, comme ils avoient fait le<br />
Soudany s'fl refufoit de renouvellcr avec eux le Traité, dont<br />
fl étoit convenu avec le Soudan maffacre.<br />
Après k retraite de ces furieux , 5c pendant que TUR- Article //.<br />
COMANJ raffuroit ce grand Prince, lui proteftant, qu'on ne<br />
changeroît rien au Traité, 5e qu'on ne manqueroit pas d'avoir<br />
toujours , pour fa Perfonne , beaucoup de refped , Se T"^
614. H I î5 T O I R E G E' N E' R A L E<br />
vir de cette fomme, pour la diftribuër aux Troupes, 6c commencer<br />
à fe captiver leur bienveillance par cette libéralité;<br />
6c que, pour affurance de fautre moitié, il lui kiffât en ôta»<br />
ge le Comte de Poitiers. Condition bien dure pour le Roi,<br />
qui ne pouvoit fe réfoudre à laiffer fon Frère au pouvoir<br />
des Infidèles ; maîs fl ne pouvoit k réfufer, fans s'expofer à<br />
dc plus grands malheurs. U y confentit, 6c la Trêve fut dc<br />
nouveau ratifiée, départ, 6c dautre, 6c de nouveau pubUée<br />
dans tout le Camp, à fon de trompe.<br />
Pour, accélérer fa délivrance 6c celle du Comte de Poitiersy<br />
Damiette<br />
wrJu au le Roi envoïa promtement le Seigneur de Sergines à Damiett-<br />
Soudan. ^^^ ^^çç ^j.^j.g ^y^ CM'^/^»j d'évacuer cette Place, 6c dek<br />
configner aux gens du Soudany félon la convention. L'extrême<br />
aifiidion, que reffentit la Reiôe, lorsqu'elle aprit la trifte<br />
nouveUe de la prffon du Roi fon Epoux, fut caufe<br />
, qu'eUe acoucha, avant le terme , d'un Ffls , qu'elle voulut<br />
qu'on nommât JEAN-TRISTAN, pour marque de la<br />
doukur , dont elle étoit pénétrée. Cependant, cette Prin.<br />
ceffe, quoique foible encore , Se extrêm.erâent abatue , s'embarqua<br />
avec le Légat, le Patriarche, 6c la garnifon; car, à<br />
la referve des malades , toutes les Perfonnes , qui fe trouvoient<br />
k Damiette y profitèrent des Vaiffeaux, qui avoient été<br />
prépares pour cet effet; 5c ils firent inceflamment vofle pour<br />
Ptolomaîdey où ils arrivèrent heureufement en peu de jours.<br />
Les InfidèkSy abrutis par la quantité de vin, Sc d'autres liseurs,<br />
qu'ils avoîent trouvées dans JktmiettCy dont îls étoient<br />
d'autant plus altérés, qu'ils n'en avoient pomt Pufage,y égorgeoient<br />
impitoïabkment les pauvres infirmes , qu'on y avoit<br />
laiffés. Us piUêrent les effets des François y qui y doient demeurés<br />
fous la fauvegarde du Soudan, Sc commirent des désordres<br />
infinis. Le Roî même, 6c tous les autres Princes, forent<br />
en danger de leurs vies. Ces brutaux ne les épargnèrent péritêçre,<br />
qu'rai confidération des groffes fommes, qu'fls dévoient<br />
cnco-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
©B JERUSALEM. LIT. XI. CH. ES. ^i^<br />
encore en recevoir pour kur rançon. SAINT-LOUIS fe trouvoit<br />
fort en peine ; car, après avoir affemblé tout Pargent qu'il put,<br />
U lui manquoit encore plus de trente mflle Ecus, pour y fupléer.<br />
Ce qui obligea ce gTand Prince de fe fervir de fon autorité,<br />
pour tirer cette fomme des coffres des Templiers y qui<br />
avoient eu la malhonnêteté de k lui réfufer. U étoit bien réfolu<br />
de ne point partir d''Egypte y fans emmener fon Frère avec<br />
lui, parce qu'fl n'avoit déjà que trop éprouvé, qu'on ne pou- .<br />
voit fb fier aux paroles, ni aux fermens de ces Infidèks,<br />
C'eft pourquoi il étoit fort impatient de finir avec eux, tant ^^^f^^*<br />
pour arracher le Comte de Poitiers de leurs mains, que pour ment de st.<br />
s'éloigner d'un pays, qui lui avoit été fi funefte, auffi bien^^**^*<br />
qu'à toute fon Armée, qui fe trouva réduite à environ fîx mflic<br />
Hommes, de plus de quarante mifle, dont elle étoit compofee^<br />
en y arrivant. Enfin, k Saint Roi n'eut pas plutôt achevé de<br />
payer TURCOMANI , qu'fl s'embarqua avec les deux Princes fes<br />
Frères, tous les Seigneurs François y ceux du Roïaume de Jérufakmy<br />
avec les Ordres Mflitaires , 6c les triftes débris de<br />
leurs Troupes, fur k lélotte Génoife y qui étoit toute prête, 6c<br />
qui fit inceffamment voile pour Ptolomaïde, Le Roi de Chypre<br />
y avec fes Barons, Se les miférables reftes de fes Soldats,<br />
s'embarqua auffi fur fes Vaiffeaux, Se partit, dans le même inf- ^«*«f (^<br />
tant, pour fes Etats, où k Reine fon Epoufe, Se tous fes Su- Chypre<br />
jets, qui avoient été très-allarmés dc fa captivité, le reçurent ^^y/*'<br />
avec des acclamations de joie inexprimables.<br />
Les habitans de Ptolomaïde n'accueillirent pas avec moins de ^'^^^ j ^<br />
jok le Roi SAINT-Louis, 6c toute fa fuite. A', peine ce grand Louis*<br />
Prince fut débarqué, qu'fl fit mettre en liberté tous les prifon- m^»^<br />
niers Sarrafins, qui fe trouvoient au pouvoir des Chrétiens, Se<br />
ks fit conduire en Egypte y comme fl s'étoit engagé. Tant il<br />
étoit religieux obfervateur de fa parole, aux Infidèles mtmes.<br />
Cependant, malgré l'exaditude,avec laquelle il leur avoit payé<br />
tout l'argent, dont ils étoient convenus^ ;Xnalgré kieftitution<br />
de<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«î6 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
de la vifle de Damiette y Se le renvoi de tous les prifonniers<br />
Sarrafins y fl lui fut impoffible d'arracher des makis des Barbares<br />
y c^ environ quatre cens ChrétienSy de plus de douze mille,<br />
qu'iîs avoient pris en différentes occafions,depuis laTrève,<br />
que PEmpereur FRE'DE'RIC avoit faite avec le Soudan ME'LE'<br />
DIN; encore fut-fl obligé de payer beaucoup d'argent pour<br />
leur rançon.<br />
Les Infidèles firent plus. Us eurent la perfidie de retenk<br />
tous les effets, qui étoient reftes à Damiette y de faire pérk<br />
quantité de malades, 5e de contraindre les plus jeunes, dont<br />
la fanté s'étoit rétablie, k rénier Jefus- Chrift, 5c à embraffer<br />
le Mahométifme ; de forte que les Perfonnes, les machines, les<br />
munitions, 5c les autres effets, qu'on avoit laiffés à Damiette,<br />
felon le Traité, fous la bonne foi du Soudany furent entièrement<br />
perdus, excepté les Chrétiens y qui fe laifferent égorger,<br />
pour ne pas changer de Religion.<br />
C H A P I T R E X.<br />
Af^ie/. TL eft pourtant vrai, que les Sarrafins n'exercèrent ces cruau-<br />
X tés, Se ne contrevinrent à l'accord, qu'après la mort du<br />
Soudan TURCOMANI , qui fut affaffinê par fes propres confrères,<br />
peu de tèms après qu'fl eut été confirmé. Les Mammelucs élurent<br />
Cathos à fa place un autre de leurs Emirs, appelle CATHOS , qui prit<br />
i^TmcQ- le nom de ME'LEC-MAÈS. Celui-ci, qui nefe crut point<br />
uiani, obligé d'obferver les engagemens de fes Prédéceffeurs, encore<br />
plus intéreffé, 6c plus inhumain qu'eux, s'empara violemment<br />
dc tout ce qui appartenoit aux Chrétiens y Se fit traiter cruellement<br />
tous ceux qui avoient eu le malheur de refter en fon pouvok,<br />
ïï protefta même, qu'fl étoit très-fâché d'avoir rf<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
t È JE'RUSALEM. Lm XL CH. X. 6if,<br />
échaper le Roi de France y celui de Chypre y Sc tant dautre»<br />
Perfonnes de confidération, qui les accompagnoient, 6c de n'avoir<br />
pas, tout d'un coup, abatu de fi puiffans Ennemis de fe<br />
Religion, -afm que les autres Chrétiens perdiffent l'envie d'aUer<br />
troubler le repos de fes Etats.<br />
U feroit difficfle d'exprimer la douleiu", que le Saint Roî r^<br />
fentit à ces triftes nouveUes, 5c combien fl fut fenfible à la perte<br />
de tant de -braves Chrétiens y quî avoient fi généreufement<br />
expofé leurs vies pour le fervice de Jefus-Chrift , 5e enfin de<br />
voir, que k Trêve, qu'fl avok conclue avec les Infidèles y n'af^<br />
furoit en aucune manière, la Pakftinéy que ces Barbares ne feroient<br />
aucune difficulté d'attaquer, quand bon leur fembkroit.<br />
C'eft pourquoi, bien loin de faire continuer les préparatffs,<br />
qu'fl avoit déjà commandés, pour s'en retourner en France y<br />
il tint d'abord un grand Confeil, pour confuker fur les mefures,<br />
qu'on devoit prendre, pour s'oppofer aux attentats des<br />
Infidèles. U exhorta tous les Seigneurs de l'Affemblée à dire cenfeiite^<br />
librement leurs fentimens fur un fujet fi. important, 6c qui les LO£^**^<br />
•intéreffoit tous également. *<br />
Les Sei2:neurs François y qui fouhaitoient ardemment de s'en P^^^^^^^<br />
^, r r • J r r i-- tton lur h<br />
retourner chez eux,pour le retaire des loutrances extraordinai- retour de<br />
res, qu'fls avaient endurées en ^j^vf/^,opinèrent fur k champ, fa^'f^T<br />
^, que, comme le Roi fe trouvoit fans Trouves, Sc fans ar- '^*'»^'-<br />
„ gent, Sc par confequent hors d'état de rien entreprendre<br />
„ de glorieux pour lui, ni d'avantageux pour les Chrétiens de<br />
„ la Terre-Sainte y fl leur paroiffoit qu'fl devoit, fans balancer,<br />
„ .retourner dans fes Etats, où fa préfénce étoit fort néceffair<br />
„ re, Se d'où fl pouvoit leur être plus utfle, en leur envoiant<br />
„ dc bons, 6c promts fecours, que s'fl y féjournoit plus long- .<br />
„ tems.<br />
. Le Patriarche, 6c les Barons de Jérufalem, auffi bien que<br />
les Ordres MiUtaires, répréfentèrent au contraire, avec chaleur,<br />
^e donunage infini, que k départ du Roi cauferoit aux Chréli<br />
ii tiens<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
dis H I S T O I R E G E'N E'R ALE<br />
tkns de la Paleftine y Se le grand bien, qu'un plus long féjour<br />
kur procureroit. Ils alléguoient, " qu'ils avoient tout à crain-<br />
„ dre, non feulement des Egyptiens y enflés du fuccès de leurs<br />
,5 affakes, mais encore du Soudan dAlep y qui, après s'être<br />
„ emparé de Damas y fe trouvoit en campagne avec une puif^<br />
„ faute Armée, avec laquelle fl ne manqueroit pas de fe ren-<br />
„ dre makre des miférables reftes du Roïaume de Jérufakmy<br />
„ avant que de paffer en Egypte y où fl avoit réfolu de porter<br />
„ la guerre, pour vanger la mort, de M E'L E c - S A LA , fon Pa-<br />
„ rent. Se arracher ce Roïaume des.mains de ces perfides 5c<br />
„ vils Mammelucs y qui l'avoient ufurpé, en maffacrant leur k-,<br />
„ gitime Souverain." Ajoutant, "que", pendant que les 7^/-<br />
„ J^/« feroient eh guerre entre-eux, on pourroit réparer, en<br />
„ tranquflké, ks fortifications de Céfarée y de Jaffa y de Si-<br />
„ don y 5e des autres Pkces, qui avoîent été ' démolies, alfu-<br />
„ rer par ce moïen ce qu'ils poffédoient. Se faciUter k recou-<br />
„ vrement du refte du Roïaume.<br />
& rifeiu- Ces lémontranccs, qui étoienÉ, en effet, felon ks befoins<br />
u7en?t de la Terr'e-Sainte y touchèrent vivement le Saint Roi, qui étoit,<br />
ïïr^Vfl- daflfeurs, comme retenu en ce pays-là, par k douceur, qu'il<br />
vis des Sei- trouvoît à.contemplcr ks lieux, où k Sauveur du Monde s'étok<br />
françois. fàcrifié pour Ic felut des Hommes, auffi bien que par fefpérance<br />
de retirer des mains des Barbares tant de pauvres Chrétiens y<br />
qui languiffoient dans fefclavage ; de forte qu'après huit jours<br />
de terme , qu'fl avoit pris, pour fe réfoudre, il déclara dans un<br />
fécond Confeil, " qu'il étoit enfin réfolu de ne point abandon-<br />
„ ner les Chrétiens de Paleftine d^ns le trifte état, où flsfe trou-<br />
„ voient;5e qu'fl vouloit encore s^ arrêter quelque-tems,pour<br />
• „ tâcher de rétablk leurs affaires. " U donna, en même-tems,<br />
la Uberté à tous ceux qui n'y voudroient pas demeurer, avec<br />
lui, de s'en retourner Ubrement, fon intention nétant point de<br />
gêner perfonne»<br />
Ll<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liy. XI. CH. X. ^i^<br />
La réfolution de ce Prkice pieux, Sc dèbonnake, étonna<br />
la Nobleffe Françoife y qui étoit autant dégoûtée de la Gf^rre-SainlCy<br />
que le Roi étoit rempli de zèle, 5c d'ardeur, pour<br />
la continuer; deforte que, malgré les avantages, qu'il promettoit<br />
à ceux qui voudroient fuivre fa fortune , plufieurs<br />
des principaux Seigneurs s'embarquèrent avec les Comtes de<br />
Poitiers y Se d Anjou y fes Frères, qu'il renvoïa en Francey<br />
pour la confoktion de k Reine fa Mère. Il kur ordonna<br />
de lui dke de fa part, " qu'çlk devoit-extrêmement fe re-<br />
" jouïr, Se rendire grâces à Dieu, de ce que, de quatre de<br />
'' fes Enfans, qui avoient pris la Croix pour k gloire de<br />
'' Jéfus-Chrift y trois étpient encore cn vie. Se en bonne<br />
" fente ; Se que k quatrième , encore plus heureux, que<br />
" les autres, avoit acquis, dans cette Sainte expédition, la<br />
" couronne du martire, 6e k joie des bienheureux, dont fl<br />
". jouïffoit. . U k'faifoit, en ipême tems , .prier de lui envoïcr<br />
, le plus promtement quil feroit poffible, fargent 6c<br />
ks gens de'guerre, qui lui étoient néçej[^rcs , pour CRécuter<br />
fes projets; 6c fl leur enjoignit. d'exhorter , cn fon<br />
Nom , fes Sujets à venir partager, avec lui, k gloire de ,<br />
rétablir îe Roïaume de Jéfus-Cbrifty Se y abattre l'orguefl,<br />
6c Pinfolence des Ennemis de fon Saint Nom.<br />
Comme k Saint Roi avoit trop peu de monde, pour 125^.<br />
entreprendre la réparation dos-Places, 5e qu'fl avoit, d'ail-'^'^^**^**^^"<br />
leurs , tout à craindre, du Soudan d'Alep , fl fit lever k<br />
plus de Troupes, qu'fl put, dans ks payscirconvoifins, pendant<br />
qu'fl s'occupoit à faire mettre en état de défenfe les Fauxbourgs<br />
de Ptolomaïde. Il rççut, dans^ce même tems, lesAm^<br />
baffadeurs, que le Pape luî envoïa, pour lui témoigner la dou- Saintkur,<br />
qu'fl reffentoit de k difgrace qu'fl avoit effuïée en Egyp-^^^^l^'<br />
te. Le St. Père lui faifoit, en même tems, offrir tout ce qui^"*^"-^*dépendoit<br />
du St. Siège y pour.le feconder dans la guerre-Sain-Pap«,e^ *<br />
Ii ii 2 ^^^VEmpenm<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6io H I S T O I R E G È' N E' R ALE<br />
te, 6e dans fa généreufe réfolution démettre h Terre-Sainte h<br />
couvert de finfulte dès Infidèles,<br />
U reçut pareiflement une Ambaffade dé k part dé PEmpereur<br />
FRE'DE'RIC , qui le complimentoit fur le même fu.<br />
jet. Se lui offroit' fes bons offices 3.upré& du Soudan ME-<br />
L B'D IN, dont fl ignoroit-la. mort, 5c^ au- pouvoir duquel il le<br />
croïoit encore. Gômnrre on doutait de là fincérité des affres<br />
de ce Monarque, on fot ravi-, que fes Minifti-cs ne fuffent<br />
arrivés en Syrie, qti'àprès-la délivrance du Saint Roi, dontles<br />
grandes occupations^ ne pouvoient diminuer fardent défir<br />
d'aller- vifiter les faints • lieux. Il fe- rendit partant aux^<br />
feges remontrances de fon Confefl , qiu lui_ fit comprendre,<br />
„ qu'fl ne pouvoit, fans intéjeff^r fa gloire, aller vifiter lé<br />
y^ St. sépulcre y ni Jérufakm ,'qu'U ne fe fut rendu maître<br />
3><br />
33!<br />
de..cette Ville , dont les' Sarrafins avoient nouvellement<br />
relevé ks muraflles ; puisgue , s'il- y • allait ^ avec le paffe-<br />
„ port du Soudan y comme fl"^'auroit pu lè faire, tous les<br />
,, Princes Cibr^z/if^ 5 qui-entreprendroient k guerre Sainte a-<br />
„, près luî, fuivroient le même exempfe , •&Maifferofônt au-<br />
„. pouvoir des Barbares la Sainte-Cité , Se le St. Sepulcrtfy<br />
„ dont le 'recouvrement étôit le but principal de toutes les»<br />
„ Croifades. f *ii'foitie<br />
Ce grand Frince, quî ne vpulôit poifit, que fa dévotion<br />
;^^^«^^^* particulière put être préjudiiSiSfc à k Terre-Sainte y fe conde<br />
la grotte tent?L de faite le Yoizge de Thabor, Sede la fainte grotte de<br />
»çtï.^" Nazareth IP vifita ces faints lieux , avec un refped ,'^ 5o<br />
une dévotion ff exempkire, qu'fl' auroit édifié ' ks perfonneS'<br />
dû mondé les plus libertines , 6c les moins attachées au»<br />
fecrés miftères de notre Rdigion.<br />
TjLrticie///. A' fon retour de ce pèlerinage, fl trouva u ne nouvelk A mbaifade<br />
à Ptolomaï^. Efle étoit de la part du Fieux de la Montagfày<br />
Pxince des^Affajfitis. Au.Ueu-de compUmens, il lui faifciD<br />
• ' faiif-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
B 9 JE'RU s AL E M.. Lïv. XL Cn, T.. ^i^r-<br />
faire des reproches^ " *dir peu de cas, qu'il, faffoit de fa. perfon- AirMffade-<br />
„ ne; 6c de ce 'que, contre la coutume des autres Princes'^''yaMow-<br />
„ ChrétienSy qui étoientvenus^^avant kû en ce pays-là,r. ^-Swis^t^Ltufs/»<br />
„ tous lui avoient envoïé des préfens, fl n'avoit pas feulement<br />
55 daignérlui faire part de fa^venue ; que, cependant, il avoit<br />
bien voulu Penvoïer prier» de &ire délivrer^ fes Sujets du tri-<br />
„ but, qu'ils payaient aux'7m/)//Vr^,-6e aux Hfl/^i/5tf//^ri^ s'fl*<br />
„ vouloit épargner le maffacre des Chefs dç^ees deux Religions,<br />
„ Se de leurs autres ClaévaUers , qu'il ferait affurément poi-<br />
» gnarder dans leurs propres maffons, afin de ddivrer fes Peupks -• *<br />
„ de leur tyrannie.<br />
Le Roi, qui n'était point accoutumé à des manières fi;groffieres,<br />
6e fr barbares, fut extrêmement furpris d"un2 pareilk'<br />
Ambaffade. . Auffi, ne voulut-il point y répondre alors. Il fit<br />
appeller le fendemain GUILLAUME DE SOWNAT-, Maître des<br />
Templiers , 5c PIERRE DE VILLEBRIDE- , Makre des Hofpitaliers<br />
y afin que, commepartksintéreffées,, fls répondjffentr eux^<br />
mêmesà ces impertinens Miniftres. Ceux-d répétèrent leur commiffion<br />
dans ks mêmes termes du jour précédent, foivant l'ordrequ'ils<br />
en avoient dc leur Maître. Les Ghevaflers, à.qui ces infokns '<br />
difcours n'étpient pas nouveaux , leur répondirent tranquflement<br />
, -, " que leur Ambaffade étoit fv incivik, Se leur- demande •<br />
„ fi éloignée de k raifbn, qu'elk ne méritoit pas la réponi^'<br />
„ d'un auffi, grand Prmce, qu'étoit k Roi de^France ; Qu'ain-<br />
„ fi, fls leurconfeilloient de raporter-au^/V«a: de laJ/o«/^^«f,<br />
„ leur Maître, qu'fl tachât d'acquérir la grâce de Dieu, en fe '<br />
„ faifant Chrétien y Se la bienveillance-de ce Monarque, en fe<br />
„ faifant C«^/W/^«^.. .,<br />
Quoique le peu de fuccàs- de cette Ambaffade altérât ddhordi<br />
le Fieux dt la Montagne y il-ne tarda pas à revenk de fon era-î<br />
portement ; car, foit qu'il craignît d-attirer fiir- fes Terres les ar-<br />
^es (bré tiennes y qu'fl- n'étok point en'état de repouffer; ou*<br />
q^jela réputation de k vertu, 6cdeS'grandes adions de-chari-li<br />
ii h té^^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«i2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
té, que ST. LOUIS exerçoit tous les jours, non feulement<br />
k fégard 'des Chrétiens, mais envers les* Infidèks mêmes,<br />
lui fit fouhaiter d'entrer dans fes bonnes grâces, fl ki<br />
envo'ii, quelques jours après , les mêmes Ambaffadeurs, qui<br />
^ lui demandèrent, avec beaucoup de refped , fon amitié , 5c<br />
fa protedion, pour le Princc leur Maître , Sc lui préfentèrent<br />
, de fa part, ce qui fe trouvoit de plus rare, 5c<br />
de plus curieux dans fon pays^ Parmi les préfens les plus remarquables<br />
fe trouvoient la figure d'un Eléphant, 6c celle d'un<br />
Chameau de Criftal de Roche, travaillé avec beaucoup d*e délicatcffe,<br />
S>e d'artifice, embelU de fleurs, 5c de feuillages d'or.<br />
Se rempU d'ambre gris du plus précieux. Raretés, que le Saint<br />
Roi ' reçut avec d'autant plus de plaifir, qu'il commençoit à<br />
efpérer dc pouvoir attirer dans le giron de l'Eglife ce Prince<br />
abufé, avec tous-fes Peuples, enivrés, comme lui, de fuperftition<br />
, Se de fauffes croïances,<br />
'ïuËrlâZ L^ ^^^^ ^^ JoïkviLLE ajoutc CCS proprcs paroles,prononcées<br />
iSt.Louis; par les Ambaffadeurs du Prince des Affaffins, U Fous envoie fa<br />
WiaMon- cbemifty dont il Fous fait préfent y pour marque du grand dé-<br />
«gne. ^^^ ^^11 ^ de Fous voir y £5?, pour plus grande affurance, fa<br />
article IF* propre bague de fin or, que voici,^ Fous époufe comme fon Seigneur.<br />
Afin de parvenir plutôt à cette bonne oeuvre, le Saint Roi<br />
'«fit accompagner ces Miniftres pàt de très-fevans Reflgieux ; perfuadé<br />
que ces obns fervitcurs de Dieu n'oubUeroient rien pour fa<br />
converfion ; Se, pour reconnoiffance de fes préfens, il lui envoïa<br />
quelques pièces d'écarlatc, avec plufieurs vafes, 5e autres pièces<br />
de vaiffeUe d'or, 5c ;dargent, très-curieufes, 5c de valeur.<br />
Rien ne fit avorter les pieux deffeins de ST. LOUIS , que la cupidité<br />
des Ordres MiUtaires, particuUèrement des Templkrs y<br />
•
DE JE'RUSALEM. L1T.XL CH.r 62%<br />
qu'ils avoient fait paroître depuis longtems d'embraffer le Chriftianifme<br />
y ainfi que nous favons raporté fous le R^pe du Roi<br />
A L 3i E^R I c, cn 1172. Deforte. que le§ nouvefles Ambaffades du<br />
Fieux de la Montagne à ST. LOUIS, cefles de ce Monarque^<br />
ce Prince Infidèky ni les prefens; réciproques, qu'ijs fe firent,<br />
ne fervirent qu'^à entretenir une bonne eorfe^ondance entre<br />
eux, pendant k féjour des François en Pakftine,-<br />
ST. LotJi5 fe trouvant enfin aifez de Troupes ^ pour paroi- "^<br />
tre en campagne, fortit. dc Ptolomaîdey 5c alk d'abord camper<br />
i^rès de Céfarée, qu'il fit ceindre de groffes nuiraiUes y<br />
flanquées de bonnes tours, de diftance, en diftance. U y mit<br />
une bonne garnifon, Se la fit munir de toutes fartes dc provifîons.<br />
U en fit autant à Nazareth y Se à la Fortereffe du Mont<br />
Thabor y qu'fl fit êgaléulent redreffer, fans être aucunement<br />
troublé dans ces opérations, ni par les Egyptiens, ni par ks<br />
gens du Soudan dAlep, Ces deux Soudans avoient également<br />
recherché P Afliance du Saint Roi, 6e lui avoient offert de grands<br />
avantages. Celui dEgypte s'engageoit non feulement à lui rendre<br />
, tous les ChrétienSy Se. les effets, qui étpknt demeura<br />
en fon pouvoir, mais encore à fentière refÛtution du Roïaume<br />
de Jérufakmy Sc même ccUe de tous les Chrétiens y qui avoient<br />
embraffé le Mahométifme. Le Soudan dAlep y Se de Damas y<br />
offroit de le mettre. Se de le maintenir, dans k paifible pof^<br />
feffion du Roïaume de Jérufalem, dont jl avoit déjà pris quelques<br />
Places fur les Egyptiens. Voilà les raifons, pour lesqudles<br />
les uns, 5e les autres , efpérant d'attirer ce Monarque dansiQ^ir<br />
parti, n'avoient point entrepris dc l'inquiéter dans les fortifications,<br />
qu'fl avoit entreprifes.- ^ •<br />
Auffi , les Egyptiens , qui craignoient extrêmement fo».<br />
union avec le Soudan d'Alep y s'empreffèrent de lui envoïer tous<br />
les prifonniers, qu'fls avoient retenu au pr%dice du Traité.<br />
Celui-ci, au contraire, désefpérant enfin de pouvoir l'attirer<br />
dans fon ' parti, détacha promtement une groffe partie de fa<br />
Cava^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
.»t4 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
Cavalerie afin d'empêcher la continuation; des ouvrages qu'^l<br />
avoit commencés. Cependant, malgré Paproche de ces Troupes,<br />
Se tous les njouvemens, qu'elles fe donnèrent pour cela, ïk<br />
^«ffâ prifi^e purent-fempêcher de fe rendre maître de Jaffa^nlde faire,<br />
'â-^st. ^"1^'^rs yeux, entourer cette Place d'une double enceinte de<br />
Xouis. -muraifles, 6e d'un large. Se profond foffé. Le Saint Roi, qui<br />
la confidéroit comme une clef très-importante pour avancer vers<br />
Jérufalem, 5c en faciUter 4a prife, y fit encore d'autre dépenfes.<br />
Il fit ré^Darer les EgUfos, 6c autres édifices publics, uns<br />
^' -queles menaces des Barbares y qui fe préièntèrcnt fouvent,<br />
-fuffent capables de l'en détourner.<br />
C H A P I T R E XL<br />
.-^rtide/. /^c fut-là tout l'avantage , que ST. LOUIS put tirer dek<br />
V-.^ guerre,que les Barbares fe faifoient entre eux , outre ce-<br />
Jui d'avoir recouvré les prifonniers Chrétiem^y qui étaient reliés<br />
cn Egypte; Car ks Sarrafins s'étant enfuite entre-choqués plufieurs<br />
;jfois, en vinrent à une bataifle, à J'entrée du défert, qui<br />
féparé l'JE^yp/
it JE'RUSALEM. Liv. XI. CH. XI. 52f<br />
»<br />
Pune, ou fautre de ces deux Puiffances, entièrement détruite ; -^nimce<br />
Mais, après avoir perdu cette befle occcafîon, ce fut encore af dans JEfez,<br />
qu'après leur accommodement le Saint Roi pût venir à bout f^H^J^<br />
de fortifier la Vflle de Caiphas, 5c celle de Sidon, comme il fit. contre St.<br />
Car fl fut attaqué, dans cette dernière, par le Soudan dA- 1253.<br />
^ep y qui la lui fit quitter. Il ne put pourtant point le forcer<br />
dans le Clmteau, où fl fe retira avec le peu dc Troupes, qui fe<br />
trouvaient auprès de lui, parce que peu auparavant il en avoit<br />
détaché k meilleure partie, à la foflicitation des Seigneurs du<br />
pays, avec ks Chevaliers de VHopital Se du Temple, pour aUer<br />
s'emparer de la Vifle de Beilinas, ou Céfarée de Philippe. Le<br />
Soudany irrité d'avoir manqué fon coup, déchargea fa colère<br />
fur les fortifications.de Sidon y qu'fl fit entièrement détruire.<br />
•Grand nombre de Vivandiers, dc Payfans, 5e d'autres Perfonnes<br />
, qui s'y étaient réfugiés, furent inhumainement tous<br />
égorgés. II.tenta enfuite de ravager les environs de Ptolomaïde<br />
y en quoi il aurait fans doute réûffi, par féloignement des<br />
Perfonnes, qui auraient pu lui faire tête, fans la promtitude,<br />
avec kquefle le Seigneur d'AssuR, Connétable de Jérufakmy<br />
fortit de cctte Place, avec le plus de monde, qu'fl put ramaf^<br />
fer, 5e le repouffa. * :<br />
La nouveUe, que le Soudan venoit de recevoir, que les Chrétiens<br />
s'étoient'emparés de la Ville de Beilinas y contribua beaucoup<br />
à fa- retraite, quoiqu'fl n'eût rien à craindre de ce côté-là.<br />
Car, fi k garnifon, qu'il âvoit laiffée dans cette Place, eut k<br />
lâcheté de Pabandonner,à l'approche des ChrétienSy pour fe retirer<br />
dans le Château, efle fe défendit fi bien,qu'il kur fut impoffible<br />
de la forcer, ni de profiter du bonheur, qu'ils avoient<br />
eu d'entrer dans la Vflle, fens tirer fépée; deforte, qu'au lieu<br />
•dc fonger à rien entreprendre fur Damas y comme le Soudan<br />
f apréhendoit, fls furent obUgés de s'en retourner, fans rien<br />
tenter. Les Ordres MiUtakes fe retirèrent à Ptolomaïde; Sc le<br />
Comte de Montfort y JEAN d'iBELiN, Comte de Jctffa-y JULES<br />
Kk kk LE<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
626 H I S T O I R E. G E' N E' R A L E<br />
LE BRUN; OLIVIER DE TRÈ'MET, 6C plufîeurs autres Sei<<br />
gneurs, qui avoient été de cette expédition, allèrent rejoindre<br />
k Roi.<br />
• ST. LOUIS étoit encore à Sidon, dont fl avoit voulu recommencer<br />
les fortifications, après la retraite du Soudany qui les<br />
avoit démolies. On trouva les cadavres des ChrétienSy que les<br />
Sarrafins avoient égorgés, à-demi corrompus; Et ce fut dans<br />
Ze/ff^e St. cette occafion, que ce St. Prince fit cette grande œuvre de<br />
vnTls^' chmté Chrétienne y qui étonne encore aujourd'hui ceux qui U-<br />
Tefmf ^^^^^^ ^i^' Pour exciter ceux de fa fuite, qui témoignoient<br />
vcsOné- beaucoup de répugnance à approcher de ces corps infedes,pour<br />
^^^'^^' leur donner fepulture, il porta lui-même les plus corrompus fur,<br />
fes épaules Roïales, jufcju'à un endroit, qu'il avoit fait préparer<br />
hors la Ville , pour les enterrer ; ce qu'il fit avec un courage,<br />
6c une gaieté, qui furprit d'autant plus ceux de fa fuite,<br />
que ks moindres des Soldats ne fouffroient, qu'avec peine,<br />
cette infedion.<br />
n rétablît Après cette adion pieufe, Se bien digne de k Sainteté de<br />
cntîons^de CC Mouarquc, il fit travaflkr, avec tant d'affiduité, aux murs<br />
fift"relier ^^ &Wo«, qu'îl mit bientôt cette Vflle en état de défenfe. Les<br />
beaucoup Troupcs du Soudan*d'Alep s'étoient retirées de cette Place fur<br />
Chrétiens, kurs terres, fans qu'on en fût la raifon ; ce qui procura quelque<br />
peu de tranquiUté aux Chrétiens; Sc au Saint Roi, la commo*<br />
dite d'envoïer diverfes Ambaffades aux Souverains dèJa Syrie y<br />
pour ménager le rachat des Efekves, qui fe trouvoient en leur<br />
pouvok; deforte qu'fl eut la confoktion d'en faire délivrer grand<br />
nombre, qui auroient péri dans les fers , ou couru rifque de<br />
rénier .7^/«j-C&rj#, leur Rédempteur.<br />
Article//. Pendant que ce Prince faifoit un fi bon ufege de fes richeffes,<br />
(^ w;rt' & du tems, qu'fl paiïbit dans k Terre-Sainte, où les exceffi*cbJ^ref<br />
^^^psnfèsvt|u'fl avok faites, pour la réparation des Placçs,<br />
poar l}e»Êrctien d'une Armée, pour k rachat de tant d'Efclares»<br />
6c ies groéks pertes qu'il avoit fouffertes en Egypte y door<br />
noient<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. XI. CH. XL 6i^<br />
noient de Padmîration aux Barbare^ mêmes, le bon Roi dc<br />
Chypre, qui travaUloit, avec beaucoup d'empreffement, à amafïèi<br />
des Troupes, pour rempkcer celles qu'fl avoit perdues dans cette<br />
maUieureufe expédition, afin d'alkr féconder k Roi de France danf<br />
fes feintes opérations, fut forpris d'une violente maladie. U eut<br />
àrpdne le tems d'informer la Reine, fon Epoufe, des affaires de<br />
l'Etat, Se de récommander cette Princeffe, Se fon Ffls unique,<br />
nommé HUGUES, à la Cour fupérieure, afin que,par ks foins,<br />
6c faffiftance des Seigneurs, qui la compofoient, fl n'arrivàç<br />
aucun trouble, ni aucun changement, durant la minorité de<br />
cejeunePrince.il craignoit, avec raffon, qu'fl ne fe trouvât expofé<br />
aux mêmes mallieurs, qu'il avoit éprouvés lui-même, qui f avoknt<br />
fouvent mis en ^angejde perdre k Couronne, Se la vie, 6c.qui,<br />
enfin, lui avoient fait trouver, à fon avènement, les affaires de fbn<br />
Roïaume dans un état, aufli trifte, que déplorable. Dansks derniers<br />
momens de fa vie, fl exhorta tendrement k Clergé, 6c la<br />
Nobleffe, à vivre dans une parfaite union, afin que leurs paffions,<br />
6c leurs difeordes particulières ne caufaffent aucune altération<br />
dans les affaires de l'Etat, ni aucun préjudice à leur légitime<br />
Souverain.<br />
Le Règnô de ce Prince fyt de 31. an. .Dès qu'fl avoît été en^'«^* ,<br />
âge de prendre lui-même les Rênes du gQuvernement.de fon/joirf""<br />
Roiaume, il avoit gouverné fes Peuples avec tant de doi)i;eair, ^^^P^<br />
6c d'affedion, 6c réparé fi bien, par fe& foins, les malheurs,<br />
qu'ils avoient foufferts, pençJant ks guerres inteftines, dont fls<br />
avoient été fi long-tems affligés, qu'fl leur avoit procuré f opulence.<br />
Ainfi, ils avoient grand fiijet d'êtrçfenfibks à la perte d'un fî<br />
bon Prince. Auffi, lorfqu'on célébra fes funéraiUes dans l'Eglife<br />
de Ste. Sophie y fls firent retentir ce Temple de leurs gé-tiejl inbu.<br />
miffemens. Sa mort n'apporta cependant aucune ^Itér^tionTempTde<br />
dans ks affaires de l'Etat, ni à la félidté des Habitans, cam-^,[fjç^°- •<br />
me ils favoient apréheiidé-, en rappellant le fouvenir des disgrâces<br />
6c des calamités, qu'ils voient fouffertes pendant fa<br />
Kk Kk 2 mino-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
623 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
minorité. La Reine PLAISANCE fut affiftée des fages, 5e prudens<br />
confefls du Seigneiu JEAN d'iBELiN, Sénéchal du Roïau-^<br />
me, qui, non moins zélé. Se affedionne pgur la Maifon Roïale,<br />
que pour le bien général du pays, qite l'avoit été f Ifluftre<br />
Seigneur de Baruthy fon Aïeul, s'y appUqua fans réferve.<br />
Cette Princeffe gouverna avec tant de foin, 5c d'attention,:<br />
pendant toute fa Régence, qu'elk empêcha les nouveautés, que<br />
les efprits inquiets. Se turbukns, auroient pu caufer; 5e, foit<br />
pour les mieux retenir dans leur devoir, ou pour quelque au-<br />
^ - tre raifon particulière, elk fit, du confentement de la Cour<br />
fupérieure', folemneUement couronner le petit Prince fon Ffls,<br />
quoique dans un âge fi tendre,qu'il n'avoit encore aucune connoiffance.<br />
Cependant on k portoit auGi)nfeil; 5c placé fur k<br />
trône, on lui kvok k main, pour approuver les déUbératkns de<br />
f Affemblée, comme s'fl avoit été capable de jugei»; fi efles convenoient,<br />
ou non, à fes intérêts. FuéfiUtés peu convenables à<br />
une Affemblée, auffi célèbre, que Pétoit ceUe du Grand-Confefl,<br />
dans lequel on n'admettoit que k Nobkffe la plus expérimentée;<br />
Mais ces Seigneurs les fouffroient fans murmures,foit<br />
pour ne point déplaire à la Reine, 5e au Sénéchal, qui le defiroient<br />
ainfî, ou pour ne point donner Ueu à f altération de la<br />
tranquflité de PEtat.<br />
Artîcie//r. Dans ce même tems,la Reine ALIX, Mère du feu Roi HEN-<br />
U^Mn^ RI, qui ne trouvoit pks en Chypre aucun agrément, qui pût la<br />
Alix, Mère fetisfaîrc, repaffa à Ptolomaïde y dans Pefpérance que le Roi ST.<br />
Henr^r Loùis, qui étoit fou Parcut, Paideroit à entrer en poffeffion<br />
•^idc. » ^Près. Son corps fut tranfporté enChypre y comme eUe l'avok or-<br />
'^^cr^'^'e ^^^"^^ ' ^ inhumé dans PEgUfe des Hofpitaliers y auprès de celui du<br />
^^'^*''Roi-HUGUES, fonEpoux^ Le»<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
.DE JE'RUSALEM. Liv. XL CH. XL 62f<br />
Les maux , que k conduite inconfidérée de cette Princeffe<br />
avoit caufés au Roïaume, 5c qui n'avaient pu être réparés,<br />
que par le zèle de Pincomparabk Seigneur de Baruthy Se par<br />
Pamour , Se Paffedion du Roi pour fes Peuples, firent,<br />
que perfonne ne témoigna aucun regret de fa mort, malgré<br />
les belles qualités, qui brilloient d'ailleurs daris fa perfonne.<br />
Se dont elk avoit fait un bon ufage, tant que fes paffions déréglées<br />
ne favoient point dominée^ Car, dans les commencemens<br />
de fa Régence, elle avoit mérité ks appkudiffémens des<br />
• Perfonnes les phis fages, 5e ks plus éckirées. Artide/r<br />
Cc fut, à peu près, dansk mêmetems, que ST. Louis reçut k E^nbarquetrifte<br />
nouvelle de la mort delà Reme BLANCHE, fa Mère; ce quik Louis,po«r<br />
fit enfin réfoudre de retourner dans fes Etats, makré fattrait *"^^f "^''<br />
•' o . «i-r rance.<br />
qu'avoit pour lui le féjour de k Terre-Sainte, U craignoit,<br />
que la mort de cette vertueufe Princeffe, qui avoit gouverné fon<br />
Roïaume, avec tant de bonheur, pendant fon abfence, ne caufât<br />
quelque changement contraire à fes intérêts, 5c préjudiciable<br />
à fes Peuples;. Et, comme fl reconnut que, malgré les fortifications<br />
qu'il avoit faites en Paleftine , les Chrétiens n-y<br />
avoient point affez de Troupes pour faire tête aux Infidèles,<br />
s'ils entreprenoient de les inquiéter, 6e que les Places, qui lui<br />
avoient tant coûté, retomberoient bientôt en kur pouvoir, fl<br />
y laiffa, pour leur foreté, une bonne partk de fes Farces, fous<br />
le commandement du Seigneur de SERGINES^, 5C s'embarqua k<br />
24.. Avril fur la Flatte Génoife, avec la Reine fon Epoufe, 6c<br />
les Princes fes Enfens ; ce qui caufa autant de fetisfadion aux<br />
Seigneurs François y que de douleur aux Habitans de la Terre-Sainte.<br />
Us apréhendoient, avec raffon, que ks Barbares y<br />
qui paroiffoient n'être retenus, que par k préfénce de ce grand<br />
Prince, n'entrepriffent de kurenlever ce qu'il avoit fi bien étabU.<br />
En effet, la vie exemplaire, qu'fl mena, pendant près deSesiçnr<br />
cinq ans, qu'fl demeura en Paleftine y Se ks grandes adions de ll^g^.<br />
piété, qu'fl. e^rça dans toutes les occafions, 6cmdifféremment^"^^^-<br />
Kk kk 3 poux<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
630 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />
fidèles à pour tout(? forte de Perfonnes, édifièrent fi fort les Infidèles<br />
fiomé- mêmes, que plufieurs d'entre eux quittèrent le Mahométifme y<br />
ffai^'"^ pour embraffer k ReUgion, qu'fl profeffoit.<br />
Chrétiens.<br />
C H A P I T R E XIL<br />
Article/. TL auroit été à fouhaiter pour les Chypriots y qui avoient été fi<br />
frZbieTm -*- édifiés, pendant le féjour, que ST. Louis avok fak dans leur<br />
Cfiyor:, jjg^ ^ qyi Q^ avoient reçu de fi grands biens, par la bonté.<br />
