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ΚΥΠΡΙΑΚΗ ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ

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<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

J<br />

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^r.<br />

'a./1 y-


HISTOIRE GENERALE<br />

DES R O Ï A U M E S DE<br />

CHYPRE. DE JERUSALEM,<br />

D'A:RMÉNIE, ET D'EGYPTE,<br />

Comprenant<br />

L E S C R O I S A D E S,<br />

Avec plus d^exaClitude qu^aucun Auteur<br />

moderne ks ait encore rapportés ;<br />

ET LES FAITS,LES PLUS IIEMORABLES,DE L'EMPIRE OTTOMAN,<br />

Depuis fà fondation jusqu^à la fameufe Bataille de Lepante,<br />

Où finit cette Hiftoire, dans laquelle on trouve auffi<br />

L'ANÉANTISSEMENT DE L'EMPIRE DES GRECS.<br />

On y a ajouté<br />

\. L'Etat préfent de T Egypte.<br />

II. Differtation fur les Caradères Hiéroglifiques des ancîens<br />

Egyptiens.<br />

III. Reflexions fur les moïens de conquérir Y Egypte & la<br />

Chypre.<br />

Par M', le Chevalier DOMINIQUE JAUNA^<br />

Confeiller de Sa Majefl^ Impériale £«? Roïale, ^ Intendant<br />

Général du Commerce dans tous fes Etats Héréditaires.<br />

TOME PREMIER.<br />

C H E X<br />

•I,tfecit<br />

/f L à l D 2, 2.^-*n^5JM.f^<br />

J E A N L U Z A C,<br />

UDCCXLTII.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


A s A M A'JE ST É<br />

IMPÉRIALE ET ROÏALE,<br />

'. v^ '<br />

MARIE-THÉRÈSE<br />

D'AUTRICHE.<br />

IMPE'RAÏRICE DES ROM,AINS.y<br />

, REINE DE HONGRIE JLT Ut BOfiEMÈ<br />

ARCHI - D UCHESSE jyjUTRICHE^<br />

DUCHESSE DE LORRAINE ET DEB^R.<br />

GRAND' DUCHESSE DE TOSCJNEy<br />

Ôcc. ÔCC. ÔCC.<br />

MADAME,<br />

i^^ honhéur, que fai ^êtrt au fèrvîce dt<br />

I ^ f^otre Majefté Impériale pour les aj^ai-<br />

^ res, quifont du département du Cofif'<br />

[^ merce, me jmt prendre la lihtrté-é^apr<br />

'fart^ m pié de fon 7>^f Hiftoire dès Roïaumes<br />

* de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


(II.)<br />

de Chyprip, de Jéikfakm , & à^Egypte. Dès^que<br />

j^ en formai le plan, je ^m^étois propofe d'^avoir thonfiéùr<br />

^dà ie^^imif a & Sactée Majefié Impériale if(tn<br />

Augufte fère de hàiehè mémoire)^ " ' '-<br />

Le goût, que Votre Majefié Impériale a pris, dès<br />

fa plusJendne jêuneffe., à la ledure de PHiJioire , ^ui<br />

ejl la véritable École des Souverains, ^' ou Elle a pàifé<br />

les excellentes Maximes du grand Art de régûer y qui<br />

la rendji chère à fes Peuples, ^Ji refpeàahk aux yeux<br />

de tout. P Univers : Ce goût, dis-je , me fait efpérer^<br />

qu^elle vaudra bien prendre mon Oufurhge fous Jbn Augufte<br />

Protedion.,' ^e re^nrierai cetl$vahtage, MA­<br />

DAME , comme la plus glorieufe récompenfe, qm<br />

je puiffe ambitionner pour prix de mon travail.<br />

La connoiffance , que foi ac^ifides prin(^pç,les Langues<br />

des Pays Orientaux, pendant le longJëjour que<br />

fy ai fait, (f P avantage que fai eu de pouvoir confulter<br />

divers Manufcrits très-rares, ^ des Mémoires tf^ruc"<br />

ttfsp&urmm lieff'éiny m'ont t^is ^)$ état, MADA­<br />

ME r iPtm^oT^p^ une Hifimeyque fofe dire être<br />

h pks 4xttdo (f h pks^ cempkt^te , qui ait pà'u jus^<br />

•^k-préfet\,v. Bile .€or^i^nt une Jxjfimé ie faits mé^<br />

mifrdks], JPmtampkt in^f^^Sfam^ '•^^^:^m^^.'^<br />

oh '' ^ei<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


(MI)<br />

tes les PmJJdnces de fEurôpe, de PAûe,. &? dfe 7A*<br />

frique , y ont eu part. Les grands évènemens \, qui<br />

yjbnt rapportés y en fervant d^exemples if de leçwn<br />

Jùr la révolution des chtfes.âtiyMûndey.fi^ntvoir en<br />

même tems, que la perte'dépbrdhJiid^srSaints^ Lieux ,<br />

ou s'ejl opéré notre Rédemption y efl due uniquement<br />

à la divifion des Princes Chrétiens.<br />

Je profiterois y avec la plus vive ardeur y de cette<br />

accajion, pour publier les hautes vertus, qui diJUn^<br />

guent fi fort Votre Majéfié Impériale , 6? toutes les<br />

grâces, dont le Ciel s"*efi plu à la combler, fi je fiétois<br />

pas convaincu, que ^efi-Vg, un fifjetfor^t ^u-deffus<br />

de mes forces: Que pourrâis-je-^aUkurà' m^e^^ui ne<br />

foit connu de toute la Terre, dont Votre Majéfié Impériale<br />

fait P admiration ? Je me bornerai donc à joindre<br />

mes voeux à ceux de liûs Sujets pour la profpérité<br />

deV^otre Sacrée Majefié Impériale ^-Roïale ^ & pour<br />

la longue durée de fon Règne. ' -'^ ''<br />

Trùp'heureux y fi, en "eonfhcrmt hV.M. I. le fruit<br />

de mes veilles , Elle veut bien recevoir avec bonté cette<br />

marque de mon hommage ; Et plus heureux encore ,<br />

fi je puis tirer de msn expérience dans le Commerce,<br />

ûui efi Pamè des JEHati y 6? la ^fource de la félicité<br />

^2 des<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


(IV)<br />

dés Peuples ,ç ks moïens de le faire fleurir à P avenir<br />

dans les^ Pays de fa domiantien, avec plus de fuceès y,<br />

que k malheur des troubles ne Pa permis jusq^:à -préfent?<br />

C*eft dans ces fentimens, pleins de kèle ^^d^attachement<br />

y que j'^ai phonneur d*être avec le plus pro-^^<br />

fond rejped, fe? une, vénération infinie,<br />

MADAME,<br />

D E<br />

P'OTRE SACRÉE MAJESTÉ<br />

IMPÈRIALiE tT ROÏALE<br />

.à. téî trèS'humhïe, très-cbétjffhntt<br />

Çf triS'fidèU ServitettTy<br />

U à^erâier DOAâlNiaUE JAUNA.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


M:<br />

P R E F A CE.<br />

®Ç^V^® eut le monde efl affez perfuadé de la nécef^<br />

^jtV*^^ fité de PHifloire 5 foit univerfelle, foit<br />

^^¥S^^$ particulière, & que c'efi elle qui nous re-<br />

(^®^i^(l>^ met dans la mémoire des faits paffes, dont<br />

la connoifïance porte à l'efprit des lumières, qui l'éclairent,<br />

& au cœur des fentimens, qui le règlent, &<br />

le fixent à l'accompliffement des devoirs les plus effentiels<br />

à la Société humaine. 11 n'y a perfonne, qui ne<br />

fâche, que l'Hifloire, en nous raportant ce qui s'efi<br />

ff fait<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


P R E F A C E .<br />

fait & dit dans les fiècfes les plus reculés, expofe à<br />

nos yeux comme un tameau parlant du bien, & du<br />

mal, dans lequel nous pouvons difeerner les chofes,<br />

qui fbnt dignes de nos louanges, & de notre approba-<br />

' tion 5 de celles qui ne méritent que nos mépris &<br />

toute notre horreur.<br />

Le public éclairé n'ignore pas non plus, que l'expofition<br />

des adtions vertueufes, avec toutes les couleurs,<br />

qui nous les rendent aimables, attire d'abord nos attentions<br />

, & fait naître enfiiite dans nos cœurs le défir<br />

de les imiter. Il efl bien convaincu que les exemples,<br />

fournis par une Hifloire véritable, frapent ordinairem.ent<br />

plus les Hommes, que les raifens démontrées<br />

dans la Philofephie, & dans les autres feicnces, purement<br />

fpéculatives. Auffi l'entendons nous feuventdire,<br />

que les démonftrations Philofephiques tendent bien à<br />

prouver une propofition ; mais les faits, dévelopés par<br />

un Hiftorien fincère, paffent outre, & excitent en nous<br />

le panchant naturel, que nous reffentons tous à imiter<br />

ce qui nous plait.<br />

Je croirois donc juger peu favorablement du Public,<br />

fi je voulois m'arrêter à lui faire voîr les avantages, qu'il<br />

tfouvera dans cette Hiftoire particulière des Roïaumes<br />

de Cè^/pr^, àe, Jérufalem, & d'JS^j«/>^^; je penfe,<br />

qu'il fùfïlt de l'aflùrer, qu'il y verra ce qui flatte fe plus<br />

la nature, je veux dire la diverfité d'une infinitéd'évèfïemens^<br />

tous intérefîàns pour ceux qui veulent s'inftruire<br />

à fend des chofes, qui concernent ces trois différents<br />

Etats. Je fais, qu'on a déjà mis au jour de bons<br />

Gu-<br />

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P R E F A C E .<br />

Ouvrages , où les Auteurs ont inféré beaucoup d'endroits<br />

, qui ont quelque raport à ce que je donne<br />

au public; mais, outre que ce ne fbnt que des mor*<br />

ceaux, ou fragmens détachés, quine peuvent fournir<br />

une idée nette, & générale de toute l'Hiftoire,ils laif^<br />

fent encore à défirer les recherches néceflaires, que<br />

j'ai faites fiir l'origine, Faccroiffement, &kdécadence<br />

de ces Roïaumes, & de ceux qui les ont flicceffiverpent<br />

pofîëdés.<br />

Le grand nombre d'années, que j'ai paffe dans ces<br />

divers pays . & le fecours que j'ai tiré des langues qu'on<br />

y parle, m'ont mis à portée d'y découvrir bien des<br />

chofes , qui n'ont pu venir, ou qui ne fent venues que<br />

très-imparfaitement à la connoifïance des autres, j'ai<br />

lu à tête repofëe les Auteurs, qui en ont traité; je me<br />

fuis fervi de plufieurs Manuferits & Mémoires, qui<br />

m'ont été fournis; & je n'ai rien négligé pour comparer<br />

ce qu'ils en ont dit à tout ce que j'ai trouvé, &<br />

obfervé iTK>i-mème fur les lieux & parmi les habitans<br />

de ces différentes Régions ; Etje m. e fuis apperçu, qu'on<br />

a écrit beaiKX)up de chofes fur le raport peu exaft, &<br />

même très-fautif de quelques Perfennes, qui, ou ne<br />

les avoient pas vues, ou ne les avoient pas approfrondies.<br />

C'eft le motif, qui m'a porté à former le deffein d'entreprendre<br />

un Ou\Tage, qui auroit à la vérité exigé<br />

d'autres talens, que les miens, mais qui m'a paru fi<br />

important dans la circonftance des tems, & dans la conjondure<br />

préfente des affaires de V Europe ^ que ]hi mieux<br />

aimé expofer en quelque ferte n^ réputation, & me<br />

• ff 2 feu-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


P R E F A C E .<br />

Pour ce qui eft de la Chronologie, j'ai marqué à la<br />

marge les tems, qui m'ont paru certains, & les ai omis<br />

dans le cahos obfeur des premiers fiècles, auxquels<br />

on rapporte l'origine & les commencemens des Etats,<br />

qui font le fujet de mon Hifloire. Un Hiftorien, qui<br />

eft contemporain, peut & doit obferver ferupuleuiement<br />

l'ordre des tems. 'Toutes les dattes fent certaines<br />

pour lui ; mais celui, qui n'aïant pas ces avantages<br />

, veut cependant s'y attacher, prend feuvent le<br />

change, & s'expofe à de grands mécomptes, qui méritent<br />

toujours correétion. Après tout, quel travail ne<br />

feroit-ce pas qu'un calcul exadl, qui ne fe pourroit faire<br />

que par la rédudion des J^oques, des années, &<br />

des mois, des nations, qui nous font fi peu connues,<br />

à notre époque , qui efl différente? Ces recherches<br />

fans fin ne pourroient nous afîurer à fonds, qu'il n'y<br />

eût point d'erreur dans la fùpputation ; Et enfin, pourvu<br />

que les faits, & leur fùcceflion feiient nettement rapportés<br />

dans leur ordre natui^l, il n'importe podnt tant,<br />

qu'on fâche à point nommé dans quelle année, dans<br />

quel mois , ou dans quel jour, ils font arrivés. J'ai<br />

cependant obfervé ^dans le cours de mon Hiftoire, les<br />

tems les plus marqués, & qui font à mon fojet, pour<br />

fervir d'époque aux évènemens les plus confidérables.<br />

lis font comme des points fixes, qui foutiennent lamémoire<br />

, & arrêtent la trop grande vivacité de l'ef[:)rit,<br />

qui le feroit gliffer trop précipitamment dans un labirinthe<br />

, où il fe perdroit.<br />

J'ai mis plus de tems à examiner la fobftance des<br />

faits ^<br />

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P R E F A C E .<br />

' faits, & à les rendre évidens : mais, pour éviter les répétitions,<br />

qui auroient trop groffi mon Ouvrage, &<br />

caufe de l'ennui aux Lefteurs, j'ai cru devoir joindre<br />

à l'Hiftoire de CSypre, ce qui concernoit celle de Jérufalem<br />

, & ^Egypte, lors que les évènemens ont été<br />

néceffairement liés enfemble par l'ordre des tems. Autrement<br />

leur raport n'auroit pas été aperçu, & la narration<br />

en eût été mutilée , l'eifprit n'aïant pu voir la<br />

place, où les faits dévoient naturellement fe trouver.<br />

D'ailleurs ces évènemens, tant ceux qui touchent la<br />

Religion, que ceux qui regardent la focceffion des Souverains<br />

, qui ont régné dans ces pays, & les guerres<br />

différentes, qui s'y fent faites, ont un enchaînement<br />

fi effentiel entre eux , que la divifion, ou la feparation,<br />

n'en eût fait qu'un fquélette , dont tous les membres<br />

auroient paru disloqués.<br />

Quant à VEtat préfent de VEgypte, que j'ai cru devoir<br />

ajouter comme une troifième partie de cet Ouvrage<br />

, ce n'eft proprement pas une foite de l'Hiftoire de<br />

ce Roïaume. Je penfe l'avoir affez developée, depuis<br />

les endroita, où elle a eu quelque relation aux deux<br />

autres. J'aurois pu auffi l'écrire en ftile épiftolaire, &<br />

foppofer , que j euffe répondu à des perfonnes, qui<br />

m'euffent écrit préalablement pour s'informer des différentes<br />

matières , qui en font le fujet : Mais ce def^<br />

fein m'aïant paru une efpèce de fidion, qui peut faire<br />

foupçonner un Auteur , de vouloir donner l'effer à<br />

fon imagination, pour étendre fà matière par des tours,<br />

qui lui font étranges; je me fuis renfermé dans la fim-.<br />

pli-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


P R E F A C E .<br />

plicité d'un ftile ordinaire, plus propre à inftruire, qu'à<br />

amufer les Lefteurs.<br />

On trouvera à la foite de V Etat-pré fent de VEgypte<br />

un examen des moïens , qui paroifîent les plus faciles<br />

de faire, & de conferver la conquête de ces charmans ,<br />

& riches Etats. Le Public jugera de la folîdité des raifons<br />

, qui appuient ce petit Ouvrage , qui fera foivi d'une<br />

Difièrtation for les Caradères Hiéroglifiques des anciens<br />

Egiptiens. Cette dernière pièce, fi je ne préfome<br />

pas trop, pourra être du goût des gens de Lettres,<br />

quî y trouveront un cara6lère de nouveauté, non dans<br />

la manière, dont elle eft écrite, mais dans le fond du<br />

fojet en lui même.<br />

Je fopplie le Public de vouloir bien jetter les jeux for<br />

le fommaire de tout l'Ouvrage, qui lui fera préfenté<br />

conjointement avec cette Préface. 11 verra, par cet<br />

abrégé, fi le contenu dans toute fen étendue, peut<br />

attirer fen attention.<br />

Comme dans le corps de cet Ouvrage, je traite de<br />

la maifen de Luzignan, & en raporte la Généalogie<br />

dreffee par le R. P. LUT^IGNAN , à caufe que cette<br />

Jlluftre Famille a été longtems en poffeffion des Roïau-,<br />

mes de Chypre , & de Jérufalem, c'eft-à-dire depuis<br />

l'an 1185. jufqu'en 1474. quelcun pourroit fe formalifer<br />

de ce qu'il n'y a pas auffi été traité de la Sérénif^<br />

fime Roïale Maifon de Lorraine, à caufe qu'elle porte<br />

le titre de ces mêmes Roïaumes.<br />

Mais les Lefteurs me pardonneront aifement ce péché<br />

d'omiffion en confidération de la variété d'opini-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


p R E F A C E.<br />

nions 3 -qtt'if y a parmi les Savans for la dite Généalogie,<br />

puâque cela m'auroit ohlîgé Centrer fîir ce fojet<br />

Aurts unedifeuffion beaucoup pJus «n^e, que les pro-<br />

"pofitîons de POuvrage ne Pauroienf permis.'" La vacation<br />

des autres me confirme dans ma maxime. Mr. DE<br />

^UEt)0EVïLLE, dans {on nouvel Atlas, ne nous dôiine<br />

t^il pas en problême cette Généalogie?; L'Auteur<br />

^de la Vie de St. Norbert n'en fait-il pas de même ?,<br />

Et, après tout ce quele P. ViGNiER, BLONDEL,<br />

IMHOF, le Père HUGO, ECCARD, & le très-R. P.<br />

CALMET , ont établi touchant l'origine prife d'ExHi-<br />

CON, Pr. Duc d^Allemagne, & la ligne aînée par E-<br />

THicoN II. HUGUES premier, & EBERARD IV. Frère<br />

de CONTRAN le Riche, n'a-t'on pas vu paroître à<br />

l'improvifle un Ouvrage, quî tend à renverfer de fond<br />

en comble ce dernier fyflême? Il porte le titre de Généalogie<br />

Diplomatique de la très-Augufie Maifon S Autriche,<br />

à Vienne l'an 1737. approuvé de Perfonnes du<br />

premier ordre, imprimé aux d^ens de la Cour, annoncé<br />

avec des applaudifîèmens, & louanges infinies de<br />

l'Auteur, In Adis Eruditorum, &'dans les Nouvelles<br />

Littéraires de Ratishonne, orné de toutes fortes<br />

de figures en taille-douce , & dans tout le refte d'une<br />

grande magnificence, à laquelle a répondu celle<br />

des riches récompenfes du Souverain; Cela ét^it<br />

àinfi, qui efl-ce qui oferoit plus râifonner, ou dire fon<br />

fentiment contraire ? Je penfê d'avoir raifon de m'être<br />

abftenu d'entrer dans des détails, qui m'auroient infailliblement<br />

jette dans des embarras, qui ne conviennent<br />

tt t point<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


p R \E F A C E.<br />

point à mon fojet principal. J'ajouterai 'feulement,<br />

,qûe tous les Orientaux, que j'ai lorig-téms pratiqués,<br />

tiennent par tradition, & croyent fernîenpient, que<br />

.GODEFROY DEBOUILLON, premier Roi Chrétien<br />

ào, Jérufalem, fut le Chef de la Roïale Maifon<br />

de Lorraine, aujourd'hui régnante. La raifon en eft,<br />

que leur ignorance ne leur permet pas de s'appliquer<br />

à critiquer l'Hiftoire, & la Chronologie, comme font<br />

nos Savans $ Europe.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


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<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


SOMMAIRE<br />

DE<br />

L^H I S T O I R E<br />

DES<br />

R O Ï A U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE. DE JÉRUSALEM.<br />

ET D'EGYPTE.<br />

L I TRE PREMIER.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R . .<br />

L pv ifpoftîom de fjuteur. Incertitude fur les premiers Noms de Chypre ,<br />

JL/ C3* de fes habitans. Raifons de cette incertitude. Origine des divers<br />

noms de l'Ile. II. Divers fentimens des Grecs fur le mot Kupros. Situation<br />

de Chypre. Faujfe opinion-des Anciens. Defcription de Vile. Sa<br />

divifion. Superfiition des Chypriots. Erreur de dvoers Hiftoriens. Nombre<br />

des Filles de Chypre. Des yUlages, Des Habitans. Maffacre des<br />

Chypriots par les Juifs. Maronites foumis à l'Eglife Latine. Raifons<br />

de l'obfcurité de l'ancienne Hifloire de Chypre. Erreur du Père Luzignan.<br />

Opinion ^Hérodote, tailles Roiales de Chypre, Amathonte. Temple<br />

^'Adonis. Dé Venus. Origine du culte de Venus. Fable des Propé»<br />

tides. Enlèvement àe 80. Kimpbes par Didon , qui les emmena à Cartage.<br />

Fable de Thefée, âf d'Anadne, inventée à ArmthontQ. Deflruc<br />

tion i'Amathonte. II. Paphos, Temple le plus ancien de Vénus. Proçeffions<br />

en l honneur de Vénus. Culte de Vénus apporté de la_ Paleftine.<br />

Deux Cyniras. Cyniras, Fils de Sadoc, vient en Chypre. Fondation<br />

de CarpafTo. Cyniras, Fils ^'Agriopas. Paphos ruinée. Baffo en fa<br />

place. Citium bâti par les Phéniciens, ou Tyriens. Naiffance de Zenon<br />

à Citium. Iles de la mer Méditerranée apellées Kittin dans la Bible.<br />

Chypriots , connus fous le Nom de Kithiens, du tems de Moïle Chypriots<br />

affranchis du joug des Tyriens. Fille, Êf Rsiimime de Malum.<br />

• Ltur<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Leur ruine. Salamine aujourd'hui Famagoufte. Sa fomation par Teucer.<br />

Temple àe Jupiter Grec. Àffrofi fait à la Reine Phéretime par le<br />

. Roi EveltoQ^ Lapathpj , ^ Soli. Origine du mot Solécifme. Soli du<br />

mm àe Solon, Ch^rie^ tfï*^^tri3^ g J rT '^. f<br />

C H A P I T R E a S E C O N D .<br />

pAmafifXRoî ilg/Bte , p|^w Chyire. Chyâriots îdwsyi Camhgs<br />

"Contre JbAgyptiif.-t)o«(rtf«^ijr Dariu^'S^ ^^ Xi;xes, i{2^rj /« {Jïï;<br />

priots. Superfiition àcs Chypriots. Chypie fous la àominat ion àe s Perfes.<br />

IL Chypre;»arfj^


s o M M A I K Z<br />

en Mer prendre poffejjten. ^Richeffes imtHnfes emportées de Chypre,'^ar<br />

i Cttôn. m. Tréfors àe Chypre épuifés par Ptolomée , pur acheter la<br />

faneur àes Romains. MâUvais fuccis àe Ptolomée. Il fait wcwrir Bérénice,<br />

fa Fille. Mort ^5 Ptolomée Aulètes , ou le Fluteur. Succeffion de<br />

.Ptoiomée Dénis, ouBacchiiSyàfon Père Aulètes. Ptolomée, le jeune,<br />

i - mmmé Rot de^Chypte ,; par Céfar. /{{fàffiné par ordre du mémeCéùu:.<br />

'^tinâton des ?iô\cmées


S O M M A I R E .<br />

Hefh arrofée que par des torrens. Source de Chitrie, qui fait aller i6. moulins.<br />

Jardirt de l'Auteur, contenant 12000. vieuriers, ^ plufieurs autres<br />

efpèces d'arbres. Machines nommées Alakati, ou Sakie, pour puifer Teau<br />

des puits. Manière de cultiver les meuriers en Chypre. Soie de Chypre<br />

plus pefante y que selle des autres pays, ^empldiée aux étofes d'or, 8* d^argent.<br />

Abondance de Cotton. Qualité des Chypriots. Chypriots amateurs<br />

de Foifiveté , de la 'bonne chère , de la magnificence, & de la volupté.<br />

Leur taille médiocre, 6f leur couleur bafanée. Habitans àes lieux éloignés<br />

de la mer très-blancs. II. Illuflres, (^ faint s perfonages de Chypre. Jofeph,<br />

OM St. Barnabe. Jean,/«rnomw^ Marc, ^fa Mère Msnie. Nicanor<br />

un des VII. premiers Diacres. Mnafon, difciple àes Apôtres. PIUH<br />

fleurs Chypriots Martirs Evêques. St. Ephiphanei Evêque àe Conftance,<br />

eu Salamine. S. Sprridion, Evêque àe Tremitos. Anteraius, Evêque àf<br />

Salamine. St. JeanTAumonier «ûÉz/'^'Amathonte. Léonce, Evêque de<br />

• Limifok Autres illuflres perfonnages Chrétiens. III. Savans. Afclépiade,<br />

. Médecin. Nicagoras, Hiftorien. Zenon , Phîlofophe. Dexiphanes, ArchiteSte.<br />

Démonax , Philofophe , modèle de vertu Païenne. Son portrait.<br />

Autre Zénçn, Médecin. Hermias Sozomène, Hifiorien Eçcléfiafiique.<br />

Onéfime, Sophifte , ^ Orateur. Famille des Ophiogènes. IV. Chy»<br />

priots de tout tems peu aàonnés aux Armes. Rares qualités i'Henri Ca-<br />

, tharin de Davilla. Femmes Chypriotes, qui ontfait des avions béroïque/»^<br />

Axiothée. Renée de Rochas.<br />

LirRE TR O ISIÈME.<br />

CHAPITRE PREMIER.<br />

ï. Dîterfes opinions fur l'origine i


S O M M A I R E .<br />

C H A P I T R É S E C O N D .<br />

I. Permiffion accordée aux Amalfitains de bâtir un Temple à Jérufalem.<br />

Le Préfident leur accorde une place vis-à vis le St. Sépulcre. Ils y établiffent<br />

une Abbaye de Bénédi6lins. Origine de fOrdre de S. Jean de Jeruiàlem.<br />

Fables fur l'origine de cet Ordre. Origine des Turcs, qui s'emparent<br />

de Jérufalem. Turcs unis i Artaxerxes, Roi des Pwtûiçs, contre Alexandre<br />

Sévère. Chypre menacée par les. Turcs, fous le Nom de Scytes.<br />

Turcs divifés en deux Factions. Origine des Huns en Hongrie, ^ des<br />

Turcs dans les Palus Méotides. II. Turcs devenus un feul Peuple avec<br />

ies Sarrafins. Erreur des Hiftoriens touchant les Sarrafins. Mahomet apelle<br />

les Turcs àe Perfe à fon fecours contre les Sarrafins ^Egypte. L'Empire<br />

Grec mal gouverné par des Princeffes. Perfécution des Chrétiens , fouf le<br />

gouvernement des Turcs. Première guerre Sainte, ou Croifade, fous Urbain<br />

Second. Belchfond, Chef des Turcs, partage fes conquêtes entre fes quatre<br />

Neveux. Défcùte àe l'Armée àe Soliman par les Chrétiens. ProdigieU'<br />

fe Armée àes Croifés. Siège à? prife rff Jérufalem par les Croifés.<br />

CHAPITRE TROISIÈME.<br />

I. Situation de Jérufalem. Toui les '^ypûens de JéruCaleTù pafjes au fil de<br />

Tépée, Délivrance àes Chrétiens captifs. Première donation faite à l'Hôpi^<br />

. tai de St. Jean àe Jérufalem. Godefroi àe Bouillon, Roi ^^ Jérufalem.<br />

Sa moàeftie. Sa mort. Ses rares qualités. Baudouin, Frère ^ ^ Succeffeur àe<br />

Godefroi. Prife de plufieurs Filles par Baudouin. Sa mort. Sa^fepulture,<br />

. IL Baudouin, Comte dEdeffe, monte fur le trône. Il efl fait prifonnier. Son<br />

élargiffement. Sa mort. Origine àe Wràre àes Templiers. Foulques, Comte<br />


û O' M M A ï R Ë.<br />

à Antbche. Confeil gènétat ienu k St Jean d*Acrô fur les epérations de<br />

la Guerre. Réfolution d'attaquer les Sarrafuis de Damas. Siège de cette<br />

Place par les Chrétiens.'Fauffe démarche des Chvéderis. Levée du Siège.<br />

II. Retour de tBmpeteur Conrad en Allemagne, ^i«7Î02 Louis fwFran-<br />

'^ ce. NorMin dUns la Principauté d^Anûqche. Rétour de Baudouin/ij-é-<br />

"' fufaiefn. Diffent'm entre M, ^ fàMèft. Accord eme eux. III. \SilUation<br />

^Napôulô'ufei autrefoù Siàien. Origine^ ^fignification du Nçm<br />

' de.Sàmmmn. Nouveflf rupture entre le Roi BaUdomn. IV. ^ fa Ji^re.<br />

liètraité de )a Riîne dans la teur de ÎDavid. Noradin, 8* le Soudan rflco-<br />

*:_nium,/g retirent dans EdefTe. Chrétiens /Edefle conduits par Bauçlouin.<br />

' Habitans d'EÛQWù bien ref us par les Seigneurs, ^Bourgeois d'Antioche. W".<br />

Jérufalem furprife par deux Turcs nommés Joraqnins. Conftemation àes Éfa.»<br />

^'l^ir^ViifJèrrfllit^m'. Barbares en àérôute. Leur défaite au nombre de foooo.Les<br />

'fifçào'ûiib$ "^èîeiit ravager tèurs terres y fans ofet fortir'. Siège /Afcalone<br />

*^jjAr'Baudouin. Sit^iatlon àè'cette Fiïje. Ses fortifications. Ses Bourgeois<br />

'' ùguUfris. ' LoUguefir du ^ié^e. DifpoJltioK des Chrétiens à kver li. Siège.<br />

Oppojîiioilda Maître de /"Hôpital^ la levée du Siégé. Prife J'Afbalône par<br />

capitulation^ 4^''jins de gracies après la prife delà Fille.<br />

,îN ^ G H AT I TR E S E C O N D . ^^ • ^ •••<br />

L^DiffenthinfceMialewfh entre les Eccléfiaéiques, i^ les Hofjwtalieirs. Mafi<br />

facre du Caîîfe J'E^jpie par le Souàan £beys. Mafjhcre du Soudan Ebeys,<br />

8* prife de Nofèradm , /on Fils, par les Hofpitaliers ^ ks Templiers.<br />

f Avantages dès Barbai-esy«r les Chevaliers. Siège dt Belline, par Noradin,<br />

Plufieurs Habitons paffés du fil de Vépée. Levée du Siége^ II. Second Siège<br />

.'


s a M M A I R E.<br />

^,J^\mfriç. UI. Tentative de Nqr^iç^ fur Tripoli. Fiâolrfi, •^.dépouilles<br />

^ffétnporiks fur j>fQradin ^'par des Selpiem ÎEÏA^ÇOÏS. Fic^oire, remportée<br />

\fur. BaemonvJ, ^fes -Confédécés. Çcliiné fe rend à Norsidin.<br />

^- ^<br />

C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E .<br />

I Syracon avec fon Armée dans le Rokume de Jérufalem. Douze Cheval ers<br />

dufTem^le pendus par ordre J'Almédc Syracon difgracié par P^oradin.<br />

'\Ii^s'infinue kviprh du Calife de''^^d^. flfait efpérer à ce Calife la con-<br />

^^ quête de fEgypt^ Le'CaUfe fait\afferhbler des-Troupes, pour fondre fur ï E.-<br />

" gypteç. n. Erreur de^plufieurs Aà^iirs-touchant ia Fille de ^^gdz.d. Mar-<br />

'^che ïfAitnéric vers fE^pte. 'furprife de Sannar h farrivée à'A\métic.<br />

jMmèric reçu gracieufement par S'axirr^r. Erret^ àes Hiftoriens au fujet au<br />

^' Caire , pris pour Mempliis. • Origine àes Califes, & Ce qui àonna lieu<br />

' à leur'àiviJiBir.. Berbéce*, Succeffeur ^^ Mahomet. Rêveries d Ah, pour<br />

•' f oppofer à Mihbmei. III. Turcs divifés eii deuxfe^es. Révolte d AhdiU çon-<br />

'/tre les Mahamétntis. ^jrpend leiftMdt C^hïe.^ Fondation de la Filk du<br />

•' Caire par Géoar.. Le- Caire,'Siège RàWdés Ça-lifs-s, àefcehàans d'Ah.<br />

• Calife d^'gypte'apèjlè Mulène , ceft-à-dire'l'^Notre Seigneur. Le trop<br />

grand pouvoir des Soudans caujh de la àefiruSiion des Califes. IV. IJ Armée-<br />

'• de Syrzcon'fouffi-e- dans les'-fables r^'Egypte. -Alméric k pourfuit inutilement.<br />

Renouvellement' de paix entre Jérufalem, 6f/*Egypte. Ratification<br />

du Traité àe paix par le Calife, péfaiîe de SyrdiCon par le Roi. Action àe<br />

Baben. Alexandrie 7^' rend à Sytxcon.'''Mkrdbé'Jjim toncer'tée àe l'Armée<br />

rftf Syracon. 6'%e/i'Alexandrie pwr Alméric. Traité àe paix entre Almé-<br />

•^ rie,i/*5o^«,'â? Syracon.-; '*' "-.'• '"',•• ' '<br />

• •;>)r.<br />

' ^ Z. m i E''c INQ^ UIEME.<br />

!l • G H A P i T RE P R E M I F. R.<br />

:j.- — - - - - - - - • ,- -.. y,\<br />

H Deffein à'Ahmric fur /'Egypte. Cmféàérafmijêntre I Empereur ^T^VMiet,<br />

i§ Alméi'ic fur. ce^ fujet. Habitam àé Pét-ifum^ pa/J?^'j au fij àe répée,-<br />

Aàdreffe àe Sannar. Àar/Ve ^f Alméric. Sannar/m/j^/^ Cuire'. LArviée<br />

de"Diimi$ au fecours de'Sann^ir. Honte, ^ punition à'A]rriLiic. Politique<br />

^tf Syracon. Le Souàan affaffmé ^ fes àeux fils étranglés. Syracôh reconnu<br />

Souààn. II. Dernier Calife d'Egypte maffacre par S2i]4din. Secours<br />

demandé par Alméric, ^'envoiepar Emanuet Aïmériè^pmpoMr /'E-<br />

. gypte, asicc les Templiers , ^ /^x liofpitaliers., Leur arrivée à Di-<br />

'ftiiettfe.. Situation àe cette Fille: fiùjnpdjAXmèric devant Damiette. :^^^<br />

de cette Fille. Six Galères brûlées par les Affiégés. Levée du Sic-re. Partie<br />

de la Flotte Gréc


S O M M A I R E .<br />

une partie de la Syrie-Sobal. Effets terribles des tremblemens de terre<br />

dans k Roïaume de Jérufalem. Ravages commis par Saladin dans la Syrie-Sobah<br />

IV. Schifme àans l'Eglife. Siège dAïzc par Noradin. Levée<br />

du Siège. Mort de Noradin.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. Peuples nommés AfMCms. Leur foumiffion envers leur Souverain, appelle k<br />

\^ieux. Origine du wof Aflaflîns. Leur Religion. Leur deffein de Je faire<br />

Chrétiens. Générofité ^Almérie, ^ Avarice des Templiers. Barbarie<br />

des Templiers. Excufes du R


S O M M A I R E .<br />

Ninîve. IIL Le Roi Baudouin à Céfarée. Prife dAlep par Saladin. Baudouin/*aff<br />

fa démiffion de la Souveraineté en faveur de Gui de Luzignan.<br />

jaloufie des Seigneurs du Roïaume contre Gui de Luzignan. Mauvais fuceès<br />

des Chrétiens caufés par cette jaloufie. IV. Couronnement àe Baudouin<br />

V. du vivant defon Oncle. Montréal affiégé par Saladin. Levée du Siège.<br />

A^ion peu mefurée de Baudouin. Gui àe Luzignan, Gouverneur du jeune<br />

Roi.<br />

C H A P I T R E CINQ^UIEME.<br />

I. Ambaffadeurs de Jérufalem envoïés en Europe. Secours promis aux Ambaffadeurs.<br />

Erreur au Chevalier Toxxn àans Jon Hiftoire. IL Excufes des<br />

Rois t/'Angleterre ^ de France, au fujet au voïage àe la Terre-Sainte.<br />

III. Les Ambaffaàeurs renàent compte au Pape, àe leur Négociation. Le<br />

Roi de Sicile, Général àe la Croifade. Départ des Ambaffadeurs pour Jérufalem.<br />

LITRE SIXIÈME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I. Chagrin de'èz.u.domn au retour des Ambaffadeurs. Sa mort. Son inhumation.<br />

Faux préjugés de quelques Hiftoriens. Conteftations entre les Grands du<br />

Roïaume. Sybile, £5^ Gui de Luzignan couronnés. II. Arrrivée du Marquis<br />

de Montferrat à Jérufalem. Le Comte de Tripoli yè fait Turc, dans<br />

l'efpérance àe régner. Siège àe Tibériade par Saladin. Faleur àes Chrétiens<br />

àans le combat contre Saladin. Fuite àe Saladin. III. Rufe s du<br />

Comte de Tripoli. Sa feinte réconciliation avec le Roi Gui. Imprudence<br />

du Roi Gui de Luzignan.<br />

CHAPITRE SECOND.<br />

I. Long, 6f fanglant combat entre les Chrétiens £^ Saladin. Lâcheté ^<br />

perfidie du Comte àe Tripoli. Le Bois àe la Croix pris par les Barbares.<br />

Défaite àe l'Armée Chrétienne. Barbarie àe Saladin. JI. Siège ^ reddition<br />

àe Ptolomaïde. Saladin Maître àe la plus grande partie àe la Paleftine.<br />

Saladin obligé àe lever k Siège rf'Afcalone. Jérufalem fe rend<br />

à Saladin , par capitulation. Trifte fortie àe la Reine, au Patriarche y<br />

(^ àe la Bourgeoifie àe Jérufalem. III. Entrée triomphante ^ff Saladin<br />

dans Jérufalem. Jl permet aux Chrétiens Orientaux de racheter le St.<br />

Sépulcre. Remarques curieufes. Tentative de Saladin fur Tripoli de<br />

Syrie. Réfolution des Tripolitains. Mort du Comte de Tripoli, Entre-<br />

* * prife<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

*


S O M M A I R E .<br />

prife de Saladin fur Afcdone. Reddition J'Afcalone* Dureî conditions<br />

exigées par Saladin du Roi de Jérufalem.<br />

C H A P I T R E T R O I S I E M E.<br />

1. L'Europe prend part au malheur des Chrétiens Orientaux. Siège de<br />

Tyr par Saladin. Situation de Tyr. Figoureufe défenfe de la part àes<br />

Affiégés. Offres àe Saladin rejettées. Défaite àe la Flotte àe Saladin.<br />

Honteufe fuite de Saladin. II. Progrès* de Saladin dans le pays rf'Antioche.<br />

Chrétiens Orientaux fecourus par ks Européens. Desunion<br />

entre les Princes Chrétiens. Gui mis en liberté par Saladin. Saladin<br />

battu par les Chrétiens. Saladin au fecours àe Ptolomàxde'y affîégée par k<br />

Roi Gui. III. Defcription àe cette Fille. Campement àes àeux Armées.<br />

Flotte de Coni^td, Prince àe Tyr, àevant Ptolomaïde. Difpofition àe<br />

l'Armée Chrétienne, èf àe celle àes Barbares. Commencement au Combat.<br />

Jcciàent remarquable. FiStoire àes Chrétiens Orientaux. Mort d^ Guillaume<br />

, Roi de Sicile, appui àes Chrétiens Orientaux. IV. Contagion<br />

àans le Camp àes Chrétiens. Leur àéfespoir, caufe àe leur àéfaite. Differenà<br />

entre Gui, ^ Emiroi àe Thoron. Conrad àe Tyr ksfupplantetous<br />

les àeux.<br />

C H A P I T R E Q^TT A T R I E M E.<br />

t L'Empereur Frédéric eft bien refit par Bella, Roi ^^ Hongrie. ^Trahifm<br />

de f Empereur Grec envers Frédéric. Paix entre les deux Empereurs.<br />

C(p«aî^'Iconium défaits, ^ mis en fuite par Frédéric. FiBoire complette<br />

de cet Empereur. 11. Defcription S'Iconium. Cette Fille abandonnée<br />

au pillage. L'Empereur accorde la paix au Souàan dîconium. Trifte<br />

mort àe Frédéric, vainqueur àe Szffsidin. Eloge àe Frédéric L III. Frédéric<br />

, fin Fils, reconnu pour Chef àe l'Armée Chrétienne. Saffadin<br />

battu par Frédéric II. Arrivée àe l'Armée de Frédéric, Duc de Suabe,<br />

ill Antioche. Batailk gagnée par les Chrétiens. Frédéric. L inhumé<br />


s o MM A I R E.<br />

II. Arrivée du Roi de France à Ptolomaïde. Le Rot d'Angleterre arrif}e<br />

à Ptolomaïde , avec le Duc Ifaac en chaine, Brouilleries entre les<br />

François 6? les Anglois, caufée par la lenteur des derniers à féconder les<br />

premiers. AStion héroïque d'un Noble Florentin de la Maifon de BonaguiG.<br />

Réconciliation entre les François, 6* les Anglois. III. Le Roi de France<br />

force les affiégés à demander Capitulation. Traité de reddition. Nombre<br />

Êf 'qualité des Seigneurs , qui périrent au Siège de Ptolomaïde, Gui de<br />

Ltuagnan déclaré Roi de Jérufalem. '<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I, Origine de T Ordre Teutonique. A6tion violente du Roi dAn^e^erte,<br />

caufi du maffacre des Chrétiens. Portrait de Ciment prifonnier dans VAr-<br />

^«^^'Françoife. Ses avis aux Princes Chrétiens.- ^gement^ de l'Auteur<br />

fur le^ avis de Caracut. IL Renouvellement du démêlé entré Gm&Conrad.<br />

Accord réïté,ré entre Gui ^ Conrad. III. Progrès de Saladin p#«dant<br />

les àifputes, è* la négligence des Chrétiens. Jaffa repris, i^ Saladin<br />

mis en fuite par les Hofpitaliers £? les Anglois. Rupture ouverte entre<br />

les àeux Rois Philippe Ù Richard. IV. Départ du Roi de France dé<br />

Ptolomaïde, ^ fon arrivée à Rome. L'Exemple de Philippe eft fuivi par<br />

k Duc d'Autriche, ks Vénitiens, /ffx Génois, ^ les Pifans. Camp de<br />

Richard affoibli.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Saladin, inftruit de l'affoibliffement de l'Armée Chrétienne , fe préfente<br />

à fa vue. L'Ik àe Chypre engagée par Richard aux Templiers pour<br />

2 y ooo. Marcs d Argent. Fortifications àe Ptolomaïde réparées. Sanglant<br />

combat près dAffm entre P Armée Chrétienne, £*? celle àe Saladin. Fi5toi'<br />

re complette àes Chrétiens fur Saladin. II. Négligence àes Chrétiens à<br />

profiter àe la Fî6toire, Mort tragique àe Conrad, Prince de Tyr. Richard<br />

, Roi ^'Angleterre, calomnieufement accufé de cette mort. L'Auteur<br />

de ce Meurtre découvert. III. Emfroi de Thoron affaffinê. Richard<br />

Roi de Jérufalem, 6* Gui, Roi de Chypre, par échange.<br />

L I rR E HUITIEME.<br />

t<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I. Départ de Gui, pour aller prendre poffejpon du Roïaume de Chypre.<br />

Grands préparatifs peur la Conquête de J^érufalem. Troubles dans les Etats<br />

de Richard, caufe defon départ, II, Traité des avantageux pour les Chré-<br />

** a dens.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E ,<br />

tiens. Rifittimàe routeur. Richard arrêté en Autriche. Rajjpn<br />

exceffive pour fa liberté. IIL > Mort, au Duc de Bourgogne i Ptolomaïde,<br />

8* retour àes François en Europe. Henri, Cowre ^rChampagne, refufé<br />

conftammant le titre de Roi de Jérufalem. . .<br />

CHAPITRE SECOND.<br />

I, Prudence, £? douceur dé Gui àans fon gouvernement. Son attention à f4r<br />

peupler fon Roïaume. Liberté, àonnée aux Jiffèrentes fe^es, àeprofeffer<br />

leur Religion en Chypre. Prééminence accoràée par le Roi aux Evêques<br />

Latins fur les Grecs. II. Etabliffement àes Loix fondamentales £5* des<br />

Tribunaux dans l'Ik. Réformation dans les .Troupes. Réparation des'<br />

Fortereffes. Murmures à l'occafion des impôts. III. Diffimulation au Roi<br />

àans cette conjonâture. Sentimens des^ Auteurs, partagés.<br />

dan mal fondé..<br />

Celui de Lore-,<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E . .<br />

h Divifion , £5* guerre entre les Chrétiens


S O M M A I R E .<br />

C H A P I T R E , S I X I È M E .<br />

I Mariage, 6? Coiiromiement ff Alméric à Ptolçmaïde. Mort de VEmpe*<br />

reur Henri., caufe des brouilleries en Allemagne, S du départ des Alle-<br />

^ mands. II. Inutilité' àes Négociations àes Artibaffadeurs du St. Père en<br />

France, Ê? f» Angleterre. Jaffa pr//^ par/w Infidèles. Accommodement<br />

avec les Sarrafins. IIL Guerre entre les Templiers, ^ les Hofpitaliers.<br />

Paix entre eux par ià'crainte àe l'excomvmnication.<br />

' ' ' , . • '<br />

G BT A P 1 T R E S E P T I È M E .<br />

L Soins


s o M M ^A l R E^<br />

CHAPITRE S E co N D.<br />

L Guerre pernideufe entre ks Chrétiens de Syrie. Les Turcs, £? ks TZT"<br />

ta.ret'baîîusen.Arméviie. II. Jean i/* Brienne élu Roi


S O M M A I R E .<br />

g* rafis par Coradm. • III.. Suite du-Siège de Damiette. Repentir des<br />

Chrétiens d avoir fuivi les avis du Légat. Secours arrivé à l'Armée Chrétienne.<br />

IV. Coradin au fecours des affiégés. Il ef^ défait. V. Mélédin<br />

attaque la Cavakrie Chypriotte , ^ l'Infanterie Italienne. Il eft<br />

vaincu.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

l. Le Roi de; Jérufalem retourne attaquer, Mélédin dans fes retranchemens.<br />

Jl per à la fleur àe fes Troupes, 8 a bien àe la peine à fé fauver. \Sei-<br />

. gneurs morts , ou faits prifoniers. II. Fermeté àes affiégés. Extrémité,<br />

ou ils font réàuits. Entrée des Chrétiens àans Damiette. III. Retraite<br />

de Mélédin au Caire. Difcorde entre le Roi, B^ le Légaf, ^ Retour du<br />

Roi en Paleftine, Réflexion politique. Mélédin/a2> des courfes jufqu'aux<br />

portes àe Damiette.. Arrivée àe plufieurs renforts à l'Armée Chrétienne,<br />

C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />

....,..„., J,..., .., _—. , „, — - — — \ — — ^ »<br />

^ les conàitions. II, Confiernation àe la garnifon àe Damiette. EUefe<br />

rend enfin. Mécontentement des Chrétiens. Mort àe la Reine àe-JérufiLlem.<br />

Frédéric II. follicité par Sàltzs., Maitre àe TOrdre Teutonique,<br />

à fecourir /a-Paleftine. L'Empreur y confent.<br />

L I f^ R E D I X I È ME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I Troubles àans le Rdlaume àe Chypre-, caufes par les àeux Clergés. Hf<br />

' font appaifés, II. Fdîage au Roi àe Jérufalem à Rome. Confentement<br />

du Roi au mariage delà Princeffe lolandeyà Fille, avec l'Empereur Frédéric.<br />

III. Croifade prêchée par tout. Le g, fait par Philippe, Roî de<br />

France , en faveur de la Croifade. Mariage de lolande avec Frédéric.<br />

Prétenfions de l'Empereur Frédéric Renonciation de Jean de Brienne à la<br />

Couronne de Jérufalem^<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. La Reine de Chypre fort dé fon Rofaume: Troubles dans ce Roïaume.<br />

Lis Seigmurs //'IbeHn obligés de reprendre Tadmràftration du tout. II.<br />

La<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

La Reine promet de fe remarier au Comte de Tripoli. Ambition ie ce<br />

Comte. Promeffe de mariage entre la Reine 8 ce Ceinte annullée. ^ IIL<br />

Retour de la Reine en Chypre. Reflexions morales. IV. Rufes de l'Em»<br />

pereur Frédéric. // eft preffé tar Grégoire IX. d accomplir fon Fœu<br />

pour la Paleftine. Frédéric s embarque à Brindes avec le Patriarche de<br />

Jérufalem.<br />

thème.<br />

V. Anathême fulminé contre Frédéric. Raifons de cet Ana»<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Fangeance de Frédéric. Tentative qu'il fait contre l'Ile de Chypre. Son<br />

arrivée à Limifol. II. Lettre captieufe de Frédéric au Seignenr àe Baruth.<br />

Ses prétenfions 8 fes violences injuftes. Confufion, qu'il reçoit.<br />

in. // eft froiàement reçu à Ptolomaïde. // s'attire le mépris àe Mélédin.<br />

Lâcheté àe Frédéric. IV. Son empreffemènt àe revenir en Europe.<br />

Il fouff're mille outrages àe la part àe Mélédin. V. // refufé daller à<br />

Jaffa, malgré la parok àonnée. Conàîtions àe la Paix conclue par les Ambaffadeurs<br />

de Frédéric avec Mélédin.<br />

C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E .<br />

I. Le Traité de paix àesaprouvé àe tous. Obflination àe Frédéric. IL Toutes<br />

ks Eglifes àe Jérufalem ititeràites à l entrée àe Frédéric. // entre en<br />

Jérufalem , efcorté par les Sarrafins. III. // laiffe Rainaud àe Bavière<br />

Gouvernenr àe Jérufalem. Départ de Frédéric de Ptolomaïde. Frédéric<br />

continue la guerre àans /'Etat Eccléfiaftique.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

I, Connivence entre quelques Traîtres Chypriots , 8 Rainaud de Bavière,<br />

Lieutenant àe Frédéric. Paix entre k Pape, 8 Frédéric. Mauvaife inten»<br />

tion de Frédéric contre l'Ik de Chypre. II. Attaque du Château rf? Baruth,<br />

par un des Généraux de Frédéric. Trahifon de plufieurs Chypriots, Cowpagnie<br />

de St. Jaques contre ks gens de Frédéric. Troupes de Frédéric maltraitées,<br />

lll. Le Général Allemand refufé la bataille. Ilfe retire à Tyr. Partie<br />

de l'Armée Allemande défaite. Les Seigneurs d'Ibelin obligés dç céder à leur<br />

tour aux Trowpw Allemandes. Les /dlemdindsfurpris dans k vin, (f défaits.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I, Excès commis en Chypre, par ks mécontens. Le Général de l'Empereur<br />

rapplle ks cinq Chefs des rebelles Chypriots établis Régens de l'Ile.<br />

IL<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

H. Le parti du Roi de Chypre fortifié contre les Rebelles. La Fîôtte des<br />

Rebelles brûlée dans le port de Famagoufte. Entrée vidtorieufe du Roi dans<br />

Famagoufte. III. Progrès des Armes du Roî. La Filk de Nicofie fecoue<br />

k joug des Régens, 8* prend les armes pour k Roi,<br />

Campagne fuivent l'exemple de ceux de Nicofie.<br />

Les gens de la<br />

C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />

I. L'Arrivée du Roi à Nicofie, Camp des Allemands attaqué. Difpfition<br />

des deux Armées. Bataille. II. Déroute de l'Armée Allemande. Sa défaite<br />

totale, lll. Fuïards purfuivis y ^ àéfaits. Punition àe quelques rebelles.<br />

Les autres attendent du fecours. Secours envoïé aux rebelles.<br />

Grandes fommes prêtées au Rai par les Vénitiens.<br />

C H A P I T R E H U I T I È M E ^<br />

I. Allemands obligés de fe retirer de Ptolomaïde à Tyr. La Filk de Cérines<br />

y^ rend par capitulation. Le Roi de Chypre difpofé des gouvernemens<br />

àes Places en faveur àe fes plus fiàèles Sujets. // rétablit k ion oràre, ^<br />

favorifé le commerce, III. Retour des Allemands à Ptolomaïde. Réfutation<br />

des Auteurs , qui ont jufiifié Frédéric. IV. Prédicateurs envoïés<br />

par tout prêcher la Croifade. Difcorde entre les deux Ordres Militaires^<br />

S les Seigneurs de la Paleftine.<br />

8* les Templiers.<br />

Guerre ouverte entre les Hofpitaliers,<br />

LITRE ONZIÈME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I, Mésalliance y ^ mauvaife conduite àe la Reine àe Chypre. Ses prétenfions fur<br />

la Couronne àe ]éruf'à\em. Son àépart àe Chypre pour Ptolomaïde. II. Richeffes<br />

confidérables au jeune Roi de Chypre, acquifes par le Commerce.<br />

Propofîtions de la Reine àe Chypre fur Jérufalem rejettées. Opinion àe<br />

Loredan refutée. Mort funefte au Seigneur de Baruth. III. Nouvelle<br />

Croifade infruStueufe. Affoibliffement de l'Empire Latin à Conftandnople.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

J, Secours promis par k Pape à l'Empereur de Conflantinople. Cefecourt<br />

envoïé. II. Croifade contre l'Empereur Frédéric , qui ravage htalie.<br />

Malheur arrivé aux Croifés, qd vont en Paleflùne. Mésintelligence entre<br />

»* • les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

îès Templiers 8* ks Allemands. IU. Nouvelle Armée levée par Ji<br />

Souàan


S O M M A I R E .<br />

marque critique fur l'Hiftoire du Père Daniel. Réunion de tous les Infi"<br />

dèks contre les Chrétiens, lll, Ercaltai, Grand-Cam dw Tartares,<br />

veut fe faire Chréden. IV. St. Louis termine les différends entre le<br />

Prince drAndoche , 8 k Roi d'Arménie. Conduite peu fincère du<br />

Grand-Maitre des Templiers, reprife par St. Louis,<br />

C H A P I T R E . S E P T I È M E .<br />

i. Embarquement des Rois Henri de Ch)rpre, 8Louis de France, pourDa.miette.<br />

Le Soudan d'Egypte range fes Faiffeaux, ^ fon Armée, le long<br />

au port. ll. Débarquement àes Chrétiens. Combat opiniâtre entre ks-<br />

Chrédens 8 ks Egyptiens. Fictoire complette àes Chrétiens. IIÏ. Fuite<br />

nodturne àes Habitans àe Damiette 8 àes Solàats. Entrée àes Chré^<br />

tiens dans Damiette. Inadtion àes Chrétiens nuifible à leurs affaires.<br />

Mort au Souàan. IV. Bon office renàu aux Chrétiens par un Sarrafin,<br />

Fuite précipitée àes Infidèles.<br />

C H A P I T R E H U I T I È M E ;<br />

I. Chrédens attaqués àe nouveau, 8* battus par /ej Sarrafins. Sarrafins<br />

- battus à kur tour. Avantage àes Sarrafins fur les Chrétiens. II. Défir<br />

dtfx Chrétiens àe àonner bataille. BeUe retraite àes Chrétiens. _Les<br />

Rois àe France 8 àe Chypre faits prifonniers àe guerre. Sentimens<br />

différents fur la manière, àont le Soudan parla «St. Louis. III. Conditions<br />

du Traité entre St. Louis , 8 ks Ennemis, Imprudence de quelques<br />

Hiftoriens,<br />

C H A P I T R E N E U V I È M E .<br />

I. LesMsimmehcs fe rendent formidables. Leur confpiration. MeleCfala «/a/-<br />

/acr^ par/É-X Mammelucs. Punition des^ meurtriers. II. Turcomani proclamé<br />

Soudan par toute l'Armée. Sa modération envers St. Louis. Damiette<br />

r^ndt/^ au Soudan. III. Embarquement de St. Louis. Retour du<br />

Roi de Chypre datis fes Etats. Débarquement àe St. Lxjuis- à Ptolomaïde.<br />

C H A P I T R E D I X I È M E .<br />

I. Cathos élu Succeffeur àe Turcomani. Confeil tenu par St. Louis. Délibération<br />

au retour de St. Louis àans fes Etats. Sa réfolution àe refter<br />

tn Paleftine , malgré l'avis àes Seigneurs François. If. St. Louis reçoit<br />

des Ambaffaàeurs àe la part au Pape, ^ àe T Empereur. Il fait k<br />

Hdïage au Thabor , ^ de la grotte àe Nazareth, III; Ambaffades du<br />

** * 1 Vieux<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

Vieux de la Montagne à St, Louis. Préfent fingulier offert à St.<br />

Louis par k Vieux de la Montagne. IV. Riches préfens de St. Loui»<br />

envoïés au Vieux de la Montag«e.<br />

Louis,<br />

Jaffa pr^^, fif fortifiéf par Str^<br />

C H A P I T R E O N Z I È M E .<br />

X Alliance des Soudans d'Egypte, 8 d'Alep, contre St. Louis. Zèle de St.<br />

Louis envers les morts, 8 ks efclaves Chrétiens. II. Maladie 8 mort<br />

du Roi de Chypre. Son éloge. Sqn inhumation à Ste. Sophie. IIÏ.<br />

Foïage àe la Reine Alix, Mère du feu Roi Henri, à Ptolomaïde. Sa<br />

mort à Ptolomaïde, 8 fin inhumation en Chypre. IV. Embarquement<br />

de St. Louis, pour retourner en France. Ses bons exemples engagent plufieurs<br />

Infidèles à fe faire Chrétiens-<br />

C H A P I T R E DT O U Z I E M E.<br />

L Nouveaux troubks en Chypre entre les Grecs, 8 ks Ladns. II. Re^»<br />

fentiment du Clergé Grec. Orgueil du Clergé Latin. Ambaffadeurs envoies<br />

à Rome, pour terminer ces différends,. Congrégations tenues à ce fujet.<br />

III. Bulle Alexandrine. Ses Articles. IV. Cent eft ation des Grecs. Joie<br />

des Latins à foccajion de cette Bulle,<br />

Lif^RE DOUZIÈME:<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

L Entreprife àes Souàans contre lès Chrétiens, après le àipart de St. Louis.<br />

Leurs progrès. Cruelle guerre entre les Vénitiens,. 8 ks Génois de Ptolomaïde,<br />

au fujet du Monaftère àe St. Sabas. II. Brefs au Pape fur cette<br />

affadir e caufe à'une rupture entière. Suites fjcheufes de cette rupture. IU.<br />

Accommodement propofe, 8 rompu. Fiâoire des-yénitisns , après un<br />

fanglant combat. Remarque curieufe, ^ critique.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

X Erreur dés Hiftoriens dans là Chronologie d'un fait. Alton d'Arménie<br />

fait alliance avec le Cham des Tartares en faveur d^J Clirétiens.. II. Le<br />

Commandant Tartare va affiéger Bagdad. Différentes opinions fur cette<br />

Fille,. Sa prife par Aolon. Le. Calife de Bagdad puni par le Tartare.<br />

Aolon* IU. Aolon attend la jondion dû Roi d'Arménie. Leurs<br />

progrès, Prife d'ATep par k Prme Tartare , ^ U Roi dAxménie.<br />

, - Mort<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^ o M M A I R E .<br />

Mort cruelk du Vieux de la Montagne. IV. Damas prife par Aolon.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

L Aolon retourne en Tartarie. Caufes de fon retour. II. Infoknce des<br />

Soldats.Chréûms. Les Egyptiens: tombent fur les Tartares.- FiStoire<br />

complette des Egyptiens. III. Zèle d'Aolon pour k recouvrement de<br />

la Terre-Sainte. Sa mort. -Troubles en Occident. IV. Courage des<br />

Chrédens de la Terre-Sainte relevé par le Pape Urbain IV.<br />

C H A P I T R E Q_ U A T R I E M E.<br />

I. M^ecm^és, vainqueur des Tzrt'axes, affaffinê dans fa capitale. MéleCel-Vaher<br />

fon Succeffeur. Uf Excès commis par ce nouveau Soudan fur<br />

les terres des Chrétiens. Secours envoie àe Chypre à Ptolomaïde. Secours<br />

demandé au Pape. Prife de la Filk de Céfarée par k Soudan. Il prend<br />

Affur, 8 paffe tout du fil àe répée. Secours venu àe France à Ptolomaïde.<br />

IV. Avantages remportés par Mélec-el-Vaher, Lâcheté àes Chreftiens<br />

punie par le Souàan.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E :<br />

î. Mort du Duc àe Ntvers à Ptolomaïde. Desunion àans le Camp àes<br />

Chrédens. Letir défaite. î ï. Succès des Armes du Souàan. Effets àe<br />

fa colère. Trêve conclue avec le Souàan. Refiexion politique. Traité entre '<br />

le Souàan, 8 Alton, Roi d'Arménie. III. Hugues reconnu Rui de Chypre.<br />

Sa Généalogie. Son couronnement: Son attention à faire ceffer la'<br />

pefie àans fes Etats. Ses fiins à foulager fes Sujets àans kurscalainitési<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I. Trêve rompue par Mélec-el-Vaher. Antioche prife par le même. Ses<br />

Habitans égorgés. Sentimens partagés fur le nombre àes morts. Action<br />

Héroïque"^àes Filles de Ste. Claire à Antioche. II. Le Roi de Chypre<br />

part, pour penàre ppffefiîon àe la Couronne àe Jérufalem. // efi couronné<br />

Roi àe Jérufalem. Perte confidérable àes Chrédens. Prife du Château<br />

di< Crac par le Soudan, lll. Croifade entreprife par St. Louis. Son<br />

entreprife retardée. Plufieurs chofes retardent les fecours promis à ia Paleftine.<br />

Avantages remportés pjar le foudan,. à. la vue des C.^iréuens.<br />

C H A P I T R E . S E P T I È M E .<br />

l.. Ahzgvcs fe déclare contre le Soudan. Jl défait fon Arriére-Garde. les<br />

grmds.progrès d'Abagas. II. Mifère des ChrétcQs , 8 des Croifés.<br />

** * ^ Murt*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


s o M M A I R E.<br />

Mort ée St. Louis. III. Philippe-le-Bel preffe Pembarquem ent defe€<br />

Troupes. -Les Soldats Fr3Lnçois, débarqués en Sicile, éprouvent une pefte<br />

cruelle, IV. Trêve de dix ans 8 dix mois avec k Souàan.<br />

LITRE TREIZIÈME.<br />

C H A P I T R E PREMIER.<br />

I. Philippe-le-Bel envoie du fecours en Paleftine. Concile convtqué a LioH<br />

en faveur de la Terre-Sainte. Les Empereurs Paléologue 8 Rodolphe<br />

obligés de fecourir les Chrédens de la Paleftine. if. Impofition du dixième<br />

pour dix ans fur tous les biens Eccléfiaftiques, pour favorifer la guerre<br />

fainte. Négligence de Rodolphe à remplir fes engagemens. Mort de<br />

Grégoire X. Innocent V. lui fuccède. Sa mort. Adrien V. élu<br />

en fa place. Mort àe ce àernier, qui a pour fucceffeur Jean XXI.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. Foïage au Roi Hugues en Chypre. Entreprifes haràies des Templiers<br />

dansia Paleftine, pendant V abfence àe Hugues. Prétenfions formées contre<br />

Hugues fur la Couronne àe Jérufalem. Diminution àe l'autorité àe<br />

Hugues fur le Roïaume àe Jérufalem. Hugues foUicité àe repaffer en<br />

Paleftine. Son indifférence à triaintenir fes àroits fur le Roïaume àe Jérufalem.<br />

Mort de Jean XXI. Nicolas III. lui fuccède. iV. Mort àe<br />

Mélec-el-Vaher.<br />

Soudans.<br />

Sentimens partagés fur cette mort, ^ fur le nom des<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Le Roi Hugues pourvoit tous fes Enfans. Il repaffé à Ptolomaïde. Il<br />

y rétablit le bon ordre. Il revient en Chypre. U. Heureux fuceès des<br />

Hofpitaliers contre k s Infidèles. Mélec-Said, Fils de Mélec-él-Vaher,<br />

affiège Margat, 8 l'abandonne. H eft défait par ks deux Rois d'Arménie<br />

, 8 des Tartares. III. Défaite des Arméniens par les Infidèles.<br />

Mort d'Abagas.<br />

G H A M T R E CLUATR I.E M E.<br />

I. Le Roi de Chypre conduit toutes fes Forces en Paleftine. Fêpres Siciliennes.<br />

Débarquement du Roi Hugues à Baruth. Sa Cavalerie entièrement<br />

défaite par les Infidèles. II. Ses inquiétudes k troublent. Son retour en<br />

Chypre. Sa mort, 8/o» éloge, Ui. Pdftialité de quelques Ecrivains<br />

me-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />


5 0 M . M A I R E .<br />

modernes. Le Prince Jean, Fils aîné de Hugues, héritier de la Couronne,<br />

éprouve la haine de fes Frères. Jl eft courronné Roi de Jérufalem dans<br />

la Filk de Tyr. Son retour en Chypre, CM // meurt bientôt.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

t Prife àe Margat, par Mélec-Said. Les Chevaliers àe /'Hôpital en fortent<br />

par capitulation. Remarque politique. II. Siège àe Tripoli par Mélec-Said.<br />

Levée àe ce Siège. Mélec-Said àétrôné par l'Amiral Elpi,<br />

qui prenà le nom àe Mélec-Menfor. III. Siège àe Tripoli par Mélcc-<br />

Menfor. Mort àe Jean, Roi àe Chypre, 8 àe Jérufalem. Henriyô«<br />

frère, ^fucceffeur. Son couronnement.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I, Ambaffadeurs //f Henri f« Europe. Il réforme les abus introduits dans<br />

fes Etats. ll. Tripoli affiégéé 8 battue par Mélec-Menfor. Tripolitains<br />

fecourus. Jls refufent àè fe rendre. Cruautés du Soudan exercées<br />

fur les Tripolitains, après la prife de kur FiUe. La Fille eft pillée,<br />

faccagée, (^brûlée. Le Château fe rend. Mélec-Menfor pr?wd Sidon,<br />

8Barurh, ^ affiége Tyr, qu'il prend. IV. Ptolomzide feul refte aux<br />

Chrédens. Henri paffe à Ptolomaïde , avec toutes ks milices du pays.<br />

Argon déclaré Roi àes Tartares.<br />

C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />

I. Argon eft appeUé par les Chrétiens àe la Palefline. Trè\:e de cinq ans<br />

entre ks Chrédens, 8 k Soudan. II. Retour de Henri en Chypre. Secours<br />

foUicité pour ks Chrétiens àe la Paleftine. Le Pape leur envoie<br />

2 foo. Ecus Romains. Remarque politique. III. Caufes àe la désunion<br />

de Ptolomaïde. Desor ares affreux à Ptolomaïde.<br />

C H A P I T R E H U I T I È M E .<br />

L SatisfaBion jufte àemanàée aux Chrétiens par le Souàan. Refus, qu'on<br />

fait de la lui donner, caufe dune nouvelk guerre. Mort d^ Mélec-<br />

Menfor , empùifonné par un de fes Emirs, ll. Mélec-Tafîèraf, Fils de<br />

Mélec-Mtnfor, affiége Ptolomaïde. Figouretfe défenfe des Chrétiens.<br />

III. Xtf/?(?/Henri y^ r^«d à Ptolomaïde. Il fait'transporter en Chypre<br />

toutes les bouches inutiles. Contenu d'une lettre au Soudan au Roi. IV.<br />

Affaut général ordonné par le Souàan. Sortie àes Affiégés peu avantageufe.<br />

Les Sarrafins maîtres àes portes^ 8 àes murailles, brûlent ks maifons.<br />

C R A*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A , I R E .<br />

C H A P I T R E N E U V I S M E ^<br />

I. Soins au Roi pour l'embarquement des Chrédens. Arrivée des Habitans<br />

àe Ptolomaïde dans l'Ik de Chypre. Réflexion morale, ll. Xw Templiers<br />

fe rendent au Soudan. Le Soudan leur fournit un Brigantin, pour s'en aller.<br />

lll. Il fait démolir les maifons des Ordres Militaires, 8 abbattre les<br />

murailles 8 les tours. Différentes opinions fur le Siège 8 la prife de<br />

Ptolomaïde, par k Soudan Mélec-Tafferaf, Fin du Règne des Chrédens<br />

en Palefline.<br />

LITRE Q,UAT0RZIÈME.<br />

CHAPITRE PREMIER.<br />

l. Le Roi Henri donne Limifol aux Chevaliers de /'Hôpital, 8 du Temple,<br />

afin de les retenir en Chypre. // fait agrandir, ^fortifier Famagoufte<br />

comme Ptolomaïde. IL Embelliffement au Roïaume àe Chypre, au côté<br />

de la Syrie, 8 du Midi. Sollicitations du St. Siège pour une nouvelle<br />

Croifade inutiles. L'Eglife Grecque fecoue le joug du St. Siège.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. Mort de Mélec-Tafferaf. Mélec-Naffer fur k Trône. Il eft tiré d'un<br />

Château , oit il étoit enfermé. II. Les Chevaliers du Temple, 8 àe<br />

THôpital, affermis àans Limifol. Sabat, troifième Fils àe Livon, Roi<br />

d'Arménie, fur le Trône après la mort àefon Père. Troubles en Arménie<br />

pour la fucceffion. Alton, Fils aîné àe Livon, prenà poffeffion du Roïaume<br />

d'Arménie. Alliance entre Alton, 8 Caffan, Roi àe Perfe, en faveur<br />

des Chrétiens,<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

L Moïens , par lesquels Caffan étoit parvenu à la Souveraineté. Sa réfolution<br />

àe conquérir une feconàe fois /a Terre-Sainte. IL CafîanwVwf, à<br />

. Tentrée àe /'Arménie, joînàrè les Rois de Géorgie , 8 d'Arménie. Mélec-Nafîer<br />

àéf ait par ces Rois unis. Defcription àe la perte àes Infidèles.<br />

UL Prife d'Emeffe , 8 au tréfor, que le Souàan y avoit lajjffé en dépôt.<br />

Jérufalem yè rend à Caffan , qui y laiffe les Ordres Militaires, 8 les<br />

Troupes du Roi de Chypre, en garnifon, Damas lui ouvre ks portes.<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


O M M A I R E.<br />

^<br />

C H A P I T R E Q ^ U A T R I E M E ,<br />

1. Caffan fe détermine à retourner en Perfe. Il laiffe beaucoup de Troupes en<br />

Paleftine, IL Trahifon des Gouverneurs, laiffés par Caffan, funejle aux<br />

Chrétiens. Damas repris par ks Sarrafins. IIL Les Cliypriots, 8<br />

les Ordres Militaires marchent vers Antarde, fur l'avis, que Caffan revient.<br />

Troubles en Chypre caufés par Alméric , Frère au Roi. IV»<br />

Bonté au Roi envers fes Ennemis.<br />

C H A P I T R E G I N Q ^ U I E M E .<br />

L Exhortations du Pape aux Princes àe TEurope, pour la Guerre Ste. Son<br />

EnviMé en France y gâte tout, par fon imprudence, 8 fa fierté. IL Suites<br />

fàcheufes de la hauteur au Pape, 8* àe fon Minifire. Boniface VlII.<br />

prifonnier àe Philippe-le-Bel. Aucun Prince àe /'Europe ne veut entrer<br />

dans la Guerre Ste, III, Caffan fe met en marche pour la féconde fois<br />

contre les Infidèles. Sa jondtion avec les Rois d'Arménie, de Géorgie,<br />

8* àe Chypre. Succès des Chrétiens. IV. Perte confidérable dfj .Chrétiens.<br />

Ils fe retirent chacun àans leurs Etats. Mort àe Caffaq.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I. Progrès àes Turcs àans VEmpire Grec. Commencement àe l'Empire Ottoman.<br />

Ottoman affocié à Aladin. Ottoman prenà k Nom àe Sultan.<br />

IL Affoibliffement au Reyaume de Chypre. Révolte contre le Roi àe Chypre.<br />

Difcoursféditieux d'Alméric, Frère du Roi. III. Les Barons é?<br />

Seigneurs féàuits par Alméric. Alméric Régent. IV. Fioknces d'Alméric.<br />

Retraite au Roi chez le Seigneur d'Ibelin. Réfolution vigoureufe<br />

du Roi arrêtée par ks Confeils àe fa Mère.<br />

C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />

I. Soins de h Reine à pacifier tout par la douceur. Retraite du Roi à Strovilo,<br />

ave^ le Prince Hugues , fon Neveu. Efpions poftés par tout par<br />

Alméric. IL Ambaffade d'Alméric au Pape. Ses Ambaffadeurs chargés<br />

de préfens, La Cour de Rome ne remédie point au mal. III. Attentat<br />

d'Alméric fur la vie du Roi fon Frère. Avions indignes 'd'Alméric. IV.<br />

' Le Roi pris par Alméric eft envoïé à Famagoufte, 8 de-là en Arménie.<br />

C H A P I T R E H U I T I È M E .<br />

I. alméric rapelk les exilés, kur rend leurs biens , 8 ks combk de grâces.<br />

Difette en Chypre caufe de la défertion de plufieurs FamiUes. II. Almé-<br />

* * ** rie<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

ric prk le Roi d'Arménie, fon Beau-Père y de redoubler la garde auprès du<br />

Roi de Chypre. Ifabelle , Femme d'Alméric , veut empoifonner k Roi,<br />

fon Beau-Frère. Celui, qu'eUe charge de fexécution , en a horreur.<br />

o, LITRE Q_UINZIEME.<br />

' • *' C H A P I T R E P R E M I E R.<br />

L Réfolution des Hofpitaliers de quitter Chypre pour un autre établiffement,.<br />

à l'exemple des Templiers, Les Templiers vont attaquer ï Empire<br />

Grec, éf i emparent de Theffalonie, 8 d'Athènes. IL Jls repaffent en<br />

France ," ihàrgés de richeffes. Leurs richeffes caufe de leurs dérèglemens.<br />

lu. Ils font tous arrêtés, par ordre au Roi. Extincton entière àe l'Ordre:<br />

des Templiers en France reprochée à la mémoire àe Philippe-le-Bel.<br />

C H A P I T R E S E C O N D. '<br />

L i^f Ho^italiers veulent s'établir à Rhodes, de l'agrément de l'Empereur-<br />

Grec. Rhodes occupée par les Sarrafins. IL Souveraineté de Rhodes<br />

donnée aux Hofpitaliers, Conduite prudente , 8 féçrette du Maître des<br />

Hofpitaliers. III Hofpitaliers dans Rhodes. Ils fe rendent maîtres<br />

. ; des Iles voifines. IV. Les Maîtres des Hofpitaliers s'appellent Grands- •<br />

, Maîtres; 8 ks Chevaliers, Chevaliers de. Rhodes.<br />

tiqué..<br />

%lmmhour g cri­<br />

G H. A p.i T R E T R O I S I È M E . ^<br />

L Raifons, pour lesqueUes k Maître des Chevaliers àe Rhodes eft nommé<br />

Grand-Maitre. Cohffe de Rhodes ,&" fa defcription. Autres chofes dignes<br />

àe mémoire, à Rhodes. IL Ottoman premier attaque les Chevaliers de<br />

Rhodes. ' Ottomsitt repouffé par fajfifiance au Co?nte àe Sscvoie. Armoiries<br />

de "Savoie changées. Maifon àe Savoie toujours zélée pour la Relk<br />

gion.<br />

C H A P I T R E Q_ U A T R I E M E.<br />

l. Abondance dans Chypre. Alméric y règne en Souverain, pendant que<br />

fon Frère eft toujours prifonnier. Alméric amufe le Pape par de belles<br />

promeffes. IL Alméric fe fortif£. Il ne veut pas entendre parler du retour<br />

au Roi fon Frère. Alméric poignaràé.^ lll. Ùfurpation au Gouvernement<br />

par le Connétabk^ Calomnie d'Ifabelle contre le Roi innocent. ' Réfolution<br />

àes Chypriots pour délivrer kur Rbi,<br />

Csjt-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^ o M "i^I A I R E.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

I. Le Roi àe Chypre plus étroitement garàé à Perfêpolis. Fuite précipitée<br />

du Connétabk à Nicofie, IL La haute Cour ne veut reconnoître, que<br />

' î autorité du Roi Henri, Gardes données a Ifabelle, pour T empêcher de<br />

s'enfuir. IIL Traité de pacification entre la Reine, k Légat, la haute<br />

Cour f 8 la Princeffe Ifabelle. Conditions de ce Traité.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

L Liberté du Roi conformement au Traité. Son arrivée à Fzmgigouïle. IL<br />

Henri veut tenir une conduite févère pour arrêter les fiditions du Connétable.<br />

Fuite au Connétable. III, // erre àans ks bois, en habit d'Efclave.<br />

Le Roi le fait pourfuivre. Punition de la jeune Nobleffe révoltée. IV. Le<br />

Connétable arrêté. Sa vie obtenue par la Reine. Il eft enfermé dans un<br />

Château, ou il meurt de faim.<br />

C H A P I T R E S E P T I È M E ,<br />

I. La Princeffe Ifabelle revient en Chypre, 8 rentre dans les bonnes grâces<br />

du Roi. Alliance entre le Roi Henri, le Roi d'Arménie , 8 ks Chevaliers<br />

de Rhodes. IL Defcente du Corfaire Marabout en Chypre. Excès^<br />

qu'il y commet. Troubles en Chypre entre la Nobleffe 8 k Clergé. IIL<br />

Combat en Champ clos , autrefois permis en Chypre, pur découvrir la vérité.<br />

Confpiration àécouverte. IV. Conquête àe rile àe ' Lango faite par ks<br />

ChevaUers àe Rhodes, Qualités àe cette Jk.<br />

LITRE SEIZIÈME.<br />

r<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I. Extindton totale des Templiers en Chypre. Réunion de tous kurs biens à<br />

POrdre des Chevaliers de Rhodes. II. Hiftoires de Bofio, 8 de Loredan,<br />

critiquées. IIL Célébration du mariage du Roi, ^ àe ia Princeffe Conftance,<br />

Filk au Roi àe Sicile. Nouvelles fàcheufes reçues au Roi, àans le<br />

tems àe fes noces. iV. Le Roi fe vange des Corfàires Génois. Il fait<br />

exercer Ja Nobleffe. Croifade d'Avanturiers àiffipé'e.<br />

,' •• • . ri, ••<br />

C H A P I T R E S E C O N D . ><br />

I. i'Arménie 8 Rhodes atta/juées par Jes Turcs. Flotte Ottomane défaite,<br />

Fi^ûiré des Chevaliers de Rhodes fur les Turcs. II. Affoibliffe-<br />

** ** z menty<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

V


S O M M A I R E .<br />

ment, 8 infirmités du Roi de Chypre. Il eft trouvé mort dans fon lit<br />

Diverfes opinions fur les caufes déjà mort. Eloge du Roi Henri. UL<br />

Son Neveu Hugues lui fuccède. Réjouiffance des Famagouftains àfon<br />

Couronnement. Son attention à régler fes Etats. IV. Le Roi fe prêpofé<br />

de faire des perquifitions fur la mort defon Prédéceffeur. ExU fun favori<br />

de la Reine foupconné. Erreur de Loredan.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E ,<br />

I, Richeffes produites par le Commerce. Les Marchands deviennent très-riches<br />

, 8 les coffres du Roi font remplis. Excès àe FEpargne au Roi. IL<br />

Hugues allarmé àes Conquêtes, 8 àes profpérités de guerre, que font les<br />

Turcs. Son voïage en Europe, pour foUiciter du fecours. Son retour en<br />

Chypre pour fe préparer à la guerre. Deffein du Roi retardé par les malheurs<br />

, qui arrivent dans fes Etats, ^ par àes brouilleries furvenues entre<br />

les Rois de France, 8 d'Angleterre.<br />

C H A P I T R E Q _ U A T R I E M E .<br />

I. Continuation des malheurs àe l'Ile àe Chypre. Soins au Roi à remédier à.<br />

tous les maux de fes Sujets. Il eft appelle le Père du Peuplé. IL Découverte<br />

d'un morceau de la vraie Croix. Il enrichit l'Eglife , oîi on k'<br />

dépofa. lll. Soins du Roi Hugues à fortifier fes Places, ^ à pourvoir<br />

fes Enfans. Ses chagrins de là part àe fes Enfans. IV. Il les punit févèrement.<br />

Il leur paràonne àans la fuite, & les marie.<br />

C H A P I T R E G I N Q U I E M E.<br />

ï. Courfes d^J Sarrafins d'Egypte y«r k Roïaume àe Chypre. Hagues demande<br />

du fecours. IL Ligue entre le St. Siège, le Roi àe Chypre , les<br />

Vénitiens, ks Chevaliers de Rhodes, 8 ks Seigneurs de Milo, contre<br />

/w Sarrafins, foutes fes Galères s'affemblent à Rhodes. III. La Flotte<br />

des Confédérés forme le Siège de Smirne, 8 s'en empare. Mort àù Général<br />

àe la Flotte. Il eft remplacé par Piczmiglio. IV. Troubles dOccident.<br />

Le Pape Clément IX. excommunie l'Empereur Louis àe Bavière.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E . .<br />

. L. L'Ile d'Imbros prife par les Turcs. FÎMre àe la Flotte confédérée fur<br />

celk des Turcs,. Trêve entre /èf Chrétiens, ^ les'Turcsi IL La pefte<br />

ft répand en Chypre, oit k Roi fait bâtir des Hôpitaux, 8 amaffer despmffons,.<br />

Uî. Nouvelles p ^ fdçbeufes brouilleries f«irr/gf Vénitiens,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M "M A 1 R Ê:<br />

& les Génois, Chrétiens conféàérés fans efperance àe fecors, Dfcimer<br />

mpofées fur k Clergé Grec, pour fecourir ks Confédérés.<br />

LITRE DiXSEPTIÈME.<br />

G H A P l T R E P R E M l E R.<br />

L Vile de Chypre àéferte. Les Négocians étrangers y font invités , 8 annoblis<br />

par k Roi. Le Roi àe Chypre cherche au fecours en Europe. IL<br />

Secours àemanàé au Pape par k Roi d'Arménie. Pour l'obtenir, il promet i,<br />

que le Patriarche, ou Catholicon à'Arménie fi foiimettra, avec tous fis Peuples,<br />

à l'obéïffance au St. Siège. Brouilleries àans l'Empire Grec. IIL<br />

Smirne confervée par les Confédérés. Le Pape s'intéreffe à la confervation<br />

de celte Filk. Il la recommande à Déodat de Gozon , Grand-Maitre de<br />

Rhodes. Combat au Chevalier àe Gozon. Figure 8 groffeur du Dragon y<br />

qu'il combattit, *<br />

G H A F I T R E ;\ S E c e N D. ><br />

L Nouveaux troubles en Europe. Le Roi de Chypre eft fait Sénateur Ro-^<br />

main. Promeffe du Roi de France àe fecourir la Paleftine. Cette entreprife<br />

évanouie. IL Brouilleries en Chypre caufées par le légat au Pape.<br />

Mort àe Hugues, Roi àe Chypre. III. Le RoiVierrt^ Fils àe Hugues ,<br />

paffe à Avignon, po«r confulter k St.-Fère fur le» moïens de fecourir la^<br />

Terre Ste. IV. // obtient àe Charîes-le-Sage, Roi àe France, des femmes<br />

d argent pur la Paleftine.<br />

pour la Terre Ste,<br />

11 exhorte en vain l'Empereur à partir<br />

C H A P I T R E T R O I S I E M E.<br />

L le Roi de Chypre fait une ligue avec ks Chevaliers de Rhodes. IL-<br />

Flotte des ligués- de\plus àe' loo. voiles. Pr/yè d'Alexandrie par/« ligués.<br />

On ne peut eftimer les richeffes, qu'ils en emportent. III. Armement<br />

formidable des- Turcs. Faute confidérable des ligués: RJfiexions de<br />

VAuteur.<br />

C H A P I T R E Q^ U A T R I E M E.<br />

I; Chypre attaquée par les Turcs.^ Hoftilités entre les Génois, '^ les Chypriots.<br />

L'entremife du Pape appaife tout^ IL Le Roi de Chypre prend<br />

la FiUe de Sattalie. Lorcda» refutépar ^Auteur. III. Prife àe Tripoli<br />

de Syrie par k Roi Pierre, Impruàence àes Chrétiens. Ils s'amufent aur<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

V


.s 0 M M A I R E.<br />

• .ptUa^e, 8 briganàage. AHarmes du Roi de Chypre', 8 ^« Grand-Maître<br />

de Rhodes.<br />

cident.<br />

Ils ne font point fecourus par les Princes Chrédens d'Oc­<br />

' C H A P I T R E G i N Q ù i E M E.<br />

I^ Le Roi àe Chypre s^embarque avec le Prince, fon Fils, pour /'Europe.<br />

Inutilité àe leur voïage à Rome. IL Leur arrivée à Milan, Dérangement<br />

àe la Reine àe Chypre perniant l'abfence au Roi. HI. Chagrin au Roi<br />

caufe àefon retour en Chypre. Arrêt àe la Reine, par oràre au Roi. IV.<br />

ConfeU tenu à ce fujet. Le Ficomte àe Nicofie arrêté. Désespoir du Roi,<br />

Ses excès.<br />

C H A P I T R E S I X L E I Ï I E .<br />

I. Suites fàcheufes des cruautés du Roi. Conjuration des Nobles. Ils veulent<br />

mettre le Sénéchal à leur tête, ^,concluent à la mort du Roi. ll. Mort<br />

du Roi, qui eft poignardé. Le peuple prend les armes pour vanger la mort<br />

du Roî. III. Pierrin ,-Fils du Roi, couronné à Nicofie. Eloge du Roi<br />

Pierre. PréàiStion àe Ste. Brigide. La Reine fe vange, en faifant naî-<br />

- tre des brouîlkrks. Le Roi ordonne d'y reméàier.<br />

i<br />

C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />

ï. Attentat àes Génois puni. Mauvais deffein àe la Reine àécouvert. Punition<br />

au Secrétaire de la Reine. IL La nation Génoife fe retire de Chypre.<br />

Médiation au Pape , pour empêcher ta guerre entre les Chypriots,<br />

^ .les Génois, IIL Cette médiation eft inutik. La République àe Gènes<br />

envoie une Flotte confiàérable contre /exChypriots. Proteftations, ^demandes<br />

des Génois. W. Les Génois commencent la guerre. Leurs heureux fuceès.<br />

LIVRE D IXH UITIÈ ME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I. Trahifon de la Reine découverte. Elle livre au Général Génois le Château<br />

de FamagoufU. Le Roi eft abandonné. IL Tout le 'pays refte à la discrétion<br />

des Génois. Entrevue au Roi 8 de la Reine fa Mère. Convention<br />

^ mtre le Roi, S ks Génois, lll. Elle eft fauffée par le Général Génois,<br />

qui arrête k Roi. Nicofie pris par les Génois. IV. Feinte 8 mauvaife<br />

fii de Frégofe, Générai Génois. Supercheries de la Reine.<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


s o M M A I R E.<br />

. C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I, La Reine fait affaffiner le Prince àe Galilée. Elk àemande', qu'on lui livre<br />

k Connétabk. IL Suite des cruautés 8 des trahifons de Frégofe. IIL<br />

Afjhmblée de tous les Princes Chrétiens d'Orient. EUe eft infruftueufe<br />

par la é^verfité d opinions. IV. Chypre délivrée des Génois. On y travaille<br />

à fournir les fommes dues aux Génois,<br />

turière y font exercées.<br />

La jêuneffe noble 8 la ro­<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

L Le Roi Pierrin envoie chercher à Milan la Princeffe Valentine, Filk du<br />

Duc de ce nom. Son mariage avec cette Princeffe. IL Le Roi entreprend<br />

de chaffer les Génois de Famagoufte. Cette FiUe eft bloquée. Le Roi<br />

fait mourir quelques Officiers àe la Reine. Cette Princeffe àiffimuk fa colè-'<br />

re. Iii. La Flotte au Roi force le port de Famagoufte. Le Roi refufé<br />

une grâce à Volfange. Affaffinat commis ^ar Volfange. Volfange condamné<br />

à avoir la tête tranchée.<br />

C H A P I T R E Q_ U A T R I E M E.<br />

J. Le Roî fait perfeàionner la grande Tour de Nicofie. Grandes dépenfes<br />

du Roi très-inutiles. II. Le Roi fait empoifonner le Comte de Rochi.s,<br />

Favori de la- Reine fa Mère. La Reine Mère fe retire de Chypre. HI.<br />

Mauvais traitemens des Génois envers les otages Chjpriots. Le Prince<br />

Ja'ques en meurt,. IV. Ibute la Chrétienté en conf^/ion par la pluralité<br />

des Papes. Jeanne, Reine de Naples, étranglée en prifon, par ordre du<br />

nouveau Roi.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

L Le Grand-Maître de Rhodes pris par les Turcs. Smirneyâ«j fecours/<br />

Divifion entre les ChevaUers de Rhodes, IL Mort du Roi Pierrin. Régence<br />

en Chypre, III, Conditions honteufes 8 onéreufes impofêes aux Chypriots<br />

par les Génois. Arrivée du Roi Jaques à Limifol. Son couronnement.<br />

IV. Soins du Roi pour fes Sujets. Il récompenfe ks bons, ^ punit ^<br />

Jes autres.<br />

C H A P I T R E S I X I E M^E.<br />

l. Les^places de Chypre fortifiées. Affedion des Chypriote envers k JtoC<br />

Jaques. II. La tranquilité du Roi troublée, Jl amaffé de greffes fommes.,<br />

pour-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

pour fe mettre çn çtat de foutenir la guerre contre les Turcs. UL Le<br />

Grand-Maître de Rhodes fait auffi fes préparatifs. Il renforce Rhodes<br />

8 Smirne.. IV Ravages àe la Pejte en Chypre. Sages précautions 8<br />

foins infinis du Roi dans cette occafion,<br />

LIJ^RE DIXNEUnÈME.<br />

C H A P I T R E P I I É S I I E R .<br />

I. Bajazet, nommée Kildris, ou la Foudre. Défaite de l'Armée Chrétienne<br />

par Bajazet. ^ IL Bajazet attaqué par Tamerlan. Bajazet veut s'oppofer<br />

aux conquêtes de Tamerlan , qui le fait prifonnier. III. Bajazet<br />

indignement traité par Tamerlan. Tamerlan prend la Filk de Smirne<br />

fur les Chrédens. Eloge de Tamerlan. Les enfans àe Bajazet fe dé'<br />

truifent les uns les autres. Reflexion politique.<br />

C H A P I T R E S E C O N D ,<br />

I, Le Grand-Maître de Rhodes s'empare d'un Château, poffédé par les Turcs.<br />

Le Rei àe Chypre meurt chez lui, '&' laiffe àix Enfans. Erreurs àe Loredan,<br />

8 au Père Luzignan. II. Couronnement àe Janus, Fils au Roi<br />

Jaques. // tente inutilement doter Famagoufte aux Génois. // en forme<br />

le Siège, Il en lève k Siège à la vue àe la Flotte Génoife, IIL Sufpenfion<br />

d'Armes. Janus fe renforce contre les Génois, Nouvelle entreprife<br />

contre Famagoufte inutik. "IV, Génois fous la protedion de la<br />

France. Paix entre les Chypriots 8 ks Génois. Trêve entre le Roi de<br />

Chypre, k Grand^Maître de Rhodes, 8 k Soudan d'Egypte»<br />

G H A P I I R E T R O I S I È M E ,<br />

I. Nouveaux malheurs en Chypre. La pefte y eft fuivie des fauterellès, 8<br />

de la famine. IL Le Roi de Chypre J^ait une ligue avec plufieurs Princes<br />

Chrétiens, contre les enfans de Bajazet. Ambaffadeurs envoïés de Chypre<br />

en France , pour demander Charlotte àe Bourbon en mariage, lll. Réjouiffances<br />

en Chypre, à l'occafion àe ce mariage. Fécondité àe la Reine.<br />

1V7 Juftes plaintes àes Sarrafins contre les Chypriots, Négligence à y<br />

fatisfaire. La Grande- Commanderie de Chypre divifée en fept.<br />

C H 4 P I T R E (iUATRIEiyiE.<br />

IT Zes mécontentemens des Sarrafins augmentent. Le Soudan demande une<br />

\ faûsfaStion, que le Roi lui refufé. II. Suites fàcheufes de ce refus. L'Ile<br />

de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

de Chypre eft ravagée par k Soudan. Limifol eft ruinée, lll. Avantage<br />

des Chypriots fur les Sarrafins. Le Soudan jure la perte de tous les Chypriots.<br />

IV. Les Sarrafins, affermis à Limifol , s'avancent dans les<br />

Terres de Chypre. Défir are àe l'Armée au Roi, ^ fa lenteur àans fa<br />

marche.<br />

C H A P I T R E G I N Q_ U I E M E.<br />

I. Découragement àes Chypriots à la vue à'une Comète. Défaite 8 prifon<br />

au Roi. Lâcheté àe quelques nobles Chypriots. If. Nicofie au pillage.<br />

Riche butin emporté par l'angiverdi. Trahifon 8 révolte àe Sforza Palavicino.<br />

m. Soins pour la àélivrance au Roi. Deux cens milk Ecus<br />

dor payés pour la rançon du Roi. IV. Le Roi bien traité du Soudan. A<br />

fon retour, il n'a pas de Château, pour y loger.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I. Caufes de la mélancolie au Roi Jznus. Il àemanàe au fecours aux Princes<br />

Chrétiens. IL Mariage au Fils caàet au Duc àe Savoie avec la Princeffe<br />

Anne, Filk au Roi àe Chypre. Troubles àans /'Europe pendant le Concile<br />

de Bâle. III. Deux Papes, 8 deux Çpnciks à la fois. Mort du Roi<br />

Janus. Couronnement de Jean IV. Son mariage conclu avec Médée Paléologue.<br />

Mort de cette Reine. Autre mariage conclu avec Hélène Paléologue,<br />

LITRE VINGTIEME.<br />

^ TA ^<br />

C H A P I T R E P R E M I E R ,<br />

I, Brouilleries caufées par la nouvelle Reine de Chypre. Mort du Cardinal<br />

de Chypre. La Reine nomme un Grec à la dignité occupée par k feu<br />

Cardinal. Le Pape en nomme un autre Ladn. IL La Reine exik le<br />

Latin , nommé par le Pape. EUe fait emprifonner le Légat. EUe fait<br />

empoifonner l'Archevêque 8 fin Chapelain. Réflexion de VAuteur. IIL<br />

Rufes du Grand Caraman, Elles font découvertes. Prudence des Cheva­<br />

Uers de Rhodes dans cette occafion.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I, Le refte de /'Arménie perdu .pour les Chrétiens, Avis donné au Roi de<br />

Chypre dc fe garder du Grand-Caraman. Lettre du Caraman au Roi àe<br />

Chvpre. 11, Peu de capacité 8 de réfolution du Roi. Il s'humilie devant<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^ s 0 M M A I II E,<br />

k Soudan d'Egypte. Mfe laiffe gouverner par la Reine ^ fes Créatures.<br />

IIÏ. Ug;ue contre le Roïaume àe Chypre, Chypre fecourue par les Chevaliers<br />

àe Rhodes. IV, Le Beig de Scandaloro àemanàe la paix. Elk<br />

eft conclue, avec lui, 8 /


S O M M A I R E .<br />

LIVR E' VING T'UNIÈ ME,<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I. Coaronncfkent de la Princeffe Charlotte. La Couronne lui eft difputée' pa^<br />

Jaques. II. Conàuîte àe la Reine envers Jaques caiife àe grands àesdrtkes<br />

àans l'Etat. Fiolence exercée àans le Palais àe Jaques. Jaques paffe en<br />

Egypte, peur fe faire un parti contre la Reine. Le mariage àè la Reine<br />

avec k Comte de Genève efi troublé par cette nouveUe.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. Ambaffadeurs envoïés du Roi 8 de la Reine en Egypte avec des préfens.<br />

Le Soudan promet de faire monter Jaques fur le trône de Chypre. U.<br />

Mouvemens que fe àottnent le Roi, la Reine, ^ les ChevaUers d


S O M M A I R E .<br />

cond voiage inf rugueux de la Reine en Italie. On lui promet du fecours<br />

en Savoie. IV. Elk follicîte en vain k St, Père. Elk repaffé à Cérines.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I. Accommodement propofe à Jaques, Il feint de Vaccepter, pour gagner au<br />

tems. II. Il traite àe fon mariage avec la Princeffe àe la Morée. //<br />

reftitue aux Chevaliers àe Rhodes leur granàe Commanderie àe Chypre.<br />

IIL Le St, Père fait imprimer , 8 renàre public un livre plein d'injurescontre<br />

Jaques.<br />

LITR E VIN G T-D E UXIÈ ME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R ,<br />

I. Le parti de Jaques yè groffit de quantité d Etranger s, quî y entrent. Celui<br />

de Louis, toujours pire, l'engage à recourir à Rhodes, 8 en Savoie. IL<br />

Le Duc de Savoie ne fe donne aucun mouvement. La Reine dépêche vers<br />

Méhémet, pour implorer fon fecours. Elle ne réùffit point. III. Ceux de<br />

Cérines font réàuits aux àcrnières extrémités. Stratagème invonté par le<br />

Commanàant àe la Place. Les Affiégés font fecourus par ce firatagême.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. La àiffimulation de Jaques luî réùffit. Le Commandant de Cérines féduit<br />

rend la Place. Par cette perte, k Roi, 8 la Reine font dépouillés de leur<br />

Roïaume. II, Jaques maître de toute file. Il chaffe ks Génois àe<br />

Famagoufte, Entrée pompeufe àe Jaques àans Famagoufte. III. Jl y<br />

établit un bon Gouverneur. Il forme le deffein àefe àéfaire àes Sarrafins.<br />

IV, Il trompe , 8 fait maffacrer leur Chef, Il prenà àes mefures, pour<br />

fe jufiifier auprès au Souàan.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E ,<br />

î. Le Soudan fait armer une puiffante flotte, pour venger le meurtre des Sarrafins,<br />

L'Or , 8 l'argent de Jaques Varrêtent. Nouvelles inftances- de<br />

la Reine auprès du Soudan inutiles. IL On attente à la vie de Jaques.<br />

Il foulage k s peuples, ^ établit de fages règlemens. IIL Son incontinence<br />

va a î excès. Confpiration de la Nobleffe Chypriote contre Jaques. // en<br />

prévient les fuites. IV. Cette confpiration n'arrête point les déboràemens<br />

de fa paffion. Sa Mère lui fait faire les plus férieufe s réflexions,<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

C H A P I T R E Q^UATRIEME.<br />

I. Adreffe de Cornaro à retirer Jaques au libertinage. Il le fait confentir au<br />

mariage. IL Principaux articles au traité àe mariage entre Jaques 8 la<br />

Nièce àe Cornaro. Jaques reconnu Roi par le Pape Paul Seconà. III. Il<br />

propojè une Ligue contre Méhémet. Arrivée àe Catherine Cornaro à Famagoufte.<br />

Réjouiffances en Chypre au mariage, 8 Couronnement àe Catherine.<br />

IV. Mifère, à laqueUe efi réàuite la Reine Charlotte.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

I. Jaques trahi par Cornaro , 8 Bembo , Vénitiens, Ils rempoifonnent<br />

près àe Famagoufte. jaques profite àe fes àernier s momens, pour àifpofer<br />

àe fes Etats. IL II fait faire la ledture àefon Teftament. Mort àe Jaques.<br />

// eft très-règreîté àe fon Peuple. III. Catherine àéclarée Régente<br />

àe> Etats. Toutfe paffe avec tranquilité. Inutilité àes efforts àe Charlotte.<br />

ÏV. EUe follicite en vain k Souàan dEgypte. Le Souàan fait arrêter<br />

l'Envoie àe Charlotte.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I. Catherine règne trànquilement. La conàuîte àe Cornaro, 8 de Bembo,<br />

trouble cette tranquilité. IL NouveUes brouilleries caufées par l'Archevêque<br />

Fabrice. Le Peupk de Nicofie court aux Armes, fans qu'on puiffe le<br />

retenir. HT. Cornaro 8 Bembo, Oncles de la Reine Catherine,poignardés.<br />

Catherine envoie informer Mocenigo de cette tragédie, 8 lui àemanàe<br />

affifiance , pour faire rentrer les Chypriots àans leur àevoir. Ilfe<br />

forme trois partis en Chypre. Ceux àe Ferdinand, Roi àe Naples, 8<br />

àe la Maifon de Luzignan, cèdent au parti de Catherine.<br />

LirRE VINGT-TROISIEME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

IIL Sujets de mortification pour Cathériv e.<br />

«« «#<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

I


S O M M A I R E .<br />

Grand-Maître de Rhodes de ne donner aucun afile aux Chypriots. Ré'<br />

ponfe du Grand-Maître.<br />

C H A P I T R E S E C O N D ,<br />

i. Avis du Grand-Maître aux Exilés. Ils fe retirent de Rhodes. Mort du<br />

jeune Roi Jaques , âgé de trois ans, ll. Différentes fartons au fujet<br />

d'un nouveau Roi. Catherine, féduîte par ks Vénitiens, cèàe k Roïaume.<br />

Les Chevaliers àe Rhodes obtiennent un Bref au Pape pour être payés àes<br />

fommes , qui leur font àues en Chypre. III. Paix entre les Turcs, 8<br />

les Vénidens.<br />

veraineté,<br />

Mort au Sultan Méhémet. Catherine regrette la Sou­<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E ,<br />

i. Les Vénitiens craignent un feconàmariage de Catherine, qui leur ôte la<br />

Souveraineté. Ils la font confentir à paffer à Vénifè. EUe cède à la République<br />

tous fes droits fur le Roïaume de Chypre. IL Poffeffion de Chypre<br />

prife par ies Vénitiens. En àe la Granàeur de la MaiJ'on àe Luzignan.<br />

Mort àe la Reine Charlotte à Rome. IIL Changemens en Chypre<br />

faits par les Y érùtiens. Charges, ^ Dignités venàues.<br />

C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E , •<br />

L Divifion àe nie en àouze Cantons. Privilège acheté par /w Maronites,<br />

Arméniens , Coptes, 8 Jacobites. IL La Nobleffe Chypriote/^ livre<br />

aux piaifirs. Inondations 8 Tremblemens de terre. Autres divers malheurs<br />

arrivés ^B Chypre. III. Stérilité extraordinaire. Famine fi grande,<br />

que k peuple périt. Miniftres 8 Gouverneurs, établis par les Vénidens, en<br />

grand danger dans une émotion populaire.<br />

C H A P I T R E G I N Q U I E ]\f E,<br />

I. Bajazety^fOKd envoie une puiffante armée contre le Soudan d'Egypte. Fictoires<br />

remportées par le Souàan d'Egypte. IL Le Souàan dEgypte force<br />

Bajazet à lui accoràer une paix àurable 8 avantageufe. Sélim, Fils àe<br />

Bajazet, mèàîte la guerre contre les Verfes. IIL Ifmaè'l, Roi, oa Sophi<br />

de Perle, a recours aux Princes àe fa créance. Sélim tourne toutes fes<br />

forces contre le Souàan d'Egypte, Allié dw Sophi. IV. Defcrîptifin àe la<br />

bataille donnée près d'Alep. La Fïéioire refté a«a; Ottomans.<br />

\<br />

CH/A-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I, Abounaflar Tomunbeig déclaré Soudan d'Egypte, Douceur de Sélim<br />

envers ks peuples conquis. Armée de Sélim contre les Arabes, quifont battus.<br />

II. Sélim paffe en Egypte, Le Soudan fe retranche au Nord au<br />

Caire. Jondion âe Sélim, £y au Pacha Sinan, IIL Bataille entre Sélim<br />

8 k Souàan. Sélim maître au Champ àe bataille. Nouveaux efforts<br />

du Soudan inutiles. Différents fentimens fur cette a^ion du Caire. IV.<br />

Fermeté du Soudan, quoique vaincu. Nouvelk bataille. Fuite au Souàan.<br />

Il eft pourfuivi , 8 atteint par le Pacha Murfapha. Sélim le fait maltraiter,<br />

^pendre.<br />

LIVRE VINGT-Q_UATRlkME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I, Sélim maitre de /'Egypte , de la Syrie, 8 àe la Paleftine. Fains efforts<br />

àe Gazelle fur la Syrie. IL Les Vénidens allarmes àe l'approche<br />

des Turcs, 8 ^' ^^^^^ progrès. Ils fortifient l'Ile àe Chypre, Travaux<br />

confidérables faits à Nicofie, IIL Mort àe Soliman , fucceffeur de<br />

Sélim premier. Sélim fecond menace le Roïaume de Chypre. IV. Sa paffion<br />

pour le vin àe Chypre, 8<br />

faire la conquête.<br />

ks confeils au Mufti le àéterminent à en<br />

C H A P I T R E SECOND.<br />

I. Feinte politique àe Sélim, pour amufer les Vénitiens. Ils àonnent dans le<br />

paneau. H. Commencemens àes malheurs àe Chypre. Scrupule àe Sélim<br />

levé par le Mufiî. Tout eft en mouvement chez les Turcs contre le Roïaume<br />

àe Chypre. III. L'Ambaffadeur Vénitien obtient auàience au Grand-<br />

Fifir. Succès de cette audience. Lettre du Sultan aux Vénitiens, Leur<br />

Réponfe à cette Lettre.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Le Sénat de Vénifè veut mettre ks Puiffances de /'Europe àans fon parti.<br />

Jl ne réuffit point. Economie mal entendue àes Vénitiens. Ils négligent<br />

les avis fages, qu'on leur àonne. IL Le Sultan, inf orme àe la àifpofition<br />

àes Vénitiens, commence les hoftilités. lll. Avantages remportés par les<br />

Vénidens. Flotte àes Vénitiens attaquée àe maladie, 8 de difette. Plus<br />

de 20000, meurent. IV. Les Vénitiens négligent k fecours àe Chypre.<br />

Le Peupk Chypriot mécontent invite les Turcs à venir conquérir leur pays.<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E .<br />

I. Defcription àe la Flotte Ottomane, Six Galiotes Turques pillent 8 brûlent<br />

k Fillage àe Lara en Chypre. Limifol brûlée 8 faccagée. IL Confeil<br />

tenu par les Chypriots 8 ks Vénidens. Sentiirens partagés. Arrangement<br />

pris pour la àifpofition àes Troupes. Le ConfeU ne fe termine quà<br />

des murmures. IIL Etat àe l'Armée Chrétienne en Chypre. Les feuls<br />

Epirotes, 8 les Italiens, font au fait àe la guerre.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

I, Les Turcs viennent àébarquer au port àes Salines. Siège àe Nicofie par<br />

Muftapha. Grecs perfides punis àe kur trahifon. IL Muftapha/a/t<br />

couper la communication àe Famagoufte à Nicofie. // campe àans la<br />

plaine àe St. Démétrius. Aâion vigoureufe àe Baglioni. IIL Les Habitans<br />

àe Nicofie refufent àefe rendre à Muftapha. Stratagème àe Muftapha.<br />

Sorties àes affiégés fur ks affiégeans. Fautes confidérables de<br />

Dandolo.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I. te Pape envoie douze Galères en Chypre. La prefence des Flottes combinées<br />

n'arrête point les progrès des Turcs. IL Forte réfiftance àes affiégés.<br />

Ils àemanàent au fecours à ceux àe Famagoufte. Ce fecours refufé. IU.<br />

Nouveaux retranchemens pratiqués par les affiégés. Ils ne font pas foûtenus<br />

dans leurs forties. IV. Muftapha demande deux heures de trêve. Réponfe généreufe<br />

àes affiégés. Deux mille cinq cens Hommes renforcent l'Armée Turque.<br />

C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />

I. Harangue àe Muftapha à fon Armée. Divifion àefon Armée en quatre<br />

Corps. IL Décharge générale àe l'Artillerie àes Turcs. Ils fe rendent<br />

maîtres du Bafiion. Desoràre parmi les affiégés. Les ennemis gagnent<br />

le coeur àe la FiUe. HL Bravoure àes Epirotes. IV. On eft forcé àe céàer<br />

aux Turcs. Palais forcé par Muftapha. V. Cérines eft livrée au<br />

vainqueur. MuHzphdi fait fortifler toutes les Places àe Vile.<br />

LIVRE VINGT'CINQ^UIEME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R ,<br />

I, Affreux état àe Nicofie après fa prife par les Turcs. Plufieurs Dames<br />

fe précipitent au haut àe leurs maifons. L'efclavage eft le fort àe ceux que<br />

k<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

V


s O M M A I R E.<br />

le fer a épargnés. Adreffe d'une Dame pur fe fauver. IL Les coips des<br />

Chrédens briilés. Muftapha fait rebâtir les muraiUes àe Nicofie.<br />

Il met un Gouverneur à Nicofie, ^ va à Famagoufte.<br />

lll.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I, Situation àe Famagoufte. Ses fortifications. Siège àe cette FiUe. Jonâlion<br />

àes galères au Pape, 8 d'Efpagne, à la flotte Vénitienne. IL Desoràre<br />

àe la Flotte Ottomane, Desunion àes Chrétiens. HL La Flotte<br />

Ottomane/g retire en triomphe à Famagoufte, ou elle fait àes feux àe<br />

joie. Adtion Héroïque àe Renée, Dame de Rochas. * IV. Les Turcs<br />

entrent dans le port de Rhodes, 8 ks Chrétiens dans celui de Scythie,<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

L Les Turcs arrivent à Conftantinople, avec toute kur Flotte. Renfort<br />

àemanàé par Muftapha contre Famagoufte. IL Granà Faiffeau Turc pris<br />

par Quirini. Autres avantages remportés par le même. IIL Trifte fituation<br />

àes Vénitiens. Ils veulent àemanàer la paix aux Turcs. Le Fifir<br />

ne réponà point aux propofitions, qu'on lui fait. IV. Nouvelle ligue propofée<br />

aux Vénitiens par le Pape. Elk efi acceptée. Articles àe la ligue<br />

entre k Pape, k Roi d'Efpagne, 8 ks Vénitiens.<br />

C H A P I T R E Q _ U A T R I E M E .<br />

I. Flotte Turque en Chypre , forte àe 2 fo. Galères. Elle ahoràe à Suda,<br />

EUe ravage tout. H. Suite àes Conquêtes àe la Flotte Ottomane. Efforts<br />

des Vénitiens, pour réparer leurs pertes. La Flotte Chrédenne confédérée<br />

avance jusqu aux côtes àe la Morée. III. Famagouùe n efi point fecourue.<br />

Siège àe Famagoufte recommencé par Muftapha. Défenfe vigoureufe<br />

àes Affiégés, IV. Progrès àes Affiégeans. Affoibliffement àes Affiégés.<br />

Jls ne peuvent plus fe préfenter à la brèche. Générofité àes Femmes de Fa-<br />

' magoufte. Manque de munitions àans la Place.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

I. Avantage confiàérable àes Affiégés fur les Turcs. Muftapha aàmire le<br />

courage, 8 Ici fermeté des Affiégés. IL Ils font réduits aux àernier s abois.<br />

. Ils veulent fe renàre. III, Les Commanàans s'oppefent à cette reààition. Mort<br />

àe plufieurs Officiers àe difiinâion d entre ks Affiégés.- Capitulation.<br />

\<br />

** ** ** CHA-<br />

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o M M A I R E.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E ,<br />

L Reddition de la Fïlk de Famagoufte, Mauvaife foi de Muftapha. Sa<br />

cruauté 8 impiété. IL Muftapha fait réparer les fortifications de Famagoufte.<br />

Exemple d'Une patience Héroïque ^ Chrétienne. IIL Perte des<br />

Turcs au Siège de Famagoufte, Les'ckofes faintes profanées .par Mufi^pha.<br />

IV, Retour triomphant de Muftapha à Conftantinople.<br />

V LIVRE VINGT-SIXIÈME.<br />

sv. • ; . . , ; •<br />

C H A P I T R E P R E M I E R . /<br />

I. Fin du Reyaume de Chypre. Réflexion fur la conduite du Sénat Vénitien.<br />

Aviliffement de la Nobleffe Chypriote. IL La Flotte confédérée des<br />

Chrétiens veut vanger la mort dw Famagouftains. Sa réfolution.d'aUer<br />

attaipier la Flotte Ottomane. Mésintelligence entre les EÎpzgnoh ^ les<br />

Vénidens. Leur réconciliation, III. Defcription de la Flotte confédérée.<br />

Bon ordre, qu'on y obfervé.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. Flette confédérée à l'entrée au Golfe de Lepante. Les Efpagnols tâchent<br />

d'éviter le combat. IL Les Généraux exhortent les Troupes à bien faire<br />

kur devoir. Excès de confiance du Pacha Hali, III. Réfolution àes Turcs<br />

d attaquer les Chrétiens. Leur Flotte fait voik, S fait etnmenoter tous<br />

les efclaves Chrétiens, Defcription àe la Flotte Ottomane.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Les Turcs déconcertés à la vue àe la Flotte entière àes Chrétiens. Ils reprennent<br />

courage, 8 commencent le combat. II. Defcription du combat.<br />

Feu épouvantabk àe part, 8 dautre. Précaution fage des Chrédens. IIL<br />

Les Aumôniers des Chrédens ne ceffent de les exhorter, le Crucifix à la main.<br />

Figilance àe Méhémet Siloc, IV. FiMre longtems balancée. Herrîbk<br />

carnage àes àeux Côtés.<br />

C H A P I T R E


S O M M A T R E .<br />

de la Flotte Ottomane. Boucherie effroïable, que les Chrétiens font des<br />

Infidèles. Fin du combat. Affaut général. Perte confiàérable àes Ennemis.<br />

Trifte fituation àes Affiégés. / ...^<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

I. Parallèle àe la BataiUe àe Lepante , avec celle d'A6lîum, OM Augufte<br />

triompha de Marc-Antoine. Nombre des morts àe part, ^dautre. IL<br />

Partage àes àépouilks des ennemis, Brouilleries entre Jes Chrétiens. Faute<br />

àes Généraux, qui ne profitent pas de leur FiStpire. IH. Réjouïffances extraordinaires<br />

à Rome, à f.occafion de la Ficioire àe Lepante. La'iioùvelk<br />

de cette Fi^oire épouvante les Turcs de Chypre. IV. Elle porte la conftemation<br />

à Conû.Rntinople. On s'y fortifie. Les Tm'cs font, conftruire<br />

de nouvelles Flottes, Fin de cette Hijîoire.<br />

ETAT PRESENT<br />

U E^'^':^V6"Ï^"Y ^-...T E.<br />

L I V R E PREMIER.<br />

G H A p.,1 T R E . P R E M I E R .<br />

I. Difpofitions de FAutâun . IL Idée de /'Egypte en général. Sa fituation.<br />

Sa divifion. Ses bornes, lll. Fertilité de fEgypte.<br />

fes de cette fertilité, 8 àe ces richeffes.<br />

Ses richeffes. Cau­<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I, Sources du Nil bien incertaines. Di'oers fentimens fur la caufe de raccrois-<br />

' fement du Nil. IL Réflexion phifique fur la rareté de la pluk en Egypte.<br />

Fraies caufes àe l'accroîffement du Nil. III. Opinion peu fondée d'un Evêque<br />

Arménien, fur la fource du Nil. Mamère, dont les Habitans de Sannar<br />

navigent fur k Nil.<br />

****** 2 CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

X! H A p I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Sources du Nil les plus probables. Les Abifllns n'ont point de terme, qui<br />

exprime la neige. IL Réfutation àe quelques fentimens ordinaires fur la<br />

caufe au àéboràement au Nil. IU. Tems àe faccroiffement fenfibk au Nil.<br />

Fent s, 8 tempêtes fur k Nil.<br />

C H A P I T R E Q^UATRIEME.<br />

I. Superfiition fur la goûte, ou rofée. Machine pour fuppléer à Vinonàation au<br />

Nil. Opinion d'Hérodote examinée 8 réfutée. Qualités àe feau au Nil.<br />

IIL Mefure àe la hauteur au'^il àans fa crue. Tems àe fa proclamation.<br />

Cours au Nil. Nil plus facile à monter, qu'à àefcenàre.<br />

LIVRE SECOND.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R ,<br />

I, Féconàitè àe ^Egypte, Grains. Manière à'enfemencer les terres. Promte<br />

8 abonàante récolte. IL Arbres. Ils croiffent plus en Egypte en trois<br />

ans, qu'en Europe en àix. Abonàance àe rafins. Figues àe àivcrfes efpèces.<br />

lîl. Figues d'Adam, ou le Papirus àes anciens. Pommes à noïau.<br />

Datiers, ou palmiers à'un granà revenu. Citroniers 8 orangers au milieu<br />

àes épines. Singularité àe f Arbre Sener. . Eau àe Calafe,<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. Herbes , 8 Légumes. Mêlons àe àiverfes efpèces , excellens , 8 trèsfains.<br />

Les concombres deux fois fan. Il, La chicorée, ^ la laitue .Romaine,<br />

d'une douceur enchantée. Elles fe mangent fans aucun qffaîfonnement.<br />

III. Oignons à'une bonté fîngulière. Ris affez abondant en Egypte,<br />

pour fournir toute la Turquie , 8 la Barbarie.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Animaux Domefiîques. Fécondité des Brebis, y des Chèvres.. Beauté fîngulière<br />

des Chèvres. Qualité àes Boeufs. Abonàance àe Bufles. Féaux,<br />

8 leur ufage. Chevaux^ 8 iàée qu'en ont ks Turcs, Singularité dansks<br />

Mulets, 8 les Anes. InftinSt des Chameaux. III. Animaux féroces.<br />

l'Hippopotame ^ fa forme. L'Ichneumon ennemi du Crocodile. Son inàuftrie.<br />

Crocoàik àangereux. Singularité au Crocoàik. IV, Reptiles,<br />

Serpens peu à craindre en Egypt«. Mangeurs deferpens,<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


M M A I R E.<br />

C H A P I T R E Q^UATRIEME. •<br />

L Oifeaux abondans en Egypte. Agobîlk, mangeur de poiffon. Ibis, Oifeau<br />

peu connu. Le Chapon de Pharaon, ou vrai Ibis, Refiexion curieufe<br />

fur les Oifeaux, que Moïfe mena Jans le àéf ert.^ IL Quantité proàigieufe<br />

de Milans. III. Poiffons de l'Egypte àiffèrents àe ceux de /'Europe, Nacres<br />

de perles. Poiffon aprochant àe la figure àe la Femme, Ufage, qu'on<br />

fait àe fa peau. •<br />

LIVRE TROISIÈME.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I, Defcription d'Alexandrie, Diftindion entre la nouvelle 8 fancienne Alexandrie.<br />

La nouvelle Alexandrie bâtie àes ruines àe fancienne. Nombre<br />

de fes Tours. Etendue àe fon circuit. IL .^«^/^M/Y^J d'Alexandrie, Quantité<br />

àe Colonnes. Forme à'un ancien Eàifice. Traàitionfur le lieu, oii étoit<br />

le Palais àe Ste. Catherine, lll. Eglife àe St, Anaftafe aujourà'bui Mofquée,<br />

Montagnes compofées des décombres de fancienne Fille,<br />

• C H A P I T R E SECOND.<br />

I. Alexandrie fouterraine. Citernes dune beauté extraordinaire. . Canaux,<br />

qui portent feau aux Citernes. Canal de quinze lieues àe longueur. IL Ruines<br />

, qui àénotent la granàeur àe fancienne Filk. Antiquités àètruites par<br />

f avarice àes Turcs , 8 àes Arabes. III. Colonne àe Pompée, monument<br />

fuperbe. Sa hauteur 8 fa groffeur proàigieufe. Hardieffe dun àanfeur<br />

àe corde, Arabe de naiffance. IV. Phare d'Alexandrie, une des fept<br />

merveilles du monde. Ports d'Alexandrie. Remarques fur ces ports.<br />

Comme les Faiffeaux fe ramégent àans le port neuf. Fieux port.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Defcription àe la fameufe FiUe au Caire. Situation du vieux, 8 du nouveau<br />

Caire. Tombeaux des anciens Rois d'Egypte. Ces tombeaux font àes<br />

Mofquées. Forme àe la Fille. Son peuple nombreux. Forme de-fies maifons.<br />

IL Habitans, ou très-riches, ou très-pauvres. Réfignation des Turcs<br />

à la Providence. Caufe àe cette réfignation. Qualité àes Habitans. Leur<br />

nombre augmenté àepuis les guerres de Hongrie. - Mores, ou Coptes, originaires<br />

dupays, méprifês par les Turcs. IH. Habits 8 extrême propreté<br />

des Femmes. Hommes jaloux. 8 Femmes infiàèks. Magnificence des<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S O M M A I R E .<br />

Dames dans leurs vifités. IV. Leurs dévotions les vendredis. Leurs manière<br />

dS prendre les bains. Leurs converfations, & leur libertinage, jardin<br />

favorabk aux galanteries des Dames. Chafteté des FiUes, Les Femmes<br />

ne mangent point avec leurs maris. Poifm ordinaire parmi les Turcs.<br />

C H A P I T R E ( Q U A T R I È M E .<br />

L Erreur des Auteurs fur l^ombre des Mofquées du Caire. Nombre des Mofquées<br />

de toute /'Egypte. £,eCsLire fermé par des barricaàes. jufqu'à huit cens<br />

colonnes dans une Mofquée. Magnificence des Palais du Caire. Elévation des<br />

plafonds extraoràinaire. Richeffe àes Saks. IL Reliques à'un ancien Château<br />

dune granàe rareté pour les antiquités, qui s*y trouvent. Situation au<br />

Château au Caire. Puits àe Jofeph. Divan àe Jofepli. Colonnes dun<br />

marbre précieux à bon marché au Caire, 8 ailleurs.<br />

C H A P I T R E C I N Q U I È M E .<br />

I. Beauté àes Dômes 8 Minarets, ou Clochers àes Mofquées. Forme des Mofquées<br />

en Egypte. Forme àes cercueils, ou tombes, qui couvrent les tom-<br />

• beaux dans les Dômes. Ornemens des tombeaux 8 Chapelles. IL Façon<br />

des Minarets, ou Clochers. Ecoles des fciences. Scrupule àes Turcs fur<br />

la manière àe lire f/Jlcoran. Lacs, quife trouvent àans le Caire. III. Aàreffe<br />

àes Turcs àfe garantir àes trop granàes chaleurs. Antique 8 magnifique<br />

porte àe la Fiftoire. Caravanferails, ou magafîns àe marchanàifes<br />

étrangères. ' Ce font àes lieux privilégiés, ^ prefque facrés.<br />

C H A P I T R E S I X I È M E .<br />

I. Defcription àes Pyramîàes aux environs au Caire. Lieux, ou Elles font toutes<br />

les trois. Sphinx. Sa figure. Ce qu^peut fignifier le Sphinx, il. Reftes<br />

de quelques Temples près àes Pyramîàes. Troifième Pyramide. Seconde.<br />

Première Pyramide. Preuves, que cette Pyramide a été revêtue. Preuves,<br />

qu'elk a été fermée, 8 dans la fuite ouverte. IIL 5*^ couliffes, ou canaux<br />

, 8 leurs dimenfions. Chambre, ou Sale haute. Defcription de la Sale<br />

baffe. Galerie. Banquettes de la Galerie. M. M. N. N. IV. Autres<br />

Pyramides.<br />

C H A P I T R E S E P T I È M E .<br />

I. Lieu des Momies. Diftindion entre les lieux des Momies très-impropre.<br />

Confufion caufée par cette diftinftion. IL Situation àe Memphis. Lac,<br />

0» Birque àe Caron. Plaine àe Faoulmé. HI. Fafte plaine àes Momies.<br />

Manière àe creufer ks tombeaux pour ks Momies. Niches, 8 Caiffes àes<br />

Mo-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


s o M M A I. R E.<br />

Momies. Masques dorés fur les Momies. Hieroglfes fur ces masques.<br />

Fertu des lieux des Momies.<br />

des Amoureux.<br />

Difficulté àe trouver une Momie. Fontaine<br />

C H A P I T R E H U I T I E M E,<br />

L Le labirinte, ou la fepulture des Oifeaux. Qualité des Oifeaux embaumés.<br />

Entrée étroite du labirinte. Fertu des fables, fous lesquels font enféveils ks<br />

corps. Quantité de Pyramîàes àans la plaine àes Momies. Les Pyramides<br />

font àes quarrés entaffés les uns fur les autres. Paffion àes Egyptiens<br />

à embaumer les corps.<br />

C H A P I T R E N E U T I E M E,<br />

I. Raifons àe fAuteur de n'entrer point dans le détaU àes autres FiUes dEgypte,<br />

Il n'y a prefque plus à'enàroits fermés àe muraiUes en Egypte. Plus de loooo,<br />

Fill âges , auffi granàs que àes FiUes. L'Egypte auffi peuplée à-préfent<br />

qu'autrefois. II. Le Port Cebothus. L'ancienne Ile d'Anti-Rhodus. Le Port<br />

Cunoftis. Lieu de Canope, Nécropolis, oii CléQpztrefe àonna la mort. Lieu<br />

de f ancien Sérapium inconnu, lll. Terrain àes environs àe Roffette. Beaux<br />

reftes àe f antiquité àans le Delta, Explication àe ce que les Poètes ont ait<br />

du Nil, 8 de la belle Memphis.<br />

curiofités en Thébaïde,<br />

Situation de Damiette, Les plus belks<br />

'LIVRE Q^U A T R I è M E.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

I. Gouvernement de fF^gypte i ou Pacbalic. Dépenfe du Pacha. Ce qu'il envoie<br />

au Sérail. PaviUon de la Mèque fait aux dépens au Pacha. Le Pacha<br />

jouît àe tous ks revenus àe f Egypte. Ses àroits fur les Timars, ou Fillages<br />

àe ceux qui meurent, ll. Sept fortes àe Milice en Egypte. Mutfapharagas.<br />

Janiffaires. Leur indépendence du Pacha. Barchiaous. Afaps,<br />

Spahis, deux autres petits corps. 111. Privilège qu'a la milice d augmenter<br />

la paie. Le peu d'ordre, qui s'y trouve. Les Femmes peuvent acheter<br />

des paies fixes dans la milice. IV. Gouvernement de la Campagne. Dtvifion<br />

àe ce Gouvernement. Politique au Pacha à entretenir la mésintelligence<br />

parmi les milices. L'autorité du Pacba lui devient quelquefois dangereufe.<br />

I<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S o . M M A I R E.<br />

C H A P I T R E S E C O N D .<br />

I. Commerce de l'Egypte. Mine dEmèrauàes peràue. Les proàuftîons immenfes<br />

au pays y attirent les richeffes. Les originaires d'Egypte, 8 ks<br />

Turcs enterrent leurs richeffes. IL Chofes curieufes, qu'on lit de /'Egypte.<br />

MédaiUes. Pierres gravées. Crocodiles, Autruches. Poudre de Fipèrp.<br />

Baume &'c.<br />

C H A P I T R E T R O I S I È M E .<br />

I. Coutumes des Egypdens dans leur mariage. Précautions des Chrétiens, à<br />

fégard du mariage, négUgées par les Egyptiens 8 les Turcs. La àifférence<br />

àes Religions fait la àifférerKe àes Cérémonies àes mariages, 8 des<br />

maximes dans l'Egypte. IL Cérémonies des mariages Chrétiens en Egypte»<br />

Cérémonies des Arméniens, Celles àes Coptes. CeUes des Grecs. IIL Cérémonies<br />

de f Eglife. Scrupules des Arméniens au fujet àes mariages entre<br />

les parens.<br />

C H A P I T R E CL U A T R I E M 151<br />

I, Mariages Turcs. Le Caài, ou Juge, tient lieu àe Prêtre. Tems des<br />

bains le plus récréatif pour f Epoufe. Cérémonies bizarres, quî s'y obfervent.<br />

La répudiation même chez les Chrétiens. IL Bâtême àes Chrétiens. AVgligence<br />

àes Cpptes 8 àes Suriens fur cet article. Cérémonies avant fe<br />

Bâtême. Cérémonies du mortier frapé trois fois à l'oreille de fEnfant. III,<br />

La Circoncifion àes Turcs. Riches ornemens , àont font revêtus ceux<br />

quifont circoncis. Relation dune circoncifion célèbre. W. Bâtême 8 circoncifion<br />

tout enfemble chez les Coptes. Filles circoncifes. Sentiment àes<br />

Coptes fur la confeffion auriculaire. Leur croïance fur Jefus-Chrift.<br />

Leurs jeunes auftères. Ceux àes Arméniens, 8 àes 'l'urcs.<br />

C H A P I T R E G I N Q U I E isi E.<br />

I, Foeux àes Egypdens, Chrétiens, 8 Turcs. Huile 8 cierges offerts à<br />

St. George par les Chrétiens , 8 Turcs, Superfiition àes Chrétiens.<br />

Sacrifices à'animaux faits par les Chrétiens. IL Proçeffions àes Egyptiens.<br />

Leurs habits grotesques àans ces Proçeffions. Leurs largeffes envers ks pauvres.<br />

La Cérémonie de couper le Nil a fuccédé aux Proçeffions. lll. Purification<br />

des Egypdens, Immerfion de la Croix àans le Nu par ks Coptes,<br />

en prefence àes Turcs.<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


o M M A I R E .<br />

C H'A p I T R E S I X I È M E .<br />

I. Cérémonies funèbres. Lavement àes corps morts. Pleurs, 8 hurlemens des<br />

Egypdens, 8 àes Arrhes pour kurs morts. Lamentations fréquentes fur<br />

ks tombeaux àes morts. Granàes Aumônes en mémoire àes morts. Fifions<br />

des Turcs àans la Cérémonie au lendemain àe l'Afcenfion. IL Lavement<br />

des èorps' morts. On n'embaume plus les corps. Moribonds tournés d'uti<br />

certain côté felon leur ReUgion. Réponfe, que doivent faire les morts aux<br />

àeux'AngeSf qui viennent les interroger fur leur. Religion. Peine àe ceux qui<br />

ne favent pas cette réponfe, UL Âicieihufage de repréfenter les morts à la<br />

fin des repas. Expreffions ufitées dans cette Cérémonie. Explication de la<br />

fabk de la barquC'^ à Ç^ron pour porter les morts.<br />

C H A P I T R E S E P T I E 3 I E .<br />

I. 'UfageS'fingiilîers. Cheveux rafés dans le àueîl. Coutumes bifarres àes Feinmes.<br />

^Mdnfère de fe faluer. Salut des payfans, en fe frapant mutûelkment<br />

ks mains à plufieurs reprifes. IL Fêtement àes Femmes , quanà elles fartent,<br />

Fifites àes Egypdens^ entre patins 8 ^mis. Préfens, qui s'y font.<br />

Converfations, quî s'y tiennent. Ornemens àes Dames, Langage muet àes<br />

.Dames. 111. Le firail àes Femmes pour les Eunuques mêmes. Bonté des<br />

Turcs envers leurs Efclaves. Ils les font manger à leur tablée 8 ks établiffent.<br />

Médecins.<br />

Eftime particulière, que les Egyptiens ^ les Arabes font des<br />

\' * C H A P I T R E H U I T I È M E .<br />

I, Commerce de la Mer Rouge , 8 tout ce qui y a raport. De lajonStion de<br />

la Mer Rouge au Nil, Fraix de cette entreprife grands 8 peu utiles à<br />

l'Egypte. II. Deffein de Mr. de Colbert.. Son projet fujet à divers inconveniens.<br />

Difficultés de fexécution. Reflexions politiques à ce fujet,<br />

IU. Droits qu'exige le Roi de la Mèque/«r les marchandifes. Moïen de<br />

faciliter la navigation fur la Mer Kouge. Sûreté de fes côtes.<br />

C H A P I T R E N E U V I È M E .<br />

ï. Difficultés pour les étrangers dépaffer en Ethiopie. Deux routes pour paf-<br />

' fer dEgypte f» Ethiopie, Caravanes, qui paffent tous les ans dw Caire pour<br />

le. Roïaume àe Sannar, Elles fouffrent beaucoup, IL Difficultés de pénétrer<br />

f» Ethiopie. Jdloûfie àes Abifîîns. Maffacr»de quelques Fraacifçmis,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


a o M M, A I R E.<br />

qui allèrent en Ethiopie par la Mer Rouge. Autre route, pour alkr eu<br />

Ethiopie par la Mer Rouge. Moïens dy pénétrer à la faveur des Mîffions.<br />

Les Arighis bien reçus à Gedda. Situation, 8 qualités de la Mer •<br />

' . Rouge pour la Navigatien^ Conclt^on de tout ce que difft^^ Fin de fétat]<br />

préfent àe fEgypte,<br />

DIS SER T A T I O N<br />

CURIEUSE ET UTILE<br />

* • .'/.•..>:•; < -s Ù-R LES . ..'i.^--.^- ./• :., ; '<br />

CARACTÈRES HIEROGLIFIQUES<br />

DES ANCIENS ^ . ji''<br />

È G Y P T I E N S.<br />

C^ e quia àonnè lieu à cette Dîffertatîon.>kCes CaraStères inconnus à plufieurs<br />

J Savans,. Us étoient imprimés fur àe m toile. Examen de îà matière, fur<br />

la quelle ils étoient écrits. Citations àe àivers Auteurs fur la première ma^<br />

tière', àont on s'efi fervi pour écrire, àès k commencement. La pierre a été<br />

la première matière. Enfuite k plomb. Différence entre les écritures publiques<br />

8 ks particvMres. Hiéroglifes repréfentés fur la totk. Signification de<br />

ces figures Hiéroglifiques. .:<br />

LaLangue primordiale n'a pas été entièrement détruite. QueUe a été cette.Langue<br />

primordiale. Quelk a été Pécriture des Livres cités parMcfife? Qjifl'<br />

le écriture étoit en ufage du tems d'Abraham ? Caractères Phéniciens tes<br />

plus anciens. Preuves. Toutes les autres Langues anciennes en dérrvent. Caraftères<br />

Phéniciens,' Cananéens, Tyriens, Sirieris, Sàmàric^ns, Refont<br />

les mêmes. D'oin les CaraSèxes font venus en Grèce, Les anciens Hébreux<br />

fe font fervis des CaraStères Phéniciens. Petits, différence entre là<br />

Samaritain, ancien Hébreu, 8 k Phénicien. Langues Phénicienne<br />

{? Hébraïque w^ffi^cAj^ÉT. Egyi^ûenkfçulmeniimentmrsdektd^^^imàes<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


s O^ u M ^ î R E.<br />

voUèkt avec ks. confones , 8dw règles de Gratnmaire. Les anciennes monnoies<br />

Hébraïques prouvent notre Jyftème. Il eft appuie par les^Médailles<br />

^ la même Nation. Quand ces MédailleSi ont été frappées, L'Hébreu<br />

ûpellé improprement Hébreu. Caufi du changement àes Caraftères. Différence<br />

entre f ancien Hébreu, 8 k nouveau. Fanlté àes Giees, fource ,<br />

. de leur mateoenfe foi, 8 de leurs fabkt. Combien ils ont fait de tort aux •;<br />

beUes kttfes. Quel étoit k célèbre Gadmus. ^our répandu fur un piiffi^ -<br />

de St. Paul. Pourquoi les Payens Latins/onf encore moins intpîHgibîes, que<br />

les Grecs , dans les matières Tbéoîogiques.r Caraftères Tofcans Phéniciens.<br />

" ' . • i '<br />

La malice des Grecs, en tournant 8 renverfant les Carafieres Phéniciens ,<br />

en écrivant de la gauche à la àroite. Origine au mot Latin, verfus, en<br />

Franco^» viers. ^capitiilatîosi àéscbofeifi-iejfus. '"^ X|x àtifiens Caraftères<br />

Egyptiens, qàîontdbrtHé o'cdafiôn'à cette Différtamn ^'oht rien de commun,ni<br />

aucune reffemblance avec les CaraSlères Phéniciens, Samaritains,<br />

m Hébtçux, : 8* nioins encore avec une La»f^ sécenfe^ Q^atrsfirteS dé


s' o M M A I R' E.<br />

douze miUîons dEcus , indépendamment des avantages 'du • Commerce. Sa<br />

conquête n'eft pas fi difficîk, qu'on fe l'imagine. Ses places font peu fortifés,<br />

^ dépourvues d Artillerie ^^e Garnifon. Arrangemens à prendre.<br />

Etat àe Chypre. Moïens àe conferver l'Egypte, 8 ffk àe Chypre. De<br />

quelk façon ces Paysfe repeupkroîent. : Moïen àe s'emparer àe Conftandnople.<br />

La conjon&ure préfenté efi la plus favçrabk, qui pi0è fe préfenter,<br />

. , . J . ' . ' ' ' : ' .<br />

. . . ^ • • .. • . . 1 , .<br />

^- , . . • _ . ; i I - . . • W . Jt»<br />

--. • l e . . l • . . • • .' .,.^^ ;.:.•' ' . [.» • ' A '<br />

r- V .<br />

AVIS AU RELIEUR.<br />

• «^ t<br />

Le Portraît de l'Impératrice devant l'Epître Dédîcatoire.<br />

Le Portrait de l'Auteur à la première Page.<br />

La Carte de Chypre, - . - - . - - f. = •; Page f.<br />

La Carte de h Terre promifè : - - - - - - -j, 8


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R O ï AU M E S<br />

D E<br />

CHYPRE, JÉRUSALEM,<br />

r:i\ ^r% ir>(\<br />

D^ E G Y P T E .<br />

L I V R E P R É M I E R.<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

^•S!:^>.5C^3j|::^â> E nom de Tlle de CHYPRE eft devenu fî fa- Article i<br />

meux 5 par les merveilles que Ton a racontées,<br />

«^^ T dans tous les tems, de la fertilité de fon terroir,<br />

& de la douceur de fbn climat, que je ne dois<br />

pas juftiiier le deffein que j'ai formé, d'en<br />

donner une nouvelle Hiftoire générale. Je<br />

ne dois être en peine que du fuceès de mon<br />

entreprife, & de la manière dont j'aurai exécuté mon projet.<br />

A Car<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


2 H I S T O I R E G F H.E' R A L E ' ';•<br />

L Auteur Car, iT d'im côté, un très-long féjour dans cette Ile, «Se<br />

Ls&eur, dans les Contrées voifines, m'a mis à portée de m'inftruire d'u-. ,<br />

"ntV^/fl ne infinité de chofes qui la regardent ,! 6c ^dem'éclaircirj par<br />

^yi/ra;)ar-moi-même3de beaucoup de cireonftances, faiilTement, ou. imparfaitement,<br />

racontées, par les Ecrivains qui m'ont précédé, ;<br />

d'un autre côté, ce long féjour, dans,.ua Pays qui eft maintenant<br />

barbare, m'a prefque fait perdre le bon ufage de ma<br />

Langue naturelle; &, ce qui eft encore.plus.confidérable, il,,^ ,<br />

m'a privé du fecours que j'aurois pu tirpr de la feoniinunicatiOa ,,<br />

des Gens de Lettres,dans un Pays plus policé, &;.ou les Sciences<br />

fleurifïent. wv ^;!<br />

J'efpère néanmoins, qu.'en faveur de l'Ouvrage même , le<br />

Public Tne:pardonrîera-lé^ défauts, qui/pourroient fe trouver<br />

dans le lïîle. Lès Faits en Joiit de haïûre* â ^exciter la<br />

cm-iofîté^ & k foutenir l'attention *des Ledkurs; fur tout, lors-<br />

^^-ces Faits font r^tortésipal un hoéime, cj^i ne^elH: prél^eï-<br />

M à àticunaut>e iéritey-qffà celui-de rd!aâitu%e > & de îa<br />

fincérité.<br />

L'Antî- Tods fes Pîys ont lélifs FliblVs ,^ l'Hiftofre (\Q ieiifs premiers<br />

JmvenLm-^^^'^ ^^ toujours cnvelopéc de ténèbres épdifles, "qui ont<br />

brouillée<br />

de Fdblis. favorifé le goût naturel, que les Peuples^ont poujr les Fiélions.<br />

L'hiftoire de ^HYÎ*RE efl fujétte à "cet iiiconvénient, comme<br />

les autres-, & niême phis encore ; non feulement parce que<br />

cette lie a été fucceiTivement occupée par des Nations différentes<br />

, dont les invàfidns dé(SfuîE)iént: les Monumens an^<br />

cienis, & étéignoient le fouvenir des Evènemens antérieurs ;<br />

mais encore, parce qu'il ne nous reft^ aucune de toutes les Hif^<br />

tbires de cette île, dont les titres fe lifent dans les Anciens ;<br />

& qu'il n'y a pas même d'Extraits fuivis de ces Hiftoires. Il faut<br />

fe 'contenter de quelques Lambeaux découfus, de quelques Traditions<br />

répandues çà & là, dans les Ecrits des Anciens, raportées,<br />

par occafion, d'une manière peu exaâ:c,& qui reffemblent pref- -<br />

oue toujours k des Contes populaires, plutôt qu'à dès Ecrits d'Auteiirs<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L^LE DE CHYPRE. LIT. I. Cii. ï. 5<br />

teurs fenfés, & raîfonnables. La quantité des Livres brûlés<br />

par les Barbares, & même par les Evêques, k titre de Paganifme,<br />

& ceux que JULIEN fit brûler, en haine des Chrétiens;<br />

les reftes de ces Livres de l'Antiquité Païenne, qui furent même<br />

en danger d'être condamnés aux flammes, par un des plus Saints<br />

Pontifes de Romç^ GÇLE'GOIRE furnommé'/? Grand y ennemi<br />

outré de tout ce qui fentoit le Paganifme; c'efi tout cela<br />

qui eft caufe,qu'on a perdu les plus beaux Monumens de l'Ile<br />

de CHYPRE.<br />

Le favant MURCIUS a rafTemblé ces Fragmens , & les a réunis<br />

xlans un Ouvrage, publié depuis fa mort ; mais il n'y faut<br />

chercher, non plus que dans les autres Ouvrages du même Auteur,<br />

ni métode, ni éclaîrciiTement fur les difficultés que peuvent<br />

faire naître ces diverfes citations, par raport même au<br />

fond des chofes qu'elles contiennent.<br />

Il s'en faut bien, que je me croie en état de répandre, fur<br />

cette matière, la lumière, dont elle auroit befoin. Ainfî, je me<br />

contenterai de donner une Notion générale de l'Etat & de<br />

l'Hiftoire ancienne de l'Ile de CHYPRE ; & j'éviterai même d'entrer<br />

dans les difcufïïons, où fe font engagés ceux qui m'ont<br />

précédé, dans le deffein d'écrire cette Hiftoire.<br />

L'Ile deCHYPR^^a un nombre infini de différens noms, dans ^f^^^ples<br />

Ecrits des Anciens: ce qui pourroit venir de ce que, des l'Rtat, ^<br />

les anciens tems, elle a été occupée fucceiTivement par des rtamSme<br />

Colonies de différens Peuples, qui y étoient attirés par la fer-^^ ^'^'^'^<br />

tilité de fon terroir, par la douceur de fon climat, & plus<br />

encore par les avai>t^ges de fa fituation, qui la rendoit, pour<br />

ainfi dire, le centre de la communication, & du commerce<br />

entre les diverfes Nations de VAfie Mineure, de la Syrien de<br />

•hPbénidéy & 4e VEgypte.<br />

Peut - être auffi, ces différens noms venoient - ils, -de ce qu'é- ^ff^^^ ^^<br />

tant, en même tems, habitée par diverfes Nations, divifées, i'J}« àe<br />

. CHYPRE<br />

cfiacune en plufieurs petits Etats fçparés les uns des «utres,^/^:.ro»'/-<br />

A 2 ' tllcg'»^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


'4r HIS T O IRE GE' N r R AL E<br />

elle n'avoit aucuh nom commun. En effet, ces noms communs<br />

n'Ont ét?é , pour l'ordinaire , établis que lors qu'une Nation<br />

formoit un même Corps politique , & pour empêcher, qu'on<br />

ne la confondît avec les Nations voifines. L'Ile de CHYPRE<br />

féparée de toils les autres Pays , par là Mer, n'avoit pas befoin<br />

de cette diftinâ:ion de noms ; & les différens Peuples, qui<br />

y commerçoient, défignoient file entière, par Je nom particulier<br />

de la Ville, dû Cap, ou de la Rade où ils avoient abor»dé<br />

, dans le commencement.<br />

^l^-^ Il femble, que cette Ile étoit nommée, dans la Syrie, Kit y<br />

Cintti.* ou iCiftim-y du Cap nommé par les Anciens Kittîum , & aujourd'hui<br />

Chitti. L'Ecriture donne le nom de Kittim k. toutes<br />

les Iles de la Méditerranée , & même en génér-al k^ tous les<br />

Pays, où l'on alloit par mer des Côtes de la Syrie ; mais il<br />

paroît, que ce nom avoit d'abord fervi k défigner l'Ile de<br />

CHYPRE; & qu'il avoit été étendu, dans la fuite , k tous les<br />

Pays Occidentaux..<br />

Ku^ns. -Les Grdrj, qui prétendent, que cette Ile a eu plufieurs<br />

noms, qui donnent k ces noms des origines de leur'^Langue, 6ç<br />

les raportént k des Fables particulières k leur Nation, ne la nomment<br />

jamais autrement que Kupros; c'eft ainfi que l'appellent<br />

HOME RE , HE'SIODE , & tous les autres Poètes. Le nom<br />

de KypriSy ou Kbupris^^ donné k VE'NUS, eft une épitète, par<br />

laquelle on marquoit, que fon Culte étoit venu de cette Ile.<br />

Le nom modeitie de CM/V/T,(en Latin Cuprwn') vient de fépitète<br />

de Cyprien y que l'on donnoit k ce Métal j dont les<br />

Anciens n'avoient pas dé meilleures Mines, que celles de CHY­<br />

PRE.<br />

L'es Grecs ne^ font pas d'accord fur l'origine du nom' de<br />

Kupros. Le plus grand nombre a tranché la difficulté ,.,en<br />

fupofant -un Héros, qui a donné fon nom k l'Ile de CHÎPRE ;<br />

c'eft un dénoûment facile, que les Grecs emploient volontîeFSi,<br />

pour-ne pas demeurer courts., & pour-cacher leur<br />

, . igno-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE Dt CHYPRE. Li\% I. Cn. I. j<br />

ignorance. D'autres affurent, que ce nom eft celui d'une Plante<br />

commune dans cette Ile, que les-Gr^o"• appellent Kupros.<br />

Gette Plante, que l'on confond, mal-à-pi-opos', avec le Z/- P^-'^tf<br />

guflrum des Latins, a le tronc, les branches Se les feuilles fem- KTPTOS,<br />

blables au Grenadier; elle fleurit k-peu-près comme la Vigne; f"JJ'/Je"^"'<br />

& fes fleurs ont une- odeur très-douce, & tres-agiéable. Les


6 HISTOIRE GENE'RALE<br />

moins, ce qu'ils difent n'eft pas d'une fî grande abfurdit.<br />

La longueur de l'Ile de CHYPRE eft d'environ foixante & à^%<br />

Lieues, de ^ l'Eft k l'Ouëft ; c'eft-à-dke, depuis le Gap Dinarètey-,<br />

ou Clides, qu'on nomme préfentement de Saint André, jufqu'k<br />

celui ^Ahamaniey aujourd'hui Saint J^piph^rte. Sa largeur.<br />

Nord & Sud, dans fa plus grande étendue, eft depuis ie<br />

Promontoire Cromiuruy ou Cormacbitti y jufqu'au Gap Carias y<br />

pu aes Chats y de vingt deux Lieues ; Se fa circonférence en-<br />

-tière de cent foixante Se quatorze.<br />

^orme de Sa formc cft k-peu-pi'ès comme celle d'une Voile Latine ,<br />

QiYPRE. c'eft-k-dire triangulaire. Elle a plufieurs Caps, ou Promon-<br />

^foiiéten- toires, dont les principaux font celui de Zéphirium , ou de<br />

Malotay k l'Ouëft; Tburiumy ou Cap bfmcy au Sud; Calimnufay<br />

ou LimnitOy Lemnony ou à^ Alexandrette y au Nord-Ouëft; ceux,<br />

de Badesyou Chitti y Throni ou Pila y fédalium ou de l^ Grecque<br />

y au Sudr-Eft.<br />

mvifim Cette Ile peut être divifée en trois Parties différentes, par ra-<br />

CiYPRE? po^^ ^ ^^ qualité du terrain. La première Partie eft compoféê de<br />

hautes Montagnes, la plupart .couvertes de Bois taillis, ou de haute<br />

futaie. Elles commencent au Cap Saint Andréy qui eft le plus Oriental<br />

; & continuent, fans inter-ruption, vers la Côte Septentrionale,<br />

jufqu'au Cap Cormacbitti-, les autres traverfent l'Ile, depuis l'ancienne<br />

Ville de Soli, jufqi/au Promontoire Mazato, où elles recommencent<br />

k s'étendre vers l'Occident, jufqu' au-defTus de Baffo, autrefois<br />

Paphos. Elles fe courbent vers le Nord, en cet endroit,<br />

& regagnent le territoire de Soli j elles forment un demicercle.<br />

La féconde Partie de l'Ile confifle en Collines, Se Vallées fertiles,<br />

& délicieufes, qui font au pié des hautes Montagnes. Qiielquesiines<br />

de ces Vallées font fort fpacieufes ; &, prefque toutes, arrofées<br />

par les Ruiffeaux qui en fortent, Oiitre quatre autres grands Ruiffeaux,<br />

qui prennent leurfource au pié du Mont OUmpe, haute Montagne,<br />

que les Grecs appellent Tbroodos. Cette Montagne eft<br />

com-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE i;ï*LE DE CftYPRE. LIV. î. GH L f<br />

coniine détachée dés autfes;êlle a environ dix-huit Lieues de cireonfêrence<br />

, & deux de hauteur. C'eft la même que STRABOX<br />

compître k iuiê i\Iarhmelle. Sur le fommet de cette haute Montagne,<br />

il y avoit aricienhement Un Temple confacré k VE'NUS, vé^us.i^<br />

mais dont l'entrée étoit interdite aux Femmes. Aujourd'hui, il %5!^fJ'^<br />

y a une petite Chapelle, dédiée k Saint MICHEL , près de laquelle<br />

on conferve une groffe Pierre de Marbre verdâtre, parce que les<br />

Chypriots lui attribuent d^s grandes vertus. Ils fe font perfuadés y<br />

qiie le libu,6ù elle a été trouvée, marque l'endroit précis où s'arrêta<br />

l'Arche de NoE. Les Grecs, en perdant l'idée du Paganifme<br />

, n'ont pas perdu leur ancien goût pour les Fables ; & leur<br />

fuperftition n'a prefque fait que changer d'objet, Se de forme.<br />

Dans un tems de féchereffe, on porte cette Pierre en Proceffion;:<br />

Se l'on croit que cette Dévotion eft fort efficace , pour obtenir<br />

de la pluie. Les Anciens, cohiitte je viens de le dire, donnoient<br />

k cette I^fohtagne te nom éfOlijnpe, & les Grecs la<br />

nomnient Tbroodos, Elle eft abondante en Bois de haute futaie<br />

, Se en Arbres fruitiers fauvages, de différentes efpèces. Les<br />

quatre grands Ruiffeaux, qui en fortent, arrofent une grande<br />

étendue de pays de tous côtés ; ee qui fait voir l'erreur dé divers<br />

Hiftoriens, qui avancent, qu'on ne trouve , dans l'Ile de<br />

CHYPRE , ni Ruiffeaux, ni Rivières, & affurent, qu'il n'y a que<br />

qiielques Torrens, qui fe forment des pluies, qui y tombent<br />

pendant PHiver.<br />

La troifième Partie de flIe eft une belle Se vafte Plaine, qui ^"'•^^'^ 'fe'<br />

la traverfe, comme en écharpe, du Sud-Eft au Nord-Oucft. Elle mélm^a^<br />

a feize Lieues de longueur ; &, en plufieurs endroits, fix , huit, ne.<br />

& jufqu'k dix, de largeur. Gette Plaine-eft extrêmement fertile5<br />

tant en grains, légumes, coton, Se pâturages, qu'en foie.<br />

La fécondité de fon terrain lui a fait donner , par les Cb}'priotSy<br />

le nom de Meffaire y ou d'Egypte. On fait, que ce nom,<br />

chez les Arabes y fignifie proprement la ^ ^ Egypte: il vient de<br />

cduidQMafryOuMefraijny que les jHi^r^«.v donnoient k VEgypte.-<br />

On<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


8 HISTOIRE G F N E' R A L E<br />

On comptoit autrefois, dans l'Ile de CHYPRE , quipze Villes<br />

confidérables, outre un grand_nombre de Bourgades, ou de<br />

fnS g^'^s Villages. De ces quinze Villes, neuf étoient Capitales<br />

de l'ile en d'autaut de petits Roïaumes différens ; & les autres avoîent<br />

flwLff^âf prefque toutes des Seigneurs indépendaçis, qui prenoient le ti-<br />

•^n«if£ ^^^ ^^ Lynajfes.<br />

Aujourd'hui,il ne refte plus que les ruines dé ces Villes; &<br />

^\us'^r^^ l'on n'en peut compter, au plus, que cinq, dans toute l'Ile, fajminrhuî<br />

voir, Nicofie y qui en eft la Capitale, au Centre de l'Ile; Fama-<br />

^mes."^ g'^^py fl^r la Rive oppofée k la Syrie y Se fur les ruines de l'ancienne<br />

Sal(imine ; Cérines, ou Cerauniay fur la Côte Septentrionale;<br />

Enfin, Papbo.^ y ou Bûffoy Se Limifol y fur la Côte Méridionale:<br />

mais ces .deux dernières font très-peu de.chofe, & ne font<br />

remarquables qu'en ce que ce font des Sièges Epifcopaux du Rite<br />

Grec y où la commodité de leurs Rades attire quelques Bâtimens.<br />

nue" t? Outre ces Villes, il y avoit nombre Châteaux,bâtis dans des<br />

desCbâ-^ lieux prefque inacceffibles, où l'on en voit encore les ruines, dans<br />

yTo?ir"lfi chaîne^de Montagnes, qui eft au Nord de Ni/;ofe. On les<br />

"''^- x^ommQ Saint Hilarion y oi},le Dieu d'Amour y Cantaray Se Buf-<br />

Ds Sjo. favento. De huit cens cinquante Bourgs, ou gros Villages,<br />

^iCeiielon- qu'ou comptoit autrèfois dans l'Ile , il en refte k peine trois<br />

tenoit, n cens, dont la plupart font k moitié déferts: de forte que le nomn'en<br />

refis - , TT i • i I^TI ^ < x<br />

^lusque bre des liabitans de lile monte, tout au plus, a cent quarante<br />

^°^^,^^.^ mille, Mabométans y ou Chrétiens du Rite Grec. Il y a queld^Hahi-<br />

ques Chrétiens Maronites y & Arméniens y qui, en tout , ne<br />

'*-^' fpnt pas mille âmes.<br />

C^iangement bien confîdiprable, Se nombre d'Habitans bien<br />

petit, en comparaifon dé la multitude de peuple qui s'y trouvoit au-<br />

M^iïacre ^^^^0^^ ! puïfqu'au raport de Ni CE'PJIQRE , dans fon Hifloire Eccléfiùf-<br />

^u^'firent ttque y & de DIONCASSIUS, dans l?iFie de P Empereur TRAJAN,<br />

des Habi- les Juifs, révoîtçs contre les Romains y s'emparèrent de cette Ile,<br />

c'^Ypts ^^^^ ^^ règne de. ce Monarque, & y maffacrèrent deux cens quajov.r<br />

rÉin- rante mille perfonnes, en peu dc jours, dans l'efpérance de s'af-<br />

Tiajan. Iran-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. ï. CH.L p<br />

frajichir de la Domination Romaine y fans que les Chypriots y moux<br />

& efféminés, fe miffent en devoir d'arrêter la fureur de ce Peuple<br />

irrité. 11 eft vrai, que TRAJAN ne laiffa pas leur cruauté impunie;<br />

car, après avoir défait leur Armée en Syrie y il fit paffer en CHY­<br />

PRE un de fes Capitaines, nommé Lucius, avec une bonne partie<br />

de fes Troupes, pour en chaffer tous les Juifs y Se fit un Dé­<br />

cret , par lequel il défendit qu'aucun de cette Race pût jamais s'é- Trajan<br />

tablir dans file; ce qui a été obfervé, tant que les Romains font /SIT<br />

poffédée, de même que fous tous les autres Princes, qui en ont /.J/f^f<br />

été les maîtres depuis; Se ce qui fe pratique encore aujourd'hui, Chypre.<br />

fous la domination de l'Empire Ottoman.<br />

Le même NICE'PHORE raporte, que les feuls Maronites y qui<br />

habitoient file de CHYPRE, y occupoient trente trois Bourgs, ou<br />

Villages; que leur Nation étoit fi nombreufe, qu'en l'année 1167.<br />

quarante mille d'entre eux fe rendirent auprès d'EMERic, Patriarche<br />

LatindAntiocbe yCntrQ les mains duquel ils abjurèrent leur erreur, nites^*^^<br />

& promirent en même tems obéïffance ^uPontifQ Romain : Change-{''"'^JJ^^<br />

ment doublement heureux, puifqu'en abjurant leur Schifme, ils Romain,<br />

entrèrent dans le véritable giron de l'Eglife Orthodoxe ! ce qui<br />

fut caufe, qu'en fannée 1193. Gui de LUZIGNAN, qui vint prendre<br />

poffelTion de l'Ile de CHYPRE, les diftingua, non*feulement<br />

des autres Chrétiens Grecs, mais leur accorda même divers privilèges<br />

Se franchifes. Ils en ont jouï, tant que les Chrétiens ont<br />

poffédé cette Ile > dont les Habitans étoient alors divifés en<br />

quatre Etats différens. Ces quatre Etats étoient la Nobleffe, la .<br />

Bourgeoifie, les Artifans libres afranchis, Se les Efclaves ; les der- dèTpeupies<br />

niers étoient emploies k labourer les terres. Se aux autres ouvra- '^^^'^'^•<br />

ges ferviles de la Campagne, Se des Villes; on tiroit des autres la<br />

Milice ordinaire, pour la garde du Pays.<br />

L'ancienne Hiftoire de CHYPRE eft fort obfcure, par la raifbn<br />

que nous en avons marquée: les Hiftoires particulières de cette devTden-<br />

11e font perdues. On ne peut former aucune fuite du petit nom- TeChymJ<br />

bre de Fragmens, qui nous en font reftes; Se les Ecrivains moder- prowéepar<br />