Grecs, ^f avcc laqucflc fl avoît appaife les troubles, que les deux Cierles<br />
Latins. ^^^ ^ avoiciit fî fouvcut cxcîtés, Se accommodé les diffenfions,<br />
6c les difcordes de plufîeursparticuUers, qu'fl y eût encore abordé,<br />
en s'en retournant, afin d'exercer fa charité à appaifer les<br />
nouveaux démêlés,qui s'étoient reveillés entre les Gr^^^î,5c ks<br />
Latins, 6c qui les avoient teflement animés les uns contre les<br />
autres, que fautorité Roïale, 6c celle du Grand-Confefl, étok<br />
à-peine fuflSfante pour les contenir, 6c les empêcher d'ea-venir<br />
Article//. à une guerre ouverte. ^ ^<br />
Refferai- ^gg Qrecs y quî fe rcffentoient toujours de fafron|: que PAr-<br />
Qergé c\\evéque Latin y par fon efprit inquiet, 5c turbulent, avoit<br />
^'^^^' ^it à leur Nation, en excommuniant S i M E'O N, leur Archevêque,<br />
qui, à caufe de ces maltraitera ens, avoit été obligé d'abandonti^f<br />
^" o^^ ^^ P^y^ > ^^ vouloient plus s'en tenir à aucun accommode-<br />
Latin, ment. "L^s Latins y de leur côté, qui' fe fentoknt apuïés de la<br />
Cour de Bjomcy 6c favorifés de celle de Chypre y qui fuivoit leur<br />
Ambaffa- rîtc, étoicHt toujours plus orgudUcux , Se voulaient étendre<br />
deurs en- * ' n i • • > n i • ' t - - ^ - ^<br />
voies au leur fupériorité fur qudques points, qui n avoient point enco-<br />
Vape, pour^ ^Q ^^^ agîtés ; de forte que, pour évit^^r les fuites funeftes de cetdiférent.<br />
te divifiou, 5e faire entendre raifon à f Archevêque Latin y h<br />
^^^^' Rçkie avoit été obligée d'envoïer des Ambaffadcurs au Pape»<br />
pour<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D E J E'R U SALEM. Liv. XL CH. XIL 631<br />
pour le prier d'interpofer fon autorité. Cet accord étoit d'autant<br />
plus néceffaire au bien de l'Etat,qu'fl étoit à craindre, que<br />
les GrecSy dont k nombre étoit incomparablement plus grand, ne<br />
fe révoltaffent enfm contre les Latins, 5c ne miffent tout le Roïaume<br />
en combuftion. Ces Miniftres avoient ordre de repréfenter<br />
au St. Père, que la Religion n'avoit aucune part dans les démêlés<br />
du Clergé, Se que le feul intérêt faifoit naître les trou-»<br />
bks, qui arrivoient à PEtat.<br />
Le Pontife fit examiner cette affaire dans diverfes Conerré- ^grfg»^<br />
. /« ^'""^ tenues<br />
gâtions, Se donna enfin à ce fujet une Bulle, qui, par raport à fon à ce fujet.<br />
nom, fut nommée Alexandrine. U f envok à fon Légat en<br />
Syrie, pour la faire exécuter. Cette Bulle, à propreipent parler<br />
, ne faifoit que renouveUer celles qu'avoient rendu fes Prédéceffeurs<br />
, pour étouffer ks diffenfions feandakufes, qui étoient<br />
arrivées autrefois pour le même fojet. Elle partoit :<br />
L „ \Qiie Archevêque Grec de Nicofie.porteroit à f avenir le ^^f/f'*^^^*<br />
„ titre d Archevêque de 5o//>, auquel fl ajouteroit feulement ce- Aiexan-<br />
„ lui d Adminiftrateur du Peupk de la Capitak ; Se qu'fl feroit %fArti.<br />
„ fa réfidence dans la vieifle Vflk de Solie, afin d'éviter les *^^'^-<br />
„ conteftations, qui pouvoient furvenir entie lui 6e l'Archevê-<br />
„ que Latin y dans les fondions Paftorales.<br />
IL „ Que, pour la même raifçn, PEvêque Grec de Baffo feroit<br />
„ fa réfîdence à Arfos y celui de Limifol à L^'caray Se celui de<br />
„ Famagoufte à Carpaffo y dont ils prendroient également les<br />
„ Noms, avec celui dAdminiftrateurs des feupks des Vifles,<br />
„ qu'fls gouvernoient auparavant.<br />
IIL „ Qiie les différends, qui naîtroient entre les Eccléfiaftiques<br />
„ Grecs y fe traiteroient,en première inftance, devant leurs Eve-*<br />
„ ques, 6c reffortkoient aux tribunaux des Evêques Latins ^l^^<br />
y, quels décideroient pareiflement des affaires, qui furviendroient<br />
„ entre les Ecdéfiafliques Grecs y Se Latins y fariB quç les Eve-<br />
„ ques Grecs puffent en prendre connoiffance.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Ï32 HISTOIRE CEN. DE JE'R US. Liv.XL CH.XII.<br />
IV. „ Que les Evêques Gr^f.y feroient à la nomination de la<br />
„ Côur fupérieure, avec Pagrément du Roi; 6e qu'ils feraient<br />
„ fecrés par les Evêques Latins des mêmes Diocèfes, pourvu<br />
'„ qu'il ne s'y rencontrât aucune oppofition légitime, auquel cas<br />
,, le Confefl feroit une autre nomination,' . .t<br />
': V. „ Qiiè tous les Evêques Grecs y avant d'être* facrés, &<br />
'„ inftallés dans la dignité Epifeopak, feroient obligés de prê-<br />
„ ter ferment, entre ks mains de l'Evêque Z^^//?, de vivre dans<br />
V ' „ la Religion Orthodoxe, en la- manière fuivante,<br />
• -- ' Je N. N. Evéqiiè-Grec d'une telk Filk y jure y y^ promets<br />
fur ces Saints Evangiles y £«? à Fous y MONSEIGNEUR KK. Evêque<br />
Latin, d'être fidèle dans la foi Catholique y ^ Orthodoxe,<br />
Il inftruire mes Ouailles dans k même efprit de Religim Orthodoxe,<br />
Ê«? Catholique , ^ d'être obéïffaêt au Pontife Romain, à<br />
Fous y MONSEIGNEUR N. N., ^ à vos Sueceffeurs ; fatf mes<br />
droits. ': • .<br />
VL „ Que les Evêques Grecs y qui feroient pourvus, recon-<br />
„ noîtroient les Latins, qui les facreroient,par quelques petits<br />
„ préfens, pour njarque feulement de leur dépendance, 5c dç<br />
5, la fupériorité des Latins fur eux.<br />
Article/r. Ccttc Biflk fit autant de plaifir aux Latins y qu'elle caufa de<br />
fondes' chagrin aux Grf^j, parce que, malgré les murmures, qu'elle<br />
Grecs, excîta cutrc eux, 6e finjuftice, qu'ils publioient hautement qu'on<br />
Joie des Is^ir faffoit, ils n'étoient point en état de s'oppofer à fon exécuroc!afi(^^<br />
tion, attendu qu'après la décifion du Pontife, la Reine prit de<br />
de cette tcflcs mcfurcs, qu'cllc ks Contraignit à s'y foumettre,5c à fubir<br />
"*• enfin le joug des Latins, qui las ont tenu dans cette efface d'efckvage,<br />
jufqu'en Pannée 14^7. qif HE L E^N E PA L E'O L O G UE,<br />
qui avoit époufé le Roi JEAN IL 5e qui fuivoit le rke Grec y<br />
voulut abfolument remettre ks Evêques, 6e le Clergé de cette<br />
Nation, dans les biens, les honneurs, 5c les dignité^', dont on<br />
les avoit grives, 6c abaiffer, à fon tour, le crédk,5c l'autorité<br />
des Latins,<br />
HIS-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
R O Ï A U M E S<br />
D E<br />
CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />
E T<br />
D' É G Y P T E.<br />
L I V^ K E XII,<br />
C H A P I T R E PR E'M ÎER.<br />
^i^>^i<br />
E S Chrétiens de k^ Terre-Sainte reconnu- Article Jl<br />
rent, en effet, que les Infidèles . n'atten<br />
L<br />
doient, que le départ du Roi ST. Louis,<br />
pour recommencer leurs ho/UUtés. MELEC-<br />
^^•z^'^-^'^^^ MAËS, Soudan dEgypte y n'en fut pas plu-<br />
)^^^y||j '^\^^%//xj:r p^j.gj. ^ç 1^ Pakftine ; perfoadé que kur<br />
affoibUffement étoit une conjondure très-favorable à les fob-<br />
Ll 11 juguer.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6î4. HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
juguer. Afin de ne pas manquer une entreprife, auffi glorieufe<br />
pour lui, qu'utile à tous ceux de fa croïance , il engagea le<br />
'Entreprife Soudan de DamaSy avec lequel fl s'étoit racommodé, à entrer,<br />
dans^^flnire dc fou côté, dans ks Tcrrcs, que poffédoient les Chrétiens y<br />
les Chré- ^fiu dc Ics obliger à partager leurs Forces, Se accabla plus prommyres'iedi-<br />
tcmcut uuc Natiou, qui kur faifoit, depuis fî long-tems, une<br />
ïou£^*^ fi cruelle guerre, même dans le fein de kurs propres Etats.<br />
Ces remontrances firent fur fefprit du Soudan de Damas tout<br />
feffet, que celui dEgypte pouvoit en attendre. Ce premier,<br />
comme plus à portée, commença à exécuter ce grand projet. U<br />
entra, avec toute fa Cavalerie, dans la Province de Phénicie y<br />
1257. oii fl ravagea d'abord les deux gros Bourgs de Degno 5c deRecordenery<br />
Se emporta d'affaut la Ville de Subna, dont lagar-<br />
Leurs pro- uifou étoit 'trop foibk pour défendre -les fortflications. ll y<br />
«'•^^- maffacra huit cens Habitans, Se en conduifit 4.60. en efclavage.<br />
M E L E c-M A ES le • joignit enfuite. ^Ils ravagèrent enfemble le<br />
refte de la Provint. Ils s'a^ancèrdtlt pfqifk Sidony qu'fls forcèrent<br />
également, malgré les fortes muraflles, dont ST. Louis<br />
avoit .'fait entourer cette ViHe. Ils fe préfentèrent même devant<br />
PiôhmàÛey qu'fls^ auroient affiégéé, fans la nouvelle imprévue,<br />
qu'ils reçurent du "puiffant armement, qu'avoient fait<br />
les Tartares, à k foUidtation d'AvTON, Roi dArménky pour<br />
venir fecourir la Terre-SàinteySc iShr faire la guerre à eux mêmes.<br />
C'eft pourquoi ces deux Soudans terminèrenti leur campa^<br />
gne. Se ne penferent plus, qu'à fe mettre en état de faire tête<br />
à de fi puiffans Ennemis.<br />
crueiit Mais, par une fatalité inconcevable, ks Chrétiens de Paléf<br />
frTies Vé- tine y qui n'ignoraient pas les bonnes ^intentions du Roi dJr-<br />
^f^l^^f méniéy Se h difpofitiùn des Tartares, bien loin de travailler<br />
»K JE'RUSALEM. L?v* 3pDr. CH. L 62f<br />
«uellc guerre entre les Fénitiens y Sc les Génois de Ptohmatdey<br />
au fujct de PEgUfe, 6c du Monaftère de Saint-Sabas y que les<br />
Rois de Jérufalem avoient accordé à ces Républiques pour leur<br />
ufege commun. Cette difcorde penfa caufer la perte entière dç<br />
tout ce que les Chrétiens poffédoient encore en Syrie y ainfi qui<br />
la plupart des Hiftoriens le rapportent; auffi bien que ceUç dç<br />
PEmpire de Grèce y par f acharnement, avec lequel ces deu^<br />
Nations continuèrent à fe faire la guerre, malgré les remontrances<br />
des Papes, 6c fentremife des autres Puif&nces CbrétieineSy<br />
qui s'efforcèrent inutflement de les racommoden<br />
Pour éclairck le fujet de cette grande, 5c funefte querellç,<br />
il faut fevoir, qu'après que les Chrétiens eurent pçrdu la Vil(ç<br />
de Jérufakmy les Rois, ks Princes, 6c les Seigneurs du Pays,<br />
les Ordres Militaires, Se tous les autres ChrétienSy qui fç trouvoient<br />
dans ccttc Capitale, fe rçtkèrent à Ptolornaïdèy Se j<br />
étabUrent leur réfidence.<br />
Comme les RépubUques de Fénife y de GifieSy Se dç fife<br />
«voient été utfles par leurs Flottes, pendant toutes Içs Cf^wjfadesy<br />
Se qu'elles Rs^ent rendu de graiids lèfvicçs aiix'Roïsj^<br />
Jérufakm en particulier, ces Prmces les en avoien,t recônipe^fés<br />
par divers beaux privilèges , qu'ijs leur ^voient acçor4#;<br />
entre autres celui d'avok ^dxacune kur quartier particuUer
636 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
ce fujet, 6e s'addreffèrent enfuite à la Cour de Rome y pour y<br />
faire décider'leurs prétenfions. Leur caufe y futplaidée, avec<br />
une égale animofité. Le Pape, qui voulut éviter k désordre,<br />
' 6e k fcandale, qUi pouvoit en arriver, déclara, qu'en attendant<br />
la décifion, l'Eglife, 5e le Cloître de St. Sabas y demeureroit,<br />
comme auparavant, bommun aux deux Nations ; 6c, afin que<br />
^efsdu chacune d^^elles en jouît. Sa Sainteté expédia deux Brefs, l'un<br />
cette affai- pour les'Féniticnsy adreffé au Patriarche de Jérufalem,SeTml'u^mp.<br />
^^6 pour les Génois y adreffé au Prieur de PEgUfe des Hofpita-<br />
^reen- Uer S y doht Ic Crédit n'étoit pas de moindre importance; or<br />
tiire.<br />
donnant à ces deux Prélats de tenir k main à l'exécution dc<br />
fes Prefs, 6e à faire jouïr chacune des parties, qu'il leur recommandoit,<br />
de la paifible poffeffion de cette Eglife, afin d'empê<br />
itsZ. cher les uns 5e les autres d^en venir à des extrémités; mais ki<br />
bonnes intentions, qu'avoit Ic St. Père, de calrîier les efprits de<br />
ces Républicains, ne fervit qu^ en accélérer PentièrÇ-rupture.<br />
Car les Génois, qui, les premiers, reçurent la nouvelle du<br />
Mandement Apoftolique, engagèrent adroitement le Prieur des<br />
Hofpitaliers à le^ inftaUer dans k poffeffion de PEgUfe;, dont il s'a^<br />
giiîbit. Soit que ce Prélat ne réfléchit pas d'abord à la conféquence<br />
de la démarche, qu'fl aflok f lire, ou qu'fl ne fût pomt aifez<br />
ami des Fénitiens y pour ménager leurs intérêts, fl leur accorda<br />
ce qu'fls dcmandoient. Les Génois y après kur inftalktion, agir<br />
rent avec grande dextérité auprès du Comte PmLiPPE DI<br />
MONTFORT, qui, après k mort de l'Empereur F R E'B E'R I C ,<br />
avoît été fait Gouverneur de Ptolomaîdey foit par raport à fon<br />
mérite perfonnel, foit en conlîdénition dé fes Ancêtres, qui<br />
avoient rempU IdAfiey Se ^Europey de kurs belles adions. Us<br />
engagèrent ce Seigneur à leur permettre de fortifier ce Cloître..<br />
Hs s'y appUquèrent avec tant d'ardeur, qu'ils réduifirent biei><br />
tôt cc Ucu de dévotion en véritable fortereffe, fans que les ré*<br />
montrances du Patriarche , ni du Noble NICOLAS MICHELF,<br />
MaikdQt Fénitiens y Homme d'une grande prudence, fufTent<br />
cap»:<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM, Liv. XIL CH.L 62r<br />
capables de les faire défifter de leur entreprife, ni d'arrêter leur<br />
vioknce.<br />
Le Comte dc MONTFORT fit phis; Car, fans confidérer k<br />
grand préjudice, que fa partiaUté aUoit caufer aux affaires des<br />
Chrétiens Orientaux ^ qui lui avaient unanimement confié leur^intérêts,<br />
fl ordonna aux Fénitknfy qui commençoient à fe reffentir<br />
de finjuftice, qu'on kur faifoit, de fortir inceffamment<br />
de Ptolomaïde, Cette conduke violente, Sc précipitée, dans une<br />
perfonne, .où réfidoit toute l'autorité. Se qui devoit s'en fervir<br />
pour y entretenir la paix Sc Punion, fut généralement ^blâmée;<br />
Se fon peut affurer, que la partialité de ce Chef ternit beaucoup<br />
fa gloire, 6e fa réputation, par raport aux maflieurs, qui la<br />
fuivirent.<br />
Quoique fe Baik Fénitien emplaïât toute fe prudence. Se fe Suites fèmodération,<br />
pour faire revenir k Comte de MONTFORT de fa fem'rt^<br />
pernicieufe réfolution, Se pour faire rentrer ks Génois dans la f^^'<br />
raifon : qu'il empêchât même ceux de fa Nation, qui n'étoknt<br />
pas moins puiffans que leurs concurrens, d'en venir aux mains<br />
avec eux ; dès que le Sénat de Fénifi fut informé du tort, qu'on<br />
faifoit à fes Sujets, Se de leur retrake à Tyr y il réfolut de ne<br />
point fouffrk une injure fi préjudidabk à l'honneur, 6c aux intérêts<br />
de fa RépubUque,6c projetta d'abord d'en tirer vengeance.<br />
Pour cet effet, les Fénitiens contradèrent promtçnent<br />
deux Afliances, l'une avec EMPHROI, Roi de IS/«7I?, •6C fautre<br />
avec ks Pifans; crainte que les Génois ne les prévinffent, 6t<br />
ne les engagea&nt dïfns kur parti.<br />
Et, comme la modération dc leur Baik kur parut trop grande<br />
dans une occafîon fi intéreffante, le Sénat dépêcha d'abord<br />
MARC JUSTINIANI , Homme plus réfolu , 6c plus capable dis<br />
foutenir leurs intérêts, pour rempfir fe pkce. Il ordonna,- en<br />
même tems ,àLAURENS TIE'ÏOLO, quife trouvok dans les<br />
mers du levant y avec une Efcadre de treize gilères, dc "paffer<br />
inceffamment en Paleftine y pour tirer raffon de l'afront, que les<br />
Ll 11 3 Génois<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6iS HISTOIRE G E' NE'RALE<br />
Gémis avoient fait à kur Nation, en attendant qu'ils fiffent<br />
préparer un plus grand armement, pour aller le foutenir.<br />
Ce Commandant fe rendk à Tyr y renforça fes galères, 5c<br />
entra, pendant la nuk, dansk port de Ptolomaïde y avec tant<br />
de réfolution, qu'après en avoir brifé k chaine, qui k fermait,<br />
flprit, brûla, ou coula à fond deux Galères, 6c vingttrois<br />
Navires , ou autres Bâtimens Génois, qui s'y trouvoient<br />
à l'ancre. Il força, avec la même rapidké, la fortereffe,<br />
qu'ils avoient conftruite dans ie Cloître de^fit.SabaSy<br />
à laquelle ils avoient donné k nom de Montjoy, la rafa<br />
entièrement, 6c chaflà enfin à fon tour tous les Génois de<br />
Ptolomaîdey qui fe réfugièrent à. Tyr y dès que les Fénitiens y<br />
à qui cette Ville avoit fervi d'afile , eri furent partis, pour<br />
• retourner dans leurs Maifons. Ils eurent lè chagrin de les<br />
trouver facagées, par ordre de SA LION GRIMALDI, Conful Gér<br />
nois y qui, non content dWoîr engagé le Comte de MONT<br />
FORT à tant d'extrémités , avoit encore renchéri fur toutes<br />
fes vioknces. . i .<br />
Article!//, ^ou^gg ^es ûffultes, 6c toutes ces pertes, n'empêidièrent<br />
pas ks Fénitiens vidorieux de confentir à un accommodfement,<br />
que la Reine de Chypre y le Seigneur: d'IsELiN Sénéchal<br />
du Roïaume, 6c les Maîtres de VHopitaly Se du^Tem-<br />
'''J^°^^°-^ pk, €herchéren.t à ménager, afin d'arrêter les animalités de<br />
pofé, e? CCS deux puiifentes RépubUques, dont k difcorde étok ca-<br />
'''^^"' pabk de caufer l'entière perte du Roïaume de Jérufalem,<br />
au Ueu que Punîbn de leurs forces , 'avec «ceUes des Clnitkns<br />
du pays étoient encore fuffifantes pour le foutenir.<br />
Cet accommodement étoit fur k point de fe conclurre,<br />
iorfqiie Rossi DE LA TURQUE, fameuxCapitame Génois, arriva<br />
à Ptolomaïde, avec une puiffante Flotte, Se le fit entièrement<br />
échouer ; Car fa Nation, encouragée par des Forîces<br />
iî confidérables, ne fongea plus, qu'à fe dédommager de<br />
la<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
*E ^JE^RUSALEM. JLiv.XIL CH.X ^3f<br />
fe prife, Ze dt feaibl^aiëment de kurs Vaiffeaux, 6c à crecoa-<br />
Vrer le CMtï^e de St. Sabas y dont on les avoit chaffés.<br />
Leur réfolution fut Caufe, que k Reine de Chypre, de Médiatrice,<br />
qu^eUe étoit, fe rendit partie, parce que le Comte<br />
de MONTFORT , 6c ks Génois '4)renoknt trop d'empke dans ks<br />
Vflks du Roïaume de Jérufalem y que les Chrétiens poffédoient<br />
encore ; ce qui auroit pu devenir préjudidabk aux intérêts du jeune<br />
Roi, fon Ffls, fur cette Couronne. Cette Princeffe joignit plufieurs<br />
de fes Bâtimens, bien armés, à la Flotte Fénitknne'y ^ui<br />
fut encore renforcée par une Efcadre de Galères, que commandoit<br />
ANDRÉ' ZEN. Leur Flotte, quoique forte de cinquantequatre<br />
voiles, fut néanmoins attaquée par les Génois, qui fortirent<br />
de Tyr y avec un nombre à peu près égal. Le combat<br />
fexionna entre Caïphas y Se Ptohmaïde, Il fut très-rude. Se<br />
très-fenglant. Les deux Armées firent égakment des efforts extraordinaires<br />
, pour remporter la vidoire ; Mais, enfin, après<br />
s'être longtems batus, avec beaucoup de courage, Se d'opiniâtreté,<br />
6c avoir perdu quantité de monde de part. Se d'autre<br />
; foit que les équipages des Génois fuffent plus foibles, ou<br />
moins heureux, que leurs Ennemis, ils furent enfin vaincus,<br />
.6c perdirent, dans cette journée, vingt-cinq Galères, queles<br />
Fénitiens conduifirent en triomphe k Ptolomaïde y d'oiiTiEPO- ^.^^^^^<br />
LO envoïa les prifonniers k'Fenife y avec deux belles Colonnes Vénitiens,<br />
de marbre, qui faifoient Pornement du Cloître de St. Sabas y fa^ic^<br />
Se que le Sénat fit placer à côté de l'Eglffe de St. Marcy où^'"^^'^'<br />
cUes fubfiftent encore aujourd'hui.<br />
' La bonne conduite du Commandant T i E'P o L o, ni les foin j<br />
du Baile JUSTINIANI , • ne purent cependant empêdifer ceux de<br />
leur Nation, de fe jetter tumultueûfement fur les Maifons des<br />
Génois de Ptolomaîdey Scy par droit de reprefailles, deks faccager<br />
entièrement, en revanche de ce qu'avoit fait SALION<br />
GRIMALDI, lofs qu'il les obligea à fortir de cette Vilk Ainfi,<br />
entre ces deux Nations, c'étoit à qui pourrok fe traker avec le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
tf+D HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
plus de fureur, Sc de cruauté. Voilà ce qui donna Ueu à la<br />
longue, 6c ruineufe guerre de ces deux RépubUques, qui engagèrent<br />
enfuite dans leur querelle, non feulement les Prmces,<br />
6c les Seigneurs d'outre-mer, mais encore les Puiffances defEurope;<br />
Sc qui ne fe termina enfin, qu'après plufieurs fanglantes<br />
bataflles, oii la vidoire favorifoit, tantôt les uns, tantôt les<br />
autres, Se par fentière perte de ce que les Latins poffédoient<br />
en Orient,<br />
Remar^Mtf C'eft uuc chofe affcx remarquable, que ces deux puiffantes<br />
S'^CrS'-' Républiques, qui avoient tant contribué à faire acquérk aux<br />
«w. Chrétiens ce qu'fls avoient gagné en Paleftine y fuffent enfuite<br />
efles mêmes Punique caufe de la perte, qu'fls en firent, 5e que<br />
leur domination fe renfermât encore dans un coin de VEurope,<br />
11 n'eft pas moins vrai, que, fans faffiftance, ^ que les Génois<br />
donnèrent àMicHEL PAL E'O LO GUÉ, afin de contre-carrer les<br />
Fénitiens, il n'auroit pas été difiEcfle à ces derniers de chaffer<br />
ce Prince Grec def Empire de Conftantinopk y Se d'y maintenk<br />
BAUDOUIN IL qu'fls favx)rifoient, 6e fur lequel MICHEL Pavoit<br />
ufurpé.<br />
•s<br />
^**l'ii^!?>®'4^*.*)4j«®®>>;j
uk JFRtrsALEM. LÏV; Xïï. CH. E 64.1<br />
auparavant avec MANGON, Grand-Can des Tartares y 6c''pour<br />
engager ce Prince à.le feconder dans ce projet.<br />
' Qiielques Hiftoriens écrivent même, qu'AYTON fut fi heureux<br />
dans ce voïage, qu'il en obtint non feulement tous les fecours,<br />
qu'fl lui demanda, mais encore qu'fl eut le bonheur de<br />
perfuader à MANGON d'embraffer la ¥oiCatholique;'EtqueVEyè-erreur des<br />
que Grand-ChanceUer d Arménie yqui avait accompagné AYTON da^rTÂ'"^<br />
dans ce voïage, bâtifa MANGON, avec toute fa Cour. Oufl^^T^^^'*<br />
faut, que ces Ecrivains aient erré dans la Chronologie, ou que<br />
les Tartares n'aient pas perféveré dans le Chriftianifme, puifque<br />
dès l'année 124.9. le Roi ST. Louis reçut en Chypre P Ambaffade<br />
du Prince ERCALTAI, qui fe dffoitr être Chrétien depuis<br />
long-tems, '6e qui faffuroit, que le Grand-Can fétoit auffi depuis<br />
trois ans, comme je Pai raporté.<br />
• Mais, enfin, que ce fut le même Souvermn des Tartares y Ayton Roi,<br />
ou un autre, qui embraffât k Chriftianifme y fl eft certain, q^efa^^^^jum-<br />
MANGON, ne pouvant fe mettre lui même à la tête de la puif-««^«
«4.2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
USB. prindpaux Officiers, pour la tenk bloquée, jufqu'à ce quek<br />
faim contraignit ces voleurs à fe rendre. .<br />
11 mit enfuite les ordres néceffaires' pour k confervation dc<br />
fes conquêtes, Se conduifit fon Armée vidorieufe dans VJfjyriCy<br />
où ks grandes chaleurs rie lui j)ermettant pas de rien entreprendre<br />
, il alla paffer cette faifon dans la Province de<br />
iS'^r/(!?f de la grande Arménie; Sc ce fut-là que le Roi AYTON<br />
prit congé de lui, pour retourner dans fes Etats, d'où fl étoit<br />
abfent depuis trois ans 5e demi. Il y afla affembler le plus de<br />
Troupes, qu'fl lui étoit poffible,pour le rejain'(^5c exécuter<br />
leur entreprife en faveur de la Terre-Sainte. '<br />
Quoi-que la faifon obligeât le Prince AOLON de demeurer<br />
dans l'inadion, malgré la grande envie, qu'il avoit d'attâfief<br />
d'abord les Mabométans y en commençant par le Calife de Bagdet<br />
yleur Chef,fl fut pourtant bien aife de n'avoir p^ continué<br />
lui même le fiége'de Sarmacande y à caufe de'd'opiniâtreté, avec<br />
laquelle les voleùr-s î^ qui s'étoient emparés de cette Ville, fatiguoient<br />
fes gens,fans qu'fls puffent rien avancer. En effet,leur<br />
réfiftance fut fi grande. Se fi extraordinaire. Se la fermeté des<br />
Tartares fiperfévérTintey que, felon la plupart des Hiftoriens,<br />
qui parlent de ce fiége, il dura dix-fept ans ; Mais, felon AY<br />
TON d Arménie y qui doit naturellement en être mieux inftruit,<br />
ce fiége fi extraordinaire fut cehii du Château de TYGADO, ap-^<br />
partenant aux Affaffins. Il affure même, qu'fl dura 27.'ans;<br />
Mais,que ce foit fun,ou fautre,ils conviennent tous de la durée<br />
, qui eft une chofe affez digne de mémoke,,Iv<br />
Article//. Lc tcms dc fe remettre en campagne', étant'enfin venu, le<br />
iÙnZt vidorieux Tartare "aM y fans héfiter, affiéger la Vflle dc ^^^iTlffiéger<br />
^^^^ réfTdence du Calife y que tous les autres. Princes Mahomé'<br />
Kagdet. tans révéroient 6c reconnoiffoient pour leur Chef, Se Souverain<br />
Pontife.<br />
saprifepar Quelque grande, forte, 6c riche, que fût alors cette Vflle,<br />
6c même capable de réfîfter longtems aux attaques de fes Ennemi»)<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
»B JE'RUSALEM. LIV.XILCH. IL ^4;<br />
nemis, elle tomba pourtant très-fadlement au pouvoir du Tartare<br />
y par f avarice fordide du Calife y qui n'ofa jamais entamer<br />
fes tréfors, pour la mettre, par fes Troupes, en état de défenfe,<br />
ni pour fe garantir lui-même du malheur, qui lui arriva,<br />
malgré k danger, qui le menaçoit, 5e qu'fl n'ignoroit pas, puisqu'il<br />
y avok long-tems que le bruit des deffeins d'AOLON s'étoit<br />
répandu , fans que tout cela fût capable de tirer le Calife de<br />
(à léthargie. Tant les avares font incapables d'être touchés<br />
de quelque autre objet, que de la contemplation de leurs richeffes!<br />
Efles lui devinrent bien funeftes. Car le Prince Tartare<br />
y étonné de la quantité prodigîeufe d'or, d'argent, de per- Caiife de<br />
les, de pierres précieufes, 6e d'autres bijoux rares, 5e de grand puvowTu<br />
prix, qu'fl trouva dans fon Palais,conçut tant de mépris pour j^"'^«<br />
le mauvais ufage, qu'il en avoit fait, que f aïant fait venir en<br />
(à prefence, il lui demanda, avec indignation, fi tous ces grands<br />
tréfors lui appartenoient; Se y fur la réponfe que le Calife lui<br />
fit, qit'ils avoient été a lui y il lui répondît, avec autant d'emportement,<br />
que de dédain. Pourquoi donc, miférable que tu es y<br />
vlas^tu pas mis fur pié une Armée y capable de réfifter à la mienne<br />
y ^ de te les coriferver?<br />
Ceft, lui répondit-il encore, parce que fai toujours cru mes<br />
Sujets fitfilifans y pour me garantir de Tmfulte de toutes les Nations<br />
du Monde, A> quoi fon Vainqueur répUqua d'abord; Qifil ri étoit<br />
pas poffible, que le premier Doâeur de la. Loi Mahométane fut<br />
afféz ignorant fur fes intérêts particuliers y pour s'être imaginé<br />
qtlune troupe de gens y fans difcipUne y fût capable de réfifter a la<br />
puiffance des Tartares; Qui il devoit avouer y que la cupidité de<br />
richeffes Pavoit aveuglé y fe? conduit dans le précipice; Ceft pourquoi<br />
y comme il avoit préféré la confervation de fes tréfors à fa<br />
propre vie y il étoit bkn jufte y que cette même vîe y qui. en avoit<br />
été efclave y en devint aufft la vidime. Il ordonna, fur le champ,<br />
à fes Gardes d'enfermer cc grand, 5c digne Prince, l'incomparable<br />
Chef des Mufulmans y dsns l'appartement de fes tréfors;<br />
Mm mm 2 6c<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6U H I S T OIRE G E' N E' R A L E<br />
6c que, comme tout autre mets, que Par, Pargent, 5c les chofes<br />
précieufes,étok incapable de le raffafîer,fl faUoit l'en laiffer repaître<br />
à loifîr, fans lui donner aucune autre nourriture.<br />
TeUe fut la fin déplorable de ce malheureux avare, qui mourut<br />
de faim, au milieu d'une infinité de richeffes ; ce qui termina<br />
la Majefté, 5c la grandeur des Califes de Bagdet y qui<br />
finirent par la lâcheté, 6c f avarice de ce dernier^ de la même<br />
manière que k moUeffe , 5c Poifiveté avoient caufé Panéantiffement<br />
de ceux dEgypte y dès l'année 116p; que k grand<br />
SALADIN s'empara de cette Souveraineté. .<br />
Article///. Lamort du Calife de Bagdet ne fauva pas la vie à fes mirm//fl<br />
*^ férables Sujets. L'Armée Tartare ne fut pas plutôt entrée dans<br />
'JS%r" ^^ Ville, qu'elle paffa au fil dé Pépéè tous ceux qu'elle yrenconmdiiic.<br />
tra. Efle ne traita pas mieux les Habitans des Ueux d'alentour,<br />
où. tout fut inhumainement maffacre. Le Prince AOLON s'arrêta<br />
quelque tems dans ce délicieux pays, tant pour Padmi- -<br />
rer, 6c en jouïr avec tranquilké, que pour s'en affurer la conquête,<br />
5e attendre la jondion, du Roi d Arménie y ^uç^el fl avok<br />
fait favoir, que, voulant paffer promtement en Syrie y pour<br />
chaffer les Infidèles de la Terre-Sainte y Se fouhaitant de fè conduire<br />
dans cette entreprife félon fes bons confeils, flk priok<br />
de venir k joindre inceffamment.--<br />
T^url^' Comme fl fallait du tems à VArménkny pour affembler fesprogrès.<br />
Forces, fl fe pafla près d'Un an, avant qu'AOLON:: fortk de Bagdet.<br />
Il entra enfin dans la Méfoptamie y ou le Roi AYTON k<br />
joignit, près de la Ville de RohaiSy3.vec dôme mille Chevaux,<br />
Se quarante mille Hommes d'Infanterie. Ils s'emparèrent conjointement<br />
d'^^
DE JE'RUSALEM. Lrv. XIL Gif. IL é^r<br />
pliis de peine à réduire fon fameux Château; mais fls en vinrent<br />
enfin à bout, 6c firent main baffe fur tous les Sarrafins y<br />
qui s'y trouvèrent. Ils kiffèrent enfuite rafraîchir leurs Armées,<br />
des abondantes provifîons, qu'ils trouvèrent dans-cette^ande<br />
Vflle, dont le butin fut ineftimabk;<br />
Pourfuivant le cours de Tes Vidoires, A OLON s'avança i'<br />
dans la Syrie , où il s'empara dû* Château dAréthufe, Se<br />
de toutes les Villes, 6c Bourgs de la Principauté dAntioche y ><br />
dont les Sarrafins s'étoient rendus maîtres peu auparavant. Il<br />
ravagea également tout ce qu'occupoient les Affaffins d^xis h<br />
Province de Phénicie y détruifk entièrement leurs Châteaux, 6c<br />
autres habitations, 6c fit paffer toute cette race fous le tranchant<br />
du Sabre, de manière qu'fl ne demeura plus aucune femence,<br />
veftige,ni mémoire de cette cruelle 5e barbare Nation.<br />
U fit mourir le Fieux de la Montagne y leur Frince, 5c les prin- -^<br />
cipaux d'entre-eux dans des tourmens effroïables, 6c ne par- /?«/«vieux<br />
donna aux Femmes, ni aux Enfans, afin.qu'on n'en entendk Jjjj^°*^<br />
jamais parler.-<br />
Il s'empara, avec là même rapidité, dès Vifles dé MalbeCy^^^^^^^*<br />
de Camélia, Se de Sidon. Ne trouvant enfin plus aucune Ville,<br />
ni Château, à prendre dans la Paleftine y fl alla affiéger k<br />
grande 6e déUcieufe ViUe de Damas; où, foit que lès Habitans ^f^^as<br />
fuffent intimidés du bruit de fes conquêtes, ou qu'un bonlieur Aoi»î!<br />
extraordinaire, accompagnât toutes fes'entreprifes, iPentra<br />
fans beaucoup de conteftation, malgré k'réfiftance, que voulut<br />
faire le Soudan MELEC-NASSER. Il le fit prifonnier,<br />
avec fa Femme, Se. fes Enfans, 6e les envoïa d'abord en-<br />
Perfe.<br />
Quelques-uns prétendent pourtant, que ce Soudan fut fait'<br />
prifonnier à Alep, 5e que le Prince Tartare le fit conduire devant<br />
Damas y où fl le fit fouetter de verges ,àk vue des Habitans<br />
, qjji fe difpofoient à |è bien défendre | pour intimider fa '<br />
P^mme, 6c fes Enfans, qui-s'y trouvoient enfermés, 6c qu'fl '<br />
Mnaumm 9„ " mena?-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6^6 HISTOIRE G E' NE'RALE<br />
menaçoit de faire mourir dans les tourmens, s'fls ne luî rendoient<br />
promtement la Vflle. D'autres ont encore écrk, que<br />
ce ne fut, ni à Akpyvii kDamaSy queMp/LEC-NAssER fut<br />
fait prifonnier; mais qu'aïant apris la prife de cette première<br />
Place, 6c la captivité de fa Femme, Se de fes Enfans, un effet<br />
de la grande tendreffe, qu'fl avoit pour fa famille, le porta à<br />
afler fe jetter aux piés d'AOLON, pour implorer leur délivrance;<br />
6e que fa foumiffion n'aïant point été capable d'émouvok leVamqueur,<br />
fl les envoïa en Perfe y diargés de fers, félon l'ordre<br />
de PEmpereur, fon Frère, qui luî avoit commandé de ne laiffer<br />
en Syrie aucun Prince Mabométan,<br />
C H A P I T R E III.<br />
Article/. A près UU fi loug cours de proi{)érités, les Chrétiens dePa-<br />
Aoionn- f^ j^j-^^ ^^ croïaut à k veilk de vok foumettre h Ste. Citourne<br />
en<br />
Tartarie. /^^ AoLpîf fe préparoît, CU cffct, à CU faite la conquête,lorfque,<br />
par un malheur inopiné, fl reçut avis, que l'Empereur,<br />
fon Frère, qui faifoit la guerre dans le Catai, où il avoit<br />
iit- même fait quelques progrès, s'y étoit noïé. Pendant qu'il<br />
.îittaqjipit une Ile, fes Ennemis eurent faddreffe de faire percer,<br />
par. des plongeons, la quiUe du Vaiffeau , à bord duquel fl<br />
étoit embarqué. L'avis de fa mort fut caufe,qu'AOLON ne fongea<br />
plus, qu'à s'en retourner en Tartarie; parce qu'il étoit de<br />
fon intérêt d'y arriver promtement, de peur que ceux qui pouvoient<br />
avoîr quelque prétenfîon à PEmpire ne profitaffent de fon<br />
abfence, pour s'en emparer. Il donna les gouvernemens dei<br />
Villes, 6c des Provinces conquffes, à des Officiers de fidélité,<br />
l^ffa le gros defon Armée en Syrie y fous le commandement<br />
(dç GuiBORCA, ou GuiRBOÇA, Puu dc fes Généraux ,^avec ordre<br />
4e pourfuivre la guerre, 6c de coSCgncr Jérufalem^ les autres<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. XIL CH. IIL 6^r<br />
tres Ueux aux Cprétiens de h. Terre-Sainte, Enfm, il partit,<br />
avec une fuite fort médiocre, pour faire plus de dfligence.<br />
Cette vigilance, 6c cette précaution ne purent cependant k<br />
garantir du contretems, qu'fl appréhendoit. A-peine fot-fl entré<br />
dans la Perfey qu'il aprit, que les Tartares avoient devé<br />
fur le Trône un de fes Frères, qui fe nommoit COBILA , 6c<br />
que PAUL EMILE appelleCUBLAL 11 fut auffi informé, que BAR-<br />
CAT, Fils de BATTON, OU BAIDE, autre Prince de fa Nation,<br />
•lequel, après avoir ravagé la Hongrie y Se la Pologne y s'étoit<br />
noïé, en paffant la Dr ave y s'avançoit avec une puiffante Armée<br />
, pour s'oppofer à Pentrée d'AOLON dans fes Etats.<br />
La découverte d'un ennemi, qu'fl ne s'attendoit point de rencontrer,<br />
fobligea de ramaffer promtement le plusde Troupes, qu'il<br />
lui fût poffible, pour n'en être point furpris, 5c fe trouver en état<br />
de le ranger plus facflemént à fon devoir. Il le rencontra aux<br />
confins de cet Empire, 6c au paffage d'une grande rivière entièrement<br />
glacée. Ces deux rivaux, pouffes d'une égale fureur,<br />
rangèrent d'abord leurs Troupeg en bataille fiir la glace, où le<br />
combat ne fut pas moins funefte à Pun, qu'à Pautre ; car k gkce<br />
n'aïant pu foutenir un fi pefant fardeau d'Hommes, 5c de Ciievaux,<br />
s'enfonça tout d'un coup, 6c fit périr plus de trente<br />
mifle Hommes, de part 5e d'autre.<br />
Un fpedade fi affreux étonna teflement le refte des deux Armées,<br />
qu'efles ne penferent plus à renouveUer le combat. Après<br />
s'être féparées, chacune reprit fa route ; de forte que la conquête<br />
, qu'AoLON avoit faite de la Perfe, lui fut d'un grand avantage,<br />
puisque cet Etat lui fervit d'afile, le dédommagea, en<br />
quelque façon, de k perte de la Tartarie y Se l'empêcha de<br />
devenir la vidime de fes Ennemis.<br />
A' l'égard de GUIRBOCA, qu'fl avoit kiffé en Syrie y il paroiffoit<br />
fî bien difpofé à exécuter fes ordres en faveur des<br />
ChrétienSy qu'ils avoient tout Ueu d'efpérer, qu'fl les mettroit<br />
bientôt en poffeffion du Rojaume de Jérufalem, Ce qui ferok<br />
arri'i<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
64.S H rs TOI R E G E'N E'R A LE<br />
arrivé, fi leur mauvaife conduite n'eût fait changer la bonne<br />
inclination de ce Général, 5c ne Peut convertie en une haine<br />
idipkcabk contre eux ; teUement qu'au lieu de travaiUer à leur<br />
avantage, il les auroit entièrement dépouillés.de ce qu'ils pof^<br />
fédoient, fila mort ne l'eût prévenu.<br />
Article//. Cc grand changement fut produit par favidité, 6c Pinfolen-<br />
'XssZts. ce des Soldats Chrétiens de la garnifon du Château de Beau-<br />
^uaï^f^^^ fitué-dans ^k Comté de Sidon. Tranfportés par la fu-<br />
,deïiem- reur de butiner, ils fortirent confufément, 5cravagèrent plu- .<br />
°"' fieurs lieux, habités par des.payfans-S^rr^sf/zw, quiydemeu-<br />
. raient, fous la fauvegarde des Tartares, .aux quels fls payoient<br />
quelque tribut. A' ces brigandages fls joignirent d'autres excès.<br />
Les Sarrafins y dontles maifons avoient été facagées, 5c<br />