'^ * -n raifons.<br />

O nés.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


î© H l s T 0 IR 8 Ç^ r N,r R A I- E<br />

nés, qui ont voulu fupléer a ce défaut, ne nous ont donné que des<br />

Luzignan Fables. On doit mettre en ce rang tout ce que le Père LUZIGNAN<br />

TÉir raporte de la Conquête de l'Ile cfe CHYPREparNiNus, Se la Fondaécritfans<br />

tion ^ Amathus y ou Amatbunte par S E'M I R A M I S ; aulfi bien que<br />

jtndement. ^^^j.j.gg ci;iofes qu'il raconte y Se qui n'ont aucun fondement dans<br />

l'Antiquité. Cependant, toute fabuleufe que foit fbn Hiftoire,<br />

on y trouve de la fatisfàdion en bien d'endroits, qui ont mérité<br />

l'approbation générale. Quelques Auteurs nous apprennent,<br />

qu'ÂBYDEMUs Patefadusy Difciplt d'ARiSTOTE,^avoit écrit une<br />

Hiftoire de l'Ile de CHYPRE; mais j'ai eu beau la chercher,.même<br />

dans les plus fameufès Bibliotlièques, je n'ai pu la trouver.<br />

Une autre raifon de fobfcurité de fancienne Hiftoire de CHY­<br />

PRE, c'eft que les Habitans de cette Ue n'ont prefque jamais été<br />

réunis fous mie même Domination. Le Pays étoit partagé entre<br />

neuf Rois diflérens, qui n'occupoienfi leurs forces qu'k s'entre-détruire;<br />

en forte que ces divifions les mettoient hors d'état de former<br />

aucune Entreprife confidérable, & même de réfîfter k celles<br />

des Etrangers.<br />

Sentiment HE'RODOTE, le plus ancien Hiftorien de la Grèce y raporte,<br />

«fHérodo- i^j, le témoignage des Chyprkts mêmes, que file étoit habitée par<br />

te.<br />

trois Nations différentes, les Phéniciens y les Ethiopiens, Se les<br />

Grecs. Ges derniers avoient bâti plufieurs Villes, qui étoient habitées<br />

par ÔQs ArcadiensySe des Athéniens,qui furent jettes fur ces<br />

Gôtes^, après la Tempête, qui difperfa la Flotte Grecque y au retour<br />

de la prife de Troie. •<br />

Aux Arcadiens & aux Athéniens, H E'R O D O i^ E joint les (^tb-'<br />

nîens'y on ne trouve pourtant, dans les Anciens,'aucune trace<br />

de cette Colonie de file de GYTHNOS;, fune des moins<br />

confidérables des Iles Cyclades; Ainfi, il pourroit- bien fe<br />

faire, qu'HE'jiODOTE eût mal pris le fens de ce qu'il avoit ouï<br />

dire aux Chypriots y Se que ceux qui étoient, félon lui, originaires<br />

de File de Cytbnos, fuffent en effet les Naturels dt l'Ile, que<br />

nous avons dit ètrQnomméQ Kittim y ou Kittiuntyipzî les Orientaux.<br />

•: - • Ges<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ne 1,'ÏI.B SB esYPRE, Ur. l €«, l n<br />

Cei Naturels de file, que les Grecs nommoient AutoçfftboticSy 6ç le^<br />

Romam j^forigênes , occupoient le Canton dAmatbténte^ près<br />

du Cap KittiuJHy felon le témoignage de SCYLAX, Géographe antîien,<br />

prdque contemporain d'H E'R-O DOTE; Se ils étoient venue<br />

de ta Phémcie y comme on va le faire voîr dans un moment : mais<br />

il y avoit encore quelques Colonies de Grecs, ààs\^ file de CHYPRE.<br />

La Ville de Çarium, entre autres, avoit été peuplée par les A^giens<br />

y comme on fapprend d'HE-R o D o T E , avec qui S T R A B o N<br />

eft d'accord, fur ce point.<br />

Les Ethiopiens dont parle HE'RODOTE, qui s'étoient établis<br />

dans VIIQ de CHYPRE , ne pouvoient être que des Peuples de la<br />

Pentapole Cyrénienne, qui, felon P T o L o M E'E & J u s T i N , com=prenoît<br />

cinq Villes, Cyrène y qui en étoit la Capitale, bâtie fur<br />

une Colline, k dix Lieues delà Mer, Bérénice, Theucbire, Ptolomée<br />

y Se Apolonie, qui étoient fur.fes bords: x:e qui vérifie ce<br />

qu'on difoit, que c'étoit auprès de Joppey que fe paffa l'Avanture<br />

d'A N D R Q M E'D E, Fille de G E'P H E'E, Roi des Ethiopiens ; & qu'on<br />

fivoit donné k cette Contrée le nom d Ethiopie,<br />

Avant que d'entrer dans les Evènemens de fancienne Hiftoire<br />

de C H Y p R E, il eft k propos de parler des neuf Villes Roïales «de<br />

cette Ile, Se de celles des autres Villes, qui peuvent ipériter quelque<br />

attention.<br />

La Ville d Amatbunte eft, de l'aveu des Grecs y la plus, ancien- ^i^à'Kne<br />

de toutes ; elle étoit Phénicienne d'origine,comme le témoigne ^fmori-*<br />

fon. nom, qui eft le même que celui dEmath, Canton célèbre ^"*^*<br />

dans la Syrie y entre le Liban y Se VAntiliban. Lea Ancien» ont<br />

reconnu cette origine. SCYLAX , comme nous avons vu, la nomme<br />

une Ville Autochtbones; Se THE'OP.OMPE, cité par PhoTius,<br />

affure, que c'étoit dans çe Canton, que s'étoient retirés les Habitans<br />

des Pays dont les Grecs s'étoient emparés, lorfqu'ils conduiiirçût<br />

âos Colonies dans VAfie.<br />

Le célèbre ERATOSTHE'NE , Chef de l'Académie du Mufeum k ^^5^7,,^^<br />

Alexandrie, avoit écrit, k ce que rapporte SUIDA s, une Hiftoire '^'^ma-<br />

B 3 dA^ ''""^'•-<br />

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î2 H l S T O I R E G r N E' R A L E<br />

d Amatbunte y qui devoit être fort étendue, puifque les Anciens<br />

en citoient le Livre neuvième, pour un Fait qui paroit regarder le<br />

tems des Guerres des Grecs, contre le Roi de Perfe. Mais, comme<br />

cet Ouvrage eft perdu, nous ne pouvons rien dire de l'Hiftoi^<br />

re de cette Ville, fî ce n'eft, que fes Rois femblent avoir été plus<br />

attachés k la Perfe y que les autres Princes de cette Ile, qui, par<br />

leur origine Grecque y ou par leurs liaifbns avec cette Nation, prirent<br />

fouvent parti, avec le^ Grecs y dans les Guerres qu'ils eurent k<br />

foutenir contre les Rois de Perfe. On ne fait combien dura le<br />

Roïaume d Amatbunte y ni quand il prit fin: il paroit pourtant,<br />

qu'il fubfiftoit encore, fous les Sueceffeurs d'ALEXANDRE , comme<br />

nous l'apprend ETIENNE de Byfance.<br />

Temple Le même Auteur raporte, que la Ville d Amatbunte étoit reà<br />

Ama"'^ marquable par un Temple, dédié k ADONIS OSIRIS , réùniffant<br />

thunte. ai^fj enfemble les deux nom?, que les Phéniciens, & les Egyptiens<br />

donnoient feparément k la plus grande de leurs Divinités. VE'NUS<br />

étoit aulfi adorée dans ce même Temple, fous le nom d'AMATHU-<br />

TiréTcw ^^-^- *C^tte Déeffe étoit repréfentée k Amatbunte y felon THE'Odivers<br />

PHRASTE, MACROBE, & SERVIUS, fous la figure d'un<br />

/JU. " ^ Homme barbu, qui réùniffoit en lui les deux Sexes. Par-lk on<br />

voulut marquer, que f objet du Culte étoit la Nature même, ou le<br />

Principe de fécondité qu'elle a répandu dans les Etres, & fur tout<br />

dans ceux qui ont la faculté de produire des Etres femblables k<br />

eux par la génération.<br />

devenus ^^ Culte de cette Divinité, dans fon origine, n'avoit rien qui<br />

àansfon ' portât k la D ébauche. On exigeoit de ceux qui approchoient de<br />

w^St ' fes Autels une pureté aulfi grande, que pour les Miftères des autres<br />

rien d'im. Dîeux. Maîs Ics chofcs changèrent bien depuis,fi ce n'eft dansia<br />

/V'ÛIQ d Amatbunte, au moins, en quelques endroits de l'Ile, où<br />

mmt^dêce ÎI Y ^ivoît pluficurs Templcs de VE'NUS. Toutes les Femmes decme.<br />

voient, une fois en leur vie, fe rendre au Temple dc la Déeffe,&<br />

attendre qu'un Etranger les emmenât, pour fatisfaire une brutale<br />

paffion, après leur avoir jette une Pièce d'argent fur les genoux.<br />

Tel<br />

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: DE L'ILE DE CHYPRE. Lïv. I. CH. L 13<br />

Td étoît l'ufage établi au tems d'H E'R ODOTE;& c'eft, fansdoute, Faiiedes<br />

Ik-deffus, qu'étoit fondée la Fable des PropétideSy de ces Femmes ^.^J'^"*<br />

fans pudeur, qui aïant blaphémé contre VE'NUS , fe livrèrent aux<br />

derniers excès, & furent, dît-on, changées en Rochers, par cette<br />

Déeffe, irritée de leurs proftitutions. Gette Fable femble avoir<br />

été imaginée contre le Culte rendu k VE'NUS , par les Syriens d Héliopolis<br />

y Se par ceux de Babilone y chez qui le Temple de cette Dé- Cuiteque<br />

effe étoit un Lieu de la plus grande débauche, & autorife en même venus ^Lx<br />

tems ce qu'ont écrit plufieurs Auteurs, au fujet des Loix que VE'NUS f-^^cS^f'<br />

avoit établies dans file de CHYPRE , où fes Temples furent confa- Babilone<br />

crés k une proftitution générale. C-ar , non contente de ces abo- l'minabîes<br />

minables Sacrifices, elle fit une Ordonnance, qui obligeoit toutes f^^.^^^^<br />

les Filles du Pays d'aller fur les Rivages, pour s'offrir aux Etrangers Chypre.<br />

qui y abordoient ; dérèglement infâme, maîs qui , felon JUSTIN,<br />

facihta k DIDON fenlèvement de plus de quatre-vingts de cesNimphes.<br />

Gette couraereufe Princeffe avoit quitté clandeftinement la Didon/a/*<br />

Ville de Tyr fk Patrie , pour éviter la tirannie de PYGMALION fon lesniies<br />

Frère , qui avoit fait mourir SICHARBAS fon Oncle, &fon Mari, f^^^p^'<br />

pour s'emparer de fes richeffes. Comme elle avoit deffein d'aller peuplerjà^<br />

chercher un afile, qui la mît k fabri des fureurs du Tiran, & qu'elle<br />

n'avoit fîir fa Flotte aucune Femme, pour peupler la Colonie qu'elle<br />

vouloit établir,elle maria ces Chypriotes avec les Tyriens y dont les Enfans<br />

commencèrent k peupler le Ville de CartbagCy que cette Princeffe<br />

fonda, ou que,felon d'autres, elle ne fît que rétablir.<br />

L'Ile de CHYPRE n'étoit "pas le feul Pays,oùlesHQmmes (Scies Fem- Temples dt<br />

mes s'abandonnoient k ces excès de volupté, pour célébrer les Fêtes BibîisVfelon EUSE'BE,<br />

Se BocHARD, c'étoit fèndroit où VE'NUS avoît embraffé fon cher<br />

ADONIS, lors qu'il fut mDrdu par un Sanglier, de laquelle bleffure<br />

il mourut ; & que, fenfible k fa perte, cette Déeffe inftîtua les<br />

B 3 fêtes<br />

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Ï4. ,HlS!r.OIRE G E» NE* RALE<br />

luennes. Fêtes i


PE L'ILE DE CHYPRE. LIT. I CH.L tf<br />

tes, dont les Cérémonies avoient du raport k'fon Avanture. Il<br />

dédia deux peti^ Statuer, fune de bronze, & l'autre dVgent,<br />

que cette Princeffe avoit apportées avec elle, & donna au Bois fa- -<br />

cré, dans lequel étoit fon Tombeau, le nom de VE'NUS ARIADm.<br />

PLUTARQUE , qui nous apprend ce détail, favoit tiré d'un<br />

' Ouvrage de POE ON d Amatbunte , qui devoit être inftruit des<br />

Traditions dejbnPayç. ,-<br />

Qûmme la Ville d Amatbunte n'étoit pas une Colonie Grecque y •<br />

on a peine k comprendre comment cette opinion auroit pu s'établir,<br />

& comment on auroit donné le nom de»VE'Nus ARIADNE au<br />

Tombeau^s'il n'y avoit pas eu un fondement réel. Dans ce cas-lk,<br />

voici encore un nouvel exemple de la licence des Poètes ;& THE'-<br />

SE'E n'aura pas moins kfQ plaindre d'eux, que DIDON. DellruSion<br />

La Ville d Amatbunte a fubfîfte jusqu'en l'année 1191. de ]E'-deia vîûe<br />

sus-GiiaisT , qu'elle fut ruinée par RICHARD Roi d Angleterre ;xh\inte^ •<br />

les ruines en fùbfiftent encore, fbus le nom de Fieux Limifol. ch^ar?j?o»<br />

•- A fOccident di^t Roïaume d Amatbunte étoit celui de Paphos ;^^^^^^^la<br />

Ville de ce nom, -^pellée d'abord Eriticay fut nommée Pa- ^vuk'de<br />

phos^ par CYNIRAS, OU felon d'autres, par PAPHUS, OU EPAPHUS, ^.^v^^h^<br />

i •' *^ . . . , jow origine.<br />

Fils de TYPHON. Cette dernière opinion donneroit une origine<br />

Egptienne'^cettQ Ville. La datte de fa fondation, marquée par<br />

EUSE'BE k fan 254. avant la prife de 7>w , fait voir, felon HE'-<br />

R.ODOTE>^ que CYNIRAS, Fondateur de Paphos y eft très-différent de<br />

GYT*! n AS, qui regnoit en CHYPRE, au tems d'AGAMEMNON. EU-<br />

SE'BE fuppofe la fondation dc Paphos dû tems de DANAÛS , de<br />

GADMUS, &deGE'GROPS, & du tems du Paffage des Colonies<br />

Phéniciennes^ Se Egyptiennes dans la Grèce.<br />

On nommoit c^


i6 HI S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

L'ancienne Paphos, Mon H o 01 E R E , T A c i T E , Se M E'L A ,<br />

étoit bâtie k dix Stades de la Mer, fur le Fleuve ApbrodifîoSy dans<br />

lequel on dit, que VE'NUS & ADONIS s'alloient baigner. Cétoit â<br />

l'embouchure de ce Fleuve,.qu'étoit venue aborder la Déeffe VE'­<br />

NUS, d'abord après fa naiffance. Auffi étoit-celk proprement le<br />

centre de fon.Culte, 6c le plus ancien Temple,qui lui lui fût confacré,<br />

dans toute file , Se pour parler comme les l^^héologiens du<br />

Paganifme, fon Habitation propre ; & on lui donnoit, le nom<br />

dApbrodifienne.<br />

Culte qiL'on Cette VL'NUS étoit-la VL'NUS URANIE, OU Céléjle y fur les<br />

v'nusdans Autcls de laquelle on entretenoit un feu pur. On auroit cru ofr<br />

le Temple de fenfer la Déeffe, qui prélidoit k la génération, & k la produélion<br />

Paphos. ^^^ YXïQS vivans, par la deftruélion de ces mêmes Etres ; c'eft pourquoi<br />

, on n'y offroit jamais de Sacrifices fanglans. Dans la fuite<br />

cependant, on ajouta aux Sacrifices, & aux Offrandes, la Divination<br />

, par rinfpedion des Entrailles des Viélimes immolées ; mais<br />

cette Cérémonie ne faifoit point partie du Sacrifice, Se on ne brûloit<br />

aucune partie de ces Animaux fur f Autel.<br />

L'ancienne Paphos étoit k foixante Stades de la nouvelle, bâtie<br />

par A G A p E N o R. Quoique ce Prince Grec eût transféré, dans la<br />

nouvelle Ville,les Autels Se le Culte de VE'NUS établi k GolgeSy<br />

Fmejpon petite Ville, au pié du Mont AkamaSy k la fource de YIQUYÇ Bar-<br />

^deTchv- barosy le Temple de fancienne Paphos avoit néanmoins conferve<br />

priots au fes droîts, & l'oH y alloit en Proceffion, aux Fêtes de VE'NUS.<br />

"wéins.^ STRABON obfervé, que cette Proceffion fe faffoit encore defon<br />

tems. On fe rendoit de toutes les autres Villes de file k la nou-<br />

Statue de vellc Paphos, d'où l'on alloit en Proceffion, Se avecpompe,kranvénus,<br />

en ^.jçj^ f çniple. La Statue qu'on adoroit, felon TACITE, n'étoit<br />

forme de ^ • . -, T^- , n • T^<br />

Pain de k proprement parler, qu une Pierre qui reprefentoit une Borne ,<br />

•^"'^'^^' ou un Pain de Sucre. La forme fymbolique de cette Statue avoît<br />

été prife de celle de VE'NUS URANIE dAfcalofie dans la Palefline',<br />

car c'étoit àe-l^Ly félon HE'RODOTE, ^ PAUSA­<br />

NIAS, que fon avoit porté le Culte de cette Déeffe dans file de<br />

CHYPRE,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


BE L'ILE DE CHYPRE. LiV.l CH. L i-<br />

CHYPRE, de l'aveu même des Chypriots. On voit fouvent la répréfentation<br />

de cett^ Statue fiir des Médailles.<br />

Depuis Ja fondation de la nouvelle Paphos, Tancienne perdit<br />

beaucoup de fon éclat ; & ceffa d'être la.Capitale du Roïaume.<br />

Les noms des Rois dQpaphos, qu'on trouve dans les Anciens, font,<br />

tous Grecs; ce qui fait voir, que ces Princes étoient -ceux de la<br />

Colonie Gr^r^«^d'A.G A p E'N OR. Cependant, îl paroît, 9^^ ^^ §^j^^"-f^.<br />

Defcendans de f ancien CYNIRAS avoient conferve kJPapbos Vin-rens/".i'itendance<br />

du Temple, avec un rang & des revenus confidérables. l'nlll'^c.<br />

' On lit, dans .PLWTARQUE , que, dans le tems que GATON fut envoïé<br />

po\ir réduire file de CHYPRE en Province IU>mainey îl fit offrira<br />

PTOLeME'E le Pontificat du Temple de VE'NUS Paphienncy<br />

comme une place, qui lui procureroit en même tems un rang diftingué<br />

, & de grands revenus.<br />

Les Fables des Crrecs parlent beaucoup de CTTNIRAS ; mais elles •<br />

confondent le Fondateur de Paphos, avec le Roi de même nom,<br />

contemporain d'A G A M E M N o N , & d'A G A p E'N o R. Je ne m'arrêterai<br />

pas k raporter, encore moins k concilier, les contraditions,<br />

©ù les jette la conf ufîon qu'ils ont faite, de deux Princes du même<br />

nom.<br />

APOLLODORE donne la Généalogie des Fondateurs de Paphos^<br />

qu'il fait remonter, par PHAE'TON, & par TITHGN, Fils de CE'-<br />

PHALE, & del'AuRORE, jufqu'k GE'CROPS; maison voit là<br />

une fuite de la vanité èe^ Grecs, qui vouloient que tout fut forti<br />

de leur Pays. Ce qui femble de plus affuré, dans cette Généalogie,<br />

c'eft que CYNIRAS étoit Fils de SANDE'CUS, OU SADOC ,<br />

quî paffa de la Syrie dans la Cilicie, & y fit bâtir la Ville de Ce'îanderiSy<br />

& époufa THANACE, ou PHARNACE, Fille de MEGESSA-<br />

RUS. Ce fut ÛQ Cilicie y ^quQ CYNIRAS paffa dans l'Ile de CHYPRE,<br />

avec.une nombreufe troupe de Syriens. Il y époufa la Fille d'un<br />

Roi de CHYPRE, nommé PYGMALION , nom commun parmi les '<br />

Tyriens.<br />

On attribue h ce PYGMALION la fdïidation de Car paffe y Ville CarpifTc<br />

G ' fituée l',^ "*-<br />

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n HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

JJ2J2^- fituée à l'extrémité Orientare die file, ftir un Iftme de trente Sta*<br />

fa Femme dcs, OU d'uHC Lîeue, quî fêpare ks


DE L'ILE DE CHYPRE. Lrv. I. CH. L ip<br />

ScTLix » ^ui nomme les ViBes Giyto^uos as l'Ik deC!H¥mi£, ae<br />

parle pas de Citium^ ct'^ (xrôuvt qv^^ ^cièn'teaM» ç'/âft-à-dtre,<br />

vert ktems dePmMHPK, f ère •d'A&EXAnoiue^ c'étoit lencore<br />

«ne ViUe Phénicienne. Cétoit a«ffi k Patrk 4u 'fameux Zfi'-<br />

NDN, FocKkteur des la^Seâe «de ^tâfckm.^ & celk.de ^lufîeoiis de<br />

fes Pii(%iks. DI49G£'NE LÂERG^, as les autres Auteurs, ^ui<br />

p^ent d& ZE^ON, nous âipprennezit, qu'ilÛeuriftbit fous ksSucceffeiarg<br />

dfAxEXANDRE; &, dans une Lettre j, que ZJË'NON écrk .<br />

au Roi ANT^GONUS, vers k cent-trentième Olimpiade, ou vers<br />

l'An deux-^cens foixante avant JrRjSUs CHRIST, il fe donne 8a<br />

ans. 11 étoit dofK: né vers l'an trois-cens quarante de JE'SUS-<br />

CHRIST ; Se dès lors , la ViHe â&CUîm éfoit peuplée par ks<br />

Grecs. •^'^• '<br />

Le xiomde Kitm, -doiiaé ^TLriQs^i^vtauxkVllQ de CHYPRE, Unmie<br />

eft cïigïlodé, par eaetenfîoHj 'éixiA f écriture, pour fignifier toutes ^J^ "^<br />

ks Iks-de ITÎ Méditerranée^ ou même ies Pays -m Von alloit par toutes tes<br />

Ma*. Ce nom, dis-je^ prouve l'iaroÉifuité de la Vilk de Citium, diterra-<br />

&fa fpkndenr dans les présakrs tems. Ceft, ^ns doute, par ^^^'<br />

cette Tailfon , que l'on en attribuoit ia iandafcion k B E'L us;<br />

c'eft-a-dire, à BAAL, la première de toutes }&s Divinités Phéniciennes,<br />

D'anciens Ecrivains, cités pM* BOCHAJRD , difent, - que BE'-<br />

LUS fut Père de PYGMALION , qui riigïaa tiprès lui dans l'Ile de<br />

CHYPRE. Comme les Anciens font BE'LJJS Fondateur des Villes<br />

de Citium Se àeLapatbuSy if y apparence» qu'dies formoient<br />

le Roïaume defon FikPYGMAUON, quoique kiiiibnce de près de<br />

feize Lieues, qu'il y a entre ces deux Villes^ iU(pende un peu mon<br />

jugement Ik-deffus. • .<br />

CYNIRAS aïant époufé, comme on l'a vu plus haut, une Fille<br />

de PYGMALION, a vécu, au plus, deux générations après le Fondateur<br />

de Citium ; &, comme cette Ville étoit déjà célèbre. Se avoit donné*<br />

fon nom k toute file, au tems de MOÏSE, on voit que B E'L U S, PYGMA­<br />

LION & CYNIRAS doivent avoîr précédé VExode-, Se que, par<br />

confequent, f ancien CYNIRAS eft beaucoup plus vieux j que celui<br />

C 2 dont<br />

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-a H r S T O I R E - G F NE' RAL E<br />

dont il eft parlé dans HOME'RE, &, qu'il fupofe avoir été alfîé<br />

avec AGAMEMNON, par les noeuds de l'Ho§)italîté.<br />

UssChy- • Ge qui me fait dire y fuïvdan.t V Exode 2^. que dès le tems dé"<br />

^M^foush' MOÏSE, ks Cib)'/ri(7/"i^étoient connus fous k nom de Kitimy c'eft'<br />

T" ^dF' ^"^ BALAAM, dans^ la fameufe Prophétie contre les Arabes Kéktems<br />

de ffécns, parle des Flottes de ceux de Kitim,& des dommages qu'el-<br />

^^^^* les caufèrent aux Affyriens-. Un Fragment d'une Chronique Ty-<br />

*<br />

• rienncy conferve dans JOSEPH», nousaprend, que leRoi de T^r,<br />

nommé ELOUALAI , aïant foumis ceux Citium y qui s'étoient révoltés,<br />

fut attaqué par SALMANASSAR, Roi dAffyriCy qui engageadans<br />

fon parti ceux de Sîdon'y dAcOy depuis Ptolomaïde, Se de"<br />

quelques autres Vilk§. L'Auteur de la Chronique ajoute, qu'ils-'<br />

fournirent k SALMANASSAR une Flotte de foixante Vaiffeaux, mais '<br />

qu'elle fut batue par les Tyriens ySe, comme c'eft-lk'lè feul Combat,<br />

naval, & même la feule Flotte Affyrlenneyâont il foit parlé dans l'Antiquité,<br />

oh doit ^croire, que c'eft par-lk, qu'on doit expliquer la<br />

Prophétie de BALAAM, quiattribue au fecours^des Vaiffeaux Chypriots<br />

de X?//;7/'la Vidfcbire remportée par ceux de 7)r, fur leurs'<br />

autres Vaiffeaux révoltés, &lîgués contre eux^ avec, le Rôi dAflyrie/<br />

Cet Evénement qui-, felon ESAÏÉ, eft d'environ l'an 7^30. avant*<br />

J E'S u S - C H R I ST -, prouve, qiie la Vilk de Citiunry Golonk Phê'^<br />

mcienne, obéïffoît aux Tyriem fès Fondateurs.<br />

Gsr/priots La Prophétie d^'EsAïÉ, (*)• qui^annonce k la Vilfô de Tyr ce<br />

flv'jsiyL qu'^élk doit fouffrir dé NÀBUCDONOSOR, que fa ruïrie viendra de Jïr- •<br />

T^iicus. /7^/• cette Prophétie, dis-je, prouve, que «ceux de CHYPRE,<br />

fecouërent k joug dis Tf riens y versi'an doo, fe joignirent aux<br />

BahylonfénSy &.lem*fourhirent des Vaifïeaux, ou, du moins,'reth-ërent<br />

ceux qu'ils avoientau fervice des 3yr/^f,& par-lk caufer<br />

kur ruïrie. .^' ''-'•<br />

Ce fut, a peu près, dans le même tems, mais avant la Prife dé:<br />

ïî^r par'NABucDONOSOR,que ks EgyptienSy fous le Règfk d'A P I C E'S^<br />

''•• ;' - : ^- ' . ' • - at^4e)EsAîÉ,<br />

XXHL;. - ^*'. ^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i*E LTLE I>E CHYPRE. Lir. I. CH. t IF<br />

attaquèrent par Mer ks Phéniciens y Se ks Chypriots. Commo ^<br />

DIODORE de Sicile joint ces deux Peupks enfemble, on peut croire,<br />

qu'ils formôieilC encore un feul & même Etat; &, que ceux<br />

de Citium ne cefsèfent'd'obéir aux Tyriens y que lors qu'ils les virent<br />

engagés avee les Babyloniens.<br />

Les Citiens conferyèrent toujours leur forme dé Gouvernement.-<br />

Ils avoient dés Rois particuliers, au tenîs»d^ALEXANDRE,& même<br />

fous fes Sueceffeurs. On parle d'un PYMATUS, Roi de Citium y foug<br />

ALEXANDRE; & ce nom^ q\à eVt Barbare, fait croire, que le•<br />

Sceptre de Citium étoît demeuré aux Phéniciens y & n'avoit point<br />

paffé aux Familles Grecques*, .<br />

A f Orient de Citium étoit la Ville Se le Roïaume de Malum ^ym^ ^<br />

qu'on peut vraifemblablemènt conjeélurer avoir été au4nême ^^-'f'^'f<br />

droit, où fe trouve aujourd'hui Lar nec a. Habitation ordinaire<br />

des Européens y qui y font leur commerce. L'Hiftoire ne nous ap**<br />

prefîd rien de particulier de ce Roïaume, fi ce n'eft qu'il-forma un<br />

Etat féparé-, jufqu'à FT O L O M E'E S^O TER, qui jfelon D i o D OR lè<br />

de Sicile y fit arrêter STATIACUS, Roi de^^^^/ww, ruina entière-L^^ri-wni^ment<br />

la Ville, Se en^ tranfporta ks Habitans 2L Paphos.<br />

A rOrient dé Malum étoit la Ville de Salamine^y aujourd'hui ^nkkiK<br />

Famagoufle. Gette Ville étoit entièrement Grecque, & bâtk par sahmine<br />

TEUCER , Frère d'AjAX le Télamonien. TEUCER , aïant été chaffe aujourd'hui^'<br />

de nie de Salajfiine y yoiïme d Athènes, par fon Père TE'LAMON, gS.<br />

pour avoir négligé de vanger la'mort d'AjAX,-paffa dans file de<br />

CHYPRE ; & ,^omme il trouva, que VArcadien-AG A P E'N O R s'étoit<br />

déjk établi auprès de Paphos, k f extrémité Occidentak, il alla fonde»<br />

une autre Ville k l'autre bout de file> vers.fOrient." A T-fIE'N E'E,<br />

qui nous fapprend^ dit, qu'il avoit avec lui, non feukment une<br />

partie des Avanturiers GrecSy qui l'avoknt fuivic mais encore pli^»<br />

fleurs Captifs Troïens, qu'il jo^nit a fk Troupe,<br />

r 11 débarqua d'abord for la Rive Septentrionale, voifîne de là'<br />

Cilicie y dans un Lieu qui conferve toujours le nom de Rivage des-<br />

^tib^^wi y. deJk., il s'avança vers le Midi;


22 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

. defeptanteStadee, quî jokt les ^ux jtotks de l'Ile, â bâtît la<br />

nouvelle Vilk, au fond d'un Golfe fur k Fkuve BocaruSp ou i*/dycus.<br />

TEUCER fut aidé, dans l'Elabliilèmeat de fà Colonie, par<br />

CYNJRAS, allié d'AGAMEMNON. Il époufa une Filk dece Prince,<br />

& en eut des Enfans, dont la Poftérité ^cQaferya long->tem8 k<br />

Sceptre.<br />

Sa fonda- Dafis l'eudroit où TmcER, bâtit la nouvelk Salitminey il y avoit<br />

tion par<br />

Teucer, un ViUtgc, qui poitoit k nom de Cér^, éc -où l'on rendoit à<br />

AGRAURE'S, Fille de GE'CROPS', un Culte vraiment Baréare: on<br />

immoloit en fon honneur des Viébiiaes Humaiiies. Les Athénims<br />

lui rendoient feulement les honneurs Héroïquas, en mémoire de<br />

ce qu'elle s'étoit immolée volontairement, pour Je fakit de fa Patrie<br />

; & il y a apparence, que ce fkt à l'imitation des Phéniciens,<br />

que TEITCEÎR établit Cette coutume. LAC^\4NCE dit, qu'elle fubfifla<br />

jufqu'au tems de fEmpca-eur ADRIEN; mais PORPHIRE, pluff<br />

iàvant qiie LACTANCË, nous apprend qu'eilk fut abolie par k<br />

^' RoiDiPHiLus, contemporain d\m SE'LEtrcûs, qu'il nomme<br />

le Théologien,<br />

le de Nous apprenons de TACITE ,tjae TEUCER établit k Salamine k<br />

Jupiter Culte de JUPITER Grec-,Se fc Tempk,qu'il avoit dans cette Ville,<br />

^'^^^* étoit k plus ancien de l'Ik, jqjrès ceux de V'E'NUS k Amatbunte^<br />

Se ?i Paphos.<br />

La Vilk de Salamine étoît la plus confîdérable, & la plus flo^<br />

rîffante de toute fl le, k caufè de fà fit3uati0n,qui la rendoit maîtref^<br />

fe du Commerce de la Syrie, Se de celui de VAfie Mineure. Elk<br />

Conferva fes Rois particulkrs jufiju'aux derniers tems ; & ces Rois<br />

obligèrent fouvent les Jiuit autres à leur obéïr. Il eft vrai que,<br />

fous ks Defcendans de TKUCER, les autres Princes de file fe réunirent<br />

enfemble, les renversèpent du Trône, & les contraignirent<br />

d'abandonner leurs propres Etats ; où H E'R O D OT^ nous ap*<br />

prend,qu'EvELTHON,qui étoit de cette Race, ne rentra qu'après<br />

foixante ans d'Interrègne, Se reprit en peu de tems la puiffance<br />

de fes Ancêtres. La renommée de ce Prince in^ira à PHE'RE'TI-<br />

ME«<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


T)E; LMLE DE CHYPRE. LIV. L CH. L 23<br />

HE, Veuve de BATUS, Roi de Cyrène, que fes Sujets révoltés en<br />

avoient chaffée, la penfée de venir k Salamine y avec fbn Fils AR-<br />

CHESILAS, lui demander du fecours pour fon rétabliffement. Mais, afront<br />

fait qu'EvELTHON fût prévenu en faveur des CyrenienSy ou qu'il Reine?\\éne<br />

voulût point dégarnir fon Pays des Troupes qu'il y entretenoit, ^^'^'^^;^<br />

il préfenta, en plaifantant, une quenouilk à cette Princeffe, avec Eveithon.<br />

unfufeau d'or, en lui difant, que cela lui convenoitjmieux, que<br />

le Commandement d'une Armée. Les Rois de Salamine y que<br />

Taffluence du Commerce avoit rendus puiffans. Se de bon goût,<br />

avoient eu foin de faire orner leur Ville de quantité de beaux Edifices;<br />

&, pour réparer k défaut de feau, qui y eft faumâtre, ils<br />

y avoîent fait conduire, avec de grandes dépenfes, celle qui coule<br />

de la précieufe Source de Chitrie y qui en eft éloignée de douze<br />

lieues; Se on voit encore aujourd'hui des refîes du femeux<br />

Aqueduc, qui flit bâti pour cet effet.<br />

11 y avoit deux Villes confîdérables, foir la Côte Septentrionale, ArtteitV.<br />

celle de Lapathos, fondée par BI'LUS, comme nous l'avons déjà j apathoj,<br />

obfervé, & celle êb Soliy ou dOepea; l'une. Se fautre, fî l'on é'SoU.<br />

en doit croire PLUTAROPE, étoknt Capitol d'un Roïaume. La<br />

dernière étoit une Colonie Grecque, fondée', felon les uns, par<br />

D E'M o p H o N, Fils de T H E'S E'E iSc de P H E'D R E , &, felon d'autres^<br />

p^v deux Atkéniens-y AKAMAS, &. PHALE'RUS. Les Habitans<br />

de cette Ville étoient Grecs, & parloient la Langue Grec- Onginedu<br />

^uey mais corrompue5 ce qui paflk en Proverbe: on dffoit Solae- ^f^g^^*<br />

ifiony ou parler comme ceux de Soft y pour dire mal parler; &<br />

c'eft dé là que vient le mot de Solécifme,<br />

SOLON aborda en cette Vilk, pendant fes Voiages, Se fut crès^<br />

|jkn reçu par fc Roi CYPRANOR,qui le regardok comme fon Conàtoïen.<br />

SOLON s'attacha à cc Prince, & rengagea k bitir une<br />

nonvelk Vifle, dans un Lku plus conHiiode q»e celui où étoit f aaicjenne;<br />

i) y attira, par ta Sageffe de» Loix qu*il y établie, im fî<br />

p-aoè nombre des Citoêen», qu'elk devint, en peu de tems, trèsflock&nte.<br />

Cx^MtimÊkj feAâbl^aux«avaa(ag€s qu'il tenoit de SO­<br />

LON,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


54 HI'STOLRE G E' N E''R A L £<br />

LON., voulut que la nouvelle Ville portât fon nom, & qu'elle fût<br />

par Ik un Monument éternel delà Sageffe du Légiflateur., Se de<br />

SoiiJu la reconnoiffance du Prince. Un Auteur ancien nous a sconfervé<br />

S. ^ un Fragment d'une .Elégie de SOLON k ce Prince, où il eft nommé<br />

G YPRANOR. HE'RODOTE l'appelle Pbilochypir; Se parlant<br />

de ces mêmes vertus de SOLON., il ajoute, que le Fils de ce<br />

Prince, nommé ARISPOCHYPRE fut tué, dans un Combat contre<br />

les Perfes y lors de la Révolte de l'Ile de Gn?PRE, fous DARIUS<br />

premier. ^<br />

^,.,. Le neuvième des Roïaumes de f Jk, étoit celui de Chitrie, ou<br />

o:


M L'ILE DE CHTPRÎi. LIT. L CH. IL 2j<br />

fource de ces prodigieufes Richeffes: caries Princes étrangers,<br />

qui


24 .xHiST.OI R.TJ CTE'HE'JLA L«:<br />

tête, ^UJMS atitaclièff6»td'aboi;d aux Ccéoa^ ds^ murailles d'^<br />

Sr-2t mathunte. Cette taie fiât auflà-tôt remplis d'an ef&in d'Achypriots,<br />

beito,, quiy firent Ifâttr mîeL Cette fingukrité.parut iî meru<br />

veilleufc au peasrpk.,' toujours rempk ,de fiipiçrfiitionj &-qiH regarde,<br />

comme des Prodiges, la plupart des évènemens, que k fèut<br />

lia^rd produit, qu'il alla, en .grande cérémonk> confulter POracle;<br />

ôcfurja.réponfe qu'il en reçut, au rapon «I'HE'AÛDOTE,.<br />

cette tête fut ^nteriée^ avec beaucoup de pompe; &l'on iafti^<br />

tua des SacriJïcesjen fon honneur.<br />

civ'pre IsocRATE, danis fon Dffcours à la Ipuangc d?EvAGORAS, Roif<br />

vûnatîm dc iS^//aw/«^, prétend, quc ce Fut un Phéniciehyjqni remit file en-<br />

«fw Perles, ^Q jgg m^ius dcs P^r/^.?, CH trahiiïant leRoi de Salamine y qui lui<br />

avoît donné fà confiance.<br />

Dans l'énumeration que fait H E'R o D O T E des Provinces de<br />

l'Enjpire.des Perfes y fous DARIUS, l'Ile de.CHYPRE eft comprife<br />

dîUMi le cinquième des dix neuf Etépartemens, qui compofent<br />

cet Empire. Elle étoit peu chargée d'impôts, puisque ce grand<br />

Roi ne retiroit que trois^cens cinquante Talens de tout ceDépartement,<br />

qui comprenpit, avec l'Ile de CHYPRE, toute h.Pbénicie •<br />

S& h.lPaiefime, . . '<br />

Anide U, Aptès la Bataille de Platée ^ où l'Arma de XERXES futxléfaite<br />

fur terre, comme eUe l'avoit été par mer k Salamine y les<br />

Gr^rx chercliant à profiter deileur Viéboîre, & à afoiblir les<br />

Perfes y envolbvent une Flotte dans l'Ile de CHYPRE, pour remettre<br />

en Hberté les Villes Grenues de cette Ile » & pour en<br />

chaffer les^Gvurniibn» Perfanes, comme nous venons de le dire.<br />

VEfczdre Athénienne, qui étoît de trente Galères, commandées<br />

par ARISTIDE , aborda fur les Côtes de CHYPRE , y débj^ua.<br />

des Troupes, & s'empara de plufieurs Villes, comme nous faprri'<br />

de P^'s^oïîs de THUCIDIDE. Cet Evénement eft de l'an-477. avant<br />

Chypre J. G. • .': ^V-:. -^.<br />

în?rTks Les Egyptiens y au moins les Rois des Vilks Grèêfues de<br />

1M Greisf ^^^^^ Ik, fe fcrvifent de cette occafion pour s'aff^anciiir du<br />

joug<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CllYtRè. Ltv.i CH.U. ZY<br />

jôiig des Perfes ; iiiais Diolùôià; nous apprend, qu'en 4^1,<br />

lorfqu'AiifÀfeAS^ 5 & Mî:'GA''ÈtSÈ allèrent attaquer k6 ^ptiens<br />

révdltés contre ARTÂXERXES , fous la conduite d'iNAftus^,<br />

ife s'arrêtèrent dans f Hé déCHtPKE,&'y Firent cohftntïircniigra'n^<br />

îfbhibre dé Vaiffeaux, de fnêrfte qùcf dans îa Cilicie y Se dans la<br />

f^éhiciè'y ce qui prouve, qifau moins une partie de rikoléïi^<br />

foît aux Rois Se Perfe. :^<br />

Les fecôùrs qik ce PHhte avoit tirés' def Ile de CÉrYntt:,


o8 H I S T Q I R E G F N E' R A. L E '<br />

pas d'en efpérer du fecours. Se les divers intérêts des neuf Rôis^<br />

lés tenant désunis, ils cherchoknt kfe maintenir, par leur atta*<br />

chement, & par leur fidélité au grand Roi, c?eft-k^dire au Roi<br />

Àe Perfe y qui prenait ce titre, comme nous fapprend SUIDAS.^<br />

Les chofes changèrent de face en 338-• EVAGORAS, defcend<br />

du des anciens Rois de Salaminey.c'eù.-k-dire de TEUCER, avoît<br />

été chaffe de la Ville, dans une Sédition. ABDAI^ION, Tyrien^<br />

avoit été mis fur k Trône, Se s'y maintenoît, par la faveur<br />

du Roi de Perfe. EVAGORAS trouva le moïen de rentrer dans<br />

Salamine y k la tête de quelques gens armés, en chaffa ABDAMON,<br />

Se remonta fur le Trône, en 405'. fors de la défaite des Athé^<br />

f niens k Aegos. Potbamos.<br />

Evagoras, EvAGORAS fut k peine rétabli, dans le Roïaume de Salami^<br />

hm^e.^ «e, qu'il fongea k fe rendre maître de l'Ile entière. ILleva des<br />

- Troupes, contraignît im grand nombre de Villes de fe foumettre<br />

à luî,en engagea quelques autres, par-fes promeffes,.k le recon^<br />

noîtrc ; Se enfm, il réunit toute file en un feul corps, k la réferr?<br />

ve des Vilks d Amatbunte , de Citium , & de Soli, dont les<br />

Rois fe préparèrent à la Guerre, Se envoïèrent demander du fet<br />

cours à ARTAXERXES. Ge Prince ordonna aux Satrapes des Villes<br />

Maritimes, &^au Roi .des Cariens de les foutenir, & fe pré^<br />

para en même tems à marcher lui-même k. kur défenfe...<br />

La Paix avantageufe, qu'il conclut fannée fuivante 387. aveo<br />

les Lacédémoniens y le mit en état d'attaquer EVAGORAS, avec<br />

toutes fes forces. Les Làcédémbniens s'obligèrent, par ce Trai^<br />

té, nommé la Paix dAntalcidaSy d'abandonner les ^Villes Grèr<br />

ques de VAfte, Se de ne leur donner aucun fecours contre le<br />

Roi de Perfe. 'Les Athéniens Se les Thébains voloient avec<br />

douleur, qu'on livroit les Grecs aux Barbares ; mais ils n'étoient<br />

pas en état de s'oppofer.au Traité,. , • ,<br />

Artaxer* Ce ne fut cependant que fannée fuivante, qu'ARTAXERXES<br />

Chypre. P^ ^^^s l'Ile de CHYPRE, à la tête d'uncArmée de troîs-cens<br />

mille hommes. Le retardement du Roi de Perfe; avoit. donné à<br />

EVA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


0E L'ILE DE CHYPRE.^ LIT. I. CH II. 2^<br />

EVAGORAS le tems de fe fortifier, & d'engager plufieurs Villes,<br />

& plufieurs Princes dans la révolte. T^r ,& quelques autres Villes<br />

de la-Pib^w^/^, lui avoîent fourni des Vaiffeaux; AcoRis, Roi d'upe<br />

partie de VEgypte y révoltée contre la Perfe y lui avoît envoie<br />

des Troupes, & le Roi de Cérines y fon Allié fecret, lui<br />

ayoit do|iné.des Sommes confîdérables, qui l'avoient mis en état<br />

dejprendre des Etrangers à fon fervice. So» Armée étoît compoféê<br />

de foixante-mille Chypriots y fans compter les Troupes étrangères<br />

, ni celles que le Roi des Arabes, & quelques autres Princes<br />

Orientaux lui avoient fournies,en affez grand nombre.<br />

Les commencemens delà Campagne furent favorables à EVA­<br />

GORAS; mais la perte d'un Combat Naval, près de Citium y dérogea<br />

entièrement fes affaires. Abandonné d'un^ partie de<br />

fes Alliés, il fe vît.hors d'état de tenir la Campagne. Les Per- soumîffm<br />

fes mirent le Siège devant Salrnnincy'Se le prefsèrent fî vive-'''^^^so<br />

'. ' " ras aux<br />

ment, que ce Prince fe voïant réduit k-ne pouvoir réfîfter long- Perfes.<br />

tems, laiffa fon Fils PROTAGORAS dans la Place,- & paffa^ en<br />

Egypte y pour y foUiciter lui-même du fecours ; mais n'aïant pu<br />

l'obtenir tel qu'il k fouhaitoit, il revint k Salamine, Se prît le<br />

parti de fe foumettre.<br />

L'Armée Perfane avoît deux Généraux, ÔRANTE , Se TE'-<br />

RiBASE. Celui-ci, qui étoit le premier, ne voulut accorder la Paix<br />

à EVAGORAS, qji'k des conditions très-dures. Non-feulement<br />

iL prétendit, qu'il = renonçât k la-Souveraineté de l'Ile, ôcfe<br />

contentât de la. feule ViHe: de Salamine y pour laquelle il'payeroit<br />

le Tribut accoutumé; mais il exigea encore, qu'il/è reconnût<br />

pfclave du Grand-Roi5 & qu'en cette qualité, il fût foumis à .<br />

tous fes ordres. ^ :.<br />

EVAGORAS rejetta cette dernière condition, & prétendit, »<br />

fon tour, ne devoir que f obéïffance qu'un Roi peut promettre<br />

à un autre Roi, fans bleffer ladignité de fon Garaétère. Il n'é"<br />

toit pourtant pas en état de réfîfter ; & fa perte étoit certaine,<br />

lorfque laxafoufîe du Collègue de TE'RIBASB-^ fauva EVAGORAS 5<br />

D 3. en<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


t© H I s T o IR Ê G E' NE' R ALB /<br />

tniicndant ce Céftérsiî foi^eft au Soi iePérfi.<br />

- Il fut a?rrêté. L'Armée fetfmey c^iM é«5it afifeÉîohnéêy<br />

refufa 4e continuer k Siège ; Sele nouveau ^énèfîtl, eff>aj^è<br />

dejla mauvaife diÇ>dfitibn de fes Troupes, accorda la^dic ft<br />

EVAGORAS,à des conditions plus modérées. ARTAltER^rES étbit<br />

alors occupé à foumettre les Cààueîens, qw avoknt fcdoiié le<br />

jmig. Se allumé la guerre au cœur de l'Empire. •<br />

£TAOOIU$ , qui lie perdit rien du pouvéiY des Rois fes PrêdécéA<br />

fèuri, par fa révoitë, conferva ainfî fc Roïaumie de^afàrrtinë.<br />

trudence Cet avattCagé lui attira k Jiaînedcs aut^e^^ètîts Souverains dé<br />

l^%l^^^' l'Ik; mais elle àugmeSEita fa réputatioii chez ks Etrangers, qui,<br />

charmés de fà vaktû*, Se du bon ordre qu'il avoit ét^M a Sala-mine<br />

y où teut fleuriffôit, s'y rendoient en foulé, pour jOuïr du<br />

lèjour d'Une Ville fî bkn policée. Se vivre fôbs un Prince fî a&<br />

fâbk. GoNON^, Général des ^J^éwi^Sc ancien Ami d'EV^AGt>-<br />

RAS , fe réifugia àiïprès defliH ; aiprèfr la


DE L'ILE 0E CHYPRE Lit. ï. CH. ÏÏ. jt<br />

d'utepec le Roïaume, par k moïea d;UQ puLl&nt Pai^ti^ que ce<br />

fcélérat avoit eu fadreffc de fe faire.<br />

Maîs, malgré fes intrigùes^, NICOCLES^, Pifs d'EvAGORAS, mon- Succejfm<br />

ta fur lé Trône. Nous avons un Difcours d'IsocRATE, conip^- cL.T<br />

ft pour être prononcé aux Funérailles d'EvAGORAS, qui contient fm^p^^'<br />

de ^ands éloges de ce jrince, & qui ne fait aucune mentToii<br />

de à mort violente;' mais, comme on fait, que les Rhéteurs, tel<br />

qu'étoit IsocRATE, croient n'avoir pas moins de*droiti queles<br />

Poètes, de fe jouer de la vérité, on ne peut rien conclure du filence<br />

d'IsocRÀTE, fî ce n'eft qu'apparemment on auroit mal fait<br />

fà cour à NicocLES, en lui parlant de cet Evénement, qui ne lui<br />

faifoit pas honneur, parce qu'il n'avoit pu vanger la mort de fpn<br />

Père, par la punition du Meurtrier.<br />

Nous avons deux Difcours du même ISOCRATE, l'un adreffé k ^Ifç^^^^^^<br />

NicocLES, fiu* les 'Devoirs de la Roïauté; Se l'autre compofe, en envers NIfpn<br />

nom, fur les Devoirs des Sujets envers leur Roi. Dans l'un, ^°^^'<br />

& dans fautre de ces Dffcours, ISOCRATE fupofe, que Nico-<br />

CLES étoit un Pruice habile, & vertueux; ce qiû ne s'accorde pas<br />

avec ce que les Anciens nous apprennent de fà Tirannie, & de<br />

fa molkffe.<br />

Il paroît, felon DIODORE, que fon Règne ne fut pas fiJong,<br />

puifqu^'en l'an 35^1. avant J. G. il y avoit un autre Roi à Salamine<br />

y qui avoît eu un Prédéceffeur, différent de NICOCLES. On<br />

peut même conclure de ce que dit PAUSANIAS, qtie fon ne comptoit<br />

guères le Règne de ce dernier, puifqu'il affure, que les DeP<br />

cendans de TEUCER régnèrent à. Salamine y jufqu'à EVAGORAS.<br />

On doit encore conclure de-Jà, que le Succeffeur de NICOCLES<br />

étoit étranger à la Famille de TEUCER. L'Eloge que le favai^it<br />

M'. ROLLIN fait d'EvAGçiRAS, dans le 4.*. Volume de fon Hifloire<br />

çnçienne y SK. les excellentes qpajités qu'il relève dans NICO­<br />

CLES, Fils, &Succeffe\ir^è ce Prince, dans le $\ Volum.e, font<br />

fl admirables, que fans doute k Lefteur me faura gré.,de lui indiquer<br />

où fe trouve k Portrait qu'en fait cet éloquent Ecrivain.<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


32 HISTOIRE GE'NE'RALfi<br />

C H A P I T R E III.<br />

.. '\<br />

'Arûcu i /^omme ks Anciens n'ont parlé de l'Ile de CHYPRE , que par oc-.<br />

V^ cafion, il refte,dans" cette Hiftoire un grand vuide, qu'il eft<br />

impoffible de remplir. Par exempk, DIODORE nous apprend, à<br />

fan 3 5:1. avant J. CHRIST, que le Roi ARTAXERXES OCHUS réfolut<br />

de foumettre tout-à-fait, l'Ile de CHYPRE^ dont les neuf<br />

Rois ligués contre lui, avec les i/^ow^wj, s'étoient révoltés; que,<br />

pour y parvenir, il envoïa dans cette Ile une Armée de quatre-,<br />

vingts-mille hommes, fous la conduite de PHOCION l'^//7^«/V« ,&.<br />

d'un EVAGORAS , qui avoît été autrefois Roi de Salamine. Il ne<br />

ne défigne pas autrement le tems du Règne de cet EVAGORAS ,'<br />

Armée fî noH qu'îl dît, quc cct Evénement eft arrivé fous ce Prince, quimChy-^<br />

régna fept ans, & après ART ÉMISE, dont le Règne en avoit.<br />

P^^- duré deux. Gette Princeffe, fî fameufe , par fon amour pour<br />

MAUSOLE, fon Frère,& fon Mari, &par le fameux Monument<br />

qu'elle fit conftruire fur fon Tombeau, monta fur le Trône far^<br />

3^3. Son Frère ID^ICUS, qui lui foccéda deux ans après, c'eftk-dire,<br />

fan 351. avant J. C. occupa le Trône fept ans, jufqu'k<br />

fan 34.3.<br />

Protago- .EVAGORAS , Se PHOCION , aïant mis k Siège devant Salamine^<br />

^iaimiiK^ PROTAGORAS ,qui regnoit dans cejte Ville,Te défendit avec courage.<br />

EVAGORAS , felon DIODORE , prétendoit, que la Couronne lui<br />

appartenoit, k caufe de fes Ancêtres ; ce qui fupofe, qu'il étoit au<br />

moins de la Famille de TEUCER. On pourroit conjedurèr, avec<br />

affez de probabilité, qu'il étoit .Fils d'EvAGORAS, mort 23. ans<br />

auparavant.<br />

Quelque jufte que fût la prétenfion de ce Prince, fes ennemis<br />

le rendirent fufpeét au Roi de "Perfe. PROTAGORAS lui fut préféré;<br />

&. malgré fa révolte, il conferva la Couronne de Salamine y<br />

en fe foumettant au Tribut ordinaire.<br />

Pour<br />

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::nE i^ILE DE CHYPRE. Lm l: CSr.niL jj<br />

. ; Pour EVAGORAS^ après.s'être jtiftifié- auprès' du Roî dé PerfeyRxfuge<br />

il obtint le Gouvernement d'une Province de VAfte Mineure y plus ETZ^^<br />

confidérable que le Roïaume de Salamine ; mais, comme il s'y étoit ^ Chjr^<br />

mal ^;pînpprté j:(& qu'il cçaigijoit Je courroux du Grand Roi, il ^^^<br />

fe rëfugiadans flk de CHYPRE,'OÙ ilefpérpit de trouver un afik.<br />

Il y:fut:arrêté peu detem^.àppès, ;& puni di^ dernier fuplké; mais Sa mort<br />

l'Hîftohre ne nous apprend pas, qui ordonna cette exéaition. On ^'^'f^'*"'.<br />

pourroit vraîfèmblablement l'attribuer au Tiran NICOCRE'ON, qui f '<br />

avoit uforpé'une> partie de flk, où il fe maintint pendant pki- - ''- •<br />

fleurs années: c'eft celui qui condamna k de fi cruels tour- ^'""<br />

mens le Philofophe ANAXARCLUE ; Se pendant la Tiranie du- Tirante<br />

quel, l'Ile de CHYPRE paffaib^s la Domination d'un Conquérant, ''^^^ico-<br />

qui fubjuga toute 1'.^//^. . ; .. - . _ Chypre/"<br />

Les Princes Ciyprio^i, furent étonnjés delà rapidité des Conquêtes ^^^/c/ç //,<br />

d'ALEXANDRE le Grand, qui, après avoir fournis toutes ks Provinces,<br />

qui font entre la Grèce Seh Syrie y v?àncu DARIUS, Rpi de<br />

Perjè y dans les Campagnes dTffus, Se conquis les Villes de^^DaiHas^<br />

de Sidon Se.de Gaza, affiégea la fameufe Ville.de Tyr. Ces Princes,<br />

dis-je, confîdérant, que, /il les attaquoit, ils s'oppoferoient<br />

inutilement kfk puiffance, prirent enfin le parti de s'y foumettre Soumijjion<br />

volonta,irement, & fe rendirent de concert auprès de lui. Leur ^chy*<br />

conduite foumffe engagea ALEXANDRE, non-feulement à les laif- "^îl^Ji<br />

fer dans la tranquik poffeffion de leurs Etats, mais encore à leur,dre.<br />

donner de.fî grandes marques de fon eftimée, &; de fa confiance,<br />

qu'elles lui gagnèrent entièrement les cœurs de ces petits Souverains,<br />

qui en effet ne contribuèrent pas peu à la reddition 4e'la<br />

Placè,qu'il^flégeoit depuis long-tems; & où, félon QUINTE GUR^<br />

CE, il trouvoit tant de réffftance, qu'il commençoit à douter, du<br />

fîiccès de fon entreprffe. Mais le grand nombre de Vaiffeaux bien<br />

armés, que les Princes Chypriots lui amenèrent, k mirent en état<br />

de préfenter la B^tailk aux Tyriens. Ceux-ci, tout expérimentés<br />

qu'ils étoient fur Mer, n'osèrent l'accepter, & fiu-ent enfin contfaints<br />

de (e foiimettre au Vainqueur, qui, ,après la prife de'cet-<br />

E ^'te<br />

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34 H I S>T O I R E G E' N F RALE<br />

uberàiitis te Vilk, fit reffcntif aux Chypriots les effets de fà libéra-<br />

dre,«fw«rx "te. '.i<br />

àiS^' ALEXANDRE fit un fomptueux Feftin à toiiis fès Géné^<br />

rauxj & aux Rois de CHYPRE, après cette importante Conquête;<br />

 y admit auffi le Pliilôfophe ANAXARQUE, dont il faifoit<br />

grand cas. ALEXANDRE lui aïant demandé ce qu'il difoit de<br />

FêtoUs fon n^as; ANAXARQUE luî répondit, fans héfîter, qu'il ne pont^^^e<br />

voit être plus magniiBque, ni mieux ordonné, & qu'il. n*y auroit<br />

^^ema YÏen manqué, fî on y avoit fervi la tête d'un certain Tiran, en<br />

indiquant NICOCRE'ON, qui fut parfaitement difllmukr cette injure,<br />

& affbéta de n'y avoîr pas pris garde. Mais, dans fc«i cœur,<br />

il en ccaifèrva un fî vif reffentiment, qu'ANAXARQjjE, contraint,<br />

par une tempête, d'aborder en CHYPRE, après la mort d'ALE­<br />

XANDRE, y fut arrêté par ordre du Tiran, qui s'en vangea d'une<br />

manière bien cruelk.<br />

Il fit mettre ce Philofophe dans un Mca^tkr, où il îe. fit bi'lfèr<br />

avec des pilons de fer, tourment qu'fl fuporta avec une conftance<br />

extraordînaire;car, tant qu'il put reCpter, il brava k Tiran, en<br />

lui diiint, „écrafe, tant que tu voudras,le vaiffeau, dans l&que}<br />

OnfUnee yy ANAXARQUE eft renfermé";parce qu'ANAXARQUEÎui%iême nV<br />

ujSbc,^ voit point mérité ce tourment. Comme NICOCRE'ON le menaça de lui<br />

faire couper la Langue, il ki répondit, j^ f empêcherai bien y homme<br />

lâche y i^ efféminé yde pouvoir dijpofer de cette partie de mon corps.<br />

En effet, il en coupa un morceau avec fes dents, & la lui cracha<br />

au vifage. Efort vraiment digne d'une étemelle mànoire, & qui<br />

termina enfm ks tourmens, &ila vie de ce grand Phîlofbfjie; car<br />

le Tiran, écumant de rage, & de colère, lui fit enfuite donner<br />

des coups fi terribles, qu'il en fiit entièrement écrafé ; & il fut plus<br />

content de la mort dANAXARQUE, que fatisfeît de la vangeance<br />

quil avoît tirée àe finjurc, quil en àvoit re^e, ainfî qub le raporte<br />

PLUTARQUE , après d'autres anciens Auteurs.<br />

Le renfort, que ks Rois Chypriots avoient conduit à ALEXAN­<br />

DRE devant Tyr^ ne fut pas k feul fervice qu'ils lui rendirent,<br />

peEh<br />

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DE L^ILE DE CHYPRE. LIV. I. CH. III. ^f<br />

pendant k fejour qu'il fit en Syrie, Il emploïa leurs Vaiffeaux dans Rtemuif<br />

les diverfes Expéditions qu'il fit en Grèce y pendant ce tems-là. Ils •ê^riots,<br />

pourvurent d'éperons, de voiles, & de cordages, tous ks Bâti- f^^^*.<br />

mens à fept rangs, qu'il avoît fait conftniîre à Lampfaquey des<br />

bois qu'il avoit Êît côùper au Mont Liban, Auffi, les Rois de Salamine<br />

, de Citium y d Amatbunte y de Papbes^ Se àe Lapitus,<br />

refte des neuf Rois, qui avoknt fî long-tems partagé flk de<br />

CHYPRE, fervirent fi bien ce grand Prince, par kur valeur, &<br />

pfar leur adreffe, qu'il ks renVoïa dans leurs Etats, comblés de<br />

gloire, & de rkheffes. Heiireust, fî k vafte Empire qu'il avoit établi,<br />

fur fOr/>«^ entier, eâteu une plus longue durée! Car, enfuite<br />

de fa inort, qui arriva 330, avant J. CHRÏST, la trente-troi- f^^^^'<br />

fième defa vie, moins quelques mois, & la quatrième après la<br />

prife de Tyr y fes Généraux s'approprièrent la Souveraineté des<br />

Provinces, dont ils avoient le Gouvernement, & partagèrent<br />

entre eux l'Empire*, qui ne kur appartenoit pas: en quoi pourtant<br />

ils ne faifoient qu'imiter kur Maître, qui l'avoit uforpé.<br />

pTOLOME'E,,fornommé LaguSy à qui VEgypte échut en parta- Artkiem,<br />

ge, ne fongea plus qu'à étendre les bornes de fà Domination;&,<br />

comme il trouva la Pbénicie Se la Syrie fort propres à couvrir VEgypte<br />

ySeenïQ&me tems très-commodes pour attaquer l'Ik de CHY­<br />

PRE, il y envoïa une forte Armée, fous la conduite de NICANOR, Ptolomée<br />

qui ne tarda p;is long-tems à foumettre ces deux Provinces. Après i^fï^*<br />

quoi, îl fut mformé, que NICOCLES , Roi de Paphos, avoit pris le parti ^\^<br />

d'ANTiGONus, Roi d^Afte y fon ennemi capital, & mâne engagé<br />

les Rois de Citium.y de Malum j deLapathus, Se k Prince de Ci*<br />

rïneSy à faire Alliance avec luî. Il en fut fî irrité, qu'après avoir<br />

défait DE'M E'T R I U S , Fils d'ANTiGONUs, félon PLUTARQUE , fan<br />

312*. avant J. CHRIST, dans une Bataille qu'il lui donna, près<br />

de Gaza y il fit paffer en CHYPRE, M E'N E'L A US fon Frère, avec<br />

une puiffante Flotte, qui forprît ces Princes, dans le tems même<br />

qu'ils traitoient avec ANTIGONUS; s'empara de leurs Etats, &<br />

fit prifonnier STASIAS, Rei de Malum y qui vodut lui réfifter;<br />

E 2 détrui-<br />

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3^w, dorjt il s'empara, avec k même facilité. Ce Prince inr<br />

ïwr^^ffNi.-fojrtuDéTe voïant prieffédans fpn Palais y & défefpérant dç pouvoir<br />

codes, éviter fa pei-tç'i fe donna la mort. Sa Fenyne, qui ^ f aimoit ten-<br />

Défefpoir drcmcnt, non moins courageufe que lui, ne voulant point furvi-<br />

Femmedf vrc à foH Epoux, ni toinb^r au pouvoir de fes ennemis, tua fes<br />

Nicocles. deux Filles.de fa propre main, afin de leur épargner les horreurs<br />

&les*afronts de la fervitude j exhorta fes Belles-Sœurs k fuivre<br />

fon exemple. Se fe plongea un poignard dans le cœur. Les Frè-<br />

ÊxtinHîm res de NicocLES, emportés de fureur, & de défefpoir, à h vue<br />

Fa^ul de ces ^edacles, mirent le feu au Palais, périrent dans fembrar<br />

Paphosf fement, & achevèrent la trifte & fanglante Tragédie, qui éteignit<br />

entièrement la Famille Roïale de Paphos. Après quoi, ME'-<br />

N E'L A ù S donna le Gouvernement de cette Ville à un certain NI­<br />

COCRE'ON ," qu'il ne faut pas confondre avec le Tiran de même<br />

•* nom, & qui avoit fait mourir le Philofophe ANAXARQIJE. . ._<br />

PTO LOM E'E, informé des avantages que MIJ'NE'LAÙS fon<br />

Frère avoit remportés en CHYPRE, y envoïa


._y>jE,i,U]fcEM)E CHYPRE/I;iv> 1.>C^.;III. 5^<br />

tont Jeur Train, iSc kurs Domeftiques, afin de lui marquer-la reconnoiffance<br />

qu'il confervoit de la manière dont il en avoit agi envers<br />

lui, après k Bataille de Gaza y en lui renvoïant également tous<br />

fes Officiers, avec leurs Bagages. ,, ./l<br />

.^. ANTIGONUS regarda cette Vidoire ,& cette Conquête, conir<br />

;ïie.une cliofe fî importante, que, ce fut après la nouvelle qu'il en<br />

reçut, qu'il prit k Diadème, dont jufqu'alors il s'étoit abftenu,<br />

par refped: pour la Famille d'ALEXANDRE. Son exemple^mit<br />

PTOLOME'E, LYSIMAÇHUS, & GASSANDER, fes Rivaux,<br />

dans la néceffité d'en faire autant, Se de ,fe donner le même Ti­<br />

tre, afin de ne pas ceffer d'être égaux. ' '<br />

L'Ile de CHYPRE demeura à ANTIGONUS, Jufqu'à la Bataille Chypre «»<br />

dlpjum, qu^il perdit, &. dans laquelle il fut tué. D E'M E'T R I U S STmigos'embarqua<br />

pour alkr en Grèce y Se paflà auparavant à Salamine y ^l^^decc<br />

afm d'y laiffer la Re^ne STRATONICE fe Mère, Veuve d'ANTiGO-i'nww 4<br />

NUS, entre ks mains dé fà Femme FHILA, Sœur de CASSANDER, ^^^"'"'<br />

Se Mère d'une autre STRATONICE. Gette aernière eft la même qui<br />

époufà SELEUCUS, Se que ce Prince céda enfuite à fon Fils'A N-<br />

TiocHUS ; Evénement connue de tout k monde.<br />

P T o L o M E'E , averri par TH E'O M E'N E , }'un de fes Capital- Article m<br />

nes, du malheur qui étoit arrivé à fon,Frère, & à fon Fîls, arma<br />

datord uiie puiffante Flotte, dont il prit lui-même le commandement;<br />

mais il ne fut pas plus heureux, qu'il favoit été. DE'ME'-<br />

TRius remporta for lui une Vidoire fî conipktte, que PTOLO­<br />

ME'E fut obligé de s^enfbîr en Egypte y avec huit feuls Vaiffeaux,<br />

qui lui reftèrent de fà grande Armée ^ ce qui procura au Vainqueur<br />

fentière Conquête de flk. Il y mît d'abord de fortes Gar- cmptêu<br />

nffons, Se la pofféda, depuis l'année 306*. avant J. CHRIST, jî^^'J"^'^<br />

Jufqu^en 293. que PTOLOME'E la lui enleva derechef, pendantDéniéqu'il<br />

étoît occupé contre ks Lacédémoniens. PTOLOME'E profi- ^""^'<br />

ta de fon éloignement. Se fit une defcente enCHYPREfî promte J^^^^l^^<br />

& fî à propos, qu'il s'empara, en peu de tems, de toute flk, à w. '"^<br />

la réferve de Salamine ^ qui foutint un Siège. La Mère de DE'-<br />

E % ME.'-<br />

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3» HIS T O ï R E G E' N E' RALE &c<br />

ME'TRI U S , une de fès Femmes ( car ce Prince en avoit i^ufîeurs )<br />

& quelques-uns de fès Enfans étoient enfermés dans cette Place,<br />

ce qui en rendit la prife très-importante. PTO LO ME'E s'attacha»<br />

pour cette raifon, au Siège de cette Ville, k força de fe rendre, Se de<br />

lui livrer la Famille de DX'ME'TRIUS: maîs, bien loin d'abufer<br />

de cet avantage, dèlqu'elk fut entre fes mains, il la remit en liberté,<br />

par une continuation de générofîté, qui étoit alors en ulàge<br />

parmi ks Guerriers. Il la traita non feukment avec toute forte<br />

de refped. Se de confîdération; mais encore îl la renvoïa, avec<br />

Bjéjîexion ^^s Enfans, & EURIDICE^ Belle-Sœur, chargée de magnififuries<br />

qua- qucs Piéfeus. Ccs deux Princes s'étoient toujours fait la Guerre*,<br />

Guerriers, faus viokr Ics droîts de l'Humanîté,ni même ceux de la Politeffe,<br />

perfuadés que c'eft fémulation, & non la haine, qui doit animer<br />

les Princes, qui difputeht entre eux pour fEftpîre. Ce qui fait<br />

dire fort judickufement à JUSTIN, que la. Guerre fe faifoit alors<br />

avec plus d'honêteté, que ne s'entretiennent aujourd'hui les amitiés.<br />

L'Ik de Ce fut enfin par la prife, & reprife,que ces deux Princes firent,<br />

PrEe' tour à tour, de l'Ile de CHYPRE, que finirent entièrement lés<br />

j^^FoS. neuf petits Rois, quila divifoknt depuis fî long-tems, & que<br />

jnée. PTOLOME'E la rédUifît, fous un fèul Gouyçrnement, enxPi-ovince<br />

de fon Empire, où lui,5c ks autres Rois d^Egypte^ fès Sueceffeurs,<br />

envoïoiént ordinairement quelcun de kur Famille, pour<br />

k gouverner. DE'ME'TRIUS reçut la première nouvelle du Siège<br />

de Salamine y lorfqu'il étoit prêt daffiéger A§)^r/^, après avoir<br />

défait k Roi A R CH I D A MU & à Mantinée. II aprit aufïi, là prife<br />

de Salamine y peu après qu'il eut été proclamé Roi de Macédoine,<br />

Ces deux Evènemens font de la première des fept années qu'H<br />

régna en iWl^^^


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R o ï A" u M E S<br />

D E<br />

CHYPRE, JÉRUSALEM.<br />

E T<br />

D' É G Y p T E.<br />

LIVRE IL<br />

C H A P I T R E P R E M I E R .<br />

S^^â^â-Êâx '^'^^^o^*^'^ LAGUS aiant réduit, côInfliè4»titfrJS<br />

*^^^^^P nous venons dek dire, toute l'Ile de CHTi<br />

TtSî PRE en une feule Province , & donné partout<br />

de bons ordres, pour empêcher les Révolutions<br />

qui auroient pu s'y former, régna<br />

Sç5x^^^f3 encore dix ans après cet Evénement, Ô)m-<br />

. ^crXrJXCTxjcr ^^ j| y^^joi^ mourir avec la gloire, qu'il s'élok<br />

acquife durant quarante ans do Règne, il remit k 9ceplre>& la<br />

Coth<br />

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4.0 HISTOIRE GENERALE<br />

Succeffion Couronnc d'Egypte, à P T o L o M E'E P H i L A D E L p H E , le plus jeudeiphe<br />

à ne de fes Enfans, qu'il crut le plus capable de gouverner cet E-<br />

^ut? ^^^» ^ ^s 1^ conferver dans la fplendeur, & dans l'opulence où<br />

lui-même l'avoit mis. En effet, ce nouveau Souverain, qui com-<br />

• * mença à régner feul l'année 283^ avant J. CHRIST, Se que la Nature<br />

avoit doué d'une éminente Vertu, en augmenta bientôt la renommée,<br />

& la gloire,par fà grande înclmatîon pour les Sciences,<br />

Se par les foins qu'il fe donna pour faire à Alexandrie cette incomparable<br />

Bibliothèque, qui, au rapprt de divers Auteurs, comprc-<br />

%?ùt ^^^^ deux-cens mille Volumes. Ge fîit ce Prince qui prit aulfi laiieiphe.<br />

peine de faire traduire, en Grec y la Sainte Bible, pj^* ies iSeptante<br />

dem. Juifs qu'ELE'ASAR, leur grand Pontife, lui envoïa, &qui<br />

firent cette fameufe Verfion de l'Ecriture, à laquelle on a donné k<br />

nom de Verfton des Septante, Ge Roi eut'plufîeurs guerres à foutenir,<br />

tant contre les Rois de Macédoine y que contre ceux de Syrie<br />

y dont il fortit toujours yidorieux. Il devint encore plus puiffant,<br />

quën'avoit été fon Père; heureux! fî tant d'éminèntes qualités<br />

l'euffent rendu plus humain. Se moins cruel, à l'égard de fes<br />

Frères; car, pour régner fans crainte, il en fit mourir deux;<br />

ARGE'E, MUS prétexte qu'il avoit confpiré coiitre lui ; & l'autre,<br />

né d'EuRiDiCE, fur le fimple foupçon d'avoir voulu foukver file<br />

de CHYPRE; où cependant il n'arriva aucun changement,* jufqu'au<br />

PhH©mé- ^^^^^ ^^ PTOLOME'E EPIPHANE S, qui y envoïa en exil<br />

"•ÀiJl ' ^"^^ o L o M E'E P H ï LO M E'T OR, fon Fils aîné / à la follicîtation<br />

Qhfpie,<br />

de C L E'O p A T R E Jà Fe^me, qui n'aimoit point P H i L o M E'T O R ,<br />

& qui voulpit, à fon préjudice, élever PTOLOME'E EVERGE'-<br />

TBS, fon cadet, fur |e Trône dEgypte;, Evénement que l'Hifloke<br />

met à la 2^6". année avant J. CHRIST, qui éft celle où<br />

PTOLOME'E PHIL ADELPHE ceffa de viyre. ''if<br />

PHILO M E'T OR, pour commencer àfe vanger de cette injuftiçe,<br />

fe voïant dans un Pays qui appartenoit à fa Maifon,fans avoir<br />

aucun égard pour ceux qui le gouvernoient,. s'empaia de la Souveraineté;,<br />

mais, après la mort de fon Père, les Peuples dA^<br />

O . ::^ léxan-<br />

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Dt L'ILE DE CHYPRE. Ltv. II. Cn. 1. 44<br />

iextmdrky "qui ne fouffroient qu'à regret fontrage que lui fàifok fe RetM»Se<br />

Reine fa Mère, chafsèrent EVERGE'TES, que cette Vrmieïk ZsH!^.^<br />

favorifoit, & qu'elk avoit déjà introduit dans k Manîment des ^^^"'^^<br />

Affaires de PEtat, & rappellèrent PHILOME'TOR. EVÉRCIS­<br />

TES, qiù ne pouvoit s'accommoder d'une vie privée, après avoir goûté<br />

les douceurs de la Roïauté,excité d'ailleurs par le Roi ANTIO-<br />

CHUS, fon Oncle, qui cherchoit à entretenir k méfîntelligence<br />

entre fon Frère, Se luî, afin de profiter de leur dffcorde, fe retira<br />

à Q''*^, & appela les Romains à fon fecours. Le Sénat,<br />

qui défîroit depuis long-tems de s'ouvrir le chemin dEgypte, le<br />

prit d'abord fous fe protedion; mais, comme îl s'aperçut, qu'il<br />

n'étoit pas fîicile de renverfer fon Frère du Trône dEgypte, où î!<br />

étoit trop bien affermi, & aimé des Peuples, il prit k parti de<br />

mettre E v E R c B'T E s en poffeffion de G H Y p R E , avec d'autant vue ie<br />

plus de fondement,que, peu auparavant,cette He avoit couru TI£- ^S^'<br />

que de tomber au pouvoir de DE'ME'TRIUS SOTER, Roi de^^^»-<br />

Syrie, par la trahifon d'A R c H i A s, qui en étoit Gouverneur, vers pwotir<br />

Tannée 1^7. avant J. CHRIST; Se qui, moïennant joo. talens, ^^';'^"<br />

s'étoît engagé de la luî livrer. Néanmoins, cette trahifon, qu'il<br />

étoit fur le point d'exécuter, fut découverte ; Se il s'étrangk '•<br />

luî-mêïne, pour éviter le fuplice que PTOLOME'E luî préparoit.<br />

Après la mort de PHILOME'TOR, PTOLOME'E EVERGE'-<br />

, TES, fon Frère, retourna en Egypte y S, confia Iç Gouverne-^^1^3^..<br />

ment de flk de CHYPRE à ARISTARQUE, fameux Critique, ficqueGw.<br />

.^ .. ••n-. . T » / ^ . vemeur de<br />

Grammainen, pour qui PTOLOME'E PHILOMETOR avoit eu Chypre,<br />

beaucoup de confîdération. Il lui confia même enfuite l'Education<br />

de PTOLOME'E LA TU RU S, fon Fîls aîné, qui lui fuccéda au<br />

Roïaume, dont il ne jouît pas long-tems. Gar, peu après la mort<br />

d'EvERGE'TES, CLE'OPAT RE fa Mère, qui ne pouvoit vivre<br />

fans'régner, commença par luioter CL E'O PÂTRE fà Sœur, Se<br />

fa première Femme, Se l'obligea à prendre SOLE'NE fa cadette,<br />

qu'elle lui arracha encore, quoiqu'il en eût déjà eu deux Enfans.<br />

Non contente de ces cruautés, & toujours rongée de fon ambi-<br />

F tiott<br />

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42 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

- tion-démefurée, elle fit foukver k Peuple contre^lui; Se k<br />

priva enfin du Roïaume,* pour le donner à PTOLOME'E<br />

ALEXANDRE fon Frère, qu'elle efpéroit engager à fe con-<br />

. tenter du feul Titre de Roi, 6c à la laiffer jouir de l'Autorité<br />

Souveraine.<br />

Retraite ., P T O L O SI E'E L A T U R U S , quî cut la modération de ne<br />

enGhjïr"!-vouloir faire la guerre ni à fa Mère ni à fon Frère, prit le parti<br />

de quitter Alexandrie, Se de fc retirer en CHYPRE, afile<br />

ordinaire des Princes dEgypte, perfécutés de la Fortune. H<br />

trouva, qu'A RIT A RQ^UE fon Précepteur, y étoit mort quel-<br />

,que tems auparavant: & il y a apparence, qu'il y auroit<br />

•vêtu ^tranquillement, fans la générofîté qu'il eut, de fe rendre<br />

aux folicitations des Habitant de Ptolomaïde, qui étoient<br />

affiégés 'par 'ALEXANDRE JANE'E, Se au fecours defquejs<br />

il accourut d'abord, avec toutes fes forces. Il défit<br />

les Juifs y d^ins une Bataille qu'il leur donna, près du Jouri<br />

•• dain y & dans laquelle il en périt 3000. outre les Prifonniers<br />

qui furent en grand nombre.<br />

Kemr de Après cette glorieufe Expédition, P T o L o M E'E L A T u R u S<br />

LaturustfM repaffa Triomphant en CHYPRE, l'an loi. avant J. G. Sa<br />

^* Mère joignant à la haine, qu'elle avoit pour lui, la jaloufie de la<br />

gloire, & de l'avantage qu'il venoit de remporter dans la Palefline<br />

y envoïa promtement une Armée contre lui, & fobligea<br />

d'en fortir. ^ Cette Mère dénaturée fut même fi fâchée, de né<br />

\n\<br />

ravoir pas eu vif ou mort en fon pouvoir, qu'elle fit inhumai-<br />

' -' • nement périr le Général qu'elle avoit envoïé lui faire la guerre.<br />

Mort de Enfin, fambitieufe, & cruelle, CLE'OPAT RE fut poignardée<br />

^xt^R 'par fon Fils ALEXANDRE, qu'elle avoit préféré à LATURUS; &<br />


-DE L'ILE DE CHYPRE.-LIVMI.-CH.L- 4J<br />

ti*aiiquîlemeht près de dix-huit ans, 'mais fans avoir d'enfans.<br />

Depuis ce tems-là,l'Etat fut ocaipé,-pendant vingt-quatre ans,-*<br />

par certains Princes fopofés, -dont le premier, nommé ALE-'<br />

XANDRE , fe difoit Neveu de P TO L o M E'E L A T u R u s, &<br />

étoit ïbUÉenu par SYLLA, Gà^litâine des Romains, qui commençoient<br />

à'prendra pie, dans l'tléritage des P.T o L o M E'E S.*<br />

P T o L o M E'E APION , troifième Fils naturel d'E v E R G E'- -^.rticie n.<br />

T E'S , Roi de Cyrène, laiffa, après vingt ans de Règne,, fon ptolomée<br />

Roïaume',& fon Héritage; ^UK Romains y en l'armée ç6. avant ^^P-'^J^ (^,<br />

J: G., & le Sénat le joignié à la Province de Lybie y [ dont il rêne.<br />

étoit'déia en poffeffion. -'•'Cependant, malgré la faveur de SYL-<br />

L'A,-les Egyptiens détrônèrent non feulement le nouveau Roi<br />

ALEXANDRE , maîs encore faffalfinèrent ,& en mirent en fa place<br />

lm autre, de même nom, qu'ils chafeèrent encore, en dépit '<br />

deJuLES CESAR^ qui le prôtégeoît, & qui entreprit de iV<br />

rétablir. [ Les Peupks,- obftinés, ne voulurent jaînàîs le recbhitoître<br />

5 & le forcèrent même de s'enfuir à Tyr-, où y pour fevanger<br />

de leur dureté, il fit donation aux Romains du Roïaume *<br />

dEg)pfe'y qu'ail prétendoit lui appartenir. Le Sénat férigea;<br />

d'abord en Province de leur vafte Empire; en forte que, pen^dânt'ces'troubles,<br />

& ces grands changemens,les Rois dEgypte'<br />

étoient fi embaraffés à s'affermir dans cet Etat, qu'ils ne pen-'<br />

foient jamais à rien'innover en CHYPRE.<br />

• P T o L o M E'E A U L ET E S monta enfin fur le Trône d'£- -<br />

^ptCy Se- h Couronne s'arrêta fur fa tête, quoiqu'il fut peu<br />

digne'de la porter; car, au lieu de s'apliqùer aux Affabres du<br />

Gouvernement, fon unique occupation étoit de jouer de la Fiu- Ptoiote,<br />

& de fe donner en fpedaek au Public, confondu parmi lès d'/iùiéteZ<br />

plus vil^ Comédiens, pendant qu'un autre P T o L o M E'E , qui 5^"''*^<br />

félon quelques-uns, étoit fon Frère, auffi indigne que lui de Chypre,<br />

pofféder un Etat, gouvernoit l'Ile de CHYPRE. L'un n'étoit<br />

propre que pour lé Théâtre:, & l'autre ne s'aplîquoît qu'à Tiranifer<br />

les Peuples, pour accumuler des -Tréfors,. dont il ne<br />

: I f 2 favoit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^ H I ST O I R E G E' N E' R A L E<br />

favoit faire aucun ufage : aufE, fes grandes Richeffes ne lui fervirent-elles<br />

qu'à accékrer fa propre perte. Voici de quelle manière.<br />

PuBLius CLAUDIUS, qui avoit été pris par des<br />

Corfàires, dans k Mer de Pampbylie, & qui avoit recherché<br />

l'affiftance de ce dernkr PTOLOME'E, comme Allié des Romains<br />

y n'en reçut qu'une fomme fî médiocre, pour fa Rançon,<br />

que les Pirates mêmes, honteux de l'accepter, aimèrent mieux<br />

donner laiiberté à leur Prffonnier. Celui-ci conferva toujours ua<br />

fi vif reffentiment du m^ris que P T o L o M E'E avoit fait de fà<br />

perfonne, que ce Romain ne fut plutôt parvenu à k Dignité de<br />

Cette Ile TrîbuB'du Peupk, qu'il engagea k Sénat à déclarer file de<br />

Provirue CHÏPRRPtovincc de l'Empire, & à envoïer CATON, pour en<br />

Romaine, prendre poffeffion, & tran§)CMrter à Rome toutes ks Richeffes<br />

Caton,m- qu'ii y trouverok,& qui paffoient pour ks plus confîdérables de<br />

^rA VOrient, Cette Entreprffe fit dire à SEXTU& RUFFUS, que les<br />

•Jg'"*'*'* Rkheffes des Chypriots avoient excité k Pauvreté du Peupfe<br />

Romain, à s^emparer de l'Ile de CHYPRE , plus par avarice, que<br />

par juAiee. PTaLOME'Efit encore une faute impardonnable<br />

à un Prince^ Ilirrîtia telkment fes Sujets,par fesextorfîonsj&fes<br />

iio^s extraordinaires-dont il les avoit chargés, qu'aucim d'eux<br />

ne voiiiiit prendre ks Armes, pour fà défenfe, lorfqu'il fut at.^<br />

tacpié. AÂi lieu d'o«\n*ir,. dans une pareilk occafîon, fes Tré^<br />

fors, pourles y engager, & pour lever des Troupes, afin de<br />

repoufler ks Humains y à peine fut-il informé du Décret du Sénat<br />

,


DI l'ILE DE CHYPRE. Lir. U. CH I. ^f<br />

La quantité d^or,d'argent, de pkrres précielifcs, &de pour- ^^Ê,*<br />

pre, que CATON remporta de flk de CHYPRE,fut û prodigkttr«


*v •. r<br />

4^' H I S T O -I R E'- G ï' N'E' R A £ E'-<br />

AfawvaiV que lè Pèuflk:d'.^te/?«((?^^^ fe plaindre de'fà côn-<br />

•ftolomée. duîte, & l'inforîner j qu'ils avoîent' mis fur le Trône B E'R EN I-""<br />

"'CE, Sœur", Se Femme du-mêmè P T 6 L o M E'È ; ainfî tout ce qu'il<br />

piit obtenir, «dansce voïage, fe réduifit^a ùneLettre'de faveur,<br />

dttë'' P^o M> E'E lui donna pour G A B i N i 't?s ', Gouverneur ~en-<br />

Syrie. ' . .<br />

• Cependant 5 dix mille Talens , que P T o L o M E'E offrit au<br />

Générû Romain y en lui rendant la Lettre de Po MPE'E, lui firent<br />

facilement oublier fon devoir ; car, au lieu de pourfuivre<br />

l'Expédition dont il étoit chargé 5 ilfe contenta dé laiffer AN­<br />

TOINE en fà place, avec une partie de fes Troupes, & alla luimême,<br />

avec les autres5 remettre PTOLOME'E fur le Troie,<br />

dont il avoit été chaffe, trois ans auparavant. 11 commença<br />

Xifaît mou- fofi^ nouveau Règne par • la mort de ' fà Fille B E'R E ^ i c E , Sa<br />

^tl^ml d'ARCHELAùs qu'elk avoit époufé ; après Vêtré défaite d'AN-^<br />

;TiocHUS, avec qui les-^to^wrfmi favoient obligée de fe ma-<br />

" rier, en l'élevant au Trône. Il fit enfuite tuer tous' lés plus<br />

Mort dç riches de fon Roïaume, & s'empara de leurs biens, afin de fatis-<br />

P>**oni^e : faire aux dettes qu'il avoît contradééâ, " pour parvenir'à- fon ré-^<br />

m ieFla- tabliffemeut ; &- mourut enfin, félon DÎON ; GASSIUS , & d'au-<br />

^^^^' très graves Aufeurs5 50. ans avant J.GHRIS1\ *<br />

-PTOLOME'E AULE'TES , ou le Flateur, laiffa fon Roïau-<br />

Sjiccef^on j^jg ^ fgg


DE L'ILE DE CHYPRE. Liy. II. CH. II. 47<br />

& fouffroit fon Commerce, quoique criminel, & connu de tout<br />

le monde, avec JULES C E'S AR, àla iferfoafîon duquel, il<br />

époufa ARSINOE', fa féconde Sœur, il fut, felon PLUTARQUE, ^F'^JJ^m,<br />

& JUSTIN, affaffinê quelque tems après à Epbèféy par ordre du^dumêm<br />

même G E'S A R ; & par-là, s'éteignit entièrement la Race des P T o L o- ^^^^'^•<br />

M E'E S, qui avoient poffédé VEgypte y Se l'Ile de CHYPRE, près de<br />

trois Siècles, à la réîèrve du tems que DE'ME'TRIUS avoit occupé<br />

cette dernière, du vivant du Premier PTOLOME'E, Sede-^^'^^^<br />

puis que CATON favoit réduite en Province de l'Empire Ro- mécs.<br />

main, où le Sénat envoïoit des Préfets, Proconfuls, ou Gou.<br />

verneurs.<br />

C H A P I T RE II. I<br />

L<br />

. . . ^ ' • • •<br />

es Romains po^édoient alors un fi'grand nombre d'Etats,-^mvj^i'.<br />

parmi le%els file de CHYPRE fe trouvoit confondue, qu'il siiewe<br />

"n'eft pas furprenant qu'on ne trouve , dans l'Hiftoire , aucun Fait ^^^^,<br />

iparticulîer, qui la regarde, ni même k nom de ceux qui Vont news éta-'<br />

gouvernée, pour le Sénat, jufqu'au tems de-MARC-ANTOINE,;chj^e,<br />

qui en donna k Gouvernement à un Affranchi de G E'S A R, nom- ^"^^""^ Romé<br />

D E'M E'T R I U S. Celui-ci s'étoit attiré fa confidération d'AN­<br />

TOINE, par fès belles Adions; entre autres, parce qu'il avoit<br />

pris LABINIUS, défait auparavant par VENniDius, comme nous ^^^^^<br />

l'apprenons de STRABON. Dans la fuite, M'ARC-ANTOINE devenu neté de<br />

Amant de CL E'O PATRE, céda la Souveraineté de file de GHY-^Sj^/<br />

PRE à cette Reine, Sek A R s i N o L' fa Sœur, qui en difposèrent ^^^^P^'<br />

tant que ce fameux Romain gouverna VOrient. AUGUSTE aïant Marc-Anenfin<br />

vaincu ce Compétiteur, dans la mémorable Bataille d Adiony^Amant!^<br />

où fe termina leur grande querelle ;>. qui fut fuivie de la mort d'AN- Ljie de<br />

TOiNE, il demeura maître de tout l'Empire. L'Ile de CHYPR E ^^Jf'^<br />

' 1 , , cédée au<br />

fut fune des Provinces que cet Empereur céda au Sénat, qui sénat par<br />

com- Augulte,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4* HISTOIRE G E' N E'vR A'L E<br />

commença à y envolier des Magîfh-ats, en fon nom. Commt<br />

leur Réfidence n'étoit ordinairement que d'une année, Se que<br />

même un feul Préfet, ou Proconlîil, gouvernoit diverfes Provinces<br />

àla fois, on ne trouve point qu'il foit rien arrivé de particulier,<br />

dans l'Ile de CHYPRE; ce qui fait croire, que les Habitans y<br />

étoient tellement foumis au joug des Romains y qu'ails ne fongeoient<br />

qu'à jouir des délices. Se de l'abondance d'un fî bon<br />

- Pays.<br />

Paul Serî P A U L S E RGI u S cft k feul Proconful Romain, dont l'Ecriture<br />

gius, Fto- faffe mention; il gouvernoit file de CHYPRE, vers l'année 40. de<br />

m5in,clu-JES us-CHRIST; Saint PAUL, & Saint BARNABE', qui y prêcb"^"re''*<br />

choient alors VEvangile y eurent le bonheur de convertir ce Magiftrat<br />

à la Foi Catholique. Ils f engagèrent même à ordonner la<br />

deftrudion du* Temple de Paphos y qui, comme nous favons<br />

cbtiùA'^ dit, étoit k plus fréquenté de flk, & celui où les peuples fe rend^^'J<br />

doient de toutes parts, pour y célébrer les Fêtes de VE'NUS,<br />

Temple de ^nt k Cultc n'avoît jamais ceffé. Cependant', quelqu'intéreffés<br />

*? ^ que fuffent les Chypriots à laconfervation de ce Temple, ils n'osèrent<br />

en témoigner leur reffentiment, que par des murmures fécrets;<br />

tant îls étoient lâches, efféminés,& attachés à leur déteftabks<br />

maximes. Ges peuples étoient même fî addonnés à la fuperftition,<br />

à la crapule, &àla débauche, que malgré les exhortations<br />

de ces Saints Apôtres, la Gonverfîon de leur Magiftrat, Se<br />

k Miracle que Dieu opéra à leurs yeux, par l'effet merveilleux des<br />

prières de Saint Paul, qui aveugla .un faux Prophète Magicien,^<br />

nommé BARJEU ELIMAS, qui s'efforçoit de féduire SERGÎUS,<br />

Se de f empêcher d'embraffer le Chrîftianifine,il n'y en eut aucun,de<br />

ce Peuple incrédule ^ qui fut affez touché, pour quitter l'Idolâtrie,<br />

Se le Libertinage.<br />

Cependant, il y a apparence, cfie ce Tempk ne fut pas entièrement<br />

renverfé, comme quelques Auteurs le prétendent; puifque<br />

COËF FÊTE AU raporte, dans le 6«. Livre de fon Hi/loire<br />

RmainCf que TITUS,Fils de VESPASIEN,paffant en CHYPRE,<br />

pour<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. Liv. IL CH. II. 4^<br />

pour aller joindre l'Armée de fon Père en Syrie y voulut voir k<br />

'fuperbe Tempk de VE'NUS PaphiennCy Se qu'après favoir vifite.<br />

Se contemplé fes prodigieufes Richeffes, qui venoient des Préfens<br />

que les Rois y faifoient, il y fit immoler un grand nombre<br />

de Vidimes, Se confulta le Prêtre de la Déeffe, fur fon Voïage.<br />

Ce Prêtre, ajoute-t-il, lui répondit, qu'il auroit une Navigation<br />

heureufe. TITUS ne s'en tint pas là; mais, par des Queftions ambiguës,<br />

& couvertes, il s'informa de fa fortune future. SÔCRA- J<br />

TES (c'étoit le nom du Prêtre) après avoir contemplé les Entrailles<br />

des Vidimes, Se reconnu que les préfages étoient favorables,<br />

lui dit peu de chofes en public ; mais peu après, îl le tira à part.<br />

Se lui déclara tout ce que la Déeffe lui promettait. Tn us, encouragé<br />

par une fî bonne nouvelle, mit à la voile. ; .1<br />

TACITE nous apprend encore, au Livre 3^ que Ti BE'R E ren- Article n.<br />

-voïa au Sénat les demandes des Provinces Romaines, La lîcencfe remt>iet,<br />

des afîles étoit montée à un fî haut point, parmi les Villes Grèr ^fiiespour<br />

ques y que tous les Temples étoient remplis de Banqueroutiers, de criminOt,<br />

Tugitifs, & de Criminels, fans que ks Magiftrats y puffent mettre<br />

ordre, ni arrêter la fureur des peuples, qui protégepknt ces fixiperfUtions,<br />

commes des miftères. Il fut donc réfolu, que les<br />

Provinces enverroient leurs Députés. Les Epbéfims, intror<br />

duits les préiniers, repréfentèrent, qu'APOLLON, &DIANE<br />

n'étoient pas nés dans flk dé DéîoSy comme k croïoit le Peu-<br />

-ple ignorant.<br />

Ceux de CHYPRE foûtenoient la gloire de la Déeffe de Paphos<br />

y Se dAmathunte, dont ils avoient deux Temples daxy<br />

leur Ile, l'un bâti par AËRIAS , & l'autre par fbn Fils,<br />

J^MATHUS. Ils maintenoient encore la franchife de celui de<br />

JUPITER, bâti à Salamine, par TEUCER, lorfque fuïant<br />

la colère de fon Père TE'LAMON, il fe. réfugia dans leur<br />

Pays.<br />

Il n'eft pas furprenant, queles Chypriots n'oMent rien entrepreindre,<br />

pour s'^.Gi^nchxr du joug Romain y ou même pour fe dé-<br />

G fendre<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


So HISTOI R E G E' N E' R A L E<br />

fendre contre les autres Nations, qui ks vouloient détruire, puifque,<br />

quand les Juifs en firent un fî grand maffacre, fous k Règne<br />

de TRAJAN, comme je fai raporté, ils n'eurent pas feulement k<br />

courage de s'oppofer à leur fureur. Ce fut enfiiite de la vangeance<br />

qu'en prit cet EmperfâUr, qu'il donna le Gouvernement de<br />

^^\ flk CHYPRE à A R T H E'M I O N , qui avoit déjà celui dEgypte, Cet<br />

Gowoer- Evénement fait conjedurèr, que, dans ce tems-là, il ne devoit<br />

Chypre, point y avoîr de Gouverneur, de la part du Sénat, en CHYPRE.<br />

Car il n'auroit pas manqué de fe donner quelques mouvemens,<br />

pour réprimer l'audace de ces révoltés.<br />

Si l'on ne trouve aucun Auteur avéré , qui faffe mention^<br />

de l'Ile de CHYPRE, depuis le Règne de TRAJAN, on en trouve<br />

encore moins dans k fuite de la Domination Romaine:, Se le Père<br />

LUFIGNAN, qui paroit avoir feuillette très-foigneufement tant de<br />

Livres, pour en compôfèc fon Hiftoire, n'a pu y ni bien,, ni mal,.<br />

icmplk ce vuide. Il s'eft contenté de dire, commele fais, en le<br />

foivant ici, feute de meilkurs Mémoires, qu'il fuffit d'apprendre<br />

Ca/fl»»!- au Ledeur, qu'il n'eft arrivé en CHYPRE, jufque vers le commen-<br />

^e*s'*en' cemcnt du quatrième Siècle, que quelques Tremblemens de terre, Se<br />

Chypre, de grandes défoktions, caufées par les Sauterelles, qui inondoknC<br />

k Pays, Se détraifoient tous les finiits de la Terre.<br />

Ges difgraces furent foivies d'une fi grande féchereffe, qu'elle<br />

une de contraignit tous les Habitans de fabandbnner, faute d'eau : tous<br />

^Snnée ^^^ ruîffeaux, & ks fontaines tarirent. Se la pluie ceffa d^ tonK<br />

parjesHa^^^ pendant l'eipacc de plufieurs années; les uns difent fept,<br />

Wf^'W' j^g autres y en ajoutent dix, & d'autres vont jufqu'à 3d; ans.<br />

Enforte que ce Pays, autrefois fi délicieux, Se fî abondant, demeura<br />

entièrement inculte, fèc, & aride. Se devînt enfin l'Habitation<br />

d'^ne infinité d'Animaux venimeux, qui s'y engendré*<br />

rent; particulièrement d'AÇâcs, dont kpiqueure eft-la plus dangereufe<br />

, Se ordinairement mortelle.<br />

Tradition Lc même Auteur prétend; & c'eft une Tradition générale des<br />

^icSî^" C)6):^rtt/5(quej'ilfiilong-tei!!Spr^qué») que ces défoktions ne<br />

fini»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L^ILE DE CHYPRE. LIV, II, CH. II. fi<br />

finirent qu'au retour de Sainte H E'L E'N E, Mère du Grand CON^<br />

STANiTN, en revenant de Jérufalem y où cHe ôtoit allée, tant,<br />

pour vifîter les Saints Lieux', quejE'stfs-CnRiST avoît fond*fiés,<br />

par fà Vie^miracukufe, & par fe Mort gforknfè;


.5^ HISTOI R E G E' N E' R A L E<br />

«^, & Egypte, pour revenir dans leur Pays natal, où îls amené-'<br />

rent plufîeurs autres Familles, des-Pays qu'ils abandonnoîent avec<br />

plaifir ;& ce fut alors, que l'Ik de CHYPRE commença àfe repeupler.<br />

Ste. H E'L E'N E ks reçut tous avecbeaucoup de bonté, & leur donna<br />

la liberté d'occuper les endroits de flk, qu'ils jugeoient kur<br />

convenir le mieux. La renommée de ces bons traitemens enga-^<br />

gea quantité de perfonnes des Pays d'alentour, à venir jouïr des mêmes<br />

avantages, dans l'e^érance d'améliorer leur fortune : de<br />

forte qu'en peu d'années, les Villes, Bourgs, &Villages,fe trouvèrent<br />

nourfeulement repeuplés, maîs encore la plupart des campagnes<br />

cultivées, &remifes en bon état.<br />

. La Sainte Princeffe, fatisfaite de cet heureux fucçès, redoubk<br />

fa pieufe reconnoiffance, pour conferver la mémoire d'un fî grand<br />

Miracle. Après avoir fait acJiever la petite Eglife, près de l'embouchure<br />

de la Rivière, où elle avoit abordé, Se qui depuis fut<br />

wppellée Baltleopothamos y ou Fleuve Roïal y elle en fit encore bâtir<br />

une autre, avec un Couvent, fur le fommet d'une Alontagnç, où<br />

quelques vieux Chypriots lui avoient fait entendre, qu'habitoient<br />

de malins Efprits. Afin de leur faire perdre l'idée de leur fuperfîitîon,elle<br />

habita dans ce même Monaftère, tout k refte du, tems<br />

qu'elle. s'arrêta en CHYPRE., Ge Couvent, & la Mon)Lagne, ont<br />

^puis porté, &; portent encore aujourd'hui le nom de Sainte-<br />

Croix. Elle fonda auffi d'autres Eglffes, en divers endroits de<br />

fjle, qu'elle enriclait toutes de quelque petite partie delà vraie<br />

Croix. Ces Eglifes y ont toujours été confervées, & l'on y révère<br />

encore aujourd'hui la Croix, malgré tous les divers change-<br />

Départ/fe mens quî foEtt arrîvés'. Se l'invafion des TurcSy qui s'enfont ren-<br />

5«.Hélène ^us maîtres. ,<br />

Chypre. . Enfin, après avoîr recommandé à ces nouveaux Peuples la charité,<br />

f union. Se la vigilance,pour fe garantir de l'învaiîon des Pirates,<br />

& l'holpitalité envers les Etrangers, qui, à leur exemple,<br />

;^ ; /-viendroknt s^y établir; & afinqu!ilspartiçipaffent aux biens&,aux.<br />

« v?^.-coinmodité3 que la-Providence ie^i: avoit.accordés, elle s'eéibar-"<br />

qua:<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE LULE DE CHYPRE.' Lrv. ÏI. :CH. II. ^^<br />

qu'a pour Cor^antinêpky Se ks affura, que l'Empereur fon Fils<br />

ne manqueroit pas de kur envoïer un de fes principaux Officiers,<br />

avec de bonnes Troupes,pour les gouverner, ôclesproti^er,com-,<br />

me fes autres Sujets.<br />

. On dit, que cette Impératrice, en traverfant le Golfe de Sattalie<br />

y y effuïa une fî terrible Tempête, que fon Vaiffeau j^ît<br />

prêt à périr; mais, qu'elle s'avifa de jetter dans la Mer un des Clous<br />

de laPaffiOn de J. CHRIST, dans la ferme c§)érance d'appaifer ce furieux<br />

Elément, par la vertu d'un facrifice fî précieux ; ce qui ne<br />

manqua pas de produire un Miracle auffi efficace, que celui qu^elk<br />

avoit éprouvé en CHYPRE. On remarque, qu'à fon arrivée à<br />

Conflantinople y elle fit préfent des deux autres Clous à f Empereur<br />

fon Fils, qui en fit placer un dans fon Casque, Se fit emploïer<br />

l'autre à faire un mors au Cheval qu'il montoit ordinairement;<br />

çe qui accomplit la Prophétie de ZACHARIE, qui dit ; Erit quod<br />

infrœno eflfanflum Bominafalulari.<br />

.'•<br />

CONSTANTIN , qui honoroit infiniment fà Mère, fut ravi du fiiccès ^'**^^* ^^•<br />

de fon Voïage, & de FEtabliffemment miraculeux qu'elle avoit fait, coiocer,<br />

dans l'Ile de CHYPRE: &, comme il connoifïoit l'iiabileté dèCoLO- ^ ^<br />

ÇER, Intendant de fes Chameaux, homme de baffe extradion à himvdié^pàf<br />

Conftan*<br />

vérité, mais fort capable de gouverner, il le nomma, felon Zo- tin.<br />

ziME, Duc de cette Ile, pour rétablir un Pays qui pouvoit bientôt<br />

devenir auffi floriflant, qu'il favoit été autrefois. Ge nouveau<br />

Gouverneur, qui étoit homme de,courage, perfoadé, qu'il fàlloit<br />

avoir de bonnes Troupes, pour garantir le Pays de l'invafion des<br />

Corfàires, &pour contenir un Peuple nouveau, compofe de difjÊérentes<br />

Nations, la plupart B,arbares, Se qui augmentoit tous<br />

les jours,, enrolla promtement un grand nombre d Albanois y dEpirotes<br />

y Se de Macédoniens y dont il compofà des Compagnies,<br />

qu'ifdiftribua dans les Cantons de file les plus eScpofés à k defcente<br />

des Pirates. Il affigna à ces Troupes des terres, pour leur entretien;<br />

Reforma, peu de tems après, une efpèce de Confeil, pt)ur<br />

idminiftrer la Juftice. Il impofa quelques droits fur le Peuple, tant<br />

^ • - ' G 3 . - . pour<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^4^ H I S T O I R E G E' N E' «.À^ L E.<br />

pour f entretkn de fa Maffon, ^e pourfubvenir aux autres dépenfes<br />

de l'Etat : & difUngua même les plus apparens, en leur accordant<br />

de^ Titres de Nobleffe.<br />

Cependant, comme les Bêtes venimeufes, & prùicipalement<br />

ks ^^pics, faffoient de grands ravages dans ks campagnes,<br />

& même parmi les Habitans; & qu'on avoit reconnu, que<br />

les Chats étoient ennemis mortels de ces Serpens, il accorda aux<br />

Religieux de Saint BASILE, qui étoient venus s'y établir, quantité<br />

de terres aux environs du Mont OUmpe y où ils ont encore<br />

aujourdMiui phifîeurs Monaftères, auffi bien qu'à une autre Maifon,<br />

qu'ils fondèrent finr le Promontoke w^^ro^f, qu'on nomme<br />

Chats M- ^iicore aujourdhui le Cap des Chats. Il leur fit cette ceffion, à la<br />

tretenus, charge que ks UHS, & ks autres, entretiendroiait un certain nombre<br />

^jpk!isuj^' de Œats, pour détruire ces Animaux venîmeuK.<br />

*j *?»• CALOCER fit, dansk foite, plufîeurs autres R^kmens, égakment<br />

avantageux & pour lui, & pour les Peuples; maîs la profpérité.<br />

Se la douceur du Gouvernement f aveuglèrent bientôt. Il<br />

donna dans deux excès, dont Pun lui fut auffi funefte, que l'autre<br />

devint înfoportabk aux Chypriots, En effet „ non content des<br />

taîlks qu'il en exigeoit, il ajouta à ces impots un droit de Capitationi<br />

Se foula teflement les peuples de la campagne, qu'il les rendit<br />

entièremerif efclaves ; mauvais exempk, qui a été fiiivi par fès<br />

Gwuetnf*- Sueceffeurs. Outre cette tirannie, il eut encore l'audace de s'ériment<br />

de ger CH Roî: CC quî oblîgea l'Empereur CoNSTANT^iN, pour punir<br />

^iférige ce RébeEe de fà téméraire entreprife, denvoïer une Armée en<br />

en M. CHTPRE, fôus k éommandcment deDALMATius, fon Frère, l'an<br />

304, comme nous l'aprend THE'OPHANES. Malgré les nouvelles<br />

Pttnftw»de Troupes que cet Uforpateur avoit levées, il fut vaincu, fait pritemaie.<br />

fonnier, écorché, & brillé vff, dans k Ville de Tharce y en<br />

Cicilie.<br />

Ceux qui gouvernèrent l'Ile de CHYPRE , après GÀLOCER, fbîvkent<br />

fon exemi^e, à fégard des impôts qu'il avoît établis, Se de<br />

fefidavage des peuples de k campagne; ils vendoient même ces<br />

pau-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. Lit. E CH. tt yj<br />

pauvres gens,à ceux qui avoîent eu le moïen de s'ennoblir. Ceuxci<br />

en di^ofoient encore plus durement, que ne feffoient autrefois<br />

les Romains y de leurs propres Efclaves; car k Nobleffe ^J'" ?*-^J*<br />

priotey non contente de fe vendre fun à l'antre ces Payiuî8,qu'ih vtfndus par<br />

nommoient Pariques, fes troquoient encore pour des Clievanx,^*'^*''^''^*'<br />

des Faucons, ou d'autres Bêtes. Il eft vraî, que,- dans la fuite<br />

des tems, plufîeurs de ces miférables s'affranchirent, foit par l'humanité<br />

de leurs maîtres, foit en donnant quelque argent, qu'ils<br />

avoient eu f induftrie de s'épargner; après quoi, on les appelloit<br />

FrancomateSy ou EleftèreSy c^eft-à-dire. Libres,<br />

Comme tous ces Peuples y quoique Chrétiens y étoient de différentes<br />

Religions, Ck^ecSy Arméniens y Coptes y Jacobites y Nèftoriens<br />

y Géorgiens y Se Maronites, chaque Seéte avoit eu la permiffion<br />

de fe faire des Temples, des Evêques, & de fe choifîr<br />

des Prêtres, felon leur rite. G'èft: pourquoi, lorfque Gui de LU­<br />

ZIGNAN devint Souverain dé l'Ile, il y trouva autant dE\^ues,<br />

qu'il y a de Cantons, qui la divifent. Il y avoit un Archevêque Un Ar^<br />

à Salamine y ou Confiance, depuis nommée Famagoufle \ des Eve- x^Eviques<br />

à Carpaghy à Chiti, à Nicofie, à Chitrie, à Lapathos y à JJ^J;/^:<br />

Soli, à Tremitos y à Amatbunte y à Curias, à Paphos y à ArfeSypar Gui<br />

a Limifol: Ce Prince ks réduifit à quatre ; Se les foumit tous à nuu^^^*<br />

Pobé'ifTance de f Eglffe Romaine, Ileut pourtant des égards pour<br />

les Maronites y qui, comme nous l'avons raporté, avoient déjà<br />

fait "leur foumiffion au Patriarche d Antioche,<br />

Qn ne trouve point les noms des Ducs, qui ont gouverné l'Ile '^"îiiK<br />

de CHYPRE , après CA-LOCER : cette Ile étoit alors Province de<br />

PEmpire Gw; & pour cette raifon, elk jouît dune entière tranquilité,<br />

pendant plus de trois Sièdes. Les Habitans s'en étoient<br />

extrêmement*multipliés, & les grandes Richeffes qu'ils avoient<br />

acquifes, par le moien du Commerce étranger. Se de la fertilité<br />

du Pays, les faifoient vivre dans les plaifîrs. Se dans l'opulence,<br />

fans que les Gouverneurs, ou les Nobles, fe miffent eh peine<br />

déxercer- ks Peuples au manîment des Armes, latisfaits de ks<br />

tenir-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


{4 H 1 S^ Ti Q I RE G E; .N E' R A :L. %<br />

tenir dans l'obéïffance, •& dans la durefervitude, dont nous ve^<br />

nons de parler. : , )<br />

L'Empire étoit d'ailleurs autant divifé. Se affoibli, que ks Sarrafins<br />

js^étoient rendus puiffans. Se redoutables. Auffi, fous<br />

le Califat (JOTHMAN, OU OMAN, quatrième, ^uccceffeur de<br />

MAHOME']^ les Chypriots y pris au dépourvu, fe trouvèrent entièrement<br />

hors d'état de s'oppofer à f invafion des Sarrafins.<br />

Defcente de: MoAViE, Grand Amiral dEgypte, Se Commandant de laFlot-<br />

G^AM?^- ^^ d'OTHMAN, aborda en CHYPRE, felpn MARMAL, & d'HERBEmirai<br />

d'E- LOT, l'année 64.9. avec une Armée de 700. voiles, s'empara d^<br />

fjf^%'^^^h Vaie de Salamine, Se de tous fes environs, qu'il ravagea en-<br />

Chypre, tièrement. lien auroit fait autant à toute fUe, fens l'avis qu'il<br />

reçut, quek Flotte de l'Empereur CONSTANT, commandée par<br />

^ GARCOSIR, Gentilhomme de fa Chambre, s'avançoit pour le com^<br />

batre. A cette nouvelle , la crainte qu'il eut d'être furpris fit,<br />

qu'il remonta promtement fer fes Vaiffeaux avec fes Troupes, &<br />

fe mit en pleine Mer, pour y attendre les Ennemis. Lesdeu^<br />

Armées fe rencontrèrent, fur les Côtes de Pbénicie y où elles ne<br />

^« . , tardèrent pas à en venir aux mains. Celle des Grecs fut défaite;<br />

ViStoire de *• ^ ^ ^<br />

r'Amiral, quelqucs-uns prétendent mçme, que l'Empereur CONSTAN'^;*<br />

%Lr ^' y étoit en perfonne; mais qu'il trouva le moïen de fe fauver, à la<br />

Conftant. faveur d'un habit avec lequel il s'étoit dégiiifé.Api^ès cette Vidoif<br />

re, le Génçral Sarrafin s'en retourna triomphant, Sç chaîné de<br />

butin en Egypte y où il étala pompeufement les dépouilles des Chyr"<br />

z, • priots, comme autant de Trophées.<br />

La Vidoire.de Mo A VIE avoit été trop complette. Se h facilîeç<br />

qu'il avoit trouvée à s'emparer de Salamine trop grande, pour<br />

qu'il en demeurât en fi beau chemhi. Il travailla donc, pendanÇ<br />

fHiver, à réparer fa Flotte,& fe remit en Mer, au commencement<br />

du Printems. Comme il ne trouva aucun obftacle à fon Entrcy<br />

fmSj'^ prifoj il ravagea toute file, & emmena une fî grande quantité<br />

e^ciave^s^en d'Habîtaus en efclavage, qu'il laiffa ce Pays presqu'entièrement<br />

4éfert. Les Révolutions, qui arrivèrent alors en Egyptfy !& qui<br />

; fobU-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. Liv. II. CH II. ^7<br />

l'obligèrent à y repaffer promtement, arrêtèrent la fureur de<br />

ce Barbare, qui ne s'étoît pas moins propde, que de détruire<br />

entièrement toutes les Côtes de f Empire Grec, Il fut obligé<br />

de conclure ime Trêve avec f Empereur CONSTANT, par laquel- Tribut (mi<br />

k ce Monarque s'engagea à lui payer dix Bezans d'or, par jour, ?Eg/p?/,<br />

avec un Efclave, & un bon Cheval. pari'Emie-<br />

Ce Traité fut bien obfervé, pendant le Règne de fEmpe- ftant.<br />

reur CONSTANT, & celui de CONSTANTIN PAGONAT, fon Succeffeur.<br />

L'Empereur JUSTINIEN , furnommé Nez-coupé, le renouvella,<br />

l'an 700. avec ABDEL MÂLE H, autre Amiral, qui<br />

avoît fuccédé à MOAVIE; mais, ce ne fut qu'en augmentant le<br />

Tribut, qu'il payoit au Calife. Les affaires de l'Empire fe<br />

trouvoient alors en fî mauvais état, que, pour fubvenir à acquiter<br />

ce Tribut, l'Empereur fut contrahit de céder aux Sarrafins<br />

y les revenus des Provinces dlbérie , d Arménie y Se de<br />

l'Ile de CHYPRE , dont les malheureux Habitans, qui avoient ^^^ '^^<br />

eu le bonheur d'éviter fefclavage, quarante ans aupara- céiefllx<br />

vanc, commençoient à peine à fe remettre de tant de défola- \^J^^<br />

tions. Le Pays n'étoit pas encore repeuplé, lorsque JE'RIT,<br />

autre Amiral dEgypte y attiré par l'appas des Richeffes, fuivit<br />

fexempk de fes Prédéceffeurs. Sous le faux prétexte , que<br />

les Chypriots vouloient fe révolter, il vint aborder dans leur<br />

Pays, fan 744.. où il ravagea, &'pilla tout. Il y exerça des<br />

cruautés inouïes, fans que l'Empereur LE'ON, qui regnoit alors. Cruauté ie<br />

fut en état de s'y oppofer : ce qui fait dire judicieufement à un 5^,>^"*'^^<br />

Auteur, que les Peuples de CHYPRE n'étoient deftinés qu'à a- Egyptien.<br />

maffer des Richeffes, pour affouvir l'avidité des Sarrafins y Se kchygnotA,<br />

retomber de défoktion en défoktion, fans que tous leurs malheurs<br />

, ou les fréquens changemens qui arrivèrent pendant tous<br />

ces tems-là, & dans l'Empire, & parmi les Sarrafins y fuffent<br />

capables de leur faire ouvrir les yeux, pour clianger leur pitoïable<br />

fort.<br />

En effet, ils ne furent pas moins malheureux fous ks Règnes<br />

H de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


58 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />

de f Impératrice I R E'N E , & de l'Empereur N i c E'P H o R E Premier,<br />

qu'ils l'avoient été du tems de CONSTANT, de JUSTINIEN, &<br />

Chypre* de LE'ON. Cet infortunéPays étoit fîfort àla bienféance des Efaccagée,^^gypfj^j2^^<br />

qu'Us fe faifoient un divertiffement de le ruiner, tou-.<br />

Ei-Ra- tes les fois qu'il*leur en prenoit envie; AARON-EL-RASCHID,<br />

^stcdiife leur cinquième Calife, prétexta à fon tour, qu'il n'étoit pas<br />

WEgypte. payé affez ponduellement du Tribut de l'Empire ; & envoïa,<br />

l'an SOI. une Flotte en CHYPRE, pour décharger fa colère<br />

fur ces mfférables Peuples. Les Barbares ravagèrent<br />

tout le Pays, brûlèrent, violèrent, & faccagèrent tout ce qui<br />

fe préfèntoit devant eux; de forte que ces inhumains achevèrent<br />

de détruire tout ce qu'ils ne purent emporter, 5c conduifirent un<br />

grand nombre de Peuples enefcla\^ge. Ils n'y laifferent que ceux<br />

qui leur parurent lesplus propres à la culture des terres, & qui<br />

ne travaillôient pas pour eux-mêmes, mais pour ces Barbares,<br />

qui confervèrent encore quinze ans k poffeffion du Pays.<br />

C H A P I T R E IIL<br />

Articlei ^T^ant de mépris, & tant de cmautés réveillèrent enfin fEm-<br />

X pereur N i c E'P H o R E , furnommé PHOCAS. Il y avoit<br />

Chypre loug-tcms, quc fe Trôuc de Conflantinople n'avoît été rempli<br />

fÊmiur^'' par un Prince, qui fût auffi capable que lui, de réprimer fauda-<br />

Nicépho- ce des Sarrafins. Il les bâtit à pfatte couture, Se leur enleva<br />

^^* toutes les Places qu'ils avoient ufurpées fur f Empire, tant en<br />

Syrie, Se en Cilicie y que dans l'Ile de CHYPRE. Ce qui arriva,<br />

felon GE'DRENE , vers l'an 970. & procura du repos aux<br />

Peuples de cette Ile, jufque vers la fin du onzième Siècle, fous<br />

le Règne de l'Empereur EMANUEL GOMNE'NE, celui qui<br />

caufa tant de maux aux Chrétiens Croifés, qui paffoient fur fes<br />

E'tats, pour alkr au ftcours de la Terte Sainte,<br />

Mais,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. II. CH. III. 5^9<br />

Mais, par une fatalité attachée à l'Ile de CHYPRE, EMANUEL<br />

lui-même donna lieu, par fon ingratitude, aune nouvelle défoktion<br />

du Pays, de la manière que je m'en vais le dire. THO-<br />

Ros, Prince d Arménie, profitant de la foibleffe des Empereurs<br />

Grecs , s'en faifoit redouter , & s'étoit propofe d'envahir les<br />

Provinces qui confinoient à fes Etats. Son armée étoit florif^<br />

faute ; Se il défoloit Vx Cilicie y fans que l'Empereur, quoique<br />

vaillant, fût alors en état ,de s'opofer à fes Entreprifes. Cepen*<br />

dant, EMANUEL, craignant de plus grands ravages, eut recours<br />

à RAYNAUD de CHATILLON , Gentilhomme François, devenu<br />

Prince d Antioche, par fon Mariage avec CONSI^ANCE , Veuve<br />

de RAYNAUD de POITIERS , à kquefle cette Principauté appartenoit.<br />

11 le pria de vouloir emploïer fes forces, pour repouffer<br />

les attentats d'un Ennemi fi dangereux ; Se faffura en même<br />

tems, qu'outre la reconnoiffance qu'il en conferveroit, il le récompenferoit<br />

encore, d'une manière proportionnée au fervice fignalé,<br />

qu'il luî rendroit, dans une occafion fi preffante.<br />

Le Prince RAYNAUD , qui aimoit la gloire, non moins jaloux<br />

que f Empereur des profpérités de V Arménien y dont les Etats<br />

confinoient à ceux d!Antioche y ravi de trouver une conjondure<br />

fî favorable à fon grand cœur, & perfuadé que, fi le foccès de<br />

fes Armes ne répondoit pas à fon attente, f Empereur ne manqueroit<br />

pas de lui fournir des Troupes, pour foutenk leurs intérêts<br />

communs; Se que, s'il réùffiffoit dans fon Entreprffe, il en<br />

feroit largement récompenfe; ce Prince, dis-je, profitant des<br />

offres de ce Monarque, fe mît en campagne, avec toutes fe^<br />

firces. Se attaqua V Arménien y qu'il bâtit en plufîeurs rencontres;<br />

Se le contraignit enfin, à demander la paix à l'Empereur.<br />

Mais EMANUEL , natureflement ingrat, Se grand ennemi des<br />

Latins y fans fe mettre en peine de fatisfake à fa parole, irrita<br />

teflement le Prince RAYNAUD , homme vif, & entreprenant, qu'il<br />

attira contre lui les mêmes forces, que RAYNAUD de GHATILliON<br />

avoit emploïées à k défenfe de f Empire. Ge fut ainfi, qu'il<br />

H 2 fut<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6o H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

fut puni lui-même de fa mauvaffe foi. Ge Prince François paffa<br />

en CHYPRE, fan 1160. Se ravagea toute l'Ile, détruifît Vifles,<br />

Bourgs, Châteaux, Eglffes , Se Monaftères , tant d'hommes,<br />

que de femmes ; & à fon exemple, fes foldats. commirent de<br />

w/ch"tu- cr^^^tés exécrables. Ils emportèrent même jufqu'aux Vafes felon<br />

ravage crés. Se les Ornemens des Eglifes, fans aucune réfîftance, de<br />

^^^^' la part des Chypriots, toujours auffi efféminés qu'ils favoient<br />

été auparavant. Auffi, Saint ANTONIN , & GUILLAUME de<br />

TYR raportént, que les maux, que ce Prince Chrétien fit, dans<br />

nie de CHYPRE , jje furent pas moins grands, ni moins cruels,<br />

que l'avoient été toutes les Invafions des Infidèles ; fi ce n'eft<br />

qu'fl n'emmena aucun prifonnier, craignant peut-être, que la<br />

perfidie Grèque ne s'introduisît dans fes Etats.<br />

L'état déplorable, où la vangeance de ce Prince laiffa ces<br />

Peuples infortunés nQ termma pas leurs miferes. L'Empereur,<br />

avoit alors tant d'autres affaires fur les bras, qu'il lui étoit impoffible<br />

de leur procurer aucun foulagement Tout ce qu'il<br />

crut pouvoir faire de mieux, fut de donner le Gouvernement de<br />

Ifaac Gom- flk à UU Prince fage, vaillant, & fidèle. Ilôhoifit, pour cet<br />

iSiTvf"*" ^ff^t, dans fa propre Famifle, ISAAC COMNÈNE, qui arriva<br />

r Empereur Q^ CHYPRE fannée fuivante, affez bien accompaerné ; mais àaumême<br />

. .. i T» i i- i-> ^ ^ '<br />

nom,s'em- peine eut-il reconnu le Pays, quau lieu d y gouverner pour ce-<br />

Swra!- 1^^ ^"^ ^'y avoit envoïé, il s'en appropria la Souveraineté, avec<br />

neté de tant de hauteur, qu'fl réduifit laNobleffe, les Bourgeois, Se<br />

^^^^' les Pariguesk une égale condition ; deforte que, foutenu des<br />

Troupes qu'il y avoit conduites, Se des autres qu'il avoît levées<br />

, fl s'affermit fî bien dans fon ùfurpation, qu'fl fut impoiibk<br />

à EMANUEL, fon Oncle, à ANDRONIC, Se à ISAAC LANGE,<br />

qui lui fuccédèrent, de réduire ce Tiran à fon devoir. Succès<br />

bien diférent de celui de tous les autres, qui avoient entrepris<br />

de fe rendre maîtres^ de file, & qui y avoient réuffi, avec tant<br />

de facflité.<br />

Le Rébeflç ISAAC étoit fi fort fur fes gardes, Se fi attentif à<br />

fe<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. U. CH. m. 6i<br />

fe conferver la Souveraineté, qu'fl engagea à l'affifter BE'REN-<br />

GER MARGARIT, Gentflhomme Catalan y Se qui commandoit<br />

4.0. Galères, que GUILLAUME , Roi de Sicile, avoit envoïées,<br />

fous fes ordres, a^ fecours des Chrétiens de la Palefline. BE'-<br />

RENGER fe trouvoit alors de retour dc la Terre-Sainte y Se avoit<br />

mouiflé dans le Port dAmathunte, où ISAAC faffoit fà réfidence ; deforte<br />

que le Commandant de Sicile, pour le Roi, défit entièrement<br />

une Flotte de 70. Voiles, que l'Empereur ISAAC LANGE<br />

y envoïoit, fous le commandement du Comte de SAINT ETIEN­<br />

NE, dans l'efpérance qu'une fî forte Armée, &fî bien pourvue,<br />

viendroit facilement à bout de détruire ce Rébelle ; comme il<br />

feroît peut - être arrivé, fî la Flotte Impériale, n'avoit pas eu<br />

le malheur d'effuïer une Bourasque fî terrible, que la plupart des<br />

Vaiffeaux en furent fracaffés, & les gens de l'Equipage fî harraffés.<br />

Se fî épouvantés, qu'ils furent tous taiflés en pièces, ou faits prifonniers.<br />

Ainfî, tous les Vaiffeaux devinrent k proie du Vainqueur,<br />

GOMNE'NE, qui joignoît la cruauté à k Tirannie, eut l'inhu- Sa cruauté,<br />

manité de faire couper la tête à tous les Officiers qui furent pris, Q^,"^'<br />

ciers<br />

fans même épargner B A s i L E^ de R E'C A T E , qui avoit été fon P^/^ hniers.<br />

Gouverneur. Cependant, comme tant de Vaiffeaux, & tant de<br />

Prifonniers f embarrafioient, Se qu'fl vouloit d'aifleurs reconnoître le<br />

fervice que MARGARIT lui avoit rendu, fl lui céda les uns Se les<br />

autres, pour fort peu de chofe, Se lui fournit des Provifîons en<br />

abondance. Ge renfort augmenta confîdérablement la Flotte<br />

de MARGARIT , qui courut pendant le refte de la Campagne,<br />

les Côtes de la Grèce y où fl fit plufîeurs riches Prifes, avec un<br />

butin ineftimabk. Se s'en retourna triomphant en Sicile y où,<br />

félon BOSIO, le Roi approuva toutes fes entreprifes. Se le re^<br />

çut avec de grandes marques d'eftime.<br />

Mais, fî ce Tiran ISAAC fut affez heureux, pour fe défaire des<br />

Armées des Empereurs Grecs y toutes les fois qu'ils entreprirent<br />

de k foumettre , d'un autre côté, fa brutahté, Se fon avarice<br />

loi attirèrent bientôt fur ks bras un Ennemi, contre lequel fl<br />

H 3 n'eut<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


(52 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />

n'eut pas le même bonheur, &qui n'eut pas pour luî plus de compaffion<br />

, qu'fl n'avoit eu lui-même d'humanité pour ceux, qui avoient<br />

eu le malheur de tomber en fon pouvoir.<br />

Cet Ennemi fut RICHARD, Roi d Angleterre y^urnommé Cœur de<br />

Lion y qui étoît parti de Meffine y pour aller fecourir les Chrétiens y<br />

qui affiêgeoient la Vflle de Ptolomaïde. La Flotte de ce Prince fut<br />

furprife, pendant fe route, d'une Tempête fî furieufe, qu'elle en fut<br />

difperfée, & confîdérablement endommagée. Deux de fes Galères,<br />

&un Vaiffeau, eurent le malheur d'échouer fur les Côtes Méridionales<br />

de flk de CHYPRE, pendant qu'avec le gros de fon Armée,<br />

il avoit eu le bonheur d'atraper le Port de Rhodes y où fl ne tarda<br />

pas d'être informé de ce Naufrage, & du mauvais traitement que<br />

fes gens avoient reçu d'ISAAC. Non content de leur avoir fait enlever<br />

tout ce qu'ils avoient pu fauver de leur disgrâce, fl eut encore<br />

l'inhumanité de les priver de la hberté, & les fit enfermer<br />

dans des Cachots. Outre cela, fl eut encore la barbarie de refufer<br />

feutrée dans fon port à un autre Vaiffeau, fur lequel étoit embarquée<br />

la Reine JEANNE, Sœur de ce Prince, & Femme de feu<br />

GUILLAUME le bon yRoi de Sicile y aveck Princeffe de Navarre y fa<br />

Fiancée. * - ^<br />

Auffi, RICHARD fut fi outré de ces violences, Se de cet infigne<br />

afront, qu'fl partit de Rhodes, dès que îa Flotte fut réparée,<br />

pour en threr raifon. Il s'y trouva d'autant plus porté, que ce<br />

perfide Grec, bien loin de modérer fa brutalité , à f afped d'une<br />

Flotte capable de f extermùier, pouffa encore fon audace jufqu'à<br />

répondre aux Officiers que le Roî d Angleterre lm envoïa, pour<br />

k faire revenir de fes emportemens, & de fon mauvais procédé,<br />

qu'fl ne traiteroît pas mieux leur Maître p s'fl s'avifoit de mettre<br />

Defcente de pié à terre. Ge progrès de fon infoknce redoubla f indignation de<br />

CœSrlê RICHARD à un tel point, qu'fl ordonna fur k champ à fes Troupes<br />

Ch°"re% "^^ ^^^cente générak, fe mit à leur tête, Se combatit avec tant<br />

puSnde àe fureur. Se de rage, que, malgré k forte réfiftance des.Qrecsy<br />

Çomàw. qui vouloient empêcher fon débarquement, 6c la quantité de braves<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. Liv.II. CH.III. 6$<br />

ves foldats qu'fls lui tuèrent, fl les força, ks mit en déroute,<br />

& les pourfuivit l'épée dans ks reins, jufqu'aux portes de la Vflle;<br />

de manière qu'ls A AC, effrayé du mauvais fuceès de ce commencement,<br />

fe retira d'abord aux Montagnes, dans la crainte, que '<br />

fes Sujets, qu'il avok fî fort maltraités, ne k fivraffent au Vainqueur.<br />

En effet, ces Peuples, fatigués de faTirannk, firent de û foibles<br />

efforts pour fe défendre, que RICHARD fe rendit en peu de<br />

jours maître d'une Vflle, qui auroit dû lui réfifter plus longtems.<br />

Il f abandonna au pfllage de fes Troupes, & la fit ruiner<br />

de fond en comble, fans^que depms elle ait été rebâtie. Cependant,<br />

comme il ne refpiroit qu'après la prife de l'Ennemi, qui favoit<br />

fî cruellement offenfé, fl le pourfuivit à toute outrance, jusqu'au<br />

Bourg Chilani, fitué au pié du Mont Olimpe , où il aprit<br />

qu'fl s'étoit fauve. Chragrinde nef y avoir pas trouvé, fl fit rafer<br />

ce Bourg, avec tous les Vfllages d'alentour ; après quoi, pourfuivant<br />

toujours fon Ennemi, fl le joignit enfin à Trémitbos. Ge<br />

fut-là, qu'IsAAC,contraint de fubir le joug de fon Vainqueur, fe repentit,<br />

mais trop tard, de s'être attiré un Ennemi fi puiffant, Se fî redoutable,<br />

dont fl auroit pu fè faire un ferme apui, s'fl eaavoit agi avec lui,<br />

&avec les fiens,félon le Droit des gens,& le refped que chacun<br />

doit aux Têtes couronnées. Il y a apparence, que ce malheureux<br />

n'étoit propre qu'à amaffer des Tréfors, en tirannifant fes Sujets.<br />

S'il avoit eu la précaution de s'embarquer, lors qu'fl s'en vit abandonné,<br />

il auroit pu paffer en Egypte , où fl auroit jouï tranquifle-<br />

ment des Richeffes qu'il pouvoit emporter.<br />

RICHARD ne borna pas fa vangeance à la deftrudion des meil- Comnène<br />

leurs Endroits de l'Ile, fl fit encore charger fon Prifonnier de chai- ^î"'^^ *^*<br />

A l , 1 / • • cbaines,<br />

nes, qui, pour être d or, n en étoient pas moins pefantes. Il<br />

acheva la Conquête de tout le Pays ; &, pour couronner fon Triomphe<br />

, &. k défoktion de fon Prifonnier , îl s'aflura de toutes les<br />

Places fortes, y mit de bonnes Garnifons, & célébra, avec pompe<br />

, fon Mariage avec la Princeffe B E'R E N G E'R E , qu'il fit en même<br />

tems<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


64- H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

L'He de tcms'couroHuer Reine dAngleterrey Se de CHYPRE. Afin d'au-<br />

MgéJen gmenter k gloire de fa Conquête, la grandeur Se k magnificence<br />

Roiaume, ^Q fon Mariage, fl érigea cette Ile en Roïaume, au lieu que les<br />

l'Angle-^ Empereurs Grecs ne favoient érigé qu'en Duché. Ge fut auffi,<br />

'"'^* à f occafîon de fes Noces, & du Couronnement de fon Epoufe,<br />

que la Meffe Latine y fut célébrée, pour la première fois, parce<br />

qu'fl n'y avoit eu jufqu'alors aucun Habitant de cette Communion.<br />

Enfin, ce Prince, après avoir donné les ordres néceffaires, pour<br />

k confervation de fa Conquête, Se fait augmenter les provifions<br />

de fa Flotte, fe rembarqua, pour aller accomplir fon Vœu, Se la<br />

gcff-Roicfj promeffe qu'fl avoit faite à PHILIPPE AUGUSTE, Roi de France y<br />

^^^^' qui s'étoit déjà rendu devant Ptolomaïde, Il donna la Vice-Roïauté<br />

de CHYPRE à ROBERT TRUHAN, Sénéchal d Anjou-, Se lui laiffa<br />

un nombre foffifant dc fes Troupes, pour y maintenir le bon ordre,<br />

& les Règlemens qu'fl y avoit faits. Il prit avec lui IsAAt,<br />

fe Femme, & une Fille unique, qu'fl menoit en captivité,tant pour<br />

continuer à mortifier cet orgueilleux, que pour fe vanger, en quelque<br />

manière, de la perfidie,^ avec laquelle les Empereurs de Con-<br />

Jiantinople (de la Familk defquels étoit ISAAC,) avoîent traité<br />

les Croifés Latins, en traverfent leurs Etats.<br />

Gefut dans ce pompeux Equipage, que RICHARD, comblé de<br />

gloire, & de biens, zrriva. k Ptolomaïde. Les Privfléges, queles<br />

Chypriots avoîent rachetés de lui, au prix de la moitié de leurs<br />

Effets, lui avoient produit des fommes fort confidérables. Cependant,<br />

pour ne point fouffrir la vue de. fon miférable Captif, il<br />

l'envoïa Prffonnier à Tripoli, Se donna fa Fille à la Reine JEAN­<br />

NE, fa Sœur, qui la garda toujours avec elle. Se lui fit rendre<br />

tous les honneurs dûs à fe naiffance. Voilà comment l'Ile de CHY­<br />

PRE paffa fobitement fous la Domination Angloife, après avoîr<br />

été poffédée, plus de huit Siècles, par ks Empereurs d Orient.<br />

Article IL '^^^ d'Ecrivains ont parlé de la fertflité, & de la beauté de<br />

l'Ile CHYPRE , quoîqu'avec peu d'exaditjude, que, fens la réfolution,<br />

que j'ai prffe d'en donner unèHflloire générale. Se la mieux<br />

fuivie<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L^ILE DE CHYPRE. LIV. II. CH.III. 6{<br />

foivie qu'fl me fera poffibk, je me difpenfèroîs de répéter ce qu'fls<br />

ont déjà dit, fur ce fujet. Cependant, par raport à mon Syftême,<br />

& à la connoiffance particulière que j'ai de fes produdions,<br />

Se des changemens qui y font arrivés, j'ai cru ne pouvoir éviter<br />

d'aprendre à mesLedeurs, que ce Pays, quoiqu'égakment abondant<br />

aujourd'hui, a perdu diverfes chofès très-riclies, Se fort curieufes,<br />

qu'on y trouvoit anciennement, ,& en a acquis d'autres, qu'elle<br />

n'avoit point alors.<br />

Les Mines, d'Or, d'Airain, de Fer, d'Etain, de Souffre, de Vitriol,<br />

Se d'Alun, que PTOLOME'E, STRABON, PLINE, GOU-<br />

Tou, & tant d'autres affurent, qu'on y trouvoit autrefois, font<br />

teflement perdues, qu'on ignore même dans quels Endroits efles<br />

étoient; fi ce n'eft cefles d'Or, Se de Vitriol, qu'on fait,par tradition,<br />

avoir été dans le Canton de Krifacou; Se je fuis témoin,<br />

qu'on tiroit encore de ce dernier Minéral,en 1684.<br />

A fégard des Pierres précieufes, que ks mêmes Auteurs, Se<br />

après eux, le Père LUZIGNAN, prétendent auffi y avoir été communes<br />

, on n'en trouve, ni on n'en parle plus. Il ne me paroît<br />

pas même, qu'aucune de ces Mines ait jamais rien produit aux<br />

Princes Z^//«5, qui y ont régné; à l'exception de quelques Criftaux<br />

de roche affez beaux, qui ont été trouvés de mon tems, dans ks<br />

Montagnes attenantes au Cap Cromachiti, Se à celui d Alexandrette,<br />

Il en eft de même du Gorafl rouge, & blanc, qu'fls prétendent,<br />

qu'on pêchoit fur les Côtes dAmathunte, Peut-être<br />

pourroit-on en trouver encore aujourd'hui, fi on étoît affez curieux,<br />

pour en faire la recherche; mais, comme ks gens du Pays,<br />

ni les Etrangers ne s'y apliquent point, on n'en peut rien dire de<br />

pofitif.<br />

La Pierre d'Amiante, dont fls ont auffi tant parlé, s'y trouve p^^^^^<br />

encore, auffi abondamment que dans les anciens tems; mais on *Jj^^^<br />

a malheureufement perdu f ufage de s'en fervir. PLINE prétend,<br />

qu'en la faifant bouflflr dans une leffive, faite avec de f Indigo ,&<br />

k bâtant bien enfuite avec un batok, cette Pierre perd ce qu'efle<br />

I a<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


66 ' H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

a de pierreux, Se devient fî fouple, qu'on peut la filer, & en faire<br />

de la Tofle, qui y étoit fi commune autrefois, qu'on aflure<br />

que les Chypriots s'en fervoient, pour les vofles. de leurs Navires.<br />

Elle ne laiffoit pourtant pas d'être fort eftimée» dans les Pays étrangers,<br />

fur tout des Brachmanesy Se des Romains y qui en faffoient<br />

des facs, pour, enfermer les Gorps morts de leurs Princes, & autres<br />

grands Perfonnages, qu'ils avoient coutume de brûler, afin<br />

d'en recueillir les cendres plus pures. Se fans aucun mélange. Cette<br />

Pierre a la propriété de blanchir dans le feu, fans fe confumer. La<br />

Carrière s'en trouve dans une Montagne, près du Cap Crom^acbi^<br />

tiy qui porte k nom dAkamantide.<br />

Abondance Quant au Sel, dont fabondance produifoit de fî grands revenus<br />

* ^ aux Souverams, qui ont poffédé l'Ile, après les Grecs, le lieu où<br />

fl s'engendre naturellement n'eft point diffèrent, de ce qu'fl peut<br />

avoir été. C'eft" un Lac, fîtué près de la Mer, entre le Bourg de LarnacaySe<br />

celui de Bromolaxa, Ce Lac a près de trois lieues de circonférence.<br />

L'eau de la Mer, 6ç celle des pluies le remplifïent-<br />

& les chaleurs de l'Eté le font congeler. C'eft au Mois de Septembre<br />

, qu'on en tire autant de fel qu'on veut ; & dont la quantité<br />

feroit encore, auffi grande , qu'efle peut jamais'l'aVoir été;<br />

mais, comme on n'en charge plus pour VEurope, Se que ks<br />

Fermkrs favent la quantité qu'ils en peuvent emploïer, foit pour<br />

l'ufege du Pays, ou pour le tranfport qui s'en fait aux Côtes voifî-nes,<br />

:fls fe contentent d'en faire k provifîon nécefkire, Se. négli*<br />

_gént;k refte.b ç<br />

Il n'en eft pas de même des beaux Camelots, qu'on y travafl^<br />

Ioit avec du poil de Chèvre,;& qui étoient fî fort eftimés au Lc"<br />

vanfySe en Europe: il y a très-long-tems qu'on n'y connoit plus<br />

ces étpÇes, ni la qualité du pofl dont on les fàbrîquoît. On a auffi<br />

VesFim- perdu fufege des Cannes à. Sucre, dont plufkurs campagnes é-<br />

^tL h de toient plantées. On a enfeotencé ces terres avec du Coton, &fon<br />

Mûriers, y ^ planté une quantité prodigieufe de Mûriers, pour nourrir des<br />

Vers .à fok;^produdion dont k Pays, manquoit autrefois. Se<br />

qui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. II. ttt, III. ér<br />

«qui eft incomparableftient plus utfle, que le Sucre.<br />

La quantité de Bkd, d'autres fortes de Grains, Se Légumes j^^^<br />

de toute efpèce, eft toujours la même, qu'elle étoit au tems paffé; '^^^^^^<br />

on y en recueifle ordinairement au de-là de ce qu'fl en faut, pour BUd,qu'anla<br />

nourriture des Habitans; auffi en charge-t-on fouvent plufieurs '^"'"««"*-<br />

Navires, pour les Pays étrangers; de même que des Vins précieux,<br />

& qui font, avec raifon, fî -^ntés par tous les Ecrivains,<br />

qui en parient. SALOMON même a parlé, avec éloge, de la Vigne<br />

de CHYPRE: ces Vins fe confervent un Siècle entier, & acquièrent Levînde<br />

tant de douceur, &de force, qu'fls deviennent un Antidote par- ^"^J^<br />

fait, & naturel. On fait, par tradition , que les anciens.C^j^- M'^v^-<br />

'priots avoient coutume d'en remplir de grandes Jattes, à la Naïf- '^erveun<br />

fence de leurs Enfans, qu'fls entcrroîent ces Vafes, & ne'les ou- ^^^f ""*"<br />

vroient plus, que pour leur Mariage: c'étoit le Vin de la Noce. Comme<br />

les Enfans mouroieht foùvèiit, avant que de parvenir à cet<br />

âge, le Vin demeuroit quelquefois enterré, & couvert, jufqu'à la<br />

troifième, Se quatrième génération, principalement chez les perfprinës<br />

de condition,' qui n'avoient pas befoin de s'en fervir; &<br />

c'eft par-là, qu'on a reconnu y que la vieîlkffe ne faifoit qu'en augmenter<br />

la ^ bonté. .'" ,<br />

^Quoique les Chypriots dm)o\xidhXi n'en enterrent point,précîfement<br />

a fa Naiffance de kurs Enfans, cependant fls n'ont pas perdu<br />

l'ufagé'deii conferver, de k même manière que le pratiquoient<br />

les aricieris: de forte qù'fl s'y en trouve encore, de 30. 40. & )u£quçs<br />

à y.o. ans. J'ai eu f honneur, pendant ma réfidence en ce<br />

Pays-là, d'en .envoïer à divers Souverains de VEurope y foit par<br />

leur ordre, du de mon propre mouvement, pour les en régaler;<br />

& ils jn'ont fait celui de m'en témoigner beaucoup de fatisfàdion.<br />

Il eft vraî, que tout le Vin que produit l'Ile n'eft pas de cette exteUente<br />

qualité ; mais, on peut le regarder, en général, comme l'une<br />

de'fes prûicipaks prodpdions, puifqu'outre là quantité qu'en, achètetit<br />

les Navires étrangers, pour la provifîon de kurs Equipages, k<br />

•' ^ Iî Roïau-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


68 H I S T O I R E' G E' NE' R A LE.<br />

Roïaume dEgypte s'en fournit prefque entièrement, parce que k<br />

Pays n'en produit point du tout.<br />

F^imie^ L'ile de CHYPRE n'eft pas moins fertile en excellente Huile d'Ochypre,<br />

Hvc, Se de Sizame; c'eft ce que nous appeflons graine de Navetengénérai.<br />

^ . j^^^jg ^j g||. certain, que fa fiqueur eft incomparablement<br />

meifleure que celle qui vient d'jEwrd;/»^. Auffi, pour le goût, ks gens<br />

du Pays préfèrent cette Hufle à celle d'Olive- Elle n'eft pas moins<br />

pourvue de bon Miel, & de Cire, que de Laitage, Saffran, Câpres,<br />

Térébenthine, Labdanum, Coloquinte, Mandragore,<br />

Vermfllon, Colocaffe, Se plufieurs autres Plantes, & Herbes Médécînales.<br />

Poudre à poudrer fort eftimée, qu'oiinomme communément<br />

PoM^r^ de Chypre: efle fe fait avec de petites Rofes fauvages.<br />

Se fort odoriférantes. Il y ade la Laine, du Lin, du<br />

Chanvre, du Maroquin, ^des Choux-fleurs dune bonté, & grof^.<br />

feur furprenante, toute forte d'Herbes aromatiques, & potagères<br />

d'un goût merveilleux, fur-tout dans les Lieux maritimes, où k<br />

terre eft nitreufe. L'Ile n'eft pas moins abondante en Arbres* fruitiers<br />

de toute efpèce, excepte des Cerifîers, Se des Châtaigniers,<br />

dont les Habitans font pourtant dédommagés par ks Dattes, ks<br />

Carrouges,& les Grenades,qui s'y trouvent en quantité.<br />

Les Montagnes font couvertes d'Arbres, taiflis, OIL de hautp,futaie,<br />

dont k quaflté eft exceflente, foit pour la charpente des<br />

Maflbns, foit pour k çonftrudion, & mâture des Vaiffpaux.. On<br />

en tke auffi quantité de Poix, Se de Goudron; Se c^eft, aparemment,<br />

ce qui a fait dire à API AN MARCELIN, que llle de CHYPRE<br />

étoit ii rempfle de'toute forte de biens, qu'elle pouvoit mettre<br />

en Mer un Navire, Se l'équiper de toutes fes parties, fans aucun<br />

fecours étranger»<br />

L'Ile produit auffi d'affez bons Chevaux, & de.très-exceffentes<br />

Mules, dont l'ufage eft beaucoup plus doux , & plus, commode»<br />

GRATIANI raporte, que les Magiftrats de llk de CHYPRE furent<br />

autrefois obligés de défendre à k Nobleffe la monture des Mules<br />

» dont<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. Liv. II. Cii.IIL 69<br />

dont;elle fe fervoit, par un rafinement de commodité, pendant<br />

qu'elle négligeoit les Chevaux, de peur que la dffette de ces der-'<br />

niers ne devînt un jour préjudiciable à l'Etat. Le Pays eft également<br />

pourvu d'Anes, de Bœufs, de Buffles, Chameaux, Chèvres,<br />

Moutons, Brebis, & Porcs, dont la chair eft très-déficieufe<br />

: les Jambons de ces derniers font d'un goût exquis. On y trouve<br />

àuffi des Chevreuils, Daims, Sangliers, Bœufs, & Chèvres<br />

fauvages, des Lièvres en grande abondance ; & toute forte de Volailles<br />

domeftiques, comme Poules, Coqs-d'Inde, Canards,Oies,<br />

Se Pigeons, des plus fucculens.<br />

A fégard du Gibier, on peut affurer, que ce Pays eft des plus Ahmdance<br />

abondans; j'en connois peu qui en foient mieux fournis, excepté forti de Gide<br />

f^ûSms y qui y font un peu rares; mais lesFrancolins, ou Gelî- fg^'J^^f^<br />

notes de bois. Perdrix rouges, Beccaffes, Beccaffines, Tourte-duFaifan.<br />

relies, Canards, Cercelks, Ramiers,& autres Pigeons feuvages.<br />

Grives, Merles, GaîUes, Ortolans, Alloucttes, & généralement<br />

tous les Oifeaux qui fe trouvent ailleurs , font dans cette Ile en<br />

grande quantité; Se le goût en eft délicieux. Les petits Offeaux<br />

qu'on nomme aifleurs Becquefigues, Se en CHYPRE Oifèkts de vigne,<br />

y font fi délicats Se fi abondans, qu'on y en confit tous ks<br />

ans une quantité prodigieufe avec du vinaigre, pour ks Pays<br />

étrangers, particulièrement pour Fenife y ou ils font fî eftimés, que<br />

k Nobkfle les préfère à quelque autre mets que ce puiffe être.<br />

On y prend auffi quelquefois des Outardes, d'une groffeur prodigieufe,<br />

dont le plumage eft extrêmement blanc, & k chair trèsdélkate.<br />

Les Grues, Hérons, Se Faucons de différentes e^ces Exeenemu<br />

s'y trouvent égakment; & ks Offeaux de proie, comme Aigles, fj/^<br />

Vautours,Milans^ Corbeaux, Se autres efpèces,n'y manquent pas. Hvriers.<br />

Les Chiens-Lévriers y font d'une beauté. Se d'une bonté incomparable,<br />

& les Chats ksplus beaux. Se les plus hardis du monde<br />

; fls ont k propriété de combatre ks Serpens, & de ne les<br />

point quiter, qu'fls ne les aient tués; Se c'eft d'où vient, comme<br />

on fa dit, que ks Refigieux, qui habitoient autrefois ks Mona-<br />

I 3 ftères<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7b H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

ftères, qui font autour du Mont Olimpe, Se ceux du Couvent dA^<br />

grotiri, en nourriffoient une grande quantité, pour ce fujet : j'ai vu<br />

arriver un de ces combats, dans ma propre Maifon, où fl y apparence<br />

qu'on avoit apporté un Serpent, dans du fourage, dont<br />

on faifoit la provifîon,<br />

• Un de mes Chats, quelque jeune, & petit, qu'il fîït, apperçut ce<br />

Reptile, qui vouloit monter fur le toit. Se rampoit le long de la<br />

Combat muraflle; fl s'élança fur lui. Se le fit tomber à terre. Le Serpent,<br />

d'un Chat ^ ' , , *, , , j. v r '<br />

eontrcun après'avoir demeure quelque tems comme étourdi, reprit la viserpent.<br />

g^g^j.^ & fe dreffa en fiflant, pour combatre fon adverfaire, qui<br />

de fon côté, le pofl hériflé, Se les yeux étincelans, méprifà f alped<br />

dû Serpent, l'attaqua, & après lui avoir donné plufîeurs coups<br />

de fa pâte, trouva enfin le moïen dek faifir, par la partie charnue,<br />

qui eft entre la tête. Se le refte du corps. Ix Serpent ne<br />

pouvant fe délivrer des dents de fon ennemi, fe replia tout autour<br />

du cou du Chat, & tira la langue, pour l'en percer : mais<br />

l'animal fut fi rudement baloté Se fecoué, qu'fl perdit enfin fes forces,<br />

& tomba vaincu, fans faire .que de foibles mouvemens, qui<br />

paroiffoient plutôt des convulfîons, que de nouveaux efforts. Le<br />

Chat vidorieux ne fe fervit plus du Serpent, que comme d'un<br />

• jouet,qu'fl balotoit, & retournoità fon gré, comme s'fl eût trouvé<br />

du plaifir dans fon triomphe* . Gé fpedaek, qui avoit attiré<br />

mon attention, me divertit extrêmement. , . i<br />

L'Ile aujjt- ' La Mer, qui environne file n'eft pas moins poiffonneufe, que<br />

Abondante la Terre en eft fertile. Il n'y manque que des gens capables de<br />

^efS"'faire valoir fun Se fautre, pour en retirer tous les fruits qu'on<br />

*''''• peut défirer de ces Elemens. Il feroit à fouliaiter,- qire fair d'un fî<br />

beau, & fî abondant Pays,fût un peu meilleur,& plus tempéré,<br />

pour en mieux jouïr. Les chaleurs y font fi exceffives, pendant<br />

^I^^^' l'Eté,' Se une partie de l'Automne, que les campagnes en font<br />

prefque entièrement brûlées; ce qui rend fàir groffier, & malfem,<br />

& qui fait dire à la plupart des Hiftoriens, Se auk perfonnes<br />

- qui y ont fait quelque féjour, ^ue k Cflmat de CHYPRE eft générak-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


BE L'ILE DE CHYPRE. Liv. IL CH. III. 71-<br />

rakment malin, & très-dangereux. Cette réputation lui a même<br />

demeuré parmi les Modernes, foit qu'fls aient fuivi l'opinion<br />

des Anciens, ou le raport des Européens qui y ont paffé. Se qui<br />

qui n'ont abordé qu'aux Côtes, où fair eft éffèdivement le plus<br />

corrompu, comme celui de Famagoufte y qui, par raport à fe fî- ~ .<br />

tuation baffe, à fes eaux fàumâtres, Se fes Dehors marécageux,<br />

.formés par le Torrent PedicuSy qui s'y décharge, après avoh*<br />

comme innondé, pendant fHiver, la befle Se fertile Plaine de<br />

Meffarie,<br />

Larnacay qui eft le Lieu où tous les Francs font leur réfidence, • -<br />

& où , par confequent, les Européens qui y abordent féjournent ^<br />

le plus, n'eft pas un Endroit plus fain, que Famagoufle. La proximité<br />

des Salines, que Lamaca a vers VOccident y Se les Marécages<br />

^u Levant, font que l'air en eft pefant, & mauvais, malgré<br />

le foin qu'on a commencé à prendre de deffeicher ces Marécages,<br />

& d'en faire des Jardins. Les Villes de JB^J^, & de Cérines<br />

font dans la même fituation ; de forte que ces Lieux maritimes,<br />

& pour^ainfî dire, les plus fréquentés par les Etrangers ,font<br />

ce qui donne une réputation fî desavantageufe de toute file, que<br />

les Ecrivains décreditent entièrement. Il eft a croire, qu'fls en par- Excellence<br />

leroient mieux, s'ils avoient parcouru, & examiné, comme j'ai soiie"^La.<br />

fait, plufîeurs fois, le refte du Pays; où je puis affurer, qu'on pathos,<br />

trouve l'air auffi bon. Se auffi pur, qu'en aucun Lieu de France, arpaiib,<br />

particulièrement dans les Cantons de Solie, Lapathos, Ni- ^^'•<br />

foficy Carpaffo y Pifcopie y fes Environs, & dans tous les Lieux<br />

élevés, qui font généralement exemts des Fièvres malignes, dont<br />

ks Habitans font affligés dans les Lieux maritimes. Il eft pourtant<br />

vrai, que les grande» chaleurs, en tems d'Eté, font par-tout<br />

pernicieufes ; mais les Habitans en feroient moins incommodés,<br />

fi les travaux de la Saifon leur permettoient de s'en mettre à cou*<br />

vert.<br />

Je croîs, cependant, que, quelque mauvais que foit l'air, dans ^^#"><br />

ks Lieux maritimes que je viens de nommer, fi ceux qui ks habitent<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


71 . H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

tçnt avoient affez de foin, ou le moïen d'élever leurs maffons, au<br />

moins jufqu'à deux étages, fls ne feroient point fujets à toutes les<br />

incommodités des Fièvres, Se des Coufîns qui les dévorent, en<br />

tems d'Eté, parce qu'fls couchent toujours à terre, fans aucune<br />

précaution pour s'en garantir; de forte qu'il eft impoffible, que<br />

le corps ne contrade de mauvaifes humeurs , qui corrompent le<br />

fang, Se engendrent les Maladies dont fls font fouvent alfli-<br />

Lîeuxéie- gés, & que je n'ai que trop éprouvées moi-même. Il n'en eft pas<br />

eoup^ph^' ^^ même des Lieux qui font éloignés de la Mer, quoique les habih^^'.<br />

tations en général n'y foient pas plus exhauffées, excepté à Nicofie<br />

y k Limifol, Seen quelques autres Endroits; car on peut, fans<br />

rffqucr fafanté, coucher en pleine campagne, à la belle étoile,<br />

comme fl m'eft arrivé plufîeurs fois, fans en reffentir aucune în-<br />

Soirîiténé- commodité. On y mange, & on y boit généralement par tout<br />

eeffaire,en d'auffi boH apetit, qu'eu aucuH licu de VEurope; Se je crois que,<br />