le bétafl emmené, aflèrent fe plaindre de ces violences à<br />
GUIRBOCA, leur protedeur. Il envoïa, fur le champ, un de<br />
fes Neveux, pour faire entendre raifon à la g^fnifondQ Beaufort<br />
y Se la prier de reftituër à ces miférables, qui vivoient fous<br />
fa pri3tedion , ce qu'ils leur avoient enlevé; Mais ces gens,<br />
qui, felon le Continuateur de la Guerre - Sainte y étoient Allemands<br />
y ^ avoient paffé peu aupara^iant en Pakftinéy fous la<br />
conduite de SJFFRIT DE MONCHI , Se d'HERMANS SCALERS,<br />
Gentilshommes de cette Nation, bien loin d'être touchés de<br />
la civflité, 5c des remontrances du Commandant Tartare y fe<br />
jettèrent furieufement fur fon Neveu, Se le maffacrèrent, fous<br />
prétexte, que ce jeune OfiSder leur avoit parlé avec trop,<br />
de hauteur.<br />
Il eft vrai, que le même Auteur raporte cette affaire un peu<br />
, diverfement des autres, apparemment pour couvrir la mauvaife<br />
adion de fes compatriotes. Il convient pourtant, qu'ils<br />
irritèrent fi furieufement GUIRBOCA , qu'il alla d'abor^ fc jetter<br />
fur la Vifle
DE J E'R U S A L E M. LIV. XH. CH. IIL 6^.^<br />
démolir les murs , Sc les maffons de cette Vflle. Quelquesuns<br />
ont écrit, que ce fut cefle de Céfarée, qu'il traita fi cruel*<br />
lement ; 5e d autres affurent, qu'elles furent exterminées toutes<br />
les deux dans cette occafîon. GUIRBOCA étoit fî outré, qu'il<br />
n'auroit pas borné-là fa vangeance, fî Dieu n'eût permis, que les •<br />
Egyptiens, qui n'avoient ofé remuer, pendant qu'AoLON avoifc, Les E^ypété<br />
à la tête de fes Troupes, n'euffent, fur la nouvefle de fori S*^?<br />
départ, 6c du mécontentement de fon Général contre les Chré- ^f^^^J^<br />
tiens, repris courage, 5e mis fur pié une Armée, avec laquelle res.<br />
le Soudan M E'L E C-M A É s traverfa promtement k défert, entra<br />
dans k Pakfiine, Se rencontra d'abord les Tartares dans la<br />
Pkine de Tibériade, où il leur Uvra bataiUe. EUe fut fî heureufe<br />
aux Egiptiens, que les Tartares y furent la plupart tués fur le<br />
champ de bataille, de même que leur Général. Ce fut ainfî f^Jpftite<br />
^ue, par une avanture affez fîngulière, les Chrétiens eurent le «^.^ '^sy-i''<br />
bonheur d'être délivrés, 5e vangés d'un cruel Ennemi, par un<br />
autre, qui n'étoit pas moins redoutable.<br />
La défaite des Tartares fut fî complette dans cette occafîon,<br />
que M E'L E C-M A Ë S , profitant, à fon tour, des faveurs de k<br />
fortune, s'empara, fans difiBculté, de toutes les Places, qu'fls<br />
avoient conquifes dans la Syrie. Aprèsquoi, fatisfàit de fon<br />
expédition, fl s'en retourna triomphant en Egypte y Se chargé<br />
de leurs dépouifles. ^<br />
A O L O N cependant, toujours rempli de zèle, pour la dé- ^^lolf ^^<br />
li vrance du St. Sépulcre y Se pour la deftrudion des Sarrafin,^, pi^y\de<br />
n'aprit pas plutôt la défaite de fon Armée par les Egyptie.iSy ,» G^.îî!f<br />
que, maîgré les grands.embarras, que lui. fufcitoient en Per-^""^-'fe<br />
les attentats de B A R c A T , qui lui faifoit toujours la guerre,<br />
il réfolut de fe mettre en chemin, pour retourner en Sy^<br />
rie. Il fit fevoir fon deffein au Roi d^^rméniCy 5c à celui<br />
de Géorgie , afin qu'ils fe miffent en état de venir k joindre<br />
, 5e partager avec lui la gloire de l'entreprife, qu'fl méditoit.<br />
Sa Femme même étoit fî animée contre les Infidèles y<br />
Nn nn que.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^jo HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
que, felon AYTON d'^rwé^mV, pendant fabfence de fon Ms^<br />
ri, elle faifok abatre kurs Temples, dans tous les lieux do<br />
fa dépendance.<br />
Cependant le projet d'A o L o N demeura encore fans effet.<br />
A'-peinè ce pieux Prince avoit quitté fes Etats, qu'il fut attaqua<br />
^mort. ij'une maladie fi violente, qu'fl en mourut en chemin, au bout<br />
de quinze jours. Se emporta avec lui toutes ks efpérances des<br />
Chrétiens de la Paleftine, parce que les Puiffances d'Europe<br />
étoient fi occupées de leurs intérêts: particuliers, Se fi accabléef<br />
de guerres, 6c de difcordes, qu'aucune d'h.Ues ne penfoit plus^<br />
ni au recouvrement de la Terre-Sainte y ni au foulagement 4e«<br />
des Peuples, qui Phabitoient.<br />
rreuiiesen L'Empire dOccideniy qui, depuis féledion du Land-grî^ve<br />
Occident. ^Q Thuringe y Se enfuite du Comte ÇUILLAUME de Hol/unde,<br />
avoit été continuelkment agité, fe trouvoit encore dans un<br />
plus grand desordre que jamais, après la mort de ce dernier,<br />
par la divifion qui s'étoit mife parmi ks Ekdeurs, dont une<br />
partie avoit nomme ALPHONSE , Roi de Caftille, furnommé le<br />
Sage y le même qui compofe, ou fit compofer les Tables ^r^<br />
miques, dites Alphonfines. Le^ autres avoient élu à l'Empire<br />
RICHARD, Comte de Cornuailky Frère du Roi dAngkterre;<br />
de forte que ces deux Princes, dont chacun avoit un fort parti?<br />
voulant fe maintenir dans la Dignité Impériale, mettoient<br />
toute VAllemagne en combuftion.<br />
\JItalie n'étoit pas moins remplie de fadions,de guerres,5e<br />
de ruines, par les divers partifans, qui k déchiroient. Le Tyran<br />
EzELiN, les VISCONTI y les TORREGGIANI, les SCALIGERS,<br />
ks EsTENSES, les Florentins yles Pifans y Se enfin, ks GuelpbeSy<br />
Seles Gibelins y k défoloierit detoutes parts.<br />
Le Pape, de fon côté, tiès-mécontent des Romains y ç^<br />
vouloient, malgré lui, maintenir la Dignité Sénatoriale,avec 11<br />
même autorité, que dans les fiècles paffés, avoit été obligé de<br />
ibrtk de Rx^mey Se avok d'aflkuiis beaucoup de peine à réC/Jer<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DI JE'RUSALEM. Uv.XïL CH. IIL 6^r<br />
& MAIMFROI, Ffls naturel de PEmpereur FRE'DE'RIC, qui ratageoit<br />
le Roïaume de Napks,<br />
Lcs Républiques de Fénife y Se de Gènes y continuoient à fe<br />
fàke une cruelle guerre. \JEfpagne étoit toujours, en armes ,j^j<br />
contre les Maures y qui occupoient une grande partie de ce<br />
Roïaume; Se h. France y enfin, n'avoit point encore réparé les<br />
pertes, qu'elle avoit faites en Egypte y Se les dépenfes excefiflves,<br />
que cette guerre avoit coûté au Roi SAINI^ LOUIS. Il<br />
n'eft pas étonnant, que perfonne ne penfàt aux affaires de k<br />
pakftinéy ni à Pabaiffcment des Sarrafins, Les Seigneurs de<br />
la Terre - Sainte même, quoique fens efpoir d'auCunc affiftance<br />
étrangère, pour les taifons, qu'on vient d'expUquer, au lieu<br />
de vivre de bonne ititeUigence, pour s'qjpofer à leurs dange^<br />
reux voifins, étoient fi désunis, depuis k part qu'fls avoient<br />
prffe dans la querelle des Fénitiens y 6c des Génois ^ qu'ils s'affoibliffoient,<br />
tous les jours, par leurs animofités inteftines. artide/r<br />
Auffi, fens Pexaltation au Pontificat de JAQUES, Patriarche urbainiv!<br />
de Jérufakmy François de Nation, qui prit le nom dU^^ki^^^^^fi^<br />
tv. ks perfonnes, qui aimoient k tranquilké. Se qui ét-oknf^^^f***'•-<br />
. ^ ... i l - 1 1 /Tl r\ ' , ' cwplectmvéritablement<br />
zélées pour le bien de la Terre-Sainte, auroient rage des<br />
entièrement perdu courage; Mais Pefpérance,qu'fls «ônçtireht, 2^ixe?*<br />
que ce Pontife , qui connoiffoit parfaitement leurs befoins Sc le fe-sainte^<br />
danger, où fls étoient expofés, travafllcroit à kur procurer du<br />
fecours, les ranima affez, pour fc flatter que, bien loin de fucomber<br />
fous k joug des Infidèles, ils pourroient encore leur arracher<br />
ce qu'ils occupoient dans le Rbïaumé.<br />
L'ékdion de ce Pontife fut comjne miracukufe. Lcs Cardinaux<br />
ne /pouvoient s'accorder après la mort d'ALEXANDRE<br />
IV. pour la nomination d'aucun dentre-eux; ce qui fut caufe,<br />
Gu'iLs fe réunirent, tout à coup en fa fevcur, 6c félev
6s^ H I S, T O I R E G E' N E' R A L E ><br />
avok été abandonné par PAbbé, 6e par les Religieux,qui Phj-*<br />
bitoient, lesquels ne pouvoient fuporter les incommodités qu'ils<br />
fouffroient, fans ceffe^ de la part des Sarr'aftns. Le St. Père n'accorda<br />
point cette fortereffe 5 5e fes dépendances, à ces Chevaliers,<br />
fans les engager à faire réparer, 5c bien fortifier le Château,<br />
6e à y entretenir une bonne garnifon, avec quarante Chevaliers<br />
5 pour fa confervation, 5c pour mettre les Terres d'alentour<br />
126%. à fabri des infultes des Infidèles,<br />
Comjue le nouveau Pontife follicita, en même tenfe, les Barons,<br />
qui y poffédoient des Châteaux, d'être attentifs à les maintenir en<br />
bon état,5e les pourvoir de tout ce qui étoit néceff^ire,diversBarons,<br />
qui nétoient point en état de fubvenir aux dépenfes extraordinaires,<br />
prirent le parti de vendre les Terres, qui leur appartenoient.<br />
JEAN d IBELIN fut du nombre. Il vendit aux Hofpitaliers le<br />
Château d Affur, . JULIEN DE SIDON s'accommoda, avec les<br />
Templiers,' pour celui de Beaufort, malgré lès prétenfionis, que<br />
le Roi d Arménie avpit fur cette Fortereffe. Ce qui caufa dans<br />
la fiflte de grands troubles entre ce Prince, 6c ces Religieux.<br />
Les attentions du Pontife ne permettaient pas de douter, qù'fl<br />
i ne mît tout en ufege pipur remettre les Cbr'étiens dans fentière<br />
jouiffance du Roïaume de Jêrufakn^<br />
C H A P I T R E IV.<br />
Méiec^'" T * conjondure aurok été d'autant plus favorabk, que PJ?-<br />
Maë^Min -•—^ gypte fe trouvoit dans de grands embarras, par la catas-<br />
TaTt'art' ^rophc , quî vcuok d'y arriver au Soudan ME'LEC-MAËS.<br />
DE JE'RUSALEM. Lïv. XIL CH. IV. 6i%<br />
^'AYTON d'Arménie appelle B E'N E'D E c L A R. Cet affaffin agit<br />
avec tant d'adreffe, qu'il gagna la faveur dc fes confrères. Après<br />
avoir ufurpé k fouveraineté de VEgypte, fls avoient fait une<br />
Ipi, par laquelle aucun Turc,, ni Sarrafin y ne pourroit à. l'avenir<br />
être admis à k dominatfon du Roïaume, qui feroit désormais<br />
éledif entre eux Mammelucs. Ceft pourquoi, malgré le<br />
meurtre, que BENDECLAR venoit dc commettre, fls le faluèrent vaher,/on<br />
d'abord Soudan y fous le nom de ME'LEC-EL-VAHER. Swcejfeur.<br />
. Ce nouveau Souverain, également bon poUtique, 6e brave<br />
fbldat,5c qui fouhaitoit d'acquérk faffeétion de fes Sujets,pour<br />
affermir fon autorité, crut, que rien n'étoit plus capable de la<br />
lui attirer, que de les fatisfaire fur l'empreffement, qu'ils témoignoient<br />
, fans ceffe, de retirer des mains des Chrétiens grand<br />
nombre de leurs parens, ou amis, qui fe trouvoient en leur pouvoir.<br />
Il envola, pour cet effet, des Ambaffadeurs aux Seigneurs<br />
de Paleftine, 6e aux Ordres Militaires, entre les mains desquels<br />
s'en trouvoit le plus grand nombre, pour leur propofer f échange<br />
desprifonniers ; les affurant, que, s'fls vouloient donner la<br />
liberté aux Turcs, Se aux Sarrafins, fl la donneroit, de fon<br />
côté, à tous les Chrétiens, qui étoient en Egypte,<br />
On tint Confefl là-deffus k Ptolomaïde, Les Barons Chrétiens<br />
, qui n'avoient en vue que le bien de fEtat, offrirent d'abord<br />
de relâcher lç§ Mabométans, qui leur appartenaient ;<br />
Mais cène fut pas le fentiment des Ordres Militaires, qui, pour '<br />
couvrir leur avarice, répréfentèrent ^ que k prapofitiondu5o«^<br />
dan étoit trop inégale, puisque les ChrétienSy prffonniers en<br />
Egypte, étoient en beaucoup plus petit nombre'. Se très-inférieurs<br />
en qualité aux Sarrafins, qui fe trouvoient en leur pouvoir.<br />
Les premiers n'étoient tous que fimples Soldats, ou Payfens,<br />
au lieu qu'fl fe trouvoit parmi les. autres quantité d'Officiers<br />
, 5c gens diftingués , capables de leur Caufer des maux<br />
ûlfinis, par la parfaite connoiffance, qu'fls avoient pris de leurs<br />
Forces, 6c de toutes kurs affaires, depuis le tems qu'fls étoient<br />
Nn nn 3 en<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«y+ HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
. en Pakftine, Voilà comme Pdpérance d'une foibfe rançon<br />
Pemt)orta fur le bien commun de f Eeat; 6c comme le refus, qu'oh<br />
fit de confentk à cet échîtftgfe, devint très-fknefte à hrakfiint,<br />
krtidiii. Ce nouveau Soudan violent, 6c vindicatif, fut fi irrité du<br />
peu de cas que les Chrétiens avoient fait de fa propofition, &<br />
du mépris qu'il crut qu'fls faifoient de fa puiffance, qu'fl entra<br />
bien-tôt après for leurs Terres, à la tête dc trente mifle Chevaux.<br />
Il fondit d'abord fur Béthelem ; Ueu, à la vérîté, de peu<br />
d'imf)ortante, mais daflkurs très recommandâbk, par raport<br />
Excès com- à k uaiffancC du Sauveur du Monde. Comme ce Barbare n'imuvelu^<br />
gnoroit pas la vénération, que les Chrétiens avoiertt pour cet<br />
Soudan/wr eudroit, fl kfit renverfer de fond en (l^ftible. Conteiltdeleur<br />
des Chré- avoir fek épr^iver fon reffcntinàent, par cet effai de fa fureur,<br />
tiens. il s'en retourna enEgypte, dans k deffein d'âugrtienter fes FON<br />
ces, 6c dc recommencer de pfesgrandes cntreprifeé, au retour<br />
de la befle faifon.<br />
L'affiidion , que ks Chrétiens reffentirent de k deftru6fioii<br />
de Bethekm y Sc les plus grands maux, qu'ils avoient lieu d'ag*<br />
préhender, firent repentir les Ordres Militaires de leur avok attiré<br />
ce malheur; d'autant plus qu'ils n'étoient point affez forte<br />
pour réfifter aux entreprifes du Soudan. Leur feule reffource<br />
étoit alors en Chypre y où ils envoïèrent une Ambaffade à la Reine<br />
PLAISANCE , pour k prier de vouloir les fecourir dans un fi<br />
preffant befoin. Cette Princeffe, qui joignoît à PîncUnationde<br />
foutenir h Terre-Sainte y k défîr d'éloigner de la Cour HucuEi<br />
DE BRENNE, premier Prmce du Sang, 6e Héritier préfomptif<br />
de la Couronne, au cas que le jeune Roi vint à mourir fans Enfans;<br />
fâchée d'aiUeurs que HUGUES n'eût pas pour eUe affez de<br />
confîdération, 6c qu'fl voulût prendre un peu trop de connoiÇ<br />
fance des affaires du gouvernement, crut ne pouvoit jamais rencontrer<br />
une occalîon plus favorable de féloigner avec honneur,<br />
6c d'une manière, dont fl ne pouvoit pas même avoir lieu d^<br />
fe pbmdroi ^<br />
Elle<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv.XIL CH.IV. 6ff<br />
EUe promit aux Miniftres des Sdgneurs de Paleftine, non<br />
feulement faffiftance, qu'ils lui dcmandoient ; mais efle fit même<br />
inceffamment marcher la Cavalerie du Roïaume,qui étoit,cn cc<br />
tems-là, fort dtimée. Elle y joignit deux mille Hommes de pié, 6c<br />
cn donna le commandement au Prince HUGUES , qui, foit par<br />
un principe de dévotion, ou pour avoir UeU de fe fignaler dans<br />
une fi belle conjan(Jkure, fit des préparatffs extraordinaires, Sc<br />
ij'embarqua avec quantité de Nobkftî, qui voulut avok part à<br />
El glorieufe expédition.<br />
Son arrivée à Ptolomaïde r^oiiit extrêmement les Chré- „^^^^<br />
/i/f«i de ce pays-là. Ils djaéroient, qu'avec fon fecours ils pourroient voU de' '<br />
fç.dédommager de k perte, qfffls venoient défaire. Ils ne fe pî^J^î^^^ïf<br />
trompèrent pas. Le Prince HUGUES , rempli de %êk, Se, d'ardeur, de.<br />
fe mit en campagne avec les Ordres Militaires. Ils forcèrent le -<br />
Château deLilion, où iffirent trois cens prifoniers. Se d'où<br />
Us emmenèrent une grande quantité de beftiaux; mais kurs forces<br />
étant trop médiocres, pour faire de plus grandes entreprifes,<br />
ils fe retirèrent à Ptolomaîdey Sc n'en reffortirent que le<br />
1 J. Juin, pour aller fecourir k Vflle de Rama y qu'un dét^<br />
chement Sarrafin avoit feccagée. Se dont fl avoit fait prifonniers<br />
la plupart des Habitans. Cependant, qudque diligence<br />
, qfffls fiffent, ils ne purent empêcher ce malheur. Ils eurent<br />
, en revanche, k confolation de rencontrer deux Emirs, qui<br />
couroient la campagne avec leurs brigades. Ils les attaquèrent<br />
fî brufquement, qu'fls ks. tafllèrent en pièces, fans qu'il en<br />
échapât un feul.<br />
Mais ces petits avantages, ni ks bonnes difpofitions du<br />
Prince HUGUES, ne pouvant mettre les Forces des Seigneurs<br />
de h Paleftine, en ét2it de faire tête ^u Soudan dEgyptty ûsréfokirent<br />
d'envoler quelque perfonne de capacité, pour informer k<br />
Pape du preffant danger, où fe trouvoit k Terre-Sainte, Ils ^^7 **<br />
chcnfirent, pour cet effet, le ChevaUer de BEAUJEU , Maître fape,<br />
du Tempky qui partit pour fijomey pen
'6^IS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
"avec les'Hofpitaliers y le Prince HU'GUES , 6c les Barons du pays,<br />
voulant conferver la réputation de leurs armes, 5e cacher leur<br />
foibleffe aux Ennemis, faifoient de fréquentes courfes fur leurs<br />
Terres. Ils ravagèrent, 6c brûlèrent les VaUéès de Bethzan y<br />
Se de Botteron, avec tous les Villages d'alentour.<br />
Article///, ç^g irruptious, qu^on peut nommer brigandages , ne firent<br />
qu'augmenter la colèti; du Soudan. Il fe mit en campagne<br />
,. 6c fe jetta for la ViUe de Céfarée, qu'il emporta d'affaut.<br />
Il fit main baffe fur tous les Habitans; mas fl n'eut pas le<br />
même fuccès fur le Château Pèlerin y non plus que fur la Ville<br />
de Caïphas y qu'fl affiégea enfuite. Il fit inutilement tous fes<br />
efforts pour les réduire, fans pouvoir en venir à bout, malgré<br />
1265. ^* quantifié de monde qu'fl avoit.<br />
LffSoudan Après avoîr mauqué fon coup fur ces deux Places, flréù*<br />
prend uît toutcs fes Forccs, pour allcr furprendre le Château dJffury<br />
P^rJtouf ^^"^ ^^' Hofpitaliers étoient propriétaires. U en prelfa fi fort<br />
«j^fii le fiége y Sele bâtit avec tant de violence, que la bravoure, 5c<br />
l'intrépidité dc fes défenfeurs ne purent le fauver , ni même<br />
empêcher ce Prince Infidèle d'y entrer de vive force le 26. Janvier,<br />
6c d'y facrifier à fon reffentiment tous les CJievaUers, 5c<br />
les autres défenfeurs, qui s'étoient feuvés des attaques, 5c des<br />
affauts.<br />
Il ne traita pas mieux les Habitans dAffoto, qu'fl alla<br />
affiéger enfuite. Ce Fort appartenok auffi aux Hofpitaliers,<br />
Ils y perdirent le refte-de leurs plus vaillans Chevahers. Auffi,<br />
CLÉMENT IV. Provençal de Nation, qui avait foccédé à<br />
URBAIN IV. mort le 2. Odobre de l'année précédente, Informé<br />
de toutes ces disgrâces , par le Makre du Temple y 5c<br />
par les ^.ettres , que HUGUES REVEL, Makre de VHopitaly<br />
avoit écrites au Doge de Fénife y dépêcha d'abord en Palefline<br />
le Père ELIE , Dominiquain, avec des Lettres pour le Patriarche<br />
de Jérufalem, pour le Maître d^VHùpital, Se pour GEOF<br />
FROI DE SERGINES, Sénéchal du Ro-aume, afm deks confoler,<br />
ca<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE. JE'RUSALEM. Ltv. XIL CH. IV. 6sT<br />
en leur faffant favoir, qu'il avoit envoïé en France y Se dans<br />
les autres Provinces de la Chrétienté y divers Légats, pour exhorter<br />
ks Princes, Se les Peuples à les fecourir promtement, Sc<br />
pour en raporter fargent, qu'on avoit récueifli de fimpofition,<br />
nommée le centième y qu'fl avoit étabUe en faveur de<br />
la Terre-Sainte.<br />
Le St. Père écrivit, en même tems, au Roi d Arménie y le<br />
priant très-affedueufement de ne point abandonner les Chré*<br />
tiens de Paleftine y dans Pétat, où ils fe trouvoient ; 6c, afin<br />
d'y mieux engager ce Prince, fl lui rapefla le zèk. Se l'ardeur<br />
, ^u'il avoit toujours témoigné à les foutenir, 5e le pria<br />
de fe reffouvenir de la promtitude, avec faqueUe fls avoient fecouru<br />
fes Etats, lorsque leurs Ennemis communs les avoiçnt attaqués.<br />
Plufieurs Seigneurs François unirent leurs forces, 6e en défé- secours verèrent<br />
k commandement au Duc de NEVERS. Ils ne tar- ""fp^J^^^<br />
dèrent pas de faire éprouver aux Peuples de Pakftine y combien maïde.<br />
avoient été efficaces les follicitations du Pontife. Ils arrivé- *^^^*<br />
rent à Ptolomaîdey le 20. Odobre, au nombre de cinquante<br />
Gentflshommes, avec quelques Régimens d'Infanterie, 5c<br />
de Cavalerie^ mais, malgré ce fecours, les Chrétiens demeurèrent<br />
dans finadion, pendant le refte de Phyver, au Ueu que<br />
les Ennemis Pemploïèrent à faire des préparatifs pour les battre. Ils<br />
en donnèrent des marques, dès le commencement de fannée<br />
1266. que M E'L E C-EL-V A N E R, fier de favantage qu'fl avoit remporté<br />
Pannée précédente, vint fe montrer devant Ptolomaîdey avec<br />
une puiffante Armée, comme s'fl avoit voulu affiéger cette Pkce.<br />
Cependant, foit, qu'fl n'eût fait cette démarche, que pour Article/r.<br />
faire oftentation de fes Forces, ou qu!après cn avoir bien exa- ^^^-«"^«s"<br />
, . •* . * ^ - remportes<br />
miné les fortifications, fl ne jugeât point a-propos de commen- par Méieccer<br />
une entreprife, qui lui paroiffoit trop difficile, fl en dé-^^^''^"'<br />
campa huit jours après , fans faire aucun mouvement, Se alla<br />
attaquer k Château de Montfort, appartenant aux Teutoniques<br />
y qui reçurent fes premiers affauts fî vigoureufement, 6c<br />
Oo 00 lui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
6y8 H I S T Ô I.R E G E'N E' R A L E<br />
lui tuèrent tant de monde, quMÎ perdit Pènvie de continuer efc<br />
fiége ; de forte qu'fl en délogea d'abord, pour commencer celui<br />
de Saphet. Il n'y trouva, ni la même réfiftance, ni presque aucun<br />
obftack, quoi quil eût dû s'y attendre; Car, fait que la<br />
ièule vue de PArmée Sarrafine étonnit le Gouverneur, ou que<br />
la garnifon refufât de fe battre, on capitula dès le premier jour,<br />
Se le Commandant lui remit cette importante Place le 24.. Juilkt,<br />
contre l'attente de tous les Chrétiens y qui fe fiattoient,<br />
avec quelque apparence de taifôn, que le Soudan échoueroit<br />
dans cette entreprife, puisque ce Château étoit une des plus<br />
confidérables Places^ de^ k Pakftinéy Se paffoit pour'imprenable.<br />
•Lichetides Auffi, k conduitQ duSoudàn cnverS ks lâches, qui l'avoient<br />
Sfiarl 1^1 fnal défendu, fit bien connoître le mépris, qu'il faifok de<br />
Soudan, feur-poltronnerie ; car, quoiqu'fl leur eût promis la liberté, à lareddition<br />
de la Place, fl les fit'tous maffacrer; Cruauté, qui<br />
ne fut aucunement fenfible aux Chrétiens , tant k mauvaife<br />
adion dé cès perfides les avoit rendus odieux ! Ce qu'on regreta<br />
le plus fut le malheur des pauvres Habitans, qui n'avoient euaucune<br />
part à k lâcheté'des gens de guerre, à qiji on en avoît<br />
confié la défenfe.<br />
• € H A P I T R E V.<br />
Article/.<br />
m^df Q^ ^^ Chrétiens ne faifoient aucun mouvement-, pour arrêter<br />
Nevers >^ Ics progrès dcff^^y/j^/W,. c'étoit, premièrement, parce<br />
wïdc?' 9ue le Duc de NEVERS étok tombé dangereufëifi^ft malade.<br />
Il mourut k Ptolomaïde y après avoir langui queli^ues mois;<br />
6c après fa mort , les autres Seigneurs François , bien loin de<br />
jowlok aider ceux de Pakftinéy contre ks Infidéks^ preffèreni<br />
leur<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liy. XIL CH. V. 6i^<br />
leur retour en Francey fans avoir kiffé autre mémoire de.kur<br />
expédition, que k peu d'affiftance, qu'ils donnèrent aux Chrétiens<br />
de k Terre-Sainte, qu'fls étoient allés fecourir. Secondement,<br />
parce que, dans le même tems, le Prince HUGUES fe<br />
trouva aufïi malade. Se hors d'état de fe mettre en campagne,<br />
6c que fes Troupes refulêrent de fervir fous aucun autre Clief,<br />
que lui. Cependant ce Clief s'étant enfin remis de fon indifpofition<br />
, fut averti, que le Soudan avait envoïé une partie de fon<br />
Armée en ^r/»^'m>, dans le deffein de profiter de fabfence du Roi<br />
••• AYTON, qui étoit retourné en Perfe, pour folUciter ABAGAS , Fils, it6].<br />
Se Succeffeur du fameux AOLON, à imiter fexempk de fon Père<br />
en faveur de la Terre - Sainte ; 5c que Pautre partie de fes<br />
Troupes campoit aux environs de Tibériade.<br />
Sur cet avis, HUGUES tint Confefl, avec les Seigneurs du<br />
pays, Se les Ordres Mflitaires. Chacun affembla fes Troupes ;<br />
Se on partit de Ptolmiàïde, pour allcr furprendre les Infidèks \<br />
mais, par une fâtaUté affcz ordinaire, autant que cette union,<br />
6c ce deffein étoit généreux, 6c louable, autant la cdnteftatîon,<br />
qui furvint entre les Chefs, fut pernicieufe, Se. condamnable. Ils<br />
ne purent s'accorder entre eux fur l'endroit, par où fls dévoient<br />
attaquer les Ennemis. Leur désunion devint fi grande, que<br />
la confufion, 5c le désordre fe mirent dans leur marche.<br />
Auffi, les Infidèles qui, à leur approche, fongeoient à la Jj^jj""f*<br />
retraite, informés'par leurs efpions de la mésintelligence des camp des<br />
Chrétiens, leur épargnèrent une partie du chemin, 6c les attaquèrent<br />
fi brusquement, que, dans le mauvais ordre, où fls Leur dif ailes<br />
furprirent, ils les trouvèrent fans réfiftance, 6c hors d'état<br />
de foutenir leur premier choc; dc forte qu'ils en firent un grand<br />
carnage , 6c beaucoup de prffonniers. Le petit nombre de<br />
ceux qui évitèrent k fer des Sarrafins y en fut pourfiiivi jusqu'aux<br />
^rtes de Ptolomaïde'y qu'ils eurent bien dek peme à<br />
gagner.<br />
Oo 00 % Fk*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
66o HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
Plufieurs fuïards, qui s'étoient réfugiés dans les Viflages',<br />
appartenans aux Ordres Militaires, dans fefpérancc-^'y être en<br />
foreté, .y rencontrèrent des Ennemis encore plus cruels, que<br />
les Barbares , qu'ils avoient évités. Car les Habitans de ces<br />
lieux, fatigués delà dure domination des Chevaliers,' préférant<br />
le joug des Infidèles , 'furent affez inhumains pour maffacrer<br />
ces pauvres fugitifs. Vpik conime la jaloufie, qui a toujours<br />
régné parmi les Chrétiens de Paleftine, aété, de tout tems,<br />
la vraie caufe du mauvais fuccès de leurs affaires, 5c enfin<br />
celle de leur perte totale , comme nqus verrons dans la<br />
foite. y<br />
Article /T. L^ profpérîté n'acompaguolt pas feukment les armes d)! Sou-<br />
Armes du dan en Paleftine ; les Troupes, qu'fl avoit envoïées en Ar^<br />
Soudan, j^^^jg^ y avaient été encore auffi heureufès. Elles y défirent<br />
les deux Ffls du Roi AYTON en bataifle rangée. L'un y fut<br />
fait prifonnier , 5c l'autre tué. Tous ks meiUeurs endroits<br />
' du Roïaume furent détruits. Le butin fut ineftimable, 5c<br />
'<br />
le Prince TivoN, ou LIVON, conduit au 5o«to M E'L E C-EL-<br />
VAIIER, qui fe trouvait à Saphet y 5e qui, après: tant d'heureux<br />
fuccès, voulut encore furprendre Ptolomaïde , par un ftratagême<br />
, dont il s'avifa.<br />
Il fit cacher le gros de fon Armée dans des vallées, &<br />
autres lieux couverts , les plus à portée de ^ la Place, qu'fl<br />
lui fût poffible, 5e s'avança lui même, à la tête de quelques<br />
Efcadrons, qu''fl avoit fait traveftir en gens des Ordres Mflitaires.<br />
Il leur avoit fait prendre ks Enfeignes mêmes' des Chevaliers;<br />
fe flattant de pouvoir, fous cette fauffe apparence', slntroduke<br />
dans la Ville, Se gagner-l'une des portes; mais,.fok<br />
que leur déguifement ne fût point affez vraifemblable, ou que<br />
ks Habitans fuffent affez fur leurs gardes, pour s'en douter,<br />
ils fe mirent d'abord en défenfe, 6c le Soudany qui s'apperçut,<br />
qu'on avoit découvert fa rufe, rebrouffa chemin, 5e s'en retourna<br />
fans rien entreprendre. Cependant cet Infidèk fe répcntk<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE'JERUSALEM. L|y. XIL CH. V. 66M<br />
pentit bientôt d'être forti des Terres des Chrétiens y fens y hif-Effets de<br />
fer des marques de fon inimitié ; car fl y revint, peu de jours-^ ^*^'^**<br />
après, ouvertement, ravagea tous ks environs db Ptolomaïde,<br />
coupant, Se brûlant les blés, les arbres, les granges, 6e généra*<br />
lement tout ce qu'il y rencontra. Il s'avança, même jufqu'auprèy<br />
des murs de la Ville, comme s'il avoit voulu en former<br />
le fiège , fans que les Chrétiens ofaffent en fortir, pour lui<br />
faire aucune oppofition.<br />
Ces dégâts affligèrent d'autant plus les Fidèles, qu'ils étoîent<br />
à k veiUe de leur moiffon, 5e que k Vflle fe trouvoit Jî dépourvue<br />
de-provifions, qu'fl leur auroit été impoffible de foutenir<br />
le mpindre fîége. A tous ces malheurs fe joignit celui de<br />
la privation du Prince HUGUES , que la nouvefle de la makdie<br />
du Roi avoit obligé* de repaffer en Chypre. Les Barons cLaveTie<br />
de Paleftine y 5c les Ordres Militaires, cédant alors à la néceffi-^°"'**°*'<br />
té du tems, s'avifèrent de propofer une Trêve au Soudan, qui<br />
accepta leur offre, dans l'extrême befoin, où fl fe trouva lui<br />
même de repaffer promtement en Egypte y pour. appaifer une<br />
révolte, qui lui faifoit tout craindre.<br />
Qiioique la Trêve, qu'ils conclurent, ne fût pas fort honorable<br />
aux Chrétiens i néanmoins, dans Pextrémité, où ilsf||^^^"*<br />
fe trouvoient ^ ils s'eftimèrent encore trop heureux d'avoir<br />
pu l'obtenir, dans Pefpérance, qu'elle leur donneroit le tems<br />
de rétabUr kurs Forces, 5e remédier à leur indigence.<br />
Le Roi d Arménie y qui avoit apris, avec une extrême dou-Attide/Zî.<br />
leur, la disgrâce de fa famifle, 6e la défolation de fes Etats, 6c<br />
qui n'avoit même pu obtenir aucun fecours du Roi ABAGAS , à caufe<br />
des embarras, où ce Prince fe trouvait lui même en Perfe, s'en re- ^wv
Ui H I S T O I*R E G E'N E'R A L E<br />
. mé SAfTce^ASCAR, qui avoit été fak prifonnier3par les Tartares^<br />
Se dont le Roi ABAGAS lui avoit fait préfent.<br />
L'empreffcmçnt qu'avoit eu le Prince HUGUES de fe rendre<br />
en Chypre fut très-avantageux .à fes intér^s, puisqu'à-pcine<br />
fut-fl arrivé à Nicofie y que le Roi, fon Coufîn, y mourut à<br />
-fiugucs l'âge de quatorze ans. Sa préfénce empêcha, qu'fl n'arrivât<br />
ST aucune altération dans les affaires du gouvernement. CePrmchypre.<br />
ce étoit fî aimé de la Nobleffe, 5e du Peuple, qu'ils le reconnurent<br />
d'abord pour leur légitime Souveraùii, quoi qu'fl portât<br />
le Nom de BRENNE, 6C non celui de LUZIGNAN, qu'fl ne prit,<br />
felon la plupart des Auteurs, qui en parlent;, qu'à fon avènement<br />
à la Couronne, 6c pour fe rendre plus agréable à fès Peupks.<br />
On ne put s'empêcher de murmurer contre k Reine<br />
PLAISANCE , Sc contre le Seigneur de Baruth , Sénéclial du<br />
Roïaume, touchant Pimpatience, avec laquelle fls firent précipiter<br />
k confommation du mariage de leiars Enfans ; Car tout<br />
le monde attribua la mort du jeune Roi aux excès, qu'il fit au<br />
commencement de fes Noces ; de forte que favidité que laReiîie,<br />
6e lui, avoient eue d'affurer la Couronne dans leur famille,<br />
k leur fit perdre entièrement.<br />
Le Roi HUGUES IL que quelques uns ont auffi' nommé HU<br />
GUET , fut inirumé dans une ChapeUe de PEglffe de St. Dominique<br />
y où étoit la fépiflture ordinaire des Scigrasurs d'IsELiN-, *<br />
qui avoient non feulement fondé ce Couvent , mais qui fa^<br />
voient encore enrichi de tout ce qu'il y avoit de plus précieux.<br />
^Génia- Le Prîncc HUGUES, qui hérita de la Couronne, étok Fils,<br />
^** feâon le Père LUZIGNAN, de JEAN DE LUZIGNAN, Connétable<br />
de Chypre y Fils du Roi ALME'RIC, 6C Frère de HUGUES L<br />
iScnon du Comte de BRENNE, Prince d'Antioche y 6c dc l'JpouiHcy<br />
qu'ISABELLE DE LuziGNAN avoît époufé. Cette Princeffe,<br />
félon le même Auteur, fe remaria, après la mort de ce<br />
Comte, avec JEAN DE LUZIGNAN, foo Onde, de qui eUe eut<br />
k<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM: Liv.XIL CH, V. éôy.<br />
k Prince HUGUES, dbnt nous parlons. Il fut folemneUement<br />
couronné dans gEglife Cathédrale de Ste^SêphiCy par ks mains<br />
de GUILLAUME ,' Patriarche de Jérufakm y quife trouvoit alors<br />
en Chypre; Se il reçut le Serment de fidélké de tous les Ordres<br />
du Roïaume, a^^ec des ackmations 6c des réjouiffances, qui^<br />
marquoient affez f affedion, que tous lesChypriots^N oient pour<br />
lui, 6c leur efperance d'être bientôt 'fbnhigés' dès gabeUes^<br />
dont on les avoit furchargés, pendant k minorité du feiLRoi;<br />
Car la Reine PLAISANCE, dont k générofité étoit infinie, prévoïant<br />
que fon autorité ne feroit pas de longue durée, répan*<br />
doit des libéralités de toutes parts, pourfe faire des«réatures;.<br />
c'eft pourquoi il trouva le tréfor Roïal entièrementépuife, dans<br />
le tems même qu'fl en avoit k pks de befoin; puisque le»<br />
malheurs, qui.affligèrent le pays, dès k eommencement de<br />
fbn Règne, ne lui permirent pas de fiiire, pour fes nouveaux<br />
Sujets, tout ce que fa tendreffe, 6cfe générofîtéiiaturefle lui<br />
infpiroient.- La Pefte, qui f^découvrit en quelques Ueux maritimes,<br />
s'y répandit par-tout avec tant de violence, qu'il ne<br />
fe trouva bientôt aucun endroit, qui n'en fût infedé, 621 dont<br />
les maifons ne fuffent remplies de morts, ou de malades. La^'^'î?*'.*<br />
. tien afaire-<br />
première attention de ce nouveau Souverain fut de chercher c^riapc/les<br />
moïens d'arrêter ce terrible fléau, 5c de foukger les Peu- %au!^'^<br />
pies, qui en étoîent accablés. Il fit. bâtir de hôpitaux^ en plufieurs<br />
endroits de flk, 6e les fit pourvoir abondamment de tout j^J^^<br />
ce qui étoit néceffaire. Il fit difïribuër aux pauvres familles de Jf^ ^"-/^^<br />
• • r LP/r ,M . V '^ . dans leurs<br />
quoi pouvoir luDliiter; ce quil continua a pratiquer, tant qv^ecoiamMf^<br />
dura cette contagion.<br />
A'-peine fes Etats en^ furent-ils délivrés, qu'fl eut une nouf<br />
velle occafion d'exercer fa piété. Une multitude innombrable<br />
de fauterellès inondèrent toutes ks campagnes, dont efles dé*<br />
vorèrent entièrement ks fruits Se les plantes, St caufèrent enfin<br />
.une fi grande difette, que les Peuples, qui avoient eu» le<br />
bonheur d'échapper de la-pefte, fc trouvèrent accablés dune<br />
faxai'*<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
*
66i. HISTOIRE G E' N E' R A L E.<br />
famine, qui les auroit tous faitpçrir, f^Lns la promtitude, avec<br />
kqueUe fl fit venir des pays étrangers abondance de provifions,<br />
qu'fl kur fit gratuitement, diftribuër. Il fut mêmeobUgé, pour fubvenir<br />
à ces dépenfes extraordinaires, d'aUéner^ pour plufieurs<br />
années, divers Fiefs delà Couronne, afin de ne pas furcharger<br />
fes Peuples de nouveaux impôts, qu'fls n'auroient poii^t été en<br />
état de payer, dans Pextrémité où îls fe trouvoient.<br />
Dans ce même tems mourut la Reine PLAISANCE , moins accablée<br />
d'années, que ' du chagrin de fe voir fans commandement<br />
, 5c fens fuite. Cette Princeffe étoit naturellement fi fière, fi<br />
réfolue, Se fi généreufe, qu'efle difoit, que la nature lui avoit fait<br />
tort y en la faifant naître de fon fexe. En effet, elle avok le<br />
don de fe faire aimer, Sc craindre, tout enfemble ; Punir, 5c<br />
pardonner égaJtenent; en forte qu'à l'ambition près, on peut<br />
dire, qu'efle a été une des plus grandes Reines, de fon fiècle.<br />
Se HUGUES IIL un des meifleurs Princes, qui aient régné ea<br />
Chypre.<br />
;-•••.<br />
C H A P I T R E VL<br />
Artjcie/. IV/Tais uuc fi grande fuite de malheurs,quiprivoieiit cePrin-<br />
Trh^ejm- XM. ce d'Hommcs, Se de Finances, f afiiigeoît dautant plus<br />
Hvïher ^"'^^^^^^ mettoit hors d'état de fuivre l'inclination, qu'fl avok<br />
"' de fecourir les Chrétiens de Paleftine y
DE JE'RUSALEM. LIV.XILCH.VL 66$<br />
par la mort du Seigneur d'iBELiN , à qui jdle appartenait,<br />
qu'il s'en empara facilement, auffi-bien que du Château.<br />
Il furprit, avec kmême rapidité, la fameufe Fortereffe, que<br />
les Templiers avaient achetée du Comte de SIDON ; de icitc<br />
qu'engagé par défi heureux commencemens, fl penfa à des<br />
entreprifes encore plus rdflvées. Il marcha droit à Tripoliy<br />
qu'fl affiégea dans les formes ; mais, comme fl étoit accoutumé<br />
à ne pas trouver beaucoup de réfiftance, îl fe rébuta bientôt<br />
de celle que firent les Habitans, 6c la garnffon de cette Ville,<br />
Se fe contenta de faire éprouver fa colère aux fauxbourgs.<br />
Se aux délicieux jardins, dont efle étoit environnée. Il ne détruifit<br />
pas,. avec moins de fureur, toutes les campagnes voifines.<br />
Après ces ravages, comme MAINFROI , ou CONRAD , Prince<br />
dAntioche, étoit allé en Italie, avec tout ce qu'i> avoit de<br />
gens de guerre, pour fecourir CONRADIN , Petit-Fils de l'Em<br />
pereur FRÉDÉRIC IL dans la guerre, qu'fl faifQk à CHARLES<br />
D'ANJOU, déclaré, par le Pape, Roi de Naples y ce Soudan al- Antiociie<br />
la affiéçcr Antioche; perfuadé, que fabfence du Prince lui en Kf,^-,<br />
_ . , . & . , ' ^ \ ?. ^ • . ^ ;• Melec-EIfaciliteroit<br />
la conquête, en quoi fl ne fe trompa point. Vahcr.<br />
En effet, le Patriarche OPISON FIESQUE, Génois de Nation,<br />
à qui k Prince en avoit confié le gouvernement, plus propre à<br />
la Utérature, qu'aux affaires d'Etat, négligea, par ignorance,<br />
la défenfe de cette grande Ville; deforte que le Peupk, qu'elle<br />
renfermoit, fe trouva d'abord dansia confufîon, 6c dans k<br />
désordre ; 6c que, faute d'un Chef, capable de fes commander<br />
, fls devinrent la proie de f Ennemi, qui s'empara de leur<br />
Ville, avec autant de facflité, qu'elle avoit coûté de fàng, de<br />
peines, 6c de travaux^ aux Chrétiens Croifés y pour la conque*<br />
rir en iop8.<br />
Il eft vrai, que la faute, que fit le Patriarche, d'en laiffer<br />
fortir la meflleure partie des Habitans, qui gagnèrent les montagnes<br />
, en accdéra confidérablement k perte. Leur fuite<br />
découragea fi fort les autres, qu'fls ne fkent prcsqu'aucune<br />
Pp pp réfîr<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
666 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
Ses Hahî- réfîftancc. Se fe kiffèrent égorger. Quelques Hiftoriens prétentans^<br />
egor. ^^^^^ ^^^ quarantc-fept miflc de ces miférables périrent dans<br />
Sentimefïs ^^^^^ occafîon ; 5e que plus de cent mflle fiireut faits prifonpartagés<br />
fur niers. Cependant d'autres, plus modérés, affurent, que les<br />
desZmf. 'Infidèles n'en maffacrèrent que dix-fept mifle; mais qu'ifs en<br />
conduifîrent, en effet, plus de cent mifle en captivité.<br />
Après cette fameufe conquête, ME'LEC-EL-VAHER, qui ne voulok<br />
point affoiblir fon Armée, ni dépeupler VEgyptCy pour peupler<br />
cette vafte ViHe , fe contenta de l'abandonner au pillage<br />
de fes Soldats, qui y commirent tous les excês.de cruauté, d'avarice<br />
, 5c de luxure, dont leur brutale Nation eft capable. 11<br />
en fit rafer les fortifications, jusqu'aux fondemens, 5e mettre<br />
le feu aux maifons, afin qu'eUe fût plutôt détruite. Ce fut pendant<br />
le déplorable , 5e affreux faccagement dAntioche, que<br />
les ReUgieufès de Ste. Claire , firent une Adion héroïque, 5c<br />
digne d'éternelle mémoire. -><br />
Ces généreufes Filles, confacrées àDieu, aïant apris, que<br />
rot>?dw les Barbares étoien^t entrés dans la Vflle, 5e bien perfuadées<br />
^'^^f^^"-^" qu'elles n'en feroient pas épargnées, voulurent, au péril de<br />
Claire, kurvie, conferver leur virginité, 5c eurent toutes affez de courage,<br />
pour fe couper le nez, afin que leur difformité ôtât aux<br />
Barbares fenvie de les approcher. En effet, ceux-ci conçurent<br />
tant de dépit de les trouver fî affreufes, qu'fls les immo- •<br />
•lérent,fans héfîter,à leur rage, 5c à kur reffentiment. Réfolution<br />
vraiment généreufe , 5e fans exemple , qui, avec le<br />
triomphe de la virginité, leur acquit k palmé du martire.<br />
Quelques Auteurs, avec le P. MAIMBOURG, ont attribué cette<br />
adion extraordinaire aux Religieufes du même Ordre dc Ptolomaïde<br />
y Se non à celles dAntioche ; cependant, que ce fpedade<br />
foit arrivé dans Pune, ou dans l'autre de ces deux Villes,<br />
leur vertu, 5c leur fermeté n'en eft pas moins digne d'admiration,<br />
6c doit fervir d'exemple non feulement aux ReUgieufès,<br />
^ , qui<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. XIL CH. VL 66^<br />
qui pourroient avoir le malheur de fe trouver en fembkble cas, 1259.<br />
mais encore à toutes les Femmes qui aiment la pudeur.<br />
Enfin, ME'LEC-EL-VAHER, auffi chargé de richeffes, 6c defckves,<br />
que de gloire, ne trouvant plus rien qui pût lui réfîfter,<br />
s'empara, fans peine, de plufieurs Châteaux, que les Chrétiens<br />
poffédoient encore dans k Principauté dAntioche y Se par k<br />
rapidité de fes conquêtes étonna fî fort tous ceux de la Paleftine<br />
y que les Templiers, auffi abatus, que les autres, abandonnèrent<br />
les Forts de Gafton, de, Ruffelies, 6e de Portbonely qui<br />
kur appartenaient , Se qu'fls défefpéroient de pouvoir conferver.<br />
Le bruit de tant de disgrâces, joint àla nouvelle, que le Roî de ^^'^cie//.<br />
Chypre reçut presqu'en même tems, de la mort funefte du Prince<br />
CONRADIN, légitime héritier de la Couronne de Jérufalem, le<br />
fit déterminer à paffer promtement en Paleftine, pour prendre<br />
poffeffion d'un Etat, qui, faute de Defcendans de f Inapératri- Chypre'^<br />
ce YOLANDE, lui étoit dévolu. Cependant, malgré la jufticeM'^'^''*<br />
de fes prétenfîons, fl ne kiffa pas de trouver quelques obftacles, rfc jérufaaux<br />
quels il ne s'étoit point attendu. ^^^'<br />
Lad*rinceffe MARIE dAntioche, qui avoit auffi fes prétenfions<br />
, protefta de nullité de tout ce qu'on entreprendroit à fon<br />
.préjudice ; Mais le Patriarche , les Barons du Roïaume, 6c<br />
les Ordres MiUtaires, qui favoient, que le droit de cette Dame<br />
n'étoit pas auffi bien fondé, que celui du Roi HUGUES, 5C qui,<br />
d'ailleurs, avoient plus befoin d'un vafllant Guerrier, que d'une<br />
Femme, pour conferver les débris de fEtat ; fans s'arrêter aux<br />
raifons, ni aux oppofîtions de k Princeffe, fe rendirent àTjrr,î|,^^Roi<br />
où HUGUES avoit débarqué, 6e le firent folemneUement eouron-f'^ J^^^^*ner,<br />
au grand contentement de tous les Peuples, qui efpéroient,<br />
qu'étant gouvernés par un Prince belliqueux, 5c qui poffédoit<br />
d'autres Etats voifins, fls feroient plus fûrs, 6c mieux à l'abri<br />
des infultes des Infidèles,<br />
Pp pp 2 ' Ils<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
66S H I S T O I R E G E' N E R A L E<br />
Ils le conduifîrent enfuite, en triomphe, à Ptolomaïde, oè<br />
ils .tinrent plufîeurs Confefls fur ks moïens d'arrêter ks pro.<br />
grès du Soudan y qui, pendant kurs déUbérations, avançoit toujours<br />
fes affaires. En effet, après s'être rendu makre du platpays,<br />
fl étoit allé affiéger Pimportante Fortereffe du Crac; ne<br />
pouvant fouffrir que les Hofpitaliers, auxquels elle appartenok<br />
poffédaffent un pofte fî confîdérable au milieu de fes ppopres Etats.<br />
Il k battit, jour, 5c nuit, avec tant de force, que,<br />
1470. malgré fon avantageufe fîtuation , les fortifications,. que ces<br />
CMteiudu^^^^^^^' y avoient faites, 5c k bravoure, avec laquel-<br />
Crac^«r/c Je ils k défendirent, il leur fut impoffibk de réfifter aux fiépmc<br />
tfW-queutes attaques de k puiffante Armée du Soudan, qui<br />
Tfoaé- ^^ ^'^^ renditpourtant maîtfe , qu'après que tous les Chetiens.<br />
vaUers , k garnifon, 6c les Habitans eurent entièrement<br />
péri.<br />
'• Si les Hofpitaliers reffentirent vivement la perte d'une Place,<br />
qu'fls n'avoient pu conferver jufqu'alors, qu'avec des dépenfes<br />
exceffives, les autres Chrétiens de h Paleftine n'en furent pas<br />
moins confternés. Le Château du Crac étoit fitué fi avantageufement,<br />
que fa garnffon tenoit en crainte les Infidèleêy .qui<br />
n'ofoient trop s'avancer fur leurs Terres; D'ailleurs cette FOrte-<br />
^ ' reffe mettoit à l'abri ceux qui cuîtivoknt ks campagnes voifînes<br />
; deforte qu'après avoir perdu tant de Places, 5c leurs plus<br />
braves Soldats, fl ne leur reftoit plus d'autre efperance, que<br />
cefle des fecours d'Europe. #<br />
Maîs res fecours étoient bien éloignés.- Lcs troubles, qui<br />
continuoient en Italie, Se en Allemagne y ne permettoient, ni<br />
aux Princes, ni aux Peuples, de fonger à k Pakftine y ni même<br />
de faire attention aux ferventes exhortations des Prédicateurs,<br />
que les Papes envoïoiént, de tems à autre,-pour leur<br />
prêcher la Croifade, Qiù plus eft, la guerre, que les Pontffes<br />
vivoient toujours avec la Maifon de Suabe y ks obUgeoit à fe ferait<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ivE JERUSALEM. Liv. XII. Cn. VL 66f^<br />
vir des Croifés y pour défendre V Etat-Eccléfiafti^ie y 6c arrêtoit<br />
ccux qui vouloknt paffer en Paleftine.<br />
On étoit à cesextrénîités^ lorfque ST.Louis, toujours rem- ^^^^^ç^Jl^'<br />
pU de zèk pour k recouvrement du Roïaume de Jefus-Chrift y entreprife-<br />
Se non obftant les malheurs, qui liii étoient arrivés en Egypte, ^LIJI'<br />
avoit nouveUement repris k Croix des mains du Cardinal de<br />
Ste. Cécile y que' CLE'MENT IV. avoît envoïé Légat en France y<br />
pour exhorter ce Monarque.à ne point abandonner les Chrétiens<br />
de la Terre-Sainte. PliÉeurs Princes, Se grands Seigneurs<br />
de fon Roïaume avoient fuivi fon exemple. Il avoit même engagé<br />
le Prince EDOUARD d'Angleterre, dont il eftimoit la va- .<br />
leur, d^acomplir le vœu du Roi fon Père, à qui fon grand âge<br />
ne permetoit plus de faire le voïage.<br />
Rien ne retarda le départ du Saint Roi, que k manque de<br />
parole des Fénitiens, qui s'étoient engagés à lui fournir ks<br />
Vaiffeaux néceffaires pour le tranfport de fes Troupe». Il eft<br />
vrai, que ce manquement n'étoit pas fans raffon. La guerre, SonEntrti<br />
qu'fls avoient toujours avec les Génois, qui étoient très-puif^ J2^**^^<br />
fans fur mer, ne leur permettoit pas de fe priver de leur Flot- *<br />
te ; 6c ce retardement engagea ST. LOUIS à foutenir le Comte<br />
d'ANjou, fon Frère, à qui le Pape avoit donné finveftiture des<br />
Roïaumes de Naples y Se de Sicile y moïenant un tribut annuel<br />
de quarante mflk ducats, à f exdufîon de CONRADIN , légitime<br />
héritier de ces Etats.<br />
La guerre, quéfe faifoient ces deux concurrens, fit encore<br />
différer le voïage-de ST. LOUIS. CHARLES D'ANJOU défit enfin<br />
CONRADIN dans une bataifle, qu'fls fe donnèrent près de Celana<br />
dans le Roïaume de Napks; Se ce dernier fut fait prifonnier r<br />
furquoi CHARLES en informa d'abord le Pape , Sc le pria de<br />
lui mander, de quelle manière fl devoit le traiter. Le Pontife<br />
lui répondit, félon COLENUCTO , Fita Conradini mors Caro».<br />
M; Mors Conradinr vita Caroli, 11 n'en fallut par davantage<br />
pour porter CHARLES à s'en défaire.. Il lui fit couper k tête;<br />
Bp PP 1 6c;r<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
670 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
6c, par une adion, qui ternit le bruit de fes Vidqpeg, 6c fa<br />
propre réputation, il demeura poffeffeur de ces deux Roïaumes,<br />
5e procura Ja paix, au St. Siège, Se à V Italie.<br />
hes Génois'^lors y pour fe montrer plus généreux, 5e plus zélés<br />
, que les Fénitiens, pour le bien de la RépubUque Chrétienney<br />
ofîrirent leur Flatte à ST. Louis, qui s'en accommoda, fl<br />
afloit accomplir le pieux deffein, qu'fl avoit de délivrer la Pakftine<br />
de Poppreifion des Infidèles, lorsque le Roi CHARLES,<br />
plus attentif à affurer. Se à^agrandtr fes Etats, qu'au recouvrement<br />
de Jérufalem, lui fit adroitement comprendre, que l'entreprife<br />
de Tw/z/i, qui étoit incomparablement plus facile, ne lui<br />
feroit par moins utile, puisqu'en fe rendant maître des côtes<br />
d Afrique, les Soudains dEgypte feroient privés des grands fecours<br />
, qu'ils en .retiroient, 5e que cette conquête le mettroit<br />
enfuite en état de les fubjuguer entièrement.<br />
Article/F. Le Saint Roi, qui ne pouvait douter de la fincérité de fon<br />
^hofeTlé- Frère, goûta facilement ces bonnes, ou mauvaifes raifons, 5c<br />
tardent les s'cmbarqua à Aiguemortes le premier jour de Mars, fur la flotmi's^wf''te<br />
Génoife, avec les trois Princes, fes Enfans; PHILIPPE fur-<br />
^l'^îîl^L ^ommé LE-BEL ; PIERRE, Comte dAlençon ; Sç JEAN-TRISftine.<br />
TAN , Comte de Nevers. THIBAUT , Roi de Navarre , fon<br />
Gendre; ALPHONSE, Comte dePwW^ri, fon Frère; ROBERT,<br />
Comte d Artois, fon Neveu; Gui, Comte de i^^Wr^j, 5c plufieurs<br />
autres grands Seigneurs de fon Roïaume, Paccompagne*<br />
rent en Afrique y pendarit que ks pauvres Chrétiens de hPakftiney<br />
qui l'attenda:ent avec tant d'avidité,. fouffroient avec<br />
conftance les plus dures calamités.<br />
- Car, quoique le Roi d Arragon, qui avoit auffi pris la Croix<br />
long-tems auparavant, eût fait équiper une grande Flotte, 5c<br />
qu'il fe fût embarqué lui même à Barcelone, pour aller accomplir<br />
fon vœu, la furieufe tempête,. dont il fut forpris peu après<br />
fon départ, Yétonna fi fort, qu'fl s'en retourna dans fes Etats,<br />
des qu'il put prendre terre; de forte, qu'fl n'y eut de cette puiffante<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM.' Liv. XIL CH. VÏ. 6ri<br />
fente Flotte, que quelques Vaiffeaux, qui arrivaffent k Ptolomaîdey<br />
avec E>on FERDINAND, fon Fils, qui s'en retourna prèsqu'auffitôt,<br />
fens y rien entrepten^e. . *<br />
L'expédition du Prince EDOUARD ne fut pas plus avantageufe<br />
à la Pakftinéy que celle des Jrragonois. Il partit dAngkterre<br />
y avec une floriffante Armée, que lui donna le Roi fon Père.'<br />
Elle étoit parfaitement bien fournie d'Hommes, d'argent, 6c<br />
de munitions. Le Prince EDMOND, fon Frère, 5e THIBAUT,<br />
A rchi-Diacre de LrégCy l'accompagnèrent. JEAN DE BAYEUL,<br />
Seigneur Ecoffois, S'y joignit avec bon nombre de Troupes de<br />
fa Nation. Plufieurs Gentilshommes Frifons y Se autres de la.<br />
Baffe-Allemagne y furent auffi du voïage, avec des Troupes fort<br />
leftes. EDOUARD avoit fur fa Flotte deux mille Chevaux, 6c<br />
dix "mille Hommes de pié, qui tous arrivèrent heureufement à<br />
Ptolomaïde y Tcu commencement du mois de Mai.<br />
Mais,foit que ce Prince eût ordre du Roi,fon Père, de ne<br />
rien entreprendre, avant Parrivée du Roi de France y ou qu'il<br />
ne trouvât point les C^7"^//^«i de Paleftine affez unis, poiu s'accorder<br />
fur les entreprifes, qu'ils pourraient faire, *fl y demeura,<br />
pendant tout l'Eté, dans l'inadion, fans même que les conquêtes<br />
du Soudan ME'LEC-EL-VAHER fiiffent capables de retirer les<br />
Chrétiens de leur léthargie, ni de les engager à fe mettre en<br />
campagne, pour en arrêter le cours, comme ils auroient pu<br />
le faire avec ce puiffant fecours. Le Soudan attaqua à leurs<br />
yeux, 5e emporta d'affaut les Châteaux de Giblet y de'Montfort<br />
y Se Château-Blanc y appartenant aux Teutoniques y qu'fl<br />
fit rafèr jufqu'aux fondemens, apparemment pour fe vanger<br />
de la peine, que lui avoit autre fois donné ce dernier, fans<br />
qu'fl pût le forcer. Ainfi, les grands préparatifs, qu'on avoit<br />
faits en Europe y pendant près de trois ans; les grandes Armées<br />
qu'on y avait mifes fiir pié, fur tout en France ; Sc les grandes<br />
Flottes, qu'on y avoit équipées pour la Guerre fainte, n'auroient<br />
pas empêché ME'LEC-EL-VAHER de s'emparer du refte de<br />
k<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
4^i HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
k pakftine y fî la furprife des Places, que le Roi AOLON avok<br />
conquffes dans le Turqtkftany Se dont ME'LEC-EL-VAHER s'étoit<br />
enfuite rendu maître, par la trahffon d'un Sarrafin y nommé<br />
PARVÂNA, à qui le Prince Tartare en avoit confié le gouvernement,<br />
n'eût fait plus d'impreffion fur J'efprit du Roi ABA-<br />
:ÎGAS , fon Ffls, que n'avoient pu faire toutes ks foflicitations<br />
du Roi d Arménie.<br />
C H A P I T R E VII.<br />
Article f. T^ ^8 qu'ABAGAS put fe déUvrer des guerres, qu'il avoit con-<br />
Abagas/ê 1_^ tre fes voifîns, fl fortit de Perfe à k tête d'une Armée<br />
'«r*/eSou- formidable, 5c marcha, avec tant de diligence, pourfurpren-<br />
'**'*• dre le Soudan, Se pour fe vanger du trakre PARVANA , qui lui<br />
avoit Uvré fes Places, 6e fes Sujets, qu'au raport d'A YTON d'-^rménicy<br />
ABAGAS fit, en quinze jours, le chemin, qu'on ne fak<br />
ordinairement qu'en quarante.<br />
Cependant, quelque cachée Se précipitée, que fut fa marche,.<br />
eUe ne put être féçrette, 6c eUe parvint aux oreilles du<br />
Soudan, • Il abandonna fi promtement k Syrie, malgré le bonheur,<br />
qui y acompagnoit toujours fes armes, que les Tartares<br />
UM défait ne purent atteindre, que fon arrièrerp,rde ; encore fut-ce aux<br />
jm arrière- coufins de k Paleftine, llsk défirent entièrement, prkent deux<br />
mifle Chevaux, 6Gtout k bagage, qui étoit d'autant plus confidérabfe,<br />
que les Sarrafins emportoient toutes les dépouilles<br />
d'Antioche , 6c de pkileurs autres ViUes, qu'ils ^voient facagées.<br />
Mais, qijelque heureux que fût ce commencement pour les<br />
Tartares y ils ne purent pourfoivre leur Vidoire, ni traverfer<br />
k défert, où Us ne trouvoient aucune nourriture pour ks Hommes,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DÉ JE'RUSALEM. Uv.XH. CH.VIL 673<br />
mes, ni pour les Chevaux : Difette qui obUgca ABAGAS à rebrouffer<br />
chemin. U ne s'arrêta, que dansk Turqueftan y où il<br />
voulut abfolument recouvrer ks Places, que PARVANA avoit livrées<br />
à M E'L E C-EL-V A H E R ; ce qui ne ki fut pas difiicfle, tant<br />
par raport aux faibles garnifons, que le Soudan y avoit kflfées,<br />
qu'à la révolte des Habitans, qui préféroient la domination Tartare<br />
à celle des Sarrafins. Le bonheur d'ABAGAS fut fi compkt<br />
dans cette occafion, qu'fl eut le plaifir de s'emparer du<br />
perfide PARVANA, qu'fl fit, furk champ, hacher en petits morceaux<br />
, Se manger aux complices de fa révolte. AYTON d Arménie<br />
2Sfure , que, dans le tranfport de fa fureur, ABAGAS<br />
en mangea lui même, 6c en fit manger à fes principaux<br />
Officiers.<br />
Après avoir entièrement recouvré cette Province, îl l'offrît,<br />
en pur don, au Roi d Arménie, qui Pen remercia. Sur fon refus<br />
, ABAGAS fit démoUr les Pkces fortifiées, y laiffa quelques<br />
OflSciers, pour gouverner le pays, Se voulut s'en retourner en<br />
Perfe , fans qu'fl fût poffible au Roi d Arménie de f engager<br />
à entreprendre le recouvrement de Jérufalem, Il fe contenta<br />
d'envoïer des Ambaffadeurs en Europe y pour inviter les Princes<br />
Chrétiens à venir profker de la terreur, qu'fl avoit mife<br />
parmi les Egyptiens ; 6c ce fut ce que le Roi d Arménie put en<br />
obtenir. ujn<br />
Ainfî, la venue du Roi Tartare en Pakfitine ne procura aux<br />
Chrétiens le recouvrement d'aucune Place. Tout favantage,<br />
qu'ils en reçurent, fe réduifît à être délivrés, pour un tems,<br />
de f oppreffion d'un Ennemi, qui était prêt à les accabler;<br />
Car, pour le Prince EDOUARD, bien loin de fonger à faire la<br />
guerre aux Infidèks, fl ne penfoit uniquement, qu'à s'éloigner<br />
d'un pays, où fon avoit voulu l'affalliner. Un inconnu, qui<br />
s'étoit introduit dans fon appartement , lui avoit donné trois<br />
coups de poignard, fans qu'on pût en découvrir l'auteur, ni k<br />
caufe.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
674- H I S T O I R E G E'N &R A LE<br />
•> Les domeftiques de ce Prince mirent, fur k champ, en pièces<br />
cet affaffin. Quelques Ecrivains ont attribué cet horrible<br />
attentat au Fieux de la Montagne, en quoi ils ont erré trèsgroffièrement,<br />
puisque le Prince des Affaffins y 6c toute fa Nation<br />
, avoient été entièrement détruits , 6c anéantis par k<br />
Roi AOLON, dès l'année 12^8. D'autres ont foupconné<br />
, avec quelque vraifembknce, que cet affaffinat avoit été<br />
commis, par ordre de Gui DE MONTFORT , pour fe vanger de<br />
la mort d'un de fes Frères, ou de fon propre Père, qu'EnouARD<br />
avoit tué dans un combat. Qudques autres enfin prétendent,<br />
que ce fût un Sarrafin y que le Prince EDOUARD avoit fak prifonnier,<br />
6e avec lequel fl s'étoit enfuite familiarifé, qui avok<br />
voulu fe défaire de fon bienfaiteur.<br />
Article//. Quoiqu'il en foit, le bon tempérament du Prince, 6e l'habileté<br />
des Chirurgiens le tirèrent bientôt d'affaires, fans que faguérifon<br />
lui fit changer la réfolution, qu'il avoit prife de s'en retourner<br />
en Angleterre ; d'autant plus qu'fl avoit apris^ que ST.<br />
Louis , après s'être emparé du port, Se du Château dc Carthage<br />
y avec affez de faciUté, avoit trouvé tant de réfiftance,<br />
en approchant la ViUe de Tunis y qu'il avoit été obligé de camper<br />
dans une vallée voifîne, pour y attendre la venue du Roi<br />
de Siciky fon Frère, dont le retardement caufa tous les malheurs<br />
, qui arrivèrent à l'Armée Françoife. Comme on doit<br />
Mifères des au fort dc l'Eté, 6e qu'elle manquoit de provifîons, 5c de bon-<br />
£!r°chr? ne eau, les maladies commencèrent à faifîr les Troupes, 5c detiens,<br />
vinrent, en peu de tems, fî générales, que la fleur des Soldats<br />
, Se des OfiSciers, en étoient' emportés à vue d'œfl.<br />
Mo-t de Le Prince JEAN-TRISI^AN fut un des premiers que cette con-<br />
SE. LOUIS, ^^^[Q^ culcva. Lc Cardinal Légat ne lui furvécut, que de<br />
quelques jours ; Et le Roi ST. Louis k fuivit bientôt après.<br />
Malheur, qui laiffa toute l'Armée dans une fî grande confternation<br />
, qu'elle étoit fur le point de s'embarquer, pour s'en retourner<br />
en France y lors que le Roi de Siciky 6e HENRI, Comte<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lnr. XIL CH. VIL 67^<br />
té de Cornuailk arrivèrent avec de gros renforts, Se d'abondantes<br />
provifîons. La prefence de ce Prince, 5e la vigueur, que<br />
tant de rafraichiffemens rendirent à PArmée, fit qu'efle s'arrêta,<br />
continua le fiège, ,6c vint enfm à bout du projet, qu'fl avoit<br />
infpiré au feu Roi, fon Frère, 6c qui fut malheureufement fi<br />
fonefte à ce grand Prince, 6e à toute la France.<br />
On n^a point ignoré, que le but principal du Roi CHARLES /î^yf,j„-«<br />
étoit d'affujetir le Roi de Tunis, 5c de le rendre fon tributaire, poutitjue.<br />
afin qu'il le dédommageât des quarante mille Ecus d'or, qu'il<br />
payoit à la Chambre Apoftolique, En effet, ce Prince Infidèky<br />
dont les Forces commençoient à s'épuifer, par les pertes continuefles<br />
, qu'il faifoit dans les foi^ies, Se aux défenfes de la Ville<br />
, appréhendant enfin de perdre fon Roïaume ,* Se fa liberté^<br />
demanda de lui même à capituler ; 5c la paix fut étabUe, aux<br />
conditions fuivantes.<br />
„ I. Que le Roi MULAI, OU MULE NE, rendroit tous ks<br />
„ efclaves , 6c prifonniers Chrétiens, qui fe trouvoient dans<br />
„ fes Etats.<br />
„ IL Qu'fl permettroit aux ReUgieux 6c Eccléfiaftiques La-<br />
„ tins d'y bâtir des Maifons, 5c des Eglifes, d'y prêcher U-<br />
„ brement l'Evangile, 6c de n'inquiéter, en aucune manière,<br />
„ ceux de fes Sujets, qui, touchés de leurs exhortations, vou-<br />
„ droient embraffer le Chriftianifme.<br />
„ IIL Qu'fl paieroit au Roi de Naples y Se de Siciky un tribut<br />
„ annuel de quarante mflle Ecus d'or.<br />
C'étoit juftement la fomme, que le Roi CHARLES s'étoit obUgé<br />
de payer à la Chambre Apoftolique y pour les Roïaumes de<br />
Napks y Se de Sicile ; ce qui fit bien connoître, que ce Prkice<br />
n'avoit travaiUé, que pour fes intérêts particuliers, dont les<br />
Perfonnes les mieux fe;iféesne purent s'empêcher de murmurer,<br />
fans qu'fl s'en mît autrement en peine.<br />
PHILIPPE-LE-BEL, Ffls, 6c Succeffeur du Roi ST. Louis, ^^*j='^^^avoit<br />
auffi été malade; c'efî pourquoi iVpxefk fon départ dA- leÈéîp?^.<br />
Clq qq 2 frique^^^'^'''<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
676 H I S'T O I R E GE'NE'RALË<br />
Miment de frique y dès que le Traité fut condu. Se fit embarquer promte«i<br />
fesTrou- j^enj- {gg Troupes pour s'en éloigner, dans Pelpérance, que k<br />
^** changement de climat feroit ceffer la pefte, qui avok fuccédé<br />
à la diffenterie, 6eaux fièvres malignes, dont elks avoient été<br />
attaquées. Se contribueroit au rétabliffement de fa propre fanté.<br />
Cependant la mauvaife fortune, qui avoit perfécuté l'Armé<br />
Françoile fur ks côtes d Afrique y ne lui fut pas plus favorable<br />
en Europe. Après avoir effuïé une furieufe tempête, dont<br />
plufieurs Vaiffeaux furent engloutis à la vue de la ^Sicile, les<br />
Perfonnes qui en échapèrent n'eurent pas plutôt mis pié à terre<br />
dans cette Ile, qu'au Ueu que la pefte ceffât, elle augmenta<br />
à tel point, que les Soldats y mouroient, comme des mouches,<br />
Les Soldats que k rigucur du froid fait tomber. Le Comte de Flandres, k<br />
^bar^ilés Roi ^e Navaire y Sc k Reine BLANCHE fon Epoufe cn mouru-<br />
«n Sicile ^ent, avcc quantité d'autres Perfonnes de la première quaUté;<br />
éprouvent i^» .* r»" * • \ t • •<br />
une pefie de forte quc f Armec en fut presqu entièrement détruite.<br />
*T^* La perte des Troupes mit k Roi PHILIPPE hors d'dat d'entreprendre<br />
le voïage de Palefline y comme il Pauroit fouhaitè.<br />
Il étoit d'aiUeurs fort preffé d'aller prendre poffeffion de fes propres<br />
Etats. G'eft pourquoi, il ne tarda pas à s'embarquer avec<br />
k Roi CHARLES, fon Onde ; 6c, abordant à Civita-Fecchiay<br />
foit par dévotion, fait par curiofité, ils voulurent afler vifiter<br />
les célèbres EgUfes de Rome, Se pafferent enfuite à Fiterbcy<br />
éù ks Cardinaux étoient encore en conteftation, pour donner<br />
un Succeffeur à C L E'M E'N T IV. La préfénce de ces deux grands<br />
Prkicés parut les déterp^iner. Ils entrèrent de nouveau au Cont^tàvè;<br />
Se y au grand étonnement de toute la Chrétienté yle pré*<br />
Inier jour de Septembrb, ils élurent au Pontificat T H E'O BAL-<br />
DÉ, Arehi-Diacre de Liège y quife trouvoit Légat ^yîb/f^ttf<br />
en Pakftinéy où fl avoît paffé avec k Flotte du Prince EDOUARD,<br />
6c où la nouvelk de fon exaltation , qu'on ne tarda pas à y<br />
apprendre, remplk tous fes Peuples d'une joie incroïable, &<br />
:v léfi fdeva, en quelque manières de la défolation, 6cde l'abat^<br />
tement,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
'" DE JE'RUSALEM. Lïv. XII. CH. VH. é'rf<br />
tement, où ils étoient plongés, dans Pefpérance que ce nouveau<br />
Pontife, qui étoit témoin oculaire de leurs mifères, ne<br />
manqueroit pas d'emploîer tout fon crédit, Se toute fon autorité<br />
, auprès des Princes Chrétiens, pour kur procurer les puiffans<br />
fecours , dont fls avoient befoin.<br />
C'étoit bien auffi l'intention du nouveau Pontife d'y travailler<br />
, avec chaleur. Il leur en donna des affurances dans un<br />
Difcours élégant, 6c touchant, qu'fl leur fit avant fon départ,<br />
tant pour leur propre confolation, que pour encourager les CmféSy<br />
qui fe trouvoient encore en ce pays là, à pcrfévérer dans<br />
le généreux deffein d'y combattre les Ennemis de Jefus-Chrïfty<br />
6e d'aider à reconquéiir les Ueux , qu'fl avoit fendifiés par fa<br />
vie miracukufe, Se par fa mort glorieufe. U prit, pour texte<br />
de fon Dffcours, ce beau verfet du Pfeaume cxxxvi. Si oblitus<br />
fuero tui y Jérufakmy oblivioni detur dextera mea; qui convevenoit<br />
fi bien à fon fujet, à fon élévation, 6c à f étet déplorable<br />
de la Ste, Cité.<br />
Il s'embarqua enfuite k Ptolomaïde fur les Vaiffeaux du Prince<br />
EI>OUARD, qui eftimoit infiniment fon mérite perfonnel, 6c fon<br />
illuftre naiffance. Il étoit de la Maifon de VISCONTL Le Patriarche<br />
de Jérufakmy divers autres Prékts,6e Seigneurs,l'accompagnèrent.<br />
Il aborda à Cypontode VApouilky où k Roi CHAR<br />
LES alla d'abord le recevoir, 6c l'accompagna avec beaucoup de<br />
magnificence jufqu'aux confins de fes Etats. Les Cardinaux, qui<br />
l'attendoient à FiSerbe yVy reçurent, avec toutes les marques de<br />
révérence 6c de refped imaginable. Il fut enfuite couronné avec<br />
les cérémonies accoutumées, 6cprit le Nom de GRE'GOIRE,<br />
qui fut. le dixième Pape de ce Nom.<br />
Ce Pontffe, qui vouloit, en effet, donner fes foins.au fonkgement<br />
de k Terre-Sainte y s'apUqua d'abord à réconciUer les<br />
Fénitiens avec les Génois, dont ks Flottes étoient néceffakes<br />
au tranfport des Troupes qu'fl défîroit y envoïer. \l engagea le<br />
Roi de France à k féconder dans ce pieux deffein; Se y avec<br />
ft.^ 99 2 faffiftaa-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
673 HISTOIRE C'EN, DE JEU US. Liv.Xn. CH.VIÎ.<br />
l'affiftance de ce nouveau Monarque, fl condut entre ces denx<br />
RépubUques une Trêve pour cinq ans. Cet accommodement<br />
lui procura d'abord k commodité de renvoïer le Patriarche de<br />
Jérufakmy avec cinq cens Hommes à la folde de la Chambre<br />
Apoftolique y en attendant qu'fl pût lui procurer des fecours plus<br />
confîdérables.<br />
Article/r. Cc Tcufort arriva même heureufement à Ptolomaïde, avant la<br />
S^^anfèf fill ^^ Pannée du départ de GRÉGOIRE, 5e dans le tems que<br />
dix mois \ç Prince EDOUARD, à la foUicitation du Roi HUGUES, des<br />
Soudan. Scigncurs du pays, 6c des Ordres Mflitaires, venoit de ménager<br />
une Trêve entre les Chrétiens, Sc le Soudan ME'LEC-EL-<br />
VAHER, qui, felon LOREDAN, fut établie pour dix<br />
ans, 6c dix mois, mais dans laquelle il n'y avoit de ftabilité,<br />
que de k part des Chrétiens , parce que les Sarré^tfs ne s'abstenoient<br />
jamais entièrement de les înfulter ; Et ' fon endurok<br />
patientent leurs infolences, jufqu'à ce qu'on fût en état<br />
de les réprimer.<br />
Le Prince EDOUARD partît enfuite de Ptolomaîdey avec tout<br />
fon monde, 6c aborda en Italie f pour avoir la fetisfadion d'y<br />
voir le Pape, qui, rempU de reconnoiffance pour la générofité<br />
avec laqueUe il favoit accommodé d'argent, de Vaiffeaux, 5c<br />
de tout ce qui avoit été néceffaire pour fon voïage, le reçut<br />
avec toutes les marques d'honneur, d'affedion, 6cd'eftime, dont<br />
il put s'avifer. Enfin, content, 6c fatisfàit de tant dc magnifiques<br />
trakemens, le Prince EDOUARD continua fon voïage<br />
en Angleterre y où H arriva à-propos, pour prendre la couronne,<br />
que le Roi HÇINJ^I, fon Père, lui avoit laiffée peu aupai<br />
ravant.<br />
HISTOI-:<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
HISTOIRE GÉNÉRALE<br />
R O Ï A U M E S<br />
D E<br />
CHYPRE, DE JÉRUSALEM.<br />
ET<br />
D^ E G Y P T E .<br />
L I V R E XIII.<br />
CHAPITRE PR E'M ÎER.<br />
^?.gCSfiCj|/XV HILIPPE-LE-BEL, Roi de Francey qui a^'okArticle/.<br />
ÎS2?13)Sw ^îb^ ^^ les fâcheux acddens,qui avoient fuivi latw>t;^ en prenant la Croix avec le feu Roi fon Père j<br />
o> v;o ^
«80 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
en Paleftine OLIVIER DE TREMOILL», avec cent Arbalétriers,<br />
Se peu après GILLES DE SANCI avec trois cens autres. Ces<br />
deux Seigneurs arrivèrent à Ptolomaïde y presqu'en en même<br />
tems, 5e pendant que le Pape, qui n'oublioit point les calamités<br />
des Habitans, ni les périls, ou la Pakftine étoit expoja73.<br />
fée, convoquoit un Concile général à Lyon y tant pour enga-<br />
Owtie^w- ggj. ]gg Princes Chrétiens à faire une nouvelle union pour les<br />
Lyon, en CH délivrer, que pour remédier auxgrands abus, qui s'étoient<br />
"L^Terrt. iutrpduits en Italie y p^x la langue vacance du St, Siège y Se en<br />
Sainte- Allemagne y à caufe des troubles de VEmpire.<br />
Ce Concfle fut encore plus célèbre, que ne Pavoit été celui<br />
qu'lNNOCEN'T IV. avoit tenu dans la niême Ville vingt-nçuf<br />
ans auparavant ; puisqu'outre le Souverain Pontife, qui y préfida<br />
e^ perfonne, avec presque tous les Cardinaujt,' il s'y trouva<br />
les Patriarches de Jérufakmy Se de Conftantinople y plus de<br />
iBoflle Archevêques, -Evêques, ou autres Prékts, Se dieux cens<br />
' 4quarante-ïx Abbés; Les Amiaffadewrs des Empereurs d'Onw^<br />
& d Occident; ceux des KCÀS de France y de CBfpf'ey Sede<br />
tous ks autres Trinces dEurope y Se d'Outremer y divers Princes,<br />
Sc autres Seigneurs Tartares y qui y reçurent le Bâtême<br />
des mains du Pontife, Se le Roi dArragon en perfonne, felon<br />
quelques Ecrivakis.? L'Eimpeièur MICHEL PALE'OLOGUE,<br />
pour fe délivrer de l'inquiétude, que lui donnoient les Sarra^<br />
fins d'un côté, 6e les Z^///2X de Pau tre, parce qu'il craignok toujours<br />
, que x}CHx-ci ne vouluffent remettre BAUDOUIN fur le Trô-<br />
' ' àe 3, dont fl l'avoit dépouillé , quelques années auparavant,<br />
«•avife , par une politique, aufîi une , que fourbe, de foumettre<br />
, dans ce même Concfle, PEgUfe Grecque à la Latine<br />
y afin d'engluer k Pape, Se les autres Princes, à le laiffer<br />
en repos, 6c à tourner leurs armes contre ks Infidèles y en quoi<br />
il offirk de les ieœndbr.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JERUSALEM. Liv.Xm. CH.I. dSi<br />
- GRE'GOIRE, qui-fouhaitoit ardemment d'unir les Puiffances<br />
Chrétiennes contre le Soudan dEgypte y fans trop approfondir<br />
, fi la démarche de P A L E'O L o G u E , 5c la réunion de fon<br />
Eglffe à la Latine était bien fincère, eut la facilité de le confirmer<br />
, dans cette Augufte Affemblée, Empereur de Conftantinopk<br />
y à condition pourtant qu'il enverroit fes Farces au fecours<br />
de la Terre-Sainte ; Se qu'il favorifèroit, de tout fon<br />
pouvoir, le voïage des Croifés y qui pafferoient fur fes Terres.<br />
Ce fut dans k même vue, que le Pape reconnut Empereur<br />
d Occident RODOLPHE , qui, de fimple Comte de Hapsbourgy<br />
avoit été élu à VEmpire y par ordre du même Concile. Ce nouveau<br />
Monarque fut couronné à Aix-la-Chapelle , à la charge<br />
néanmoins, qu'avant la fin de Pannée il iroit à Rome recevoir<br />
k couronne Impériîfle des. mains du Pontife, 5c qu'il pafferoit<br />
enfuite cn Pakftine, à la tête de fArmée, que les Puiffances<br />
Chrétiennes.'Siffemhleroient contre les Sarrafins: Et, afin qu'fl<br />
pût faire le voïage d Italie y Sc celui d Outremer y2iy>ec plus d'aifance,<br />
le St. Père s'engagea de lui faire payer, dès qu'il entreroit<br />
dans VItalie y deux cens mifle Ecus par les Banquiers Fkrentins<br />
, établis à Milan. *<br />
Le même Concfle impofe , pour dix ans , une décime fur 1275;<br />
tous les biens Eccléfiaftiques, dont le produit devoit être emploïé f^t/ttîm'<br />
k Pentretien des Troupes deftinées pour la Guerre-Sainte ; 6c, afin «? «« dtxièqu'on<br />
pût Pexiger avec plus de fuccès, 5c que les Chrétiens de TelCsEi!-<br />
Pakftine commençaffent à prendre courage, 5e puffent fe main- ^'jj^'^j^^<br />
tenir pehdant la durée du Concile , le St, Père y envoïa d'à-,/avofi/ir/»<br />
bord GuiLALUME DE RoNciLLON , 5c quantité de Nobleffe f^„7/.<br />
Italienne y avec 400. Arbalétriers, qui arrivèrent k Ptolomaïde<br />
au mois d'Odobre de cette même année 1275;. Quoi que ces<br />
Gendarmes n'y fuffent pas alors fort néceffaires, par raport à<br />
la tranquiUté, dans laquelle vivoient les Sarrafins à leur égard,<br />
parce que ME'LEC-EL-VAHER s'était 'acharné contre le Roi<br />
d'Arménie y 6c voulok fe vanger des ra^%^esJ que les Tartares,<br />
Rr rr à<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
dS2 H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />
à fon inftigation,•avoient faites dans fes Etats. • Auffi, lui fit.<br />
fl bien reffentir les effets de fa colère ; car fl entra lui même<br />
dans cette Province, à la tête de toute fa Cavalerie, ravagea<br />
avec* précipitation tout le pkt-pays, emmena plus de trentemiUe<br />
Arméniens prifonniers , dont il en choifît dix mflle des<br />
• plus jeunes, qu'fl fit circoncire, 5c les incorpora dans k miUcc<br />
des Mammelucs.<br />
Nt a ence ' Lc Concilc s'étaut enfin terminé, 6e le Pontife voïant, que,<br />