Chyprt.^'* pour y jouïr d'une bonne fanté, on n'auroit qu'à fe garder des ardeurs<br />

du Sokfl, dans lés heures qu'fl eft le plus chaud, & fe modérer<br />

dans le boire. Se le manger; car fabondance. Se f excellence<br />

des mets y excite un peu, principalement les nouveaux venus<br />

, qui n'en confîdèrent pas les conféquences.<br />

articleIII. Geux quî Ont avancé, que file de CHYPRE n'eft arrofée que par<br />

les Torrens formés des pluies, qui tombent pendant fHiver,<br />

ne fe trompent pas moins; Remarquent également leur ignorance,<br />

' à fégard du centre du Pays, qu'ils n'ont point parcouru. Ils s'en<br />

font rapportés aux Relations des Voïageurs, quife font eux -mêmes<br />

bornés aparler des Lieux maritimes, où fls ont abordé. L'Ile, à la vérité,<br />

n'a pas de grandes Rivières ; mais fl s'y trouve beaucoup de<br />

Ruiffeaux,qui ne tariffent jamais, à moms qu'fl n'y arrive des cas<br />

auffi extraordinaires, que celui qm obligea les Habitans de f abandonner,<br />

dans le quatrième Siècle, comme je fai dît aflleurs.<br />

Ces Ecrivains font mention de deux fameux Torrens, qui font<br />

^ le Pédicus, qui paffe au mflieu de la Vifle de Nicofie y traverfe enfuite<br />

toute la Plaine deMefJariCy qu'fl innonde fouvent de maniè-<br />

• re.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. Liv. II. CH. II. 73<br />

re, qu'il la rend auffi graffe, & aufii fertfle, que k font les Campagnes<br />

dEgypte y arrofées par le Ml, Se fe décharge enfin dans k<br />

Mer, au Levant de Famagoufte y où fl forme les Marais, dont je<br />

viens de parier ; Se k Lycus, ,qui vient perdre fon nom près de la<br />

Vflk de ir^»/^^,«)ù fl trouve un débouchementfîfacfle,qu'il n'y<br />

croupit, point du tout; ce qui fait, que l'ah: y eft plus pur, que dans<br />

les autres Lieux maritimes défile, où feau, qui y croupit, caufe<br />

k malignité de l'air.<br />

Maisj, outre ces Torrens, fl y a, dans plufîeurs Endroits de file, des<br />

Sources;d'une excellente eau,


74 . JB i "S T O 1 R K G E' N E' R A L E<br />

ment à 36. Moulins qu'efle fait tourner, fert aux Habitans dece<br />

^ieu, à ceux de Palecîtro, Se des environs, à arrofer une étendue<br />

très - confîdérable de Jardins. Enfin y fens m'arrêter à faire<br />

un plus grand détail des Ruiffeaux, Se des Fontaines qui fe trouvent<br />

dans l'Ile, que j'ai parcourue plus d'unéîibis, & peut-être<br />

plus exadement qu'aucun autre Européen y je pids affurer, qu'il<br />

y a quantité d'exçeflentes Sources, même ju^ies dans k Canton<br />

de Carpaffo y qui eft à fextrémité Orientée S& l'endroit le<br />

plus étroit, puifqu'il n'y a qu'environ deux fieues de temin qui<br />


DE L'ILE DE CHYPRE. LmlI.CH.III. 7.^^<br />

Les Mûriers y font plantés au cordeau, à environ une braffc<br />

de diftance de fun à fautre. Un feul Jardin en contient fouvent<br />

plufieurs miUiers. Lorsque le tronc de f Arbre a cru jufqu'ihaiiteur<br />

d'homme, on en'coupe toutes les branches, qui repouffent<br />

tous les ans de nouveau, en fi grande quantité. Se fi<br />

fertées, qu'elles forment une ombre, que les rayons du Sokfl ne<br />

fauroient pénétrer. Au lieu qu'en Europe y on laiffe croître ces<br />

Arbres , tant qu'ils peuvent pouffer , Se que fon fe contente<br />

d'en cueiflir ks.feuifles. En CHYPRE, Se dans la Palefline y on<br />

les coupe, Se l'on en arrache les fèuîfles qui étant toutes récentes,<br />

& par confequent, plus tendres, donnent une meifleure nourriture<br />

aux Vers à foie. • .<br />

On y a grand foin de bien cultiver les terres, de les engraif^ Soie de<br />

fqr, &arrdèr.régulièrement, depuis le commencement duPrin-^^yp^j.*<br />

tems, jufqu'à^la Fête de Ste, Croix en Septembre; & ce jour-k-te, (pteceiie<br />

on prétend que les Arbres ceffent de pouffer. Par ces foins y p^^îf "*<br />

ks Arbres fe trouvent également garnis l'année fuivante. Les<br />

perfonnes de la pjofeffion n'ignorent pas, que la Soie de CHY­<br />

PRE eft plus pefante qu'aucune autre, auffi ne f emploïe-t-on en<br />

France y en Angleterre y Se ^iilleurs y qu'aux galons, franges ><br />

& autres ouvrages d'or. Se d'argent, parce queles Marchands<br />

y trouvent kur compte..<br />

i La récolte du Coton, qui fe fait en CHYPRE , n'eft pas moins<br />

importante, que cefle de la Soie : ce Coton eft même beaucoup<br />

meifleur,- que celui que produifent les autres Lieux du Levant,<br />

Auffi, les Marchands d'.Sttrt?/'* lui donnent-ils la préférence. Toutes<br />

les autres denrées, qui croiffent dans file font égakment.<br />

exceUentes. D y a des Endroits dans ce Pays, où les terres<br />

demeurent en friche; Se fon y voit beaucoup d'Oliviers fevages,<br />

principalement dans k Canton deCarpaff^y qu'on nefe<br />

donne pas la peine de greffer. Si ces terres étoient çidtivées,<br />

Ofles produiroient des revenus très-confidérabks-, parce que le<br />

terroir en eft fertile de fa nature. .Le reçmement çmpecheroît<br />

Kl les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


76 H I S T O I R Eî'l G^E' N^^-E' R'A LE<br />

ks Afpics , & les autres Bêees' venîmèùfes de s'y multiplier,<br />

comme elles font. Ce n'eft pas feukmeiit en CHYPRE , que le<br />

manque d'Habitans eft caufe de f abandon des plus èxcelkns terrains,<br />

qui demeurent fans culture: k plupart des Provinces de<br />

f Empire Ottoman forit dans kmême cas. Ces Barbares ont trop<br />

de Pays/ pour y fuffire. D'ailleurs, lé^r'fëinéâiitife , kur indolence<br />

, ^& leur frugalité naturelles y contribuent beaucoup.<br />

Ajoutez à cela, que, comme ils n'ont ni tailles, ni gabelles,<br />

ni autres impots à'payer, ils ne travaillent qu'autant qu'il eft<br />

befoin, pour s'acquiter de quelques petits Droîts Seigneuriaux,<br />

t^ls c^\e le tiaracb y ou la Gapitation-Jque 'payent les ^Chrétiens,<br />

' Se les Juifs, nés Sujets du Grand-Seigneur ; Se dont ks Turc^<br />

font exemts. -^J On ne fauroit confidérer, fans une furprife extrême,<br />

les vaftes & belles Campagnes arrofées de plufieui-s Rivières<br />

, qui fe trouvent entre Conftantinople, Se Andrinople, &<br />

dont la plus grande partie n'eft pas cultivée. 11 n'y a que k<br />

quantité de grains, Se d'autres denrées, qu'on tire de k Mer<br />

noire, qui entretiennent toujours fabondance dans la Ville Impériale;<br />

où, malgré la pluralité des Femmes permifesaux TurcSy<br />

les Famifles ne font jamais fort nombreufes. n » • . .<br />

Qualité ^^^ L'abondance de file de CHYPRE , non feulement ' en tout ce<br />

des cy- qui eft néceffaire à l'entretien de la vie, mais enéore^en tout ce<br />

^"° ^' qui peut la faire -paffer avec douceur & agrément, en a rendu<br />

de tous tems les Peupks efféminés Se fenfuels. Elle les a même<br />

toujours plongés dans une vie fi oifive, Se fi voluptueufe,<br />

qùé ièur^plus grande attention a toujours été à fe bien parer, &<br />

à pafler lè téms en Feftins, en Danfes, & autres Divertiffemens.-<br />

La Nobkffe, en particulier, y vivoit fîfpkndideraent,<br />

Chypriots que k magnificence de kurs Buffets, fabondance. Se k délîie<br />

Voi fixe- cateffe de ' feurs Tabks, la continuation de leurs Spedacks, Se<br />

nf£e°d'e de-îèurs Plaifirs/k fomptuofité de leurs Habilkmèns, de leurs<br />

ia '"«g'-^" Meubles, ^ de leurs Equipages ,tant^ en Domeftiques , en<br />

Zvûkipté.' ChevauKo en Qbxem Lévriers, Se autres ,^'en Faucons<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ni t'ILE DE CHYPRE. Liv. n» CH m. 77;;<br />

ne cédoieiit en rien à ceux des Princes. Je puis même affurer, avec<br />

vérité, que, bien qu'fls foient devenus efclaves du Turc, fls<br />

confervent encore les mêmes inclinations, &, autant qu'fl leur<br />

eft poffibk, les mêmes maximes de fàfte, de luxe, & de volupté.<br />

• Les. chakurs immodérées du Cflmat font, que les Habitans en gé- j^ur tauie<br />

néralont toujours été, fi fon en croit les anciens Hiftoriens, &font "^^'"c^« ,<br />

encore aujourd'hui d'une taille médiocre, quoiqu'fl paroiffe, que, leur bafa-.<br />

depuis fintrodudion des Turcs y fls'y en trouve quantité qui font "'^•<br />

fort grands; mais la plupart font plus maigres, que gras, plus<br />

bruns, que blancs, plus difpos, que forts Se robuftes. Il en eft<br />

de même des Femmes, à la réferve, que, fi elles étoient autrefois<br />

auffi libertines, «Se débordées que les anciens Auteurs f affurent,<br />

elles en font aujoiàrd'hui fî bien corrigées qu'on peut affurer, que<br />

k Pudeur, & la Modeftie ont fuccédé,'chez efles,à l'Incontinence,<br />

''<br />

Se à la Débauche. .<br />

Ge nkft pas que, dans les Gantons reculés, qui ne font point Habitans<br />

fréquentés, & où, par confequent, le^ng a été moins mélan- f^^ï"**<br />

gé, fl ne fe trouve encore quantité de perfonnes de l'un,' Se de la Mer fort<br />

l'autre Sexe d'une blancheur, Se d'un embonpoint merveflkux. *' '<br />

Ce* qui fait conjedurèr, que l'air de ces Endroits a de tout tems<br />

été plus fain qu'aux Côtes de la Mer. U faut auffi convenir,<br />

que, malgré les appas de la vie licentieiife à kquefle ks Chypriots<br />

fe font de tout tems abandonnés, lorsque l'Idolâtrie, Se l'Intempérance<br />

triomphoient chez eux, plufieurs n'ont pas kiffé, dès ce<br />

même tems-là, de méprifer la Bonne-Chère, ôcles Plaifù-s> poiu:<br />

s'attacher ei^tiîèrement à la Vertu.<br />

'<br />

TosES, connu depuis fous le nom de Saint B-VRNABE', fut le Saints (f<br />

prémkr, qui, infenfibleà tous ces attraits, abandonna fon Pays, f^fj^"g„<br />

pour fe retirer à Jérufalm< H porta aux piés des Apôtres far- & Chypre,<br />

gent d'un gros Héritage, qu'il pofiédoiten CHYPRE ,& qu'fl avoit jofes m<br />

vendu, pour devenir vrai Difciple de JE'SUS-CHRIST. bé.^'''*'<br />

JEAN, furnommé MÀRC, Coufin de JOSES, fe convertit com- te^c<br />

K 3 men: '<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7$ H I S T O I R E G E' NE' RALE<br />

meki, avec fa Mère MARIE. Touché des Miracles, qu'fl: vît fki*<br />

reau Sauveur du Monde en Paleftine y où il s'étoit retiré quelque<br />

tems auparavant, fl fe joignit au nombre de fes Difcîpks, &. devint<br />

un des feptante deux. On prétend même, que ce fut dans<br />

la maffon de fa Mère, que JE'SUS-CHRIST fit la Cène avec feé<br />

Apôtres, Se que Saint PIERRE fe réfugia, lorsque l'Ange le délivra<br />

de prifon.<br />

Nicanor. NicANOR, nobk ChypHoty prit k même parti. Se fut un des<br />

pmiJrf^* fept Diacres, choffispar les Apôtres; après quoi, fempfl de zék<br />

Diacres, ^^ ^^ Compatriotes, fl repafïà en CHYPRE, pour leur prédiét<br />

l'Evangile, & fl y reçut la Cojuronne du Martire.<br />

Mnafon, MNASON , Chjprioty fut aulïi Difciple des Apôtres; comme oh<br />

^^wst" le vok dans divers Paffages des Ades. A l'imitation de ce Saint<br />

Homme, diverfes autres perfonnes de l'un. Se de fautre Sexe,<br />

Se de toute condition, embraflèrent la Foi Chrétienne, & vécli-<br />

Fiufteuirs rcHt avcc Une modération. Se une fobriété exemplaires. Sur tout<br />

Chypriots lorfque PAUL SERGIUS , Procoiifol/{ozw


''DE L'ILE DE CHYPRE. LÏV. II. -CH. lll, 7p<br />

du Bourg Marataffèy ne fut pas moins zélé pour la propagation<br />

de la Foi. Catholiqne. Il fe diftingua au Concile que le Pape DA-<br />

MASE tint à Rome , en 368. ou 6p. Se affembla un Synode<br />

dans fon'EgUfe Êpifeopak, en 399, pour àondamner les OrigéfUft0Sy<br />

qui-Êiifoient alors grand bruit; & interdire des Livres<br />

de k fauffe Dodrine dO R i G E^W È , déjà condamnés par T H E'Op<br />

HIL E, Patriarche d Alexandrie.<br />

< - A NT H E'M tu^ s, autre Evêque de &7/tf»i/«^, fut encore plus re- Anthé<br />

nommé pour la fauiteté de fa vie, & pour fes grandes charités, Jil."j;sàf'<br />

t}ue pour avoir trouvé en CHYPRE fe Gorps de f Apôtre de* St. ^^°""®-<br />

BARNAIRÊ' , Se foutenu ks prérogatives de fon Ëglkè, contre les<br />

Patriarches d Antioche y qui Vôuloi^t k foumettre à leur Jurisdidion.<br />

* ,<br />

Saint JteAN, TAwmoniery natif dAm thunte y & Fils d'Ew-St^ J^^^<br />

PHÀNES , D^, ou Gouverneur de file, pour ks Empereurs de nier, natif<br />

Conflantinople y remplit non feulement fon Pays natal, mais en- ^^A^^'*"<br />

core Ifes autre* où fl pafkr, d'exemples fî extraordinaires de cha- î^""'*rite,<br />

qu'fl méritakfumomd'^/»d«/^, qui lui eft demeuré. Lors<br />

^u'en l'année &iQi l'Empepair-HE'RA-CLïus Pobligea dW<br />

cepter le Patriarchat d Alexandrie yil ne s'apfiqua qu'à y rempfir<br />

feintement les devoirs d'un Pofte fî éminent, à diftribuër fon<br />

bien aux pauvres y à corriger les Mœurs de fon CfeJgé , à abolir<br />

la Simonie, & l'Héréfîe, & enfin, à faire bâtir des Eglifes,<br />

& des Hôpitaux. Mais, comme fl fut obkgé, vers l'an<br />

tSié. de quiter la réfidence de fon Patriarchat, pour éviter k<br />

perfécution des Hérétiques , & cefle des Sarrafins y qui commençoient<br />

à fe répandre dans VEgypte y il fe retira dans fa Patrie<br />

, où fl continua toute fa vie à exercer fes grandes charités.<br />

Il mourut à Amatbunte y heude fa naiffance, en 620. On ra^<br />

porte, comme un ptodige, & un effet remarquable, de fà fainteré,<br />

^ue les corps de deux Evêques^ qui avoient été mis dàn*<br />

k Tombeau où fl fut dépofe, fe" rangèrent, pour lui faire pkce,<br />

aumflieud'eux. C'eft'ce


8o HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

i •<br />

RONius. La vie de St. JEAN VAumônier a été écrite par L E o N-<br />

CE, Evêque de Umifol y Se approuvée par k fecond Concfle de<br />

Nicée.<br />

^vT^^de ^^ niême L E'O N c E , Evêque de Limifol, pénétré des grands<br />

Limiioi. exemples d'amour de Dieu, & du Prochain, que i lui avoit donnés<br />

la vie de St. JEAN V Aumônier y les imita fî bien, qu'fl édifia<br />

tous ks Peuples de fon Diocèfe par fa piété , par fe douceur<br />

' ^ à les inftruire lui-même. Se par fon infatigable apUcation à les<br />

^ affifter dans leurs befoins. c<br />

luflfesPer- H feroit ennuïeux, & même fort dificîle de raporter k quan-<br />

"^hrétiens ^^^^ ^^ Saînts Evêques de flk de CHYPRE , qui ont gouverné, avec<br />

beaucoup de prudence, Se une grande fainteté de mœurs, non<br />

' feulement les Egflfes de ce Pays-k, mais encore celles d Antioche,<br />

d Alexandrie y Se de Conflantinople y où ils ont été appelles<br />

par les Empereurs^ Ils ont tous également bien rempfi les devoirs<br />

de leur Miniftère.<br />

PAUL IV"^. fut élu, malgré luî. Patriarche de'Conflantinople y<br />

après NICE'TAS, vers l'an 170. GEORGE, Archevêque dans<br />

k 8"î^ Siède, a mérité d'être mis au nombre des Bienheureux.<br />

,.;<br />

Un autre GEORGE , Patriarche de Conflantimple y en 1234..<br />

a compofe divers beaux Ouvrages de Morale, qui; fe trouvent<br />

dans la Bîbliotèque du Fatican.<br />

Un troifième GEORGE, OU G R E'G OI R E , autre Patriarche<br />

de Conflantinople y en 1230. fut toujours fi zélé, pour la confery<br />

yation de la Foi Orthodoxe, &pour la faire obferver dans toute<br />

fa pureté, que, malgré fon grand âge, le péril, Se la longueur<br />

des Voïages, fl vint en Europe y .pour affifter à tous les<br />

Conciles qui fe tinrent de fon tems.,<br />

.- Ces Saints Perfonnages n'agiffpient pas avec moins d'ardeur,<br />

contre les Héréfîes, qui s'élevèrent de leur tems. Dans la crainte,<br />

que celle des Monothélites n'irSe&.it leur Pays, fls s'afiem.blèrent<br />

tous, en 64.3. pour en condamner les. erreurs, poyr défendre<br />

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D E L' I LE D E c H Y p RE. Lrv. IL .CH. II ]. si<br />

fendre à leurs peuples la firéquentation de ces Hérétiques, Se la<br />

ledure de leurs Livres.. C'eft ce qui paroit, par une Lettre qu'ils<br />

écrivirent au Pape THE'ODOSE, qui loua extrêmement leur attention<br />

, Se leur conduite. Gette Lettre fe trouve auffi dans laBîbfiotèque<br />

du .Fatican.<br />

Pour ne point ennuïer le Ledeur, je ne parlerai point du grand Article iih<br />

nombre de perfonnes de dfllindion de fun, &de l'autre fexe, qui Ssivans.<br />

ont embraffé la Vie Monaftique , ou folitaire , Se qui ont confumé<br />

leurs jours dans un exercice continuel d'auftérité, Se de<br />

toutes les Vertus Chrétiennes, quoique chacune de ces perfonnes<br />

méritât un éloge particulier. Grand nombre d'autres fe font<br />

auffi attachées à f étude des Sciences ; Se efles ont laiffe d'excellens<br />

Ouvrages.<br />

A s c L E'P IA D E, qui s'étoit attaclié à la Médecine, a écrit très- Afciépiafevamment,<br />

fur ce fujet. ^J^<br />

Z E'N ON, natif delà Vflle de Ketin, ou Cithéon, fut auffi célè- zénon./a.<br />

bre pour fePhflofophk, que pour avoir fondé la Sede de Stoïciens ^j^J,^'<br />

qui fleurit à Athènes y où ce favant homme fut jette par une Tempête,<br />

&0Ù fl l'enfeigna.<br />

NICAGORAS n'a pas été moins renommé pour l'Hiftoire, com- Nicagoras,<br />

mêle témoignent ARNOBE, &FULGENCE, qui le citent fouvent. J?JJ,.^'-^°"<br />

APOLLONIUS , natif de la même Vflle de Cithéon, a été le plus favant<br />

Médecin de fon tems, Se a laiflé divers excellens Traités de<br />

Phifique.'<br />

DEXIPHANES exceUa dans f Architedure. Ceft le même, que Dexîpha-'<br />

la Reine CLE'OPAT RE emploïa, pour le rétabliffement dek Tour /"^t'^rS<br />

du Phare d Alexandrie, & pour la çonftrudion d'unQiiai, qui f'«*f*»<br />

joignoît cette Tour au Continent, dont efle étoit éloignée de plus<br />

de cinq-cens pas, ou de fept Stades. C'eft ce qu'en dit APIEN MAR­<br />

CELIN ; quoique GE'SAR, & d'autres Auteurs affurent, que ce<br />

fut PTOLOME'E, qui emploïa DEXIPHANES, 6C fon Fils, auffi<br />

habikque fon Père, dans f Architedure,<br />

L DE'-<br />

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82^ H I s T o I R E G E' N E' R A L E<br />

p^Sfc"' DE'MONAN, cet homme incomparable, qui vivoit dans k<br />

dont Lu- premier Siècle de JE'SUS-CHRIST , Se contemporain de Luh%t&<br />

CIEN, qui raporte ce que j'en dis, a été un Philofophe des plus<br />

les Moeurs, renommés. Se un vrai modèle de Vertu Païenne. Il étoit natif<br />

de l'Ile de CHYPRE, d'une Maifon Illuftre, Se opulente ; mais,<br />

comme la fubUmité de fon efprit forpaffoit fe; fortune, il méprifà<br />

tout, pour s'adonner à la Philofophie, fens pourtant y<br />

être excité par perfonne. Quoiqu'il eût vécu famiflèrement avec<br />

AG.ATHOBULE , DE'ME'TRIUS, EPICTLTE, & Ti-<br />

MOCRATE dHéraclée, fl ne s'attacha à aucune Sede particulière.<br />

Il prenoit ce qu'il trouvoit de meifleur en chacune , &<br />

laiffa indécis laquelle il eftimoit le plus. Il paroît cependant,<br />

qu'fl faifoit plus de cas de S OCRA TE, que des autres Philofophes,<br />

quoiqu'en fon habillement, Se en fe,manière dé vivre, fl imitât<br />

'' davantage DIOGE'NE.<br />

Démonan* DE'MON AN a vécu près de cent ans. On 3ît qu'fl ne fut jamais,<br />

ni trffte, ni malade; qu'fl fervoit cordialement fes amis, lorfqu'flsavoient<br />

befoin de lui, fans leur être à charge, ni faire tort à perfonne,<br />

perfuadé qu'fl n'y avoit pas de plus grand tréfor, que l'Amitié.<br />

LUCIEN raporte, que les Athéniens, Se toute la Grèce Favoient<br />

en fî grande vénération, que les Magiftrats fe kvoient,<br />

lorsqu'il paffoit ; que chacun faifoit Iflence, lorfqu'fl vouloit parler.<br />

Dans un âge fort avancé, il logeoit indiféremment où il fe trouvoit<br />

; on s'eftimoit auffi heureux de favoir pour hôte- que fîfon<br />

eût reçu un Dieu; Se tout le monde s'empreffoit à lui faire<br />

du bien. Comme il reconnut, qu'fl ne pouvoit plus fe fuffire à<br />

lui-même, il dit à ceux qui fe trouvoient alors auprès de-lui; On<br />

peutfe retirer, leSpeftacleefî achevé-, &il mourut,faute démanger,<br />

fans rien perdre de fa gaieté ordinaire.<br />

^^^^ lu- ^^ ^^^^^ ^ ^^ ^^^ ^^ ^^ même Ville que le prémkr; fît tant de<br />

Xlin. progrès dansia Médecine, qu'il l'enfeigna long-tems dans la Vifle;<br />

dl Alexandrie y où fl eut pour Difdples ORIBA^SE, SL plufieurs autres<br />

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DE L'ILE î>E CHYPRE. LIV. II. CH. IIÏ. sj<br />

ti-es excellens Perfonnages. Aitffi, (|uoîque Chrétien, fl fut trèst:héri<br />

de JULIEN VApoflat.Qe Z E'N ON a kiffé plufîeurs Livres trèseftimés;<br />

entre autres, celui qui a pour titre Medidna Principes y<br />

qui eft un Chef-d'œuvre.<br />

HERMIAS SOZGME'NE, furnommé le Scholaftiqtiey natif de Hermias<br />

k Vflk de Salamine, a écrit très-fevamment VHiftoire Eccléfiatli-f^f'^Zu^<br />

me y en neuf Livres, depuis le troifième Confokt de CRISPUS ,'^«^'Hiftoirc<br />

Ecclc-.<br />

& du jeune CONSTANTIN, tous deux Ccfars, c'eft-à-dire, depuisCaiiique.<br />

fannée 324. jufques en 4,35^<br />

ONESIME-, fameux Sophifte «Sc'Orateur, qui vivoit du tems duoneCme.<br />

grand CoNSTANTïN,a auffi écrit plufîeurs beaux OwTages,qui ont^^^":^'^<br />

été «lâlheureufemênt perdus; Se dont on ne trouve le^déiiombre- O'»^"'»"ment,<br />

que dans SUIDAS. " -^f-<br />

II s'eft aùffi trouvé en CHYPRE une Famflle nommée Oviiio^Famiiie<br />

G E'N E s, qu'on ne doit pas oublier de mettre parmi les grands Per- gènes!*'^<br />

fonnages que cette Ile aproduits^ Ils avoient, dit on, k'propriété<br />

d'enchanter les SerpeiiS de toute forte d'efpèees, jusqtf à forcer ces<br />

Animaux venimeux de kscarefferj Se de les lécher, comme de petits<br />

Chiens, au lieu de leur faire du mal. Ceux*de cette Famflle gué-<br />

TÎffoient, par leur feul attoucliement, tous ceux.qui étoient piqués<br />

des Serpens, &qui avoknt recours àeux. EXAGON, Ambaffadeur<br />

de CHYPRE à Rome, qui écoit de cette Race-la, voulant<br />

prouver auxConfulà, qu'fl étoit vrai, que fà Familk avoit cette<br />

propriété, fe mit tout nud dans un tonneau rempli de Serpens:<br />

Ces Animaux, au grand étonnement des Romains, le câreffoient<br />

& le léchoknt, comme je viens de le dire. Soit qu'il refte enco».<br />

re des gens de la même Famflle, ou que quelque autre ait hérité<br />

de fa vertu, fl cft conftant, qu'fl s'en trouvoit encore un à<br />

Famagoufte,en fannée 1701 ; qui, par quelques paroles qu'fl prononçoit<br />

tout bas, guériffoit de la morfure des Afpics, Serpens<br />

très-venimeux, & très - dangereux en ce Pays-là. Ge qu'fl y<br />

a encore de plus furprenant, c'eft que le même homme guériffoit<br />

L 2 les<br />

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u H I S T O I R E G E' N E' R A LE<br />

les Malades, qui n'étoient. point en état, de l'aller trouver.^<br />

en faifant tenir debout celui qui y alloit de leur part, Se luî<br />

mettant un gobelet d'eau entre ks piés, dans lequel, après<br />

avoir proféré quelques paroles, il jettoit une petite pincée<br />

de la terre qu'fl avoit fous les piés , Se la lui fafloit<br />

er/nite avaler ; après quoi, le Malade, qui fè ti*ouvoit quelqiefois<br />

éloigné de quinze ou vingt lieues, étoit entièrement<br />

giéri..<br />

'Articleir- A.M'égard dès Armes, ks Chipriots naturels n'en ont prefque<br />

jamais aimé f exercice, qu'autant qu'fl a pu contribuer à leur plaide<br />

Sm^i fir. Il femble, que le Climat de leur lie leur ait toujours infpiré<br />

«aïmS^^s incUnations oppofées, à celles qui doivent former les Guerriers.<br />

Auffi ont-fls été obligés de tout tems, de fe fervir d'Etranr<br />

gers, pour les garder;. & ceux-ci s'a vfliffoient bientôt parmi eux.<br />

Ils étoient toujours la proie de toutes les Nations, qui entreprcrnoient<br />

de les piller, ou de les fubjuguer. Enfin, fi l'on en excepte<br />

EYAGORASyRoi de Salamine, Se quelques-uns des autres petits<br />

Souverains, qui en ont partagék Domination, lefquels confervoient<br />

encore un refte de l^ valeur des Princes Grecs, dont ils étoient<br />

iflus, & qui s'y établirent, après la deftrudion de Troie y on n'en<br />

trouvera aucun, qui fe foit fignalé à la Guerre, ni qui ait mérité, aucune<br />

place dans l'Hiftoire des tems reculés, dont je parle. Depuis<br />

même que le Pays fut abandonné, faute d'eau, «Se enfoite repeuplé,,<br />

pas les foins de Ste.HE'LENE, les Habitans n'en,furent pas plus<br />

guerriers. La feule adion courageufe qu'on trouve, a été celle de<br />

forcer les Templiers, à qui RICHARD, Roi dAngleterrey avoit<br />

vendu la Domination de leur Ile, à k remettre à ce Prince. Ces<br />

Chevaliers, tout Soldats qu'ils étoient, ne purent les réduire à<br />

l'obéïiïance.<br />

Il eft pourtant vrai, que Gui de LUZIGNAN, Roi de Jérufalem y<br />

en aïant enfuite poiiédé la Souveraineté, Se mené avec lui quantité.de<br />

Nobleffe Françoife y en fit, en quelque manière, changer la<br />

œn-<br />

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DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. II. CH.IIL 8^<br />

confteflation.' Depuis ce tems-là, plufieurs du Pays fe fîgnalèrent,<br />

cn diverfes occafions, dans les longues Guerres, que les Chrétiens<br />

eurent à foutenir contre les Infidèles, C'/mme on le verra dans k<br />

foite de cette Hiftoire. En Europe même, lorfque les Armes O/tomanes<br />

les obligèrent à abandonner leur Patrie,fl? donnèrent des<br />

marques éclatantes de leur valeur, & de kur courage;- Témoins Rares<br />

les Seigneurs de la Maifon d'AviLA, qui remplirent di2;nement les Henri "^ *<br />

Emplois Militaires qu'ils avoient obtenus en France, où fls s'é- Catarin<br />

toient réfugiés; & fur-tout HENRI CATARIN,. lequel après s'être<br />

diftingué dans les diferens Combats, où fl s'étoit trouvé, pendant<br />

les Guerres ciyiles de ce Roïaume, nous a kiffé un Monument<br />

de fon favoir, dans l'Hflloire des Evènemens qui font fî<br />

long-tems afligé.<br />

Gomme file de Chypre a auffi produit des Femmes, qui ont Fermes<br />

é^alé les plus grands Hommes en courage Se en ré:)liition, fl ne ^^^^^^u^'^j:^^,<br />

feroit pas jufte de leur ôter la gloire que méritent leurs adions hé- fait des<br />

roïques. AGIOTHE'E, Femme de Nicoa-ES, Roi de Paphos y doit héroïques..<br />

tenir le premier rang. Cette Héroïne, pour empêcher lès Gens<br />

de PTOLOME'E LAGUS, qui favoient affiégéé dans fon propre<br />

-Palais, d'abufer d'elle. Se de fes deux Fflles, les poignarda de fe Agiothée.<br />

propre main, & fe donna enfuite la mort à elle-même. Ce qui<br />

arriva dans un tems, où tout fe reffentoit encore du culte de VET-<br />

NUS.<br />

L'Adion éclatante de RENE'Ë de ROCHAS, jeune Demoifelfe Renée de<br />

d'uae des plus illuftres Maifons du-Roïaume,& plus digne de por- ^^'^^^^'<br />

ter une Couronne que des Chaînes, eft également di^ne d'admiration.<br />

Après la prife de Nicofie y en l'année 15:71. elle fe trouva<br />

embarquée, avec la fleur des Beautés de file, tant en jeunes garçons<br />

, qu'en jeunes fifles y Se les plus précieufes dipouflles de cette<br />

Capitale; comme elle vit,, que k gros Vaiffeau,. où elle étoit,,<br />

portoit les Vidimes deftinées, par MU:T\PHA Pacbay à l'ufage<br />

dû.Sultan fon Maître, enflamée d'un gé.xreux reffentiment de fe<br />

L'3J voir^"<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«« HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

voir condamnée, après la perte de fes Parens, & de fes Biens, à"<br />

'affouvir la paffion brutale d'un Infidèle, efle mit le feu aux poudres,<br />

& fit fauter le Vaiffeau en fair. Ainfî, ce Barbare ne put<br />

faire aucun ufage des Ridieffes de fon Pays, ni jouïr defle, & de<br />

fes Compatriotes, qui, outre la perte de kur honneur, auroient<br />

peut-être été contraintes de renier la Foi de J. C Se- de vivre<br />

dans k fauffe Créance de MAHOMET.<br />

Plufîeurs autres perfonnes de diftindion, qui, après la perte<br />

de ce Roïaume, eurent k bonheur de fe réfugier à Fenife y Se dans<br />

quelques autres Vifles d'Italie, quoiqu'elles n'aïent pas fait d'actions<br />

fî éclatantes que cefle de îa DemoifeUe de ROCHAS, n'ont<br />

pas kiffé de donner, dans kurs adverfité?, des marques d'une<br />

conftance, & d'une vertu, dignes de louange. Quelquesunes<br />

même fe font tellement diftinguées, dans les belles<br />

Lettres, qu'elles ont mérité de grands applaudiflemens, & d'être<br />

mifes au rang des Hommes Illuftres; Parmi ces derniers a<br />

fur tout 'brillé JASON DENORES, fun des principaux<br />

Seigneurs de CHYPRE, qui fc retirîp à Padoue y où il enfeigna<br />

long-tems, avec beaucoup de réputation , dans f Univerfîté de<br />

cette Vifle, & laiffa divers Ouvrages remplis délégance Se d'érudition.<br />

Il auroit été à fouhaiter, que k Père LUZIGNAN fe fut<br />

anffi bien aquité de l'Hfftoire de ce Roïaume t^tffl -a compoféc;<br />

mais fl faut avouer, que ce bon Religieux étoit beaucoup plus recommandabk<br />

par fe naiffance, & par fe piété, que par fon fevoir.<br />

Malgré toutes les diligences qu'il paroît avoir faites,<br />

il a rempfi fon Livre d'un fî grand nombre de Fables, Se d'imaginations,<br />

qifun Auteur moderne a dit, que c'étoit un affemblage<br />

de Blaphêmes hiftoriques. Il me paroit cependant, que, quelque<br />

fabuleufe que foit fon Hiftoire , en bien des endroits, par raport<br />

à la foibleffe qu'il a eue, de vouloir attribucîr à fon Pays natal<br />

quantité de Faits, qui n'en font point, & qu'il doit avoir puifés<br />

dans les Fidions des Auteurs Grecs qui lui étoient familiers-, on<br />

peut<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE L'ILE DE CHYPRE. LIV. n. CH.III. -I 8r<br />

peut encore y trouver de la fetisfadion, foît pour ce qu'fl y a de<br />

fondé fur des conjedures. Se des vraifèmWanees, foit pour ce<br />

qu'on y trouve de bien apuïé par d'autres Auteurs, qui ont mérité<br />

faprobation générak. Tout k monde feit, qu'fl y en a pluh^<br />

fleurs qui ont parlé - d'ADONIS , de VE'NUS, des Fêtes AdonienneSy<br />

Se des Loix flbertines & voluptueufes, que cette Reine impudique<br />

avoit établies, en faveur des Filles du Pays, qui alloient aux Rivages<br />

de la Mer fe proftituër aux Etranges, qui y abordoient,<br />

pour gagner leur Dot; Coutume, qui, comme nous l'avons déjà<br />

dit, dans le premier Livre de cette Hiftoire, facilita à DIDON ,<br />

felon JUSTIN, fenlèvement de plus de quatre-vingts de ces<br />

Nimphes, qu'elle maria enfuite avec les Hommes de fa Flotte, fur<br />

laquelle efle vint de Tyr à CartbagCy pour y fonder fon Etat.<br />

Les fréquens changemens, & les grandes révolutions qui font<br />

arrivées en CHYPRE , marquent f inftabflité des chofes humaines, Se<br />

prouvent qu'fl fe trouve des Régions, qui y font plus* fujettes les<br />

unes que les autres:. Ce Pays-là eft de ce nombre, Se fon ne<br />

fauroit difconvenir, qu'fl n'ait été auffi maflieureux, que fon féjour<br />

eft agréable; puifqpe fes Habitans n'ont jamais eu le bonheur<br />

de fe conferver long-teijjfr (fens un état de tranquiilité. Outre les<br />

diverfes fois qu'on les a dépouillés, dè^ toutes feurs Richeffes , &<br />

qu'fls ont été affligés par d'autres fléaux , comme de Sécheref^<br />

fe , d'Inondations, de Pefte, de Famine, & de Sauterelles y<br />

ils ont encore éprouvé la Servitude de la plupart des Peuples<br />

dOrient, Se d Occident, qui les ont attaqués tour à tour,<br />

comme je fai raporté dans mon premier Livre, & dins celui-ci.<br />

Mais, comme, dans la foite, cette Ile a été poffedèe d'une manière<br />

plus ftable, Se plus folide par les Princes Latins y qui devinrent<br />

auffi maîtres de Jérufalem ,-]e ne puis me difpenfer, après<br />

avoir parlé des Antiquités du Roïaume de CHYPRE , de fes qualités, de<br />

fa fertilité en général. Se de fes produdions en particufler, de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


?8 HIST. GEU DE L'ILE DE CHYP. LIV. IL CH. m.<br />

même que des Hommes Ifluftres qui l'ont habitée, ou qui y ont<br />

pris naiffance, de joindre ici un abrégé de celui de Jérufalem. J'y<br />

fois d'autant plus porté, que les Affaires de ces deux Etats ont<br />

eu une fî grande liaflbn, qu'on ne fauroit faire fHflloire de l'un,<br />

fens parler de l'autre; fur-tout, lorfqu'ils ont été gouvernés par un<br />

ôiême Souverain.<br />

^fe:-<br />

H I-<br />

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HISTOIRE GÉNiRALir<br />

R G ï A° U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE, JÉRUSALEM,<br />

D' É G^Y^P T E.<br />

L I V R E IIL<br />

CHAPITRE PREMIER.<br />

(^^t^ E'RUSAL£M, qui eft une des plus nobles. Se article h<br />

""des plus anciennes ViUes de VOrient, Métro-<br />

^^ pôle. Se Siège Roïal des Rois de j^dée, fut<br />

;'^'fondée par un Prince de Cananée y qui fe<br />

'-. nommoit k Roi JU&TE, à ce que dit FLAVIUS<br />

JOSEPH , au 7^ Livre de la Guerre Judaïque, Dîverfet<br />

Quelques-uns prétendent, que ce Fut par SEM, 2r&<br />

Fils de NoE;d'autrcs en attribuent la Fondation àMELCHiSEDEc- d'au- "^^^<br />

M ' Jéiufalem.<br />

très<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


çè n I SrT.-0 IRE €rE'M Ë' H A h Ê:.<br />

trèsvc^ttlent,que fon^Fondateur aitét^S^Lpi^ Fil^^'^RPfiAX^D;<br />

C SALEM a jamais été un homme. Il fe trpiive ime tr'oifièitieQpi-'<br />

nion, qui attribue fon-Origine aux Jékq/'éem y- Dèiç^fidms, de<br />

;CAM. - '• • • • ' • ' ' • • ^ ^ ^ ^ • • • ^ " - ' ' ' •••<br />

' ;• Les Hiftoriens ne s'accordent pas plus^ Jur le^rNf)?lS^9ue cette<br />

Vflle a portés^ que for fes Fondateurs. (Le même Jos^ç;.? H, Se_ .<br />

EGYRIPE , affurent, qu'efle fut d'abord ^ppeUe^Safij?ta ^.'à^qu'a-^<br />

près MELCHISEDEC, elle fiit nommée jérofoUm'a r d'autres veulak<br />

quantité d'Apandiers qui y croiffoienten ce tems-S^ Sgdifent, qu!ipn<br />

^ rappella enfuite Bétbely c'eft-à-dire. Mai/on, cîè^piètiv,Que^^<br />

.uns, affirment encore, qu'Elfe fut nommée^ T^'Jw^*,, àes^fmtiens y<br />

qui, félon cette opinion, la pollederent loiig-tems, après en avoir<br />

châffé ks Enfans de SALEM; .& que ces Peuples, aïknt joint<br />

k nom de Jébus à celui de Salem y h. nommèrent Jébufalemy<br />

Nom qu'elk a retèmi Jûfqu'aV ^^^^ du Roi I)^VID, qui s'en em-<br />

. para, & qui le changea en celui de Jh-ufalemy qu'elk a conferve<br />

^ jufqu'à préfent; fî ce n'eft durant !e tems de l'Empereur ELIUS<br />

ADRIÇN, quf, aprèsravoifrenterrée, & détruit fes JwfSy la<br />

fit rebâtir, & nommer, de ifon propre Nom , Etia.<br />

Cependant, quel qu'ait4té le Fondaçeur de cette célèbre Ville,<br />

& quelques noms qu'elle ait portés, efle augmenta long-téms. fa<br />

Domination; &.,.par mie fav^ divine, efle lut comblée de toute<br />

^w^âl^ forte de profpérités. ^Mais,.enfin,Dieu, irrité de fj^oktrîe du<br />

M(ies' Roi SALOMON, Se de llmpietè de fon Ffls ROROAM,'envoïa fur<br />

efle. Se for fon Peupk des Ûéau^, & des punitions terribles. 11<br />

permit, qu'efle devînt la prok de plufieurs Nations barbares &<br />

cruelles, qui la feecagèrent, k brûlèrent. Se la. détruifîrent preA<br />

que entièrement, pfllèrent,& prophanèrent fon Temple, enchai,<br />

nèrent, & maffacrèrent fes Rois; Se pafferent fes Habitans au fil<br />

de l'épée, ou ks menèrent en efckvage, fans diftindion d'âge, ni<br />

de fexe*<br />

Mais=<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LiV. HI. Cat pj<br />

Mais aucune de ces Défoktions, quoique terribks, n'égala Cd- Sadefill^.<br />

ie qu'efle fouffrit fous TITUS VESPASIEN, dont il y a appareiKîé, ^^'^<br />

que Dieu fe fervit pour châtier ce peuple ii^at & impie , <br />

- CAÏUS NE'RON , qm gouvernât alors f Em|âre, irrité de kur<br />

rébelflon, envo'ia d'abord VESPASIEN, avec ime puiflànte Armée<br />

en Palefline y pour les exterminer. Ce Général devenu lùmpe- sadémoureur,<br />

dès le commencement de fon Entreprflè, en kiffe k fom à x1?Jsf/L<br />

TITUS, fon Fils, & s'en retourna à ROME, pour s'oppol^ àrVefpaCen<br />

ViTELLius, fon Concurrent à l'Empire. Ce jeune Romain^ s'aquita<br />

très-fevèrement de k commiffion que fon Père lui avok laiffée. Il<br />

fe rendit m^tre de Jérufalem, après un long Se très-rude fîége :<br />

fl fit démoflr cet;te Vifle, jufqu'aux fondemens ; de forte qu'à peine<br />

en demeura-t-il quelque trace. Il y périt douze cent mifle<br />

Juifs; Se fl en reflâ quatre-vingts dix-fept mflle en efekvage.<br />

Voflà comment cette fuperbe Vflle fut détruite, après avoir été<br />

onze-cens ans k fiége de fe Rehgion Judaïque ; c'eft ainfî que<br />

îe Peuple Hébreu, fut privé de fe flberté, & entièrement dépouillé<br />

de toute fe grandeur, & de toute fon autorité. On peut<br />

dure, que jamais aucune Vflle du Monde n'a été plus féconde en<br />

Prophètes, Se qu'aucune n'en fiiC plus ennemie. Aucim Peuple<br />

ne s'accrut jamais par de phis faints Principes, Se aucun ne fut<br />

enfuite foufllé de tant de vices,& de tant de crimes,ni plus juftement<br />

puni de fes iniquités.<br />

Après cette terrible déftHidion, k Roïaume de Judée demeura jujfs, r/paffibk<br />

Se tranqufle, fous la Domination des Romains y jufqu'au JJ^^^» ^<br />

M 2 ' tems<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


jpa H I S T.O I R E ' G E^ N F KAL E<br />

tems d'Enus ADRIEN, fous k Règne auquel les Jûifs^firenf<br />

une nouvelk tentative, pour fecouër le joug. -Mais, leur en-^<br />

treprife, & leur témérité furent bientôt punies, par le nouveau-<br />

Jérufalem maffacrc d'une infinité dentre eux^ & la deftrudion prefqu'entière<br />

rebâtie, de kur Pays. Ge fut alors , que. cet Empereur fit/rebâtir la^<br />

Smnoni Vflle de Jérufalem y fur les ruïnes de la première. Afin qu'il<br />

ceiuf " ne reftàt aucune mémoire dès noms qu'elfe avoit portés auparad'Ehi,<br />

yant, fl la fit appefler Eliay felon EUSE^'BE. Gê Prince défendit<br />

expreffément aux Juifs y non feulement d'y entrer, mais'<br />

encore de k regarder de loin, tant fl. avoit''conçu de Imine con^<br />

tre ce Peuple rébelle.<br />

Comme, fur les remontrances dé QUADRÀT, Evêque d'Athée<br />

nes y Se du Philofophe ARISTIDE , ADRIEN avoit ceffé de perfé- -<br />

cuter les Chrétiens y & promis de ne les punir, que pour crimes<br />

, & non pour leur Religion , &> qu'il en- allok un grand*<br />

nombre en Pèlerinage à Jérufalem^ pourv vffiter les Lieux* où<br />

les Miftères de notre Rédemption s'étoient accomplis, fl leur<br />

^^^ £ K^' accorda cette ViHe, fan 138. afin qu'ils la repeuplaffent. Elle^<br />

îMf rfe jé-commença bientôt à refleurir, & eut alors MARC pour Evêrufaiem.<br />

^^ ;. &. ce fut k prcmfer. des Gentils Chrétiens y qui' gouverna'<br />

cette Eglffe.'<br />

^itl^ L'efprit de Haine , & d'Idolâtrie, dont ADRIEN ,& les,<br />

Lieux Empereurs Romains y qui favoient précédé, étoient poffédés*<br />

A^inT^ contre les Chrétiens, le porta, malgré k donation qu'il leur a-'<br />

voit faite peu auparavant, de k Vflle, de Jérufalem y à y fairetriompher<br />

f Impiété, dans les Lieux les plus Saints: ce que fEcriture<br />

appelle labominatlony ^J^ la défolàtion. Car fl'érigea<br />

un Tèini^le à JUPITER, fur le Calvaire y &..un autre à ADONIS<br />

en Bethléem y & des figures de Porcs, fur ks-portes de la ViUe<br />

de Jérufalem y en dépit des Juifs y qui ont cet Animal en horreur.<br />

Ces Monumens infâmes ont fobfifté jufqu'au tems de^:<br />

CONSTANTIN k Grand y qui les fit détruire, & .bâtît des Eglife*<br />

en kur pla$;e..<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


JE'RUSALEM'LIV. m. CH. r. 93<br />

•.'• La*même Idolâtrie pouffa lès Sueceffeurs' d'AoRii^N à inquiéter-,<br />

Se à perfécuter de nouveau les Chrétiens. Ils fouffrirent des<br />

perfécutions infinies, fous les Règnes d'ANTONiN, de COMMO­<br />

DE SEVE'RE, de MAXIMIN, de VALE'RIEN, D'AURE'LIEN, &de<br />

DIOCLE'TIEN; Leurs tourmens ne fe terminèrent que par la Con - Confianverfion<br />

de l'Empereur CONSTANTIN, qui donna enfin la paix Se ^cejirla<br />

k tranquilité aux Chrétiens; Se fls en jouirent jufqu'au tems de J^fchr^<br />

JULIEN VApoflat, Cet impie, au mépris du CbrifUarùfme, tiens.<br />

fit ouvrir par tout les Temples des Idoles; &,>non content de 3"«<br />

favorifer ouvertement le Pagaràjmey fl permit aux Juifs de re^<br />

tourner k Jérufalem y & même de rétablir le Temple de SALO- -<br />

MON, pour y facrifier felon leur-Loi, ce qu'fls ne purent pourtant Efforts"<br />

exécuter: car, pendant qu'fls travaflloient àr cet Edifice , fl forvînt ^^"*^f"<br />

un Tremblement de Terre, qui renverk, non feulement ce qu'ils poufreUtîr<br />

avoient fait de neuf, mais encore tout ce qui reftoit^ des fonde» saîamoi^*<br />

mens de ce célèbre Temple*> Divers autres Prodiges, qui arrivèrent<br />

dans le même tems, étonnèrent tellement les Juifs y qu'fls<br />

furent obligés d'abandonner entièrement le deffein de relever ce<br />

Sanduaire. Ils donnèrent auffi beaucoup de réputation, & de<br />

courage aux Chrétiens y qui, loùi d'en être furpris, les regardèrent<br />

comme des effets de l'Affiftance Divine, qui les délivra de la douleur,<br />

de voîr un Peupk réprouvé pofieffeur de ce Saint Lieu. Ils<br />

vécurent enfuite avec affez de repos. Se de tranquflité, fous les<br />

Empereurs Grecs y jufqu'au tems du cruel, & vîckux, PHOCAS.<br />

GosROEs, ,Roî de Petfcy irritéde la perfidie qu'avoit eue ce Tiran, cofroes,<br />

duforper l'Empire, Sede fairemourir l'Empereur MAURICE, Sefe& ^"^ i^«<br />

Enfixns, fe mit à la tête d'une puiffante Armée, avec laquelle, vlngeia<br />

après avoir fubjugué la Méfopothamie y fl entra Vidorkux ckns la ^^^J^^<br />

Syrie y qu'il mit entièrement à feu & à fàng. U traita de même là *«^ p^^<br />

Ville de Jérufalem, après favoir prifè par force. Il viola les cliofes<br />

facré2S Se profanes. 11 eut f inhumanitéde faire paffer trente-fix.<br />

mflle.Perfonnes, ou felon d'autres, quatre-vingts dix-mflle, au fil<br />

M 3 de<br />

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94 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

de^.c.^'^


DE JE'RUaALEM. Lit. ^m. G H. I. pj<br />

Eglifes, d'avoir un Evêque, ' & d^ejsercer kur Religion* Tous ces<br />

Privilèges n'empêchèrent pas f Egflfe de Jérufalem de fouffrir de<br />

grandes tribulations, fous k dure Domination de ces Infidèles.<br />

. ARON Rpi de Perfe, Se qui étoit leur Calife y laiffa enfin ref- chréJ^ns<br />

pirer les Chrétiens en paix, & leur donna le tems de fe réta- '^^ J^r^f^ibfir<br />

de kurj! calamités paffées. Il en ufa ainfî, par f eftime qu'il ^plhTcif<br />

avoît pour l'Empereur CHARLES-MAGNE , auquel même ce fu- -^^1}^^,^^,<br />

perbe Sarrafin avoît envoïé des Préfens confîdérables, malgré Dominai<br />

le mépris qu'il faifoit de tous ks autres Princes de la Terre. Les "'"^'<br />

conteftations qui s'élevèrent après la mort de ce Prince entre<br />

ks Sarrafins dEgyptty Se ceux de Perfe y pour la différence qui<br />

s'étoît gflffée parmi eux, au fujet de leur fauffe Croïance, allèrent<br />

fi loin, qu'fls en vinrent à une guerre ouverte entre eux.<br />

Gela replongea ks Chrétiens de Jérufalem dans de nouvefles défoktions<br />

, par raport aux fréquens changemens de Domination,<br />

qu'ils éprouvèrent alors , fe trouvant tantôt fujets aux Perfes y<br />

Se tantôt aux Egyptiens, felon que ks uns, ou les autres, demeuroknt<br />

vidorieux, ou vaincus.<br />

Après une longue & fanglante Guerre, ks Egyptiens eurent<br />

enfin le deffus , Se s'emparèrent de tout le Pays, jufqu'à Antioche.<br />

Ils kffsèrent pourtant encore goûter aux Chrétiens quelle<br />

tranquflité. Mais, foît que Dieu voulût fouvent les éprou- Perfécution<br />

-ver, ou que k Judée fût deftinée à des troubles, Se des rava- tiemfous'k<br />

ges continuels, -ils fouffrirent des perfécutions beaucoup plus ^^^^ ^'<br />

terribles, que toutes les précédentes, fous le Règne du Calife<br />

EQUEN. Ce fcélerac, qui étoît né d'une Mère Chrétienne^y apréhendant<br />

que fes Sujets ne fe cruffent pas véritable DAcipIe de '°'*'<br />

HALI leur grand Prophète, commença d'abord à les traiter avec<br />

beaucoupde févérité, & enfin à les perfécuter cruellement, dans<br />

fefpérance, que fe conduite rigoureufe, envers ks C&r^//mj, feroit<br />

perdre aux Sarrafins tous ks foupçons qu'ils pourroient avoir de<br />

lui. Cet Impk ne fe contenta pas des maux infinis qu'fl kur faifok<br />

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ç6 H I S T O I R E i G E' N E' R A JJ^<br />

foît fouffrir, il eut encore la fureur de faire .renverfer le Tèltt^<br />

pie du Saint Sépulcre y dont le vénérable ORESTE, Frère de k<br />

Mère de ce Califcy étoxt Evêque. Ge Sanduaire demeura 37. ans<br />

dans ce déplorable état ; malheur qui fut encore plus infuportable<br />

à ce pauvre Peupk, que la perte de fes biens, & de fa flberté.<br />

Malgré la doukur qu'fls reffentirent, delà deftrudion de ce<br />

facré Monument, ils njs purent le rétablir, que dans le tem-<br />

Ï044- que CONSTANTIN MONOMAQUE gouvernoit l'Empire de C(?«/?^«-<br />

Z.Î Calife ti^^P^^' Ils lui députèrent JEAN ÇARRIANITHE, Homme d'une<br />

àla prière feinte vîe, quî agît avcctaut d'ardeur, & d'efficace, auprès de<br />

ftlntiV ce Prince, qu'fl fe rendit enfin à fes inftantes prières. DABER,'<br />

fie"SJ- ^^^ ABOUMENTOR ELMORITENSAB, Calife d'jE^yp/^, cqnfentit à<br />

«t.' le faire rebâtir; & fl eut même k générofité, félon quelques<br />

Auteurs, de faire relever ce Tempk, à fes propres dépens. D'autres<br />

difent, qu'il ne fit qu'en accorder k permiffion aux Chrétiens',<br />

Se que ce furent eux-mêmes qui le rébâtirent, auffi bien<br />

que les autres Eglifes de Jérufalem y vers l'année 104.4,. GUIL­<br />

LAUME de Tyr affure pourtant, que ce Prince charitable, touch<br />

des mifères. Se des fouffrances des Chrétiens y qui habitoient<br />

dans cette ViUe, Sç qui étoient ailés fe jetter à fes piés,<br />

pour lui reprérenter l'impuiffance où ils étoient de fournir à la<br />

quatrième partie des Murailles, Se des Tours que les Sarrafins<br />

dEgypte ,les contraignoient de rebâtir, leur promit une groffe<br />

fomme d'argent, pour cet ouvrage, à condition qu'ils obtiendroient,<br />

du Souverain de cette Provinee , une permiffion au^<br />

thentique qu'fl ne pourroit habiter que des Chrétiens, dans le '<br />

Quartier dont ils feroient relever ks Tours , & les Muraflles,<br />

s»mme con- ^^ Privilège leur fut accordé par le Calife , avec un commanfidérabie,<br />

demQnt exprès, fcellé de fon Sceau ; de forte que f Empereur é- '<br />

{TGouv!r^, crivitdor^ au Gouverneur de CHYPRE, de leur fournir, de<br />

^^^^\'l' fon Domaine, l'argent qui leur feroît néceffaire pour cet ouvrage.<br />

pour le il. Les Chrétiens de la 5/^. Cité exécutèrent pondueflement ce qui<br />

Sépulcre. . i . .^ . - • y ^^<br />

kur<br />

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a DE JE'RfU.SALEM. Lïv.m. CH: L H 9?,<br />

•leur'avoit été ordonné par les•âSarr/z^«J,.& eurent le bopheur<br />

de fe féparer de ces Infidèles, avec lesquels fls avoient été obligés<br />

dhabiter jusqu'alors, avec de grandes incommodités, pour fe retirer<br />

du côté qui leur avoit été accordé; & où, en conféquence des<br />

ordres du Colley les Barbares les laifferent s'accommoder, fans<br />

aucun obftacle.<br />

Ge Quartier s'étendoit depuis la Porte.Occidentale , ou de<br />

DAVID, venant de l'angle de la Tour nommée deT A NCRE'DE,<br />

jusqu'à la Porte de St. ETIENNE, qui fe. trou voit au Nord dek<br />

Vifle : fl renfermoit dans fon enceinte le Temple du St. Sépulcre y<br />

la Maifon de l'Hôpital, Se les Gouvens d'Hommes,. & de Femmes,<br />

appelles communément la Maifon du.Patriarche y Sede<br />

Cloître des Chanoines du St. Sépulcre.<br />

Comme le Patriarche étoit la perfonne la plus éminente,qu'il ^^^^'iJrfO<br />

y eût parmi eux. Se que cliacun lui déferoit volontiers la dézgeenSou.<br />

cifion de fes démêlés, fl s'érigea lui-même en Juge fou-X'^^vS<br />

verain , tant pour le Spirituel, que pour le. Temporel, lori^^^'^^^"»'<br />

.qu'ils eurent leur Quartier féparé des Infidèle» ; •& c'eft<br />

de-là qu'eft venue la prétenfion de tous les autres Patriarches<br />

fes Sueceffeurs, d'être Seigneurs de la quatrième Partie de Jérufalem.<br />

Ils voulurent même, que les Princes Ztf^//2^ leur ac- '<br />

cordaffent cette Prérogative, après k 'prife de-la Sainte Cité y<br />

fur les Infidèles, l'année lopp.<br />

C H A P I T R E IL<br />

Ce fut à-pei|.près dans le tems de ce rétabflffement, que quel- jrtîcie L<br />

ques Gentilshommes ,• & Négocians dAmalfiy Vflle du<br />

Roïaïune de Naples , qui avoient coutume de trafiquer, avec<br />

kurs Vaiffeaux , dans les Lieux maritimes de Syfie, & dE-<br />

^ • N gypte y<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^ HISTOIRE G F N F R A L E<br />

gypte y où fls portoient des Marchandffes d'autant plus agréablei<br />

aux Sarrafins y qu'elles kur étaient inconnues, fe firent chérir<br />

non feukment des peupks, mais encore des Gouverneurs , &<br />

du Calife y qui leur procurèrent la liberté de parcourir k Pays,avec<br />

la permiffion de faire bâtir une Eglife, Se une Maffon, dans<br />

Jérufalem, où fls puffent fe loger, & célébrer f Office Divin<br />

fuivant f ufage de fEglffe Romaine , puffqu'on n'y officioit encore<br />

que felon le Rite Grec,<br />

Le Préft- Le PréfidcHt de cette Vifle , qui étoît bkn-aife de les favot^Jd^u^<br />

rffer, n'eut pas plutôt reçu f ordre du Calife y qu'il kur affigna^<br />

ne Place, uue gfandc, & fpatîeufe Placc, dansk Quartier où habitoient<br />

du Strié- ks Chrétiens y Se vis-à-vis de la Porte du St. Sépulcre. Ges pieux<br />

^uicre. î^égocians fe taxèrent entre eux, & fournirent généreufement<br />

de quoi fubvenir à la çonftrudion d'une Eglife, qu'ils dédièrent<br />

à là SAINTE VIERGE, d'un Hofpicey pour loger ks Reflgieux qui<br />

devoiêût k ^ffervir, Se. d'une Maifon capabfe de recevoir tous<br />

ceux de kur Nation, qui auroknt la dévotion d'alkr vifiter les<br />

Saints Liéuié. Ces Edifices furent conduits , en peu de tems, à.<br />

leur perfedion ; Se. l'on fit venir un Abbé,. & quelques<br />

Ttsfita- Moines du Couvent de Monteaffiny Ordre de St. BENOIT, pour<br />

îîEay^^r avoir foin de cette nouvelle Eglife ,^ qu'ils nommèrent Ste.. MA-<br />

^^'^^^ RIE, la Latine y afin de la difUnguer des autres Eglifes de Jér<br />

' rufalem, qui étoient toutes Grèques. Ils chargèrent enfuite<br />

ces Religieux de recevoir , &. de logpr indiféremment, tous les<br />

Pèlerins Latins,<br />

La nouvefle de cette pieufe Fondation attira bientôt à Jéru^<br />

falem un fî grand nombre de perfonnes, des deux fexes, que cetté<br />

Maifon n'étoit pas capable de ks loger. Les Fondateurs^<br />

jtoutours animés du même efprit de Charité, & de Zélé, firent"<br />

bâtir un autre Monaftère, pour ks Femmes , fous k. diredion:<br />

de quelques Dévotes, qui s'y trouvoient.<br />

Ils dédièrent ce nouvel Edifice à Sainte MARIE MADELAINE.<br />

Cette affiuence des ChrétienSy qui y afloieût de toute VEuropCy<br />

tenta;<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE^USALtM. Ltr: IIÏ. Cn. ÎL îp><br />

tenta l'avarice de Infidèles , & leur fit mettre un Impôt, d'un<br />

Xcu d'or, par tête, fur tous ceux qui voudroient entrer dans la<br />

Vflie; Tribut qu'on eft oUigé de payer encore aujourd'hui, mal*<br />

gré les grandes révolutions qui y font arrivées depuis ce tems*<br />

là. Enfin, la charité de ces Négocians devint fî grande , que<br />

non feulement fls maintinrent ces deux Maifons , jufques en<br />

Pannée io95>. qiie ks Chrétiens Croifés y fous GODEFROI de<br />

BOUILLON, prirent k Ste. Cité, mais encore fondèrent un célèbre<br />

Hôpital, dans l'enceinte de k Pkce qu'on leur avoit accordée.<br />

On y recevoit égakment ks Malades, Se ceux qui joutffoient<br />

d'une parfake fanté.<br />

Pour la commodité des Infirmes, îls firent une Chapeîk, qu'fls<br />

dédièrent à Saint JEAN BAPTISTE , parce qu'ils aprirent, que<br />

le Prophète ZACHARIE, Père de ce Saint Précurfeur de JE'SUS-<br />

CHRIST , avoit coutume d'alkr faire fe prière dan« cet efluinoît- Ongine de<br />

k. Pour diriger cet Hôpital, fls nommèrent un Gouverneur, st-jean^^<br />

«u Redeur, ce qui a donné lien , dans la fuite, à l'Etabhfïe- J^"'^*^^"^?<br />

ment de fOrdre de St. JEAN de Jérufalem, qui s'eft rendu fî<br />

célèbre , dans la Chrétienté. Quelques Hiftoriens lui donneot<br />

une origine beaucoup plus ancienne : les uns apparemUient,<br />

pour flétrir la gloire des Amalfitains y qui en ont été les véritables<br />

Fondateurs , prétendent, qae cet Hôpital Rvoit éfcé fondé<br />

du tems de Propliète SAMUEL , Se rétabli enitee, fous fe<br />

Règne de JULES GE'SAR, aux dépens da Tréfor, qu'un certain<br />

MELCHIOR avoit furtivement tiré du Sépulcre de DAVID , qu'ail<br />

avoit rompu. Se que k Propl^ète ZACHARIE en fut le premier<br />

Gouverneur. Les autres, auffi peu fondas, ve^^ent , que cet Fables, fsp<br />

Hôpital fût le même où JUDAS MACHABE'E fiiifoit retirer , & LT'&^*<br />

traiter les Soldats bleffés, pendant .les Guêtres qif fl eut contre<br />

les Gentils ; Se que ce fût-là, que çe Capitaine envoïa les douzemille<br />

dragmes d'argent, pour faire prier Dieo, pour les Ames de<br />

ceux qui étoient morts, dane les BataSes qifû kur avoit livrées.<br />

N 2 D'au-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


io6 HT S T 'Ô I R "E G E'^N E' R A L E<br />

' D'autres pr'tendent, que cet Hôpital fut fondé par JEAÎ?<br />

HiRCAN, Fils de SIMON MACHABE'E , & Père d'ARiSTOBULE,<br />

qui fut le premier Roi des Juifs y après la Captivité de Babik-^<br />

ne. Ils fe fondent fur ce que JOSEPH , dans fon premier Livre<br />

de la Guerre Judaïque , dit, que ce Prince aïànt été affiégé,<br />

' dTiUs Jérufalem y par ANTIOCHUS, furnommé le Pieux y tira du<br />

Sépulcre de DAVID troîs-mifle talens, dont il en donna troiscens<br />

à fes Ennemis, pour fe délivrer du fiége , & emploïa une<br />

partie du refte à faire bâtir un Hôpital, pour la commodité de<br />

ceux qui alloient des Pays éloignés , vifiter le Temple de SA­<br />

LOMON , ce qui arriva 135*. ans avant la venue de' J-E'SUS^<br />

CHRIST; \<br />

Pour détruire toutes ces Opinions, fl'fuffit dé dire, que ces<br />

Hôpitaux furent bâtis auprès du Temple de SALOMON , qui<br />

eft fort éloigné du Mont CALVAIRE, auprès- duquel les Amalfi^<br />

tains avoient bâti celui de St. JEAN BAPTISTE , qui a été k<br />

véritable origine de fOrdre Militaire des Chevaliers de Jérufalem<br />

y qui fleurit aujourd'hui à M?//Zr^. Ces Opinions ont été<br />

réfutées par les Hiftoriens les plus approuvés ; & entre autres<br />

par GTILLEAUDE de Tyr y dans le Livre XVIIL Chap. 4- & 5;. dé<br />

fon Hiftoire de la Guerre Sainte^<br />

Origine des A peine CCC Hôpital fût-fl étabU , que la Vflle de Jérufalem<br />

emparent* tomba au pouvoir des Turcs y Peuples Septentrionaux y à fégard<br />

ifcjérufa- de la Paleftine. C'étoient des Peuples cruels ,& vagabonds,<br />

originaires de la Scythie, & de la Province nommée Sarmatie<br />

Afiatique, que PTOLOME'E renferme entre les Fleuves TanaïSy<br />

Se IFoiga y Se les Monts liyperb&réens Se Càucafe, où ils avoient<br />

vécu long-tems errans, dans les Bois, fe nourriffa'ns de leur<br />

Chaffe, fans Religion, fans Chef, fans Loi, fans Habitations,<br />

& enfm fans Humanité ; mais fort foigneux de s'exercer à<br />

monter à cheval, & à tirer de l'arc.<br />

Ces Peuples fe multiplièrent à tel point, que ne pouvant ^iis<br />

fobfifter dans kurs Forêts, fls commencèrent, dès le tems dAu-<br />

GUSTE,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JÉRUSALEM LIV. HL CH.IL IOI<br />

GtJSTE, a en fortir par troupes, pour inquiéter leurs Voifins. Le<br />

Pape PIE IL dit, que „ ces Barbares aïant entendu par-<br />

„' 1er du Tribut que les Chrétiens payoient à ce Monarque,' lui<br />

„ en offrirent un volontairement ,'.s'imaginant que c'étoit un<br />

„ Dieu des Jours, & du Tems, nouvellement né.<br />

Ils s'accoutumèrent ïi fort aux rapines, Se a la bonne nourriture,<br />

qu'ils trouvoient dans leurs Brigandages, & fortirent en<br />

fî grand nombre de leurs tanières , que peu-à-peu ils s'emparèrent<br />

de tout le Pays d'alentour, jufqu'aux Palus Méothides , où<br />

ils s'arrêtèrent, & firent venir grand nombre de Famifles , qui<br />

étoient reftées dans les Bois de Scythie , afin de les faire jouïr<br />

des mêmes avantages qu'ils s'étoient procurés.<br />

Ce fut alors qu'ils commencèrent à éflre un Sujet d'entre eux,<br />

pour gouverner leur République naiffante. Ce Chef, voulant AN N E'E<br />

aguerrir fesConfi:ères,afm d'être en état de faire de plus grands ^^^J*^progrès,<br />

fe mit à la tête des plus braves , & alla prendre parti Twcsunn<br />

au fervice d'ARTAXERSES, Roi des Parthes , qui étoit en guer- fesT^S^<br />

re contre l'Empereur ALEXANDRE SE'VE'RE. Ils firent admirer fr ^'""'*kur<br />

valeur , fous le nom. de Scythes ; mais ce Prince aïant été Alexandre<br />

vaincu par les Romains y ils fe foumirent à leur Domination, Se ^"^'<br />

vécurent affcz tranquillement, jufqu'au tems de GORDIEN. Soit<br />

qu'fls vouluffent vanger k mort de ce bon Empereur, que PHI­<br />

LIPPE, Préfet du Prétoire, avoit Mt affaffmer en Perfe, pour ufurper<br />

f Empire, ou que f habitude de fArtMifltaire les eût rendus<br />

inquiets & entreprenans, ils- fe révoltèrent contre les Rqmains<br />

, Se commencèrent à ravager les Provinces de f Empire.<br />

Ils en furent chaffés par DE'CIUS , & contraints de fe retirer<br />

chez eux. Ge ne fut pourtant pas pour long-tems ; car ils reffortirent<br />

bientôt après, pour fe jetter une féconde fois fur les Provinces<br />

Romaines , qu'EMiLiEN leur fit encore abandonner. Il défk<br />

même , Se mit en déroute kurs meifleurs Soldats ; mais fls ne<br />

tardèrent pas à fe vanger. SAPOR, Roi de Perfe y les î^jpelk à<br />

fon fecours; & fls furent caufe de la défaite de fArmée Romai-<br />

N 1 ne y.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


103 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

ney auprès de Céfarée y Se de la prife de f Empereur VALE'RIEÎS<br />

que ce Prince Perfan traita d'une manière fort cruefle.<br />

•Llle de Cet Barbares ne fe croïoient point encore affez vangés des<br />

?^Sde Romains; Se fls obtinrent des Perfes une Armée Navale , -pour<br />

ravage, par aUçr ravager file deChypre y Sc


DE JE'RUSALEM LIV. m. CH. IL 103<br />

propofîtion ; mais, pour empêcher qu'ils ne fe révoltaffent, Se<br />

ne fiffent quelque entreprffe, dans f Endroit où fls s'étoient arrêtés<br />

, ils leur affignèrent d'autres Habitations, dans des Lieux<br />

plus écartés, & où îls avoîent moins à craindre leur rébeflion.<br />

Les Sarrafins s'aperçurent auffi-tôt, qu'fls n'avoient rien à<br />

apréhender de ces nouveaux hôtes ; Se fâchant, que ks Turcs Turcs di-.<br />

étoient fatîsfàîts des terres qu'fls leur avoîent accordées, bien S'^JJJ;^<br />

loin de fonger à les inquiéter, fls s'accoutumèrent à leurs Moeurs, avec les<br />

à leurs Manières y & à leur Religion; de forte que peu après ils dePerfe!<br />

devinrent comme une même Nation*. Les Sarrafins mêmes firent<br />

part à ces nouveaux Peupks des Charges , des Honneurs,<br />

Se des Dignités de kurs Etats. Ceux-ci devinrent infenfîbkment<br />

compagnons des ceux auxquels fls s'étoient foumis, & tellement<br />

confondus avec eux, que, dans k plupart des Hiftoires,<br />

fous le nom des Infidèles y on entend indifféremment les Sarra- Erreur des<br />

fins Se ks Turcs. Erreur digne d'attention. Se qui vient de ce qu'on f^^ant"^^<br />

n'a pas bien diftingué les Sarrafins dEgypte , Se ceux de Perfe. Sarraiins.<br />

Ceux qui habitoient les Palus Méothides, fatigués de fervir des<br />

Princes étrangers, & de vivre à leur folde, fe crurent affez forts, pour<br />

s'aqucrir eux-mêmes une Souver^neté, dans un meifleur Pays<br />

que celui qu'ils occupoient, où d'aflleurs îls s'étoient extrêmement<br />

multipflés : îls aUèrent attaquer les Alains, Se enfuite les<br />

Colchers ; mais k guerre s''ttant allumée, entre les Sarrafins d'Egypte<br />

y Se ceux de Perfe , GIAMBRAIL , qui regnoit en EgyptCy Mahomet<br />

entreprit d'envahir li Perfe Se k Médie y où regnoit MA-^ff^[f^<br />

HOMET. Ce dernier appefla ks Turcs à fon fecours. Ils y allé- Perfe à/o^r<br />

rent avec tant de promtitude , & en fî grand nombre y fous la'tnVst!^conduite<br />

de MUHALET , un de leurs Capitaines y qu'ils mirent gy^pj^f^'<br />

en déroute, Se chafferent f ennemi. Il eft vrai, que la vidoire,<br />

que MAHOMET remporta, ne kii fut pas d'une grande utilité. Se<br />

que k puiffant fecours, que les Twcs kii donnèrent, lui devint<br />

, dans k fuite , plus funefte, qji'il ne lui avoit été avan*.<br />

tigeux. •<br />

LesP<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


'lOf HISTOIRE GE'NE'RAiLE<br />

Les peupks, qui étoient du Parti de GIAMBRAIL, fe révoltèrent<br />

•contre lui, défirent fon Armée, Se ne fongèr^t plus qu'à fe rendre<br />

maîtres de la Perfe. Dans cette réfolution , fls attaquèrent<br />

les Sarrafins, que MAHOMET , informé de leur deffein , avoit<br />

poftés fur les bords del'^r^.r^. Fleuve delà grande Arménie,<br />

Mais., malgré kur courage, fls ne purent les forcer, qu'après<br />

plufîeurs Combats très-fanglans, Se dans lefquels ils furent tourà-toiu:<br />

vaincus, ou vainqueurs.<br />

Cependant, MUHALEI^, Chef des TurcSy aïant été tuédanSun de<br />

ces Combats, ceux-ci appellèrent promtement TANGROLIPIE,<br />

fon Frère, qui étoit refté aux Palus Méothides y pour les commander.<br />

Ce nouveau Général leur amena un renfort fi confidérable,<br />

tant de ceux qui y .habitoient avec lui, que de ceux qui étoient<br />

reftes en Scythie y qu'il défit les Sarrafins y qui gardoient les Fron^»<br />

tières de la Perfe y Se entra, avec tant d'jmpétuofité, dans ce<br />

Roïaume, qu'il demeura enfin maître de plufieurs Endroits.<br />

hes Sarrafins, pour ne pas perdre la Domination d'un Pays<br />

fi beau, & fi florifknt, firent de leur côté des efforts fî extraordinaires<br />

, pour s'y maintenir , que ce ne fut qu'après plufîeurs<br />

années de Guerre , Se des maffacres infinis, que les<br />

Turcs s'en rendirent entièrement ks maîtres, par faffiftance<br />

que leur donna LE'ON, Empereur de Conflantinople} en reconnoiffance<br />

de ce qu'fls l'avoient aidé à réduire ks Bulgares,<br />

qui s'étoient révoltés contre lui.<br />

L'Empire Mais, comme ce Peuple fier, & entrepuenant, afpiroit toujours<br />

%'uvenif à de nouvelles Conquêtes, & que, dans _ la fuite des tems,<br />

Trinceffes l'^^^P^^^- ^^ Grècc tomba entre les mains,de Princes lâches. Se<br />

' efféminés, Se peu après, fous le Gouvernement, de Zoë, dp<br />

THE'ODORE , Se d'EuDOXE, les Barbares furent fi bien profiter<br />

de,la foibleffe de ces Princeffes, qu'ils ravagèrent les Provinces de<br />

LycaoniCy de BythiniCy & de Galatic, &, fous la conduite deËEt-<br />

JE'TOC , BELFER , ou BELCHFOIS^D , fls entrèrent dans k Syrie,<br />

' . ... dont<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


x JE'RUSALEM. Lïv. HI. CH. IL loj<br />

î'dcnt ils s'emparèrent, anffi bien que de tous les Pays qui font<br />

•depuis Laodicée de Syrie y jufqu'à VHélefpont y malgré les efforts loCo;<br />

^ue fit f Empereur Romain, furnommé DIOGENE , pour arrêter<br />

leurs progrès. ^<br />

Les Turcs s'étant emparés de la Sainte Cité, vers fan 1060, Perfécutraitèrent<br />

fi crueflement les Chrétiens qui fhabitoiçnt, qu'fls chr


o5 HISTOI R E G E' N E' R A L E<br />

Pfr/^ , ils fe feroient maintenus dans leur ùfurpation : cenendant,'<br />

,. V Krmé.i Chrétienne y qui alloit en «Syr/>, pour la Conquête de k<br />

VArmée de Terre Sainte y z.b2Li(ffans qu'aucun d'eux prétendît au Commandement général<br />

de cette puiffante Armée. Après avoîr, comme je viens de<br />

le dire, pris Nicée, Antioche y avec près de cent autres Villes,.<br />

& défait, en plufieurs Combats, CORBAGA, ou CORBANA, Capitaine:<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM Lïv. III, CH. HI. Î07<br />

faine Général des Perfes, avec cent-mille Turcs de fon Armée,<br />

qui avoîent voiflu s'oppofer à kur marche , ils arrivèrent enfin à<br />

Jérufalem, dont fls formèrent k fiége. Ils la prirent aux EgyptienSy<br />

qui en avoient chaffe fes Turcs, trois mois auparavant.<br />

Le fîége de cette Vflle ne dura que trente-neuf jours, malgré Siège de<br />

la vigoureufe réfiftance des ifc/îd^/^i, & les grandes incommpdi- ^^^opl.'"*<br />

tés que fouffrirent les Croifesy faute d'eau, dans une faffon où fl<br />

faifoit auffi chaud, qu'fl .fait en ce Pays-là au mois de Juin ; fl ne<br />

fe trouvoit même aux ewviroKS aiKurîeRivière, RiiATeau, ni Fontaine<br />

, fî ee-n'eft k petite Siyhé y qui étôit alors prefque entièrement<br />

tarie.<br />

C H A P I T R E IIL^,,<br />

J<br />

érufalem eft fîtuée en Syrie , dans le Pays qu'on nommoit an- ^^^^^ j^<br />

ciennement k Cananée y Se dans la Partie de la Terre de Promiffion,<br />

qui tomba en partage à la Tribu de BENJAMIN. Cette<br />

Ville Se fes dépendances furent nommées Paleftine, mot corrompu<br />

de.P/b/7^/«^ , des Philiftins qui l'habitoient EUe aété aufïi<br />

nommée Judée des Juifs, qui la poffédèrent long-tems , &wétoit<br />

alors bâtie fur le penchant de deux hautes Montagnes, dont fune,<br />

qui eft vers VOrient y s'appefle Sion y fî renommée dans la<br />

Ste. Ecriture,«Se fautre vers VOccident fe nomme Moria; de forte<br />

qu'efle regardoit le Levant Se le MidL Elle n'avoit, fiir fes émînencesj<br />

que le Temple de SALOMON , Se le Fort appelle<br />

Antonia, ou Tour de DAVID. L'Empereur ADRIEN avoit<br />

aclievé de k détruire, pour punir les fréquentes rébelflons des<br />

Juifs y Se l'avoit fait enfoite rebâtir* Afin qfffl ne reftât aucune<br />

mémoire, ni de fe première forme, ni de fon ancien nom, il<br />

l'appefla Elia, de fon propre nom ; il la fit bâtir for Je fommet<br />

O Z de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


oS H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

de ces Montagnes,, «Se toute diférente de ce. qu'efle étoit aupara%<br />

vant.<br />

Au lieu qu'efle s'étendoit/environ une bonne flene du Midi ait<br />

Septentrion, flk fit beaucoup plus petite, & très-irrégufière, quoi^<br />

qu'elle fût encore de figure quarrée, mais toujours un peu plus<br />

longue, que large.. Le Temple dé la Réfurredion^ qui étoît hors<br />

de l'ancienne Ville, fe trouva dans f enceinte des muraflks de la<br />

nouvefle, qui, par fa fituation ékvée , 6c penchante , demeura<br />

environnée, de trois côtés , de grandes & profondes Vaflées»<br />

EUe avoit, à l'Orient,^celle de JOSAPHAT; au Midi, «Se au Cou-^<br />

chant, celle d'ENNON , qui fut la borne des Terres de JUDA , Se<br />

de BENJAMIN.. Gette Vallée s'étend, vers le Couchant, jufqu'à.<br />

k Pifcine nommée aujourd'hui le Lac du. Patriarche, L'Accès<br />

en eft cependant affez aifé, du côté, du Nord, & le chemin facile,<br />

&unL<br />

Ge fut de ce côté-là, que fe campa l'Armée Chrétienne. Elleétendit<br />

fes Quartiers vers l'Occident, c'eft-à-dire, depuis la Porte<br />

de St. ETIENNE , jufqu'à cefle qui étoit fous la Tour de DAVID.<br />

Des Rochers efcarpés Se les Précipices des Vallées l'empêchoient<br />

de renfermer la Ville- du côté du Levant. Ges Vaflées «Se.<br />

tous les Environs de h.'Sainte Cité y font fî pierreux & il arides,<br />

qu'ils font entièrement fans Bois, fans Jardinages, fanr<br />

Prairies; & l'on n'y trouve aucun des autres agrémens, dont,<br />

jouiffent les Pays, qui ont des Rivières ,> ou d'autres eaux;<br />

auffi, les Habitans n'ont que celle des pluies, qu'ils ramaffent, &:<br />

confervent avec foin, dans de grandes Citernes; Se ce fut cette,<br />

grande difette d'eau, qui fit tant fouffrir les Croifés y pendant ce<br />

mémorable f'ége.<br />

Enfin, après plufieurs rudes. Se fréquentes attaques, de la part<br />

des Chrétiens y Se une très-vigoureufe réfîftance, du côté-des affiégés,<br />

GODEFROI de BOUILLON, avec EUSTACHE, fon Frère, furent<br />

les premiers, qui, dans un affaut général, fautèrent, l'épée à<br />

k mafli, dans k Vflle, Se fuivis de leurs meflkurs Soldats, fe firent:<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. IIL CH IIL rop<br />

nent un paffage jufqu'à une des Portes, qui fut bientôt enfoncée, Tous les<br />

par d'autres Croifés y qui les fuivirent en grand nombre. Le gros ^|é?u£'<br />

de l'Armée y entra triomphante, fans trouver aucun obftacle,'^"J,^^^^^^<br />

un jour de Vendredi i J^ dé Juillet, & paffa au fil de Vépée Npée.<br />

tous les Egyptiens y qui s'y trouvèrent- Voik comment les Chrétiens<br />

y qui y habitoient, parmi les Infidèles, furent déflvrés dé<br />

la fervitude, dans laquelle fls vivoient depuis fi long-tems, & fe<br />

re.uirent en poffeffion des biens qui leur apartenoient. •<br />

On en trouva même plufîeurs chargés de fers,- dans' des Pri- Délivrance<br />

fons obfcures. Le bon GÉRARD, Redeur de f Hôpital, étoit deffen^'j^.<br />

ce nombre. Gc vieillard ne fut pas plutôt en flberté, qu'fl al-"^^*<br />

la, avec fôn zèle ordinaire, prendre les Soldats malades, ou<br />

bleffés. 11 les traita avec tant de foin, & d'affeétion, que Go-<br />

DEFROi de BOUILLON, poiu recompenfer fa charité, & affermir<br />

une Maifon, dont il reconnut futflité, lui fit à perpéturté<br />

Donation d'une Maifon fondée kMontboizcy dans la Monta^<br />

gne froide y avec toutes fes terres Se dépendances. Gette J)of-P''^^"<br />

nation eft.la première que l'on trouve avoir été faite à l'Hôpital/«jt? à<br />

de St. JEAN de Jérufalem. Ce généreux Prince lui donna en-^'/glfl-îm<br />

core des biens plus confîdérables; &, à fon imitation, les au-de jémiv<br />

tres Princes Chrétiens l'ont enrichie de tant de beaux Revenus, ^^'<br />

Se les Papes de tant de Privflçges, & d'Indulgences, que k<br />

première Nobleffe de VEurope a fait gloire d'entrer dans fOrdre<br />

Militaire, qui s'en eft'formé dans la fuite. Se qui fait aujourd'hui<br />

fa réfidence à Malthe.<br />

Les Seigneurs Croifés, après avoir rendu de très - humbles Godefroi<br />

grâces à Dieu,qui venoit de les faire triompher fi glorieufementi^jn^^^*^^!;des<br />

ennemis de fon faint Nom", Se après avoir fait purffier h^ejérdù-^<br />

Vflle des horreurs, & des maffacres, dont elk avoit été rempfle,<br />

s'affemblèrent, pour donner un Roi à Jérufalem. GODE­<br />

FROI de BOUILLON, qui avoit eu la meifleure part à fa Conquête,<br />

fut élu,d'un commun confentement,& élevé, à cette haute<br />

Dignité. Tous ies Hiftoriens CLnviennent,quejamais Elec-<br />

O 3. tion<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


IIP H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

tion ne fut plus univerfeflement applaudie ; jufqu'aux momdrei<br />

Soldats de fArmée donnèrent des marques de leur fatisfàdion.<br />

Ce vaillant. Se pieux Prhice fe défendit modeftement d'accepter<br />

cette Dignité, Se n'y confentit qu'aux inftantes prières de toute<br />

fArmée. Les principaux Seigneurs aïant enfin vaincu fa réfîf^<br />

tance, fl fut conduit dans le Temple du St. Sépulcre y qui, de-^<br />

puis que k Vifle avoit été rebâtie par l'Empereur ADRIEN, fe<br />

trouvoit, comme nous venons de le dire, dans f enceinte des<br />

Murailles. Ce fut dans ce Sanduaire refpedable, que GODE­<br />

FROI fut foleronellement proclamé Roi de Jérufalem y le 23. de<br />

Juillet, huit jours après la prife de cette Place.<br />

1100. Maisfl refufa abfolument de prendre la Couronne d'or, qu'on<br />

Samodejîie, luî prefeuta, proteftant qu'fl n'en porteroit jamais de ce métal,<br />

dans im lieu, où le SAUVEUR du Monde, Se le Roi des Rois<br />

n'en avoit porté qu'une d'épines. Bel exemple de Mod^ation-^<br />

ChiMemwy dans laquelle ce grand Prince perfévéra jufqu'à la<br />

Monde mtxrt, qui, au grand regret de toys les Chrétiens y l'enleva, un<br />

Go efroi. ^^ ^mÀns cîuq jours, après fon élévation fur le Trône.<br />

Ce ne fut pas fans raifon, que les Chrétiens reffentirent fî<br />

vivement la,perte de leur Souverain; les grandes adions de vertu<br />

, Se de valeur qu'fl avoit faites, pendant la courte durée dé<br />

fon Règne, étoient trop mémorables, pour qu'ils ne pleuraffent<br />

|)as am^èrement un Pripce fî digne d'être regretté. Les belles<br />

Loix, Se les fages Ordonnances qu'il avoît d'abord établies, qui<br />

-ont toujours été obfervées depuis, & ont fervi de règle à les<br />

Sueceffeurs, fous le nomdAjfifes-, le .courage héroïque, avee<br />

lequel fl afla à la rencontre de l'Armée Egyptienne, qui s'avançoit,<br />

•poux 2S^\.éger Jérufalem y «Se qu'fl défit près dAfcalonCy malgré<br />

l'inégaflté de fes forces ; enfin, cent autres faits de piété, «Se<br />

de prudence, caufoient les juftes regrets de les Peuples.<br />

Il avoit fondé deux Chapitres de Chanoines, fun dans l'Eglife<br />

du Temple, «Se fautre dans celle du St. Sépulcre. Ces denniers<br />

furent faits-, dans la fuite, ChevaUers de fOrdre Militaire du<br />

St,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LIV. m. CH. ÏÎL tft<br />

St. Sépulcre y par BAUDOIN I. GODEFROI avoit auffi fait bâtir<br />

un Monaftère, dans la Vallée de JOSAPKAT. 11 avoit nommé<br />

LLIBERT, Evêque de Pifé, Se Légat du St. Siège, au Patriar­<br />

chat de Jérufalem, «Se avoit ctabfl des Evêques dans les autres<br />

Villes, qu'il avoit conquifes. Il avoit fait fortifier le Port de ^" ^f^r-s<br />

Jaffa y comme le pRis voifîn de Jérufalem y afin d'affurer ^"*'^ ^'<br />

la Ville de ce côté-là. Enfin, on peut dire, que ce Prince,qui<br />

poffédoit toutes les Vertus Chrétiennes, Civiles, Se MiUtaires,<br />

n'oublia rien, pour affurer ce Roïaume aux Chrétiens , qui<br />

avoient eu favantage d'en chaffer les Infidèles. Sa mort fut une<br />

piTte irréparable, tant pour les Chrétiens d Orient, que d Occident.<br />

U fut inhumé dans une Chapelle de f Eglife du St. Sépulcre<br />

, où fl avoit choifî fa Sépulture, qu'on voit encore aujourd'hui,<br />

à côté du Tombeau de fon Frère BAUDOUIN, Comte<br />

dEdeffe, qui lui fuccéda, & qui, moins fcrupuleux que lui, fe<br />

fit couronner. Se facrer le jour de Noël y de l'année i loi. dans I^OÏ.<br />

fEglifè de Bethléem, par le Patriarche ELIBERT, qui avoit foc- Bau.io.iin,<br />

cédé à SIMEON, Patriarche Grec, mort en Chypre, pendant le^'**"-'-^<br />

Succeji ir<br />

fiége de Jeruiàlem. ARNOUL , qui avoit été élevé à cette Digni- de<br />

té, par des brigues, n'a point été mis dans ce Catalogue*<br />

BAUDOUIN, qui poffédoit auparavant le Comté dEdeffe y ^en<br />

démit d'abord, en faveur de BAUDOUIN du Bourg y fon Coufîn,<br />

& donna à HUGUES de St. Orner y Homme Ifluftre, & grand<br />

Capitaine, la ViUe de Tibériade y que TANCRÈDE venoit<br />

de lui réfigner. Ce dernier, par une générofité extraordinaire, re- x<br />

nonça volontairement au Comté de Caiffa, & à la Principauté de<br />

Galilée, que GODEFRCJ lui avoit données à perpétuité, tant<br />

pour lui, que pour fes Defcendans y pour recompenfer fon mérite<br />

, Se les grands fervices qu'fl lui avoit rendus, TAN-<br />

CREDE, Homme droit & généreux, préférant le point d'hon-^<br />

neur à l'intérêt ,& ne pouvant oublier une injure qu'fl avoit reçue<br />

de BAUDOUIN à TfjraceyVilledeCi/iciéy aima mi-ux abandonner<br />

ces Seigneuries, que de s'engager, par aucun Serment de fid^-<br />

'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


'II.2 H I s T o I R E G E' N E' RALE<br />

déUté, avec une perfoane qu'fl ne pouvoit aimer fiAcère^<br />

ment.<br />

Il prît le parti de fe retirer à Antioche y où les Habitans de<br />

cettefcVille favoient appelle, pour luî en donner le Gouvernement,<br />

auffi bien que de toute la Province, jufqu'au retour de<br />

BOÉMOND, leur Prince légitime, qui fe trouvoit captif chez les<br />

Infidèles. Cependant, le Roi BAUDOUIN,qui étoit très-vafllant.<br />

Se grand Homme de guerre, à l'imitation de GODEFROI fon<br />

Frère, s'apliqua d'abord à faire quelque Entreprife fur les Infidèles<br />

y pour tâcher d'étendre la Domination des Chrétiens. Il<br />

fut fi heureux dans fes premières Expéditions, qu'il prit fur les<br />

Prife de Barbares les Villes dAntipatride, Se de Céfarée. Il défit leur Armée<br />

Wi"s''par en bataille rangée, auprès dAfcalonCy où fls eurent 5'ooo.Homijandouin.<br />

mes de tués. Il étoit en état ^de pouffer fes Conquêtes, s'fl ne les<br />

avoit .pas pourfuivis, avec trop de chaleur, dansia Piaînede<br />

.M R,ama. Il y perdit fes meilleures Troupes, & â peine put-.il<br />

/ fe fauver lui .fixième dans la Ville de ce nom. Néanmoins,<br />

pour réparer cette faute, Se ne point donner aux Ennemis le '<br />

tems de profiter de fa difgrace, fl affembla fi promtement les<br />

Troupes, qui fe trouvoient en garnffon dans les Villes de fa dépendance<br />

, qu'il les furprit, Se les attaqua fi brufquement, au<br />

miUeu des réjouïffances qu'ils faifoient, pour leur Vidoire, qu'fl<br />

'les ^lit en déroute^ «Scies obligea d'abandonner tout leur Bagage-<br />

Ce Prince, affifté de la Flotte des Génois y prit enfiflte les<br />

YïVies de Ptolomaïde y de Sidon, de Baruth y Sefe rendit enfin<br />

maître de toute xette Côte jufqu'à Tripoli y à la réferve de la cé^<br />

lèbre Vflle de Tyr, -Il fit auffi bâtir la Fortereffe de Montréal y<br />

afin d'empêcher les courfes des Arabes, du côté du Défert ; &<br />

après avoir confidérablement augmenté la gloire, «Se la réputation<br />

des Armes Chrétiennes y en Orient y Se joint au Roïaume<br />

de Jérufalem pluVieurs grandes & befles Vifles, fl mourut de<br />

la diffentcric, après dix-huit ans de Règne, fans laiffer aucun<br />

En-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv.IIL CH. UL 113<br />

Eiifent de fes deux premières Femmes, non plus que d'ADE'LAïoE,<br />

Veuve de ROGER , Comte de 5/W/^, avec kquefle fl fit une troifième<br />

alliance, après avoir répudié la Fille de TAFROC, Prince<br />

d Arménie, Mais il ne fut pas plus religieux, à fégard d'AoE'-<br />

LAÏDE,qu'fl renvoïa aulfi en Sicile, zprès avoir jouï trois ans de fe<br />

compagnie. Il prit pour prétexte de ce divorce un remord de confcience,<br />

& le confefl de quelques Religieux, quoique ce ne<br />

fut en effet, que pour demeurer maître abfolu des grandes richeffes<br />

que cette Princeffe lui avoit aportées en Mariage, Se dont îl ne<br />

lui rendit aucun compte, en la renvQïant. C'étoient cependant<br />

ks groftes fommes qu'fl en avoit reçues, qui l'avoient mis en état<br />

de faire tous ces grands progrès fur les Infidèles; car, avant la<br />

venue de cette Dame, fl avoit bien de la peine à entretenir fes<br />

Troupes. "ii ;<br />

La tromperie, finjuftice, Se faffront qu'il fit à cette Princeffe<br />

furent généralement défaprouvées de tous ks gens de bien, ternirent<br />

beaucoup la gloire de fes belles adions, «Se portèrent un grand<br />

préjudice à la Terre Sainte. ROGER, Ffls d'AoE'LAïDE, & Roi<br />

de Sicile y avec tous fes Sujets, conçurent tant de dépit de l'injure<br />

qu'elle y avoit reçue, qu'ils ne voulurent plus affifter ce Pays-là,<br />

& furent toujours depuis infenfibles aux misères des Chrétiens y qui<br />

fhabîtoient.<br />

Le Corps de BAUDOUIN, comme nous l'avons dit, fut inhumé ^^SèpuitU'<br />

dans une Chapelle de l'Eglife du St. Sépulcre y à côté de celui de<br />

GODEFROI, fon Frère, l'an 1118. qui fut remarquable, par la ms.<br />

mort de plufîeurs grands Princes, entre autres du Pape PASCAL IL<br />

auquel fuccéda G E'L AS E IL Se d'A LEX i s Co M N E'N E. Empereur<br />

de Conflantinople y qui avoit fi fort traverfe les Chrétiens y Sf<br />

nui à leur Armée, qui avoit paffé fur fes terres, pour afler à la<br />

Conquête de Jérufalem. Cette Ville fut en même tems privée de<br />

GE'RARD, Redeur de f Hôpital, qui mourut après avoir édifié tout<br />

le peuple, par Ja grande charité qu'fl y avoit exercée, tant à leur<br />

égard, qu'envers tous les Etrangers, ,quî y abordoient. Les Frè-<br />

P res<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ÏI4 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

res de cette Maifon, dont k nombre s'étoît fort augmenté, élu-^<br />

rent en fa pkce RAYMOND de PODIO, OU du Pui, kquel a été le<br />

premier, qui ait porté le nom de Maître de l'Hôpital, & ceki<br />

qui en a étabU la Règle.<br />

Comme le Comte EUSI^ACHE, autre Frère du grand GoDEFROiy<br />

& du Roi BAUDOUIN, fe trouvoit en E«ro^^, «Si que le Roïaume<br />

avoît befoin d'un Souverain, pour le maintenir, par fa prefence,<br />

en fétat où fl étok, & pour le défendre de finvafîon des Infidèles<br />

toujours prêts à l'attaquer ; les Barons , Se les Seigneiors de cet<br />

Baudouin, Etat élevèrent d'abord fur le Trône BAUDOUIN du BofunG, Cojsh<br />

Se J1'^. ^^ dEdeffe y qui, à fon avènement, céda à fon tour cette Seigneu'^<br />

te fur le ric à JossELiN dé GouRTENAi, foH Parent."^<br />

^^^' En effet, les Sarrafins y &ksTMn;5, qui ne pouvoient, fens<br />

jaloufîe, voir [fleurir les Etats que poffédoient les Chrétiens y faifoient<br />

des courfes contùiuefles, pourles inquiéter, particulièrement<br />

dans la R'ovince d Antioche, Se dans la €^0mté dEdeffe^<br />

Ceft ce qui obflgea le nouveau Roi de fe mettre proiostem^at en<br />

Campagne, pour alkr fecourir cette prémi^e Place, qu'il eut te<br />

bonheur de délivrer, 11 remporta une Vidoire complette iSiir fes<br />

Ennemis,qui faffiégeoknt: mais il ne fut pas fi heureux,quand fl<br />

h eft f (lit voulut fecourir le Comte JOSSELIN, qui étoit aifleurs fort prelfe<br />

frifmuer. ^^^ j^^ Turcs, Il s'avança, pour le foutenir, & fut fàrpris<br />

par un des Chefs de cette Nat ion, nommé BALAC, qui le fit prifonnier,<br />

& le conduifît dans une Fortereffe, où il tenoit dé^a k<br />

Comte dEdeffe y avec un de fes Parens, qu'fl avoît pris peu auparavant.<br />

Quoique la captivité de ces deux Princes intérefïàt tous ks<br />

Chrétiens de h Palefline y Se qu'elk dura même près de quatre ans,<br />

efle n'aporta aucune altération aux affaires du Roïaume de Jérufalem<br />

y par ks bons ordres, & la vigilance des Seigneurs de Sidon,<br />

Se de Céfarée. Le premier repouffa les Infidèles y qui, pour profiter<br />

de la prifon du Roi, avoient affiégé la Vifle dé Jaffa; Se le<br />

Comte de Céfizrée fe fervit fî utilement de k Flotte Fénitienne y qui<br />

avoit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liy. ÏIL CH IIL ny<br />

avoît déjà batu cdk des Sarrafins y qu'îl fe rendit maître de k<br />

Vflle de Tyr, fî fameufe, & fî renommée dans f Hiftoire.<br />

Ces avantages, joints au bonheur qu'eurent enfoite ks Chré-Son éiartiensy<br />

de défaire l'Armée des Turcs y qui avoient affiégé Anti(h^^"^'<br />

i-ib^, procurèrent enfin la liberté du Roi, en fannée 1124.. Ce 1124.<br />

Prince fe vangea bkntôt après, de ce qu'il avoît foufert pendant /<br />

Êi captivité. Il attaqua les Infidèles de tous côtés, & remporta<br />

des Vidoires confîdérables fur les Sarrafins dEgypte, fur les<br />

Afealùnites, fur ks Perfansy Se fur ceux de Damas y qu'il aflia<br />

même attaquer jufque dans le fein de leurs Etats. Enfin, après<br />

avoit donné des marques extraordinaires de valeur, de probité..<br />

Se de conftance, pendant trois ans «^e dura fon Règne, fl mourut<br />

à Jérufalem y au mois d'Août, l'an 113L II kiik de fon Ma- nji.<br />

riage avec MORPHIE, Filk de GABRIEL, Prince de Mélétine en<br />

Arménie y quatre Filles, dbntPaînée, nommée M E'L i s E'N a,<br />

fut mariée à FOULQUES, Comte d Anjou y qm lui fuccéda. à k<br />

Couronne; ALIX, qu'fl maria à BOÉMOND, Prince dAntkfcbe;<br />

HoDiERNE, qu'fl donna à RAYMOND , Comte de Tripoli; Se hm%-<br />

SE, ou JUVRE'E, qui fe fit Religieufe. Ge Prince fut inhumé<br />

auprès des Rois fes nédéceffeurs. Se fut autant regretté de fe Famifle,<br />

que de tous fes Sujets.<br />

Ce fut fous le Régne de ce Prince, que fOrdre des TefnpHets Origine de<br />

prît naiffance. Comme je ferai obligé d'en parler fouvent, dans Tem-'<br />

îa foite de cette Hiftoire, il eft à propos de raporter ce qui donna P^^^"*<br />

lieu à leur Etabliffement à Jérufalem, comme je l'ai déjà fait de<br />

celui de VHôpital Les Chevaliers de ce dernier, dont k nombte<br />

s'étoit fort accru, avoient pris les Armes quelque tems auparavant,<br />

tant pour efcorter les Pèlerins, qui y venoient, pour vi^i.<br />

ter les Saints Lieux y que pour affifter les Rois, dans les guerres<br />

continuefles, qu'ils avoîent à foutenk contre les Infidèles. La profpérité<br />

des Hofpitaliers fit naître à quelques Gentflshommes jPnmsya/j,qnîy<br />

étoient venus en Pékrinage,k deffein de fe dévouer au<br />

même exercice. Les principaux fbrent HuouES de f AGAN, &<br />

P 2 GEO-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ii6 H I S T O I R E ^ G E' N E' RAL E<br />

GEOFRoide ST.ADMAR, OU ST. OMER, avec fept autres, dont<br />

on ne trouve pas les noms. Ces pieux Chevaliers, autorifés par le<br />

Patriarche,, auquel fls avoient communiqué leur deffein, ne s'attachèrent<br />

d'abord qu'à affurer k chemin aux Pèlerins, depuis k<br />

Port de Jaffa jufqu'à Jérufalem y ,où ils étoient fouvenc dévalifés,<br />

Se même quelquefois affaffinés', par les Arabes. Le Roi BAU­<br />

DOUIN , admirant leur zèle,.leur permit,quelque tems après, d'ha-<br />

,biter dans le Palais qu'fl avoit auprès du Temple, d'où leur vint<br />

le nom de Templiers. Ils furent neuf ans, fans que le nombre en<br />

augmentât>ni qu'fls portaffent,fur leurs habits,aucune marque de<br />

la profeffion. qu'ils avoient embraffée. Diverfes, perfonnes s'é tant<br />

jointes à eux formèrent enfin une Communauté, que le Pape Ho»<br />

NORius IL Se le Concile de Troie approuvèrent. Gefut alors,<br />

-qu'on, leur ordonna de porter le Manteau blanc, Sede vivre félon<br />

la Règle que ST.: BERNAI^D leur dreffa, par ordre du même Concile.<br />

• . •''/.-''.':.''•'.• :. ^ ' • '<br />

Huit ans après leur Etabliffement, k Pape EUGE'NE ajouta la<br />

Croix rouge, fur leur Manteau blanc. La vertu. Se la piété de<br />

de ces premiers Templiers fit,que tous les Princes Chrétiens s'empreffèrent<br />

aies enrichir, comme ils l'avoient fait, en faveur des<br />

Hofpitaliers. Plufîeurs perfonnes de diftindion. entrèrent, dans<br />

leur Ordre/ de forte que l'Archevêque de Tyr y qui eft un^^des<br />

principaux Auteurs que j'ai fuivis,pour tout ce qui regarde les affaires<br />

du Roïaume de Jérufalem y dit que, defon tems,,fls étoient<br />

déjà 3CO. Chevalins, fans compter un grand nombie de Frères-<br />

Sèrvans: Comme kur Religion s'augmentoit tous les jours, en<br />

biens & en hommes, à l'imitation des Hofpitaliers y,ils s'armèren.t<br />

pour fecourir les Rois de Jérufalem,lefquels. dès fan 11.20..avoient<br />

divifé leur Communauté en trois Ordres. Les .premiers étoient<br />

Chevaliers,, ôc deftinés pour la guerre;, les autres Frères. Ser vans.,<br />

emploies à recevoir les Pèlerins, ks foigner j (Se les traiter, auffi<br />

bien queles Malades; & les autres Eccléfiaftiques, pour deffervù:<br />

kur Eglffe,. 6e.adminiftrer ks Sâcremens,. : <<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM Liv. HL Cn. IIL ii^<br />

Cet Ordre Militaire, qui avoit été approuvé par P afe al II: Se<br />

par les autres Pontifes, fes Sueceffeurs, portoit une Croix d Argent<br />

y au Champ de Gueules. Ceux du Temple, qui portoient un<br />

Manteau blanc, avec une Croix rouge, pour fe diftinguer dans<br />

les Guerres contre les Infidèles, prirent ime Enfeigne noire «Se<br />

blanclie, &pour Devife le mot Vaucenty voulant faire entendre,<br />

qu'un d'eux en valoit cent. Ces deux Religions ont rendu de trèsgrands<br />

fervices, non feulement aux Rois de Jérufalem y m^is encore<br />

à. tous les Princes Chrétiens de VOrient.<br />

Cependant, FOULQUES , Comte d Anjou y qui, en vertu des Foulques,<br />

Comte<br />

droits de la Princeffe ME'LISE'N.E,. fa Femme, fuccéda au Roi ^Xn lOU,<br />

BAUDOUIN ,, fori Beau-Père, fut couronné Roi de Jérufalem, Ce fi ^^ ^^-<br />

Prince, qui n'avoit pas moins de valeur. Se de générofité que fes<br />

Prédéceffeurs,^ commença par défendre la Principauté d Antioche<br />

de l'invafion des Turcs, qui faifoient des efforts continuels pour<br />

s'en emparer. Afm de la conferver a CONSTANCE , Fifle de BOÉ­<br />

MOND, qui en étoit la légitime héritière, Se renverfer les projets<br />

de fa propre Mère, qui vouloit l'en exdurre, fl maria-cette jeune<br />

Princeffe à RAYMOND, Ffls du Comte de Poitiers. Comme ce<br />

jeune Seigneur fe trouvoit à la Cour du Roî d Angleterre, FOUL­<br />

QUES lui envoïa GÉRARD GE'BERT,, Chevalier de V Hôpital y pour'<br />

'traiter cette Alliance.-<br />

Dans le même tems, ne pouvant foufrir que lès Chrétiens y qui'<br />

poffédoient plufîeurs Villes, Se Fortereffes plus éloignées c^xAfcalone,<br />

fuffent tous les jours inquiétés, par les courfes de la Garnifon<br />

que \& Calife dEgypte tenoit dans cette Pkce, fl fit rétablir Se fortifier<br />

fancienne Ville de Berfabée, que lès' Infidèles nommoient<br />

Beith Gébrily ou Maifon de GABRIEL, «Se que les Chrétiens ^ppe}loient<br />

Gcbelliny fituée à l'oppofite dAfcalûne. Il en confia la gds^<br />

de ^ux Hofpitaliei'S, afin que, parleur vigilance,& leur valeur,,<br />

fls réprimaffent finfolence des Barbares y qui s'avançoient qiieiq^iefois<br />

jufqu'aux portes de y^r^f/^/m.<br />

Berfabée étoit autrefois fur les Frontières de la Terre de Pro- situation-<br />

F 3: nrtf'^^ ^''^-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ii8 H I S T O I R E- G E' N Ë' R A L E<br />

bée, rka- mifflon, du côté du Septentrion, comme tiamy Panée y Se Céfa-<br />

Fouiqu'es. ^^ de\Philipe la bornoient du côté du Midi; ainfi que le marqut<br />

f Ancien Teftament, en parlant de cette Terre, qui s'étendoit<br />

depuis Dam jufqu'à Berfabée.<br />

Le Roïaume n'étoit pas moins inquiété de fautre côté, par les<br />

ravages qu'y faifoient un grand nombre de Brigands des Pays dé<br />

Moaby dAmony Se deGalaad, Us s'étoient fortifiés, dans une<br />

Grotte au-de-là du Jourdain y qui n'avoit d'autre^ accès qu'un petit<br />

fentier, coupé dans le roc à force de cifèaust; ce qui k rèndbit<br />

^^'& prefque impraticable, &înacceffibk. LeRoi, affifté des âbj^i/^lietSy<br />

Se foutenu par THÊ'ODORIC, Comte de Flandres y ibt<br />

Gendre, qui venoit d'arriver en Palefline, avec une groffe fuite<br />

dé braves Soldats, le mit en campagne, pour en chaffer ces Valeurs<br />

; mais il les trouva fi bien retranchés, Se munis, que, pour venk<br />

à bout de fon entreprife, il fut obligé d'appeflef les Garnifons des<br />

Pkces voifines; ce qui penfa lui être bien funefte.<br />

' Les l)iréSy informés de fon Expédition, Se du dègamîffemeiït<br />

de fes Fortereffes, s'affemblèrent en diligente, & pafsèrent h<br />

SiTétiet? yo^f'àainy pour s'aller jetter fur k Paya des C&;V/^/z^, vuide de<br />

ravagées ' geHs dé Guerre. Ils commencèrent leurs ravages par Teccûay ^^x-<br />

^}^^fs.^^''tremeni'^ppûlée la Fille des Prophètes y qu'ils trouvèrent déferté,<br />

parce que les Habitans découragés, en fe voïant privés de ceux qui<br />

étoient capables défaire tête aux Êarbaf-es, favoient abandonnée,<br />

au bruit de leur approché. Ils brûlèrent, ôe faccagèrent, avec<br />

la même facilité, tous lès autres Bourgs, Se Viflages cïè k Montagne,<br />

ou Province, qui étôit autrefois le partage de la Tribu de<br />

JÛDA.<br />

Les Barbares y animés par ces avantages, auroient fait dt plus<br />

grands maux, & ruiné plufieurs autres Lieux, fî R06ÊRI' BoûU-<br />

GUIGNON, alors Maître des .Templiers y qui étoît rèfté à Jérufalem<br />

y oùfl aprît la défoktion de ce Pays, rie fè fût promtement<br />

mis en campagne, avec fes Ciievaliers, Se k pliiS dé moft^e<br />

qu'il put ramaffer, pour arrêter leur fureur. Ceûx-cî, dans k<br />

craui*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JF:'R U S A L E M. LIV. HL CH. IIL iip<br />

crainte de perdre kur biJtin, n'osèrent l'attendre, & prkent k Barbares<br />

fuite, vers Hébron y Sépiflture des Patrkrehes, dans le deffein de JJ"^>'gagner<br />

k Plaine dAfeaîom. Leur lâclieté anima les Chrétiens à<br />

ks pourfoivre, avec pks d'ardeur que de précaution; car, fe<br />

Croiant déjà affurés de k Vidoire, par la peur qu'As avoient infpirée<br />

à kurs Ennemis, Hs marchèrent avec tant de défbrdre, Se<br />

decoafufîon, qu'fls leur donnèrent fieu, non feiflement de fè garantk<br />

de leurs coups, mais encore de profiter de leur préfcwiptiiOn,<br />

& de kur'mauvaife conduite.<br />

Enefïbt,ksT«r£'i,qtti s'en étoientapperçus5 bien loin de con- Articieiu.<br />

tinuer à fuir, firent vcdte 6ce,& trouvèrent ks Chrétiens teflement<br />

écartés ks uns des autres, qu'il leur fut auffi facfle de ks mettre<br />

en déroute, qu'il fut impQJffibk au Makre des Templiers de ks rai- Mo^te<br />

fier, & même d'empêcher que la plupart de fès gens ne périffent ^piiers.<br />

Qn chercliant à fe feuver vers Teçcuayoù ils forent vivement poiirfoivîs<br />

par ks ftfidàks^<br />

La nouvefle de cette défait-e, qui coûta la vie à plufîeurs Chevaliers<br />

du Te^mpley entre autres à OTHON de MONTFAUCON, qui<br />

jmgEOHt à fe haule naiffance une vertu, & un courage, qui k<br />

feûfoiesit eftimer'dç tout le monde. Se k perte de ce vaiflant homme<br />

^ Êirént également fenfîbks au Roi, Se à toute l'Armée Obr^if»a/i^,quiétci!ittoujours<br />

campée au-de-là du Jourdain. Cependant, rtaoire de<br />

le plaifir qu'eut ce Prince, de s'emparer de vive force, quelques^^'J^Jg^^^<br />

joons après, du Pofte avantageux qu'occupoient les Brigands, qui ^arçs,<br />

dfifckbientfon Roïaume, & la joie qu'fl eut de ks avoir défaits<br />

entièrement, firent qu'fl s'en retourna k. Jéruiakmy corifolé de<br />

fe douleur.<br />

A peine eut-fl pofé les armes, qu'fl fut folieîté, par les Infidéks<br />

mêmes, à ks reprendre. Dans le même tems, fl reçut une célèsbre<br />

AnÂaflkde d'AMARD, Gouverneur de Damas y Se Prince de k<br />

MiUce. Ce Gouverneur ne fe trouvant point affez fort, pour t£fifkr<br />

à SANGUIN, Soudan dAlep y Se de Muffuly déjà enflé dc<br />

quelques fiijccès dé guerre,. & qui, non contint d'inquiéter ks<br />

Chré-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i^o H I S T O I R E G'^E' N E' R A L E<br />

Chrétiensys'étoit propofe d'envahir les Etats des Héritiers de BOL-<br />

DEQuiN, Roi de Damas, & Gendre dAMARD , s'avançoit à grandes<br />

journées, pour mettre ce projet en exécution. AMARD, pour<br />

être en état de repouffer cet Ennemi commun, fit offrir au Roi<br />

FOULQUES vingt-mifle écus dargent comptant, pour les fraix de<br />

l'Armement qffil feroit pour le fecourir, & outre cela, d'aller luimême,<br />

avec toutes fes forces, reprendre la Ville de Panée y ou<br />

Céfarée de Philipe, que BOLDEQUIN, fon Gendre, avoît enlevée<br />

aux Chrétiens quelques années auparavant, & dont le Gouverneur<br />

qu*fl y avoit mis, apuïé de la protedion des Sarrafins y s'étoit<br />

approprié la Souveraineté, dans la penfée de pouvoir s'y maintenir.<br />

AMARD envoïoit en même tems des otages, pour k fureté<br />

de fà parole, à ce Prince ; Se fes MîAiftres vouloient les lui configner.<br />

Le Roi FOULQUES, à qui ces propofitions ne déplaifoient pas,<br />

& qui connoiffoit d'aflleurs le danger qu'fl y avoit, pour fes propres<br />

Etats, d'en laiffer aprocher un Ennemi auffi puiffant? & auffi<br />

/ entreprenant, que fétoit SANGUIN , de favis de fon Confefl, & des<br />

Maîtres des Ordres Mflitaires, accepta les offres, & les otages<br />

d'AMARD , Se affembla en même tems le plus grand nombre de<br />

Troupes qu'fl lui fut poffible, avec lefquelles fl alla le joindre,<br />

dans la Vilk de J/^2


DE JE'RUSALEM. Lïv. HI. CH. m. ïïf<br />

Il la lui remit entre ks mains, après l'avoir prffe. Le Gouverneur<br />

de cette Place perfîfta néanmoins long-tems dans fa rébellion, malgré<br />

féloignement de fonProtedeur, Se le peu de fuceès de fon<br />

Expédition.<br />

Ge Rebelle foutint même, avec beaucoup de fermeté, les premiers<br />

affauts, «Sefe défendit, pendant quelques jours, avec la<br />

même vigueur; mais, aïant perdu fefpérance d'être fecouru, &<br />

voïant, qu'il nepouvoit éviter de fuccomber fous tant de forces, il<br />

rendit enfin la Ville , à condition d'en pouvoir fortir librement,<br />

avec les Siens, leurs Effets, Se toutes leurs Familles, pour fe retirer<br />

où bon leur fembkroit. AMARD , charmé de trouver l'occa-<br />

^ fion de fatisfaire par-là à fa parole. Se le Roi de Jérufalem y content<br />

de recouvrer une Place fî importante, acceptèrent, fens<br />

balancer,ces conditions ; de forte que ce Prince en prit poffeffion.<br />

Se la remit en même tems à RAYMOND BRAS , qui en étoit le légitime<br />

Seigneur, Se auquel elle avoit été enlevée, quelques années<br />

auparavant, par les Troupes du Roi de Damas. Après cet heureux<br />

foccès. FOULQUES, accompagné du Prince d Antioche, du<br />

Comte de Tripoli, qui s'étoient rendus à fArmée, avec leurs<br />

Troupes; des Barons du Roïaume, «Se des Ordres MiUtaires,s'en<br />

retourna à Jérufalem, rendre grâces à Dieu de s'être délivré, fans ^ retwm<br />

tirer l'épée, d'un Ennemi, dont fl craignoit fî fort le voifînage, lem."**'<br />

& d'avoir recouvré une Vilk auffi confîdérable, que l'étoit Béline,<br />

ou Céfarée de Philippe. Cette Ville reçut ce nom de PHILIP­<br />

PE Tétrarque. Fils du premier H E'R ODE, qui l'avoit agrandie<br />

Se embellie de plufîeurs beaux Edifices,& de TIBE'RE, alors CE'-<br />

SAR. Elle mettoit fon Roïaume à couvert de' l'infulte des Barbares<br />

y de ce côté-là.<br />

AulTi, ce Prince ne penfe plus qu'à le bien affurer du côté<br />

dAfcalonCy dont la Garnifon Egyptienne incommodoit toujours<br />

extrêmement fes Sujets, de même que le Fort de Berfabée y ou<br />

Gibelin y qu'fl avoit fait bâtir, quelque tems auparavant, dans<br />

le voifinage de cette Place. Cependant, commç la Fortereffe J<br />

Q, n'étok<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


lar-is HÎS T O I R E G ^'î^ m AL E<br />

n'étoit pas capable d'arrêter les courfes 'des Infidèles, fl fit faîref,<br />

^n diUgence, deux-autres Châteaux, fun fur une éminence,<br />

où fe trouvoit anciennement la Vflle des PhiliftmSy nommée<br />

Getb, affez près de la Mer. 11 fut bâti, avee d'autant plus de<br />

faciUté, qu'on y trouva beaucoup d'eau, 6e quantité de matériaux<br />

des ruïnes de cette ancienne Ville. Comme cet endroit<br />

fe nommoit déjà Jbelin, le Roi FOULQUES lui laiffa k même nom.<br />

Se en donna le Gouvernement à un brave Seigneur, nommé<br />

BALIAN, que le Père LUZIGNAN fait Fils de HUGUES de RAMA.<br />

Il prit alors le furnom d'iBELiN, «Se a été le Chef de cette ifluftre<br />

Famifle, qui s'eft diftinguée en Orient, par un grand nombre<br />

d'Adions de valeur Se de générofîté , pendant plufkurs<br />

cles.fiè­<br />

Le Roi fit faire la féconde Forterefie vers la féparation d'un<br />

Détroit., pdir oii:hs dk^idJles entroient dans k Roïaume, ΫSC fur<br />

une ColUne éloignée de huit miles dAfcabney que ks Arabes<br />

-nommoient Jeléfc^ y c^i fignifie Montagne noire. Ce ^Prince<br />

(hii donna le nom de Blanche^garée. Il s'en réferva k propriété^<br />

«Se y mit une partie de fes meiUeurs ScMats; de manière<br />

tjue les Garnifons de ces trois Places s'uniffant, dans les occafions,<br />

pour s'oppofer au ravage des Sarrafins y les réduifirent<br />

bientôt à s'enfermer eux-mémas dans leurs propres Murailles y<br />

làns ofer davantage efitreprendre de pifler les paffans, '&e ra-<br />

-içager ks campagnes, comme ils faifoient aupa'Kivaflt; Se<br />

:par ce moien, le Roïaume jouît enfin d'une entière tranquilité..<br />

- Cette ;paix donna lieu au Roi d^aûfer paffer P Automne kPUàmatdej,<br />

.pour y procurer quelques Divertiffemens à la Reine<br />

M E'L ISA NT E. Les Spedacks, & les Feftins, qui foccupè-<br />

;^f6at fiendtanrt toute cette Saifon., furenl: TOaHieureufement fuivis<br />

d'un accident Êrès-iunefte à ce Prince. * Un jour qu'il fe prome-<br />

«loit à cheval, avec toute fe- Goiu, dansia Plaine de cette Vflfe,<br />

fes Î3«teaeft*gues firent par hafard lever un Lièvre,^que chaîna<br />

s'fiampceflà^ çourfiMvre,^ & que k Prince, lui-mçme chaffer<br />

•J'I ^-' avec<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LIB. IH. Ca HL 121<br />

avec tant de précipitation, que fon cheval s'abattit tout à coup Mmiu ;<br />

fous lui. Le pomeau de la Sefle lui fracaffa la tête, «Se fl en ^^^p'<br />

mourut au bout de quatre jours. Cefâclieux accident arriva le 13. acad^m^ '<br />

de Novembre de fan 114.2. Se le onwème de fon Règne. Son L<br />

corps fut tranfporté à Jérufalem, Se inhumé dans f Eglifo du<br />

St. Sépulcre y auprès de fes Prédéceffeurs.<br />

FOULQUES laiffa deux Ffls encore fort jeunes. L'aîné, nom^<br />

mé BAUDOUIN , lui fuccéda : fautre, appeflé A L M E'R i c, demnir<br />

ra, auifi bien que fon Frère, fous la tutèk de k Reine kur<br />

Mère, qui fit d'abord couronner l'aîné, fous le nom de BAU»<br />

DOuiN UL La Cour de Jérufalem éCoit occupée aux Funerail^<br />

les du Père, Se au Couronnement du Fils ; & la divifon regnoit<br />

entre RAYMOND, Prince d Antioche y Se le jeune JOSSEUN,<br />

Comte d'Edeffe. Celui-ci, bien loin d'imiter k vertu de foa<br />

Père, avoit entièrement négligé k Gouvernement de fes Etats, '<br />

Se la confervation de fe Ville principale, que ce généreux i$e<br />

refpedable Vîeflkrd avoit fortifiée avec de grands foins, & '<br />

beaucoup de dépenfe. Il s'étoit retiré à Turbefel, lieu délicieux,<br />

fitué fur les bords de VEufratCy où fl ne fongeoit qu'à<br />

fatisfaire fes piaifirs, qu'il pouffoit même jufqu'à k débauche.<br />

SANGUIN, vouknt profiter de'cés favorables conjondures,fe mit<br />

à la tête d'une puiffante Armée, furprit Edeffe, qu'fl emporta<br />

de vive force, après quelques jours de fiége ; & exerça toute<br />

forte de cruautés fur les Chrétiens y qui l'habitoient. On n'attribua<br />

pas moins la perte de cette ViUe à f avarice de HUGUES , qui<br />

en étoit Archevêque, qu'à la moUeffe de JOSSELIN. Ce Prélat,<br />

qui poffédoit de grandes richeffes, auroit pu, fens * beaucoup<br />

s'incommoder, réparer la négligence du Comte, en muniffai^<br />

la Place de Soldats, Se de tout ce qui étoit néceffaire pour ré*<br />

fifter aux cfibi-ts des Infidèles y ou du moins, pour la foutenir," ;<br />

jtifqu'à ce que ks fecours des autres Princes de k Pakfiine y<br />

puffent arriver. Cette fordide avarice fot bientôt punie ; car Punition<br />

tous fes tréfors ne fempêclièrent pas d'être étouffé dans k ibii-rt,^j«fX*;


124 • H L S T D- î R E X E' N E' R A-L E<br />

Pife d'E- le du peuple, qui cherchoit à fe fauver, lors que f Ennemi y<br />

entra.<br />

Diferens Cette VÎUe eft la même que la Sainte Ecriture nomme Réges,<br />

^ed'E-^ STRABON Bambicay Se quelques autres Arachy ou Rafe y Se que<br />

defle. nous connoiffons préfentement fous le nom^dOrphay Métropole<br />

très-puiffante, dans la Méfopothamie y fituée au-de-là de VEufratCy<br />

& la même où regnoit ABAGAR, qui, felonEusEBE,<br />

écrivît une Lettre à J E'S u s-C H R i s T , «Se en reçut une réponfe.<br />

Qiielques Auteurs prétendent, que ce fut ALEPH , Prince Turc,<br />

^^^é^R qui prit alors cette Ville fur les Chrétiens; mais f Archevêque<br />

fes Etats de Tyr affure, que ce fut SANGUIN, «Se que ce Soudan y étant<br />

frtagés. ^jj^ enfuite affiéger Cologomhat, autre forte Place fur VEufratCy<br />

fes Valets de Chambre, gagnés par les Habitans de cette<br />

ViUe, f égorgèrent une niiit dans fon Ut ; ce qui fut caufe qu'on levât<br />

le fîége. Les Etats de SANGUIN furent, après fa mort, partagés<br />

entre fes deux Enfans, dont faîne, nommé SANGUIN COTHE-<br />

BEDiN,eut la Souvraineté de Mufful: Se NORADIN,qui fut dans<br />

k fuite auffi vaillant qu'heureux, eut cefle dAlep.<br />

Article IF. La perte d''Edeffe ne fut pas la feule difgrace, qui arriva alors<br />

^^43. aux Chrétiens Orientaux: les Turcs s'emparèrent, peu de tems<br />

après J d'un Château , fîtué dans la Syrie Sobal, dans la Vallée<br />

de MOÏSE , au-de-là du Jourdain. Ce fut dans cet endroit,<br />

que ce fage Légiflateur du Peuple de Dieu fit fortir, dit-on,<br />

feau d'un Rocher, pour étancher la foif des IfraëUtes qu'il conduifoit.<br />

Les Chrétiens, qui gardoient ce Fort, furent affez lâches<br />

pour fe laiffer féduire, «Se pour le livrer aux Infidèles y qui<br />

n'eurent pas k plaifir d'en jouïr long-tems. La trahifon, ^ la<br />

perfidie de ces mauvais Sujets piqua fî fort le Roi BAUDOUIN ,<br />

" que fa générofîté natureUe, & fon ardeur pour la gloire f élevant<br />

au-deffus de fa jêuneffe, ff affembla promtement ies forces<br />

du Roïaume, «Se accompagné des Ordres MiUtaires, il alla hardiment<br />

attaquer cette Place, qu'fl eut le bonheur d'arracher, en<br />

; peu de tçms, des mains des Barbares. II. la munit abondam­<br />

ment,.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE J E R u s A L E M. Liv. îïl. CH. Ilf. r 2 f<br />

ment. Se avec tant de foin,de tout ce qui étoit néceffaire pour<br />

fe confervation, qu'il n'eut plus lieu de craindre un accident femblable<br />

à celui qui lui étoit arrivé, Se s'en retourna enfuite à Jérufalem<br />

, auffi glorieux, que fatisfàit, d'avoir fî bien réùlfi, dans<br />

fa première Entreprife.<br />

Il n'eut pas k même bonheur dans la féconde. La fortune fe<br />

kffa bientôt de lui être favorable. L'année fuivante, de favis<br />

de fon Confefl, fl accepta les offres d'un Seigneur Turc y nommé<br />

STANTAI, auquel le Roi de Damas avoit ôté le Gouvernement<br />

de Boftray Vifle principak de V Arabie pétrée. Ce Turc y<br />

outré de cet afront, s'engagea de rendre BAUDOUIN IV. maître<br />

de cette Place, moïennant une fomme d'argents BAUDOUIN fe<br />

mît en campagne, avec les Ordres Militaires, pour aller la furprendre.<br />

Mais, foit que f intrigue fût mal concertée, ou qu'elk<br />

eût été découverte par les Infidèles y après avoir fouffert,<br />

pendant ce Voïage, k foif, la faim, les chakurs exce^wesy imprudence<br />

Se toutes les incommodités d'une route fî longue, & fî pénible, do^iii"iv.<br />

il ne put rien entreprendre, par raport à la multitude d Infidèles<br />

que la propre Femme de STANTAI y avoit introdmts, en vue de<br />

ruiner les projets de fon Epoux. Bien plus, pour fortir de<br />

ce mauvais pas, BAUDOUIN fut obligé de s'ouvrir un paffage les<br />

armôs à la main,parce que NORADIN, Fils de SANGUIN,«Se Gen- Noradin<br />

dre du Roi de Damas s'étoit mis en campagne, avec une puif-campl/nl<br />

faute Armée, pour s'oppofer à fa retraite ; de forte que ce ne "^^^^ '"**<br />

fut qu'après bien des dangers. Se des peines, que ce jeune Prince<br />

regagna fes Etats. Son arrivée fit ceffer les allarmes, & ,ks<br />

inquiétudes, que k foccès de fon Entreprife donnoit à la Reine<br />

fe Mère, Se à tous fes Sujets.<br />

Le jeune Prince NORADIN, dont l'inclination étoit auffi beUîqueufe,<br />

qu'inquiette, n'étant pas plus fatisfàit, que fon Frère,<br />

du partage des Etats de SANGUIN fon Père,n'eut pas plutôt terminé<br />

f affaire de Boftray qu'il alla à Muffuly pour lui di^uter<br />

k Succeffion paternefle; ce qui donnarlieu aux Habitans dEdeffe y<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ti6 HIST. GETNfER. DE JEHUS. LIV. ffl. CH. IH.<br />


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R G ï A" U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE, JÉRUSALEM,<br />

D' É G Y P T K<br />

L I V R E IV.<br />

C H A p I T R E P R i M I E R.<br />

An»<br />

ePape EUGÈNE<br />

;^îcsaç^^ cius îî. ri^prit pas<br />

XIL<br />

plutôt<br />

qui avoit<br />

la<br />

fuccédé<br />

trifte nouvelle<br />

à Lu-<br />

^ _ >:^ de k prife dEdefièy Se le cruel maffacre des<br />

C%^ L ^ ^^y Habitans de cette Vifle, qu'fl envo'ia des Pré-<br />

Ç^^iC:ic3Î^> dicateurs dans toutes les Provinces d Europe y<br />

^^|%^â^i^ pour exRorter ks Princes, «Se les Peuples à<br />

afler fecourir les Chrétiens dOrient. Le cé--<br />

Mire ST. BERNARD, Abbé de ClervauXy emploïa ïi efiîcacement<br />

fon»<br />

Il Creifa^<br />

de. -^<br />

Eugène<br />

III.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


128 H I s T o I R E G E' N E' R A L E<br />

fon éloquence, dans cette preffante conjondure, qu'il engagea<br />

divers Princes Se grands Seigneurs à prendre la Croix. L'Empereur<br />

CONRAD III. fut fi touché de fes remontrances ,& du récit<br />

déplorable qu'fl lui fit des fouffrances des Chrétiens de la Palefline,<br />

que ce Monarque s'unit avec Louis VIL dit le jeune. Roi<br />

de France y ^qui s'étoit déjà croiféy pour cette fainte Entreprife.<br />

Ces deux grands Princes firent d'abord publier la Croifade<br />

dans leurs Etats, «Se travafller en diligence aux préparatifs néceffaires,<br />

pour cette importante Expédition. Les peuples "^foivirent<br />

leur exemple, avec tant d'empreffement, que leurs Armées<br />

en devinrent très - nombreufes, puifqu'outre flnfanterie, il<br />

s'y trouvoit la fleur de k Nobleffe de leurs Etats, avec près de<br />

14.0. mifleClievaux. Les munitions, 6e les apparefls, qu'fl falut faire,<br />

pour la commodité de ces deux puiffans Corps, pendant une fî<br />

longe route, en retardèrent affez long-tems le départ.<br />

CONRAD, qui fe trouva le premier en état de partir, fe mit en<br />

marche, avec la plus belle, 6c k plus fuperbe Armée qu'aucun<br />

Empereur eût jamais eue. Après avoir traverfe divers Pays, fans<br />

aucun accident, fi non celui d'un gros orage qu'fl effuïa, dans les<br />

Campagnes de Thrace, où fl s'étoit arrêté, pour faire repofer fon<br />

Arrivée de _Armée, fl arriva hemeufement à Conflantinople, où k Roî de France<br />

f Empereur , • . , ^—i*^ n<br />

Conrad à dcvoit k joindre, avec fes Troupes, pour faire enfemble le refte<br />

Bopie.^"^^


JTE JEUtJSALEM. Liv. IV. CH. L 129<br />

Il eft furprenant, que CONRAD, après avoir été fi mal reçu lîefttraK<br />

d'EMANUëL, Se avoir reconnu fa jaloufie, auffi bien que la malignité ^l„r^'<br />

de fes intentions, eut la foibleffe de fe livrer, comme fl fit, aux ^'^^•<br />

Guides que ce cruel Ennemi lui avoit donnés, pour le conduire.<br />

Le plaifir qu'fl eut de fe voir à la tête d'une Armée, qu'fl croïoit<br />

invincible , ' f aveugla dans cette occafion, Se lui fit négliger les<br />

précautions ks plus nécef&ires, dans des Pays auffi dangereux.<br />

Cet Empereur, d'aflleurs fi expérimenté, fe vit conduit, com- '<br />

me une Vidime, où k fer f attendoit. Ce ne fut pas, fans avoir<br />

reçu de fages avis des Seigneurs, qm f accompagnoient, Se qui,<br />

tous de concert, le prioient de prendre la route la plus voifine de<br />

k Mer, fans fe fier à la parole fospede des Grecs,<br />

Ces perfides le conduifirent dans la Lycaonie, où, loin de<br />

trouver les rafraichiffemens, 6c l'abondance, dont le traître EMA­<br />

NUEL favoit affuré , il ne rencontra qu'un Capitaine Turc ,<br />

nommé PARA MON, OU P A RAME', OU felon d^autres, MAHA-<br />

MOUT, Soudan de la Ville de Cogni ou /«row/li/», quife jetta brusquement<br />

fur fArmée de C o N R A D.<br />

Il y avoit long-tems qu'EMANuëL avoit foflicité ce Barbare<br />

à unir les forces de fa Nation, pour s'opofer au paffage des Croifés.<br />

Il fut donc impoffible à ceux - ci de réfifter à k multitude<br />

d'Ennemis, dont ils furent tout-à-coup envelopés , Se pourfuivis<br />

dans les défilés, où ces Infidèles les avoient engagés. De<br />

foixante-mille Chevaux, Se un nombre prodigieux d'Infanterie,<br />

dont PArmeé de CONRAD étoit compoféê, à peine s'en fauva-t-fl dixmifle.<br />

Ce Prince reconnoiffant, mais trop tard , le malheur où<br />

fa préfomption l'avoit plongé, fot contraint de rebrouffer chemin<br />

5 Se de s'en retourner ,-avec ces triftes débris y k Conflantinople j<br />

fans penfer , qu'fl avoit tout à crahidre auprès d'un Empereiar<br />

Grec y qui venoit de le trahir, 6c de lui caufer une perte fi cruelle,<br />

6c fi préjudickble à fa gloire, 6c à fes mtérêts.<br />

CONRAD , dans f accablement de fes réflexions, fe rctka presque<br />

fans fuite, & fan? tagagej 6c, dans cet équipage afi:eux,ii<br />

R arriva<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


130 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

arriva au Camp des François y prèsde Nicée, où fls étoient parvenus<br />

, après avoir effuïé, de leur côté, de terribles contretems<br />

Se beaucoup d'outrages, de la part du même Empereur EMANUCL.<br />

Quelque penchant qu'eût l'Empereur CONRAD à accomplir<br />

fon Vœu, la honte de fe voir fi mal accompagné, 6c la crainte de<br />

bleffer la Majefté Impériale, s'fl avoit continué fon Vbmgc, avee<br />

le Roi de France, qui n'avoit rien perdu de fon Armée, l'engagea<br />

à prendre congé de ce Prince, Se d'aller hiverner à Conftantinople.<br />

Pour le Roi de France y après avoir paffé une partie de l'Hiver<br />

dans ks Campagnes d JK^^ , fl traverfe le Méandre y Se<br />

continua fa route vers hi Paleftine, EMANUEL s'entendoit<br />

toujours avec les Infidèles ;Se ces JB^rr^r^^, attirés par l'espérance<br />

d'un grand butin, attendirent au paffage de cette Rivière fArmée<br />

Françoife, qu'^fls haitelèrent continuellement, par kurs efearmouches,<br />

fans ppuvoir cependant remporter aucun avalitage confidérable.<br />

Il n'en fut pas de même, au paffage dune haute<br />

Montagne, que ks François dévoient néceffairement traverfer^<br />

Ce fut-là, que ks deux Corps de Bataille, dont leur Armée étoit<br />

compofee, commencèrent k s'écarter, imprudemment, fun de<br />

fautre. Lcs Barbares profitèrent decette faute, Se fe feifîrént du<br />

fommet de la Montagne, qui reftoit entre deux : ils attaquèrent<br />

Vifaite de vigoureufemcnt f Arrière-Garde , liors d'état d'être fecourue-<br />

VArmée^^ Cctte adiOU fut fî avantagcufe aux Infidéks, qu'fls y défirent<br />

/IfETn^'^ presque entièrement fArmée des Français y Se que k Roi, qui s'y<br />

lidèies. trouvoit CD peribnne, ne dut fon falut qu'à k Proteétion Divine,<br />

qui foutint fon courage- En e^ty fl foporta ee revers de<br />

fortune, avec'autant de prudence, que de fëftneté. Il ralUa les<br />

reftes de fon Armée, Se marcha, aVec plus de circonfpedion,<br />

;u%u'à Atalk, ou Satalie, VîBe Maritime de k PampUlh, 'dont<br />

k Gouverneur lui accorda, pour un prix cxeeffif, Se avec beaiK<br />

coup de peine,fes Vaiflèaux nécdfeïres,pour paffèr à Antioéfe.<br />


DE JE'RUSALEM. Lm IV. CH. L 151<br />

embarquer toutes fes Troupes, une partie fut obligéed'aflerpar<br />

terre jufqu'à Antioche y où efles ne purent arriver, qu'après a- Françoi.%<br />

voir encore fouffert beaucoup de k maUce, 6c de la perfidie,des ci^""®'<br />

Grecs y auffi, bien que de k fureur des Infidèles y qui agiffoient<br />

toujours de concert avec eux. Ce fut-fe, que l'Armée frmtçdfe<br />

eut k tems de fe rafraîchir un peu, pas les bons traitemens de<br />

RAYMOND, Prince de cette Vflk. Mais le Roi, qui, malgré<br />

tous ces bons accuefls, rfétoit pas fort fetisfait de ce Prince,<br />

dont il craignoit même l'e^^rit violent Se emporté, parce qu'fl<br />

luî avoît refufé d'emploîer fes Troupes à f agrandi ffement de fes<br />

Etats, fortit fécrettement de la Vflle, avec k Reine ELE'ONOR , fon<br />

Epoufe, quoique cette Prmceffe, pour laquelle , felon quelques<br />

Hiftoriens, RAYMOND avoit conçu de l'inclination, eût fouhaitè<br />

dy dQineurer pkis long-tems. Louïs marcha toujours, à k<br />

tête de fes Troupfiis, vers Tripoli. -<br />

L'£m|iereiœ.ÔdNRAJ^, dont la difgsaee avoit ^paifé k viov<br />

lente jaloufîe, que fe grande Se belle Armée,- avec tout fon pom*<br />

peux attirail, avoit donné à l'Empe^èuip^rfC, en avoit plus fe»<br />

cikment obtjenu des Vâiifleaux, 6i s'éttait déjà »endu en Palefti^<br />

ne, où il attendoit, avec : impatience, le Roi- de France, pour faire<br />

enfemble quelque Entreprife importante for les In^èks. Comme<br />

f Empereur, 6c le Roi de Jérufalem y n^ïgoQroient pas les ef* ':<br />

forts qu'avoit faits le Prince d Antioche, pour engager Louis à<br />

faire k guerte dans le voifinage dé fes Etats, 6c qu'fls ^élien?*<br />

doient, quô le Comte de Triplly qui n'étoit pas moins avide de<br />

s'agrandir, n'en fit autant de fon côté, fls îui envoïèrent, en qiia*<br />

fité d'Ambafïàdeur, FuLCHasR, Patriarche de Jêrvfefienty pour<br />

fefetticiter de fe rendre danscette Capitale ,1e plus promtement qu'fl<br />

lui feroit poffible- Le Roi de Fraticcy qui n'avoit pas moins de<br />

paffion d'y arriver. Se d'éloigner k Reine fèn Epoufe d^<br />

lien, OÙ elle atoit aulfi pris des engagemcais, qui lui étoient défagréÊèksvprda<br />

fi'fort fa marclie, qu'fl arriva beaucoup plutoC<br />

qu'on n'^roit ofé- f efpérer.<br />

R i. Voi-î<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />


132 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Voilà comment les deux plus grarrds^ Princes de VEurope eu^<br />

rent le chagrin d'entrer dans la Terre-Sainte, dépouifles de k<br />

plus grande partie de leurs formidables Armées, de tous leurs<br />

préparatifs de guerre. Se des fuperbes équipages qu'fls avoient tir<br />

rés de leurs Etats ; maflieur, que ks François, auroient évité,<br />

s'ils avoient fuivi les fages confeils de ROGER, Roi de Sicile y quiy<br />

pour les garantir de la perfidie de l'Empereur EMANUCL, Se des<br />

Grecs, dont il connoiffoit la haine invétérée contre les Latins,<br />

avoit offert fes Ports,6c.fes Vaifteaux, pour les paffer en Pa*<br />

kftine.<br />

Cependant, comme ces deux Monarques fouhaitoient également<br />

d'emploîer le peu de forces, qui leur reftoient, à l'accom*pliffement<br />

de leur Vœu, 6c à l'avantage des C^r^//^^ de la<br />

Palefeinty Tiprtw lès premiers CompUmens de civilité, qu'ik fe<br />

rendirent réciproquement, Se après avoir vifite le Saint Sépulcre, &<br />

fes autres Lieux Saints de Jérufalem y ils convinrent, avec le<br />

€Mfea Roi BAUDOUIN, de tenir une Affemblée générale k Acre y où<br />

umtk. ^^^^ ^^^ Princes, ks Barons, Se SeigneufS du Roïaume, pouvoient<br />

jeanifA- fe rendre plus facflemént, afin de coÈfulter avec eux, fur les<br />

epimlon" Entreprifes, qui feroient ks plus avantageufes aux intérêts com-<br />

^^^ muns, 6c à leur propre fureté;<br />

Cette Affemblée fut la plus célèbre 6c la plus augufte, quir<br />

fe foit jamais tenue en Paleftine. L'Empereur CONRAD y<br />

affifta en perfonne,avec tous les Prélats,/Princes, 6e Barons de<br />

rEmpire,qui étoient reftes auprès de lui;de même que leRoî dei^r^wf^,avec<br />

k Comte de Dreux y fon Frère, THÊ'ODORIC ou TIERRI y<br />

Comte de FlandreSy avec un grand nombre d'Evêques ,.6c de principaux<br />

Seigneurs de fon Roïaume, les Cardinaux: TH E o D i N, 6r<br />

GUI de Provence y le premier Légat du St.. Siège,, dans fArmée:<br />

de f Empereur, 6e l'autre dans celle de Fiance, BAUDOUIN, Roi<br />

de J^ufakm, k Reine MELISE^NE, fa Mère, le Patriarche<br />

FouLQUER, les Archevêques-, 6e Evêques de la PalefeinCy avec,<br />

tous ks Çpmtes, 6c.Barons de cet Etat, RAYMOND de PODIO,.<br />

Mai-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DB JE'RUSALEM. Lïv. IV. CH. L 133<br />

Maître des Hofpitaliers, Se ROBERT BOURGUIGNON , Maître des<br />

Templiers y avec plufieurs autres Seigneurs, tant dOrient y que Rifoiutitn<br />

d Occident. Ily fut réfolu d'attaquer les Sarrafins de Damas y '^'«««^«f»'<br />

comme ks Ennemis les plus voifins, 6c les plus redoutables, fins'rf*<br />

qu'euffent les Chrétiens de la Terre-Sainte y quoiqu'fls euffent ^^"^^^^<br />

été peu auparavant unis avec eux, contre SANGUIN , Soudan<br />

de Muffiil<br />

Pour cet effet, on donna k Rendezwous général à Tibéria^<br />

' de y où tous ces Princes fe rendirent, avec leurs Troupes, au<br />

Mois de Mai de l'Année 114.7. ou felon d'autres, 4.8. Ils en "4».<br />

partirent en bon ordre y vers la fin du même Mois, 6c marchèrent<br />

de même, jufqu'aux déUcieufes Campagnes y qui environ*<br />

nent la ViUe de Damas.<br />

Le jeune Roi BAUDOUIN , qui commandoit f Avant-Garde, 6c<br />

qui joignoît à. k feifveui! de l'âge, 6c à fa valeur naturefle, un<br />

ardent defir de fe fignaler, dans une occafion Vi intéreffante<br />

pour lui, 6c à la vue de l'Empereur, Se du Roi de France y<br />

dont l'approbation lui étoit fi chère, attaqua les Infidèles retranchés<br />

dans ks Jardins, comme on en étoit convenu dans<br />

le ConfeiU avec beaucoup d'ardeur. Se de courage. Cependant<br />

, malgré fa bravoure, 6c cefle qu'fl infpiroit à-fes Soldats, par<br />

fes befles adions, il y fut arrêté long-tems. Il ne pût même<br />

ks forcée, fans le fecours de f Empereur, qui s'avança avec fes<br />

Troupes, pour le foutenir. Les Damafquins furent alors contraints<br />

d'abandonner les Jardins, pour fe retirer dans la Vifle.<br />

Toute l'Armée Chrétienne campa, avec beaucoup de commodité,<br />

le long de la Rivière, où elle trouvoit abondance de fourage<br />

, Se quantité de rafraichiffemens.<br />

Ils formèrent k fiége de la Place, 6c fauroient emportée, sugeier'<br />

s?ils avoîent continué à la batre de ce côté-là;, mais l'avarice y parliî*''<br />

6e la jaloufie, paffions auffi dangereufes,que condamnables, fi- Jj^jf.<br />

cent tout d'un coup clianger ces bonnes difpofitions, 6c ruïnè-<br />

R 3. renc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


in HISTOIRE GE'NE'RAprofitsr decette fkufle<br />

démardi% qui étoit confomie à. leur intention, ils fe feflirent<br />

d!abond du*bon Pofte, queles Chrétiens venoient d'abandonner y<br />

65 k fortifièrent fî-bkn., qu'on n'entreprit plus de les en chaf*<br />

iièis. L'Empereur:, Se le Roi de i^r/mce, connoiffent, par la for*<br />

ce des Miiraifles, 6c la bonté des-Tours, dont k Vflle étoît<br />

(Rendue, du côté cm fls venoient de pa&t. Se par l'incommodité<br />

de kur nouveau Camp., où ils ne trouvaient pks ni eau,<br />

ni rafraichiffemens,: qu'ils> étoient k dupe de k traliffon des<br />

Levée du SeigocuTs de Syrie^y en conçurent tant dci dépit, 6c d'indigiaation,<br />

qu'ils levèrent incefkmment k fiége, pour s'en re^<br />

tourner à Jérufalem,<br />

Le Roi BAUDOUIN ks fuivit, auffî innocent ,'que mortifié dc<br />

k mauvaife foi des Grands du Pays, auxfentimens^defquek fl<br />

avoit déféré, comme ks autres, fens pouvoir s?i|naginer,.qu'fls<br />

feffcnt capabks d^ne conduite fi indigne de,leur Naiffance, &<br />

fi contraire à leur Religion. Le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. LIT. IV. CH. L 13^<br />

Le reffentiment de ces deux Monarques, contre fes Orientaux^ ji^^i^ j^<br />

fut fi vif, qu'fls ne voulurent plus entendre ptiier, ni de l'Entreprife<br />

dAfcaloney qu'on kur propofa, 6c qui n^auroit pas été<br />

plus avantageufe , que cefle de Damas, ni d'-aucUne autre.<br />

L'Empereur partit même peu de jours après, pour retourner en<br />

Allemagne; 6e, quoique k Roi de l^r^w^ s'arrêtât encore quelque<br />

tems dans k Pakfiine y il ne voulut Jamais rien entreprendre<br />

, contre les Infiàèks.<br />

Ces deux Monarques, à kur retour en Eurêpe, firent des ra- ^^^^ *<br />

ports fi défàvantageux des Chrétiens de k Terre-Sainte y qu'fls e^^\^<br />

raflentirent entièrement fardeur , 6c k lèle qu'auroient eu les ^^^*<br />

autres Princes de ks fecourir. Ce fut dans cette maÉteureufe LOUÏS en.<br />

Expédition, jqu'AME'IIL Comte de Sa^yey qui avoit pris Ja ^^^^^'<br />

Croix y Se fait ce Voïage, -mourut, fekn GUICHENON, dans k<br />

Vifle de Nicofie en Chypre y où ce Prince avoît paffé, ou par<br />

curiofité, ou parce qu'ail y fut jette par -qtf^ue Tempête.<br />

Le peu de pf«ogtès, que firent ces deux grandes Armées de<br />

Croifés, qui avoient à kur tête ks deux plus puiffans Princes<br />

de la Chrétienté y Se qui faifoient trembler tout VOrient y au feul<br />

bruit de leur approche, réduifit ks affaires des Chrétiens de ce<br />

Pays-là dans un état beaucoup pks déj^orabk,qu'eflesn^étoknt<br />

auparavant. Après le départ des Allemands Se des François y<br />

non feulement les 7bT^,6cks iS^rr^^j,reprirent courage,mais<br />

fe croïant en état de tout entreprendre, fls commencèrent à<br />

ks inquiéter de tous côtés.<br />

NORADIN,profitant de leur foibleffe, entra, avec une puif&n- NoRADnr,<br />

te Armée, dans la Principauté d Antioche y où îl s'empara du ^^ndpavc<br />

fort Château de Neppa, Il défît, 6c tua, en Bataflfe rangée, fe t^d'An-<br />

Prince RAYMOND , qui étoit àHé pour fecourir cette Place ; ravagea<br />

toute cette Principauté, jufî^'aux Côtes de k Mer; Se auroit<br />

peut-être emporté k Capitale de cet Etat, -qui fe tromoit<br />

privée de fon Prince, iSe dégarnk de Gens de guerre, fî fe Roi<br />

BAUDCttJiN> fur favis qu'fl reçut des pit^s d^s Infidèles y 6c da<br />

maî-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


136 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

malheur de ce pauvre Pays, ne fe fut mis promtement en campagne,<br />

avec les Chevaliers de VHôpital y Se du Temple y 6c toute<br />

la Nobleffe du Roïaume, pour aller s'opofer à kurs progrès.<br />

Mais, foit que NORADIN ne voulût point rifquer ion Armée, ou<br />

qu'fl voulût conferver le riche butin.qu'fl venoit de faire, fl évita<br />

le combat. Il fe contenta de bien munir la Fortereffe d Arène<br />

y ou dAréthufe, qu'fl avoit aufli prife, 6c marcha<br />

vers Damas y dont fl vouloit s'emparer, auffi bien que des<br />

Pays, qui appartenoient aux Chrétiens. BAUDOUIN, de fon côté,<br />

ne jugeant point à propos de le pourfoivre, prit le parti de<br />

profiter de fon éloignement, 6c attaqua le Château d Arène y<br />

dans fefpérance de recouvrer cette Fortereffe. Mais, après favoir<br />

batue plufieurs jours, fans aucun fuceès, 6c reconnoiffant,<br />

qu'fl y confumeroit inutilement fes-meflleures Troupes, fl en<br />

abandonna l'entreprffe, pour afler confoler, 6e raffurer les peuples<br />

dAntioche, en mettant cette Place en état de défenfe, en cas que<br />

les Infidèles tentaffent de f attaquer. Il follicita fortement la Princeffe<br />

CoNsi ANCE , Veuve du Prince RAYMOND , à laquelle k<br />

Gouvernement en étoit demeuré, de fuivre les fages, 6e prudens<br />

avis de quelques Perfonnes d'expérience, qu'fl lui indiqua,<br />

Se d'éviter au contraire les confeils de quelques autres, dont k<br />

vanité, 6e l'infuffifance, lui étoient connues. Enfin, après avoir<br />

exhorté ks Habitans à fe bien tenir fur leurs gardes, 6c à être<br />

fidèles à cette Princeffe, il en prit congé, Se s'en retourna à<br />

Jérufalem y où fe prefence n'étoit pas moins néceffaire.<br />

Retour de BAUDOUIN , quî étoit Un Prînce rempfi de zèle, 6c de coura-<br />

DOUIN à ge, ne voïoit qu'avec doukur,la perte inévitable des Pays,qui<br />

leS!^ avoient coûté tant de peines, 6c de fang à fes Ancêtres. Il<br />

avoit le cliagrin de trouver les Chrétiens d Occident dégoûtés,<br />

II50. P^^ ^^^ ^^^^^^ défàvantageux de ceux de la féconde Croifade y<br />

Se infenfibles aux malheurs de ceux de la Paleftine. Afin donc,<br />

d'affurer par lui-même, autant qu'fl le pourroit, k confervation<br />

du Roïaume de Jérufalem y fl penf^ aux moïens d'enlever<br />

aux<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


BE JE'RUSALEM. Lïv. IV. &. L 13?<br />

aux Irfiàèks la Vflle dAfcalone, dont la garnffon ravagepit<br />

continuellement les Campagnes de fes Sujets, 6c tenoit en fujettion<br />

les Pkces dc fa dépendance, qui en étoient voifines.<br />

Pour f entreprendre avec plus de commodité, il fit ajouter un nouveau<br />

Fort aux trois, que le feu Roi, fon Père, avoît &it confbnîre »<br />

aux environs de cette Place. Il choifit le même endroit, où étoit<br />

autrefok fituée la Vifle de Gaza, ou Gazara, ancienne Satrapie<br />

des Pbiliflins. La quantité de marbres. Se autres matériaux,<br />

qu'on trouva dans fes ruines, fit bien comprendre l'importance<br />

dont elle avoit été ; Se les fources d'eau vive, qui y étoient<br />

en abondance, faciUtèrent extrêmement la çonftrudion de cette<br />

Fortereffe, dont le Roî confia k garde aux Chevahers du Tempk.<br />

Ils k munirent parfaitement de tout ce qui étoit néceffaire,<br />

6e refferrèrent fi bien la Vflle dAfcaloney que k Garnifon<br />

Sarrafine n'ofoit plus en fortir, pour faire des incurfions, comme<br />

auparavant. Qui plus eft, ces Ghevaflers faifoient eux-mêmes<br />

de fi vigoureufes forties, que le Soudan, qui rekvoit fouvent k<br />

Garnffon de cette Place, par de nouvefles Troupes qu'fl y envoyoit<br />

dEgypte y au travers du Défert, fut contraint de les faire<br />

paffer par Mer, où fes Bâtimens étoient fouvent pris, par<br />

ks Flottes Chrétiennes y Se k ViUe réduite à ime extrême difette<br />

de vivres.<br />

Mais, quelque favorables que fuffent ces di^wfitions, pour D(/r««V<br />

la Conquête que BAUDOUIN méditoit, deux accidens fâcheux ^' f^jk<br />

en retardèrent f entreprffe. De retour à Jérufalem , fl écouta ^^^*<br />

tjuelques efprits inquiets, 6c mal-intentionnés, qui lui perfiiadérent,<br />

que l'Autorité de k Reine,fa Mère,étoit trop grande,6c<br />

qu'Efle difpofoit feule du Gouvernement de l'Etat, qui devoit<br />

déformak n'appartenir qu'à lui, 6e fans aucun partage.<br />

Ces dffcours envenimés caufèrent une teUe difcorde, entre k , .<br />

Mère, Se le Ffls, que kurdéfunion penfe tout bouleverfer. Ce- treieBm,<br />

pendant, après plufieurs conteftations, ils convinrent enfin de^jj,<br />

partager k Roïaume, 6c que les Vflles de 3}r, 6c de Ptolomaih<br />

S dc.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


l|S%-: Htï ST^:I R E-G E'N «'R'Al. E<br />

âty d^eureroknt au pouvok du Roi,.. 6c zeÏLeéde Jérufalélfll<br />

Se de Napoubufey à la Reine. .<br />

Article UI, Gette, dernière Ville ,. qui eft fancienne Sishen <br />

Enfàiîs de JACOB,, qui en mailacrèrent, dans une nuit, tous<br />

Situation ks Habîtans mâles, avec EMOR^kur Roi, Se SICHEN, fon Fils,<br />

louie^aw-" dans le fort mêi^e de leur maladk, caufée par la Circoncifion,<br />

cheh^ ^^ pour-fe vanger dé la violence, que ce dernier avoît faîte à DÎNA,<br />

kur Soeur, eft.auffi la même Ville qu'ABiME'LEiCyFils naturel de<br />

V GE'DE'ON,fit rafer quelques Xiècles après^6e fur les ruïnes delaiquefle<br />

fl filfemer du fel. JE'RO^BOAM la fit enfuite rebâtir^ 65<br />

nommer Mamortay enfuite Naples; Se elle s'appefle aujourd'hui<br />

Napoulqufe. Efle fe trouve fituée dans la Province de Samarie y<br />

qu'on pf^tend avoîr été ainfi nommée^ à caufe des Colonies Affi"<br />

riefines, que SENÎÎACHI;RI;B , Roides Cbaldéens, y eavoïa pour tenir<br />

ks Juifs en bride. Ces fojets étant enfuite devenus ennemis des<br />

Origtney ^ûîfsy flsen furent^appellés Samaritains, qui fignffie Gardiens ; c'eft<br />

catimlu pourquoi, lor^u|,:ksry«^yôukient.iiljurier JESUS-CHRIST, ils<br />

Sui^* f appélloknt 5Àî»z


èE JE'RUSALEM. Ur. IV. Ci t "^^<br />

kurs affaires particuUères, mais encore ceUes de tous les Cè^^tiens<br />

de la Terre-Sainte. Ges remontrances les portèrent enfin<br />

à quitter le parti de la Reine, Se à introduire le Roi, fon Ffls, dans<br />

la Vifle; ce qui obUgea cette Princeffe à fe retirer promtement<br />

dans la Tour de DAVID i oùefle efpéroit de pouvoir fe foutenir; Retraîtede<br />

mais y deftituée de forces, elle fut hienfeôt obligée de fe foumet- dan/iT *<br />

tre àla difcrétion dû Roi, qui, par la médiation de tout ce2°^[^*<br />

qù'fl y avoit de confidérable dans l'Etat, 6c pour mettre fin à<br />

un fcandale capable de faire triompher les Infidèles y voulut bien<br />

lui rendre la ViUe de'Napoukufey à condition qu'Elfe ne fe mçkroit<br />

plus des affaires du Gouvcrn^nent, ni de cefles de la Couronne.<br />

Gé fut-là k première affaire fâclieufe, qiû) retarda î'utfle,<br />

6c néceffaire , Entreprffe d'^^^z^îw^.<br />

La féconde fut la néceff^té ,dans kquefle fe trouva ,prèfqu'enmême-tems'^ce<br />

Prflice, d'afler fecourir le Comté dEdeffe y c^ étoit<br />

dans un état déplorabk, par la mért du Comte ^SSELIN , kquel<br />

avoit été pris .dans une embufcade,-^-6c conduit prffonnier à<br />

Alep y où il avok péri dans les fers. NORADIN étoit entré dans<br />

cette Principauté d'un côté, pendant,que k Soudan dleoniunn^<br />

entra de fautre, avec un nombre prodigieux de Cavalerie. Ces deux<br />

."^Princes infidèles,' y mettoient tout à feu 6c à fang. Ce deraièf<br />

s^empara même des meilleures Fortereffes, fans que la Comteffe,<br />

à qui le Gouvernement en étoit^demeuré, pût rien faire, pour<br />

arrêter k cours de leurs ravages. ; BAUDOUIN accourut promtement<br />

à fon fecours, avec toutes les forces de fon Roïaume; mais<br />

voïant 5 qu'il îui étoit impoffibk de défendre cette Province, contre<br />

deux fi puiffans Ennemis, parce que fon élpighéînent de JE'-<br />

RUSALEM, '^6cle peu de tems,qu'fl avoit, ne lui permettoient pas<br />

de conferver'fun de ces deux Pays, fens rffquer f autre, fl confeilla<br />

à la Comteffe,^'6e à fes Enfans, ; qui s'é^ièntrètirés à i'ttrheffel,Vû\&-de<br />

leur dépendance, daccepter les offres d'EMANuëL,<br />

-Empereur de Confiantinople. GePrince kur avoit oifçrt d'unir kPays<br />

S. 2 dEdeffe<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i4b H f S T' O I R E^ G r N F R A L E<br />

dEdeffe à fon Empire, dès qu'il avoit apris le rifque qu'fl courroit,<br />

de tomber au pouvoir des Infidèles.<br />

EMANUCL propofa à cette Dame de lui donner la poffeffion<br />

de plufieurs Terres, dans un Pays auffi abondant, 6c plus tranquik,<br />

que ne fétoit le Comté d" Edeffe y à condition pourtant<br />

de lui remettre les Places, qui reftoient encore en fon pouvoir.<br />

EUe Se fes Enfans acceptèrent ce parti, fans balancer, aimant<br />

beaucoup mieux, que ce Monarque Grec en fût lui même pof^<br />

feffeur, que de f expofer à l'invafion des Barbares. L'Ade de<br />

l'Echange en fut paffé, en prefence du Roi, des Barons de k<br />

Paleftine y qui l'accompagnoient, 6e des Seigneurs Grecs y qui<br />

fe trouvèrent dans un corps d'Armée, que l'Empereur av-^.<br />

defîùné à défendre cette Province. i<br />

Peu de jours après cette convention, le Roi BAUDOUIN confîgna<br />

lui-même aux Députés de f Empereur EMANUCL k Ville de<br />

Turbeftely celles d^Antapy Revende], Rancolety BytCy Samofa^<br />

te y & divers autres Lieux; ce qu'fl exécuta avec affez de tran-<br />

Noradin quîUté. Le Soudan dîconium y auffi bien que NORADIN, aïant<br />

danrf'ico- quîtté k Campagne, pour fe retirer dans Edeffe y Se dans les<br />

^tet^ent autres Fortereffes, dont ils s'étoient emparés, de crainte que<br />

àans fArmée Grèque y Se la Latine y ne s'unîffent enfembk, 6c ne les<br />

refferraffent dans quelque endroit,d'où ils auroient eu de la peine<br />

à fe tirer, d'autant plus que ces Barbares y quoique de même<br />

Religion, Se affez unis dans cette Expédition, euffent<br />

d'aflleurs des intérêts, qui leur donnoient également de la défiance.<br />

^ Si les Officiers de fEmpereur EMANUCL eurent la fatkfadion<br />

de terminer fi heureufement une affaire, qui intéreffoit fi fort<br />

kurMaître, ils eurent prefqu'en même-tems le déplaifir |de voir<br />

'déferter la plupart des Habitans des Vifles,dont ils venoient de<br />

prendre poffeffion. Le Roi BAUDOUIN, touché de compaffion<br />

'jpour ces pauvres Peuples, voiUutUien les conduire, quoîqu'avec<br />

beau.»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


- DE JE'RUSALEM. : Lïv; IV. Cn. l 14,1<br />

beaucoup d'incommodité,6c à travers mflle dangers, en Ueu de<br />

fûrete. Ces Peuples, qui ne croïoient pas ks Grecs affez vafl.<br />

lans, ni affez courageux, pour ks mettre à couvert de finfulte<br />

des Infidèles, Se les garantir de devenir bien-tôt leur proie, fe<br />

chargèrent, avec précipitation, de ce qu'ils avoient de plus précieux;<br />

Se, avec leurs Femmes, .6c leurs Enfans, ils aflèrent fe<br />

réfugier dans k Camp Latin , qui fe trouva bien-tôt rempli<br />

d'une~infinité de perfonnes, de tout âge, de tout fexe, 6c de toute<br />

condition, accablés de douleur de quiter leur Patrie, Se les<br />

Biens qu'ils y poffédoient. Un fpedaek fi touchant attendriffoit<br />

jufqu'au moindre des Soldats, qui tous cherchoient à les<br />

foulager dans leur difgrace,- Se augmenta la pitié de BAU­<br />

DOUIN, natureflement généreux. Se magnanime,<br />

Jl divifafon Armée, en quatre Corps, 6e prit lui-même k con- chrétiens<br />

duîte de f Avant-Garde. 11 donna l'Afle droite aux Templiers, 6c la c^its '<br />

gauche aux Hofpitaliers. Le Comte de Tripoli conduifoit l'Arrière- ^^ ?*'^-<br />