de Rodoi- malgré fempreffement, avec lequel Jl avoit fait foUiciter les pré-<br />
^rfl'Z' paratifs pour k Guerre-feinte , fEmpereur RODOLPHE ne traiagemens.<br />
vaillok poîut, avcc affcz de diligence, pour fe difpofèî^à aller<br />
commander l'Armée, qu'on y deftinoit; l'envoïa citer, afm<br />
qu'il fe rendît en Italie avec fes Troupes, avant k commencement<br />
du printems. Il le fit , en njême ^têms, menacer des<br />
foudres de l'Eglife, s'fl manquoit à fon-vœu Se à fes engage-<br />
1276. mens ; ajoutant à ces menaces, qu'fl le priveroit abfolument de<br />
V Empire.<br />
Mais, malheureufement pour les Orientaux, ce bon -Pontife<br />
n'eut, ni la confolation de voir effeduër Punion des Princes<br />
ChrétienSy qu'fl avoit ménagée avec tant de foin, ni la peine<br />
d'en venir aux extrémités de Pexcommunication, dont fl avoit<br />
menacé PEmpereur ; Car, en retournant à Rome, avec la<br />
Mort du plupart des Cardinaux, qui avaient affifté au Concfle, fl tom-<br />
«oî/eî^ ba malade à ArezzQ en Tofcane, où fl mourut le 10. Janvier,<br />
^nocent j 276. IN N O CE N T V. luî foccéda, dîx jours après fon décès ;<br />
cide. mais fl ne vécut, que jusqu'au 22. Juin, 6c ADRIEN V. de la<br />
AdrTen V. M^i^on dcFiESQUE,
DE JE'RUSALEM. LmXIII. CH. H. 683<br />
C H A P I T R E II.<br />
Pendant qu'il arrivoit de fi fréquchs changemens dans k Pon- Article/,<br />
tificat, k Roi HUG&ES , vouknt profiter de la Trêve,<br />
que le Prince EDOUARD avoit étabUc avec fi E'L E C-EL-VAHER, 5e<br />
que les Sarrafins gardoient alors affez réguUèrement, repaffe ^^^'^f^"<br />
en Chypre, tant pour rétablir kr affaires de ce Roïaume, que gués en<br />
pour pourvoir à celles de fa famiUe, qui étoit affez nombreu- ^^^P'^*<br />
fe. Il avoit eu plufieurs enfans de la DemoifeUe d'iBEUN,<br />
Sœur du Grince de Galilée, qu'il avoit époufée , avant fon<br />
avènement à k couronne<br />
Ce Prince travSilloit, avec avantage, aux affaires dc fa Maifon,<br />
6c pour k tranquilité dc fes Sujets; mais fl étoit, en mê-i<br />
me tems, fort peu fatisfàit des Ordres Mflitaires, qui, enflés<br />
de leurs Forcer en Paleftine, y vouloient trop dominer. Les<br />
Templier S'y en particulier, étoien^fi orgueiUeux, par raport<br />
aux grands biens, dont plufîeurs Princes les avoient enrichis,<br />
que, méprifant fautorité du Roi HUGUES, fls achetèrent, à<br />
fon info, le Fief, nommé la Fakonièrey qui appartenoit à un<br />
de fes Vaffaicf. Cc bien étant une fois kicorporé dans un Ordre,<br />
qui ne rtieurt jamais, privoit le Souverain du droit dp rcverfîon,<br />
6c des autres prérogatives, faute d'Héritiers.<br />
Il craignit, d'ailleurs, qu'on lîc lui reprochât dc ne s'être<br />
point affez fervi defon autorité, 5c de n'avoir point kiffé à<br />
Ptolomaïde un Gouverneur, capable de foutenir fes droits. Ces<br />
griefs, Se ces réflexions Pengagèrent à envoïer un Ambaff^ideur<br />
au Pape, pour fe plaindre au St. Père de l'arrogance des<br />
ReUgions, 6c de k désobéïffance des Peuples de Ptobmaïde,<br />
Les plaintes, que ce Miniftre porta au Pontffe contre les<br />
Ordres Mflkakes, 6c contre lesfeiseplés de Pakftine y furent<br />
Rr rr 2 d'autant<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
t<br />
é
684. H I S T Ô I R E G E'N E'R A L E<br />
fflS"'rfi d'autant plus utiles aux intérêts, 6c a k réputation du Roi HUGUES,<br />
Templiers que, pcu après fou départ de Ptolomaïde, il furvint quelque diffé-<br />
'^I.pl'i^mt rend entre le Comte de Tripoli, Se PEvêque de cette Ville.<br />
Ao^Hu-'^" Les Templiers prirent fî ouvertement le parti de ce Prélat, qui<br />
fiues. avoit été de kur Ordre, 5e irritèrent fî fort ce Comte, qu'fl<br />
kur ordonna de fortir ihceffamn^nt de fes Etats, 6c dit<br />
eonfifquer tous ks* biens, qu'ils y^offédoient.<br />
Ces yiolences excitèrent une guerre ouverte entre le Comte<br />
de Tripoli, Se les Templiers y qui n'eurent pas lieu de fe louer<br />
de leur partialité. Car , voulant fe vanger fur les Etats du<br />
Comte, ils armèrent fix galères pour aller furprendre le Château<br />
de Nephin, que ks Grecs nommoient Tholpràropon ; Sc<br />
les Latins, Face-de-Dieu, où elles furent forprifes dd'une tempête<br />
fi furieufe , qu'elles périrent entièrement fur le rivage.<br />
. r . .<br />
Article//. Cc n'étoîent pas-là .les feuls désordres, qui ^rrivoient'kPtolomaïde.<br />
Chaque Nation vouloit y commander, fans reconnoître<br />
aucun fupérieur. Extravagance , qui y caufa une confufion<br />
fi affreufe, que,, fi le^drrafins s'y étoient,feukment préfentés<br />
, ils s'en feroient rendus maîtres fans beaucoup depeine.<br />
, . À^<br />
formées^m. ' Lcs Ambaffadcurs du Roi HtrouES arrivèrent enfin à Fitev-<br />
%^k^au- ^^ auprès du Pontife, 5c trouvèrent une mati^r^,bien plus inronnedejé-<br />
téreffautc pour cc Princc, qiic la commiiïîon, dent fl les avait<br />
chargés. La Princeffe MARIE avoit fî bien fait valoir (es prétenfions<br />
a^rès du St. Père, Se étok fî fortement appuïée par k Sacré<br />
Collège, qu'on y étok fur le point de décider, en fa faveur,<br />
touchant la Couronne de Jérufalem; Sele jugement n'en fut<br />
r fofpendu, que fur les fortes remontrances de ces Miniftres. Us<br />
poftèrent enfin k Cour dé Rpme ^ en remettre la décifion<br />
au Patriarche de Jérufalem , % TLWX. Barons du .Roïaume,<br />
parce que ceux-ci fe trouvant fur les lieux, 6e parfaitement informés<br />
des droits, que pouvoient avok l'un 6c l'autre de ces<br />
deux<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ivE JERUSALEM. Lrv. XIII. CH. II. 6^t<br />
3eux Princes, îls ne. manqueroient pas db donner la Couronne<br />
à celui à qui elle devoit légitimement appartenir.<br />
Le renvoi dc cette importante affaire à la décifion des Seigneurs<br />
de Paleftine, chagrina k Princeffe MARIE ; Et, comme<br />
eUe ne fe fentoit pas alors plus de pouvoir auprès d'eux,<br />
que dans le tems, qu'elle voulut s'oppofer au couronnement du<br />
Roi HUGUES , 6c que fon grand âge, joint à ion peu d'aifance,<br />
oc lui permettoit pas de faire un auffi long voïage, avec commodité,<br />
ni^de vivre en Paleftine, d'une manièce proportionnée<br />
à fa naiffance , elle prit le parti d'embraffer Pexpédient,<br />
que lui propofèrent quelques ChevaUers du Temple y qui fut de<br />
tranfporter à CHARLES D'ANJOU , Roi de Naples, Se de Sicile,<br />
tous ks droits, raifons, Se adions, qu'efle pouvoit prétendre<br />
fur le Roïauitoe d^Ljérufakm, moïenant une groffe fomme d'arget^t.<br />
Se quelques autres avantages, qui furent expUqués dans<br />
P Ade juridique, qui en fut paffé Se qui fut enfuite approuvé<br />
par le Pape, 5e par tous ) ^ Cardinaux.<br />
L'Auteur de Vd^ Continuation de la Guerre-Sainte y qui,, felon<br />
IQS apparences, n'a pas bien approfondi f origine de cette Princeffe,<br />
la Tait Fflle de FRE D E'RI c. Fils naturel de l'Enapereur<br />
FRÉDÉRIC il. qui avait été Prince dAntioche, 5c après lui<br />
CoNRAD-LE-TêTU, fon Fîls ; Et fl ajoute, que les prétenfions<br />
de MARIE fur le Roïaume de Jérufakmn!étoient fondées, que<br />
furies droits de l'Empereur FRÉDÉRIC, fan AieuL COLE-<br />
Nucio, 5e CARAFFA', Auteurs deVHiltoire de Naple^, quoique<br />
d aifleurs trcis-bon?, 6c dfligens Ecrivains, pouvoient l'un, 5c<br />
fautre n'avoir Jamais lu, ni apris, qui étoit cette Princeffe MA<br />
RIE, qui rént)nça fes droks en faveur du Roi CHARLES ; Renonciation,<br />
qui autoriia ce Prince, 6cfes Sueceffeurs, aprendre<br />
k Titre de Rois de Jérufalem,<br />
^ Cependant, que fes prétenfions fuffent juftes, ou non, fe<br />
renonciation caufa bien des troubles dans la Terre-Sainte; Car<br />
CHARLES, qui eftimoit infiniment ce Titre, 6c qui crut avok<br />
Rr rr 3 acquk<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^8« H I S T O I R E G E' N E' RA L E<br />
Dîmînutîon^^^^^^ UU doublc droit fur le Roïaume de y^a/^/pw, puis qu^il<br />
dei'nutori, favoît déjà CU quaUté de Roi de Sicile y envoïa inceffamment à<br />
gu'ef>r le Ptolomaïdc k Comte ROGER DE ST. SE VÉRIN, avec fix galères bien<br />
l^/'""'"^'^'armées,pour en prendre poffeffion,5cpour y gouverner en fon<br />
nom. Les TentpUery, qui cherchoient toujours à traverfer le<br />
Roi HUGUES dans la jouïffance de cet Etat, favorifèrent non<br />
feulement ce Comte, mais encore engagèrent ALÎERT MOROsiNi,<br />
Baile des Fénitiens , à fe ranger de fon parti. Ce fut<br />
à leur faveur, que ST. SEVERIN entra dans Ptolomaîdey au<br />
grand préjudice du légitime Souverain, qu'ils avoient eux mê^<br />
mes reconnu'peu auparavant, 6e qui eut enfuite bien de k peine<br />
à empêcher fon concurrent d'abforber. toute fautorité.<br />
Cette nouveauté, 6c Pabfence du véritable Chef, augmentèrent<br />
extrêmement le désordre, 6c la mésintelligence, qui ne<br />
régnôit déjà que trop parmi les Habitans de Ptolomaïde. Les Bvons<br />
dupays,leSiAr^//tf//^rj,ks Teittoniques y les Génois y SelttPifans<br />
y -> qui tous fouhaitoient d'y remédier, avant que k mal de^<br />
vint plus grand, envoïèrent unanimement des Ambaffadeurs<br />
Hugues en Chypre y pour foUiciter k Roî HUGUES à aller pramteSwnt<br />
Jollicitéde i i • j n-r^ c • 1 1 / *j -<br />
repaifertn reprendre k gouvernement de 1 Etat, ôc terminer les désordres<br />
Paleftine. ^^^,y ^^^-j. ^^^£v ç^^ abfencc ; faffurant qu'fls Paideroient, 5c<br />
k ferviroient, avec tant d'affedion , Sc de zèk , dans cette<br />
louable entreprffe, qu'il auroit tout Ueu d'être fatisfàit de leur<br />
attachement pour fa perfonne, 6c pour lé bien commun des<br />
Chrétkns. ,<br />
Cette Ambaflikde déplut extrêmement aux Templiers, qui n'avoient<br />
jamais voulu fe joùidre aux autres. Ils en vinrent à de<br />
groffes paroles avec les Hofptaliers ; de forte que ces deux<br />
corps, qui faifoient égakment profeffion des armes, 5c qui ne<br />
s'amufoient guères à difputer leurs prétenfions en pardes, firent<br />
fur lepoint d'en venir aux mains. ^ Mais le Patriarche, &<br />
tous les principaux Seigneurs, qui prévoïoient k grand prêJ6dice,<br />
• que kur désunion alloit caufer à PEtat, kur remontrèrent fî<br />
efHca-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JEB^USALEM. LIV. XIJÏ. CH. Il 687<br />
efficacement les malheurs, qui en arriveroknt, qu'fls ks portèrdt<br />
enfin à facrifier kius paffions particuUèrey au bien d^ k<br />
caufe commune.<br />
-^-Oiioique le Roi HUGUES ne fït pas moins de cas du Titre d^<br />
Roi de Jérufakmy que le Roi de Naples y, Sc qu'fl en fût mê-^<br />
me très-jakuK , il ffe fe rendit pourtant point aux folUeitations<br />
des Seigneurs de Ptolomaîdey pour y* retourner. Il parut<br />
fort indifférent fur la venue du Comte de ST. SE'vE-^'^^^f'^-<br />
RIN, 6c fur la commiffion, dont fl étoit chargé. Tant ce maintenir<br />
Prkicc étoit dégoûté de la confufîon, qui régnôit dans cette^^J!i^^'H<br />
ViUe, 6c du peu durrefped , avec lequel on y recevoit fes or-Tx""'f if^<br />
dres. Il étoit, d'aflkurs, fort attaché à Pétablifïçment de fes<br />
Enfans, dont plufîeurs étoient en âge d'être pourvus, auffibien<br />
qu'à faire perfedionner une fameufe Abbaye, qu'fl avoit .<br />
fondée entre k ViUe de^ Nicofie y Se celle de Cérines, 5e à attirer<br />
des gens de -I^ettres dans fes Etats. Il aprit même, fans<br />
fe donner aucun mouvement les progrès, que faifoit le Comtc<br />
ROGER à fon préjudice, Se ne témoigna aucun mécontement de<br />
l'affiftance, queles Fénitiens y Se les Templiers lui prêtoient;<br />
perfuadé que la haine cachée , ou découverte 4es particuliers,<br />
6c enfin fémulation, qui avoit toujours régné parmi les Ordres<br />
Mflitaires, contribueroient à lui conferver fes droits ; 5c que, fv<br />
ksuns s'étoient dédairés en faveur defon rival, les autres ne manqueroient<br />
pas dc prendre fon parti.<br />
Il ne fe trompa point ; car, lorsque le Comte dc ST. S E'V E-<br />
RIN voulut exiger des Hofpitaliers le ferment de fidélité pour le<br />
Roi fon Maître, ils lui répondkent, " qu'fls auroient fort fouhaitè<br />
„ de fervir leRoi CHARLES, auffi-bien que kRoi HUGUES, étant<br />
„ Pun, 6c Pautre également amis de leur ReUgion; mais que les<br />
„ Statuts,de kur Ordre leur défendaient abfolument de fe mckr<br />
5, des différends, qui furvenoient entre ks Princes ChrétienSy Se ne<br />
^ leur permettoient de fc fervir de kurs armes, que pour le foutkn,,<br />
„ 6c l'augmentation de k foi, 6c pourfextkpation des Ir^dèks,<br />
Les<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«88 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
Les Barons du Roïaume, encore plus réfolus, que ces Che]<br />
valkrs , répondirent au Comte , qui leur fit la même propo*<br />
fitibn, "qu'ils ne pouvoient faire hommage, 6c prêter fer-<br />
„ ment de fidélité, qu'à un feul Souverain ; 15e que l'aïant jurée<br />
„ depuis long-tems au Roî HUGUES , avec toute la fokmnké,<br />
„ Se toutes les cireonftances, qui fe pratiquent en pareilles oc-<br />
„ cafions, fls ne pouvoient en reconnaître aucun autre, fans fe<br />
.„ rendre parjures.<br />
' Le dépit que le Comte ROGER conçut de ce refa$; dont fl<br />
attribuoit la caufe aux brigues des Hofpitaliers, fit qu'il en écrivit<br />
avec beaucoup de chaleur au Roi CHA|EILES, lequel, irrité<br />
que des Religieux, qui poffédoient de fi beaux biens dans fes<br />
Etats, en agiffent d'une manière fi oppofée à fes intérêts, fit<br />
1277. d'abord eonfifquer tous ks revenus, dont fls jouïffoient, fans<br />
même vouloir écouter aucune de leurs juftifications. • U en porta,<br />
de plus, de grandes plaintes au Pape JEAN XXL qui n'eut<br />
pas le tems de lui faire donner fatisfàdion fur ce fujet, étant<br />
Sxxi ^^^^ ^' ^^^^^^^ 5 P^^ ^^ ^^^^ après. Son Succeffeur, qui<br />
NicoiasiiL fut NiCOLAS IIÏ. dc flUuftre Maîfou des URSINS, ne lui en proluifuccède.<br />
^yj.^ p^g davantage.* •'<br />
Articie/r. PrcsqUc cn même tems les Habîtans dc h, Pakfiine furent délivrés<br />
d'un Ennemi d'autant plus redoutable, 6c plus à craindre,<br />
qu'fl avok été plus acharné à leur deftrudion, qu'aucun de<br />
fes Prédéceffeurs. Le 5aw^tf« ME'LEC-EL-VAHER , qui, felon<br />
quelques-uns, étoit aflé fecourir k^Château dElvir, nommé<br />
aujourd'hui Elbiry fitué fur le bord de VEufrate y que les Tartares<br />
avoient affiégé, en fut attaqué à la fortie de ce fleuve,<br />
avec tant de force, que fe Cavalerie n'en put foutenk le choc<br />
Efle prit îa fuite avec tant de précipi&tion. Se de désordre, que<br />
n'aïaht pu regagner k gué, kplus grande partie s'y npïa. Le<br />
Soudan m.ême ne dut fon falut, qu'à la bonté, 6c à la vigueur<br />
de fon cheval, qui traverfa cette grande rivière à la nage, 5c<br />
k porta fur Pautre rive ; mais l'altération, 6c la frayeur que lui<br />
caufa<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
; HE JE'RUSALEM. Lrv.XIII. CH. f L 6Sp<br />
caufe le grand danger, qu'il avoit couru, joint à la douleur de ^f^î[J^.<br />
fentière défaite de fon Armée, lui cauferent une diffenterie, Vuhcr.<br />
dont fl mourut peu de jours après.<br />
Lc Continuateur de la Guerre-SaintCy Se quelques autres Auteurs<br />
prétendent, que ce fût dans une expédition dArménie y que<br />
PArmée de ME'LEC-EL-VAHER fut défaite, pendant qu'efle s'amufoît<br />
à ravager, fans fonger àfe garder des embûches, qu'on^^^j.^^<br />
pouvoit lui tendre ; 6e que ce fut dans cette occafîon, que ce partages<br />
Soudan reçut un coup de flèche dans un œfl, dont fl mourut àC^tf^f<br />
Damas y ou fès gens le tranfportèrent. AYTON dArménie affure, •^^/t^JJJJ"<br />
que ME'LEC-EL-VAHER fut empôifonné. dan*.<br />
L'opinion des Auteurs cft fi différente fur les Règnes, Se fur<br />
les Noms des Soudans y qu'il cft fouvent bien diflScik de démêler<br />
celui qui a parlé le plus jufte de leurs adions. Le fentiment<br />
d'AiTON paroît pourtant le plus for, puisqu'fl était contemporain<br />
, originaire de cc pays-là, 5c par confequent mieux informé,<br />
qu'aucun autre, de ce qui s'y paffoit Auffi le dode, 5c<br />
favant Chevalier DE L A V I N A U D I E R E^ Secrétaire de CLAU<br />
DE DE LA SANGLE, Grand-Maître de Malte y fa entièrement<br />
fuivi dans le Livre , qu il nous a kiffé , 5e qui a pour titre<br />
Aureum Turcicum Imper i ique Ottomanici défieriptio, dans lequel<br />
il raporte exadement la fucceffion, 5e la mort des Soudans<br />
dEgypte. Les Mammelucs prirent pour Chef ALMAC , Fils de<br />
ME'LEC-EL-VAHER. Il prit le Nom de ME LEC-EL-SAID , qui fî- ^^^^<br />
gnifie Roi- Déliré. Il n'aurait pas été moins a^ide de la<br />
ruine des Cfjrétiens , que l'avoit été fon Père, fans les embarras,<br />
qu'fl eut à démêler dans fes Etats, 6c avec fes propres<br />
Sujets.<br />
Ss ss CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
«po HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />
C H A P I T R E III.<br />
LÎS/HU- T ^ ^^^ HUGUES avoit cependant eu beaucoup de canfolation<br />
gues;»flttr' JLA de fes Enfans, à qui tout alloit félon fes défirs. Il avok<br />
fesEnfam. fait unc doubk alUancc enArméniCyen mariant la Princeffe MA-<br />
RiEl^TE , fa Fille aînée, avec le Roi LIVON , ou TIVON, 5C<br />
ALME'RIC, fon troifième Fils, avec ISABELLE dArménity Sœur<br />
de ce Prince ; MARIE, au Roi d'Arragon ; ALIX, à BALIAN<br />
D'IBELIN, Prince de Galilée; Sc CHELVIS, à THOROS, autre<br />
Prince Arménien. Il avoit auffi pourvu CAMERIN, fon quatrième<br />
Fils, de la Charge de Connétable de ChyprCy 5c donné celle de<br />
Connétable de Jérufalem à Gui, fon cinquième^ Il fit auffi<br />
faire profeffion à BOÉMOND , fon fixième Ffls, qui étoit entré<br />
dans l'Ordre de St. Dominique. Comme le Prince JEAN, fon<br />
aîné, ne jouïffoit pas d'une bonne fanté ,fl ne jugea point encore<br />
à-propos de le marier, Se deftina HENRI , fon fécond Fils, à •<br />
'. lui fuccéder à la Couronne.<br />
Ne pouvanf aprendre, fans inquiétude, les grandes vexations<br />
que le Comte de ST. SEVERIN exerçoit fur les Peuples<br />
de Paleftine, 5e la Ucence, avec laqueUe il y laiffoit vivre fes<br />
Soldats, il fe rendit enfin aux remontrances de NICOLAS DE<br />
LORGUE, Maître des Hofpitaliers. Celui-ci, rempU de zèle,<br />
6c d'affedion, pour le bien commun des ChrétienSy de peur<br />
qu'fls ne fe détruifîffent eux mêmes par leurs difcordes, avok,<br />
par fes foins,5e par fa prudence,non feulement étabU une bonne<br />
intelligence entre fon Ordre, 5e celui de Templiers y mais<br />
encore accommodé le différend, qui régnôit entre le Comte de<br />
Tripoliy Se ces ChevaUers, 5cmis fin à la guerre, qu'ils fe faifoient<br />
depuis deux ans. Il avoit, de plus, fait de fi fréquentes<br />
inftances au Roi HI;GUES, qu'il détermina enfin ce Prince à<br />
repaf-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Liv. XIII. CH. III. 691<br />
repaffer en Pakftine, pour faire ceffer les désordres, qu'y caufoient<br />
ks gens du Roi de flftipks.<br />
Il s'embarqua avec fes meifleures Troupes, malgré ks ré- LIM Hamontrances<br />
de la Nobleffe Chypriote y qui n'oubUa rien pour lui yf,'„^'ff '<br />
infpirer d'abandonner un Etat, qui lui coûtoit plus de dépen- Ftoiomaife<br />
, 6c d'kicommodké, qu'fl n'en recevoit d'honneur, 5e de<br />
profit, 6c qui pourroit, dansia fuite, caufer la perte entière de<br />
cdui de Chypre. Ce Prince aborda à Tyr y où les Habitans,<br />
qui n'étoient pas moms mécontens du Comte de ST. SEVERIN,<br />
que ccux dt Ptobmaïde y le reçurent avecbeaucoup de joie, de<br />
refped, 6c de foumiffion. Il eft vrai, que, comme fl ne s'étoit<br />
pas oppofé affez-tôt aux entreprifes de ce Comte, ce dernier<br />
avoit eu le tems de fortifier fon parti, Sc même de s'em-'<br />
parer du Château de Ptolomaïde. Il ne jugea point à-propos<br />
ie l'en chaffer à force ouverte, afin de ne point augmenter la<br />
défolation des Peuples, qui n'étoient déjà que trop accablés de<br />
mifère.<br />
Il demeura donc tranquflement dans la ViUe, 5c fe contenta 1279.<br />
d'empêcher fes Ennemis d'ufurper^ une plus grande autorité ; u Vmor- '<br />
perfuadé que, fi ce Comte ne recevoit pas bientôt quelque puif- Jf^,;.^,[^'<br />
fant fecours d Italie y ceux qui avoient embraffé fon parti, 6c Chypre.<br />
qui étoient obligés de pourvoir à la fubfiftânce de fes Troupes,<br />
f abandonneroient. HUGUES demeura quatre mois à Ptolomaïde;<br />
Se y après y avoir rétabli l'ordre dans les affaires, autant<br />
qu'il lui fut poUTible, fl repaffa en Chypre y pour augmenter fes<br />
Troupes, Se punir ks Templiers de leur partiaUté en faveur de<br />
fon rival. Il fit eonfifquer tous les biens, qu'fls y poffédoient,<br />
6c en employa le produit à la levée de gens de guerre.<br />
Dans ce même tems, les ChevaUers de VH-jpital y o^i.^Sl'i'.<br />
étoient à la garde de leur Château de Margat y informés, qu'un ^""^^"^'^<br />
,, '/. • 1 -x A J-. t • Jut(és dis<br />
Emir Sarrafin couroit les campagnes, avec de la Cavalerie,*ii..ipitii<br />
llClii.<br />
Se ravageoit tous les lieux ouverts, fortirent decette Fortereffe<br />
, Se le furprirent fi à-propos, qu'ils k défirent totale-<br />
Ss ss 2 ment.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lrv. XIII. CH. m. 692<br />
pagnes dEmeffe y bien réfolu de donner bataflle à fes Ennemis,<br />
avant qu'ils s'emparaffcnt d'aucune Fortereffe, ni qu'fls ravageaffent<br />
les Terres de fes Sujets.<br />
Ce fut dans cette plaine fpacieufe, que les deux Armées fe<br />
rencontrèrent. Elles en vinrent d'abord aux mains. La bataflle<br />
fut fort fanglante. Lc Roi dArménie, qui commandoit f aile<br />
droite , commença Padion , 5c fut très-bien fecondé par un<br />
Capitaine Tartare, nommé ALMAK , qui conduifoit fafle gauche.<br />
Ils mirent d'abord toute l'Armée Sarrafine en désordre,<br />
^ Pobligèrcnt à prendre une fuite précipitée. Le Soudan demeura<br />
avec quatre feuls hommes à fes côtés , avec lesquels il eut<br />
le bonheur de fe retirer fur une émmence, qui f écartoit du danger<br />
, 5c où même il fe conferva, par le peu d'expérience, ou<br />
par la lâcheté de MANGODAKIOR. Celui-ci, qui commandoit<br />
le corps de bataille, au lieu de profiter du grand avantage des<br />
fiens ; fait qif il ne fe fût jamais trouvé dans aucun combat,<br />
ou que natureflement il n'eût point affez, de courage pour donner,<br />
fl trouva fi étonné des premiers coups, que ks deux ailes<br />
déchargèrent, qu'fl fe retira, fans rien entreprendre. Il n'attendit<br />
pas même le retour du Roi dArménie, 5e d'ALMAK,<br />
qui avoierrt pourfuivi les fuïards, le premier jusqu'aux portes<br />
dEmeffe y Se ALMAK jufqu'à celles de Tara y dans l'efpérance<br />
que ce jeune Général acheveroit la Vidoire, qu'ils avoient fi<br />
bien commencée.<br />
Ces deux braves Généraux, après avoir fait une grande boucherie<br />
des Sarrafins, revinrent fur le champ de bataifle. Ils furent<br />
très-furpris, 5e très-mortifiés de n'y plus trouver, que les cadavres<br />
de ceux qu'fls avaient défaits ; 5c que MANGODANIOR,<br />
qu'ils croïoient d'y rencontrer triomphant, eût laiffer échapper<br />
une fî belle
6pi. H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
campé fur le bord de ce fleuve; réfolu de retourner en Perfe,<br />
comme fl l'exécuta peu de jours après; de forte que fon vojage<br />
en Syrie fut plus funefte, qu'avantageux au Roi dArménk;<br />
car, bien foin d'être ymgé des Sarrafins, û perdit la plus grande<br />
partie de fon Armée, en s'en retournant.<br />
Comme tout le pays avoit été ravagé par les Barbares, 5c<br />
que les Arméniens n'*y trouvoient plus de quoi fubfîfter, ils furent<br />
obligés de marcher par pelotons, 6c d'aller plus loin chercher<br />
des vivres ; mais fls furent presque tous maffacres par les<br />
Infidèles y qui les pourfuivirent. C'eft ainfi que le raporte AY-<br />
1 ON dArménie, qui fe trouva dans cette maUieureufe expédition.<br />
Néanmoins PAUL EMILE , JEAN VILLANI , TRACAGNOTA,<br />
6c le Continuateur de la Guerre-Sainte y ont fuivi un fendment<br />
bien contraire ; car fls prétendent, que ce ne fut, ni par crainte,<br />
ni par lâcheté, que MANGODANIOR abandonna la bataille,<br />
mais pour favorifer le Soudan, qui Pavoit gagné à force d'argent<br />
, 6c qui lui donna le fîgnal de fa retraite, en defcendant<br />
de cheval pendant le fort du combat, ainfî qu'fls en étoient<br />
convenus; ce qui donna le tems à ME'LEC-EL-SAID de rallier fes<br />
Troupes , qui avoient lâché le pié , de reprendre le terrain,<br />
qu'elles avoient abandonné, Se de contraindre le Roi dArménie<br />
à fe retirer, fans pourtant perdre beaucoup de monde, quoiqu'il<br />
eût tout le gros de l'Armée Sarrafine fur les bras.<br />
Ces mêmes Auteurs affurent, qu'AsAGAS fut fî irrité de la<br />
lâcheté de MANGODANIOR , qu'il lui fit couper-la tête, aufll-bien<br />
qu'à tous fes OflSciers, dès qu'fls furent de retour en Perje;<br />
Se qu'fl ordonna, que les Soldats, qui avoient été de cette expédition,<br />
allaffent, k refte de leur vie, en habit de femmes,<br />
afin qu'fls ferviffent d'exemple à fes autres Troupes. Ils dflfèrent<br />
encore, en ceci, beaucoup d''Arr o^i dArménie y qui af-<br />
Mortd'A- fure y que ce fut le Soudany qui, pour fe délivrer des fréquen-<br />
^^^^* tes attaques des Tartares y Se {ur tout de l'apprdienfion, que<br />
ki<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. XIII. CH. IIL (Jpj<br />
lui donnoient les grands préparatifs que faffoit adueUement A-<br />
BAGAS, pour revenir en Syrie réparer k tort, que fon Frère<br />
avoit fait à fa réputation, eut l'adreffe de corrompre fes principaux<br />
donaeftiques, lefquels furent affez perfides pour empoifonner<br />
ABAGAS , 6c MANGODANIOR , qui moururent prefque<br />
en même tems.<br />
C H A P I T R E IV.<br />
1283.<br />
LA mort de ce Prînce, qui chériffoit fi fort les Chrétiens y-^^^^^^^ t.<br />
Se qui arrêtait fouvent ks entreprifes des SarrafinSy obUgea<br />
le Roi HUGUES à conduire promtement toutes fes Forces<br />
en Paleftine, ne dautant pas, que MELEC-EL-SAID, enflé du fuccès<br />
d'en avoir chaffe lesTartaresy 6eprefque détruit les Arméniens<br />
, n'entreprît d'envahir ce qui reftoit encore aux Fidèles. Il<br />
le craignoit avec d'autant plus de raifon, qu'fl n'y avoit rien à<br />
compter fur les Forces des partifans du Roi CHARLES, qui fe<br />
trouvoit dans de très-grands embarras en Sicile. JEAN DE PRO-<br />
CIDA , par fes intrigues, avoit porté les Peuples à fe foukver<br />
contre les François y Se à faire, le jour de Pâques y à l'heure de<br />
Vêpres, cette terrible, 5e cruelle exécution, qu'on a depuis . • „..<br />
appellée, par fingularité, les Fêpres Siciliennes, uemL^'^'<br />
Auffi, le Roi CHARLES, bien loin de fonger, à envoïer aucun<br />
fecours à Ptolomaîdey en avoit même rappelle le Comte de<br />
S T. S EV E RIN, pour s'en fervîr dans la guerre, qu'il préparoit<br />
contre ces Infulaires, afin de vanger f affreux maffacre,<br />
qu'ils avoient fait des François , 6c les punir de leur rébellion.<br />
HUGUES DE PE'LE'QTJIN fuccéda au Comte ROGER, 5c<br />
prit, comme lui, le Titre de Gouverneur du Roïaume Jérufalem,<br />
Il fut égakment foutenu des T
69S H ÏS'^T OIRE G E' N E' RAL E<br />
les LuziGNANS, qui leur faifoient ombrage. La partialké de<br />
ces Chevaliers, qui étoient. puiffans, fit rencontrer au Roi HU<br />
GUES beaucoup plus de difficultés, qu'fl ne s'étoit attendu d'en<br />
trouver, après féloignement. de ST. SEYERIN , qui avok<br />
kiffé peu d'argent pour foutenk k guerre. Lc Roi fit débarquer<br />
fa Cavakrk à Baruth , où il avoit abordé, 5c ordonna,<br />
qu'elle marchât vers Ptolomaïde,<br />
Débarque- A- pcinc fut-cllc parvcuuc en un Ueu, nommé k pas pé-<br />
RTH!J''milieux y qu'efle fut entièrement défake par ks Infidèles y qui<br />
gues^Ba-y étoicnt CU cmbufcade. Il fut d'autant plus fenfible à ce<br />
si Cavale^ mdlheur y que le bruit fe répandk, que ç'avoit été •l'ouvrage<br />
!i!m7i?' ^es Templiers , qui avoient averti les Sarrafins de leur défaitepnr^<br />
barqucmcut, 5c de leur marche. ^<br />
iS. " '*^ Après cette nouvelle offenfé, qui ne marquok que trop k<br />
Article//. ^Qjjç^j^y^jJQj^ de leur mauvaife volonté envers ce Prince, au<br />
lieu d'aller débarquer à Ptolomaïde, comme il Pavait projeté,<br />
flalladroit à Tyr, pour être mieux informé des aft aires, 5e prendre<br />
des mefures convenables à fes intérêts.<br />
Cependant l'inquiétude féçrette, qui lui étoit reftée de deux<br />
accidens, arrivés à fon débarquement, 5e que rien ne pouvoit<br />
tudes"r^^' ^^^^^ ^^ efprit, Pagitoit fans ceffe Le pavfllon du VaifTeau,<br />
troublent, qu'fl montoit, tomba dans la mer, fanS qu'fl fût poffible aux<br />
Matelots de le reprendre , malgré toute la diligence , qu'ils<br />
firent, 5e le nombre d'entre eux, qui fe plongèrent pour cet effet.<br />
Le fecond préfage, qui Pinquiéta, fut la chute de la Croix,<br />
qui tomba, des mains de celui qui la partoit au-devant du Clergé<br />
, lorfqu'il alla le recevoir. Ces accidens le frapèrent fi forÇ,<br />
qu'ils ne lui permirent pas de faire un long féjour à Tyr, ni<br />
aucune tentative pour chaffer de Ptolomaïde les genS du Roi<br />
CHARLES.<br />
Aûifi, voulant s'éloigner d'un lieu, où il avait rencontré<br />
des préfages, qu'il cro :oit funeftes, fl recommanda fes mtérêts<br />
au ChevaUer NICOLAS DE LORGUE, Mûtre dé VHopitaly dont<br />
'k<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JEltÛÎSXLÈii. Liy.Xm. CH.IV. "' 6^f<br />
le tèle lui étoit connu. ïl donna, félon LOREDAN, le Gouveiîieraent<br />
de Tyrk EAIFROI DE MONTFORT, 6C repaffa promtement<br />
enChypre. Soit que la mékncoUe, qui favok faifî, lui<br />
eût gâté le feng, ou qu'fl s'éclïaufàt trop à Pétîkle, 6c à la<br />
chaffe, qu'fl aimoit extraordinairement, fl y fût attaqué d'une<br />
pléùrefie, dont il mourut le 7. Mars, après avoir réghé dix- ^â^*<br />
fept ans, 6c embelli le Roïaume de divers beaux édifices,dans iioge,<br />
lesquds fa pieté n'éclata pas moins, que fon amour pour les<br />
fciences. '^*' . . , •<br />
Il avoit fait bâtir des Eglifes €ans les Vifles principales. H<br />
y avoit étabU des écoles publiques-pour Pinftxudion de k jêuneffe<br />
j 6c fait venir de très-fevans hommes des pays étangers,<br />
pour f «rffeigiier. Il fonda auffi cette befle 6c fomtueufe Abbaye,'<br />
nommée de lâptéïSy dans une des plus agrêabks. Se<br />
délicieufes fituations de Plie, 6e la
6fB>, H LS T OjLR B G E' N Î^R A hr^<br />
Article///. • Ueft étpnnant que ksEçïîvains modernes, 6c ? fortout Bio-?.<br />
sio, qui d'aiUeurs eft fort jexad, ait cherché, dans fon Hiftoire<br />
de Malte, à ternir k mémoke des Rpis LUZIGNANS , prin*<br />
WB JERUSALEM, tir. XIII. C». IV;' i%<br />
le chagkier, 6c pour fake ailgngienter les ùifkmités, dont il<br />
étoit atteint dès fon enfance^ j.BoRMONb même, qui avoit fait<br />
profeffion dans l'Ordre de St.Hknmiquey quita k jg-oc, 6c non<br />
moins ambitieux que les.autres, prit k titre de Prince de Galilée,<br />
jj; :^<br />
Cependant ce nouveau Sôuveram, fans s'arrêter à leurs mau- Anideiy,<br />
vaifes manières, ni chercher à les en punir, que par fon indif- rmié^^iHài<br />
férence, paffa en Pal^ney Se fut couronné à Tyr Roi de Je- fe,J^J"^*"<br />
rufalem y avec d'autant moins d'oppofîtion, que k Roi de Na- la vme ie<br />
pks étoit mort ài^(5g;g:âaj quelque tems auparavant, 6c que CHAR- ^^^'<br />
LES, fon Fils, furnoramék B«teux, qui lui avoit fiiçcédé, •5^
700 H ï S T O I Kt 'G E' H E' R A L E<br />
breufe Armée, avec kqùelk il* vkit'à DtfW^^j. Il la groffit<br />
encore des Troupes de ce pays, 6c de quantité d Arabes,<br />
Il fe trouva enfin, fous fes ehfè%nfes , foixante mifle Chevaux,<br />
6c pareil nombre d'Infanterie, quantité de machines,<br />
6c abondance de provifions. Il affiégea le Château de Mar^gatysVl^ce<br />
très-forte, Sc qui appartenoit mx Hofpta^erSy<br />
Se la battit par terre, pendant que fa Flotte, qui étoit entrée<br />
par le fleuve Ekuftère , ou Falande, fur le bord du<br />
quel elle eft fituée, la battok de fon*côté; mais , malgré<br />
fes fréquentes attaques qu'il lui doipa, efle, étoit fî bien<br />
défendue, 6e fès murailles fi diflRciles à entamer, qu'fl n'en<br />
ferok jamais venu à hout, fans l'invention, dont cet habile<br />
Soudan s'avifa. • -<br />
Comme fl voïoit, que fes continuefles batteries, ni fes<br />
fréquens affauts n'avançôknt "point, fl fit travailler à un<br />
fouterrain , qui fut conduit avec tant de diligence , qu'en<br />
peu de jours les ouvriers parvinrent aux piés du mur, qu'fls<br />
pillotèrent avec tant de promtitude, fans que* les Affiégés<br />
s'en apperçuffent, qu'fl n'aurait tenu qu'à lui de les enfévé<br />
Ur fous leurs-ruines; Sc rien ne l'en empêcha, que Papprehenfion<br />
qu'fl avoit encore de kur valeur , 6c de leur cou-<br />
•rage. Cette confidération
T)E ^JERUSALEM. Liv. XIII CH. V. 701<br />
jèurs à la guerre, 6cque ces beUes quaUtés veulent être accompagnées<br />
de beaucoup de vigflance, 6c de cirooii(|)ediori, pour<br />
éviter les rufes, 6e les embûches de l'ennemi. ., .<br />
L'acquifîtion d'une Place, qui rendok ME LEC-EL-SAID, maître ^"j'gj''*<br />
d'une étendue -de pays affez confîdérable, 6c fur tout • des ave- siège de<br />
nues de Tripliy du côté de VOrient y le fit bientôt penfer à pfrmiçzs'emparer<br />
de cette Ville ; de forte que, pour ne point perdre ^^Said.<br />
de tems, pendant qu'fl faifoit travaifler aux réparations de J^^rgaty<br />
il envoïa un de fes principaux Amiraux, appelle LÊFTE-<br />
RATiN, avec k meilleure partie de fon Armée, pour en commencer'<br />
le fiége, 5c s'y rendit enfuite lui-même, avec le refte<br />
de fes Troupes ; Mai^, heureufement pour les Chrétiens y à<br />
peine eut-il dreffé fon camp autour de cette Place, qu'il re^ut<br />
un Courier dEgyptCy qui lui aprit la mort de fon Fils unique,<br />
auquel il avoit kiffé le gouvet'nement de ce Roïaume, 6e en<br />
même tems la révolte d'un de fes Amiraux, nommé HELPI,<br />
ou, félon AYTON d'^rw^/2/^, ERSI, qui y agflfok d^à,en Souverain,<br />
par la quantité de monde, qu'il avoit attiré dans fon<br />
parti. Cette révolution lui paroifknt plus importante que la<br />
conqiïête de Tripli, ni même du refte de la Pakftimy fl en -^«'«*rf«
^03 H I s T O I R E-G E'N E'R'A^L E<br />
celui que les Trêves, 6c les autres divifions, entre les Ir^Oi^<br />
Iqs^y leur avoient autrefois procuré; fok qu'ils,njeo euffent pas<br />
k force, ou que leur propre méshitefligence les empêdiât d'en<br />
profiter ; Car ce nowje^iuSqudan ne /e fut^ pas plutôt déUvré de<br />
Siège de fon rival, que, pour flluftrer le commencement de fpn règne,<br />
>r'Melec. par quejq^ie adion écktante, -il alla affiéger la Vfllç de Tripliy<br />
^^nfor. jjpjj^ M E'L E c - E L - S \i D avoit abandonné Pentreprffe, pour<br />
aller s'oppofer à fon ùfurpation. ; , . ,<br />
. . Çe fut pendant que les Marnmeîucs fe diiputôien|t.,k domination<br />
de VEgyptey Sede hi Syrie y que le boj^.Roi de Chypre,<br />
JEAN , préipier du Nom, mourut à Nicofie, âgé de 3 3. ans, non<br />
moins accablé des chagrins, que lui donnoient continuellement<br />
S1^ fes Frère?, qui furent même foupçonnés de l'avoir empoifonoéii<br />
mier. Roi dé quc dc fes inJPirmités. Il régna deux ans, 6c ne fut jamais ma-<br />
§'rf?jértt- rié. Son corps fut inhumé dans f Eglife de St. Dominique y avec<br />
laieiii. ui^e pompe funèbre fort médiocre. Les Princes, fes Frères,<br />
n'étoient occupés que de leur paifion, 6c de leurs propres intérêts<br />
, 6c les Peuples adulateurs , qui foivent ordinîiirement<br />
PincUnation de ceux qui doivent les gouverner, fens rendre juftice<br />
au mérite de ceux qu'ils perdent, 6c qui n'ont, point été<br />
heureux, ne témoignèrent aucun regret de fa mort ; De forte<br />
que peu de gens plaignirent la deftinée de ce Prince infortuné.<br />
^^<br />
Henri f(^ HENRI , fon Frère, qui lui fuccéda à la Couronne, 5c qui,'<br />
Smeeffeur. pcnd^^fon règne, avoit vécu en bonne intelligence avec fès<br />
' autres Frères, eut, à fon tour, le chagrin de voir ceffer cette<br />