Garde, dans laquelle fe trouvoit k Nobkffe de la Principauté<br />

d"*Antioche, On pkça, par ordre du Roî, tout ce Peuple infortuné<br />

, avec fon bagage, au miUeu de fArmée, ne doutant<br />

point que NORADIN, qui poffédoit Edeffe y ne mît tout en ufage,<br />

pour f inquiéter dans fa marche, fur tout lors qu'fl feroit informé<br />

du grand nombre de perfonnes inutfles, Se embarraffantes, dont<br />

il s'étoit chargé.<br />

En effet, à peine fut-il parti de Turupany qui n'eft qu'à<br />

deux Ueues de Turbeffely qu'on commença à découvrir les Infidèles<br />

y qui s'avançoient, pour attaquer fArmée Chrétienne y<br />

qu'ils cotoïèrent toujours jufqu'au Château dAatap , fans pourtant<br />

pouvoir f înlulter, ni lui nuire.<br />

Conune cette Fortereffe étoit une des plus confidérables du<br />

Comté dEdeffe, EMPHROI de Thoron , Connétable de Jérufalem,<br />

Se ROBERT SOURDEVAL, fun des plus puiffaiïs Seigneurs<br />

di Antioche y tous les deux auffi ambitieux, qu'imprudens, fans<br />

confidérer k bonne foi du Traité qu'on venoit de conclure avec les<br />

S 3 Grec^y<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


;44« H tSrrT 0 1 RE . G E' N E' R A L E<br />

,: Grecs y fe pitéfentèrent également; au Roi, fun après fautre J<br />

pour lui en demander k poffeffion,-6c faffurer, qu'ils fe faifoient<br />

fort de s'y maintenir, avec kurs feules forces. Maîs ce<br />

Prince, plus irrité ^que fatisfak ,d^ leur vanité^ fans même dai-<br />

. gner leur faire aucune xréponf^,, CQnfigna. d'abord cette Pkce<br />

., .2iux Qrecs y comme fl favoit fait de toutes les autres; enfuite de<br />

quoi, à la vue, 6c4nalgré toutes les tentatives des Ennemis, fl<br />

^ continua fa marche, avec tant d'ordre,"6c de précaution, qu'fl<br />

- fut jmpoffitïk aux Troupes de N o R A D I N de l'interrompre.<br />

. Ge ne fijt pas néaniijQÎns, fans beaucoup foûfrk.de k quantité<br />

., de flèches que leroient les Bar^res. EUes pénétroient môme, juf^<br />

.tju'aux Chariots, Se aux Bêtes deK:harge, qui en furent fi couvertes<br />

, qu'en entrant dans k Principauté.;Â^«^/ô^fe , elles rei-<br />

•^ fembloient à des Porcs-Epics. BAUDOUIN eut pourtant'la confolation<br />

d'y conduire fon, Jtrmée, 6ç.le§JBabitans du Comtéd^E^<br />

deffcy fans avoir perdu un feùî homme.<br />

?E^effë P^ fut-là, que, " pour couronner une# belle œuvre, ce grand<br />

hien rf^M^ «Prince s'apliqua avec une ardeur, Se une bonté inconcevable, à<br />

fn^urs,^ donner à ces exilés volontaires tout ce qui pouvoit adoucir leur<br />

Bourgeois 4nifère affreufe, ,6c leur faire oublier la perte,de leurs,Biens,..&<br />

che. de leur»Patrie. Les Seigneurs,î^6ç,les Bourgeois dAntioche, y<br />

V contribuèrent, avec d'autant plus dépkifir, que les fréquentes<br />

courfes des ^Infidèles dans leur..;Province, où fls n'épargnoient<br />

rien, en avoient confidérablement diminué k^ Habitans.<br />

Artkieiv. Pendant^.^e'^AUDOuiN faifoit des adions héroïques, dans le<br />

CovûtédÈdéffey 6c dans k Principauté d'^/2/?ev^^, le Roïaume<br />

de Jérufalem y ^^dént ce Prince ne pouvoit prefque jamais<br />

s'éloigner, iàns courir quelque rffque, ^penfa être furpris d'une<br />

.manière bien fâclieufe, à l'occafion de deux Frères Turcs, nomj<br />

mes les JoRAQjjiNS. Leur Père avoit été Seigneur de Jérufalem<br />

y toriqu'ALî^ D E'LI. Général du Calfe dEgypte, reprit cette<br />

ViUe, r 6e la remit de nouveau fous la Domination des Sarjrafins:<br />

«liangement, arrivé peu de te^s avant que "GoDEiiROi<br />

" - ' ' • ' .^ . - • ,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JË'RÙSALÈ^l^LIv:ÏV; G!H.L 14^::<br />

^ • •<br />

de BOUILLON , Se les autres Princes Vrôifés ,* en fiffent la Con^<br />

quête.<br />

Les JoRAQUi^, foUicités par leur vieille'Mère, qui, ne pou-^^"«<br />

vant fouffrir cette ùfurpation, leur reptochok fi fouvent leur là-nommés les<br />

cheté," Se leur peu de cOurage^J-qu'efle les porta enfinrà affem- £,^^"Jt"^'<br />

bkr quantité de Turcs y Se d Arabes y du Défert où fls s'étoient >r/;r


144 HISTOIRE G E'NE'RALE/<br />

ces de quelques vieux ChevaUers de V Hôpital y Se du Temple l<br />

qui étoient demeurés à la garde de leurs Maifons, Se qui fe comportèrent'fî<br />

efficacement dans cette périlkufe conjondure,<br />

qfffls engagèrent les Habitans à fe mettre en état de fe bien défendre.<br />

Ils leur infpirèrent même le courage de ne point atten-<br />

«Tdél*^ dre, dans kurs murs, les coups de ces Barbares y 6c de leur en<br />

route. porter eux-mêmes dans leur propre Camp ; de forte que, par<br />

les feges confefls de ces jnêmes Chevaliers, fls furprirent les InfiHèieSy<br />

Se les mirent en déroute, dès le premier choc.<br />

La terreur, qu'fls avoient caufée auparavant aux Chrétiens ,<br />

ks faifît eux - mêmes, jufqu'à les forcer de fe précipiter dans<br />

ks Rochers , qui font du côté de Jérico , où le chemin eft<br />

encore aujourd'hui fî étroit, fî efcarpé , Se fî rapide ', que<br />

les perfqnnes qui y paffent avec tranquilité, 6c fans aucun embaras,<br />

ont bien de la peine à s'en tirer ; enforte qu'fl n'eft<br />

pas forprénant, fi , dans une teUe occafion, vu le defordre,<br />

Se k confufion , il y pérît un fi grand nombre d Infidèles.<br />

Car ceux qui avoient cru trouver leur falut dans la Plaine,<br />

où les Habitans de la ViUe, contens de leur Vidoire, ne jugèrent<br />

pas à propos de. les pourfuivre, n'eurent pas un meiUeur<br />

fort. Ils gagnèrent du côté du Jourdain , 6c donnèrent juftement<br />

dans fArmée du Roi, qui venoit de Napouloufe. Ils furent<br />

tous tués, ou noies dans ce Fleuve: leur défaite fut fi<br />

grande. Se fi complette, que le même Archevêque de Tyr affure,<br />

que, dans cette Journée, qui fut le 23. Novembre de l'An<br />

f^eftu iï^2. OU félon d'autres Auteurs, le 4. Décembre, en compnombrede<br />

tant ccux quî fe précipitèrent, qui furent maffacres, ou noïés,<br />

fl y périt plus de cinquante-mille Barbares,<br />

Il feroît difficile d'exprimer la joie que le Roi, les Seigneurs,<br />

• 6c tous les peuples reffentirent d'un fi grand avantage, & d'une<br />

protedion fî vifible du Dieu des Armées y qui avoit voulu aveugler<br />

les Infidèles y Se permettre, qu'une poignée de gens fans expérience<br />

les épouvantât, 6c ks mît en déroute. Auffi, après<br />

lui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LIV. IV. CH. L ^ 14,1<br />

'lui cn avoir rendu de très-humbles Adionâ de grâce, tant au<br />

Camp, que dans k Vflk, BAUDOUIN, profitant de fardeur que<br />

cet heureux fuceès avoit infpiré à fes Troupes, fans s^arrêter à<br />

Jérufalem y les conduiOt à Afealomy oùll fit ravager toute k<br />

Campagne, pour prélude du fiége de cette Place, qu'fl méditoit<br />

depuis long-tems.<br />

Les AfcaloniteSy qui^ malgré les Fortereffes qu'on avoit conduites,<br />

pour les tenir en bride, n'avoient pas kiffé de faire<br />

quelques courfes for les terres des Chrétiens , furent alors<br />

très - confternés , foit que k nouvefle de la défaite des J o- '<br />

RAQ.UINS les eût abatus, ou que le manque des renforts,<br />

qu'ils recevoient ordinairement dEgypte, les eût découragés<br />

, ils virent fArmée Chrétienne détruire leur Gran- io"ites^<br />

ges , 6c leurs Hameaux ; couper leurs Arbres ; arracher ^^*'^"^ "'<br />

kurs Plantes , Se détruire entièrement leurs Campagnes , uws camfens<br />

ofer fortir de leurs muraifles, ni faire aucun mouvement, J^^"o/êr<br />

pour arrêter des ravages, qui leur étoient. d'un préjudiceV'«^»'^<br />

mfini.<br />

C'eft pourquoi, BAUDOUIN, qui n'avoit penfé d'abord, qu'à<br />

faire le dégât de leurs Campagnes, jugeant de leur confternatîon,<br />

par la lâcheté de leur conduite, réfolut de ne plus tarder<br />

à ks affiéger dans les formes. Il fit camper fon Armée devant<br />

la Place , envoïa des Détachemens fe faifir des paffages , i/^ftaio.*<br />

par où efle pouvoit être fecourue, fit en même tems travafller °®'<br />

aux chofes nécefkires pour la bien battre, 6c envoïa avertir le^<br />

Barons du Roïaume de fon Entreprife, afin qu'fls vinffent incef^<br />

famment le joindre, avec, kurs Troupes.<br />

Tous les Seigneurs, qui fouhaitoient auffi paffionnément, que<br />

le Roi, de chaffer les Infidèles d'une Vifle, doù fls incommo»<br />

doient fecilement la plus ^ande partie de k PakJHne, fe mirent en<br />

devoir de k bien féconder dans cette grande affaire. Les Prékti<br />

même voulurent prendre part à une Expédition fi intércilanta<br />

Fto-CHJa, Patriarche d^y/r


liÔ HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

Tf7' •,. BAUDOUIN , Archevêque de Céfarée ; ROBERT , Archevêque<br />

de Nazareth ; F R E' D E'R i c, Evêque dAcre ; Se G E'-<br />

RARD, Evêque de Sidon y fe rendirent au Camp, auffi bien<br />

que HUGUES d Ibelin y PHILIPPE de Naples y EMPHROI de Thorony<br />

SIMON de Tibériade y GE'RARD de Sidon y Guï de Baruth<br />

y MAURICE de Montréal; Se divers autres Barons, tous<br />

bien accompagnés. Se en très-bon équipage. Leur jondion<br />

augmenta confidérablement l'Armée du Roi. On y tint dabord<br />

*I53. un Confefl général, le 24. Janvier ii)3. dans lequel fl fut<br />

réfolu de bien ferrer k Place, 6c den commencer ks attaques.<br />

?Afca-^ ' AfcalonCy qui eft une des cinq Villes des PhilifeinSy fe troulane.<br />

vefîtuée au pié d'une CoUine^aubordde la Mer, dans kProvin- ^<br />

ce didumée; elle étoit alors extrêmement forte. Les Califes<br />

d* Egypte y quila regardoient comme la clef de kurs Etats de<br />

ce côté-là, n'avoient rien épargné pour la rendre teUe. Outre<br />

les épaiffes, Se hautes Muraflks, flanquées de groffes Tours,<br />

peu diftantes l'une de l'autre, dont elle étoit environnée, elle<br />

avoît des Foffés profonds, Se toutes les autres Fortifications que<br />

les Sarrafins avoient pu conftniîre, pour k mettre en état de<br />

ne point craindre* ks attaques des Chrétiens y qui en effet n'avoient<br />

pu la réduire, quelque tentative, Se quelques efforts<br />

qu'ils euffent faits jufqu'alors, pour en venir à bout.<br />

-Sei BOUT- Ejjg ^toît d^aiUcurs fi peuplée , que k nombre de fes Habrguerris.<br />

taus , k plupart très-aguerris, furpaffoit au double celui de<br />

l'Armée Crétierme y qui faffiégeoit. Les Califes y qui connoif^<br />

foient de quelle importance il leur étoit d'entretenir ces peupks<br />

contens', foudoïoient non feukment leurs enfans mâles dès le berceau,<br />

mais encore les faifoient jouïr de plufieurs belles prérogatives;<br />

de forte qu'il n'eft pas furprenant, fi tant de bons traitemens<br />

, 6e de fi grandes UberaUtés, ks rendoient fidèks à leur<br />

Souverain, Se attachés à fe maintenir dans une ViUe, où fls<br />

^ vivoient avec tant d^agrément. Se daifance.<br />

' Cependant, k Roi s'aperçut bien-tôt, que, fi quelque rai-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. Liv. IV. CH. I, 14.7^<br />

fon, dont fl n'avoit pu pénétrer la caufe,ks avoît empêchés de<br />

fortir de leur Vifle, pour s'oppofor au ravage de leurs Campagnes,<br />

ils n'en étoient pas moins dflpofés à fe bien défendre. Se<br />

à repouffer tous fes affauts. En effet,la valeur de ce Prince,fon<br />

adivité, en tout ce qui pouvoit avancer le fiége, fardeur qu'fl<br />

infpiroit à tous ks Seigneurs de fArmée , &: l'empreffement<br />

des Soldats à exécuter fes ordres,ne purent rien contre la bravoure.<br />

Se la fermeté des Afcalonites, Le fiége n'étoit pas Lw^ew<br />

plus avancé au bout de quelques mois, que le premier jour qu'fl<br />

l'avoit commencé; tant ces peuples étoient attentifs,6cardens,<br />

à ruiner tous les travaux des affiégeans, 6c à réparer les<br />

^dommages qu'ils en recevoient.<br />

Ils étoient d'aflleurs fi accoutumés à k manière de combatre<br />

des Chrétiens, par les fréquentes occafions qu'ils en avoient<br />

eues, depuis cinquante ans, qu'ils poffédoient le Roïaume de<br />

Jérufalem y que, bien loin d'être étonnés de leurs armes, de<br />

l'ordre,ou de k difcipUne,avec laquelle ils les attaquoient, ils<br />

kur firent tête, avec tant de conftance,6c de fermeté,qu'ils ks<br />

obligèrent bien fouvent à fe retirer avec perte.<br />

Cependant, toutes ces fàcheufes difpofîtiôns, au lieu de rebuter<br />

BAUDOUIN de fon entreprife, ne faffoient qu'augmenter<br />

la paffion qu'il avoît, d'en venir à bout. Animé par f utiUté<br />

qu'en recevroient tous fes Sujets, Se par k gloire particulière<br />

qui lui en demeureroit, il s'avifa de joindre f induftrie à la force.<br />

Il fit travafller, avec beaucoup de dfligence, à k conftruction<br />

d'une Tour de bois. Cette Machine étoit une des plus grandes.<br />

Se des plus hautes qu'on eut encore fabriqué jufqu'alors.<br />

Efle furpaffoit ^i fort k hauteur des Muraflks de k Ville, que<br />

ceux, qui étoient placés dans ce Château mouvant, y lançoîent<br />

avec facilité. Se à coup fur, quantité de pierres, de dards, 6c<br />

de traits, non feulement fur les Infidèles, qiû défendoient ks Remparts<br />

, mais encore fur ceux qui pafïbîent dans les rues ; en forte<br />

que cette furieufe Maciiine devint fi incommode, 6c fi funefte<br />

T 2 aux<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


148 H I S T OIRE G Ë' N E' R A L E<br />

aux aÛi^és, qu'ils reconnurent, qu'efle cauferoit leur perte,<br />

s'fls ne trouvoient k moïen de la détruire..<br />

Pour y parvenir, ils jettèrent, à l'entrée-de là nuit, un<br />

grand tas de bois fec, dans l'efpace qui reftoitvcn^e la Machine<br />

6c leur Muraille, fur lequel fl verfèrent quantité d'hiûk , de<br />

goudron, 6c.de fuif;fls y mirent le feu, qui s'afluma avec tant<br />

de promtitude. Se de violence, qu'fl fut impoffible aux Chrétiens<br />

y Se aux Infidèles même, à qui cet incendie devhitcégakment<br />

préjudiciable, de fétemdre, quelque chofe qu'ils puffeiw:<br />

feire.. Un vent impétueux, qui fe kva fubitement, pouffa-ks<br />

courbfllons de k flamme effroïable de ces amas de bois contre<br />

la Muraifle, dont efle fut fi échaufée Se fî embrafée, pendant<br />

le refte de lanuit, qucyprécifément au point du jour, fl en tombaune<br />

partie, qui fit un .affez grand efpace, poiu c; .:><br />

Un-^bonheur fî'grand, 6c'fî'inefpéré, 6c qui .auroit rendu;<br />

dès-lors les-Chrétiens maîtres de la Place, s'ils y étoient entrés<br />

avec fùnion. Se la prudence néceffaires, dans nne occafion fi<br />

importante, 6c f i déUcate, penfa, au - contraire, - ks obliger à<br />

abandonner un fîége, qui leur coûtoit déjà fî cher.<br />

BERNARD de TREMULAi, Maître des Templiers, qui fe trou^^<br />

voit le plus proche delà brèche, vouloit que les Chevaliers<br />

de fon Ordre euffent f honneur d'être les premiers à réduire les<br />

affiégés, comme fl le croïoit fort aifé; Se y fuivant l'avidité qu'fls<br />

avoit de s'emparer de leurs plus ricfies dépouifles, fl fut affez<br />

imprudent, Se mal-avifé, pour ne faire entrer dans k Ville que<br />

foixante de fes ChevaUers, avec un petit nombre de Troupes;,<br />

comme fi cette poignée de monde eût été capable d'effrayer,<br />

6c de défaire des gens, qui jufqu'alors s'étoient défendus contre<br />

toute fArmée, 6e qui avoient donné tant de marques de courage<br />

6c.de fermeté.. 11 fit plus, fl fe pofta lui-même, avec k"<br />

refte de fon monde, à l'entrée de la brèche,6c empêcha ks autres<br />

Troupes, qui y accoururent, d'y monter. La préfomption, «<br />

oui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE^RU^SALEM. Liv. IV. Cn: t t^^<br />

ouràvarice,avcugbit le Chef d'une "Religion, kquefle ne devoit<br />

avoir en vue que la gloire 6e favantage commun des Chrétiens y<br />

qui, par la mauvaffe conduite d'un feul homme, perdirent tous<br />

les fruits de leurs travaux ,u 6c fe trouvèrent comme à recommencer;<br />

• En effet, ks /«/îi^^^fc qui reconnurent, que lê petit nombre'<br />

d'affaflkns n'étoit pomt foutenu par d'autres Troupes, les environnèrent,<br />

avec tant de promtitude, 6c de fureur, qu'fls fes*<br />

mirent toùs en-pièces en un moment, 6c travafllèi:en,t,avec tant<br />

de foin, 6c de dfligence, Préparer leur brèche, qu'ils la rétafeUrent<br />

parfaitement, avant même que le Roi fût informé du<br />

trifte accident qui venoit d'arriver. Il en fut d*autant plus touché,<br />

qu'fl fe voïoit par-là retardé, dans la Conquête d'une Place,<br />

qui lui tenoit fi fort à cœur, 6e qfffl fembloit que la fortu*ne<br />

avok voulu lui procurer, par l'ouvrage même de fes propres<br />

ennemis.<br />

Outre ce déplaifir; ce Prmce eut encore là doukur, de voir'<br />

-expofés aux crénaux des Muraifles les corps de tant de braves -<br />

ChevaUers, Se de vaillans Soldats, qui avoient fî malheureufement<br />

péri, pour avoir obéi à leur Chef, Se celui d'entendre les-<br />

Barbares pouffer de grands cris de joie, Se d'aflégreffe. Ils fe<br />

moquoient en effet de luî,6e de fon Armée, par des geftes infâmes,<br />

qu'fls joignoient à mifle paroles piquantes, Se injurieufes.<br />

Ce Prince reconnut encore, avec un double chagrin, le<br />

découragement des OfiSeiers, Se des Soldats, qui étoient plus<br />

dffpofés à abandonner le fîége, qif à chercher les occafîons d'en<br />

venir aux mains avec les Infidèles, dont ils craignoient également<br />

la réfolution, 6c k bravoure.<br />

En effet, k bruit s'étant répandu, dans k Camp, que NO­<br />

RADIN s'étoit emparé du Roïaume de Damas , après la m.ort<br />

d AMARD, qui, en quaUté de Gouverneur de cet Etat, favoit<br />

conferve à fes légitimes Maîtres; 6c qu'après une Conquête fi^<br />

avantageufe, ce Soudan étoit allé affiéger k Vflle de Belline y<br />

T 3 pofTé-'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fô H I S T O I R E G E' N F/ R A L E<br />

poffédée par les Chrétiens, il n'y eut que le Maître des Hofpiia^<br />

//>r.f,^qui, animé d'un fincère attachement aubienpubUc, Se<br />

dun ardent défir de réparer le dommage. Se faffront caufé par<br />

f imprudence du Maître des Templiers yls'oppofàt au fentiment de<br />

toute l'Affemblée, qui opinoit pour la levée du fiége, fous prétexte<br />

d'aller s'oppofer aux entreprffes' de NORADIN, dont l'agrandiffement<br />

ne pouvoit être que très-funefte au Roïaume dc<br />

Jérufalem,<br />

Le Maître de VHôpital repréfenta, avec ardeur, k néceffité où<br />

fon étoit de tout fouffrir y pour terminer une Entreprife, dont<br />

£fchr? dépendoit le repos de tous les Chrétiens de k Terre-Sainte, U<br />

tiens à le- fit yoîr, qu'CH l'abandonnant, les Sarrafins y devenus plus fiers,<br />

' Se plus orgueilleux , ne manqueroient pas dt redoubler leurs<br />

courfes, Se leurs ravages, avec encore plus de fureur qu'auparavant.<br />

Il releva la honte qu'il y auroit à décamper de devant<br />

une Place, qu'fls tenoient affiégéé depuis plus de fix mois, Se<br />

qu'ils avoient réduite à une extrême difette de vivres, fens efperance<br />

den recevoir: fl ne faut, kur dît-fl, qu'un peu de pa-<br />

^^'^^^"j"^ tience, pour f arracher aux Infidèles y 6e pour mettre tout k<br />

de i^Hopi- Roïaume à couvert de leurs infultes, de ce côté-là. Ce difcours<br />

vie^dufié' fut proHOucé avcc tant d'ingénuité, Se de force, qu'fl perfuada<br />

^*' enfin le Roi, Se tous les Seigneurs du Confefl,de pouffer,avec<br />

la dernière vigueur, une Entreprife fi avancée, 6c d'où depen-:<br />

doit ou la gloire, ou le déshonneur des Armes Chrétiennes,<br />

On voit par-là, que, fi le Maître des Templiers fit manquer<br />

la prife d'une Vifle fi importante, les feges remontrances de celui<br />

de VHôpital en procurèrent la Conquête. On recommença<br />

donc les attaques, avec tant d'ardeur Se de réfolution ; Se les<br />

Soldats, animés par ks exhortations. Se f intrépidité de leurs<br />

Chefs, firent fi bien leur devoir, qu'après fîx mois, 6c demi<br />

de fiége, ils réduifirent enfin les Afcalonites à capituler avec les<br />

Chrétiens, Ceux-ci de leur côté étoient entrèmement fatigués<br />

de leurs pertes,6ç de tout ce qu'fls avoient fouffert,pendant un<br />

fi<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liy. IV. CH. L 151*<br />

fi long fiége. Auffi, ne crurent-ils pas devoir réduhe au défefpoir<br />

des gens capables de les arrêter encore long-tems, 6c de leur<br />

faire acheter plus chèrement leur défaite. Ils ne balancèrent pas<br />

à accepter leurs propofitions; 6e, en vertu du Traité qu'fls conclurent,<br />

le 12. Août 11 ^4,. îls entrèrent triomphans dans k Vil- 1154.<br />

le, que les Afcalonites évacuèrent, deux jours après cet accord. SiOTef^'<br />

Ils fe retirèrent, avec leurs Femmes,Enfans,6e Effets portatifs, P^r ca^i^^<br />

à la Vflle de Larizza, dans VArabie déferte, où k Roi çut k<br />

générofité de les fake efcorter, par un Détachement de fes<br />

Troupes.<br />

La prife dAfcalone intéreffoit fi fort ks Peupks de la Paleftine<br />

y qu'fls s'eniprefîerent tous à donner des marques de leur<br />

joie, par des Fêtes, Se des Réjouiffances pubUques. Ceux de<br />

la campagne, en particuUer, reffcntoient un plaifir qu'on ne<br />

peut exprimer; ils fe voïoient en Uberté de cultiver déformak<br />

kur terres, fans craindre davantage, que d'autres en fiffent k<br />

moiffon. Le Roi aïant fait une aquifition que fes Prédéceffeurs<br />

avoient tant fouhaîtée. Se après kquefle lui-même avoit tant<br />

foupiré, fit d'abord purger k Vifle, Se purffier les Mofquées,<br />

dont il fit autant d Eglifes. Le Patriarche, accompagné de tous ^^ww claies<br />

Prélats, célébra k Meffe pontificalement, dans k Cathé- %%"ia<br />

drale, Se entonna k Te Deum, en Adion de grâces. Les Exer- |î^|^ ^'^ **<br />

cices de piété fmis, on n'entendît plus que des cris Se des aela:mations<br />

de joie dans la Vifle, 6c tous les Lieux d'alentour.<br />

BAUDOUIN donna enfuite fes premiers foins à faire réparer<br />

promtement les Murs de k Vifle, à y attirer des gens de toute<br />

forte de profeffions,pour k peupler, 6e à y étabUr un bon<br />

ordre, tant pour la Guerre, que pour la Police. Afin qu'fl n'y<br />

arrivât aucun trouble, dont les Infidèles puffent profiter, fly<br />

mît une forte Garnifon, Se en donna le Gouvernement au BA­<br />

RON dlBELiN. Après cela, fl s'en retourna k Jérufalem, trèsfatisfait<br />

de fon Expédition, Se content du Maître de VHôpHaly<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ifi lî I € -T^O I R E G r N E' R A-L E<br />

qui| pr fes ppudens avi?? avoic fi fcrt contribué à jûette fa^<br />

meufo Cosquête,<br />

Lea apîaudiffemenii qu§ e§ Chevalier reçut en iSyWf, furent<br />

bleîï-tôt fuivis d'un honneur ? & dun avantage très-confidérabkjpoi^r<br />

tout fon Ordre. Les Princes dQ VEurapCy non moins<br />

fenfîblesqwe ceuK d Outremer à k prife d'.^^/


t»T: JE'RUSALEM. LivI IV. Cn. lï. î^f<br />

«•entre-détruire, fls emploïèrent les Armes, qui leur dévoient uniquement<br />

fervir contre f ennemi commun de leur ReUgion, 6e<br />

de leur Patrie.<br />

D'un côté, les Hofpitaliers, autorifés par la nouvelle Bufle<br />

du Pape , réfofèrent non feulement de payer les dîmes aux<br />

Evêques , mais foutinrent encore, que tous leurs Ecdéfiafliques<br />

, Se autres Vaffaux, ne dévoient plus dépendre de kurs<br />

Paûeurs ordinaires, ni pour k fpirituei, ni pour le temporeL<br />

De fautre côté,les Prélats ne pouvant fouffrù d'être privés des<br />

avantages, 6c des prérogatives, qui étoient attachés à leurs dignités<br />

, armèrent des gens pour foutenir leurs droits ; maîs,<br />

comme ils étoient trop foibles. Se trop peu expérimentés, pour<br />

rien gagner, par la voie des Armes, contre une ReUgion auffi puif^<br />

fente, .6e auffi befliqueufe, que fétoient les Hofpitaliers, fls en<br />

furent très-mal menés, 6c perfécutés jufques dans les EgUfes mêmes;<br />

fiu tout dans celle du Saint-Sépulcre y où, felon GUIL- ^^55-<br />

LAUME de Tyr y on voïoit encore, de fon tems, fofpendues aux<br />

JMuraiUes de ce vénérable Temple, les flèdies que les Hof^taliers<br />

y avoient tirées contre Jes Eccléfiaftiques, pendant f Office<br />

Divin.<br />

Ces violences obUgèrent k Patriarche FULCHER, âgé de près<br />

de cent ans, de s'embarquer au commencement de l'année 1155*.<br />

avec les Archevêques de Tyr y Se de Céfarée y les Evêques de<br />

Sidon y de Ptolomaïde y de Tibériade y Se de Sébaftcy pour en<br />

afler porter leurs plaintes au Souverain Pontife. Mais, comme<br />

VItalie fe trouvoit alors encore plus agitée', que la Paleftine y<br />

Se que le Pape ADRIEN IV. qui avoit fuccédé à ANASTASE ,<br />

étoit également dans de grands embarras, par raport aux guerres,<br />

Se aux féditions, caufées par l'excommunication qu'fl avoit<br />

fulminée contre GUILLAUME Roi de Sicile y le Patriarche, Se les<br />

Prélats, n'eurent pas toute k fatisfàdion,qu'ils avoientefperée,<br />

contre les Hofpitaliers.<br />

Le Saint Père, entièrement occupé dçs troubles du SaintSié-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Xf4^ H I S T O IRE C F Kt^K^-h E<br />

ge, remit f examen de cettfe affaire à des Avocats ConfflloriauxJ<br />

qjii, après divers plaidoïers , Se conteftations, fe dédarèrent<br />

pour les Hofpitaliers ; foît qu'AoRiEN voulût maintenir ce que<br />

fes Prédéceffeurs avoient fait enTaveur de ces'CJ:ffivaUer&, ou<br />

que, félon le même Ardievêque de Tyr, le Pontife, Se le fecrè<br />

Collège euffent été gagnés par ks^granc^,préfens des ChevaUers ^<br />

on les confirma dans tous leurs Pri viléges. Immunités, 6e Exemp-^<br />

tions, pendant que k Patriarche, 6c les autres Prékts, furent<br />

contraints de s'en retourner, fans aucune liépar^ion des infuU<br />

tes qu'ils en avoient reçues r ,<br />

Cette mortification nç fut pas la feufe, que reçurent ces Ec-t<br />

défiailiques.. Ils eurent encore, en arrivant en Pakfiine y celle<br />

que leurs ennemis avoient confidérablement augmenté leurs ri^<br />

cheffes, 6c leur crédit, Se qu'ils rravaflloknt même à faire de<br />

nouvelles acquifitions ,^pour diminuer encore l'autorité, 6e les ré-*<br />

venus de leurs compétiteurs. ...<br />

¥^c'^ufe Cependant les Hofpitaliers y Se ks Templiers y qui entrete^<br />

Agypte, noient des étions chez tous ks Princes Infidèles du voifînage ^<br />

^r/e SQU- ^^Qj^gj^j- été informés, quele Soudan EBEIS, alors Gouverneur d'E-<br />

Et»eis. gypte y fous le CaUfe, fe moquant du refped, que les Peuples<br />

avoient pour ce Calife, qu'fls nommoient Idole dcSowoermny<br />

favoit njaffacré, Sse s'étoit emparé de fes immenfes tréfors, dans<br />

k deffein d'élever fur le Trône fon Fils Noferaàin; mais que le<br />

foulèvement du Peuple ne lui aïant pas donné k tems d'exécuter<br />

ce grand projet, fl avoit été contraint de s'enfuïr, avec toute<br />

fa famiUe, 6c fes richeffes, pour aller chercher un azile à<br />

Damas.<br />

Maffacre Les ChcvalUers profitèrent ^ à propos de ces avis, qu'ils fe<br />

au Soudan, . • • • .. i o J ,-i /v<br />

^prije de mirent en campagne, joignirent le Soudan, avant qu'il pût ar-<br />

>jorera- ^-^^^^ ^ DamaSy k maffacrèrent avec la plupart de fa fuite, à k<br />

prhsche- referve de Noferadiuy fon Ffls, qu'ils prirent vifs. Ils firent auffi<br />

rHôpUl^, un butin ineliimable; Les tréfors du Roi dEgypte y que ce,Sou*<br />

fempie. ^ cmpoitoit avcc Mr étokntj,fens contredit,ks plus grands,.<br />

kS'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


»L— ••<br />

DE JERUSALEM: Lir. IV. CH.IL îst<br />

îes iphiè riches, ôc les plus rares de tout VOrient, malgré les<br />

grandes révolutions, qui étoient arrivées.dans ce Roïaume; de<br />

forte -qu'fl n'eft pas furprenant, fi, après une avanture auffi extraordinaire<br />

, qu'heureufe, pour ks Ordres Mflitaires, fls cherchoient,<br />

avec tant d'avidité, à s'en emparer, pour s'agrandir.»<br />

EMPHROI de Thoron y Connétable de Jérufalem y étoit alor»<br />

Seigneur de Belline, 6c fe trouvoit continuellement inquiété par<br />

Noradin y depuis qu'il poffédoit la ViHe de Damas. EMPHROI,<br />

voulant fe foulager des groffes dépenfes, qu'fl étoit obligé de><br />

faire, pour entretenir la garnffon d'une Pkce fi expofée. Se<br />

pourvoir mieux à fa confervation, s'accommoda avec les Hofpi^'<br />

faliers, auxquels fl vendit la moitié de k Souveraineté, à condition<br />

qu'ils y enverroient inceffamment un bon nombre de Troupes,<br />

avec toutes les armes, 6cks munitions néceffaires.<br />

' Comme cette acquifîtkn faifok autant d'honneur aux HofpL<br />

faliers y qu'elle pouvoit kur devenir utile, RAIMOND de PODÏO,<br />

kur premier Maître , y envoïa proitttement plufîeurs de ces<br />

ChevaUers, bien accompagnés, pour en aUer prendre poffeffion.<br />

Se pour y conduire un grand convoi d'armes, 6c de munition©<br />

de guerre, Se de bouche. Cependant la vic humaine étant ordinairement<br />

entremêlée de bonheiu-, Se de difgraces, la fortune<br />

leur fut auffi contraire dans cette expédition, qu'elle kur avoit<br />

été favorable , dans cefle qu'fls avoient faite contre le Soudan iis


iS6 H I S T O I RE G F N & R A .L E<br />

^Jfit^ba- Chevaliers, 6c de Soldats, périrent dans cette fâcheufe rencont^'e j<br />

res fur les Se les Infidèks demeurèrent maîtres de tous les chariots, che*^<br />

li&iV^' vaux, chameaux, 6c bagages, qui compofoient ce convoi.<br />

Une fi grande perte dégoûta fî fort ks Hofpitaliers y qu'ap*<br />

préhendant d'en faire d'autres femblables,. s'ils entreprenoient<br />

de garder Belline, ils remirent à EMPHROI de THORON , la por-<br />

^ tion qu'il kur en avoit cédée, avee autant d'empreffement y<br />

qu'ils avoient eu d'ardeur à f acquérir. Ils s'excufèrent de ce<br />

qu'eUe étoit trop éloignée de kurs autres Châteaux, 6c dirent,.<br />

•qu'ils ne pouvoient,. fans tout rifquer, la fecourir dans les occafions<br />

, ni, par confequent, la conferver ; de manière que la démarche<br />

qu'avoit fait le Connétable, poiu k mettre à couvert ,,<br />

faflUt au contraire en avancer la perte.<br />

Bemn? ^^ ^^^^ 5 NORADIN , prévoïant la confternation, que la défaite<br />

iar Nora- dcs HofpitaHers caufei'oit aux habitans de Belline, alla d'abord,<br />

l'affiéger ;. Mais, comme k déplaifir, qu'ils en avoient reffenti y<br />

n'avoit point diminué leur courage, non feulement\fls repouffèrent<br />

fes premiers affauts, mais ils firent encore des forties,fi bien<br />

concertées, qu'ils lui tuèrent beaucoup de monde, Se lui firent<br />

connoître, qu'fl s'étoît fort trompé, en voulant les furprendre..<br />

Cependant, foit que ces heureux fuceès les rendiffent un peu<br />

trop téméraires, ou que leur ardeur les emportât trop, fls s'en^<br />

gagèrent dans une nouveUe fortk vers k Camp ennemi, Se s'avancèrent<br />

fi loin, qu'ils ne purent plus régagner leur Ville. En^<br />

ce defordre , îls furent fi vivement pourfuivis des Infidèles, qu'fl<br />

leur fut impoffible d'empêcher,, que plufieurs n'y entraffent, pè-,<br />

k, mêle, avec eux..<br />

h!ft,i^ NORADIN, qui favoit parfaitement profiter de tous les avanta*<br />

fjf"T S^> s'avança promtement avec le gros de fon armée, 6c fouf^g^<br />

tint fi bien ceux des fiens, qui y étoient déjà- entrés, que k ,<br />

Ville fut bientôt remplie de maffacres , Se les Peuples fi effrayés<br />

de ce changement de fortune inopiné, qu'au lieu de fe défendre,,<br />

fls ne foogèrent qu'à fuivre,avec précipitation k Connétable,<br />

'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. IV. CH. H. ist<br />

l)le,6c fon Fils, qui s'étoient retirés dans k Château, dès qu'ik<br />

reconnurent le danger inévitable de la Vflle. En effet, efle ne<br />

tarda pas à fe trouver remplie entièrement d Infidèks, kfquels<br />

pafferent au fïl de l'épée tous ks habitans, qu'ils purent- at-^<br />

traper.<br />

Ils commencèrent enfuite à battre le Château, avec tant de j^^^s ^y^<br />

fureur, Se de viofence, que, malgré fes munitions, 6e fa vi- ^''<br />

goureufe défenfe, fl lui auroit été impoffible de foutenk long^<br />

tems ks affauts continuels de NORADIN, fans la marche forcée,<br />

que fit le Roi BAUDOUIN, pour fecourir cette Place. Ce Prînce<br />

Infidèle fut olfligé à lever k fiége, dès qu'il fut informé de farrivée<br />

de BAUDOUIN. En fe retirant, fl mit lé feu aux maffons,<br />

en attendant quelque occafion plus favOTabk, pour emporter une<br />

Place, dont fl avpit déjà fi fouvent tenté la conquête ; 6e le Roi,<br />

fans autre peine, que celle de voir la défoktion de cette malrheureufe<br />

vilk, y entra pour confoler le Connétabk, 6c fes SU'<br />

jets ; 6c, pour la remettre en état de rendre, à l'avenir, inutiles<br />

les tentatives des Infidèles', îl emploïa toute fon armée à k réparer.<br />

Mais, en agiffant fi généreufement pour favantage du Connétable,<br />

BAUDOUIN manqua de précaution pour lui-même. Se fe<br />

rnit dans un embarras, 6c dans un danger, dont il eut bien de<br />

k peine à fe tirer. Se qui coûta même la vîe à plufieurs des plus<br />

braves de fon armée, Se la liberté aux plus confidérables ;. car<br />

aïant kiffé fon Infanterie à Belline, pour en achever ks fortifications<br />

, 6c y fervir de garnifon , îl s'en retourna avec fa feule<br />

Cavalerie, qu'fl laiffa marcher avec fi peu d'ordre, 6c de difcipUne,<br />

qu'il paroiffoit avoir entièrement oublié k circonfpedion ^<br />

avec laquelle il s'étoit toujours conduit, 6e k vigflance de f enr<br />

nemi, qu'fl avoit à rédouter.<br />

NORADIN, plus avifé, que lui, ne négligea pas une fi beUe<br />

occafion. Au lieu de gagner Damas y où le Roi croïoit, qu'il<br />

s'étoit retiré, il traverfe fî promtement, 6c fi fecrettement le<br />

y ^ Jour^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


jS^ H ï s TOIRE G Ë'^ E'R A L E<br />

ysardén*, à Ferii^dt, nommé k Guéàe j'oeûby qu'fl furprit^<br />

6c attaqua la Cavalerie Chrétienne, avec tant davantage, qu'il<br />

ne fut point poffibk à ce !l^ince de réunir fes Efcadrons, pour<br />

lui faire tête. l.esSm'rafi/ns]^ enfoncèrent, fans pourtant en<br />

faire un grand maffacre, chacun aïant d'abord cherché fon falut<br />

dans la fuite. Qtiantité des plus liàrdis y périrent. BERTRAND<br />

de BLANGHEFORT , Maitre des Templiers ; OTHO-N , de S.<br />

AMAND, Maréchal de Jjérufalem ; k vafllant HUGUES d'iBE-<br />

UN ; JEAN GRORIOND ; BGUAR de JAPFA ; BALIAN , fon Frère,<br />

^'-plufîeurs autres des principaux Seigrieftrs de U Paleftin<br />

ne y furent farts prifonniers. Ce ne fut que pat un coup<br />

du Ciel, 6e par la vigueur dun excellent cheval , que<br />

le Roi évita un femblabk fort. H gagna le Château de Sa^<br />

fifety d'où fl fe rendit, peu de fours après, à Ptoltmarde y<br />

avec ceux, qui, comme lui, avoient eu le bonheur d'éviter Mmort,<br />

ou f efekvage. '1<br />

La prefence de ce Prince raffura, 6c confok, en quelque<br />

manière, les habitans de cette Place , de la douleur , qu'ils^<br />

avoîent reffentie , en apprenant fa défaite. Comme il étoit.<br />

entrèmement aimé des Peuples, chacun^empreffoit à lui témoigner<br />

fa fatisfàdion de k voir déUvré dun fî grand pérfl,<br />

lorfqu'il fe trouva dans la dure néceffitê de s'y expofer<br />

de nouveaiL<br />

Article IL Le Soudan de Damas, enflé du grand avantage, qu'fl ve-<br />

^e de Bel- noit de remporter, 6c fktté par fefpérance de s'emparer faciïè'smdan<br />

iemtnt de BclUne ydoHt fl fupofa,que le^ murailles ne feroient<br />

^éDamas, poinè^ eucore réparées, retourna d'aborcf devant cette Place^<br />

avec un gros Renfort de Troupes, qu'il avoit fait venir de<br />

Damas y Se qui avoit confîdéraMêment augmenté fon Armée:,<br />

il récommença fes attaques., avec f^us d'ardeur, qu'auparavant.<br />

Le Roi, qui n'avoit pas une moindre paffioh deconle*rver<br />

cette Ville, que ' le Soudan de s'en rendre Maitre, em<br />

ydia promptement avertir k Prince d Antbche y Se k Comte<br />

de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Uv. IV. Cn. ÏI. rj$<br />

dé Tripoli y de .joindre leurs Troupes, pendant qu'il affembkfroit<br />

les fîennes, 6c de venir à fon fecours. . .<br />

Il fe mit en marche, accompagné de ces deux Princes, Se<br />

des Ordres MiUtaires, Se afla fe camper, près de Chateauneuf y<br />

fur une hauteur, appeflée Neuve-Garde y d'où ,fl découvrgit à<br />

plein le camp ennemi, duquel fl pouvoit égakment être vu. Le<br />

peu de Cavalerie, qui reftoit à BAUDOUIN, ne lui permettoit pas<br />

de fe trop avancer, crainte de quelque nouvefle difgrace, qui<br />

fauroit mis entièrement iiors d'état de pouvoir rien entreprendre.<br />

Cependant, foit que NORADIN, qui s'étoit imaginé, qu'a^ ^b "^i^^ni<br />

près k déroute, qu'il lui avoit caufée, près du Gué de Jacob,<br />

fl ne feroit de long-tems en état de fe mettre en Campagne,<br />

fût étonné de fon approciie, ou qu'fl ne voulût point rifquer,<br />

par l'incertitude d'une bataille, les avantages, qu'fl avoit remportés,<br />

quoiqu'fl eût déjà fait des brèches aux murailles. Se<br />

réduit la Garnifon, Se les habîtans à fextrémité, fl abandonna<br />

de nouveau le fîége y Se s'en retourna dans fes Etats.. Tant<br />

k manière de faire la guerre en ce tems-là étoit différente de<br />

celle d'aujourd'hui, où lès allées, Se les venues infrudueufès,<br />

du Roi-, 6c de NORADIN, feroient regardées,, comme lâches,6t<br />

efféminées.- .- >,<br />

Le Roi de Jérufalem2 fatisfàit d'avoir obUgé NORADIN, à:<br />

abandonner le fîége, fans tirer l'épée, reprit le chemin de fa<br />

Capitale, où il s'apliqua d'abord à réparer fe- Cavalerie, pour fe<br />

mettre en état d'agir avec plus de vigueur, lors que f occafîon<br />

s'en préfenteroit. Il eut le tems de fexécuter, en tranquflité ,<br />

par la maladie, qui furvint à NORADIN, après la dernière affaire<br />

de Belline: Ce Barbare, après avoîr quelque tems langui à<br />

Damas y s'étoit fait tranfporter à Alep y dans l'efpérance que cet<br />

air épuré lui feroit avantageux.<br />

La longue infirmité de ce Soudan, jointe à farrivée en Paleftine<br />

de T H E'O D o RI c, Comte de Flandres , qui mit pié<br />

à terre à Ba^'uty avec bon nombre de Troupes fort leftes. Se<br />

bien^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ï6o HISTOIRE G E' N E' R A L^ E<br />

bkn pourvues, engagea k Roi à fortir dabord, avec toute foii<br />

Armée, pour afler rencontrer ce Comte. Après les accueils, 6c les<br />

civflités, ordinaires, fls partirent enfemble pour Antioche y d'où<br />

BAUDOUIN envoïa preffer les Ordres MiUtaires de venir le joinr<br />

dre, 6c foflicita, en même-tems, THOROS , Prince d Arménie, de<br />

vouloir unir fes Forces aux leurs, afin de ne point perdre une<br />

Nouvelle Qccafion fi favorabk de faire quelque entreprife d'importance fur<br />

mitre ks fes InfidèkS.<br />

Infidèles. TiiOROS, qui ne k défîroît pas avec moins d'ardeur, fe rendit<br />

lui-même avee fes Troupes à Antioche y pù le Comte de<br />

Tripoli y ks Chevaliers de V Hôpital y Se du Temple y étoient<br />

déjà arrivés. D'un commun confentement ils aUèrent affiéger k<br />

Ville de Céfarety que quelques-uns, nomment G E'S A R E'E, Pkr<br />

^c fxif^ede ce fort coufidérable fur le Fleuve Oronte, appelle aujourd'hui Tarr<br />

fut m wn-fac y qui traverfe k ViUe dAntioche. Ils fe fervirent fî utilement<br />

xe^ûMTar-^çg machînes,qu'fls avoient fait conftruire pour la battre, qu'en<br />

peu de jours ils fracaffèrent les muraifles, 6c s'en rendirent les<br />

Maîtres ; Mais elle avoit un fort Château, où la plupart des<br />

habitans fe retirèrent. Les Chrétiens fe difpofoient à l'attaquer,<br />

lorfque le même malheur, qui avoit accompagné toutes leurs en?<br />

treprifes, fit encore'échouer celle-ci.<br />

Soit par prédiledion, ou autrement, le Roi déclara dans un<br />

CJonfefl, que, pour conferver la Ville, dont on venoit de s'emr<br />

parer, fl n'y avoit pas de meifleur moïen que de la remettre au<br />

Comte de Flandres, comme plus en état de k maintenir.<br />

^Jf/l^^,RAIMOND de CHATILLON, qui, à'caufe de fon mariage avec la<br />

le Château. Princcffc CoNSi^ANCE, gouvemoit alors la Principauté dAntioche<br />

y ne s'oppofe pas ouvertement à la propofition de BAUDOUIN ;<br />

mais il fit comprendre, que celui qui pofféderoit Céfarée y feroit<br />

obUgé d'en faire hommage. Se de prêter ferment de fir<br />

délité, au jeune* BoéMOND, fon Beau-Fils, légitime héritier<br />

de la Prmcipauté", dont cette Vflle dépendoit.<br />

i' Le Comte de Flandres y qui ne vouloit reconnoitre daur<br />

tre<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


t)E JE'RUSALEM. Lir. fV. CH. n. i6i<br />

tre fupérieur, que k Roi, méprifa k propofîtion de RAI-<br />

>iavD. Et les autres Seigneurs de l'armée, foît par" jaloufîe,<br />

ou par d'autres motffs, prenant tous part à ce démêlé, ks<br />

uns pour, .les autres contre, fe dégoûtèrent teflement ks uns<br />

les autres, qu'au Ueu de s'attacher férieufement à réduire k<br />

Cliâteau, comme ils fauroient pu facilement, fls fe débandèrent<br />

peu, à peu, 6e s'en retournèrent k Antioche. Ainfî, par une<br />

conduite auffi indigne, que honteufe, fls firent évanouïr toutes<br />

les efpérances, que les Chrétiens avoient conçues de leur union,<br />

Se de leur entreprife, IjtqueUe n'aboutit enfin, qffà la prffe d'un<br />

petit Château, que les Infidèles poffédoient à quatre lieues d'^«tioche,Se<br />

dont les Citoïens incommodoient très-fouvent les Boiuj'<br />

geois de cctte ViUe, 6e ceux de la Campagne.<br />

Voik comment les dflpofitions ks plus favorables. Se k plu- Rtjjexien<br />

part des fecours de Vfyrope de-venoient inutiles ^ux Chrétiens de ^''''"*^'<br />

h Tçrre-Sainte. Il n'eft donc pas furprenant, que les Infidèles<br />

les aïent enfin chaflés d'un Pays, où les paffions, les intérêts,<br />

^c la jaloufie, triomphoient également,.6c où, par une politique<br />

inconcevable, les Souverains fe dépouiflèrent de leurs Vifles, 6c '<br />

de leurs Châteaux ,pour en gratifier des perfonnes, dans des vues<br />

particuUères, ce qui leur faifoit très^fouvent des ennemis plus<br />

redoutables, que les Barbares mêmes. D'aifleurs, ils ne recevoient<br />

de ces perfonnes aucun fecours, fî non, lorfque leurs Ennemis<br />

communs attaquoient quelque endroit, qui ks intéreffoit<br />

tous, Se rarement, lorfqu'fl faloit les attaquer fur leurs propres<br />

terres; fatalité que je Roi BAUDOUIN, Se fes Prédéceffeurs, n'éprouvèrent<br />

que trop fouveat, fans y pouvoir remédier.<br />

Dès que ce Prince, le Comte de Flandres, Se les Ordres Mi- ^ffi


i6^*i H I S T 0.1 R E G F N E' R A L E<br />

fétoit allé affiéger, dès qu'fl fot relevé.de fa maladie. Ilauroir<br />

même réduit les affiégés à fe rendre ,^'fls n'étoient fecourus dans<br />

dix jours. L'armée du Roi aïanÇ paru, avant ce terme, kSou-<br />

Difaite de djin quitta k fiége, pour l'aUer affronter dans k^Plaipe de Puthua<br />

y où il engagea d'abord une bataifle, qui lui fut très-funefte;<br />

puifque k meilleure partie, de fon armée fut taillée en pië-*<br />

ces, 6c fautre obUgée de fe fauver en grand defordre.<br />

Gc Prince Infidèle y qui étoit plus accoutumé à vaincre, qu'ai<br />

être vaincu, fut fi déconcerté de la défaite de fes Troupes, que,<br />

fi le Roi eût été fecondé par les Seigneurs de la Paleftine y qu'fls<br />

avoit inutilement foflicités de le venir joindre, fa Vidoire aurait<br />

été des plus compkttes ; mais, comme les Barons n'étoient<br />

pas fort exads à fuivre fes ordres, 6c qu'fl n'ofoit'trop entreprendre<br />

avecies feules Troupes ; tout l'avantage, qu'fl reiÈfpor—<br />

ta dans cette grande journée, fut,, qu'fl délivra-le Fort de Sué—<br />

Suétideii- fay Se fit ceffen,, pour quelque tems,,k bruit de k guerre, dànS*<br />

fes Etats. i<br />

J^ïaîf^ ^^ fut, pendant: cette tranquiUté, que BAUDOUIN termina^douin,<br />

fôn mariage, qui avoit été traité quelque tems auparavant, avec<br />

doTeCom- T H E'O D o R E C o M NE NE,. Filk de f Empereur de Co^flàntinonène,<br />

F;7 p/^; Gettc Princeffe fut conduite à JérufalemA La cérémonie de •<br />

p_^^re%r de feurs nôccs .fot" célébrée, avec d'autant plus de pompe, 6c de<br />

Bopief"'^ magnificence, que k bruit-de la guerre y avoit entièrement ces-'fé,<br />

6c que chacun s'abandonnoit, fans crainte, à la joie, 6c auplaifir.<br />

de voir la fatisfàdion de leurs Souverains.<br />

II59- Ces Réjouiffances durèrent même affez long-temB. Oh ne fait*<br />

pour quefle raffon l'Empereur EMAN cet S'étoit rendu kAntiochey.<br />

Les uns attribuèrent le voïage dé ce Monarque à quelques affaires<br />

fécrettes, qu'fl vouloit traiter perfonnellèment avec le RoL-<br />

Les autres conjedurerent, que c'étoit par raport à la fatisfac*<br />

tion, qu'fl avoit de vifîter la Reine fa Nièce. Qiioiqu'fl en foit,-.<br />

toute la Cour de Jérufalem fe rendit k Antioche y où les divertiffemens<br />

recommencèrent avec.encore plus d'éclat, que dans la-<br />

Capi-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


h% JERUSALEM. LmTV. CH. t 163<br />

Capitale. On y inventoit tous ks jours difîérens fpeâacles j<br />

pour amufer agréâbkment ces Princes, pendant que les Infidèles<br />

fe faifoient k guerre entre eux, 6c ne penfbknt qu'à s'entre-dé- '<br />

truire; ce qui rendoit plus fenfibks les pkifirs de k Cour, Se<br />

des Peuples, qui, par la continuation de la difcorde de ces Barbares<br />

y demeurèrent auffi, pendant quelques années, dans une<br />

profonde paix ; Au lieu qu'ils auroient dû profiter de la difcorde<br />

de leurs Ennemis, 6crfe fervir de cette occafion pour rétabUr<br />

kurs affaires.<br />

NORADIN s'étoit fî fortement iicharné contre k Soudan dIco- ^i**niumy<br />

qu'il emploïoit toutes fes forces, 6c toute fon induftrie,<br />

pour fe dédommager, fur luî, de la honte,' Se de la perte, qu'il<br />

avoit requë k Puthua. Il eft vrai, que le Roî BAUDOUIN, quoique<br />

hdUqueux, ^ entreprenant, apparemment fatisfàit de ce<br />

qu'on le laiffoit en repos, ne fit alors aucune tentative , p©ur<br />

profiter des embarras, oùfe trouvok fes Ennemis; foit qffil fe<br />

fût un peu trop abandonné aux piaifirs, qui avoient fuivi fon<br />

mariage, ou qù'fl voulût kiffer jouir tranquflement fes Si^ets, de<br />

ce tems paifible, pour fe refaire du paffé.<br />

Les Templiers y que f avarice, 6c la cupidité dominoient, 6c^*''»»«»auxquels<br />

ce tems de paix, 6c de tranquflité, ne xîonvenoit point, xem- *^<br />

parce qu'fls ne faifoient plus, ni courfes, ni butins, pour s'in-P^^"**<br />

demnffer de ne qu'ils avoknt manqué de gagner,firent alors une<br />

adion liien indigne de leur profeffion. Se qui fit extrêmement<br />

crier le Prince, 6c tous les Chrétiens.<br />

NosERADïN, Ffls du Soudan EBEYS , que ces Chevaiiers avoîent<br />

•pris, en s'enfuïant dEgypte à Damas, étoit im jeune Seigneur<br />

de beaucoup d'efprit.Il apprit,pendant fa captivité, à parler,lire.<br />

Se écrire la langue Latine; 6e, après avoir été inftruit des<br />

vérités de la Religion Chrétienne y û demanda à être bâtffé;<br />

Mais les Templiers furent affez cruels, Se inhumains, pour k<br />

vsendre aux Egyptiens y qui le recherchoient, pour fe vanger,<br />

fur lui 3 de f adion crimineik, que fon Père avoît fàke, 6c de k<br />

X s fedi.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


î6^ H I S T O I R E G E' N E' R AiL E<br />

fédition qu'fl avoît caufée dans Içur Roïaume, voulant fe défrvrer,<br />

difoient-fls, de la crainte qu'ils avoient,* que ce jeune Seigneur<br />

, qui avoit fefprit entreprenant, n'introduifît un jour quelques<br />

Ennemis dans kur Pays, capables d'y caufer de nouvefles<br />


^ 1» JE'RUSALEM. Lïv. FV. CH. III. i6î<br />

posèrent d'attaquer le Roïaume de Jérufalem y afin de profiter<br />

de la confternation que fa perte caufoit à fes Sujets, il fut fi généreux,<br />

qu'fl leur rq>ondjt, que leur affiidion étoit trop jufte,<br />

pour vouloir en tirer avantage, puifqu'fls pkuroient la mort dun Eloges de<br />

Souverain, qui les avoit gouvernés avee tant de douceur. Se dt fa^joTln^<br />

bonté, Se dont ik ne trouveroient jamais d'égal, dans le refte «*«'"•<br />

du monde. Rare exemple de modération dans un Barbare,qui,<br />

malgré fon ambition. Se fon défîr de conquérir, préféroit à fes<br />

propres intérêts k déférence, qu'il avoit pour le mérité 6c la<br />

vertu de ce grand Prince. Son Corps fut tran^:f«rté à Jérufa^<br />

km y Se inhumé dans f Eglife du St. Sépulcre, à côté de fes Prédéceffeurs.<br />

Les pleurs, 6c les regrets, furent beaucoup plus<br />

grands, que k pompe de fes funéraiîks.<br />

Comme fl ne laiffa point d'enfans de THEODORA-, fon Epou- ^Jff^*?^<br />

fe, ALME'RIC, Comte de JAFFA ,fon Frère ,^ prit d'abord l'admî-A>i fv^r<br />

nîftration du Gouvernement. Il fut, peu de jours après, fo-^" °"^^<br />

kmneflement couronné, dans le même Temple, où il reçut le<br />

ferment de fidéUté de tous les Ordres du* Roïaume/ La- Reine<br />

THEODORA COMNE'NE fe retira à Ptolomaïde, d'où Elle fut enle- ^"'^5'<br />

. • myrit de<br />

véè, quelques mois après, par ANDRONIC GOMNE'NE , fon Pa- Théodore<br />

rent, fcélérat fi connu dans f Hiftoire , tant par fes grandes J'a^Andî'o-'<br />

cruautés, que pour avoir ufurpé l'Empire fur ALEXIS II. fon Petit- "'


^^ H I S T O I R E G E' N E' R A L W<br />

pes vivoient, depuis quelques années, ne ks ramolît a<br />

Se ne les mît hors d'état de faire tête aux Infidèles,<br />

lorfque l'occafion s'en pref^teroit, réfolut, peu après fon<br />

courqnnement, de pqrter la guerre en Egypte, Il eSp^<br />

roit de fair^ plus de progrès, que fur NORADIN, contre lequel<br />

toute la valeur 4» Roi) fon Frère, avoit échooé. Il a^<br />

fembla, pom cet (^ffét, tous ks forces du Roïaume: 11 fit de<br />

nouvefles levées; Se y d^ k Mois de Septenibrc de la meaaae<br />

An^îée , accompagt^é des Qi^ea de VHopital, 6c du Temple<br />

y fl partit pour aU^r exécuter fon pro^t ; mais if ne put<br />

traverfer le Péfert, ^i féparé VEgypte de k Paleftine ,f2aas<br />

que lè Calife fût infqrnfié de fa marche , Se de fes deffeins.<br />

Tentative C'eft pourquoî ALME'RIC trouva une Armée ii conabattr^a<br />

tic Mie. avant qu'il pût fortir des fables 4u Défert..<br />

En effet, quelques lâches, 6ç, efiféminés que fiflfent ks GÎ^<br />

•y-\ lifes y celui qui regnoit alors fit fî promtement mettre en<br />

campagne DRAGAN , fon Soudan, à la tête d'une puiffant©' Armée,<br />

qu'fl af&onta les Cfe:^//V«i, vers k moitié du chemin,<br />

ils en vinrent d'abord aux mains,,6c engagèrapÉ la batailk,<br />

dans kquelle, m^^ré l'inadion où les CWi^m^. vivoient depuis<br />

fî long-tems, fls s'aquitèrent fî bien de leur devoir,<br />

jqu'fl fut impoffible ?LUX Egyptiens de leur., réfifter , 6c qu'après<br />

quelques heures d'un combat, auffi fanglant,qffopiniâtre,<br />

ils furent conla-aints de leur céder le Champ de bataflle, 6c<br />

.de fe retu^, avec autant de perte, que de confufion. Les<br />

Sarrafins gagnèrent la Vflk de Belbeis y ou Pluriemy fîtuéeà<br />

f entrée^ de VEgypte y dans Iaquelk DRAGAN, ne s'y croïant<br />

pas encore en fureté, fit d'abord couper les digues, qui retiennent<br />

le bras dv NHy qui fe d^harge près de cette Vilk,<br />

ajin d'inQB4er ks campagnes , 6c dempecher ks Chré^<br />

tiens de s'avancer dans le Pays.<br />

fÉ'^^r A L M ^'R IC, de fon côté, f^t bien aife de borner dors fa Vic-<br />

Aimirir toire ^u gaÎQ de k toaille , 6c de tout le bagage des Egyp^<br />

fiens 9<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


B* JÉ'RtJiSALEM: Ur.t^. Calîl. »«#<br />

tiens y dont il fit grand nombre de prifonnfers , qu'il èm- -^ ^<br />

mena à JérufalerHy très-fatisfait du foccès de Cette ^irémiète<br />

tentative. .<br />

Mais-, fi,- dans cette occafion, k Soudan en fot quite à fîbon<br />

marcliéj parce que lès Chrétiens ne prirent pohît pié en<br />

J^yptey fl eut bientôt à combatre un ennemi plus dangereux,'<br />

Se irréconcfliable. SANNAR,;que DRAGAN avoit eu l'adreffe, quel-^^^J^^J^;<br />

que tems auparavant, de chaffer du pofte de Soudan y pour fe fiance ck<br />

faproprier lui-même, s'étoit retiré à Damas y rempU de haine, ^®'**^'<br />

Se ne refpirartt que vangôànee. Par préfens , ou par fkteries,<br />

il s'étoit fi bien infinué dans les bonnes graèès-'de NORADIN,<br />

qu'fl le porta enfin à lui accorder l'affiftance néceTFaire, pour tirer<br />

raifon de l'afront'qu'il avoît reçu dt fon Concurrent, 6cpour<br />

rentrer dans la dignité qu'fl lui avoit ufurpée. "<br />

NORADIN, dont la foff dé;s'agrandh^ étoit înfàtîablé, en en-' -<br />

voïant une Armée en Egyptéy pour*foutenir SANNAR', penfoit'<br />

beaucoup'plus à fes propres intérêts, ^ qtfau rétabliffement de ce '<br />

Soudan, 6e comptoit de profiter de la difcorde de ces deux Ri-vaux,<br />

pour joindre ce beau, Se fertile, Roïaume aux grandes<br />

Provinces, qu'il avoit déjà conquifes en Syrie y Se dans h Méfopôtamity<br />

même jufques dans la Sycaônie, où, après avoir défkir<br />

Vé Soudan dleotiium en bataifle rangée, fl'S'étoit emparé de la'<br />

meilleure partie de fes Etats.<br />

Le prudent NORADIN choifit, entre fes plus affidés, SYR'ACON ,<br />

auquel il confia ce grand fecret. Celui-ci étoit un Efclave, qui,<br />

avec fon Frère NOGERADÎN,-étôit entré dans la confidence de<br />

fon Maître. Ce Soudan^ ?i'^o\t préféré ces deux Efcla\iés aux<br />

principaux de fe Cour, 6c rerriis au premier lé Commandement'<br />

de fes Armées, Se à fautre lé Gouvernement du Roïaume de"<br />

Damas ; de hrte que SYRACON , bien inftruit des fentimens de fon<br />

Souverain, affembla une puiffante Armée, avec laquelle, accompagné<br />

de SANNAR, qui devoit aider à le conduire en Egypte y<br />

il marcha vers ce Roïaume.<br />

Cepen-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4^8 H I ST O I R E G Ê'N E'R A,L E<br />

''Dragln, Cependant, comme flavoit falu du tems à SANNAR, pour<br />

Soudan * obtenir cette affiftance, de même qu'à SYRACON, pour faire ks<br />

uS^' préparatifs néceffaires; DRAGAN,' qiû^ne joùiffoit pas trànquilement<br />

de fon Emploi,craignant toujours, que c-élui qu'fl en ayoit<br />

' dépoffedé n'entreprit de fen chaffer à fon tour, aïa^t été informé<br />

de forage qui le menaçoit, de la'quantité d'ennemis qui alloient<br />

lui tornber fur les bras, 6c du peu de moïens qu'il avoit<br />

de kur réfifter, par raport à .k perte, qu'fl avoit faite de fes<br />

meflleures Troupes, dans la Bataifle du Défert, s'avifa de recourir<br />

aux mêmes Ennemis qui favoient défait, pour tâcher de<br />

fe délivrer des autres. «;!-'<br />

11 .dépêcha promten^nt,des Aïnbaffadeurs au Roi ApiE'Ric,<br />

auqud il,fit de très-grandes offres, à condition qu'il falfifteroit<br />

dans ee preffant befoin, s'engageant de fon côté, à luî rendre<br />

. les fraix de l'armement, 6e à lui payer tous les ans un tribut<br />

confîdérable. ALME'RIC, dont les belles quaUtés étoient affejt<br />

mélangées de défauts. Se fur tout d'une avarice fordide , qui<br />

lm fit commettre bien des fautes, pendant fon Règne, ébloui<br />

d'ailleurs par les offres de DRAGAN, principalement au fujct du<br />

tribut, qui affujettiffok le Roïaume d'Egypte à celui de Jérufa-<br />

Içniy accepta fes offres. Se fe mit, fans balancer, en campa,<br />

gne, avec les Ordres MiUtaires, 6c toutes leurs Troupes, faifent<br />

tous leurs efforts pour traverfer le Défert, avant que SAN^<br />

NAR, Se SYRACON, puffent parvenir aux Confins dEgypte^<br />

"êiS^tra- ^^^^ ^ P^^ malheur pour DRAGAN, fArmée de Nt) RADIN<br />

iSfon. avoit trop devancé celle^s Chrétiens; de forte que, pour lui<br />

difputer l'entrée dans le Pays, fl fut contraint de lui livrer bataflle<br />

avec ks feules Troupes Egyptiennes , qui la foutinrent affe%<br />

bien; mais ce Soudan y fut tué, par la trahifon d'un 3e fes<br />

propres Officiers ; qui peut être en avoit reçu quelque mécon»<br />

Sannar tentement, ou avoit été corrompu par fes Ennemis. SANNAR,<br />

rentre t/ans • n * . o , -riî-ti r. r^<br />

jf4n Gcu- yiUorieux, .s'avança jufqu'aux Poftes du Caire, fit maffacrer tous<br />

wrnemnt. ÇQ^ ç^^r^^ foupçonna pouvoir nuire à fon deffein, 6c rentra dans<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. Liv. I^; CH. IH. . 16^<br />

le 'pofte de Soudan. Le Calife, toûjotirs enfermé dans fon foperbe<br />

Palais, Se auquel on cachoit le rifque que couroient fes propres<br />

Etats, par les qiereUes particuUères, qui y attiroient des Ennemis<br />

capables de les envaliir, paroiffoit indifférent lequeL de<br />

fes Sujets occuperoit ce Pofte, pourvu qu'fl ne fût point troublé<br />

dans fes plaifîrs y qui f attiachoient entièrement.<br />

La joie que reffentoit SANNAR , d'être enfm rentré dans le<br />

Gouvernement d'un Roïaume, auffi confîdérable que VEgypte, Se<br />

dont k perte lui avoit été fî fenfîble, fe trouva extrêmement diminuée.<br />

Il ne pouvoit alors ^ qtfavec beaucoup dc peine, éloigner<br />

SYRACON, qui lui devenoît d'autant plus à charge, après fon rétabliffement<br />

, qu'il favoit ,'que le fervice qu'il venoit de lui rendre<br />

étoît intéreffé, Se qu'fl auroit infailliblement de fàcheufes fuites.<br />

En effet,SYRACON, ceffant d'agir en ami, 6cne penfantplus Syracon<br />

qu'à exécuter les ordres du Soudan fon Maître, s'empara de kpffium.*<br />

Ville de Pélufiumy Place forte, de grande importance, 6c qui<br />

étoit comme la Clef du Roïaume, du côté de la Paleftine, Il<br />

publia même ouvertement la réfolution qu'fl avoit prffe, des'emparei*<br />

de tout le Roïaume.<br />

SANNAR n'avoit point affez de forces, pour fen chaffer. Sui- Amiaffavant<br />

les traces de fon Prédéceffeur, fl envoïa promtement desp^'^Hr.Jar<br />

Ambaffadeurs au Roi de Jérufalem y qui, fur l'avis de la niort |^j""".^<br />

de celui qu'fl alloit fecourir, s'étoit arrêté dans le. Défert, 6c<br />

engagea ce Prince à luî accorder la même affiftance, par l'offre<br />

5 qu'îl lui fit de ratifier toutes les Conditions qu'fl avoit faites<br />

avec DRAGAN ; Se outre cela, de lui faire un Préfent, dont<br />

il auroit Ueu d'être fatisfàit. > *<br />

A L M E'R i c, qui ne vouloît point perdre le fruit, qu'fl s'étoit JrtîckiiL<br />

propofe de tirer de fon Expédition, n'héfita point à renouvefler<br />

k Traité, qu'il avoit fait avec fon Prédéceffeur, Se fe mit d'abord<br />

en marche, pour aller joindre SANNAR, aux Confins de<br />

P Egypte y dans la réfolution de chaffer SYRACON de la Vflle qu'fl<br />

avoit occupée, avant qu'fl eût le tems de fe munir de provifions.<br />

y En<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


iro H I s T Q î R E ,,G E' N E' R A L E<br />

• >><br />

En effet, k dificulté qu'fl eut d'en trouver d^ns un Pays ennemi,<br />

k promt fiége qu'fl eut à foutenir. Se la quantité de monde<br />

qu'fl avpit à nourrir; tout cek fit, qu'fl fe trouva, en peu de<br />

teuis, affamé. Il fut obligé de capituler, 6e.de rendre; k Vilk,<br />

pour s'en retourner à D^wâiJ. , ' .<br />

dff^Nola- Pendant qu'A L M E'R I c forçoit ks Tr.oùpes de N OR A DIN H<br />

din/wr fe défifter de kur Entreprife fur VEgypte, ce Prince Infidèle ypxo-<br />

''^^'' fitant de fon abfence, & voulant fe vanger du fëeours qu'fl avoit<br />

donné à fç» Enneiïvis, a'avapça, avec un Corps d'Année, aux<br />

environs de Tripli, dans le deffein de fe jetter fur cette Viflé,<br />

04 fur quelque autre du voifinage, mou)S fortc,6e moins pour-,<br />

vue. Comme Jf cherchoit plutôt à furprendre, qu'à attaquer àim<br />

les formes ; Se que, tout habilp Capitaine qu'fl fût, il ne laiffoit<br />

pas que de faire des fautes,en attendant quelque occafion favorable,<br />

ileut l'imprudence de camper dans les Campagnes de jBoaaè^, avec<br />

auffi peu de précaution, que s'fl avoit été for fea propres;terres;<br />

comme fî f éloignement du Roi eût dû empêdiet ka autres Seigneurs<br />

du Pays de réprimer fe préfomption.<br />

Il reconnut bientôt, que le danger u'eft jamais^ pks voifîn ^<br />

que lorfqU'on s'en défie le moins. GEOFFRQI MARTEL,Frère du<br />

Xomte d Angoulême y 6e le vieux HUGUES, de LUZIGNAN, fur-<br />

'* nommé le Brun, accompagnés de divers autres Seigneurs i^r^fffffiSySe<br />

d'ime bonne fuite,de gens de guerre,fè trouvoient alc«rs<br />

à Jbtmhe, de retour de leur Pékrinage de Jérufàkm. Ces<br />

Seigneurs, informées par quelques ChevaUers du T(?a!/^Z?, 6c de<br />

VHépitaly qui faifoient leur réfidence en cette Ville, de là négligence<br />

de NORADIN , 6^*de la befle occafion qui fe pȎfcntoit dc<br />

ViBoires^ reuikei fervicc à l'Etat i 6c d'acquérir de k gloire;, guidés par<br />

Us.remper- GCs mêmcs Chevaliers; vers le Camp Sarrafin y faffaiiliîent penr<br />

Noridin ^^^^ ^^ nuit,avec tant dfe cQurage, Se de réfoktioiî, que,malpardssSd-gY^<br />

ïînégaUté de leurs forces, ils en firent un grand carnage ,<br />

françois. avaut même que kur Chef fût en état de s'y oppofer, fe trou^<br />

vant alors, comme k plupart de fon Amiée^enfévelt dans ua<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DR JE'RUS ALE W LIV. IV. Cô. HI. x^i<br />

profond fommeil ; de forte que, dans cette étrângâiconfufîon, NO­<br />

RADIN fut prefque le feul qui fe fauva fur une Jument, même à<br />

demi nud, 6c fans armes, tout k refte «des gens aïant été faits<br />

prifonniers, ou péri par le fer des Chrétiens.<br />

Outre k gloire qu'fls acquirent, d'avoir défait un auffi grand<br />

Capitaine que NORADIN, ils eurent encore favantage de s'emparer<br />

de tout fon bagage. - H étoit fî confîdérable, qu'fl enrichit<br />

tous ceux qui fe trouvèrent dans cette Expédition ; 6e les,<br />

Seigneurs JF>vsra|f?m, doublement fatisfaits de leur Pèlerinage, s'en<br />

retournèrent triomphans en Europe y chai*gés de riches dépouAles<br />

des Infidèks. NORADIN reffentit trop vivement la groffe perte<br />

qu'il venoit de faire, Se faffront infîgne qu'il venoit de recevoir<br />

, par fa propre faute, pour ne pas chercher à réparer promtement<br />

fun, Se l'autre. Pour y réùffir, fl engagea, par préfens<br />

, ou par promeffes, quelques Princes Arabes à prendre les<br />

Armes en fa faveur, Se ne tarda pas à former une Armée affez<br />

nombreiffe, qu'il conduifît dans k Principauté d'Antioche y où fl<br />

Rffiégèa le fameux Château dArèneTy fitué, comme nous l'avons<br />

dit, aux confins de cet Etat.<br />

Le grand intérêt, que BoëMOND III. alors Prince dAntioche y<br />

avoit de conferver cette Fortereffe, fit, que, pour fopléer aux<br />

forces du Roi de Jérufalem y qui fe trouvoit encore en Egypte y<br />

il s'adreffa à THOROS, Prînce d Arménie y Se à GALMAND, GOUvernftir<br />

de la Caramanie y pour fEmpereur de Conftantinople ylefquels<br />

vinrent promtement le joindre, avec grand nombre de bonnes<br />

Troupes. Le jeune RAYMOND, Comte de Tripoli y qui n'étoit<br />

pas moins intéreffé à la confervation dA'èneyen fit de même.<br />

Ils marchèrent tous enfemble, 6c en bon ordre, au fecours<br />

de cette Place. NORADIN, dont la maxime étoit d'éviter lea<br />

Batailles, encore étonné de fa dernière défaite ; Se appréhendant<br />

d'être mat fecondé des Arabes, dont fon armée étoit la plupart<br />

compoféê, ne fut pas plutôt informé du mouvement des<br />

Chrétiens y Se de kur aproche, qfffl leva d'abord k fiége, pour<br />

Y 2 fc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i?^ H I S T O IR E G E'N E'R AL E<br />

fe retirer dans des lieux avantageux, 6c'0Ù, s'fls entreprenoient<br />

de le pourfuivre, fl pourroit avoir fa revange. Il ne fe trompa<br />

riEioîre point, les Chrétiens lut en fournirent bientôt foecafion; car<br />

^^N'oî'a- s'étant imaginés, que k peur avoit eu plus de part à fe fuite ,^ue<br />

B^ëm^nd ^^ ^"^^' ^^^ contens d'avoir délivré le Château d Arène y flsfeéaç^^^cSi-'prifèrent<br />

les fages confeils du Prince dArménky quiy connoifféiérés.<br />

fant mieux qu'eux les feintes, 6e les rufes des Infidèles y exhortoit.<br />

fes Confédérés à fe contenter de leur avantage ; Se fls vour<br />

lurent abfolument pourfuivre NORADIN. Ils le firent, avec tant<br />

d'inconfidération, qu'fls s'engagèrent dans une Valée marécageufe,<br />

où fl les attendoit, 6c où, après les avoir envelopés de<br />

tous côtés, fl les tailla prefque tous en pièces, ne s'étant guères<br />

fauve de cette fatale journée,que le même Prince d'^/w^m^,<br />

. qui, réccffinoiffant le danger inévitable, auquel ks autres alloient<br />

s'expofer, malgré fes bons avis, fe retira adroitement,<br />

avec fes Troupes.<br />

> Le Prince dAntioche, le Comte de Tripoli, Se CALMAND , Gouverneur<br />

de Caramanie y avec plufieurs de leurs principaux Officiers<br />

demeurèrent prifonniers de NORADIN,à qui fardeur incour<br />

fîdérée de fes Ennemis donna occafîon defe vanger doublement,<br />

de la perte qu'il avoit faite peu auparavant. Après cette Victoire<br />

, perfuadé, qu'il ne trouveroit plus d'oppofition à fon deffein^<br />

il afla recommencer k fîége d Arène y dont il ne tar^ pas<br />

beaucoup à s'emparer. *<br />

Il marcha enfuite vers Belline y où il avoit fî fouvent échoué.<br />

11 en forma k ïiégû;Sey quoique cette Place lui réfîftàt incomparablement<br />

phis que la première, k défaite du Prince dAntioche<br />

y Se du Comte de Tripliy jointe à l'éloignement du Roi<br />

II68. aïant fait comprendre aux Habitans, qu'ils s'opiniatreroient inii-<br />

^^^^^]'|J^^ tflement à la défendre,îls prirent le parti de la rendre, à condiradin.<br />

tîon de pouvoîr fe retirer, avec kurs effets, dans teUes autres<br />

- Villes du Roïaume de Jérufalem.qu^'As fouhaiteroient; ce que<br />

NORADIN kur accorda facflemént. Il demeura ainfî Maître d'une<br />

Vflle,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JEHUSALEM. LIV. FV. CH. III. 1^3<br />

Ville, qui étoit fort à fa' bienféance, foit par raport à fe proximité<br />

avec fes Etats, que parce qu'efle étoit la Clef de ceux 'des<br />

Chrétiens de ce côté-là.<br />

C H A P I T R E IV.<br />

LEs difgraces des Chrétiens ne fe bornèrent point alors à k Syracoir,<br />

perte de ces feules Places , ni aux ravages de NORADIN. ^f^l^m-<br />

SYRACON, non moins animé que lui, voulant'ffe vanereren fon ^i;^/'»"-^ ^<br />

1- X « 1 rt 1 1 T» • A / • . V /. R'naumede<br />

particulier, de f obftacle que le Roi ALMÉRIC avoit mis, a fes jérufalem.<br />

projets fur f^^j^/^, aïant apris, en quittant ce Roïaume, les<br />

pi-ogrès de NORADIN, fon Maître, au Ueu de fe retirer droit à<br />

Damas y entra de fon côté dans celui de Jérufalem y Se fe préfenta<br />

devant la Caverne du Tiron, nommée MAARA , fîtuée dans<br />

k Territoire de Sidon. 11 reconnut d'abord, par la force, 6c<br />

la fîtuation de ce Pofte, que, fî ceux qui le défendoient faifoient<br />

bien leur devoir, il y emploieroit inutilement fon Armée; c'eft<br />

pourquoi, fl travaifla à les gagner à force d'Argent,Se y réùffit.<br />

' Ces perfides, plus 4pb2es à l'attrait de ce Métal, qu'à k '<br />

perte de leur honneur, 6c à leur manque de fidéUté envers le<br />

Prince, qui leur en avoît confié la garde, livrèrent ce Fort à<br />

cet Infidèle; 6e, pour fe mettre à couvert du châtiment, que<br />

méritoit leur félonie. Se jouir du bien qu'efle kur avoit procuré<br />

, ils fe retirèrent auprès de luî. Le feul Commandant, qui<br />

voulut prendre une route différente, fut pris, Se conduit k Sidon,<br />

où fl reçut d'abord le châtiment que méritoit fe.trahffon.<br />

' SYRACON , encouragé par f heureux foccès de Maara, traversfe<br />

le Jourdain, 6c mit le fiége devant une Caverne également<br />

forte, fituée au-delà de ce Fleuve, Se dont la confervation n'étoit<br />

pas moins importante aux Chrétiens, On n'aïuoit jamais;<br />

Y i cru.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


174 HISTOIRE G'E' N E' R A L E<br />

cru, que ks Sarrafins euffent emporté ce Pofte, parce qu'îl étoit<br />

défendu par les ChevaUers du Temple, fi accoutumés à être aux<br />

mains avec eux, que leurs attaques ffétoanoierit point, 6c dont<br />

la fidélité n'étoit point fufpede, 'Se qui enfin avoient fî fouvent<br />

donné des marques éclatantes de leur valeur. Se de kur courage.<br />

Cependant, contre l'attente publique. Se au grand étonnement<br />

du Roi ALME'RIC, qui étoit de retour dEgypte y Se<br />

qui s'étoit même mis en marche, pour les aller fecourir, foit<br />

par lâcheté, ou pour quelque autre motif, après avoir foutenu<br />

affez mal quelques affauts, ils la rendirent à SYRACON, qui leur<br />

permit d'en fortir, avec leur bagage*<br />

i5o«2? La lâcheté de -ces Chevaliers, dans cette occafion, piqua fi<br />

Au'rmpie fort A LM ERIC, qUc, dans ks premiers tranfports de fa colèfzruiusjparj^Q<br />

faus confidércr, Qu'ils n'étoient ni fes Sujets, ni foumis à fa<br />

êirdredAl- .^vn- -i e i i A r\- • i<br />

anéric. jurifdiaïQn, il en fit pendre douze; Adion violente, qui neut<br />

pourtant aucune mauvaife fuite. Tout leur Ordre étoit fî bien<br />

entré dans k jufte reffentiment du Roi,qu'fls n'en témoignèrent<br />

aucun mécontentement.<br />

Si le retour de ce Prince ne put eiiipêcher la perte d'un Pof^<br />

te fî avantageux, il arrêta, du moins les entreprifes, que SYRA-»<br />

CON auroit continué de faire for fes terrç$. Cet Infidèle connoif»<br />

foit trop la valeur de fon Ennemi, poÉjte rifquer à faire aucun<br />

autre fîége. Il fe contenta de munir lesTieux Forts, dont fl venoit<br />

de s'emparer, 6e s'en aUa à Damas y dans fefpérance, que<br />

ces Conquêtes effaceraient l'idée du mauvais fuceès de fon Voïage<br />

dEgypte ; Mais, foit que NORADIN fût mécontent de ce qui<br />

s'étoit paifé, ou que féloignement eût diminué f incUnation que<br />

çe Soudan avoit pour lui, îl ne témoigna plus à ce favori la mê*<br />

me confiance» Il la redonna à ceux qu'il en avoit privés^<br />

syra6oft SYRACON,quî n'avoit rien à fe reprocher, fut fi mortifie d'un<br />

jiLce^de tel changement', qu'fl réfolut, fur le champ d'aller chercher,<br />

Noradin. auprès de quelque autre Souverain, la fortune qu'fl venoit de<br />

perdre auprès du fien. Car, quoiqu'efckve d'origine, comme<br />

à<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DR JE'RUSALEM. Lrr. IV. Cfe. IV. i^j,<br />

îl rfavoit pas moins d'dprk, que de valeur, Se d'ambition, 6c ^e<br />

le Gouvernement dEgypte lui avoit paru digne de k remplir, il<br />

projetta un moïen infaiUibk, pour y parvenir; le voici.<br />

11 s'écarta auffi-tôt de k Cour de Damas, 6c fe rendit auprès Syrncôîit<br />

du Calife de Bagdet, qui étoit alors k plus grand Prince de FO- s'infmif<br />

rient y confîdéré de tous les Mabométans y comme vrai. Se là-'^^Sikie<br />

gitîme Succeffeur de leur grand Prophète. Les feuls Egyptiens Bagdet.<br />

s'étoient foùtraits à fon obéïffance, Se fuivoient k fe^e' d'HALY,<br />

fous un Calife particulier. SYRACON fe flattoit, que, «'il pouvoit<br />

s'infînuër auprès de ce Monarque, il en obtkndroit des forces<br />

capabks de parvenir à fes fins. Dans ce deffein, fl dit ><br />

qu'il fafloit réduire ks Rebelles Egyptiens, à leur, devoir, 6c faire<br />

ceffer k Schifme, Se k divifion, que la fauffe Interprétation<br />

d'HALY avoit introduite, parme le Peuple des Croïans.<br />

Arrivé à Bagdet, il agit avec une adreffe fînguUère auprès iifaît efdu<br />

Calife y qui, fens être d'en naturel plus guerrier, ni plusen-clîffe/a<br />

treprenant, que celui du 0?;rd, fe Imffa flatter. SYRACON fin-^"'^î"^*'<br />

téreflà par des endroits fî fenfibks, en lui faiknt envifager k te.<br />

gloire, 6c les bénédidions qu'fl s'attireroit, s'fl réùniffoit tous<br />

ks Mufulmans fous ton autorité, 6c pimiffoit k Chef des Schif^<br />

matiques révoltés, puifqu'il avoit eu f audace de vouloir s'égale*<br />

à' lui, Se lui dérober des hommages, qui lui appartenoient uni-*<br />

quement.<br />

Il lui expUqua enfin la faciUté,aVec laquelle on pouvoit le dé^<br />

pouiflèr , & faire rentrer fous fe domination le riche, Si fertile<br />

'^imme dEgypte y le plus fécond du Monde, en PeUpks, 6$<br />

en befles ViUes, mais dont la grande abondance rendoit les Ha^<br />

bitans plus fenfibks aux piaifirs, 6c à l'oifîveté, que propres au<br />

manîment des armes, 6c par confequent, très-aifés à-iubjuguer.<br />

Il ajoutoit, que le télé y 6e le refped, qu'il a-vok pour fe perfonne<br />

facrée, ne hii aïant pas permis de voir, fans douleur, k<br />

profanation des £^^/»^V»x, U étoic venu lui offrir fon bras, &<br />

. • " fes<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ii6 HISTOIRE G E' N E' R A L^ E<br />

fes fervices,'pour faire cette Conquête, 6c pour le vanger derf^<br />

offenfés qu'fl avoit reçues de cette Nation rebelle.. î-"^<br />

Le Calife Le Calife y à qui jufqu'alors perfonne n'avoit ofé parler, dèk<br />

iierfeT'^ortey fut fî bien pcrfuadé, que l'jB^r/)/^ avoit été ufurpée fur<br />

'^^'^^làre^^^ Prédéceffeurs, Se fe fentit en même-tems fî piqué de la con-<br />

/«r j'Egyp-currence de celui du Cf^/r^, qu'fl fit ordonner à tous fes Vaffaux,<br />

^*' - 6c aux Gouverneurs des Provinces de fa dépendance, d'affembler<br />

inceffamment des Troupes, pour aUer recouvrer ce Roïaume,<br />

6c cliâtier les Impies, qui favoient ufurpé. Ce fut ainfî,»<br />

que finduftrieux S.YRACON fe vit à la veille daffouvir fon ambition<br />

^ en allant dépofféder SANNAR, qu'il avoit étabU peu auparavant;<br />

6c que la Vifle de Bagdet y qui joùiffoit depuis lorig-tems<br />

dune profonde paix, commença à retentir du bruit des armes,-<br />

6c des inftrumens de guerre.<br />

Article IL L'occafîou, quc faî de parler de Bagdet, m'enfi:aire à faire<br />

Erreur de i i, i j- A • f, -r «<br />

plufîeurs comprendre 1 erreur de divers Auteurs, qui font prife pour 1 antSnt<br />

]a àtnne Babilone des Cbaldéens, bâtie fur VEufrate, qiû la tra-<br />

Vifle de yerfoîto Au lieu que Bagdet fe trouve fur le Tigre y éloigné de<br />

douze Ueues, ou environ des riiïnes de cette ancienne. Se fuperbe<br />

Ville, Se au même endroit où étoît autrefois SeleutiCy<br />

fondée par S E'L E u c u s NICANOR, qui s'étoît fervi des débris<br />

de la grande Babilone y pour enrichir, 6c embeUir fa ViUe.<br />

Ges Hiftoriens, peu attentifs, font, confondue avec Babilone y<br />

Se ont attiré plufîeurs autres Ecrivains dans leur erreur.<br />

. Les mouvemens, 6c les grands préparatifs de guerre, duGr-<br />

Iffe aUarmoient cependant tous les Princes dOrient. Chacun<br />

craignoit, que ces formidables Armées ne fuffent defthiées contre<br />

fes Etats, Se travaUloit de fon côté à fe mettre en état d'y<br />

réfîfter,. ;lprs que le bruit fe répandit enfm, que la tempête ne<br />

menaçoit que k feule Egypte.<br />

11 n'y eut que le Roi Alméric , qui, ne craignant plus<br />

pour la Paleftine, fe trouva dans une efpèce d'obligation de<br />

con-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. IV. CH. IV. 177<br />

continuer à lever des Troupes, pour alkr fecourir un Roïaume,'<br />

qu'fl avoit tant d'intérêt de conferver, par'raport au tribut^<br />

qu'fl en-retiroit. Mais, comme ce Prince avoit épuifé fes finances,<br />

par les précédentes Expéditions, H n'étoit guère en état<br />

den faire de nouvelles, fens quelque affiftance extraordinaire<br />

de fes Sujets, qu'il ne vouloit pourtant-pascharg-er d'aucun nouvel<br />

impôt, fans l'avis des Prélats, Se des Seigneurs, du Roïaume.<br />

il les convoqua dans la Vifle de Napouloufe, où, après plufîeurs<br />

moïens, qui furent propofés dans le Confeil, on s'arrêta enfin à,<br />

celui de taxer tous les Habitans à la dixième partie de leurs Meubles.<br />

Les grands. Se les petits, y fatisfirent, avec tant d'exactitude,<br />

qu'ils mirent ALME'RIC en état de mettre fur pié une Armée<br />

affez confidérabfe. Les Ordres Militaires s'y joignirent ^<br />

avee leurs Troupes. Après quoi, ce Prince marcha vers le Défert<br />

de Faran, psitoùy il avoit apris, que devoit paffer SYRA­<br />

CON, avec 'l'Armée de Bagdet. Il efpéroit par là, de pouvoir<br />

traverfer la marche de cet Ennemi, jSe lui di^uter feutrée "^<br />

de VEgypte.<br />

Le Roi de Jérufalem, 6c les Ordres Mflitaires, s'avancèrent Marche<br />

jufqu'à Cadésbarnéy qui eft fèndroit, où les^r/z^ZrV^iattendirent, vers l'E-"<br />

quarante jours, ceux qu'ils avoient envoies à la découverte de la ^^^^'<br />

Terre de Promiffion, A L M E'TI i c aprit , avec chagrin, que<br />

/l'Armée Perfane étoit déjà paffée; ce qui fobligea de changer<br />

de routé. Se de prendre celle dAfcalone, Se de Gaza^ beaucoup<br />

plus courte, que la première. Il s'avança jufqu'àkA/5;z^, ancienne<br />

ViUe du Défert, où il fit repofer fon Armée, Se 'traverfe enfuite<br />

le refte du Défert, avec,tant de diligence, qu'fl arriva à ^<br />

Pélufium, non feulement avant que SYRACON y vînt, mais encore<br />

avant qu'fl eût tra\'erfé la moitié du Défert, où fl fut longtems<br />

arrêté, par k mauvais tems.<br />

SANNAR,, par une mauvaffe politique, & par une négUgencc<br />

bien condamnable, pour un homme, qui doit foutenir le Gouvernement<br />

d'un Etat, fe laiffa éblouir par k joie, qu'fl avoit dc<br />

2 fe<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


dAlmé-<br />

1^8 H I StT O'I RlE >G B' N E' R;A L-E<br />

fevokékvé-à la Dignité dé Soudan; 6c., fans fe mettre en peinedes<br />

affaires étrangères, fl négligea tout-à-ffait f entretien des Trou-pes<br />

néceffaires à la defenfe.du Roïaume.^ Aulfi,, fut-fl.très-fur-<br />

Sur prife de ^^is dc f arrivée dû. Roi^ ALME'RIC , ne facfiant point fi ce Pruice ;<br />

farJil'éè " étoit venu en Egypte y comme Ami, Ou comme Ennemi. Auifi,..<br />

n'aïant point de Troupes à lui oppofer, il penfa d'abord à emploïer<br />

for, 6c l'argent, pour engager fon Ennemi à k-,laiffer'<br />

en repos, 6c à s'en retourner chez lui. Mais il aprit', qu'fl avoit:<br />

im autre Ennemi pks dangereux àcraindre,. 6&dont,fl.ne fe défioit<br />

point.. ' .'i<br />

- Ge Soudan connoflïant alors ^ que fon iàilùr; Se celui du Ca-^<br />

life, fon Maître, dépendoit entièrement de faffiftance des C^r^-tiens<br />

y 6c admirant la générofité,.avec laquelle fls venoient à fon..<br />

fecours, fans ?en.avoir été priés, voulut kur en témoigner fa gra-^:<br />

titude. Se fentière confiance qu'fl prenoit'en eux.. C'eft pour-quoi,<br />

fl dépêcha des ordres ktous les Gouverneurs des Vifles,.<br />

Alméric Bouygg ^ & VîUages du Roïaumer, de recevoir le Roi Alméric y,<br />

eieufement. Se y toute fou Armée, Se-de lui fournir toutes ks provifions né—<br />

^^.*°' ceffaircs, comme fi c'euffentété Ms propres Troupes du Califey\<br />

;ii 6cirur favisv- qiiè SYRACON étoit parvenu k. Attajté.y Yilhge û-^<br />

' • tué aux Confins du Défert, fl^envoïa prier ALME'RIC de s'a-^<br />

vancer, avec fon Armée, vers k Caire y afin de mettre cette J<br />

Capitale à l'abri des infultes des Ennemis^ .<br />

. Le Roi de Jérufalem y. qui conjedura-, parrlà route qu'avoit v<br />

tenue SYRACON, qu'fl avoit deffein de commencer fes litrepri-'<br />

fes fur k ViUb'du C/7/r^, partit inceffamment^de Félufiuniy 6ci<br />

f?r-*"':''^^aBaffecamper fiu k bord du Nily entre Boulacy Se le Cairey^<br />

siytortenSi • « A • i •<br />

flM/tt^»du que quelques Auteurs ont pris .pour Pancienne Memphis y dontr<br />

^^"Mem'Àl- eft tant parlé dans les Hiftoires., L'Archevêque de Tyr y.<br />

i*Js. qui fit akrs le voïage,. avec leRoi ALME'RIC, affiire, qu'ifi<br />

sUnfomia exademenr. dès antiq|iités du Roïaume àlEgfpte y^<br />

6c'dit avoir vu dès ruïnes air-dclà du. iT/V, à environ dix<br />

mflks ixkCair^y kfqueUcs, felon kur grandeuit, 6c k tradition;.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


•DE JE'R IT SALEM, Xit. W, Cn, IV. lyp<br />

Hition des gens du Pays-, .étoient les reftes de la grande,<br />

*^ véritable Memphis,<br />

Quelques autres donnent auffi au grand Caire le nom d@ Barhibney<br />

qui, félon S'PRABON, lui a été attribué, à caufe de k<br />

permiffion qu^une Troupe de Babiloniens obtint, de pouvoirs''éitabUr<br />

dansiksv ruïnes de fancienne Vflle de LitOy qui avoit été<br />

.détruite par CAMBYSES, lorfqu'fl ravagea VEgypte. Ces vaga-<br />

'bonds bâtirent un Bourg, auquel, pour conferver la mémoire<br />

de leur Pays, natal 5 ils -donnèrent le -nom de Babilone ; 6c, comme,<br />

dansiafiiite du tems, la Vflle du Gaire fut fondée dans<br />

le même endroit, divers Auteurs ont continué-à k nommer JB^-<br />

•èilone. Le même Archevêque de Tyr raporte, que, de fon tems,<br />

on l'appefloit encore de même; Sec'efï auffi pourquoi, lorfqu'fl<br />

parle du Campement, de 4'Armée Chrétienne, M dit, qu'elle<br />

avoit la noble, 6c magnifique, Babilone k fa droite, qui eft lo<br />

vieux Caire dk préfent, 6c à fe gauche la Ville de BoulaCy qui<br />

fubfîfte encore dansk même état. Jene crois pas interrompre le<br />

ffl de mon Hiftoire, en parlant de Memphis y Se du CaireyGégG<br />

Roïâl des Califes dEgypte, Mon Ledeur fera bien-aîfe de voir<br />

ki l'origine des Caufes y Se ce qui a donné lieu à la divifîoh, qui<br />

règne encore aujourd'hui dans 'la Religion Mahometane, dont<br />

SYRACON fe fervit fî utflement, pour engager le Oï/^ de Ba^<br />

^idet à'lui donner une Armée, pour fvhyu^er VEgypte,<br />

Après la niort de MAH0MET,Légiflateur,>6c grand Prophète, ^^«.<br />

des Infidèles qui décéda environ l'année 6 3 2. de l'Ere Chrétienne y^ fes, (fu<br />

ce faux Prophète eut pour Succeffeur un de fes Difcipksfemfliôrs, jf^^'"^^<br />

nommé BE R B E'C E' , ou felon quelques, A BO u B E c K E R , fon 'Hvijion,<br />

Beau-Père^ 6c aprèslui OMAR, Fils de OATAJ auquel fuccéda sllelfeti<br />

THE'ME'NI, 6C à ce dernier -HALI, Fils deBE'THALEB, qui^'çj^*^*tous<br />

portèrent k.nom de Califéy ainfî que i'ont conferve tous<br />

leurs Sueceffeurs.<br />

HALI , qui avoit ^us ^'ambition, & l'indination plu8gnerri&.<br />

re, que fes Prédéceffeurs^ dédaignant d'être appdk Succwikur,^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


» •<br />

iSû H I s T o I R E G E' N E' R AL E<br />

6c Héritier dc MAHOMET, 6c afpirant lui-même au titre dexcehr<br />

Rêveries knt Prophète y commença à prêcher, que f Ange GABRIEL, que<br />

f(fur s'êp- Dieu avok envoïé avec la Loi, s^étoit mépris, en s'adreffant à<br />

fiet*^" MAHOMET. C'eft pourquoi, cet Ange avoit été, felon lui, aigre»ment<br />

repris, 6c févèrement châtié de Dieu,^ dont fl avoit. mal<br />

'^' ' exécuté ks ordres.<br />

ArticleiiL\ £gg folies, 6c cesîmpertinences', quoique remplies de vîfîons<br />

.. ridicules, trouvèrent pourtant créance parmi une partie des Peu»<br />

ples:, qui eurent la foibleffedy ajouter foi, comme à des véri-<br />

JrSte ^^ ^^^^ fondées. C'eft ce qui donna= lieu au Sdiffme, 6c à. la<br />

S:Stes.,. divifion, qui règne encore aujourd'hui parmi ces• gens groffiers,<br />

Se ignoi*ans ; Se ce qui fit naître entre eux une haine fi irrécon?<br />

cfliabk;, que rien n'a pu la,diminuer,, ni Interrompre.-<br />

Les uns, qui, en leur knguc, fe nomment SUMRY, préten»<br />

dent, que MAHOMET étoit le plus.grand, 6e k pk& exceflent<br />

de tous les Prophètes, 6c qiie c'étoit à lui feul que Dieu avoit<br />

envoïé la Loi. Les autres^ qui s'appellent SEJA, foutiennent,.<br />

au contraire, qiVHALI étoit le vrai Prophète du Seigneur..<br />

Quoique ce dernier; eût été tué, ai^^ant que de fe pouvoir faire<br />

un Parti affez^ fort',*6e affez confîdérabfe, pour contre - bakncer<br />

fautre, 6c qu'après fa mort, ks Adhérens de MAHOMET euffent<br />

entièrement le deffus ; cependant, leurs Monarques, ou Califes<br />

y qui s' étabUrent alors à Bagdet y avec tous les mauvais trai^<br />

temens qufls firent fouffrir aux fedateurs 4'HALI, ne purent les<br />

». * détruire, ni même ks» empêcher de perfifter dans kur croïance;.<br />

Car, après avoin demeuré long-tem.s dans cette oppreffion ,,<br />

f un des Difeipks de ce propre Vifionaire, nommé ABDALA ,,<br />

plus vaillant, 6c plus courageux qup les autres,..ne pouvant pks<br />

fouffrir, que ceux defa Sede fuffent fi maltraités. Se regardés<br />

comme des Mé€réans,fe révolta environ.l'an 286. après k mort<br />

de MAHOMET. Il fortit de Sékucky avec une groffe fuite,'paffa<br />

en Afrique y où fl s'empara d'une grande étendue de. Pays, 6c<br />

grit fc nom M^HEDI, qiù veut dire égalité. Ily fonda une..<br />

Vflle,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE J E'R u s A L E M. Liv. IV. .CH. IV. i g-1<br />

Vifle, à laquelle fl donna le même,nom de ME'HE'DIA, ainfF<br />

que les Maures fappeflent encore aujourd'hiù. Les Grecs k'<br />

nomment Aphrodifion.ySelés SiciUenSy qui s'en emparèrent longtems<br />

après, lui donnèrent le nom dAfrica. IL-y a pourtant<br />

d'autres Auteurs, qui prétendent, qu'AsDALA ne fit que répare*<br />

cette Vifle, qui eft fituée fur la Côte du Roïaume de Tunis. Cependant,<br />

foit qu'fl k fît bâtir, ou ré-édifier, fl eft fur, qu'fl la<br />

choifit poiu fa demeure, 6e quil-en fit k Capitale des Etats qu'il?<br />

avoit conquis.<br />

Ce fut alors, que ce CoUQuérant, enflé de l'heiueux firccés de n prend u<br />

fes Entreprifes, au Ueu du nom de M E'H E'D i, prit celui de C^/i- JfJ*/'^*<br />

fiy en concurrence de celui de Bagdet y Se que la Fadion d'HA-<br />

Li fe releva- enfin. Depuis ce tems-là, ks Mabométans furent<br />

partagés en deux Branches,' gouvernées par-ces dfeux Califes y<br />

pour la dignité defquels elles avoient le même refped^ Seune<br />

égale vénération, que les'Catholiques Romaim ont pour<br />

ks Souverains Pontifes. Le nomv de Calife fîgnifie en leur<br />

"Langue Succeffeur y pour marquer, que celui qui le porte eft Vicaire-,<br />

6c Succeffeur de kur faux Fropkbte:<br />

. Quelques années après la mort de ME'HE'DI, ABUTAMIN, ouy<br />

comme LÉON ^/r/>^/« le nomme, ELAIN, ME'DINALA, OU ME'-<br />

HE'DINALA, fon Neveu, qui lui fuccéda, envoïa GEOAR à la tête<br />

dîme groffe Armée, contre VEgypte, Ce Général eut le bon-. Fondatitirt<br />

heur de s'emparer de ce Roïaume, 6e y fonda k Vilk du Caire y du caire,.<br />

fous les aufpices de MARS. Les Arabes.h. nomment X^aher y qui^'•^^®"*"<br />

fignifie Vainqueur y ou Conquérant* Il la nomma EUÇaheràky.<br />

qui veut dire Viàorieufe^<br />

La fondation de cette Vifle, jointe au raporr avantageux<br />

qu'on fit 2iU Calife ME HE'DINALA de fe beauté, de f heureux climat,<br />

6e de la fertflité du Pays, l^ngagea à quitter k Vflle de<br />

Carovany où il faffoit fa réfidence. Il tranfporta au Caire k<br />

fiége Roïal de^alifes de la Defcendance de HALI, dont les><br />

Sueceffeurs ont*ntinué à y régner, grand nombre d'années ,=<br />

• Z 3^ fotis.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^m HISTOIRE GE'N^RALE<br />

^fous le titre de Califes d'Egyp^y difputanttoujours l'égalité, ^sl<br />

préiéance, Se :1a fupériorité à. ceux de Bagdet, qui .étoient au-<br />

•paravant ks feuls Monarques, & Califes des Sarrafins y dehiSei><br />

te Mahomet ane,<br />

'ÎEwpte • ^^ P^"^ ^> ^^ M^P^Sy iirenchérifïknt encore fur^k pro»<br />

«ppeff


D r JE' RU S AL E M: Lm IV.v CH. IVl i^^<br />

du repos à fes Troupes >: qui fe trouvoient entièrement hors<br />

d'état de rien entreprendre.<br />

Un vent impétueux, qui s'étoirékvé, pendant qu'fl traver-^'^^^^J^^<br />

foit le Défert, enkva, avec tant de vioknce, les fables dont yûi#«, -<br />

ces ftériks campagnes font couvertes, que femblabks aux vaguei l^iu-oti'<br />

furieufes d'une Mer agitée, dans la plus affreitfe tempête,-k ^^rt.<br />

pouffière fuffoquoit, 6c enfévélflfoit hommes. Se chevaux; dc<br />

forte qii'outrek grand nombre d^hommes qui avoient péri, les<br />

diameaux, Selz plupart des provifîons,"avoient été également"<br />

perdîtes. Ceux qui en étoient échapés avoient tellement fouffert<br />

de la faim, 6e de la foif, qu'ils étoient entrés dans les terresà^EgyptCy<br />

fî knguifl^s, SeSi atténués, qu'à peine pouvoient^ils<br />

fe foutenir.. .<br />

Pour profiter d'une conjondure fî favorabk, le Roi décam-jJ/^J^î<br />

pa promtement y dans le deffein d*aller. achever de détruire l'Ar- »««««mée<br />

ennemie, avant qu'elle pût*paffer le Nil; mais; foît qu'fl'"*"^'<br />

eut reçu trop tard la nouvelle de fon defordre,- ou que SYRA­<br />

CON, qui craignoit d^être attaqué dans un état fî déplorabk, fit*<br />

un dernier effort pour traverfer ce fleuve ;, ALME'RIC , ma^ré fe»<br />

dfligence,ne put attraper qu'une partie dé l'Arrière-Garde, qu'îF<br />

mît en pièces, ou fit prifoflnière ; mais cet avantage, ni le<br />

report que lui firent les captifs du miférable état dés Troupes de \^<br />

SYRACON, ne lui furent pourtant'd'aucune utilité, parce qu'fl'<br />

ne fut point fecondé, > ni guidé par cefles dû Soudan ; de forte y*<br />

que n'cffant'fe rifquef'feulà, pourfuivre l^iinemi, fl regagna^ k<br />

camp qu'fl avoit quitté.^- '<br />

Sa retraite, fans avoir-pu-empêcherSYRAcoN de pénétrer dans '<br />

k cœur du Pays, augmenta terriblement la confïemation, 6c^<br />

l'embarras de SANNARV qui prévoïoit, que cette guerre feroit pré—<br />

judiciable à VEgypte y tant par raporta fa durée, que par ladfffitulté<br />

qu'il y auroit'à en chafferim Ennemi, qui en connoiffoit<br />

fî bierî les détours, 6c ks forcée. Il s'attacha plus que janiais<br />

h carefler k Roi de Jérùfahmi 6c:tous ks'Seignçîwl de fon Ar*<br />

mée,-. .<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


îiÎ4< H I S T O I R E G E'N FR ACE<br />

•mée, afin de les engager àjie Je point abandonner dans im fî<br />

preffant befoin. Il offrit à ce Prince, non feulement d'augmen^<br />

ter le tribut annuel qu'iUui payofl:, mais encore de le rembourser<br />

iexadement, aulfi bien que les Ordres MiUtaires, de toutes<br />

les dépenfes, qu'ils avoiçnt déjà faites. Se de celles qu'ils^ feroient<br />

à i'avcnir, pour l'entretien de leius Troupes., tant que<br />

dureroit la Guerre. .<br />

L'Intérêt étant k paffion dominante d'ALMîE'Ric, fl accepta,<br />

avec avidité, une propofîtion fî agréable, 11 exigea d'abord un<br />

nouveau Traité, p;ir lequel le Soudan s'engagea de lui augmenter<br />

le tribut annuel, Se de lui payer aduellement 400. mille<br />

écus d'or pour les fi-ais de la guerre. Ce Prince, Se les Ordres<br />

MflitÂÎres, s'engagèrent, de leur coté, à ne point quitter TEgyp-,<br />

te, qu'ils n'euffent défait SYRACON , ou qu'ils ne f euffent du<br />

moins contraint à-en fortir, à .condition pourtant que ce Traité<br />

feroit ratifié par le Calife lui-^ême. 1<br />

.•RenHtvei- SANNAR, qui u'étoit poîut en état de fe paffer de Jeur aflement<br />

de fn • • r' A. J i • n t* r<br />

paix, entrenïïzncey IU y par confequent., -de leur rien refufer, fe trouva<br />

fc^^""^dans k dure néceffrté d'y confentir, malgré la grande répu-<br />

.te. gnance^ qu'fl avoit de faire entrer le Calife dans des affaires,<br />

dont fl n'avoît point coutume de fe mêler.<br />

Après que le Roi eut fîgné ce Traité, -où fon inféra un<br />

renouvdkment de paix entre les deux Roïaumes. d'Egypte,<br />

6c de Jérufalem y Se que pour gage de fa foi ce Prince eut<br />

touché de fa main droite dans scelle de SANNAR, 6e des autres<br />

Mhiiftres Eg^yptknSy quî y affiftèrent, le Soudan conduifît<br />

lui-même HUOUËS de Céfarée y, )eme Seigneur dun grand<br />

mérite. Se GEOFROI FULCHER, Chevalier du Tempk y qui furent<br />

choifîs.5 pour en aUer recevoir la Ratification .du Calife.<br />

Loiffque ces deux ',Seigneurs furent iutroduits' dans le Palais'<br />

de ce Monarque,ils ne purent s'empêcha de confidérer,<br />

avec étonnement, la beauté 6c la grandeur des appartemens,<br />

.6c Ja .magnificence, avec laquelle jls étoient parés. En .eff^t,,<br />

Vùr<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. Liv. IV. CH. IV. 1S7<br />

l'or, faîzur, f émail. Se les perles y brifloient de tous côtés. Ils<br />

y admuèrent toutes ks plus grandes raretés de VOrient. La<br />

chambre du Calife furpaffoit encore toutes les autres en fomptuofité<br />

, 6c en chofes précieufes ; foit que k Calife fût bien affe d'étaler<br />

à leurs yeux fes grandes richeffes, ou que çe fût k manière<br />

ordinaire de ce Princ. Ils le trouvèrent affis, comme une Idole,<br />

fur un trône*d'or maffif, tout couvert de pierres précieufes. Se ^'fi^'P^^'^<br />

fous un fuperbe dais, qui tomboit, en forme de rideau, à une «/«Caiife.<br />

certaine hauteur, Se qui étoit également frangé de perles, 6e de<br />

joïaux d'un prix ineftimabk.<br />

Lc Calife, qui avoit été prévenu de la néceffité qu'fl y avoit<br />

de fatisfaire le Roi de Jérufalem y Se tous les Seigneurs de fon<br />

Armée, dont dépendoit alors fon propre falut. Se celui de fes<br />

Etats, que celui de Bagdet vouloit lui ravir; effrayé d'aflleurs<br />

du bruit des inftrumens de guerre, Se des clameurs des Habitans<br />

du Caire; reçut les Ambaffadeurs *Ci[^/'^//>«j, avec un air fort<br />

gracieux, penfant que fon affabilité fiiffirQÎt pour la Ratification<br />

du Traité, dont il s'agiffoit. Il leur dit, qu'fl approuvoit tout<br />

ce que le Soudan avoit promis en fon nom; Mais fl fut furpris,<br />

lors que k Comte de Céfarée lui répondit, avec autant de hardieffe,<br />

que de civîUté, que fes paroles étoient fort bonnes;mais<br />

qu'fl fàloit que Sa Majefté prît la peine de les foufcrire. Se de<br />

leur toucher dans la main, comme le Roi ALME'RIC l'avoit fait à<br />

fes Miniftres.<br />

Les favoris du. Calife y qui f cnvîronnoient, 6e le regardoient<br />

' comme une Divinité, demeurèrent dans le dernier étonnement,<br />

Se en furent fcandaUfés. Cependant,, malgré l'étonnement des<br />

uns Se des autres, la crainte de devenir la proie de l'Armée de<br />

Bagdet fit, que le Calife mit fon fceau au Traité, Se toucha, quoi- Ratifica- \<br />

qu'avec beaucoup de peine , dans la main des Ambaffadeurs rraiï"*/^<br />

Chrétiens ; après quoi fl kur fit des Préfens, dignes de fa grandeur, ^'jj[f^^'"'^'<br />

6c des îinmenfes richeffes qu'fl poffédoit.<br />

Au retour des Ambaffadeurs vers leur Camp, où k Soudan<br />

Aa les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i8S HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

ks reconduifit très-pompeufement, fls trouvèrent toute l'Armée<br />

en mouvement. La vue de celle de SYRACON, qui étoit venu<br />

fe camper à l'oppofite, fur l'autre bord du Ml y excitoit C fort<br />

fardeur des Soldats, que les Offiders avoient peine à les retenir.<br />

Le Roi, jSe ks autres Chefs, n'avoient pas moins d'impatience<br />

d'en venir aux mains avçc eux. Ce Prince fit inceffamment<br />

venir quantité de barques pour la çonftrudion d'un pont,<br />

fur lequel fl pût faire paffer fes Troupes. On y travaflk en toute<br />

diUgence; mais, lorfqu'fl fiit avancé à la portée du trait, les<br />

ennemis leur en décochèrent une quantité fl prodigîeiffe, qu'il<br />

fut impoffible de le continuer. On fabriqua plufieurs Châteaux<br />

de bois, pour couvrir les Ouvriers; mais leur peu d'habileté,<br />

6c la dffette de bois, fut caufe qu'fl fe paffa près d'un mois, avant<br />

que ces machines fuffent en état de fervir ; de forte qu'fls devinrent<br />

tout à fait inutiles.<br />

SYRACON, qui, après avoir rafraîchi fon Armée, ne l'avoit<br />

conduite dans le pofte, où efle fe trouvoit, que pour obferver<br />

les mouvemens des Chrétiens y Se pour tenter de furprendre la<br />

Ville du Caire y Rï^nt confumé toutes fes provifîons, fans pouvoir<br />

rien entreprendre^, ni même ofer en décamper, parce qu'il étoit per*»<br />

fuadé, que, fî-tôt que fes gens cefferoient d'inquiéter les Chrétiens,<br />

fls achéveroient bientôt le pont, qu'fls avoient commencé, 6c ne<br />

manqueroient pas dc le pourfuivre, s'avik, pour fortir de cet<br />

embarras, d'envoïer un gros Détachement fe faifîr d'une petite<br />

Ile nommée Maelecy que formoit le Nily à environ deux Ueues<br />

de diftance de fon'Camp. •<br />

Le Roi, qui pénétra fon deffein, envoïa d'abord MILON de<br />

PLANCHI, Se CHAMEL, Ffls du Soudan, avec bon nombre<br />

de Troupes, pour lui en dffputer k terraUi ; 6c, fur favis, qu'fl<br />

reçut, qu'ils avoient eu le bonheur de paffer au ffl de fépée, ou<br />

de faire noïer tous les ennemis, qui avoient débarqué dans cet-<br />

• te Ile, ALME'RIC s'y rendit lui-même avec le refte de l'Armée,<br />

fit.defcendre quantité de Barques, pour traverfer les deux<br />

bras.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


RE JE'RUSALEM. Lïv. IV. CH. IV. .189<br />

bras du Nily qui l'environnent, 6c réfolut d'afler attaquer SYRA­<br />

CON, dans fes propres Retranchemens.<br />

A L M E'R I c décampa, à feutrée de la nuit, dans un profond filence,<br />

afin de cacher fa mardie aux Ennemis: Cependant, lorfqu'fl<br />

fut parvenu à flk de Maelecy fl s'éleva un vent fî furieux,<br />

qu'fl lui fut impoffible de traverfer fautre bras du Nily qui féparoit<br />

leur Camp. Il fut contraint de s'arrêter dans flk, k<br />

Téfte de la nuit. Le jour neparut pas plutôt, que SYRACON découvrit<br />

foir décampement ; 6c, ne doutant pas, que ce ne fût pour<br />

l'afler furprendre, fl décampa promtement, pour afler s'oppofer<br />

à fon paffage. ^<br />

Les Troupes Egyptiennes aïant joint f armée du Roî, SYRA­<br />

CON, qui ne fe fentoit point affez fort, pour donner bataflle, fe<br />

tînt fur la défenfîve,afîn de traîner la guerre en longueur, pour<br />

cn dégoûter ALME'RIC. Il fortit donc , décampa dès la nuit<br />

fuivante, 6c regagna les Retranchemens, qu'fl avoit quites.<br />

Ce mouvement fubît obligea auffi A L XM E R I c à changer de<br />

deffein. Il fit deux gros Détachemens, fun fous la conduite<br />

de HUGUES d'iBELiN, Se de CHAMEL, pour afler garder la Vflle<br />

du Gnire, Se fautre fous le commandement de GÉRARD de Pu-<br />

Gi, 6e de MAHADAN, autre Fils du Soudan, pour garder k<br />

pont, qu'îl avoît entrepris de conftruire fur le NiL II laiffa fon<br />

Infanterie, Se le gros du bagage dans ffle, d'où fl fortit avec la<br />

feule Cavalerie ; Se, guidé par le Soudan lui-même, îl s'avança<br />

vers le Camp ennemi. SYRACON en fortit promtement ; mais ,il<br />

ne put éviter le combat, s'étant infenfiblement engagé, entre<br />

deux Montagnes, dans un endroit, nommé Baben y ou Porte y où<br />

les Chrétiens tombèrent fur luî. Se le mfl*ent dans k néceffité<br />

d'en venir aux mains.<br />

Maîs, fi le Roi A L M E'R I c, 6C les Hofpitaliers, eurent d'abord<br />

le bonheur de rompre le Corps de bataille, que commandoit<br />

SYRACON, le Comte de Céfarée y qui fe trouva aux prffes avec<br />

SALADIN, fon Neveu, fut d'un autre côté mis en déroute. Se<br />

Aa 2 fait<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ipq HISTOIRE GE'NE^RALE<br />

fait prffonnier avec plufieurs des fiens. Les Chrétiens furent fî<br />

mal fecondés par la Cavalerie Egyptienne, que l'Efcadron, qui<br />

gardok le bagage, fut défait par le jeune SALADIN. Ainfi, pendant<br />

qu'un parti:gagnoit d'un côté, fl perdoit de l'autre.<br />

Les deux ArméeS: fe battirent fort long-tems, avec une égale<br />

fureur, 6c beaucoup d'anîmofité; mais l'une, 6c l'autre,fans<br />

ordre, 6c fans règle, à caufe de l'inégaUté du terrain, qui ne<br />

leur permettoit point defe ranger. Elles fe féparèrent enfm, également<br />

fatiguées d'une fi rude, Se fi fanglante journée. SYRACQN<br />

récueillit, comme il put, fes Soldats, qui s'étoient difperfés<br />

dans les Montagnes, Se dans les Vaflées, ,6c gagna le Défert ,<br />

qui féparé VEgypte de la Lybie,qfifil traverfa à grandes Journées;<br />

6e fl alla fe prâènter, devant Alexandrie, dans fefpérance de<br />

s'emparer de cette Vflle, de fe dédommager des pertes qu'il venoit<br />

de faire,6ede rétablir fa réputation. Il réùffit iieureufement<br />

drie^/e ^^us fou projet. Lcs habitans d Alexandrie y qui le croïoient ocrendà<br />

SY- cupé au Caire y comme le bruit s'en étoit répandu, furent fi furpris.<br />

Se fi épouvantés de fes premières attaques, qu'ils fe rendirent,<br />

fans aucune réfîftance; 6e, par leur reddition précipitée,<br />

ils mirent SYRACON en état defe maintenir, 6ed'inquiéter^^ti-èmement<br />

tout le Roïaume. ^ ,<br />

Outre la quantité de provifîons, que çe Général obligeoit les<br />

Habitans d Alexandrie de fournir à fes Troupes, fl faifoit encore<br />

faccager. Se ravager, tous les Pays des environs, pendant<br />

que le Roi, Se le Soudan y qui ignoroient la route qu'fl avoit prife,<br />

ramaffoient dans k Bourg delamoniay où fls s'étoient arrêtés,<br />

les Troupes Chrétiennes y Se Egyptiennes y qui avoient pris<br />

k fuite pendant le combat.<br />

Lorsqu'ils aprirent la'perte d Alexandrie, Se qu'îl n'y avoit<br />

plus rien à craindre pour le Caire y ils envoïèrent avertir MILON<br />

de PLANCHI, GÉRARD de PUGI, Se les deux Ffls du Soudan y de<br />

venir les joindre inceffamment, avec leurs Troupes. Ils firent,<br />

en même-tems, avancer plufieurs Barques,pour fermer k paffage<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. LIV. IV. CH. IV. ipi<br />

fage à celles qui conduifoicnt des proviCons à Alexandrie,<br />

perfuadés qu'à caufe de k ftériUté des environs de cette Vifle ,<br />

les vivres manqueroient bientôt. Se qu'il ne leur feroit pas difficile<br />

de f affamer, dès qu'efle ne recevroit plus de fecours étrangers.<br />

Ils firent auffi venir flnfanterie, qui étoît reftée dans<br />

f Ifie de Maelec.<br />

Toute fArmée Chrétienne y s'étant enfin combinée, marcha<br />

vers Alexandrie ; le Roi la fit camper entre les Bourgs de TorgueSy<br />

Se de Domencary qui en font éloignés de trois lieues, étant<br />

affez à portée d'empêcher ks gens de kcamgagne,d'y conduire<br />

des provifions. Il la tint bloquée, pendant un mois. Les Troupes<br />

de SYRACON , 6e les Habitans, y fouffrirent une fi grande<br />

difette de vivres, que les Bourgeois fe mutinant, Se les Soldats<br />

mourant de faim, fl fut contraint de laiffer dans la ViUe<br />

fon Neveu SALADIN, avec mille Gievaux, pour k garder; Se<br />

fl en fortit, avec le refte de fon armée, afin de gagner quelque<br />

canton, où fl pût la faire fubfîfter. Ce qu'il fit fécrettement ; il<br />

marcha en fî bon ordre, qu'fl parvint aux environs du Caire y<br />

avant même que le Roi aprît, ou foupconnât fon départ<br />

d Alexandrie, ^ . * *<br />

A L M E'R I c, qui défîroit ardemment de défaire, ou de fatiguer<br />

SYRACON, outré du tour qu'fl venoit de lui jou^r, décampa,<br />

dès qu'fl en aprit la nouvefle, ne laiffant au blocus d Alexandrie<br />

y qu'autant de Troupes qu'il faloit, pour empêcher le fecours<br />

de la campagne. Il s'avança vers le Caire y à grandes<br />

journées, craignant la furprife decette Place; mais fl reconnut,<br />

par ks différens avis qu'il reçut en chemin, que SYRACON ne<br />

cherchoit qu'à faire rafraîchir fes Troupes, Se à procurer quelque<br />

fecours à SALADIN , qu'fl avoit laiffe à Alexandrie. Le Roi<br />

fut en même-tems informé-par un des Grands dEgypte y nommé<br />

BENTX CALCOLLE, qui avoit plufîeurs Parens à Alexandrie<br />

y que la mffére. Se les murmures y augmentoient confidérablement<br />

, Se qu'fl étoit abfolument impolfibk aux Habitans de<br />

Aa 3 fub-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ne.<br />

ip2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

fubfîfter encore long-tems. Ce qui fit refoudre ce Prince, k<br />

Soudan y Se ks Ordres Militaires, à retourner fur kurs pas, pour<br />

en aller former le fiége.<br />

Siège d'A- Ils y firent conduire diverfes machines, pour battre k Place,<br />

^r^Aimé- & s'cu fervircut fort utflement. SYRACON auroit extrêmement<br />

fouhaitè de la fecourir; maisfl ne k pouvoit, fans en venir à<br />

une bataifle, dont il craignoit trop les fuites, SALADIN lui envoïoit<br />

Courier, fur Courier, pour finformer, qu'fl ne pouvoit<br />

plus tenir, 6e queles vigoureufes attaques de l'Armée Chrétienne y<br />

jointe au mécontentement, 6c aux fouffrances des Habitans, le<br />

mettoient tous les'jours en danger d'être égorgé, ou de fe rendre'<br />

à la difcrétion de fes Ennemis.<br />

SYRACON, qui réconnut que la perte dAkxandriCySede SALA­<br />

DIN , fon Neveu, qu'il eftimoit infiniment, étoit inévitable, prît<br />

le parti d'envoïer au Roi le Comte de Céfarée y avec un Officier<br />

nommé AMULFE de TURBASSE'S , qui étoient fes Prifonniers, depuis<br />

la bataiUe de Baben, avec ordre de lui propofer un accommodement.<br />

ALME'RIC, qui, de fon côté, ne demandoit pas<br />

mieux, que de fe déUvrer d'une guerre, qui le tenoit depuis fî<br />

long-tems éloigné de fes Etats, écouta favorablement fes propofitions<br />

; 6e SANNAR , qui ne refpiroit qu'après le moment d'éloigner<br />

les uns, Se les autres de VEgypte, foit pour y goûter la<br />

tranquiUté, ou pour foulager les Peuples des groffes contributions,<br />

qu'on en tiroit pour f entretien de la guerre, confentit bientôt<br />

à la conclufion de la Paix,aux conditions fuivantes.<br />

Traité de. I. Que SYRACON reftîtueroit d'abord au Roi, 6c au Soudan y<br />

Ahnéric! la VÎUe d Alexandrie. II. Qii'il rendroit, de bonne foi, tous<br />

ÊP^syrt"' ^^^ Prifonniers Chrétiens y Se Egyptiens y qu'fl avoit faits,, depuis<br />

con. le commencement de la guerre. III. Qu'il fortiroit inceflamment<br />

dEgypte y avec toutes fes Troupes, .avec promeffe de ne jamak<br />

faire aucune irruption dans ce Roïaume , ni dans aucun autre<br />

endroit de la dépendance du Calife. IV. Quele Roî, de<br />

fon côtéi laifferoit Ubrement fortir SALADIN, Se fes gens, dAkxan-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. W, CH. IV. ipj<br />

kxandriey avec armes, 6c bagages. Se rendroit également à SY­<br />

RACON tous les Prifonniers, qu'fl avoit faits, depuis fon entrée<br />

en Egypte,<br />

Ce Traité, aïant été figné de part, 6c d'autre, toutes les<br />

hoftilités ceffèrent. Le Roî fit pubUer fon ordonnance, qui defendoit<br />

expreffément à fes Soldats, d'infulter davantage ceux de<br />

SYRACON. Il careffa, Se regala fort gracieufement, fon Neveu SA­<br />

LADIN, lorfqu'fl lui rendit la Place; 6c, pour marque de fon<br />

triomphe, fl fit arborer fes étendarts fur les MuraiUes, 6c fur k Tour<br />

du Phare y n'eftimant pas moins cette conquête, qu'une grande<br />

Vidoire: furtout, lorfqu'fl réconnut le grand nombre d'Habitans,<br />

qui fe trouvoient enfermés'dans Alexandrie y où l'on comptoit<br />

plus de cinquante mifle Hommes, capables de porter les armes<br />

, outre les mille CavaUers, que SYRACON y avoit laiffés, 6c<br />

les Etrangers, dont k nombre étoit fort confidérable, par ra-^<br />

port au grand commerce*, qui fe faifoit alors en cette Vifle.<br />

A L M E'R I c admira, en même-tems, le bonheur, qu'fl avoit eu de<br />

foumettre cette Place, avec cinq cens Chevaux, 6c cinq mflle<br />

Hommes d'Infanterie. C'étoit-là toute fon Armée, y compris<br />

ks Ordres MiUtaires; car, pour les Egyptiens y fls ne lui fervoient<br />

qu'à faire nombre, Se quelquefois à caufer de la confufion.<br />

La joie. Se l'allégreffe,fuccéda enfin,par tout, au tumulte de<br />

la guerre, 6c aux calamités, qu'efle avoit caufées. Les Habitans<br />

d Alexandrie y auffi fatisfaits d'avoir recouvré leur liberté, que<br />

les Chrétiens fétoient de la kur avoir procurée, ne fongèrent<br />

.plus, qu'à jouïr de fabondance de toute forte de provifîons,<br />

qu^fls trouvoient dans leur Camp, Se dont ils avoient<br />

un extrême befoin , pour fe refaire de leurs fouffrances paf^<br />

fées. A l'exemple du Roi, les principaux Seigneurs de fArmée<br />

s'éforçoient à bien régaler le jeune SALADIN , pendant<br />

deux jours, qu'il demeura dans leur Camp. Ils ne fongeoient<br />

pas, que ce jeune Infidèle y qu'As trouvoient fî aimable. Se<br />

fî<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


1167.<br />

ip4 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

fî modefte, deviendroit un jour la terreur des Chrétiens de<br />

k Terre-Sainte ; Se qu'fl les dépouilleroit d'un Pays fî excellent,<br />

6c fî précieux.<br />

Ce fut ainfî qu'échoua la féconde entreprife de SYRACON fur<br />

VEgyptp. Il étoît bien éloigné de penfer, lorfqu'il en fortit avec<br />

fon Armée, que celui, qui fen chaffoit, lui en procureroit bientôt<br />

feutrée, Se k conquête.<br />

En effet, ce même Roi ALKIE'RIC, qui s'étoit acquis tant '<br />

de gloire dans ces deux expéditions, par une conduite, auffi<br />

contraire à fes intérêts, qu'à la juftice , Se par f unique cupidité<br />

de pofféder des richeffes, qui f aveugloit entièrement,<br />

perdit l'honneur. Se la réputation ; 6c, en voulant s'emparer<br />

de VEgypte y fl en rendit SYRACON poffeffeur.<br />

Ebloui par la gloire , Se le plaifîr , 6c voiant, que le Calife,<br />

Se le Soudan y également contens de fa valeur. Se de fa générofité,<br />

s'empreffoient à lui témoigner kur reconnoiffance. Se ne<br />

s'étudioient , qu'à le renvoïer dans fes Etats , auffi fatisfàit<br />

d'eux, qu'ils fétoient de lui,fl ne penfoit de fon côté,qu'à s'y<br />

rendre promtement. Il y étoit encore porté parla nouvelle,<br />

qu'fl avoit reçue, qu'ERNEST, Evêque de Céfarée y Se OTHON<br />

de ST. AMAND;, fon Echanfon, qu'il avoit envoïés à Conftantinople<br />

y avant fon départ de Jérufalem y pour traiter fon Mariage<br />

avec MARIE, Fille de JEAN PROTOSEBASTE, Se Nièce de<br />

l'Empereur EMANUEL, étoient arrivés à Tyr, avec cette Princeffe.<br />

Je me contenterai de parler préfentement de fa fortie<br />

triomphante dEgypte, Se des Réjouiffances, qui fuivirent la cérémonie<br />

de fes Noces.<br />

Le Roî de Jérufalem partit donc , chargé de magnifiques<br />

Préfens. Il fut accompagné du Soudan y Se des principaux Officiers<br />

du Calife y jiffqu'aux confins du Roïaume d'Egypte. AL-<br />

ME'RIC arriva, vers la fin du mois d'Août, à Afcalone y d'où<br />

fl fe rendit à Tyr. Il y fut reçu , avec de grandes acclamations.<br />

La cérémonie de fon Mariage y fut célébrée avec beaucoup<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lrv. FV. Cn.fV. 19j<br />

coup de pompe, 6c de fomptuofité, maîs non fens fcandale,<br />

puifqii'fl ne contrada cette AUiance, qu'après fbn divorce avec<br />

AGNES de COURTENAI, Fflle de JOSSELIN II. Comte dEdeffe y<br />

^u'îl avoît époufée, avant fon avènement à k Couronne ; 6c<br />

que, pour plaire au Roi, ou deffervir cette Dame, le Patriarche<br />

lui avoît fait quitter, fous prétexte de kur étroite parenté.<br />

Il eft vrai néanmoins, qu'en faifant tort à cette Princeffe,<br />

on, rendit juftice à fes deux Enfans, On leur conferva leurs<br />

droîts fur la Couronne de Jérufalem y à laqudle tous les Grands<br />

du Roïaume convinrent, qu'ils fuccéderoient, à f exclufion de<br />

ceux qu'ALMs'Ric pourroit avoir dece fecond Mariage. Cependant,<br />

quelque desavantageux que fût cet article pour les Enfans<br />

de la Reine MARIE, cela tfempécha pas*, que tous ks Seigneurs<br />

Grarj, qmPavtîient ^compa^ée, ne goittffent parfaitement<br />

toutes les Fêtes, 6c les ELéjouiffances, qui fuivirent ces<br />

Noces, ^qui furent même de longuç durée, par raport à la<br />

grande tranquflité, dont jouif&k alors tout le Roïaume de Je»<br />

riifakm.<br />

. Bb IIÏSTOI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R o ï A" u M E s<br />

D E<br />

CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />

E T<br />

D' E G Y P T E .<br />

L I V R E V.<br />

CHAPITRE PREMIER.<br />

foi Ml%e d'Al oMMk^^ ^P.?^'^^ ^T^ ^'' Pï^^fi^^ ^'^t^^t point cafoi<br />

meric, rf'Ai- (^ ^X.xx:^->çincx5 pabks de faire perdre au Roi fenvie fécret-<br />

fin deffein è^§ f^ xiB ^^ ' ^^^'^^ ^^^^^ couçuc de s'cmparcr de 1'^-<br />

>i'Egyp. ç^^ \^ ^^^ gypu, Sede fes grandes richeffes, ce vafte<br />

^ ^ ^<br />

r^^^:^^5tl!^> ^^^*^^^ f occupoit encore pius, que ks délî-<br />

^ ^ 1 ^ ^ ^ ^^^ ^^ mariage. Il méditoit fans ceffe ks<br />

ï^oïens de fexécuter; mak craignant, en<br />

mêmetems, k blâme, que lui attireroit une entreprffe û injufte.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH.I. ' ipjr<br />

jufte, fl eut l'adreffe d'y faire entrer l'Empereur EMANUEL,<br />

6c pubUa, que ce Monarque, qui vouloit fe prévaloir dek molkffe,<br />

6c de l'âvfliffement des Egyptiens y le folUcitoit à lui prêter<br />

fes forces.<br />

Néanmoins A L M E R i c eut 4)eau s'éforcer de cacher fon infidéUté,<br />

chacun reconnut,que fa feuk avarice le faifoit agir,6c<br />

que c'étoit lui, qui foflîcitoit fEmpereur, à qui fl avoit fait envikger<br />

cette conquête, comme trèsfacîle.<br />

GUILLAUME de TYR même, quoi qu'entièrement dévoué à AL- Onfédéra-<br />

ME'RIC, à caufe des grandes obligations qu'fl lui avoît, ne peut TÊmlmÛr<br />

s'empêcher de reconnoître, que ce Prince étoit f unique promo- Çi^fî'^f''<br />

teur de la guerre dEgypte. Cette entreprife injufte, 6c contre ric,/"r«<br />

' lafoi d'un Traité, qu'fl avoit renouvelle, 6c confirmé, par fer-•^"^^*ment,<br />

2.vec le Calife y Sele Soudan y eut une fuite auffi fâcheufe,<br />

que funefte pour lui, Se pour ceux qu'il y avoit engagés. Cc<br />

fut le jufte châtiment, que méritoit fa mauvaife adion. L'Empereur<br />

EMANUEL envoïa k Jérufalem ALEXANDRE y Comte de Gravincy<br />

6c MICHEL d'OTRANTE, fes Ambaffadeurs, pour arrêter<br />

les Articles de Confédération ; Après quoi le même GUILLAUME de<br />

TYR, qui n'étoit encore qu'Arcliidîacre de cette Cathédrale, paf^<br />

fa à Conflantinople, accompagné de ces Miniftres, pour faire ratffier<br />

le Traité. ^<br />

Pendant qu'A L M E'R I c étoit tout occupé à ifaire les préparatifs<br />

néceffaires pour cette expédition, Se pour colorer fempreffement,<br />

avec lequel il levoit de nouvefles Troupes, fl préte^tta d'avoir été<br />

averti, que le Soudan dEgypte y 6c NORADIN, avoient fait une<br />

AlUance féçrette contre le Roïaume de Jérufalem y afin de fe délivrer<br />

du Tribut, que ce premier lui payoit, Se qu'il difoit ternir<br />

la gloire. Se la réputation du Calife y ion Maître, auffi bien que<br />

fon honneur en particulier.<br />

Il faut pourtant convenir, avec le même GUH^LAUME de TYR,<br />

-que GILBERT ASTAII, Maître des Hofpitaliers^ dont f humeur<br />

entreprenante fe conformoit affez à celle du Roi, ne contribua<br />

Bb 2 pas<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ip9 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

pas peu à cette mauvaife expédition. • Il apf^aniffoit toutes ks^<br />

difficultés, qui s'y pouvoknt rencontrer, dans fefpérance d'y<br />

pouvoir trouver de grands avantages pour fon Ordre. C'eft pourquoi<br />

fl s'engagea non feulement d'accompagner A L M E'R I c, avec<br />

tous fes ChevaUers, 6c k plus de Troupes; (^'fl pourroit mettre fur<br />

pié ; mais, de plus, de lui fournir encore de fi groffes fommes, qu'au<br />

raport dèBosio, dans fon Hiftoire de cette Religion, fl épuifa<br />

entièrement les coffres de fon tréfor, qu'fl avoit trouvés rempUs<br />

à fon avènement au Magiftère. Il prit même d'autres femmes<br />

à intérêt, fur faffurance, que le Roi luî avoit donnée de<br />

céder à fa ReUgion la Ville de Pélufium y Se fes dépendances, libre,<br />

6e frandie de tous droits, 6e Hommages.<br />

A l'égard des Templiers y quoi qu'égakiïsent avides. Se aufft<br />

peu fcrupuleux, que les Hofpitaliers, foit que fémulation qui régna<br />

depuis avec tant de fureur, 6c d'animofké, entre ces deux Ordres,<br />

eût déjà commencé, ou qu'ils ne vouluffent point fe mêler<br />

dans une affaire, à kquelle kurs rivaux avoient tant de part, ou<br />

qu'enfin fls n'euffent pas bonne opinion de cette entreprife, fls ne<br />

voulurent jamais s'J; engager, 6e blâmèrent hautement le Maître de<br />

VHopital d'y être entré avec tant d'ardeur ; au lieu qu'fl auroit<br />

du faire fon poffible, pour détourner le Roi d'une chofe auffi préjudickble<br />

à fon honneur, 6c à fes intérêts..<br />

Cependant toutes kurs oppofitions , non plus que les rénïontrances<br />

des Perfonnes, véritablement attachées au bien, Sek h,<br />

gloire de ce Prince y ne purent rien gagner fur fon efprit. Son<br />

impatience étoit fî vive, qu'fl partit même de k Paleftine, fans<br />

attendre k Flotte, que l'Empereur EMANUEL devoit joindre à fon<br />

Armée., 'Il traverfa le Défert avec k même ardeur; Se y par fon<br />

jra&jtanr irruption imprévue, il furprit fî fort les Habitans de la Ville de<br />

fwxmjaffis Pélufium y qu'fl la prit d'affaut; 6c fit prifonniers MAHADAN, Fils<br />

î^^f. ^ Au Soudan y qui s'y trouvoit, avec un de fes Confins, qui en étoit<br />

Gouverneur, tl ne s'en tint.pas-là, mais, par une barbarie indi^<br />

gne d'unPrince Chrétien.y il fit paffer au.ffl.de l'épée Hommes,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LmV. CH.L i^^<br />

Femmes, Se Enïkns, Se abandonna k Vifle au piflage de fes Soldats,<br />

qui y commuent des excès, qui auroient fait liorreur aux plus<br />

médians de ceux qu'ils traitoient d Infidèles , Se de Barbares^<br />

La prffe de Péltftumy Se le ma^eureux fort de fes Habîtansjétour"<br />

dirent extrêmement le Soudan SANNAR, 6C tous hsEgyptienSyC^<br />

ne fe trouvoknt pas alors pks en état de fe défendre, que loifque<br />

SYRACON les avoit attaqués. Si ALME'RIC eût fait la même<br />

dfligence, pour fe rendre devant le Caire, qu'fl avoit fait pour<br />

traverfer k Défert, 6c fiirprendre la ViUe deP^ufitm, il fe feroîtf<br />

infaifliblement rendu maitre de cette Capitale, aveck même facflité.<br />

Mais ce Prhice avide, 6c entreprenant, au Ueu de profiter de la<br />

fortune, qui lui étoit fi propice, k négtigea fi fort, qu'il lui fut impoffible<br />

delà ratrapper. Malgré la paffion, qu'fl avoit de s'emparer<br />

deV Egypte y foit qfffl crût, quek terreur, qu'fl avoir infpirée<br />

à fes Habitans, fen eût déjà rendu poffeffeur, ou qu'fl voulût temporifer,<br />

pour attendre les Troupes de l'Empereur,, fl marcha fîfentement<br />

vers cette Capitak, qu'il paf& quinze jours à faire le<br />

chemin, qu'il auroit pu faire en une feuk journée. Parfe nonchaknce,<br />

il donna le tems au Soudan , de revenir de fe première confternatîon<br />

, Se d'appefler NORADIN , Roî de Damas, à fon fecours y<br />

pour le délivrer de f oppreffion dé celui qui avoit été peu auparavant<br />

fon Défenfeur, Se qui étoit préfentement venu envahir fes<br />

'£tats, malgré la cordialité, avec kquefle fl avoit cultivé fon<br />

amitié, 6e non obftant f exaditude, avec kquefle fl s'étoit ac


2Ô0 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

lui en ouvrir les Portes, la même avarice, qui lui en avoit fait<br />

entreprendre la conquête, lui fit également manquer ce grand<br />

coup..<br />

Sa paffion pour les richeffes, jointe aux remontrances de Mi-<br />

^ LON de PLANCHI , qui luî fit envifager, que la prife des Vflles d'af^<br />

faut n'étoit avantageufe qu'aux Soldats, Se nuflement aux Prin-<br />

^y^^ice ces; témoin le Sac de Pélufiumy qui avoit enrichi l'Armée, 6c<br />

lie. lui avoit kiffé une Vifle, entièrement dépouiUée de Biens, 6c<br />

d'Habitans, lui fit croire, qu'il lui couvenoit beaucoup mieux<br />

de recevoir une groffe fomme d'argent comptant ,6c de conferver<br />

f amitié du Calife, Se le Tribut qu'il lui payoit ; ainfi, fl fe rendit<br />

aux offres du Soudan y qui s'obligea, par un nouveau Traité ,<br />

à lui payer deux mfllions d'or , dont fl lui devoit compter,<br />

fur k champ, cent mifle Ecus ; moïenant quoi, A L M E'R i c,<br />

de fon côté, lui rendroit d'abord fon Ffls, 6c fon Neveu, qm<br />

étoient ks feuls Prifonniers, qu'il avoit faits à Pélufium ; Se fl<br />

fortiroit du Roïaume avec toute fon Armée, lors qu'il feroit entièrement<br />

payé des deux millions d'or.<br />

SANNAR n'eut pas plutôt recouvré les deux Prffonniers, qu'il<br />

fit entendre à A L M E'R i c, que la fomme, qu'il devoit lui payer,<br />

étoit trop confidérable, pour pouvoîr f exiger des Habitans d'une<br />

ViUe affiégéé; Se que, pour en accélérer la levée, Se tranquiUfer<br />

le Calife y il le prioit de faire éloigner fon camp de la<br />

ViUe. Le Roi, qui n'étoit plus occupé que de k groffe fomme<br />

d'or, qu'on lui avoit promis, oubUant entièrement fon projet,<br />

décampa, fans héfîter, 6c aUa fe pofter près des Jardins du ^^2^nwy<br />

qui étoient à une Ueue de diftance, d'où, peu de jours<br />

après, fur les inftances du Soudan y fl recula encore jufqu'à Chiriaco,^<br />

Son avidité étoit fî grande, qu'il ne fe mît point en peî-<br />

^e d'aprofondir les deffeins de SANNAR , qu'il croïoit tout occupé<br />

à lui recueflUr fargent, qu'fl lui avoit promis ; tant fl étoit<br />

aveuglé, par fon avarice.<br />

Le Soudan y fans fe faire fcrupule de tromper un Prince, qui<br />

avoit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm V. CH. I. 201<br />

avoît le premier fauffe fa foi, profita de fon éloignement, pour Sannar<br />

faire fortifier le Caire y amaffer des Provifions, Se armer le plusffie! '*<br />

de Peupk, qu'il lui fût poffibk, pour le joindre à l'Armée de<br />

Damas. Il avoit eu avis, qu'elle ne devoit pas tarder long-tems<br />

à paroître y Sek agir en fa faveur.<br />

En effet, NORADIN, qui trouvoit un double avantage à fecourir<br />

VEgypte y en affoibliffant les Chrétiens y dans feÇ)érance<br />

qu'fl conçut d'y faire lui même quelque acquifition à fon profit,<br />

remit d'abord le commandement dc fon Armée à SYRACON , qui<br />

n'aïant plus ofé paroître aux yeux du Calife de Bagdet y après le<br />

mauvais fuceès de fon expédition, s'étoît de nouveau retiré à<br />

Damas y Se s'étoit fi bien infinué, 6c remis dans les bonnes grâces<br />

de NORADIN, que cederner lui rendît toute fa confiance. La<br />

grande connoiffance, qu'fl avoit de VEgyptCyne contribua pas peu<br />

à cette réconciUation. La hahie invétérée qu'fl avoit pour les<br />

ChrétienSy par les traverfes, qu'ils avoient fufcitées contre fes deffeins,<br />

redoubloit encore fon impatience de s'en vanger. Se lui<br />

fit faire une fi grande diligence dans fa marche, qu'fl arriva en<br />

Egypte y même avant que SANNAR eût ofé f efpérer.<br />

Ce -Soudan, fe fentant apuïé d'un fi puflfant fecours, loin de<br />

ménager davantage le Roi ALME'RIC, par la continuation de<br />

fes Préfens, Se de fes Meffages, ne luî park plus des fommes,<br />

qu'fl luî avoit promifes, fe mit à la tête des Troupes qu'il avoit<br />

affemblées, 6c afla joindre SYRACON, à feutrée du Roïaume :<br />

Changement, qui fit bientôt connoître à ALME'RIC, qu'au<br />

lieu d'avoir à efpérer ks deux muions dor, dont fa lâche paffion<br />

favoit flatté, il auroit une forte Armée à combattre, dont<br />

le courage fuppléeroît à la mofleffc desEgyptiens,<br />

Ce Prince voulut alors réparer fa faute, Se fa négUgence. II<br />

s'avança, pour combattre SYRACON, avant qu'fl pût pénétrer<br />

dans k cœur du Pays ; mais, par une nouvefle erreiu, non<br />

moins bkmable que la première, il prit k route de Pélufiumy qui<br />

n étok point cefle, par où SYRACON devoit natureflement venir 3<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


soi H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

à moins qa*fl n'eût voulu rencontrer ks Chrétiens. Ceux-d<br />

aprirent, qu'fls avoient perdu leur peine; 6c que leur Ennemi<br />

avoit non feulement eu k bonheur de traverfer k Dé*<br />

fert ; mais encore que SANNAR favoit joint, avec fes Troupes.<br />

Ainfi, les Chrétiens reconnoiffant, qu'il leur étoit im-<br />

1169. -poVÉAey de combattre les BdrhareSy Se de conferver k Vflle<br />

de Pélufium y en reth-èrent la Garnifon , qu'fls y avoient<br />

laiffée, s'en retournèrent à Jérufalem, couverts de honte,<br />

& de confufîon , 6c remportèrent, pour tout fruit de<br />

k-ur befle campagne , fintrodudion d'^un redoutable Ennemi<br />

en Egypte; k perte du confîdérable Tribut, qu'ils en reti^<br />

roient; la haine, 6c le mépris des Turcs y Se des Sarrafins;<br />

Se enfin l'indignation de toute la République Chrétienne y cpx<br />

n*avoit apris leur entreprife, qu'avec beaucoup d'indignation.<br />

Il n''en fut pas de ïaeme de SYRACON , qui ne manqua<br />

^fesyïï* pas fon coup. Cet habile Capitaine," penfent plus à fes in-<br />

^^' térêts, qu'à ceux de NORADIN , fon Maître , fe voïant en<br />

état, après k départ du Roi ALME'RIC, de fatisfaire la paf-<br />

^ * fîon, qu'il avoit depuis long-tems de parvenir au Gouvernement<br />

de VEgypte y f exécuta avec toute la politique imaginable, fans<br />

même y emploïer la force, ne voulant pas y entrer d'une manière<br />

odieufe au Peuple, Se fe contentant de fecrifier k vie de<br />

celui, dont fl vouloit occuper la place.<br />

En effet, il étoit campé devant la Ville du Caire, dont k<br />

prffe lui auroit été facfle'; Cependant, bien loin de rien tenter,<br />

fl ordonna expreffément à fes Troupes de demeurer paifibks dans<br />

km"pofte; 6e,fens donner aucun fujet de plainte,ni de mécontentement<br />

, aux Peupks de la Vifle, Se à ceux de k Campagne,<br />

d^ ^In'af ^^^ conduite fî modérée trompa fî bien le Soudan lui même,<br />

fmé. qu'fl aUoit k vifîter tous les jours dans fa Tente, fans aucune<br />

précaution. Il ne penfoit, qu'à le renvoïer content, Se ktisfait,<br />

lors que SYRACON le fit affaffiner un matin, qu'fl aUoit lui<br />

^en(Jre fe vifîte ordinaire, accompagné de MAHADAN, 6C de<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D-E JE'RUSALEM. Lrv. V. CH. I. soi<br />

CHAM3ÊL, fes Fils , qui évitèrent k maf&cre, par la viteffe de leurs<br />

Chevaux; Mais fls n'eurent pas un meflleur fort, en arrivant au<br />

Caire. Le Calife, qui vivoit plutôt en Brute, qu'en Prince,<br />

•6e qui n'avoit aucune Connoiffance des affaires de fon Roïaume,<br />

étonné de kmort du Soudan^ qui gouvernoit tout; 6c craigna|it<br />

lui même de perdre la Vie, 6c la Couronne, dans .cette<br />

occafîon ; foit pour favorifer celui à k merci duqud > il fe voïoit<br />

réduit, ou pour fe venger fur les Enfans de la mauvaife condui-.<br />

te dc leur Père,les fit étrangler fiirk champ; 6c,dès le lendemain,<br />

il reconnut SYRACON, cn quafité de Soudan. Il s'eftimoit<br />

même heureux, s'il vouloit fe contenter de cette Dignité, Se lui<br />

laiffer la fîenne. Ce fut ainfî que SYRACON entra triomphant<br />

dans le Caire, f^û[iS qu'fl s'y fit aucun mouvement; Se que fentreprife<br />

mal concertée des Chrétiens procura enfin le Commandement<br />

de VEgypte à f ambitieux SYRACON, 6C enfuite fentière<br />

poffeffion de ce Roïaume à SALADIN , fon Neveu, qui leur donna<br />

Ueu de fc repentir long-tems de km* mauvaife démarche par<br />

k longue, Se terrible Guerre, qu'fl leur fit, 6e qui fut ïi £unefte<br />

à la Palefline. Aulfi a-t'on nommé, avec raifon, ce Prince<br />

Infidèle le Fléau des Chrétiens, Se celui que Dieu avoit choifî<br />

dans fa colère pour les dépouifler des Saints Lieux, qu'fls profanoient<br />

par leurs dérèglemens" abomhiables, comme tous les<br />

Hiftoriens en font foi.<br />

SALADIN , qui étoit encore plus vaiflant, Se plus liardi, que Article a.<br />

fon Oncle, ne lui eut pas plutôt fuccédé à la Dignité de Soudan<br />

y qu'fl ne voulut plus fouffrir ni fupérieur, ni égal. Se<br />

croïant tout permis, pour parvenir à une autorité abfolue, îl<br />

entreprit de faire finir le Règne des Califes dEgypte y qui y ^o-^^^^^'<br />

minoient depuis 240. ans. 11 maffacra ACLEDET EBEN EL BEYS, i Egypte,<br />

qui y regnoit alors , Se qui fut le dernier , fous prétexte,JJ'^^^.<br />

qu'fl en vouloit à fa vie. Il fe défit auffi de toute fa Famflle ; din.<br />

Se y par fes grandes largeffes, il fe captiva f affedion de tous les<br />

Grands du Roïaume, 6c des Soldats, 6c s'étabUt fi bien fur le<br />

Ce Trô-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


202 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Trône, qu'ils auroient tous volontiers facrffié leur vie, pour fy<br />

maintenir.<br />

Mais,comme la poffeffion de ce Roïaume,quelque grand. Se<br />

magmfique qu'fl fût, ne pouvoit rempUr fon ambition, fl ne fe<br />

propofa rien moins que la conquête de tout VOrient, Il profita<br />

dc fardeur de fes nouveaux Sujets, Se réfolut de commencer,<br />

fes entreprffes par fEtat, que les Chrétiens poffédoient en<br />

Syrie,<br />

Il ne les attaqua pourtant, qu'après la nouveUe tentative ,<br />

qu'fls firent, pour le chaffer dEgypte. Le Roi ALME'RIC ne<br />

pouvoit fe perfiiader, que ce nouveau Soudan fe fût fi-tôt affermi<br />

dans fon ùfurpation; ni que les Egyptiens y dont le refped<br />

pour leur t!alife afloit jufqu'à f adoration, 6c qui s'étoient autrefois<br />

fi crueflement vangés fur le Ffls du Soudan EBEYS du Meurtre<br />

commis par fon Père, fe fuffent fi-tôt accoutumés à obéir à<br />

f Affaffin de leur Souverain.<br />

ALME'RIC, voulant hâter l'expédition, qu'fl méditoit contre<br />

SALADIN , envoïa d'abord fes Ambaffadeurs à fEmpereur<br />

EMANUëL, pour le foUiciter à vouloir réparer, par une promte<br />

affiftance, k fecours qu'îl avoît manqué de luî envoïer la campagne<br />

précédente. La conjondure ne pouvoit être plus favora-<br />

We, pour profiter des grandes Révolutions qui venoient d'arriver<br />

en Egypte , Se afin d'empêcher f affermiffement du Tiran,.<br />

qui venoit d'ufurper cet Etat. Il dépêcha , en même tems,<br />

FRE'DERIC, Archevêque de Tyr y Se GUILLAUME, Evêque<br />

dAcre, aux Princes d Europe 5 pour leur repréfenter, que le<br />

Roïaume de Jérufalem, fe trouvant alors environné d'Ennemis,<br />

non moins puiffans, qu'avides de s'en emparer, il étoit fort à<br />

craindre, qu'fls n'en dépouiUaffent entièrement les Chrétiens y à<br />

moins qu'fls ne lui envoïaffent des fecours capabks de leur réfifter.<br />

Pendant le voïage de ces Prékts enEuropey VEmpereur Grec<br />

fît paffer à f/o/m«iVfe une Flotte de 150. Galères, 6cde^o. Vaiffeaux<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. V. CH. L 203<br />

féaux de charge, foit que l'occafion lui parût avantageufe pour<br />

fake de grands progrés en jE^y/>/^, ou qu'fl voulût affifter puiflàmmant<br />

le Roi de Jérufàkm y fon Neveu, dans une affake fî intéreflànte.<br />

A L M E RI c, qui avoit déjà bien muni les FrcMitières du côté de Alméric<br />

Damas, afin d'empêcher NORADIN de profiter de fon abfence f^ P^<br />

avoit affemblé fon Armée, près dAfcalone. Il en partit le 10, i^f'<br />

d'Odobre, ^ccomp^gné des Hofpitaliers y Se des Templiers, qui,J^,^<br />

dans cette occafion, voulurent bien être de la partie. Ils traver-^^.^ôfpiièrent<br />

heureufement le Défert ; 6e, en neuf jours de marche, fls^^^<br />

arrivèrent kjarmicy andenne Vflle dEgypte y fituée fur le bord<br />

de k mer, à environ une Ueue de diftance du premier bras Oriental<br />

y qu'avoit alors le A7/, qu'on nommoit Carabez. Ce bras,<br />

ou canal, devoit être bien large. Se bien profond, puifque, pour<br />

le traverfer, toutes les Troupes furent obUgées de s'embarquer fur<br />

la Flotte Impériale, qu'efles trouvèrent à f ancre devant cctte Vifle,<br />

qui avoit été autrefois très-renommée. Se très-recommandabk;<br />

mais qui étoit alors entièrement détruite, 6e déferte. Après avoir L«r arri.<br />

paffé cette branche du A7/, fArmée Chrétienne reprit fon che- mie«P*"<br />

min par terre ; Se, laiflànt la mer à fe droite, 6c k ViUe de Janes<br />

à gauche, eUe march^vers D^w/^//^, où eUe arriva en deux jours,<br />

6c y attendit la Flotte Grèque.<br />

Gette Vflle, felon GUILLAUME de TYR, étoît bâtie fur le fecond<br />

bras Oriental du Ail; mais d'autres Auteurs affurent,<br />

avec plus de raffon, que c'étoit fur le premier, ce Fleuve n'en<br />

aïant jamais eu que deux' prîndpaux, Se naturels, comme nous<br />

le remarquerons, en parlant de VEgypte en particuUer, c'eft-à dire<br />

celui de Damiette y Se VOccident deRoffely ou Canope. Damiette<br />

n'étoit, au raport des andens Auteurs, qu'à un Mfle de<br />

dflknce de la mer, au Ueu qu'efle cn eft éloignée aujourd'hui de près<br />

de trois Ueues; ce qu'on doit attribuera la quantité de Umon du<br />

i^//. Gela n'eft pas feulement arrivé à Z)/ww/V/^, mais encore à toutes<br />

ks Vflles maritimes de hh^o Egypte y où l'on voit kur fitua-<br />

Cc 2 tîon,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


S04. H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

tion, les Lacs, ks Côtes, 6c ks Vflks voifines fort différentes<br />

de ce que ks Anciens nous les repréfentent.. Ce qui prouve encore<br />

mieux ce changement, c'eft que fembouchure du Nil à DamiettCy<br />

qu'on nomme vulgairement le Bogaffe, qui forme une efpèce<br />

de port, dans kquel entroient autrefois ks gros Navires en toute<br />

forte de faifon,s'eft teflement comblée,qu'il n'y en peut plus<br />

entrer, que de médiocres, encore eft-ce en certain tems de l'année<br />

feulement, Se avec beaucoup de précaution ; Ce qui fit dire<br />

en 1697. à un vieux Rais, ou Capitaine de Saiquey qui avoit<br />

coutume d'y voïager dès fa tendre jêuneffe, qu'fl craignoit, de<br />

n.e pouvoir plus continuer ce trafic, avee des bâtimens un peu<br />

grands, puisque, de quinze braffes de fond, qu'il y avoit trouvé,<br />

quinze ans auparavant, à pekie s'y en trouvok-il alors quinze<br />

piés.<br />

^tlcdt C^ ^ut ^ïi^re Is, Bogaffe y 6e la Vflle, que le Roi ALME'RIC<br />

mnt Da- campa avec toute fon armée, dans k réfolution d'en former le fiéniiette.<br />

^^^ fitôt que la Flotte Impériale feroit arrivée ; Maîs, comme ks<br />

Egyptiens y avoient changé de maxime, en changeant de Maître,<br />

bien loin d^étre épouvantés , comme auparavant , à la vue de<br />

de leurs Ennemis , ils profitèrent ouvertement de leur inadion,<br />

muniffant bien kur Place , 6c minant les campagnes ; de forte<br />

que , lors que les Grecs , qui avoient été retenus par les vents<br />

contraires, arrivèrent, 6e qu'ALM'ERic commença à battre k<br />

Pkce , les Habitans fe défendirent avec tant de courage , que<br />

^^^[J.L l^s ChrétienSy au Ueu de pouvoir avancer en rien, fe retiroient<br />

toujours , avec beaucoup de perte. Leurs Châteaux de bois,<br />

kurs BeUiers , ni leurs autres Machines , ne faffoient plus d'ef<br />

,. fet, foit qu'eUes fuffent mal placées, ou que l'incapacité de ceux<br />

qui les conduifoicnt y contribuât. LesAlfiégés, ni kurs Mu»<br />

raiUes , n'en recevoient prcsqu'aucune incommodité ;, pendant<br />

que ks Chrétiens emploïoient inutilement leur tems, Se leurs provifions,<br />

fans pouvdr en faire venu que très-diificflement, 6c<br />

que les Infidèks en recevoient en abondance<br />

Les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D É JE' R u s A L E M. Liv. V. CH. I. 30 j<br />

Les Hiftoriens Grecs, Se particulièrement NICETAS GONIETE<br />

rejettent toute la faute de cette mauvaife conduite, Se de ce peu<br />

de fuceès, fur les Latins; Se ceux-ci f attribuent, au contraire,<br />

entièrement a k maUce , Se à f ignorance des Grecs ; mais foit<br />

que les uns^ ou les autres, y contribuaffent, ou qu'fl y eût de k<br />

faute des deux Nations enfemble , fl eft fur que kurs attaques^<br />

6c leurs batteries mal concertées, jointes aux pluies exceffives,<br />

6e continuefles, qui furvinrent au mois de Décembre , ks obUgèrent<br />

d'interrompre leurs opérations, 6c les contraignirent à ne<br />

plus fonger qu'à fe garantir de la faim , qui les avoit rendus fî<br />

knguiffans, qu' à-peine pouvoient-fls fe foutenir.<br />

Les Affiégés ne négUgèrent pas f occafîon de profiter de leur gj^^^^^^"<br />

relâchement. Ils entreprirent de brûler la Flotte Grèque , qui trùiées, par<br />

étoit à f ancre dans la rivière , par le inoïen d'un gros bateau, ^'^^


2o6 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

ner. Ge fut tout ce qu'fls purent obtenir par un Traité ', fans<br />

quoi îls auroient eu bien de la peine à regagner leur Pays, tant<br />

ils étoient foibles, 6c abatus de leurs longues fouffrances.<br />

L'armée du Roi reprit le chemin du Défert, qu' efle eut le<br />

bonheur de traverfer, fans aucun inconvénient, Se arriva enfin<br />

F/S^Grè" * Afcalone. La Flottc Grèque , plus infortunée , fut furprife<br />

qwteflen- d'uucTempête, fi furieufe, que la plupart des Vaiffeaux fut enfa^Tmpête.<br />

gloutîe. Nouvcau malhcur, qui acheva de détruire ce que n'avoit<br />

pu faire le feu. Il ne retourna à Conftantinople , qu'une<br />

petite partie des Vaiffeaux , Se des Galères. L'Empereur fut fî<br />

fEmpereur cliagriu , Se fî dégoûté de cette malheureufe expédition , que,<br />

Emanuel. malgré ks fortes folUeitations du Roi de Jérufalem, Se les grandes<br />

promeffes qu'fl fitàPuiLiPPEde NAPLES, Ambaffadeur de ce<br />

Monarque, Se enfuite à lui même, EMANUEL ne voulut plus entendre<br />

parler , ni des affaires dEgypte , ni de celles de Palestine.<br />

Article III. Si la précédente entreprife d'ALME'Ri c fur VEgypte fut caufe<br />

de f établiffement des Turcs dans ce Roïaume, cette dernière<br />

les lui attira bientôt fur les bras. Ils défolèrent les Sujets, Se<br />

L Armée de IQ privèrent lui même d'une bonne partie de fes Etats. SA-<br />

Saladin ^ . niz-n-n i / /<br />

dansja LADIN, qui ue coulideroit 1 Egypte y que comme un dégre,<br />

Paleftine.<br />

II70.<br />

pour parvenir à fes vaftes deffeins, vouknt y donner f effort,<br />

Se fe vanger de l'affaire de Damiette , affura bien VEgypte de<br />

tous côtés , Se entra dans la Paleftine , à la tête de 40. mille<br />

Chevaux. Il fe jetta dabord fur le petit Château de Darony<br />

qu'ALME'Ric avoit fait copftruire , près de Gaza. Il fauroit<br />

emporté d'emblée, fans la hardieffe, avec laquelle ce Prin-.<br />

ce, foutenu feulement de 2 5'o. Chevaux, de 25*00. Fantaf^<br />

fins, 6c des Ordres Mflitaires , afla fe pofter à k vue des Ennemis<br />

, qu'il attaqua enfuite, avec tant de réfolution , que,<br />

malgré l'inégalité du nombre, fl en fit un grand carnage , 6c<br />

ks obUgea à lâcher prife. SALADIN, étonné du désordre de fes<br />

propres Troupes, 6c de la vakur des Chrétiens, fit fonncr k<br />

rétrai-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. I. 207<br />

rétraite, 6c marcha vers k Vifle de Gaza y qu'il fe flattoit de furprendre;<br />

Mais fl ne fut pas plus heureux, dans cette entreprife,<br />

qu'à celle de Daron. Les Templiers y qui défendoient cette<br />

Place, lui firent bientôt comprendre, qu'fl y perdroit inutikment<br />

fes Troupes, 6c fon tems. Cet Infidèky au désespoir ^^JJjyj?'<br />

de fon peu de foccès, déchargea fa colère fur les Fauxbourgs,>«5» *»«/<br />

Se les Campagnes, qu'il mit tous à feu, 6c à fang. Il paffa Sljrieenfuîte<br />

dans la Syrie-Sobal y qu'îl ne traita pas moins cruëfle- ^^^^•<br />

ment, 6c fe retira en Egypte y avec les'dépouflks de tant de<br />

pauvres malheureux.<br />

Dans cette même année, le Roïaume de Jérufalem y auffi ^i^JJ';^^<br />

bien que tous les autres Pays de VOrient y reffentirent de fi ter- "Ww der<br />

ribles Trem^blemens de terre, que leurs fecouffes violentes, 6c mens de<br />

redoublées, pendant tout l'Eté, enfévélirent un nombre infmi J'*"]^^.^^<br />

de Perfonnes,*fous les ruïnes des Maffons.. Diverfes Vifles, de jérafa*<br />

Bourgs, Se Villages, en furent renvcrfés. La célèbre Antioche<br />

y Laodicée de Syrie y Gaballay Alep y Se Emeffiy foufïrkent<br />

des dommages irréparables. La Vflle de Tripoli y en particuUer,<br />

en reffentit un û terrible, le 27. de Juin, au point du jour,<br />

que peu de Perfonnes, du grand nombre qu'efle renfermoit, en<br />

échapèrent, prefque tous les Edifices, même les Muraifles de k<br />

Vifle, aïant été renverfées de fond en combk.<br />

Ces terribles défoktions, que les Infidèles n'avoient pas moin»<br />

éprouvées, que les Chrétiens y n'empêchèrent pas SALADIN de<br />

fe remettre en campagne, avec une Armée, plus grande, que<br />

k précédente. Il rentra dans la Syrie-Sobal y où fl 'affiégea d'abord<br />

le Château de Montréal; mais, comme fl trouva cette<br />

Fortereffe, auffi bien munie, que défendue. Se que le Roi s'étoit<br />

avancé jufqu'au Ueu voifin, où habitoit autrefois finfenfé.<br />

Se impie NABAL CARMEIL, îl s'ennuïa de battre une Place, où Ravager<br />

il n'avançoit en rien, 6c fe contenta de ravager , Se brûler k.^^f^^^^_<br />

fon ordinaire les Campagnes, 6c les Ueux ouverts, fans que k jj|^'^'|j'"<br />

Roi pût y mettre aucun obftacle* En effet, les Troupes d'AL- souau*<br />

ME'-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


M8 H I S T O I R E G E'N E'R A L E<br />

M E'R I c étoient trop inférieures à celles de fon Ennemi, Se il<br />

craignoit de perdre fon monde, dont la défaite lui auroit été<br />

très-difficile à réparer ; d'autant plus que la Principauté dAntioche<br />

fe trouvoit, en même tems , remplie des Troupes de<br />

NORADIN, qui n'y faifoient pas moins de désordres que les Egyptiennes<br />

y aux environs de Montréal<br />

'Articleir. Ce fut ainfi que fe termina cette Campagne, ks Infidèles fe<br />

retirèrent fur leur terrain, 5c le Roi A L M E'R i c à Jérufalem.<br />

11 y eut le tems de réfléchir fur les fréquentes irruptions des<br />

Barbares y Se fur k mauvaife réùffite de f Ambaffade de l'Archevêque<br />

de Tyr, Se de l'Evêque de Ptolémaïde, en Europe,<br />

^'où, après deux ans de fortes foflicitations, ils n'avoient remporté,<br />

que de vaines efpérances, moins par raport à la défunion<br />

des Princes, que par la part que chacun d'eux avoit prife<br />

^!tïL ^^ Schifme, qui travailloit le St. Siège y Se toute X Italie y depuis<br />

glife. k mort d'ADRIEN IV. Le Roi fe trouva dans un grand embarras,<br />

faute de moïens pour leur faire tête. Il avoit perdu fef^<br />

pérance d'être fecouru des Puiffances d Occident ; Et fl fe voïok<br />

deftitué du fecours, qu'fl avoit autrefois reçu de THOROS,<br />

Prince d Arménie y fon Ami, 6c fon Voifîn. Lcs Etats de ce<br />

dernier étoient tombés après fe mort, au pouvoir de ME'LIER ,<br />

fon Frère, méchant, Se fcélérat, qui avoit apoftafîé, Se fiiit<br />

Rfliance avec NORADIN, après avou quitté f Habit de Templier y<br />

Se chaffe de la Principauté un de fes Neveux, à qui efle devoit<br />

appartenir.<br />

M E'L 1ER fe déclara même fî ouvertement, contre fOrdre<br />

qu'fl venoit de quitter, que, peu fatisfàit d'avoir ravagé les<br />

Maifons, 6e les Terres, qui lui appartenoient, fl pouffa encore<br />

fe cruauté, jufqu'à enchainer tous ceux de fes Confrères,<br />

qu'il put attraper, 6e à les vendre aux Infidèles. Tant de méchancetés<br />

obligèrent le Prince dAntioche y Se les autres Sdgneurs<br />

du voifînage, à prendre leurs armes contre cet impie,<br />

afm d'arrêter fes violences. Ils envoïèrent, en même tems,<br />

prier<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH.I. 209<br />

prier k Roi ALME'RIC de vouloir les féconder dans une affaire<br />

qui ne f intéreffoit pas moins, qu'eux; car cet uforpateur n'avoît<br />

pas plus d'égards pour fes Sujets, que pour ceux des autres<br />

Princes.<br />

Le Roi de Jérufalem y qui auroit fouhaitè ; d'appaifer , par<br />

les voies de la douceur, des troubles fî dangereux pour tous les<br />

Chrétiens du Levant y qui n'avoient déjà que trop d'Ennemis à<br />

rédouter, fe rendit k Antioche y pour tâcher d'y remédier;<br />

mais, reconnoiffant, que la douceur, ni ks Négociations, ne<br />

pouvoient rien fur feô)rît revêche du nouveau Prince dArméniCy<br />

fl fe joignit enfin au Prince dAntioche y Se aux autres<br />

Seigneurs, qui étoient déjà armés, pour afler le détruire.<br />

Us auroient facflemént accablé; ME'LIËR, qui étoît mû susre d'A<br />

fecondé de fes Peuples, fî NORADIN, pour faire diverfîon, rac,/.flr<br />

Se pour foutenir une Perfonne, dont îl avoit pris k défenfe,<br />

n'eût été d'abord affiéger k Vflle dAraCy Capitale de<br />

VArabie-Pétrée. A cette nouvelle, ALME'RIC quitta promtement<br />

V Arménie y pour aller fecourir cette Pkce, dont la confervation<br />

lui importoit beaucoup plus, que la pourfuite de<br />

V Arménien y qui s'étoit retiré dans les Montagnes, d'où fl<br />

n'étoit pas facile de le faire fortir.<br />

Quelque diUgence, que fït le Roi, pour afler fecourir Levée du<br />

AraCy il eut la fatisfàdion de n'y plus trouver d'Ennemis à '^^^*<br />

combattre, parce qu'EMPHROi de THORON, Connétable du<br />

Roïaume, qui étoit demeuré à Jérufalem y en compagnie de<br />

l'Evêque de Bethlem, Se de quelques autres Seigneurs, en étoît<br />

allé renforcer la Garnifon ; de forte que NORADIN, qui n'étoit<br />

aflé affiéger Aracy que pour délivrer fon AlUé du danger,<br />

où fl fe trouvoit, fatisfàit d'apprendre que les Chrétiens s'étoient<br />

retirés de V Arménie y s'en retourna k Damas y Se le Roi à<br />

Jérufalem y où, contre fon attente, fl trouva les affakes<br />

fort tranquiles.<br />

Dd La<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


2IO HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

La mort de NORADIN, qui arriva peu de tems après fon expédition<br />

dVAraCy procura aux Chrétiens la continuation de la<br />

même tranquflité, d'autant plus que l'avide SALADIN fe jetta<br />

d'abord fur le Roïaume de Damas. A L M E'R i c auroit pu profiter<br />

de la mort de fun. Se de f acharnement de l'autre, fans<br />

fembarras, Se le danger, dans lequel les Templiers mirent tout<br />

d'un coup, 6c k Cour, 6c l'Etat, par le fâcheux accident que<br />

je vais raporter.<br />

jf!t)^i>. OMif. .«o»». A9%1h 4.9^ih >«OS)i. A9ÇilU.!SJDvl08i)ii. jM>^ih v>i:06». .sXti^h. A9


DE JE'RUSALEM. LIV. V. CH. IL 211<br />

chofe au monde, qudque difficfle, 6c perifleufe qu'efle fût, qu'fls f",^ff;"'<br />

n'exécutaffent au moindre de fes ordres, jufqu'à fe précipiter vieux.<br />

eux-mêmes du haut de leurs Maifons, Se des Tours, au moindre<br />

fîgnal qu'il kur en faifoit. Par kur étrange foumiffion dans<br />

des chofes auffi barbares, que ridicules, ils s'étoient rendus redoutables<br />

à tous leurs Voifîns , parce que, lorfque quelqu'un<br />

d'eux déplaifoit à leur Fieux y fl confîgnoit un poignard à un,<br />

ou à plufieurs de fes Sujets, pour f aller affaffiner; ce qu'fls ne<br />

manquoient pas de faire, même aux dépens de leur propre vîe,<br />

qu'ils expofoient avec gaieté, 6c fens aucun ménagement. Ils<br />

étoient perfuadés, qu'fls fe rendoient agréables à Dieu, en fuivant<br />

exadement la volonté de kur Prînce: Et c'eft peut être,<br />

par k grand nombre de meurtres, que ces Scélérats avoient<br />

commis par fes commandemens, qu'on a donné dans la fuite le<br />

nom d Affaffins à ceux qui, comme eux, en commettoient par ^f^^2<br />

traiiifon, ou par fupercherie. fins-<br />

Parmi les cas furprenans, qu'on trouve, dans f Hiftoire, de<br />

f aveugle dévouement de ces Peuples aux volontés de leur Chef,<br />

on en voit un, qui arriva, lorsque HENRI , Comte de Champagne<br />

y paffa fur leurs terres, fous la bonne foi dun Sauf-conduit<br />

, pour afler de Tyr à Antioche. Il fut courtoffement reçu<br />

du Fieux de la Montagne ; C'eft aflifi que les Clorétiens mêmes<br />

le nommoient. Ce Chef, pour honorer le Comte, voulut f accompagner<br />

; fls pafsèrent à cheval fous une Tour, au haut de<br />

kquefle fe trouvoient plufieurs de fes Sujets; Se y pour faire voir ^<br />

au Comte leur foumiffion, 6c le pouvoir abfolu qu'fl avoit fur<br />

eux, il en appella un par fon Nom, lequel, fans héfîter im moment,<br />

fe jetta en bas. Se demeura mort, Se fracaffé prefqu'à<br />

leurs pieds. Le Comte, furpris d'un fpedaek fî barbare, craignant<br />

qu'fl n'en appeflât encore d'autres, le pria inftamment d'épargner<br />

la vîe à des gens qui lui étoient fî foumis, 6c fî fidèles.<br />

Les Affaffins fuivoient, depuis près de quatre Siècles, la Loi Reiiginn<br />

Mahomet ane y dont ils étoient même grands obfervateurs; Ce-f^s.<br />

Dd 2 pen-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


212 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

pendant, malgré la défenfe que porte cette Loi de fire aucun<br />

Livre, celui qui les gouvernoit du tems du Roi ALME'RIC,<br />

foît qu'il eût plus d'efprit, ou qu'fl fût plus curieux que fes Prédéceffeurs,<br />

aimoit les fciences, 6c s'apUquoit à la ledure des<br />

Livres qui pouvoient f inftruire, Se principalement à PHiftoire<br />

du Nouveau Teftament. Il y reconnut bientôt la différence,<br />

qui fe trouve entre la Sainte Dodrine de JESUS-CHRIST, Se les<br />

Fables que MAHOMET, 6C HALI, leurs Prophètes, leur avoient<br />

enfeignées dans VAlcoran. Ce Chef, fe reprochant d'avoir fî<br />

long-tems fuivi de fi faux principes, qui ne promettent que des<br />

récompenfes groffières, Se fenfuelks,; à ceux qui les obfervent,<br />

réfolut d'embraffer le Chriflianifme. Il commença à mftruire fes<br />

Peuples de la pureté des maximes de fEvangfle,6c à les desabufer<br />

des fuperftitions, qui fe trouvent dans leur croïance ; mais,<br />

fans vouloir d'abord fe fervir de fautorité qu^il avoit fur eux,<br />

parce qu'il étoît perfuadé, par la ledure de l'Ecriture Sainte,<br />

que la Religion, qu'fl vouloit leur faire embraffer, ne demandoit,<br />

que de la charité. Se de la convîdîon, de k part de fes<br />

Sujets.<br />

Comme il avoit affez d'efprit pour s'apercevoir que ce changement<br />

leur feroit utile, il envoïa d'abord un de fes confidens,<br />

Leur def Hommé BoADELLA, Hommc de pHideucc, Se de capacité, au<br />

fau-fchiér ^^'^ ALME'RIC, pour l'affurer, que, s'fl vouloit engager les<br />

tiens. Templiers à les décharger du tribut de 2Coo. Ecus, qu'fls s'étoient<br />

engagés de leur payer, afin d'éviter ks fréquens ravages,<br />

que ces Ciievaliers faifoient dans kurs Vaflées, à la faveur<br />

des Fortereffes, qu'fls poffédoient fur leur Frontière, luî, 6c<br />

tous Peupks, étoient difpofes à recevoir k bâtême, 6eàfe décla-rer<br />

ennemis de tous ceux qui n'étoient point Chrétiens.<br />

Générofité ' Ce Princc, quî rccounut l'avantage, que tout k Roïaume<br />

't^^Tmrke ^^ Jérufukm recevroit de cette union, ne balança pas à facri-<br />

%^%^' ^^^^ ^^^ propres intérêts pour la faire réuffir.Il s'engagea à payer<br />

*" '"^* lui même aux Templiers les 2000. Ecus de trfljut, 6c careffe extrè-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. II. 213<br />

trèmement l'Envoïé du Fieux de la Montagne, pendant plufîeurs<br />

jours, qu'fl le retint à fa Cour, pour achever un Traité fi<br />

avantageux. Il le renvoïa enfuite avec les mêmes honneurs,<br />

fans avoir jamais pu penfer, que les Templiers euffent des fentimens<br />

contraires à une œuvre f î femte, Se fi louable. Les ChevaUers,<br />

au contraire, qui ne comptoient pas trop fur les promeffes<br />

du Roi, plus fenfibks à un tribut, qui leur faifoit honneur,<br />

6e à la fujettion, dans kquefle fls avoîent feuls l'avantage<br />

de tenir ces Peuples cruels, 6c farouches, qu'à f augmentation<br />

de la Foi,, encore plus fcélérats. Se plus méchans qu'eux,n'eurent<br />

aucun égard aux fuîtes fimeftes, que pourroit avoîr une<br />

adion auffi criminefle, que cefle qu'fls méditoient. Ils aflèrent sariarie<br />

fe pofter aux environs de Tripoli y où ils affaflflrent BOADELLA, ^wTem-<br />

6c f affaffinèrent aux yeux même d'un Gentflhomme du Roî, qui ^ ^^"*<br />

Paccompagnoit.<br />

Une adion fi fcandaleufe, 6c û déteftable, renverfe entièrement<br />

fefpérance des Chrétiens y Se ks bonnes difpofitions du<br />

Prince des Affaffins. Il fut fi juftement irrité d'une entreprife,<br />

qui violoit le Droit des Gens, 6e la foi publique, fi révérée ^<br />

parmi toutes les Nations, que, bien loin de penfer davantage à<br />

,le convertir à la Religion Chrétienncy û ne refpira plus, que<br />

haine, Se vengeance, contre elle.<br />

Il n'auroit pas manqué de joindre fes armes à ceUes des autres<br />

Princes Infidèles, pour faire éprouver fon jufte reffentiment<br />

aux ChrétienSy ou, cc qui étoit encore plus à craindre, de fè<br />

fervir, comme à fon ordinaire, de k voie de f Affaffinat, pour ^^f"/"" *<<br />

fe défaire du Roi, Se des principaux Seigneurs de fon Roïau- rufaiein"<br />

me, fans k prudence. Se la promtitude, avec kqueUe ce Prin- v*j^u^^*li<br />

ce fapaife, en lui faifant connoître fon innocence , 6c fon ^'ntagne.<br />

désintéreffement ; l'affurant, que ceux qui favoient offenfé,<br />

en la perfonne de fon Miniftre, en feroient punis, par lui<br />

mêjne, fî févèrement, qu'fls ferviroient d'exemple à la poftérité.<br />

Dd 3 Le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


214 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Le Roi fe trouva fî intéreffé à ne pas laifler impunie fadion<br />

barbare des Templiers, qui avoient violé le Droit des Gens, 6c<br />

offenfé k Majefté Roïale, qu'fl fe mit en état de punir les coupables,<br />

comme fl l'avoit promis au Fieux de la Montagne ; mais<br />

il mollit dans k fuite. Se fe contenta de faire affembkr fon<br />

Confefl,! Il fit ; entendre à OTHON de ST. AMAND, alors<br />

Maître des Templiers y qu'fl prétendoit abfolument avoir à fa<br />

difpofition GAUTIER MASNILLO, Chevalier de fon Ordre, avec<br />

tous fes complices, pour les punir du crime atroce , qu'ils<br />

avoient commis en la perfonne d'un Minifire public. SAINT-<br />

AMAND , qui n'en étoit pas.ja:ioins coupable, que les autres,<br />

refufa de les livrer ; foutènant, que ces Religieux depcndoient du<br />

Pape feifl; 6c fl prptefta contre la violence du Roi. Surquoi<br />

ce Prince fe tran^Jorta à Sidon y où fe trouvoit MASNILLO: Il<br />

étoît aifé de le reconnoître, parce qu'il étôit borgne. Le Roi<br />

l'arradia, par force, de fa Maifon, 6c k fit conduire prifonnier<br />

à Tyr. Cependant, quoique, dans k commencement de fon<br />

Règne, il eût fait exécuter douze ChevaUers de cet Ordre, pour<br />

une affaire beaucoup moins criminelle, foit qu'il craignît f indignation<br />

du/S/. «S/V^^, dont SAINT-AMAND l'avoit menacé, ou<br />

qu'fl eût alors plus de ménagement pour une Religion, qui s'étoit<br />

rendue très-puiffante, ou que le bonJieur, qu'fl avoit eu<br />

d'appaffer le Fieux de k Montagne, l'eût rendu plus modéré,<br />

fl fe contenta de retenir long-tems le meurtrier en prifon, fans<br />

même rechercher davantage ceux qui l'avoient fecondé; 6c fl ne<br />

penfa qu'à engager tous les Seigneurs du Roïaume à faider, de<br />

tout leur pouvoir, dans l'entreprife de Belline y ou Céfarée de<br />

Philippe y qu'fl avoît méditée, pendant que SALADIN avoit des<br />

occupations, qui ne lui permettoient pas de s'y oppofer.<br />

Artickïi. il affembla toutes fes Troupes, ^Se accompagné des Barons<br />

du Roïaume, 6c des Ordres Militaires, il alla former le Siége^<br />

céfa'rée*, dc ccttc Placc. La Veuve de NORADIN s'y trouvoit enfermée.<br />

par Aimé-£jjç ^voitfur ks bras une partie des Forces de SALADIN, qui s'étoit<br />

déjà<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. V. CH. II. 21^<br />

déjà emparé de Damas, par k trahifon de fes Habîtans. Cette<br />

habile Femme, n'ignorant pas que f avarice étoît le foible<br />

dominant d'ALME'Ric, lui fit propofer une groffe Somme<br />

d'argent, pour l'engager à la kiffer en repos; mais, quelque<br />

touche qu'il fut de fes offres, fl affeda de les rejetter, dans<br />

l'efpérance, qu'en redoublant fes batteries,6c fes affauts, fl l'obUgeroit<br />

à les augmenter. Cependant, voïant le peu de foccès<br />

de fes attaques, 6c aïant reconnu, quelques jours après,<br />

que les Affiégés, encouragés par k prefence de leur Souve- -^^< *»<br />

raine, les rendoient prefque inutfles, il réfolut de rénouer fac- j^e^l^r^it<br />

commodément, Se d'accepter fargent qu'efle lui avoit offert ; ^^^^^^<br />

deforte que, fans fe mettre en peine des murmures de fArmée,<br />

ni de la nouvefle tache, que cette kcheté faffoit à<br />

fa gloke, fl s'en retourna à Jérufalem y auffi content dc fon<br />

expédition, que s'fl eût conquis k Place.<br />

Il eft vrai, que fe fatisfàdion ne fut ni complette, ni de<br />

longue durée. Il ne put fake aucun ufàge du tréfor qu'fl<br />

venoit de gagner, d'une manière fi préjudiciable à fon<br />

Roïaume, 6c à fon propre honneur. En arrivant à Tibériade<br />

y après fon expédition, fl y fut attaqué d'une diffenterie fî<br />

violente, qu'à peine lui permit-eUe de fe rendre à Jérufalem y<br />

où la fièvTC s'étant jointe à cette indifpofition, fl mourut le 13. ^^f'^<br />

Jufllet de cette même année 1173. âgé de 38. ans, dont fl en<br />

avoit régné douze, 6e fîx mois.<br />

Après les funéraflles de ce Prince, dont le corps fot inhumé<br />

à côté de fes Prédéceffeurs dans fEgUfe du St. Sépulcre; BAU­<br />

DOUIN IV. du Nom, fon Ffls, qu'fl avoit eu d'AoNES DE<br />

CoLTiTENAi, fa première Femme, fut couronné dans le même^*^-<br />

Temple, avec beaucoup de pompe, 6: de magnificence. Ce Baudouin<br />

jeune Prince, qui n'avoit encore que treize ans, commençoit<br />

déjà à reffentir les effets de la terrible maladie, dont fl fiit affligé<br />

tout le tems de fe vie, 6c qui le mettoit hors d'état de foporter<br />

k poids du gouvernement. Ceft pourquoi ks Barons du Roiaume<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


2i6 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

me proposèrent dénommer un Régent, qui l'adminiftrât pendant<br />

quelques années : ce qui caufa des troubles,, 6c des désordres,<br />

qui ne contribuèrent pas peu à la ruine de fEtat. Qiielques<br />

Seigneurs prétendoient, que la Régence leur appartenoit de<br />

droit ; d'autres vouloient f emporter par brigues. La haine fe<br />

mêla à l'émulation, qui regnoit entre eux. Se leur fit facrifier<br />

k bîcn commun à leurs paffions particulières.<br />

MILON DE PLANCHI, Sénéchal du Roïaume, auffi préfomtucux,<br />

qu'infînuant, étoit û avant dans les bonnes grâces du<br />

TroîMes jeuue Roî, qu'il régloit prefque feul toutes les affaires. Il écar-<br />

/i7^"Te ^* ^^^^ même, autant qu'fl pouvoit, les autres Seigneurs d'auprès<br />

de ce Prince. Ils en furent fi irrités, qu'fls fe rangèrent tous<br />

du parti de RAIMOND , Comte de Tripoli. Ils s'affemblèrent,<br />

Se le déclarèrent unanimement Régent du Roïaume, pendant<br />

que MILON étoît aflé faire un voïage à Ptolémaïde y où il fut af^<br />

faffmé, fans qu'on pût jamais découvrir par qui, ni pour quel<br />

fujet.<br />

Le Roi, qui n'ignoroit pas, que la Régence appartenoit éffèdivement<br />

au Comte de Tripoli y comme fon plus proche Parent,<br />

approuva fe nomination, 6c l'inveftit d'abord de toute<br />

fautorité ; ce qui appaife, pour quelque tems, ceux qui afpiroient<br />

à cette Dignité.<br />

Article m. SALADIN Cependant continua à s'emparer des Etats du jeu-<br />

Entreprife uc M E'LECS AL A, Ffls de NoRADiN. Après s'êtrc rcudu maî-<br />

^^ Saladin tre dc la fameufe Ville de Damas y qui faprochoit entièrement<br />

Zs7eMé- des ChrétienSy fl avoit foumis toute la Province de la Célo-SyriCy<br />

lecfaïa. ^ ^^^^^ ^^^^^^ j^j^g VApaméCy où il s'étoit auffi emparé des Vilks<br />

dAman-Céfary appeflée communément la Grande- Céfarée y<br />

auffi bien que dEmeffe. Cette dernière avoit une Fortereffe,<br />

dans laqueUe s'étoient retirés les fidèks Sujets de NORADIN, Se<br />

de fon Ffls. Ils fe défendoient encore vigoureufement. Se faifoient<br />

des efforts incroïables pour conferver ce Fort à leur Maître<br />

». lorfque, de favis du Confefl de Jérufalem y le Comté de<br />

Tri-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D'E JERUSALEM. Lir, V.vCfr. Iî. 2I^<br />

Tripoli fe mit à^k-téte des Troupes du Roïaume, pour aller dé­<br />

Uvrer cette Place, Se tâcher d'interrompre les progrès de ce ^<br />

Conquérant Jl ne couvenoit point .du tout aux Chrétiens.y<br />

qu'fl poffcdât VEgypte y 6c k iS;'H^ ; .mais fl étoit de kur intérêt,,<br />

que ces deux-Ro'iaumes fuffent occupés pas deux différens Maîtres<br />

; lesquels, quoi que d'une même Religion, ne laiffoient pas d'avoir<br />

fouvent des démêlés enfemble, qui procuroient ^.uxChrétiens<br />

des intervaUes de tranquflité, pendant lefquels fls pouvoient trouver<br />

les moïens de repouffer les attentats de l'un, iSe de fautre.<br />

: Cependant, qudque empreffemènt que témoignât le Prince<br />

RAIMOND de vouloir fe bien acquiter.de cette expédition, 6c<br />

quelque intéreffé qu'il y fût en effet, à caufe de k fureté de,fes<br />

propres-Etats, 6c de. celle detout le Roïaume, dont on venoit<br />

de lui confier la conduite, fl fe contenta >de fauver>les apparences,<br />

6c ne s'avança, que jufqu'au Château d'^r^^ï, fitué au pié<br />

du Mont-Liban y où.il csimpsL '•<br />

Ce fut-là, que SALADIN iui envoia fes Ambaffadeurs, avec<br />

plufieurs riches préfens. Ces Députés f affurèrent, de la part<br />

de leur Maître, qu'fl iui rendroit les otages, 'qu'fl avoît donnés<br />

à NORADIN, après k bataiUe d Arène y où .ce Comte avoit été<br />

fait prifonnier. Se qu'fl avoît laiffés en fon pouvoir pour fureté<br />

des quarante mille écus de.fa rançon. Il s'engageoit de plus à<br />

kii rendre les .otages, du Comte RAIMOND de Sydon, qui fe trouvoient<br />

dans le Château de Camélia, pour nantiffement de k<br />

rançon de ce Comte, 6c de fon Frère EUSTACHE, à.condition<br />

qu'il ne le troUbkroit point dans le fiége, qu'fl faifoit adueflement.<br />

Se quî.étoit déjà fort avancé, non plus que dans les autres<br />

entreprifes, qu'fl, feroit contre M E'L E es A L A. *<br />

Pour l'effaî de ce que le Comte de Tripoli devok faire un jour,<br />

au préjudice dc l'Etat, 6c de tous les Chrétiens de la Paleftine y<br />

après avoir été fpedateur delà prife du Château de Camélia y fens<br />

faire aucun mouvement, 6c après avoir reçu dc SALADIN les ôta^<br />

ges, qu'fl lui.avoit promis, avec quelques autreçprffonniers, dans<br />

Ee ' foa<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


218 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />

fon Armée, fl congédia toutes les Troupes, 6c fe retira lui<br />

même à Tripoli y afin de mieux faciUter les projets d'un Ennemi,<br />

qui ne penfoit pas moins à envahir ks Etats .des ChrétienSy que<br />

ceux des Princes de fa propre CTOïance.<br />

Il n'eut pas phitôt termmékfiqge du Château d^ Camélia y 6c<br />

affuré fes conquêtes, qu'fl alla à la rencontre de COTOBE'DI,<br />

Soudan de Muffuly qui s'avançoit avec une forte Armée au fe-<br />

ViBoire de cours de ME'LEC S AL A, fou Ncvcu. Il fe joignît aux environs<br />

^wcoi ^^^^P^ ^^ ^^^ Armées en vinrent d'abord aux mains. SALAbédi.<br />

DIN remporta une entière vidoire, foit par le bonheur, quî paroiffoit<br />

attaché à toutes fes entreprifes ; ou par k fécret, qu'il<br />

avoit de favoir corrompre tous ceux qui pouvoient contribuer à<br />

fes avantages. D affiégea enfuite cette grande Vflle, dont k prife<br />

devoit décider du fort de ME'LECSALA, qui s'y trouvoit<br />

enfermé.<br />

Les Maîtres des Ordres MiUtaires, Se les Barons du Roïaume<br />

, outrés de k mauvaife conduite du Comte de Tripoliy qui,<br />

trahiffant fi indignement la caufe commune, les livroit au plus<br />

redoutable Ennemi des Chrétiens y en firent leurs remontrances<br />

au jeune Roi, Se lui infpirèrent de fe mettre lui même à la tête<br />

de fes Troupes, pour tâcher de recouvrer quelqu'une des<br />

Places, dont SALADIN s'étoit emparé. Il étoit alors occupé au<br />

Siège fiége dAlep; 6e, pour groffir fon Armée, U avoit dégarni la<br />

d*Aiep. Province de Damas de gens de guerre.<br />

,174; • BAUDOUIN, qui, malgré fe jêuneffe, 6cfes indffpofitions, ne<br />

^TsTes l^ffoit pas d'avoir beaucoup de jugement, 6c dc courage, ne<br />

deux pré- balança pas à fuivre leurs avis. On fit raffembkr ks Soldats,<br />

Campagnes quc k Comtc de Tripolî avoit congédiés. Chacun fe mit en<br />

dodn^'iv. ordre. L'Armée Chrétienne paffa k Jourdain, 5c entra dans<br />

k Province de Damas; Mais, par maflieur, le Roi, auffi mal<br />

guidé, qu'fl avoit été confeillé, au lieu de s'attaclier à quelque<br />

entreprife utik, 6c confidérable, qui put obliger SALADIN à k*<br />

ver k fiége djlepy s'adiufa à faire ravager, 6c bçiler les campagnes<br />

j<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. II. 219<br />

pagnes; 6c, quoiqu'fl s'avançât enfuite jufqu'à D^m, qui n'eft<br />

qu'à quatre miles de Damas y -fans même rencontrer aucune op^<br />

pofition, fl n'ofa rkn entreprendre fur cette Vifle, 6c fe contenta<br />

de pfller plufieurs lieux ouverts, entre autres fe grofe JBoùrgdb<br />

Èed^enéy fitué au lâé du Mont-Liban, où ks ÔsfréHerts firent<br />

un butin très-corifîdérabk, par raport à la grande fertifité de ce<br />

fieu, qui rendoit fes Habitans fort opulens.<br />

Ce fut-là le fniit de la première campagne du Roi BAU­<br />

DOUIN. Les Chefs de fon Armée furent caiâfe que la féconde<br />

n'eut pas un meilkur fucôès. Malgré k fecflité de feire quelque<br />

grand coup, pendant féloignement deSuLADW, 6c l'avantage<br />

qu'ils remportèrent fur SANSEDOL , fon Frère, qui com- ^<br />

mandoit à Damas y Se qui s'étoit avancé dans la vallée de Baccary<br />

avec k peu de Troupes qu'fl.avoib, pour s'oppofer là leurs<br />

ravages, les Chrétiens ne s'attachèrent ^u'à ravager cette grande<br />

vaflée, qifon prétend être Vltwrée^Traconitidey autrèfois<br />

Tétrarehie de PHILIPPE , Fils du vieux H E'R ODE, kquelle cft<br />

Dominée le Saut du Liban dans le Livre des Rois. Pays, qui<br />

par la-pureté de fon air, la bonté de fes eaux, Se k fortflité de<br />

fes campagnes, étoît rempU de gros Villages très-riches, 6c<br />

très-peuplés; 6cils y mh*ent tout en combuftion jufqu'à l'ancienne<br />

Ville dArhégàra y qu'on dit être fancienne PalamyrCy colonie<br />

des Phéniciens y ou, felon quelques Auteurs, la Ville de Thaâmùry<br />

qui avoît été bâtie par SALOMON. Les Chrétiens firent<br />

par tout des prifes très-corifiderables, foit en riches meubks,<br />

foit en prifonniers. Se enbêtafl. Se fe retirèrent à Tyr.<br />

Le Comte de Tripoli voulant, de fon côté, profiter de k<br />

fortie de l'Armée du Roi, fe mit auffi en c^npagne avec fes, •<br />

Troupes, entra dans k même vaflée, où fl fit fa part de butin.<br />

Voilà, à quoi fe bornèrent les entreprifes des Chrétiens y<br />

pendant que S AL ADIK faifoit des conquêtes auffi folides, qu'importantes,<br />

Se glorieiîfes pour lui, 6c pour fes Defcendans.<br />

On reconnut cependant que la makdie, dont k Roi étoit fi Artideiv<br />

Ee 2 crud-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


'420 HIST O IRE. G. E'N E'R. AL E"<br />

cruellement tourmenté, dès fa tondre jêuneffe,-étoit* la lèprej.<br />

uupreduce quî luî fit donner le nom de. Lépreux. Cette terrible infirdduinft<br />

iiaké le mettoit hors d'état d'agir; mais, n'ofànt-non plus que<br />

nmife/ie. .fon Confefl^ - remettre la Régence au Comté de Tripoliy ^>rts<br />

k mauvais iffage, qu'fl en avoit fait, les Seignors confefllèrent<br />

au Roi d'envoïer rechercher GUILLAUME LONQUE-EPE'E , pour<br />

le marier avec la Princeffe SYBILE, fe Soeur, Se lui confier f adminiftration<br />

des affaires, comme un vraî moïen de faire ceffer les<br />

prétenfion» de tous ceux qui y afpîroient. Ce Seigneur étoit Ffls<br />

du vieux Marquis de Montferrat,.6c s'étoit déjà acquis beaucoup<br />

de réputation;.<br />

Guiiiau-- GUILLAUME . n'héfita point à accepter une propofition auffi<br />

"»«^°'J"ç ^honorable,., qu'avantageufe.^ Il partît pour Jérufalem y dès<br />

Eggent de\qu^][ en reçut..avis.;. 6e fl ne tarda pas à confommer fon mariage<br />

^ **"*avec cette Prùiceffe.. Il prit en même tems. Se avec un «pplaudiffement<br />

univerfel, k conduite des affaires de l'Etat. - Le Roi<br />

lui. affigna en. dot les Vifles de Jaffa y Se dAfcaloney dont il <<br />

prit le titre de Comte. •' Mais 'il fembloit, que tout ce qui pou-<br />

«K)it contribuer à. rétarder la perte du Roïaume de Jérufalem y 65<br />

SgifMTt.^ à foukger le pauvre BAUDOUIN, devoit être d'abord renverféi<br />

Le Comte dey^^, dont on avoit conçu de fî grandes e§)éran«'<br />

cesj mourut à .AfealonCy trois mois après fon mariage, 6c laisfa<br />

k Roi, qui s'y trouvoit malade, dans la néceffité de recommencer<br />

à agir par lui même. Ce Prflice étoit auffi affligé de k perte<br />

de fon Beau Frère i qu'embarraffé d'un fardeau, qui ki étoit infuportabkv<br />

d'autant plus qu'fl fekit reprendre les armes, pour<br />

accomplir le Traité> renouvefléavec l'Empereur de Conftantinople, -<br />

Deffein i^: Ce Monarque, brûlant d'envie de tranfporter, -pendant l'ab-<br />

^^^^{ fexiceAe^ S Ai.Aïii^i là-guerre en Egypte y pour fe dédom-<br />

/«frïgyp;mager de laptrte, qu'fl.avoit faite defa-Flotte, quelques années,<br />

auparavant; avoit déjà, fait tous les préparatffs néceffair<br />

res pour cette entreprife.. ANDRONIC LANGE, ALEXANDRE DE<br />

P€JuiUE,-.6c JEAN SyATHifi., fes. Ambaffadeurs, étoient p^rtk -<br />

^ . * pour-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


• iD'E JE'RUSALEM. Liv.'V. CH.'ir. 2-i'<br />

pour Ptolomaïde 2ivec 66. Gîflères, & plufîeurs Vaiffeaux de<br />

tfanfport ; - 6e fls n'attendoient, que l'Armée de Jérufalem.<br />

Malgré ks*grandes douleurs, que reffentoit- BAUDOUIN, fl<br />

fe fit tranfporter dans cette G^itale ,t tant pour faire affembkr<br />

fes» Troupes," que pour y recevoir v avec plus de, commodité,<br />

PiiaiPPE, Comte de'Flandres^ qu'on y attendoit depuis<br />

long-tems , - Se qui venoit enfin d'aborder à Ptolomaïde é<br />

Le Roî> de l'avis de fes plus chers confidens, avoit réfolu n^^j/<br />

de lui remettre, non feulement le foin de la guerre d-Egypte\<br />

mais-encore k conduite de fes Etats.--<br />

Après cette déUbération , BAUDOUIN envoïa l'Archevêque Refus delà<br />

de Tyr\ au Comte de Flandres y pour luî offrir ces hautes ^^^J"'^.';,<br />

Dignités; mais, foit que PHILLIPPE n'eût pas deffein; depc, Cbmj^<br />

faire un long féjour en Paleftine y ou qu'fl craignît de ne JS.*"<br />

point''réùffir dans k guerre d'£^4^/f, par raport à la facflité,<br />

qu'avoient les Infidèles y d'inonder k Pays, il remercia<br />

k Roi de la Régence du Roïaume, Se du Commandement<br />

de fArmée,.au gjrand étonnement -de ce Prince, & de fon<br />

Gonfeil.'-<br />

Les Ambafladeurs Greès, qui- foflicitoîênt fortement cette '<br />

expédition engagèrent BAUDOUIN, dont la foibkffe du corps *<br />

ne donnoit-^aucune atteinte à la fermeté de fefprit, de fe difpo- '<br />

fer à y alkr ^n-'perfonne. Il l'auroit exécuté, pour s'aquiter de k<br />

parole qu'fl avdt donnée à-l'Empereur, fans que les mêmes ^<br />

Miniftres de ce Monarque, reconnoiffant, par la promte rétrai- "<br />

te du Cbmte de Flandres à Napouloufe y -6& par la compkifance<br />

que les prîndpaux Seigneurs du Pays avoient-pour lui, que<br />

le Rbi feroit mal accompagné dans cette- expédition, - 6e ne<br />

pOurroit faire aucun progrès confîdérable, le prièrent de remet*<br />

tre fon voïage à fannée prochame. - Ces ' Minifbres repartirent, -<br />

peu de tems après, pour Conflantinople y avec leur Flotte, pour<br />

informer l'Empereur, leur- Maître, du fujet qui ks avoit obUgé» '<br />

à-prendre ce partie-<br />

, Ee 3^ Leur •<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


222 H I S T O I R E G E' N E' R AL E<br />

Leur départ fit bientôt repentir le Comte de Flandres y natureflement<br />

inconftant, d'avoir été caufe du délai de la guerre<br />

d!Egypte. Il en fit témoigner fon chagrin au Roi, avec proteftation,<br />

que, fi fes affaires domeftiques ne fobligedient pas à<br />

repaffer en Europe y avant qu'il la commençât, fl ne manqueroit<br />

paà d'y afler. Se d'y prendre td emploi qii'fl plairoit à.Sa Majefté.<br />

Il faffura, que, pour réparer ce retardement, fl étoit<br />

{îrêt à k fervir dans telle entreprife qu'fl jugeroit à propos de<br />

faire contre les Infidèles. Comme cette foible fatisfàdion ne-Con>.<br />

tentoit pas fort BAUDOUIN, ni les Perfonnes édairées, qu'fl<br />

avoit auprès de lui; Se que, d'ailleurs, fl ne comptoit pas<br />

MépHi, beaucoup fur les engagemens du Comte, dont il n'ayoit que<br />

Ztin\» trop reconnu l'inftabiUté, îl reçut, d'une manière fort indiffélégéreté.<br />

fente, k propofition qu'fl faifoit d'attaquer les Infidèles, i<br />

janmon Lc Prînce dAntioch»y Se le Comte de Tripliy profitant<br />

^duPHnce ^^ ^^ rcfroidiffement, Se efpérant de fe fervir utflement des<br />

d'Antio- Troupes de PHILIPPE , engagèrent ce Comte à fe joindre à<br />

^Cmtefde ^^t, Se k Roi à kur acorder cent Cavaliers, 6e 2600. Fangipoii,<br />

taffins.<br />

Flandres, Lfes ChcvaUérs du Temple y Se de VHopital y foît pour ne<br />

Tem-" point demeurer dans l'inadion, ou pour accompagner le Com-<br />

Pjjg^'^ce de Flandres y qu'ils avoient toujours fiatté, voulurent être de<br />

taiiers. ^' là partk. Ils compofèrent tous enfemble une Armée affez forte<br />

pour entreprendre quelque chofe de confidérable, avec d'autant<br />

plus d'apparence, que, fur la nouvefle de la Ligue, que k<br />

Roi-de Jéruflikm tmit faîte avec fEmpereur de Conftaritinopk y<br />

SALADIN s'étoit racomraodé avec M^LECSALA, 6C avoit<br />

repaffé en Egypte, avec toutes fes Troupes, pour défendre ce<br />

Roïaume contre leurs attentats.<br />

LeComte de Flandres, Se ks Seigneurs de Pakftlne, au lieu<br />

de profiter de fébignement de ce Soudan par quelque entreprife.digne<br />

d'eux, ne s'amufèrent, qu'à ravager les environs des<br />

Vflles de Céfarée y Se de Camélia, ll eft vrai, qu'fls aflèrent<br />

enfui-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH.II. 22%<br />

enfuite attaquer le Château d Arène; mais fls le battirent, avec<br />

tant de lenteur, 6c avec fi peu d'ordre, que les Affiégés, quoiqu'en<br />

petit nombre, 6c fens efpoir de fecours, fe défendkent fi<br />

vigoureufement, qu'fls les obligèrent à abandonner Jionteufement<br />

ce fiége; Car, au lieu de s'attacher férkufèmcnt à réduire<br />

cette Place, les Seigneurs Chrétiens y négligeant entièrement<br />

leur devoir, perdoient leur tems en promenades contmueflcs du<br />

Qzmp k Antioche y qui n'en eft qu'à quatre Ikues. Les piaifirs, iWWi^enr<br />

qu'ils trouvoient en cette Vflle, les attiroient ; 6c s'y abandon-Q^^^J^„;<br />

nant fans referve, fls oubUèrent les fokis, les mouvemens, Se^^"^•<br />

fattention néceffaires, pour bien ràïffir à k guerre.<br />

Les Soldats, à fflnitation de leurs Chefs, avoient plutôt ks<br />

cartes, Se les dés à la main, que ks armes. Us ne fongeoient<br />

à rien moins, qu'à donner des affauts capables de pouffer leur<br />

ent|*eprife. SALADIN, qui n'épargnoit rien pour être informé<br />

des mouvemens des Chrétiens y aïant reconnu, par k rektion<br />

du fîége dA^ènCy que cette Fortereffe n'avoit rien à craindre;<br />

Se que, comme la Flotte Impériale étoît retournée à Conflantinople<br />

y fl n'y avoît aucun danger pour VEgypte y fe remit promtement<br />

en campagne, pour afler furprendre quelque Ville de<br />

la Pakfiine,<br />

'%V«iP'(?i»v' Ki)»»^•«>'Tiçoï-'-««(Ji.' «^AV^'«©«.iv 7(;çâfïcT(ï)"(îiv'(i^v^w!f*


224: HISTOI RE. G E' N E' R A ^L E<br />

fon mal, lorfqu'fl s'agiffok de laconfervation de fes Etats, fl<br />

affembk promtement*le peu de Troupes, qui étoient reftées à<br />

Jérufalem, 6c fe jetta lui même dans Afcalone. Ainfî, par fa><br />

diligence, il prévint fon Ennemi, lequel ' perfuadé qu'il en tenteoit<br />

inutilehient la furprife, fe campa aux environs de la Pla-,<br />

ce, dont fl ravagea les campagnes, &.mit toutes.ks habitations<br />

à feu 6c à fang.<br />

LeRoi, fenfiblement-touché de ces défoktions, réfolut enfin<br />

défaire une fortie avec le peu de Troupes, qu'fl avoit, pour tacher<br />

de les arrêter; Se y rempli de confiance en la protediondu<br />

Ciel, fl s'avança courageufement vers l'Ennemi:^ mais, confidérant<br />

enfuite, qu'fl y auroit plus de-témérité, que de bravoure, à<br />

l'attaquer avec des-forces fi inégales, -après quelques légères<br />

efe-armouches, fl rentra dans la Vflk; ce qui,rendit jes Infidèles<br />

encore plus hardis, Se plus infolens. Ms ferépandirent .dans tout<br />

4e Pays, 6c'le détruifirent avec tant de fureur, 6c de cruauté,<br />


DE JE'RUSALÏM. LIV. V. CH. IH. * 22^<br />

OTHON DE ST. AMAND, Maître des Templiers y qui, fur k<br />

nouvefle, que SALADIN avoit paffé le Défert, avoît quîtté le<br />

fiége d Arène y pour entrer dans Gaza, Le Roi arriva enfin à<br />

la vue de k nombreufe Armée de SALADIN, compoféê de 25".<br />

mifle Chevaux, parmi lesquds s'en trouvoknt 8000. d'éUte,<br />

nom^més WooffirSy outre mflle Qiiraffiers, qui fervoient de<br />

Carde de Corps à ce Prince Infidèky 6e qui portoient, comme<br />

lui, un furtout orange, couleiu -dont fl s'habifloît ordinairement<br />

en campagne.<br />

Ces Gardes, qu'on nommoit Catacauglansy ou MammelucSy Origi-<br />

^qui fignifie Efclave'domcftique y étoient des Enfans que les Sou- MammedanSy<br />

Se Gr%nd& d Egypte y faifoient élever avec beaucoup ^^^^\^cafoin,<br />

6c inftruire au maniement des armes, foit qu'ils nâquifferit "•«•<br />

deJeiirs Concubines, ou qu'ils les fiffent acheter des Nations<br />

étrangères; de forte qu'accoutumés, dès leur -enfance, aux • •<br />

exercices MiUtaires, .Se encouragés par la folde, qu'on leur<br />

payoit, lors qu'ils avoient atteint l^ge viril. Se par les emplois,<br />

qu'on Jeur donnoit,. pour recompenfer leurs belles adions, ils<br />

devaioient la plupart fi vaillans, 6c fi intrépides, que c'étoit en<br />

leur Corps, que les.Sof^/^wj mettoient leur plus folide e^érance<br />

dans les bataifles. Auffi, cette Milke fe reiidit fi pmffante, 6c<br />

firédoutabk dans la foite, qu'elle iufurpa enfm la fouveraineté de<br />

VEgypte y dont efle a été en poffeffion depuis fan 125:0. jusqifen<br />

l'y 17.* que S^IIM premier, Empereur des Turcs, défit les<br />

deux derniers Soudans de cette valeureufe race, l'un nommé<br />

CAMPSON-GURRI, au quel il fit couper k tête, 6e l'autre Tou-<br />

MON-BEIG , qu'il fit pendre à une des Portes du Caire. C'eft ainfi<br />

que fmitle Nom des AtammelucSy £e que VEgypte chingea de<br />

Maître.<br />

Cependant^ comme, fous le Règne de "SALADIN, cette Mi- Défaite de<br />

Ike ne faffoit que de naître, fl, ne faut pas s'étonner, fi, quelques ^*1*'^"'braves<br />

qu'fls fuffent déjà, fls ne purent lui feuver l'affront d'une<br />

Ff " défai-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


226 • H LS T O I R E G E' N E' R A L E<br />

défaîte, d'autant plus Jionteufey qu'il avoit huit daviers à: Dp*'<br />

pofer à un feul de ceux du Roi de Jérufalem,<br />

Ce Prince 6e toute fa petite Armée, juftement irrités des ra.*<br />

yages, Se des incendies, qu'ils voïoient de toutes parts. Se. également<br />

animés par ies exhortations de leur Souverain, qui><br />

malgré fon infirmité, kquefle ^'augmentoit avec l^ge, s'expofoit<br />

fi généreufement, pour les délivrer des Barbares y Se<br />

par k vue du fecré Bois de la Croix y qu'ALBERT, Evêque<br />

de Nazareth y portoit devant eux, affaflUreot l'Armée ennemie,,<br />

avec autant de gaieté, 6c de hardieffe, que fi la partie avoit»<br />

été égale. Ils eurent le bonheur de renverfer le» premiers<br />

" Efcadrons,, enfoncèrent les fecdnds, 6e mirent entièrement en<br />

déroute les fuïards. SALADIN ks fit recueillir des campagnes,,<br />

où ils étoient épars. Se ks ramena à la charge lui memèi-<br />

Mais, enfin, fortifiés par k DieiL des Armées, ^, dant<br />

cette occafion,' fit renaître en eux les mirades furprenans de<br />

G E'D E'O N , Se de fès autres anciens Serviteurs , iksqaels,.<br />

par fba affiftance plutôt, que par leurs propres forces,<br />

avoient fak des adions prodigieufes, 6c obtenu de& Vidoi*<br />

res, qui fearorit à jamais:^ôrieufes à leur mémoire, ksC^r^v<br />

tiens firent* un carnage fi eSrdizble, dos* Infidèles y que ceu3><br />

ci kur abandonnèrent le champ de bataflle, 6c pirirônttous:<br />

une firite précipitée. J<br />

Mfe famé hts Chrétiens ks pourfuivîrent à outrance depuis le Monlgi*<br />

m^^y^ie. fard y où fe donna cette mémorable batailk jufquîau l*tfte,<br />

ûomftié VEtang des étoumeauXy^^. qui en eft à quatre Ueues,-Se<br />

en firent un fi grand maffacre, que, fi la nuit ne fut fuivenue,.<br />

k gran^ Armée de SALADIN auroit entièrement péri II eut<br />

bien de la peine à fe feuver lui même, avec une centaine de fes<br />

mdlkurs CavaUers, qui le firent monter fur un Dromadaire , p»<br />

lequel fl fut porté, en peu de jours, en Egypte y auffi mortifia<br />

ie h perte qu'il venoit de faire,, qu'ûrité contre. fesEnnemk.,<br />

Ap.rès<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


• ÎDE JE'RUSALEM Lïv. V. CH. IH. 227<br />

Après cette fignalée Vidoire, le Roi fe retira à Afcalone y<br />

•pour y attendre les Troupes, qui avoîent pourfuivi les fuïards.<br />

Leur retour couronna fon triomplie. Il eut la fetisfadion de les<br />

vok arriver, tous chargés des dépouilles des Infidèks, Il n'y<br />

eut aucun Soldat, qui n'entrât dans la Vflk, fens avoir à fa fuite<br />

efclaves, chevaux, 6c ibagages ; 6c k perte des Chrétiens ne fe<br />

trouva que de cinq CavaUers, 6c très-peu d'Infanterie, Auffi, ce<br />

bon Prince ne pouvoit fe laffer de rendre de très-Iiumbles adions<br />

de grâces au Tout-Puiffant, d'admirer les effets furprenans de<br />

fil providence, 6c dans l^xcès de fa contemplation, d'exhorter<br />

tous les ^Seigneurs, Se les Soldats, de lui adreffer des vœux fin^<br />


a2a H i s T OI R E G E'N E'R AL E,<br />

Levée du efpérer, quc, pour comble de joie, il auroit bientôt la fatisrène,pflr/e<br />

fàdic»! d?apprendre la reddition du Château. d'u^^«^, dont le<br />

FS/^ fîége occupoit toujours le Comte de Planètes y Se ks autres ScigneiH:s,<br />

qui l'avoient entreprk; mais, foit que ce Comte eut<br />

conçu de k jaloufîe, pour la gloire, que BAUDOUIN venoit d'acquérir,<br />

avec une poignée de monde; ou qu'fl fut chagrin du peu<br />

de progrès, qu'il avoit fait lui même , avec une Armée, beaucoup<br />

plus confîdérable; ou enfin qu'il dcfefpérât entièrement de<br />

réùffir dans * fon- enti-eprife , il abandonna ce fîége , malgré les^<br />

remontrances du Comte de Tripoliy Se du Maître dés: MofpitffiierSy<br />

qui firent tout leur poffible pour fen diffuader,<br />

, ji^g . Enfin le Comte de Flandres de retour k^Jérufalém^ y cdé^<br />

Sm retour hra kPâqiic, 6e s'embarqua quelques jours après k Laodicée y pout<br />

Etats." s'en retourner danSr fes Etats, laiffent tous ks Chrétiens de la<br />

Paleftincy auffi fcandalffés de fa conduite,; 6c dé fon inconllance„<br />

qpe k Roi peu fatisfàit en fon particulier. Tout favantage qj.iele<br />

"Prince dAntioche recrut d'avoir engagé ce Cemte à faire k..<br />

guerre fur ks confins de fes Etats, dans l'efpérance de po^ifc.<br />

voir réùnk à fe Principauté quelqu'une des Places, qui eiL<br />

avoient été démembrées par les Infidèks.y n'aboutit qu'aune<br />

fomme d'argent, qu'fl reçut des Habitans d'-^r^,. avec les^<br />

quels fl eut Mdreffe de s'accommoder, fitôt qu'i^reconnut, que<br />

PHILIPPE avoit réfolu d'enlever k fiége. A' fégard du Roî, qui<br />

avoit auffi reconnu, par le mauvais foccès de leur entreprife,<br />

quil ne-devoit compter, que fur cc qu'il pouvoit lui même, H<br />

emploïa- fes Troupes à k confbudion d'un Fort fur la'rive du<br />

Jourdain y à fèndroit nommé le Gué de Jacob y qui eft entre<br />

les Vifles de-Panée y Se de Nephtaliy pour tenir en bride ceux<br />

de la Province de Damas, On travaflla à ce Château, avec tant<br />

d'affiduité,. 6c de diUgence, qu'fl fut en état de défenfe. en<br />

moins de fix mois. Il le remit à la garde des Templiers y qui<br />

poffédoient^ une bonne partie des Terres, où fl étoit fîtué.<br />

. Il n'y avoit encore, que deux mois que cette Fortereffe étoit<br />

adievée><br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JEU US A LE M. LIV. V. CH. IIL 2 25^<br />

achevée, lors que SALADIN, qui avoit remis fiir pié une nouvefle<br />

Armée, vint l'aflïéger. È la battit, jour, 6c nuit, avec<br />

tant de fureur, que les Affiégés, accablés par une grêle continuel<br />

fc de pierres, ne pouvoient plus fe montrer aux défenfes y Se<br />

étoient prêts àfuccomber, quand, par un coup-de bonheur, RE'-<br />

GNiER DE MARON tira une flèche, qui tua un dcsprindpauxOfiiciers<br />

des Ennemis, nommé JARON. SALADIN, plus fenfible à la perte<br />

de fon Favori, qu'à fefpérance de fe rendre maître de laPlaccj<br />

cn abandonna k fiége, Se afla fe camper avec toute fon Armées<br />

entre la Ville de Belline y Se k Fleuve Dam: A peine y fut-fl<br />

arrivé, que,'J)Our appaifer fa douleur. Se commencer àfe vanger»<br />

de la mort de fon Ami, fl envoïa la plupart de fa^ Cavalerie,<br />

ravager les Pays dîalentour. Les Ckmeurs du Peupk obligé^<br />

ient kRoi^ à. fe mettre en campagne, pour arrêter k cours<br />

de cette irruption.<br />

BAUDOUIN pafïà promtement les Vifles de Tihérfadcyde Saphefy Défaite sde<br />

Naaffon, 6c le Château de Thoron, Se s'avança jufqu'à. Jt^rf* Sa'celui<br />

de Meffaphar, fkué au fommet de VAntiliban , d^où îi ^^^^^<br />

découvr^^ît toute k plaine, k camp de SALADIN , 6e^ les dégâts,<br />

qu'y faifoié fa Cavalerie de tous côtés. Comme efle s'écartoit<br />

beaucoup du gros de V Armée Egyptienne y le Roi, 6c tous k»<br />

Chefs, jugèrent à propos d'en profiter; mais ils defcendirent<br />

dans la plaine avec tant d'empreffement, qu'il fut impoffible k<br />

kur Cavalerie de les fuivre. Cependant, foit par hazard, ou<br />

par prévoïance, ils fe poftèrent fort avantageufement. La Cavalerie<br />

Eimemie avoit paffé la Rivière, qui' féparé le territoire<br />

ds Sidon de la plaine j de forte qu'efle tomba juftement au mflieu<br />

d'eux; 6c, dans la confternation que cette rencontre inopinée^<br />

lui caufa, ks On^étiens h. défirent entièrement.<br />

. Mais fls firent un fî mauvais ufage de cet heureux commence- NéeUgenment,<br />

qu'ils n'eurent pas Iku de s'euréjemir, comme de k ba- ^éf^"^^<br />

taille de Montgifard; car, au lieu de fonger, qu^ils n'avoient«audoui»»^<br />

latu qu'une petite partie de l'Armée Ennemie, 6c qu'fls avoient<br />

•^'.. Ef 3. «DUÇ<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


a^^. H IS T O r R E C f.'V E'R ALE<br />

^out k craindre de l'autre, ik s'amufèrent, k^ uns à partagea<br />

ries.dépouifles des Infidéks , & les autres à fe- i-epofer avec<br />

autant de .tranquilité, que s'fls n'euffent eu plus rkn à faire.<br />

SALADIN, qui, dès leur approche, avoit fait tranfporter foa<br />

gros bagage à Belline, pour être plus ,à portée d'accourir où<br />

befoin feroit, >6c qui s'étoit enfuite avancé, pour foutenir fa<br />

iCavakrie^ profita fi l>ien de leur négligence-, qu'fl ne tarda pas<br />

it fe revanger du mafïàcre des fiens. 11 trouva les Chrétiens fî<br />

écartés fes uns des autres, qu'il* leur fut impofl&bk de fe rallier<br />

.affez tôt, pour réfifter il fe&reur. Il ks dardoit de tous co-»<br />

«tés. La Cavalerie: Chrétienne .n'avoit pu couvrir TInfanterk,<br />

qui, en^iefcendantde la Montagne, s'étoit campée près de la Rivière.<br />

Elle prît k fmte avec tant de précipitation, qu'efle entrai-^<br />

iia k refte de l'Armée, 6c caufe k maffacre, ou k prife dHi*<br />

:grand nombre de Perfonnes de diftindion. BAUDOUIN, Comtd<br />

•de Rama^ HrouES DE TIBC'RIADJ:., 6C OTHON DE<br />

SAINT-AMAND, Maître des Templiers y furent du nombre<br />

=des derniers. Le malheur,' Se la défaite des Cibr^/^i fut ficoniidérabk,<br />

qu'fl n'y eut queceux qui fuivirent le Roi, le Comte<br />

de Tripoliy Se JAUBERT , Maître des Hofpitalkrs, qui, après<br />

avok traverfe la Rivière, gagnèrent le Château de Beaijfort^ Se<br />

eurent k bonJieur de fe fauver, ^utre queîques-ims qui prièrent<br />

la route de Sidon. «Ceux qui voulurent régagner les Mon*<br />

tagnes y furent tous taiflés en pièces; ce qui mit SALADIN en<br />

état non feiflement de pifler., M fon gré, tout le j^at-pays, mais<br />

encore d'î^aquer ks meiUeures Places du Roïaume. ,<br />

Le Roi, qui n'avok pas, comme lui, la facflité de remettre<br />

fon Armée for péé, par raport à k petite étendue de fes Etats,<br />

dont plufieurs Sdgneurs pîutageoient l'autorité;, 6c avoîent leurs<br />

Troupes à parf^ ne put ranimer le courage de fes Sujets, ni mettre<br />

©bftade aux prc^rès, 6c à la puiffance de fbn Ennemi; de<br />

forte que celuÎTci, peu après fe Vidoire, alla dc nouveau affiéger<br />

k Château du Gué de Jae0k, H l'emporta de vive force^ le<br />

fit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


"DE 'JE'RUSALEMT Liv. V. CH. III. ' 2jv<br />

fit* rafer jufqu'aux fondemens. Se pa£Èi au fil de l'épée, ou<br />

conduifit en efckvage tous lès Habitans, fens que BAUDOUIN ,<br />

qui s'étoit mis en campagne, avec HENRI, Comte de Champagne<br />

y PIERRE DE COURTÈNAI, Frère du Roi de Franccy PHI­<br />

LIPPE, ^lu de Beauvais y 6c phifieurs autres Seigneurs JV^^w/wi^<br />

qui venoknt d'arriver^ puffent y venir afferà tems-, pour en<br />

empêcher la prife.<br />

Tant de malheurs, joints aux grandes infirmités de BAU­<br />

DOUIN, commencèrent à le rendre -extrêmement inqmet, 6c<br />

foupçonneux. Il craignoit mêm$, qu'on-ne rejettât fur ki tous<br />

ces contretems fâcheux., 6t ^'on ne le crût incapabk du<br />

gouvernement, d'autant plus que fe Duc de jBowr^^w^, à qui<br />

il avoit fait propofer,. dès fannée précédente, k Princeffe'<br />

SYBILE en markge. Se fur kqwel il comptoit de fe repofer<br />

pour Jes affaires de l'Etat, fembloit ne plus penfer à cettt<br />

Afliance, malgré la pairok d'honneur, qu'il en avoit donnée<br />

aux Miniftres du Roi; foit que la confîdération' d'un<br />

Fils, que SYBILE avoit déjà de fon préiaikf mariage, fen détournât,<br />

ou qu'fl eût qiielquc! afutre raifon pour ne point quitter<br />

VEurope: /.<br />

Les inquiétudes du Roi redoublèrtne^, krs qui! ftit'informé y<br />

que k Prmce d^Antioche y Se le Comte d^HripeU éCoient entrés<br />

dans fes Etats avec feurs Troupcs; Il craignoit ^akmesït kurs<br />

forces, 6c kufs brigues, fur ce qu'ils pouvoknt' s'eiapsirer'^<br />

du gouvernement du Roïaume. Iî' en doit fî aflarmé, que 5<br />

pour fe délivre* de'ces nouveaux chagrins, 6c faire caffer les<br />

prétenfions de pîufiaips Grands, qui a^iroknt afu markge de<br />

k Princeffe, fa Sœur, fl k maria, tout d'un coup^ à Gui DB<br />

LUZIGNAN, jeune Seigneur ftui«içois?5 Fik deHu«tJES LE BRUW,<br />

iffu, felon q«cl(juès Auteurs, des anciens Rois àeBomgpgm: Il -<br />

fei affigna en dot ks Comtés dé Jaffa y Se df^alone, comme<br />

il favoit déjà fait à Yéga.râ deGuiLLAPMBLoNGU E-E'P E'E, ^^.^^ ^,<br />

premier Mari de fa Sœur. Il réfignâ en même tems à Gui k Régent du<br />

T> ' « Rttaumede<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


232 H Î S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Régence du RoJÉaume, dans l'efpérance qu'fl auroit d'autant plus<br />

de valeur., 6c de courage, qu'fl étok jeune^ robufte. Se bienfait<br />

.de fa perfonne, 6c qu'fl empêcheroit non feiflement ks attentats<br />

des Barons de la Syrie fur la Couronne, mais qu'fl la<br />

defendroit encore contre ceux des Infidèks.<br />

Cependant la tranquilité, que BAUDOUIN efpéroit de s'êtare<br />

procurée par le mariage de k Princeffe, fa Sœur, 6c par le<br />

choix qu'fl avoit fait de Gui DE LUGIGNAN, ne fit au contraire<br />

qu'augmenter fon trouble, j& fes*embafras domeftiques, 6cmet^<br />

tre la difcorde, 6e la ;défunion^ans ;tout le Rokume.. ; .<br />

Les Seigneurs du pays, fâchés que ce Prince kur eût préfé»<br />

ré un jeune Etranger, n^avoient aucune confidération pour fa<br />

Perfonne, ni pour fon ifluftre Maifon , dont les Ancêtres ayoient;,<br />

en divers-tômsi, f)uifkimment feicouru la T^r^-^-^^/»/^, 6e fait; de<br />

fi befleS* adions pour k: fervice, Se l'utilité de fes Hal^itans. Ils<br />

le méprifoient auffi Ubrem^it, 6c pubUquement, qu'fls blâ-^<br />

moient le Roi d'avoir fak cette alliance, ,6c de lui avoir confié<br />

k maniement des affaires. Us firent .enfin tant, par leurs discours<br />

malins, ;6e envenimés, qu'ils rendirent Gui très-fo^ed; k<br />

BAUDOUIN. Quelques Hiftoriens prétendent, que GUILLAUME,<br />

Aiîchevêque de Tyr, alors Chancelier jdu Roïâutne, qui n'aimoit<br />

pas Gu^, contre l'efprit de paix, 6c decharké, qui doit<br />

toujours régner dans le cœur dun Eccléfiaftique, ne laiffok<br />

échaper aucune occafion de le.deffervir, 6e 4e k rendre odieux<br />

au Roi, Se à toute la Cour. >••• j v.<br />

Le Comte de Champagne y /Se ks autres SégviGuxs François y<br />

qui fe trouvoient encore ^ Jérufalem, reconnoiffant par tous les<br />

mécontentemens publics Se particuliers , „ qu'on n'entrepren^<br />

droit alors rien fur les Infidèles y Se que leur féjour en Paleftine<br />

feroit inutile, ^n partirent, après avoîr vifite les fàints Lkux,<br />

avec une dévotion exemplaire; mais, comme fls s'arrêtèrent<br />

qudques jours à Tibériade y ils eurent le bonheur de CQnferver<br />

^5tte JPl^cC;, que SALAPIN vo^iloiit furprendre,.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. III. ' ^33 ^<br />

Le Roi avoit été informé, que ce Soudan attendoit une Flotte<br />

d'^^y/>/^, compoféê de cinquante galères, 6c de plufieurs<br />

autres bâtimens. Il en craignoit d'autant plus l'arrivée, Se les<br />

entreprifes, qu'il étoît trop foible pour les empêcher ; 6e, fur<br />

les foupçons qu'il avoit conçus de fon Beau-Frère, il apréhen- ,<br />

doit également de luî confier le commandement des Troupes.<br />

Cette perplexité lui fit prendre le parti de propofer une trêve à<br />

SALADIN, qui étok campé.à Panée. II fe flattok, que fon peu<br />

de foccès fur la Vifle de Tibériade y 6c la grande difette, qui<br />

regnoit alors dans tout le Roïaume de Damas y où fl n'avoit'<br />

point plu:depuis cinq ans, le porteroit à l'accepter.<br />

Il ne fe trompa point, quelques fiipérieures que fuffent les Trêve, conforces<br />

de rcet Infidèle à cefles des Chrétiens y fétat déplorable, B^d"u7n<br />

dans lequel la féchereffe avoit réduit tout ce pays-là, où fon ne £f Saia- '<br />

trouvoit plus aucun aliment pour les Hommes, ni pour ies Bêtes , "*'<br />

fit qu'fl écouta favorablement les Ambaffadeurs de BAUDOUIN,<br />

-6c condut avec eux la trêve qu'fls lui propoferent, tant par mer,<br />

que par terre, fans pourtant vouloir rien relâcher de tout ce<br />

qu'il avoit enlevé aux Chrétiens, ni même comprendre dans ce<br />

Traké k Prinop^té dAntioche y ni le Comté deTripçliy qu'il<br />

•regardoit comme des Provinces entièrement détachées du Roïaume<br />

de Jértifê^em,<br />

Ces conditions n'étoient pas fort honorables pourBAUDOUiN^ "7f.<br />

puifque jufqu'alors fes Prédéceffeurs n'avoient fait aucun accommodement<br />

avec les Infidèks y fans en retirer quelque avantagé;<br />

mais les affaires avoîent cliangé de face, Ils n'avoient jamais eu<br />

un SALADIN en .tête; 6c,. .lor? qu'ils avoîent eu à difputer contre<br />

NORADIN, Roi de Damas y l'^n de leurs,plus fameux Capitaines,<br />

ils étoient /çn paix ^vec VEgypte y qui4toit même tributaire<br />

dc y


234 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

vakur, le courage, Se là dffcipUne de kurs Troupes l'aïuoienfe<br />

emporté fur la multitude de leurs Ennemis; 6c•• SALADIN n'auroit<br />

eu que la gloire d'avoir fiibjugué ks Princes de fa croïance;<br />

Témoin la crainte, 6c la précaution, avec kquefle, après la<br />

Paix de Panée y il alla attaquer la Vifle de Tripoliy où, quoir<br />

qu'apuié de fa Flotte y qui avoit abordé à Baruth y .6c qui s'étoit<br />

enfuite rendue for les Côtes de ce Comté, fl détadia encore une<br />

partie de fa Cavalerie, pout afler ravager les campagnes. Se<br />

s'affurer des chemins par où fl devoit paffer ; Se enfin, quoique<br />

parvenu à fe camper entre les Troupes duComt& de TripoH y Se<br />

ks Ordres Militaires, qui poffédoient quelques Terres, 6e.Châteaux<br />

dans le voifînage, 6c que fon Armée Navale fe fût même<br />

emparée de file de Tortofe, fl n'ofa jamais attaquer les Tripoli-<br />

Retour de tains dans leurs murs, 6c borna fon entreprife au dégât de leurs<br />

^danÎ7es campagncs ; après quoi fl renvoïa-fe Flotte en Egypte y Se fe re^<br />

Etats. tira luî même fur fes Terres. • - .<br />

Racomm- ^ L'alkrme, qu'fl avoit donuêe auComté deTi^^i, 6ek ra^dément<br />

en- ^^ÇTQ qu'A avoît fait daus fes Etats, lui faifant apréhender une<br />

treleComte o ^ ^ -i i r t n i ^ i<br />

deTi-ipou, fecoudc uruption cucore plus grande, k nt rcfoudre a recher»-<br />

^,^*'*" cher f amitié de cet InfÙlèky Se à s'accommoder avec lui, à<br />

II80. quelque prix que ce fot^ Comme ^^/»w«^ n'étoit pas fort fcnir<br />

puleux , il en vint facilement à bout ; mais ce ne fut que par de<br />

Toks, qui, dun côté, affufoient fes Etats, 66, de fautre, lui^<br />

feifoient fi3rt peu d'honneur, comme on le verra par la fuite.<br />

La-Cour de Jérufalem y fut fort fenfibk; 6c k crainte qu'elfe<br />

eut, que la difcorde, qui regnoit alors entre le Prince dAntioche,<br />

Se le Patriarche de cette Ville, ne portât ce Prince à<br />

-. fuivre l'exemple de fon voifîn, en difant auffi fa Paix avec SA^<br />

LADIN, fk que le Roi y envoïa , fans déki, k Patriardie de.<br />

Jérufakmy RAINAUD DE CHATILLON, ROGER DE MOULINS,<br />

Maître de VHopital; 6c ARNAUD DE TORGUES , Maître des Tm-^<br />

ftiers y 6c Succeffeur dOTsoNDE ST. AMAND, mort en captivitéi<br />

Le Roi ks avok chargés de tâdier d'apaifèr k fcandak, Sek<br />

défor:-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


j)E JE'RUSALEM. Lnr. V. CH. IIL 53^<br />

defordre, que caufoit l'interdit, 6c f excommunication, que k<br />

Patrkrche dAntioche avoit fulminée contre le Prince, à caufe<br />

jqu'fl avoit répudié Théodore y fa Femme, Nièce de fEmpereur<br />

de Conftantimpky pour en prendre une autre nommée SYBILE.<br />

Us dévoient,» en même tems, faire eeffer k faifîe, que le Prince,<br />

de fourcôté, avoit faite de tous les Bkns Eccléfiaftiques, 6c<br />

ies violences qu'fl faifoit à tout le Qergé; ce qui ne pouvok<br />

-avoir que de très-fâciieufes fuites pour les uns. Se pour ks<br />

autres.<br />

Ladextérké, avec laqudle les Députés de Jérufàkm zgi-<br />

Tent auprès d'eux, les porta enfin à fe donœr une réciproque<br />

^tisfàdion, au grand contentement de tous ks P-euples de k<br />

Principauté, qui, au milieu de ces démêlés, vivoient privés des<br />

•Sacremens, 6c des Offices Divins.<br />

LeRoi BAUDOtumaprit avec urie égde fatkfadion, que cette<br />

-dangereufe difcorde avoit été terminée; 6c que k Paix avoit<br />

été rétiibUe dans un Pays, qui n'étok déjà que trop défolé par<br />

ies fréquentes courfes des Infidèks: Mais, comme ce Prince infirme<br />

étoit, en même tems, très-agité des foupçons, qu'il avoit<br />


2^6 H I S T O I R E G E' NE' R AL E<br />

de chercher à fe détruire mutuellement, lors qu'fls étoient en<br />

guerre avec les Infidèles. Comme le Comte de Tripli lui étok<br />

fort fufped. Se qu'il s'étoit avancé jufqu'à Giblet y avec uilc<br />

groffe fuite, pour afler vifiter la Vifle de Tibériade y qui lui appartenoit,<br />

le Comte JOSSELIN, Sénéchal du Roïaume, 6c quelques<br />

autres Seigneurs, qui entendoient aulfi peu ks intérêts du<br />

Roi, que fes kurs propres, lui firent comprendre, que ce Comte<br />

étoit trop bien a^compa^é, pour n'avoir d'autre deffein, que<br />

, celui dc vifiter Tibériade.<br />

imprudence Ce mauvaîs raport aUarma tellement ce Prhice, qui devenoît<br />

wJ^Su" toujours plus infirme. Se plus méfiant, que, fans chercher à s'é-<br />

«louin. daircir de la vérité, il envoïa défendre au Comte de Tripliy d'avancer<br />

plus loin dans fes Etats. Cet affront fit un effet fî terrible<br />

fur fefprit de RAIMOND , qui n^avoît alors rien à fe reprocher,<br />

que, fans f efpoir de trouver bientôt l'occafîou de s'en<br />

vanger, fl auroit dès-krs méprifé ks ordres du Roi, 6c fait fentir<br />

à ce Prince, 66 à fes mauvais Confeilkrs, le tort qu'ils<br />

avoient de s'attfl^r des Ennemis. Ce fut peut-être k fouvenir<br />

de cette injure, jointe à fa mauvaffe inclination, qui le portai<br />

éansla fuite, afaire des adions non moins indignes de fa Naisfence,<br />

que de la ReUgion, dans laquelle fl étoit né<br />

Indifférent Car, quclquc apparence de réconciUation qu'fl y eût entre<br />

^^;^^rBAUDOUIN, & lui, 6c quelques témoignages»d'amitié qu'ils fe<br />

'«^5 Tri- donnaffent enfiiite, parles foins du Patriarche, 6c de quelque»<br />

V^rddes autres Seigneurs, fèigniuit également d'avoir oubUé ce qui s^<br />

ciirétiens.^Ql^ paffé, k Comtc n'eut plus que de l'indifférence poup les<br />

intérêts de k Couronne, 6c pour ceux des ChrétienSy Se travaifla<br />

plutôt à leur ruine, qu'à kurfoûtien. Tant ont de pouvok<br />

la haine, 6c k reffentiment fur ks cœurs des Hommes méchant.<br />

6c corrompus par ua efprit de vangeance..<br />

CTLAP<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


p<br />

. i>E JERUSALEM. Liv. V. CE. IV. 23?<br />

C H A P I T R E IV.<br />

Endantque les Chrétiens ^iffoient entre eux^avec fî peu- "Si.d'union,<br />

6c de charité, k fier, 6e îrréGonciliaWc SALA-^*^**^* '<br />

DIN, qui ne penfoit, qu'à ufurper, 6e à conquérir, fâché de n'avoir<br />

pu profiter de k mort de ME'LEC s ALA. Fils de NORADIN,<br />

6c s'emparer de la Ville^dAlepy qu'il n'avoit pu lui enlever i<br />

avant qu'H E'R B'D i N , Soudan de Mufful y fon Héritier, en prît<br />

poffeffion, réfolut de rompre k Trêve avec le^Chrétien^y pour<br />

gagner fur eux ce qu'fl croïoit avoîr perdu de ce côté-là. Il<br />

commença par fe rendre maître d'un grand Navire Chrétien y sthdin<br />

qui avoit échoué fur la côte de Damiette y Se fit prifonnier tout^^JJ Jj^<br />

Péquipage, Se ks Pékrins, qui s*y trouvoient à bord. Il envoïa ,en le Rit de<br />

même tems, déclarer au Roi BAUDOUIN, que, s'fl ne lui rendoit £^*'<br />

plufieurs Marchands Ar^abes, que RAINAUD DE CHATILLON avoit,<br />

contre le droit des gens, pris, 6c dépoufllés, en paffant fur fes<br />

Terres du Crac y fl ne relâcheroit ni les Chrétiens y ni k Vais-'<br />

feau, ni les effets, qu'fl retiendroit pour dédommager les Famifles<br />

de fes Sujets, qui avoient fouffert ; 66 que, de plus, iî<br />

tiendroit dès-lors là Trêve pour rompue.<br />

Comme fl ne dépendoit pas du Roî de k fatisfaire àcette occafion<br />

, Se qu'il reconnut d'aflkurs k véritable motif, qui faifoit<br />

agir SALADIN , il renvoïa fes Ambaffadeurs avec de fhnples excufes;<br />

Sey perfuadé,- qu'après k déclaration de cet Infidèky il<br />

ne tarderoit pas à faire quelque irruption dans fes Etats, il tra^<br />

vaiUa aux moïens de hii réfîfïcn<br />

' Eneffef, ces Miniftres ne furent pas plutôt de retour ^^^P^Trifhs<br />

te, que SALADIN affembla fes Troupes, entra dans h'Fakftincy é^f^de îa<br />

Se fe campa près du Château de Montréal: Comme fon Armée dfi^^^<br />

a;^'OÎt extrêmement fouffert au paffage du Défert, fl ne l'em-^°""»*<br />

ploïa d'abord, qu'à ravager la Province de h Syrie-Sobal y dont<br />

* Gg 3 RAI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


2%% H I S T O I R E «G E' N E' U A L E<br />

RAINAUD DE CHATILLON étoit Seigneur, duClief de faFemme.<br />

11 la fit enfuke rafraîchir aux environs de Damas, pendant queie<br />

Roi, qui avoit ôté la Régence au. Comte dAfaakney Se repris<br />

lui même la conduite des affaires, «''arrêtoit, d'autant plus mal<br />

à propos, dans VArabie Pétrée y où fl s'étoit avancé, que Î98<br />

Xjouverneurs de JBO/?/*^, de Damai y de Boabeîy Se dEmeffe %<br />

cncouifagés par farrivée de kur Souverain, unirent ks Milices<br />

de leurs dépendances, pafferent k Jourdain, Se entrèrent dans<br />

la Province de Galilée y dont fls brûlèrent 6c faccagèreait la meilleure<br />

partie. Hs y. firent un grand butin, 6c emmenèrent plus<br />

de 5*00. Chréfiem prifonniers. Ils fe jettèrent dans le Pays de<br />

Suitay y affiégèrent une Fortereffe, pratiquée dans k Roc,<br />

qu'fls emportèrent 6n dnq jours, malgré fa fituittion avantageufe^<br />

|fuffqu'à peine deux Hommes y pouvoient paffer de front.<br />

La kc4ietsé des Syrim^y dont la garnffon étoit coînpofée, fiit<br />

câufe decette perte. Le Comte de Tripliy qui k trouvoit auprès<br />

du Roi, lors qu'on lui en aporta la noiivdk, condamna<br />

hautement FOULQUES DE TIBÉRIADE , Gouverneur de cette Province,,<br />

d'avoir confié à des gens auffi lâches, que fétoit cette<br />

-Nâftiioià, un pofte, dont la perte expofoit toutes les campagnes,<br />

& k Vflle même de Tibériade:» à la fiùeur des Barbares. Ce<br />

fut dans cette occafion, que k Roi, touché de toutes ces dis^<br />

^aces, réconhut avec douleur, qu'il avoit trop écouté le fentiment<br />

des Amis, que RAINAUD DE CHATILLON avôit dans le Cô»fefl;<br />

6c qu'fl avoit fait trop d'attention aux avis de ceux qui<br />

ivoktit voulu lui perfuader de ne fe point tant écarter du centre<br />

du Roïaume.<br />

Pour réparer la fâcheufe démarche, qu'fl avoit fàke, fl quit^<br />

ta k Viile nomifiée k Pierre ^u Défert y Se vint camper à la<br />

fontait» ^SéphorienfiCb fituée entré Nazareth ^ Se Séphor^y parce<br />

qu'fl y éttrit plusà portée d'acc^urii: où le bèfoiîa k demandérok. S<br />

ne tarda pas d.'app'fendre, qu'après favtoifiage qu'avoient eu les<br />

iOfipeierB «k SJkLA'pm 4sm k Provinee de Si^ta^ fl y étjok cft*<br />

* trè<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


. DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. IV. 2^<br />

tré lui même avec toute fon Armée, 6c qu'fl s'étoit arrêté,pendant<br />

quelques jours, à Rafeit-Elmay d'où fl étoit enfuite allé<br />

camper à Canaan près de Tibériade ; c'eft. ce qui obUgea BAU­<br />

DOUIN à s'avancer promtement de ce côté-là, pour s'(^)pofer<br />

aux entreprifes qu'il pourroit faire fur cette Vifle.<br />

Mais SALADIN, au Ueu d'attaquer cette Place, pafïà lejour^<br />

dain y Se prit k chemin deScitopoliSy ou Bethfariy autrefois Métropole<br />

de k Piovînce. Cctte Vflk n'étoit î^iis qu'un petk<br />

Bourg, depuis qu'on avoît tran^rté le fiége Archiepffcopal à<br />

Nazareth y pour honorer y par cette Dignité, le Ueu où JÉSUS<br />

CHRIST avoit été élevé.. i'<br />

Le Roi rangea d'abord fon Armée en bataflle. Se pourfuivk<br />

• l'Ennemi, avec beaucoup dincommodité, par raport aux exceffi^<br />

ves chakurs, 6c à la jSitigue de fes Troupes, qu'fl fut obflgé<br />

de laiffer repofer une nuit entière fur une éminence, vis-à-vis<br />

le Château de Belveir. Il y fut renforcé par fes Hofpitaliers<br />

de k garnifon de ce Fort, Se par celle de Saphet;.<br />

mais fl fut, en même tems, privé deraffiftance du Comte<br />

de Tripoli y qu'une groffe fièvre empêcha de fuivre fArmée..<br />

Dès k lendemain, BAUDOUIN defcendit dans la pkine, qui<br />

cft entre Bethfan y Se Fortblai>ety où, de crainte de queP<br />

que forprife, ce Prince la fit demeurer fous les armes.<br />

Soit que SALADIN eût trouvé de trop grandes difficukés dans^<br />

Kattaque du Château de ScitopoliSy ou qu'il voulût venir e^ pré^<br />

fence des Chrétiens dans la plaine, il s'y avança, 6e rangea-.<br />

a«ffi-tôt fon Armée en demi-cercle. EUe étoit fi nombreufe, queks<br />

Cbi^étiens forent étonnés de k voir couvrir toute k campagne.<br />

Elk paroiffoit devoir les enveloper de tout côté. Cepen*dant<br />

les Fidèks y animés par les exhortations du Roi, qui les<br />

fiùfok reffouvenir dc k journée de Montgifard'y où kurs iforce^,<br />

beaucoup inférieures à celks de l'Ennemi, Se à cefles qu'ils<br />

avoknt eux mêmes pour le préfent, avoient triomphé. Ilajou-<br />

Gl, qu'ils ne devoknt donc point craindre k multitude dès En*nemis;^,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^Mo H I s T o I R E


i>ï JE'RUSALEM. Lïv. V. CH.IV. ^I<br />

*<br />

gage. Se mérita qu'fl eut toujours fait de femblables merveiflcs<br />

en leur faveur.<br />

SALADIN, auffi défolé, que chagrin, 6e confus, de recevoir-rfrtiV/# 77.<br />

des échecs fi confîdérables, rnalgré la quantité de monde, qu'il chrétiens<br />

oppofok toujours au petit nôrribre des Chrétiens : conftant à les «"^"^^


U2- H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

aux attaques de SALADIN , BAUDOUIN fe préfenta fî à propos devant<br />

la Vifle, avec 33. galères, que k feule vue de cette Flotte<br />

fit lever le fiége à ce Prince Infidèky qui apréhendoit que le<br />

fort ne lui fît encore perdre une troffième bataflle. C'eft ainfî<br />

Levée du que, Contre l'attente pubUque, la Ville de Baruth fut délivrée<br />

B^uth, à d'un fîége, dont on avoit lieu de tout craindre. Les Habîtans<br />

la vue de Q^ furciit quîttcs pour k perte de quelques-uns de leurs Confrèchrétien-<br />

rcs, Se pour le dégât de leurs campagnes. SAFADIN ftt éprou-<br />

°*^* ver le même fort à celles de Gaza y Se dAfealfifiCy 6c repafEfe<br />

enfuite en Egypte, comme fon Frère le lui avoît ordonné,<br />

pendant que SALADIN lui même, rébuté du mauvais foccès de<br />

fes entreprifes en Paleftine y paffa dans la Méfopotamie y où il<br />

efpéroit d'être plus heureux.<br />

Trifede Le Roî, qui craigHoît, que k route qu^avoît pris SALADIN<br />

me^le ne fût une feflite pour le mieux furprendre, afla reprendre fon<br />

Méfopo- Camp à la fontaine Séphorienne, afin d'être à portée de traver-<br />

Saïadin. fer fes deffeîus : Mais fa précaution fut inutfle. Il aprît bientôt,<br />

que fon Ennemi avoit éffèdivement pris cette route ; Qii'fl avoit<br />

même déjà paffé VEufrate; Se que*» par force, ou par rufe<br />

, ou par trahifon , fl s'étoit emparé des Vflles dEdeffe,<br />

de Cafiara, 6c de divers autres lieux de la Méfoptamie ; Qu'il<br />

avoit, de plus, fi bien corrompu les Officiers de H E'R E'D IN, Soudan<br />

de Muffuly Se dAlep y que ces perfides avoient non feule-^<br />

ment fait révolter la plupart de fes Sujets contre lui; mais qu'ils<br />

avoient encore eu la cruauté de l'empoffoniier. Se de procurer<br />

Mufful, à fon Ennemi la conquête de la fameufe Vilk de Mufful y qui eft<br />

*mmç! fancienne Ninive, autre-fois fiége Roïal des Rois dAfiyrie. Il<br />

eft vraî, que k dureté. Se h rigueur, avec laquelle HE'RE'-<br />

DiN gouvernoit fes Peuples, contribua beaucoup à fon malheur.<br />

On affure, qu'efle étoît fi grande. Se fi înfupportabk, qu'fl y<br />

avoit long-tems qu'ils le regardoient, comme le plus cruel Tiran;<br />

Se fl s'étoît rendu fi odieux, qu'fls ne refpiroîent que le<br />

moment de pouvoir s'en déUvrer. Exemple, qui mérite reflexion.<br />

Des<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. IV. 24.3<br />

"Des occupations fi importantes, qui dévoient natureflement Articieiii.<br />

retenir long-tems SALADIN éloigné de h Paleftine y firent réfoudre<br />

BAUDOUIN à profiter d'une conjondure fi favorable, pour<br />

fe vanger des fréquens ravages, que cet Infidèle avoit faits dans<br />

fes Etats. Dans ce deffein, il manda d'abord les Barons du<br />

Roïaume, qui s'étoient retirés fur leurs Terres. Ils ne f eurent<br />

pas plutôt jomt avec leurs petites Troupes, qu'fl entra dans la<br />

Traconitidcy qu'il parcourut, 6c ravagea entièrement. U en<br />

fit de même au fameux Bourg deLoray Se paffa enfuite aux environs<br />

de Boftray réfolu d'afliéger une Fortereffe, qui s'y trouvoit<br />

; Mais la ftérflité de ce Canton, tant en eau, qu'en pâturages,<br />

f obUgea à changer de réfolution. 11 revint dans la Province<br />

de Suitay afin de recouvrer la Caverne fortifiée, dont les<br />

Gouverneurs de Damas y de Boftray de Boabel, Se dEmeffe y<br />

s'étoient emparés fannée précédente, par la lâcheté des Syriens.<br />

Cette conquête étoît d'autant plus importante, qu'efle mettoit<br />

à couvert tout le territoire, 6c les environs de Tibériade.<br />

Quoique le Roi fût affuré, que la garnifon de cette caverne<br />

n'étoit pas fort confidérable, cependant fon avantageufe fituation<br />

rendoit ce lieu fi aifé à défendre, qu'fl étoît à craindre qu'on y<br />

confomeroît beaucoup de tems. Se de monde, fi fon ne trouvoit<br />

quelque expédient, qui en faciUtât la prife. Pour hâter ce desfein,<br />

ce Prince s'avifa de faire couper le rocher. Les ouvriers k<br />

trouvèrent fi tendre, Se fi facile, que la garnifon, qui reconnut<br />

fa perte inévitable, fe rendit le vmgtième jour du fiége,<br />

avec la vîe fauve, qu'on leur accorda. Il confia la garde de ce 1182.<br />

Fort à des gens, dont la fidéflté, 6e la valeur luî étoient connues; Baudouin<br />

Se y foît que fes infirmités, ne lui permiffent pas de tenir plus'^ Céfarée^<br />

long-tems la campagne, ou qu'il voulût augmenter fon Armée,<br />

pour faire quelque entreprffe plus confidérable, il s'en retourna<br />

k Jérufalem y Se en repartit peu de tems après, pour paffer à Céfarée<br />

y où fl avoit donné rendez-vous à tous ks Seigneurs du<br />

Roïaume. Comme flnfanterie n'y fut pas auffitôt affemblée,<br />

Hh 2 que<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


IU HIST O I RE G E' N E' R A L E<br />


liE JE'RUSALEM. LiV. v; CH. IV. ^45<br />

fâîre'des levées de gens de guerre. Ils convinrent de prendre<br />

k centième dénier fur tous les meubles, 6c le cinquantième fur<br />

k vakur de tous les immeubles du Roïaume, fens même enexcepter<br />

ceux des Eglifes, des Couvents, ni des Hôpitaux ^<br />

non plus que des étrangers qui y étoient étabUs.<br />

Cet expédient produifit des fommes affez confidérables, pour .<br />

augmenter les Troupes, amaffer des munitions de guerre, Se<br />

de bouche, réparer les fortifications des Places, principalement<br />

belles de Baruth y que SALADIN avoic fort endommagées, Se faire<br />

tous les autres préparatifs néceffaires pour luî réfifter. Après<br />

ces réparations, le Roi afla fe camper, à fbn ordinaire, à la fontaine<br />

de Séphor y d'où il envoïa foUiciter le Prînce dAntioche<br />

y Se le Comte de Tripliy de le venir joindre avec leurs<br />

Troupes.<br />

Ce premier, qui n'étoit pas moins allarmé du retour de SA­<br />

LADIN', Se de fa nouvelle puiffance, 6c qui craignoit extrêmement<br />

fes entreprifes, ne jugea point à propos de s'éloigner de<br />

fa Principauté. Il vendit même la Ville de narcéy Métropole<br />

de la Cïlicie, à RUPIM DE LA MONTAGNE , Prince d Arménie, •<br />

crainte qu'en voulant conferver cette Place éloignée, fl ne perdit<br />

fes autres Etats; au lieu que RUPIN, qui poffédoit le refte<br />

de cette Province, pouvoit facilement la défendre. Se même,,<br />

par fon acquifition, fe mettre mieux en état de réfifter à leurs*<br />

Ennemis communs.<br />

Cependant, BAUDOUIN, qui avoit plusde courage, que de Baudouin<br />

force, fe vit hors d'état de tenir la campagne. Les agitations•^^^^'^^^^<br />

continuelles de fon efprit, jointes aux cuifantes douleurs, qu'fl»f'-a»n«


2+6 H I s T o I R E G E' N E' R A L E<br />

gneurs, Se Barons du Roïaume, le Patriarche, les Evêques, 6c<br />

les Maîtres des Ordres Militaires; 6c, en leur prefence, fl dér<br />

clara Gui DE LUZIGNAN, Comte de Jaffa y Se dAfcalone y fon<br />

Beaufrère, comme plus intéreffé, qu'aucun autre, à la confervation<br />

de l'Etat, fon Lieutenant, 6c Procureur-Général, 6c<br />

. Adminiftrateur ^u Roïaume. Il lui remît abfolument entre les<br />

mains le pouvoîr, 6c le Gouvernement, ne fe réfervant que la<br />

Dignité Roïale, 6c la Vifle de Jérufakmy avec dix mflkEcus<br />

de penfion pour l'entretien de fe Maffon.<br />

Jaloufie L'extrême déférence, que chacun avoit pour les volontés de<br />

tneurl'du ^^ ^^^ Priuce, ks fit tous appkudîr à la nomination qu'il ve-<br />

Rdiaume noit dc faire, quoiqu'ils reftentiffent intérieurement une véride^Luzi-<br />

table jaloufie de k nouvefle autorité d'une Perfonne, pour k-<br />

5nan. qucflc fls n'avoicut, ni eftime, ni inclination. C'eft ce qui parut<br />

bientôt. SALADIN , qui avoit fait une irruption du côté de<br />

Cavany Se pris la Vflle de ScitopoliSy abandonnée par fes'Habitans,<br />

au feul bruit de fon approche, étoit allé camper aux environs<br />

de Tibériade y d'où fl avoit envoïé divers détachemens,<br />

pour ravager toutes les campagnes. Les Seigneurs, jaloux de<br />

l'élévation de Gui DE LUZIGNAN, bien.loin de le foutenir, en<br />

s'oppofant aux entreprifes de f Ennemi, ne fe firent aucun ferupule<br />

de fecrffier les intérêts communs à fenvie de ternir la réputation,<br />

que le Comte de Jaffa y Se dAfcaloney auroit pu acquérir<br />

dans cette occafion. Ils oubUèrent même leur engagement,<br />

6c f union, dans laquelle fls étoient partis de la fontaine<br />

de Séphor y Se avoient traverfe la montagne de Nazareth y<br />

Se la plaùie difrelony pour afler combattre f Ennemi.<br />

Ils ne penferent point, que leur Armée étoit compoféê de<br />

1500. Chevaux, Se de i^000.Fantaffins tous bien armés; Se,<br />

quoiqu'fls euffent apris f affoibliffement des Troupes de SALA­<br />

DIN, par.les gros détachemens, qu'fl avoit faits, dont l'un avoit<br />

forcé le Château de Gefraély Se celui de Fort-Blavet y Se avok<br />

monté jufques fur le Thabor; entreprffe inouïe aux ChrétienSy<br />

V de-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LIV. V. C^. IV. 24,?<br />

depuis qu'ils poffédoient le Roïaume de Jérufalem; ces Seigneurs<br />

fe contentèrent d'aller camper près de la fontaine de<br />

Tibériade y que SALADIN leur àvoit abandonnée, pour afler<br />

prendre fes quartiers à un mfle au-deffus, dans k vue d'éviter<br />

la bataflle qu'fl craignoit; mais SALADIN, reconnoiffant,<br />

par leur mauvaffe manœuvre, que leur deffein n'étoit point de<br />

l'attaquer, bkn kin de rappefler fes Troupes qui battoient k<br />

campagne^ leur ordonna de fe faifir des avenues du camp<br />

Chrétien, afin d'empêclier qu'on ne pût y porter aucune pro^<br />

vifion.<br />

\j2irméeChrétienne^t encore renforcée par un grand nombre<br />

de Vénitiens y Génois y Se Pifans y dont les Flottes fe trouvoient<br />

à Ptolomaïde. Le Comte dAfcalone les avoît invités au camp,<br />

dans la penfée de donner bataille à SALADIN. Ces gens étant<br />

venus avec leurs Troupes, 6c fort peu de provifions, aidèrent<br />

à confumer cefles de l'Armée, dont les avenues étoient telkment<br />

occupées par ks Infidèks y que ceux de la campagne 1183.<br />

n'ofoient s'expofer à y en apporter ; de forte qu'efle fe trouva<br />

bientôt dans une extrême difette, fans que les Chefs fe. donrnaffent<br />

aucun mouvement pour y remédier ; tant ils étoient<br />

obftinés à faire échouer les entreprffes du Comte dAfcaloney Se<br />

à faire rejetter entièrement fur lui le blâme d'une affaire, non<br />

moins criante, que honteufe pour eux tous.<br />

En effet, après avoîr fouffert la faim, 6c les autres in- Mauvais<br />

commodités, qu'ils auroient pu faire endurer à leurs Enne--Chré- "<br />

mis, vu prefqu'à leurs yeux défoler le pays, Se manqué foc- ^j^^l^^^^l<br />

cafion de leur donner bataifle avec avantage, le Comte de Tri-jaioujîe.<br />

pli y RAINAUD DE CHATILLON, BAUDOUIN DE RAMA , BALIAN,<br />

fon Frère; RAINAUD DE SIDON, GAUTIER DE CE'SARE'E, 6C<br />

JOSSELIN DE COURTENAI, Oncle du Roi, 6e Sénéchal du Roïaume,<br />

ne manquèrent pas de pubUer, que le mauvais foccès provenoit<br />

du peu d'expérience, 6c du manque de courage du Comte<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


24S HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

te dAfcabney quoiquetoute fArmée n'ignorât pas,, qu'ils euffent^"<br />

•par leur propre faute, détournék combat. Ils avoient même four<br />

tenu, que SALADIN étoit poftétrop avantageufement pour pouvoir<br />

l'attaquer. Se que fes Forces étoient'trop fupérieures aux leurs.<br />

On voit par-là, que quelques Hiftoriens, qui ont fuivi<br />


DE JE'RUSALEM. Lïv. V. Ca. IV. 2^<br />

k faute fur GUI DE LUZIGNAN, fon Beaufrère, lui fit concevoir<br />

tant de haine, 6c d'avcrfîon contre liù, qu^fl ne penfa plus qu'à<br />

le priver du gouvernement, qu'il lui avoit confié, 6c à l'abailfer,<br />

autant qu'fl favoit élevé.<br />

Dans cette vue, fl fit afftmbkr tous les Seigneurs du Koïzu-cmrenne.<br />

me dans k Temple du *S;^.5^ôtt/;r^, 6c couronner fokmnelkment J'"^ *^'<br />

k jeune BAUDOUIN, âge de cmq ans, que k Princeffe SYBILE, v.rfuwfa<br />

Sœur, avok eu de fon premier mariage avec GUILLAUI^IE DEJ


3ja HIS.TOIRE GE'NE'RALË<br />

Mmtréaly dont îl entreprit k fkge. Il commença d'abord<br />

à battre furieufement cette Pkce , avec diverfes machines.]<br />

Çett0 attaque fubite changea les danfes, les jeux, 6c les concerts,<br />

en cris, en pleurs, 6c en gémiffemens. Cette confufioa<br />

fot encore augmentée, par.l'auivendes Habitans des lieux circonvoifi^,<br />

qui vmrent en foule s'y réfugier: Le nombre enfot<br />

f\ gîaiid, que, pour ne point trop embarraffer k Château><br />

qui en étok déjà fi rempà, que plufîeurs FamiUes campoient<br />

dansks foffés avec leur bétail, le Prince RAINAUD en refufa<br />

même l'entrée aux Habitans d'tm Bourg voifîn, parce q^'fl fe.<br />

flattoit, que ce iku étant bâti fur une éminente, où étoit;<br />

l'ancienne Vilk de Petray dont f accès étoit très-difidk, fls<br />

pourroient fadkment s'y défendis.<br />

. Mais fl fe repentit bientôt d'avok trop préfiuné de cctte<br />

avantageufe fituation, 6fc de k vakur .cle ceux à qui fl en.<br />

avok confié Ja. garde. SALADIN, qui ne manquoit ni de^<br />

cœur, ni d'expérience, .iittentif daflkurs. à bien animer fes<br />

Soldats dans les occafions, aïant réconnu combien ce pofte><br />

ki feroit avantageux, pour venir à bout de fon entreprife^<br />

tenta fi foulent (fe k furprertdre, qu'fl l'emporta enfin:-<br />

Ce qui contraignît ceux qui le défendoient, de s'aller réfu-<br />

'^gier dans k Château, .où les Infidèks feroient entrés pèkmèfc<br />

'avec eux, fims k grand courage d'un ChevaUer, nommé<br />

YVES, qui les arrêta feul à feutrée du pont-kvis. Se<br />

ks obligea de .regagner k Boui^g, dont fls venoient de<br />

s?cûip^rer, 6c où fls tronvètent gtande abondance de grakis,<br />

Ittiik, vin, 6c autres provifions. ils eurent k camraodiciât.<br />

d'en jouïr tranquflement, parce que les Affiéger n'étoknt pointen<br />

état de faire des forties, qui puffent ks eh empêcher.<br />

QiB pks eft, SALADIN cut encore f agrément de faire plan-*<br />

ter dans ce même Ueu fix nEtélikies, dont k prostimicé incom*<br />

modoit extrêmement k Pkce, 6c fes défenfeurs, aitffi bien que<br />

ceux qui demeuroknt eofeimés dans kocs maifons, dont pk^<br />

fîeurs<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lr^. V.'CH. IV. 2^<br />

Heurs forent enfoncées par les groffes pkrres, que ces machines<br />

y déchargeoient.<br />

A k faveur de ces batteries, ks Infidèks approthoient fî .<br />

fort des foffés, qu'avec de gros cratnjwns de fer ils en arraclioient<br />

le bétafl que fes payfens y avoient conduk. Les Affiégés<br />

au contraire n'ofoient prefque plus paroître aux défenfes;<br />

Sey par furcroit de mallieur, ils commencèrent 1i manquer dc<br />

provifîons, pendant qu'ils avoient le chagrin de vok hs Barbares<br />

fe divertir, à leurs dépens, de celles qu'fls avoknt trouvées<br />

dans le Bourg, 6c que les pauvres Habitans, qui fe trouvoient<br />

îdfors dans la difette I, avoient amaffées à la fueur de kur front.<br />

Les Affiégés étoient enfin réduits en un état très-déplerabk,<br />

îorfque le Roi, doublement obligé à fecourir cette Place pour<br />

délivrer fe Sœur d'un évident danger, 6c c


&^2 H I s TOI R E G E'N E'R AL E<br />

.Château, que lesi«/W^/fifc avoient battu un mois entier, 6c fans'<br />

relâche.<br />

' Pendant k féjour que BAUDOUIN fit à Montréal y non<br />

content d'avoir privé le Comte dAfcalone du commandement^,<br />

. Jl déclara, le deffein^ qu'fl avoît rompre fon mariage. > Ces discours<br />

parvinrent bientôt aux oreilles de foa Beaufrère, qui,<br />

pour prévenu ce fcandale, 6c.les fuîtes fàcheufes qui en arriveroient,<br />

foignit une indffpofition, 6c fe retira à Afcalone^ Il.y<br />

fit venk la Princeffe,^ fa,Femme,, qui fe trouvoit à Jèrufalem.y<br />

Se fit, par cette démarche, échouer ks mauvaifes mtentions du<br />

Roi, fans pourtant fe mettre à couvert de fe pourfuite. Ce<br />

Prince lé fit fommer plufieurs fois de comparoître avec la Princeffe,.<br />

fon Epoufe, devant k Patriardie, fans qu'fl répondît jamais<br />

à ces citations..<br />

ABionpeu. BAUDOUIN, irrité.defe contumace, 6c guidé par lès confeik<br />

|^|2^^^^^-envenimés des ennemis du Comte, eut alors l'inconfidération<br />

^ d'abaiffer la Majefté Roïale, jufqu'à fe faire transporter lui même<br />

k Afcalone y pour la lui^ arracher de vive force; maîs fl trou^<br />

va les portes de k Vifle-ff. bien fermées, 6c ks murailles, fi bien<br />

gardées, qu'après- y avok frappé plufieurs fois, 6c. commandé<br />

inutilement qu'on les ouvrît, il fut obligé de s'en .retourner^<br />

plein de dépit, 6c.chargé^deconfufion, d'avok fait une dématdie<br />

fi déshonorante..<br />

Pour s'en vanger en^ quelque manière,. il* envoïa d'abord<br />

des Troupes fe faifîr de la Vifle, Se du Comté, de Jaffa y<br />

faifant défendre aux Habitans d'obéïr davantage à Gui DE<br />

LUZIGNAN. Il; fe rendk enfuite à Ptolomaïde y où fl avok<br />

convoqué les Grands du Roïaume,. pour pourvoir- aux be?<br />

foins de "l'Etat, Se pour envoïer une Ambaffade au Pape,<br />

6c aux autres Puiffances de VEurope y afin d'en obtenir quelque<br />

fecours, pour défendre, 6c mamtenir le Roïaume de JefuSf<br />

Chnft. ,^<br />

Cefut.dans cette occafîon ^ek,Patriarche HEiACLiusi<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. V. CH. IV. 2^^<br />

ARNAUD DE TORGUES, Maître du Tempky Se ROGER DE MOU­<br />

LINS, Maître de VHopital y égakment zdés pour k bien de<br />

l'Etat, fe jettèrent aux. piés du Roi, pour lui demander la grâce<br />

du Comte d^Afcalone ;'Se y afin de f engager à jie la kur pasrefufer,<br />

fls lui répréfentèrent, qu'il' étok de fe gloire ^ 6c de fèn<br />

intérêt,. d'étdndre une difcorde , qui pouvoit bouleverfer le<br />

Roïaume; puffque, dans k trifte état où fl fe trouvok alors,<br />

efle étoit capable den achever la ruïne. Ils ajoutèrent à kurs<br />

remontrances, qu'ils n'accepteroient, qu'à cette condition, k*<br />

commiffion de paffer en Europe y dont Sa Majefté, Se foivConfefl<br />

venoknt de ks charger. Gette déclaration f emporta enfin<br />

fiir le reffentiment, 6& fur la répugnance, qu'avoit k Roi de'<br />

pardonner à fon Beaufrère,- quoi qu'fl ne pût oubUer faffront,<br />

qu'il en avoit reçu à Afcalone y ni la violence que fe Comte venoit<br />

de faire à plufieurs Bergers Arabes y qui faifoient paître<br />

kurs troupeaux aux environs de Darony fous la>bonne foi d'un^<br />

feuf-conduit.<br />

Enfin, en confidération de ces puifïans interceffeurs, Se pour' '<br />

ne point retarder leur départ, BAUDOUIN voulut bien facrifier<br />

fe colère, 6c- fes mécontentemens, 6c-recevoir G u t dans fes GUÎ de<br />

bonnes grâces, lui-rendre le Comté de Jaffa y St le làire Gou- ]^^f^<br />

verneur du jeuneRoi, fon Neveu. Le couronnement de ce dernier rieur du<br />

avoit été.regardé comme fort inutik, puffqu'fl ne fervoit qifà•'***^"^'<br />

donner deux Souverains à un-même Etat, également incapables<br />

de le régir, fun par raport. à* fon enfance, 6c l'autre par fon<br />

infirmité, qui, après avok épuifé ks forces de fon corps, avoît,<br />

felon les apparences,- donné quelque atteinte àfon efprit; car,<br />

dans ks derniers tems de fon Règne, fl montra autant de lé*géreté,<br />

qu'il avok donné de marques-de folîdité,. Se de faru^<br />

dènce dans ks commencemens.<br />

Mi 3 &U^-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


2H H ï S T O IR E G E' N E' R A L E<br />

J^©ftJ^ .


DE JE'RUSALEM,. Liv. V. CH. V. 2^?<br />

Ils n'eurent pas de mokidrcs fojets defe louer du St. Père, Se<br />

de fEmpereur F R E'D E'R I c, qui étoit auffi arrivé à Férone. Ils<br />

trouvèrent ces deux Princes, non feukment dffpofés à affifter<br />

de leurs propres forces les Chrétiens Orientaux ; mais encore trèsempreffés<br />

à écrire des Lettres fort touchantes pom: le même fojet<br />

aux Rois de France y dAngkterrcy Se de Hongrie. Cependant,<br />

malgré ces grandes dcmonfbations, 6c ces belles appa-»<br />

rences, les Miniftres de Jérufalem reconnurent bientôt, avec<br />

un extrême chagrin, que les intérêts particuliers, qui occupoient<br />

Lucius, 6c F R E'D E'E I c, ne les détoumeroient que<br />

trop de leur bonne volonté pour la Guerre fainte. Les Brefs de<br />

Sa Sainteté y Seles Lettres de l'Empereur, dont ik avoient "«4;chargé<br />

les Ambaffadeurs pour divers autres Princes, ont fait dire cbeoauer<br />

fauffement au Chevalier Toxan, qu'ils fe partagèrent d^îs kur ,^°^^JJ^<br />

Ambaffade, en partant dô Férone; Se que k Patriarche p^%M^^<br />

en Angleterre y le Maître du Tempk en France y Se celui de<br />

VHopital en Hongrie, . _<br />

Le Continuateur de la Guerre fainte, que fai fuivi, affu-*<br />

re au contraire, que, pour mieux faire connoître aux Puisfences,<br />

dont ils alloient foUiciter ks fecoi»s, l'extrême, 6c urgente<br />

néceffité des Chrétiens de hPakftiney fls partirent de Fé-^<br />

rone tous les trois enfemble ; que k Maître du Tempk tomba<br />

malade en chemin; 6c que fes Collègues, après avoir fait humainement<br />

tout ce qui dépendoit d'eux pour le foulager, eurent<br />

k douleur de k voir mourir. Se lui rendirent ks derniers devoirs,<br />

ayant que d'arriver à Paris, Ainfi, ce furent k Patriarche,<br />

Se k Maître de VHopital y 65 non celui du Tempky com- ^<br />

me ce ChevaUer le prétend, qui traitèrent avec le Roi PHILIP­<br />

PE. Ce Prince les reçut avec beaucoup d'honneur. Se d'affcdion<br />

; mate, Comme, par raport à fa' je^àicffe, 6c aux intérêts<br />

de fbn Roïaume, fl ne pouvoit alors entreprendre fe voïage<br />

d'outremer, comme ces Ambaffadeurs fefolUckoicnt, fl fe contenta<br />

de ks afliirer, qu'fl ferok exhorter fès Sujets à prendre<br />

Ik<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


%$:6 HISTOIRE. G E' N E'R A L lE<br />

k Croix y Se kuribumiroit jnême tout ce qui feroît ' néceffaire<br />

pour cette fainte entreprife.<br />

En effet, ce Monarque ordonna la levée de quelques Trour<br />

pes d'Infenterie^ Se de Cavalerie, pour fe joindre à ceux de<br />

fes Sujets, qui entreprendroient la Croifade, Cefut-là tout<br />

vCe que les Ambaffadeurs de Jérufàkm purent obtenk de ce<br />

Prince. Ils en prirent congé pour paffer en Angleterre y dans<br />

ijefiîérance d'y faire de plus grands progrès,, à caufe des engagemens<br />

que le Roi HENRI U. avok pris long-tems auparavant»<br />

de .conduke lui même une puiffante Armée en Paleftine y afin<br />

d'obtenir fabfolutîon du Meurtre de ST. THO3IAS , Archevêque<br />

de Cantorheri^ qui lui.avoit été imputée.<br />

article II iCependant, malgré les promeffes que ce Prînce avoît faites<br />

au Pape, en acceptant k pénitence qu'il .lui avoit impofée, qui.<br />

.étoit de paffer, dans trois ans, en Paleftine, pour expier fon<br />

crime, il s'en étoit déjà .écoulé plus de dix-fept, fans qu'fl y eût<br />

feulement penfé, fl reçut néanmoins les Aufoaffadcurs très-gradeufement-4<br />

mais,ils lui ?repréfentèrent inutilement le déplotabkîr<br />

état, oùfe trouvoient les faints lieux. Toutes kurs rémois<br />

tr^nces firent auffi peu d'ejfet, que le Bref du Pape, qu'fls lui<br />

préfentèrent^- 6e par kquèl le St. Père k preffoit de s'acquitter<br />

dp fon devok. Il leur répondit fièrement, après k délflDération<br />

des Grands, qu'il avoit affemblés, qu'fl étoit encore plus obligée<br />

.à.la cojnfervation de fes Etats, 6c aux j^yantages de fes Sujets,<br />

qui auroient pu coiuir de grands rifques ipendaot fon abfence,<br />

c^\m y Qi^ge'de Paleftine-, Et qu'fl ne pouvoit leur donner, pour<br />

k préfent, que de fargent, &e quelques Troupes, en attendant<br />

que fes affakes lui permiffent dy allpr en perfonne, avec<br />

des forc.es plus confîdérables^ ,^^<br />

Le Patriarche HE'RACLI^US, mn peu trop altier, 4SC incon^<br />

fidérp., çe put ^'empêdier, d'outre-paffer ks fimites de la modération,<br />

qui coiivknt à unEcdéfia(lique, 6c fur tout à unEp-<br />

^^aftique, revêtu du par^dèr^ dAmb^adeur. U reprocha o\y<br />

vertement<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lir. V. CH; V. 25-7<br />

vertement à HENRI fon manque de foi, ^ de parole, 6e tou-f^:^^<br />

tes les adions de fa vie, qui pouvoient le plus l'offenfèr. Ces ^fi ^*f^.<br />

injures ne fervirent de rkn ; 6e fl n'en put obtenk un plus grand terre, é<br />

fecours, non plus que du Roi de France, auprès duquel ce a^'|jJJJ j«<br />

Prélat, 6e fon Coflègue, firent une féconde tentative fur les!Jfï«5«'*<br />

confins de Normandie^ Ces deux Monarques eurent une con- Sainte.<br />

férence au fujet de la Guerre fainte ; après kquefle ils répUquè- "^^'<br />

rent à cePrdat, que leurs affaires domeftiques, ne leur permettant<br />

pas de perdre leurs Etats de vue, ils ne manqueroient pas<br />

de faire preffer le départ de ceux qui avoient pris la Croix.<br />

. Le Patriardie, Se le Maître de VHopitaly traverfèrent enfuite<br />

VAllemagne y où ils firent des tentatives aufli grandes, 6e auflS.<br />

inutiles auprés des Princes. Ils n'en obtinrent aucune affiftance,<br />

parce que les,uns n'y avoient aucune inclination, 6c que<br />

les autres manquoient de moïens. Ils parvinrent enfin en Hongrie<br />

y où la connoiffance, qu'fls avoient faîte avec ks Ambaffadeurs,<br />

que k Roî BELLA avoit envoïés en France y pour demander<br />

en m.ariage la Princeffe MARGUERITE, Fflle du Roi<br />

PHILIPM:, ks aida\beaucoup à obtenir du Roi l'affurance, que<br />

ce Prince leur donna, que, fi fes intérêts ne lui permettoient<br />

pas pour le préfent de joindre fes Armes à cefles des autres<br />

Princes dEurop, pour concourir à l'abaiffement des Infidèles y<br />

il favorifèroit au moins tous les Croifés y qui pafferoient dans fes<br />

Etats pour cette entreprife.<br />

Après toutes ces négociations, ks Miniftres de Jérufàkm Articieiu,<br />

retournèrent à Férone y pour informer le Pape du peu de ffuit^^^^<br />

dc leurs foins,* 6c des follicitations de Sa Sainteté y Se pour lui Jj^*»"^<br />

faire comprendre le peu de fond qffîl y avoit à faire à f avenir compte au<br />

fiir ks promeffes des uns, 6c des autres. Le Pontife, afin «ie^^jjj -<br />

les confoler, en quelque manière, les affura, qu'fl redoubkroît "«»


25;« HLSTOIRË GE'NE'RALË<br />

Le Roi de ce dcmier, qu'fl avoit nommé Chef de la Croifade y pafferoit en<br />

léraUe^taFaleftinCy à la tête des Troupes. En.effet, lors qu'ils retourné^<br />

Croifade. ^tnt ï Palerme, ce Prince, qui avoit accepté le Généralat,<br />

kur promit, qu'il partiroit, dès que ks fecours, qu'on de^^oit lui<br />

envoïer, feroient arrivés; 6c qu'ils pouvoient cependant s'embar*<br />

quer fur deux galères, qu'fl kur avoit fait préparer, pour en<br />

^^^^*^^ aller porter la nouvefle au Roî, kur Maître, afin qu'fl pût<br />

àeurspour fe tenir prêt à faire quelque entreprife de conféquence fur ks<br />

HISTOÎ<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

-DES<br />

R O Ï A U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />

E T<br />

D' É G Y P T R<br />

L I V R E VI.<br />

CHAPITRE PREMIER.<br />

^-^S^^S-^S^^ ^ retour du Patriarche, Se de fon Coflègue;<br />

,^liSii§^ ^ Jérufalem avec de feuks efpérances, y<br />

t^^ T x^ corifterna tout le monde. Chacun s'étoît<br />

r^â" L ^x^ ^^^^^ 5 que ces Mîmftres, par raport à leur<br />

r^^iî^i^^î^ ^« des ^"^' fecours ^ ^ confidérables ^^"^ mérite, des auroient Princes del'^w- obtenu*<br />

rope. Se que quelcun d'eux feroit venu cn<br />

péafonne, pour foulager leurs mifères, 6c abaiffer l'orguefl des<br />

Kk 2 Infi-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


26o H I S T O I R E G E' N E' R A L E .,;<br />

aagrin de Infidèles y principalement du fuperbe SALADIN. LeRoi BAU-<br />

?umo«r"* i>ouiN, CD particulier, ne put fe confoler du peu'de fuccès de<br />

de fes An- leur voiagc. Ils cureut beau lui repréfenter ks> bonnes dîfpofi-<br />

"**"' tions, où ils avoîent trouvé le Pape, fEmpereur, 6c les autres<br />

Puiffances, fl ne réconnut que trop, que kurs fecours feroient<br />

tardffs. Se de peu d'importance. -C'étoit un preffentiment fécret<br />

de ce qui dbvoit véritablement arriver eh Europe y où les<br />

préparatifs, qu'on y avoit commencés pour k Guerre fainte, s'é^<br />

vanouïroient bientôt. ; »: •<br />

Il y en eut différentes caiffes. La première fut la mort du<br />

Pape LuGius, principal promoteur de cette grande'affaire. Il<br />

décédz: kFérone^ . URBAIN IIL lui fuccéd^i H Ce Fiantife / qubi<br />

, qU'égakment zélé pour la confervation du" Roïaume dé Jérufalem,<br />

entra, dès fon avènement au Pontificat, dans de fi grandes<br />

conteftations avec'fEmpereur, qu'efles ne permirent pas de<br />

douter ,t, qu'fl ne s'allumât bientôt une nouvdle Guerre entre ce<br />

Mbnar(jùe, Se le St. Siège, En fecond lieu, la mort de HkN-<br />

Ri', Rôi dAngleterrey qui étg^t indifpenkblement obligé'de<br />

conduire une Armée en Paleftine y Se qui u'avoit chargé aucun<br />

de fes Enfans de s'acquiter de ce devoir. Et enfin, la Guerre,<br />

dans laquelle RICHARD, fon Fils, 6c Succeffeur, étoît entré<br />

contre k'Pr^wn?. ,<br />

Tant de triftes nouvcUts afiligèrent-extrêmement k Roi<br />

BAUDOUIN, Se lui firent perdre toute efperance de fecours. Portant<br />

fes reflexions fur le déplorable état, ^ où étoit réduit fa Perfonne,<br />

Se fon Roïaume; fur la jaloufie, 6e la mes-intelligence<br />

des prîndpaux Seigneurs ; fur le peu de capacité, que lui pa«<br />

roifibit avoir Gui DE LUZIGNAN, fon Beaufrère,, pour foutenir<br />

les intérêts du jeune BAUDOUIN, fon Neveu ; fur f ambition dé-<br />

. méfurée , qu'fl avok toujours réconnue dans le Comte de Tripoliy<br />

qui n'afpirok à rien moins, qu'à ufurper k Couronne; &<br />

enfin, fur la puiffance de SALADIN, dont les Provinces envi-<br />

\ronnoient les Terres des Chrétiens y que ce Prince Infidèle ne<br />

man»<br />

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»E JE'RUSALEM. Lm VI. GH. I. iSi<br />

Ihanqueroit pas d'envahir, comme fl favoit déjà tenté plu- ngj^.<br />

fîeurs fois.<br />

Tdlis ces fujets de douleur dans un corps fi épuifé. Se fî^^^^^<br />

knguiffant, caufèrent à ce Prince un fî grand redoublement<br />

d'afflidion, qu'fl ne put y réfîfter. U en mourut le 16. de Mars<br />

de l'année i iSf. qui étoit la 2 j, de fon âge, 6e k 12. defon<br />

règne. Il fut généralement regretté de fes Sujets, qui ne prévoïoient<br />

que trop ks troubles, Se les malheurs, qui menaçoient<br />

k Roïaume. Ils n'^admiroient pas moins k valeur. Se la prudence,<br />

avec laqueUe fl avoit régné, malgré fa jêuneffe, 6cfes infirmités;<br />

fi fon en excepte les dernières années de fa vie, où<br />

fl avoit donné quelques marques de foibleffe : k conftance.<br />

Se k fermeté, avec kquelfe il avoit fupporté une fî longue 6c<br />

terribk maladie, malgré kquefle il avoit toujours été adff, 6c<br />

fort apliqué aux affaires du gouvernement. Qiioique privé d'une<br />

partie de foi même, il n'avoit jamais héfité à fe mettre à k tête<br />

de fes Troupes, pour courir où k befoin de l'Etat le demandoit.<br />

Son Corps fut -inhumé dans f Eglife du St. Sépulcre y dans SonEnvev^^<br />

k tombeau de fes Prédéceffeurs, avec beaucoup plus de ré- *"""'"'•<br />

grets. Se de larmes, que de pompe. Se de magnificence, parce<br />

que la Princeffe SYBILE, fa Sœur, étoit fi préocupée, auffi<br />

bien que les Grands, de kurs intérêts particuUers, qu'ils ne penferent<br />

guères à ce qu'ils dévoient à la mémoire d'un fî bon, 6c<br />

fî généreux Prince.<br />

Cfeielques Hiftoriens raportént, comme une chofe fort extraordinaire,<br />

6c comme un mauvais préfege pour le Roitume db<br />

Jérufakmy quelques grands orages, tant maritimes, que terrestres<br />

, qui arrivèrent en ce tems-là. Cependant, fls ne de^<br />

voient pas ignorer, que ce font ks changemens de faffons, qui<br />

produifent ordinairement ces effets d'éclîpfes, de tremblemens<br />

de terre, de vents impétueux, de pluies exceffives. Se de tonnerre<br />

épouvantable, qui arrivent, non feukment dans k Sy-<br />

Kk î ric y<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ti6i: H ï s T 0 I R E G E'N E'R A L E<br />

rie y Se dans, tout VOrient, mais encore dans toutes lesR^iont<br />

de f Univers.<br />

Faux pré- H faut plutôt attribuer k véritable caufe de la ruine de cet<br />

jugeas de £^jjj. ^ 1^ dffcorde, 6e à la haine kivétérée des Perfonnes, qui<br />

mj^ens. dévoient le foutenir par leur union, Se leur bonne intefligence ;<br />

6c qui, au lieu de travaiUer de concert à fa confervation, comme»cèrent,<br />

peu de jours après k mort dc BAUDOUIK, à. s'élever<br />

les uns contre les autres, 6c caufèrent, par4à, les maflieurs<br />

qu'on a youlu être les effets des tempêtes furieufes, que les mêmes<br />

Auteurs, 6c principakment le P. MAIMBOURG, décrivent,<br />

avec tant d'éloquence.<br />

Le Comte de Tr//)


fit JERUSALEM. LIV. VI. CH. I. ^ 26%<br />

»<br />

troubks, fes' agitations Se hs mécontcritémens des uns, ' 6c '<br />

des autres, 6c rendit un peu de tranquflité aux Peuples de<br />

l'Etat. •<br />

Efle fot cependant bientôt interrompue, par un accident fî ^"^ ^<br />

fatal, qu'fl cn caufa rentière ruine. Le jeune Roi mourutdouin.<br />

fept mois, après k décès de BAUDOUIN, fon Oncfc. On<br />

prétendit, que ce fut par un poifon lent, que le Comte de<br />

Tripli hii avoît fait donner, dans k deffdn d'ufurper le<br />

Trône; fe flattant, que, dans fétat déplorabk, où étoient<br />

alors les affaires, on fc préf^eroit aux Princeffes SYBILE, 6S<br />

ISABELLE. D'autres attribuèrent cet horrîbfe attentat à SYBILE y<br />

fe propre Mère, qui avoit été affez dénaturée, difoient ik,.<br />

pour préférer le plaifk dc régner à k vie' de fon propre<br />

Fils. Cette dernière opinion fut même la plus fuivie.<br />

Quoi qu'fl en foît, cette mort inopinée rompit entièrement<br />

Punion apparente entre cette Princeffe 6e k Comte de Tripli.<br />

Leurs prétenfions fe renouveflèrent avec plus de chakur<br />

qu'auparavant, Se remirent tout le Roïaume dans le desordre ,<br />

6c dans k confufion. Les uns favorffoient les prétenfions du<br />

Comte. Les autres applùoient les droîts de la Princeffe SYBI­<br />

LE. Un troifième parri voulok faire donner k Couronne à.<br />

EMPHPROI DE THORON, Mari de la Pl^inceffe ISABELLE. Maîs.<br />

enfin, k fermeté, 6c faddreffe de SYBILE à fourenir k préfércnce,<br />

que lui donnoit fa Naiffance, remporta fur fes compétiteurs<br />

, foitpar Vzdâreffe qu'efle eut de cacher, pendant quelques<br />

jours, là mort defon Fiîs ; foii: qifelle gagnât par préfens, ou par<br />

promeffes, plufieurs de ceux qui n'étoknt pas de fbn parti. En<br />

im mot, elk s'affura des fuffrages du Patriarche, de diversEvêques,<br />

6e Barons, ôc du Maître du Tempky qui étoit un d'es Confervateurs<br />

dek Couronne, Se des: autres ornemens Roïaux. Enfin,,<br />

efle fot fî bien fe conduire, que, malgré ks clameurs de fes*<br />

Concurrens, elk fe fit folemneUement couronner, avec Gui DE'<br />

LUZIGNAN, fon Epoux, dans fEgUftrda St. Sépulcre^<br />

Quel-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


204- H I s T p I R E G E'N E'R A L E<br />

Article^. Quclques-uns ont écrit, que SYBILE n'aïant pu engager k<br />

Maître de VHopitaly qui étoit un des Confervateurs des habits<br />

Roïaux, à lui en donner la clef, elk avoit fait, avec autant<br />

de réfolution, que de prefence d'efprk, enfoncer les portes du<br />

*"';.: tréfor; deforte qu'on vit, dans un même jour, le couronnemenf<br />

de cette Princeffe, Se de fbn Epoux, Se les Funéraflles<br />

du jeuneRoi BAUDOUIN. La trifteffe de fune de ces cérémonies<br />

contrebalançoit îa réjouiffance de l'autre; Tant k foif de régner _<br />

ét:ouffe ks fentimens de la Nature. Cette paffion ne laiffoit<br />

alors à la Reine SYBILE , que la joie, 6c k plaifîr de pofféder<br />

k fouveraineté, Se de triompher de ceux qui avoient voulu la<br />

Arrivée de lui difputer. Il cft pourtaut vrai, que l'arrivée-de BONIFACE ,<br />

S-iwv' Marquis de Montferrat y Beaufrère de cette Princeffe, qui avoit<br />

ferM^i fuccédé à fon Frère R E'G NIER. Roi de TheffaliCy mort fans<br />

jérufaîcm.Enfans, 6c qui avoit d'abord pris k parti de SYBILE, ne<br />

contribua pas peu à la tranquflité de fon couronnement.<br />

.. BONIFACE étoit venu à Jérufalem, pour prendre lui même<br />

k Tutelle du jeune Roi, fon Neveu, Se la Régence de fEtat ;<br />

mais l'aïant trouvé mort en arrivant, fens s'informer fî fa mort<br />

avok été naturdk, ou prématurée, 6e perfuadé que la Couronne<br />

appartenoit de drok à la Princeffe SYBILE, fl apujafi bien<br />

fes prétenfions , que, malgré les murmures des Grands du<br />

Roïaume, efle fut couronnée avec Gui, fon Mari. EMPHROI<br />

DE THORON, bien loin de vouloir leur difputer le Trône, fut le<br />

premier à leur fake hommage, &ç à leur prêter le ferment de<br />

fidéUté. Tous les autres Seigneurs fuivirent fon exemple. Le<br />

feifl Comte .de Tripliy qui n'avoît pu y mettre obftacle, ne<br />

refpîrant que vengeance du tort, qu'fl prétendoit avok reçu,<br />

fe retka brufquement fur fes Terres ; bien ^éfolu de ne rien éparr<br />

gner, pour renverfer du Trône un Homme, qu'fl en croïoit beaucoup<br />

moins digne que lui C'eft çe qu'fl fit bientôt voîr, fans<br />

aucunégard à la ruine de tout un Peupk, ou à k perte d'un Roïau-.<br />

ine, qui devoit être fi cfier, ^ fi recommandâbk ^tpus ks Chrétiens,<br />

6jr<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE J E'R U SALE M. LIV. VL'A CH. I. - 269<br />

Car SALADIN , dont faddreffe, 6c la vigilance à profiter de<br />

leur désunion étoit infinie, aïant apris le bruit, que faifoit k<br />

rupture du Comte avec Gui, Se tous les autres mécontentemens<br />

, qu'avoit produits l'avènement de ce dernier à la Couronne,<br />

crut cette occafion la plus favorable, qui pût jamais fe préfenter,<br />

pour dépouiUer les Chrétiens des meilleures Places du .<br />

Roïaume. Comme fl connoiffoit le Comte de Tripoli capable ii8


26


DE JE'RUSALEM. Lïv. VI. CH.I. ^6^<br />

Ils attaquèrent enfuite les Barbares avec tant d'intrépidité.<br />

Se de courage, qffils les étonnèrent d'abord par ks coups fûrs,<br />

Se terribles, qu'ils kur portèrent Le maffacre, qu'ils firent,<br />

joint à fembrafement de leurs retranchemens, fit qu'fls s'abattirent<br />

, Se prirent enfin la fuite, avec tant désordre Se de confufion<br />

, que tout auroit été perdu pour eux, fi SALADIN , qui<br />

reconnut f épouvante de fes Troupes, n'y fut accouru promtement<br />

lui même, avec fon Efcadron de Mammelucs y 6c n'eût Tit-Valeur des<br />

teint celui des Chevaliers, dans le tems qu'ils fe retiroient fous J^^^j^îf "^<br />

les murs de la Place. Il s'engagea alors un combat, bcaucoup cmbatconplus<br />

fanglant, Se plus opiniâtre, que le premier. Lcs Barbares<br />

y animés par la prefence de leur Prince, faifoient des prodiges<br />

de valeur pour rompre la Cavalerie Chrétienne. Tous leurs<br />

efforts furent cependant inutiles ; Se, fans k mort de ROGER<br />

DE MOULINS, Maître de VHopitaly de la plupart de fes braves<br />

Chevaliers, 6c de plufieurs autres Perfonnes de diftindion,<br />

les Chrétiens auroient eu la gloire de faire périr ce jour-là, avec<br />

la meilleure partie de la floriffante Armée de SALADIN, le perfide<br />

Comte de Tripli, qui, mafqué, Se travefti, combattoit à<br />

fon côté.<br />

Plus de quinze mille Infidèks demeurèrent for le champ de ^„,-;^ ^^<br />

«taille, outre ceux qui périrent par le féu, ou le fer, dans leur Saïadin.<br />

mp. Une fi grande perte déconcerta teflement SALADIN,<br />

quil décampa dès la nuit fuivante, 6c reconduifît fon Armée<br />

flir feslTcrres, tant pour la rafraîchir. Se la renforcer, que pour<br />

donner le tems au Comte de Tripoli de lui procurer quelque<br />

occafîon favorable d'avoir fa revanche. Se de défaire les Chrétiens.<br />

Ce fut alors que le perfide RAYMOND , bi^n loin de fe répen- Artieuiii.<br />

tir de fes erreurs, par le danger qu'il venoit de courir devant Rufes du<br />

Ptolomaïde y non moins fâché, que SALADIN, de la mauvaffe Ç^^^^5<br />

réûffite de cette entreprife, renchérit encore fur fes méchancetés<br />

à fégard des Chrétiens; foit àla folUcitation de ce Prince/«-<br />

Ll 2 fidèle y<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


268 H I S T O I R E G.E'NE'RALE<br />

fidèle y ou de fon propre mouvement II affeda de vouloir fe<br />

réconciUa* avec le Roi Gui, afin d'avoir la commodité de le livrer<br />

plus commodément à celui à qui il favoit vendu; Se fl<br />

pouffa fa haine Se fe vengeance à un point, que fi efle ne coûta<br />

pas la vie à ce Prînce, comme ce Traitre favoit projette,<br />

efle lui coûta au moins fa Uberté, la perte de fes meilleurs Suj.ets.<br />

Se cefle de k plus grande partie de fes Etats, par k plus<br />

infâme trahifon, dont on ait jamais ouï parler. •<br />

Sa feinte H commcuça par témoigner un vérkable repentir des démarttoTavet<br />

^^^^ 5 ^"^ ^^^ premiers mouvemens de fa colère lui avoient in-<br />

Gui. fpirées : Se, par plufieurs foumflfions, il engagea quelques Seigneurs<br />

à affurer le Roî des véritables regrets, qu'fl en reffentoit;<br />

les conjurant, en même tems, de lui procurer fa réconci­<br />

Uation. Ce Prince, qui étoit natureflement bon, Se généreux,<br />

crut facflemént, que ceTraitre s'étoit véritablement repenti de<br />

fes fautes. Se qu'fl étoit rentré dans fon devoir; de forte qu'fl<br />

prit tant de confiance en lui, que sll n'avoit jamais rien fait<br />

contre fes intérêts, qui dût le lui rendre fufped.<br />

Alors le Comte, qui reconnut, que cette aveugle confiance<br />

alloit le mettre en état d'agir felon fon inclination, 6e de faire<br />

plus de mal à Gui, en paroiffant le fervir, que lors qu'fl avoit<br />

eu les armes à la main contre ki, affeda une grande fou<br />

fion pour fe réconciUer. Par une méchanceté auffi noire,<br />

maligne, que ce qu'fl avoit déjà fait, fl envoïa renoncer p<br />

bUquement à f Afliance, qu'il avoit eontradée avec SALADIN.<br />

C'étoit le fignal, concerté avec cet Infidèky pour f avertk de<br />

rentrer fur les Terres des Chrétiens. En effet, il attaqua d'abord<br />

la Vifle de Tibériade, Capitale de hi Galilée y que le Comte<br />

avoît dégarnie de gens de guerre. Il paffa lui même à Tripoliy<br />

où fl leva quelques nouvefles Troupes, Se en fit augmeur<br />

ter les fortifications; faffant entendre, qu'fl ne doutoit pas,<br />

que SALADIN ne vînt l'attaquer, pour fe vanger de fon changement.<br />

La<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LIV. VI. CH. I. 269<br />

La Princeffe ECHINE, Femme du Comte, fe trouvant enfer- imprudent<br />

mée dans Tibériade y Se ignorant la trahffon de fon Mari, en- g ^"j^"*<br />

couragea d'abord les Habitans, Se quelque peu de Soldats afe Luzignan;<br />

bien défendre, les affurant qu'ils feroient bientôt fecourus. En<br />

effet, fur les inftances de cette Dame, Se fur cefles. du Comte<br />

fon Epoux, le Roi, qui ne fe défioit de rien (contre favk des<br />

plus expérimentés de fon Confefl) dégarnit toutes les Pkces<br />

du Roïaume, pour compofer une Armée capable de fecourir<br />

ouvertement Tibériade y Se de livrer bataille à SALADIN,<br />

fî f occafîon s'en préfèntoit.<br />

GUI, accompagné du vieux Marquis de Montferrat, qui<br />

étoît allé vifker les faints Ueux ; des prîndpaux Barons du<br />

Roïaume, des Ordres MiUtaires, Se du même Comte de Tripliy<br />

qui étoit venu le joindre avec fes Troupes, alla camper à<br />

k fontaine de Séphor. Il avoit fous fes enfeignes, felon les<br />

meiUeurs Hiftoriens, près de deux mifle Chevaux, 6c environ<br />

quinze mifle Hommes de pié, outre plufîeurs Compagnies de<br />

mflice, qui s'y étoient jouîtes. Quelques Hiftoriens font cette<br />

Armée beaucoup plus nombreufe, mais trop difproportionnée<br />

aux Forces des Chrétiens de k Paleftine y lorfqu'il ne s'y<br />

trouvoit aucun Prince étranger. Les uns prétendent, qu'efle<br />

étoit de douze mflle Chevaux, 6c de vingt mille Fantaffins, 6c les<br />

autres encore moins vraffembkblement de 30000. Chevaux, 6c<br />

de 4.0000. Hommes de pié<br />

C H A P I T R E II.<br />

LE Roi, après avoir campé, pendant quelques jours, àla fon- ^^ticie i.<br />

taine de Séphor y jugea à propos de changer de pofte,<br />

pour en afler occuper un plus commode en im Ueu nommé ^//«,<br />

entre Nazareth y Se le Château deBeheiry par raport àl'a-<br />

Ll 3 bondance<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


2?o H I S T O I R E G E'N E'R A L E<br />

bondance des eaux. Se des fourages. La conduite de ce Prînce<br />

étoît exceflente ; mais il avoit^ auprès de lui un efpion trop<br />

dangereux. Se trop exad à informer fon Ennemi de tous fes<br />

deffeins, pour ne pas trouver de l'oppofîtion à fon nouveau<br />

campement. Les Infidèks favoient prévemi, Se s'en étoient fî<br />

bien emparés, que, pour les en chaffer, il fut obligé de commencer<br />

un combat, qui ne fot pas moins long, que cruel, Se terri-<br />

Ltng 6? hle. Il dura, depuis midi, jufqu'à l'entrée de la nuit, fans que la<br />

fanglant vidoirc fe déclarât pour l'iiu, ui pout l'autre parti, fî ce n'éft<br />

combat en- . ^ , -, ^ . . A I • ,-i<br />

tre les quc ks Barbarcs demeurèrent toujours maîtres du terrain, qu ils<br />

p'saia-'^'' avoient occupé ; Se que ks Chrétiens, accablés de laffitude, fu-<br />

^^»- rent contraints de camper dans des Ueux arides, 6c très-incommodes,<br />

où les Soldats tomboient en défaiflance, faute d'une<br />

goûte d'eau, dont ils avoient tant de befoin, à caufe de l'extrê-.,<br />

me chaleur qu'on reffent ordinairement, au commencement de<br />

JuiUet, dans ces quartiers-là.<br />

Le trifte , 6c déplorabk état, où fe trouva alors fArmée<br />

Chrétienne commença le triomphe du Comte de Tripoli. Il fe<br />

' ' crut à la veîfle d'ufurper le Trône de Jérufalem, 6c de donner<br />

la loi à tous ceux qui avoient été contraires à fes deffeins. Ce<br />

fut auffi cette mauvaife fîtuation, qui obUgea leRoi à affembler<br />

^ ' le Confefl pendant la même nuit, afin, de le confulter fur le parti<br />

qu'on devoit prendre, pour fe tirer d'un fi grand embarras.<br />

Comme fl n'y avoit pas beaucoup à déUbérer, Se qu'on ne<br />

pouvoit décamper, fans en venir aux mains, ni demeurer plus<br />

long-tems dans un Ueu fî desavantageux, fans expofer les Hommes,<br />

6c les Chevaux, à périr de faim, de foif, 6c de mifère, fl<br />

fut d'abord réfolu, qu'on fe mettroit en bataflk, dès le point du<br />

jour, afin de s'ouvrir un paffage, avant que la foibleffe, SeVépuifement<br />

mît les Soldats hors d'état de f entreprendre.<br />

Il ne s'agiffoit plus que de décider, fî on devoit attaquer<br />

l'Ennemi, ou attendre, qu'fl s'oppofât à leur rétraite, lors qu'un<br />

Renégat, nommé JEAN, fe jetta aux piés du Roî devant toute<br />

fAf-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. VI. CH. II. 271<br />

l'Affemblée, 6c lui dît, que le fmcère repentir qu'fl avoit conçu<br />

de fon Apoftafîé, 6c d'avoir fî long-tems fervi SALADIN contre<br />

ks ChrétienSy favoit porté à quitter cet Infidèky pour venk<br />

avertir Sa Majefté, 6c lui dire, que, puisqu'fl ne pouvoit fe<br />

difpenfer de recommencer un combat, fl faloit que le fort de<br />

fes Troupes s'attachuffent à f Efcadron des Mammelucs, qui environnoient<br />

SALADIN, 6C dans lequel confîftoit toute k force 6c<br />

k vigueur de fon Armée; l'affurant, que fî cet Efcadron, qui<br />

étoit aifé à reconnoitre par l'élévation extraordinaire de fon étendart,<br />

recevoit le moindre t échec, tout le refte, qui n'étoit que<br />

gens ramaffés, fans difcipUne, 6c fans expérience, les abandonneroit,<br />

6c prendroit une fuite fî précipitée, que fes Soldats<br />

n'auroient plus la peine que de tuer, fans trouver aucune réfîftance.<br />

11 s'offrit, en même tems, de guider cette attaque lui<br />

même, 5c de facrifier fa propre vie pour la gloire de 7


272 HISTOIRE G E' N E' RALE<br />

comme on favoit, qu'fl connoiffoit parfaitement le Pays, foit<br />

par foibleffe, ou par deftin, on approuva fon malin, 6e pernicieux<br />

fentiment. Au lieu de ferrer leurs Troupes, 6c d'en opjp.ofèr<br />

la fleur contre les Mammelucs y comme le transfuge k<br />

leur avoit indiqué ,^ ils les divifèrent en plufieurs Corps, féparés<br />

les uns des autres, de la manière quelle Comte de Tripli<br />

le confeiUa. < ^^^<br />

Làrheté, Le jour aïant paru, la bataille commença; 6c'ils n'eurent<br />

Tj£e P^^^ le tems de changer cet ordre, qui les mettoit hors détat<br />

rie Tripoli, de pouvoir fauc tête ^ux Infidèles. Ils s'aperçurent alors, mais<br />

inutilement, de la trahifon du Comte de Tripli. Ce perfide,<br />

profitant du désordre de fArmée Chrétienne y f abandonna au<br />

plus fort du combat 5 6c fe retira avec fes Troupes à Saphet y<br />

^ enfuite à Tripoli. Sa retraite. Se k déroute des premiers<br />

Bataillons Chrétiens y qui donnèrent, fut fuivie du découragement<br />

de toute fArmée, déjà accablée de foif, de fommeil, 5c<br />

de laffitude. A tous ces mau^ fe joignit fardeur des rayons du<br />

folefl, qui leur donnoient dans les yeux, les brûloient. Se les<br />

éblouiffoîent fi fort, qu'il leur étoit impoffible de fe fervir du<br />

peu de forces qui leur reftoit. On auroit dit, que cet Aftre<br />

eût été d'accord avec les Infidèles, pour les perdre dans cette<br />

malheureufe journée.<br />

Elle fut bkn funefte aux Chrétiens, Les Infidèles y dont le<br />

nombre étoit incomparablement plus grand, profitèrent fî bien<br />

de tous leurs avantages, qu'ils les ènvelopèrent de tous côtés.<br />

Se en firent un fi grand carnage, qu'aucune autre bataille ne<br />

kur avoir coûté tantdefarig, depuis qu'fls poffédoient leRoïau-<br />

LeUisdeiame dc Jérufakm, Il n'en échapa que très-peu au fer des^^rprls<br />

paroles bar es. RuFFiN LE MoiNE, Evêquc de Ptolomaïde y qui por-<br />

Barbares.|-oit le facré boîs delxCroix y le perdît, aveck vie, dans ce malheureux<br />

jour.- Les autres Prékts, qui favoient porté, avant<br />

luî, dans les autres bataflles, n'avoient jamais reçu k moindre<br />

bleffure.<br />

Cet-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


M JE'RUSALEM. Lcvi VI. Ca. IL 273'<br />

Cette fainte Refique fut prefentée à SALADIN, comme le pïns Défaite de<br />

glorieux trophée de fe Vidoire, Se k plus grande partie de c^i'édl-uf<br />

Armée Chrétienne périt. Il n'y eut que le Roi, ALME'RIC DE ne.<br />

LUZIGNAN, fon Frère, qui étoit Connétable du Roïaume, le<br />

Marquis de Montferrat y RAYNAUD DE CHATILLON, GÉRARD<br />

DE RIDFORT, 6e quelques autres Perfonnes de diftindion, à<br />

qui les Turcs, fatigués de maffacrer, confervèrent la vie, dans<br />

la vue d'en tirer de groffes rançons. GARNIER DE NAPLES,<br />

Maître de VHôpital y eut le bonJieur de fe fauver à Afcalone y<br />

avec une petke troupe ; mais fl y mourut de fes bleffures, peu<br />

• de jours après. SALADIN , dès le lendemain, fit trancher la tête<br />

à plufieurs Chevaliers des deux Ordres, qui tombèrent entre<br />

fes mains ; tant fl défiroit d'éteindre deux MiUces, de la valeur<br />

desqudks fl avoît fouvent expérimenté, que dépendoit la prindpale<br />

force des Chrétiens de la Paleftine, -/ /<br />

Le Maître dès Templiers n'évita ce fupUce, qu'aux inftantes 5^^^,^^-^<br />

prières du Roi; mais fl ne put obtenir la même grâce pour RAY- rf^Saïadin.<br />

NAUD DE CHATILLON. SALADIN étoît fi outré contre ce brave<br />

Seigneur, de ce qu'fl àvoit empêdié fes entreprifes fur la Province<br />

qù'fl gouvernoit, 6e s'offenfa fi fort de la manière, avec<br />

laquelle il répondit à fes queftions, qu'fl lui abatit lui même la<br />

tête d'un coup. Barbarie , bien indigne d'un auffi grand<br />

Homme que l'a été SALADIN, qui, en déshonorant, par une<br />

adion fi indigne, k Vidoke, qu'fl venoit de remporter, fit<br />

bien voir, qu'il eft plus difficfle de fe vamcre foi même, que de<br />

vaincre fes Ennemis.<br />

Ce Prînce Infidèky qui fe kiffa furmonter à la colère d^ns Article n.<br />

une occafion, où la modération, Se la clémence, auroit confidérablement<br />

augmenté fe gloire. Se fa rénommée, ne manqua<br />

point de dfligence, 6c de conduite, pour retirer tout k fruit,<br />

qu'fl pouvoit attendre du gain de k bataiUe, 6c de la prifon du<br />

Roi; car, bien informé, que ce Prince avoit dégarni les Places<br />

du JRoïaume, pour renforcer fon Armée, fl ne s'arrêta que<br />

Mm trois<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i74 H I S T O I R E.> G E' N E';R A LE<br />

.;»,< trois jours au pont de Tibériade y ppurfaire pancer fes bleffés,.<br />

6c rafraîchir les Troupes. La conquête de Ptolomaïde lui tenoit<br />

trop à cœur, depuis long-tems, pour la négliger. Il afla d'abord<br />

pknter le fiége devant cette Vilk, Se n'âttendk pas longtems<br />

à â'en rendre maître; •<br />

Siège^' •• Qiielque fortifiée que fût cette Place de Tours, 6c de Mug'^^j^"""^^*<br />

railles, ks Habitans., prefque tous gens de commerce, fe voïant<br />

de, privés de faffiftance des Chevaliers du Tempk y-Se de VHopitaly<br />

leurs défenfeurs, 6c fans fefpérance de recevok aucun fecours,<br />

tous les Soldats aïant péri à la bataflle dlÊ/m^, fe rendkent dès<br />

k lendemain,: qu'fls furent attaqués,^ fur l'^irance que SALA­<br />

DIN donna ^}x.Cbrétiens Otkntaux, qui s'y trouvcâent en plus<br />

grand nombre, de les y kiffer tranqmkment jouïr de leui»<br />

biens > 6c de kurs Maifons; 6c aux Latins y de fe retker avec<br />

kurs meubles où bon leur fembkroit. Par-là, fl fe trouva enfin<br />

goffefleuL de cette importante Flace , fews* qu'fl lui en coûtât- un.<br />

feul Homme.- Effet de l'in^rudence qu'on avoit eu d'en tirer/<br />

tous les gens de guerre..<br />

Il ne manqua pas d'y mettre toutle bon ordî'e, làmuniflant:<br />

de tout ce qu'fl crut néceffaire pour fe conferver une Vilk fi importante<br />

par mer.i 6c parterre. Il marcha enfuite vers Baruth y<br />

dont les Habitans, qui fe trouvoient également fans reffource,<br />

fècrendùentau feuLbruit defon approche, afin d'éviter fon în^<br />

dignation, par une réfiftance inutile. Satisfait de leur foumiffion,<br />

il les traita avec la même douceiu, qu'il avoit fait ceux de Ptolomaïde.,<br />

Et'enfin, auffi clément. Se retenu,, qu'fl avoit été'<br />

iwoknt,.- Se. emporté après la .bataflle dEtin, il leur laiffa le libre<br />

exercice dé leur Re%ioii, fans permettre que fes Sddats<br />

kur fiffent jamds la moindre'infuke.. Tant de douceur. Se de<br />

géaérofké,- le rendk,. en moins d\in mois, makre dé toutes<br />

ks Places dé k Paleftine y à la referve. dâ Jérirfalem^y de Tyn<br />

StMAfcahnœv. Les uns lui ouvrkent leurs portes;-, avec^empresfiment.;,<br />

6c. ks Habkans desr>autresk prévinrent j, eniui épar-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«E'JËÎIUSAI.EM. liv. VI. CH. It. ^.79<br />

jgflànt le chemin, pouf k mettfe, avec plus de pompé, en posfeffion<br />

de kurs Villes, comme k firent ceux de Biblis,<br />

Les Latins y que SALADIN défîroit de chaffer entièrement de<br />

la Syrie y furent les feuls qu'fl fit fortir des Vifles, dont fl s'empara.<br />

Les Grecs y les Coptes y les Jacobites y Seles NeftorienSy<br />

ne firent que changer de Maître, fans changer de fortune.<br />

Après une fi grande fuke de profpérités, SALADIN, fe flattant,<br />

que rien ne pourroit réfifter à fes armes vidorkufes, alla fe<br />

préfenter devant Afcahne y efpérant d'emporter cette Place,<br />

avec la même facilité qù'fl avoit affujetti ies autres; mais, fok<br />

que fes Habitans fuffent plus.affedionnés à leur légitime Souverain<br />

, ou qu'fls fuffent encouragés par quelques ChevaUers, qui<br />

s'y étoient feuvés avec GARNIER DE NAPLES , Maître des Hofpitaliers,<br />

qui, en mourant de fes bleffures, comme ye viens de k<br />

dire, avoit non feukment exhorté ce refte de Chevaliers, mais<br />

encore tous ks Habitans, à mourir en gens d'honneur, plutôt<br />

que de fe rendre aux Infidèles ; ils rejetterait ks propofîtions saïadîn<br />

de SALADIN, avec autant de mépris, qu'fls repouflerent fès atta- jJ^^^^^V<br />

ques avec vigueur, ôe avec fermeté Ils mirent le feu aux ma- ««rf'Afca-<br />

.chines, qu'fl avok plantées, jçur ks incommoder, 6c l'oblige- ^"*<br />

rent enfm â lever le fîége ;L' Mcriant de deffus leurs murailles,<br />

comme par infulte, qu'il i|e fdfoit jamais le Maître des Afcalonites<br />

y tant que durerok Jérufétkm.<br />

Ces difcours injurieux envers un Prînce accoutumé à vaincre,<br />

6c auffi enflé du fuccès de fes armes, que fétoit SALADIN, fenflamèrent<br />

fi fort, qu'il conduifît, fans héfîter, fon Armée devant<br />

Jérufakmy bien perfuadé, que, s'il trouvoit la même réfîftance<br />

dans les défenfeurs de cette Capitale, qu'fl avoit trouvé<br />

de réfolution à ceux dAfcaloney fl étok au moins certain<br />

que fes murailles ne lui donneroient pas tant. de peine à<br />

entamer.<br />

En arrivant devant Jérufalem, fl mit tout en ufage, poui*<br />

engager les Habitans à fe rendre. Il kur propojâ fçxempk dés<br />

Mm 2 ^tres<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


été H I S T oa R E- -Ç E' N E' R A L E<br />

autres Vilks, qui avoîent pris ce parti, 6e^qui avoknt tout Ikude<br />

fe louer de fes bons traitemens ; fl ne put cependant les ga:gner.<br />

La Reine SYBILE, k Patriarche, 6c quelques Chevaliers<br />

des deux Ordres, qui y étoknt demeurés à la garde de leurs<br />

Maifons, les animèrent à fe bien défendre, afin de'mériter,<br />

comme les AfcakniteSy le titre gkrieux de bons. Se fidèles<br />

fojets à leur Prince, dont fl s'agiffoit de conferver k refte de la<br />

famifle, avec le fepiflcre de Jefus-Chrift,.<br />

' SAXADIN commença, enfuite à faire jouè'r diverfes, machines^<br />

qu'fl avoit fait placer du. côté du Septentrion y où il avoit rer<br />

connu que les murs étoient en ruinei Ils en furent fi fracaffés<br />

qu'au bout de dix jours, ks Peuples qu'on avoit eu bien de la<br />

peine à retenir jufqu'alors, ef&ayés de voir cette formidable Armée<br />

Ennemie, 6e confternés d'aifleurs du malheureux fort de<br />

kur Souverain, ne vouloient plus écouter ni prières, ni.exliortations.^.<br />

Ils difoient, que c'étoit vouloir tous, fe perdre avec<br />

kur Vflle, s'fls réfiftoient davantage, puifqu'ils ne pouvoknt<br />

efpérer aucun fecours du dedans, ni du dehors du Roïaume.<br />

Téïufàiem 1^ tumulte devînt fi ^nd, que la Reine SYBILE fut enfmconfepnrfi-<br />

traînte à capituler, k 14. jour du fiége, 6c d'accepter k.triftp,<br />

/wir fa])im. 6c. dure condkion, de fortir de^k Sainte-Cité y avec tous les<br />

i»tim. Latins y ^.uxquels il ne fut permis'de retirer de tous kurs. biens,<br />

que ce qu'ils purent emporter fur leurs épaules. Les Chrétiens<br />

Orientaux y qm y reftèrent, n'eurent pas le même bonheur, que<br />

ceux des autres Vflles, qui s'étofent rendues à SALADIN; car<br />

ils forent obUgés de racheter leur liberté, par; une. capitation<br />

proportionnée aux facultés qu'fls poffédoient. ' ^<br />

Quelques Hiftoriens prétendent, mal à propos, que ce fu*<br />

rent les Latins,, Se non le? Chrétiens Orientaux y qui demeurer<br />

rent d^ns Jérufeile$n^; 6e que les Infidèles.y pouffes, parleur<br />

avarice ordinaire, 6e contre la capitulation, les forcèrent à leur<br />

.payer cette rançon. Ils ajoutent même, que plufieurs fe trouvant<br />

dans l'împmffance d'y fetisfake, les CfievaUers du Temple,j<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