union, fi-tôt qu'fl y fut parvenu, fi n'eut pas Ueu d'être<br />
. plus fatisfàit de leur conduite, que l'avoit été fon Prédéceffeur;<br />
•'' piûsque, pendant que dura fon règne, ils ne cefl!èrent jamais<br />
de le traverfer toutes ks fois, qu'ils purent en trouver Voce<br />
cafion. à<br />
Si/r""' ^^ ^^^^^® -r^^ ^'abord k .couftnne de Chypre dans PEgUfe<br />
de Ste, Sophie, des makis de l'Archevêque, de .cette Capitale,:<br />
avec<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D E JE'RU S AL E M, ^ Liv. XIII. CH; V; j^oj<br />
jvec des acclamations d'autant pks grandes de fes Sujets, qu'il<br />
y avoit piès d'un an , qu'ik étoient privés de k vue de kur<br />
Souverain, dont les infirmités ne hii avaient pas permis de palokre<br />
en pubUc. U reçut le ferment de fidéUté de tous les Ordres<br />
du Roïaume, 6ç atojbarqua peu de tems après,, pour aUer<br />
prendre poffeffion des reftes du Roïaume de Jérufalent,. Le<br />
Ckt^é^k Nbbkffe,6c ks Peupks le reçurent à Ptolomaïde 2Nec<br />
tant de moques de joie, que P E'L E'G u IN, quiy réfidoit pour k<br />
Roi dé Naples, connoiffant par ces appkudflfcmens, Se par cette<br />
fetisfadion générale, qu'fl auroit de la peine à foutenk les préteur<br />
fions du Roi, fon Makre, fe retira dans k Château, 6c attir<br />
ra dans fon parti quelques compagnies de Sold-sits François y cpp<br />
PHILIPPE-LE-BEL entretenoit à Ptûlomatde ; Mais ks OfiSciers, qui<br />
voifloient éviter toutes ks occafîons de fcandale, refuferent d'y<br />
entrer; Scy comme le Roi HENRI, qui Pavoit fait affiéger, le<br />
preffoit vivement, les Soldats, qui s'y trouvoient fans Chefs',<br />
abandonnèrent P E'L E'G u IN, qui fut obligé de rendre ce Fort an<br />
Roi HENRI, lequel n'eut pas plutôt terminé cette affaire, qu'it<br />
paffa à Tyr y où il reçut la couronne de Jérufalem, Se rendit<br />
aux Templiers les biens, que le feu Roi, fon Père, leur avoit<br />
cohfifqués ; de forte que les Ordres MiUtaires, 6c les Barons<br />
entrèrent tous dans fon parti, 6c, abandonnèrent entièrement<br />
celui du Roi de Napks,.<br />
C H A P I T R E VL<br />
SA prefence n^étant pas fort néceflàire à 7)r, il confirma à Artide /i.<br />
EMFROI DE MONTFORT k Gouvernement de cette ViUe,'<br />
Se retourna à Ptolomaïde, Comme k peu de Forces, qui restoient<br />
aux Chrétiens y étoîent kiçapables de fàke tête aux&zrrafins^y^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
?ô4. HIS T O IRE G E' N E' R A L E<br />
rafins, fl envoïa le Baron GREGLI en Ambaffade en Europe i<br />
Ambfijfa- tant pour informer k Pape; Sc les autres Princes, de fon avèr<br />
Hcnrî en Hcmcnt à k couronue, que pour leur faire part du trifte état,<br />
Europe, dâns Icqufel fl avoit trouvéks affaires de'k Terr^e-Saipte, Seles<br />
prkr de lui envoïer quelque promt 6c puiffïuit fecours, afin de<br />
l'aider à conferver aux Chrétiens h peu qui en reftoit. nU<br />
mfieT^- ' ^^ Prince donna k gouvernement de Ptolomaïde, Se dumi-<br />
A^ ^WE ^^^*^^ ^^^ ^^ Roïaume à PHILIPPE D'I B E L I N. -^ Il cortàts,<br />
rigea ' lui-même divers abus, qui s'étoient introduits ' dans<br />
cette Ville > pendant les désordres paffés. Il fit plufieurs<br />
beaux règlemens pour la tranquflité publique ; 6c il exhorta les<br />
Peupks à obéïr à ku^s Chefs, ks Barons du pays , les Ordres<br />
Mflitaires, les Magiftrats étrangers, 6egénéralement tout<br />
le monde, à une'parfaite union, afin d'éviter les malheurs,<br />
qui fuivent ordinairement la difcorde, 6c la mésintelligence,<br />
principakment dans une Place, comme Ptolomaîdey continuellement<br />
expofée à l'invafîon des Infidèles. Après quoi fl repaffa<br />
en Chypre y afin d'y envoïcr le plus de Troupes, 5c de provifions,<br />
qu'U lui feroit poffibk, pour réfîfter à kurs attentats.<br />
1^88. Ces précautions, 6e ces préparatifs vinrent fort à propos.<br />
ME'LEC-MENSOR, auffi porté que fes Prédéceffeurs; à chaffer entièrement<br />
les Chrétiens de-h Syrie y n'avok pas plutôt été affermi<br />
dans la fouveraineté de f£^i^/^, ^qti'fl étok allé, comme<br />
nous venons de le dire, afliléger laVilk deTnpo/i, dans Pefpérance<br />
de Pempprter; d'autant plus qu'fl avoit apris queles trois<br />
. ^. plus fortes Républiques de VEurope y dont les Flattes avaient<br />
affégé]^ toujours fervî au paffage des Troupes, que les Princes Cbré-<br />
MéTec"'" ^^^^^ envoïoiént eri ce pays-là, étèient acharn^s'à fe-faire k<br />
Mçnfor. gucrrc cutrc elles. Cependant,. comme fl n'ignoroit point,<br />
que les Habitans de Tripli étoient bien pourvus d'armes. Se<br />
de munkions, 6c qu'il éprOuvoit-•aduellement la force de leurs<br />
muraiUes, fl ks fatigua tellement, par des affauts continuels,<br />
fit jouer fes machines" avec tant, de fureur, qu'fl fit<br />
diver-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE JE'RUSALEM. Lïv. XIII. CH. VI. 705-<br />
diverfes brèches, 6c les obUgea enfin à luî demander un mois<br />
de Trêve, à condition d'en fortir, avec ce qu'fls pourroient<br />
emporter fur kurs épaules , s'fl ne leur arrivoit aucun fecours,<br />
avant ce tems-là.<br />
Lc Roi de Chypre, Sc de Jérufakmy à qui les Habitans de<br />
Tripli y envoïèrent demander du fecours, fe trouvoit fi embarraffé<br />
lui-même à pourvoir Ptolomaïde, Se les autres Vflles, qui<br />
lui reftoient encore dans la Paleftine y qu'fl ne put, en aucune<br />
manière, les fecourir ; Mais, par un bonheur inefpéré , ils ' •<br />
furent fecourus, lors qu'ils s'y attendoient le moins.<br />
B E'N o IT ZACARIE, Génois de Nation, fe trouvait avec ^ns><br />
une Efcadre de cinq Galères, 6c un Navire, à Conftantinopk y coum.<br />
où fl avoit conduit la Princeffe YOLANDE, Fflle dc GUILLAUME,<br />
Marquis dc Montferrat y qui fut mariée à fEmpereur ANDRO<br />
NIC Ce Capitaine Génois y aprit, que les Sarrafins preffoient<br />
vivement k Vifle de Tripli. Avide d'acquérir de la gloire, en<br />
fervant la République Chrétienne , il fit promtement voile vers<br />
cette Place, 6c entra heureufement dans le port, avant que la<br />
Trêve fut expirée. Les Habitans, encouragés par k prefence de<br />
ce généreux Commandant, réfolurent
7C«^ H I S T O IR E G E'N E'R A LE<br />
ufage au fiége deMirr^tf^; En effet, il'ne luifutni moms fà^<br />
vorable, ni moins funefte aux Chrétiens^-<br />
Pendant qu'il ks amufoi^, par k-continuation-de fes batteries,<br />
5e de fes affauts, fl emploïa quantité de monde à creufer<br />
un fouterraiir, qui fut bientôt conduit j ufqu'aun centre dé k Vflle.<br />
Qiielques Auteurs» prétendent pourtant, qu'fl ne fit que<br />
fëire élargir un égoût, qui lui fut indiqué par un Renégat;<br />
Mais, que ce fût par la méchanceté de cet Apoftat, ou par fe.<br />
propre kivention, fl eft certain, qu'après avoir conduit cet ouvrage<br />
à fa perfedion, fl fit donner un affaut général le ^Avrfl,<br />
afin dé bien fatiguer les Alfiégés, 5e les mettre hors d'état<br />
de réfifter aux gens, qu'fl difpofa à entrer, dans la Ville par<br />
ce fouterrain. Ils en-fortirent, au point du jour-i: en fi grand<br />
nombre, qu'fl ne leur fut pas difiGcile de furprendre. les Habi-<br />
Cruautèdu taus, qui, accablés dc kflitudc , 5c dc fommcfl , UC purent<br />
Saudan plus foutenir k c-ombat; Ils firent, en vaiii, tous ks efforts,.<br />
exertee lur ^ . - *<br />
kj Tripo- qu'fl leur fut poffibk.. Tout y fut maffacre, à la referve de<br />
^plèlTapH- ceux qui purent fe feuver*au port, Sc. qui eurent le bonheur de<br />
-^riie^^^ s'embarquer, à demi vétus^-, fur quelques Bâtimens, qui s'y<br />
trouvoient-, 5e fur ks Galères de ZACARIE , où ils furent acueii'<br />
Us avec une générofité digne de fon grandxœur; Il les conduifît<br />
en Chypre^y tmle Roi HENRI ks reçut favorablement, 5c avec:<br />
tant de bonté, qu'il foukgea> en quelque, manière, leur, disrgrâce,<br />
5è leur affiidion;<br />
Article///.. Sept mille d'entre eux périrent par le fer des Infidèles. Les au^<br />
tres furent conduits en eldavage. Le Soudan. ne manqua pas •<br />
d'^acGomj^-fon ferment ;. car, après avoir abandonné la Ville<br />
Ll me au pillage de fes Soldats, qui y firent un butin ineftimable, ea<br />
ejîpuiée, or, en argent, 6e en marchandifes précieufes,al fit abatre tou^<br />
*fS tes ks-Eglifeg, & les plus - beaux Edifices, rafer les muraflles,,<br />
Se enfuite mdtre le feu au refte de cette malheureufe Vflk<br />
Cependant il ne jugea point à propos d'entreprendre k fiége<br />
• du, Cliâteau nommé JVi^^ibro^. Sa fituation avantageufe. Se fes.<br />
fcrtiU-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
T>ï JE'RTJSALEM. LIT. XIII. CH.Vr. rot<br />
Mortifications extraordinaires, lui firent craindre d'y confumer<br />
fon Armée, fans pouvoir en venir à bout. Il fe contenta de k<br />
bloquer , perfoadé qu'en faifant bien garder les avenues , fl<br />
tomberoit enfin cn fon pouvoir, fans qu'fl risquât un feul homme.<br />
Il n'y réùffit que trop ; car, foit que les Affiégés ne fuffent<br />
pas bien pourvus de munitions, ou qu'fls manquaffent de<br />
courage pour fe bien défendre, ou pour fupportér du mokis<br />
ks incommodkés d'un long fiége, fls fe rendirent beaucoup ^. cbâtem<br />
plutôt, que le Soudan même ne l'avoit efpéré; Encore s'cfti-/* ^*^'<br />
mèrent-ils affez heureux d'avoir obtenu, parcapkuktion, d'emporter<br />
leurs effets, 6e de fe retirer où bon leur fembkroit.<br />
On dkmême, que, pour accélérer la prife d'une Fortereffe,<br />
dont ME'LEC-MENSOR faifoit tant de-cas, fl rendit aux Affiégés<br />
tous les prifonniers, qu'il avoit faits à Tripliy Se qu'auffitôt<br />
après k prife de ce fameux Cliâteau, fly mit une forte garnifon<br />
de gens clioifîs, Se le pourvut abondamment du nécef^ Menfor<br />
feire. Après quoi, profitant du bonfieur de fes armes, 6c de prend sik<br />
confiernation des ChrétienSy il afla s'emparer des Vflles de ruf"i, ^*'<br />
Sidon y Sede Baruth y qu'fl fit faccager, brûler, 5c détruire en-^jj-^^'î<br />
tièrement. 11 conduifit enfuite fon Armée triompliante devant vjf lyr,<br />
Tyr y qvlil affiégea, par mer 5c par terre. parmr!§<br />
Les Fidèles voïoient, avec douleur, la perte de toutes ces^^Y"^*^*!/<br />
Pkces; le danger, que couroit la célèbre Ville de Tyr, d'être,<br />
également emportée ; le grand nombre de Chrétiens y qui avoient<br />
péri dans cc fiége ; 5c enfin le peu de fuccès de f Ambaffade<br />
du Baron GRIGLI, qui avoit "trouvé ks Puiffances de f£^«rOpe<br />
entièrement occupées de leurs propres affaires : les Génois<br />
cn guerre contre les Pifans y à caufe de file de Corfe; les Fé"<br />
mtiens à-peine racommodés avec ceux d Ancone y Se qui avoient<br />
été obUgés de porter leurs armes dans Vlftrie contre MEINARD,<br />
Comte de Goritie ; ks Florentins attachés à détruire les Aretins;<br />
ks partifans des Guêpes y Se des Gibelins y 2Lttent£s à défoler<br />
le refte de VItalie; h France déclarée, pour k foutien dc<br />
Vv vv 1 k<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
7oS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
la Maffon d Anjou y contre ceUe dArragon y qui lui avoit enlc^<br />
vé la Sicik; le Pontife embarraffé à racommodcr tous ces grands<br />
diSérends;V Allemagne toute en mouvement pour la guerre, que<br />
PEmpereur faffoit aux Bo^rguigons ; Se VAngleterre fatiguée de<br />
foutenir celle qu'eUe avoit contre VEçoffe. Tous ces troubles<br />
communs de VEurope avoicAtété caufe, que le Miniftre du Roi<br />
de Chypre y Se 4^ Jérufalem y n'avoit pu obtenir, que quelques<br />
Compagnies d'Infanterie, que lui donna le Pape NICOLAS IV.<br />
qui avoit fuccédé à HONORIUS IV.<br />
Article/r. L'Affligeant fuccès de cette Ambaffade confterna tellement<br />
les Habitans de Pakftine y dont les farces étaient abfolument<br />
trop foibles, pour faire tête aux Sarrafins.y que k Roi<br />
HENRI lui même, tout rempU de zèle qu'fl étoit pour fecourir<br />
Tyr y Se s'oppofer à fentreprife du Soudan , n'ofa jamais<br />
fe mettre en campagne, crainte d'expofer fa Perfonne, 5c le<br />
peu? de Troupes,'qu'fl avoit, à une perte manifefté; de<br />
forte qu'après trois mois de fiége , non moins fanglant, que<br />
terrible, tant du côté des Affiégés, que des Infidèles y EMFRCI<br />
DE MONTFORT, Gouverneur de la Place , aïant perdu tout<br />
efpoir de fecours, fe trouva dans la dure néceffité de la rendre,<br />
afin de conferver la vie , Se ks biens des Chrétkns y qui<br />
Phabitoient. ' Ceitx-ci eurent la permiffion de s'embarquer avec<br />
tous leurs effets, fur les Bâtimens, qui fe trouvoient au port, ou de<br />
Jtoiomaï- fe tranfporter par tei're à Ptolomaïde y feule Vflk qui reftoit aux<br />
refie aux Chréticnsy non feulement du Roïaume de Jérufakmy mais de<br />
Chrétiens. ^^^^ j^^ autrcs Etats, qu'ils avoient poffédés en Syrie.<br />
Le Roi HENRI reffentit d'autant plus vivement cette nouvelle<br />
perte , qu'elle aprochoit f Ennemi de fes Etats, 5c qu'fl fe^<br />
trouvoit dans Pimpoffibflité dereihédier à tant de maflieurs, 5c<br />
de conferver long-tems Ptolomaïde, Cette afliidion, jointe aux<br />
déplaffirs, que lui donnoient journellement fes Frères, qui ne<br />
tramoient rien moins, que de le renverfer du Trône, altéra<br />
extrêmement fa fanté. Cependant fe générofité, 6c fa<br />
prudcH-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DB JE'RUSALEM.'-Lir. XIII. C^. VI. ; ^95^<br />
prudence, l'emportèrent encore fur fon indifpofition, 6c furfè?<br />
juftes mécontentemens.<br />
Il affembla promtement toutes les milices du pays, pour pas- ucmipaffe<br />
fer à Ptolomaïde ; d'autant plus qu'il venoit d'apprendre, que k ^H^l'^avec<br />
feuk efperance, qui reftoit aux Habitans de cette Vifle, s'étcit toutosies<br />
évanouie par la mort d ARGON, Fils d'ABAGAS, qui, auffi zé- ^jx"^<br />
lé que favoient été,fes Prédéceffeurs, pour le bien de la Terre-<br />
Sainte y s'étoit révolté contre TANGODANIOR, fon Oncle, que<br />
les Tartares y dont la plupart étoient Mabométans, avoient<br />
reconnu pour leur Roi, après la mort d'ABAGAS, fon Frère,<br />
parce que TANGODANIOR , bien loin de pcrfévérer dans la Religion<br />
Chrétienne, avoit embraffé ouvertement k Mahométifme,<br />
changé k Nom de NICOLAS , qu'il avoit reçu au batêm.e, en<br />
celui dc MAHOMET , Se converti toutes les Eglffes en Mofquées,<br />
où fl faifoit prêcher ks rêveries de VAlcoran,. Il vouloit, de plus,<br />
obliger tous les Peuples à fuivre fon pxemple. C'eft ainfî que le<br />
raporte AYTON dArménie, j<br />
ARGON aïant enfin triomphé dc f Apoftat TANGODAI^OR, ^<br />
par Paffedion , 5c la fidélité d'un des principamc OflEciers de<br />
PArmée, qui avoit toujours été très-attaché au Roi ABAGAS,<br />
fon Père, fit entièrement changer la face des affaires. TANGO<br />
DANIOR avoit donné à cet OfiSder, au Connétable, Se à d'autres<br />
OflRciers, la commiffion de poignarder ARGOU , Sc de lui<br />
en aporter la tête à Tauris, alors Capitale de Perfe. ARGON<br />
, s'étoit retiré dans un Château,. pour éviter k fureur de fon<br />
Ennemi ; mais il fut contraint de fe rendre à ceux qui avoient<br />
Pordre de TANGODANIOR : Cependant f Officier, qui avoit gagné<br />
fes amis, aflaffina k Connétable, qui étoit le chef de la<br />
confpiration, 5c n'exécuta point k commiffion.<br />
Il eut même affez de crédit parmi les principaux Chefs de A''^^" f^l'Armée,<br />
pour les faire confentir à dédarer ARGON leur. Roi; 6c Tanariè.*<br />
tous Pengagèrent à pourfuivre fon Onde, avec tant de diligence,<br />
qu'fl l'atteignit, avant qu'fl pût entrer d^s Tauris. Dès<br />
Vv vv 3 qu'fl<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
7TO H 1 s T O I R F G E' N E' R A L E<br />
^û'fl feut en fon pouvoir, flk fit fcier par le miUçu xlu corps,^<br />
felon Pufage de fa Nation.<br />
ARGON , après cette exécution, envoïa des Ambaffadeurs à Co-<br />
Way leur Grand-Can, pour l'informer de la mort de TANGO<br />
DANIOR, Se du choix que les Peupks de Perfe avoient fait de<br />
fe perfonne pour gouverner ce Roïaume. L'Empereur Tartare<br />
aprit, avec fetisfadion , le renverfement, de TANGODANIOR,,<br />
-dont 11 avoit deffein de punir l'apoftafie. Iî approuva f éledion<br />
d'ARGON, Se lui donna même fur les Tartares plus d'autorité^<br />
que n'en avoit eu aucun-de fes Prédéceffeurs. _<br />
AtVi). orO'î)). .it©»». .*©9>i. .*ôôrtiO«05J2i''. AIÔSJ*. Ar©9J>. A(,«9J;; -A©»». At«ÎW. A99i>t. jS*'*.<br />
CH API TRE VIL<br />
Article 7. A' P^^^s Paffermîffcment d'ARGON fur le Trône de Perfe, I<br />
ArgoTi
D E' J E'R u S A LE M. tiv. XIIL CH. V». ? i f<br />
pour kur confervation, 6c^ travaillèrent à fe fortifier eux-mêmes,<br />
afin de pouvoir réfifter aux efforts de ce conquérant.<br />
Le Roi HENRI, qui s'étoit rendu à Ptolomaîdey avec kplu»<br />
de monde quil avoit pu affembler, tint plufîeurs Confeils, auxquels<br />
fl avoit fak appeller, non feulement ks perfonnes, qui y en-<br />
Croient ordinairement, mais encore les principaux Habitans de<br />
cette Place. Il reconnut bientôt, qu'fl ferait impoffible de k'<br />
défendre longtems ,.fî les Sarrafins V^iffiégeoiient; De forte que,<br />
de l'avis,. 5c du confentement de toute f Affemblée j il traita<br />
VL^ec le Soudany 5c établit avec lui une Trêve pour cinq ansv<br />
H eft furprenant, que, malgré fon incUnation beUiqueufe, les<br />
grands.avantages qu'fl venoit de remporter, 5c la foif qu'fl avoit<br />
du fang Chrétien y fl y confentit ; Mais on affure, que ce fut rrive de<br />
par la crainte, qu'il eut, de s'attkcr fur les bras toutes les Forces JJ,"J/Jj<br />
deV Europe. Cependant
7ii H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
qu'ils n'attaquaffent cette Place, dès qu'ils en auroient k commodité;<br />
Sc que, ni lui, ni les Chrétiens qui Phabitoient, n'étoient<br />
pas en état de la conferVer, à moins qu'ils ne reçuffent<br />
promtement quelque puiffant fecours d'Hommes, 6c d'argent;<br />
ce qu'il remettoit à la confidération dc Sa Sainteté.<br />
CeMmiftre n'eûtpas beaucoup de peine à attendrir le St,<br />
Pèrey fur k recit des malheurs de la Terre-Sainte ; car, PEvêi^ue<br />
de Tripliy qui, après la perte de cette Flace, avoit paffé<br />
b:Rome y Pavoit déjà informé de la défolation de ce pauvre pays,<br />
Se de l'évident danger des Chrétiens y qui s'y trouvoient encore,'<br />
de devenir les vidimes des Barbares, Les remontrances<br />
de cc Prélat avoient teflement affligé, 6cen même tems redoublé<br />
fardeur du St. Père y qu'fl avoit écrit les Lettres du monde<br />
les plus fortes, 5c les plus touchantes, à tous les Princes de<br />
êeeeursfoi- YEuropc , afin de les émouvoir , par un principe de charité<br />
les Chré- Chrétienne y à ne pas abMidoimer le Roïaume, 6c le fépulcrc<br />
Pakiiine'." ^^ Jéfus-Chrifty non plus que les Fidèles y qui favoient maintenu<br />
jufqu'alors, 6c qui fe trouvoient à la veille de fuccomber<br />
fous le fer, ou fous k tirannique joug des Infidèks.<br />
Maîs, comme, quelques preffantes que fuffent ces foflicita^<br />
tions, elles n'avoient pas fait grande impreffion fur l'efprit des<br />
Puiffances Chrétiennes, Se qu'elles ne fe donnoient aucun mouvement<br />
pour une œuvre fi fainte, 5c fi louable, le Pontife avait<br />
fait lever, • à fes propres dépens, quinze cens Hommes d'armes ;<br />
6c il avoit ^envoie le même Evêque de Tripoli à Fénife y pour<br />
traiter, avec le Sénat, des Bâtimens néceffaires à les tranfporter;<br />
de forte que, lorfque le Baron GRIGLI arriva en Italie y fl<br />
trouva ces Troupes prêtes à partir fur vingt Galères, que les<br />
Fénitiens avoient armées, à ce fujet , pour le fervice du<br />
Pape.<br />
Elles piïtïrent d Ancone y fous la conduite du même Evêque<br />
de Tripoli, 5c dc J A Q^U E s TT E p o L i, Noble Fénitien, Homme<br />
de grande expérience dans k marine, que le Pape, 5c le<br />
Sénat,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DB JE'RUSALEM. Liv. XIII. CH.VIL 713<br />
Sénat, avoient choifi pour commander cette Flotte, à laquelle<br />
la Republique ajouta cinq autres Galères à fes propres fraix.<br />
Comme le Pape jugea, que les folUeitations de l'Ambaffadeur<br />
du Roi HENRI ne feroient pas plus d'effet, auprès des Prin- / ^ p^.^<br />
ces Chrétiens y que fes propres exhortations, 6c fes prières, il fait donn^<br />
le fit embarquer for la même Flatte, auffi bien que ROGER DE baffadeurs<br />
SuLLi, qui fe trouvoit auffi à Rome y de la part des Seigneurs ^e 25!^^<br />
de Palfftine, he St, Père eut la générofité de faire donner à ^
714. H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
Auffi, les Hiftoriens, les plus approuvés, conviennent,<br />
• qu'elle le perdit plutôt parla différence d'intérêts, 5c par la<br />
diverfité d'inclinations des Chefs des Nations , qui Phabitoient<br />
, que par la force , ou la valeur des Sarrafins. En<br />
effet, outre leRoi HENRI, qui auroit dû y commander feul,<br />
ils s'y trouvait ks gens du Roi de Naples , les François y les<br />
Anglois y le Légat du Pape, le Patriarche, le Prince dAntioche<br />
y le Comte de Tripoli, les trois Ordres Mflkaires de VHô-<br />
Caufesdeia pital y du Tcmplè, Se les Teutoniques y outre les Agens des Réd^fwiiende<br />
pubUqucs dc Fénife y de Gènes, Se de Pife; les Arméniens, Se<br />
Ptolomai- ^ J^ y ^ . ' -^ '. ç ,<br />
d«. les Tartares y qui tous y avoient leurs quartiers, ÔC leurs jurisdidions<br />
particuUères, leurs tribunaux, leurs Magiftrats, Officiers,<br />
5c exécuteurs de Juftice, avec la même autorité, 5c la<br />
même indépendance les uns des autres, que s'ils'avaient été<br />
autant de Souverains.<br />
Cette grande diverfité de Peupks compofoit autant de différentes<br />
Villes, qu'il y avoit des quartiers, dans Ptolomaîdey<br />
Se faifoit que cette Ville infortunée, remplie de tant de Chefs,<br />
tous également pleins d'émulation , Se de vanité', demeuroit<br />
fans gouvernement, 6c fans juftice.- Auffi, la corruption<br />
des mœurs y étok fi grande , que les crimes les abominables<br />
, 6c les<br />
punis.<br />
plus infâmes, y étoient tolérés, 5c im<br />
^ffr7ux"à ^^^ ^^^ quelque malfaiteur avoit commis, dans un quartier,<br />
ptoioinaï- d». un délit, quelque grand qu'il fût, fl n'avoit qu'à fe retirer fous<br />
une autre jurisdidion, il y vivoit en fureté, fanS qu'on ofât le<br />
rechercher; de forte qu'on n'entendoit parler que de Violences,<br />
d'enlèvemens , d'affafîinats , 6c de toute " forte d'adions, les<br />
plus atroces, les plus infâmes, 6c les plus feandakufes, dont<br />
les /«^^^/f5 même n'auroient pas été capables. *<br />
Il n'eft donc pas étrange, que la plupart des Hiftoriens affurent<br />
, que , de toutes les Nations, qui habitoient la Syrk y<br />
ks<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE J E'R u S A LE M. Liv. XIII. CH. VIL 71
i6 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />
à fes Sujets, 6c le dédommagement des maux, que l'infradion<br />
de k Trêve leur avok caufés. Il exigeok, de plus, que, pour<br />
fa propre fetisfadion, on lui envoïât les principaux auteurs de<br />
ces violences, afin qu'fl en fît juftice lui même, 5e qu'ils ferviffent<br />
d'exemple à ceux qui oferoient, à Pavenk, enfraindre la<br />
foi des Traités.<br />
Cependant, quelque jufte, 6c raifonnable que fût la réparation<br />
, que demandoit le Soudan ; quelque blâmée, que tût à<br />
Ptolomaïde, finfolence de ces vagabonds ; Se enfin, qudque<br />
Le refus_ appréhcnfion qu'on dût y avoir d'irriter ce Prince, dans un<br />
Te°aiui tems, où fa puiffance étoit forlSklable, fans qu'ils puffent fe<br />
f""'''r flatter d'aucun fecours dEurope y k diverfîté d'intà'êts, 5cd'o-<br />
Je une nou- ^ JL ' ^ ^ •*<br />
velle guer- pinious dcs pcrfonncs, qui compofoient le Confefl, les aveugla<br />
teflement, qu'ils renvoïèrent f Ambaffadeur Sarraflny fans autre<br />
fetisfadion, que celle de quelques bonnes paroles, qui ne décidoient<br />
de rien, 6c qui ne fervirent qu'à augmenter la colère<br />
de ME'LEC-MENSOR.<br />
Cet Infidèle, profitant du f^rétexte de leur refus, 5cdonnant<br />
Peffor à l'inclination qu'il avoit de devenir poffeffeur de ce qui<br />
1291. reftoit aux ChrétienSy affembla inceffwramnt fes Troupes, fit<br />
travailler, avec la même diligence, à la çonftrudion de plufieurs<br />
machines de guerre, 5e fortit dEgypte, à la^ tête d'une<br />
Armée de foixante mifle Chevaux, Sc de-cent foixante mille<br />
Hommes d'Infaôterie. Après avoir traverfe le défert, fl s'arrêta<br />
en un lieu délicieux, nommé Salachie ,,pour s'y dékffer de<br />
la fatigue de ce pénible trajet ; mais, au lieu d'y trouver le foulagement,<br />
qu'fl s'étoit propofe, fl y rencontra fa mort.<br />
Mort lie Lc principal de fes Emirs, qu'fl avoit fait fon Lieutenant-<br />
Menfor, Général, s'étant flatté de pouvoir ufurper le trône, à la fapTun'd^<br />
veur des Troupes, dont il était fort aimé, f cmpoifonna; mais<br />
ffsEmixs. fon adion n'eut pas l'effet, qu'il en attendoit. Car, foit que<br />
k poifon, qu'il lui donna , ne fût pas affez violent pour opérer<br />
promtement, ou quek bon tempérament du Soudan'le ût<br />
réfi-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
BE JE'RUSALEM. Liv. XIH. CH. vm. ?!><br />
réfîfter à fe malignité, par le fecours des remèdes qu'on lui<br />
donna, fl n'en mourut que quelques jours après ; 6c fl eut encore<br />
la fetisfadion de découvrir fauteur, 6c ceUc de le voir<br />
mettre en pièces à fes yeux par les Troupes.<br />
Pendant le peu de vie, qui reftoit au Soudan, il recommahda ^^^^^^ ^^'<br />
à fon Fils de fe fervir utilement des grands apparefls, qu'fl avoit<br />
faits, pour fe rendre maître de la Vifle de Ptolomaïde, Se pour<br />
chaffer entièrement les Chrétiens de la Syrie, parce que c'étoit<br />
f unique moïen de pofféder tranquflement fes Etats. Il voulut<br />
même avoir la confolation de le voir partir de Salachie, avant<br />
qu'il expirât. Ce jeune Prince Sarrafin arriva devant Ptolomaîdey<br />
avec toute fon Armée,5e y planta le fiége k ^. Avril.<br />
Les machines ne tardèrent pas à jouer furieufement. La nouvelle<br />
de la mort de fon Père ne ralkntit aucunement fon àijdeur.<br />
Les Troupes k faluèrent d'abord Soudan, félon AYTON dArménie<br />
y fous le Nom dp M E'L E C-T A s SE R A F , ou, fdon d'autres<br />
, M E'L E c-S A R A F, qui fignific Roi-refplendifiant.<br />
Les Alfiégés ne firent aucune oppofition à fes approches. Ils<br />
fe fiattoient , que la mort du Soudan apporteroit du chan^<br />
gement parmi les Infidèles ; Sc qu'ils feroient obligés de lever le<br />
fiége ; mais leur efperance fut vaine. L'exaltation du Ffls fut<br />
faite avec tranquihté, 6c du confentement généraf des Troupes<br />
; de forte que les affaires ne furent aucunement altérées.<br />
Elle augmenta même la réfolution,. 6eTardeur des Mammelucs,<br />
qui, pour plaire à leur nouveau Souverain, non moins avide<br />
de gloire, que paffionné de réùffir dans fa première entreprife,<br />
s'expofoient à l'envi aux dangers les plus pérflleux, 5c faifoient<br />
des prodiges de valeur, pour le fake triompher des ennemis<br />
de leur croïance.<br />
Il eft vrai, que les Chrétiens , qui combatoient pour leurs<br />
vies, Se pour leur Uberté, les repouffoient, avec tant de courage,<br />
6e d'intrépidité, que tous leurs efforts, 5e leurs affauts, ^'^9^<br />
ttoient prefqu'inutiles. Ils y perdaient toujours incora^arabk-<br />
Xx XX 3 ment<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
7iS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
^^j,„,,„j-, ment plus, que les Affiégés, lesquels, fous la conduite du Chedéfenfe<br />
des valicr dc B E AUJEU, Maître des Templiers y qu'fls avaient unaretiens.<br />
j^jj^gj^^j^^ ^|y pQ^j. jg^r Général, continuoient, non feufcment<br />
à repouffcr toutes leurs attaques, mais encore à leur t'uer tant<br />
de monde, que le Soudan reconnut enfin, qu'il ne feroit qu'envo<br />
er fes gens à la boucherie, tant que les murailles de la Place<br />
fubfifteroient. C'eft pourquoi, fl fit ceffer les affauts 5e les efcalades,<br />
Sc s'apUqua entièrement à faire miner la Tour-Maudite.<br />
Entreprife qui lui fut auffi avantageufe, que funefte aux Chrétiens.<br />
Article/// ' ^^ ^^^ HENRI , quî avoit apris, avec autant d'étonnement,<br />
que de douleur, la venue de PArmée Sarra fine devant Itolomaïde<br />
y s'y rendit inceffamment avec 200. Cavaliers, 5e 5^00. Hommes<br />
^'Infanterie ; perfuadé que la Place ne manquerait pas, faute<br />
de défenfeurs, mais par la difcorde, Se par la difette.<br />
En effet, la confufîon y étoit toujours extrême. ^ Les Chefs<br />
ne pouvoient s'accorder entre-eux. Vn Sarrafin, piqué de ce<br />
que le Soudan Pavoit privé de fon emploi, "pour le donner à un<br />
autre, voulut s'en vanger, cn faifant échpuër fon entreprife.<br />
Il avertit fécrettement les Chrétiens du malheur, qu'on leur<br />
préparoit, 6c de fe bien tenir fur leurs gardes pour ne point<br />
être furpris. Cependant, malgré cet avis, ils ne firent aucune<br />
diligence pour munir k Place des provifions néceffaires à<br />
foutenir la quantité de nîonde, qui s'y trouvoit enfermé.<br />
Auffi , à-pcine le Roi HENRI y fut-il arrivé , qu'ils furent<br />
obligés de faire fortir les Femmes, les Enfans, 5c les autres<br />
bouches inutiles, qu'on fit embarquer pour Chypre fur divers<br />
Bâtimens, commandés par ANDRÉ' P E'L A T O. Plufieurs Perfonnes<br />
qui n'aimoient pas à fe trouver dans le danger, profitèrent<br />
fécrettement de cette commodité, pour fe tranfporter en<br />
Ueu de fureté. Ce Prince reçut, presque en même tems, une<br />
Lettre du Soudan ,l?iquelle fervit de réponfe à l'Ambaffade, que<br />
les Barons du Roïaume, les Ordres MiUtaires, 6c les Miniftres<br />
des<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
D E J E'R u S A L E M. Liv. XIIL CH. VIIL ^.ip<br />
des autres Puifïances, qui avoient leurs jurisdidions dans Ptolomaïde<br />
, lui avoient envoyée, dès le commencement du fiége. Ils<br />
lui avoient fait offrir le dédommagement de fès Sujets, Se toutc<br />
la fetisfadion, qu'il auroit pu raifonnabkment prétendre.<br />
LETTRE de ME'LEC-TASSERAF au Roi de Chypre y<br />
Se de Jérufakm.<br />
T e Soudan des Soudans, le Roi des Rois , le Seigneur des Contenu<br />
Seigneurs, ME LEC-TASSEKAF y kpuijfiint y k rédouté y k Pu- f^l^Êu<br />
niffeur des rébelks , le Deftrudeur des Francs , des Tartares,<br />
£^ Arméniens ; le Conquérant des Châteaux des mains des Infidèles<br />
; le Dominateur des deux mers, le Confefvateur des deux<br />
Saints Pèlerinages y Mèque, £«? Médine, à Fous Noble HEN-<br />
Ri, Roi de Chypre, falut, £«p bienveillance.<br />
Parce que Nous Fous connoiffons Homme brave y ^ fincère y<br />
Nous Fous écrivons nos Lettres, ^ mandons notre volonté.<br />
Fous faifant favoir , que Notés fommes venus fur vos Terres,<br />
pour vanger les 'injures faites à nos Sujets contre la paix, £=?<br />
T amitié, que Foi^s aviez établie avec notre Père. Ceft purquoi,<br />
Aous ne voulons point, que la Fille de Ptoloniàide Nous envoie<br />
ni Lettres, ni Ambaffadeurs ; ^ Nous avons juré de rien<br />
point recevoir, ni écouter de fia part.<br />
Enfin,le fouterrain de la Tour-Maudite,ii^mt été conduit à<br />
fa perfedion, fans que les Affiégés s'en fuffent aperçus, ce fameux<br />
édifice , fur la folidité duquel fls fondoient une bonne<br />
partie de leur efperance, tomba tout d'un coup, Se leur donna<br />
autant de terreur, qu'fl caufa de joie aux Ennemis; perfuadés<br />
que fa chute ne feroit pas pour eux d'un moins mauvais préfage,<br />
qu'dle l'avoit été pour les Sd^rafins, lors qu'en 1191.<br />
ks Chrétiens leuf enlevèrent Ptolomaïde, après un fîége de trois<br />
ans, ainfi que nous l'avons raporté.<br />
Cepen-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
720 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
Cependant, malgré le renverfement de cette Tour , qui<br />
avoit encore entraîné un grand efpace de muraiUe, 6c quoique<br />
les Infidèles l'occupant d'abord, 6c travaiUaffent, en dfligence,<br />
à un nouveau fouterrain, pour miner l'autre enceinte, fls<br />
ne purent pourtant, ni fe maintenir dans la brèche, ni parvenir<br />
à la féconde muraille. Lcs Chrétiens, qui avoient apris à<br />
devenir circonfpeds, 6c attentifs aux mouvemens des Ennemis,<br />
firent, de leur côté, des contre-mines fi à propos, qu'ils rencontrèrent<br />
les travaflkurs Sarrafins. Ils en firent un terrible<br />
carnage, auffi bien que de ceux qui les foûtenoient, 6c fls<br />
s'attachèrent enfuite, avec tant de ardeur, à tranfporter de la<br />
terre, des poutres, 6c d'autres matériaux, pour réparer la brèche,<br />
qu'ils cn formèrent une efpèce de montagne; ce qui les<br />
rendît fupérieurs aux Affiégeans. Ils les accabloient, d'un côté,<br />
par les feux artificiels, l'huile bouillante, la poix fondue.<br />
Se le fable enflamé ; de l'autre, fls les tuoient, ou les eftropioient,<br />
par le fer. Se par les pierres, dont ils kur déchargeaient des<br />
coups fi furs, 6cfi furieux, qu'fl n'en échappoit aucun de ceux<br />
qui étoient affez hardis pour en approcher. Ce cette manière<br />
les Ennemis perdirent un fi grand nombre dc leurs pks braves<br />
Soldats , qu'fls furent obligés, non feulement d'abandonner<br />
leurs ouvrages, mais encore de fe retirer hoiiteùfement.<br />
.<br />
Articie/r. Cc mauvais fuccès fit réfoudre le Soudan, qui voulait un peu<br />
mieux ménager fon monde, à ne plus donner d'affauts, 5e à<br />
à ne fake jouer que fes pierriers, fes béliers. Se fes autres machines,<br />
qu'on recommença à mettre en œuvrer avec encore<br />
plus de violence, qu'auparavant. La prodigieufe quantité de<br />
pierres, qu'eUes lancèrent, fracaffa teUement k muraiUe en plufieurs<br />
endroits, qu'fl crut ne devok pas balancer davantage,<br />
abonner un affaut général, afin de ne pas kiffer k tems aux Affiégés<br />
de réparer kurs brèches.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
Ce
D E J EU u s A L E M. LIV. XIIL Cn. VIIL 721<br />
Ce fut un Vendredi 18.Mai, que les Barbares fortirent de ^/r««
722 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
-. .V Leur perfévérance à attaquer k Vflk de tous les côtés, fzn»<br />
" " que k danger, ni k nïort de kurs Compagnons ralkntît aucunement<br />
leur ardeiw, fit comprendre au Roi, 5c aux Makre»<br />
" des Ordres^ Mflitaires, qu'ils couroient grand rifque.de focomber<br />
dans cet affaut. C'eft pourquoi, du confentement de ce<br />
Prince, les Makres montèrent d'abord à chev^, avec k plupart<br />
de kurS ChevaUers, 6c toute k Cavalerie, qui fe trouvait<br />
dans k Place. Ilsfortirenten bon ordre, 6caflêrent hardiment fe<br />
jetter fur ks tentes des Infidèks y dans le deffein d'y mettre le<br />
feu,* afin de les obliger à quitter l'affaut; iflais, malheureufement<br />
, cette fortie fut beaucoup j^s dommageable, qu'utile aux<br />
Chrétiens,<br />
4ffîégè" ^-^ le Soudan y qui voulbit emporter la Pkce, à queRifueprix<br />
peuavanta- quc CC fut, avoit CU k précaUtîort dy naettre fi boa ordre, en<br />
^'"•^'* redoubknt par tout les corps de garde, qu'en un moment toute<br />
fa Cavalerie tomba fur* les bras des Chrétiens, Ils en foutinrent<br />
poiKtant le premier choc. Se lui nièrent même beaucoup<br />
de monde ;. Mais, comme fls en perdirent auffi de leur côté,<br />
k partie étoit trc^ difproportionné pour pouvoir réfifter<br />
plus longtems ; de forte quife prirent k parti de fe retirer,<br />
k moins mal qu'il kur fut pofliibk.<br />
Quoique ks Barbares perdiffent incomparablement î^us de<br />
monde, que les Chrétiens, k retraite de ces derniers, enor*<br />
gueiUit tellement les premiers, que criant vidoire de tous côtés,<br />
fls augmentèrent la vigueur de ceux qui étoient à faffaut^<br />
6c découragèrent fi,fort lès Alfiégés, qui défendoient ks brèches<br />
de la Tour^Mkudite, qu'ils les abandonnèrent, 6e furent<br />
même chaffés de la féconde muraflle, 6c dès retranchemens,<br />