•EjE'RUSALEM. Liv. VL C^. H. ^nr<br />

6c de VHopitaly y fupléèrent, pour ne les pas laiffer au^pouvoir<br />

des Infidèles. Cependant, les Auteurs, les plus approuvés,<br />

affurent, que S A L A D i N^ cbferva très-reUgieufement le Traité ;<br />

qu'fl ne fit aucune violence aux. Latins ; qu'il leur donna même<br />

de bonnes «fcortes, comme il leur avoit promis; 6e que, de<br />

plus, fenfible aux maflieurs de k Reine, 5c de tant de Perfonnes<br />

de diftindion, qui témoignoient leur grand regret de quitter<br />

h. Sainte-Cité y plus qu'ils ne régrettoient les richeffes, qu'ils . us;-,<br />

y laiffoient, il fut touché des pleurs. Se des gémiffemens, de<br />

ce Peuple infortuné.<br />

C'étoit en. effet un fpedaek bien déplorabk. Se digne^de<br />

compaffion, de voir le 2. jour d'Odobre de l'an 1187.; quatre-vingts-huit<br />

ans, deux mois, 6c 17. jours, après que GO­<br />

DEFROI DE, BOUILLON,. Se ks autres Princes Croifés y f eurent<br />

conquife, fortir de Jérufalem, un Patriarche à la tête d'un célèbre<br />

Clergé,, à la garde desquels les faints lieux-étoient confiés.<br />

Se qui, dans les jours fokmnels, avoient coutume d'y paroître,<br />

avec tant de pompe, 6c de magnificence. Une Reine, eonduifant<br />

avec elle deux de fes Enfans, fuivie de grand nombre Tri/iefor^<br />

de Princeffes, Dames, Se autres Perfonnes de qualité; d'une ^^,-^j''*^^<br />

floriffante Bourgeoifie, Se d'un Peuple nombreux , marchant Patriartous<br />

comme en exfl, pour fe réfugier dans les autres Vifles du laBourgen^-<br />

Roïaume, qui reftoient encore à leur dévotion, dépouillés dej^^^^^^^'<br />

leur grandeur,, de leurs dignités, de leurs biens, 6c contraints<br />

de fe foumettre aux Perfonnes, qifils regardoient auparavant<br />

comme beaucoup au deffous d'eux..<br />

Ceux des.Citoïens de Jérufalem, qui aflèrent chercher leur Articuim.<br />

afile à Tripoliy ou à Antioche y encore pks infortunés que les<br />

autres, qui fuivirent la Reine à Afcalone y eurent le malheur<br />

d!être dépouiUés,,. par le Comte de Tripoli y de ce que ks Ennemis<br />

leur avoient laiffée Ce Scékrat aïant renoncé à toute forte<br />

d'huir^nité, comme fl l'avoit iàit à fa ReUgion;, encore plus<br />

barl^are, 6c plus dénaturé, que les i?^&7r^j[,mêmes, fit dévaU-r<br />

Min 3, fen-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


:t?8 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

fer ce miférable Peuple, malgré les prières, les pkintes, & le»<br />

kmentations de ces pauvres afligés, qui, réduits au défespoir<br />

par un fi crud traitement, vomirent mifle imprécations contre<br />

ce perfide, afin d'attirer fur lui la vengeance de Dieu, qu'ils<br />

imploroient. Se dont fl ne tarda pas à reffentir les effets. Se k<br />

jufle châtiment, que méritoient tous fes crimes, dont ce dernier<br />

trait combloit là mefure.<br />

Entrée Cependant SALAÇIN, après la fortie des Latins dt Jérufatriomphan-<br />

km y y cutra, comme en triomphe, à la tête de toutes fesTroudindans<br />

pcs, révêtucs dcs richcs dépouifles de tant de Princes, Se Seijémfaiem.<br />

gj^gyj.^^ Ilétoît foîvî du Roî, quî avoit k douleur de fe voir,<br />

comme cfckve, entrer dans une Vilk, où fl avoit été affis fur<br />

k Trône, en qualité de Souverain : de tous les autres Illuftres<br />

Prifonniers, qu'il avoit fait à la bataille dEtin ; Se enfin de plus<br />

de vingt mflle Chrétiens captifs. Il commença d'abord par fairo;<br />

abattre les faints Autels, brifer les Images, 6c renverfer tout<br />

.ce> qui fe trouvoit de faint, dans k Tempk de SALOMON.<br />

Il fit enfuite laver ce fameux Temple avec de feau de rofe i<br />

6c parfumer avec les aromates les plus précieux, comme pour<br />

k purifier, avant que d'y entrer poUr faire faire fa prière, felon<br />

fon culte. Il rendit grâces à Dku de toutes ks Vidoires,<br />

qu'il venoit de remporter ; Se, dans f excès de la fetisfadion<br />

qu'fl reffentoit à ce moment, fl dit à haute voix,- que les Chrétiens,<br />

qu'fl nommoit Infidèks, étoient indignes d'y entrer, encore<br />

moins de le pofféder. Cet Infidèk n'eut pas îa même confidération<br />

pour les autres Eglifes. 11 les abandonna à la difcrétion<br />

de fes Soldats, qui, après les avoir pillées. Se profanées;<br />

ks changèrent en écuries, ou en d'autres ufages non moins vils.<br />

Se profanes.<br />

«ii'cTré- ^ Temple du St, Sepultr^.fut le feul, que SALADIN permk<br />

tiens Rux Chrétiens Orientaux de racheter pour une grofe fomme<br />

mx'rftf dai^gent; mais fl en enkva tous les riches ornemens, & k pro-!<br />

suscpui! %^^


^ Ht JE'RUSALEM. Liv. VI.:Ca IL 27^<br />

avoient envoïés. La vénération, que lés Mabométans ont pour<br />

Jefus-Chrift y qu'fls regardent comme un grand Prophète, Se k<br />

vue du profk confidérable, qu'fl e^éroît retirer des Pékrins y<br />

qui viendroient vifker ce facré monument, le fit confentk à<br />

fe confervation.<br />

Ce fut ainfi que la célèbre Jérufakmy qui avoît été dèUtrée<br />

de k tirannie des It^dèkSy fous k Pontificat d'URBAiN<br />

II. retomba fous la domination de ces Barbares y pendant<br />

celui d'URBAiN IIL.de même que k vraie Croix,, qui avoit été<br />

recouvrée par fEmpereur HE'RACLIUS, que les Chrétiens<br />

perdirent paiement fôus un Patriarche du même Nom; cequi-fut<br />

obfervé comme une chofe fort remarquable; ainfi que"<br />

l'a auffi été k commencement*,^ 6c k fin de l'Empire de<br />

Conftantinopky qui avoit commencé par CONSTANTIN LE-<br />

GRA-ND, 6C qui fmit< enfuite fous im autre Prince du même<br />

Nom*-<br />

Enfin SALADIN, qui ne fe donnoit aiKUn repos, lors qu'fl<br />

s'agiffoit de conquérk, ne voulant point interrompre le .coursd'une<br />

entreprife fi heureufement commencée. Se après laquelle<br />

fl foupiroit depuis fî fong-tems; avide d'aifleurs denkver'<br />

aux Chrétiens tout ce qu'fls occupoient dans la Syrie y n'eut *<br />

pas plutôt fait r^arer lés muraifles de la Sainte-Cité y qu'fl<br />

fe remit en campagne. Il" conduifit fon Armée devant k*<br />

Vifle de Tripliy perfuadé que k Comte RAIMONÛ, qui venoit<br />

de lui envoïer prêter ferment de fidélité, ne manqueroit<br />

pas de fy introduire, dans la vue de recevoir l'inveftiture<br />

du Roïaume de Jérufalem, félon k conventionr'^ Makfl<br />

ne fut pas au pouvoir de ce Traitre, de lui rendre cenouveau<br />

fervice. • II- voulût inutflement perfuader aux Habi^<br />

tans^ fts Sujets,


280 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

Tentatives cun impôt , 6c dout Ics Enuemis même étoient obligés de<br />

PfaVilielouar k générofité. Se k démence.<br />

Jefripoii. ^QUS CCS raifounemeus flatteurs ne purent les éblouir, non<br />

plus que k confidence, qu'fl leur fit de vouloir transférer le fiége<br />

Roïal déJérufalemkTripliy qui deviendrok, par ce moïen,<br />

la Ville capkale du Roïaume, 6c fes Habitans beaucoup plus<br />

confîderés, Se plus opulens, que tous les autres. Loin de fe<br />

rendre à fes foflicitations. Se à fes remontrances flatteufes,<br />

ces vrais Fidèles conçurent une fî grande horreur de fon impiété,<br />

6e de fa félonie, qu'ils eurent encore plus de iiaine, Se<br />

d'indignation contre lui, que contre les Infidèles mêmes. Ils<br />

fauroient dès lors facrifié à leur jufk reffentiment, fans la précaution<br />

qu'il prît de faire mettre fes Troupes fous les armes, autour<br />

de fon Palais ; ce qui fut caufe qu'fls diffimulèrent leur cokre.<br />

Se leur dépit. Ils eurent du moins la prudence de, lui<br />

,. demander du tems jufqu'au lendemain , pour perfuader leurs<br />

confrères y Se fe confulter eux mêmes for une affake fi importante.<br />

pjfoiutrons Ce u'cft pas qu'ils fuffent incertains du parti qu'fls avoient à<br />

îitaiiis.'^° prendre, ce n'étoit que pour avoir la commodité' de fe préparer<br />

à lui'réfîfter ouvertement, 6c à repouffer les attaques de SA-,<br />

LADIN : bien réfokis de périr tous, ks armes à la main, plutôt<br />

que de fe foumettre au joug de cet Infidèle, ii<br />

Les Tripolitains travaillèrent fécrettement toute la nuit à fe<br />

bien armer. Se à gagner les Domeftiques du Comte, = afin de les<br />

engager à les déUvrer d'un monftre, qui, contre les loix divines.<br />

Se humâmes, prétendoit de les livrer aux Ennemis de<br />

leur Foi, Se de leur famte Religion. Enfin, foit que ces Domeftiques,<br />

outrés de fénormité de fon entreprife , l'euffent<br />

étouffé eux mêmes, ou que Dieu voulut avoir^pitié de ces .zélés<br />

Mort du ChrétienSy Se prendre foin de leur vangeance,~ion k trouva<br />

TrTpon! ^°^^ ^^ kndemaki matin dans fon Ut. VINCENT DE BEAUVAIS<br />

affure, dans fon Mroir Uiftorifi^y que ce Comte avok été<br />

réceniT<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. VI. CH. II. 2Si<br />

récemment circoncis. On prétend, que SALADIN, vouknt fe<br />

déUvrer d'un efprit fî dangereux, 6c fi turbulent, 61 fe dégager<br />

de la promeffe, qu'il lui avoit faite de le mettre fur le Trône<br />

de Jérufalem, contribua beaucoup à le fake périr, comme<br />

il arrive affez ordinairement aux Traîtres, qui deviennent<br />

odieux. Se infuportabks à ceux mêmes qu'ils ont fervi. Se pour<br />

lefquels ils fe font facrifiés. Bel exempk, qui apprend aux<br />

Hommes à modérer kurs paOions, 6c à ne rien entreprendre<br />

contre k devoir, f honneur, 5c la juftice, puifque Dieu ne<br />

manque jamais de faire retomber fur eux le mal, qu'fls préparent<br />

aux autres.<br />

La mort du Comte de Tripli aïant mis les Habkans de<br />

cette Ville dans f indépendance, Se en Uberté d'agir par eux<br />

mêmes , ils fe mirent d'abord en mouvement , pour fe<br />

fortifier, 5e pour garnir leurs murailles de tout ce qui pouvoit<br />

contribuer à leur défenfe. Afin d'avoir un Chef d'expà*ience,<br />

6c capable de ks bien conduire, fls députèrent<br />

quatre des principaux d'entre eux, pour aller prier le Prînce<br />

dAntioche de voulok accepter le-Gouvernement, 6c la défenfe<br />

de leui: Ville; Précaution, qui, jointe à k fermeté,<br />

avec kquefle fls répondirent aux Officiers, que SALADIN leur<br />

envoïa, pour ks fommer de fe rendre ; favoir, qu'fls étoient<br />

réfolus de conferver, au prix de k dernière goûte de leur<br />

fang, la liberté, que Dieu venoit de leur accorder, fut la<br />

caufe de leur déUvrance.<br />

En effet, SALADIN, informé delà venue du Prînce dAi- saiacHn<br />

tiochcy dont fl n'ignoroit pas la valeur, 6c k prudence, ?S"^*<br />

confidérant d'aflleurs favantageufe fituation de la Place, 6c<br />

la force de fes muraflles, où fl auroit pu perdre beaucoup<br />

dc tems, 6c la fleur de fes Troupes, fans en venk à bout^<br />

décampa peu de jours après, pour afler faire une nouvefle tentative<br />

fur Afcalone y où il efpéroit de mieux réuffir , quoique<br />

Nn ks<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


lem.<br />

282 H I S T Ô I g. E' G E' N E' R AL E<br />

les fortifications n'en fuffent pas moins bonnes, ni les Habitans<br />

moins braves, que ceux de Tripli.<br />

Il* ne fe trompa point. Les Afcalonites furent fi furpris de fon<br />

arrivée, Se fe trouvoient fi mal fournis de provifions, qu'après<br />

avoir foutenu diverfes attaques, 5c même repouffé fes plus furieut<br />

affauts pendant neuf jours, ne pouvant enfin réfifter à la faim, qui<br />

les tourmentoit, 5c qui augmentoit confidérablement, par le<br />

défaut de vivres, qu'ils avoknt coutume de recevoir de la campagne,<br />

ils furent contraints de capituler le dixième jour du fiége,<br />

à des conditions fort honorables.-.' SALADIN leur permît<br />

d'en fortir avec armes, 6c bagages. Se promit à la Reine, Se<br />

aux Habitans, qu'il rendroit la Uberté au Roi, 5c au Maître<br />

Bures con- du Tempk. Cependant, dès que cet Infidèle fut entré dans là<br />

^^élTduM Ville, Se qu'îl eut-reconnu f extrême difette, où ils étoient ré-<br />

4ejérufiL- duits, écumant de rage, 5c décoléré, il s'écria qu'on Pavoit<br />

trompé; 6e^, continuant fes exclamations avec fureur, 6c emportement,<br />

il ks fit dépouiller, non feulement de ce qu'ils<br />

avoient de plus précieux, mais encore retint leRoi en fon pouvoir,<br />

pendant un an entier. Il ne lui donna même la liberté,<br />

qu'après avoir exigé de ce Prince un ferment folemnel, par k^<br />

quel fl s'engagea, à ne prétendre plus rien fur le Roïaume de Jérufalem<br />

y Se à n'entreprendre jamais rien pour le recouvrer ; ain^<br />

fî, ks pauvres Afcalonites y dont la doukur de perdre leur Ville<br />

devoit être en quelque manière foulagée, par la confolation de<br />

fiiire rendre la Uberté à leur Souverain, 6e par ceUe d'en pouvoir<br />

fortir avec leurs effets, furent contraints de la quitter presque<br />

nuds. Ce qui prouve, que, quelques louanges que la plupart<br />

des Hiftoriens aïent donné à SALADIN , fl n'étoit généreux,<br />

6c rnagnanime, qtTe par caprice, 6c non par raifon ; Se<br />

qu'fl n'étok jamais fcrupuk\ix à fauffer fa parole, 6c fes fer*^<br />

mens, forf^'ue fés intérêts le"demandoienL -;;.-<br />

•-• >; '' • • ^'-^r<br />

CB>IK<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


î)t JE'RUSALEM. Lïv, VL CH. BI: 283<br />

^,^»)). ..rCftM. .•t,*'5^ii^^©^^. At«(V.^.•:»>.i^<br />

C H A P I T R E III.<br />

LE bruit des progrès de SALADIN, de la prifon du Roi, Sej^ttcui.<br />

de fafoibUlfement des Chrétiens de toute la Pakfiine, E^7ro e<br />

fe répandit bientôt dans toute VEurope y caufe un étrange ch.7in-prend part<br />

gement dans tous les efprits. Le Pontife en particulier reffentit ^^^71^<br />

fi vivement ces malheurs, qiffl en mourut de déplaifir, 6c de Chrétiens<br />

trifteffe, pendant qu'il afloit à Fénife y pour follkiter iui même taux,<br />

k départ des Troupes, deftinées au fecours de k Terre-Sainte,<br />

G R E'G o IR E VIII. qui lui fuccéda au Pontificat, également<br />

-iélé pour cette fainte entreprife, écrivit d'abord des Lettres<br />

très-preffantes à tous les Fidèles y pour les exhorter à prendre la<br />

Croix ; leur accordant ks mêmes indulgences, 6c prérogatives,<br />

dont avoient jouï ks premiers Croifés, Il ordonna des jeûnes.<br />

Se des prières publiques, pour implorer faffiftance divine. Il dépêcha<br />

divers Légats aux Princes Chrétkns, pour tâcher de ks<br />

engager à fecourir ks Orientaux, ou du moins à faire une<br />

trêve entre eux, qui en facflitât les expéditions, auxquelles la<br />

charité, f honneur, Se k Rdigion dévoient naturellement ks<br />

porter. Il fe rendit lui rbême à Pife y pour accommoder ks<br />

différends de cette République avec celle de Gènes y afin que leurs<br />

Flottes, qui étoient alors fort confidérables, puffent fervir utilement<br />

k Chrétienté y dans une expédition fi importante.<br />

Mais ce bon Pafteur étant auffi m.ort 57. jours après fon "SS,<br />

exakation, tous les mouvemens, qu'fl s'étoit donné, n'eurent<br />

pas grand fuccès. Il eft vrai, que CLÉMENT III. qui lui fuccéda,<br />

aïant confirmé tout ce qu'fl avoit fait, 6e non moins empreffé<br />

que fes Prédéceffeurs, à remédier aux maux de là Syrie y y trar<br />

vailla avec plus de bonheur; car, foit que la nouvelk de la perte<br />

de Jérufalem achevât de toucher le cœiu des Princes Ôn^éiknSy<br />

ou que farrivée de GUILJUUME, Archevêque de T/r, en-<br />

Nn 2 voie<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


284. H ! S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

voie par k Reine SYBILE, pour implorer leur fecours. Se les<br />

informer de l'état déplorable, où efle. Se tous les Peupks, fe<br />

trouvoient redmts , les attendrît ; il eft certain, que les Rois<br />

de France, Se dAngleterrey qui fe faifoient une cruëfle guerre^<br />

fe réconcifièrent tout à coup, 6c prirent en même tems la Croix<br />

de la main des Légats, Se en prefence du même Archevêque de<br />

^ Tyr, Les principaux Seigneurs de leurs Etats fuivirent fexempk<br />

de ces deux grands Princes, dans une conférence, qu'ils<br />

eurent à Gizors, Vifle de la Normandie.<br />

Les Génois y Se les Pifans y de leur côté, entrèrent auffi<br />

dans cet efprit de paix, que GRE'GOIRE leur avoit infpiré, Se<br />

travaiflèrent égalftnent à ce qui pouvoit foulager les Chrétiens<br />

Orientaux. L'Empereur FRE'DE'RIC , furnommé BARBE­<br />

ROUSSE, non moins pénétré des fortes remontrances de l'Evêque<br />

dAlbanOy Légat du Pape, Se de cdles du même Archevêque<br />

de Tyr y qui avoît auffi paffé en Allemagne y reçut k<br />

Croix à Maïence, Se avec lui grand nombre de Prékts, Princes,<br />

6e Seigneurs de VEmpire y qui voulurent imiter ce Monarque.<br />

Toute VEurope enfin fe mit en mouvement pour ks préparatifs<br />

de la Guerre fainte, 6e chacun paroiffok empreffé à<br />

travailler, de bonne foi, au recouvrement du Sépiflcre de Jéfus-Chrifky<br />

Se à réfréner forguefl des Ennemis du nom Chré^<br />

tien.<br />

Cependant, comme fl fafloit beaucoup de tems pour faire ks<br />

préparatifs néceffaires au voïage de tant de grands Princes, 6c<br />

pour l'entretien des nombreufes Armées, qu'ils mettoient fur<br />

pié; SALADIN, qui ne s'endormok pas. Se qui appréhendoit îa<br />

réfolution des Puiffances dEuropy s'empreffa d'achever la consugede<br />

quête de k Paleftine, Il affiégea k Vflle de Tyr y par mer. Se<br />

Sldinf P^^ terre. Les Peupks en étoient fi déconcertés, 5c découragés,<br />

qu'il f aurok emportée, comme fl avoit fait tant d'autres,<br />

fans l'armée de CONRAD de Montferrat y Frère de GuiLr<br />

LAUME LONGUE-EPEE, foutcnu de BONIFACE> Se de<br />

RE'-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. VI. CH. III. 28f.<br />

R E'G NIER, Roi de TheffaliCy qui la feu vèrent par leur vakur.<br />

Se par leur bonne conduite.<br />

Ce brave-Seigneur, qui s''étoit aquis beaucoup dlionneur,<br />

de gloire. Se de réputation, dans les Guerres d Italie y pendant<br />

le Schifme, prit enfuite la Croix y pour afler au fecours<br />

de la Terre-Sainte. Paffant par Conftantinople y fl fecourût fi à<br />

proposIsAcLANGE, que, pour fen recompenfer, cet Empereur<br />

lui donna THE'ODORE, fa Sœur, en mariage, avec le Titre de<br />

Céfar y Se fefpérance de lui fuccéder à l'Empire.<br />

De fi beaux avantages lui firent fufpendre, pour qudque tems,<br />

fon voeu pour k voïage de Paleftine ; mais aïant reconnu, que ,<br />

malgré les grands fervices qu'il avoit rendus à ce Monarque, fl<br />

ne faifoit que f amufer. Se ne penfoit à rien moins, qu'à s'aquiter<br />

dé fes promeffes, k Marquis CONRAD, qui étoit fier. Se<br />

hautain, s'en offenfa fî fort, qu'fl jéfolut de lui faire éprouver,<br />

qu'on n'abufoit pokit un Homme, comme lui, fans avoir Ueu<br />

de s'en repentir.<br />

Pour exéaiter fon deffein, iî prit le tems quIsAC étoit occupé<br />

contre les Falaques. Au lieu dc f aller joindre avec fes Trou^<br />

pes, qui étoient demeurées à Conftantinople y comme ils en<br />

étoknt convenus, CONRAD s'embarqua avec grand nombre de<br />

Perfonnes, qui lui étoient affidées. Se fit voile vers k Terre^<br />

Sainte. A fon approche de Ptolomaïde y où fl vouloit débarquer,<br />

fl apperçut fur les Tours de cette Vflle les Enfeignes de<br />

SALADIN. Il >ugea fur le champ, qu'elle avoit changé de Maître.<br />

Il vka de bord. Se arriva à Tyr y dans le tems que cette<br />

célèbre ViUe étok fur le point de foccomber.<br />

Les Affiégés, admirant farrivée de ce fecours, comme une<br />

faveur partkuUère du Ciel, regardèrent k Marquis CONRAD^<br />

comme leur Ange Tutdaire, Se le reçurent comme kur Patron,<br />

Se leur Protedeur. Avant que d'entreprendre feur défenfe, il<br />

voulut les engager par un Ade autentique à le reconnoître Itti,<br />

6c fesDefeendans, pour véritables Maîtres, 6cSeigneurs de leur-<br />

Nn a yille*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


de Tyr.<br />

2-^6 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Vifle. Ils y confentirent volontiers. Se luî prêtèrent ferment<br />

de fiddité. Satisfait de leur foumiffion, fl ne perdit pas un<br />

moment à joùidre une nouvefle gloire à f honneur,- qu'fl venoit<br />

de recevoir.<br />

Il s'apliqua inceffamment à augmenter ks fortifications de<br />

cette andenne ViUe, qu'fl r^ardoit comme fon véritable Patrimoine,<br />

ramaffa avec foin les Chrétiens y qui avoient échap*<br />

pé à la bataflk d'Etin, ou qui étoient fortis des autres Places<br />

fubjuguées, fe fit donner une lifte générale de tous ceux qui fe<br />

trouvoient dans k Vflle, 6e k munit enfin de toutes fortes de<br />

Provifions, dont fes Vaiffeaux étoient chargés,<br />

Situation Cette Métropok de la Phémcie, que quelques Hiftoriens as-<br />

fiirent avoir été entièrement ifolée, étoit alors une péninfule,<br />

attachée au continent de la terre ferme par une kngue de terre,<br />

ou grande digue, longt^ de 700.pas. Se d'une largeur inégale<br />

, que NABUCDONOSOR , ou ALEXANDRE LE GRAND , y<br />

avoient fait conftruke, lors qu'ils f affiégèrent ; Ouvrage, bien<br />

digne de fun Se de fautre de ces deux grands Princes. La<br />

mer y eft ordinakement agitée , Se d'une grande profondeur,<br />

d'où l'on peut conjedurèr les travaux immenfes, 6c les dépenfes<br />

exceffives, cp'il fahit faire pour conftruire un ouvrage fi extraordinaire.<br />

Cette ancienne Vilk, fi renommée par le fiége, qu'en fk<br />

ALEXANDRE , ne fa pas moins été par fes excellentes fortifications<br />

, par la grandeur, 6c la magnificence de fes Edifices, par<br />

l'abondance de fon commerce, .6c les richeffes de fes Habitans.<br />

Les Perfonnes Ifluftres, qu'elle a produits en divers tems, font<br />

égakment récommandahles, TYR, feptième Fils de JAPHET,<br />

dont elle a retenu k Nom, en fut k Fondateur. Parmi ks<br />

f^us grands Hommes qu'elle ait produks, on compte le Roi<br />

AGE'NOR, Père d'EuROPE, de PHE'NICE, Se de CAD-<br />

H\jSy fî rénommés dans THiftoire, 6c fî vantés par les Poëtes;<br />

|arîn|âpaiement ce dernier, qui fonda en Egypte la fameufe, 6c<br />

foper-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


- DE JE'RUSALEM. Liv. VI: tu. IIL 28r<br />

fuperbe Ville de Thèbes, qui avoit cent portes^ Ce fut lui qui<br />

inventa les Lettres Grèques. ELISE, OU DIDON, Fondatrice<br />

dé fflluftre Carthage, fî long-tems rivale de l'Empire Romain r<br />

Les Fondateurs des Villes de Gadez, aujourd'hui CadiZy dUtique<br />

y Se de Septl, dont les ruines fervirent enfuite à bâtir k<br />

Vifle de Tripoli d^ Barbariei ULPIEN^ fî favant dans la Jurisprudence,<br />

6c qui a compofe le Z)/^^^, encore fi eftimé, 6c fî<br />

foivi aujourd'hui; 6c enfin divers autres grands Perfonnages,,<br />

dont k dénombrement feroit trop ennnuïeux, étoknt Tyriens.^<br />

• Auffi, les Romains eftimoient fî fort cette Ville , Se fes Citoïens,<br />

que lors qu'elle tomba, avec une partie du Monde y<br />

fous leur domination, ils lui accordèrent tous les honneurs^<br />

privilèges, exemtions , 5c dignités, dont jouïffoient les principales<br />

Vifles d Italie.. Par la révolution ordinaire des cliofes du<br />

monde, cette Ville, alors fi fuperbe, fi opulente,. 5c fi magnifique,<br />

eft fï déchue de toutes fes grandeurs, qu'à peine reconnoit-on<br />

fèndroit où elle étoit bâtie. Son nom. même a été<br />

changé en celui de Sour, mot corrompu de celui de Sur y que<br />

hii donnoient anciennement les Juifs.<br />

Lorfque SALADIN f affiégea, 5c que le Marquis CONRAD en»<br />

entreprit la défenfe, die n'avoit d'autre accès par terre, que<br />

celui de la Digue, dont nous avons parié, vers VOrient. Elle<br />

àvoit'encore une tripk enceinte de fortes murailles, flanquées<br />

de groffes Tours, peu diftantes les unes des autres ; un large<br />

6c profond foffé, qu'on rempUffoit facilement de feau de lamer<br />

; deux bons ports vers le Septentrion, dont f Un étoit dans<br />

Fenceinte de la Ville, 6c fautre dehors, également fûrs pour l'ancrage<br />

des Vaiffeaux, à k faveur d'une Ile voifîne, qui couvroit<br />

entièrement leur embouchure, Se les mettoit à l'abri des ventr<br />

forîiins. Ce fut-là, que SALADIN fit ancrer fa Flotte, pendant<br />

qu'fl battoit k Vifle du côté de terre, où il étoit campé avec fa^<br />

grande Armée.<br />

Cependant, ^oi qu'il fit jouer fans ceffe diverfes machines-,'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


28^ H ï .s T o I R E G E' N E' R A L E<br />

Se conftruire des Châteaux de bois, pour accabler les Affiégés des<br />

groffes pierres, qu'on leur lançoit ; qu'il leur donnât des fréquens<br />

affauts; Se qu'enfin, il tachât, jour, 5c nuit, de ks<br />

harceler, par mer, 5c par terre, il ne faifoit prelqu'aucun progrès,<br />

d'un côté, ni de fautre, paries bons ordres, 6cla vigilance<br />

du Marquis, qui couroit fans çeffe, où^ le danger étoît le<br />

plus grand, faifant par tout foffice de bon Capitaine, 5c de<br />

Vigoureufe vaillant Soldat. Son exemple animoit tellement ks Troupes,<br />

il part des 6c ks Bourgeoîs, que, par une généreufe émulation, chacun<br />

^u^^s^^- s'efforçojl dc f imiter. îls repouffèrent toujours fi bien les Ennemis<br />

, ^ firent quelques forties fi à propos, qu'ils ne les étonnèrent<br />

pas moins, par leur hardieffe à les attaquer, que par<br />

leur bravoure à les battre.<br />

Offres de SALADIN luî même auffi furpris, que défolé du peu de fuccès<br />

.«aiadm. ^^ toutcs fes teutativcs, commença à défefperer de ks réduire<br />

par force. Se eut recours à la négociation, qui lui avoit fi fouvent<br />

réùffi. Il offrit un parti très-avantageux au Marquis; Sey<br />

pour le mieux engager, il lui promit la délivrance du vieux<br />

Marquis fon Père, qui étpit fon prffonnier ; ajoutant encore à<br />

ces offres de groffes fommes d'argent Comptant. Toutes fes<br />

propofitions furent inutiles, 6c n'eurent aucun pouvoir fur l'efprit<br />

de ce généreux Seigneur, non plus que fur celui des Tyriens<br />

y qui les rejettèrent avec mépris. Se renvoïèrent même les<br />

Deputés de SALADIN.<br />

Qe V^ince Infidèle y écumant de rage, 6c de fureur, fur leur<br />

refus, réfolut fur k champ de faire rédoubler fes batteries, de<br />

tout mettre en ukge pour ks exterminer, Se de ne* leur faire<br />

aucune grâce. Après avoir fak jouer plufîeurs jours fes machines<br />

avec une violence extraordinaire, fl donna un afiàut général<br />

à la Place. Ses Tr-oupes, animées par fa prefence, Se par<br />

fes exhortations, fe préfentèrent avec tant de rèfdution, 6c<br />

d'intrépidké, que, quelque vaiflans, que fuffent k Marquis<br />

CQNRAD, 6C ks Afliégés, .fls auroient eu peioc à réfifter aux<br />

• ' ' efforts<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE jrRySALEM. LIT. VI. CIL III. 289 ^<br />

efforts rédouMés des Infidèles y fens farrivée imprévue du Gé-'<br />

néral MARGARIT , Gentflhomme Catalan, avec quarante Galères,<br />

6c quelques Vaiffeaux, que GUILLAUME, Roi de Sicile y<br />

envoïoit au fecours de h. Terre-Sainte y avec 300a Arbalétriers,.<br />

6c 2000. Hommes d'armes.<br />

Ce Commandant, qui étoit grand Homme de mer. Se dt<br />

guerre, d'ailleurs fort entreprenant, aïant reconnu par la fumée,<br />

6e par les autres fignaux, qu'on lui faifoit, que la Vifle<br />

étoit preffée, 6c les Chrétiens aux mains avec kurs Ennemis,<br />

fk rédoubler la vogue, 6c força tdkment de vofles, qu'fl aprocha<br />

bientôt du port ; ce qui contraignit les Sarrafins de quitter<br />

l'affaut, pour fe jetter dans leurs Vaiffeaux, afin de pouvoir les<br />

défendre, ou de gagner le krge, fî le tems 6c f occafîon le leur<br />

permettoit.<br />

Ils ne purent cependant fexécuter. La promtitude, vcfec Défaite â;<br />

laquelle MARGARIT leur boucha le paffage, les mit en désordre. ^g^J^J*.^ '^^<br />

Il jetta d'abord le feu à quelques-unes de leurs Galères, 6c affafl-<br />

Ik fî vivement les autres, que les Soldats, Se les Matelots Sarrafins<br />

y déjà effrayés de l'incendie, perdirent tout courage. Les<br />

Troupes Siciliennes y firent des merveifles. Efles tafllèrent en<br />

pièces prefque tous les/«^^^/(?j, prirent, brûlèrent, ou coulèrent<br />

à fond la plupart de leurs Bâtimens, à la réferve de quelques<br />

Galères, qui s^'arénèrent volontairement, Se dont les<br />

équipages fe fauverent avec précipitation, afin d^évîter le fort<br />

de leurs Confrères, qui avoient été tués, noïés, ou maffacres<br />

à leurs yeux.<br />

Après cette Vidoire, le Général MARGARIT entra triomphant<br />

dans le port le plus intérieur, conduffant les Bâtimens,<br />

dont îl s'étoît emparé. SALADIN, qui avoit été Spedateur de<br />

la défaite de fa Flotte, Se de fes Soldats, fans avoir pu y remédier,<br />

appréhendant égakment d'avoir du deffous du côté de<br />

terre, par la nouveUe vigueur, que cette avanture, Se ce renfort,<br />

donnoient aux Chrétiens, .6c qui décourageoit entièrement fes<br />

Oo Trou-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


,2p(> H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Troupes, abandonna l'affaut. Les Affilés s'en apperçurent y<br />

Se firent alors une fortie fi vigoureufe, que SALADIN fut contraint<br />

de quitter fon camp, Se fpn bagage, que le Marquk de<br />

Montferrat abandonna au pillage. .<br />

jiontettfe Après la fuite des Barbares, fl ne. fut pa^ difficik à CONR^AD<br />

&iad£ ^^ s'affermir dans & nouvelle domination. La coiffiance, que<br />

les Tyriens avoient prife en lui, étoit infinie. La gloire, 6c k<br />

réputation, que kur défenfe lui avoit acquife ai^rès des autres<br />

Peupks d'Om»/, ne l'étolr pas moins. Le Père MAIMRQURQ avance<br />

même, qu'il fe trouva en état de faire la guerre à SALADIN »<br />

Se qu'entre ks prifonniers Sarrafins qu'il fit, if s'en trouva un<br />

de la première qualité, qui fut échangé avçc le vieux Marquis,<br />

fon Père. Mais, comme les Auteurs contempçrains difent au<br />

" •<br />

contraire, que ce vieux Seigneur n'obtint fa liberté, qu'apirès<br />

k prife de Ptolomaïde par ks Chrétifm^ Se même pour une<br />

groffe fomme d'argent; je crois, qu'fl eft pks à propos de s'en;<br />

tenir à ceux-ci, d'autant plus que, malgré la vakur. Se la bravoure<br />

de CONRAD , fl avoit affez de peme à conferver Tyr, 6c<br />

entretenir cette Vilk bien munie.<br />

jtrticteiL En effet, après la levée du fiége, les Barbues ravagèrent,<br />

Pro rèsde ^ ^^^^^^ à feu 5e à fang les Campagnes, les Bourgs, ks Vil-<br />

Saladin kgcs, 6c ks Hameaux de la Province de Pb'émcie, fans qu'fl y<br />

Payl' pût mettre obftacle. Il fe jettèrent enfuite fur la Principauté<br />

d'Ando' dAntioche y bùy en moins de trois mois, îîsfe dédommagérent<br />

des pertes, qu'ils avoient faîtes devant Tyr, Soit par for*<br />

ce, par ftratagème, ou par compofîtion, SALADIN fe rendit<br />

maître de vingt-dnq Vflles, qui compofoient cette Principauté,<br />

6c de tous ks environs de la Capitale, qu'il ne jugea pourtant<br />

point à propos d'attaquer, par raport à la force de fes remparts.<br />

Se au grand nombre de peuple, qu'elle renferpoit; craignant,<br />

avee raifon, de n'en raporter que des coups, 6c de k<br />

confufîon, comme fl lui étoit arrivé devant Tyn II en brûla<br />

pourtant toutes les avenues;, 6c U fe flattoit. de k réduke, fans<br />

qu'fl<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


0E JE'RUSALBM. Lnr. W. Ctf. flt ta|^*<br />

qu'fl lui en coûtât un feul Homme* On dk, qnè ks HabitaiM^<br />

privés des fecours de la campagne, fe trouvèrent dans une fî<br />

grande difette, qu'ils convinrent de fe rendre, s'ils n'étoient<br />

puiffamment fecourus dans un certain tems.<br />

Les Républiques d^Italie furent les premières à apprendre<br />

cette nouvelk dflgrace. Efles en informèrent d'abord le Pape,<br />

qui ne manqua pas d'ordonner à fes Légats d'en faire part à<br />

fEmpereur, Se aux Rois de France y Se dAngleterrey qui<br />

s'étoient croifés ^ 6c de kur repréfenter , que , s'ils vou- *<br />

loient éffèdivement fecourir les Chrétiens de k Terre-Sainte y il<br />

n'y avoit point de tems à perdre, puifque SALADIN étoit fur k<br />

point d^eng^outir tout ce qui leur reftoit.<br />

Ces mêmes Républiques, qui reconnurent, par k renouvellement<br />

de k Guerre, entre la France y Se VAngleterrCy que les<br />

Croifés de ces deux Nations ne feroient pas fîtôt prêts à entreprendre<br />

le vorsk^ de Paleftine y armèrent efles mêmes leurs Flottes<br />

; fur kfquelks s'embarquèrent grand nombre de Perfonnes<br />

de toute condkion, qui s'étoient vouées à la Guerre feflitc,<br />

dans fefpérance d'y arriver affez promtement, pour prévenir<br />

fentière ruine des Fidèks,<br />

"Led Fénitiens donnèrent le commandement de leur Armée à<br />

ODDON, Evêque de Ravenne, Les Pifans confièrent la leur à<br />

UBALDE LANFRANC, leur Archevêque. Divers Seigneurs<br />

François y 6c grand nombre de ParticuUers, qui ne voulurent<br />

pas différer facompliffement de leurs voeux, fe joignirent à<br />

GEOFFROI DE LUZIGNAN , dit à la grande dent. Il avoit levé k<br />

plus, de monde, qu'il lui avoit été poffflile, pour afler fecourk<br />

le Roi GUI, fon Frère, Tous ces Seigneurs fe mirent à bord<br />

des Vaiffeaux de ces RépubUques. Quantité de Nobleffe Ark- chrétiens<br />

gloifey Flamande y Se Hollandoife y s'unirent de kur côté, Sef^^^""^<br />

armèrent, à leurs propres fraix, plufieurs Vaiffeaux, fur lefquels par les EV.ils<br />

embarquèrent leur monde. Ils donnèrent k commandement '°^ ^"^'<br />

de kur Armée au Comte JAQUES D'AVENES, l'un des<br />

• ' Oo 2 prin-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


z.^i K I S TO I R E G E'N E'R AL E<br />

priridpa«3t Sdgneurs de k Province de Hainaut, Plufîeurs at^<br />

tres Croifés de différentes Nations prirent la route de terre, 6c<br />

^ arrivèrent, ks uns après les. autres, heureufement en Paleftine.<br />

Pendant que fEmpereur F R E'D E'R i c fe préparok à ce grand<br />

voïage, les "^dis de France y Se dAngleterrey au lieu de fuivre<br />

fon exemple, continuoient à empkïer les armes, qu'ils avoient<br />

deftinées contre les Infidèles y à fe détruire eux mêmes. Leur<br />

désunion fut caufe, que cette célèbre Croifade, ménagée avec<br />

' tant de peines, 5c de foins, par les Souverains Pontffes, par<br />

ks aflées. Se venues de tant de différens Légats, par les exhortations<br />

des plus habiles Prédicateurs, 5e par les fortes ré^<br />

montrances de f Archevêque de Tyr y Se des autres Ambaffa^<br />

deurs de Jérufalem y n'eut pas, à beaucoup près, le fuceès qu'elfe<br />

auroit pu avoir, fî on l'avoit exécutée a\^ec une bonne. Se<br />

fîncère intelligence. Il eft indubitable, que^ fî toutes ces Forces<br />

fiiffent parties enfemble, Se euffent agi de concert, elles<br />

auroient été plus que fuffifantes, pour remettre les Chrétiens<br />

dans la paifîbk pofleffion de tous les Etats, qu'ils avoient perdus;<br />

pour chaffer ks Infidèles de Iz. Syrie y Se refferrer SALA^<br />

DIN dans un coin de VEgypte y dans l'impuiffance de fe rdever.<br />

s>esunion L'Empcrcur fut le premier en état de partir avec fes feuls<br />

mtreies allemands, hes François y 6c ks ^«^to, ne le fuivirent que<br />

Chrédens. long-tems après. Ils étoient même fî peu d'accord entre eux,<br />

qu'ils étoient toujours dilpofés à rompre enfemble ; ce qui fit que<br />

les mouvemens de toute VEurope nt produifirent que la déUvrance<br />

du Roi Gui> k recouvrement de k Vifle de Ptolomaïdcy<br />

Se celui de quelques autres Places de momdre importance. 11<br />

eft vrai, que la mdheureufe difcorde, qui fe mît d'abord entre<br />

le Roi Guï, Se lé Marquis CONRAD , au fujet de la Ville de<br />

Tyr y que ce premier vouloit ravoir, comme k feule qui refioit<br />

de fon Roïaume, Se que le Marquis-, qui en étoit en poffesfîon,<br />

prétendoit lui être bien acquife, partagea également les<br />

écrits des Seigneurs du Pays, 6c des Croifés^ Se ne contribua<br />

gas.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


: DE JE'RUSALEM. Li^. VI. CH. ffl. 5^5<br />

pas peu à empêcher ks progrès, qu'fls auraient pu i^e fo<br />

ks Infidèles,<br />

Le premier fruit de l'armement des Princes dEttrop fut hcminisen<br />

liberté, que SALADIN acorda au Roi Gui, qu'fl auroit retenu^'^f^^^^<br />

l^us long-tems, fens f étonnement que lui caufèrent tous ces<br />

grands préparatifs. Ce ne fut pourtant, qu'après en avoîr exigé<br />

le ferment, qu'fl ne prétendroit, ni n'entreprendroit jamais<br />

k recouvrement du Rofeume de Jérufakm, Sur le fcrupule<br />

qu'il avoît de le rompre, le Patriarche, Se ks Evêques, f affi>rèrent,<br />

qu'il n'étoit nuflement obUgé d'obferver une promeffe,<br />

qu'fl avok faite par contrainte à un Homme, qui, k premier,<br />

lui avoit manqué de foi.<br />

Sur cette affurance, îl fe rendit à TrlpHy dans k deffeki de<br />

fe mettre à la tête des Troupes qu'fl pourroit affembler, 6c des<br />

Croifés y qui fe trouvoient déjà en cette Vifle, pour tenter k<br />

recouvrement de quekune dès Places ,* dont on Pavoit dépouiUé.<br />

Il crut pouvoîr entrer librement dans Tyr; fe flattant,<br />

que le Marquis CONRAD k feconderoit dans fes entreprffes;<br />

mais celui-ci refufa abfolument, de fy recevoir. Il foûtenoit,<br />

que cette Ville, 6e fes dépendances, lui appartenoient à jufte tirtre,<br />

6c ne dévoient plus reconnoitre aucun autre Seigneur, que<br />

lui, felon k convention qu'fl; en avok feite avec les Habitans,<br />

lors qu'fl en entreprit la défenfe ; c'eft ce qui donna Ueu à k<br />

fonefie mésinteUgence, qui dura fî long-tems, qui fot fi<br />

préjudîdabk aux intérêts de fun Se de fautre, 6c qui feiflk ,<br />

enfin à faire naître une Guerre entre eux.<br />

GUI, qui ne pouvoit, fens un extrême di^it, fe voîr privé<br />

d'une Place fî confîdérable, campa tout auprès, avec fa petite<br />

Armée; Sey malgré k médiocrité de fes Forces, fon reflentiment<br />

étoit fî vif, qu'fl en auroit entrepris l'attaque, fens ks<br />

prudentes remontrances du Patriarche, 6c du Maître du Tem^pie<br />

y que SALADIN avoit auffi relâchés, D'aiUeurs, la plupart des<br />

^Q^tféSy quoique dévoués aux ordres de ce Prince pour toutes<br />

po 3. les=<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


19* n.ï s T o I.R E G.E'N E'R A:!, E<br />

ks autres entr^rifes, refufoieasit de k fetvtr dans celk-ci, pour<br />

ne point tourner contre les Chrétiens ks armes, qu'ils<br />

avoknt fait voeu d'emploîer contre les Infidèks, Les Comtes<br />

BERTOLD, 6e ALBERT j Seigneurs Allemands y qui fe trouvoient<br />

auprès de Gui, avec quelques Troupes de leur Nation, 6c les<br />

avis, qu'fl reçut, que SALADIN avoit quitté le fîége du Château<br />

de Beaufort, pour le venir attaquer, lui firent diffimukr fes<br />

mécontentemens,. Il fe di^ofe à faire tête à ce redoutable Ennemi<br />

AloBS cliacun s'empreffa de lui témoigner fardent défir,<br />

qu'fls avpient de k bien féconder. Se dc lui donner des marques,<br />

qu'ils ,ne cl^erchoient qu'à combattre, lorfqu'fl s'agiffok<br />

de la gloire de Dieu, 5e de l'avantage .des Chrétiens,<br />

Ainfi, bien loin d'être étonnés à la vue de fArmée Sarrafine<br />

y qui ne tarda pas à paroître, ik allèrent l'affronter en fi<br />

bon ordre, 6c avec tant de réfoktion, qu'ils engagèrent ime<br />

Saladin bataifle, dans kqpiefle -SALADIN fut abandonné de fon bonheur<br />

*//chi?- ordinaire. Jlj lui tuèrent beaucoup de monde, firent quantké<br />

tiens. de prifonniers, k contraignirent à leur céder le champ de bar<br />

taifle, 6c à prendre une fuite précipitée vers k Cliâteau de<br />

Beaufort y où fl avoit kiffé une partie de fes Troupes.<br />

Cette lueur de fortune pour un Prince, qui venoit d'éprottver<br />

une fî longue prifon, Se qui avoit eu k doukur de voir périr<br />

fes meifleurs Sujets, Se de perdre fes Etats, jointe à l'efpérance<br />

, que lui donnoknt GEOFFROY DE LUZIGNAN , fon Frère,<br />

6c tous ks autres Seigneurs Croies y qu'fl- feroit bieiitôt fecouru<br />

par les Princes dEuropy lui fit concevoir eeUe de pouvoir rétablir<br />

fes pertes, 6cmême de commencer dès'loh à les réparer,<br />

par k réprffe d'une des plus importantes Pkces.<br />

Dans cette confiance, fl alla fe préfenter devant Ptolornaïdèy<br />

où fl eu^ encore k fatisfàdion de voir groffir fon Camp de<br />

quantité de LatinSy qm s'étoient feuvés des Vflles, que SALA­<br />

DIN avok çonquffesi» Se qui jufqu'alors n'aient ofé parekre,<br />

ni prendre aucun parti. La Flotte des FémftmHy 6Ï cefle des<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm VI. CH. IIL apy<br />

Pifans y ne tardèrent pas non plus d'arriver avec ABDELA&DE,<br />

Légat du Saint-Siège y quantité de Nobleffe ItaBenncy Se un<br />

nombre affez. confidérabfe de befles. Se bonnes Troupes^.<br />

Ces Renforts mirent Gui en état de ferrer k Pkce, 6c SaUdinao<br />

de fe bien fortifier dans fes retranchemens, qu'il fit entou--^t^iomtïrer<br />

de krges, 6c profonds foffés, pour ks mettre à ^^^-^l^^^j^<br />

vert des infultes de l'Armée Ennemk, 6c, des forties des Gui.'<br />

Affilés. SALADIIN ne fot pas plutôt averti de fon entreprife,<br />

qu'il qukta k fiége du Château de Beaufort; fe fkttant,.<br />

qu'Ai l'obligeroit à s'en défifter, foit par raport au grand<br />

nombre de fe» Troupes, qu'à k forte garnffon de Ptolomatdey<br />

dont ks Chefs étoient des plus braves. Cependant, ng^.<br />

quoiqu'fl s'en approchât-avec une Armée de près de cent<br />

mifle ComhaLtans, 6a qu'fl. attaquât k Camp Chrétien k plufieurs<br />

reprifes,. fl lui fut impoffibk de le forcer; ce qui lui<br />

fit prendre; le paarti de fe campser lui même d'une manière<br />

fort étendue, afin dempêgher qu'il ne pût recevoir aucun<br />

fecours.<br />

Il ne réùffit cepecdant p^ mieux dans ce projQt, que<br />

dans k premier. 11 ne put ewpêeheï la Flotte du ComCe<br />

d'AvE'NES de prendre terre. Elk avok touché à Màffme.y<br />

où elle fut jointe par plus de 80. Bâtimens Danois y Prifons<br />

y Se Hollandais, Ces Croifés de k Baffe^lemagm élurent<br />

auffi d'un commun confentement, le même Seigneur<br />

d'Av EN E s pour leur Général. Ce vaiflant Chef prit fi Mien<br />

fes mefures, que, pai' fa valeur, 6e fon expérience, fl fit<br />

débarquer tout fbn monde aux yeux même de SALADIN,<br />

fans en recevoir aucun dommage.<br />

Cet Infidèle reconnoiffant alors, qu'fl ne pouvoit faire resfentk<br />

aux Chrétiens k dflfitte, qu'il s'étoit propofée, transporta<br />

fon Camp dans un lieu élevé, encore plus éloigiié<br />

de k Vifle, en attendia»* fairrivée de fe Flottje, qui> étok<br />

«ocore en I^pt^. Mais, avant de contint^ k d^nïpwa<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


' 296 H IST O I RE G E'N E'R A LE<br />

de ce fiége, fl me paroît à propos de faire celle de cette<br />

importante Place, 6e. des différents Noms, qu'efle a portés.<br />

jirticieiii Afichcy Ftolomaïdcy ou Acony tire'ce premier Nom d'u-<br />

Defcription^^ herbe, dont on prétend qu'HERCuLE fe guérit des<br />

de La Ville morfurcs de l'Hydre; -Se ce Nom fut enfuite changé en cem^de.^<br />

lui dAcre. Les deux autres Noms lui viennent de fun des<br />

PTOLOME'ES, Roi d* Egypte y ou d'AcoN, Frère de ce Prince,<br />

qui en furent les "Reftaurateurs. Elle eft fituée fur le bord de<br />

mer de Phénicie. Sa forme eft triangiflaire ; enforte que deux<br />

de fes angles, dont l'un eft au Nord, Se fautre au Sud y aboutiffent<br />

à la mer, qui baigne tout f efpace, qui eft entre ces deux<br />

pointes. Le troifième s'étend dans la plaine, qui eft à VOrient,<br />

Elle avoit une douUe encdnte de Murailles, diftantes d'environ<br />

cinquante pas l'une de l'autre, outre leurs larges, 6e pro-.<br />

fonds foffés. Ces Muraflles étoient flanquées, k première de<br />

dpuze. Se fautre de feize Tours, à ^ale diftance. EUes avoiéht<br />

chacune, for l'angle le plus avancé, une Tour, plus grande, 6c<br />

beaucoup plus confidérable, que les autres; la première fe nom^<br />

moit k Tour Maudite: Nom, que le Peuple croïoit bonneméïît<br />

dériver de ce qu'on y avoit fabriqué les 30. Deniers, dont JU­<br />

DAS fut récompenfe, en vendant Jefus-Chrift aux Juifs ; Se<br />

k féconde fe nommoit la Tour du Roi.<br />

La Vflle avoit de plus un bon Cliâteau, au mflieu de k fecondé<br />

enceinte. Un bon port, vers le Midi y dans un golphe,<br />

que forme la mer en cet endroit, à la faveur d'un grand rocher,<br />

qui s'avance en pointe vers VOccident y où étoit bâtie une<br />

haute, 6c forte Tour, nommée la Tour des Mouches y quik<br />

defendoit, Se lui fervoit de fanal.<br />

Ce port, quoique de médiocre étendue, étoît pourtant d'une<br />

grande commodité pour k commerce, Se pour la fureté des<br />

Flottes, qui y mouflloient. EUe n'étoit pas moins agréable du<br />

côté de terre, où s'étendoit une fpacieufe, 6c fertile pkine,<br />

termmée, YersleMidiy p^r le Mont-Carmel, qui en eft à huk<br />

mfles.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm VI. CH. IIL ipî<br />

miles. Se au Levant par les Montagnes de Galilée y d'où fortent<br />

deux petites rivières, dont l'une paffe au mflieu de k Vfl- '<br />

le. Se fe décharge dans le port; 5e l'autre, nommée Bellusy<br />

ou Pagidcy traverfe cette première campagne. Se entre dans la<br />

mer, à quelques 300. pas de k Ville vers le Sud.<br />

Cette plaine, quoiqu'unie jufqu'aux montagnes , a pourtant Ctfm;'i«<br />

quelques coUines, fur fune desquefles, nommée le Turon, affez ^rtn^,<br />

voifine de la Place, étoit campée fArmée Chrétienne. Celle de<br />

SALADIN étoit poftée fur une autre colUne à l'oppofite, mais<br />

beaucoup plus reculée dans les terres. Il s'y étoit retiré, après<br />

avoir perdu fefpérance *de couper aux Chrétiens les fecours, du<br />

côté de la mer.<br />

Cependant, qudque bien fortifiée que fût la Ville, quelque<br />

nombreufe qu'en fût la garnifon, Se quelque puiffante que fût .<br />

fon Armée de terre, comme fl n'avoit aucune Flotte, il ne<br />

pouvoit empêcher les Chrétiens de recevoir tous les fecours maritimes<br />

, qui leur venoient.<br />

Le Marquis CONRAD, qui avoît pris le Titre de Prince de<br />

Tyr y fe rendit enfm aux remontrances du Légat a Se aux follicitations<br />

du Landgrave deTburinge y du Duc de GueldreSy Se<br />

de divers autres Prélats, 6c Seigneurs. Ils lui firent envifeger,<br />

qu'il flêtriroit fa gloire, fi, après avoîr fait de fi belles adions,<br />

il demeuroit dans f inadion, Se dans f indiférence, à fégard<br />

d'un Prince, que les Infidèks avoient dépouifle de fes Etats, Se<br />

qui fe trouvoit adueflement, Se prefqu'à fes yeux, aux mains<br />

avec eux, pour tâcher d'en recouvrer quelque partie, d'autant<br />

plus que les Princes 6c les Peuples d Occident y les plus reculés,<br />

accouroient en foule, pour le fecourir.<br />

Lcs remontrances de tant d'illuftres Perfonnes le firent réfou-Flotte de<br />

dre defe rendre, avec fa Flotte, à Ptolomaïde y où fl débarqua fes p^^^!^;<br />

Troupes, Se des Munitions, fans trouver aucun obftacle. Ce ren- Tyr, defort<br />

groffit beaucoup fArmée Chrétienne, LeRoiGuifaccueflUt,ïomaïdc'<br />

avec de grandes démonftrations d'efîime, 5c d'amitié On tint da-.<br />

Pp bord<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


apS H I s T o I R E . G E' N E' R A L E<br />

bord un Confefl général, pour déUbérer fur ce qu'on devoit entreprendre,<br />

foit contre la ViUe, ou contre fArmée de SALADIN.<br />

Toute f Affemblée convint, que, ne pouvant fe flatter d'emporter<br />

la Pkce, tant qu'fls auroient en tête une fi puflTante Armée,<br />

fl fafloit abfolument lui Uvrer bataiUe, Se forcer SALADIN<br />

dans fes retranchemens, avec d'autant plus d'efperance d'en<br />

venir à bout, que kur Armée étoit alors plus nombreufe, que<br />

ne favoit jamais été aucune autre, depuis que ks Chrétiens<br />

avoient mis k pié en Paleftine. Conféquemment à cette réfolution,<br />

ils fortirent de leur Camp/ k lendemain matin. Se fe<br />

rangèrent en bataifle dans la pkkie, qui*étoit entre eux, 6c ks<br />

Ennemis.<br />

Le Roî GUI conduffoit fafle droite, k Marquis CONRAD k<br />

gauche ; Se le Landgrave de Thuringe commandoit le Corps de<br />

bataille. GÉRARD DE RIDFORT, Maître des Templiers y avoit<br />

k corps de réferve. SALADIN, dont l'Armée étoit beaucoup<br />

plus confidérable, que celle des Chrétiens y Se qui croïoit qu'une<br />

bataiUe étoit le véritable moïen de leur faire abandonner le<br />

fîége, quitta de fon côté fes retranchemens, 6c rangea toutes<br />

fes Troupes. Les deux Armées.demeurèrent quelques heures,<br />

en prefence l'une de fautre, fans faire aucun mouvement. Le<br />

combat commença enfin , avec beaucoup d'avantage, pour<br />

ks Chrétiens; Sey felon ks apparences, fls auroient remporté<br />

une promte vidoire, fans un acddent de rien , qui penfa<br />

caufer kur perte.<br />

Le Marquis CONRAD , qui avoit commencé fadion, renverfà<br />

d^abord les Efcadrons, qu'fl avoît en tête. Il fut fi bien fecondé<br />

par ceux qui le fuivoient, qu'fl avoit déjà entamé le centre de<br />

rArmée Ennemie, lors que k cheval d^un de fes Cavaliers,<br />

Accident quî avoît été tué, échapa vers le Camp. Qiielques Sd^ts,<br />

r^î«fl- ^^j ibrtkent imprudemment de kurs rangs, pour courir ?sptbs ce<br />

cheval, étonnèrent telkment kurs compagnons, qu'fls crurent<br />

que tout étoit en déroute > 6c que ks premiers efcadrons<br />

avoient<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm VI. CH. III. 299<br />

aVQÎent été entièrement défaits ; Se y fens fevoir de quoi fl SV<br />

giffoit, fls fe dérangèrent, pour fuivre k trace de leurs compagnons<br />

, comme il arrive affez fouvent, que le mouvement d'an<br />

feul Homme en fait remuer plufieurs, fans qu'fls en fâchent k<br />

fujet.<br />

TACITE remarque, que, lorsqu'ARMiNius, Général des ^<br />

kmands , Uvra bataiUe à VARUS, un cheval, qui s'étoit échapé,<br />

étant épouvanté pardes cris, renverfà quelques-uns de<br />

ceux qu'fl rencontra; Se que tout k Camp en prit faflarmô.<br />

Chacun, s'imaginant que c'étoit une irruption des Ennemis,<br />

courut aux portes, pour fe fauver^ CECINUS, qui reconnut,<br />

que c'étoit une terreur panique, ne pouvant retenir ksSe^dats,<br />

fe coucha à travers la porte, Se leur ferma le pâflàge, par<br />

fhorreur qu'ils eurent de paffer for fon corps.<br />

Cette bizarre avanture.mit dans un inftant toute fArmée<br />

Chrétienne dans une étrange confufion. Les Bataillons, 6c les<br />

Efcadrons entiers fe retirèrent, avec précipitation, vers kurs<br />

retranchemens, fans qif fl fût poffible aux Officiers de les raffurer.<br />

Ainfi, favantage, qu'avoient eu les premiers Efcadrons<br />

de l'afle gauche, ceffa tout à coup; 6c SALADIN fut fi bien<br />

en profiter, que, de demi-vaincu qu'il étoît, fl devînt leur vainqueur.<br />

Il rallia avec, tant de promtitude, ceux des fièns, qui<br />

avoient pris la fuite, que, fans la forte réfîftance du Maître<br />

des Templiers y qui commandoit le corps de réferve. Se qui,<br />

comme l'écrit FLORENT, Evêque de Ptolomaïde y témoki<br />

oculake , foutint plus d'une heure toute f impétuofité des<br />

Barbares y ils auroient fait ce jour-là une horrible boucherie<br />

des ChrétienSy Se peut être défait toute leur floriffante Armée.<br />

La valeur, 6c fintrépidité de ce brave Chevalier, 6c de fes<br />

confrères, donna le tems à GEOFFROI DE LUZIGNAN, au Comte<br />

ANDRÉ' DE BRIENNE , 6e au Seigneur d'AvE'NEs, qui étoient<br />

demeurés à la garde du Camp, de venir à fon fecours avec des<br />

Troupes fraîches. * L'Armée reeonnnut fon erreur, 6c retour-<br />

Pp 2 na<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


nUoîre<br />

des Chrétiens.<br />

300 H.I S T O I.R E G ET N E' R:A L E<br />

na à la charge. Le combat fe raUuma avec encore plus d'ar-'<br />

^ deur qu'auparavant, 6c les affaires changèrent de face ; car, fî<br />

ks Chrétiens ne remportèrent pas une vidoire complette ,<br />

comme ils l'auroient pu, fî la bataifle avoit été continuée<br />

de la manière qu'elle avoit commencé , ils eurent au<br />

moins l'avantage de bien fatiguer les Ennemis; 6e, malgré la<br />

faute confidérable, que la terreur panique leur avoit fait commettre,<br />

ils leur tuèrent beaucoup plus de monde, qu'fls îi'en<br />

perdirent, n'aïant trouvé à.dire, après le combat, que k vafllant<br />

GÉRARD DE RIDFORT, Maître du Tempky avec quelques<br />

ChevaUers de fon Ordre; le brave Comte ANDRÉ' DE BRIENNE,<br />

Se environ deux mîUe Hommes de différentes Nations. Les<br />

Infidèles y perdirent huit miUe Hommes de leurs meilleures<br />

Troupes, outre le Fils du Soudan y Se un de fes Neveux, fon<br />

Grand-Admiral, Se plufîeurs de fes principaux Officiers.<br />

Après cette épreuve de leurs forces, les uns, ni les autres<br />

ne penferent de long-tems à fe battre. Les Chrétiens s'appUquèrent<br />

à fortifier leurs retranchemens, Se à battre la Place<br />

avec toutes les machines, dont îls purent s'avifer. SALAÎÎIN,<br />

de fon côté, fit preffer la venue de fa Flotte, pour ravitaiUer la<br />

ViUe; 5c fl ordonna de lever des Troupes dans les Provinces defa<br />

dépendance, pour augmenter fon Armée, 6c remplacer ceUes<br />

qu'fl avoît perdues. -<br />

Cependant les ChrétienSy avec toute kur ardeur, leurs batteries<br />

, 5c kurs attaques, ne faifoient pas grand effet. Ils s'étudioient<br />

inutilement à furprendre les Affiégés, en les attaquant,<br />

tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Ils les trouvoieiife<br />

par tout égaletnent fur leurs gardes. Se ne réùffiffoient jamais..<br />

Ils étoient d'aflleurs fi promtement^attaqués par SALADIN, lorsqu'ils<br />

vouloient donner quelque affaut, qu'fls étoient prefque<br />

toujours obligés de s'en défifter, pour garder leur Camp. Ils<br />

avancèrent encore moins, quelque tems après, que k Flotte<br />

Sarrafine arriva dEgypte^ Efle étoit compoféê de cmquante<br />

Galè-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. VI. CH. III. 301<br />

Galères, qui débarquèrent tranquflement kurs Troupes, Se<br />

abondance de provifions, les Vaiffeaux Chrétiens s'étant rétkés<br />

à Tyr ; ce qui rendit les Infidèles maîtres de la mer.<br />

Pour comble de difgrace, GUILLAUME, Roide Sicile y qui Mort ^<br />

étoit le ferme foutien des Chrétiens de h. Paleftine y Se aux-quds mef^w*'<br />

il avoît envoïé, pendant ce fiége de fréquens renforts d^Hom- ^'^^?^^*<br />

mes, Se de rafraichiffemens, étant mort dans ces entre-faîtes, chrétiens<br />

fls furent privés d'une affiftance fi néceffaire, qui les garantiffoit Orientaux.<br />

de ia dffette, 6c les mettoit en état de fe foutenir ; au Ueu que<br />

ks Affiégés avoîent été.fî bien fecourus. Se renforcés , par leur<br />

Flotte, qu'fls jouiffoient de l'abondance, 6crepouffoientles attaques<br />

des Chrétiens. Parla bonne conduite de CARACACH,<br />

kur Commandant, qui étoit grand Guerrier, fls faifoient des<br />

forties fi vigoureufes, qu'fls renverfoient bien fouvent les travaux<br />

des Affiégeans, Se brûloient leurs machines ; de forte qu'fls en<br />

étoient prefque toujours à recommencer ; 5c, qu'au bout dfun<br />

an, le fiége n'étoit pas plus avancé, que le premier jour.<br />

Ce peu de fuccès, Se cette longueur exceffive dégoutoit tellement<br />

les Seigneurs Croifés y que plufîeurs quittèrent k Camp,<br />

pour s'en retourner en Europe. Le Landgrave de Thuringe<br />

fut de ce nombre. Cependant, comme leur départ étoit bientôt<br />

réparé par farrivée de plufîeurs autres, tant François, Anglois<br />

y qu^Italiens, on ne s'apercevoir guères de leur rétraite ;<br />

5c fon continuoit toujours à battre k Place, Se les Affiégés<br />

à la défendre.<br />

Il eft vrai, que la vigueur des Affiégeans fot extrêmement ArHcum<br />

ralentie, la féconde année du fiége, par f extraordinaire dffette<br />

de vivres, qu'ils fouffrkent. La Flotte de SALADIN, comme<br />

je viens de le dire, s'étoit rendue maîtreffe de la mer. Les<br />

Alfiégés recevoient aifément toute forte de provifîons, pendant<br />

que les Chrétiens étoient fî affamés dans leur Camp , qu'ils<br />

étoient réduits, à manger tout ce qui fe trouvoit de plus fele,<br />

Pp 3 6s<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


302 H I s T o I R E G E'N E'R A L E<br />

6c de plus dégoûtant. Ces mauvais aUmens ne tardèrent pas<br />

à corrompre le fang des Soldats, 6c à engendrer de grandes<br />

makdies parmi eux. La contagion devint enfuite fî générale,<br />

•^le les principaux de fArmée ne purent s'en garantir. Plufieurs<br />

même en moururent, au grand préjudice des affaires du<br />

Roi GUI, 6C de tous les Chrétiens de k Paleftine.<br />

GUILLAUME DE TYR raporte, qu'fl mourut tant de monde de<br />

' cette famine. Se de cette efpèce de contagion, que, fans<br />

fefpérance de la promte arrivée de l'Empereur FRE'DE'RIC,<br />

qu'on favoit être parti de fes Etats, 6c dont la renoqjmée foûtenoit<br />

encore ceux que la maladie avoit épargnés, tous auroient<br />

.abandonné un fîége, qui avoît déjà été fî funefte à tant de braves<br />

gens. Cette efperance avoit; relevé d'autant plus kur courage<br />

, que le Marquis CONRAD, touché des miferes pubUques<br />

, 6c folUdté par tout ce qu'fl y avoît de confîdérabk'dans<br />

le Camp, s'étoit embarqué lui même fur fes Vaiffeaux, pour<br />

afler chercher des provifîons dans les Pays d'alentour.<br />

Mais, comme fl y avoît long-tems qu'fl étoît parti, Se<br />

qu'^oa n'en avoit aucune nouveUe, la confternatîon devint générak<br />

, 6c le défefpoir des Soldats augmenta fî fort, qu'après<br />

avok fait de grandes inftances aux Chefs de les conduire au<br />

combat, ou de leur permettre d'aUer chercher des vivres, fans<br />

pouvok en obtenir la permiffion, leur fureur devînt fî grande,<br />

que plus de trente miUe fortirent du camp, Se allèrent fe jetter,<br />

comme des furieux, fur celui de SALADIN, pour avoir de<br />

tféfefpoîr quoi raffafîer leur faim, ou perdre la vie.<br />

den^Mtt/tf Quoique leur réfolution étojinât d'abord tout le quartier qu'fls<br />

àeuwdé' affkiflîrent,. 62 que leur animofîté leur fit renverfer tout ce qui<br />

fe préfenta devant eux, ces forcenés fe trouvèrent bientôt envelopésv,<br />

6c guéris de k feira, qui les avoit portés à faire une<br />

adion fî viokntCi, fî contraire à f intention de leurs Commandansi,.<br />

6c àkDifcipIineMflitake. Ils furent fî maltraités, qu'àpeîne<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm VI. CH. III. ^oj<br />

peme s'en fauvât-fl quelques-uns, pour porter la nouvefle du masfàcre<br />

de leurs compagnons, dont on plaignit le malheur, fans<br />

pouvoîr vanger leur mort.<br />

Tout k Camp fe trouva dans une confîemation. Se dans un<br />

abattement inconcevable; foît par raport à ce funefte accident,<br />

qui privoit l'Armée d'un fî grand nombre de fes meflkurs Soldats;<br />

foît pour la mort de la Reine SYBILE, Se de fes quatre<br />

Enfans, de même que de plufieurs autres Perfonnes de la première<br />

quaUté; ou enfin à caufe de la langueur, 6c de k foibleffe<br />

de ceux qui refpiroîent encore. Ce fut cependant un<br />

grand bonheur, que SALADIN n'^aUât point les affaillir, 6c ks<br />

mettre tous en pièces.<br />

Le Marquis CONRAD arriva enfin avec fes Galères, Se plufîeurs<br />

autres Bâtimens. Il apporta une fî grande quantité de<br />

grains, 6c de toute forte de provifîons, qu'il ranima k courage<br />

des Chrétiens y en rétabliffant kurs forces, que la faim, 6c k<br />

mauvaife nourriture, avoîent éputfées. Ils fe trouvèrent bientôt<br />

en état de recommencer kurs attaques, d'autant plus qu'ils furent<br />

fecourus, peu de tems après, par HENRI, Comte de Chantagne<br />

y qui arriva avec quantité de Nobleffe, 6c de très-belles<br />

Troupes. Sa venue, Se l'abondance, leur firent oublier kurs<br />

malheurs paffés. Ik ne penferent plus qu'à forcer k Ville, qui<br />

commençoit, à fon tour, à n'être î^us fî bien pourvue, parce<br />

qu'fl n'y pouvoit arriver aucun Bâtiment, depuis que kur Flot-^<br />

te étoit repartie pour V^Egypte, 6c la Chrétienne devenue maîtreffe<br />

de k mer.<br />

Cependant, toutes ces heureufès difpofîtiôns ne leur furent Nouveaux<br />

prefque d'aucune utilité, 6e faîHîrent à faire échouer leur entre-'jjjf^^ç^j<br />

prife, par la nouvelk difcorde, qui forvînt entre le Roi Gui, 6c


^04 H I S T OIRE .G E' N E' R A L E<br />

la Couronne à Gur DE LUZIGNAN, qui en étoît en poffes-^<br />

fîon. .11 afléguoît, que, comme celui-ci n'avoit été eouron»né.<br />

Se reconnu Roi de Jérufakmy que par raport aux droîts<br />

de SYBILE , fa Femme, quî venoit de mourir, avec tous fes<br />

Enfans, îl n'y pouvoit plus rien prétendre; 6c qu'efle appartenoit<br />

de droit à la Princeffe ISABELLE, fon Epoufe', qui en<br />

étoît devenue l'unique j Se légitime héritière. Le Roi Gui, au<br />

contraire, prétendoit, fe maintenk dans fa dignité, par. raport<br />

àfon facre,. 6c au ferment de fidéUté, qu'fl avoit reçu de tous<br />

les (Ordresdu Roïaume, Se dont perfonne ne pouvoit le priver.<br />

Ce nouveau démêlé partagea les efprits de tous les Princes,<br />

6c Seigneurs de l'Armée. Chacun prit parti, félon fes.intérêts,<br />

ou fbn inclination. Toutes les opérations, pour l'avancement<br />

du fîége, furent encore fufpendues. Il fembloit, qu'il n'y:avoît<br />

plus ni fîége entrepris, ni Ville à conquérir; tant jls.étoient<br />

tous occupés de brigues, 6e d'intrigues. Le Roi Gui, voïant<br />

enfin, que le Comte de .Cib^/wp^^^, 6c,,à fon exemple, k<br />

{dupart des Seigneurs, panchoient en faveur de fon concurrents<br />

outré.de l'injuftice, qu'on alloit lui faire,^malgré'le peu de<br />

courage, que la plupart des Ecrivains lui attribuent, réfokt<br />

de fe maintenir, les armes à k main, contre EMPHROI, 6C<br />

contre tous ceux qui voudroient le foutenir ; déclarant ouvertement<br />

à toute fArmée, qu'fl perdroit; plutôt la vie, que de céder<br />

l'Augufte caradère, dont fl étoit reyêtUi . -<br />

-i Au miUeu, de toutes ces conteftations, k Marquis. CON­<br />

RAD, pks fin, 6c plus puifïànt, que ces deux rivaux, fe trouvoit<br />

en poffeffion d'une ViUe, Se d'une Flotte, dont dépendoit<br />

le falut de l'Armée, par rapDrt aux vivres, qu'elle en retiroit,<br />

5c f^s Jes(iuds eUe ne pouvoit fubfifter. Il fentoit bien,<br />

qu'après k mort de la Reine SYBILE, k-Couronne de y^r^/


OE JE'RUSALEM. Lrr. VI. CH. III. 'joj<br />

nes grâces de k Reme MARIE, Mère d'ISABELLE, qui, ajprès<br />

h perte de Jérufakmy s'étoit retkéc à 7>r, fl^fe flatta, qu'fl<br />

viendroit -fecflcment-à bout dune^^entreprife auffi déUcate, que<br />

hardie. cV<br />

En effet, fl gagna 'fî bien k Mère, 6c la Fflle, "qu'il ks porta<br />

à^ fake citer EMPHROI devant l'Evêque dc Ptolomaïde y parce<br />

que le Patriarche fe trouvoit au Ut de k mort; Se y foit fous<br />

prétexte^dc parenté, ou à caufe du ferment, que prêta ISA­<br />

BELLE, qu'fl n'avoit jamais confommé le mariage avec efle,<br />

ou enfin fur Je ténioîgnage de BALIAN D'IBELIN, qui,-après,<br />

la mort du Roi ALME'RIC, avoît»époufé la Reine MARIE; de.<br />

PAGAN DE CAIPHAS,"6C de RAINAUD DE SIDON, grands paftifuas<br />

de CONRAD , qui dédarèrent, „ qu'IsABELLE n'avoit jamais<br />

,V confenti à fon mariage avec E»IPHROI ; Se qu'elle avoit au con-<br />

„ traire fouvent protefté contre kvioknce, qu'on luî avoit fai-*<br />

„ te ;rl^'EvèquQ de Ptolomaïde déclara folemneUement nul le mariage<br />

d'EMPHROI, 6c d'ISABELLE, quC CONRAD épOUfe pubUqUCment<br />

peu de jours après. Ils prirent alors le Titre de/6/, 6e de<br />

Reine de Jérufalem, fans ffe mettre en peine-des murmures pu-.<br />

blics, ni du fcandale^de tous ks gens de bien, qui ne pouvoient<br />

fouffrir une procédure, ni une adion-fî contraire aux<br />

loix divines, 6c huirfaines. '<br />

Le Roi GUI, en particulier,'fe voïoit en tête un rival bien<br />

plus dangereux, Se plus entreprenant qu'EMPHROi. En effet,<br />

CONRAD étoit auffi grand Capitaine, qu'heureux dans fes e^reprifes;<br />

6e Gui, au contraire, d'une humeur douce 6epaifîbk,<br />

fë contentoit de faire grand bruit. Se de rendre odieufe la té-.<br />

mérité du Marquis, Se k collufîon qu'fl avoit fait commettre<br />

à l'Evêque de PtohmOïdcy contre k juftice, 6c la traïfon.<br />

•' Tout le monde connoiffoit «ffez-, que ce Prince avoit raifon%<br />

fi;tr cet artick; c'eft pourquoi pkifîeurs Prélats, Se Seigneurs,<br />

quî jufqu'alors n'avoient pris aucun parti, enibraffèrent le fien ;<br />

d'autant plus qu'fls appréheadoknt, que fon'dq)it, 6cfa


30(5 H 1 S T 0 1 R E ' G E-'N E'R'A::b E<br />

' ne le portaffent à donner, tête baiffée, avec fes feules Trou?,<br />

pésy contre l'Ennemi, commfiifl le publioit, 6c n'achevât da<br />

ruiner toute chofe. ;- On. affure même, que. l'Arclievêque de<br />

Cantorberi fut fî pénétré de ces désordres. Se des malheurs^<br />

qui mehaçoknt lai' càufe çomnume:^ qu'fl • en mourut^ de douleur.<br />

Quoi que tout ce-qufl y avoit de confidérabfe; dans<br />

le Gamp ,fik du fentimendi de> ce fàint Prélat, foc tout à<br />

l'-égàrd • du. gran4 " fcandale > que caufoit k •. mariage de C a N-*<br />

RtAJ), ")6c.dM*SîA*;BELLE^. il fàflut pourtaut tout diffunukB, à<br />

caufe du grand befoin qu'ils avoient des fecours que fe Flot-»<br />

te leur apportoit. ' I<br />

Ils s'unirent- tous, pour trouver quelque tempérament à<br />

une affake fî préjudici^te à l'honneur, 6c. à k gloire du<br />

"Nom Chrétien, Ils agirent enfin, avec tant de zde:,*6cjd^<br />

. prudence auprès":des uns, 6c des autres, q;ie, pour ne pas<br />

interrompre davantage une entreprife, qui leur coûtoit déj^<br />

fi cher", ils fe contentèrent de kiffer les diofes dans l'état<br />

cù efles fe trouvoient, jufqu'à farrivée de fEmpereur, des<br />

Rois de France y Ssd^A^gktterre, qui décideroient de leurs<br />

prétenfions fur la Couronne de Jérufalem; qu'en attendant;<br />

le Marquis CONRAD continueroit d'agir comme auparavant ^<br />

6e emploieroit fa Flotte pour le fervice de toute de f Ar-^<br />

^ée, qui travailloit à forcer la Place.<br />

Cet accommodement provifionnel parut ktisfaire ks pai'-»<br />

lies,. 6ir chacun fe mit en mouvement. On continua ks<br />

attaques, avec différens foccès. Il en étoit de même des<br />

Alfiégés, dont les fréquentes forties leur étoient quelquefois<br />

fav'orablesy' Se d'autrefois funeftes. C'étoit la même chofe<br />

Tur mer, où le Marquis CONRAD, Se les Sarrafins avoient,<br />

tour à tour, du bonheur, ou du malheur, ainfî qu'fl arriva k<br />

premier jourde Jufllet, que SALADIN ^ffaillit le C^mp Chrétien y<br />

pour favorifer fes Bâtimens, qui venoient d'iî^/»/^, chargés do<br />

provifions, pour ravitaHler kPkce, laqueBc en avoit grand befoin^<br />

m • Le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


E JE'R US A L'E M. Lm VI. CH. m, ' - ^<br />

Le ^afquis^CDîatAD, qui découvrit fon mouvement, avant<br />

que d'avoir aperçu fa Flotte, mit d'abord pié à terre, avec k<br />

•plupart de fès gens, pour ibutenk le Camp Chrétien; mais,<br />

malgré la promtitude, avec kqadk fl fe rembarqua un moment<br />

après, fl ' lui fut impoffibk d'empêcher k flotte Sarrafine<br />

d'entrer datts k port II skmpara poUrt^it de quelques Bà^<br />

timens Ennemis^ 6e couk à fond deux de leurs Galères: maîs<br />

fl lui en coûta beaucoup de inonde, 6c fes Vaiffeaux n'en fouf-<br />

-frirent pas mokis. Voilà en quel état fe trouvoit k fîége de<br />

Ptolomaïde , pendant que iPÉmpereur FRE^E'RIC étok e»<br />

marche, pour venir fecourir les'Clv^/ito. :<br />

C H A ^ I I ^ R I E IV. v<br />

» • ' ' ' . _ . ? _ •<br />

CE Mdriatque, après avoir terminé ks différends de* quel- Article i<br />

ques Princes, 6c ViUes de l^»^/>^, fait couronner7Jw ^^<br />

des Romains le Prince HENRI, fbn Fils aîné. Se tenu une Diè- «^rFrète<br />

générale à Nuremberg y s'embarqua for le Danube à Ratisbon- bllnrt^<br />

fie y où fl avoit fak affembler fes Troupes; c'était vers k fin J,?J^^^'<br />

d'Avril. Il defcendit à F/^w, où LE'OPOLD, Dite.d AU-Hongxic<br />

trkhe, qui avoît auffi pris la Croix k Maïence y l'attendoit^' Ils<br />

•^continuèrent leur voïage enfembk, jufqu'à Budey où BELLA,<br />

Roi de Hongrie , qui étoit convenu avec f Ârdievêque de<br />

Maïence du mariage de fa Fille avec FRE^DE'RIC, Duc de.Suabe<br />

y fecond Fils de l'Empereur, 6c de fournir tous ks vivres néceffaires<br />

à fon Armée, ne manqua pas de recevoir magnifiquement<br />

ce grand Prince, Se de lui tenir fe parok, touchait<br />

les provifions, à fort jufte prix.<br />

Quoi que k Roi de Hongrie n'eût point encore prw la Croix^<br />

pour paffer perfonneflement dans k Terre-Sainte y fl n'en étok<br />

pas moins zélé, pour contribuer au foulalgcoient de fes Habsr<br />

ivv Q^q 2 tanr.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


joS H l'S T O I R E G: E' N Er R AvL E<br />

tans* Il Rvoit même fait^mnc trêve de deux ans avec k République<br />

de Fenife ym afin de n'être pas détourné de-cette fainte<br />

entreprife; 6e fl traitoit auffi très-fayorablement tous, les Crw^-<br />

-JÈî, qui paffoient for fès terres^ ^:'. ;<br />

TtaUfon "^ L'Empereûr ne fit pas uii ktagîféjonr ^ Budél , Apaîès avok<br />

^r^Grcc ^^'^^ ^^ mariage^dc fon Fils J: avec la Fifle du Roi BELLA, qui<br />

envers ^ l'accompagua jufqu'à iS^^^/z^d, Jl cutta daus k-Sî/i^^r/^, dont<br />

'rédénc. jç p^ff^g^ Jni fut auffi/fàcheux, quc celui de h: Hongt'ie lui<br />

âvoit été agréable,, par les embûches.contkiueUes ; que lui tendoient<br />

les Baréares^y qui Jiabitoient cette Province. ., Comme<br />

fon Armée étoît nombreufe 6c.^ floriifente, fl furmonta aifément<br />

toutes les difficultés, 6c les oppofîtions, qù'fl trouva<br />

II90. âàn^ la Thrace y par k malice des Grecs.. Au lieu d'y. trouver<br />

abondance dé provifions, comme ÎSAAC L'ANGE, Empereur<br />

dé Confiantinopky favoit promisjà ^ AmbafÇideurs, il trouva.^<br />

par tout des gens armés, pour lui en difputer k paffage. Déloïauté-,<br />

qui fobligea, d'en venir à.des;bataflles,6ck. faire des fieges<br />

, qui n'étoient pourtaiitlpas. de longue durée, parce que les<br />

• Gr^i^i étoient auffi kdies, que les ^//igwWj i étoient vaillans.;<br />

de forte qu'en fort peu de tems F RE'D E'R I Ç s'empara de toute<br />

cette Province,- 6c.de toutJcipays joignant, ju%'.aux environs<br />

de Conflantinople:' : / .«^ i, -' •?!> .,<br />

Cette Tapidité dé conquêtes ^étonna, 6c abàîfla fi foît forguefl<br />

du perfide'Empereur Grec y qu'appréhendant .d'être renverfé<br />

de fon Trône,, il lui envoïa demander k;Pak avec em^<br />

prèffementi 6e: lui ofErk tous les Bâtimens^ qui-lui-feroient né-*<br />

ceffakes pour -traverfer^ VHclkfi[)ont, F R E'D E'R I c, content dc<br />

fa foumiffion, ,paffâ Vhiver k Andrinople y où il-reçut de fréquentes:<br />

AmbafTades, . 66 de grands préfens de k partd'IsAAC..<br />

Ses Troupes fe refirent parfaitement des fatigiies du voïage; &,<br />

^ au commencement du: Printems, fl-s'embaîqua à Galipoli, où fl<br />

fe trouva encore plus de Vaiffeaux, que l'Empereur- Grec n'en<br />

axoit promis; Tant, ce lâçhç. étoit;empreffé de vok daigner<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D r JElbUS ALE M. Lm VI CH. TV. féj^<br />

àe fes EtatSy. des gens qui4tii avoient donné de fi terribles al^<br />

larmes.<br />

/-;: Gomme ISAAç joignpk à la haine invétérée, qu-fl avoit pour^<br />

tous les Latins y un^ défir encore plus gçand de fe vanger des^<br />

mortifications, qu'il venoit de recevoir de l'Empereur FRE'DB»<br />

RIC, fl fit une Afliance féçrette avec le Soudan dîconium y afin<br />

de l'inquiéter par tout le pays, oùfl devoit* paffer, 6c lui fuscita-tant<br />

d'Ennemis, que F R«'D E'R I c eut bkn de4a peine à<br />

s'en débarraffer; 6c,'quoi qu'fl les foumît enfin, ce-ne fufr<br />

néanmoins qu'après bien des dangers pour fe. propre Perfonne ^^<br />

6c une diminution confidérable defon Armée^ La faim, 6c-k '<br />

mifère n'y contribua pas peu, par la maUce qu'avoient eue<br />

les Infidèles de: faire le dégât de toutes les campagnes.<br />

.», U Armée Allemande nefe fot pas plutôt avancée dans k Lycaonie^<br />

qu'elle trouva.-k pays tout défert y, fans aucune fubfîs*<br />

tance, DÎ pour les , Hommes, ni pour, les-Chevaux, malgré •<br />

les promeffes du perfide Soudan, qui, pour mieux attirer .PEm^pereur<br />

dans;le piège, qu'fl luî avoît tendu, lui avoit envoie des '<br />

Ambaffadeurs, pour faffurer qu'fl y trouveroit des provifions -<br />

en abondance.- s "f -.> ..<br />

La dffette ne fut pas le feul obftack, qu'fl fallut fiirmonter*<br />

Une multitude .de Barbare s y, c^i s'étoient poftés dans des Ueiuc<br />

avantageux, 6c qui harceloient contmueflcment fArmée, lui -<br />

faifoient tous les maux imaginables.-: La valeur y, 6c k bonne<br />

conduite de FRE'DE'RIC, qui mettoit ordre à tout, avecr une -<br />

prdiaice d'efprit admirable, lui fit éviter quelques-unes des embûches<br />

des Barbares^ Il les écarta plufieurs fois,. 6c fes Trou- '<br />

pçs en tuèrent-un grand nombre en diverfes rencontres ;-> deforte '<br />

que, malgré tant d'obfhicks, ce Monarque parvint enfin à k '<br />

.vue de la Vifle dîconium y qu'il étoît réfolu de forcer, à queltpp<br />

prix que ce fût, tant pour fe vanger de la-trahifon jdà* Soudan y ^^^<br />

que pour y; faire rafraîchir fon'Armée.- . , ,.<br />

Le Soudan y qui fc flattoit de n'avoir i.fake qu'à dés gf^ •<br />

Q^q 3 dêm^-'<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^îê HlSf OmE GE'^E'RA^LE<br />

écmt^morts éieftim,& de kffitude, fe mit d'âboid en état ds<br />

lui donner bataflle. Son Armée étoit prodigieufe. Il ordonna<br />

à'MEL^icH, fon Fils aîné, d'occuper toutes les hauteurs des<br />

ènvîn>ns'He k Vflle, afin quel'^fped de fes Troupe donnât<br />

de k terreiTr aux Allemands. Le ^nombre des Barbares étoit<br />

fi gnmë, 6c Hs"coùvroient'tant de ternim, -qu'un courage,<br />

moins^grandque icelui de FRE'D E'R IC, en aurait été étonné:<br />

Gepeniaîttt y bien ^ lom d'en témoîgnw aucune furj^ife, ce grand<br />

Prince rangsa lui même fon Armée en hatafllei avec beaucoup<br />

de tranqùiltfé.^ ^ i ^' - ^-^ '<br />

Ceux di- ti fèignk -enfuite - de vouloir fe retirer, pbùr éviter -le com-<br />

"iufaitT 6f ^^ 5 "^^^ ^^ deffein d'attirer " les. Ennemis dans -la plakie ; ce qui<br />

mis enfui-ne_ manqua pas d'arriver. Trompés par ce ftratagème, ife<br />

%iil ^ defcendirent, en caracolant,i avec des hurlemens épouvantables,<br />

6c attaquèrent ces prétendus fuïards, fans t)rdre, ^A fans<br />

meftire. I^es Allemands les reçurent avec tant dintré^idité, 6c<br />

en renverèèreht un fi grand nombre, que ks autres régagnèrent<br />

les collines, avec la même précipitation, Qu'fls les avoient<br />

(Jrtittées. i<br />

Après ces échecs, les deux Armées demeurèrent quelques<br />

jours en prefence fune de fautre, pendant lefquels fl ne fe paf^<br />

fa rien de confîdérable. Efles en vinrent cnfki à une bataiUe<br />

générale, dans kquefle les Allemands s'acquktèrent fî bien de<br />

leur devoir; 6e tous les Princes, 6c Seigneurs - imitant l'exemple<br />

de fEmpereur, firent de fi grands prodiges de valeur y qlie,<br />

malgré la multitude d'lf2/î^/(?5, qu'ils avoient en tête, ils les<br />

enfoncèrent dès le premier choc, 6e ks mirent en déroute. Ils<br />

furent fî étonnés de k fermeté, aveckqnéle ks Allemands lés<br />

combattbient. Se couvroient la campagne des coi^ps de leurs'<br />

riBoire compajErnons, qu'ils prkent tous une fuite prédpitéé, pour reêmplettede.^.f^^^,<br />

?. ^ «_ ^ ^ i ^ •<br />

fEmpe- gagner leur premier pofte.'<br />

reur<br />

La défaîte de cette grande Armée prodtdfît tant de terreur<br />

dans fautre corps de Troupes,que commandoient ksFrèrcî dé<br />

• ' ' - . • '• " M E -<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


E JE'RUSALEM. Uvi VI. Cit IT.^ %it<br />

MELictf, qu'il leur fut impoffibfe de les feke avancer, pour<br />

feuteair kur Frère, qui, avec qudques reftes des plus braves,<br />

di4>utoit encore le terraki aux Chrétiens y mak qui fut enfin<br />

obligé de fe fauver à bride abatue dans k Vifle.. L'Encreur<br />

pourfiiivit fil vidoke, avec tant d'ardeur, qu'sçrès avok tué,<br />

6trenverfé,pendant le refte du jour,tout ce qui fe préfenta devant<br />

lui, il fe trouva à Tentrée de knuit affez ppès de k Place,<br />

où fl fit jÊùrc alte, dans k réfolution dé l'attaquer k kn-^demain.<br />

.<br />

- Cependant ces Barbares y plus accoutumés au brigandage,;<br />

qu'à.combattre de pié ferme, étoiesC auffi facflesà rallier,qu'il<br />

étok affé de leur fake. prendre la fiiite; MELICH les raffembk,<br />

pendant k nuit, au dehors dek Pkce. 'Leur prefence ne furprit<br />

point tF RE'D ERIC, 6c ce Prince ne changea rien à fon<br />

deffein. IL ne voulut pas même^ écouter les propofîtions dei<br />

Paix, quie 16 Soudan-lui fit feke.' L'entière confiance, qu'il<br />

avoit dans k protedion du Ciel, redoubloit fon ardeur,6c fon<br />

courage. Mépriknt tous les obftades, fl s'avança hardiment, pour<br />

inveftk k ViUe. Jamais entreprife ne fut plus hardie, ni plus<br />

douteufe; cependant, jamak aucune n'eut un plus heureux<br />

fuccèfc<br />

: Iconiumy Capitde de h. Lycaonie y qui, felon l'Hifl^ke ÎTL-Artick n.<br />

buleufe, Rvoit pris ce Nom dune Statue, que PROME'THE'EDç/în>n(w<br />

66 MINERVE,y avoient dreffée,par ordre de JUPITER>6c qu'on *^^^°"<br />

Dium.<br />

a:enfuite changé en celui de Co^m,étoit alors une befle, grande,<br />

Se riche Vifle, entourée de fortes muraifles, 6c de quan-s<br />

tité de hautes Tours, avec un fameux Château fur une éminence<br />

, qui la dominoit. EUe renfermoit un Peuple très-nombreux,<br />

outrc k moitié'des Troupes dvL Soudan y qui y étoknt<br />

CHtr^ pour k défendre, pendant que ks autres, qui avoient<br />

encore été renforcées par divers petks corps, tenoient la campagne<br />

, pour attaquer les Chrétiens ^ s'ik entreprenoient de l'af-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

U


3ii m S T o I R E^G E' N E' R A*L E<br />

* Le Duc Suabe, ^ qui fEmpereur, fon Père, avoit donné fe<br />

commandement d'une partie de fom Armée, 6c le foin• d'investir<br />

k Vifle, s'en acquita avec -tant Âe ^bravoure, qu'fl força*;<br />

non feulement un Corps d'Armée, qui en étoit forti fous k con- "<br />

duîte du 5o«


DEJE'RUSALEXI LIV. VI. CH.IV. 3^1^<br />

Oiàteau. Dès le lendemain, ce Monarque fit bénir k principale<br />

Mofquée, où fon célébra f Office Divin, en rendant au<br />

Ciel de trés-humbks adions de grâces, avec ks acclamations<br />

univerfelles de l'Armée, à laquelle fl abandonna le pillage de<br />

cette opulente Vifle, 6c en fit renverfer ks Fortifications.<br />

Cependant, tout vaincu qu'étoit le Soudan y comme l'Empe- L'£W;Creur<br />

avoit encore une longue mardie a faire fur fes Etats, Se<br />

qu'fl fouhaitoit avec une égale paffion de ménager fes Troupes,'<br />

déjà fort diminuées,6c d'arriver promtement en Syrie, il accorda<br />

la Paix à ce Prince Infidèky qui, ne pouvant fe foutenir<br />

long-tems dans le Château, la lui faifok demander, avec beaucoup<br />

dinftance, Se de foumiffion ; Mais ce ne fut, qu'à condition<br />

qu'fl liù fourniroit des vivres, tant qu'fl ma'rchm>it fur<br />

fes Terres. •><br />

• C'eft ainfî que F R E'D E'R I c fe fit raifon de la trahifon, Se de<br />

la tromperie du Soudan dîconium y Se qu'fl vangea en même<br />

tems faffront que l'Empereur CONRAD, fon Oncle, avoit reçu<br />

dans le même endroit, en l'année 114.0. Il fit rafraidiir fon*<br />

Armée, pendant quelques jours, des bonnes provifions3 dont<br />

la Vifle étoit rempUe ; après quoi flfe remit en marche, dans<br />

fefpérance de ne plus rencontrer tant de difficultés dans k refte<br />

de fon voïage. Cependant, quoiqu'fl eût foumis ce Soudan<br />

y renverfé fa Capitale, 66 détruit fes meifleures Troupes, ii'<br />

fut encore beaucoup inquiété, avant que d'arriver 2iu Mont Taurus<br />

y Se encore plus au paffage de cette grande Montagne,<br />

fous ks petks Souverains des Provinces voifines, qui, ne fe<br />

croïant pas moins intéreffés, que k Soudan dîconium y à la deftrudion<br />

de f Aimée Chrétknncy y avoknt conduit leurs Troupes.<br />

La multitude de ces Barbara étoit fi grande, queles<br />

montagnes, Se les valéet en étoient couvertes.<br />

Leurs ^iréquentes îrttaqiies, 6c k:grcte" de dards, qu'ils<br />

knçoicnt contre ks Allemands y étoit fi prodigieufe j 6c les chemkis,<br />

paroù fl leur Moit'{)affler, C impraticables, -qu'fls ne<br />

Rr pu-<br />

reur accor-<br />

'de la Paix<br />

au Soudan<br />

iflconiam.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


JH H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

purent traverfer cette rapide Montagne, qu'avec des peines infinies<br />

y 6c des pertes très-eonfidérabks pendant plufîeurs jours*<br />

Mais aïant enfin gagné la plaine, où ils pouvoient combattre<br />

avec commodité, ils écartèrent bien-tôt ks Infidèles y qiû<br />

avoient ofé y defcendre, pour continuer à ks harceler-<br />

L'Empereur parvint auprès de Philomèk y Ville forte. Se<br />

Liçn munie. Les Habîtans en fortirent en bon ordre, 6c<br />

attaquèrent fArmée Chrétienne; mais ils payèrent kur témérité<br />

encore plus cher. FRE'DE'RIC, déjà accoutumé à furmonter<br />

tous ces obftacks, ks hurta fî furieufement, qu'fl les<br />

contraignit d'abord à regagner k Place, avec précipitation. Ils<br />

ne purent même en fermer les portes affez promptement. Les^<br />

Impériaux, qui les pourfuivirent fépée dans lés reins, y entré-,<br />

rent pêk, mêle y avec eux, 5e s'en rendirent maîtres. Ils firent<br />

main baffe fur tout ce qui fe rencontra devant eux, la piflètel^t,<br />

6e la détruifirent entièrement. Gette adion vigoureufe épouvanta<br />

tellement les Barbares y qu'ils n'osèrent plus rien entreprendre;<br />

Se l'Armée Chrétienne arriva enfin tranquflement.<br />

d2in&^ Arménie y où efle fut parfaitement bien reçue du Prince<br />

SivQN, Frère de RUPIN, Souverain de cette Province, qui,,<br />

accompagné des principaux Seigneurs de fes Etats, fe rendit<br />

auprès de l'Empereur, lui^offrit fon bien, fes forces, 6e-cefles<br />

de fon Frère. Il voulut même l'accompagner dans: le refte de<br />

fa route ;^ mais, comme ce Monarque étoit déjà fi avancé, 6ci<br />

qu'fl crut ne rien rencontrer,.qui pût arrêter fa marche, fl les remercia<br />

de leur bonne volonté, 6&ks congédia, avec de grandes<br />

marques dé reconnoiffance;.<br />

Il traverfet enfuite k Mont-Aman y 6c entra dans k Comagè^<br />

ney où, contre fon attente, fl trouva le plus fâcheux djg tous<br />

ks obftacles. SALADIN, qui appréhei^doit fon arrivée en Paleftine,<br />

6e qui nlignoroit pas les grands avantages, qu'fl avok<br />

remportés, fur l'Empereur de Conftantinople y fur le Soudan dl-<br />

•^oniumySe fur tous ks autres Princes de fa croïance aqui avdenfc<br />

• - ofé<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D E J E^ u s AL E M. Lm. VL CH. IV. 31 f<br />

©fé f attaquer; avoit non feulement fak ravager les campagnes,<br />

démolir les Fortffications des Vifles de Laodicée, de Syrk, de<br />

Giblet y d''Antarde y de Baruth y Se de Sidon y qu'fl défefpéroit<br />

de pouvoir conferver; mais fl avoit encore envoïé SAFFADIN,<br />

fon Frère, à la tête d'une puiffante Armée aux confins de la<br />

Caramanie, pour tâcher de f arrêter, 5e de diminuer fArmée,<br />

qui venftit au fecours de ceux qui affiégeoient la ViUe de PtolOmaïde.<br />

C'eft ce qui obligea FRE'DE'RIC d'en venir aux mains<br />

avec fArmée de SAFFADIN. Il eft vrai, que fa déroute ne coûta<br />

pas beaucoup aux Impérkux, qui, dès le premier choc, lui<br />

tuèrent beaucoup de monde, Se obligèrent les autres à prendre<br />

la fuite ; mais ce combat fut le plus funefte de tous ceux<br />

qu'ils avoient eu à effuïer, pendant leur long 5e pénible voïage.<br />

L'Empereur aïant voulu pourfuivre fe Vidoire avec trop Trifie mm<br />

d'ardeur, entra dans le fleuve-5^r, qu'on nomme aujourd'hui^^5^^^^<br />

Selef. Son cheval s'abatît fi fubitement, qu'fl lui fut impoffi- quèur de<br />

ble de débarraffer fon pié de l'étrier. Le cheval fe releva, 6c ^ * "*'<br />

traina ce grand Prince, accablé fous le poids de fes armes, juf^<br />

qu'au bord du rivage, où il expira entre les bras de fes Offickrs.<br />

A-peine, eut-fl le tems de lever les yeux au Ciel, pour recommander<br />

fon ame à fon Créateur-<br />

C'eft ainfi que PAUL-EMILE, Se f Archevêque de Tyr y<br />

Ecrivains contemporains, raportént ce funefte accident. D'autres<br />

Auteurs , entr'autres le Père MAIMBOURG, prétendent,<br />

que la chaleur du combat,5c celle de la faifon, portèreHft FRE'­<br />

DE'RIC à fe baigner dans ce fleuve; Se que, furpris par<br />

l'extrême froideur de fes eaux, fl tomba en défaillance. Se<br />

en mourut quelques heures après ; mais, «ils diffèrent à f é-<br />

^ gard des cireonftances, ils conviennent tous du fak, Se que<br />

ce trifte accident arriva dans le même fleuve. Le Continuateur<br />

de la Guerre Sainte n'eft pas.k feul bon Hiftorien,<br />

qui affure, avec eux, que ce fut dans, le fleuve Sekfy qui<br />

paffé dans k ComagènCy Se trz.yçrfe Y Arménie-Mineure y Se<br />

Rr 2 non<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


51^ H rS T o T R E. G E'N rR A L E<br />

non dans le CydnuSy qui paffe dans la Cilicie y que ce malheur<br />

arriva. Ainfi fl eft à croire que ceux qui ont avancé que ce<br />

fot dans ce dernier, fi connu par le danger qu'y courut ALE-»<br />

XANDRE LE GRAND, pour s'y être baigné,' fe font'lourdement<br />

mépris avec f Annalifte, en confondant tous VArménie y Se la<br />

Cilicie y qui font deux Provinces différentes, auffi bien que les<br />

deux fleuves, le Cydnus, Se le Selef.<br />

Eloge de Maîs, eufiîi, quc ce fût dans V Arménie y ou dans la Cilicie y fl<br />

îiedénc. gj^ j^ moins certain, que F R E'D E'R i c premier, fun des plus<br />

grands Princes, qui aient jamais rempli le Trône Impérial,<br />

mourut le lo*. Juin de fan ripo. 6c dans fa 70'. année, dans le<br />

tems même que, rempli de zde, 6c d'ardeur, fl alloit pour<br />

combattre le fléau des Chrétiens de Ja Terre-Sainte, en vue de<br />

recouvrer k Roïaume de Jéfus. Si cette mort fut d'un préjudice<br />

infini aux Fidèles d^Orient y fl eft à prcfumer qu'elk fut<br />

précieufe devant Dieu, puifqu'eHe arriva au milieu des vidoires,<br />

que ce Monarque avoit remportées fur les InfidèkSy Se<br />

daris le tems qu'fl accompliffoit fon vœu ,6ei fori pèlerinage avec<br />

tant d'édification. Amfi,-ceux qui ont ofé attribuer fa mort à<br />

une punition du Ciel, à caufe qu'fl avoit fi longtehié perféeuté<br />

k St. Siège y font voir une témérité condamnahle à juger de ce<br />

qui n'appartient point aux Hommes; 5c d'aflleurs, la cJiarité.y<br />

qui eft le fond de notre RéUgion, les obUgeoità ne juger des<br />

adions du prochain,, que par les endroits qui peuvent édifier.<br />

ArticieiiL Après ks premiers mouvemens dé doukur, '5c de confternation,<br />

où la mort de l'Empereur avoit jette tout le monde,<br />

fmFiis/ les Princes, les Prélats, 5c les autres principaux de fArmée<br />

""pourThef s'affemblèrent 6c reconnurent unanimement FRE'DE'RIC de<br />

de l'Armie ^ijtabe y fou Ffls, pour kur véritable Chefî Ils lui firent tous<br />

ne/ ferment d'obéïffance, avec autant de joie, qu'ils étoientcapa*<br />

blés d'en avoir dans une conjondure fî affligeante: bien per-^<br />

fuadés, que ce Prince, quî avoît déjà donné tant de marques<br />

de fa valeur, 6c.de fa prudence, 6tquî avoit apris fart de k<br />

guer-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


• M JE'RUSALEM. far. Vï. CH. FV;' 31?<br />

guerre fous un auffi grand Capitaine, que l'avoit été fon Père,<br />

tae manqueroit pas d'imiter fes rares vertus, 6c les feroît triompher<br />

des Infidèles de la Syrie, comme fls avoient fait de ceux<br />

de tant d'autres Provinces.<br />

Ils ne tardèrent pas à en être convaincus par fe bonne con-<br />

Aiite y Se par fe fermeté. Il repouffa les nouvelles attaques de<br />

SAFFADIN. Cet Infidèk aïant rallié fon monde, dans le deffein<br />

de profiter du troubk, que la mort de fEmpereur devoit avoir<br />

caufé aux Allemands y les affaillit, avec foreur, même avant<br />

qu'fls puffent fe mettre en bataiUe; mais il reconnut bientôt,<br />

que la doukur de la mort de kur Prince n^'avoit point avik<br />

feitr courage ; 6c qu'fl avoit toujours les mêmes Hommes à combattre.<br />

" : , .<br />

L'adivité du Duc de Suabe à mettre ordre par-tout, Se. à ^^^^^^<br />

exhorter les Officiers, Se les Soldats à ne fe point kiffer vain- Frédéric:<br />

cre par des gens, qu'ils avoient terraflés, 6e mis en fuite, peu^<br />

dé jours auparavant, fut fi bien fécondée par k bravoure des<br />

Autrichiens y dont le quartier fut attaqué k premier. Se enfuitje<br />

par celle de toutes les autres Troupes, 'qu^ife foutinrent non<br />

ffeulement le premier choc des Barbares; mais, après un combat<br />

des plus fanglànts, les rompirent entièrement, Se les ofeUgèrent<br />

k prendre une fuite précipitée. SAFFADIN, cféccmcerté d'une fî<br />

grande déroute, qui lui coûta encore plus que k première, ne<br />

p«ifa, qu'à leur faire éprouver, par la faim, ce qu'fl n'avoit<br />

pu obtenir par le fer.<br />

'Ceft pourquoî, à l'imitation de SALADIN, fon Frère, fl ravagea<br />

, brûla, Se détruifit entièrement tous les Bourgs, Viflages<br />

& Campagnes, par où fArmée Chrétienne devoit paffer, depuis<br />

les confins de la Comagène jufqu'à Antioche; Deforte que,,<br />

lôrfqu'elk fe remit en marche, après quelques jours de repos,<br />

6e que k Duc de Suabe eut fait embaumer le corps de l^'Empereur,<br />

fon Père,qu'fl fouhaitoit de fake inhumer dans la Terre^<br />

éSaintCy elle ne tarda pas à éprouver une grande difette de vi-<br />

Rr 3, vres-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Si8 HÏST.OIRE GE'NE'RALË<br />

vres 6e de fourages. Malheur, qui, joint à k fatigue du chemin<br />

rude, 6e très-difficile en plufieurs endroks, rendit tous ks<br />

Soldats fi foibles. Se fi knguiffans, qu'à-peine pouvoient-ils<br />

fe foutenir ; ce qui rétarda beaucoup leur marche, 6c la rendit<br />

plus pénible.<br />

Arrivée de n^ artivércait enfin à Antioche y mais ii défaits, 5c fi affa-<br />

,l'Armée de , '•> i i ,- ,.,<br />

Frédéric, pies, quc la quantité de bons alimens qu'fls y trouvèrent, leur<br />

'suabf% fut encore plus funefte, que la famine, qu'ils venoient d'endu-<br />

Antioche. j-er : car .le fubit .changement d'une extrême misère en une<br />

grande abondance à des gens qui ne cherchoient qu'à fe raffafier.<br />

Se qui n'avoient nulle difcrétion dans le boire,.6c k man-"<br />

ger, en fit tomber plufieurs makd^s. Les infirmités s'aug-:<br />

mentèrent fi fort, qu'elles fe convertirent, en une cruëfle pefte,<br />

qui en fit pérk plus que tous les combats, 6c toutes ks<br />

fouffrances qu'ils avoient endurées; deforte que cette florif?faute<br />

Armép, qui avoit été compoféê de cer\t mille Com-,<br />

bataiis, fut réduite à 7,000. Hommes de pié, 6e près de 700^<br />

Chevaux.<br />

Ils auroient p^ri., felon les apparences, -cpnime ks autres,<br />

tant k contagion étoit violente , 5e terrible parmi eux, fî<br />

le Duc de Suabe, après avoir éprouvé inutilement tous les<br />

remèdes, dont on put s'avifer, n'eût pris k parti de quitter<br />

Antioche y Se d'aller fe camper à dix lieues de cette<br />

ViUe. Le changement 4'air opéra plus que n'avoit pu faire<br />

toute fhahfleté des Médecins, Se des Chirurgiens. La<br />

makdie ceffa entièrement en , peu de jours. Ceux qui en<br />

étoient échapés reprirent fi bien leurs forces, qu'ils fe trou^<br />

vèrent en état de réfîfter aux efforts, que fit DODEQ^UIN,<br />

un des Amiraux de S A L A D i N , qui eyitreprit d'achever leur<br />

défaite. Il les foprit de manière, qu'à, peine le Duc de<br />

Suabe eut le tems de ranger fe petite Armée en bataille^<br />

H fit placer le corps de l'Empereur, fon Père, au milieu des<br />

Tjoupes, foit pour les engager à bien combattre dans cet-<br />

•tp<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D=E JE'RUSALEM. Liv. VI. CH. IV. ^iç<br />

te périUeufe occafion, ou pour mieux conferver ce pr^îeux<br />

dépôt. Ses premiers bataillons furent d'abord affaiUis par les<br />

Barbares y avec dès cris, 6c des hurlemens affreux-, même<br />

avec une égale fureur.<br />

En effet, leur impétuofité fut fi grande, qu'fls- enfoncé- •^'*'*?^*<br />

rent d'abord les premiers rangs', 6c continuoient leur poin- par les<br />

te avec fuccès, lorfque F R E'D E'R i c s'avança à la tête de fe^c^^"^°^"<br />

Cavalerie, Se ks inveftit avec tant de réfolution, qu'il arrêta<br />

leur foreur. Se les fit même reculer. U fut fi- biert<br />

foutenu, par LE'OPOLD, DUC d Autriche y qui le joignît<br />

avec fes gens que ces deux braves Princes forcèrent la multitude<br />

d Infidèles à plier, 6c à kur abandonner enfuite le<br />

diamp de bataille. Ce ne fut pourtant, qu'après s'être bien<br />

battus, Se avoir perdu quinze étendarts, 4,000. Hommes, qui<br />

furent tués. Se mifle faits prifonniers.<br />

Après tant d'obftacles, de travaux, 6c de contretems, ks Frédéric<br />

débris de fArmée Impériale arrivèrent enfin à Tyr, où k \nbZlà<<br />

Duc FRE'DE'RIC rendit les derniers devoirs à l'Empereur, fon Tyr.<br />

Père, qu'fl fit inhumer dans la Cathédrale de cette Vifle, avec<br />

toute la pompe, 5e la magnificence, due'k la mémoire d'unfî<br />

grand Prince. GUILLAUME, Ardievêque de cette Vflk,<br />

de qui fl avok reçu la Croix en^ Allemagne y Se qui avoit<br />

beaucoup d'éloquence. Se de favok, en fit lui même k harangue<br />

funèbre, avec beaucoup d'applaudiffement.<br />

A' fiffue de cette affligeante cérémonk, k Duc de<br />

Suabe s'embarqua , avec toutes fes Troupes , fur la Flotte<br />

du Marquis CONRAD, qui k conduifit à Ptolomàide. Son<br />

arrivée au Camp devant cette Place réjouît infiniment le<br />

Roi GUI, Se tous les autres Seigneurs de fArmée, quife<br />

reçurent, avec d'autant plus de joie, que, depuis deux^<br />

ans, que duroit le fiége, ils n'avoient encore rien avancé ;<br />

6c que, depuk k départ du Marquis CONRAD, ks Affié^<br />

gé»><br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


32Q H I S T O ï R E G ^. N E'R A L E<br />

gés avoknt fait une. fi vigoureufe :fi>rtie, qu'ils avoient pénétré<br />

jufques dans les retranchemens, jçlpnt ils avpient même<br />

, brûlé quelques tentes. Se où fls auroient fait de plus<br />

•grands dégâts, fans la valeur des Hofpitaliers y qui y accoururent,<br />

en maffacrèrent une grande partie, 6e pourfuivirent<br />

les autres jufqu'aux portes de la Vifle; Ce qui n'é-»<br />

toit'pourtant pas extrawdinaire, puifque de femblables adion»<br />

étoient plufîeurs fois arrivées., depuis que;duroit k. fîége,<br />

tant du coté des C^étienSy que de celui des Infidèles.<br />

LI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


• V \<br />

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•.^^^•l;VX ^"^ venoient de terraffer tant de y<br />

t \-t ^x^ Nations-Stfr^/ïrpy, réfolurent, de favis du Roi<br />

„^^^^-^^^^ GUI ,"6e de tous les autres Chefs, de donner<br />

$X30f3tX30«^ un Affaut général à la Place. Le Duc FRE'-<br />

DE'Ric avoit a peine pris fon quartier à fèndroit,<br />

qu'occupoit aupai'avant k Landgrave de Thuringe y qu'on<br />

Ss af.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


322 H I S T O I R E G E'N E'R A L B<br />

affigna à chaque Nation le quartier de la ViUe, qu'eUes dévoient<br />

attaquer. Toutes ks Troupes marchèrent à faffaut, avec beaucoup<br />

plus de joie, 6c de réfolution, qu'elles n'en avoient jamais<br />

témoigné. LeRoi, les François y les Templiers y 6e les<br />

tifans y firent leur attaque du côté du iir(?r//. Le Duc de iSfWfbcy<br />

avec les Alkféandsy finveflit vers le Midi y depuis le pont<br />

du Fleuve Bellus jufqu'à la Tour du Patriarche ; les Fénitiens y<br />

les Hofpitaliers y Se les Génois y depuis cette Tour jufqu'à k Tour<br />

A fiant, gé- niaudite : les Flamands y les Danois y les Prifons y Se les Tlol- :<br />

néral donné landois y dcpuîs k Tour vtaudite y ]ufqu'zux attaques du Roi<br />

maïde, Gui; pendant que le j^arqùis CONRAD, avec fa Flotte, rén-<br />

Srédens ^^^^^^ ^" ^"^ d Autriche y Se de fes Trolîpes, devoit f attaquer<br />

du côté de la mer. Il avoit dreffé fur un de fes Vaiffeaux,<br />

près de k Tour^ des M9uche$y une haut^ va^lm^y\ dont on<br />

efpéroit beaucoup de fuccès, /<br />

^^ Cependant, quoique les^Çi&r^//^«j donnaffent tous en même<br />

ricms; '6c que, par une génâreufe éjnuktîoa, îls lifïeiit égikfnient<br />

(tes effort)? incroïables-pour em|K)rter une Place, laquel<br />

occupoit, depuis fi longtenis, tout ce qu'fl y avoit de braves<br />

geijis enMurip&y.qui» pour acquérir d^ 1» ^iri,joir.pa.r dévotion,<br />

y étoient accourus^ 6c, quoi qu'ils fuffent montés, en<br />

plus d'un eilt^oit, au plus ha1a£ de^ murailes, 'iiieur fut néanmoins<br />

impoffibk dC' s'en rendre maîtres.<br />

Irruption S ALADIN, quî rccounut k danger de la Viflé, qukta d'abord<br />

de Saladin £Q^ Camp;6C fetjetca.,*^ avet fes.mdtetres TnQupeOfi brufquefur<br />

le camp . ^ ' . . , ' ^, . . . . ^ , . ^<br />

des Chré- mcut fur ceUu aesChrétifns,, que ceux qui le garqpient ne pu-<br />

"^' rent réfifter, que foiblement, à la quantité. d'Ennemis, qui kiir<br />

tomboient fur ks bras, ni ks empêcher de pénétrer dans les retranchemens,<br />

par diy^s endroits^ Ils en arrachèrent ks liifèignes,<br />

6c y mirent k feu. Le quartier 4es allemands fut le plus lasi-<br />

. traké. Plus de cent Soldats de cette Nation y perdirent k vif.<br />

.Une fi yioknte irruption obUgea Gui, 6c les autres Chefs, à<br />

quitter ks attaques de k Ville, pour afler défendre leur Camp,<br />

* " ' dont<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


. BE JEïlUSALEM. LIV. VÎI. CH. I. 323<br />

dont k confervation leur étoit pks initportwïte, que fefpcar de<br />

remporter qudque avantî^ ; d'autant plus que k diverfion de<br />

SALADIN avoît fi fort tédoubk ie courage des AÛiégës, qu'ils<br />

avoknt vigoureufemertf: repouffé ks Affafllans de boos côté«, &<br />

nèïiverfè ceu3C qiù s'étoient préfeàtésfiir le Château dfe bois,'ji©ut<br />

attaquer k Tmr des Mruches,<br />

Ce fot du haut de 4:ette gtande machine, qu'on prétend que<br />

LE'OP0'LD,DUC d'^flfifr/V/^^jfît cette befle Se feéroïqde adion,<br />

^i a' méritJé une jdace fi confidérable dans l'Hiftoine. Ce vail- ^<br />

lant Prince, aïaint vu tuër, 1 fe^ côtésj tous ceux qui avoient eu<br />

lé courage dy monter avec Itn, 6c fe voïant enfin réduk à être<br />

accablé lui même par ks Infidèks y tout couvert de fon fang,<br />

6c du kur, ife ^tta dans k mer, 6c nagea jt^u'au rivage, oà<br />

il «parut encore aux yeuii de la plupart de l'Aritoée, tout enfangîanté,<br />

ne luiieftant defcknc, qtie 'fèndroit d'une éehatpe><br />

dont^ étoit cdnt, & qitoaviak quïctée. Il en fut extrême^<br />

ment applaudi ; 6c k Ducde iftï»6^, en fon particulier ^ louasit<br />

fon grand courage, voulut técertipenfer fa valeur, en lui donnant<br />

pour armes un écu d& gumks à la face dargent y que ks<br />

Princes


324 H I S T O I R E . G E' N E' R A L E<br />

Chef 5 6c s'en retournèrent en leur Pays, à la referye de qùel^<br />

ques Troupes, que le Duc d Autriche retînt à fa folde.<br />

Une fi extrême dffette fe joignit à cette mortaUté, qu'on y<br />

feroit mort de faim, fans les provifions, qu'y conduifoit k<br />

Flotte du Marquis CONRAD. Les appkudiffémens, qu'fl en recevoit,<br />

furent caufe que la plupart des Seigneurs 6c Officiers<br />

de l'Armée, qiii tenoient le parti de Gui DE LUZIGNAN, k<br />

quittèrent, pour fe ranger du fien. La divifion de ces deux<br />

Princes devint plus grande,que jamais;6e ils ne fe fëcondoient<br />

point dans les entreprifes, qu'fls auroient pu faire. Lorfque le<br />

Roi GUI faifoit quelque attaque contre la Ville, ou contre le<br />

Camp ennemi, le Marquis CONRAD demeuroit dans finadion;<br />

Et,fi celui-ci fe donnoit, àfon tour,'quelque mouvement,Gui<br />

en reftoit ^edateur; enforte que les opérations de l'im. Se de<br />

fautre, devenoient infrudueufès au bien public. C'eft pour­<br />

7<br />

quoi les Perfonnes, les plus éclairées du Confefl, opinoient toujours,<br />

„ que l'empreffement, qu'ils avoîent tous de réduire une<br />

„ Place, qui ks auroit fait retourner dans leur Pays, couverts<br />

„ d'honneur. Se de gloire, feroît inutfle, tant que la difcor-<br />

„ de règneroit parmi eux; 6c qu'ainfî, n'y aïant aucun re-.<br />

„ mède, fl valoit mieux ne rien entreprendre, 6c fe tenir fut<br />

3, la ddenfîve, jufqu'à l'arrivée des Rois de France y Se dAn-<br />

„ gleterre y qu'ils favoient être partis de leurs Etats, pour<br />

„ venir les fecourir. Se dont fls efpéroknt que la prefence<br />

„ termineroit enfin cette dangereufe désunion, qui avok été<br />

„ jufqu'alors fi fatale à l'Armée C/?r^//f/2K^. " ''<br />

Tamine ex- \\s réitérèrent fi fouvent ces falutaires avis, qu^ils prévalurent<br />

ZiV^'^ enfin, par f extrême néceffi té, à kquefle ils étoient réduits, foit<br />

Chrétiens. par raport aux maladies, ou au manque de vivres. La faim<br />

étoit fi grande, que ks Soldats n'avoient plus, ni force, ni<br />

vigueur. Une mogc de farine, qui.pèfe 250. livres, fe vendok<br />

jufqu^à 96. Ecus; une de froment, 7$. y une d'orge, 4.0.;<br />

6cune de fon, 7.Ecus. ^ r.<br />

A<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE J E'R u S AL E M. Liv. Vn. CH. L 32^<br />

A' tous ces malheurs fe joignît encore la perte de mifle de<br />

leurs meiUeurs Soldats. La néceffité fit prendre aux Chefs k<br />

réfolution d'envoïer grand nombre de bêtes de charge aux Vfllages<br />

cîrconvoifms, pour y chercher des vivres, à quelque prix<br />

;.que ce fut. Ils firent partir ces Troupes, pour efcorter k convoi;<br />

mais, par maflieur, SALADIN aïant été averti de leur desfeki,<br />

par un fcékrat, nommé PLOFINI, qui aUa fe rendre à<br />

lui, il fit furprendre ce convoi, Se maffacrer tous ceux qui le<br />

conduifoicnt; de forte qu'on ne fongea plus qu'à fe garantk<br />

des attaques des Infidèles y au milieu desquels les Chrétiens<br />

étoient campés, en attendant que la Providence leur envoïât<br />

de quoi fubfifter. Il eft certain, que, fans la générofité, avec<br />

kquefle les Seigneurs, 6e les Officiers, partageoient, avec<br />

ks Soldats, le peu de vivres, qui leur reftoient, k plupart feroient<br />

morts de faim.<br />

Mais, enfin, la Flotte du Marquis CONRAD, qui étoit aUée<br />

aux Iles Se Côtes voifines, pour en procurer, étant de retour,<br />

avec une prodigieufe quantité de toute forte de provifions, l'abondance<br />

fuccéda tout d'un coup à f extrême mifère ; en forte que<br />

la moge de farine ne valoit plus que 3. Ecus, Se tout le refte<br />

à proportion. Ils oubUèrent alors leurs mifères paffées: 6e fefpérance<br />

de voir dans peu paroître les Flottes de FrancCy Se dAn^<br />

gleterre, les confola entièrement.<br />

.' Ils ne tardèrent pas à avoir cette confoktion, par farrivée des<br />

Rois de France y Se dAngkterre. La crueUe Guerre, que ces<br />

deux grands Princes s'étofent faite depuis deux ans, Se dans la]<br />

queUe ils avoient confumé beaucoup d'argent. Se k plus grande<br />

partie des Troupes, qu'fls avoient mifes fiir pié, pour aUer au fecours<br />

des Chrétiens de la Terre-Sainte y s'étoit enfin terminée<br />

par la mort du dernier; Se la paix', 6c la bonne intefligence,<br />

avoîent fuccédé au bruit des'armes, entre PHILIPPE-AUGUSTE,<br />

Se RICHARD , fur-nommé Cceur-de-Lion, Ffls Se Succeffeur de<br />

HENRI, Koi d Angleterre. Ils convmrent dans une Conféren-<br />

Ss 3 ce,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


32^ HIST O I R E.' G E' N.E' RALE<br />

ce, tenuQ h'Mmancour*y é^ ne plus différer kur voïage d'Otttremer.<br />

'U Ib firent un Tnaità -k ce fujct, 65 fe prownirent rédpooqiMment<br />

une foi inviolable dans cette fainte ^ntaptto; >ik B*^quèrent<br />

égakai«Bifi à-kver de nonvdks; Troupes, • & k faire<br />

tous kë préparatifs néceffaires. RICHARD, ifok pour fafire oftentation<br />

de fes forces, ée forpafler le Roi PHILIPPE en magniô-<br />

Grands ^^^^9 dxnsune ocmfionff ^latante ; ou, par un vérkabk mdpréparatifs<br />

tif de piété, -pout accoiïipfir fon voeu," 6c tâohei? de réparer k<br />

^ ^ïïn- négUgcjuce du fe^ Roi fok Père, qui avoit manqué aux engaëJ^J^F^-gemensfolemncels^<br />

qu'il avoit pris de fecourir puiffamment les<br />

rir la vaie-Chrétiens de k Pat^ne-y 6c de faire k Guerre aux InfidèkSy<br />

^^"^* iàns qu'il fe fût jamais mis en devok de s'en acquiter, vendit<br />

-les Cl^atges, Jes. Honneurs 6c kS'Dignités de fon Roïaume,<br />

Se démembra même plufieurs Fiefs de fon domaine. Ces res-<br />

:foiurces kiî iproduifirent des fommes fi confîdérabkâ, qu'il fit<br />

k phis puflîkît armement, qui fut jamais fem di'Àngktmtê,<br />

Il parut avec des équipages plus pompeux, & plus foperbes,<br />

que n'avok fek aucun de fès Prédéce&iFS.<br />

H fit équiper dans les ports de fe domination phi8 dedeux<br />

cens Bâtimens pour k traiïfport.de fes Troupes* ' Il :fit par-tout<br />

une fi groffe dépenfe, 6c de f\ giiandes largeffes, qu'fl ne fô<br />

fit pas moins admirer, qu'fl 5'attira des partifans. Pmw»%<br />

fe fervit utilenient," 6c bien à propos, >des deniers defon épargne,<br />

Se de. f aident, 'qiûiui reftoit encore de Ità^T&t^kékney<br />

qui avûk été .ixrspc^ pour cet 'ei&ti" "Quoique-ce-MMàrqta®<br />

ne fit point d'auffi téclaitans ^wépaRkîfe qu'avok imt RICHARD ^<br />

Se qu'il iik obUgéde fretta la Fkicte des Gémis y pour k pas^<br />

fàgéde>fon Armée, fl ne fe fit pas «ïoins diftinguer. Se rendk<br />

même de plus grands fervices àk Chrétienté* Onc on ne<br />

peut difconvenk, qu'fl ne dépendît de hïî d'empoiw k Vflle<br />

de Ptolomaïde y avant 4'arrivéô de RICHARD en Ptdefiine; &<br />

que, fans jriea dumnuigr de k grieur 6c de k mi^^ Wi^^i<br />

qui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DI JE'RUSALEM. Liv. Vn. Cft. L 32?-<br />

qm accompagnoit toutes fes aftions, il agît d'une manière; piaf<br />

modérée. Se phis édifiante, que kRoi dAÊ^gkterre.<br />

PHILIPPE reçut k boundon de foo péiceinage, avec beaucoup<br />

de piété, 6c de dévotion, k SSi, Denis cn France y des<br />

mains de GUILLAUME, Aieherèiiie de Rheims, fpn Oride maternel.<br />

Il recommanda, k foin de fon Ro'joiuiBe, 6s du^ jciimc<br />

Prince Loms, fon'Fils, à la Rdme ADELLR, fe Mère, 6c au<br />

même Archevêque


328 H I S T O I R E G E'N E'R A L E^<br />

barquer fur les Bâtimens de cette Republique avec toute fori<br />

Armée, dans laqueUe fe trouvoient les plus grands Seigneurs<br />

de fon Roïaume, entr'autres OTHON, Duc de Bourgogne y les<br />

Comtes de Nevers y de Chartres y du Perche y de Beaumonty<br />

de Rocheforty de Faleriy MATHIEU DE MONTMORENCI, 6C<br />

quantité d'autres de la plus haute Nobleffe,<br />

La Flotte de ce Prince fit vofle du port de Gènes dans une<br />

feifon, qui lui faifoit efpérer de gagner bientôt celui de Mejfincy<br />

où les deux Rois étoient convenws de fe joindre; mais elle<br />

fut furprife d'une tempête f\ furieufe, quelle fut difperfée;<br />

Se les mariniers, après avoîr vu déchirer leurs vofles, rompre<br />

kurs mâts, Se brifer leurs antennes, furent contraints de jet^<br />

ter àla mer quantité de Chevaux, 5c d'équipage. Désaftre,<br />

qui f empêcha d'arriver en Siciky avant la mi-Septembre.<br />

; PHILIPPE y exerça d'abord fe générofité naturelle, par des<br />

libéraUtés, vraiment dignes d'un auffi grand Prince. Comme<br />

plufieurs Gentilshommes, dont ks équipages avoîent été<br />

jettes à k mer, n'étoient point en état d'en refaire d'autres,<br />

fens s'incommoder beaucoup, il leur fit donner krgement dequoi<br />

y fubvenir ; Se, afin de recruter promtement fon Armée, fl<br />

dépêcha en France y pour avoir des Hommes, Se des Chevaux.<br />

Il donna auffi ordre, qu'on lui envoiât des Machines, pour<br />

rempkcer.celles qu'on avoit jettées à la mer; fe flattant, qu'fl<br />

pourroit recevoir le tout, avant farrivée du Roi RICHARD,<br />

qui fe trouvoit encore à Marfeille y où fl attendoit des nouvefles<br />

de fa Flotte. Cependant, ce Prince , plus heureux<br />

que PHILIPPE, dans ce commencement de voïage, aborda à<br />

Meffine, vers la fin du même mois de Septembre, fans avoir<br />

rien fouffert ; mais ni fun, ni l'autre, ne profitèrent dé la belle<br />

faifon, pour continuer leur voïage.<br />

Comme il faUoit» du tems, pour réparer les Bâtimens Géf<br />

mis y qui avoîent été endommagés, le Roi PHILIPPE étoit bien<br />

aife de recevok les renforts, qu'fl attendoit. RICHARD , de fon<br />

côté,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. Liv. VII. CH. I. 525^<br />

côté; avoit quelques affakes à terminer avec TANCREDE,Ffls<br />

naturel de ROGR , Duc de k Pouille y qui avoit fuccédé à la Couronne<br />

àeSkik. Ces affaires étoient relatives à la dot de la Reine,<br />

Sœur deRK:ilAfe9,6c Veuve deGuiLLAUME II. fornommé le Bon,<br />

Ceft ce ^ fit rjéfoudre ks Rok de France, Se d ^gleterre, d'y<br />

paffer l'Hiver, d'autant phis c^e TANCRÈDE kur témoignoit<br />

réciproqtteaient kgmnde fatisfedion, qu'fl avoit de ks retenir<br />

dans fès Etats; mais les intéiêts, les inclinations. Se les<br />

tempéramens de PHILIPPE, 6C d» RICHARD, étoient trop dffforents,<br />

: pour que leur bonne iateUigence pût durer long-tems.<br />

Auffi fut-efle bientiô# interrompue, pas des aigreurs fî grandes,<br />

que, malgré la foi, 62^l'amitié inyiokble, qu'ils s'étoient jur<br />

rée, ils fKnsèrent plus d'une fois, tourner contre eux mêmes<br />

les armes, qu'ilsuvoient deAinées contre les/«^^«e^, pour le<br />

recouvrement de la Terre-Sainte^<br />

PHILIPPE fe fentit offenfé, de ce qu'au préjudke du Traité<br />

qtffls «avoknt fait enfem^bk^ Se par lequel RICIL^RD s'étoit<br />

engagé d'é|K)ufër la Princeffe ALiN,fa Soeur,dès qu'ils feroient<br />

de retour de^Paleftim, ce dernier voulût le rendre fpedateur<br />

de fon Markge avec k Princeffe GELAISE, OU BERANGE^E ,<br />

F^e de. Don GARCIE, Roi de Navarre y que laReme E-LE'O-<br />

NOR,feMère, lui amenoit. Ainfî, fans un véritable fond de piété<br />

Chrétienne y qui portok PHILIPPE à modérer fes tranfports, Se<br />

k facrifier fon propfe reffentiment au bien commun de k<br />

Chrétienté y fls en feroient venus à quelque extrémité.<br />

Les fages rémonirances des priappaux Seigneurs de fArmée,<br />

6e prineipaleDaent du Comte de Flandres y firent enfin<br />

confentir PHILIPPE à un accommodement, afin de ne<br />

plus rétarder Pextrême paffion, qu'fls avoient tous d'accom**<br />

f)Ur leurs voeux. RICHARD, de fon côté, qui ne cherchok<br />

qu'à fe dégager, avec quelque bienféance, de f Afliance de<br />

la Princeffe ALIN, qu'fl avoit, en effet, de juftes motifs de<br />

refufer, pariaport au violent amour, que tout te monde<br />

Tt û-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


330 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

favoit que le feu Roi HENRI, fon Pèse-, avoit eu pour elle, 6s<br />

qui l'avoit même porté à k violer, tâcha'de terminer trànquilement<br />

fon mariage, avec la Princeffe de Navarre ;Se, pour cet effet<br />

, il s'engagea par un nouveau Traité, de rendre àPHiLipPE le<br />

Fexin, qui lui avoit été aifigné pour dot, 5e de lui payer diïcmfl^<br />

le marcs d'argent. PHILIPPE s'en contenta, avec d'autant moins<br />

de peine, qu'il n'ignoroit pas la forte raifon qu'avoit RICHARD<br />

de rompre ce mariage, 6e- d'effacer la mauvaife adion de foo<br />

Père, qui avoit abufe une jeune Princeffe", deftinée^«mEpoufé<br />

à fon propre Fils, 6e dont on lui avoit confié'la garde. » Ainfî,<br />

forage, que cette g^ndo quereMe îtvôit excité , fut diffipé<br />

par ce nouvel accommodement, 5c par une réconciliation, plus<br />

apparente, que fincère, entre les deux Nations. Elles paôè*<br />

rent affez trànquilement k refte de l'hiver. Se ne s'occupèrent<br />

plus qifaux préparatifs néceffakes* pôur continuer leur voïage,<br />

dès le commencement du printems-<br />

Ce fut aufïi ce que k Roi de France ne manqua pas de faire<br />

promettre à celui d Angleterre'y dont il craignoit, que famour,<br />

6c lès intérêts, ne retardaffent encore le départ. Il nefe trompa<br />

point; Il furvint un démêlé fi furieux entre RICHARD, &<br />

TANCRE^DE, qu'fl fit craindre Un nouveau retardement du<br />

voïage de Paleftine.<br />

Ce dernier aïant remis là Reine JEANNE entre lès mains de<br />

fon Frère,fans le fatisfaire fur fes autres prétenfions, RICHARD,<br />

natureflement emportée; fe fervit d'abord de la forée,qu'fl avoit<br />

en main, pour fe faire raifon par lui même; Mais^ le Roi de<br />

France y qur désaprou voit tous ces emportemens, s'entremit<br />

poiir terminer leurs différends , Se engagea TÀNCRE^DE à<br />

céder. Cet accommodement aïant encore mis la paix. Se la<br />

"concorde par tout, les Rois de France y Se dAngleterrey recommencèrcnr<br />

à vaquer à leur expédition..<br />

Comme l'Abbé'JoAeHiM,^À?^ii de Nation, étok alors<br />

'Ctt^gran* rép^taéén de-prêdifé-'favenir, ces deux Princes,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM.. Liv. VII. CH. L 331<br />

également curieux de fevoir le fuccès de kur entreprife, prié- »<br />

rent TA N C R E^D E de le faire venk à Meffine, pour le corffulter.<br />

Cet Homme célèbre leur prédît, fens héfîter, „ le maujy<br />

vais fuccès de leur expédition en Orient y où, à la vérité, fls<br />

„. triompheroient des Infidèles en plufîeurs occafîons, mais où<br />

fls n'avanceroient^rienTpour le recouvrement de Jérufakmy<br />

5><br />

parce que le jour fatal à la cruelle bête n'étoit point encore<br />

35<br />

„ arrivé. Se qfue le folefl qui devoit voir la Terre - Sainte de-<br />

„ livrée du joug des Infidèks y n'avpit point encore paru." Un<br />

raifonnement fî obfcur. Se fî én^matique, fit, que les deux<br />

Rois, 6e les Seigneurs, quife trouvoient préfens Tegardèrent<br />

cet Homme, plutôt comme un vifîonake, qui avoit l'efprit gâté<br />

, que comme un prophète, tel qu'on le croïoit en fon pays.<br />

Auffi, ajoutèrent-ils fî peu de foi à fes prédidions, qu'fls ne<br />

voulurent plus l'interroger fiir leur voïage, ni fur leur entreprffe<br />

, Se le renvoïèrent dans la foUtude, pour s'y faire admker<br />

des Italiens, qui étoient plus créduks qu'eux, Se qui avoient<br />

k foibleffe d'écouter, comme des oracles, toutes les diimériques<br />

rêveries, qu'fl leur débitoit fur VApocalipfe. Cet Abbé<br />

fe vantoit de fevoir 'parfaitement expliquer ce Livre mifté-^«»^'>«'<br />

rieux, 6c de f entendre auffi bien, que ST. JEAN, qui favoit joachim.<br />

compofe.<br />

La rigueur de fhiver s'étant paffée tantôt en paix, 6c tantôt Artide IL<br />

en conteftations, entre les F^ançûis y les Anglois y Se les SiciîienSy<br />

le Roi PHILIPPE fit embarquer fes Troupes,avec les machines<br />

qu'il avoît fait conftruire; Se las des remifes continudles<br />

du Roi RICHARD , il s'embarqua au commencement du mois<br />

de Mars ; ne prévoïant que trop, que les nouveaux, 6c fuperbes<br />

équipages, qu'fl faffoit préparer pour fa nQuvelk Fiancée,<br />

Se pour la Reine JEANNE , fa Soeur, qui dévoient faire le volage<br />

de la Terre-Sainte en fa compagnie , de même que ceux<br />

qu'il deftinoit pour le retour de la Reme ELEONOR, fa Mère,<br />

€n .^^/^/^/'/^ 5 farrêteroient encore long-tems.<br />

Tt 2 Lcs<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


332 H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />

'Arrivéedu Lcs veuts furcut fi propîces à la Flotte de PHILIPPE, qqe<br />

Roi de ce Prince arriva heureufement à Ptolomaïde y vers k fin du mêïtoiomai-<br />

me mois de Mars. Le Roi Gui Se tous les autres Princes, Ôc<br />

^^' Seigneurs Croifés y qui étoient dans la troifième ^année du Siège<br />

de cette Ville, le reçurent avec dés tranfports de joie inexprimables<br />

, k regardant comme un Ange defcendu du Qel k<br />

leur fecours, pour leur procurer le terme des travaux infinis^<br />

des peines,6c des dangers, qu'fls avoîent effuïés.» Il prit fonquartier<br />

à l'oppofite de k Tour maudite y comme k plus forte,<br />

6c k plus difficfle à forcer: Il vflîta tous les ouvrages du<br />

camp. H fit planter fes machines, aux quelles fl fit encore<br />

ajouter quelques Châteaux de bois, qu'fl crut néceffaires pour<br />

«n hâter la- prife. Après quoi, on recommença à batt;re la Pkce,<br />

avec beaucoup de vigueur.<br />

Les attaques de fes Troupes fraîches, encouragées par k<br />

prefence de leur Souverain, Se fécondées par toutes les autres<br />

du Camp, qui s'étoient refaites de leurs travaux paffés, déconcertèrent<br />

fi fort les Infidèks y Se les réduifirent, en peu de<br />

jours, à une fi grande extrémité, que, fans k ddicateffe. Se<br />

l'exaditude, avec laquelle ce Prince voulut garder fa parole envers<br />

RICHARD, en fe refufant la gfeire d'emporter la^Pkce avant<br />

fa jondion, fl auroît contraint les Infidèles à fe rendre. Se terminé<br />

feul un fiège fi long, fi fetiguant, 6c fi meurtrier. Mais,'<br />

comme ils étoient convenus dans k Traité,-^qu'ils avoîent fait<br />

enfemble, qu'fls partageroient les conquêtes,qu'ils feroient fur<br />

les IrfidèkSy fl-voulut, qu'fl en fut de même de la gloire. II<br />

arrêta fardeur de fes gens, qui alloient monter à faffaut par<br />

une brèche confidérable, qu'avoient fait ks machines, Se fe<br />

contenta de k faire bien garder, jufqu'à farrivée du Roi dAn^<br />

gleterre, afin ' d'empêcher ks Affiégés de là réparer.'<br />

RICHARD cependant, moins fèrupukux que lui^ faifoit des<br />

acquifitions très-corifidérables à fon profk particulier, par une<br />

avanture affez extraordinaire, Se qui devoit lui être, pktôt fi^<br />

nes-r<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DÉ JE'RUSALEM. Lïv. VII. CH. L ^33<br />

nefte, qu'avantageufe, mais qui cependant luî valut k conque^<br />

te d'un Roïaume entier. Car, quoique k Flotte Angloife ne<br />

partît du poFt de Meffine y qu?au mois d'Avril ; 6c que la èaifon<br />

parût encore plus propre, que lorfque les François en étoient<br />

partis, efle rencontra une bourafque fi terrible, qu'efle faflUt<br />

à en être engloutie;- eUe en fut du moins dflperfée, 6e extrêmement<br />

endommagée. Ge ne fot pas, fans des peines<br />

extraordinaires, que RICHARD gagna le port de Rhodes<br />

y OÙ , pendant qu'il attendoit fes autres Vaiffeaux,<br />

qui avoient été jettes de part. Se d'autre, fl aprît le malheur<br />

arrivé à un Navire, 6c à deux de fes Galères, qui<br />

avoient donné à travers fur les Côtes Méridionales de<br />

Klle de Chypre y de la manière, que je fai raporté au fecond<br />

Livre de cette Hiftoire, où je renvoie mon Lecteur.<br />

La conquête^ d'un Etat auffi riche,- & auffi- floriffant, que<br />

file de Chypre y donna quelque jaloufîe aux Chefs de fArmée<br />

Chrétienne. Ils reçurent pourtant RICHARD, avec beaucoup<br />

d'appkudiffemens, Se de grandes marques de joie. PHI­<br />

LIPPE-AUGUSTE, en particuUer, qui ne refpiroit que le moment<br />

de chaffer les Infidèles de Ptolomaïde y fe repentit alors d'en avok<br />

manqué l'occafion. Cependant, foît que ce fût fincèremenÉ><br />

ou non, fl témoigna à RICHARD k joie, qu'fl reffentoit de fes<br />

profpérités; 6c, afin d'accélérer leur conquête, 6c que rien ne<br />

retardât k reddition de la Place, fl lui-préfenta d'abord toutes<br />

•ks machines, 6c autres inftrumens de guerre, dontfl avoit hérité<br />

par k mort du Comte de Flandres-,<br />

Le renouvellement d'amitié entre c-es deux Princes, la proximité<br />

de kurs quartiers, Se l'état où la Vflle étoit réduite, faifoient<br />

efpérer à tous ksCré?{/^j,qu'fls en feroientbientôt ks maîtres;<br />

mais fls eurent encore bien des affauts à donner,.- 6c des<br />

dangers à effuïer, avant que d'avoir cette confolation.- Car,<br />

quelques attentives, qu'euffent été les Troupes Françoifes y k<br />

Tt 3. bien-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


33+ HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

bien garder ks brèches, les Infiàèks y avoîent trouvé les moïens<br />

de les réparer, pendant f intervalle de repos qu'on leur avoit<br />

donné, Se même de recevoir des fecpurs, qui les avoient mis<br />

en état de fe foutenir encore. Se de repouffer affez fouvent les<br />

Chrétiens.<br />

Bromiie- "Le diagrirt fécret, que RICHARD reffentoit d'entendre publier,<br />

n^Emn- qu'il n'avoit tenu qu'à P H i L i p p E de réduire la Place avant fon<br />

Angles^^^ arrivée, contribua beaucoup à la peine Se aux travaux, à caufe<br />

€aufées par du peu d'éfforts, quc fit ce Prince, dans les premiers af^<br />

desder^'^ feuts, qu'ou douna, après fa jondion. Il étôit bien aife d'en<br />

niers àfe- !Ç^Q rétarder la prife, pour faire ceffer les bruits, qui dimiconderles<br />

. © i i • vi i • *' •<br />

premiers, nuoieut la part Ôe la gloire, quil vouloir y avoir.<br />

La négligence des-J^^te offenfa les François y Se renouvella<br />

la haine, 6c l'antipathie, que les guerres.paffées avoient<br />

caufées entre ces deux Nations. Elles en vinrent aux rép'ro-'<br />

idhes y aux injures, 6c enfuite à une difcorde ouverte, qui paffa<br />

des fimpîes Soldats aux Officiers, Se des Officiers aux Princes<br />

mêmes, fiutout après un affaut général, qu'on réfolut de donner.<br />

Se dans.lequel les Anglois ne firent pas, à beaucoup près,<br />

-ce qu'il auroient pu faire. Mais, comme les Croifés des autres<br />

IMâtioris s'y fignalèrent, furtout les Italiens y fl.réalfit encore<br />

moins mal qu'on n'auroit ofé fefpérer.<br />

Amonhé- ^ Il fiQ feroit pas jufte de dérober à cette Nation les louanges,<br />

^çe^tiibom- que méritent leurs belles adions ; puifqu'après, avok fait des<br />

^*j^"î^"'^digcs de valeur pour fui-monter l'opiniâtreté', avec kquelle<br />

Maîfonde jes Affiégés fe défeiidoieut, 5cque ks Sold^itsItaliens,k l'exemonagui<br />

1. ^j^ ^^ j^^^ Officiers, eurent agi par tout, avec un courage extraordinaire,<br />

bon nombre d'entre eux, conduits par un Gentilhomme<br />

Florentin de la Maifon BONAGUISI , plus heureux que<br />

ks autres, forcèrent ks Infidèles à leur abandonner'l'endroit<br />

qu^ils attaquèrent. Ce vaiflant Homme, fecondé par fa généreufe<br />

troupe, fe faifît d'une Tour, où fl tua VO^detSarrafiny<br />

qui''tenokà la main un grand étendart çramoifi. Son ardeur<br />

fut<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. VII. CH. L 33;<br />

fui"fi extraordinaire, que, fans confidérer, que les Chrétiens<br />

n'avoient pas eu le même bonheur aiuc autres attaques, fl entreprit<br />

de fe maintenir dans cette Tour,, conferva toujours fétendart<br />

, Se renverfà plufieurs des' Barbares, qui favoient envkonné,<br />

6c qui, confus de fa réfîftance, faifoient les derniers<br />

efforts pour f accabler. Enfin, refté ,prefque feifl de fa petite<br />

troupe, fans s'^étonner, il régagna la»muraille. Se ie fauva au<br />

camp, fans jamais quitter l'étendart, qu'fl eut la fetisfadion de<br />

porter dans k fuite en fa patrie, où ilïe dépofe dans l'Eglife de<br />

iS. Jean"Batifte, comme un monument de fa piété,6eune inarque<br />

de k g^ire immortelle, que lui aquit cette sdion^héroïque.<br />

Cotte journée d'aflleurs fut plus funefte, qu'avantageufe, aux-<br />

Clorétiens. Outre le grand nombre de C^fés de diverfes Nations<br />

, qui y périrent, elle coûta la vie à plufîeurs^ Seigneurs de<br />

confîdération, qui, comnie 3BONAGUISI , firent des adions forprenantes.<br />

Les principaux'forent ALBE'RIC CLÉMENT,<br />

Maréchal de France; Celui-ci s^étoit jette dans la ViUe, avec<br />

quelques-uns, qui avoient été affez hardis pour k fuivre; mais<br />

ils .furent malheureufement tous maffacres. TIBAUT, Cbmte<br />

de Champagne y qui commandoit la Cavakrie iFr^wfo^, le Comte<br />

de Blois y Se quantité de ChevaUers des Ordres MiUtaires,<br />

furent "*6rûlés par les feux griègeois, par f iiufle bouillante, k<br />

poix fondue. Se le fabk enflamiîié, que les Affiégés vcrfbient<br />

fur tous ceux qui ^proehôient de kurs murailks.<br />

Le mauvais fuccès de cet affaut, 5c de divers autres, qm<br />

les Chrétiens donnèrent dans la fuite, 5c dans lefquels périffoit<br />

grand nombre des plus vaiflans Hoiïîmes, ne put arrêter la malheureufe<br />

difcorde, qui. regnoit entre fes Chefs de fArmée. Ils<br />

étoient tous plus occupés de kurs propres paffions, qu'attentifs<br />

à procurer la fin d\in fiége y fi fonefte à tant de braves gens*<br />

La mes-intelligence des Rois de France Se dAngkterre-y partageoit<br />

non feulement les efprits ; mais augmentoit fanrmofîté du<br />

Roi Gui,6c du Marquis CONRAD,dont les prétenfions s'étoient<br />

. re-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


33t5 HISTOIRE G E'N E'.R A L E<br />

réveillées avec beaucoup de chakur, au fujet duTitredeijM^?<br />

Jérufakm, que le premier vouloit pidef, 6c que l'autre prétendoit<br />

abfolument lui apparf^ir; ce qui,les portoit,tous les* deux,plus<br />

k briguer les fuffrs^g^ pour foutenir leur papti, q^'à -foi^erà k<br />

conquête de la Vflk. Deforte


DE JE'RUSALEM. Lïv. VILCH. I. 33^^<br />

feu y prit avec tai>t de violence, 6c cônfuma fi bien tous ces<br />

foutiens pendant là nuit, qu'au point du jour onfîème de Jufl- ^.<br />

kt 1191. cette haute Se fuperbe Tour, fur la force de laquelle<br />

les Affiégés comptoient k plus, fot entièrement renverfée.<br />

Sa cheute fit un fracas fi furieux, que ks Kjhrétiens mêmes,qui<br />

Pàvoient minée, en iurent effrayés. ïl n'eft dont pokt fof r<br />

prenant, fi cette ruine acheva de déconfcefter ks Mfidèkty qui<br />

fe virent tout d'un coup. Se d'une manière fi inopinée,réduits<br />

à la dernière extrémité. Auffi, voïant bien qu'après une brèche<br />

fî confidérable, fl leur étoit impofîlbk dé fe maintenk-plus<br />

kng-tems, fls perdirent cpu«sige.<br />

Us arborèrent enfin baniere blanche,avec d'autant pltis d'em»- LeRoHe<br />

préffement, que, depuis que'les Forces de France y Se d^An-for^e7es<br />

gleterre y étoient arrivées au Camp Chrétien y SALADIN n'avoît ^^^^^^^*<br />

plus ofé tenter de leur envoïer aucun fecours par mer, ni par capitulaterre.<br />

Il leur avoît fait entendte, „ que,dans k neceffité, où^'*"*<br />

5, fl fe trouvoit de fe retirer lui nième, pour aller faire tête aux<br />

„ Princes Miifuléms, qui, profitant de fon éloignement, avoient<br />

„ repris une partie de h Méfipotamiè y ils fiffent kur accommo-<br />

„ dément le mieux qu'fl leur feroit poffible." Les Affiégtès, qui<br />

n'avoient plus aucun fecours à ei^érer, épargnèrent alors aux<br />

Chrétkns la peine, '6e fembarras de faffaut, qu'ils fe préparoient<br />

à'donner, pour les^ réduire. Se qu'fls avoient même commencé.<br />

Cependant, malgré k mauvaife contenance des Infidèles y h<br />

crainte qu'eurent les Chrétiens de pouffer au désefjjoir des gensy<br />

dont fls avoient fi fouvent léprOUvé la bravoure 6c le courage,<br />

ks porta |„ôcouter leurs prbpofitîons ', 6c à fuspendre leurs attaques.<br />

Après quelques conférences, qu'ils eurent avec les Amiraux<br />

, Se les principaux Habitans de la Place, ils conclurent<br />

enfin k Traité fuivant.<br />

„ î. Que les Affiégés remettroîent aux Chrétiens h Vilk Traité de<br />

„ de Pt^omai^êy dans fétat où efle fe trouvok. W. Xlu'ils *•'<br />

Vv ,> don-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


33S H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />

„ donneroient k liberté à tous les Chrétiens prifonniers, qui<br />

„ fe trouvoient en leur pouvoir, ou en celui de SALADIN.<br />

„ III. Que ce Prînce leur rendroit k bois de la Crw, qui<br />

5, kur avoit été pris à la Bataflle dEtin. IV, Qu'fls paie-<br />

„ roient aux Chrétiens ioo. mifle Bezans d'or, argent com-<br />

„ tant, moïenant quoi il feroit permis aux Affiégés, de fe re-<br />

„ tirer au Camp de SALADIN, OU en tel autre endroit, que bon<br />

„ leur fembkroit. "<br />

Cet accord aïant .été approuvé, 6c figné, de part d'autre,'<br />

les portes de la Vifle furent ouvertes à l'Armée Chrétienne,<br />

Cependant LE'OPOLD, DUC dAutriche y félon la diftribution<br />

des attaques, avoît forcé la Tour, qui lui avoit été affignée<br />

; Se ignorant la reddition de k Pkce, il continuoit encore<br />

k faire un grand maffacre des Infidèles dans la Vifle, où fl étoî|<br />

entré avec fes Troupes; Mais ce Prince fit ceffer k carnage,<br />

dès qu'fl fut informé du Traité; Se voulut, pour marque^de<br />

fa vidoire, faire pkntçr fes Drapeaux fur k Toiir, qu'il avoit<br />

gagnée ;' ce quî donna lieu à un différend, qui eut de longues<br />

6c fàcheufes fuites, 6c qui faîUit même'dès-lors à mêler beaucoup<br />

d'amertume à la joie 6c à la fatisfàdion pubUque.<br />

^ Le Roi dAngleterrey qui avoit fon Camp vis à vis de cette<br />

Tour, foit qu'fl eût déjà quelque aigteur contre le Y^ùcdJw'<br />

triche y ou que fa fierté naturelle ne lui permît pas de fouffrir,<br />

que les Dn^aux de LE'OPOLD y.p^ufl^nt, au préjudice de<br />

cdks deiS.T^eç Couronnées , courut avec précipitation de ce<br />

côté là, pour les faire arracjier, avec mépris. Il ks^fit déchirer,<br />

Se jetter dans ks, foffés. Se en même tems arborer les ficnûes<br />

cn leur place. ^ ^<br />

hes Allemands y non njioîns fiers, 6c jaloux de leur gloire,<br />

Sede leur honneur, qu'aucune autre Nation du Monde, ne<br />

pouvant fouffrk, cet affront, ni le luépris qu'on faifoit de leur<br />

Prince ; frémiffant de dépit, ^ 6c de colère , fe ferrèrdit d'abord<br />

tous enfemble, pour affaiflk les Anglois y Se en tirer une promte<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. VU. CH. L 339<br />

te vangeance. Ainfî, la prffe de PtolomaUdey qui faifoit, depuis'fijôrigtems,<br />

foupirer toute k Chrétienté y lui feroît devenue<br />

encore plus,funefte, par la guerre, qu'eUe aUoit aUumer<br />

entre ces deux Nations bdUqueufes, que paç toutes les pertes,<br />

qu'eUe avoît déjà faites, pour k conquérir; mais la prudence<br />

du Duc dAutriche y rémédia promtement. Il diffimuk l'injure,<br />

qu'fl venoit de recevoir. Se fe fervit de fon autorité, pour 1191.<br />

appaifer l'anîmofîté de fes Troupes.<br />

Mais, fi ce Prince difllîmula alors fon reffentiment, fl en tira<br />

dans la fuite une vangeance fî cruëfle,» qu'fl fit,"" plus d'une<br />

fois, r^entir RICHARD, de l'avok offenfé, comme on le verra<br />

dans la fuite.<br />

Les Chrétiens entrèrent enfin dans k. Ville k 12'. Juillet;<br />

après trois années entières de fîége. , Il y périt plus de monde,<br />

qu'fl n'en auroît faflu pour la conquête de tout VOrient.<br />

Outre le nombre prodigieux de Soldats Allemands y François y<br />

Italiens y Flamansy Anglois y Danois y Prifons y Se Levantins y<br />

qui y périrent, fly mourut beaucoup de grands Seigneurs, 6c<br />

autre Nobleffe de toutes ces Nations, foit de pefte, d'autres<br />

maladies, ou de leurs bleffures. Les principaux furent les quatre<br />

Enfans de la Reine SYBILE, avec leur Mère; FRE'DE'RIC, '^^^^<br />

Duc de Suabe ; PHILIPPE, Comte de Flandres ; le Comte Seigneurs<br />

ANDRÉ' DE BRIENNE; RI D FORT, Maître des T^rw^ilf^rj; îJ^f^Jinles<br />

Comtes de Chartres y de Blois y Sede Ponthieu; ALBE'-^^^<br />

RIC CLÉMENT, Maréchal de France; Se ADAM, Grand- ^''<br />

Chambellan. Plus de cinquante A|3ehevêques , ou Evêques;<br />

ODET, Evêque de Ravenne; BAUDOUIN, Archevêque de Cathtorheri<br />

; celui de Bezançon, 6c f Evêque de Faënce, furent<br />

du nombre ; outre des Armées entières, qui pérkent, . ^<br />

avant que d'y pouvoîr arriver ; auffi bien que l'Empereur<br />

FRE'DE'RIC premier. Se le Landgrave de 2]&«r/«g:f, qui fe<br />

noïa, en retournant dans fes Etats.<br />

Vv 2 Les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


34a HIST O I RE G E'N E'R A L E<br />

Gui de Lu- • Lgg g^Qig de France y Se dAngleterrey firent inceffamment<br />

zignan ae- i T> • n* T<br />

ciaréRoi arborcrles enfeignes du Roi Uin DE LUZIGNAN, auquel ces<br />

jffleS.deux Monarques, 6c tous les Seigneurs de fArmée avoient<br />

jugé, „ que devoit appartenir k Couronne de Jérujalemy<br />

yy pendant fa vie; mais, à condition- pourtant, que s'il fe<br />

„ rémarioit, 5c qu'fl eût des Enfans d'un fécond mariage, ils<br />

y^ ne pourroient y rien prétendre ; Se qu'elk appartiendroit<br />

yy de droit à la Reine ISABELLE, 6C ^ fes Enfans; Que ce-<br />

„ pendant le Marquis CONRAD, fon Epoux, demeureroit en<br />

,,'poffeffion de la Principauté de Tyr, qui relèveroit tou-<br />

„ jours de k Couronne de Jérufalem. "^^<br />

Ils partagèrent ènfùite à toutes les Nations les dépouflks,<br />

6c les provifions, qui fe trouvoient dans la Vflle, à k<br />

referve des prifonniers, qui demeurèrent entièrement au pouvoir<br />

de PHILIPPE, 5C de RICHARD, afin que ces deux Priiwi<br />

ces les fiffent furement •conduire;au Camp de SALADIN,<br />

dès que ce Soudan auroit remise en Uberté les Chrétiens y<br />

qui fe trouvoient en fon pouvoir, comme ils en étoient?<br />

convenus. Ils accompagnèrent, en cérémonie , k Cardinal<br />

Légat, avec les Archevêques, Se Evêques d Europe y Se de<br />

Paleftine y qui récondlièrent toutes les Eglifes de k ViUe,<br />

dont les Infidèles ^Yoient fait des Mofquées; Après quoi<br />

ces Princes, 5e toute fArmée, rendirent de très-humbles actions<br />

de grâces au Tout-Puiffant y d'avoir enfm. triomphé de»<br />

I.nn^isdQ JefuS'Cbrift.<br />

HA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DK JE'RUSALEM. Liv. VII. Ca U. 341<br />

f^tî)r^w


3+2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

appuïée, 6c maintenue par tous les Prmces 6c Seigneurs Alh^<br />

mands ^ qui fe trouvèrent à ce fameux Siégé, particulièrement<br />

par les Evêques de MisniCy de ÎVirisbpurgy Se de Munftery par<br />

F R E'D E'R I c, Duc de Suabe, tant qu'fl.vécut ; par L E'O p o L D ,<br />

Duc dAutriche y par le Landgrave de Thuringe y par les Comtes<br />

de Bade y de Mons y Se par quantité dVitre Nobleffe. Ce<br />

foible commencement devkit enfuite f origine d'un Ordre , qui<br />

s'eft rendu fî confîdérable ySefi célèbre, que k principale Nobleffe<br />

d'Allemagne a fait gloire d'y entrer , 6c d'en porter les<br />

marques.^^ _ -^<br />

L'exercice de ces Chevaliers fut toujotirs femblable à celui des,<br />

Hofpitaliers', en j^ratiquant comme eux l'hofpitalité, 6efaifant k.<br />

guerre aux Infidèks. Ils s'durènt un Supérieur , auquel ils don-/<br />

nèrent auffi le nom de Maître. Le premier, qui fût révêtu de<br />

cette Dignité, fut HENI^I DE VALPOT ; OTHON DE<br />

G H A R p E N lui fuccéda. Il n'y avoit autre différence entre ces<br />

deux Rdîgions,que ceUe de f Habit: les Teutoniques le portoient<br />

blancy^yec une Croix noire y au lieu que les Hofpitaliers le portoient<br />

«(7ir, zwec une Croix blanche.<br />

Cependant*, comme les mêmes prérogatives, que ks Rois<br />

venoient d'accorder aux Fénitiens , Génoiis, Pijans , Se aux<br />

Ordres Mflitakes, furent enfuite odroïées à diverfes autres Nations,<br />

tant de VEurope y que du Levant y cette quantité de jurisdidions,<br />

indépendantes l'une de l'autre, diminuèrent fîfort cetle<br />

du Souverain, 6c caufètent enfuite une fî grande confufîon<br />

dans Ptolomaïde , qu'efles furent la caufe de fa perte, qui en-,<br />

traina cefle de tout ce que les Chrétiens poffédoient en Paleftine.^<br />

Comme toutes les inftances, qu'on avoit faîtes auprès de SA­<br />

LADIN, pour ravoir la vraie CroiXy felon k Traité y qu'on avoit<br />

fait avec les Habîtans de Ptolomaïde , furent inutfles, le Roi<br />

d'Angleterre y toujours violent, 6c impétueux, prenant l'excufe<br />

que faffoient ks Infidèks, de ne pouvok la trouver, pour une<br />

véri-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


BE JE'RUSALEM. Lïv. VII. CH. IL 34.3<br />

yéiitabk tromperie , fans réfléchir aux malheurs, que fe fureur Vioieme<br />

afloit caufer aux Chrétiens , facrifia au dépit, qu'il en conçut, Roui»près<br />

de^pt mille de& prifonniers Sarrafins , qui lui étoient é-f^^'J^^.<br />

chus. Il,ne referva que fes plus riches de ces miférables, dans maffacre<br />

Pefpérance d'en retirer une groffe rançon. Adion mhumaine t/^. ^<br />

Se intéreffée, dont ce Prînce fut extrêmement bkmé, d'autant<br />

plus qu'elle caufe le maffacre d'un plus grand nombre de ChrétienSy<br />

que les Ennemis mirent en pièces, par droit de répréfaifles.<br />

La conduite du Roi de France fut bien oppofée. Ce Prince,'<br />

toujours prudent, 6c modéré, conferva fes prifonniers avec attention<br />

, Se les échangeai enfuite contre un parefl nombre de<br />

Chrétiens ,.qui languiffoient dans Jes fers des Barbares, Quelques<br />

Auteurs prétendent, qu'il donna ces prifonniers au Marquis<br />

CONRAD; Se qu'fls fervirent, comme nous favons dit, à<br />

rachetter k Marquis BOISTIFACE, fon Père , que SALADIN<br />

retenoit prifonniè» depuis la bataille d'-E//».<br />

Il fe trouva, "parmi les prifonniers du Roi dePr.an^y unOffi- Portrait<br />

cier Sarrafin y nommé ÇARACUT, mal-fait de corps, 6c laid de cuc/^ivifage,<br />

mais d'un efprit vif, 6c périétrant, d'un ji^ement fî -^"^'^.f.<br />

bon, 6c fi folide, qu'on prétendoit, qug^'étoit, par fes pru- w^«chrédens<br />

avis, que SALADIN étoit parvenu, en fîpeu de tems, au'^^"°^'faîte<br />

de grandeur, >où fl fe trouvoit<br />

PHILIPPE, 6e tous les autres Princes, informés des qualités<br />

de CARACUT , furent curieux de voir un Homme fî extraordif^aire,<br />

6c de le confulter férieufement fur la ifcondi^te, qu'ils [^dévoient<br />

tenir pour acquérir. Se conferver le Roïaume-de y^'«r<br />

fakm. Avant que de lui faire aucune queftion, ils l'sngagè*rent,<br />

fous un étroit ferment, à avouer la vérité fur ce qu'on alloit<br />

lui demander:^ Après qu'fl feut promis, on l'interrogea<br />

fur ce^ qu'ion défîroit favoir de lui. Il fit d^abprd bcaucoup de<br />

difficulté de répondre à une queftion, auffi déUcate, qu'intérefïànte,<br />

pour fôn Maître. Mais, enfin, preffé par f engagement,<br />

qu'fl avoit pris, de déclarer fon fentiment, fans aucun<br />

dégui-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


* $4-4' H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Seswdis' déguifement, û dtty avec autant de franchéfe, que de bon<br />

S^Cbré- fèns, ,î que les Chrétiens ne dévoient jamais fe flatter de pofvtiens.<br />

^^ jT^^j. tranquflement k Paleftine y ni k Terre qu'fls appel-<br />

„ loient Sainte, tant que VEgypte * feroit au pouvoir d'un<br />

53 "Prince dé différente Rdigit^n , parce que celui qui pofTè^<br />

„ deroit les ViUes maritimes de k h^iffe- Egypte s'empareroit<br />

„ toujours facflemént de Jérufalem y Se de h Syrie,<br />

„ Qu'ainfî, puifqu'fls avoient cette affaire fi fort à cœur, il<br />

.yy ïàlloît commencer par fe rendre maître dés embouchures du<br />

„ Nily c'eft à dire des Vflles de Damiette-y R^et, Se Akxan.<br />

'/yy drie; ce qui leur étoît d'autant plus facile, qu'fls étoient le#<br />

^, piàs puiffans fur mer. Il ajouta, que, fî les Rois AMAULRI,<br />

„ 6e BAUDÔtriN^* avoîent été foûtenus par une bonne Armée na-<br />

5, vale, lorfqu'fls enti^eprîrent la guerre en Egypte y afin de pou-<br />

„ vok conferver ces "poftes, les Cibr^//V«J d'à-prefent n'auroient<br />

„ pas eu befoin de le confukeï fur le recouvrement, ni for k<br />

„ confer||tion de la-P^/^/«^; 5e qu'fls auroient, dès-lors^', pu<br />

„ chaffer les Turcs y Se lés Sarrafins y de toutes ces Provinces,<br />

„ détruire ei^tièrement leur mémoire, 5c demeurer paifibks pof^<br />

,,'feffeurs de fun. Se de l'autre de ces Roïaumes, fans qu'au-<br />

„ cune Puiffance eût jamais pu les en cfiaffer. "<br />

Ce Sarrafin y qu'on poùvPit nommer un 'fécond E's OPE,<br />

kur donna {àufieurs autres bons avis, dont le Roî PHILIPPE,<br />

ni les autres Princes ne fitent pas grand ukge.' Jls reconnurent<br />

cependant, dans la fuite, mais un peu trop tard, qùô^fes inftrudions<br />

n'avoient pas été moins fincères, qii'a^ntageufes à<br />

leurs deffeins. En effet, tous ceux qui, comme moi, connoîffentla<br />

Pakftinéy Se VEgypte y ne fauroient difconvenir, que<br />

Jugement ks Vîlfes maritimes de ce -Roïaume, facfles à conquérir. Se à<br />

/ttfiwûlTconferver, ne foient totijours k pierre d'achoppement, ^6c l'éaif^*^^<br />

cuefl qui fera échouer toutes les entreprifes qu'bn po'u'rtbit faire<br />

pour le recouvrement du Roïaume de Jérufakm , où les<br />

C^rftiens ne feuroient faire aucun progrès' fans fe rendre maîtres,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. VII. CH. II. 34.;<br />

treô, comme k difoit CARACUT, des Côtes maritimes de k<br />

baffe Egypte y ainfî qu'ils ne f éprouvèrent que trop, pour n'avoir<br />

point ajouté foi à fes falutaires avis.<br />

Le Marquis CONRAD, aïant réyefllé fes prétenfîons fur Jéru-Arme n,<br />

falem y contekz. au Roi Gui le droit, qu'fl difoit y avok de fou/^'J^^"<br />

côté, fens que fun, ni fautre, en fût en poffeffion. Ce dé-^^^'"c^<br />

bat, 6c la difcorde, qui recommença apr^ k prffe de Ptolo- Conrai<br />

maïde y entre ks François y 6c ks Anglois y occupoient fî fort<br />

tous ks Princes Chrétiens y Se partageoient tellement toute l'Armée<br />

, qu'il n'eft pas forprénant, s'ils ne firent aucune attention<br />

aux avantages, qu'ils auroient pu retirer des avis de CA­<br />

RACUT , non plus qu'au peu de fruit, qu'ils tirèrent de cette<br />

grande Croifade, Sort déplorabk de toutes les Ligues, .qui<br />

fe font entre différens Princes î Les intérêts particuUers les<br />

agitent, 6e la méskitelligence empêche tous les progrès, qu'fls<br />

pourroient faire, en agiffant de concert. Se avec l'union, qui<br />

eft fi néceffaire pour réùffir en toutes fortes d'entreprifes, mais<br />

principalement à la guerre.<br />

Ces Princes ne forent pas pouffer leur Vidoke, ni profiter<br />

de la confternation, que la prife de Ptolomàide avoit caufée aux<br />

Infidèks, L'Armée des derniers fe trouvoit en très - mauvais<br />

état ; foit à caufe des grandes pertes, qu'ils avoient faites pendant<br />

ce long fîége, foît par les grands détachemens, que SA­<br />

LADIN avoît été obligé de fake entrer dans k Place. U falut<br />

donc travaiUer à un nouvel accommodement, qui fut d'autant<br />

plus difficfle à conclurre, que k Roi de France; OVWQTAy Duc<br />

AeBmrgogne; LE'OPOLD, Duc dAutriche; RODOLPHE,<br />

Comte de Clermont; les Templiers y les Génois yle Landgrave de<br />

Thuringe, 6c ^qudques autres Seigneurs, foûtenoient, „ qu'on<br />

„ ne devoit point balancer à reconnoitre le Marquis CONRAD<br />

3, pour véritable Roi de J^ufalem, puifque c'étoit à lui qu'fls<br />

„ devoknt en partie k conquête qu'ils venoient de fake; Se<br />

>, que,fans ks fecours de vivres, qu'fl avoit conduit continuel-<br />

Xx „ lement<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


34-$ H I S T O I R E G E' N E'R AL E<br />

yy lement au Camp avec fa Flotte, 6c k valeur, avec kquefle<br />

„ fl avoit empêché les Vaiffeaux Sarrafins de renforcer,' Se de<br />

„ ravitaiUer la Place, les Chrétiens auroient été contraints d'en<br />

„ abandonner le fîége: Que, d'aifleurs, on devok cônfîdérer<br />

„ que ce Marquis étok aloçs mieux en état, que Gui, de fou-<br />

„ tenk la Dignité Roïale, 6c de recouvrer ks autres Places du<br />

,, Roïaume, qui étoient au pouvoir des Infidéks; Se qu'enfin^<br />

„ dn pouvoit dire, que Gui avoit entièrement perdu fes droits<br />

„ fur k Couronne, dès que k Reine SYBILE,fa Femme,avoit<br />

„ ceffé de vivre. Ajoutant, de plus, que fon couronnement<br />

,,^avoit même été dédaré nul, dès k vivant de cette Princef»<br />

» fe, puifque tout k monde étoit convaincu, qu'il avoit été<br />

„ fait par prières, par négociations ilUckes, par tromperie,<br />

„ 6c par k mort prématurée du jeune Roi BAUDOUIN, fon<br />

„ Beau Fils. Au lieu que k Princeffe ISABELLE, Femme de<br />

„ CONRAD, n^avoit donné aucun fujet, qui dût l'exclurr© de<br />

„ la focceffion paternefle, qui, après k mort de fa Sœur^ lui<br />

„ appartenoit de droit. "<br />

Le Roi dAngkterre y BAUDOUIN, Comte de Flandres y qui<br />

fut depuis Empereur de Conflantimple ; HENRI , Comte de<br />

Champagne y les Hofpitaliers y les Pifans y 5c divers autres Seigneurs,<br />

prétendoient, ,,que, puffque Gui avoît été reconnu,<br />

3, depuis fi long-tems, par toutes ks Nations, pour vrai. Se<br />

„ légitime Roi de Jérufakm, Se qu'fl avoit jouï paifibkment<br />

„ de ce Titre, Se de cette Dignité, il n'étoit point jufte de<br />

„ Pen piver pendant fa vie; d'autant plus qu'il n'en étoit pas<br />

„ moins digne alors, que dans le tems que la décifion en avoit<br />

„ été faite en fe faveur par tous ks Princes, Se Seigneurs<br />

,5 Croijés. " Les Anglois foûtenoient ce parti avec chaleur,<br />

foit qu'fls cruffent ks droits de Gui mieux fondés, que ceux de<br />

fon Compétiteur; ou qu'ils vouluffânt être d^ua fentiment oppofé<br />

à celui du Roi PHILIPPE, 6C des autres partifens (fc<br />

CONRAD.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

Ce


DE JE'RUSALEM. Liv. VIL CH. II. 347<br />

Ce nouveau démêlé avoit aigri les efprits, Se altéré la paix,<br />

6c l'efpèce d'union, qui avoit régné jufqu'alors entre les Rois<br />

de France y Se dAngkterre; en forte que, fans les bons offices<br />

de quelques Perfonnes impartiales, qui faifent réflexion<br />

fur le fcandale, 6c fur les fàcheufes fiâtes, que pouvok avoir<br />

cette conteftation dangereufe, fl y auroit eu tout à cramdre.<br />

Ils répréfentèrent à ces ^deux Princes le grand préjudke, que k<br />

caufe commune recevroit de leur difcorde, 60 qu'fls auroient<br />

dû fe fervk de leur autorité , pour appaifer une querelle ,<br />

qui détruiroit non feulement la conquête de la Terre-Sainte<br />

y but principal de kur voïage ; mais qui empêdierok<br />

auffi le progrès, que kurs armes vidorieufes auroient pu<br />

faire fur ks Infidèles. Ces exhortations touchèrent enfin<br />

PHILIPPE, Se RICHARD, qui engagèrent CONRAD ktéréentre'<br />

fe contenter de la Vflle , Se du Titre de Prince de Tyr ; Se cïn^d.<br />

Gui de celui de Rjoi de Jérufakmy avec la Vflle de Ptolomaïde.<br />

Pendant que les Chrétiens perdoient ainfî le tems en vaines Article///,<br />

conteftations, SALADIN , qui désefpéroit de pouvoir faire tête à f^Jf jf^ ^*<br />

leur puiffante Armée, s'fl diminuoit encore la fîenne par ks^««'««Î"*<br />

fortes garnifbhs , qui auroient été néceffaires pour garder les tiens ^pû-<br />

Places, qu'fl poffédok en P^/^/w, réfolut de les faire démo-^^^JJg."<br />

lk,afm de fe fervir des Troupes, qu'fl y tenoit ordinairement, tms.<br />

6c empêcher que les Chrétiens ne puffent fe prévaloir de ces mêmes<br />

Places.<br />

Il fit démdîr ks murailks dQCéraféey de Jaffa y de Gaza y<br />

de Porphire, ou Caïphas, 6c ceUes du fameux Château, planté<br />

au pié du Mont de Sinaï y où étoit autre fois fancienne Vflle<br />

d Elans y ou AUa y que les Barbares nommoient Tour; Et<br />

fl ne s'attacha uniquement, qu'à faire réparer, 6eaugmenter<br />

celles de Jérufalem y ci^il fouhaitoit de conferver préférabkment<br />

à toutes ks autres, 6c que les Chrétiens avoient réfolu d'attaquer<br />

k première.<br />

Xx 2 Dans<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


34.8 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Dans le Confeil, qu'ils tinrent à ce fujet, plufîeurs Seigneurs<br />

François y qui fe reffouvenoient des avis de CARACUT , infîftèrent<br />

long-tems, ,,qu'fl étoit plus à propos dépaffer promtement en<br />

„ Egypte y que d ^.tt^quer h Sainte-Cité; Ils alléguoient, qu'fl<br />

„ ne leur feroit pas difficile de faire de grands progrès dans ce<br />

„ Roïaume, qu'ils trouveroient dégarni de gens de guerre, 6c<br />

„ de munitions, dont SALADIN l'avoit épuifé, pendant une fi<br />

„ longue guerre. Ajoutant ^ que, pour conferver k Vifle priur-<br />

„ cipale de fon Empire, ce Prînce Infidèle abandonneroît d'a.-<br />

„ bord cefle de Jérufitkm y qui étoît d'une moindre importance<br />

„ pour lui, 6c qu'fls pourroient alors s'en emparer avec fa-<br />

„ cîlité. "<br />

Quoique ce fentiment fût en effet le plus avantageux, on<br />

fuivit pourtant celui de ceux quî opinèrent ; „ que, foit par<br />

5, devoir, ou pour conferver feur réputation, fl faUoit com-<br />

„ mencer par recouvrer y^nf/4f/(p»r, 5c fes dépendances, puff*<br />

„ que toute fArmée étant ranimée par le recouvrement du<br />

„ Saint*Sépulcre, elle iroit enfuite avec plus de courage atta-<br />

„ quer la Vflk de Damas y après-la prife de kquefle on pour-<br />

„ roit entreprendre k conquête de VEgypte, "<br />

Cependafit, comme ils ne doutoient point, que SALADIN<br />

ne fît tous fes efforts pour s'oppofer à leur deffein, 6e confervsr<br />

la Vifle de Jérufakmy aux environs de laquelle il s'étoit campé<br />

avec toute fon Armée, îls réfolurent, qu'on travaîfleroit en<br />

diligence à rétabUr les fortifications de Jaffa y afin d'avoir plufieurs<br />

paflages libres, du côté de la mer, pour recevoir facflemént<br />

les provifîons néceffaires^<br />

Le Roi dAngkterre, à qui rien ne paroiffoit difficfle, quand<br />

il s'agiffoit de PaccompUffement de fon vœu, 6c qui étoit toujours<br />

prêt à ^'expofer aux pkis. grands dangers, fe chargea gaiement<br />

de la réparation des murailks de Jaffa, Se partit, avec<br />

fes feuls Anglois y pour y faire travaifler. ^ \\fsX pouffer cet ouvrage,<br />

avec tant de dfligence, qu'fl étoit prefque perfedion?<br />

né.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. VII. CH. IL 34.^<br />

né, lorfque SALADIN l'attaqua fubitement avec toutes fes forces.<br />

RICHARD, qui n'étoit pas moins prudent, que courageux:,<br />

reconnoiffant la grande inégaUté des fîenne^ fe retira en fî bon<br />

ordre, que les Infidèles n'oferent pas le pourfuivre ; tant ce<br />

Prince leur étoit devenu rédoutalbk. Auffi leur fit-fl-bii|ntôt<br />

connoître , que ce n'étoit , ni par foibleffe , ni par crainte,<br />

qu'fl les avoit évités ; Car, après avoîr envoïé fa Flotte fe faifir<br />

de la. Vifle de Jaffa y 6c empêcher que SALADIN ne fit détruke<br />

les fortifications qu'fl y avoit faites , fl fe remit en campagne<br />

avec les Hofpitaliers , Se alla , fans balancer, affronter ce Soudany<br />

qu'fl chargea avec tant de réfolution, qu'fl fit plier fes Troupes,<br />

dès le premier choc. Se ks mit en déroute. Sans la rufe,<br />

dont fe feryit ce Prince Infidèky pour arrêter k fureur des^»gloiSy<br />

il n'auroit pu éyiter de devenir leur captif<br />

Pour fe retirer de ce danger évident, il envoïa deux de fes<br />

Amiraux k RICHARD, avec de maginifiques préfens, pour<br />

lui demander la paix à telles couditions qu'il jii^erok à propos.<br />

La nouveauté de cette démarche aïant retenu RICHARD, fl<br />

commanda k fes Troupes de s'arrêter. Par ce mpièn , S A L A-<br />

DiN fe tira d'affaire lui, 6c fon Armée, qu'fl mit en lieu de<br />

fureté.<br />

Le Roi dAngkterre reconnut faddreffe du Soudan , par<br />

le mauvais difcours de fes Amiraux , qui marquoient trop l'impreffempnt<br />

de leur Maître pour la paix, 6c infiftoient, avec trop<br />

d'affedation, fur l'affurance de ne plus troubkr RICHARD dans<br />

fon entreprife de Jaffa^^ Qutré de dépk, fl renvoïa ks Miniftrps<br />

Sarrafins, 6c kur défendit de paroître davantage devant lui,<br />

à moins que ce ne fût pour lui faire une entière jeftitu*<br />

tion du Roïaume de Jérufalem. Il leur .prfjonna même de. dire<br />

«SALADIN, leur Maître, " qufl n'avoît que faire de fon<br />

" cQiffentement, pour faire aciiever les fortifications de Jaffa y<br />

^ Se qu'fl ne devoit fon falut, qu'au fb^tagème, dont U s'étoit<br />

Xx 3 !' fer-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


3J0 H I S T O I RE G E'N E'R A L E<br />

.^' fervi pour lui échaper ; mais qu'fl efpéroit d'avoir bien tôt<br />

" occafîon de fen faire repentir.<br />

Les Ennemis s'étant mis à couvert , RICHARD prit le<br />

parti de retourner â Jaffa, Il fit achever , en diligence,<br />

les ouvrages de cette Place, qui fe trouva en meilleur état,<br />

qu' auparavant. _ Les foins , 6c les peines , qu'il venoit de<br />

prendre pour cette réparation, luî firent.fouhaiter, avec d'autant<br />

plus d'odeur , de conf^ver cette Vifle , que fon port<br />

étoit le plus voifîn de Jérufalem y Sey par confequent, le<br />

plus important pour les Chrétiens. Il y en fit venir un bon<br />

nombre, tant Orientaux y que LatinSy dont fl forma une Colonie.<br />

Il y mit une forte garnifon, 6c pourvut la Place de provifîons.<br />

Jl s'en retourna enfuite à Ptolomaïde , où les Habitans le<br />

reçurent avec tant de plaifîr , 6e de fî grands appkudiffémens,<br />

qu'fls s'écrioient à haute voîx , que le Roi dAngkterre étoit<br />

le feul Prince, qui pouvoit délivrer la Terre - Sainte du joug<br />

des Infidéks, 6c rétablir ks affaires des Chrétiens Latins en<br />

Orient.<br />

Ces louanges furent un écuefl à la vertu du Roi PHILIPPE,<br />

quine put s'empêcher de concevoir de la jaloufîe de la nouveUe<br />

gloire de fon rival. Le cliagrin , qu'il en conçut, fe communiqua<br />

bien-tôt à tous les François y qui, non contens de<br />

fe moquer des acclamations du Peuple , s'efforcoient encore<br />

d'abaiffer , par kurs difcours , les adions de RICHARD, Se<br />

même de le cjflomnier d'une manière très-outrageante.<br />

Les Anglois , de leur côté , ne pouvant fouffrir ces injures<br />

, réa^roûimsnt aux l^rartçois la nonchalance Se k froideur<br />

de levêc Roi , qm paroiffoit (difoient-ils ) n'être venu àla<br />

Guerre famte , quç pour être fpeff^eur des travaux d autrui.<br />

Ces brcmilkries ne tardèrent pas de paffer des Soldats aux<br />

Officiers, de pénétrer jiffqu'aux principaux Seigneurs de l'Armée<br />

, 6c de caufer eafin une rupture ouverte.<br />

En<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. VIL CH. IL 3,-1<br />

En effet , fc parti des uns n'étant pas moins fort , que<br />

celui des autres , 6c fanimofîté augmentant toujours , il<br />

pouvoit , à tout moment, en arriver de grand désordres,<br />

d'autant plus que les deux Rok même en vinrent à de fàcheufes<br />

paroles. PHILIPPE réprochoit à RICHARD, " qu'fl avoit<br />

" trahi la caufe commune, en laiffant échapper SALADIN*,<br />

'** dont les riches préfens , 6c l'aident favoient gagné, 6c<br />

*' l'accufoit de s'*entendre fécrettiment avec ce Barbare ; ^<br />

qiienfin il afpiroit h s'emparer du Roïaume de Jérufekm , comme<br />

il amit fait de celui de Chypre.<br />

RICHARD, de fon côté, accufoit PHILIPPE de Lenteury<br />

Se dlrréfohttien , Se par un fouris malin , il fe moquoit, en<br />

fe prefence, de fon peu de Faleur y Se de fon Igrwrance dans<br />

la guerre. Ce réproche n'étoit pas , à beaucoi^ près , fî offenfent,<br />

que celui que luî avoit fait PHILIPPE; Cependant Rupture<br />

cdui-ci en fiit fî piqué, que fon dépit, joint à k jdaufîe, kfit ^^TL<br />

réfoudre dès lors à s'en retourner en France , afin d'éviter des deux Roisr<br />

déboires, qui lui étoient fi fenfibks , Se ks fiiites funeftes, qui e? BS-^'<br />

en pouvoient naître. '^"^'<br />

Néanmoins , PHILIPPE vouknt faire taire k médifànce, ArtidcTT.<br />

6c empêcher , qu'on ne dît , quil quittolt légèrement la Paleftine<br />

, dédara , '^ que, comme fl avoit reconnu, qu'il ne con-<br />

" venoit point au fervice de la Cbrétkntéy que deux Rois JS«ro-<br />

" péens s'y trouvaffent enfemble , perfoadé qu'un feul condui-<br />

" roit mieux les affaires de la Guerre, 6c les avanceroit toujours<br />

" avec plus de promtitude, 6c de fuccès ; au lieu que la dif-<br />

" férence d'opinion retardoit bien fouvent les entreprifes Se les<br />

" progrès , qu'on pouvoit y faire , il fouhaitoit d'eta partir<br />

" promtement ; d'autant plus que fa fanté fe trouvoit fort al-<br />

" térée. Se ne lui permettoit pas dagk, comme fl k défkoit,<br />

^ pour l'avantage de k Terre - Sainte.<br />

Après avoir fait répandre ces motifs de fon départ, pour y<br />

préparer les esprits, fl fe dédara dans un Confefl général : Affil-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


3Î1 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

fiirant pourtant tous les Princes, 6c Seigneurs de rAffemblée^'<br />

^ que fon intention n'étoit pas d'abandonner la Guerre fainte;<br />

" qu'au contraire , fl défiroit ardemment, d'y contribuer, en<br />

" y laiffant fes meifleures Troupes, bien entretenues , pour la<br />

" continuer ; perfoadé qu'efles y rendroient autant , Se plus<br />

" de fervice , que s'fl y demeuroit en perfoiuie.'<br />

Il prit enfuite fort civilement tSongé du Roi dAngleterrey en<br />

prefence de toute f Affemblée, lui difant, -" qu'fl ne devok<br />

" point s'oppofer à fon dépzrt, dans la crainte, qu'fl ne fe<br />

" prévalût de fon abfence , pour attaquer fes E'tats ; puis qu'fl<br />

" lui promettoit, que , s'il avoit à le faire , ce ne feroît ja-<br />

" mais, que lors qu'il feroit en état de les défendre.<br />

Enfin, malgré les inftantes prières de tous ks Princes Se Sei-<br />

^lue ^^ giiGurs de fArmée , PHILIPPE , après avoir remis au Duc de<br />

France ^ Bourgognè cîuq ccus Chevaux , 6c dix mflle Hommes d'Infan-<br />

Ptoioroai- ^gf^g^ ^yçç. ordre d'obéïr au Roi dAngkterre , qui devok^feul<br />

conduire la Guerre, s'embarqua avec le refte de fes Troupes fur<br />

k Flotte Génoife , qu'fl augmenta de trois Vaiffeaux , 6c aborda<br />

heureufement à Q/?/>, d'où il fe rendit à Rome , pour y vi-<br />

^TàK ^^^^ ^^^ principales Eglifes de cette Métropole du Monde Chrême,<br />

tien y Se recevoir la bénédidion du Pontife. Cétoit CÉLESTIN<br />

III. qui avoit foccédé à CLE'MENT III. Ce Prince fut reçu du St.<br />

Père, avec de grandes démonftraticMis d'honneur , 6e d'eftime;<br />

Se y pour marque, qu'fl avoit accompli fon voeu , 5c qu'fl approuvoit<br />

fon retour , CÉLESTIN donna des palmés au Roi, 6c à<br />

tous les Officiers de fa fuite. Après cette cérémonie , ce Monarque<br />

fe rembarqua , 6c arriva heureufement dans fes Etats<br />

L'exemple . n • i n /<br />

rfe Philip, vers k lin de fannée.<br />

parUn^c* L'efprit de désunion, qui avoît toujours tourmenté les Chefs<br />

rf'Autri- de l'Armée des Croifés , Se qu'auam accommodemfut, ni au-<br />

VénUiens cuue confidération , n'avoifc pu étouffer, fut caufe, que k Duc<br />

nois^*6? ^'-^"^^^^^^ 5 ^Ji confervoit, dans fon coeur , un vif reffentitesvms.<br />

ment de l'affront, qu'fl avoit reçu du Koi dAngkterre y pour<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D t JE'Rrl^S AL EiM. f Jîm VIL CJ8|. ÏL T 3t3r<br />

k gloire du quel il n'étoit pas d^umeur à ^'epaploïer, abandonnE<br />

auffi k Pakfiine, dès qu'fl vît que le fouverain commandement<br />

étoit refté entre fes mains ; 6c qu'fl n'avoit plus le Roi<br />

PHILIPPE, pour contrebalancer fautorité de RICHARD. LesFfottcs<br />

Fénitiennes , Gémifes, S^ Pifanes , fuivirent bientôt fon<br />

eicemple. Le Marquis CONRAD en fit de même, malgré les prétenfions<br />

, qu'fl avoit fur le Rokume de Jérufalem , 6c qui au- "^*<br />

roient dû f engager àr agk avec un peu plus d'ardeur, qu'aucun<br />

autre pour le recouvrer. Il na dqmeura donc au Camp, que le<br />

Roi d Angleterre y TLYeo fes Tr


fïf HISTOI R E G E' N E' R A £ E<br />

Soldats de fArmée, èpuifèrent ks grandes richeffes, qu'fl avoît<br />

portées en Paleftine. Ces reffources lui manquant, il engagea<br />

s.'nede aux Templiers y dont l'Ordre étoit très pécunieux, file de Chyer^gagée<br />

^^5 pour vingt-cinq milk marcs d'argent. • Quelques Auteurs<br />

""iei?'"^ prétendent, qu'il la kur vendit pour ce prix. Ces Chevaliers<br />

pour \ en prirent poffeffion : mais, au Ueu de s'attirer famour des Peuwa^j'flc-<br />

pies, par un gouvernement doux, 6e modéré , tel qu'fl conzev.t.<br />

vient dans un commencement d'acquifîtion , fls les traitèrent<br />

avec tant de violence , qu^ils les obligèrent àfe révolter, 6e à<br />

prendre les armes, pour fecouër un'Jbug , qui leur étoit infuportable<br />

; de forte que la dureté des Maîtres , Se la réfolution.'<br />

des Vaffaux à défendre leur liberté, alluma une Guerre, dontles^<br />

fuites feroient devenues fàcheufes pourles une, 6c pour les autres:<br />

mais les Templiers y qui y perdirent leurs meflleures Troupes,,<br />

fens avoir pu affermir leur domination, désespérant enfin de pouvoir<br />

réduire ces Peuples irrités , prirent k parti de remettre ce<br />

Pays au Prince , qui le ieur avoît cédé. Cette renonciation,,.<br />

Se l'ufage, que RICHARD fit enfuite de ce Roïaume, fait affe%<br />

comprendre, queles Templiers ne l'avoient eu, que-pour gage<br />

de l'argent, qu'ils lui avoient prêté; • ^<br />

Le recouvrement de Jérufalem zmnt toujours été l'objet prlii*'<br />

cipal de la Cfuerre Jainte y 6c le prix quî devoit couronner l'oeumtifica.<br />

vre des Croifés y RICHARD-réfolut d'aUer affiéger h. Sainte-Cité..<br />

tions de ^ Il fe mit en campagne, dés que les fortifkationS'de Ptolomaïde'<br />

derépa. furent achevées;. Ii divife fon Armée-en trois corps, dontfl<br />

'^"' conduifoit l'avant-garde. Le Duc de Bourgogne commd,ndoit<br />

S r<br />

k corps de bataiUe, 5cle-Comte d'^«;^;2^.f l'arrière-garde, toute<br />

compoi&e de Flamans y Hollandois y Danois y Se Frifons, Le.<br />

bagage étoit:renfermé entre l'avant-garde, 6c k corps de ba-:<br />

taille.<br />

Ils marchèrent, dans cet ordi-e, jufqu'au petit Chàtem dAfi<br />

>^ y ^^^^ Pr^s de k Mer , entre J aft a, Se Céfarée. Ils<br />

wèsd'k'i- s'étendirent dans la plaine où étoit autre fois, la ViUe dAnti^<br />

tjirmée" $atridey^ anciennement Arfabazai. SALADIN , qui ks cotoioît:<br />

tout<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM, Lîv.TIL Oi. m. 3^^<br />

toujours de loin, attaqua leur arrière-garde vers fheure du midi, chrétien.<br />

Le Comte dAvènes foutint la première impétuofité de l'Ar- J^^ j^"*<br />

mée ennemie, avec tant de fermeté , que les François eu*<br />

rent le tems de venir à fon fecours. Le Roi dAngkterre<br />

y arriva quelque tems après. La mêlée devint générale, 6c<br />

le combat des plus furieux , 6c des plus fanglans. Les Infidèles<br />

y animés par la prefence de leur Soudan y faffoient des<br />

efforts extraordinaires pour vaincre , 6c pour conferver Jérufalem<br />

y qui étoit la feule Place , qui leur reftoit, 6c de laqueUe<br />

dépendoit la fin , ou k continuation de kur domination<br />

en Paleftine.<br />

L'Armée Chrétienne étoît compoféê de diveriesNations, qui<br />

toutes , rempUes d'une généreufe émulation , combattoient<br />

avec une valeur héroïque ; de forte que la Vidoke fut longtems<br />

difputée; Maîs, enfin, le Roi d! Angleterre y aïant reçu<br />

à f oefl un coup de flèche, 6c joignant alors, à fon coeur<br />

de Lion, la fureur d'un SangUer, lors qu'fl fe fent bleffé, porta<br />

par-tout des coups fi terribles, qu'fl renverfoit tout ce qui fe<br />

trouvoit devant lui ; Mépriknt fa vie , Se oubUant fe qualité<br />

de Roî, fl fe jettoit, en déterminé, dans les plus forts<br />

Efcadrons des Ennemis , où fl faffoit des prodiges étonnans.<br />

Les Anglois, attentifs aux mouvemens de leur Prince, Se<br />

jaloux de fon falut, s'expofoient, à fon exemple, aux plus grands<br />

dangers, Se donnoient , tête baiffée 6c en gens désespérés,<br />

fur les Barbares, Les Ordres Mflitaires, qui étoient accoutumés<br />

à combattre contre les Infidèles, fe tenoient bien ferrés, 6c<br />

• en faffoient une horrible boucherie. Les François , qui ne fe<br />

piquoient pas d'une moindre valeur , que toutes les autres Nations<br />

, combattoient avec tant de fureur , Se de bravoure,<br />

que rien ne pouvoit leur réfifter.<br />

Le vaillant Comte dAvènes , avec fes Bas-Allemands , ne<br />

faifoit pas un moindre carnage des Infidèles. Ce grand Homme<br />

fe fîgnala extrêmement, dans cette mémorable journée. Ce<br />

fut luî, qui fraya le chemin à k Vidoire; car fl avoit non feu-<br />

Yy 2 k-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


3f^ HISTOIRE GTNE'RALE<br />

lement foutenu feul k premier efïbrt des fffidèkSy mais il combatit<br />

encore, durant tout le refte dek bataflk, avec tant de<br />

• fermeté , 6c de conduite , que ce fot lui qui commença à faire<br />

plier, & à mettre en fuite lesBatafllons SmrafinSy qui ki étoknt<br />

naoire expofés. Awttttgê , qui mit bkntôt la couÈifàon parmi<br />

"fe^chré- ^ Ennemis, ï^rayés, enfin -, du terribk maffacre dc kufs<br />

tiens fur compagnon*, ils prkent k foite-, pour tâdier de fe feuver à k<br />

SaïadiQ. fg^^^g. ^Q iji ny|^ ^ qui aprocboit ; de forte que ieur défaite,<br />

augmentant par la terreur, *Jk fot fi extraordinaire, quek<br />

^upetrt demeurèrent fur^k «cliam^ de bataifle ; ée ilii'y eut ck<br />

fàuvé, que ceux qui eurent le bonheur de psôfit^r des îénchrea.<br />

Cette-grande Vidoire fut, tes confiredit, la .pans iigmftl'ée, 5c<br />

la plus doïfipktte , que ks ijbréiim euffent remportée fur ikf<br />

Infidèks. SiiLABiN y ^r^ k ^Iu$ gpande partie ^de fon Armée,<br />

qui étx)it de près de trois cens mflle dSlomane»., fie ceaittut<br />

lui même un'granà'risque, H n'en 40Uta auK ObrétieaSy qukn<br />

Cort petit nofâire dé "ku^s ^;*»o^p^, ''fens aucun Offider de distindio^<br />

; Mais la «pfefte du fetemix Comte id'j^/iïèwj , qui fat<br />

tué, afîigefi eattrèmenterit tout-e HA^mée, 6c diminua confidérablement<br />

k jèie d'un fî grand avantiage.<br />

Article //. L'Affilée Cbréfieme pafl^ k nuit, qui avok terminé k combat<br />

, fur le diamp de%ataflk , -& laardîa k lendemain matin<br />

vers Bethekm. 'À peine y ^ut-^dk^cajffi^ée, quek Roi dAngkterre<br />

fut mformé, de k'Venue dun grand Convoi d'iE^/j^/iP,<br />

'chargé de îMWÎfîons ^po^'S^LAIMN. Ce Prince , toi^CHirs ardent<br />

, Se infatîgàbk, ^^éfîta pas un moment à f afler cliereher.<br />

Il choifît bon nombre-de fes nïeflkures Troupes, piur alkr enlever<br />

ce fecours aux Infidèks, Il marcha pendant la nuit, en<br />

grand fîknee, 6e fe pofta avant^ufement fur fe route. Il<br />

n'attendit pas kng - tems. Les Figyptiens parurent bientôt,<br />

6c fe trouvèrent fî peu en état de réfîftearài cette furprife, que<br />

RfCHARD eut le plaifîr de ks faire tous pifonmeni^ 6c d'emmener<br />

au Camp k grande quantité de Omtmmiy oSs tout ce qu'ii»<br />

te«iduifotent.<br />

: Ce<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ni JE'RUSALEM. Lrr. VH. CH. HI. 3^7<br />

Ce nouveau bonheur pour les Chrétiens y f abbattement, 6c la<br />

confternation des Ii^fidèJeSy depuis leur i^f^xét^e défaite. Se le<br />

peu d'entre eux qui vouluffent fe charger de la défenfe de Jérufakm<br />

y par le fouvenir qu'ils confervoient du kmg &> crud &.ége<br />

de Ptolomàide ; le mfina^ de U. Sainte- Cité , que ks Chrétiens<br />

avoient déjà devant les yeux ; kurs voeux unanimes d'^<br />

«ikr faire Jis fi^ ; ks fortes foflickauions du Pape, qui avoit<br />

mêmj^ envoïé de îgyQffesfeunmes pour payer fArmée , afm que<br />

cette entreprife me lut plus différée: Toutes ces raifons, dis-je,<br />

îjfeff(?ient efpérer, que RICHARD ne manqueroit pas d'aller inveflk<br />

Cependant 0 foit que ce JPrince fe kifllit perfoader par les<br />

Mnmi^y qui chercJioient, dit - on, k détourner ce fiége, de<br />

peur que ks .A^kis nkn euffent k gloire^ pwdantquekur Roi<br />

#v©it é|é comme qhtgéd'cçn ^ndoanerk projet; ouque leRoi<br />

é'Ansletprreexm&ïi^y en effe^ que.f afiprpdsie de fhiver nel'cmpcidiâtdedfespvpirkfi<br />

fecjQurs nécefkkes pour en venùr àbout;^perfua-<br />

4é que JSALADIN mettroit tout enaifage pour k conferver ; ou<br />

qu'enfin Dieu ne voulut pas permettre que ks Chrétiens poffédaffent<br />

encore ce fakit lieu ; loin.de profiter de fes Vidoires,<br />

de l'ardeur des Tioupes, 6c de l'abattement des ennemis, fl<br />

diangea tout-à-coup de fentiment; &, fous Je prétexte ipéckux.,<br />

que la faifon était trop arancée , fl congédia l'Armée;<br />

.^avec fes Seules Troupes, 6c celles du Nord ^ qui, depuis la<br />

mort de kur Génd^l, fuivoient fes enfeignes , fl alla hiverner<br />

k^alone ; le Duc de B(n4rgogne , avec fes François y kTyr;<br />

les Hojpitaliers à Ptolomaïde y Se les Templier s k Gaza. Dc peur<br />

que l'oifîveté du quartier d'hiver n'engpuriïït ks Troupes , le<br />

'JRJOÎ d'^«g-^/^rr/en^pldïa ks fiennes àrdever ksfqntifications<br />

^d^ l'iniportante Vifle dAfcalone. Efles y travafllèrent avec tant<br />

d'affiduité, que cette Pkce ne tarda pas à être,réparée.<br />

A^ f eacempk de Ric^iARn, les Templkrs firent âuffi létabUr<br />

4aifortereffç de Gaza y que SALADIN avoit fek démolir , dans<br />

i'e^âwnce , qu'étant une.desçkfsdu Roïaume, ccfoftc con-<br />

Yy 3 tri-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


3f8 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

tribueroit à avancer k conquête de Jérufalem y Se fervîroit enïuite<br />

à fa confervation ; Mais, par une fataUté impénétrable<br />

aux Htoimes, les peines, les foins, 6c les dépenfes, qu'avoient<br />

coûté k rétabUffement de ces Places, ne furent d'aucune uti­<br />

Uté aux Chrétiens y Se n'affermirent, ni n'augmentèrent en rien,<br />

leur domination en Paleftine.<br />

Pendant que le Roi dAngkterre , Se les Templiersy faifoient<br />

réparer les Places maritimes, les Hofpitaliers étoient occupés<br />

aux Funéraflles d'ERMENORAND D'APS, leur Maitre, 6c à féledion<br />

dun Succeffeur au Magiftère. Ce fut GODEFROI DE<br />

D u I s s o N. Les Génois, Se les PifanSy habitués à Ptolomaîdcy<br />

troubloient toute cette Ville , par îeius querefles particuUères.<br />

Ils s'étoient armés les uns contre les autres. Les Habitans de<br />

Tyr y de leur côté, fe trouvoient dans la confternatîon. Se dans<br />

la douleur , à caufe de la mort funefte du Marquis CONRAD,<br />

Aforura- kur Prîuce. Elle fut, en effet, bien tragique. Il fut al-<br />

Sonrad ^^^^^ 3 eu pkîu jour , par deux inconnus, dans une place puiPrince<br />

de bliquc. Ils f affaflUrcnt, 6c le percèrent de plufîeurs coups de<br />

^^' poignard, avec tant de promtitude , que perfonne ne put empêcher<br />

cet affaffinat ; 5c , quoi qu'on fe faisît d'abord de ces<br />

fcélérats. Se qu'on leur fît fouffrir tous les tourmens, dont on<br />

put s'avifer , fl fut impoffible de leur faire confeffer ce qui les<br />

avoît portés à commettre une adion fî déteftable* Qui plus eft,<br />

fls fouffrirent la mort avec la même conftance , qu'ils avoient<br />

enduré les tourmens de la torture, Se s'y préfentèrent, avec autant<br />

de gaieté, que fî elle eût dû les recompenfer de quelque fak<br />

héroïque. '^<br />

L'accident terrible. Se inopiné , de la mort de ce Seigneur<br />

donna lieu à divers murmures , 6e à des raffonnemens injuftes.<br />

Roi i'An- Les uns en accufoient le Roi dAngkterre. Ils étoient même<br />

fdmnieu- ^^^^ hardîs , pour avancer , qu'il avoit gagné le Fieux de la<br />

fementac^ Montagnc y uou feulcmeut pour le faire affaffmer, mais encore<br />

^pemort" pour CU faire autant au Roi de France, ll faut cependant convenk,<br />

avec ks mefllçurs Hiftoriens contemporauis, 6c dire, à<br />

la<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


SE JE'RUSALEM. LiV.Vn. CIL IIL ^y^<br />

la louange de RICHARD , qu'fl étoit incapable d'une penfée fi<br />

baffe, 6c natureflement trop généreux pour avok recours à une<br />

kcheté, lors qu'il vouloit fe vanger de ceux dont il étoit mécontent.<br />

Il eft vrai, qu'il n'aimoit point PHILIPPE , par raport<br />

à la différence de leurs Jiumeurs 6c de leurs intérêts. Jl n'aimoit<br />

pas non plus CONRAD , parce qu'fl avoit refufé d'époufer<br />

k Princeffe JEANNE , fa Soeur. RICHARD k lui avoît offerte<br />

en mariage , pourvu qu'il quittât k Princeffe ISABELLE , qu'fl<br />

ne pouvoit , difoit - fl , légitimement garder : mais ce Prince<br />

n'auroit jamais penfé à attaquer fun, ni à fe vanger du refos<br />

de fautre , que par une Guerre ouverte , Se non par une trahifon,<br />

indigne non feulement dun aufft grand Prince , mais^<br />

encore du moindre Galant - Homme..<br />

D'autres publièrent , qu' EMFROI DE THORON, après avoir<br />

paru long-tems infenfîbk , Se même indifférent à finfîgneaffront,<br />

que lui avoit fait CONRAD, en lui débauchant laPrin^<br />

ceffe ISABELLE , fa Femme , s'étoit enfin vangé de ce rival, en<br />

féduffant deux vagabonds , pour Paffaffiner. On ne tarda pas<br />

cependant long-tems à reconnoître la fauffeté de ces bruits, :6c;<br />

la caufe de la fin tragique du Marquis* C'étoit véritablement^<br />

le Fieux de la Montagne y qui avoit envoïé deux de fes Sujets k<br />

Tyr y pour le poignarder, non pas^ à la folUcitation du Roi d'.^«gkterrcy<br />

ni d'E.MFROi DE THORON, mais pour fe vanger lui<br />

même de l'injuftice, que le Marquis CONRAD avoit fait à fes Sujets<br />

, aux quels il avoit retenu un Vaiffeau, richement chargé,<br />

qui avoît abordé en cette ViUe , fans qu'fl eût jamak voulu Je^<br />

reftîtuër, ni leur en payer la valeur:<br />

Quoi qu'EsiFROi DE THORON vécût d'une manière fort paî-Article/C»<br />

fîble, 6c qu'fl ne fît pas plus de bruit à la Guerre, que dansks<br />

Vifles , où fl habitoit, fl fut pourtant également afïàffiné<br />

peu de tems après, fans qu'on pût en découvrir le fujet. Par<br />

ces meurtres , k Princeffe ISABELLE demeura Veuve de deux<br />

Maris, dont la fin fut auffi déplorable, l'une, que-fautre. E1k.<br />

avok eu du dernier une Fifle,,nommée MARUB.. ies- droits»<br />

iûi-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


po H l s T o I R E . G E' N^ E'.R A u E<br />

kcontdbibkB de cette jeune Princeffe, fur le Roïaume de^'^rufalem<br />

f ficent, que k Roi dAngleterrey non moins politique<br />

, que guerrier, fongea d'abord.à la marier à quelque Seigneur,<br />

qui dépendît entièrement de lui, in&n de pouvoir dispofer<br />

de la Souveraineté de cet Etat : ce qui lui paroiffoit<br />

d'autant; plus fadle, q^'fl ne doutoit point que Gui DE LUliGi^ASy<br />

k qui le Titre de Roi de Jér-ufakm , Se la poffeffion<br />

de la Vflk de Ptokmaîde^ étoient demeurés , ne lui cédât fes.<br />

droits fur cette Couronne, en échange du Roïaume de Chypr^p<br />

donc fl pouvoit di^ofer;.. les Templiers y aux quels fl l'avoit engagé,<br />

s'en étant démis.<br />

RICHARD ne fè trompa point dans feS coi^edures. U perfuada<br />

facflemént à la Princeffe ISABELLE de contrader une nou-.<br />

vefle AlUance avec HENRI, Comte de^Cbampt^gncy foa Neveu.<br />

Il n'eut pa« plus de peine à obtenir ce qU'fl fouhaitoit de Gui,<br />

Gé Priftcô infortuné étok fi fatigué des conteftations, qui naiffoient<br />

tous ks jours pour k vain Titre d'un Roïaume, enti^ement<br />

détruit, ou poffédé par les Infidèles , qu'fl ne fe fit pas<br />

beaucoup prier, pour lui céddr, tous fes droits, raffons, 6c adkns»<br />

fur k CoMtotme^de Jérufakmy en échange du Roïaume dipG&ypre.<br />

Il fe chargea même d'acquitter les vingt-cinq mflle<br />

mares d'argent, dont RICHARD étoit rédeisrabl^ aux Templiers.<br />

C'eft ainfî , qu'il eut f adreffe d'ac(juérir. k Souveraineté d'un<br />

Pays fî eftimé, Se révéré de toute la République Chrétienne;<br />

Se c'eft k raifon pourquoi fes Sueceffeurs ont, joint à tous kurs<br />

autres Titres celui dé Rois de. Jérufakm , qu'ils ont toujours<br />

porté dépuis.<br />

QUôi que RICHARD, donnât l'mveftkure du Roïaume de Je*<br />

rufalem à ISABELLE, 6C au Comtc de Champagne y fl en exigea<br />

cependant k ferment de fiddité, comme Seignepr Suferain de<br />

ce Roïaume, auffi bien que pour la Principauté do^^Tyr , qu'A<br />

donna en particidier à HENRI , fur le même pié., que k Marquis<br />

CômAD l'avoit piofféâfe^ 6c comme Fief doiaJdelaPriii*<br />

ceffe fon Epoufè,<br />

HI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

D E S<br />

T) E<br />

M<br />

CHYPRE. DE JERUALEM,<br />

D' É G^Y^P T E.<br />

LIVRE VIU.<br />

C tif A PITRE PRE'MIER^<br />

^j^^^^^^^^ ET accord ainfi condu, Cui ne-balança pas Dépmâe<br />

.J^JÎ^^URC^ un moment à quitter mi Pays, où il avok Sî^<br />

r jrtr -srs^ eijy^^ jç H gniids dépkifîrs, 6c dans lequel ^' Wl<br />

il ne prévoîok que trop , qu'fl aurok tou-'êby^c<br />

'«xJtiHciî^^ ^""*^ rciituiiurc aes oDitacies mvmables,<br />

" ^ï^Sîif^^ P°"^ ^^ mamtenir. Il k quitta fens regret,<br />

' ^ & en partit avec joie , pour afler prendre<br />

pcffeifion d'un Etat, à k vérité mokis confidérabk, mais où,<br />

Zz en<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


362 H I S T O I R E G E' N E' RAL E.<br />

en récompenfe ,. fl e^éroit de-jouir avec-tranquilité , non feu*<br />

lement dès plaifîrs , 6c de la douceur de la Souveraineté, mais<br />

encore de tous les autres agrémens de la vie Au lieu que fes<br />

concurrens, pour coriferver: celui qu'fl leur abandbnnoit, étoient<br />

obUgés d'être tous les jour? aux mains avec les Infidèles y Se<br />

presque toujours à k veîUe d'en être entièrement dépomUés.<br />

Le départ du Roi GUI, 6e le nouveau mariage d'IsABELLE avec.<br />

k Comte dé Champagne, qui étoit également aimé des Seigneurs<br />

de VEurope y & du Levant y. aïant terminé tous les dffférends,<br />

qui avoient jusqu'alors troublé l'Armée , ^ k repos"<br />

des Habîtans , rétablirent enfin la tranquiUté des uns Se. des"^<br />

autres ;, de forte, qu'on ne penfe pliis qu'à fake les préparatifs-<br />

^^^.. néceflaires pour fentreprife de Jén^akm: .La befle faffon étant*<br />

^urla'^de retour J k ^:fÀ.dyAn^eHrre p^xjéi M "^éxfii&i: dAscalorie y<br />

jé"5^^/''* pour fe rendre à jB^/fe&w,^où étoit le rendez-vous général. Le^<br />

icm.. pijc de Bourgogne y les T^pUersy Seles HtfpitalierSy lé fuivi-<br />

0i\t peii» ^rès.. • Tbutes ks Àachiiies i 6ë leâ^ munitions, y fi»,<br />

rent contees».'€feg;pré^^ étcrieitt fi confidérés, c^m.<br />

ne doutoit pas, que, malgré la com.môdité, que SALADIN avoiteue^<br />

de renfià*cct fôn Armée*, &^Ck garûflèûv de la^ Vifle, on»<br />

ne k lui enkvât bientôt..;* .. ,. :<br />

Mais^, p^ un'^chaiffeme1?^d^àc^îden^, 5^d^ contrariétés^.<br />

de pouvoîr promtement radtreri 5^^'-Ciî)»r^^ dan^ fon- famt<br />

^ulprei «^anouïtîb avecMpémcf,qu'fls ayoient eue jusqu'alors, ><br />

d'arracher ce vénérable' ^Sandu^rei dès ankiilfi des Infidèks,<br />

Dans l!^ iRonaeEit, que TArméiï CI?pétknne'û\mfe mettreen<br />

U^fcl^, RifiHARD, qui avoit déjk étéJnformé de quStîues troiî-<br />

Wesi^qiui^étQ^^kvé^ en Angleterre, re qjj|ii'mfw»a^ non feiriement à; l'augmentatkn du dé^c^-<br />

4{)s^^s ce R«^^î^^ne>; mak encore le Roi PÎÏILIÎPE,<br />

3ij.ns^.^ont«iMi%^!^K^^ foutenir les mécontens vavmt<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^DE JE'RUSALEM. Lïv. VIII. CH. L 363<br />

.,, auffi pris ks armes, pour entrer da^sk Normandie, 6edans<br />

„ Jes autres Provinces, qu'fl poffédoit en France, Des avis fi<br />

intéfeflàna lui firent fufpendre fon entreprife, 6c tourner tou^<br />

tes fes penfées à £aire un accommodement avec SALADIN, afin 4e<br />

s'en.retourner inceffamment, pour défendre,^ tranquiUfer fes ^'^J'^^*<br />

propres E'tats, dont on vQiiloit k 4épouiJl^, pendant qu'fl tra- Etats de<br />

vailiok au bien commun de k Chr-éiimtè- fmpd^<br />

Son naturel promt, 6çcoJère, ne lui permit pas de diffimu-l"''"^'^-<br />

1er unièùl moment fon dépit , 6e fon_ reflentiinent. il ne fe<br />

contenta pas de fe déehai»^ centre PHILIPPE. Il ^ récria hautement<br />

contre fa conduite , & fa mauvaife foi, dans un Confefl,<br />

qu'fl affembla fur k champ , 6ç où fl déclara fà réfoUition.<br />

Sa paffion fut fi violente, que , fans confîdéi;erk grand préjiidicê,<br />

que les Chrétkns de Pal^ine.klloient recevoir defm départ<br />

précipité, fl voulut, que toute fArmée-fut i^Cotïnée de<br />

f m>ufïîce, que lui faifoit k RQÎ de France y Se de Jia- Efécefljté<br />

qù fl le mettoit d'abandonner k Guerre "&«inte.<br />

La prompte publication de ce çhangpnient ftjt, gKfeflfefe, bien<br />

funefte. Se très - deshonorablç à tous ks Çroife^, La noi^veUe<br />

de la réfolution de ce Prince paffa bientèt au Campée SALADJÎ^<br />

de forte que ce Soudan y qui auroît accepté auparavant teUet<br />

condkions, qu'fl auroit plu à RICHARD de hii iflapofpr-, fefit<br />

alors rechercher, 6c prier. Il objigea les Chrétiens k recevoir dq<br />

lui k loî^, Tant cette nouvelle le rdeva de fabatteajenÇ , qi^e<br />

fes dernières pertes lui avoient caufé. Auffi, les P^fonnes judi^<br />

deufes , Se zélées pour f avantage de k Terre - Saifitç , ne<br />

purent -eUes s'empêcher de blâmer, 6c de cDiidamner la vivacité<br />

6c f emportement du RIDÎ d^ Angleterre, qui, par fe précipitation,<br />

donnoit Ueu aux Ir^dèks de triompher des Chré tiens y ea<br />

les obligeant à détruire eux mêmes ks fortificatioiîs


^6^ H«I ST O I XE G:E'N E'R A L E<br />

1193. faire différer fon départ-^, fut fî Men profiter de l'empreffement^<br />

Traité des- qu'fl témoigna des'accommoder avec lui, qu'il l'obligea à ac-»<br />

^gell%r cepter une Trêve, non moins honteufe pour-lui, que^préjudi»<br />

/«Chré- cîabk aux Chrétiens. En effets parun des Articles du Traité,*<br />

qu'fl fit pour cinq ans , „ RICHARD-s'obligea de faire démolir<br />

J, toutes ksPkces, qu'il avoît fait fortifier, depuis la prife de<br />

,, Ptolomaïde; Et l'on convint, qu'fl ne demeureroit zux Chré-»<br />

„_ tiens aucune autre Ville fortifiée, que cefles d"* Antioche y Tyr y<br />

,, Ptolomaîdey Se jaffa y Se qu'ils feroient obligés de reftituër à^<br />

„. SALADIN toutes celles qu'As avoient prifes depuis trois ans..»<br />

Le Soudan^de fon côté, promit, "dé faire ceffer toute forte<br />

;, d'Iioftflkés , dé ne troubkr, ni inquiéter en aucune manière<br />

„ les Chrétiens y pendant ce terme. Il leur permit mêm^<br />

,v d'aUer-, en-petit nombre y k Jérufakm y pout mfiterAeSainte<br />

„ Sepukrci,, Il s'engagea, de plus, " à donner une groffe fom-^<br />

,> me d'argent au Roi d'^j^/(f/^rr^, pour le dédommager des:<br />

„ grandes dépenfes, qu'il avoit faîtes pour ks fraix dekGtierre^<br />

,i 6c pour les Places qu'il avoit fait-réparer.<br />

Réflexions \- Voflà, à quoi aboutîrentles fuperbes apparefls degiierrèj-qu'a-*<br />

de,rJuteur.<br />

voient fait-les trois plfes puifïans Princes de là Chrétienté, &•<br />

k mouvement de "presque toute VEurope pour les? féconder, Se<br />

pour avoir part à leur feinte 6e'géûéiPéufè entreppîfe, qui, api:ès><br />

tant de dépenfes -, de travaux , 6c ' de mortalité, n'abdutit?. à<br />

rien, 6e-ne fut d'aucun profit à là Chrétienté) : Tous fes proî<br />

grès.fe termmèrent à la feule prife de la ViUe de^PtolomàUe:<br />

T^ fl-eft vrai,que l'efprit de divifion,: joint à f ambition, efl?<br />

Fécueilfûneftè des plus grandes'entreprifes. '<br />

"- Car-fl eft conftant^ que l'ambition^,'6e la'desuniort-des Princes,<br />

6c Seigneurs'Cr(?//^5', qui s'y étàient:;Qn^<br />

d'ardeur'6c de zèle, fut f Unique'caufe dupeude.fift:cès;deleurs<br />

armes ; au lieu que ,• finine feule Puiffaiïce avoit entrepris la<br />

•*- Giiêrrè. contre*les'/«^ii;^


DIS JE'RUSALEM. Liy. VUL GH. I. ^6f<br />

Après la ratification cfe c^ mauvais Traité , RICHARD , qui<br />

ne refpiroit que k moment de s'en retourner enAngktierreyenvoïa<br />

d'abord unPrdat de fafuitéporter fon voeu mSt,Sepulcrei<br />

Cet EcdéfkfUque eut le bonheur d'obtenk," de la génÈérofîté de<br />

SALADIN, la permiffion de kiffer deux Prêtres Latinry 6c deux<br />

Affiftans, pour deffervir ce Ueu fàinty 6c un pareil nombre<br />

k Béthelem y Sek Mizareth^y pour y célébrer le fervice Divinj •<br />

felon leur rite.<br />

L'air de Jsffa étant contraire à k faiîté du Roîd'.^«^/^/^7r^<br />

fl quitta k féjour de cette Vflle , pour fe rendre k Ptolomàide,<br />

U s'y apliqua à préparer fa Flotte , fur laquelle fl fit embarquer,<br />

avec k même empreffemènt, la Reine BE'RANGE^REy<br />

fon Epoufe, avec la Reine JEANNF, fa-Soeur, qu'fl fit partir<br />

avant Iiîi. Il ne fe réferva qu'un feul Vaiffeau ,u fens con-^<br />

fidérer le grand danger, auquel" fl aflok s^xpofer.-^ Ces deux<br />

Princeffes arrivèrent heureufement ' en Angleterre , pendant<br />

que ce Ptince'couroit, en effet, des pcrfls très - grands, 6ci<br />

prouvoit ks plus fâcheux contretems, qui puiffent jamais arri-'<br />

ver à un Souverain.<br />

Car, étant parti lui même ' peu de tems après *; fl leffuïa<br />

une fi horrible tempête , que fon Vaiffeau courut risque y<br />

pendant phifîeurs jourfi , d'être fubmergé. Cette affreufe<br />

bourasque diminua enfin , Se le jetta for les Côtes de k<br />

Dalmatie, Auffi, tout Coeur de Lion c^on le ntyxamoity<br />

6c quelque courageux qfffl fût en effet, il prit'terre , 6P<br />

ne voulut plus fe Bazarder for-ce terribk élément,' bijrk mort,<br />

qu'il avoit vue de fi près, lm avoit fait plus d'horreur,^ que cefle<br />

qu'fl affrontok fî hardiment dans les combats , : les plus cruels,<br />

& les plus fengian* , dans lesquels fl-paroiffoit "k méprifer, •<br />

par ks grandes , 65 Jiéroiques adions^ qu'fl y faifoit tou-'<br />

Jours.<br />

11 prit le parti de continuer fon voïage ptrVAlkmagne^tovitey'<br />

^n'étoit pas moins dangereufe pour lui, que finconftance, 65-<br />

Zz 3 . l'agi- -<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


36i5 H I S T O 1 R :X G E' N E' R A L ^<br />

Tagitation de k .mer. RICHARD iie figaoroit pas. 1\ iàvoît<br />

,bien, qu'il y avoit ^m ce^'^ys-iH dçs Princes,, ^par ks E'tats<br />

des ç^és fl devoit abfolument paffer, qui n^ manqueroient<br />

pasde'le,ehftgnn«r-; mais il fe flattoit, de pouvoir éviter leur<br />

iiirprflè, en prenant un habit de Templier<br />

ijGependant, .après avok/ouffert de grandes ineommoditési<br />

-pîk xaport aux précautions, qu'il étoit obligé dç prendre par^<br />

jtoitt^ù il paffok; foit que ce déguffement ne le changeât'point<br />

arrêté en affct^ OU quc fe mauvçùfe ^oîle y eût par-li, il fut reconnu, en<br />

*"*"'^^^* paflant par un Vfllage, auprès de Fienneypm ks gens, que LE'O-<br />

^fCA^j, €)uc dAutrkhe , fon Ennemi irréconciliable s avoit mis<br />

-en campagne , pour fattrapeiv^ Ils k conduifirent dans cette<br />

Ville, d'où ce .Prince , fiçr de fon bonheur , k fit conduire au<br />

Château de Tit^ftein, Il f yr^int prifonniw, pendant vingt-<br />

,deux mqis; &, fans fe mettre en peine des foflicitations du Pape<br />

CÉLESTIN, ni de celles de fEmpereur, 6e de quelques autres<br />

IPrii^çes (détiensy ni enfin des foudres defî^Ufe, que ce Pon-,<br />

^tife fulmina .contre lui, " pour avoir arrêté un Roi Pèlerin, &<br />

.,, qui même portoit encore la Croix, pour marque qu'fl vçaikit<br />

„ continuer k .'Guerre contre les infidèles ; LE'OPOLD en exigea<br />

une fi groffe rançon, avant de le mettre en liberté , que<br />

quelques-;uns k font monter à deux cens miUe mares d'iu-<br />

^nt<br />

L^ Hiftoriei^ ne s'accordent pas for cet article; Il y en »<br />

qui tîq>portettt, "*' que le Duc d Autriche n'eut pas plutôt fait<br />

„ arrêter RICHARD, qyTil :l'envoïa à fEmpereur HENRI VI. 5c que<br />

„ ce fut ce Monarque,, qui f obUgea à lui payer une fomme fi<br />

.„ confidérable , que ,k Roiaume dAngkterre fe trouvant alors<br />

yy épuifé, p^ les dépenfes exceffives, que ce Roi avoit feites, pour<br />

„ foutenk k jGuerre feinte , il fut obligé de fe fervir des vafes<br />

„ facrés., pour k fournir; Se que tous les ornemens desEglffea<br />

99 «'aw^nt même pas'fiiiE, il'fot contramt de doauôr des ptapf<br />

ges, ^vant que dietre mis en liberté.<br />

L'Em-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DB JE'R;USALEM. LIV. VIII. CH. I: ,. ^6%<br />

L'Empereur cependant, pour couvrir finjuftice , qui lui<br />

avôit fak comïnettre une;violence, fî contraire aux droits Di-'<br />

vins, 6c humains, pubUoit par tout,. " qu^il avoir ufé He cette<br />

yy févérité-envers k^Roi d'.^/^/«rrr,*poiff tker raffon, dece<br />

,, q^'fl avoit fait en Sicile y au pr^udice de fes intérêts. Mauvais<br />

prétexte, puisque ks demies, que RICHARD'-avoit eus contre<br />

TANCRE'DE , n'avoient rien de commun , 6c ne dônnoicntf<br />

aucune atteinte aux prétenfîons de HENRI fur ce Roiaume.<br />

Après dés^traverfes fî chagrinantes, fîloàgUes,'6c fî crueUâs,-<br />

RICHARD arriva enfin dans fes Etats. Son premier fom fut d'fenvoïer<br />

des Ambafladeurs au Pape, ^'pour fe-folUciter à ea^doïer<br />

„^ fon autorité, -afin de lui faire nbn feulement rendre lés otages^<br />

„ qu'on Pavoit»contrakit de laiffer en Allemagne , Se f argenl^<br />

„ qu'on avoit fi injuftement exigé de lui;*niais encore pour lui<br />

„^ faire avoir répaiiatibn de fiiljure atroce , qu'fl atoit reçue de<br />

„ l'Empereur, 5c du Duc d'^/r/^iij^. ^.<br />

Le Saint Péircy qui connoiffoit l'équité dé fes demandés^ s'em*^<br />

ploïa avec beaucoup de chakur , potirlui procurer la réparai<br />

tion, qu'fl prétendoit. H fulimna de nouveau l'Anathême contré<br />

LE'OPOLD , Se enfuite contre fEmpereur même ;, Maîs, quoi-'<br />

que les foudres de f EgUfe fiffent enfin rentrer ce premier dsms<br />

fôn devoir5 6e qu'il reconnût, -par lès funeftes, 6c terribles aûddens,<br />

qui affilèrent fes E'tats 6c^ fa Perfonne ,>ique fe^faute<br />

avoit apéfenti la main de Dieu fur lui, 6c fur fes Sujets, le Roi ^<br />

dkAn^eterre-v^en fut guères mieux dédommagé , ni ktisfait.<br />

LE'QPOLD mourut, dans ces entrefaites, contrk, 6c humâié^<br />

H'avoit ordonné, par fon teftament, qu'on reftituât k RICHARD *<br />

toutes les fommet y qu'il en àvoit exigées injuftement: Mais fes<br />

Sueceffeurs eurent peu d'qgard à f accompfâfement de fa dfctnière<br />

volonté ; Et ce ne fut, qu'après beaucoup de foins, 6c des peines<br />

infinies, que k Pape IÎINOCENT III. qui fuccéda à CÉLESTIN,<br />

mit enfin fes Héritiers à k raifon.--<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


3^8 5 I.S T 01 R E G E' N E'H ALE<br />

Article -Lé Duc de Bourgogne, étant mort à Ptolomaïde , peu après<br />

^^^' le départ du Roi dAvgkterr.ey. les François, 6c tous les autres<br />

^l^ Croifés, qui fe trouvoient encore en Pakftinéy en partirent im-<br />

Bourgo- ihédktement après, laiffaQt,les pauytès Habîtans dans la défola^<br />

>maïde.^ tiou , plûs ioîbks, ,6e en pks mauvais état, qu'ils n'étoient<br />

auparavant. Ceft pourquoi, malgré;l'exaditude , .avec kqueUe<br />

SALADIN feifoit obfèrverik Trêve., kiPatrkrche, les Seigneurs<br />

du Pays^ 6c les Ordres Mflitakes , firent ^de grandes inftances<br />

au Comte de Champagne, afin qu'fl prîtfokmnekmentkTitre,<br />

6c-k Couronne de Jérufalem y,d^ns l'efpérance, que cette haute<br />

Digiiitéle rendroit plus atteijtff, ,& plus attaché aux affaires<br />

dc.l'E'tat. -^Cependant, foit, par l'excrcnie confidération, qu'il<br />

confervoit toujours paur \e Roi i Angleterre , ,fon Qncle, qm<br />

s'étoit. rcfervé ce Titrç; *pu, à caufe du deffein , qu'fl avoit de<br />

retourner ..en .JS«rc>pf f tfiu enfin , par fon inclination natureUe<br />

pour le repos , 6c ppur, les piaifirs , qui ï'occupoient<br />

tout entier , il ne voulu t. point écouter toutes les rémoritrançcs,<br />

qu'on lui fit for ce fujet ; .6c il fut .knppfribk 4c lui<br />

làk^ accepter Ja Roïauté. ; ^<br />

te «<br />

: C H A P Jt TRE IL<br />

.Article L pendant quèce Sejgeur réfîftok fi conftamment à porter le<br />

X JSceptrej ^ la Couronne, 6c qu' à la faveur du repos 6c de<br />

k tranquiUté , .(jue la Trêve avoit procurée aux Chrétiens de<br />

Pakftinéy il neVoccupok qu'aux.divertiffemens du jeu Se de la<br />

.chaffe, .Cui DE .LUZIGNAN, par une conduite toute oppofée,<br />

ti'avafllok y avec autant 4'ardeur , que d'utifité , à gagner les<br />

coeurs de fes nouvaux Sujets, 6c à affurer le Roïaume de Chyprt<br />

Jt'fe Famifle. Ce Prince judideux fe conduifok avec tant de<br />

pni-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D X J E'R US A LE M. Lm VIU. CH. IL i6p^<br />

prudence , 6c de fegeffe, que, malgré les grands obftacles,qu'fl/«/^f^''«<br />

rencontra , en arrivant dans cette Ile , où-tous les Peuples, en--rfi? GU?**^<br />

core rempUs d'indignation contre ks. Templiers , P^^^^-'^J^lg.<br />

foient plus dispofésà fe révoker, ou àl'âbandonner , qu'^à fëimtfnt.<br />

foumettre à la domination d'un Prince Z


Î7Q H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

là, l'opulence aux Habitans ; c'eft pourquoi-, fl fit pubfiç»^<br />

un Edit dans les pays drconvoifîns , tant pour en détache»<br />

ks naturek €/^rit^Jr, qui s'y trouvoienr,- que pour invker-le»<br />

Ëtongers^ qui voudixHentr venk s'établir en Chypre. Aûn de mieux<br />

encourager les uns 6c ks autres,, il accorda à chaque Nation la liberté<br />

de vivre felon fe RéUgion , 6^;- d^oir dès- Eglifes pubUques,<br />

pour y fuivre kurs rites :, Il affura les O&y/riwfr, "que<br />

5, leurs maifons. Se les biens, qu'fls avoient abandonnésfîmaï<br />

„ à propos, kur feroient bien conferves-, ôé tendus, pourvu<br />

„ qu'ils retoumafïent en prendre poffeffion dans un certain:<br />

„, tems, qu'il leur fixa ; après Icqudrfl déckroit, qu'A ea<br />

„ dispofëit)ït en faveur 4esPeuples, qui vîendk)ientihabiter ea<br />

„ Chypre. ^''<br />

Latteaceuri 6c favantage-, que lès C%r/


DE JE'RUSALEM. LIV. VHI. CH. P. 371<br />

^ Roi RICHARD y eût laiffe quelques P«:êfcrés , Se que ies Templiers<br />

y en euffent enfuite amenés de^f^n^/Cz/^, fls n'en avoient<br />

point formé de Ckrgé , 6c fl n'y avoit ni Prdats, ni Evêques.<br />

GUI recommanda à «ces Pafteurs de choifîr parmi )ks Prctres<br />

xeux qu'ils connoîtroient k$ plus dignes , & les.plus capable*<br />

de remplir les «Canonicats ck leur? Cathédmk? , 6c de ..donner<br />

aux autres des Bénéfices dans ks mêçae$.E^fe6, chacun felon<br />

fon mérite. Il accorda de plusà fArchevêque, 6c aux Evêques j^,^.<br />

Latins, non feiflement la pçéémineace fur ksGrfrj, qui avoient "««jca*-<br />

^coujours dirigé ks Habitans , depuis que .fye, ffeléne,^v'ttfzit 'i^R^Sm<br />

"«peupler file ,*mais encore k nadlkure partie 4e kurs reyerai^ tltxmjiir<br />

•ce qui caufe dans J» llike das 4i%utes ^ 6c des troubles infinis lesotu»^<br />

4^titTe ces deux Oergésw<br />

Après avok réglé ks affakes de 4a Religion , ce Prince t«a- Article Jî<br />

^aiUa à former, uu ^uvemcment poUtique bon. ^ 4c folide, qid<br />

^tropêcliât lesdeBoidre6^6c les fiidîons, que la.4ivee$té^des i^tes<br />

auroît pu caufer, 6c qui lui affurât^l^autorit^ 6e k pouvoir qu'ufi<br />

1Sou?erain dok avoir fur fes Sujets. Coftwne les Loi» fond»mentales<br />

du Roïaume de Jérujakm îiû parurent propres à foi^<br />

deffein^ fl affembla tous les nobks Feudatakes, 6e les principaux itoi/im<br />

d'entre la Bourgeoifîe , aux quds. il déckra^ que feu intention 3^^.<br />

étoit de fuivre les mêmes maximes, 6e «de gouverner le Roïaume ^'T^jff<br />

de 'ÛJfpre , comme M avok gouveraé celui de Jérufakm, uumus "<br />

Il donna, en même tems, k GhaigedeCoaaétabkàXonftèrc ''«"'^•<br />

ALME'RIC, qui poâédok aoftl cefle du Roïaume de Jérufalem* li<br />

diftribua les autres iDdgnkés aux prkur^aux.tv^tilsfaommes,<br />

qui favoient accompagiÈ , aux quds il donna ic Tkre de Ba^<br />

rons, 6c dont M forma le Confefl fi^érieurde PE^qju'ii nomma<br />

h Haute-Cour y avec pouvok de conno^re des af&res priacipi^s,<br />

tant pour le Civfl, que pour te Criminel. Il étabUt ua<br />

fecond Confeil, qu'fl nomma la Cour-Inférieure y pour la conduite<br />

de k Police, Se des affakes Civiles. Lc/Qief de ce dernier<br />

Confefl avok k Titre de Fieomte de Xiet^^ tèSiésnct or-<br />

Aaa a dkuMf»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^î?;a^ HISTOIRE G E'N E'R AL E-<br />

dinaire du Roi,, qia s'étoit réferve fautorké foprème fur l!unj»<br />

6c fur Tautre de ces deux Cortfefls* i^^ , >.<br />

On-fit enfuite la ledure des règlemens", fUivant ksqaekvce<br />

Frince vouloit gouverner fes Peupks: Il exigea des deux Cours,<br />

du Qergé, 6t de tous ks Ordres du Roiaume k ferment de ^<br />

délité , èc promit à fes Sujets, que lesvLoix;, qu^l venoit d'établir,<br />

feroient inviolables , Se éternelles , tant pour lui, que<br />

pour fes Sueceffeurs-; 6c.qu'on n'y ferok jamais aucun changement.<br />

'- t - -jt<br />

iMais , comme ces louables commencemens, 6c ces bonne»<br />

inftitutions, ne lui^apportoient points encore ks Revenus né-<br />

JHJ^' ceffakes pour- fe maintenir en Souverain», 6c quUl s'étoit pri^<br />

les Trou- dune groffc partie des Fiefs , pour recompenfer Ja Nobleflfc<br />

'^^" f étrangère, qui s'étoit attachée à lùk,.il fupprima les vîeflkt<br />

Troupes AlbanoifiP y appeUées Stradiots y qui fe trouvoient.d^<br />

puis long-tems ênCi^ey^ dont le fervjce étoit devenu inutile^<br />

par rapoFC k leur- attachement aux plus vils métiers, ou à k culture<br />

des terres^ ^i kur avoientfait entièrement oubUe^k métier<br />

de k guerre.. .;<br />

' U donna enfoite fés foins k la réparation dès Fortereffe» du<br />

Roïaume ; au rétabliffement de la ViUe de Neapoiis. ,>. tant par^<br />

ce que celle d Amathonte y qui en étoit voifîne,. avoit-été^ entièrement<br />

renverfee par fe Roi d'^:^«g'/ïi^m', tes^qu'fl s'empwa<br />

de l'Ile , qu'-à caufe de la bonté' de fa Rade, qui eft très<br />

fore i, 6c très--commode pour l'ancrage des^Navires. Il embellit<br />

cette nouvelk ViUe dedeux Eglifes-Cathédrales^, l'une pourks<br />

Latins y Se l'autre pour XesGrecs ; - de deuxMDouvents de ReUgieux<br />

, d'un bon Château , 6c • de plufîeurs beaux Edffices ; B<br />

k nomma I^4mofie > en mémoire de foirPay^natal, qui portoit<br />

k même Nom. Les Grecs ^ù^j^^xÈ:MémfiiUa neuves 66 ks Euro*-<br />

r^-^ •: ipQcns ±amifi)u^ . . ...:•. \ .•<br />

-•^ Afin déirendre cette Vfllô plus célèbi-e, fl y fit transférer k<br />

&S!^^^t^P^d]Amqfbm^9 6d travaiUer avec la même ardeui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D U JE'R IfS AL-E M, Liv. VIIL CH. H. . J{rr^-,<br />

à k réparation dé f Eglffe de Ste, Sophie y Cathédrak de k Vifle<br />

de Nicofie , dont fl avok privé ks Grecs r^ pour-k donner aux<br />

J^insi II fit auffî achever la fomptueux EgUfe, que ks ChevaUers<br />

du Tempk avoient commencée, en prenant »pofeffion<br />

de nie. Se que kur court féjour ne kur*^ avoit pas permis d'achever.<br />

Afin de perfedionner plus promtement ces deux-fameux<br />

E^ce^ fort voifins fun de f autee, 6c d'un grand ornement<br />

dans la Capitale, fl obUgea les Grecs à y contribuer*; ce<br />

qui porta leur Clergé-à- murmurer de cette nouvefle vexation.<br />

Ils fe plaignirent hautement, '^'de ce que le Roi, non content -<br />

„ de les' avok privés de kurs EgUfes , 6c de leurs Revenus, •<br />

„ vouloit encore les furcharger .par des dépenfes exceffives, qui • '<br />

„ ne ks regardoient point-; Ik revdllèrent enfin l'idée de la tyrannie<br />

des Templiers y & commencèrent a détefberdes. Loix,_;qu'ik<br />

avoient approuvées peu auparavant*.<br />

ci Les mécohtentemens dû Qeigé (?r^r pafïèrent bientôt au ArticieJ/i*<br />

Peuple de cette Nation ,. qui, oubUant d'avoir rendu grâces à<br />

Dieu d'éfire tombé fous la domination d'un fi bon ^Prince , fe*<br />

mutinà:ent, 6c^ne parloient plus, que de fe foutraire à l'obéïf^<br />

fànce, qu'As lui avoientijurée. .Gui, qui n'ignoroitrpoint kur«<br />

murmures, Se leur mauvaffe volonté, mais qui favoit s'accomr<br />

moder parfaitcmenfe au tems , ne jugea point encore à propos<br />

de fe fervir de la force, pour les fake'rentrer .dans kur devoir; ^<br />

perfuadé, qu'fl fe préfenteroit Kentôt^qudque ofecafîon dekst,-^*foi<br />

réduire , fans s'expofer audaogereux'événement d'une révolte, ^*î^^**'*<br />

fur tout dans un commencement de> règne.. tvrtf.<br />

Leur ândociUté ne fempêcha pourtant pas de continuer, avec<br />

fuccès, toutes fes entreprffesi: Sa-prudence , 6c fa douceur,<br />

lui ikent même obtenir tout ce qu'flénavoit défîré ; de forte qu'il<br />

eut la fetisfadion de furmonter des difficultés , qui auroient<br />

paru fort pénibles 6c dc longue durée à d'autres ;- & enfin , il<br />

-tut ceUe de fe voir affermi fur le Trône, & de n'avoir pks aMcun<br />

concurrent àrédouter; mais ,^ coinme kpio^éritérdcs Hommes<br />

Aaa 3. isxcitc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


374 HIST O I R E G E' N E' R A L E -<br />

excke toujours de la jalouÇe , fonpropre Frère fut Je premier,<br />

qui comnicmjà à troubkr ion bonheur.<br />

> LOREDAN , qui a écrit il'Hiftoire particulière des Rois LU­<br />

ZIGNAN, raporte, " gUe GEOFFROI DE LUZIGNAN, Frère de<br />

„ Gm, par un efprit de chagrin , Ôc d'envie, de voîr fon<br />

^ Cadet porter une Couronne * fensxonfîdéper, que c^étoitk<br />

^, plus grand honneur ^ que pouvoit acquérir fe Famille, met-<br />

^ toit tout en ufàge , pour entretenk ies Cbypriotstdsins kur<br />

.„ efprit de cébeflion ; qu'id kur &ifoit entendre , que leurs<br />

^-pkkites contre Gui étoient d'autant plus juftes, que foa<br />

,„ pouvoir alloit devenir abfbhi 6c despotique; 6c qu'il.les-trai-<br />

,,^ tok d^à plutôt cn Efekves, ^u'en' Si^ets libres; Ce même<br />

rAutettr ajaute, " que Gm ne tarda pas à reconnokre k mau-<br />

,„ vais .coeur de fon Frère ; Se que , pour ©rapcdiier'feffet. de<br />

.„ fes mauvak offices, fliluixéda fes droits, 6c fès prétenfi^<br />

^ fur k Comté dé Jjtzignany & fur fès autres Fiefs , pour le<br />

^ faire promtement retourner en i?]r^we:.<br />

Mais, ie Pèi«ç LUZIGNA^J, qui a auffi écrit PHiftoire de<br />

iChfpre^ Se tous les autres Auteur», qui traitent, des Crd-<br />

^kààs , î& des ^Guerres tde Fakfiine ^ difent au contraire,<br />

„• que ^ÈOF]^oi étoit aflé , avec fes propres Troupes, fecou-<br />

^ rk, .^ ddivref ^ui., fon Frère , alors Roi de Jérujalemy<br />

j^«»i«iw ^5 ^w SALADIN avok fak prifonnier avec ALME'RIC, foa<br />

lleiirf^r. ^" *^^ Frère.; .^ju'il avoit fait plufîeurs befleis adions, pentàgés.<br />

^ éint le %^ Àe Ptolomaïde ; Se qu'fl s'ent retourna, avec<br />

LoreL «les ai^res SeigUeurs Croifés, après k prife de cette Place;<br />

.mifv^i. De forte, que LoitBDAi«r s'eft trompé , doutant plus, " que<br />

„' GEOFFROY .étok «n poffeflipn des Terres 6G Fiefs de fa<br />

^, Maifon ; qu'fl armoit , & entretenok des Troupes à fe«<br />

^, propres dépens ; qU^fl; s?en étok fervi pour aider fes Frè-<br />

^ res ; 6c qu'fl n^avok^ par conféquîent , pas befoin de la<br />

4i, cefSon de Gui, pour pofféder ce quihii appartenoit, ni au-<br />

^ cune occafion de ^herchw k lui fake de la peine.<br />

"'^^ CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm Vm. CH. ni. jjrji<br />

G a A p X 'T R i^ IIE<br />

Voilà ksprogièsj (Çie Girr avok &k'sng-tems<br />

de grandr démêlés' y 6^ même de petites guerres<br />

avec les Princes d^Arménie fes voifîns, dont li grandeur lui<br />

donnoit de k jak)ufîe, coujours nemplî d'ambition , 6c.déppurvu<br />

de Forces fiiffifantes pour ks foutenk ,t^eutrecpurs à k; riïfe,,-^'t«M<br />

Se pritfî bien fes'mefures, qu'fl fe faifk d?un de ces St^i^eurs, SiS^<br />

nommé RUPIN DE LA MONTAGNE. Il fit n^en» ipn ^'^'^^MZ^I^phitôt<br />

par trahifon, que par fhae^gême. • ^<br />

LJVGN^, Frère de RUPIN, prît alors k^confdùitî^ dô tou»<br />

kurs EtatSi. Irritéde la fkpercherie de Bof^iONii', npn moki^<br />

que de la mort dé RUPIN, qui arriva quelle tems après la^<br />

prifon, il leva dès Troupes en dilijgenQe, Se entra dans la-<br />

Brincipaitté d'-.ife/«?riv, où> fl fit de terribles ravages; H fe^<br />

rendit maître de phifîeurs Villes, 6c eut k>bonhçur de s'emparet-de<br />

la propre Perfonne du Prince ,-qu'fl conduifît, à fon<br />

tour , prifonnier^ en^ Arménk,- Les j&^^^^iri auroient pu tket<br />

de grandi avantages de cette nouvelk dffcorde v ^ aifoi^'<br />

bliffoit encore ks iorcesChréti^nes, lesquelles n'étoient déjà que<br />

èfop épuiféèa pour pouvoir leur réfîfter, fi la Providence ne<br />

ks eût affifté dans cette occafîon , 6è donné tant^d'o^tipa-t<br />

^tfons aux Barbares y


1^6 H-I S T O I -R E .G F^E' R ALE<br />

•s<br />

^«rtfu ,.Le .grand SALADIN, qui n'auroit pas manqué de s'en pré^<br />

faX i*' vâlôk , étoit tombé makde, 'Se mort à Damas. Le partage<br />

Pâmas, ^^y^ £^ j^ ç^^ Ç^^^g à neuf Enfans, qu'il Jaiffa, fans avoir<br />

fait aucune mention de -SATFADIN ,î fon ^rère , qui favoit<br />

toujours fidèlement fervi ; • foit que la violence de fon mal<br />

ne lui eût pas permis de s'en fouvenk;, ou qu'il ne voulût<br />

point diminuer l'héritage de fes propres Enfans ; fit concevoir<br />

à SAFFADIN un fi grand ^dépit de fou ingratitude., qu'il<br />

réfolut de s?en vanger for fes Neveux :; ce qui ne lui fut<br />

pas difficile, i ,- c ,<br />

SafFadin L'aîné, k qui VEgypte étoit tombée en partage., mourut<br />

s'empare d^uue-chute dc dicval. SAFFADIN, aimé ,. 6c favorifé des<br />

me d'E- Troupes , qu'fl avok commandées en tant d'occafipivs, s'em-<br />

W^- para d'abord de ce ^^beau Roïaume , 6c enfuite des Provinces<br />

, que'poffédoient fes autres Neveux en Syrie, Il les £t<br />

y ' même tous mourk ^ pour n'en avoir plus rien à craindise.<br />

SATFADIN , ^ou NORADIN , Soudan d'^/fp, fut le, feul des En-i.<br />

^fans de SALADIN , qui échapât àJafureurde fon Onck Ses<br />

Sujets lui furent affez fidèles, pour le défendre .contre fon periBcuteur',<br />

6e itti ikent éviter les rufes , qu'fl mettoit en ufage<br />

pour -k forprendre-; Tant la mémoire du fameux SAJUADIN, f^fl<br />

Père, leur étoit çhèrç-<br />

Ce Soudan , qu'on peut dke , à fuftè titre., avok.été le<br />

plus glorieux , le plus vafllant, 6c,le plus généreux Prince de<br />

fe croïance , 'fit bien voir, par la dernière adion de fa vie, que,<br />

s'fliles avoit: tous fuipafÊs en bonheur , Se en courage, fl les<br />

furpaffoit encore en modération, 6c en prudence ; car , fentant<br />

approcherJ'heure de fa mort, U fit venir, en fa prefence»<br />

ceki qui portoit fon grand étCQ^art dans les bataflles, 6c ki<br />

ordonna d'attacher tune de fes chemifes au bout d'un lance , ^<br />

de la porter devant la bipre , en forme de Trophée 5 afin<br />

.quechacun confidérât, que , " s'fl avoît triompi^^pendant fa<br />

V W ) .de tant de Peuples, la mort triomphoit de lui, comme<br />

n du<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


l JE'RUSALEM. Lïv. VIII. CH. IÎI. ^y^<br />

du dernier des Hommes. Il commanda de plus à ce Héraut<br />

de crier à haute voix , en expofent cette chemife ; Foila tout<br />

ce que le grand SALADIN , vainqueur de /'Afie, g^ Souverain de<br />

tout l'Empire ^Orient, emporte de tous fes tréfors , gjp de toutes<br />

fes fameufès conquêtes. Belle leÇon fur la fragiUté des grandeurs<br />

humaines, Se reflexion digne d'un auffi fameux Conquérant!<br />

Spedacle, qui devroit apprendre à tous les Grands, que,<br />

fi la fortune ks élève en ce monde au-deffus des autres Hommes,<br />

fls doivent en même tems fe reffouvenir , que la mort ne met- "W*<br />

tra un jour aucune différence entre eux, 6c les plus miférables.<br />

Les grandes révolutions, que cauferent la mort dc SALADIN, 6c Article TI.<br />

ks guerres civiles, qui s'élevèrent d'abord parmi les InfidékSy dont j^^^r-^^^<br />

les uns favorifoient SAFFADIN , fon Frère, Se les autres No-'desPrjncee<br />

RADIN, fon Fils, auroient été fune des plus favorables conjonc-fi^^""g^<br />

tures, que les Chrétiens euffent pu défirer pour le recouvrement & «^'.Ardu<br />

Roïaume de Jérufalem , fi kur propre désunion ne les eût termnét.<br />

empêchés d'en profker. Ce n'eft pas que, pour commencer à<br />

les réunir, le Comte de Champefgncy 6eles autres Seigneurs de<br />

la Terre-fainte ne s'emploïafferit, avec chaleur, à accommoder<br />

les différends , qui régnoient entre les Princes d Antioche y Se<br />

^Arménie, Ds terminèrent même leur quereUe par. un Traité,<br />

qui fut enfoite confirmé, en prefence du Grand-Chancelier dc<br />

l'Empke d^Occident y lors qu'il paffa en Paleftine , pour donner<br />

la Couronne â^ Arménie au Prince LIVON. Par ce Traité^<br />

fls convinrent, " que la Principauté d''Antioche relèveroit à f a-<br />

„ venir de la Couronne d*Arménie ; que k Fils aine de BoE-<br />

3, MOND époufenoit la Fille de RUPIN DE LA MONI^AGNE , 6c<br />

„ que le premier Enfant mâle , qui naîtroit de leur mariage^<br />

„ feroit d'abord reconnu Prince dAntioche. Conditions, que<br />

BoEMOND accepta aveuglément , pour recouvrer k liberté,<br />

qu'fl ne pouvoit obtenk autrement.<br />

Bbb Mak<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


378 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Mais cet accommodement ne fuffifoit point encore, pour<br />

mettre les Chrétiens en état de rompre la Trêve. Ils jugèrent<br />

à propos d'écrire aux Princes d Europe y pour les informer de la<br />

mort de SALADIN , 6C de f acharnement de fes Sueceffeurs à<br />

s'entre-détruire eux-mêmes? 6cpour leur demander les Secours<br />

néceffaires pour recouvrer les Saints Ueux.<br />

. CÉLESTIN III. qui occupoit alors la chaire de St, Pterrey quoi<br />

que dans un âge fort avancé , n'aprit pas plutôt ces grands chan*<br />

gemens, qu'fl s'emploïa avec autant d'ardeur, que fes Prédé*^.'<br />

ceffeurs favoient fait, pour engager ks Puiffances Chrétiennes^<br />

à unir , encore une fois , leurs forces , pour déUvrer le St, Sé^<br />

p«^r^. Ce Pontife envoïa d'abord fes Légats aux Rois de 2^r/zw^<br />

6c dAngkterre, pour ménager un accommodement, ou du<br />

moins une fofpenfîon d'Armes, entre ces deux Monarques, qui<br />

fe faifoient une crutilk guerre. ^<br />

Il écrivît, en même tems, aux Archevêques 6c Evêques de<br />

ces deux Roïaumes, pour les exciter à faire prêcher la Croifade<br />

dans leurs dîoeèfes; mais, quelques fortes que fuffent ks remontrances<br />

du St, Père, elles ne purent porter ni PHILIPPE , ni<br />

RICHARD , à aucune fufpenfion d'Armes ; tant ces deux grands<br />

Princes étoient animés l'un contre l'autre. Ils étoient d'aiUeurs<br />

affez peu fatisfaits de leur voïage d'outremer , pour ne jamais<br />

penfer à en entreprendre un fecond , non plus qu'à terminer<br />

kurs différends, que par la voie des armes; de forte que ks ex-<br />

Croifade fiortatious de CELESTIN furent également inutiles, pour kur<br />

%nsfuccès. faite détacher une partie de kurs forces, 6c ks envoïer en Pa»<br />

kftine.<br />

Cependant, comme fl défiroit extraordinairement, que kf<br />

Chrétiens profitaffent de la désunion des Infidèks pour recouvrez<br />

la Terre - fainte y fl ne fe dégoûta point du peu du fuccès dea<br />

foUidtations de fes Légats auprès des Rois de FrancCy Se dJn^<br />

gkterre. Ik s'adrefïa à l'Empereur HENRI VL 6c fl fe flattoit,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i JE'RUSALEM. Lnr. VnL CH. Ht 3^9<br />

•<br />

qu'il feroit bien aife de profiter de cette occafion , pour fe raccommoder<br />

avec le St. Siège, 11 lui envoïa un Légat ; 6c, fana<br />

pàri'er de f Anathême , qu'fl avoit prononcé contre lui, à caufe<br />

de la détention du Roi dAngkterre; ni de l'interdit, qu'il avoit<br />

mis fur fes Etats, fl f exhorta à fuivre l'exemple de FRE'DE'RIC,<br />

fon Père , pour arracher des mains des Infidèks le Roïaume de<br />

Jérufalem , 6c k St. Sépulcre , dont le recouvrement étoit devenu<br />

beaucoup plus facile , qu'il ne fétoit alors ; tant par k<br />

mort du redoutable SALADIN, que par raport à la dffcorde, qui<br />

regnoit entre fes Sueceffeurs.<br />

Le Pontife eut bientôt la confolation d'apprendre , que fon<br />

Légat avoit été accueflli très - gracieufement par fEmpereur, 6c<br />

que ce Monarque luî avoît promis d'emploîer toutes fes Force$<br />

pour une fî feinte entreprife. En effet, foit qu'il fût touché du<br />

zèle du St, Père pour la gloire de Jefus-Chrift y ou qu'fl vour<br />

lût le fatisfaire dans cette occafîon, ou qu'enfin la guerre fainte<br />

lui fervît de prétexte pour fake un grand armement, 6c s'en fervir<br />

en Italie y où fl en avoit encore befoin, fl reçut très^ dévotement<br />

la Croix des mains du Légat. Plufkurs Princes, 6c<br />

Seigneurs dAlkmagncy fuivirent fon exemple, 6c travafllèrent ^jf??'*<br />

tous, avec tant de dfligence, à unir leurs Forces, que HENRI ne magne au<br />

tarda pas à avoir fur pié une Armée formidable, Se bien munieft^r^<br />

de toutes fortes de provifîons. Toutes les Provinces, 6e Vflles Sainte,<br />

particulières de VAllemagne, avoient krgement contribué à une<br />

«ntreprife fî -glorieufe à kur Nation.<br />

Les affaires domeftiques de l'Empereur, Se peut - être k crainte<br />

d'effuiër des malheurs femblables à ceux qui étoient arrivés à<br />

FRE'DE'RIC fon Père , 6c au Duc de Suabe , fon Frère, l'engagèrent<br />

à fe di^enfer du jvoïagc Je Pakftme. Il donna k<br />

fouverain commandemwit de cette grande Armée à HENRI,<br />

Duc de Saxe , auquel fl joignit f Archevêque de Maience , 6c<br />

le Duc de Brétbanty pour ConfeiUers : HERMAN, Landgrave<br />

de Tfmringe; H-ENRÎ, Comtc Palatin du lUfin; Se FRÉDÉRIC:,<br />

Bbb 2 Duc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


58o H I S T O I R E G E' N E' R AL E<br />

Duc dAutriche , pour Lieutenans - Généraux. Ils étoient àc^<br />

compagnes de quantité d'autres Seigneurs Allemands y tantEc*<br />

cléfiaftiques, que Séculiers. Ils prirent leur route par la Hon^<br />

grie y Se par ks autres Provinces Limitrophes, jufqu' à Con^<br />

Jtdfffinopk.<br />

xrtkieUL Pendant que cette multitude de Croifés mârchoient vers la<br />

Terre-fainte, Gui DE LUZIGNAN éprouva en Chypre, qu'il<br />

manque toujours quelque cjiolè aux profpérités, 6c à la fatisfaction<br />

des Hommes.^ Après les grands foins, que ce bon Prince<br />

s'étoit donné, pour étabUr un gouvernement jufte , Se durable^<br />

Monde pour embeUir cette Ile, Se k rendre floriffante, k mort k fur»^<br />

Luzigpin. prit , dans le tems qu'fl commençoit à récueiflir le fruit de fes<br />

travaux. Il n'eut pas même le plaifîr de voir achever les Edi»<br />

fices, qu'fl faifoit conftruire à Limifol y malgré f affiduité, avec<br />

kqueUe fl y faifoit travailler, pour laiffer à la poftérité'un monument<br />

achevé , Se digne de fa magnificence. Il mourut à l'âge<br />

de 6S' ans, pendant que la force de fon tempénmKfnt<br />

paroiffoit lui promettre une plus longue vie.<br />

Son corps fut inhumé dans l'EgUfe des Templiers y qu'il avoit<br />

fait'achever : Cette cérémonie fe fit avec autant de pompe,<br />

qu'un E'tat naiffent, comme k fien , pouvoit k permettre;<br />

mais on y vit éclater une véritable douleur, 6c des fincères regrets,<br />

de k part dc tous fes Sujets , qui commcnçoknt effeéfivement<br />

à reconnoitre , qu'fl leur auroit bientôt procuré l'opUknce<br />

6c la tranquflité, foit par fa bonté patemdk, foit par fon<br />

affiduité à chercher les moïens de ks rendre heureux.<br />

Sen ùoge, Ceft CC qu'ou ne feuroit s'empêcher de croire , fî on confîdéré<br />

ks avantageux étabUffemens, qu'fl avoit faits en fî peu de<br />

tems: Les bons ordres, qu'fl avoit mis dans le gouvernement,<br />

tant pour le fpirituei, que pour le temporel : Le foin, qu'il<br />

avoit pris de former des Tribunaux, où les Magiftrata étoient<br />

obligés de rendre une exade6cpromte Juftice, a&i d'éviter les<br />

longues procédures, qui caufent bien fouvent ia rukie àes f^<br />

^miUes;<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. VIII. CH. III. 38»<br />

milles : Sa bonté, 6c la générofité , avec kquelle il avoît diminué<br />

fon domaine , pour recompenfer ceux qui favoient fuivi,<br />

6c pour établir honorablement les Veuves, 6c les Fflles de tant de<br />

Perfonnes de diftindion , qui avoiçnt péri dans k guerre de<br />

Paleftine : La fondation d'une Ville, l'embelUffement des autres,<br />

la réparation , Se f augmentation des Fortereffes : Les préro^<br />

gatives, Se les immunités, qu'fl avoit accordées aux Négocians<br />

du pays. Se aux Etrangers; perfuadé que le Commerce étoit le plus<br />

excellent de tous ks moïens de faire fleurir fon Roïaume : La<br />

création d'un Ordre de Chevalerie, nommé de VEpée y dont k<br />

colier étoit compofe de lacs d'amour , formés d'un Cordon de<br />

foie blanche , au bout duquel pcndpit une ovale , avec f empreinte<br />

d'une épée , émaiflée d'argent, la garde croifetée 6c<br />

fleurdeUfée d'or , avec ces Lettres, S. R. qui fîgnifioient<br />

Securitas Regni, pour dffunguer les anciennes Famflles du pays,<br />

6c les véritables Gentflshommes Etrangers, venus avec le Roi,<br />

d'avec ceux qu'fl avoit nouveflement ennoblis. Le prémier,qui fut<br />

invcfti de cet Ordre, fut ALME'RIC DE LUZIGNAN, Frère<br />

du Roi, Connétable du Roïaume , 6c après lui 300. Gentilshommes<br />

, dont la plupart étoient des meilleures Maffons de<br />

France. La cérémonie de leur inftallation fe fit, avec beaucoup<br />

de magnificence , k jour de VAfcenfion de fannée i ipjf.<br />

dans l'EgUfe de Ste, SopbiCy Cathédrale de Nicofie, Si on confîdéré<br />

toutes ces chofes , auffi bien que la conduite fage , prudente<br />

, 6c modérée, avec laquelle il fut fî fadkment domter<br />

ces peuples mutins , 6c révoltés , qui avoient même forcé lea<br />

Templkrs, tout puiffans qu'ils étoient, à fe défîfter de kur entreprffe<br />

, 6c qui étoièht fî fatigués des oppreffions de ceux qui<br />

ks avoient gouvernés auparavant, qu'il ne fàlkit rien moins que la<br />

bonne conduite, 6c f affabiUté du Roi Gui, pour ks réduke, on ne<br />

fauroit s'empêcher de mettre Gui au rang des plus grandsPrinces.<br />

*' Ainfî, après avok parcouru un Règne fî judicieox , 6c fi<br />

équitabk 9 il eft fuprenant, que divers Eaivains rendent fi peu<br />

Bbb 3 de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


%ii H I s T O I R E G E' N E' R A L E<br />

de juftice au mérite 6c à la mémoire de ce grand Prince ; puisque<br />

, fî on peut lui attribuer quelques fautes dans les première»<br />

années qu'il régna à Jérufalem , on doit, en même tems, reiuai'quer<br />

, que la quantité de jàlOux, que fa haute Dignité, 6c<br />

fe fortuiie lui avoît attirés, augmentoient toujours le bruit de<br />

fes fautes; Qu'ils faifoient même fouvent échouer fes meiUeurs<br />

projets ; Se qu'fls lui faifoient enfin un crime des fautes les plus<br />

légères,<br />

C'eft pourquoi auffi G u i L L A u »i E D E TYR, que ces Auteurs<br />

paroiffent avoir fuivi, quoi que d'aflleurs exad , aurok<br />

dû leur être un pe# fosped fur ce point. Ce Prélat ne fut jamais<br />

des Amis de Gui. Il avoit, au contraire, toujours<br />

cherché à le deffervir auprès du Roi BAUDOUIN, k Lépreux ; 6c<br />

même fl a affedé de ne faire aucune mention de lui dans fon<br />

Hiftoire de k Guerre fainte, que lors qu'fl n'étoit encore que Comte,<br />

de JaffaySedAfcahne y quoi qu'fl l'ait encore continuée trois<br />

ans, après fon avènement à la Couronne de Jérufalem, Ces Ecrivains<br />

auroient peut-être évité de fuivre un Auteur pafftonné,<br />

s'ils euffent confulté JAQIJES DE VITRIAC ^ Se PIERRE DE LA<br />

PALU , Ecrivains' contemporains du même Archevêque de T^r,<br />

ksquels ont rendu plus de juftice aux bonnes quaUtés, 6c aux<br />

mérites de ce Prmce, en raportant, fans paffion, tout ce qui<br />

fe paffa en ce tems-là,<br />

Ilfaut d'ailleurs convenir, que le bel étabUffenient, quele<br />

Roi GUI avoît fait en Chypre , réparoit affez le peu de conduite<br />

, que les mal-intentionnés lui'reprochent d'avoir eu en Pa^<br />

hfiine y pour mérker quelque confidération ; 6c qu' enfin, après<br />

avoîr tout bien examiné, il fe trouve affurément beaucoup plus<br />

Ae bon , que de mauvais , dans fon Régné , qui fut d'environ<br />

douze ans ; fevoir trois à Jérufakm ; fix, après k perte de k<br />

Sainte Cité y entre Tyr» 6c Ptolomàide ; 6è près de trois, en<br />

Gbfke<br />

CHAT<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'R US ALE M. LiV. VIII. Cft. IV. 383<br />

C H A P I T R E IV,<br />

ALME'RIC, fon Frère, 6c Connétable du Roïaume, lui fuc-Article 1.<br />

céda , ainfi qu'fl favoit ordonné par fon Teftament. Il FrS^'dk'<br />

reçut d'abord k ferment de fidéUté de tous les Ordres du Roî- gj;>'^<br />

aume, aux quels fl promit, en même tems, "d'obferver religieu-<br />

„ fement les Loix fondamentales , felon que k feu Roi, fon<br />

„ Frère , les avoit étabUes.<br />

Quoique le Roi dAngkterre y Se après luî, k Roi Gui euP»<br />

fent fun, 6c fautre, fokmnelkment pris la Couronne deCi^y^*,<br />

A L M E'R I c eut cependant la foibleffe de ne pas fuivre un fi bel<br />

exempk. Il fe contenta de prendre le Titre de Seigneur de<br />

cette Ile. Il y a apparence, que k peu de Revenu , qu'il<br />

trouva attaché à k Roïauté, f empêcha de prendre une Dignité<br />

, qu'il ne fe croïoit point en état de pouvoir foutenk , avec<br />

f éclat convenable.<br />

Auffi, le Père LUZIGNAN remarque, "qu'après fon avènement,<br />

„ fl fit d'abord affembler ks Etats du Roïaume , pour leur re-<br />

„ préfenter la modidté de fes Revenus , caufée par les gran-<br />

„ des donations, que le feu Roi, fon Frère , avoit faites des<br />

„ meifleurs Fiefs de la Couronne ; 6c k peu d'honneur, qu'fl y<br />

„ auroit pour eux, d'avoir un Souverain plus pauvre , que fes-<br />

,j propres Sujets : Situation, qui k feroit, avec raifon, mépri-<br />

„ fer par les Etrangers , 6c qui le mettroit hors d'état de dé-<br />

„ fendre le Pays contre les attentats des Infidèles y Se des Cor*<br />

„ faires, s'ils entreprenoient de troubler fon repos ; Qu'fl reyy<br />

mettoit, à kur prudence , 6c à leur affedion, de remédier<br />

„ à des inconveniens fi dangereux , 6c fî préjudickbks à kur<br />

„ fureté commime.<br />

La<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


iH HISTOIRE GE'NE'RALË ^<br />

lîçç. • La Nobleffe , Se les Peupks furent fî touchés , 6c en même<br />

tems fî charmés de voir leur nouveau Souverain fî bien imiter<br />

k douceur , 6c k modération du feu Roi, fon Frère , qu'ils<br />

augmentèrent fur le champ fes Revenus des trois cens mifle Be-<br />

Augmen- Zans annuels ; Se le fupUèrent ; " de vouloir fe contenter de<br />

iRnmi" " ^^^^^ fomme , en attendant que le Pays fe fut un peu mieux<br />

mmueif. „ remis des pertes, que les Anglois y Scies TemplierSy y avoient<br />

„ caufées, pendant trois ans entiers.<br />

" ALME'RIC, à quila mémoire du feu Roi, fon Frère, étok<br />

trés-chère , fatisfàit de ce fecours, 6c de k bonne volonté de<br />

fes Sujets, s'attacha à faire perfeétionncr la Ville de Umifol, Se<br />

ks autres Edifices , que fon Prédéceffeur n'avoit pas eu le tems<br />

de finir.<br />

Pendant qu'il étok occupé à ces ouvrages, 6c qu'fl travaUloit,<br />

avec une férieufe attention, à maintenir le Roïaume dans<br />

k bon ordre , où il favoit trouvé , 6e à augmenter l'opulence<br />

deufes Peuples, fl reçut deux Ambaffades, fort différentes l'une<br />

de fautre. La première altéra un peu fa tranquilké. Elle vint,<br />

felon LOREDAN, de la part de HENRI , Comte de Champagney<br />

, qui lui demandoit le paiement de foixante mille Ecus, dont le<br />

Dimren ^^^ ^^^ ^"^ ^^^^^ encore redevable pour pareille fomme, qu'il<br />

tesAmb'af. avoît payée pour fon compte , aux Templiers'y felon f ordre<br />

^v^tri ^^ ^voit eu du Roi dAngkterre , fon Onde , lui déclarant,<br />

Àtoéric. „ que, s'fl ne lui donnoit une promte fetisfadion, i} prendroit<br />

J, telles mefures, qu'il jugeroit à propos.<br />

L'autre Ambaffade fut de la part de fEmpereur de Confiant<br />

tinople y qui, apparemment pour fe confoler de la perte de Tlle<br />

de Chypre y qui avoit toujours appartenu aux Empereurs Greçs^<br />

depuis que Ste. Hélène favoit fait repeupler, 5c pour y conferver.en<br />

même tems une efpèce d'afcendant, lui faifoit offrir d'é*<br />

riger cette Ile en Roïaume y de lui en donner finveftiture, 6c le<br />

Titre de Roi-^ Et, fous prétexî;e que ksRok RICHARD,6çGin,<br />

Ai ' qui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


iVt jE^RUSALt-VL Liv. VHI. CH. IV. 3sj<br />

(^iii en avoient déjà pris la Couronne, n'avoient eu ce Titre,'<br />

que, par raport aux Roïaumes qu'fls poffédoient , ou qu'ils<br />

avoient poffédés, fans qu'fls euffent eu aucun droit d'ériger cc<br />

Pays cn Roïaume, fl faifoit comprendre à ALME'RIC, "qu'fl<br />

„ ne pouvoit s'attribuer la Dignité Roïale, fans le confentement<br />

„ d'un Empereur, de qui dependoient tous ks titres Roïaux;<br />

Quelques agréables,6c obligeantes,que paruffent ces offres,'<br />

ALME'RIC ne jugea point à propos de les accepter de l'Empereur<br />

Grec y qui auroit pu, dans k fuite, k troubler dans k<br />

poffeffion de cet Etat. C'eft pourquoi,-fl congédia ces Ambaf^<br />

fadeurs avec beaucoup de civflité, .6c avec de grandes marques<br />

de reconnoiffance envers l'Empereur, leur Maître.<br />

Il ne trouva pas la même faciUté à renvoïer ceux du Comte<br />

de Champagney c^i infiftoient fort fur le rembourfement des<br />

foixante mille Ecus, que ce Seigneur avoit payés aux Templiers,<br />

Ils propoferent à ALME'RIC, ,,de rem-ettre au défaut de cette<br />

„ fomme à HENRI le Comté de Jaffa y Se la Charge de Conné-<br />

„ table de Jérufakmy qu'fl poffédoit depuis k mort d'EMFROi<br />

„ DE THORON, 5C que le Roi Gui avoit voulu conferver àfe<br />

„ FamiUe, en renonçant à la Couronne de Jérufalem.'<br />

Après bien dc réflexions, cette démiffion aïant paru plus<br />

douce à A L M E'R I c, que k paiement effedff de foixante mflle<br />

Ecus, cn argent comptant, qui l'auroit fort incommodé dans<br />

la conjondure prefente, fl céda le Comté de Jaffa, Se la Charge<br />

de Connétable au Comte de Champagne y Se confentit de<br />

plus au mariage de HUGUES DE LUZIGNAN, fon Fils aîné,avec<br />

ALIX , Filk aînée de ce Comtc, - 6e d'IsABELLE, Reine de Jerufalem.<br />

Cet accommodement Se cette AlUance furent réciproquement<br />

approuvés des Cours de Jérufakmy Se de Chypre y<br />

fesqueUes s'engagèrent à fake accompUrk mariage de ces jeunes<br />

Princes, en cas que k mort prévint leurs Parens, avant fbn exécution.<br />

Ccc CCCCÇ"<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


xl<br />

3S


^E JE'RUSALEM. Lry. VIII. CH. IV. 387<br />

&ainte prétend, que cette cérémonie fut &ite par k Miniftère ^<br />

de jArchevêque de Maïence,<br />

A l'exemple d'A L M E'R i c, il prît auffi envie à LIVQN , Prinice<br />

d Arménie y de devenk iîoi; 6e, foit qu'fl eût les mêmes raifons,<br />

que celui de Chypre y pour ne pas s'affujettir à fEmpereur<br />

de Conflantinople y dont les Etats étoient trop voifins; fl s'adreflà<br />

également à l'Empereur HENRI , qui ordonna au même Evêque<br />

de Wïrtzbourg de paffer auffi à CourcOy pour y couronner LI­<br />

VON, dont le couronnement fut enfuite approuvé par le Pape,<br />

en confîdération de la foumiffion de ce Prince à f Eglife Romaine.<br />

Le Patriarche, 5e. les Peuples reconnurent alors la fouveraineté<br />

de cette Eglife, J6C reçurent très-refpedueufement les Sta*<br />

tuts, Conciles, Décrets, 6c Cérémonies.<br />

Le Roi d Arménie y pour donner au Souverain Pontife ^es Livon eji<br />

marques de foumiffion Se de reconnoiffance, céda même au St, PJ^^^^ '<br />

Siège trois Fortereffes dans fe^ Etats. Bosio, dans fon Hiftoire ^iç»<br />

de Malte y dit, „ que les Chevaliers de VHopitaly k qui le St,<br />

" père les fit configner, les ont poffédées, tant que ce Pays<br />

," a évité le joug des Infidèles, Ce fut aUffi à f occafîon du paffage<br />

du grand Chancelier de VEmpire y que fut ratifié faccon^mod.ement,<br />

qui avoit été fiiit entre LIVON , 5e le Prince dArh<br />

pioche; mais leur bonne intelligence ne fut pas de longue durée,<br />

par la faute de ce dernier, qui, malgré fon peu de force, étok<br />

toujours k premier à enfraindre ks loix de la paix, 6c à troubkr<br />

le repos de fes propres Sujets.<br />

L'Armée Impériale, commandée par le Duc de Saxe y arriva ^"'!^^<br />

enfin à Coiiftantinopk, L'Empereur Grec lui fournit des Vaif- v Armée ic<br />

féaux, qui la tranfportèrent k Antioche y doù cUe paffa kTyry Se [f^f"<br />

peu après à Ptolomaïde: Cependant, au Ueu de profiter à propos<br />

de k difcorde des Infidèles qui étoient toujours acharnés les un^<br />

contre ks autres, ks premières Troupes Allemandes y sf^^ér<br />

parquèrent a impatientes d'en venir aux mains , rompkent 1#<br />

Jjàvt, iivectant de prédpitation, en lavageant gBuclquçs V*<br />

Ccc z lage»!<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^88 H' I S^ T OIRE G E' N' E' R: A L E<br />

lages, qu'on peut, diî*e qu'elles dérobèrent à leur Nation la glo^<br />

re des conquêtes. Se des grands avantages, qu'elle auroit pa<br />

remporter fur les Barbares.<br />

Car SAFFADIN, grand, 6c expérimenté Capitaine,, qui n'é^<br />

toit pas moins braver que poUtique,fot fi bien faire comprendre<br />

à tous ceux de fa croïance, qui avoient pris les armes<br />

contre lui, pour foutenk k^ parti de fon Neveu, la néceffité,<br />

où ils étoient tous, de terminer leurs querelles, 5c d'u^<br />

nir promtement leurs Forces, pour s'oppofer à leurs Enne^.<br />

mis communs, qu'fls fe rangèrent d'abord fous fes enfeignes.<br />

Se ne penferent plus qu'à fuivre fes ordres, pour combattra,<br />

les Chrétiens ; deforte que cet habile Sarrafin en forma une puiifante<br />

Armée, 5c prévint celle des Croifés y en aflant affiégei<br />

la Ville de Jafiay que le Koi dAngleUrre avoit laiffée bien<br />

forte, 5c bien munie.frifedt<br />

SAFFADIN pouffa fx vivement ce Siège, que, maîgré la ré-<br />

^iffsdin**^ fiftance ^^ k-garnifon, la plupart Allemande y Se les vigoureufes<br />

forties qu'elle fit, il f emporta' de vive force, pafS<br />

tous les Latins y qui s'y trouvoient, au fil de fépée, 5c en<br />

fit rafer les murailles" jufqu'aux fondemens,-pour ôter aux<br />

C^r^^/V«j fefpérance d'occuper davantage un pofte, fi avantageux<br />

pour-favorifer leurs deffeins fur Jérufalem, Il eft vrai<br />

que le funefte accident, qui arriva en ce même tems au<br />

Comte de Champagne, facilita cette cono^ét^ 'ILUK Sarrafins,<br />

6c. empêcha, que fArmée Allemande ne fe mît affez tôt en<br />

campagne, pour fecourir cette Place ;.tant la mort précipitée<br />

dé ce Comte étonna tous-les Chefs - des Cr


DE JE'RUSALEM. Liv. VIII. CH. IV. i^y<br />

un Confefl général, pour déUbérer fur la conduite, qu'fls dévorent<br />

tenir. Se fe vanger du maffacre que les Infidèles-ventilent<br />

de faire de la garnifon , 6e des Habitans de Jaffa,<br />

Ils partirent enfuite de Ptolomaïde , Se marchèrent vers SinoN,<br />

en vue d'aller affiéger la Ville de Baruth y où ils favoient<br />

que les Infidèles avoient fait un grand amas dé pror<br />

vifions , 5c de leur donner bataille, sils pouvoient les rencontrer<br />

en campagne , ou qu'ils fe prefentaffent pour s'op*^<br />

pofer à leur entreprife.<br />

Comme ks murailks de Sidon n'avoient point été réparées', Sidon^nv<br />

depuis que SALADIN les avoit-fait démolir, 6c que • ceux qui Croifés.<br />

habitoient cette Ville n'ofoient plus fe flatter d'y demeurer<br />

à l'abri de la Trêve, ils l'abandonnèrent j dès qu'ik aprirent<br />

les mouvemens dp fArmée Allemande, qui s'empara d'un<br />

lieu fî fertile, 6c fî commode, pour éviter les furprifes de SAF­<br />

FADIN , 6c èrïtteprcndre k fiége de Baruth y avec fuccès.<br />

Les Seigneurs Croifés erivpïèrent prier les Ordres Mflitaires<br />

de venir les joindre , afin d'aprendre d'eux ks détours dû<br />

Pays, 5e la manière de combattre contre les' Infidèles.<br />

Ces Chevaliers , dont f humeur. Se les intérêts étoient fi<br />

oppofés, s'accordèrent pourtant dans cette occafion , en re-,<br />

fufant également aux Impériaux de s'unir avec eux ; alléguant<br />

pour fe juftifier, „ qu'après avoir, auffi folemneUement<br />

" qu'ils favoient fak, accepté, approuvé. Se juré la Trêve,<br />

" que k Roi dAngkterre avoit établie , pour cinq ans',<br />

" avec les Infidèles y fls ne pouvoient enfrahidre ce Traité,<br />

" fans bleffer leur honneur, 5e contrevenir à l'iriftitution de<br />

" kurs Ordres." Quelques Hiftoriens prétendent pourtant,<br />

que ce ne fut point cette dêlicateffé, qui les empêcha de fe<br />

joindre aux Alkmans; Mais plutôt le bruit, qui s'étoit répandu,<br />

que kurs Chefs étoient fi foupçonneux,' Se fi jaloux de la<br />

gloire qu'ils s'étoient propofés de remporter dans leur voïage<br />

i'outremer, qu'fls ne vouloient qu'aucune autre Nation, que "<br />

Ccc i te-^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


990 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

la leur, eût part dans leurs entreprifes. C'eft pourquoi auffi fls<br />

ks avoient fi mal commencées, en entrant dans la Paleftine-,<br />

Se c'eft auffi ce qui les engagea à tenir des Confefls, dans les-<br />

,quek fls n'avoient jamais voulu admettre aucune des Perfoimes,<br />

qui auroient pu les inftruire des maximes, qu'il fafloit pratiquer,<br />

pour attaquer les Infidèles y :$e les ^combattre avec avantage.<br />

4rtickjr. On fait que la Nation allemande a été de tout tems trop<br />

fière, Se trop courageufe, pour croire qu'il y ait quelque chofe<br />

au-deffus de fes forces. Ainfî, fans s'arrêter au refus des Ordres<br />

Mflitaires, affcdant même de faire peu de cas de leur affiftance,<br />

le Duc de Saxe afla mettre le fîége devant Bar^ith. ll<br />

battit cette Vflle avec tant de violence, qu'fl f emporta enfin<br />

d'affaut, malgré la vigoureufe réfîftance , que firent, affez<br />

longtems, les Affiégés, qui ne manquoient ni de courage, ni<br />

de réfolution. Ils eurent k fetisfadion, en s'cmparant de cette<br />

Place, de déUvrer grand nombre de Chrétiens captffs, que les<br />

Barbares retenoient dans le Château. Jls y trouvèrent une fi<br />

prodigieufe quantité d'armes, que le Continuateur de la Guerre^<br />

Sainte affure,, qu'on en auroit chargé deux grands Navires, fls<br />

n'y trouvèrent pas une moindre abondance de provifions ; dc<br />

forte qu'ils fe virent en état de fubfifter long-tems aux dépens<br />

des Ennemis, 5e de faire fentreprife de Jérufakm fans<br />

jçrainte que les vivres leur manquaffent.<br />

mmewri' Mais, comme il arrive affez fouvent, que ceux qui favent fî<br />

wfîrîrfM bkn vaincre, manquent de profiter de leur Vidoire; après un<br />

.Chrétien», commencement fi heureux, au lieu de s'attacher à la conquête<br />

de la Sainte-Citéy ou des autres Places, qui pouvoient la leur far<br />

cfliter, fls allèrent, mal-à-popos, affiéger le Château de Tho^<br />

ron ; entreprife, qu'fls dévoient éviter avec d'autant plus de<br />

foin, que c'étoit l'endroit le plus fort, Se le plus difficile à réduire<br />

, que les Infidèles poffédafïent. Ils y emploïèrent inutilement<br />

trois mois entiers, 5c confumèrent toutes les provifions,<br />

^'jils avoient trouvées dans J^rutbjf /a;is qu'au bout de ce<br />

:.. " temv<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm VUT. Ca. m 'jpjj<br />

rems-lSj îls fuffent plus avancés y que k premier jour qu'ils<br />

avoient commencé cc fiége. Ds ne firent pas plus de progrès,<br />

après l'arrivée de leur Année navale, fous le commandement<br />

de l'Evêque de Wirtsbourgy qui de Ptolomaïde y ou fl avoît abordé,<br />

envoïa ks Troupes des Vaiffeaux au fecours du Duc de- ^^^'^'<br />

Saxe.<br />

C H A P I T R E V.<br />

Le peu de fuccès du fiége de Thoron ne fut pas k feule dis- Article r»grâce,<br />

qu'éprouvèrent ks Allemands. • Pendant qu'ils étoient<br />

occupés à cette difficik, 6e épirieufe entreprffe,ks Infi-^;<br />

dèles furprkent la garnifon, qu'ils avoient laiffée dans Baruth y<br />

quoi qu'efle fût affez nombreiffe, Se qu'efle fe défendît vafllam-'<br />

ment. Ils l'attaquèrent avec tant d'impétuofité, qu'efle ne pûtleur<br />

réfifter. SAFFADIN s'empara de la Vifle, 6c en fit rafer les<br />

fortifications ; deforte qu'en peu de tems, cette Place fut pri-.<br />

fe, 6c reprffe ; ruinée, 5c reparée ; alternativement par les Chréi'<br />

tiens y Se par les Barbares,<br />

La nouvefle de cette perte,& le peu d'efperance de furmon-~<br />

ter les obflacks, qui fe rencontroient à k continuation du fiége<br />

de Thoron y fut caufe, que le Duc de Saxe y dépité du tems,qu'fl<br />

avoît perdu fi infrudueufement, l'aban4onna d'abord. Se'<br />

marcha, avec toute fon Armée, vers y


Spl H LS-T O I RE G E'N E'R ALB<br />

Thoron, feignirent de craindre f attaqué des Infidèles dans ua<br />

Ueu, qui n'étoit pomt encore en état défeiife. Us en fortkent<br />

promtement, pour gagner la campagne. ..Les Infidèks y trompés<br />

par un mouvement fi prédpité , fe contentèrent d'envoï«r<br />

une partie de leurs Troupes, .pour fe faifir de la Place, pendant<br />

que le refte de leur Armée pourfuivoit les Ennemis, avec<br />

précipitation,6c fort en désordre, fe flattant de vaincre fans peine<br />

des gens qui paroiffoient fi épouvantés de leur approche-;<br />

Mais fl reconnurent bientôt leur erreur ; Car les aïant joints<br />

. le lendemain au point'du jour , bien loin de les trouver découragés,<br />

comme ils s'en étoient fiattés, ies Allemands les chargèrent<br />

fl brusquement, qu'fls les déconcertèrent, dès le premier<br />

' choc. Se les mirent en désordre; Les Barbares y -fe rallièrent<br />

enfuite, 6c combatirent avecibeaucoup plus de fermeté, qu'à<br />

~ leur ordinaire ; de forte que k combat fut très-opiniatré, &<br />

très-fenglant.<br />

iemmée î^aVidoirc étok toujours-incertaine, lorfque, dans le fort<br />

par les M- de'k mêlée, le Duc d* Autriche aïant reconnu le Général Sar-<br />

^^^^ ^' rafiny pouffa fon cheval avec beaucoup de fureur ,5e le renverfà<br />

parterre. Âlorsies Infidèles y abatu» de la perte de leur Chef,<br />

commencèrent à fe ralentir, 5c peu après à prendre une fuite<br />

précipitée, qui n'empêcha pourtant pas les Chrétiens d''en f^âre<br />

un grand maffacre. Quelque avantage, que remportaffcnt les<br />

Allemands dans cette grande journée, leur pèixe fut plus confidéra.fcle<br />

que cefle de leurs Ehneniis. Us eurent la douleur d'y<br />

Mort des perdre Ic Duc de êaxcy Se cdui dAutriche; Le premier, pour<br />

sïxeâ avoir


DE JE'RUSALEM Liv. Vni. CH.V. 593<br />

pes Satrafines, qui étoient allées pour s'en emparer, n'avoient<br />

pas mieux paffé leur tems, que ks autres. Cefles que le Duc de<br />

Saxe y avoit laiffées, les avoient prefque entièrement défaites.<br />

SAFFADIN ne tarda pas à rétablir fon Armée. Il la rendit Article //.<br />

même plus forte, qu'efle ne fétoit auparavant U s'approcha safùdin'<br />

de Jaffa y pour provoquer les Allemands au combat Comme'^"•^'^^^^<br />

ceux-ci avoient perdu, avec leur Général, grand nombre de<br />

leurs meilleurs Soldats, les Seigneurs de Paleftine craignoient,<br />

qu'elle ne reçût quelque nouvel échec, qui la fît réfoudre à quitter<br />

la Terre fainte ; ce qui les auroit expofé eux mêmes à'toute<br />

la fureur des Barbares, C'eft pourquoi, ils convinrent, " qu'il<br />

" étoit abfolument néceffaire de fe procurer un Souverain, qui<br />

" pût, par fon autorité,empêcher la divifion des fentimens, fî<br />

" dangereufe pour la confervation d'un Etat fi affoibli, 6c auffi .<br />

" fouvent attaqué, que fétoit celui de Jérufalem.<br />

Après plufieurs Confeils, que le Patriarche, les Seigneurs,<br />

^ les Ordres Militaires tinrent à ce fujet, d'un commun confentement,<br />

5c avec l'agrément de la Rdne ISABELLE, quiy<br />

préfidoit toujours, ils envoïèrent des Ambaffadeurs en Chypre y Laeowmi^<br />

pour offrir au Roi ALME'RIC cette Princeffe en mariage, 6c "ajffjfi*'<br />

la Couronne de Jérufalem pour dot; perfuadés, que, s'fl ac-Z^f^àAiceptoit<br />

ce parti, fa valeur, 6c fon expérience étoient fuffifan-SJchypre^<br />

tes pour maintenir les débris de ce Roïaume, Se même pour en<br />

recouvrer la Capitde, quî fe trouvoit toujours au pouvoir des<br />

Irfîdèles.<br />

Ce Prince,qui, peu de tems avant fon couronnement, avoit<br />

perdu CIVE D'IBELIN, qu'fl avoit époufée, même avant qu'il<br />

fut Connétable de Jérufakmy reçut les Ambaffadeurs des Seigneurs<br />

de JP^/Ï^/«^, avec beaucoup d'honneur, 6cécouta favorablement<br />

leurs propofitions. Il ne voulut cependant point s'engager<br />

dans ime aftaire fi importante, fans favis de fon Confefl;<br />

maÎG fl aflura ces Miniftres, qu'il ne tarderoit pas à leur faire<br />

une réponfe pofitive. Il fit, dès le lendemain, affembler k<br />

Ddd Cour<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


39+ HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

Cour fupérieure, pour la confulter furim fujet, où il y avoit<br />

d'un côté beaucoup d'iionneur pour lui, 6c de l'autre bien de<br />

k peine. Se des dangers, à effuïer; Car, quoique k Couronne<br />

de Jérufalem fût en grande vénération dans toute la République<br />

Chrétienne, Efle demandoit des travaux continuels pour<br />

la conferver.<br />

Toute l'Affemblée remercia k Roi de kdéférence, dont fl<br />

ks honoroit à fégard d'une affaire, qui k regardoit perfonnellèment.<br />

Les principaux Barons lui répréfentèrent, avec<br />

beaucoup de re^d, " qu'fl kur paroiffoit que fon Afliance avec<br />

" la Reine ISABELLE lui feroit, 6c à fes Sujets, beaucoup plus.<br />

" préj-udiciable, qu'avand^eufe, parce que le Roïaume de Je»<br />

" rufalem étoit fi épuifé d'Hommes, & d'argent, qu'fl ferait<br />

" obligé d'affoiblir celui de Chypre y Se d'en incommoder les<br />

" Habitans : foit, par des contributions pour foutenir k guer-<br />

" re de Paleftine; foit, pour k levée des Troupes nécefTai-<br />

" i^es: Et que, daiUeurs, cette Princeffe avoit déjà des Ei>-<br />

" fans de deux Uts , qui s'accorderoient difficilement avec<br />

" ceux qu'il pourroit en avoir ; encore moins avec ceux qu'il<br />

" avoit déjà lui même ; ce qui ne pourroit que lui cauftr<br />

^' des inquiétudes, dont fEtat fe reffentiroîL<br />

Us k prièrent cn même tems de vouloir confidérer, "que<br />

" les AUknces des Princes, comme îui, fe contradoient ordi^<br />

" nairement, pour entretenk k Paix avec leurs voifins, pour<br />

" la fureté de leurs propres Etats , 5c pour avoir des Suc-<br />

." ceffeurs ; Que , grâces au Gel, fl n'avoit aucune de ces<br />

" raîfons; Qu'ainfî, leur fentiment étoit, qu'fl ne fe chargeât<br />

" point d'un fardeau , qui lui cauferoit phis de foin, 5c dç<br />

" dépenfes, qu'fl n'en recevroit d'utflité , Se de fatisfàdion.<br />

" Que, déplus, comme fl feroit indifpenfàblement obligé de<br />

" s'abfenter d'un Roïaume naiffant, comme l'était celui de<br />

" Chypre y rempU de Peuples fî différens de moeurs, de reU-<br />

^' gion, 6c d'intérêts, fl pourroit y naître des désorîcs d'une<br />

3^ dan-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. VUT. Cfl. Y. ^çf<br />

*' dangereufe conféquence ; Le fupUant enfm f» bons, léîés,<br />

^ Se fidèks Sujets, de vouloir bien demeurer avec eux, 6c i^-<br />

'^ mercier les Sdgneurs de Pal^ine de leur bonne voionté.<br />

Quelques prudens, 6c felutaires que fuflent ces avk, 6c qudque<br />

intérêt qu'euffent tous les Seigneurs du Confefl à ks foiitenir,<br />

fl s'y en trouva pourtant bon nombre qui les rejettèrent,<br />

foit qu'fls aimaffent les nouveautés, ou qu'ils reconnuffent, que<br />

leur fentiment convenoît à l'intention du RoL<br />

Ils kii rémontrèrent avec chaleur, " qu'aucune confidération<br />

„ ne devoit fempêcher de profiter de l'occafion, qui fe préfen-<br />

3, toit dacquérîr une gloire, qui fimmortaliferoit : Qu'il y au-<br />

„ roit,au contraire, du deshonneur pour fe Perfonne,6cpour<br />

„ fes Sujets, s'fl refufoit de fecourir les Chrétiens de k Terreyy<br />

fainte i kurs confr^es, 6c feurs voifîns, pendant que tant<br />

3, de Princes, Se de Nations Chrétiennes y venoient du fond '<br />

„ de VEurope y pour les affifter. Se pour maintenir un Roïau-<br />

„ me, que y^^^ Cl'/^ avoit fandifié par fon propre fang, Se<br />

5, par fes miracles. Se pour la défenfe duquel Sa Majefté mê-<br />

„ me, 5e plufîeurs de fa FamiUe, avoient fî généreufement aban-<br />

3, donné leur patrie, Se expofé leurs Perfonnes.<br />

A L M E'R IC , qui aîmoit entrèmement la Pakftinéy où il avoît ^"^^^^^<br />

paffé la fleur de fon âge, d'aiUeurs bien affe de fe voir Souve- enfait.<br />

rain d'un Roïaume, qu'on avoit prefque obUgé fon Frère de<br />

quitter, après avoir écouté tranquflement les avis des uns Se des<br />

autres, déclara, fans héfîter, qu^ilétoit réfolu de fuivr-e le fentiment<br />

des derniers y comme k plus généreux y (f [le plus digne<br />

d'un Prince Chrétien. Il s'apliqua d'abord aux préparatifs néceffaires<br />

pour fon voïage,avec d'autant plus d'ardeur,6c d'efperance,<br />

que, depuis k mort de SALADIN, la réputation 5c ks forces<br />

des Infidèles étoient beaucoup diminuées, par raport aux<br />

guerres qu'ils s'étoient fait entre eux.<br />

Ce Prînce fouhaitoit, en même tems, de laiffer les affaires Artide/f/.<br />

de Chypre en fi bon ordre, qu'il ne pût y arriver aucune alté- f^^^*^'* ?a ftt<br />

Ddd 2 ration.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^9^ HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

^J^AI' ration, pendant fon abfence. U ne défiroit pas moins d'arrô*<br />

méric ter les fcandales, que caufoient la désunion, 6c fanimofîté des<br />

TépartpLr dcux Ckrgés. . Il fit affembler les principaux Eccléfiaftiques<br />

Paleftine. Q^^^^^ ^ Latins y dans f Eglife Cathédrale deNicofie. U aflifia<br />

hii même,avec toute k Cour fupérieure,à cette Affemblée,afin<br />

de prendre une entière connofl&nce de leui's griefs, 6c de leurs<br />

conteftations^<br />

Le Grecs dédamèrent extrêmement ^' fur la privation du re^<br />

'„ venu de leurs Eglifes, dont on avoit dflîpofé en faveur des<br />

„ Latins y qui, non contens de les avoîr dépoufllég de leursi<br />

3, biens, vouloient encore réformer leur croïance, 6cles trou-<br />

„ bkr dans la diredion des Peuples, qui étoient fous leurcon-<br />

„ duîte.<br />

Les Latins y de leur côté, accufoient ks Grecs y "non feii-<br />

„ lement de Simonie, mais encore de ce qu'ils entretenaient<br />

„ les Peuples de leur dogme dans Un ôfprit de révolte, contre<br />

„ l'obéïffance 5c la fidélité, qu'fls devoknt à leur Souverain ;<br />

„ Au lieu que, s'ils avoient ceffé de les infeder de leur fauffe<br />

„ dodrine, ces brebis égarées abandonneroient k fdiifii^e, 65<br />

„ entreroient dans le bon chemin.<br />

Le Roi, après avoir bien écouté les uns Se les autres, leur<br />

ordonna, fous des peines très-rigoureufes, " de vivre à f avenk<br />

33 avec plus de charité, fans fe chagriner aucunement ks uns,<br />

3, ni les autres, par raport à la différence de leur ReUgion36c<br />

„ de ne s'attacher également, qu'à la conduite des troupeaux,<br />

3, qui leur étoient confiés; fe réfervant lui même le temporel,<br />

3, auquel il auroit foin de pourvoir d'une manière,. qu'fls au-<br />

„ roient tous lieu d'être contens.<br />

U affigna, dans la même Affemblée, aux CarmeSy qui<br />

avoient été les premiers ReUgieux Latins, qui fe fuffent établis<br />

dans file, les revenus de quelques Vfllages, pour entretenir leur<br />

Couvent, 6c leur Eglife, Après avoir amfi réglé les affaires<br />

Ecdéfiaftiques, il s'apUqua: à pourvok aux temporeUes, afin<br />

dcG-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


3>E JE'RUSALEM. Lrr. VIII. CH. V. 39?<br />

d'entretenir par-tout k bon ordre, 6c k tranquiUté: U envoïa<br />

des Gouverneus aux douze ^Cantons de l'Ile ; favok à Famagoufte<br />

y Baffo y Limifol y Cehnesy Salines y Maffaricy Carpafiby<br />

Mazato y ArdimOy Crifokouy Solie y SePentaîa; Et fl confk<br />

au Vicomte de AicofiCy Chef de la Cour inférieure, k Gouvernement<br />

de cette Capitale, avec trois Ueues de territoire à<br />

k ronde, comme une efpèce de BanUeue.<br />

U ordonna, en même tems, que les quinze Compagnies de<br />

Soldats Albaruois à cheval, qui compofoient environ mflle Hommes,<br />

tous armés de lances, de couteks, avec la rondadie, que<br />

le Roî GUI avoît confervées, demeuraffent toujours dans les<br />

lieux maritimes ; Se qu'fls fortiffent, régulièrement tous les foirs,<br />

pour faire le guet le long des plages, afin de furveiUer, 6c empêcher<br />

la defcente des Pirates. U ordonna, de plus, que les Habitans<br />

des Bourgs tinffent continuellement des fentmeUes for<br />

les hauteurs ; 6c qu'ils y allumaffent des feux, lorsqu'ils découvriroient<br />

quelques voiles en mer, pour les indiquer. Ilfit étar<br />

bUr de pareiUes vedettes fur les plus hautes Montagnes de l'Ile,<br />

afm que,lorsqu'A parokroit plufieurs voiles enfemble, ils fiffent<br />

des fignaux proportionnés à leur quantité, dont la Vifle Capitale,<br />

Se tout k Pays pût être averti, Se que ks Compagnies<br />

des Stradiots y pufïent accourir.<br />

U afranchit, pour une bonne fomme d'argent, les Fénitiens<br />

blancs. C'eft ainfî qu'on nommoit certains Sujets de cette République,<br />

lesquels, fatigués de faire la guerre en Paleftine, où<br />

ils avoient été envoïés, comme par force, en diverfes occafions,<br />

s'étoient retkés en Chypre y Se étabUs eiî divers Villages,<br />

dés le tems même des Ducs Grecs y qui gouvernoient cette Ue.<br />

Le Roi leur permît même de s'éUre un Juge particulier, devant<br />

lequel ils traitoient de leurs différends, en première inftance, Se<br />

dont îls appeUoient enfuke au tribunal- fuprêrae, fens que les<br />

ihbalternes puffent en connoître. Ce Magiftrat fe nommoit<br />

celui desr Fénitiens, Après cet affranchiffement, ces Peuples<br />

Ddd 3 dévia-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


39r HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

devinrent Sujets libres, 6c n'eurent plus à payer au Roi, qu'un<br />

léger tribut annud, dont ils «'ac


D E J E'R u S AL E M. Liv. THI CH. V, 599<br />

provenoient, étoient moitié Efdaves, 6c moitié Libres;'6c, s'ik<br />

n'en avoient qu'un, il^ dcmeiuoit dans k fervitude.<br />

A L M E'R I c fit divers autres règlemens, non moins bons, 6c Le Mauavantageux<br />

pour l'Etat, que pour les Peupks. U confia à h.^f^§%<br />

Cour fupérieure k Gouvernement du Roïaume, 5c le foin de fes ^^'JJ^-i"^<br />

Enfans. U en avoit fix: HUGUES, qui, comme aîné, lui de-fiusiari-i<br />

voit fuccéder à la Couronne; JEAN, à qui fl avoit donné kf^j{^^<br />

Charge de Connétable ; Gui qui poffédoit cefle de Sénéchal du t^"eur.<br />

Roïaume; 6c trois Filles, ll partit pour Ptolomaïde y ^ccomp^-Départ du<br />

gné de k fleur de la Nobkffe Chypriotte y Se bon nombre de^^J^^^.<br />

Troupes. U y arriva en peu de jours ,6c y fut reçu avec beau- «^^jÉf/w<br />

coup de joie, 6c un apptewdiffement univerfeL cettevnie.<br />

•<br />

J.^e»J^ .vr©©w, .«efl.>^ ^«^^a^. ..t«OJ). otô'9».^Ô»>j*fite>s.»flO<br />

C H A P I T R E VL<br />

Pu de jours après fon arrivée en cette Vflk ; on y ce- ^''9^^^lébra<br />

la cérémonie de fon markge avec k Reine is A- i/cowL<br />

BELLE, 6c cefle de fon couronnement, avec de grandes ac- Sméric<br />

ckmations de joie, 5c même avec plus de pompe, 6c de magni-»


jyoà HISTOIRE GE'NE'RALEj<br />

comme deux Frères de k Maifon de Luzignan épouferent, en<br />

peu de tems, deux Soeurs hériti^^ de celk de Jérufalem, 6c<br />

enporterent, tour à tour, la Couronne. ALME'RIC n'en fut<br />

pas plutôt poffeffeur, qu'fl s'attacha à examiner fétat du Gouvernement,<br />

6c les forces qui demeurôient ^ux Chrétiens y dans<br />

le deffein d'affembler le plus de Troupes qu'il lui feroit poffible,<br />

pour les joindre à celles qu'fl avoit amenées de Chypre y Se s'unir<br />

avec l'Archevêque de Maïence, Chef de fArmée Impériale,<br />

"58. pQ^j. j^iiej. affiéger la Sainte-Cité. *<br />

Le projet, ' qu'A L M E'R I C s'étoit formé, d'emporter Jérufa-<br />

;. km y dès le commencement de fon règne, s'evanoûit bientôt,<br />

par favis, qu'fl reçut, que les Allefftands y campés à Jaffn^<br />

La mon de bien loin de penfer davantasre à aucune entreprife contre ks Iti"<br />

l'Empereur y,j.j , . *^ ^ ^ i -<br />

Henri eau-fidèles y ctoieut tous CU mouvcment, pour retourner dans leur<br />

"brmi Piys, fur la nouveUe, qu'fls avoient fraîchement reçue delà<br />

leriesen mort de l'Empereur H E N R1, 5c de la défunion, que fa mort<br />

gneT^/c avoît fait naître-dans V Empire,' Comtne une partie desEledeurs<br />

^|jar»t/?x avoit élu PHILIPPE de Suabe y Frère de fEmpereur défunt, &<br />

n»nds. les autrcs OTHON, DUC de SaxcyTrbrc de HENRI, mort après<br />

la bataflk de y


6 Ii JE'RUSALEM. Lir. VIII. CH. VL ' 40Î<br />

de grands JM^ogrès des armes Alkmandes en Pf kftine y par le<br />

peu de cas, que faifoient leurs Chefs, des avis, que les Seigneurs<br />

expérimentes contre ks Infi!l?les avoîent voulu leur donner, el­<br />

ks donnoient affez d'ombrage pour les retenir.<br />

Ainfî, le Roi ALME'RIC, qui n'avoit point affez de For-Article//,<br />

ces, pour fe mettre en camp^igne, ne fongea plus qu'à atten- d^Jf^égodre<br />

le fecours que le nouveau Pontife promettoit de lui envoïer ^««fo^^


^1 *H I s T O I R Ë G E' N Ë' R A L E<br />

Le Comte de MONTFORT, un peu^^tonné de ce mallieurj<br />

campa au même endroit, où fl en reçut k nouvelle., pour déli*<br />

bérer fur le parti,qu'fl avoit à prendre. Pendant que la plupart<br />

des Seigneurs du Confeil étoient d'avis,qu'on allât promtement<br />

affronter les Ennemis, 5c que les autres foûtenoient,qu'fl étoit<br />

plus convenable de rebrouffer chemin, afin de ne fe point commettre<br />

avec une Armée vidorieufe, dont ils ne connoiffoient<br />

pas bien les forces, il furvint une pluie fî forte, Se fi longue,<br />

qu'elle ne leur permit feulement pas de fortir de leurs tentes,<br />

fôus lesquelles ils • étoient presqu'entièrement inondés. Ce déluge<br />

fut fuivi dun froid rigoureux. Les Soldats en furent fi abatus,<br />

que k Comte fut Contraint de s'en retourner à Ptolomaïde<br />

y-âm d'éviter les maflieurs,qui pouvoient lui arriver dans ces<br />

campagnes défertes.<br />

La perte de Jaffa y que les Allemands avoient fortifiée avec<br />

tant de foin, 5e qui étoit un lieu fi néceffaire pour entreprendre<br />

k fiége de Jérujalemy jointe à la difcorde, qui commençoit à<br />

naître entre les Templiers, 5e les Hofpitaliers, 6c enfin le peu<br />

d'e^érance de pouvoir rien faire de confidérable contre les 7»fidèles<br />

y obligea le Comte de MONTFORT à ménage un accommodement<br />

avec eux, qui put, en quelque manière, tranquilifer<br />

les Chrétiens de k Terre-faintey Se colorer le projet, qu'il<br />

avoit fait de repaffer en Europe.<br />

Les Sarrafins y de leur côté, malgré la promtitude, avec la«<br />

queUe îls s'étoient réunis, pour faire tête aux Allemands, lorsqu'ils<br />

rompirent la Trêve, n'étoient pourtant pas bien d'accori<br />

entre eux. Les uns vouloient toujours favorifer le Soudan dAlep<br />

y Fils du grand SALADIN. Les autres étoient partffans de<br />

SAFFADIN , fon Oncle. Ces derniers ks engagèrent à accepter<br />

iipp. ^^s propofitions du Comte de MONTFORT, avec lequel fls firent<br />

une trêve pour dix ans, afin de pouvoir terminer leurs affaires<br />

domeftiques, fens cramte d'être troublés par Içs Chré^<br />

tiens.<br />

Ce<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lir. VIE CIL VL ifôj<br />

Ce Comte étoit grand guerrier ; mais fl trouva les affai- ^«««tf»*<br />

res de Pakfiine fi mal difpofées , qu'il s'en rébuta entière- ^d%^lts<br />

ment. Ainfi, après avoir terminé cet accommodement, fl Sarrafins.<br />

fe rembarqua avec tout fon monde ; de forte que l'expédition<br />

des François ne fut pas plus avantageufe aux entretiens<br />

Orientaux, que favoit été k fameufe Croifade de la<br />

Nation Germanique.<br />

Peu de tems après leur départ, les Templiers y Se ks Hofpita-Artkiciii.<br />

liers y qui avoient déjà eu quelques conteftations, en vinrent aux JJ" /^^ ^'<br />

voies de fait. Il s'agiffoit de certaines Terres,fituées aux confins du Templiers<br />

Château de Margat, qui appartenoit aux derniers, Se dont les piuiien.<br />

autres s'étoient emparés de force, après en avoir chaffe les Fermiers<br />

, qui étoient Vaffaux des Hojpitaliers, Ceux-ci prirent<br />

les armes,pour les y maintenir. Us ne purent en venir à bout,<br />

fens qu'il y eût beaucoup de feng répandu, de part, Se ^^autre.<br />

Ces violences augmentèrent la haine, 6c f animofité de ces deux<br />

Religions. Us en réfulta une guerre ouverte,6e fort cruelle; deforte<br />

que n'aïant pas moins de force, de valeur, 5c d'expériehce,<br />

les uns, que les autres, îl en périt grand nombre dans ks<br />

divers combats, qu'ils fe livrèrent.<br />

Cette dangereufe querelle entre deux Corps fi puiffans , PJÙ entre^<br />

Se fi beUiqueux , qui étoient cn effet k plus ferme foutien l'r^i^gd]<br />

de la Têrre-faînte , en affligea extrêmement tous les Habi- ^'^ ; ".<br />

tans qui apréhendoient, avec raifon , qu'ils ne fe détruififfent<br />

entièrement. Le Roi ALME'RIC , ks Patriarches dAntioche<br />

y Se de Jérufalem , tous les autres Prélats , Se Seigneurs<br />

, s'emploïèrent avec chaleur , pour les appaifer, 6c<br />

firent tant, par leurs foins , Se leurs remontrances , qu'ils<br />

les portèrent enfin à quitter ks armes, 6c à remettre au<br />

fouverain Pontife la décffion de leurs prétenfions.<br />

Les uns, 6c les autres envoïèrent cfes Députés à Rome.<br />

Ceux des Hofpitaliers furent les ChevaUers SEGRINI , Prieur<br />

de Barkttty 6c AUGER, Prieur d^Italie: Les Templiers en-<br />

Eee a volèrent<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


461 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

voïèrent au Pape les Chevaliers THÊ'ODORIC, Se PIERRE<br />

DE ViLLAPiANA. Le St. Pcrc y après avoîr bien fait examiner<br />

leurs raifons, écrivit aux deux Maîtres, Se aux Convens des<br />

deux Ordres, " pour les exhorter à vivre en paix à f avenk,<br />

„ fans donner aucun fujet de murmure, ni de fcandale aux<br />

,-, Peuples, les menaçant, en même tems, que, s'ils ofoient<br />

„ contrevenir à fes ordres, il les châtieroit févèrement, 6c fra-<br />

,j peroît d'Anathême ceux qui, les premiers, romproientf union,<br />

,, 6c la bonne inteUigence, dans laqueUe il kur commandoit<br />

5, de vivre, en vertu de la Sainte obédience.<br />

CHAPi'TRE VIL<br />

Article/, l- e Roi ALME'RIC, profitant de la tranqufllit:é, dont<br />

J—^ jouïffoit alors la Paleftine y s'appliqua à faire fortifier la<br />

Ville de G/M/, anciennement Guébaly ou Bibles y qu'fl avok<br />

trouvé le moïen de racheter, pour de fargent, de quelques FamiUes<br />

SarrafineSy qui f habitaient, par raport aux guerres, qui<br />

occupoient les Infidèles. Il eut la fatisfàdion de la faire rélever,<br />

fans aucun trouble ; mais, confidérant, que, malgré le<br />

calme de fEtat, il ne pouvoit fe difpenfer de continuer fa réfidence<br />

à Ptolomaïde y afin de conferver cette Place, 6c ks autres<br />

qui reftoient encore au pouvoir des Chrétiens; 6e que fon<br />

féjour en Paleftine pourroit être préjudiciable aux affaires de<br />

Chypre ; d'autant plus que la principale Nobleffe, qui auroit pu<br />

y empêcher les désordres, fe trouvoit auprès dc lui; fl écrivit<br />

au Pape, Se luî repréfenta, "qu'aïant abandonné le repos,<br />

„ Se les commodités, dont fl jouïffoit en Chypre y pour embraf^<br />

„ fer les dangers. Se les peines, auxquels fl étoit expofé,<br />

„ pour mamtenir les débrk du Roïaume de Jérufakm yil prioit<br />

3, Sa<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ï)Ê JE'RUSALEM. Lïv. VIIL Cif. VIL'^ fof<br />

5, Sa Sainteté de faire en forte que celui de Chypre y qui devoit<br />

„ être f héritage de fes Enfans n'en fouffrît point ; Et fl lui<br />

fit comprendre, "qu'Elle pouvoit y pourvoir facflemént, en ;^°^"[/p^^;<br />

9, ordonnant au Maître des Hoffitaliers y auquel fl avoit une^acwi/èrya-<br />

„ entière confiance, d'envoïer uiie partie de fes Chevaliers,6c£/"<br />

3, de fes propres Troupes, cn garnifon dans ks Fortereffes de<br />

3, cette Ue; tant pour y tenir ks Habitans dans leur devoir,<br />

„ que pour détourner les nouveautés , que fon doignement<br />

„ pourroit y caufer, 6e le préferver de l'invafion des Bar^.<br />

„ bares.<br />

Ces remontrances firent beaucoup de plaifîr au Pontife. U<br />

envoïa d'abord un Bref à GEOFFROI LE RAT, Maître des Hofi<br />

pitaliers, dont on voit f original dans la Bibliothèque du Fati"<br />

can y par lequel Sa Sainteté s'expUque ainfî : Nous mus prions<br />

conjurons y ^exhortons d"* accorder ci notre bien aimé Fils y Ki.li<br />

E'R I c, illuftre Roi de Chypre, ÊJP de Jérufalem, la promte af<br />

fiftance, qu^il demande de mus; £«?, en mrtu de ces Lettres<br />

ApoftoliqueSy Nous mus commandons denmîer en Chypre/


io6 lïlSTOlRE GE'NE'RALË<br />

difcorde des Ordres Militaires, qui pouvoient beaucoup y contribuer.<br />

Dès qu'fl fut informé des brouilleries, qui s'étoient<br />

renouvellées parmi les Barbares y au fujet de f héritage de SA­<br />

LADIN , fl dépêcha encore divers Légats aux Puiffances<br />

Chrétiennes, pour les engager à ne point négliger une occafion<br />

fî favorable de leur enlever un Etat, qui devoit être fi<br />

cher y Se fl précieux à tous les Fidèles ; de forte que, malgré<br />

les guerres, que caufoit la divifion de VEmpire, 5c auxquelles<br />

la plupart des Princes avoient pris part, principalement les Roîg<br />

de France y Se dAngkterre; le premier en faveur de PHILIPPE<br />

de Suabe, 5e VAnglois pour foutenir OTHON , fon Neveu ; le<br />

St. ïere ne défèfpéra point de parvenir à la réunion de ces deux<br />

Monarques, Se de former une Armée fuffifante pour exécuter<br />

cette fainte entreprife.<br />

Afin de la faire accélérer, 6c de k mieux foutenir, il déclara<br />

de nuUe valeur la Trêve, que le Comte SIMON DE MONITORT<br />

avoit établie avec les Sarrafins. U difpenfe auffi du ferment<br />

tous ceux qui s'y étoient engagés. U obligea même tous les<br />

Eccléfiaftiques à donner une partie de leur revenu pour la Guerre-Sainte<br />

, 6e fit en même tems prêcher la Croifade dans toutes<br />

les Provinces de VEurope,<br />

Article //. Lcs Princcs, touchés des exhortations Apoftoliques, Se les<br />

^s^ts Peuples, exckés par les prédications de divers fa vans Perfonna-<br />

Peupies ges, qui n'oubUoieut rien pour ks engap:erà cette fainte en tre-<br />

SroiT^ * prife, prirent, à l'envi, la Croix avec autant de zèle, que d'empreffement.<br />

D'autres, qui ne fe trouvoient point en état de<br />

faire le voïage d'outre-mer 5 contribuèrent largement aux frak,<br />

diacun félon fes moïens.<br />

Plufieurs Princes, 5c Seigneurs, de France, SedAngleter*<br />

rCy en firent de même. Se s'emploïèrent, avec chaleur, aux<br />

préparatifs néceffaires pour une fi glorieufe expédition. Le<br />

bonheur, qu'avoit eu le Cardinal de CAPOUE^de ménager enfin<br />

une Trêve entre ks Rois PHILIPPE-AUGUSTE , 6c RICHARD,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