qu'fls avoient faits pour s'*y maintenir.<br />
LaCavalerie4$^rr^«tf pourfuivit ceUe des Ordres Mflitaires,<br />
jufqu'aux portes de la ViUe. Elle y fit un effort extraordinai*<br />
re, 6c tua k vaiflant PIERRE DE BEAUJEU, Maître de*s TmplkfSi<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
î)E JE'RUSALEM. Liv. XIIL CH. VIÎL • 723<br />
f Tiers, Se plufîeurs autres Chevaliers des trois Ordres. Ceux-ci<br />
faifoient, de leur côté, des prodiges de valeur, pour repouffer<br />
les Barbares, qui cependant entrèrent pêle-mêle dans k Ville,<br />
5c fe rendirent maîtres de k porte. Tout ce que purent faire<br />
les Makres de VHopitaly Se des Teutoniques y avec le peu de<br />
Chevaliers qui kur reftoient, fut de fe retirer, peu à peu,<br />
dans la Ville, fans fe déranger, 6c de gagner un quartier,<br />
à la faveur des rues , qui y étoient fort étroites. Ils fe<br />
maintinrent affez de tems , pour donner la commodité aux<br />
Troupes, que leRoi y avoit conduites, de:Çiire des barricades;<br />
de forte que, par le moïen de ces retranolemens, 6c par l'affiftance<br />
des bourgeois, qui jettoient, de leurs fenêtres, pierres,<br />
briques, tuiles, 6e tout cc qu'fls pouvoient attraper, fur<br />
les Infidèles, dont le nombre augmentoit fens ceffe, ce combat<br />
dura jufqu'à l'entrée de la nuit.<br />
On fe battoit également dans plufieurs rues ; Mais les Bar*- ^.^ Sarrthares<br />
s^ét^nt enfin emparés des portes, 6c des murailles, ils «nsmafcommencèrent<br />
à mettre le feu aux maffons. Le Roi voïant rS^, "édes<br />
alors que la ViUe étoit perdue, ordonna à ce qui reftoit desJJ",7^j";<br />
Ordres MiUtaires, de la Nobleffe, 6c de quelques gens d'éUte, feu aux<br />
de foutenir Pimpétuofîté des Infidèles; Sc à tous les Habitans, "^^'""'<br />
-d'aller promtement s'embarquer fur ks Bâtimens, qui étoient<br />
au port, dont Paccès leur étoit entièrement Ubre. Cet ordre<br />
fut exécuté avec tant dc diUgence, 6c en fî bon ordre, qu'il<br />
n^y périt perfonne. ,C.<br />
C H A P I T R E IX.<br />
Le Roi, mformé de l'embarquement de k bourgeoifie, 6cArticle/»<br />
de tout k refte, fit placer des Arbalétriers fur ks chsdoupes,<br />
afm d'en écarter k Cuvalerie Sarrafine; 6c il fe rendit au<br />
Yy yy 1 port<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
724. H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
ScmsduRoî port avec toute fa fuke, mais non pas avec la même coramo^<br />
iZque-'" dké qu'avoient fait ks autres ; car ks Ennemis, qui k pourmentdes<br />
foivircnt, lancèrent une fi grande quantité de dards, 5e de<br />
"'''^"^* flèches, que, malgré * celles que décochaient les Arbalétriers<br />
qu'on avok placés fur les barques, ce généreux Prince, courue<br />
rifque d'être bleffé. Plufieurs ck fes gens, 5e divers Arbalétriers<br />
furent tués à fes côtés.<br />
. , Enfin, le vent. Se ks ténèbi/és^ aïant favorifé le départ du<br />
iilbitmsde Roi, Sc dcs malhcurcux Habitans de Ptolomaîdey tous les Bâ^<br />
dc'^Jn Chy- timens arrivèrent heureufement e^ Chypre , hors-mis une Fré-<br />
"ë}^' ' gatte légère , furHiquelle le Patriarche s'étoit embarqué avec<br />
fes amis, 5e fa Famifle, 5c qui était partie quelques heures auparavant.<br />
Cette Frégatte fut furprife d'un vent fi forcé ; 5i<br />
ks mariniers, qui en formoient l'équipage, étoient fi ignorans,<br />
• qu'fls ne furent, pendant la nuit, ni prendre port, ni s'éloigner<br />
de la côte; de forte qu'au raport de tous les Auteurs, ce<br />
Bâtiment fut cngloutL Le feul Père LUZIGNAN prétend,<br />
que ce Pirékt ne fit que fouffrir une grande bourafque.<br />
Refierxon H faut pourtaut convcuir, que la désunian,-.5c-peut être le<br />
mi^k. pçy d'expérience contribua beaucoup à la perte de Ptolomaîdey<br />
puifqu'àpréS' l'embarquement des bouches inutfles ,il y reftoit en^<br />
core , outre iiooo. Hommes de Troupes; réglées, plus de<br />
trente mille Habitans capables de porter les armes, qui auraient<br />
tout au moins dû k défendre plus longtems; mais fl femble,<br />
que Dieu, qui vouloit les punir de leurs crimes;, les avok entier<br />
rement privés de jugement-<br />
Article //. Pehdant que, par une générofîté i digne d'étefnèlk mémoire,<br />
le bon Roi HENRI cherchoit à confoler les Chrétiens, échapés de<br />
h. Paleftine y en leur diftribuant de quoi fobfîfter, felon leur rang,<br />
5e leur condition, k Maréchal du Tempky qui, avec plufîeurs<br />
de fes Chevaliers, n'avoit pu, ou n'avoit point voulu"s'eiubar-<br />
-quer, s'étoit retiré dans la-groffe Tour de kur Palais, bien ré-<br />
.,": ^ fbk<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
i^t JE' RU S A L E M. Liv. XIÏÏ. CH. IX. ? 7 2f<br />
• folu d'y vendre tous chèrement kurs vies. Et, quoi que, dès îe iour<br />
d'après k prife de la Ville, le Soudan kur fît offrir de les L'iiTer<br />
partir en fureté ,^ ils. ne voulurent point écouter des propofîtions,<br />
qu'ils ne croïoient pasfmceres; Mais trois jours après, aïant re- ZwTem.<br />
connu, qu'ils alloient fucomber fous les efforts des //2/î^,?/?y, qui ^ll^gj"^^<br />
avaient commencé à miner cette Tour, 5e ne pouvant d'ailleurs at- Soudan,<br />
tendre aucun fecours humain, ils fe rendirent, la vie fàuve. ME'<br />
LEC-TASSERAF obferva religieufement les conditions du Traité, Scy LeSoudande<br />
plus, les pourvut d'un Brigantin, pourles tranfporter auprés ^^tm^ride<br />
leurs confrères en Chypre, Tant fl fouhaitoit de fe voir libre gantin,peur<br />
poffeffeur de Ptolomaïde y qu'il abandonna entièrement au piflage Chypre,<br />
de fes Soldats, comme il le leur avoit promis. Ils s'y enrichirent<br />
tous, au-delà de leurs efpérances. Cette Vifle était alors la plus<br />
opulente du Levant y foit par raport à fes Habitans,-foit par raport<br />
au grand commerce, qui s'y faifoit detoutes parts.<br />
Il fit enfuite démoUr les magnifiques maifons des OrdresMfli- Articie/iz:<br />
taires, pour fe vanger fur ces chofes infenfibles des maux, que mluruf<br />
ces Chevaliers avoient fi fouvent caufés àfes^ujets. Des plus befles Q'^^A'<br />
-Eglifes, il en fit des Mofquée ; Se fl renverfe enfin les fortes murafl- lUaires,<br />
les, Se les fameufès tours, dont cette Ville étoit enceinte, afin que<br />
les Chrétiens n'y puffent jamais rentrer, ou n'y affiégeafïent un<br />
jour la garnifon qu'il auroit été obligé d'y tenir.<br />
Je n'ignore,pas, qu'on ne trouve des relations de ce fiége,fort Wérmtes<br />
différentes de celle que je donne. Les Hiftoriens ne s'acordent, lefté^e,^<br />
que fur fon peu de durée ^ qui fut, en effet, bien courte, puifque p/o^mlïk<br />
Place ne tint que quarante trois jours. Marque évidente, com- de, pari*<br />
me, je viens de k dire, que Dieu voulait punir la vie abominable uéÛl^ ^<br />
de ceux qui l'habitaient, puîfqu'efle étoit alors incomparablement Tafleraf.<br />
plus peuplée, mieux fortifiée, 5c fes Habitans mieux aguerris,<br />
que lors qu'elle réfifta trois ans à toutes les Forces de VEurop,<br />
que l'Empereur F R E D E R I c, furnommé Barberouffe, PHILIPPE-<br />
AUGUSTE, Roi de France y 5c RICHARD, dit Cœur-de-Lion y Roi<br />
Yy yy i dAxh<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
ft6 HISTOIRE C'EN, DE JEHUS. LIV.XHL CaK.'<br />
d'Angleterre y y avoient conduites pour afiSfter Gui DE LUSI<br />
GNAN, Roi de Jérufialemy qui en avoit entrepris k fiége.<br />
Mais je ne puis être du fentiment de ceux qui difent, que k<br />
Maréchal du Temple fut enféveli fous ks ruines de la Tour, que<br />
Jes Sarrafins avoient fappée par les fondemens, 5e dans kquelle<br />
fl s'étoit de nouveau renfermé, après k capitulation faite avec le<br />
Soudan y pzrce^ que les Mammelucs avoient voulu attenter à l'honneur<br />
de quelques Femmes, qui s'y étoient réfugiées. Les autres<br />
foutiennent, que ce Maréchal fit piloter la Tour, 5cque,<br />
comme un autre SANSON, fl s'enfévélit fous fes ruines, 5c avec lui<br />
tous fes ChevaUers, 6e nombre infini d'Infidèles y auxquds fl en<br />
avoit fait ouvrir ks portes. Les autres enfin prétendent, qu'fl fe<br />
rendk au bout de trois jours, comme je viens de k raporter.<br />
Ce dernier fentiment étant le plus fuivi, 6cvle plus approuvé,<br />
je crois devoir m^y attacher. Je l'ai tiré, aufilî-bicn que toute<br />
k relation du fiége, d'un vieux Manufcrit en parchemin, qui fut<br />
1293. apporté à Rome par THOMAS BOSIO, Evêque de Malte y krsfîî'^'î^'<br />
q^i'iJ y vint avec k Grand-Makre PHILWPE DE VILLERS-LISIE-<br />
Çhjf tiens ÀDAM, après k perte de Rhodes y Sc qu'on affure être unFrag--<br />
«n Paleftine.<br />
ment de VHiftoire Jérofolimifaine y écrite par k Chevalier MEL<br />
CHIOR BANDINI, Chancelier de cet Ordre, fous k Magiftère<br />
de JEAN DE LASTIC, dont le refte fut malheureufement perdu,<br />
lors que les Tw
HISTOIRE GENERALE<br />
R O ï A" U M E S<br />
CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />
ET<br />
D* EGYPTE.<br />
LIVRE XIV,<br />
C H A P I T R E PR E'M ÎER.<br />
/v^jj^/^^a A trifte épreuve, que le Roi HENRI venoit de 'fff^^^^^-<br />
Scî;^>Cï^^>fe3 faire, Païant perfuadé, que les PuiffancesHenrU«i.<br />
T ^ÎÉ ^'^'^^^ "^ penfoient phis à faire aucune ex- ^^^^<br />
^8 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />
'W •valeur defquels il comptoit beaucoup, à donner aux Chevaliers<br />
^e VHopital, Se du Templ^, Pagreabk Vilk de Limifol y avec<br />
toutes fes fertiles dépendances, pouty étabUr leurs Convens. H<br />
offrit d'autres Terres également bonnef aux Teutoniques; mais<br />
SiFRiT DE FoRiivANG, kur Maître, fen remercia, fait que<br />
ces ChevaUers fuffent rébutés du mauvais fuccès dcs guerres de<br />
Paleftine, ou qu'fls préféraffent leur féjoUr en Pruffe à un nouvel<br />
établiffement.<br />
Les Fénitiens , les Génois y Seles Pifans , que le profit du<br />
commerce, qui étoit tout entre leurs mains, avait plutôt retenus<br />
à Ptolomaïde y que fenvie d'acquérir de là gloire, en défcn-<br />
• dant le Roïaume de Jérufakmy fe retirèrent auffi dans leurs<br />
pays. Cependant, malgré le départ de toutes ces Nations,<br />
ce Priiitc elit'encore la fatisfàdion voir fon Roïaume extrêmement<br />
peuplé des débris de la Pakfiine y &e des autres lieux de<br />
ISL Syricy que les Infidèles avoient fubjugués.<br />
Le Roi .'tour procurer à ces nouveaux Sujets la commodité'du comaggrmdTr<br />
uiercc, 5c'les corifôlcr, en quelque façon, deh perte de PtoûTW/or-<br />
^^^^^^^>^1 s'apUqua à faire aggVandir,5c fortifier la Ville de Fatifier<br />
comme magouftc y for k modèle de celle de ftolomaîdé; 5e fl là fit auffi<br />
Ptolomai- entourer d'un large, 5c profond foffé, de treize grandes Tours,<br />
6c d'un Baftion.<br />
Il accorda divers privilèges, 5c immunités aux Habitans de<br />
cette ViUe, auffi bien qu'aux étrangers qui s'y étàbUroient ; 5e,<br />
afin de la rendre encore plus célèbre par elk même,*fl ordonna<br />
que fes Sueceffeurs y prendroient la Couronne de Jérufalem<br />
y après qu'fls auroient reçu celle de Chypre à Nicofie; ce<br />
qui fut toujours obfervé depuis, puifque ks Chrétiens iVeurent<br />
point k bonheur de reprendre la i^^/
BE CHYPRE. LIV. XIV. Cn. I 72^<br />
alors l'He de Chypre, quoi qu'il fe peut que ce mot ait écé cor<br />
rotespu par les Grecs, qui k nomment encore aujourd'hui Amot<br />
Kouftay qui fignifie couverte de fabk y par raport à fa fituation<br />
baffe, Se remplie de fable , où elle paroît comme<br />
enterrée.<br />
Ce Prince embelUt,5c fortifia fon Roïaume, du côté,qui re- Article u,<br />
garde h Syrie y Sc le Midi y Sc trouva k moïen de fenrichk par mmiduRn^<br />
k commerce, qu'il y attira, 6c que les Chrétiens y firent, au Jîf'rt du<br />
lieu qu'ils le faffoient auparavant dans la Syrie y Sc ia Paleftine. cité de u<br />
Le Pape NICOLAS FV. travaflloiè depuis Ibtigtems, avec un J^ MÎiF<br />
ïèle inBitigabk,^ réunir, Sc engager les Puiffances Chrétiennes<br />
à une nouvelk Croifade, 11^ avoit même engagé EDOUARD<br />
I. Roi dAngkterre y à en être k Chef; Et ce Princc avoit<br />
déjà fait de grands préparatifs dans tous fes Etats, lorfque<br />
le Pontife aprit, avec une doukur inconcevable, la perte dc<br />
Ptolomaïde; Mais, comme le Monarque .^«l^ibw n'étoit ppint<br />
encore en état de partir, 6c que le St. Père craignoit que les<br />
InfidèkSy après être devenus entièrement maîtres du Roiaume<br />
de Jérufalem , n'entrepriffent • k conquête de celui de<br />
Chypre, qui étoit fi fort à leur bienféance , fl envoïa promtement<br />
un Légat à PEmpereur RODOLPHE , pour f exihorter<br />
à paffer lui-même en Syrie y avec toutes ks Forces de T Empire<br />
y afin de recouvrer , s'fl étoit poffibfe , tqut , ou partie<br />
du Roïaume dc Jérufakmy ou du moins empêcher les Infidèks<br />
d'envahir ce que ks Chrétiens poffédoient encore en<br />
Afie.<br />
Mais le- Légat dut le malheur de ]voir mourir à Spire l'Empereur<br />
RODOLPHE , peu après fon arrivée. Ses foins furent inutiles<br />
, auffi bien que les foflicitations qju'il fit enfuite à ADOLPHE s^ieitade<br />
NASSAU, fon Succeffeur, qui, de petit Seigneur qu'il étoit, sS^^^<br />
fut élevé à VEmpirey parles bons ofiîces de fArchevêque c[e JîoJgJ'ç"*<br />
Maïence ; maîs, dès k commencement de fon règne , ce ftmiiêt.<br />
Prince fe trouva fi embarraffé dansks guerres civfles, qu'il ne lui<br />
Zt iz fut<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
"tji H I S T O I R E G E" N E' R A L E<br />
fut pas poffible de porter la guerre hors de V Allemagne, Ainfî,"<br />
ce n'étoit pas, fans raifon, que k Roi HENRI ne comptoit plns^^<br />
fur l'affiftance des Princes de VEurope'y Se qu'fl travailloit, fans<br />
relâche, à fortifier fes Etats, à amaffer de f àrgerit, 5e à aguerrir<br />
fes Peuples,, afin-d'être en état de les défendre, par lui mê^<br />
me, dès attentats desinfidèks.<br />
Lé St. Père y de fon côtév perdit également^ toute efpéïariè'è<br />
de pouvoir réuffir dans le recouvrement des*Saînts UeUx. Il en<br />
fut fl aflSîgé, dit-oii, qu'fl,en mourut de douleur. Sa mort ne<br />
fut pas feulement préjudiciable 3.ux Ch'rétiéfh Orientaux, pour<br />
le rétabUffement defquels fl auroit enfith fait quelque forte expédition,<br />
mais encore pour tpute'k Rèptitffiqué Chrétienne. Les<br />
Cardinaux n'aïant pu accorder, pour lui donner un Succeffeur,<br />
le St. Siège va^ua vingt-fept mois. Sur ces entrefaites,<br />
MICHEL P A L E'O LO G U E , Empereur de CohfiantMple,<br />
mourut ; Se le Clergé de cette Capitale de VOrient y irrité contre<br />
ce Prince, pouffa là barbarie, julî^u'à empêcher îa fepulture'de<br />
fon corps dans les lieux Sainte, fous prétexte qu'il avôit Vécu<br />
en fchismatique. Se en excommunié, pour avoir foiimis, au<br />
cfef^L ^^^^^^ de Latran y VEglife Grecque à la Latine; Se fl fe lépa-<br />
:tueie ra,en même tems, de la communion avec le St. Siège y malgré<br />
mg<br />
St, !^sié"c. finclmation d'ANDRONic, Fils 6e Succeffeur de MICHEL, qui<br />
voulait fuivre ks traces de fon Père, 6c vivre dans la foumiffion<br />
due à PEgUfe Romaine y 6e au fouverain Pontife, vrai Vicaire<br />
1293. de Jéfus-Chrift,- Ce qui ne feroit peut être pas arrivé, s'fl y<br />
avoit eu un. Pape, qui, par fes exhortations^, Se fon autorité<br />
Peut aidé à perféverer dans ces bons fentimens..<br />
feceue<br />
CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
OE .CHYPRE. L.ir.XlV. CH; H. 75.<br />
C H A P I T R E II.<br />
ME'LEC-TASSERAF, qui n'ignoroit pas entièrement ce Article/,<br />
qui fc paffoit en Europe y Sc qui ne fouhaitoit pas moins<br />
de fe rendre maîtire de Chypre y qu'fl avoit été avide de pofféder<br />
la JP^/^/«^, paffa, bientôt après la prife de Ptolomaîdey<br />
en Egypte y pour travaflkr à un puiffant armement maritime,<br />
qu'fl deflinoit à attaquer cette Ile, avant que les Chrétiens y qui<br />
s^y étoient retirés, euffent le tems dc s'y affermir ; mais, heu- ^^^^ ^<br />
rcufement pour le Roi HENRI , Se pour fes Sujets, k mort de Méiecce<br />
Soudan interrompit fes grands projets ; car, lorfqu'fl était le ^ ^" '<br />
plus occupé dc cette expédition, il fut affaffinê dans un jardin,<br />
pendant qu'il chaffoit, par un de fes Mammelucs, nommé Sp-<br />
MERi, qui s'étoit flatté def* pouvoir occuper fa placc. Néanmoins,<br />
foit que fon parti ne fût point affez fort, ou que fes<br />
confrères fuffent véritablement fâchés de la mort tragique de j^^^^^^<br />
leur Prince, fls maffacrèrent Paffaffin, Sc mirent fur le TrôneNaflcr/or<br />
BEÈJEIZEMI , Frère du défunt, auquel ils donnèrent le nom dc < Egypte.<br />
M E'L E C-N A S S E R , qui fignifie Roi-FiHorieux,<br />
Mais , comme ce nouveau Soudan étok encore trop jeune<br />
pour gouverner par lui même, les Amiraux furent affei impru- ^<br />
dens pour le mettre fous k diredion d'un Tartare, nommé<br />
GuiBOCA, qui avoit été efclave de fon Père. Lorfque celui-ci ;.".<br />
fe vit élevé à un pofte fi confidérable, 6c comme maître abfolu<br />
des affaires, fl oublia bientôt. Se fa condition. Se la confiance<br />
, qu'on avoit eue en lui. 11 ne penfe plus, qu^à ufurper<br />
k fouveraineté. Pour y parvenir , il fit conduire le jeune<br />
Soudan dans le Château de Mmtréaly où fl le faifoit étroite^<br />
ment garder. Après quoi, fl fe mit à fa placc, fous le Nom<br />
ye ME'LEC-D A É'R, fans que les Mammelucs, s'en miffent en<br />
Zz zz 2 peine.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
^52 HISTOIRE G E' N m A L •<br />
peme. C^^dant > comme il vonlut trop favorHor eeiflt d^<br />
fk Nation, au préjudice des MarrmelucSy ^ en conçurent fant<br />
de jaloufie, qu^ils le dépoferent, 6c élurent un d'être tint<br />
nommé LAtouîN. Ce dernieV, nefe fiant pas trop à fes confrèr«^<br />
malgré la déférence qu'fls venoient de ki marquer, s'enfermR<br />
dans k Château du Caire, fans avoir aucun commerce avec eux.<br />
Cette précaution ne put k garantir d^êtrc un jpur affaffinê, avec<br />
fe propre épée, par un Mommekc, fon confident, avec lequel<br />
il jouoit aux échecs , ni celui-ci d'éviter k fureur des<br />
autres, qui ne manquèrent pas de le mettre en pièces, ai^<br />
qu'ils favoient pratiqué à Ji'é^rd de ceux, qui avoient attenté<br />
fur k vie de leurs Souverains.<br />
j^ jcitnt Après k mort de ce dernier, 6c toutes ces brutales cata-<br />
Nalrer'e/f ^^^P^®* > ^^^c Milicc- fiit longtcms en conteftation, 6e ea<br />
tiw*
^ BE CHYPRE. Liy.XÏV. CK.a ?ss<br />
U n'en étwt pas de même en Arméme; car, C cc pays étoit "*••<br />
tranquik da côté des Infidéks y k divifion de fes propres Princes<br />
le déchkoit fi fort, que les terra y demera-oicnt catièrement<br />
en friche, & le commerce tout-à-fait perdu. Le bon Roi<br />
LïvOM étant mort, pendant qu'ArroN, fonFiksdné, 6c THO<br />
ROS , fon fecond Fils, fe trouvoient à Conftantinopk, pour condurre<br />
le markge d'un Ffls du même AYTON, avec uneFiUc de/têmeFusd^<br />
PEmpereur ANDRONJC, SABAT, leur Frère, profita de kur abfen-J.^J^jJ'^^^<br />
ee,6cs*empara de la Souveraineté, fans même faire aucun compte nie,/uri«<br />
de CONSTANT, quatrième Fils du Roi LIVON. Il s^y maintint, J'î^?^<br />
^elqae tems, à la faveur de divers Seigneurs du pays, quii»'»"''^^-<br />
' «Voient embraffé fon parti, 6c fit alliance, avecks Tartares,<br />
fur le fecours defquels fl comptoit beaucoup.<br />
AYTON, à qui le Roïaume appartenoit, étonné de ce desordre,<br />
demanda du fecours à ANDRONIC, pour en chaffer Pufurpateur<br />
; cependant k lenteur de cette afl[îftânce, Sc l'impatience<br />
de Pen* chaffer, firent, qu'il s'embarqua pour Chypre, dans Pe^è- ^^<br />
rance que le Rc» HENRI, 6C ks Ordres Militaires Paideroient à Arménie<br />
chaffer fon Frère de fes Etats ; mais ffle de Chypre étok trop C^^r<br />
expofée aux Sarrafins, pour la dégarnir des gens de guerre;<br />
de forte' que ce Prince auroit demeuré longtems exdus de fes<br />
Etats, s'il ne fut arrivé de nouvelles xévolutions en Arménie<br />
y qui lui euffent procuré ks moïens de parvenir à la Souveraineté,<br />
CONSTANT, jeune, 6c ambitieux, qui ne pouvoit voir, fens<br />
jaloufie, Pdevation de fon Frère, ni fouffrir k peu de cas qu'il<br />
faifoit de lui, affifté des confeils , 6c de fépée de quclqucsuns<br />
de fes amis, qui haoient SABAT, Pattaqua à l'imprévu,<br />
fe faifit de fa Perfonne ; Scy malgré le fort parti, qu'il s'étoit<br />
fait, il le fit enfermer dans une Tour, pù il mourut peu de<br />
tcms après.<br />
A' la nouvelle dc cc changement, AYTON fit de fi preffante»<br />
inftances au Roi de Chypre, qu'fl cn obtint enfin quelques<br />
ZK 22C 3 Tro;:-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
734- H I S T O I R E CE' N E' RALE<br />
. Troupes. Les Ordres Militaires, fuivant fexempk de ce Prince,<br />
y contribuèrent auffi, Se irilrent le Frince ArïnéHkn en état<br />
de paffer dans fpn Roïaume ; perfuéié que fa préfénce lui<br />
attireroit bientôt*" la méiUeure partie de fes Peuples, avec<br />
l'aÛiftance des quels fl fe mettroit en poffeffion du Trône.<br />
Quoi qu'fl ne fe trompât point dans fon efperance, 5e que<br />
quantité de Perfonnes de toute forte de conditions fe rangeaflent<br />
d'abord de fon parti , fl lui faflut néanmoins,' travafller<br />
long-tems, avant de pouvoir réduire fon Frère, Tant<br />
la Nobleffe du pays étoit partagée entre eux deux, fans con-<br />
*ij^5. fidérer que leur divifion caufoit des maflieurs infinis à ce pauvre<br />
Rpïaume, queles Infidèles défoloïent de toute part, par<br />
leurs courfes continuelles.<br />
Ayton,F«7j pufin , AYTON cut Je'»bonheur de furmonter toutes les dffvon,^^ffn,i<br />
ficultès, Il valuquit fon Frère, prit poffeffion du Roïaume,<br />
pojfejfiondu ^ en rétablit fi bien les affàfrcs, qu'fl ne tarda pas à être<br />
lioiaume '- , , (. K\ ' * i .<br />
rfArmé- entièrement pacifie. Alors , ce Prince , pour témoigner au<br />
^^' * Roi HENRI la reconnoiffance, qu'fl confervoit du fignalé fervice<br />
, qu'il en avoit reçu , engagea une de fes FiUes, qui<br />
^rThY- ^vok été mariée à CASSAN , Roi de Perfe , à folUciter fon<br />
tonj^fcaf- Epoux dc prcudrc les armes en faveur des ChrétienSy pour<br />
Perle, lesChré powr lès rcmcttrc CU p'bffeffion du Roïaume de Jérufakm. En<br />
tienstreprife<br />
, à laquelle, cette Princeffe, qui étoit une des plus<br />
belles Femmes de VOrient y n'eut pas beaucoup de peine à<br />
réùffir , tant par raport à l'amour' y Se ?i Peftiftie, que fon<br />
Epoux avoit pour eUe, que par Pinclinatioii qu'il avoit lui-<br />
1296. même de rendre fervice aux ChrétienSy dont il avoit toujours<br />
profeffé la Religion^ ^<br />
Pour éclaircîr mon Ledeur des progrès de ce Prince, 5e<br />
de la manière, dont fl étoit parvenu à la fouveraineté de la<br />
Perfey fl me faut reprendre fon hiftoire d'un peu plus haut.<br />
J'en raporterai ce qu'en dit AYI^ON dArménie.<br />
«<br />
C H A-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE CHYPRE. LIV. XIV. CH. m. y^f<br />
C H A P I T R E IIL<br />
ARGON, Roi Tartare y étant mort dès l'année ii28p. ^'Mdelis^nr<br />
GAiTE, fon Frère, lui fuccéda à la Couronne; mais .fl lesquels<br />
avoit des incUnations fi baffes, 6e le& mœurs fl corrompues, toltp^rveque<br />
les Tartares y natureUement fiers, 6c belliqueux, ne pu- ""'*/''i
Y26 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
Paudace de CASSAN. Alors, tous les Mabométans y dont ie<br />
nombre étok le plus confidérable dans fon Armée, au Ueu d'attaquer<br />
ce prétendre rebelle, fe rangèrent de fon côté, 6c abandonnèrent<br />
fi fubkement BAIDON, qu'fl fut obligé de prendre k<br />
fuite, afin de ne pas tomber au pouvoir des féditieux. Ils le<br />
pourfiiivirent,avec tant de promtitude,qu'fl ne put kur échapper,<br />
ni éviter d'être mken pièces par fes propres gens, qui felu^ent,<br />
fur le champ, CASSAN pour leur Roi.<br />
Comme l'élévation de ce Prince n'étok arrivée qu'en I2f y.<br />
6ç que, pour s'affermk fur k Trône, fl avoit été obUgé, non<br />
feulement de tolérer les Mabométans y mais encore de parokre<br />
fuivre lui même leur croïance, il fe paf& près de trois ans,<br />
«98. • avant qu'fl pût fatisfaire ks folUckations de la Reine, fon Epoufe,<br />
qui k preffoit continuellement de porter la guerre contre<br />
les Sarrafins,<br />
Ilfe défit, peu à peu, des OSkiers Tartares y qui fuivoient<br />
VAlcoran y Se mit en kur pkce de bons, 6c îcèlés Chrétiens. II<br />
détruifit auffi fes autres Sujets, qui étoient entêtés de cctte<br />
fauffe croïance, 6c qui aufoient pu contre-balancer fon'autorité.<br />
De forte qu'il fe trouva en état de faire éclater fe piété, 5c<br />
ft religion, pour entreprendre k recouvrement du St.Sépulcre.<br />
Aufll, ordonna-t'fl à tous fes Sujets dc préparer promtement<br />
tout çe qu'fl failoit pour PacompUffement de fon projet ; 6c^ il<br />
fit,- en même tems, informer de fon deffdn le Roî dArménity Se<br />
celui dc Géorgie, afin qu'ils k fecondaffent dans cette glorieufe<br />
entreprife, qui ne devoit pas les intéreffer moins', que lui.<br />
1499 Tout Pappardl, qui convenoît pour Pexpédition de Syriiy étant<br />
caffalf ' prêt. Se les Troupes affemblées, fc Grand CASSAN fe mit à leur<br />
l!réedfi^ tête, au commencement de l'année 129p. 6c s'avança à gransyncjoin-<br />
des joumécs vers VEufrate. Le bruit de fa formidable Armée<br />
îrÂr^éî"" ifàifoit déjà trembler les Infidèles. Efle étok forte de deux cens<br />
rtl'^* mille Combatans, outre ks Troupes , que conduifoicnt ks<br />
Rois dArménk y Sf, der Géorgie, qui le joignirent, à l'entrée de<br />
k<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE CHYPRE. LIV. XIV. CH m. 73^<br />
k Syrie. Le Roi de Chypre, qui avoit été informé de cette entreprife,<br />
fit auffi partir les fiennes, avec ks ChevaUers des deux<br />
Ordres , qui débarquèrent à Antarde , pour y attendre leurs<br />
inftruétions, 6c favoir de -quel côté les AUiés commenceroient<br />
leurs opérations»<br />
Ils ne tardèrent pas à en être mformés. M E'L Ê C-N A S S E R,<br />
^ui avoit apris la marche des Tartares,. Se la ligue, que ks<br />
Chrétiens dAfie avoient faite avec eux, confidérant qu'fl lui<br />
étoit plus avantageux -d'aller à leur rencontre, que d'attendre<br />
qu'ils euffent pénétré dans fes Etats, pour ks combattre, fortit<br />
promtement dEgypte, avec k plus de monde qu'fl put affembler.<br />
Il groffit encore fon Ajrméc des Troupes de Damas, 6c<br />
des autres Ueux de la Syrie; fe flattant, qu'il empêcheroit, au<br />
moins, la jondion des Chypriots, 6c des Ordres MiUtaires,<br />
dont fl craignoit extrêmement k valeun<br />
Il s'avança dans k Province dApamée, Se rencontra PArmée<br />
Tartare y prèsde k ViUe dEmeffe. Il engagea d'abord Méieck<br />
bataifle, qui lui fut auffi funeftej quelle fut heureufe à fes S^^^/^'<br />
Ennemis. Malgré l'intrépidité, avec laquelle les Sarrafins com-Rois mis,<br />
battirent ce jour-là, ils y furent entièrement défaits. Le combat<br />
commença au lever du folefl, 6c finit à fon coucher. Le<br />
Soudan eut le bonheur de fe fauver, à k faveur des dromadaires,<br />
6c fut conduit jufqu'en Egypte, par quelques Bédouins, que<br />
k hazard lui fit rencontrer.<br />
Plus de quarante mille Egyptiens furent tués for le champ de Dtferiptkti<br />
bataflle, outre ceux que CASSAN luî même, le Roi d''Arménie y dls\^dl,<br />
Sc celui de Géorgie, qui les pourfuivkent jufqu'à nuit clofe, ^^*renverfèrent<br />
dans les campagnes. CASSAN détacha , dès le<br />
point du jour , MOLAÏ , l'un de fes Lieutenans-Généraux,<br />
avec quarante mifle Chevaux, afin de pourfuivre les fuïards,<br />
jufqu'à Pentrée du défert. Il Pexécuta avec tant de fuccès,<br />
qu'fl en défit encore une quantité prodigieufe. D'autres furent<br />
siSomiaés p^ les Chrétiens, qni habitoient le Mont-Liban. Les<br />
Aaa aa Cbf^<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
738 H I S T O I R E G F N E' R A L E<br />
Chypriots , 6c les Ordres Mflitaires cn attrappèrent aufll leur<br />
part ; de forte que ME JLEC-NASSER fut prefque le feul, qui éch^<br />
pât de cette terrible, Se fanglante joumée.-<br />
Articie///. ^^^^ grande Vidoire fut fuivie de k prife êEmeJ^y dont<br />
les Habitans fe rendirent à CASSAN, fans coup férir, 5c lui remirent<br />
tout k tréfor, que le Soudam3.voit dépofe dans leur Vflle,<br />
auffi bien que tous fes riches équipages, qu'fl eut la généme^c&<br />
^^^^^^ ^^ ^^^^^ diftribuar aux Troupes Tartares y Se ChrétienneSy.<br />
tréfor] que feus vouloit rcteuîr pour lui, qu'une épée, 5c une bourfe en<br />
yavw/" broderie, qui renfermoit un caliier, dans lequel étoknt écri-<br />
^A tes toutes les Terres de k haute y Sc de k baffé-Egypte.y avec<br />
le nombre de Troupes, que les Soudans avoient coutume d'entre^<br />
tenir. Après quoi, réfolu d'aller affiéger Damas y avant que<br />
ks Sarrafins puffent revenir de kur terreur, fl rappeUa le Roi^<br />
dArménie y qui s'étoit avancé jufqu'à Gaza y où MOLAÏ demeura<br />
avec une partie de la Cavakrie, 6cpartit pour afler attaquer<br />
cette ViUe, fans avoir donné que cinq jours de repos à fes Soldats.<br />
Ils s'étoient telkment enrichis des dépouifles des Ennemis,<br />
qu'ils fe trouvoient affez dédommagés des fatigues du voïage<br />
, 6c de celles du combat.<br />
La plupart des Vifles de h Syrie p qui n'efpéroient plus aucune<br />
fecours dEgyptCy Sc qui craignoient d'être prifes d'affaut, fe<br />
^l'mdT '^î^^^^^^o^^t^^^'^^^i^^^ CASSAN, f^ns même attendre lesap-<br />
Caffan,îw pTOchcs de fou Armée. Jérufalem fut de ce nombre, fi n'y fut:<br />
^!tm-P^^ P^^^^ entré, qu'il vifita, avec beaucoup de révérence, 5c<br />
u$airt^en dcdévotioH, k St.SépulcrcySc les autres lieux Saints, fiy laflfai<br />
îTlT'^^les Troiapes du Roi de Chypre y avec ks Ordres MiUtakes, en<br />
Î7Ï/ ^"^^"^^fony 6c^k ênftiicefe préfenter devant kfemeule Ville de<br />
Chypre. DamaSy que ks Habitans lui épargnèrent la peine d?affiéger,<br />
Ilfe prifen- o i i . * TI * • « 1 , 1 1 . ^ « . •<br />
te devant ^ «6 battre.. lls 1»! CH ouvrircHt dabord fes porCe», 6c lui en<br />
fa7usHa- «ï^^i^rent feselcfs par des Députés, qui lui demandèrent grabuans<br />
lui ce pour kurs vies. Se pour kurs effets. Ce grand Prince"fut<br />
^Z"^ " fi fenfiW© k km fôumiffi-ofl', qii^il ne voulut pas- feukment permettre-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE CHYPRE. LIV. XIV. CH. Ht. 739<br />
mettre à fes Soldats d'y entrer. Il fit camper toute fbn Arniée<br />
74.0 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />
bord àretourner en Perfe. Il communiqua fon deffein au Roi dJrménky<br />
Se lui dit, " qu'fl aurok volontiers remis aux Chrétiens.^<br />
„ Latins toutes ks Places, qu'il avoit conquifes ; mais que^<br />
„ comme ils*n'avoient point affez de Forces, pour les confer-<br />
„ ver,.il y laiffok CATHALUSE, Pun de fes Lieutenans-Géné-<br />
„ raux, avec une partk de fon.Armée,. 6c MOLAÏ, qui fe<br />
„ trouvoit à Gaza, avec quarante'mille Chevaux.,, tant pour<br />
,5 maintenk fes conquêtes, que pour continuer la guerre can^<br />
„ trc les Infidèks. Il ordonna pourtant à ces-deux Chefs deremettre<br />
aux Princes Chrétiens les Places, qu'il avoit conquifesy<br />
6e de les féconder dans toutes kurs entreprifes contre les Sarrafins<br />
y en cas qu'ils envoïaffent du fecours, pour aider à fubjuguer<br />
les pays occupés p^r les Infidèks y pour maintenk le Roi<br />
de Chypre en poffeffion de ces conquêtes.- De l'avis du Rot<br />
dArménie y, il voulut envoïer à ces Princes des Ambaffadeurs,<br />
pour les. informier, de fes.progrès, Se du deffein, qu'fl. avait formé,<br />
dc ne pas remettre encore au Roi de Chypre ce qu'fl avait<br />
conquis, dans la crainte de perdre le fruit de fes travaux. Se<br />
de fes. vidoires,. parce que ce Princc étoit trop faible par lui<br />
même^ 5<br />
maiffefes If doima., en même tems, k gouvernement des principales.<br />
paleftine." Places,qu'fl avoît couquifes, àdcs officiers fidèles; mais îLeut<br />
Pinadvertance de confier cefle de Damas à un Sarrafin y nommé<br />
CAPECHEC, qui s'étoit depuis longtems attaché à fon fervice, ^<br />
Se partit. A' peme fut-fl'arrivé au paffage de VEufiratCy<br />
qu'il reçut un nouveau courier de Perfey par lequel on lui faifoit<br />
favoir, "que le désordre avok fert augmdhté; 6c que k:<br />
„ rebelle BAIDE. s'étoit tellement fortifié, qu'fl lui feroit mal-<br />
„ aifé de k réduire. ' Cette trifte nouvelk obligea CASSAN d'é»<br />
crire à CATHALUSE de kiffer k gouvernement^iâ SyriekMo-<br />
LAÎ, avec vingt miUe Chevaux feulement, 6c devenir inceffamment<br />
lè-joindre,'| avec, k refte de fçs Troupes; Ce çhange-<br />
' ^ ''' • .V, ' meiitn<br />
a<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE CHYPRE. LIV. XIV. Cri. IV. 741<br />
ment ôta bkntôt aux Chrétiens, 6c la poffeffion de Jérufialemy<br />
Se Pefpérance de fe rétablir dans la Paleftine,-<br />
MOLAÏ, avoit quitté Gazay Se s'étoit campé, avec fes vingt- Article//.<br />
miUe Chevaux, aux environs-de Damas.- CAPECHEC, CfOUYCr-^lf^^^<br />
neur de cette Ville,• qui, plus fin que lui, àvoitdéjà réfolu de f«r««"^^.<br />
trahir fon bienfaiteur, pôurr^rendrek parti de fon ancien câiran^/u-<br />
Maître, lui perfuada d'abandonner k fi*ontière de cetteProvin-^^^^î^^^<br />
ce, 6e d'aller hiverner.dans la grande vallée de GauTy beaucoup<br />
plus abondante en pâturages, 6c plus commode pour k<br />
Cavalerie; de forte que Péloignement de MOLAÏ, aïant donné<br />
à CAPECHEC occafion de négocier avec ME'LEC-NASSER, ce perfide<br />
lui fit propofer de lui remettre la ViUe de Damas y Se fes<br />
dépendances, à condition qu'illui en laifferoit k Gouvernementr,<br />
fa vie duramr. . ,<br />
Le Soudany ravi de recouvrer un pays, dont k perte lui<br />
avoit été fi fenfibk, 6e qu'fl >n'ofoit fe flatter de pouvok )reprendre<br />
à force ouverte , lui accorda non feulement fa demande<br />
, mais encore, pour le mieux engager dans fes intérêts-,<br />
lui promit une de fes fœurs en-mariage,; 6c une fomme d'or<br />
ta*ès-canfidérable.<br />
Enfuke de cet accord, les Troupes Egyptiennes trv^rftrent 1301.<br />
le défert y au commencement du printems, Se furent introdui-<br />
.tes dans le Roïaume de Damas y fans que MOLAÏ en eût aucune<br />
connoiffance, que lorfqu'fl n'était plus tcms d'y remédier,<br />
puifqu'il n'avoit point affez de Farces y pour cliâffer hs Sarrafins<br />
y qui avoient pris poffefijon de k Ville, 6cde tout le pays; Damas «de<br />
fotte que, fe voïant même hors d'état de fe maintenir dàns^^^^l*<br />
la Paleftine, où toutes les Places étoient démantekes, il reprit<br />
le chemin de k Méfioptamicy kiffant le Prince ALME'RIC, SC<br />
ks Ordres MiUtaires, qui avoient toujours demeuré à la garde<br />
de Jérufakmy dans k dure néceffité de Pabandonner, 6c de<br />
t'en retourner en Chypre y très-afifigés du malheur, qui avok,.<br />
en., un moment, renverfé tous leurs projets.<br />
Aaa aa i, AHITI,<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
74-^ H I S T O I R E G E'N E'R ALE<br />
Article///. Auffi, lorfque , quelque tems laprès, fls aprirent que k<br />
p^oîJ']e? Grand CASSAN, toujours également zélé pour le recouvrement<br />
Jj^ Or^m ^Q la Terre-Sainte y après s'être déUvré de la rébellion de BAIniarcbent<br />
DE, avoit tenvôïé CATHALUSE, avec trente mflk Chevaux, en<br />
ASe!** '^yt'ie y pour reparer k faute ^ qu'avoit commiïè MOLAÏ ; 5c<br />
fur^i'avis q^i'ii avoit dcffdu d'y venir lui imême en perfonne, les Chy-<br />
\Vc:!ïîzvi priots y Se les Ordres MiUtaires repaffèrent à Antarde, ou Torfoint^<br />
/q/^, avec beaucoup plus de lenteur, 6e moins d'efperance,<br />
revenir, qu'auparavant. En effet, la venue de CATHALUSE ne fit que<br />
leur caufer beaucoup d'eriib^ras, %e de la dépenfe inutfle. A-<br />
•peine fut-fl arrivé kAntiochey qu'il s'en retourna à grandes jour*<br />
nées en Perfey fur l'avis, qu'M4"eçut, que le Roi CASSAN fe trouvoit<br />
dangereufcment malade. De forte que les Rois d^Arménie<br />
Se de Géorgie y qui favoient joint avec leurs Troupes, fuient<br />
obUgés de s'en retourner dans leurs Etats, Se le Prince AL<br />
ME'RIC, 6e les Ordres MiUtaires, de repaffer en Chypre y où fl<br />
ne tarda pas4 recommencer les complots, qu'fl trâmok, depuis<br />
longtems, contre IcRoi fon Frère, dont fl n'avoit été détourîîé,<br />
DÉ CHYPRE. Liv. XIV. CH. IV: 7+^<br />
ïesrChypriots de k prudence, Sc de raffediony avec kquelle<br />
ce bon Souverain les gouvernoit ; quoi-qu'fls euffent devant les<br />
yeux les beaux étabUffemens, qu'fl avoit faits,pour leur procurer<br />
favantage du Commerce , 6c k bon- ordre qu'il faifoit obferver<br />
dans tout k gouvernement'; plirfieurs d'entre eux, tanr<br />
de la Nobkffe, que du menu Peuple, furent affex ingrats, pour"<br />
foivrc les mauvais fentimens des Princes fes Frères, jufqueslà<br />
même que k Roi devkit k fujet de leurs railleries, 6c de leurs<br />
infolences.<br />
Cependant, quelque criminelk que fût kur conduite, il k Artïde/r.<br />
toléra toujours, dans Pefpérance que fa générofîté, 6c fa dou- j^e;,^^^^.<br />
ceur les obUgeroient enfin à fe ranger à kur devoir ; mais fa f". ^""'^<br />
bonté, 6c fon indulgence, nefirent, au contraire, qu'augmenter<br />
leur audace, 6c leur témérité. Ils la pcwfEèrent même, juf^<br />
qu'à entreprendre ouvertement de le dépofer^<br />
C H A P r T R E V.<br />
Pendant que fc bon, 6c généreux Roi HENRI fouffroit ton- 1302.<br />
tes-ces révoltes, domeftiques, les Ambaffadeurs, que k Roi ^"^^^^^^<br />
CASSAN avoit envoïés cn Europy rempUffoient la Cour de Rome<br />
de joie. Se d'efperance. Chacun y prenoit paît au recouvrement<br />
dii Roïaume de: Jérufalem-, Sek f abaiffement d8^^ ifc*<br />
fidèles. BONIFACE VHP. Souverain Fontife, reffentoit une fetisfadion<br />
infinie, de ee que fes Chrétiens y qui en avoient étéchaffés,<br />
fous ks règnes de fes Prédéceffeurs, euffent eu k bonheur<br />
de rentrer, fous k fien, dans la poffeffion de cet Etat, «<br />
Sc des faints lieux, dont la perte avoit été fi fenfibk à tous ks<br />
Fidèks, C?cft pourquoi, afin de contribuer à leur affermiffe--<br />
Ktoflt, il fit faire db grandes provifîons^ d'armes, pour ks kur<br />
envoïer,;<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
Fxhortatiens<br />
du<br />
Pape aux<br />
Princes<br />
Chiétiens<br />
pour la<br />
guerre<br />
fainte.<br />
.Son EnViXé<br />
en i'rance >î<br />
D E CH Y p RE. LIV. XIV. CH. V. ' us<br />
de SciARRA COLONNE, Ennemi juré du Pape, qui perfécutoit<br />
furieufement fe Maifon; 6e de GUILLAUME DE NOGARET, qu'fl<br />
envoïa en Italie, Ils gagnèrent fi bien les Gibelins y dont les no%<br />
COLONNES foûtenoient le parti, qu'fls firent ce Pontife prifonnier,<br />
dans fa propre Maifon dAnagniy où fl mourut comme<br />
furieux , foit de faffront, qu'fl Rvoit reçu d'un fouflet, que<br />
SciARRA lui avoit donné, ou des douleurs qu'fl reffentit.; de for Aucun<br />
Prince de<br />
te que tous les projets, qu'fl avoit formés-, d'unir les Princes ^Europe<br />
Clfrétiens dans une nouvefle Croifade y Se tous les préparatifs "rntam]'»<br />
qu'fl avoit faits, en fon particulier, pour la foutenir, furent in-g^*^<br />
utiles; parce qu'aucun Prince d'Europe ne fongeoit plus, ni à<br />
feconder k R®i CASSAN, ni à aider les Chrét iensGrient aux, pour<br />
maintenir les conquêtes, qu'fl avoit faites en leur faveur.<br />
Leur indifférence n'empêcha pas CASSAN de pcrfévérer dans caîfan^/c *<br />
la réfolution, qu'fl avoit prife, de délivrer Jérufalem des mains JJ^^J'J"']'"<br />
des Infidèles. Il vouloit abfolument réparer les contretems, qui féconde fois<br />
étoient 2irrïf es en Paleftine y parla faute ^e fes Généraux. Il iSidè/es.<br />
marcha, pour la féconde fois, vers la MéfioptamiCy avec une<br />
Armée fi formidable, qu'au raport d'AvTOn dArménie y elle<br />
occupoit trois journées de chemin; c'eft-à-dire, depuis le Château<br />
de Cacabéy jufqu'à celui dElbirydont fl s'empara; mais fl<br />
fut obligé de s'y arrêter, par raport au dégât, que ks Sarrafins<br />
avoient faits dans toutes les campagnes, dès qu'ils avoient<br />
été informés de fa venue. Il lui fut impoffible de continuer fa<br />
marche dans un pays, où il ne trouvoit point de vivres pour<br />
les Hommes, ni pour les Chevaux, dont les Tartares ne font<br />
pas moins foigneux, que de leurs propres perfonnes.<br />
CASSAN , pendant fon féjour à £/&/r, communiqua fes deffekis "J*^^^^^]"^<br />
aux Rois de Chypre y dArménie, 6e de Géorgie. Il les foflicita MS d-hrk<br />
le venir joindre, pour entreprendre la défaite du Soudan d'^-Géorgie/<br />
gypte y leur Ennemi commun. Ces deux derniers, qui étoient ^'^'^'^i'*<br />
le plus à portée, le joignirent avec leurs Troupes, avant la fin<br />
de .f hyver. Celui de Chypre fit promtement paffer les fiennes,<br />
B b b b b avec<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
74.6 H I S T O I R E G E'N F R A L E<br />
avec les Ordres MiUtaires aux Côtes de k Syrie, Cependant k<br />
mouvement de tous ces Princes ne fut gucres moins inutfle,<br />
que tous ceux qu'ils avoient faits auparavant. CASSAN reçut avis<br />
d'un nouveau foulèvement en/'fi^^y^, dans le tcms qu'fl fe difpofoit<br />
à traverfer J'^2^^/^; ce qui Pobligea à rebrouffer diejnin :<br />
5e tout ce qu'il put feke fut de kiffçr; encore le même .CATHA<br />
LUSE , avec quarante mille Chevaux , dans l'efpà*ance que ce<br />
grand corps de Cavalerie, joint aux Forces-des autresrPric^ces,<br />
pourrait faire des entreprifes affez .confklécables fur les Sarrafins.<br />
"'.:•' . . "'-<br />
J304. Ces Troupes Perfanes entreront dans la ^y^e.y .Se ijuient<br />
tous les lieux, par où eUes pafferent, à feu., 5c à feng", iScv^avancèrent<br />
aux environs de Camélia, o^'ûs crurent, que k Sou*<br />
dan feroit arrivé, comme k prémkre fois; mais j^iant api'is,<br />
qu'il s'étoit retiré k Gazay ils affiégèrent Cmmlla, ^''ils^pùr<br />
rent d'affaut, 5e dont ils pafferent tous les-fiabitans ^u.fiLde<br />
Pépée. Les Troupes Chypriotes y T&rles^Ordres MiUtaires, arrivèrent<br />
fur ces entrefaites. Ils marciièrent enfemble vecs Damas<br />
y qu'ils auraient emporté, s'ils n'euffent eu fimprudenee<br />
d'accorder aux Habitans trois jours de trêve, pendant ksquels<br />
le Soudan arriva, avec fon Armée, Se fe canipa dans un lieu<br />
fort avantageux.<br />
Articie/r. Alors le Général 7}7r/^r^, en particulier, fâché d'avoir temporifé,<br />
fit une faute encore plus grande, que la première. Il<br />
voulut, contre favis du Roi dArménie, Se des Ordres MiUtaires<br />
, aller attaquer le Soudan dans fes retranchemens. Us étoient<br />
fi bien défendus, par une haute montagne d'un côté, 5e par<br />
un grand lac de l'autre, qu'fl lui fut impoffible de les forcer,<br />
oud'abliger le Soudan à en fortir. CATHALUSE fut obligé de<br />
regagner la plaine, où il trouva, à la vérké, abondance d'eau,<br />
Se de pâturages; mais fl y fut en danger de périr avec toutes<br />
fes Troupes, dès le même fok qu'il y arriva.<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
Les
:: DE CHYfR'K. Lir.^XIV. CH.V. nt<br />
Les Habitans de Damas , encouragés par k proximité de<br />
leur Souverain , profitèrent fi à propos de la mauvaife démarche<br />
du Général T/sr/^r^, qu'ils lâchèrent plufieurs édufes, dont<br />
ils fe ferment pour arrofer kurs jardins. .Ils inondèrent tout fon<br />
Camp, 6c la campagne d'alentour ; de forte que, comme Pobfcurité<br />
de k nuit augmentok la confufion, que caufa cet «fticTdént<br />
irtiprévu, lés Tartares y ni les Chrétiens y ne purent difcerner<br />
ni difemins, ni fentiers. Il cn périt un grand nombre dans<br />
ks'foffés', en vouknt évker d'être fubmergés : Et, quoi que le .jour JmuT£'<br />
fuivant, ils fortiffent avec beaucoup de peine de .cet embarras, ^^^7"^^ fç<br />
ks Perfes y en particulier, perdirent, outre leur bagage, une<br />
fi grande quantité de Chevaux, que CATHALUSE fe trouva obU- ^^'l'^T^^^^<br />
gé de reconduire ce qui lui reftoit en Perfe. Les Rois deGéor- chez fou<br />
gie y Se dArménie y auffi bien que les Troupes Chypriotes y<br />
s'en retotimèrent chez eux, tous-^akitient fatigués des grandes<br />
peines,. 6c des îdépènfes exceffives, 5c infradueufeis, qtie<br />
leur avoient Hamfées ks mouvemens des Tartares, qui fe ter- isoyminoient<br />
toujours d'une manière fî desagréable.<br />
Cependant, quelques rebutés qu'ils en fuffent', ils ne purent<br />
s'emp'êdier xle rf^re tous dé aoUveaux préparatifs, lorsqu'ils<br />
reçurent, quelque tems après, la ^nouvdle, que le Roi CASSAN<br />
fe difpofoit à faire une ,troifîème tentative, pour chaffer les Infidèles<br />
de la Terre-Sainte. En effet, ce Grand Prince z-^oitMortdu<br />
cette entreprife fî fort à cœur, qu'fl avoît affemblé une Armée faï.<br />
auffi nombreufe, que la précédente, pour retourner en Syrie;<br />
Se fl Pauroit exécuté, fî la mort n'avoit interrompu fon généreux<br />
deffein , 6o terminé Pefpérarice , qu'avoient encore les<br />
Chrétiens y de rentrer dans la. poffeffion du Roïaume de Jéru^<br />
falem y d'autant plus qu'un de fes Frères, nommé CARABAGAN-<br />
DA, qui lui fuccéda à k Couronne de Perfe, avoit embraffé<br />
le Mahométifme y 6c s'étoit ouvertement déckré leur Ennemi.<br />
Bbb bb 2 CHA-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
748 H r S T O r R E G E' NE' RALE<br />
e H A p I T R E VL<br />
PfpgrlvL"Pendant que les affaires des Chrétiens Orientaux tombaient<br />
Tmci dans X. ainfî CU décadcncc, 5c qu'fls fe confumoient infrudueufe^<br />
Grrt/^ ment, celles des Infidèles prenoient, au contraire, plus de vigueur,<br />
que jamais ; car,fî les Soudans s'étoient entièrement emparés<br />
de la Pakftine y les Turcs ne faifoient pas moins de progrès<br />
de leur côté. Ils commencèrent même à étendre leur domination<br />
dans VEurope. OSTROGULE ,- ou ESDRAGUL , Fils<br />
d^AuGusALPE., encore plus belliqueux, 6c • plus • entreprenant,<br />
que n'avoit été fon Père, mit ^ feu, 5c à feng, ks principales<br />
Iles de VArchipel y le Peloponèfe y Négrepnty Se tout k pays<br />
d!Athènes.' U fut enfuite élu Capitaine-Général de leur Nation,<br />
6t fut fî bien profiter- des embarras des Empereurs Grecs, qu'en<br />
moins de deux ans, fl fe rendit maître de toutes les Provinces,<br />
qui confinent la Mer-Majeure.<br />
Naifance OTTOMAN, fou Ffls, qu'fl avoît couduit daus toutes fesexottomar<br />
péditions, ne démentant point Pefpérance, qu'fl en avait conçue,<br />
continua, après-Ta mort, la guerre , avec tant de bonheur, 5c<br />
devint fi puiffant, 6e fi chéri des Troupes^ qu'ALADiN, leur<br />
Souverain, qui avoit étabUfon fiége Roïal à Iconiumy Vflle ca-<br />
Srr P^^^^ ^^ ^^ Lycaonie, commença à craindre fe valeur ; de fortc<br />
Aladin. qu'aprehendant, qu'il ne fe joignît aux Tartares y qui incommodoient<br />
extrêmement fes Etats, fl aima mieux fe priver defon<br />
affiftance, que de fouffrir l'inquiétude, que lui caufoit fon cré-<br />
3300. dit^ 5c fon autorité. Il lui donna une partie de fes Troupes,<br />
6c lui permit de continuer à pouffer fes conquêtes contre. ks<br />
Grecs. Il Pexécuta avec tant de fiiccès, qu'fl leur enleva bientôt<br />
d'autres Provinces, Se s'étabUt enfin fî puiffamment dans fes<br />
cQnquêtes, que le même ALADIN confentk, qu'fl prit le nom<br />
'^ ' de.-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE CHYPRE. LIV. XIV. CH. VI. U9<br />
de Sultan; ce qui arriva vers Pannée 1300. de Jéfus-Chrift.^^^^f^^^<br />
Ce fut là le commencement de PEmpire Ottoman y qui fe trou-mm de<br />
ve aujourd'hui fî puiffant, 5e fî confîdérable, 6c qui a été la ^"'"°* '<br />
terreur, 6c l'entière deftruétion des C/?r^//tf«i Orientaux y tant<br />
Grecs y que Latins. Ceux-ci contribuèrent eux mêmes à' k<br />
grandeur, 5c à f affermiffement dc leurs Ennemis communs,<br />
par la difcorde, 5e la mes-intelUgence,-qui a toujours régné<br />
entre eux.<br />
En effet, les ANDRONICS , d'un côté, ^paroiffoientvbien plus ^"î^ie //.<br />
difpofes à s'entre-détruire, qu'à défendre kur Empire de finvafion<br />
des Infidèles. Les Latins y de l'autre côté, foit par ]^--^ffo^'^ploufie,<br />
par mtérêt, ou par ambition, n'agiffoient jamais derRouumede<br />
concert ,paur fe maintenir dans les beUes Provinces, qu'fls avoient ^^^^^^'<br />
conquifes ; Et , enfin , la Maifon de LUZIGNAN , au Ueu de<br />
penfer, qu'elle étoit environnée de ces dangereux voifins,-con»<br />
tre ksquels fl lui faUoit être continuellement fur fes gardes, ne<br />
s'occupoitqu'à diminuer fes propres forces, par la dffcorde, qu'elle<br />
entretenoit dans fon fein.<br />
ALME'RIC, que k mort de Gui, fon Frère, approchoife<br />
encore de la Couronne, réfolu de tout mettre en ufage pour<br />
la pofféder, fans attendre qu'elle lui parvint naturellementy^.^^*'"^5T<br />
s'accommoda avec fon Frère CAMERIN , égakment amateur de Chypre,<br />
nouveautés, 5e fe déclara Chef d'un parti de mécontens, qu'il<br />
trouva difpofes à priver le Roi du gouvernement, 6e à k lui<br />
remettre entre les mains. lisprirent-pour.prétexte, que ce Prince<br />
n'avoit pas fait pourfuivre trois Corfàires Génois y qui avoient<br />
facagé le Bourg de Pifcopie, où ils avoient fait defcente, fous<br />
ombre'd'y vouloir faire quelque commerce. Les excès de cr Haute,<br />
6e de brutalité, que ces Pirates avoient commis, avoient fi<br />
fort offenfé Gui DE ZIMBLET, qui en étoit k Seigneur, qu'fl<br />
ne put digérer f indifférence, aveckquelfe le Roi aprit ce désordre,<br />
6c. k ruine de fes Vaffaux. Il révolta tous fès amis, qiû<br />
Bbb bb 3 étoient :<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
7p H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />
étoient en graAd nombre, 5e s'adreffa au Prince ALME'RIC,<br />
pour f exciter à prendre fon parti.<br />
JIKS Soit qu'ils euffent déjà concerté l'affaire entre eux, ou par<br />
rf'Aiméric, jjafard , l'occafion parut fi favorable à ALMÉRIC, qu'aïant<br />
m! " le commandement desTi'oupes, fl obUgea tous ks Barons, qui<br />
fe trouvoient alors à Nicofie y à s'affembler dans fa Maifon. 11<br />
kur repréfenta par^un long Difcours, bien étudié , " Pinterêt<br />
qu'ils avoient tous de prévenir promtement les mal<br />
33<br />
heurs , qui menaçoient le Roïaume, aux quels la nonchalan-<br />
3)<br />
3, ce, 5e les indifpôfitiôns du Roi ne lui permettaient pas de '<br />
„ remédier; Que, ce Frince devenoît .même infenfiblç aux<br />
,, désaftrçs de fès Sujets ; Qite k désordre, qui venait d'arri-<br />
„ ver à Pifcopie, augmenteroit la hardieffe, 5e la témérité des<br />
„ Pirates; de forte que toUtes les cotes de l'Ile en feraient bien-<br />
„ tôt inondées , 5c expofées aux mêmes ravages, 5c tout le<br />
,, Roïaume en danger d'être envahi par les Infiàèks, qui ne<br />
„ manqueroient pas de profiter de k foibleffe du Souverain."<br />
Ajoutant, " que, comme fl était lui même plus intéreffé, qu'aucun<br />
autre, à la confervation d'un Etat, que fes Ancêtres avoient<br />
35<br />
fibienétabU, 5e fi glorieUfement maintenu jusqu'alors, ils<br />
33<br />
3, les avoit convoqués, pour leur en demander fadminiftratîon,<br />
„ 5c le gouvernement , tant pour foukger le Roi fon Frère,<br />
„ qui ne pouvoir y vaquer davantage, fans altérer entièrement<br />
„ fa fanté, que pour garantir les Peupks des défolations, aux-<br />
„ quelles ils étoient expofés tous les jours.<br />
Article///. Quoi quc CC Difcours furprît plufieurs de ces Sdgneurs, qui<br />
aimoient la juftice, 6c la fidéUté, qu'ils dévoient à leur Souve-^<br />
rain, la manière, dont ALME'RIC venoit de s'expliquer, 5c<br />
§'£T"'lîl violence, avec laqueUe fl les avoit affemblés, leur fit comgneurs<br />
,fé- prcudrc, què kur réfiftance ferait inutile ; qu'fl n'avoit recher-<br />
Aiméric. clié kurs foffragcs, qu'en apparence; Ôcque fon parti n'étoit<br />
dHéyà que trop puiffant, pour faire réûffir fes mauvais deffeins. Us<br />
con-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE C H Y P RE. LIV. XIV. CH. VI. 7 n<br />
confentkent à fes volontés, 5e lui prêtèrent le ferment de fidélité,<br />
qu'fl voulut abfolument en exiger, en quaUté de Régent<br />
du Roïaume. 11 les contraignit même de foufcrire un Ade,<br />
qui portoit, "que le Roi n'aurok plus que le Titre Roïal y fans<br />
„ fe mêler d'au cune affaire du gouvernement, lequel, pgur plu-<br />
„ fieurs raffons, qui y étoient expliquées amplement, demeu-<br />
„ reroit entièrementà la difpofîtion du Prince ALMÉRIC, fon<br />
„ Frère, qui lui paierait tous les ans cent quarante raille be-<br />
„ zans pour l'entretien de fa Maifon, .Se difpoferoit.des autres<br />
•„ revenus de k couronne-pour les.befoins de l'Etat.<br />
Après ces formalités, fans avoir aucun égard aux remontrances<br />
de la Reine fa Mère, qui s'y étoit rendue, 5e qui, pour<br />
arrêter fa violence, fe fçrvit de tout ce qu'une Mère tendre, 5c -<br />
•affedionnée'pour le repas de .fes Enfans, peut dke de plus toiicchant,<br />
ce Prince ambitieux 5c dénaturé fe.fit accompagner de<br />
toute l'Affemblée; 5e, fuivi des Troupes, dont fl avoit fait entourer<br />
fa Maifon, flalla trouver le.Roi, auquel fl déclara ouvertement<br />
, " que le Confeil aïant confidéré, que.-Sa. Majefté n'étoit<br />
yy -point en état de vaquer aux affakes du gouvernement, avoit<br />
„ jugé à propos,tant pour ménager fa fanté,.que pour k bien<br />
55 w commun de fes Peuples, de le décharger de ce. pefant far-<br />
,5 deau, 6e de lui en donner fadminiftration avec ki Régence<br />
„ du Roïaume; qu'ainfî, il le priait de ratifier ce que ce fage<br />
5, Corps avoit établi à,ce fujet. En même tems, fl lui préfenta Aimëric<br />
PAde, que tous ks Barons avoient figné, avant de fortk de ^fg««
7J2 H I S T OIRE "G E' N E' R A L E<br />
fa Perfonne, 6efur fon autorité, fl n'avoit donné aucun ordre,<br />
pour détourner leurs attentats. Par .cette nonchalance, fl fe<br />
trouva hors d'état de s'y oppofer; 6c tout ce qu'fl.put faire,<br />
dans cette trifte fituation, fut de dire à fon Frère, "que,cam-<br />
„ me le Confefl fupérieur ne pouvoit être convoqué, que par<br />
fon ordre exprés, 6e que fes délibérations n'avoient aucun<br />
33<br />
pouvoir, fans fon confentement, ce qu'il venoit de faire ne<br />
3)<br />
pouvoit fubfifter, puifqu'il Pannulloitdès-à-prefent, -5e le re-<br />
..93<br />
„ voquoit entièrement. " Il s'addreffa enfuite aux Barons, 5c<br />
leur dit, " qu'fls dévoient tous fe reffouvenir, que ccux du<br />
Roïaume de Jérufalem n'avoient jamais fongé à rien entrepren-<br />
33<br />
•dre fur fautorité Roïale, ni nommer aucun Régent, durant<br />
33<br />
le règne de BAUDOUIN IV. quoi que, dès fon enfance, ce<br />
53<br />
Prince eût étéffi aflftigé de la lèpre, qu'elle l'avoit rendu en<br />
33<br />
tièrement incapable de vaquer aux affaires du gouvernenient,<br />
35<br />
„ Se même réduit à ne vivre qu'à demi.' ^<br />
33 Que, quanta lui, grâces à Dieu, les indifpôfitiôns, qu'il<br />
„ reffentoit, ne l'avoient jamais empêché de fe trouver à la tête<br />
„ de fes Troupes , Jors que fa Perfonne y avoit été néceffaire,<br />
„ 6c même d'y remplir les devoirs de Prince, Se de ban Sol-<br />
„ dat, dans les occafîons les plus périUeufes ; Qu'ils étoient<br />
„ enfin tous témoins de Paffedioff, avec laquelle A avait tou<br />
33 jours gouverné fes Sujets, 5c cherché à leur procurer Jes com<br />
^3 modités , 6c l'abondance ; Qu'à Pégard de l'irruption, que<br />
„ les Corfàires Génois avaient faite à Pifcopie, c'était au Prince<br />
„ A L M E'R I c, 6c non à lui, qu'il fallait s'en prendre, puis-<br />
„ qu'fl lui avoit confié le commandement de fes Troupes, pour<br />
„ vefller à la confervation de tout k Roïaume.<br />
Articie/r. Lc Roî alloît continuifr fon Difcours, lorsqu'A L M E'R I c f interrompit.<br />
Il craignoit, que fes bonnes raifons ne fiffent revenir<br />
ks Seigneurs. Il lui repartit brusquement, " qu'il derAUnénc.<br />
M ^oît être fatisfàit de fa modération, puisqu'fl fe contentok<br />
„ de k Régence, 6c qu'fl avok refufé le Trône, pù tous les Ordres<br />
33 du<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
OECHYPHE. LIV,XIV, CH.VI rH<br />
,î du Roïaume, vouloient le placer ; Que Pamîtié Sc îa défô-<br />
„ rence, qu'fl avoit pour fa Perfonne, lui avoient fait refufer<br />
„ cet honneur: Et, fans voulok plus rien écouter,, fl alla,, fur<br />
le champ, fe faifir des deniers Roïaux, 6c de tous les tréfors dc<br />
la Couronne, pendant qu'il faifoit publier fe Régence, à fon dc ^<br />
trompe, dans toutela ViUe, 6e qu'il faifoit jetter au Peuple beaucoup<br />
plus d'argent, qu'on n'enr^andoit à l'avènement des Rois.<br />
Alors HENRI, ne fe croïant pas affez en fineté dans l'appartement<br />
de la Reine, fe Mère, où fl s'étoit retiré, 6c confidérant<br />
, que Pambition dc régner étoît capable de tout faire<br />
entreprendre àfon Frerc; de l'avis dc cette Princeffe, 6c<br />
accompagné, dc quelques vieux Courtikns, aUafe réfugkr daps<br />
la Maffon du Seigneur d'IsELiN. Celui-d , qui avoit prévu ^îf'^J'Iï<br />
l'orage, qui venoit d'éckter, s'étoit déjà bien fortifié, perfu^.-Seigneur<br />
dé que fon attachet^içnjt pour le Roi lui attireroit immancable- ^^^^^^^'<br />
ment la perfécution d'A. L M E'R I c , 6c fon inimitié ouverte ;<br />
mais la confolation, qu'A eut de recevoir ce Prince dans un<br />
meflleur état, qu'fl n'avoit ofé fefpérer, lui fit Iiardiment redoubler<br />
fes foins, Sc fa prévoïance, pour k défendre jufqu'à k<br />
dernière goûte de fon fang.<br />
La quantité de Perfonnes de diftindion, que k Roi rencontra<br />
chez k Sénéchal, lui fit d'abord concevoir k deffein d'afler,<br />
Pépée à la main, arracher à fon Frère k gouvernement, dont<br />
il venoit de k dépouifler fi injuftement. Il trouva cette flluftre Âéfehaim<br />
compagnie fi bien difpofée à k feconder, qu'fl afloit fortir pour SS^^iJ.<br />
Pexécuter, 6e punir Pinfolence d'A L M E'R I c, lorsque la Reine leur ]ff'J'f.i^<br />
Mère,qui appréhendoit,que cette fédition ne fe termmât enfin def»Min-,<br />
par la mort tragique (de fes Enfans, l'arrêta, lui rcpréfentant,<br />
'^ que fon entreprife ne pouvoit avoir Ueu, par la précaution,<br />
" qu'avoit eu ALME'RIC d'engagcrks ChevaUers deV Hôpital,<br />
" 6c du Tempky à le foutenir. Ils étoient même vem» à Nicofie<br />
y Sc avoient joint leurs Troupes à cefles du pays, qui étoient<br />
entièrement dévoilées à ALME'RIC. Ceft pourquoi eUe pria<br />
Ccc cc le<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
1f^ H I SiT O IRE G EN]E'R:A.-L E<br />
k'Roi d'attendre, qu'dle eût pariétaux Maîtres des deux ReUgions,<br />
pour les engager à rentrer dans leur devok, 6c pour les<br />
exhorter à y ramener fon ambitieux Frère*<br />
C H A P I T R E VIL<br />
Article/, ^^ette prudente Princeffe fit fi tien fentir à ces ChevaUers,<br />
V^ qu*ils agiffoient, en cette occafion, contre les Statuts de<br />
de leur Orcke, 6c contre la reconnoiffance qu'ils devoknt conferver<br />
pour les bontés, que k Roi avoit eues pour eux,, qu'el-<br />
%Tnet^. le les obligea enfm à renvoïer leurs Troupes à Limifoly Sc à<br />
eifîertout, agir de concert avec Elle pour remettre k paix dans la famflle<br />
««r. ""Roïale; Maîs on n'y put réùffir. AL M E'RI c, endurci dani<br />
fe'révolte, étqit réfolu de'fe conferver le commaroieniènt,' à<br />
quelque prix que ce fût. Il fut même fî piqué du changement<br />
des Chevaliers, qu'fl n'eut plus pour eux aucune confîdération.<br />
Se chercha, au contraire , toutes les occafîons de les chagriner..<br />
^ '*<br />
Le peu de foccès dés Négociations de k Reine, aïant fait<br />
connokre au Roi, qu'il rifquoit la vic, 6cla fortunie de tantde<br />
Seigneurs, qui s'étaient offerts à lui, le fit réfoudre de céder<br />
à la neceflfîté , 6e d'envoïer k plus fécrettement qui lui fut<br />
. poffibk des Ambaffadeurs au Pape,- pour le prier de l'aider à<br />
/iaiistro. rentrer dans la domination d'un Etat,'dont Dieu Pavoit fait<br />
fe PnWr Jisiître légkime Souverain; 6c,'afin de donner à fes Miniftres<br />
Hugues, le tems d'agir auprès du Poikife, 6ff d'ôter à fon Frère tout<br />
*^^"'foupçon, qu'fl fongeât'- à lè troutler dans^ fe Régence,, fl<br />
remercia ces Seigneurs de leur bonne volonté, 6cfe retka'au<br />
Vfllage de 5/r(?î?//7(7, lieu délideur, oùfl s'occupait des plàflîrs<br />
diampètres, de kdiaffe, 6c de'k pêche, cn compagnie d$<br />
jeunet<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE. CHYPRE. LivrXIV. CH. VII. ^jçf<br />
jfeime Prince HUGUES, fori Neveu, qu'fl y avoit conduit, &<br />
pour k vie duquel .il ne craignoit pas moins, que pour k .<br />
fienne<br />
Mais cette innocente retraite, hien loin de mettre l'efprit r&^^^.<br />
d'ALME'Ric en repos, ne fit qu'augmenter fon inquiétude.*^Jp«^î«"*<br />
Il ne pouvoit s'imaginer,que leRoi paûàt fi promtement d'une îfo.<br />
extrémité à l'autre, fans quelque miftère ; de forte que, pour<br />
empêcher, que kRoi, ou la Reine n'envoïaffent quelque Emif^<br />
faire aux Princes dEurope y pour fe plaindre de lui, fl défendit<br />
expreffément dans tous les Ports du Roïaume, de laiffer partir<br />
aucun Bâtiment fans fa permiffion, 6c.fens être cxadenaent -<br />
vifite par des Perfonnes affidées, qu'fl y prépofeJ U mit de<br />
plus des efpions auprès d'eux, afin d'être également informa<br />
de toutes leurs démarches , 6c du commerce qu'fls pouvoient<br />
avoir au dedans, Sc au dehors; de manière qu'fl ne tardt-pas<br />
à pénétrer l'expédition, que k Roi avoît faite à la Cour de Rome<br />
; ce qui augmenta fi fort fes aUarmes, qu'fl en devint comme<br />
furieux. Ceux même qui.l'avoient aidé à s'emparer du<br />
gouvernement, n'étoient plus à Pabri de fes emportemens, ni<br />
dé fes infultes. Il faffoit emprifonner les uns, exiler les autres,<br />
ou eonfifquer kurs bkns, for le nïoindre foupçon.<br />
Cependant, comme ALME'RIC craignoit beaucoup plus Article//.<br />
Pîmpreffion, qu'on auroit pu donner de fe conduite aux Princes<br />
dEurope y que tous les mouvemens intérieurs des Chypriots y<br />
Sc que,tout méchant qu'fl étok,il appréhendoit ksCenfuresdu f'^^f^<br />
Pape, fl fit inceffamment équipa* une galère, fur laquelle fla«/'ûi'ff.<br />
fit embarquer ks Barons HUGUES FISCAL, 6C GUILLAUME DE<br />
ViLLERs , avec le Père NICOLAS , Cordelier, qu'il envoia en<br />
qûaUté d'Ambaffadeurs au Pape, pour lui reprdènter, "queles<br />
„ infirmités du Roi fon Frère, 6c fon peu d'attention aux af-<br />
„ faires de l'Etat, aïant été caufe de plufieurs désordres, qui<br />
,, y étoient arrivés, par l'invafion des Pirates, qui avoient ra-<br />
„ vagé les côtes de l'Ile, k Cour Supérieure, 6c tous les Orv.^<br />
Ccccc2 „ dres<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
f ïtf H I s T o I R E G E' N E' R A L E<br />
5,'-dresdu Roïaume l'avoknt foUidté à en prendre k gouver-<br />
5,.nement, afin de remédier à tant de maux, Sc veiller à.k<br />
„ confervation d'un pays, qui, après la perte de la Pakftinéy<br />
jj^^,5^ étoit devenu k boulevard de la Chrétienté;'" Et, pour mieux<br />
fadeurt apufer CCS raifoDS, 6c ks rendre recevabks kk Cour de^Romey<br />
éTp^ifeni. .fl eutfoin de munk ces Miniftres de plufîeurs riches, préfenis, 5e<br />
de beaucoup d'argent comptant, pour en répandre dans les<br />
occafions.<br />
Mais, foit que Dieu ne voulût pas bénir le voïage de gens j,<br />
qui alloient folUciter une fî mauvaife caufe, ou que les mariniers<br />
manquaffent à leur devoir, cette Galère échoua fiir ks écueils<br />
d'une petite Ik de V Archipel y Se s'.entre-ouvrit fî fubitement,<br />
qur'fls y périrent tous avec kurs richeffes. - Cependant les Ambaffadeurs<br />
du Roi, étoient Jieureufement arrivés auprès de<br />
CLE»ffîNT V. qui avoit fuccédé à BE'NOIT XL. après, dix mois,,<br />
6c huit jours de fîège vacant. Ils folUcitoient; fort ce nouveau:<br />
Pontffe à interpofcffj fon autorité, pour faire rentrer le...<br />
«07. Prince ALME'RIC dans l'obéïflknce,, qu'il devoit à. foo. Souverain.<br />
' '<br />
C L E'M ENT, qui, avant»-fon jexaltatibn , étoit Evêque de.<br />
Bordeaux, 6c originaire de cette Province , après avoir été.<br />
couronné k Lfon y où les Cardinaux s'étoient rendus, voulut<br />
remédier aux fcandales, qui étoient arrivés fous le Pontificat<br />
de BONIFACE VIII. Il étoit occupé dc- ces grandes affaires, 6c<br />
'^ à récondlier l'Eglife avec PHILU»PE^LE-BEL, Roi de i^r^»^^. II.<br />
donna à ce Prince PabfoktiQU-des. cenfures fulminais par BO<br />
NIFACE, 6c ki accordâmes 4écimes fur tout fon; Roïaume, pendant<br />
cinq ans. Il rétahUt les Cardinaux JAQUES. , 6c PIERRE<br />
^^gj,j^^ COLONNE dans ks dignités , les honneurs , Sc les bénéfices,,<br />
Rome e dont îls avoieut été privés. Il créa plufieiurs Cardinaux, 6ç^.<br />
îSa« inveftit enfm Dom JMME, Roi dArragon y du. Roïaume de<br />
"»^' Sardaigne; Ainfi, malgré les preffantes-foUicitations des Ambafiàdcurs<br />
du Roi deChypre^ il fe paffa près de trois, ans, avant<br />
que<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE CHYPRE. LIT. XIV. CH. VIL 7Jr.<br />
que k Pontffe pût travafller au rétabUl^nent de ce Prince.<br />
ALME'RIC , qm, pendant ce tems, éprouvoit le fort ordi- Article///,<br />
naire des Tyrans, qui eft de ne jamais goûter auCun repos, /^K*<br />
méditoit inceffamment les moïens de fe défaire du RoL C'étoit furiavie<br />
k feul remède, qu'il croïoit néceffaire, pour terminer fçs in- j^frJ^<br />
quiétudes. Dans ce deffein, fl afla kStrovillOy avec unc bande<br />
de fcélérats, pour l'affaffiner ; mais , heureufenaent, la<br />
Reine, qui avoit pénétré la confpiration, fen fit promtement<br />
avertir par un Religieux Dominicain, Le Roi, qui eut le tems<br />
de fe retker k Nicofie y par des diemins détournés, fe réfugia<br />
de nouveau dans la Maifon du Sénéchal d'iBELiN, où A L- J^^<br />
ME'RIC l'affiégea, 6c le réduifît à l'extrémité. Les Evêques<br />
de Famagoiflcy de Limifoly Se de Baruthy agirent cependant<br />
fi eflScacement auprès d'A L M E'R I c, qu'ils Pappaifèrent enfin y<br />
Se obtinrent, par grâce fpéciak, que le Roi pourroit fe retirer<br />
dans fon Palais-, .65y vivre, trànquilement avec la Reine fa Mè^<br />
re; 6e que les Seigneurs, qui avoient pris fon. parti, pourraient<br />
également aller vivre fur kurs terres.<br />
Mais ce Tyran ne fut pas moins parjure dans cette occafion,<br />
qu'il Payoit été dans toutes les autres. Contre la parole qu'il<br />
avoit donnée aux Prélats, fl obligea le Sénéchal, 6c tous les ornons<br />
autres Seigneurs, qui fe trouvoient auprès de lui, d'aUer à pié, jj?f^^j^<br />
6e fans, armes, 6c fit mener à fon Palais les domefiiques, ou<br />
autres gens, qui étoient aux gages de ces Seigneurs, piés, 6c<br />
tête nue, 6c les mains derrière k dos, pour lui faire amende<br />
honorabk. Non content de cette vioknce, il les rélégua tousdans<br />
les Châteaux de file, où fl leur fit endurer une prifon trèsrigoureufe.<br />
Il traita pourtant, avec plus de douceur, le Sénéchal,<br />
les Barons DA^IERRE, Se RUFFIN DE MONTFORT, qu'il<br />
rélégua, Pun à Carpaffo y l autre à Lapathos y Se le Sénéchal<br />
kAHmerio; Mais, malgré les prières d'une des DemoifeUes<br />
de Madame de BARUIH, qu'ALME'RIC efthnoit mfiniment,<br />
Ccc cc 3, il<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
7^8 H I S T O I R E G E' N E' R ALE<br />
il l'envoïa quelque tems ^ràs prifonnier en Arménie y avec<br />
BALIAN D'IBELIN, fon Neveu, dont fl ne craignoit pas mains<br />
ks entreprifes. U avoit obtenu la permiffion du Roi d'Arménie<br />
y dont fl avoît époufé k Sœur, d'exiler dans fes Etats tous<br />
ceux qu'il voulott, parce qu'il faifoit efpérer à ce Roi, que les<br />
Enfans qu'il auroit de fa Sœur, pourroient parvenir à la Couronne<br />
de Chypre. \<br />
Alméric -NoD contcut dc toutcs CCS vlolences, 6c toujours inquiet,<br />
reie^Roi k fl'afla lui-mêmc, pendant la nuit, fe faifir de la perfonne du<br />
\ç'Wd^^ià ^^^ ^^^ Frère, le fit mettre dans une Utière bien fermée^5c<br />
en Armé- conduirc à Fàmagoufte-y fous fefcorte d'une Compagnie de Ca-<br />
""^'- ^ Valérie, commandée par CAMERIN, fon autre Frère, 5c le fit<br />
d'abord embarquer fur une Galère, qui k conduifit enArménie,<br />
où, à fon arrivée, fl reçut d'affez bons traitemens; mais, fait<br />
qu'on craignît , qu'fl ne fût enlevé par le Baron JAQUES DE<br />
MONT-OLIF, qui, de Baffo y où fl étok exilé, s'étok<br />
fahvé à Rhodes y avec une Galère de l'Etat , ou qu'on crût<br />
d'abfêger fes jours, en ajoutant, à fa mauvaife fanté le chagrm<br />
d'une étroke prifon, où fcnfçrma dans le Château de Lambrouy<br />
où il étok fi bien gardé, qu'il ne lui étoit pas permis de recevok,<br />
ni vifités, ni Lettres, de qui que ce fût. Traitement,<br />
que ce Prince infortuné trouva fi infuportable, qu'fl difoit fouvent,<br />
que la perte defa liberté lui étoit infiniment plus fenfibk,<br />
que celle de fa Couronne,<br />
CH.A P I T R E VIII.<br />
Aim^fc' S^" éloignement fit cependant changer de maxime à ALME':<br />
rapeiieies ^ RIC, fon Frèrc. Commc fl défirok d'appaffer Ics mécontcu-<br />
7eidiew^^^^^^^ qu'fl avok donnés aux Grands du Roïaume, fl rendk<br />
la<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
DE CHYPRE. LIV. XIV. CH. VIU. r^p<br />
k Uberté à tous ceux qui étoient détenus dans fes Fortereflfe8,6c J^î^'^f^*<br />
rappefla à la Cour tous ceux qui étoient exilés fur leurs terres. cemMe<br />
11 lour reftitua, en même tems, les biens qu'fl leur avoit fait<br />
eonfifquer, leur fit plufieurs gratflications, 6eenfin ks combla tous<br />
d'honneurs, Sc de careffes, dans la vue de leur faire oublier,<br />
par ces bons traitemens, les pertes, 6cles incommodités, ^11<br />
leur avoit fait foufi&'ir; mais la plupart de ces Seigneurs n'ofent<br />
fe fier à ces fauffes démonftrations d'amitié ; perfustdés' que k<br />
poUtique y avoit plus de part, quelalmcérité, s'arrêtèrent, ou<br />
fe retirèrent fur leurs terres, en attendantquelque heureux changement<br />
dans les affaires de fEtat, qui fe trouvoit alors dans<br />
unc fort trifte fituation,. qui devint encore plus mauvaife.<br />
Car Dieu, qui vouloît apparemment diâtier les Chypriots<br />
de leur foulèvement contre leur Roi, aflifigea le pays d'une fi<br />
grande féchereffe, qu'eUe caufa k perte de tous les fruits de k<br />
terre, 6edes beftiaux, qui, faute de pâturages, languiffoient,<br />
6c mouroient "dans les champs, ou dans les étables. Enfin, la Difette<br />
difette y devint fi grande pour les Habitans, que lesplus grands i^^^%<br />
Seigneurs étoient réduits à fe nourrir de pain d'orge. Se que, p»ien/ait' •<br />
malgré k foulagement, qu'ils reçurent de quelques Bâtimens jj^^j/^^<br />
étrangers, chargés de grains, grand nombre de (amiUes furent ^^^' .<br />
contraintes d'abandonner k pays ; les unes pour ne pouvoir<br />
plus y fubfîfter. Se les autres dans l'appréhenfîon que cette féchereffe<br />
n'y durât auffi longtems, 6c n'y fût auffi funefte que<br />
celle des fîèdes paffés, laquelle avoit fait périr les Habitans,<br />
qui avoient voulu s'opkiiâtrer à y demeurer.<br />
Le Régent étoit feul infenfîbk à ces défolations publiques, ^"'*^^*^ ^^'<br />
6c n'en appréhendoit k fuite, que dans k crainte que les Peu- Alméric<br />
pies déjà las de la dureté de fa domination, Sc qui publioient hau- (/Arménie<br />
tement, que c'étoit lui qui attiroit la colère de Dieu fur k l'^'j^JJ^u-<br />
Ro'aume, 5c les calamités, dont ils étoient affligés, ne fe ré- Pf^^» *"<br />
vali:iflent enfin contre lui. Se ne remiffent fe Roi fur le Trô- * ^^^^<br />
ne, dont il Pavoit renverfé. Ceft pourquoi fl écrivit au Roi<br />
dAr-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
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<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>
'«5^-.î^-.^. ,r.,., . ? •*ît'^1>''^'-'V^^'^ /<br />
V'^^'j.iP'^^: ,. V T••,•f*^••A^'^''t^*••«^l••*'*•'^^^-<br />
<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />
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