M JE'RUSALEM. Lm VIIL CH. VD. 4.0?<br />

r(?^«r-


ÎPS H I S T O I R E G E'N E R A L E<br />

rable. Le Doge, Se les Sénateurs, qui avoient famé grande;<br />

touchés du zèle, 5c de la générofité , avec laqueUe tant de<br />

braves Seigneurs François quittoient les commodkés, 6c les plaifîrs<br />

de leurs Maifons, pour entreprendre un voïage, 6c une<br />

guerre, dont les travaux, les pérfls, 6c les malheurs avoienÇ<br />

dégoûté les plus grands Monarques, voulurent auffi avoir part<br />

Soixante à k gloire d'une fi befle entreprife. Outre les Vaiffeaux, qu'fls<br />

S«7ar/M ^voient promis aux Croifés y ils firent armer foixante Çalères,<br />

Vénitiens, qu'ils joignirent à leur Flotte.<br />

Article///. Cependant, comme les ^effeins des Hommes font fouvent<br />

fâcheufe" interrompus parles fécrets impénétrables de la Providence, lor^<br />

ff-fi^ qu'on travailloit, fans relâche, à ce puiffant armement, on aprit<br />

k Fénife la révolte des Habitans de Zara y qui fe donnèrenti<br />

pour la cinquième fois, au Roi d Hongrie, Pour furcroit dqi<br />

di%ïace, les Députés des Seigneurs Croifés, s'en retournant<br />

en France y trouvèrent, que le Comte de Champagney qu'ils<br />

avoient reconnu Chef de leur Croifade y étoxt mort. Cette per^<br />

te imprévue les arrêta, 6c les embarraffa fur le choix d'un nouveau<br />

Général. Après divers Confefls, ils réfolurent unanimement<br />

d'envoïer offrir le commandement de leur Armée à BON^T<br />

FACE, Marquis de Montferrat. I}s le croïoient d'autant plus<br />

capable de les bien conduire, qu'outre fa valeur, 5c fon expét<br />

rience dans fart militaire, fl avoit déjà fait la guerre en Pale-.<br />

ftincy Se n'y connoiffoit pas moins le pays, que la manière de<br />

combattre les Infidèks.<br />

BONIFACE accepta, fans balancer, fhonneur que tant d'illuftres<br />

perfonnages voulurent bien lui offrir. Il mk promtement<br />

ordre à fes affaires domeftiques , 5e paffa en Fran»<br />

ce y où fl fut reçu avec un applaudifferpent général, 5c reconnu<br />

chef de la Croifade. Le Roî PHILIPPE-AUGUSTE en<br />

faifoit fî grand cas, qu'fl luî avoit écrit, de fa propre main,<br />

pour le prier d'accepter une Charge, à la vérité pénible,,<br />

& dangçreufè, mais dans laquelle fl ne pouvok manfluer<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D^ -^J E' R U S AL E M. Lir. \Ui, CH.-\ il. 40^<br />

d'acquérir une nouveUe gloire auprès des .Hommes-, .6c un<br />

très-grand mérite .auprès de Dieu.<br />

Un autre inconvénient, auffi, fâcheux, que la mort du<br />

Comte de Champagne, fit non feulement différer la Guerre<br />

Sainte , mais faflUt • même à rompre la Croifade. Lorsque<br />

les Seigneurs Franç&is arrivèrent k Fénife y pour s'embarquer,<br />

plufieurs de ceux qui s'y étoient engagés , foit qu'fl çruf^<br />

fent de paffer plutôt cn Paleftine par une autre route , ou<br />

qu'ils trouvaffent trop>-«xceffive la fomme, qu'on avoit promife<br />

aux ^(^«/V/V/zj, diangèrent de fentimens. Les autres,<br />

qui ne pouvoient, fans s'incommoder beaucoim , fubvenir à<br />

de fi grands fraix, 6c qui vouloient cependant accomplk<br />

leurs vœux, à quelque prix que ce fût, fe virent dans k<br />

néceffi té d'accepter le parti que les Fénitiens leur offrirent,<br />

qui fut de leur fournir non feukment les Bâtimens. nécef^<br />

faires pour kur paffage, felon la convention,déjà faite; maîs<br />

encore-de les aider à recouvrer la T(?rr^--S«i«/^, à condition,<br />

yy qu'ils fe joindroient à eux pour réduire h Ville de Zara y<br />

yy 6c les autres Ueux de h J^almatie, qui s'étoient révoltés;<br />

5, Que toutes les conquêtes, qu'fls feroient dans cette Pro-<br />

„ vînce ;. Et dans VEfclavonie, appartiendroient entièrement<br />

„ à la RépubUque ; Et que ceUes, qu'fls feroient enfuite dan»<br />

„ k Pakftinéy feroient partagées en égale part.<br />

Plufieurs Croifés y qui ne purent s'accommoder de ces conditions,<br />

ni fe réfoudre à emploïer contre les Chrétiens le»<br />

armes, qu'fls avoîent prifes contre les Infidèks y s'en retournèrent<br />

cn France , ou aflèrent s'embarquer dans les autres<br />

Ports de VItalie ; d'autant pks qu'fls favoient, que le Roî<br />

d Hongrie i à qui appartenoit la ViUe de Zara y avoit prk<br />

k Croix y pour la même fin qu'eux ; 6c que le St. Père<br />

avoit menacé d'Anathèmc tous ceux qui entrcprendroient<br />

d'inquiéter ks Croifés , pendant que dureroit k Guerre<br />

Sfiinte.<br />

m ^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4,io HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

Ce fut alors que k judicieux DANDOLO déploïa toute<br />

fon éloquence. U fut perfuader ks Croifés y '* qu'fl s'^agiffok<br />

„ uniquement de réduire dès Sujets rébelks , 6c non d'offcn-<br />

„ fer le Roi d Hongrie dans fes Etats; Qu'ainfî , fexcommu^<br />

„ nicatîon,qui étoit attachée aux Bufles dc kCro^^(?,nepou-<br />

„ voit avoir lieu à leur égard; Qu'ils pouvoient donc, fans<br />

„ ferupule, aider à faire rentrer ces mauvais Sujets dans leur<br />

„ devoir ; Et qu'ils pourroient enfuite accomplir kurs vœux<br />

„ contre les Infidèles y avec plus dc force, 6c de vigueur." Ces<br />

raifons, Se plufîeurs autres gagnèrent enfin la plupart des Sei*<br />

gnems François, Ils s'embarquèrent avec ce généreux Vieillard^<br />

qui, malgré fon grand âge, 6c f affoibliffement de fa vue, voulut<br />

*wi. aUer, en perfonne, commander ks armes de fe RépubUque, dans<br />

une occafion, auffi intéreffante pour eUe, que glorieufe pour lui.<br />

Parce moienylesFénitiens profitèrent adroitement de la Ûo^<br />

riffante Armée des Croifés François y Se rentrèrent dans kpoA<br />

feffion des pays, qui s'étoient foùtraits à leur obéïffance, &<br />

qu'ils auroient difficflement recouvrés fens leur affiftance, malgré<br />

le grand nombre de Bâtimens, qu'fls avoîent armés, &<br />

qui compofoient k plus belle, 5c la plus floriffante Flotte, qui<br />

Rétarde- ^^ jamais fortie du Port de Fénife, Elk étoît de deux cens<br />

memdudé- foîxante Voflcs, parmi lesqueUes fe trouvoient 6o, gros Vaffc^oifés.<br />

féaux, autant de galères. Se d'autres Bâtimens plats, pour k<br />

transport de la Cavalerie, des provifions. Se des machines;<br />

Quoi qu'fls arrivaffent devient Zara fiam aucun mconvenient,.<br />

6& qu'ils emportaffent cette Place en fort peu dc tems, par les<br />

fi^équens affauts que ks Cro//^j lui donnèrent, après que les Galères<br />

en eurent forcé k Port, 'fls ne purent pourtant terminer<br />

cette entreprife àffez tôt, pour continuer leur voïage avant<br />

rtiiver. Us furent obligés de paffer toute cette faffon cn I^^^*<br />

maticy Se d'y attendre le retour du Printems.<br />

Articic/r. - Pendant ce tems-là,une affaire fort imprévue,6c non moins<br />

ékignée de kur deffein, que ceUe de Zara^ rétarda encore la<br />

' Çuenc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


t JE'RUSALEM. Lir. VIH. CH. VIL ^it<br />

Cuerre Samte, 6c la fit prefqu'échoucr. Ce fut le démêlé, quij$^'re<br />

furvint entre les Seigneurs Croifés y à foecafion d'ALEXis,^'^**"'<br />

Fils dlsACH LANGE, Empereur de Coriftantinopky à qui fon<br />

Frère ALEXIS, également ingrat, 6c perfide, avoit eu l'inhumanité<br />

de faire crever les yeux, après favoir renverfé du Trône,<br />

malgré la générofîté, qu'fl avoit eue de le racheter des<br />

mains des Turcs y Se de lui faire tenir k premier rang dans fa<br />

Cour.<br />

Le jeune ALEXIS avoit eu le bonlieur d'échapcr des mains du<br />

Tiran, par la fidélité, 6c f attachement de quelques Seigneurs,<br />

qui favoient conduit à l'Empereur PHILIPPE de iS«/?^^, fon Beau-<br />

Frère. Comme ce Prmce étoît hors d'état de lui donner faffiftance<br />

néceffaire, par raport à l'embarras,où fl fe trouvoit lui<br />

même contre OTHON, Duc de Saxe y fon concurrent kVEmpire<br />

y fl luî confeifla d'aller implorer faffiftance des Prince§CmféSy<br />

Se celle des Fénitiens y pour faider à recouvrer fon Empire,<br />

6c vanger les outrages, que fon Oncle avoit commis contre<br />

fon Père, 6c contre lui.<br />

La compaffion, que les uns 6c les autres eurent des malheurs<br />

de cc jeune Prînce, jointe aux fortes recommandations de l'Empereur<br />

PHILIPPE , Se aux inftances des Ambaffadeurs, qui f accompagnoient,<br />

mais encore plus aux preffantes Lettres, que PHI­<br />

LIPPE-AUGUSTE , Roî de France y leur écrivit à ce fujet, ks<br />

firent d'abord réfoudre à entreprendre fon rétabUffement, 6c à<br />

punir k fcélérat, qui avoit ufurpé le Trône Impérial.<br />

Comme fl étoit difficfle, que tant de Perfonnes, dont ks génies<br />

, Se les inclinations étoient fi différentes, puffent s'accorder,<br />

plufieurs des Croifés y Se principalement les Prélats, 6c les<br />

autres Eccléfiaftiques, foit par bon, ou par mauvais zèle, rejettèrent<br />

ce deffein, quelque glorieux, 6c avantageux,qu'fl parût<br />

aux autres. Us s'y oppofèrent même avec tant de vioknce,<br />

qu'fl penfa en arriver de fort grands désoidrçs* Cependant,<br />

Fff 2 mal-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fli H I^S TOI RE G F N'Ef R A LTE<br />

Vif ehfe malgré toutcs ces conteftations i lès principaux Seigneurs j^r^n-^<br />

prfftpal çoit y Se les ' Fénitiens , réfolurent unanimement de fecôurk<br />

H^ Véni- ^^Exis, perfuadés que le recouvrement de Coriftantinopk leur<br />

fcxFràn- fhycroit k dicmin a la conquête de k Terre-Sainte:<br />

^®^'" Us firent un Traité avec le jeune ALEXIS, les Seigneurs-<br />

Grecs y Se les Ambaffadeurs de l'Empereur PHILIPPE, qui fac-^<br />

compagnoient, par lequel les Croifés s'engagèrent demploïer<br />

tQui:es leurs Forces, pour le mettre en poffeffion du Trôné'Im-'<br />

périal, moïenant une groffe fomme dor, qu'il s'obligea de leur<br />

payer pour les fraix de leur armement. U s'engagea auffi à inï<br />

terpofà: toute fon autorité, pour porter le Patriarche de ConS'^<br />

tantinopky Se tout fôn Clergé, à fe foumettre à VEglifeRomai*<br />

ne y Sek reconnoître le Pape comme fouverain Pontife, 5e Vi-*<br />

caire de Jefus-Chrift. Ce dernier Atticle appaife les murmures*<br />

de diverfes Perfonnes, qui témoignoient du mécontentehieilt;'<br />

6c leur exempk en retint grand nombre qui vouloient s'en retourner,<br />

ou aller chercher une autre route pour paffer en Paleftine.<br />

Il n'y eut que les Comtes SIMON, Se Gui DE MôNtrôRr;<br />

avec quelques autres Seigneurs-de leur compagnie-, 6c plufîeurr<br />

Eccléfiaftiques, qu'un fcrupule plus délicat, ou quelque autre<br />

motif, fit détacher du gros de fArmée, pour s'aller embarquer<br />

dans les Ports de VApouilléy pendant "que k Marquis BONIFA­<br />

CE, les Comtes de Flandres y de Blois y Se deSt.Pôly^vec tous<br />

les autres Seigneurs, 6c le courageux Doge DANDOLO, avec<br />

fes Fénitiens y fe préparoient à partk de Zara pour la fameufe<br />

entreprife de Coriftahtinoplei'<br />

1202. Tout k'monde s'étant enfin embarqué au commencement<br />

?a&t' ^^ ^^rs, on fit vofle avec un vent favorabk. Us abordèrent<br />

Mpm''' ^^^^ quelques Iles de VArchipel, où ils furent par-tout reçus<br />

coniianti-avec foumflfion. Us arrivèrent enfin devant Coriftantinopk y Se<br />

h'm'ft.^m^lh bQxàmde forcer k Port de cette fwetf^ Vflk, en<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


OE jrRtfSALÉMf ËmVIli: C«.-V1I; 4,1-<br />

coupaïit la chaîne, qui le fermoit; Us défirent enfuite THE'O­<br />

DORE LASCARIS, Gendre de l'Ufurpateur, qui étoît forti<br />

avec foixante mflle Hommes, pour s'oppofer à kur débarî<br />

quement.<br />

^î«fe^i^^^5$^5îf*i^^-^V^5«^38^^^^<br />

G H API T R È^ VI I t<br />

'près ces heureux*commenceniens, îls formèrent le fîége de Article/.<br />

cette importante Place, par mer. Se par terre. U h çésfJml'nt<br />

Battirent fî vigoureufement, 60 avec tant de fuccès, qu'ALEXis j^-^5^^ ''^.<br />

en fut épouvanté.' Il n'eut pas affez-de courage, pour les attaiquer<br />

dans une fortie, qu'fl fit, -avec im fi grand nombre de<br />

Troupes, qu'fl auroit pu les enveloper de toute part, 6c peut<br />

être les obUger à regagner leurs Vaiffeaux, fî fa Uciieté ne l'eût<br />

empêché de profiter de fès préparatifs.-<br />

- Ce fcélérat, qui n'avoit que la cruauté,^ 6c point du tout k Fuite pri~<br />

valeur en partage, fit plus. Dès k même nuit, fl n'eut pas léits^rtj*<br />

honte d'abandonner la Vifle, 6c fa propre Famifle, pour s'en-Z"'"^^^'"^'<br />

fuïr, avec tout ce qu'il avoit de plus précieux. Une adion fî<br />

lâche irrita teflement les Peuples de Conftantinople , " qui craignoient<br />

déjà, que les Latins ne priffent la Vilk d'affaut, qu'ik<br />

coururent promtement à kprifon de fEmpereur ISACH , qu'ils<br />

délivrèrent. Us y enfermèrent, à fa place, la^Fémme, 5c les<br />

Enfans de fon perfécuteur; deforte que les Princes Croifés eu*^<br />

rent, en fort peu de tems. Se même'plutôt qu'ils n'auroient<br />

ofé fefpérer, la fatisfàdion de s'aquitter de leur promeffe. Se<br />

de remettre la Couronne Impériale furk tête de cdui, à qiâcUe<br />

appartenoit légitimement.<br />

' Ffft.> Ck<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


+i4< HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

Lejeune Ce cliangetnent inopkié fit cramdre aux Seigneurs Latins<br />

^iïK^à quelque foiprffe de k part des Grecs y dont k foi kur étok fuf^<br />

ifach. pede; Us conduifirent le jeune ALEXIS , comme en triomphe,<br />

dansk Ville, 6c l'affocièrent à l'Empire avec fon Père. Cependant<br />

, comme k fortune n'eft pas moins inconftante pour les<br />

Princes, que pour les autres Hommes, l'Empereur ISACH, ni<br />

ALEXIS , fon Fils, ne jouirent pas long-tems du plaifîr de leur<br />

rétabliffement, ni de la fetisfadion «d'être remontés au faîte<br />

de grandeur, dont on les avoit dépouifles.<br />

Mortd'i' ISACH, plus accablé des fouffrances, 6c des incommoditd|,'<br />

^*^^' que lui avoît caufé fa prffon, que 4^ fon âge, mourut peu de<br />

jours après; Se ALEXIS, auffi malheureux que fon Père, eut<br />

k foibleffe de s'abandonner à la feinte, Se dangereufe amitié<br />

d'ALEXis MiRTiLE , fur-nommé MURTZUPHLE , f Homme du<br />

monde le plus perfide. Se le plus fcélérat. Celui-ci, par fes<br />

mauvais confefls, par fes menées, 6c par fa cruauté, porta ce<br />

jeune Prînce, prémièrelhent à aUéner de lui f affedion des Latins<br />

y fes protedeurs, par fon peu de ponduaUté à les fatisfaire,<br />

malgré k ratification folemneUe, que fEmpereur, fon<br />

Père, avoit faîte du Traité, qu'fl avoit paffé avec eux: fecondement<br />

à foukver idPeupk contre lui, par k paiement des Sommes,<br />

qu'fl en exigea, pour s'aquitter envers les Croifés. Ce<br />

i^iexig MURTZUPHLE trouva enfin k moïen, par fes cabales criminel-<br />

Mur u-^ ks, de fe rendre maître de la vie, 6c du Trône de ce Prince<br />

phie. infortuné , qu'fl eut k cruauté d'étouffer lui même dans ua<br />

cachot, où il favoit fait enfermer.<br />

Après cctte aétion barbare, fl s'empara de fautorité Souveraine,<br />

Se de l'Empire; Mais, comme plufîeurs Ecrivains ont<br />

parlé de la manière, dont fl le fit, je me difpenfe de faire id<br />

un plus ample détail des ckconftances, qui ont jarécédé cette<br />

catafirophe, qui d'aiUeurs m'auroit'trop écarté du fujet prindpal,que<br />

je me fuis propofe, en écrivant VHiftoire des Roïau*<br />

mes de Chypre y de Jérufakm, Se d'Egvpte,<br />

U<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


©E JE'RUSALEM Lm VHI. CH. VIH.' 41?<br />

La nouveUe ùfurpation, 6c la tirannie du déteftable, 6c ArtîcieZfc<br />

perfide MURTZUPHLE , donna occafion aux Croifés de s'emparer<br />

pour eux mêmes de la ViUe Impériak. Les Empereurs<br />

dOrient y avoient étabU leur fîége depuis plufîeurs<br />

Siècles, à caufe de fa fîtuation fingulière, fa grandeur, k<br />

magnificence de fes Edifices, le nombre prodigieux de fes<br />

Habîtans, rextraodmaîre abondance de tout ce qui eft né*<br />

ceffaire à la vie, fes incomparables dehors, qui font jouïr<br />

de k commodité de deux mers, 6c des confins des deux plus<br />

belks parties du Monde ; 6c , enfin, par tant d^avantages,<br />

qui la font regarder comme un Ueu deftiné à dominer le<br />

pefte de f Univers. Je ne puis m'empêcher dé raporter la<br />

manière, dont les Croifés en firent la conquête, Se comment<br />

les François eurent l'honneur d'être élevés fur ce Trô*<br />

ne, dès que les principaux d'entre eux. Se le Doge deFé*<br />

nife furent informés de k mort tragique du jeune ALEXIS;<br />

6c du peu d'apparence, que fon affaffin , qui s'étoit fait<br />

proclamer Empereur, accomplît k Traité, qu'ils avoient fait<br />

avec lui.<br />

Tous ces changemens, contraires aux intérêts des Se\- Defcriptim^<br />

gneurs Croifés, les firent réfoudre à différer encore leur ^J J^<br />

paffage en Pakfiine, pour vanger la mort de celui qu'fls ^^^^'<br />

avoîent rétabli fur le Trône, Se punk f Uforpateur, qui s'en<br />

étoit emparé, par un crime fi énorme. Us vouloient, en<br />

même-tems, fe payer, par leurs propres mains, des fom^<br />

mes, qui leur étoient encore dues. Ils recommencèrent<br />

donc à battre la Place, par mer , 6c par terre. Qiiantité<br />

dc Seigneurs François, Se Fénitiens, fe diftînguèrent par<br />

dès adions dignes de mémoire. Les Grecs ne fe défendoient<br />

pas, avec moins de bravoure. Se de fermeté, qu'fls étoient<br />

attaqués; Mais, enfui, après plufieurs furieux affauts, ks<br />

Latins remportèrent un grand avantage fur MURTZUPHLE,<br />

qui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^i6 H I1S T 0 1 RE G E' N E' R A L li<br />

qui étoit forti, avec fes meiUeures Troupes , pour ks furprendre;<br />

De forte que ceTraitre, n'ofant plui rentrer dans<br />

la ViUe , prit une fuite.auffiprécipkéç, que,l'avoit fak k<br />

vieux ALEXIS.<br />

Le mauvais fuccès, 6c la fuite du Chef, cauferent du désordre<br />

parmi les Affiégés.- Les Croifés forcèrent ks murailles,<br />

Se fe rendirent entièrement maîtres de la ViUe , malgré les<br />

efforts de T H E'O D aR E LAS CAR I s , que le Peuple en<br />

tumulte avoit proclamé Empereur, vOn vit d'abord le desr<br />

prdre, _6e la confufion^, qui, arrivent ordinairement dani<br />

•une Ville prife ^d'affaut, où l'avidité du piUage met tou(,f<br />

une Armée en un furieux mouvement ; Et tout aUoit être<br />

houleverfé, fans ^ l'ej^traordinairé attention des Cliefs, qui<br />

emp_êçlièrent févèrement .ja violence, 6c les excès, tant par<br />

raport à leur honneur, qu'à fintérêt, qu'ils avoientjde couronner<br />

leur vidoire, en confervant à leur dévotion la première<br />

Vifle de fEmpirç.<br />

Us n'en eurej^t pas plutôt pris poffeffion , qu'fls fongèrent<br />

à f éledion d'un Souverain , qui la gouvernât Six<br />

Seigneius François y Se un pareil nombre de Fénitiens, furent<br />

chargés de'ce foin. On n'en tr-ouve pas les Noms<br />

dans les Hiftoires; mais .les deux Nations furent également<br />

fatisfaites de la prudence de ces Ekdeucs. Ils s'affemblèrent,<br />

5e raifonnèrent long - tems fur une affaire , auffi gra^<br />

ve, qu'importante ; puisqu'il s'agiffoit d'un Empire, 5c dc<br />

choifir un Sujet capabk ,de k conferver. Us ne forent cependant<br />

fufpendus for ce choix, qu'entre BONIFACE de<br />

MONTFERRAT, Se BAUDOUIN DE COURTENAI,<br />

Comte de Flandres, C'étoient, fans contredit, les plus capables<br />

, 6c les plus en état de k défendre. Enfm, tout<br />

^ien confidéré , îls fe déterminèrent en faveur de BAU­<br />

DOUIN, qui, quelques jours après, reçoit la Couronne Impéria*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. VIIL CIL VIIL 417<br />

périale, avec un appkudiffement général de toute l'Armée,<br />

dans le célèbre Temple de Ste. Sophie.<br />

Afin de donner quelque fetisfadion au Pape , qui avoit<br />

témoigné du mécontentement par raport à fentreprife de<br />

Coriftantinopk , 6c au retardement de la Guerre Sainte, les<br />

mêmes Ekdeurs nommèrent THOMAS MOROSIN, Noble<br />

Fénitien y Patriarche de cette Capitale. Le St. Père y qui<br />

prétendoit , que cette nomination n'appartenoit qu'à lui<br />

feul, la dédara nufle , lorsqu'fl en reçut k nouveUe. U<br />

s'en contenta pourtant enfuite, 5c la confirma. Voflà comment<br />

l'Empire dOrient , que le Grand CONSTANTIN*|'^|^''^<br />

avoit fondé, environ 8jo. ans auparavant, paffa des Gr^rj Grèque â<br />

aux François y Se comment l'Eglife Grèque fut réunie à k^^'^*^*<br />

Latine*,.après le long fchifme, qui fen avoit féparée.<br />

Ggg<br />

HIS.<br />

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Article X ^^<br />

HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

ROÏAUMES<br />

D E<br />

CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />

D' É G^ Y P T R<br />

1 IV RE IX.<br />

CHAPITRE PR E M ÎER,<br />

ç^^^o^g^^'Empire fut donc déféré à BAUDOUIN,<br />

^3!?^«::Ï!F^JRWI?^^ Comte de Flandres, Comme les Fénitiens<br />

Itêlliffe- ^^§ T ^ 3 ^^^^^^^ notablement contribué à fa conquêmentdef$^<br />

JL :^5t!> te, le nouvel Empereur n'eut pas beaucoup<br />

Baudouin»<br />

Cmte dg ^^-ëJ?^^ On convkit, qu'ils auroient à Conftantino-<br />

Flandres,<br />

Ëinpërtîtr'. . '^ pk y Se dans toutes les autres Vifles de<br />

l'Empke, un quartier, qui kur appartiendroit en propre, 6c<br />

dans<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTCflRE GE'NE'R. DE JE'RUSALEM.Lir.IX.Cal. 419<br />

dans* lequel ils pourroient vivre felon leur loix , Se exercer<br />

tous les ades d'une entière Souveraineté fur les Qabitans. Ceft<br />

ce que SANSOVIN , dans fon Hifloire y appelle trois parties de<br />

huit de tout l'Empire; 5c d'autres Hiftoriens de Fénife y Q^rta<br />

pars y cum dimidiay Imperii Romani y h. quatrième partie, 6c une<br />

demie, de l'Empire Romain,<br />

On doit ici corriger, en paffant, une erreur, dans laqueUe Remriue*<br />

quelques-uns font tombés, parce qu'fls ont cru, que,lors qu'on "Jc^ew.<br />

trouve, dans l'Hiftoire de/7/2//^, certains Nobles, avec le titre de<br />

Podeftat de Conftantinopky fl failoit croire, qu'ils avoient exercé<br />

cette Charge dans toute la Ville de Conflantinople. Leur<br />

jurisdidion ne s^étendoit que dans ce quartier de k Ville, où<br />

habitoient les Fénitiens y qui, félon f ufage des Vifles d Italie y<br />

envoïoiént un Podeftat, lequel, à la vérité, étoit un Magiftrat,<br />

tant pour le Civfl, que pour le Criminel, mais dont fauç^rité<br />

ne s'étendoit que fur les Sujets de la République, Se cela pour<br />

un tems limité. ^<br />

On trouve même dans quelques Manufcrits des Chroniques<br />

de Fénife y " que, nonobfïant cet établiffement de l'Empire,<br />

„ en la perfonne de BAUDOUIN, les Fénitiens mirent en déUbé-<br />

„ ration , s'fls transporteroient le fiége de kur RépubUque à<br />

J, Conftantinople. Cependant, comme il n'y a aucune apparence,<br />

qu'ils vouluffent aller réfider k Conftantinople y pour y<br />

exercer leur fouveraineté dans cette feule partie de la Ville, qui<br />

kur appartenoit, fl faut fuppofer, que leur deffein étoit de fe<br />

faifir du refte. Se de l'Empke même; ce qui leur devoit paroître<br />

fadk, 6c qu'fls auroient peut-être mis en exécudon, fi les<br />

révolutions qui furvinrent bientôt après, Se qui donnèrent de<br />

grands embarras aux Sueceffeurs de BAUDOUIN, n'euffent détour*<br />

né ks Fénitiens de ce projet.<br />

Le Doge DANDOLO, condnuant fon f^our à Conftantinopk y Article//.<br />

acquit, par Traité , figné le 12. Aoiit 120$*. de BONIFACE,<br />

Marqms de Monferraty file, 5c Roïaume de Candie y dont ce-<br />

Ggg 2 lui-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4.20 H I S T O I R E G E' N E' RALE<br />

lui-ci étoit en poffeffion, dépuis que fes Prédéceffeurs, qui s'é-i<br />

toient emploies à la Guerre Sainte, 6e à la conquête de Jérufakmy<br />

avoient trouvé le moïen de s'en rendre maîtres. SAN­<br />

SOVIN prétend, " que le Marquis de Montferrat étoit devenu<br />

5, Maître de C^/w//^, parce qu'fl étoit Oncle de fEmpereur<br />

„ ALEXIS, que les Z^//m remirent fur le Trône de Confitantim*<br />

yy pie; Et que celui-ci la lui avoit donnée. En effet, quelquesuns<br />

écrivent, " que ce Marquis, qui étoit un des Chefs des Croi*<br />

yy fiés y pour f entreprffe de h Paleftine y avoit époufé la Veuve<br />

„ de l'Empereur ISACH, Père de ce jeune Prince; Mais fl eft<br />

vrai auffi, que celui-ci vécut fi peu depuis fon rétabliffement,<br />

qu'on ne fauroit croire, qu'il eût eu le tems de donner aucune<br />

récompenfe au-Marquis> à titre de Neveu, puisqu'fl ne furvécut<br />

à fon Père que de quelques jours.. Se peut-être de quel-»<br />

ques ^eures feulement. -<br />

Dindoio u eft> plus vraifemblable , comme f écrivent d'autres Hifto-'<br />

r/ïïr ^^^^^ > ^^^ ^^^ Latins vidorieux aïent partagé entre eux les dé*<br />

Candie, pouflles de l'Empire Grec; Qye le Roïaume de Theffalie foit<br />

^JWN échu à BONIFACE, à qui ils avoient peut-être déjà affigné celui<br />

^maumede de Candie y en confidération du mariage de fa Soeur JORDAI-<br />

ThcHkiie. NE, promifeau jeune ALEXIS, mais quine put être exécuté;<br />

Et que cette féconde difpofition, d'échanger le Roïaume detodie<br />

avec celui de Theffalieykit été néceffaire, pour contenter les<br />

Fénitiens y que file de Candie accommodoit. ^<br />

Les Fénitiens 'àcc^irenty dans cette occafîon,non feulement<br />

rUe de Candie; mais, avec la quatrième partk de la Vflle de<br />

Coriftantinopk y un nombre confîdérable d'autres Vilks, Terres,<br />

Se Iles de f Empire. Il eft vrai que les Princes Gr^rJ, chaffés<br />

de leur fiége-, s'en allèrent, partie à Trébifonde y fur la Mer^<br />

Noire; partie à Nicée y en BithinrCy ou en d'autres Vflles dc<br />

VAfie mineure y Se y confervèrent le nom, 6c le caradère d'Empereurs;<br />

Mais, pour les Provinces de l'Empire, qui étoient en<br />

EuropCy elles reçurent toutes la loi des vainqueurs,65 furent k<br />

prp:,6c k partage de kur Vidoke, - * I^s<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


OE JE'RUSALEM. Lïv. IX. CH. L i^it]<br />

Les Hiftoriens de Fénife veulent, que leur part fut k Vflle<br />

d* Andrinople y une partie de la Romanie, les Iles de Nègrepont y<br />

partie des Cyclades, Se quelques autres Iks de Y Archipel y celles


422 HISTOIRE GE'NE'R AL E<br />

tre Nobleffe Françoife y Se Flamande y tous bien accompagnés,<br />

leur voïage fut presqu'entièrement infrudueux. Au lieu d'aider<br />

le Roi ALME'RIC à repouffcr ks Sarrafins y qui défoloieot<br />

k pays des Chrétiens y Se c^ faffoient des ravages jufqu'aux portes<br />

de Ptolomaïde y la plupart de ces Seigneurs prirent le parti<br />

de BOÉMOND d'iBELiN, Comte de Tripoliy contre LIVON, Roi<br />

d'Arménie y qui lui faffoit la guerre pour la Principauté dAntioche<br />

y que ce Comte avoit reçu en héritage du feu Prince BOÈ-<br />

1204. MOND, au préjudice de RUPIN, fon Petit-Fils, 5c contre le Traité,<br />

qui avoit été fait avec le même LIVON.<br />

Qui plus eft, les Croifés eurent le malheur d'être furpris par<br />

les Infidèles y en allant fecourir le Comte dc Tripoli. Ils furent<br />

non feulement défaits ; Mais Pépouvante fe mit auffi teUemeot<br />

parmi ceux qui s'étoient échappés, qu'ils fe rembarquèrent avec<br />

Nowjeaux précîpîtation pour VEurope ; de forte que les Comtes de Mont'<br />

Croifés font y Se de Salisburi y tout grands Capitaines, 6e tout remplis<br />

lesstnt^ de zélé, qu'ils étoient pour le recouvrement des Saints lieux,<br />

fiûs. fg trouvèrent abfolument hors d'état de rien entreprendre;fok,<br />

par raport au peu de monde, qui leur reftoit; foit, par raport<br />

à la maladie, qui fe mit parmi leurs Troupes, 6c qui en emporta<br />

la plupart.<br />

A Pégard de ceux quî avoient fait la conquête de Conftantinopk<br />

y bien loin d'accomplir leurs Vœux, ils furent obligés de demeurer<br />

auprès dû nouvel Empereur, pour faider à réduire les<br />

deux Ufurpateurs ALEXIS, 6e MURTZUPHLE, qui s'étoient récoignés<br />

dans les Villes de la Thrace y où fls faifoient feparément<br />

tous leurs efforts pour en chaffer les Latins.<br />

Mort de . BAUDOUIN fut malheureufemcnt tué, avant la fin de k prétué^par^ies<br />

mîêre année de fon règne, dans une embufcade, que les Grecs<br />

un^^uf- ^"^ ^voient dreffée, lorfqu'fl afloit affiéger la Vifle dAndrinoplcy<br />

fade. où ALEXIS, Se THE'ODORE LASCARIS, fon Gendre, s'étoient<br />

retii'és avec leurs principaux adhérens. HENRI, fon Frère, fut<br />

d'abord falué Empereur à fa pkce. Comme ce Prince avoit befoia<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. LiV.lX. CILL 423<br />

fom d'affiftance, fl engagea le Cardinal de ST.MARCEL , Légat du<br />

Pape, qui, à la foflicitation de BAUDOUIN, avok quitté laP^leftiney<br />

pour venir à Conftantinople y à abfoudre les Croifés du<br />

voïage dc la Terre-Sainte, Ce Prélat k fit faf\s héfiter, pour conferver<br />

aux Latins une conquête fi importante, 6c où k St, Siège<br />

reprenoît fautorité qu'fl avoît perdue.<br />

Le Légat fit plus. Afin d'encourager les Croifés y fl ajouta,<br />

à f abfolurion du vœu, des indulgences pléniaîres, 5e k remiffion<br />

de tous les péchés, à tous ceux qui demeureroient encore un'<br />

an entier au fervice du nouvel Empereur. U n'en faloit pas<br />

tant, pour détourner les Croifiés de leur première entreprffe.<br />

Us n'en étoient déjà que trop rébutés par les incommodités, 6c<br />

les disgrâces qui étoknt arrivées à ceux qui favoient pourfuivie.<br />

Cek, joint aux occupations, que donnoient à BONIFACE<br />

DEMONFERRAT, aux Fénitiens y au Comte de Blois y au Sei^gneur<br />

de ChamplilCy Sek plufieurs autres des plus confidérables<br />

Seigneurs Croifés y les arrangemens néceffaires dans les Provinces,<br />

dansks ViUes, 6c dans les Iles, qui leur étoient échues<br />

en partage après la prffe de Conftantinople, pour fe ks conferver;<br />

Ces embarras, dis-je,furent caufe,que perfonne ne fongea<br />

plus à la Paleftine, ni à la délivrance du St. Sépulcre.<br />

La conquête de PEmpire dOrient y que tous les Chrétiens Conquête de<br />

d''Europe y Se du Levant y s'étoient flattés devoir immanquable- nopiTn^'<br />

ment kur procurer le recouvrement de hPakftiney penfe au/Wff4iu*<br />

contraire, caufer fentière perte de ce qu'ils y poffédoient ; Car, deiWûal<br />

outre que le petit nombre de CroiJéSy qui furent de ce voïage, '^"^•<br />

n'y fit aucun progrès , la plupart des ChrétienSy qui l'habitoient,<br />

ne furent pas plutôt aflurés de l'étabUffement des Latins<br />

à Conftantinopk y qu'ils partirent pour s'y aller établir; deforte<br />

que la Paleftine demeura prefque déferte, Se le Roi ÀLi^fE'Ric<br />

fi foible, que les Sarrafins l'en auroient facflemént chaffe, ou<br />

«nvahi fes Etats, s'fls l'avoient entreprk.<br />

Aufll,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


+24. H I S T O I R E GE'NFRALE<br />

Article///. Aulïi, n'aïant pu profiter de leur désunion, comme fl favoit<br />

Trivd- ^ÎP^^> il s'eftima heureux de pouvoir conclure avec eux une<br />

fix ans, " TrèvC de fix ans. Il fe flattoit, que, pendant cc tems-là, les<br />

«dSes!^° Latins s'affermiroient entièrement dans PEmpire de Grèce y Se<br />

que le Pape, qui avoît témoigné tant d'ardeur. Se d'empreffement<br />

pour la déUvrance des Saints Ueux, engageroit les Puiffances<br />

Chrétiennes dans une nouveUe Croifade y qui lui feroit plus<br />

utile, que .toutes ks précédentes ; d'autant plus que Jes Armées<br />

ne rencontreroient plus les obftacles, que leur avoit fufcité la<br />

malignité des Grecs,; Mais la mort, qui fe joue des projets des<br />

Hommes, qudque élevés qu'ils foient, ne permit à ce Prince,<br />

ni de voir aucune nouvelle Croifade , ni j'affermiffement des<br />

François k Conftantinople,<br />

Mirtd'Ai' U mourut k Ptolomaïde y foit de maladie naturelle,, ou, com-<br />

""^*^' me quelques-uns k prétendirent, de la douleur, qxCilconçut<br />

de là mort d'un Ffls, nommé AMARIN , qu'il avoit eu de la Reine<br />

ISABELLE , 6c qui auroit dû lui fuccéder, 6c conferver à la '<br />

Maifon de LUZIGNAN la Couronne de Jérufalem. U ne refta de<br />

fon mariage avec ISABELLE, que deu^c Filles, dont l'une,nommée<br />

SYBILE, fut enfuite mariée avec LIVON, Roi d Arménie y<br />

Se la cadete, ME'LISANTE, à RAIMOND-RUPIN fon Petit-Neveu,<br />

Se alors Prince dAntioche. C'eft de ce mariage que naquît la<br />

Princeffe MARIE, qui donna, dans la fuite, tant de peine au Roi<br />

de Chypre y Se de Jérufakmy en renonçant en faveur de CHAR­<br />

LES d'ÀNjoir, aux droits qu'elk prétendoit avoîr for ce dernier<br />

Roïaume.<br />

syncerps Lcs Barous ChypTiots n'aprirent pas plutôt la.mort de leur<br />

3y'J*4 Souveram, qu'ils envoïèrent une célèbre Ambaffade à//ote/»r<br />

f^nta/ de y pour demander fon corps, qu'fls transportèrent k'Nicofie y<br />

' ^^° ^* en grande cérémonie. U fut pompeufement mhumé dans l'EgUfe<br />

Cathédrale de cette Ville, très-régretté de tous fes Sujets.<br />

HUGUES, fon Fîls aîné, lui fuccéda àla Couronne dc C^y?f


DE JE'RUSALEM. LIV. IX. CH.I^ Ifsf<br />

Oimme fon âge ne lui permettoit point encore de gouverner<br />

l'Etat par lui même, k Cour fupérieure, fuivant les Loix, en<br />

donna f adminfftration à GAUTIER DE MONTBEILLARD , fon<br />

Beau-Frère, qui, fens confidérer l'intérêt, qu'fl avoît à fe bien rjdminisacquiter<br />

de cette importante Charge, en confervant les biens^^'^^"^^^<br />

de k Couronne, l'opulence. Se le bon ordre dans le Roïaume, ^^ ,^**<br />

s'attacha au contraire à l'opprimer, pour fetisfeire à f avarice Montbeiifordîde,qui<br />

le dominoit. Se qui,dans cette occafion,luî fit en-1"*^'<br />

tièrement oubUer fon devoir, 6e fon honneur, par des adions<br />

très-indignes de fe naiflance, Se très-oppofées à fentière confiance,<br />

que la Cour avoit eue en lui.<br />

. GAUTIER ne fe contenta pas feulement de charger les Peu- Artide/r.<br />

pies de nouveaux Impôts, de rendre les Charges vénales, SeQ^^^^ç^<br />

d'exiger de Pargent par tous les moïens, dont il pouvoit s'avi-/"'"^*'»'"^*<br />

fer, 6c qu'fl détournoit à fon profit particuUer. U eut encore 4f^t éiêla<br />

mafice dc fake élever k jeuneRoi dans un Château, fous V^é-^aJ^^<br />

texte qu'fl s'y appUqueroît mieux à l'étude, mais, en effet, pour Cbdtet», •<br />

l'éloigner entièrement de la connoifïance des affaires, 6c le rendre<br />

comme incapabk de les r^ir par lui-même.<br />

Qudque kijufte, 6c quelque préjudiciable, que fut cette condmte,<br />

on fe contentoit cependant d'en murmurer, fans que<br />

perfonne ofât entreprendre d'y remédier;tant le Régent s'étoit<br />

rendu redoutable. Se avoit affermi fon autorité.<br />

Quelque-tems après la mort du Roi ALME'RIC, le Maître du<br />

Hofpitaliers rapelk les Chevaliers, Se les Troupes, qu'fl avoit<br />

envoïés dans les Fortereffes de Chypre y tant par raport au<br />

changement du gouvernement, que pour affranchk fon Ordre<br />

de k dépenfe, que lui caufoit cette commiffion. Ce Maître<br />

mourut prefque dans le même-tems à Ptolomaîdey Se eut pour<br />

Succeffeur le ChevaUer GUE'RIN DE MONTAGU. La Reme ISA­<br />

BELLE décéda auffi en ce tems-k, quoi qu'en dife k Père LU­<br />

ZIGNAN, qui fait m.ourk cette Rekie avant k Roi ALME'RIC;<br />

&qui veut, que ce Prmce quitta k/'/^Z^/w^ à l'arrivée DE JEAN DE<br />

Hhh BRIEX-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


426 HISTOLRE G E'N E'R A L JS<br />

BRIENNE, 6C le fait paffer en Chypre ^Lyrec fes detix Fflûes, où îl<br />

dit qu'fl mourut peu de tems après fon retour. Il y a apparen?<br />

ce, que cet Hiftorien s'eft trompé, en fuivant PAUL EMILE,<br />

SE'BE'LIQUE, TRACAGNOTA , 6c le Continuateur de la Guerre*<br />

Sainte y qui font de ce fentiment, 6c qui, dans cette occafion».<br />

ont affurément erré, comme fl paroît pas une Lettre, qui fe<br />

trouve dans la BibUothèque Faticane. EUe eft du Pape INNO­<br />

CENT IIL 6c addreffée aux Evêques de Paris y Se d'Orléans Van<br />

1206, le huitième de fon Pontificat. Le St, Père y f^t une longue<br />

narration du pitoïable état, auquel la mort du Roi ALME!-<br />

Ric, arrivée l'année précédente, rèduifoit les Chrétiens delà<br />

Terre-Sainte y par le bas âge du Prince, fon Fils, qui devoit lui<br />

fucééder, 6c par le décès du Patriarche de Jérufakm, Pertes,<br />

qui laiffoient ce pauvre Pays fans gouvernement fpirituej, ni<br />

temporel. C'eft pourquoi, le Pontffe ordonnoit à ces Prélatsde<br />

prier. Se d'exiiorter,de fa part,k Roi PHILIPPE à y envoïer<br />

promtement quelque fecours. *<br />

Remarques ^ Qcttc Lettre du St, Père étant une pièce autentique. Se mfur<br />

Terreur couteftable, uc kflfc aucunUcu de douter de f erreur decesHis-»^<br />

M^oliens. toriens. Elle prouve clairement, que le Roi ALME'RIC, bien loin<br />

d'être mort, comme fls l'avancent, après l'ékdion de JEAN DE<br />

BRIENNE, étoit mort plus de trois ans, avant qu'on parlât de marier<br />

la Princeffe, 5c de donner la Couronne de Jérufalem kco^<br />

Seigneur. Pareifles fautes arrivent affèz fouvent aux meflleurs<br />

Auteurs, pour fuivre, avec trop peu de précaution, le fentiment<br />

de ceux qui ont écrit avant eux.<br />

La Reine ISABELLE avoit déckré héritière du Roïaume MA^I^<br />

RIE, fa Fflle aînée, qu'efle avoit eue de fon fecond mariage avec<br />

CONRAD,Marquis de Montferrat, Elk avoit recommandéparticulièrement<br />

cette jeune Princeffe aux ChevaUers de VHopitaly<br />

Se du Tempky pour les engager à défendre fes Etats,avec plus<br />

de chaleur,, pendant qu'ils demeureroient fans Chef. Ce qui mit<br />

ks deux Maîtres de ces Ordres, quoique d'aifleurs très-peu unis,<br />

dans<br />

.x<<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv.IX. CH.L 4.2?<br />

dans un égal embarras. Us craignoient toujours, que, s'fl arrivoit<br />

quelque désordre, avant qu'efle fiit étabUe, on ne leur<br />

cn attribuât'la faute. Us reconnoiffoient auffi, que les Seigneurs<br />

du Pays, qui aspiroient à fon AUiance, commençoient<br />

à y caufer des divifions. Pour prévenk de plus grands malheurs<br />

, ces Chevaliers écrivirent conjointement au Souverain<br />

Pontffe; le fopplîant d'interpofer fon autorité, pour lui choifir<br />

un Epoux, quî fût digne de porter la Couronne de Jérufakmy<br />

afin d'éviter les inconveniens fâcheux, qui pourroient<br />

naître de fémuktion , 6c de la jaloufie des Seigneurs du<br />

Roiaume, qui afpiroient à cette Dignité, 6c qui ne paroif^<br />

foient pas difpofes à fe rien céder entre eux.<br />

C H A P I T R E IL<br />

Si les Maîtres des Ordres Mflitaires agirent de fi bonne in- Article /.<br />

telUgence dans cette affaire, fl n'en fut pas de même pour "^^*<br />

cefle qui fe réveiUa entre LiyoN,. Roî d Arménie y qui foûtenoit<br />

lè parti de RAIMOND-RUPIN, fon Petit-Neveu, Se BOËMOND,<br />

Comte de Tripoli, au fujet de la Principauté dAntioche y que<br />

fun, 6c l'autre prétendoient leur appartenir; Car les Hofpitaliers<br />

y folUcités par k Pape même, fe rangèrent dabord du côté<br />

du Roi d Arménie y Se de fon Neveu; Se les Templiers y fuivant<br />

leur coutume t)rdinaîre, de prendre toujours le contre-pié,<br />

époufèi-ent inceffamment le parti du Comte.<br />

Une guerre fi dangereufe entre une poignée de Chrétiens^<br />

qui reftoient en Syrie, faflUt à les perdre entièrement, puisqu'eUe<br />

diminuoit toujours leurs forces, 6c procuroit aux Infidèles<br />

les moiens de les en chaffer. Cette dffcorde dura deux ans,<br />

au bout desquels k Comte de Tripoli fut contraint de céder,<br />

Hhh 1 Se<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


428 HLSTOIRË GE'NE'RALË:<br />

6c de kiffer à RAIMOND-RUPIN la fibre poffeffion de la Principauté<br />

dAntioche,<br />

/.«Turcs, A peme ces démêlés furent terminés, que tous les Chrétiens<br />

ures, bat-de k Syric fe trouvèrent obligés de reprendre les armes, pour<br />

««wAr- s'oppofer à finvafîon que firent ks Turcs dans le Roïaume d'^rménie.<br />

Ces Peuples, qui, après avok long-tems poffédé la P^,<br />

dont ils avoient chaffe les Sarrafins y & que les Tartares Mogols<br />

leur firent quitter à leur tour, reprkent leur première vigueur,<br />

fous le fege. Se prudent gouvernement dc DUZALPE,<br />

qu'ils avoîent élu pour leur Chef, ainfî que je Pai raporté au<br />

III. Livre de cette Hiftoire. Et fls firent de fi grands progrès<br />

contre les Grecs, fous la conduite d'A u G u z A L p E , fon Ffls,<br />

qu'fls le mirent en état de fe répandre dans VAfie-Mneure,<br />

Comme fls ne ravageoient pas, avec moflis de foreur, les Pays<br />

des Chrétiens de h Syrie yil attaquèrent VArménie y pendant o^e<br />

le Roi LIVON étoit occupé des affaires dAntioche, U eft vrai,<br />

que la promte affiftance, qu'fl reçut des Chrétiens de la Terre^<br />

Sainte y Se princip^emetit des Hofpitaliers y empêcha les Infidèle<br />

s d'y faire de grands progrès. Au lieu de pouvoir piUcr, Se<br />

ravager cet Etat, comme ils s'en étoient flattés, fls y furent<br />

teflement battus en diverfes rencontres, 6c y perdirent tant de<br />

monde, qu'fls furent obligés de l'abandonner, 6c d'aUer cher-<br />

1209. cher fortune aiUeurs.<br />

LIVON, qui étoit un Prînce généreux 6c reconnoiffant, fut<br />

C fenfibk au fervice que lui avoient rendu ks Hofpitaliers, y qu'il<br />

donna la Vflle de Selef k leur Religion. U y ajouta enfuite deux<br />

. Vflïages voffms, Pun nommé Clmteauneufy Se VmtreCamardo.<br />

U fit favok cette donation au Pape,' afin de lui-marquer toujours,<br />

déplus, en'tplusyf^fourniffxon ^uSt,Siège, \jeSt,Père<br />

l'approuvas 6c k loua fort de fon zèle, par un Bref, qu'il lui<br />

fit expédier k 5. Août de fannée 1211. qui fut la XIIL de fon<br />

Pontificat. Ce Bref fe trouve dans les Regitres d'IwNOCENT IIL<br />

à k Bibliothèque Fatiçanc.<br />

Cesi<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. Lir. DC. CH. IL 4.2^<br />

Ces troubles n'empêchèrent pas ks Maîtres des Ordres Mi-Article a<br />

ficaires de s'emploïer, 6c d'agir avec dextérité auprès des Seigneurs<br />

de k Paleftine y qui ne pouvoient fe réfoudre à avoîr un<br />

d'entre eux pour Sôuveram. Us les firent enfin déterminer à<br />

envoïer, d'un commun corffentement, des Ambaffadeurs au Pape,<br />

6e au Roî de France, pour les prier de leur donner un<br />

Roi, qui fut capabk de gouverner, 6c de maintenir im Roïaume,<br />

aulfi affoibU,6c autant expofé aux infoltes des InfidèkSy que<br />

fétoit celui de Jérufakmy Se pour la confervation duquel fls<br />

avoient la bonté de s'iiitéreffer fi fort.<br />

INNOCENT, 6C PHILIPPE, reçurent ces Miniftres fort gracku-Jean de<br />

fement. Parmi les Seigneurs François y qui auroient mérité cet-p"uphfn<br />

te haute Dignité, fls préférèrent le Comte JEAN DE BRIENNE,.*^ienqu'on<br />

nommoit le Dauphin de Fienne en Dauphinéy Se quipaf-iiMrfejéfoit<br />

pour k plus brave, 6c k plus expérimenté Capitaine de fom'"^^^"*<br />

tems. Après avok accepté cet honneur. Se témoigné beaucoup<br />

de reconnoiffance au Souverain Pontife, 6c au Roi PHILIPPE-<br />

AUGUSTE , ce Seigneur mit inceffamment ordire à fes affairesdomefiiques,<br />

dont fl donna k fom à un de fes Frères, 6c partit^<br />

en compagnie des Ambafladeurs, pour fe tendrtkRome. U étoit<br />

accompagné du peu de Troupes, qu'fl avoît pu lever de fe&<br />

propres deniers, ou de quelque fomme que k Roi lui avoit fait<br />

compter.<br />

Le Pape le reçut avec de grands témoignages d'honneur 6c<br />

d'affedion. U lui donna, avec fa bénédidion, un petit fecours<br />

d'argent, 6c Pexhorta à partir le plutôt qu'fl feroît poffibk. Sa<br />

prefence étoit d'autant plus .néceffaire à la Pakftinéy que les<br />

Maîtres des Ordres MiUtaires lui avoient écrit, que SAFFAMN<br />

avoit fait bâtir une Fortereffe fur k Mont Thabor y pour-être<br />

plus à portée d'infulter les Chrétiens y Se qu'fl faffoit des préparatifs<br />

extraordkiakes, qui,felon ks apparences,étoient dçftinés.<br />

contre eux.<br />

Hhh 3 Lc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


430 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

nferenià Lc Comtc de Brienne y qui y en époufent la Princeffe MARiBi<br />

Vénife. ^ çj^ acceptant la Couronne de Jérufalem, avoit réfolu d'eAploïer,jufqu'à<br />

la dernière gouce de fon fang, pour la conferver,<br />

paffa promtement à Vénife, Sans 5'arrêter à k magnifique réception,<br />

6e aux Fêtes, que lui avoit préparé le Sénat, fl s'y<br />

embarqua d'abord fur k Flotte de la République, avec le peu dc<br />

Cavalerie, 5c d'Infanterie, qu'fl avoit. U ^hord?i k Conftantinopk^<br />

où fEmpereur HENRI le reçut avec beaucoup dc diftindion.<br />

Se luî fit tous les honneurs imaginables. Il arriva enfin à Ptolomaîdey<br />

le 5. Septembre de cette même année 120p. Le$ Peuples,<br />

qui l'attendoient avec une extrême impatience, s'étoient<br />

propofe de lui donner, pendant quelque tems, des Fêtes Se des<br />

Réjouiflances. Mais ce Prince, qui étoit entièrement occupé<br />

des affaires de PEtat, ne penfa qu'à s'en faire promtement informer.<br />

Il n'en eut pas plutôt pris connoiffance, qu'fl fe rendk à<br />

Tyr avec la Reine MARIE , accompagné de toute la Nobleffe du<br />

Pays. Ils y célébrèrent leurs Noces, 6c leur Couronnement,<br />

avec une magnificence vraiment Roïale, le 30.,du même mois<br />

de Septenibre.<br />

-SonCoHron- Cependant, quelque empreffemènt, qu'eût ce nouveau Sou-<br />

/.Twlr"/? verain, d'attaquer les Infidèles y ils avoient fi bien pris leurs me-<br />

' ee,àTyï. fures,qu'ils le prévinrent eux-mêmes, 6c entreprirent de l'affiéger<br />

dans Ptolomaîdey où fl doit retourné avec toute fa Cour.<br />

Les guerres inteflines, qui avoient fî.long-tems agité les Bar-:<br />

haresy après la mort de SALADIN, s'étoient enfin terminéea<br />

après celle de SAFFADIN, fon Frère. Us étoient convenus, que<br />

LesinMe- NoRADiN, Fils du premier, demeureroit Soudan dAlep;Se les<br />

Jttlqueni deux Ffls du fecond, dont Pun fe nommoit CORADIN, 6C Pau-<br />

^çat^' tre M^^E'LE'DIN, feroient, le premier Maître du Roïaume de<br />

V Damas y 6c k fecond de celui d'^j;)(p/^.<br />

Cet accommodement termina toutes leurs difcordes. CORAnmp<br />

qui étoit le plus ambkieux, 6c k plus entreprenant, mît<br />

d'abord<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm IX. CH. IL ^u<br />

d'abord une puiflance Armée fer pié, avec kquefle il marcha<br />

vers ptolomaîdey où fl fe fkttoit de furprendre les Chrétiens y<br />

encore occupés des réjouiffances du mariage, 6c du couronnement<br />

de leurs Souverams.<br />

Aux premiers avis que k Roi ,reçut de fon mouvement, il<br />

fortit en campagne, avec toutes fes Forces, 6c cefles des Ordres<br />

Mflitaires; mais efles étoient ejitrêmèment inférieures à celles<br />

de CORADIN. Cependant, quelque hardi, 6c courageux qu'il<br />

fût, fln'ôfa, ni entreprendre le fiége, ni accepter k bataifle,<br />

que k Roi JEAN lui préfenta. Au contraire, intimidé de la<br />

bonne contenance de ce Prkice, U rebrouffa diemin, fe retira<br />

fur fes Terres; 6e, fans vouloir risquer un combat général,<br />

'û prit le parti de faire divers détachemens, qui couroient, 6cravagcoient<br />

les campagnes, tantôt du côté de T^r, tantôt aux "^^'<br />

environs de Ptolomaïde,<br />

Ces partis faffoient des dégâts fî fréquens, Se fî confidéra^<br />

bks, qu'fl étoît knpoffibk de les atteindre ;^ Se ces défolatîons<br />

imprévues avoient fi fort épouvanté les gens de la campagne^.<br />

& des lieux ouverts, qu'fls n'ofoient plus y habiter; deforte<br />

que la plupart des Terres demeurôient incultes, fans qu'on pût<br />

y remédier, par raport à l'afile, que les Troupes de CORADIN<br />

trouvoient dans le Fort du Mont Thabor y que le Soudan dA*<br />

Upy fon Coufin, avoit fait bâtir peu auparavant,6c dans lequel:<br />

il tenoit une forte garnifon. Auffi,les ViUes étoient fi rempUes<br />

des Perfonnes, qui s'y étoient retirées, que ks vivres commençoient<br />

à y devenir rares; ce qui fit dire à quelques mauvaîs ef^<br />

prits, qu'on fe reffentoit fort peu de k venue de nouveau Roi:<br />

Mais que pouvoit-fl faire de plus ?'<br />

Si k Roïaume de Jérufalem fe trouvok dans cet accablement,^);^^;<br />

faute de forces capables de fiiire tête aux Infidèles y celui de Chy- rf« Chypre<br />

pre n'étoit guères en meilleur état, par le mauvais gouverne- %^<br />

ment du Comte de Montbeilîard, Ce Régent, uniquement occupé<br />

de fon avarice, continuoit; k accabler les Peuples, Sek<br />

accu«<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«2 H î S T-O I R E G E'N E'R A L E<br />

accumifler des richeffes par des concuffions énormes; tenant<br />

toujours k Prince HUGUES éloigné de la ViUe, 6e des affaires<br />

du gouvernement, qu'fl auroit été en âge de commencer à ré-,<br />

gir pas lui même.<br />

Aucun des Seigneurs de la Cour Supérieure , fok par indolence,<br />

ou pour quelqu'autre raifon, ne fe mettoit en peK<br />

ne de Pûiftruire de fes intéjj^ts. U y avoit même apparence,<br />

'qu'fls auroient laîffé croupir long-tems leur jeune Souverain dans<br />

l'ignorance. Se dans la vie folitaire, fens les. bons offices d'ua<br />

Dominiquain y k qui fon éducation avoit été confiée.<br />

* Ce bon Religieux, attaché depuis long-tems à la Mailon<br />

Roïale, 6c las du peu de foin des Barons pour favantage de la<br />

Couronne, 6c pour le bien public, inftruifit enfin fon Difciple<br />

des malverfations du Comte de Montbeillard y fon Beau-frère,<br />

Se lui rémontra fi vivement, qu'fl ne failoit plus différera y metta-e<br />

ordre, afin d'évker l'entière ruine de fon Roïaume, que ce<br />

jeune Prince, pénétré de ces bons, 6c falutaires avis,quitta le<br />

Cliâteau, Se fe rendit dans fa Capitale, U y fit affembler les<br />

Seigneurs, auxquds fl dédara, "qu'fl vouloit désormais pren-<br />

» dre les rênes du gouvernement. Se fe faire rendre compte<br />

„ de l'adminfllratîon, qu'en avoit eue, pendant cinq ans, le<br />

„ Comte de Montbeillard,<br />

• Le Confefl,charmé d'une réfolution fi néceffaire, 6c fi admirable,<br />

puîfqu'efle déUvroit l'E'tat dc la tirannie d'un fi mauvais<br />

Sujet,applaudit, avec beaucoup de refped, 6c d'empreffement,<br />

aux volontés du Souverain ; 6c lui fit en même-tems comprendre,<br />

qu'il étoît bon de ne point différer fon couronnement,<br />

afm que fon Beau-Frère n'eût plus aucun prétexte de fe mêler<br />

des affaires de PE'tat; 6c qu'fl pût, avec plus d'autorité, tirer<br />

raifon des malverfations qu'fl avoit faites à fon préjudice.<br />

HuS ^^ ï'etour d'attention des Barons du Roïaume, joint aux fa-<br />

Fiisd'Ai' ges, 6c prudens confeils, que continuoit à lui donner fon Pré-<br />

St^. cepteuTjlui ût prendre k Couronne avec çmprdfement. La cerémo^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Bfc JÏ'RUSAIEM.. LmiX. CH.n. +3J-<br />

î?&nonie s'en fit dans k Temple deStcSophicyZïïx. acdamations<br />

univerfefles des Peuples, qui fe voïoient à k veflle d*être foukgés<br />

des knpôts^ dont on les avoit accablés pendant la Régence.<br />

En effet, fls ne tardèrent pas à éprouver k différence qu'il<br />

y a entre k gouvernement d'un véritable Souverain, 6c celui<br />

d'un Régent; Car, quoiqu'il trouvât ks coffres de la Chambre<br />

Roiak vuides. Se qu'efle fut même chargée de groffes dettes,<br />

il foukgea fes Sujets, autant qu'fl lui fut pofl[ible; Sey malgré<br />

l'embarras, où k mettoit cet épuifement de finances,fl ne voulut<br />

point ufer de rigueur avec k Comte de Montbeillard y en<br />

confidération de Peflime, 6c de l'amour, qu'fl confervoit pour<br />

(à Sœur, que ce Comte avoit époufée. Il fe contenta de lui<br />

demander les comptes de fon adminifli-ation, en prefence de<br />

la Cour fupérieure, 6c de lui dire, " que f épargne Roïale au-<br />

5, roit dû être remplie , au lieu qu'elle étoit vuide ; d'au-<br />

9, tant plus que, pendant fa Régence , le Roïaume n'avoit<br />

5, eu aucune guerre à foutenir, ni aucune autre dépenfe à<br />

„ faire , qui fût capable d'abforber ks revenus de k CDU-<br />

„ ronne.<br />

Le Comtc, qui fc fentoit coupable. Se qui n'avoit point envie<br />

de rendre cc qu'fl avok ufurpé kijuftement ; au Ueu d'être<br />

• touché dc la modération du Roi, fut fi bien en profiter, qu'il<br />

luî emporta fonbieh. Se fe garantit de fes recherches. Il demanda<br />

un délai de quelques jours, pour produire fes comptes,<br />

6c juftifier fa conduite II &ty pendant ce tems-là, transporter<br />

fécrettement tout ce qu'fl avok de plus précieux au Château de<br />

Gqflira^ fitué au bord de la mer, au canton du Cap-Grec y<br />

appartenant aux Templiers. U s'y fauva enfiflte lui même, pendant<br />

la nuit, avec toute fa Fanîflk, 6c s'y embarqua fur une<br />

Galère du Comte de Tripoliy qui le conduifit à Ptolomaïde. ^<br />

Tout jeune qu'étoit k Roî, il reffentit vivement une fuite fi<br />

honteufe, plus par raport au deshonneur, qui lui faifoit l'Allii<br />

lian-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


434. H I S T O I R E: G E' N E' R A t E.<br />

fiance d^un Homme, capabk d^àdions fï baffes, que, pour<br />

fes propres intérêts.. Qiielques confidérables qu'fls fuffent,<br />

il aima mieux les facrifier entièrement, que le faire pour-»<br />

fuivre dans les Pays étrangers, oii fl n'auroit fait qu'augmenter<br />

fa honte y fans faire impreffion^ fur k cœur dun<br />

Parent fi indigne,' 5e fi deloïah-<br />

U fe contenta de Pabandonner à là juftice Divine, qui<br />

ne laiffe jamais de pareilles iniquités impunies; 6c fl s'apliqua<br />

à reparer, par fes foms. Se par fon œconomie, ks maux que<br />

Pavarice, 6c la cupidité de fon Beau-Frère avoit caufés-i<br />

tout fon Roïauma C'èft à quoi' contribuèrent généreufement<br />

tous fes Sujets, parla fetisfadion^ que leur avoit procuré<br />

la manière réfolue , avec Iaquelk , malgré fa jêuneffe,<br />

n prend le ce Princc avoît dégradé fon Parent, pour prendre lui mêi'ï^cS^e<br />

k foin, 6c k conduite de fes affaires; 6e par Pefpérance<br />

, que cette première adion leur fit concevoir de k fuite<br />

de fon Règne.. Auffi, eut-il k contentement de voîr, en<br />

peu d'annécsi'fes coffres rempUs, fes Peupks dans l'opulence,<br />

6c fes Etats entièrement rétablis.<br />

121 r. Voilà la fkuation , dans laquelle fe trouvoient lès Roïau-<br />

Attidc/K j^eg^ç Chypre y Se de Jérufalem, Le Pape , qui en fut<br />

bientôt informé, craignit, que la réunion des Infidèles ne<br />

caufât k perte entière de ce dernier, d'autant plus qu'onlui<br />

avoît auffi fait comprendre , que le Soudari de Damas y<br />

poffeffeur de Jérufalem y' faifoit de grands préparatifs pour<br />

ce deffein; 6c que les troubks,-qui agitoient toute P^«r(?^,<br />

ne permettoient pas au St: Père d'efpérer d'^auffi promts fecours<br />

qu'il auroit fouliaké dés Princes Chrétiens* U réfolut<br />

de convoquer un Concfle général, afin déménager un accommodement<br />

entre eux,. 6c, à l'exemple de fes Prédécef^<br />

leurs, les engager au recouvrement d'un Pays, qui Revoit<br />

'être l'objet des rcdierchçs des Chrétiens.toi»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lrr. IX. CH. IL 4.3J<br />

'^ais, quelque empreffemènt qu'eût k Pontife de parve- Secourt mnk<br />

promtement à fes fins, flfe paffa encore qudques an- Tscffl<br />

nées, avant qu'fl pût y réùffir, ni foulager, en aucune ma-^Jj^g^^'l*^<br />

nière, les Chrétiens Orientaux y .puïfqu'au Ueu de la Croifadey réturdéptUr ^<br />

^'fl projettoit en leur .faveur, fl fallut en publier une autre de coîSr/"<br />

contre les Albigeois y qui avoient pris les armes, pour fou-'"^^****<br />

tenir leur héréfîe , 6c dont le parti étoit même affez puiffent<br />

pour caufer de grands desordres dans le Roïaume dc<br />

France; de forte qu'fl fembloit que le Démon travaillât pour<br />

accabler la pureté de la Religion de tous côtés.<br />

• Car, dans le même-tems, MEHEMET-NASSER, Koi de Ma- -^<br />

roc y Prince très-puiffant de la race, que les Efpagnols ap- *<br />

pelloient de los Almoadosy après s'être vanté de vouloir exterminer<br />

tous ceux qui -.iîoroknt la Croix, étoit entré dans<br />

la Province dAndaloufie avec une Armée, felon les meflleurs<br />

Hflloriens , forte de 120. mille Chevaux, 6c de 300.<br />

mille Hommes de pié. Cependant, malgré ce nombre prodigieux<br />

de Barbotes y qui, à fexempk de leur Prince, ne<br />

refpiroîent que la deftruétion du Chriftianifme , Dieu Tout;-<br />

Puiffant, qui Pa toujours rdeyé, lorsqu'fl paroiffoit le plus<br />

en danger de fuccomber fous la Tirannie de fes perfécuteursi<br />

permit encoi*e que f ambitieux Chef de cette forn^idabk Armée<br />

n'eut que la honte de l'avoir conduite à la boucherie,<br />

6c le chagrin dc la voir entièrement défaite par une poignée<br />

de monde.<br />

ALPHONSE , Roi de Caftille, huitième, ou neuvième du<br />

Nom, fur-nommé le Nobk y Se le Bon; les Rois de Porthh<br />

gai. Se de Navarre; Don RODRIGUES, Archevêque de<br />

Tolède ; Don TELLES , Evêque de Placentia ; les Prieurs du<br />

Tempk, 6c de VHopital, qui fe trouvoient à la garde dç j<br />

leurs Bénéfices en ce Pays-là; les ChevaUers des Ordres de<br />

St, Jaques y Se de Caktrava y qui tous avoient un nomhtQ<br />

raifonnable de Txoupes, s'étoient afieinblés à Tolède.<br />

Iii 2 Ihî<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4.3« H I S T O I RE G E' N E' R A L E<br />

Us fe mirent en campagne, pour s'oppofer aux entreprffes des<br />

Maroquins ; Et ils réfolurent même de leur livrer bataïUe.<br />

hes Barbares y informés de leur approche, 6c fâchant que<br />

fArmée Chrétienne n'étoit pas la dixième partie de la leur, ne<br />

firent qu'en rire; fe flattant d'une Vidoire affurée. Se defe<br />

rendre maîtres de tout le Pays. Ils fe rangèrent en bataflle,<br />

dans une vafte plaine, près de Baeza, Ce fot-là que fe donna<br />

la fameufe. Se mémorable bataille, que les Efpagnols nom-<br />

1212. ^^^^ encore aujourd'hui, de las naviis de Tolojay qui étoitle<br />

Bourg le plus prochain de cette plaine,<br />

Defcriptim On rccounut, cn effet, un miracle évident. "Les Maures nt<br />

mt^iês purent pas feulement foutenir le premier choc des Chrétiens. Us<br />

S^r^mê prirent d'abord la fuite, en fî grand desordre, 6c avec tant db^<br />

i^tfMehe- pouvautc, quc plus de deux cens-riïiMe furent taiflés en pièces^<br />

* Maroc, fà^^s qu'fl en coutât qu'environ vingt-cinq Hommes 2iuyi Chrétiens.<br />

Ceft ce qu'affurc le même Archevêque de TbZ^iiP, qui<br />

s'y trouva prient. Journée vraiment glorieufe, 6c mémorable!<br />

Ce fut k ê. Juillet de fannée 1212; On en- cdèbre encore<br />

aujourd'hui la commémoration dans plufîeurs Eglifes d Efpagne.<br />

La bataille fut, en effet, la plus fengknte. Se la vidoire<br />

k plus complette, que les Fidèles kieniL remportéefurksi?


BE JE'RUSALEM. LlV.IX CH, II. «)r<br />

dq[ues, afm d'empêcher que k venin de leur pernicieufe dodrine<br />

, qui avoit kifedé la Vifle dc Touloufe Se fes envkons, ne fe<br />

vepandît encore dans ks autres Provinces du Roïaume dc<br />

France,<br />

Le nombre des Croifés fot confîdérable. Le Pape en donna<br />

k commandement au Comte SIMON DE MON­FORT , qui prit"<br />

d'abord*dix,ou douze Bourgs, ou ViUages, fur RAIMOND, Con»^<br />

te dc T(?aiî?«/^,kquel,fous prétexte de défendre fes Etats,favorifoit<br />

ces mécréans, 6c avoit appeUé divers Seigneurs à fon fecours.<br />

PIERRE IL Roi d Arragon y vint le jokidre en perfonne^<br />

avec de bonnes Troupes. Le Comte forma une Armée de prè»'<br />

de cent mille Hommes, 6c donna qudque terreur aux Catholi'*<br />

ques y dont le nombre étoit beaucoup inférieur; Mais, fe con*<br />

fiant en k juftice de ieur caufe, 6c fur les ferventes prières de<br />

diverfes Perfonnes pkufes. Se dévotes ,^ qui fe trouvoient dans<br />

kur camp, dontles prhicipaks étoient ST. DOMINIQUE, PAr*.<br />

chevêque de Touloufe , les Evêques dAgàcy de LodèveSy de<br />

Leitoure, 6c de Cominge, que les Hérétiques avoient chaffés de<br />

leurs Diocèfes ; ils allèrent courageufement fecourir le Château<br />

de Murel,que RAIMOND avoit affiégé, 6c y Uvrèrcnt enfin cette<br />

fanglante bataflle, fi terrible. Se fi funefte aux Albigeois y<br />

qu'elle renverfà entièrement kur parti. Le Roi d'u&ragon fut<br />

tué fur le chajnp de bataille, avec plus de vingt-mifle de leurs<br />

adhérens; fans qu'après k combat les Catholiques trouvaffent<br />

manquer, dans leur petite Armée, qu'un feul GentiUiomme><br />

Se un fort petit nombre de Soldats. Us remportèrent cette<br />

étonnante Vidoke, au mois de Septembre de l'an 1213. EUe<br />

confok entièrement le Pontife. U en rendît de très-humbks actions<br />

de grâces au Tout-Puiffant, qui, par cet heureux évènement,<br />

le mettoit en état de pourfuivre foa deffein pour la<br />

Terre-Sainte*<br />

Iii 3 Ciïjk-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


+33 H I S T O I R E G fr N E' R A L E<br />

jC H A p I T R E IIL<br />

4fiicie/. TOendant que les affaires paroiffoient fe tranquiUfer en jE«ro/>f,<br />

jL par l'élévation de FREWRIC IL Roi de Siciky k'VEmpir^;<br />

par le detrônement, 6c la défaite d'OTHON; 6c par celle<br />

des Albigeois y le jeune Roi de Chypre y à qui les Tuteurs d'A-<br />

LIX, Fflk de la feue Reine ISABELLE, 6C du Comte de Cha%<br />

pagne y fon troifième Mari, avoient envoïé une Ambaffade,<br />

Mariage pour Ic foUicitcr à conclure fon mariage avec cette jeune Priib<br />

Sn^rr*ceffe, aûifi que leurs Parens en étoient réciproquement conye-<br />

Hugues


m JE'RUSAtEM. Ltv. IX, ea.-IIf. ^3^<br />

Les piaifirs, 6c ks réjouiffantes n'cmpêcboîent pas HUGUE^^<br />

d'être égakment attentif aux affaires de PE'tat, Se à procurer<br />

à fes Peuples le commerce 6c fabondance.- Afin que la famflle'<br />

Roialc fut auffi fatisfaite, 6c tranquilèV qu'fl le défiroit, fl donna<br />

au Prflice JE]AN', fon Frère, la Charge de Connéta,bk.'<br />

C'eft de ce Prince, 6c d'IsABELLE,fa Nièce,6c Fille du mê^"<br />

me HUGUES", que quelques Hiftoriens prétendent qu'eft defcendu<br />

le Roi HUGUES III. U donna la Charge de Sénéchal à Gur,<br />

fen Cadet; 6c travailla à étabUr deux SœurS, qu'fl avoit encore,<br />

outre celk qui avoit été mariée au Comte de Montbeillard-y<br />

de forte que le Roiaume auroît jouï d'une tranquiUté profonde,<br />

fans Panimoéîté invétérée des deux Clergés;- Leurs , y affifta pour cdui de cette Ville, que<br />

les Infidèles empêchoient d'en fortir. Les Ambaffadeurs de<br />

HENRI , Empereur d'Orient ; de F R E'D E R i c, Empereur d'Okreident;<br />

des Rois de Francty d Efpagne y dAngkterre y de Jé\<br />

rufalem^ de Chypre y Se de Hongrie; foixante^fix Archevêques;^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4+Ô H t S T Ô î R E • G E' N E' R A 1 E<br />

quatre cens douze Evêques, les Procureurs de plufieurs autres<br />

, 6c -environ deux cens Abbés, -Ou Prieurs des Ordres<br />

RéguUers ou SécuUers, fe trouvèrent à ce Concile.<br />

INNOCENT , dont fardeur égaloit fdoquence , 6ç le zèle,<br />

pour Punion dies Princes Chrétiens y Se Pextirpation des hé.<br />

réfies, qui troubloient l'Eglife de Dieu, 5c pour délivrer les<br />

•Saints lieuç du joUg des Infidèles y qui les occupoient depuis<br />

•fi long-tems, fit lui-même f ouverture de ce fameuK Concile<br />

, par un difcours , fi grave , 6c fî touchant, que toute<br />

'îAffcmblée en fut attendrie. U leur repréfenta vivement,les<br />

mifères, .•6c les calamités , où ks pauvres Chrétiens de li<br />

Terre - Sainte étoient réduits, ,à la grande honte de leurs<br />

Confrères ; lesquels, poiir un foible intérêt, ou pour quelques<br />

légers démêlés, emploïoient plus volontiers leurs armes<br />

pour s'entre-détruire, que pour les affrancliir de la<br />

dure fervitude âes Barbares. Ce Difcours fit tant d'effet,<br />

que cliacun réfolut de cpntribuër, detout fon pouvoir, àla<br />

Guerre-Sainte ; en forte qu'après avoir réglé ks affaires qui<br />

-regardoknt la Foi, Se les Dogmes de la Religion-, ks Pères du<br />

jDc'tm rftt* Concfle ordonnèrent, "que, pour accélérer, 5e donner vif^eirdr<br />

^9 gueur à la guerre ^contre ks Infidèles y les Evêques fe-<br />

|«.c*"o^ „ roient prêdier la Croifade dans leurs. Diocèfes ; Qu'fls<br />

„ Çlieheroient, par leurs remontrances, de porter lesPrincei,<br />

,, la Nohkffe , 6c les Peuples, à prendre la Croix , ; ou à<br />

^ .contribuer, diaçun felon fon pouvoir, à cette Sainte en-<br />

.„ treprife; Que,'^our y fubvenir, on lèveroit quelque fom-<br />

„ me, pendant trois ans, fiir tous les Biens Eccléfiaftiques ;<br />

9, Que, pendant ce tems-là, le Pape, 6e les Cardinaux,<br />

,, donneroient le dixième de tous leurs Rev.enus ; Qu'il y<br />

„ auroit Paix-OU Trêve, pour quatre ans , entre tous Içs<br />

,„ Prmces Cl)réiiens , afin .qu'ils puffent s'yengagei", avec<br />

„ plus d'affurancc ; X^ie les Croifés jouïroient de tous les<br />

''py privfléges 4>irituels,,'i^ temporels j qup les Souverains<br />

„ Pou-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSA;LEM. LIV.IX. CH.IIL 44,r<br />

„ Tontifes leur avoient accordés dans les Croifades précé-<br />

„ dentés.<br />

Afin d'encourager tout le monde par fon exemple y le St.<br />

Père commença par donner quarante cinq mflle marcs d'Argent<br />

comptant, au-delà de ce qu'il s'étoit taxé ; Et fl s'engagea,<br />

en même tems, de paffer en perfonne à Meffine y afin que<br />

Pexpédition fe fît avec plus d'ordre 5e de diligence. Ceci termina<br />

ks déUbérations de ce grand Concile, 5c les mefures qu'on<br />

y prit, pour chaffer les Infidèles de la Paleftine. Il eft étonnant,<br />

que, malgré la quantité d'affaire^ importantes, 6c de<br />

différente nature, qui y furent traitées, 6c réglées entièrement,<br />

il ne dura pas plus d'un mois entier : Terme qui ne fuffiroit<br />

pas aujourd'hui, pour, régler le cérémonial, ou pour décider<br />

k moindre intérêt"particulier ; ce qui prouve évidemment,<br />

que les Hommes ne pratiquent plus cette voie.^de droiture, Se<br />

de fincérité, avec kquefle fls agiffoient autrefois, 5c qui les<br />

conduifoit heureufement, 5c avec facflité, à une promte exécution<br />

des plus grands j[?rojets, au lieu qu'ils échouent le plus fouvent<br />

aujourd'hui, par la^longueur des intrigues,6e la vaine dêlicateffé<br />

, avec laquelle on traite.<br />

On'^cha par-tout la Croifade y avec tant d'ardeur, Se de<br />

fuccès, qu\en.fort peu de tems il fe trouva un affez grand nombre<br />

dc Croifés, pour en former une Armée /ormidabk. Chacun<br />

contribuoit fi laicgement, 5c de fi bon'cœur, à ce qui étoit<br />

néceffaire pour fon entretien, qu'on n'auroit pu douter de Pheureux<br />

fuccès de ces entreprifes ; mais, par malheur, cette expédition<br />

fut encore interrompue par la mort de celui qui en étoit<br />

le principal prornotcur.<br />

Le Pape INNOCENT, après avoir lui même prêché la Croifade<br />

à Rome y Se dans quelques Vflles de la Tofcane y eut la douleur<br />

d'apprendre, que, malgré la décifion du Concile, touchant la<br />

Paix, ou la Trêve, entre les '^ui^'ànces Chrétiennes yles RtpxMi-'<br />

ques de Gènes Sede Pife y continuoient à fe faire une cruelle'<br />

Kkk Guer-<br />

I2I


442.: H I|;S^>.T o 1 R.B 6^^: NE R 4 L E"<br />

Guerre, qui ne pouvoit êt,re que très-préjudiciable aust affaires,<br />

de la Paleftine y par raport à la quantité de Bâtimens, qiie l'u­<br />

ne,^ 6c l'autre de ces Républiques,' pouvoient fournir pour k<br />

paffage des Troupes, . Cdte désunion d^rmin^ le St. I^èrei à<br />

fe traniporter lui même à Pife y pour ménager un accommode-,<br />

ment cntre-eUes; Mais les chakurs exceffives lui cauferent une<br />

violente fièvre , dont fl mourut, cn arrivant à Péroufe y le 6.<br />

Juiflet de cette année 1216. qui fut la, dix-neuvième dcjfpn<br />

Pontificat, dont fl avoit rempli les devoks, avec tant de prii^<br />

4ence, de piété, de dodrine, 6c de grandeur d'ame, quefe<br />

mort f^t une perte trbs-qpnfidérabk à toute la Chrétienté y (St<br />

en particulier pour les C^étiens Orientaux y qn'il cherchoit à(<br />

foulager avec tant d^emîM-effement.*<br />

Artide//. ' U cft vraî qu'HoNORius IIL fon Succefféur, de Pllluftre Mai-.<br />

peHmo^ fonde Savelli y que les Cardinaux élurent deux jours apijès fà^<br />

lius,pour mort, enii-ra fi bien dans les fentimens du défunt pour le re*<br />

lerecêuvre- , . ^ . i ^<br />

ment delà couvrcmc^t de k Terrc-Sa^ntc, 6c pourfuivit: a^nec tant d'ardeur<br />

Jainte! l'entreprife, que ; fon Prédéceffeur avoît fi heureufement commeiicée,<br />

qu'on n'apperçut prefque point dC: changement à cet égard;<br />

Car ce nouveau Pontffe craignant, que la nouvelle de,la»mort<br />

4u^Pape. INÎ^OCI^NT. n'achevât dc^ décourager les> Peuples de la<br />

Pakfiine. y écfivit promtet^^ent au^^oi de Jérufakmy 5îicauX'<br />

Maîtres des,Ordfes MiUtaires,les anima à foûtênir avec fermeté<br />

les intérêts du Chriftianifme y 5c Jes affura qii'fls: feroieiit hi^fâT' '<br />

t^ puiffamment fecourus. .<br />

En effet, ce Ppntife aprk, que, m^gré l'ei^agement,qtfiacc<br />

vpitprisPEmperepr FRE'DE'RIC, lorsqu'il fut éleYé*a,P^wp/-r<br />

rcy d'aUer, en peribnne, à la tête des Croifés y fl ne fe dpnnoit.<br />

aucunmouvement,pour s'acquiter de fa promeffe; Et qu'au contrake<br />

, plufieurs Princoj & Sçi^neurs Allemands y tant Eceléfias-.tjjqufis,<br />

que^écuUers, dont les principaux étoient les Archevê-,<br />

ques, 6c Evêques de Trêves y de Cologne y de Spire.y de Makn*-<br />

, m d^^JJége^^ dQ'4&inft^:7.i^ Slrtl^ur^:y,S^ ancres<br />

Pré-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JEÎIÙSALEM. LIV. tK, CA. IÏL 44,3<br />

Prélats ; Louis, Duc de Bavière; HENRI, Duc de Brabant;<br />

L E'o p o L D , Duc dAutriche ; A N c E'E , Duc de Clèvès, lè<br />

Comte Palatin du Rhmy le Marquis de Bade y Se plufieurs autres<br />

Seigneurs de confîdération, qui tous avoient pris la Croix y<br />

étoient difpofes à paffer en Palefline; Auffi bien que BONIFA­<br />

CE , Marquis de Montferrat y Neveu de celui qui àvoit été<br />

Roi de Theffalie y avec quantité de .Nobleffe Italienne y Se k<br />

ficur de la jêuneffe des RépubUques de Florence, Se de Gènes,<br />

Pour profiter de l'ardeur de tant de Perfonnes iUùftrei, ce<br />

Pontffe déclara Général en Chef ANDRÉ', Roi de Hongrie y c^i<br />

s'étoit auffi croifé. , U nomma le Cardinal GOLONI»^ Légat de •" ''<br />

Grèce y Se de Syrie, 6c Pehvoïa d'abord, avec lés Italiens, k Conftantinopk<br />

y afin dé foUiciter le même 'R.oi de Hongrie à s'y rendre<br />

promtement, avec fes^roiijes. Aux jprémiers avis, que<br />

ce Prince reçut du Légat, il rie manqua pas de fè lilèttre en<br />

-marche. Se ne tarda pas à arriver dà*is cette Vflle Impériale,<br />

où les Ducs dAutriche, Se de Bavière y affer de Conftantinople en Chypre y où étoit le rendezvous<br />

général, ils furent précédés par les Croifés des Provinces<br />

de Hollande, de Zélande, de Frifiy Se des environs, qui avoient<br />

équipé ime Flotte de 120. voiks. Se qui trouvèrent les vents<br />

fi favorabîes,que,non obftant la bngueur du chemin, ils y arrivèrent<br />

les premiers, 6c mouiflèrent à la rade des Salines, Lé<br />

Roi de Chypre y que celui de Jérufalem avoit informé des grznds^ipart.<br />

mouvemens, qu'on fe donnoit en EuT^'pour la Ouerré-Sàin-^{'^^y?^<br />

té y vouknt aùfii avok part à la gloire dune expédition fi con-J^^<br />

fidérable, accueiUit faVotabfement ton^ les Croifés y qui abordè-^adaS?"<br />

Kkk a rent<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4^4r H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

rent dans fes Etats ; 5c, avide de faire paroître fon zèle pour<br />

là Ubération du St. Sépulcre y fl leva bon nombre de Troupes,<br />

Se équipa plufîeurs Bâtimens bieii munis, pour paffer lui même<br />

en Paleftine, auffi-tôt que le Roi de Hongfie, Se les autres Croifés<br />

iai7. feroient arrivés.<br />

/EUSTORGE, premier Archevêque Latin de Nicofte y à l'imitation<br />

du Roi, prit auffi la Croix ; GAUTIER , Seigneur de Ce"<br />

farée ; JEAN D'IBELIN , Seigneur de Baruth ; PHILIPPE , fon Frè*<br />

re ; GAUTIER DE BE'SAN , Se plufîeurs autres des principaux Barons,<br />

fuivirent fon e?cemple. Se Paccompagnèr^nt en Paleftine,<br />

Article///. Le Roî de Hongrie y Se toute PArniée des Croifés d^Europt^<br />

RoUe' " étant enfin arrivés, en CZ^/>r^, vers la mi-Scplembre, remplirent<br />

Scfcf"^ tout k pays d'admiration, 6e de joijj« pn n'y avoit jamais vu<br />

' un fpedaek plus merveilleux, ni fî grarîd, que fétoit faÇuen-,<br />

ce de tant de floriffante, 6c martiale Nobkffe, toute paréfe,&<br />

caparaçonnée de différentes façons, felon Pufage des Provinces,<br />

d'où ils étoient fortis. Les Maîtres de VHopitaly Se de Temr^<br />

pie y s'y rendirent auffi, fuivant Pordre qu'ils en avoient regu<br />

du Pape, tant pour honorer, 5c accompagner ce Prince,6c les<br />

autres Seigneurs à Ptolomaïde, qù^ pour les inftruire ,felon leur<br />

expérience, de la manière de faire la guerre aux: Infidèks, Se<br />

pour propofer même les entreprifes, qui leur paroiffoieiatks plus<br />

avantageufes.<br />

flîittx* Lorsque la Flotte du Roi HUGUES fut équipée, ce Prince,<br />

R»isaborde laîffa k foin du gouvernement à la Reine ALIX, fa Femme, 5c<br />

»Sdl? recommanda à là Cour fupérieure de Pal^Tift^de fes prudens<br />

confeils. Les deux Rois, les Princes, 5e Seigneurs Croifés y<br />

s'eriibarquèrent avec leurs Troupes, 6c abondance^,de pfôvifions.<br />

Us abordèrent, en peu^fle jours, heureufement à Ptolomaîdey<br />

©ù k Roi de Jérufakmy qui fe trouvoit alors à Tyr.y vint d'akord<br />

les joindre. Sans perdre le tems cn cérémo^i^fupêrflues,<br />

ils s'affemblèrent d'abprdpour déUbérer, de quel côté Us commenceroknt<br />

kurs opérations contre les Sarrafins,<br />

Leur<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


toE JE'RUSALEM. Liv. IX. CH. IIL 44^<br />

Leur Armée ne pouvoit être plus kfte, ni mieux pourvue.<br />

Us réfolurent d'aller attaquer la Fortereffe du Mont-Thabor y<br />

dont la garnifon incommodoit fort ks Chrétiens des environs<br />

de Tyr, Se de Ptolomaïde ; Mais, comme ils aprirent que CO­<br />

RADIN, Soudan de Damas, étoit campé près du Jour dain y ZVSL<br />

confins de Bethekm y ou Scitopolis y autrefois Ville Capkàk de<br />

k Province Décapolitaine, ils jugèrent à propos de Palier conibattre,<br />

avant de commencer le fîége du Thabor.<br />

L'avidité, qu'ils avoient tous d'en venir promtement aux<br />

mains avec ks Infidèles y fit, qu'ils mirent fur le champ leurs<br />

Troupes en bataille, 6c marchèrent en bon ordre vers la plaine<br />

de Faba. Us campèrent le premier foir à la fontakie de Tubanicy<br />

traverfèrent k lendemain la grande vallée, qui a le Mont<br />

Gelboë à droite, 5c de errands maréca£:es à e:auche, 6e s'avancèrent<br />

jusqu'à Bethzan, Us croïoient y devoir rencontrer Penne- ohandmni<br />

mi;mais, au bniit de leur approche, fl avoit abandonné cette ^in^^^V<br />

ViUe. Les Chrétiens s'en emparèrent, 5c s'avancèrent, fans paries<br />

s'y arrêter, jufqu'au bord du .7owr^^/«, où ils campèrent deux ^^^<br />

jours pour k commodité des fourages, fans avoir pu découvrir<br />

les traces de CORADIN. Ce qui ks engagea à côtoïer le fleuve,<br />

jufqu'au pié duT^/7^c>r, dans le deffein d'en affiéger la fortereffe,<br />

oùrils n'auroient en tête que la garnifon,qui la defendoit.<br />

CORADIN, qui ne manquoit, ni d'efprit, ni de prévoïance,<br />

6e qui étoit mieux en efpions que ks Chrétiens y informé de k<br />

difpofîtion, Se des forces de leur Armée ; Se perfuadé qu'fl arriveroît<br />

de l'union de tant dc Princes, 5e Seigneurs Chrétiens y<br />

qui afpiroient à la prife de Jérufakmy ce qui étoit arrivé dans<br />

ks ?iUtres Croifades y évita toujours foigneufement d'en venir à<br />

une adion, qui pût lui être funefte dans un commencement<br />

de campagne. Se dans un tems,où les Ennemis étoient rempUs<br />

de vigueur, 5c de courage : Auffi, cet habile Sarrafin s'étoit<br />

campé fur fes propres Terres , où fl demeuroit for k défonfive.<br />

.<br />

Kkk 3<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ff6 H I S T O IRE G E' N E' R ALE<br />

- Il ne devina que trop k raaflieureufe iffue de cette grande<br />

Crj9(fa4e, Les Chrétiens, après avoir paffé inutilement kur<br />

tçms y au piè du Ti&^^^r, à creufer des puits pour chercher<br />

,dc l'eau, dont ils fouffroient extrêmement. Se après avok enduré<br />

plufkurs autres incommodités, fe retirèrent,fens rien cnjrtreprendre,<br />

ni contre cette forjtereffe, ni fur les autres Place*<br />

,,dcs Infidèkjs, U étoient déjà ert marche, lorsqu'ils furent arrê-<br />

.tés par un accident affez fîngulier, que je vais raporter.<br />

,Aïûc\tiy. Le Château, que les Croifés vouloient attaquer, fe trouvoit<br />

duclTeau bâti au fommet du Mont-Thabory qui a près- d'une lieue 5c delaor^Kuté<br />

^^^ ^^ hauteur. Se dont les fentiers font fort étroits, 5c rapiparUsin-<br />

dcs. Us étoîcut d'aîUcurs fi foigneufement gardés par ks Sar-<br />

-' ^"' rafins y que ks Croifés n'ofoient prcsqu'cntrcprendre d'y monter,<br />

à caufe de l'avantage qu'avoient encore kl Infidèles de ks<br />

affomnaer, en roulant feiflement des pierres fur eux. Ces grandes<br />

,difficultés les firent réfoudre à fe défifter d'une entreprife, qui<br />

kur paroiffoit prcéqu'impoffible, lorsqu'encouragés par un jeune<br />

Infidèk y qui avoit été pris; ou, comme quelques uns le pré-<br />

.tendent, par un Efclave Chrétien y qui s'étoit fauve, (du Château,<br />

ijsfe raffurèrent.<br />

Ce transfuge, ou Efckve, fut conduk au Roi de Jérufa'^<br />

km y Se lui propofa, en prefence de tous les autres Princes, uu<br />

chemin, par lequel on pouvoit parvenir au fommet de la Montagne,<br />

fens être aperçu par ceux qui k gardoient; l'affurant,<br />

qu'ils ne faifoient aucune garde de ce côté-là, dans k perfua*<br />

lion que perfonne ne pouvoit y grimper.<br />

Sur ce raport, on réfolut unanimement de tenter cette voie.<br />

.Cependant, afin de n'être point trompés par cet mconnu, avant<br />

/que de fe rffquer eux mêmes à cctte entreprffe, ils y env^wèrent<br />

avec lui-un Ingénieur, accompagné de quelques Soldats, pour<br />

afler reconnoître fèndroit, qu'il leur avok kidiqué. Ife montée<br />

rent effiedivement jufqu'auprès du Château., fans être vus, ni<br />

l^nt^dus des Sarrafins y Se raportèrent aux Princes, que, quoique<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


jyi J E' R U S.A L EU, ' • Iiv. 1%. CIL^ JÏÏ. 4^f<br />

ifie cette fifllk fût entrèmement rude , 6c difficile, on pdùvoit -<br />

pourtant k franchir, 65fiirprendre ks Ennemis. ^. .<br />

Comme toute l'Armée ne pouvoit agir dans un lieu fî étMt^" \^..<br />

Se que le Roi de Jérufalem avoit le principal intérêt afaire réiif^ '<br />

fir une affaire, dont le fuccès lifl étoit de la dernière importance,<br />

ce Prince voulut fe rifquer lui même à l'exécution de ce<br />

projet. U priti avec lui,- un corps confidérable dès meiUeurs^<br />

Soldats, Se partit à l'entrée de la nuit, avec le Comte de TYipoliy<br />

le Maître de VHopitaly Se bon nombre de fes ChevaUersy<br />

6e de ceux du Tifwp/if ; marchant toujours avec bcaucoup de cir--<br />

ÔDnfpedion, 6c ordonnant à tous ceux de fe fuite d'en faire de<br />

même, 6c de ne faire que k moins de bruit qu?il leur feroit<br />

poffibk.*'<br />

Mais, malgré toutes ces précautions, le profond fîîencè,


^S HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

propre Sarrofiny anima tellement "tous ceux de fa fuite, qu'fls firent,'<br />

'aH^man- à fo% imitation, des prodiges de valeur, 6c contraignirent<br />

rafîn^^" ^^^^ ^^^ Infidèles à leur céder le champ de bataille, 5c à<br />

' fe retirer dans leurs murailles, après avoir perdu grand nombre<br />

de leurs meilleurs Soldats. Il en coûta auffi beaucoup<br />

dc vaiUans Chevaliers, 6e de braves Soldats aux Chrétiens;<br />

fur tout, lorsqu'fls fe furent .mêlés daris la ^^laine , où le<br />

combat fut très-rude, Se très-fenglant ; Mais, par une conduite<br />

bien condamnable à des Perfonnes fi expériineiîtécs,<br />

6c aufft intéreffées que fétoient le Roi de Jérufalem , &<br />

les Seigneurs de la Paleftine, à la conquête d'un Ueu, quf<br />

tenoit tout le Pays en fujettion, 5e dont ils recevoient tous<br />

les jours de grandes inquiétudes, ils négligèrent ks .avantages,<br />

qu'ils venoient de recevoir.<br />

En effet, au lieu de pouffer une entreprife, qu'ils avoient<br />

fi hesureufement commencée, 5c de faire promtement monter<br />

les Troupes, parce qu'elles n'avoient plus d'autre obfta*<br />

de à furmonter, que celui du mauyajs chemin. Se qu'elles<br />

auroient pu fe camper d'abord , à leur aife, dans k plaine<br />

du fommet, 5c contraindre bientôt les Infidèles à leur rendre<br />

le Château; le Roi, &, fa compagnie, s'amufèrent a<br />

confulter, s''ils dévoient paffer la nuit à Pendroit.y oii ilsfe trouvoient;<br />

ou defcendre inceffamment, pour prendre lavis des autres<br />

Chefs fur la manière d'affiéger y '^ de battre le Château,<br />

Le Maître de VHopital avec fes Chevdiers, 5e ceux du<br />

Tempk , étonnés de cc relâchement, dirent, fans héfîter,<br />

9, qu'ils ne dévoient, pour aucune raifon , abandonner le<br />

5, terrain, qu'ils venoient d'occuper, 6c qui leur avoit CQÛT<br />

„ té tant de peine , 5c tant de fàng ; Que la plus<br />

5, grande difficulté, pour réduke le Château, confiftoit k<br />

„ faire promtement avancer des Troupes , 6c monter leurs<br />

y, maçhmes, qu'ils planteroient en toute liberté, & fans au-<br />

„ cun empêchement; Que, d'ailleurs, s^étant détermini^s à la<br />

con-<br />

3><br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DÉ JE'RUSAL&IsL Lrr. ÏK. CH. IIL 44^<br />

,, conquête de ce Fort, avant que de partir de Ptolomaîdey il<br />

„ fallait abfolument tout mettre en ufage pour en venir à<br />

,,'bout ; Qu'fls s'offroiertt feuls à garder, pendant le refte<br />

5, delà nuit, le pofte dont ils venoient de s'emparer; Que<br />

„ le Roi pouvoit defcendre lui même, s'fl le jugeoit à pro-<br />

„ pos, afin de confulter les autrçs Princes , 4c ordonner la<br />

„ marclie de fArmée, pour le lendemain matin." Ajoutant<br />

de plus, "qu'outre k honte, qu'fl y auroit, pour eux tous,<br />

,5 de s'en retourner , fens faire aucune autre tentative, Se<br />

y, de fe contenter du petit combat, qu'ils venoient de fou-<br />

„ tenir , 5c qui ne décidoit encore .de rien , leur retraite<br />

3, précipitée enorgucifliroit immancablement les Infidèles, qti<br />

„ ne manqueroient pas de l'attribuer à foibleffe , 6e à lâ-<br />

5, cheté, 6c pouiToient enfin fî bien ife renforcer, qu'fl leur<br />

„ Teroit enfuite impoffible de les réduire.<br />

,Quelques bonnes que fuffent les raîfons décès ChevaUers,'<br />

le Comte de Tripoli, dont ks fentimens n'étoient pas fîncères.,<br />

s'y oppofa, 6c fut caufe qu'fls perdirent tout k<br />

fruit «des avantages , qu'ils avoient remportés. Il aflégua-,<br />

•5, qu'en demeurant fur la Montagne, ils fe rifqueroient eux<br />

5, mêmes, auffi bien gue toute l'Armée, que CORADIN ne<br />

„ manqueroit pas d'attaquer, au premier avis, qu'U recevroit<br />

„ de leur entreprife ; Qu'fl fafloit cônfîdérer , qu'elle étoit<br />

5, toute compoféê d'étrangers, qui ne connoiffoient ni k<br />

5, pays, ni la manière de combattre contre les Infidèks;<br />

5, Qiie 5 s'il leur arrivoit quelque malheur, pendant qu'ils<br />

„ étoient féparés, toute la faute en feroit rejettée fiir<br />

5, eux , parce qu'fls avoient une entière ' connoiffance<br />

„ des rufes , 6c des détours ordinaires des Barbares;<br />

„ Que, de plus, fls dévoient confidérer, que le fiége de ce<br />

„ Château feroit immancablement long Se difficfle, tant par<br />

„ raport à la force de; fes Tours, 6c de fes Muraflles qu'à<br />

1^ fa fituation avantageufe, à fa forte garnffon, 6c à fabonhU<br />

~ „ dance<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4-ro H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

3, dance de provifions, dont fls favoient, qu'fl étoit muni;<br />

„ Qu'fl fafloit, d'ailleurs, faire attention, que CORADIN pou-<br />

3, voit facilement, pendant qu'ils battroient la Place, fe faifîr<br />

„ du bas de la Montagne, 6c les y faire tous périr de faim.<br />

Concluant, enfin, "que fon avis étoit de redefcendre prpm-<br />

„ tement, afin d'éviter de fi fâcheux inconveniens.<br />

Voilà, comment le Comte de Tripoliy foitpar uîi principe<br />

de véritable zèle, ou par jaloufie, 6e trahifon (ainfî que la plupart<br />

des Hiftoriens k taxent) empêcha, qu'on n'affiégeât le<br />

Château du Mont Thabor, fî préjudiciable aux affaires des<br />

Chrétkns de Paleftine, Car fon fentiment aïant prévalu, le<br />

Roi, 6c les Oi*dres Mflkaires defcendirent de k Montagne, dès<br />

la même nuit qu'ils en avoîent gagné le fommet à la pointe de<br />

J'épée ; 5c le Comte, apuïé par nombre d'Officiers, qu'il avoit<br />

gagnés, foutint fon fentiment avec tant d'opiniâtreA devant<br />

le Koi d Hongrie y Seles autres Chefs, que toute l'Armée décampa<br />

le jour fuivant, pour fe rendre kTyry Se à Sidon: Fatalité,<br />

qui fait bien comprendre, que les Comtes de Tripoli<br />

étoient deftinés à renverfer les meilleurs projets de h.éPerre-<br />

SaintCySe à faire échouer leurs plus belles entreprifes!Car,quoique<br />

celui-ci ne caufât pas un fî grand malheur, que Pavoit fait<br />

fon Prédéceffeur, à la bataille d'i;//«,fl fut pourtant caufe, qu'on<br />

ne fît plus rien pendant toiît le refte de k campaÉgne, Se que<br />

cette célèbre Croifade y dans laquelle, outre les Tètes couronnées,<br />

fe trouvoient tant d'autres grands Princes",5c Perfonnes,<br />

des plus lUuftres de VEurope y devint tout-à-fait infiudueufe.<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lir.IX. CIL IV. 4,^1<br />

i»Sf«*Sîî«^^^455tîg0îî{îK-^î^<br />

C H A P I T R E IV,<br />

Auffi, ils fe féparèrent d'une manière, qui fit bien con- artide r.<br />

noître, que leur deffein n'étoit pas dc fe réunir, pour J'"^"'?*<br />

faire la guerre aux -^^^


I2l8.<br />

4,^1, H rs T'O'I RE. G^E' N E^-R:A E E<br />

hes Templiers y les Teutoniques y Sed mires Croifiés y prirent<br />

leurs quartiers, entre Caïphas, SeCéfarée, fur une langue de<br />

Terre, fort élevée, 5e fpacieufe, qui s'avançoit en mer, 6c<br />

qui étoit naturellement fortifiée, du côté du Nord, par des<br />

précipices, qui Pénvironnoîent. EUé ne fétoit pas moins vers<br />

VOccident y Sele Midi y par dès écueils, 6c des rochers efcarpés<br />

, 5c avoit à VOrient une affez forte Tour, appeUée la Tour<br />

du Fils. de Dieu. Les Templiers favoient bâtie'long-tems auparavant,<br />

pour affurer le paffage aux Pèlerins, qui alloient vifiter<br />

les Saints lieux, Se qui étoient fouvent dévalifés par 1er<br />

Arabes y dans les chemins étroits 5& difficfles. Ce fut-là, que<br />

ces ChevaUers, par émulation, Se peut être par jaloufie des appkudiffémens,.<br />

que s'étoient attirés les Hofpitaliers leurs rivauxy<br />

qui .avoient contribué, avec tant d'ardeur;, à k-conftrudion du»<br />

Château de Céfarée y entreprirent d élever une Fortereffe, qah<br />

feroit d'autant plus utfle, qu'eUe empêcheroit "les courfes dft.la<br />

garnifon du Thabor fur-les Terres des Chrétiens. ^<br />

: En creufant les fondemens de ce nouveau Fort, les Tentplim<br />

curent le bonheur de trouver un tréfor confidérable^ U confis^<br />

toit en lingots.d'or 3 6e. d'argent, cn quantité de monnoies,[<br />

de ces deux métaïKi, d'une efpèce fi antique, qu'elles leur étaient<br />

entièrement inconnues; ce qui leur donna le moïen de faire accdércr<br />

cet ouvrage, par la forte paye qu'ils'donnaient aux<br />

Soldats, Se aux travailleurs ; - deforte qu'en moins de fix femaines<br />

fl fut perfedionné. Us lui; donnèrent le Nom de Château<br />

Pekgrinyfàns qu'on fût par quel motif; mais fl pa toujours conferve.<br />

Se le conferve encore aujourd'hui^ Sa forte, 6c avantageufe<br />

fituation ; diverfes fources d'eau vive, qu'ils y trouvé^<br />

rent; Se le tranfport, que ces Chevaliers y firent enfuite de<br />

leur Couvent, y attira grand nombre d'Habitans, Se le rendit<br />

très-utfle aux gens dé k : campagne, par -les fréquentes courfer<br />

que la garnifon faifoit fur les Terres. des Infidèles, Us les presfèrènt<br />

iî fort dans la fuite dii tems, qu'ils furent contramts d'a-<br />

• ' ban^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE J E'R U S'A LEM Liv: IX. Cn: IV:- 4.^ y<br />

baridonnef, 6c de détruire eux mêmes kur Fortereffe du Mont<br />

Thabor y qui n'eft éloignée que de trois Ueues duChâteau Pekgrin.<br />

Pendant que le Roi de Jérufakmy-^ les Ordres MiUtaires,- 6c Départinele<br />

peu de CroiJéSy qui étoient en leur compagnie ,s'ôçcupoient ?Ho1"^fi'j<br />

à ces fortifications, 5c fe fiattoient de pouvoir faire, en leur/""*''^'i!^«'<br />

faveur, quelque meilleure entreprife^^'•-que dans la-campagne °^^'<br />

paffée, ils-apprirent, avec autant de furprife, que. de chagrin,<br />

que le Roi d Hongrie y bien loin de fonger à les féconder, comme<br />

ils k croïoient, fe difpofoit à partir, fens vouloir écouter,<br />

ni leurs prières,*ni les remontrances du'Patriarches Celui-ci,<br />

irrité de fon refusa Se prétendant, qu'il.n'avoit poûit accompU<br />

fon vœu, fulmina- enfin contre ce Prince, 6c contre fes adhé*<br />

rens,l'anathême,dont fl l'avoit menacé. Violence,qui fut aufft<br />

inutile, que les preffantes inftances, que lui réitérèrent le Roi<br />

de Jérufakmy Se les Seigneurs Croifés. Le Maître de VHopitaly<br />

en particuUer, pour qui ANDRÉ avoit une confidération^<br />

fi grande, qu'fl âvoit-fait une donation à fon Ordre dé fept cens<br />

marcs d'argent, fit tous lés efforts imaginables,5e euiploïà toutes<br />

ks fuplications poifibles pour l'arrêter,,fans pouvoir en rien:<br />

obtenir. ><br />

11 partit avec toutes fes Troupes, dès que la Saifon le luipermît.<br />

U eft vrai, que, pour couvrir la légèreté'de ce Prince,<br />

les Auteurs, qui ont écrit l'Hiftoire d Hongrie y particuUè*<br />

rement, ANtoiNE BONFINI , affurent hardiment, que j-bipn^loin<br />

de s'être retiré dans fes Etats, il alla, avec tous les Croifés y ^u<br />

fiége de DanHette.' Cependant, tous ceux qui ont écrit, fans^<br />

flatterie, affurent pofitivement, qiffl s'en retourna de la manière,que<br />

je viens de le raporter j 5c fens avoîr rien-opéré pour l'avantage<br />

des Chrétiens'de Ik Paleftine.'<br />

Le départ précipité du Roi d Hongrie y]oint àla mort'de "ce- Mort du'-]<br />

luî de Cbfpre-y au miUeu des Fctes, 5c des Réjouïffances,qu'on gûésf'*'<br />

feffoit à Tripoliy à foecafion du mariage du Comte BOJËMOND ,<br />

LU 3 . . avec "<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4.J4 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

avec k Sœur du Roi HUGUES, que la Rekie , fon Epoufe, y<br />

avoit conduite eUe même, ^déconcertèrent entrèmement k Roi<br />

JEAN DE BRIENNE, Se les autres Seigneurs de Paleftine y qui perdirent<br />

Pefpérance de pouvoir plus rien entreprendre contre ks<br />

Infidèles; lorfque, par un bonheur , également fingulier, 6c<br />

inopiné, ils recurent un fecours confidérable, qui les mît en<br />

état de faire f expédition dEgypte.<br />

Ce fut Parrivée d'un grand nombre de Bâtimens, qu'ion nommoit<br />

Cagones, e^èce de Navires, dont fe fervent les Peuples<br />

de la BafiTe-Allemagne. Ces Vaiffeaux conduifirent une multitude<br />

de Croifés des Provinces de Hollande y de Flandre y de<br />

Frifiy Se autres lieux voifins; Des Evêchés de Cologne y de Brème<br />

y Se de Trêves, Tous ces Peuples, émus par des fignes<br />

céleftes, qui avoient paru dans leurs Pays, particuUèrement<br />

dans la Province de Cologne , 5c dans une ViUe da Diocèfe<br />

de MufifteryOÙyle vendredi avant k Pentecôte, dans le tems<br />

qu'on y prêchoit la Croijade y fl apparut trois Croix en l'ak,<br />

ainfi que f affure VINCENT DE BEAUVAIS , dans fon Miroir Historique,<br />

Cet Auteur raporte, que deux de ces Croix y dont<br />

l'une étoit tournée vers k Septentrion , 6c Pautre au Midi,<br />

étoient Blanches y Se la troifième, placée au milieu. Se vers POrient,<br />

étoit rouge, avec la figure d'un Crucifix au-deffus.<br />

Ces indices' furnaturels engagèrent ces bons Chrétiens à fc<br />

croifer avec empreffemènt , pour le recouvrement du St. Sépulcre;<br />

Mais, comme l'Archevêque de Cologne y 5c ADOLPHE,<br />

Comte de Mons y qui en avoient pris la conduite, ne purent<br />

les affembler affez à tems, pour profiter de la befle faffon, ils<br />

ne partirent que vers la fin de l'Automne, Se furent furpris<br />

d'une fi furieufe tempête, qu'après les avoir long-tems battus,<br />

6c fracaffé plufieurs de leurs Vaiffeaux, 'efle les jetta enfin dans<br />

la Rivière de Lisbonne, où ils furent contraints de paffer Fhiver,<br />

pour réparer les dommages, qu'ils avoient foufferts.<br />

Les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


M JERUSALEM. LIV. K. CH. IV. 4^5<br />

Les Portugais y alors en guerre avec les Maures y qui s'étoient<br />

emparés du Château dAlcazary Se tenoient tout leur<br />

Pays cn fojettion, regardèrent Paccident, arrivé aux Croifés y<br />

comme un effet miraculeux de k Providence ; perfuadés, qu'fls<br />

les aideroient à délivrer leur Patrie de f oppreffion de ces cruels<br />

Ennemis du Nom Chrétien, d'autant plus que la faifon ne kur<br />

permettoit pas de fe mettre fi-tôt en mer.<br />

Les Prélats, 6c les principaux Seignhurs Portugais y kur répréfentèrent<br />

"les mérites, qu'fls skcquerroient envers Dieu,.<br />

5, pour le fervice duquel ils avoient fi généreufement quitt^<br />

„ leurs FamiUes 3 6c leurs Maifons ; Se auprès du Souverain<br />

33 Pontife, qui ne manqueroit pas de leur tenir compte de Pas-<br />

35 fiftance, qu'fls kur donneroient d^is leur preffante n6^|fi-<br />

3, té, "^que ces Allemands Croifés fe joignirent,fans liéflÊt'yk<br />

l'Abbé dAlcobaria, Se aux autres Prélats, Se Seigneurs dti'<br />

pays; aux Chevaliers de St. Jaques y Se à ceux de VHopitaly<br />

Se du Temple, qui fe trouvoient en ce pays-là, pour aller reprendre<br />

le Château dAlcazary Se chaffer les Maures de leur<br />

Province-<br />

Comme la garnifon en étoit forte, Se qu'elle fe défendoif<br />

vigoureufement, fls n'avançoient pas beaucoup dans leurs attaques.<br />

Les Rois Maures de Sevilky de Gieny de BaldacoSySc<br />

dQ Cordoue y qui vouloient abfolument conferver ce Fort, eurent<br />

le tems d'unir leurs forces pour le fecourir. Les Chrétiens<br />

cependant, quoique beaucoup inférieurs à k multituded'/w/î^^<br />

kSy encouragés par un renfort de Nobleffe CafiUlanCy qui leur<br />

amena quelques bonnes Troupes, 6c par la vifion d'une Croix,^<br />

qui parut en Pair, fe préfentèrent courageufement aux Barba^<br />

res, La bataille devint fanglante, 6c la Vidoire fort incertaine;<br />

mais une' terreur panique faifit fi fort, tout à coup, ces<br />

Maures y que k plupart jettèrent les- armes, pour fe fauver<br />

avec plus de viteffe.<br />

Leur<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4J5 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Leur confternation décida du fort du combati II en demeura<br />

plus de quinze miUe fur le champ de bataille, avec ks Roi<br />

de Gien,:iSe de Cordoue, Les Chrétiens pourfuivirent long-tems<br />

ks fuïards. Us en tuèrent encore .un grand nombre, 6c firent<br />

quantité de prifonniers, lesquels, .rempUs d'épouvante, leur<br />

dcmandoient, en tremblant, qui étoient ces Chevaliers habillés<br />

de blanc, qui ks avoient accablés de traits,6edont ils n'avoient<br />

pu fuporter k fplendeur désarmes. En effet, tous les Hiftoriens,<br />

qui parlent de cc cojubat, affurent cette vifion miraculeufe;<br />

6c qu'au fort de la mêlée, fl parut foudainement un Efcadron<br />

de CavaUers vêtus de blanc, qui combatirent, en faveur desCir^tiens.<br />

Se qui firent d'abord déclarer la Vidoire pour eux.<br />

On trouve la même chofe dans une Lettre, que les Evêques<br />

dé lÊbonne Se dEvora y le Çomrn^ndéuï de Palmela^ le Prieur<br />

de Vifopitaly qui réfidoit en Portugal y Se celui du* Temple, qui<br />

réfidoit en Efpagne y écrivirent au Pape HONORIUS, pour lui<br />

rendre compte du grand avantage, qu'ils venoierit de remporter<br />

furjes Barbares y 6c du bon fecours qu'fls avoient reçu des<br />

Croifés Allemands dans cctte importante conjondure. Apre»<br />

nn témoignage C autent^ique, qui fe trouve dans la BibUothèque<br />

du Fatican y j'ai cru pouvoir, comme les autres, raporter<br />

ces vifions extraordinaires, que je laiffe au jugement du Lecteur.<br />

Après cette mémorabk bataiUe, l'Archevêque de Cologne A<br />

le Comtc de.Mons y avec tous leurs Croifés y fe rembarquèrent,<br />

très-fatisfaits» d'avoir eu part à une journée fi glorieufe; non<br />

moins que de l'affiftance, Se des bons traitemens, qu'ils reçurent<br />

à Lisbonne y Se arrivèrent-heureufement k Ptolomàide y comme<br />

je viens de le dire, où ils furent accueiUis avec d'autant<br />

plus de joie, que Içur venue répara la perte, que les Chrétiens<br />

avoient faîte des Rois de Chypre y de Hongrie y Se de tous le?<br />

autres CmT?/, qui ks avoient quittés.<br />

Le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D£ JE'RUSALEM. Liv. IX. CH. IV. ^.ff<br />

Le Roî de Jérufakmy qui brûloit d'impatience de faire quel- croifés de<br />

que progrès fur les Infidèles y affembk d'abord un Confeil géné^ AI^^'<br />

rai de fes Barons, 6e des Chefs des Croifés y .pour délibérer for g^e arrila<br />

manière deks attaquer, pendant que la Reine ALIX, qui bmaïdc!<br />

fe trouvoit encore à Tripoliy repaffa en Chypre y de peur que<br />

la mort de fon-Epoux, 6c fa propre abfence, n'y fiffent naître<br />

quelque nouveauté, préjudiciable aux kitétêtf^ de fes-Enfans,<br />

qui étoient au nombre de (juatre; fevoir, trois Fflles, ISABEL­<br />

LE, MARIE,. MARIETI^E, 6C. un Prince, nommé HENRI, qui<br />

n'étoit âgé que de neuf mois-, lequel fuccéda àla ÇourQnne.<br />

Cette Princeflê fit transporter en Chypre k corps du Roi HucuÉs,<br />

qui fut inhumé avec beaucoup de pompç dans 1 EgUfe<br />

des* Hofpitaliers à Nicofte y ainfi qu'fl Pavoit ordonné par fcwa<br />

Teftament. v. r . ,,<br />

Les Peuples, qui^voient admké avec combkn de fageffe,<br />

6c de prudence, ce Prince s'étoit conduit, dès le commencement<br />

de fon règne, 6c la douceur, avec kquelle Jl lès aVpit<br />

gouvernés, malgré le m.auvais ufage que le'.Comte, de Mbntr<br />

îeillard avoit fait de fes finances, regrettèrent infiniment la<br />

perte d'un Souverain, qu'fls pouvoient, ..à jufte titre, appefler<br />

leur Père; puffque, non content de Popuknce, qu'fl,leur avoit<br />

procurée', fl avoit coutume de dire , " qu'il avoit trouvé les<br />

3, maifons de Chypre y de briques 3 mais qu'fl efpéroit de ks<br />

33 faire convertir en marbre; Se qu'fl n'oubUeroit rien3 pour<br />

3, augmenter k profpérité de fes Sujets. - ^- ^<br />

Après la cérémonie des funérailles, la Rehie ALIX,qui agif^ LesSet-<br />

(bit en tout, avec jintant de modération, que de prudence, K^^!'<br />

convoqua la COUR fupérkure, pour déclarer aux Barons, " qu'a- ^'""i^.<br />

'5, fin d'obferver ks loix duRojaume,efle,fouhaitoit, qu'fls dé- Henri. '<br />

3, ckraffent. Se reconnuffent kg Seigneurs JEAN, 6C PHILIPPE<br />

,, D'IBELIN, Oncles du Roi, Tuteurs, Se Curateurs de jeune<br />

„ Prince HENRI , fon Ffls, d'autant plus que leur affiftance lui<br />

„ étoit très-néccffaire, pour lui aider à maintenir k bon ordre<br />

Mmm 5, daii^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4ïS H I S T O I R E G E'N E'R AL E<br />

33 dans le gouvernement; foit, pour empêcher les troubles,qui<br />

33 pourroient y furvenir; foit, pour conferver le Roïaume dans<br />

3, l*%ulence, 6c la tranquilUté, dont fl jouïffoit.<br />

*La probité, v6c Je zèle des Seigneurs de Baruth y étoit fî gé- ^<br />

néralement connue que les Princes JEAN, 6C GUI, Frères du<br />

Roi, qui auroient pu prétendre à fadminiftration des affaires,<br />

furent les premiers à appkudk au choix de la Reine. Tous<br />

les Seigneurs du Confeil fuivirent leur exemple, 6c les déclarèrent<br />

unanimement Tuteurs du jeune Souverain, Se Régens du<br />

Roïaume, pendant fe minorité. Leur conduite, dans cet emploi<br />

délicat 6c épineux, fut bien différente de ceUe qu'avoit tenue<br />

k Comte ^de Montbeillard y fous k règne précédent Elle<br />

fut auffi- avantageufe à Ja Couronne, 6c aux Peuples, que l'autre<br />

avoit étç préjudiciable à tous les deux. La vérkable affection<br />

de ces Sdgneurs pour la Maifon Roïale, Se pour J'Etat en<br />

général, leur fit généreufement mettre à part k/oin 'de kurs<br />

propres affaires,pour fe donner entièreqient à ceux du gouvernement;<br />

de forte que chacun fut fi fatisfàit de leur mtégrité,<br />

qu'on n'auroit pu défîrer une plus grande fetisfadion,fi les démêlés<br />

ordinakes des deux Clergés Grec y Se Latin y n'euffent<br />

recommencé à troubler la tranquilité publique.<br />

Artîcie/r.,: Les.Gr^^j ne pouvoîeut fouffrir le nouveau règlement, qui<br />

S^Î"t.2.voit été fait au Concfle de Latran y k k foflicitation des Am-<br />

TJr'él'dt ^^^^^^"^s ^^ Ro^ HUGUES, qui y avoient affifté. U portoit:<br />

Chypre. „ L Que k .dignité Arcliiépifcopale ferok tranfportéc dc/'tf-<br />

/ • 3, magoufte à iyi^^,réfi4ence ordinaire des Rois;5e qu'on en<br />

3, ^vefîuroit ks latins y au préjudke des Grèves y qui favoient<br />

„ poffédé^ jufqu'alors. . ,<br />

3, IL Que les EvêqUes Grecs y qui étoient au nombre de<br />

„ quatorze, dans les Vflles^de Famagoufte, NicQfiCy Papho^i<br />

yy Umifol y Carpaffo y Chiti y Chitrie y Lapathos y Solky TreyyjJiitosy<br />

Thamafosy Curiasy Arfiis y Se Cérines y feroient rér<br />

53 drits'à quatre, avec p^xeû nombre de Latins y ce nombre,<br />

„ tant<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. DC. CIL IV. 459<br />

5 tant de l'un que de fautre rite, étant foffifant pour condui-<br />

35 re les Peuples du Roïaume 3 quine pouvoient d'aflleurs fob-<br />

35 venir, fans s'incommoder, à l'entretien de tant de Prélats;<br />

35 de forte que, s'fl y en avoit eu un plus grand nombre 3 ils<br />

3, auroient été obUgés de vivre d'une manière peu convenaWe<br />

33 à leur caradère. ^<br />

„ IIL Qu'après k mort d'un des Evêques Gr^r^, qui fubfi-*<br />

3, ftoient encore, les Latins jou'iroient entièrement des dixmes,<br />

„ Se des revenus, qu'fls poffédoknt ; 6c qu'fl ne demeureroit<br />

3, aux quatre Grecs y qui refteroient en pkce , que quelques<br />

3, penfîons fur les Monaftères, 5c fur kurs Eglifes, avec quel-<br />

3, ques penfîons, qu'fls exigeroient de leurs Clercs, en leur con-<br />

33 férant les Ordres de prêtrife, ainfî que leur Nation k prati-<br />

33 quoit dans les autres pays.<br />

3, IV. Afin d'éviter les conteftations, qui auroient pu for-<br />

3, venir entre les Evêques^Gmi, Se Latins y qui faifoient leur<br />

33 réfidence^dans les'mêmes Villes, on affignoit à l'Archevêque<br />

3, Grec de Nicofie la Vflle de Solky à celui de Famagoufte celk<br />

„ dc Carpafiby à celui de Baffo la Vflle d! Arfos y Se k cehii de<br />

33 liimifisl la Ville de Lefcara ; " Us ont depuis toi^urs continué<br />

à fake leur réfidence dans ces VlSies, Il eft vrai, que cc<br />

ne fut pas, fansèeaucoup de ptoe, qu'on les contraignit à fe<br />

retirer dans ces Cantons, 5c encore plus à les obliger d'y demeurer<br />

cn repos.<br />

Ces Prélats, Se leur Clergé,ne pouvoient fe confoler,qu'on<br />

les eût dépouillés de leurs tiens, 6ede leur autorité, avec tant<br />

de violence. En effet, l'injuftice étoît bien criante. Sous pré*<br />

texte de Religion, îls travaiflèrent d'abord à révolter tous ceus,<br />

quî fuivoient kur. rite, dont le nombre étoit incomparablement<br />

plus grand, que celui des Latins. Ils pouvoient, par confequent,<br />

caufer de grands troubks dans k Roïaume. C'eft pourquoi auflfî,<br />

pour détourner les fîùtes fàcheufes de ces ijaécontentemens, k<br />

Reine fut obligée de fe fervir de toute fon autorité, poiir les<br />

Mmm 2 ré-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


+60 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

. réduire, 6c pour faire inftaUer les Cathbliques Romains dans ks<br />

prééminences, Se les bénéfices, que la Bulle du Pape leur accordoit.<br />

C'eft ainfi que fe terminèrent, ou pour mieux dire,<br />

que s'affoupir^t les dangereufes querelks des deux Clergés,qui<br />

avoient fi fouvent embarraffé k Cour, le Confefl, 6c tous les<br />

Habitans du Roïaume.<br />

Les Seigneurs d'iBELiN, qu'EusTORGE, Archevêque de Nicofie<br />

y qui fe trouvoit encore kPtokmaïde y avoit informés de la<br />

réfolution qu'avoit prife le Roi JEAN DE BRIENNE ,. 6c les Sei-<br />

Troupes gncurs CroiféSy daller attaquer VEgypte, ne pouvant quitti|f<br />

tesenvoUes l^s affaires du Gouvernement pour afler eux mêmes à • cette géà<br />

Pwb- néreufe entreprife, Se ne croïant point d'avoir fuffifàmment accompli<br />

leur vœu dans la précédente, 5e in][rudueufe expédition,<br />

où ils n'avoient pas eu Ueu de tirer fépée, envolèrent à Ptolomaïde<br />

un renfort affez confidérable de bonnes Troupes, fous<br />

k conduite du Baron G A U T I E R DE C E'S A R E'E , ""qui. étoit<br />

auffi du nombre des Croifés, au tems du Roi HUGUES, que<br />

quelques Hiftoriens prétendoit n'être mort qu'après l'expédition<br />

dEgypte, où ils le font affifter; Mais, comme ils conviennent<br />

en même tems, qu'il n'a régné que treize ans, ilsfe fbnt contredits<br />

eux mêmes, puisque la'guerre, que les Chrétiens firent<br />

alors en Egypte, ne fe termina qu'en 1221. qui auroit été la<br />

16'. de fon Règne.<br />

i"8- LOREDAN, qui eft un de ces Auteurs,fans fereffouvenk d'avoir<br />

avancé," que ce Prince étok à la tête de fes TroUpes, raporte<br />

dans le Chapitre fuivant, que- ce furent les Seigneurs d'i­<br />

BELiN, qui, à la foUickation du Roi de Jérufalem, cnvoïèirent<br />

une Armée de Chypriots k Pexpédition dEgypte y où, après<br />

avoir tenu plufîeurs Confeils à Ptolomaîdey ce Prince avec les<br />

Ordres MiUtaires, 5e les autres Seigneurs Croifés y.réfolurent<br />

d'aller. Le peu de progrès, que faifoient leurs armes en Pakftinéy<br />

les détermina à attaquer les Infidèks y du côté de VEgypte;<br />

dautant plus que ce pays étok k fource de kurs maux,<br />

par<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM.^ Liv. IX, CH.IV. 461<br />

par raport aux groffes Armées qui en fortoient. Se qui avoient<br />

toujours empêché les Chrétiens de faire aucune conquête de confidération.<br />

C'eft pourquoi fl étoit déformais tems de profiter<br />

des bons, Se- falutaires avis, que le Sarrafin CARACUT avoit<br />

donnés aux Chrétiens y après la prife de Ptolomaïde y qui étoient<br />

de fubjuguer VEgypte y où fe nourirffoit l'hydre, qui les tourmentoit;<br />

làns quoi, il leur feroit impoffibk de recouvrer le pays,<br />

qu'ils avoient perdu en /Syr/V. D'aflkurs, fl.fut réfolu d'agk,<br />

en conféquence de la déUbération, qui avoit été faite au Con <<br />

cile de Latran, Se de furprendre ks Infidèks^ , qui ne s'attendoient<br />

affurément pas à être attaqués de ce c^té là.<br />

Toutes les Troupes étant enfin combinées au Château Pelé- LaFiotte<br />

grtHy où étoît k rendez-vous général, 5e la Flotte bien en or- vam^l'<br />

dre, la plupart des bâtimens firent voife le 12.du mois dc Mai"^^^"**<br />

de l'année 1218. avec un vent fî favorable, qu'fl les conduifît<br />

dans trois jours devant Damiette. Le Roi, le Duc dAutriche y<br />

ks !NÏaîtres de VHopitaly du Tempky des Teutoniques y Se qudques<br />

autres Chefs, s'étoient arrêtés au Château Pekgrin, pour<br />

délibérer de queUe manière ils feroient leur defcente à Damiette<br />

y OÙ fls n'arrivèrent que fix jours uprès le gros de la Flotte.<br />

Leur retardement embarraffa fi fort ceux qui étoient déjà arrivés,<br />

qu^ils demeurèrent deux jours, à l'embouchure /^ A7/,<br />

dans l'inadion, Se en grande perplexité. Ils ne favoient quel<br />

parti prendre, faute de Chef. Plufieurs étoient d'avis dc s'en<br />

retourner ; 5c l'on alloit prendre cc mauvais parti, lorfque l'Archevêque<br />

de Nicofie repréfenta vivement, qu'il étoit plus à propos.<br />

d'éUre eux mêmes" un Chef, 6c de fe loger fur k ri^ge,<br />

où ils attendroient, avec commodité, la venue du Roi, 5c des<br />

autres Princes.<br />

Les raifons dc ce Prélat parurent fi bonnes. Se fi généreufes<br />

à ceux mcmes qui avoient opiné pour le retour, qu'ils<br />

fuivirent- tous unanimement fon avis. U élurent le Comte de<br />

SARP^ON peur kur Général. U fit inceffamment débarquer<br />

Mmm 3 les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


462 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

les Troupes. Elles fe logèrent commodément au bord du<br />

fleuve, entre la Ville, 5e la plage, fans trouver aucune oppofîtion;<br />

foit que les. Habitans de cette Pkce méprifaffent leur<br />

descente, ou qu'ils vouluffent conferver leurs Forces pour défendre<br />

leurs muraifles.<br />

Article V. Le Roi dc Jérufalem étant enfin arrivé avec fa fuite, toute<br />

U^MIT^^ Flotte s'apiocha pour entrer dans la rivière, afin de pouvoir<br />

rêteiari»t-{Q fervîr utilement de leurs Vaiffeaux, Se de leurs machines<br />

pour battre la Place; Mais, contre leur attente, ils,trouvèrent<br />

l'embouchure ^2^ ito/fermée, par une groffe chaîne, qui étoit<br />

tendue des murs de la Vflle à une haute Tour, fituée à l'autre<br />

bord. Cet obftacle les arrêta quelque tems; mais ils voguèrent<br />

enfin avec tant de force. Se de réfolution, qu'fls k bru'èrent,<br />

. 6c ancrèrent auprès de la même Tour, qu'ils jugèrent à propos<br />

de forcer, avant d'entreprendre le fiége de k Ville; confidérant,<br />

que,quelque médiocre qu'en fik la garnifon, eUekurrélîsteroit<br />

toujours beaucoup, tant par raport à Ja force de èette<br />

Tour, qu'à fon avantageufe fitjiation.<br />

Comme la hauteur extraordinaire de la Tour, que les Croifés<br />

vouloient attaquer, étoît caufe, que leurs batteries n'y pouvoient<br />

aucunement atteindre, ik travaiUêrent inceffamment à<br />

élever des Tours de bois fur leurs plus grands îsl^vires, avec<br />

d'autres machines, qui s'abattoient en forme de poht-levis, à<br />

la faveur dès quelles fls efpéroîent de réduire ceux qui k défendoient.<br />

Le zèle 6c fempreffement, avec lequel c^que Nation<br />

vouloît avoir part à cette attaque, firent qu'il y monta coiifufément<br />

une fi grande quantké de monde, que, malgré toute<br />

leur ardeur, ils étoient fî preffés, qu'fl étoit impoffible aux Soldats<br />

de fe fervir de leurs armes, ni aux matelots de manœuvrer;<br />

de forte qu'un de ces châteaux n'aïant pu foutenir }p poi^s, les<br />

fecouffes. Se les mouvemens.exccffifs de tant de gens, rompit<br />

tout à coup, avec un bruit. Se un fracas fi effroïabk, qu'fl fe<br />

fit un horrible maffacre, non feulement de prefque tous ceux<br />

qui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LIV. DC. CIL IV. ^ 461<br />

quiTe trouvoient en haut, mais encore de ceux qui .étoient au<br />

bas, qui furent mfférabkment écrafés par les poutresy'les antenes,<br />

les planches, 6c les autres matériaux qu'on avoit em-<br />

^ploïés pour les conftruke. D'autres furent enferrés,dans Jes<br />

épées, piques, ou bâtons ferrés de leurs Compagnons. Grand<br />

nombre, qui tombèrent dans k rivière, furent fi-acaffés, ou<br />

noïés, pour n'avoir pu fe débarraffer de leurs harnois, 6c pour<br />

s'y trouver accablés par la quantité d'armes, pièces de charpente,<br />

ou autres cnibarras.<br />

Les cris kmentabks de tant de gens.bkffés, ou mourans,<br />

6c le fpedaek affreux des différents genres de mort, que venoient<br />

de fouffrir tant de vaiflans Hommes, remplirent toute<br />

rArmée de doukur, 6c de triftefle. Les Barbares y au contraire,<br />

en jettèrent de grands cris de joie, mêlés d'hurkmens,<br />

d'injures. Se de hhfphémes. Ils auguroient, en leur faveur, un<br />

grand avantage, d'un événement fi funefte à leurft Ennemis,6c<br />

qui devoit les épouvanter; mais fls éprouvèrent bientôt des effets<br />

contraires à leur vanité.<br />

' LeRoi JEAN DE BRIENNE accourut promtement au fieu,^<br />

où étoit arrivé ce grand défaftre, 6c ordonna d'abord, qu'on pançât<br />

ks bleffés, qu'on enfevefit les morts, 5c fit, parfepyéfence,<br />

bientôt .ceffer le tumiflte, 5e l'émotion; U confok enfin<br />

fi bien tout le monde par la douceur, avec laqueUe il rcprk le<br />

trop d'ardeur des Soldats, en les exhortant d'être à Pavenk plus<br />

attentifs à leur devoir. Se plus obéïfïàns aux ordres de leurs<br />

Oflfîciers , afin d'éviter de femblables disgrâces, qu'au Ueu<br />

d'être intimidés de la mort précipkée de kurs compagnons, ik<br />

fe montrèrent tous plus animés, que jamais, à combattre ks<br />

Infidèles y pour fe vanger de leur perte.<br />

Pour profiter de leur empreffemènt, le Roi fit promtement z^jCroiavancer<br />

les Galères Se les autres Bâtimens à rame, afin d'em-^^^^T^'<br />

pêcher k communication de la Tour à la Ville, 6c les fecours ^"^^<br />

qu'elle auroit pu rcccvoix par k rivière. Et, au moïen d'une Damiette.<br />

nou-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


464 H I S T O LR E G Ef N E' R A L E<br />

nouvelle çiàchine, qifon conftruifit en diligence, 6c avec plus<br />

d'attention, que ks premières, ils donnèrent un nouvel aifaut<br />

à k Tour, avec tant de vigueur, 5c de, conduite, que,malgré<br />

les efforts prodigiepc des Infidèks y ik s'en rendirent maîtres;<br />

Se l^n ne put empêcher les Bâtimens des Chrétiens de fe<br />

faifir du haut du fleuve, r6e de rompre Je pont qui étoit entre<br />

Maffacre k Vilk, Sc k Tour. Lc maffacre, qu'ils firent des Infidèks<br />

flf«tofidè-Tut effroïable. Tout fut paffé au fil de fépée, ou précipité^du<br />

^^' haut des murailles. On donna pourtant la vie à quelques-un»<br />

qui s'étoient ré^rés dans les Souterrains de cettç Tour. . »*<br />

Cette heureufe expédition mit ks Chrétiens en état d'attaquer<br />

le fauxbourg joignaht, 5e qui étoit bien fortifié. Cétoitlà<br />

où logeoicnt tous-ks Marchands étrangers avec leurs marchandifes.<br />

Les-rétranchemens n'en étoient pas çonfiderabiây.<br />

Us furent emportés fépée à la main, 5c tous ces mi^Hbks<br />

taiflés en pièces, ou retenus prifonniers. L'Armée y trouva un<br />

merveifleux iecours, par J%bondan«?ï, de vivres, 5c y fit un butin<br />

ineftimabk, tous les magafîns étant rempUs de marchandflès<br />

f\ précieufes, qu'on auroit dit que les Sol«^t5 avoient faccagé<br />

h Perfi^y V Arabie y Se les Indes,<br />

Une vidoire fi complette, accompag^iée. d'un,butin fi confî-<br />

' dérabfe, rédoubla tellement le courage des Troupes, qu'on ré-<br />

- folut de tenter d'efcaladerja Place, dès le lendemain. On n'a<br />

jamais vu émuktion plus grande, que le fut celle des Soldats,à<br />

cette occafîon. Us appu%*ent grand nombre d'écheUes,6e montèrent<br />

à f affilât, avec tant de gaieté, que s'ik^ n'euffent eu perfoime<br />

à combattre. Us f% fiattoient du moins de trouver les /«fidèles<br />

fl abatus,, 6c fi confteri:i,és, qu'ils n'autpknt pas eu beaucoup<br />

de peine à If s vamcre; Mais ils les trouvèrent, au contraire,<br />

fi bien difpofes àfe défendre,qu'après avoir perdu grand<br />

; nombre de kurs plus vaflkns compagnons, ils furent contraints<br />

d'abandonner leur entreprife. ... 7v<br />

Le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


»E JE'RUSALEM. LfV. IS:. Cri. IV. 45y<br />

Le Roi, 6c ks autres Chefs, à qui k fermeté des Affiégés<br />

ftt connokre , qu'on tenteroit inutilement de ks furprendre,<br />

avant d'avoir fait brèche à leurs muraflles, firent alors dreffer<br />

diverfes machines, pour battre la Place. Elles jouèrent, fans<br />

relâche, pendant plufieurs jours, avec grande fureur : Mais elles<br />

en purent à-peine entamer les remparts. Divers affauts,<br />

qu'on tenta de leur donner pendant ce temsJà, n'eurent pas<br />

un meflleur fuccès; Sey malgré ks adions héroïques des- Officiers<br />

6c des Soldats, ils rencontrèrent par-tout tant de réfistance',<br />

qu'fls furent obligés de fe retirer avec perte: Le peu de<br />

progrès de tant d'affauts, 6c le peu d'effet de ces batteries, fit<br />

réfoudre le Roi à ne plus fonger qu'à affamer la ViUe.<br />

On mit,pour cet effet, tout en ufege pour la bien ferrer,6c ^^^^'^^<br />

fc faifîr de toutes les avenues, fans pouvoir en venir à bout. Le rue par<br />

Soudan ME'LEDm y quoique d'un naturel plus tranquik, 6c ^^'^'^^'*<br />

beaucoup moins guerrier, ^ue CORADIN, fon Frère, avoit af^<br />

fcmblé une Armée fort confîdérable, pour fecourir une Place,<br />

dont la confervation lui étoit de k dernière importance. Il vint<br />

camper fî près du Camp Chrétien, qu'fl ne reftoit qu'un rameau<br />

du Nil entre deux. Afin d'encourager les Affiégés, ce<br />

Soudan leur envoïoit contînùeflement des provifîons, des rafraichiffemens<br />

, 6e des Lettres, par lesquefles fl les exhortoit à bien<br />

défendre leur Ville, leurs biens, 6c leurs familles, ks affurant<br />

qu'il ne tarderoit pas à les déUvrer.<br />

Les ChrétienSy dont l'Armée étoît fort diminuée; foit, par<br />

la mort de quantité des plus vailkàïs ; foit, par k retraite de divers<br />

Seigneurs, qui, ennuïés d'un auffi long fîége, favoient<br />

abandonné, avec leurs Troupes, n'étoient plus'en état d'empêcher<br />

les fréquens fecours qui entroient dans la Place, dont -<br />

les Habîtans, encouragés par ces afïïftances, ? 6c par la proximité<br />

de leur Souverain, étoient plus réfolus,que jamais, àfe bien<br />

défendre. Le Soudan y de fon côté, fe tenoit toujours dans fes<br />

retranchemens, fans vouloir en venir aux mains avec ks Cbré-<br />

N n n tiens.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4$6f HIST ai RE >G E' N E' R Aa E<br />

tiens, C'eft poikquoi «Is demeurèrent k>ng'tems en prefence les<br />

uns des autres,fens qu'fl ne fe pafSt que quelques légères efcarmouehes,<br />

qui ne décidoient de rien.<br />

Dans ces entrefaites, k perte desO'CfiféSy qui avoient voulu<br />

fei retirer, malgré les prières dii Roi, 5c ks exhortations du<br />

Patriarche ,i fut heureufement réparée par farrivée du Cardinarl-'PÈ'LAGius,-Evêque<br />

dAIbano, que le Pape avoit envoïé pour<br />

rekvèr le Cardinal COLONNE, foh Légat en Grèce y Se en Syrie.<br />

PE'LAGICS arriva à Damiette y avec urt gros renfort de Troupes<br />

Malienne y Se Françoifes; Les Evêques de Paris y dAutun,Se<br />

dt Liège y le Comté ée NEVERS , 6c plufîeurs autres Seigneurs<br />

des principaks'*Maifons de France^ 'forent de cette Croifades '<br />

Un fecours fî confidérable, joint à diverfes autres bandes,<br />

qui y.*: arrivoient de tems-à-autre , groffiffoit, Se réjouïffoit<br />

Mruîéei'f ' U faifoit efpérer aux Chrétiens de véiiir à bout de<br />

ce flége, 6c^ d'emporter la Place aux yeux du^Soudanmeme;<br />

En effet 5 ce Prince Infidèle y qui commençoit à Craindre les<br />

Chrétiens y par raport aux fréquentes allarmes, qu'ils donnoient<br />

tous les fours à fon Camp., auroit dès-lors penfé à fe retirer,<br />

Se Pauroit fait, fans la difcorde, qui fe mit dans l'ArméeCWtienncy<br />

parla hauteur, 6e la vanité du Cardinal Légat r qui<br />

prétendoit en avoir le fouverain commandement ; ce qui partagea<br />

les efprits des principaux Seigneurs, 6c des Officiers, fur<br />

tout de ceux qui n'obéïffoient pas volontiers au K(À de Jérufalem.<br />

M; "• ' ^<br />

Une disgrâce, encore plus grande, que ces cont^ft^ions,<br />

penfa faire périi: tout le Camp,6cfut caufe qu^fls ne purent profiter-de<br />

la terrAr des Barbares, Ce malheur fut caufé par des<br />

vents furieux, que s'élevèrent Wrs la'fin de l'Automne. Us<br />

fouffièrent, pendant trois jours, Se trois nuits, avec tant de viofence,<br />

que la mer, enflée par leur agkation, fortir de fes bornes;<br />

6e fes vague^repouffant, avec impétuofité, le cours du<br />

Nily 5c empêchant celui de fes eaux, tout le Camp Chrétien<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM; Liv.IX. CH. IV. 4^1:<br />

en fot inondé, 6c'auroit été immancabkment fubmergé,fî©jieu,<br />

touché des larmes, 6c des ferventes prières des pieux perfonnages,<br />

qui s'y trouvoient. Se qui imploroknt fa fainte mifericorde<br />

, n'eût enfm fait ceffer cet affreux orage, Sc rentrer la meri<br />

6c la rivière dans leur lit ordinaire. Les Chrétiens perdirfi»ç<br />

pourtaat plufîeurs Bâtimens, que k tempête fit brifer contre torre;<br />

6c la phipart de leurs vivres en furent fî gâtés,qu'fls devinrent<br />

entièrement inutfles. , ^<br />

M E'L E'D I N , au contraire, dont le Can^p étoit. plus fécule,<br />

Se qui avoit la campagne Ubre, eut k, bonheur d'éviter cette<br />

inon


468 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Ceft,pourquoi, voïant, que tout ce qa'ils avoient fait, pour<br />

le piquer d'honneur, avoit été inutfle, Se qu'il refufoit toujours*<br />

la bataifle, leur impatience augmentant, ils fe déterminèrent<br />

à f attaquer dans fes retranchemens. Us palïèrent<br />

l'eau , fur divers bateaux, d'un air fi hardi, Se fi réfolu,<br />

que leur feul mouvement ^ouvanta M E'L E'D IN, qui,<br />

'Ufé^d't^^^^^ plus fonger à la confervation de k Ville, ni à fa probandonner<br />

pre réputatîon , uî enfin au mépris que fes Sujets auroient<br />

{"tf«tw!&pourfa lâcheté, abandonna promtement fon Camp, 6c fc<br />

fmcamp. xQtilrd. vcrs k Capitale. ni*<br />

La fuite précipitée. Se la timidité de ce Prince furprirent<br />

agréabkmcj^t • les Chrétiens, Us demeurèrent quelquej tems<br />

fospendus , parce qu'ils craignoient toujours que ce ne fijt<br />

un ftratagème, pour les attirer dans le piège ; mais ils reconnurent<br />

enfin, qu'fl ne fongeoit effisdivemènt qu'à gagner<br />

le Caire y foit par un pur effet de couârdife, ou que Dieu,<br />

voulant favorifer fon Peuple, luî eût iriÇ>iré une terreur pfe<br />

nique, qui le rendit incapable de s'oppofer à leur entreprife.<br />

Us s'emparèrent d'abord de fès ^retranchemens, où ils<br />

trouvèrent une fi grande abondanèe de prDvifîons, qu'fls fii*<br />

rent largement dédommagés de celles que' • l'inondation du<br />

iVf/leur avok gâtées; 6e, de plus, tant de riches dépèuilles,<br />

que le butin, qu'ils y firent, fut extraordinaire. -<br />

L'avantage de ce Pofte , où une partk "de l'Armée prit<br />

fes quartiers, pendant que l'autre travaifloit à faire un pont<br />

de Bateaux, pour ferrer k Place, Se s'entre-fecourir facilement,<br />

en cas de befoin, paroiffoit devoir bientôt en faciUter<br />

la prife aux Chrétiens y dmtTint plus que ce bon fuccès les<br />

mettoit en état d'empêcher qu'elle ne pût être fecourue ;<br />

maîs, comme fes fortifications étoient extraordinaires, Se que<br />

la garnifon, 5c ks Habitans étoient déterminés à périr plutôt,<br />

que de fe rendre, fls trouvèrent tant de réfiftance de<br />

tous<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liy.IX. CH. IV. 46P<br />

tous ks côtés, que , malgré k bonheur , qu'fls avoient eu<br />

de faire éloigner le Soudan avec fon Armée, 6c de bloquer<br />

entièrement la Place , le fi%e n'en étoit guères plus avancé.<br />

U y avoit même apparence, qu'avec les fréquçns .fecours,<br />

qui 4eur arrivoient d Europe y fls auroient encore confumé<br />

des années entières , fans en venir à bout; d'autant<br />

plus- que les nouveaux venus ne faifoient que remplacer ceux<br />

qui, dégoûtés de la longueur de cctte entreprife, f aban^<br />

donnoient, pour s'en retourner ; de forte que leur • Armée<br />

n'étoit jamais ni plus forte, ni plus nombreufe.<br />

C H A P I T R E V.<br />

Le Duc d^Autriche y qui avoît paru fi zélé pour k réus-Article/.<br />

fite de ce fiége, 6c qui avok été des premiers, à h^-^^^ll<br />

mer ceux qui favoient abandonné, fuivit cependant leur""iche.fif<br />

exemple. Se partit avec fes Troupes; foit, comme quelquesflwSM&'^<br />

uns le prétendent, que fa prefence fut néceffaire dans fes fjl^J*<br />

E'tats , ou que quelque autre motif ne lui permît point<br />

d'en attendre la im. U eft vrai auffi, que le peu de concoïde»,<br />

qui regnoit entre les Chefs , Se fur tout entre k<br />

Roi, 6c le Légat, qui, dans tous ks confeik, s'oppofoit<br />

au fentiment de ce Prince, avec beaucoup de vioknce, parce<br />

qu'il ne pouvoit Pengager à lui céder le commandement<br />

de PArmée, comme ce Prékt le défiroit : cette méskitcUiç<br />

gence , dis-je , avoît été Punique caufe du départ !de plufieurs<br />

Seigneurs Croifés, qui ne prévoïoient que trop ce qui<br />

en arriveroit. En effet, elle rétarda, non feukment k prife<br />

de Damiette, mais encore fk perdre dans la fuite anx>C/v^tiens<br />

l'occafion de rentrer fans peine, 6e làns aucune effu-<br />

Nnn 3 fion<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


470 H ï S T. O l R E ^ G E' N E' R A.L E<br />

i fion de fcigt, dans kippff^^n du Roïaume de Jémfakmyqm<br />

étoitle grmâbnt de^toutesle^^Cmfades,<br />

Car les Affiégés,dont lejionibrc étoit fort grand, aïant confumé<br />

presque toutes leurs provifîons, fans pouvoir cn faire venir<br />

d'autres, trouvèrent le moïen d'informer M E'L E'D IN, queles<br />

vivres ^wrmaïKpUQÎent, dans P^g^érance d'en être fecourus. Le<br />

.Soudan, qui étoit entièrement occupé à fe.fortifier dans fe<br />

-Gapitgflç, Se qui daigaoit une difette générale dans toute P^gypteypzrct<br />

que le M/n'ayoit point crû cette année, félon fon<br />

ordinaire, écrivit promtement k( .CO&ADIK , fon Frère, pour<br />

f exhorter à lui ménager un accommodement avec les ChréiéinSy<br />

à quelque prix que ce fut, pourvu qu'ils, le vaffentdabordk fiége<br />

dc Damiette y Se qu'ils fortiffent des terres dEgypte: -- -<br />

Coradin CoRADiN, quî, coutrc k coutumc dcs 5^r^


©E JERUSALEM. LIV. EX. CH. V. 4?-j<br />

55 tienSy Sede ks laiffer tranquflement jouïr de toute la Pales-^<br />

„ tine y à condkion qu'fls kifferoient k Roïaume d'Egypte en<br />

yf repos.<br />

Les Miniftres de CORADIN n'eurent pas plutôt notifié leur<br />

commiffion dans un Confeil, où ils forent introduks-, que Je<br />

Roi, k Maître de VHépitaly Se plufkurs autres Seigneurs, qui<br />

n'étoient pas moins bons politiques,que vaiUans guerriers,connoiffant<br />

combien leurs propofîtions étoient avantageufes aux<br />

ChrétienSy convinrent, fans iiéfitcr un moment, " qu'fl failoit<br />

3,'les accepter; puisqu'on leur offrok par mi Traité, ce qu'fls<br />

3, ne recouvreroient peut-être, de leur vie, par k voie des ar-<br />

3, mes. U leur fembloit, que la Providence bivine devoit<br />

3, avoir infpiré à ce Prince Infidèk de ks traiter fi raffonnabk-<br />

3, ment.<br />

C'étoit-Ià parler judicieufement; maîs k fatale désunion,qui Le Légat,<br />

regnoit entre le Roi Se le Légat ; fémulation, qui dominoit ^J^.<br />

également les Templiers y Se les Hofpitaliers y engagèrent le Maî- P^'^J?» ^'><br />

tre des premiers à aj^uier k fentiment du Légat, qui voulant<br />

s'oppofer à Popinion du Roi, que la plupart paroiffoient approuver<br />

, foutint, avec chaleur, " que le recouvrement de Jérufa*<br />

33 lem n'étok pas k feul objet, pour lequel les Chrétiens avoient;<br />

3, pris les armes; que leur but étoit d'étendre leurs conquêtes,<br />

5, d'augmenter h foi Catholique y d'anéantir, 5c d'étckidre, l'inv<br />

„ pie. Se déteftabk feue ée Mahomet y Se d'affurer kur domiyi<br />

nation en Syrie y ce manière qu'eUe ne pût plus,être ébran-<br />

3, lée, ni leurs affaires y retomber en décadence, comme eUes<br />

5, avoient fait du tems paffé ; Que, pour y réùffir ,11 n'y avoit<br />

„ point de meflleur mo'kn, que defe renà-e makres duRoku-<br />

„ me dEgypte ; Et qif enfuke fls rentreroicnt, fans peine, dans<br />

„ celui de Jérufalefn, Sc chafferoi^t les Infidèks de toutes les<br />

3, Provinces, qu'ils occupoient en S;rrf. - ><br />

C'eft ainfi,que raifonnoit le Légat, préoccupé de fe paffion,<br />

66 de certaines prophéties, oùfl avoit troiivé, que celui qui<br />

ddi-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


47.2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

defivreroit Jérufakmy 6c k Terre-Sainte y fortiroit d Efpagne:<br />

U en avoit l'imagination d'autant plus frappéei? qu'il croïoit,<br />

qu'étant de cette Nation, tous ces vaftes projets dévoient s'accomplk,<br />

fous fon.Miniftère.<br />

^infi, feps fe mettre en peine du grand préjudice, qu'fl fei.<br />

foit à la caufe commune, fl/outint avec tant d'opiniâtreté,qu'il<br />

failoit rejetter 1^ propofitions de CORADIN, que le Patriardie,<br />

6c la plupart,(des Evêgues, foît qu'fls n'euflipnt point affcz dc<br />

connoiffance des affaires poUtiques, pour difcerner favantage<br />

des offres qu'on leur faifoit,. ou par pure compkifence pour le<br />

Légat, forent de fon avis ; deforte que, malgré les bonnes raifons<br />

du Roi, Se des Seigneûr,s diftingués par leur expérience,<br />

fl fut impoffible de faire revenir ces Prélats de leur erreur; &<br />

le Cardinal, infatué de fon ambition, voulut abfolument qu'on<br />

renvpïât les Ambaffadeurs du Soudan de DcmaSy avçc cette<br />

mauvaife rqwnfe. . .<br />

Article //. CoRADiN fut fi outré de Pavancc, qu'il avoit faîte inutflement,<br />

d^oUe^plr & du pcu dc cas quc ks Chrétiens ^ypxent fait de fes offres, quoi<br />

Coradin. q^g f] avai^ageufes^pour eux, qu'il ne fongea plus qu'aies en<br />

d&ire repentir. Il commença à fair^ démolk les murailles de<br />

y^ra/^^w, jusqu'aux fondemens. U en fit de même de tous les<br />

,;^ beaux Edifices, dont.cette^Ville étoit ornée, àja réferve du<br />

Tempk de SALOMON, SÇ de celui du St. Sépulcre;, le prépUer,<br />

par raport à la vénéiâition que ceux de fe croïgnce confervent<br />

, pour cet ancien monument; Se celui


' »"ï jEltJSALEM. tiy. IX. CH. V. 4^3<br />

fuivi kurs Confrères en Egypte. Aînfi, k Soudan s'en empara<br />

facilement, 6c le fit rafer, auffi bien que celui que le Roi JEAN<br />

^ BRIENNE, Se les Hofpitaliers y avoient bâti peu auparavant<br />

près de Céfarée. Il prit enfuite cette Ville , défola, 6cra-,<br />

vagea entièrement tout le plat pays, Se mit la plupart des<br />

Bourgs, 5e Villages de la Palefline à feu Se à fang, afin que cbAteaux<br />

k bruit de ces défolations parvint filutôt en Egypte y Se obligeât l^^; par<br />

les Chrétiens à abandonner ce Roïaume, pour venir promtement c^radm.<br />

défendre leurs propres Terres. ' ^<br />

• Cependant,malgré la nouvelle de toutes ces disgrâces. Se k Articie/iJ.<br />

maladie, qui s'étoit mife danâ le Camp par la difette des vivres,<br />

par les chaleurs exceffives du jour, 5e par l'humidité de k nuit;<br />

6c quoique que k mal eût paffé des fimples Soldats jufqu'aux<br />

principaux Seigneurs de l'Armée , dont même plufîeurs des<br />

plus qualifiés; moururent; entre^autrcs GUILLAUME DE CHAR-•^"'f*^«<br />

TRES, Makre des Templiers; ADOLPHE, Comte de Mons; Ri-Damiette.<br />

CHARD MoLiNiERS, Frère, Ou Ffls du Roî dAngleterrey Se divers<br />

autres , le refte de PArmée ne laiffa pas de continuer<br />

le fiége avec la même ardeur, Se le mêrtie zèle. Il eft vrai, que<br />

quantité de Nobleffe de toutes les Nations, plus effrayée de<br />

la mort de tant de grands perfonnages, 5e du ravage que faifoit<br />

cette efpèce de contagion, que de tant defengkns combats,<br />

OÙ ils s'étoient trouvés, fe rembarquèrent,avec kur fuite,pour<br />

retourner en-E«r(?/>^.<br />

Alors, mais trop tard, ks Chrétiens reconnurent la faute. Repentir<br />

qu'fls avoient faite de refufer les offres avantageufes de CORA- ticS^d^'<br />

vi<br />

DIN, Se commencèrent tous àfe repentir véritabkment de kj^^'y*'.<br />

complaifance, qu'ils avoient eue dc fc rendre au fentiment du mens d»<br />

Légat, qui n'avoît aucune expérience des affaires dc la guerre, ^^^'"'<br />

Se qui étoit caufe des incommodités qu'ils fouffroient, Sc du<br />

péril qu'ils couroient de périr tous, ou, tout au moins, d'échouer<br />

dans leur entt-feprife. Les Affiégés, quoi qu'«ncore plu»<br />

accablés dé faim, de mifcrc, 6c de maladie, qu'eux, n'étoient<br />

Ooo pa«<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


écnne<br />

474 HISTOIRE GENERALE<br />

pas moms fermes à fe défendre, 6c à répouffer leurs attaques;<br />

de forte que le fîége tramoit toujours en longueur, fens'apparencc<br />

de pouvok être termkié avec fuccès ; malgré ks grands<br />

foins, que prenoient les Chefs des Croifés de confoler, 6c d'encourager<br />

les Soldats à pcrfévérer dans la réfolution, où fl»<br />

étoient tous de prendre Damiette^<br />

*T"X On y étoit réduit à ces extrémités, lorsque le Camp Ci&r/.<br />

nue'cïaé' tien fut fecouru dc qusmtité de provifions6cde rafraichiAsuifiis,<br />

que lui apportèrent divers Navires, fur ksquels étoiçnt embar»<br />

qués l'Archevêque de Milan y les Evêques de/î^^w, de Bresfey<br />

Se de Faënce y avec k Duc dc Bavière y les Comtes d'Augs*<br />

bourg y Se Zurmartu/hy dHôchftety Se phifîeurs autres Perfonnes<br />

de k première qualité, tant d^ Allemagne y q^e dit alk y le^<br />

queUee, fur le bruit dc la réfiftance, que ks Croifés trouvoient<br />

dans leur entreprife fur l'^^y/^/^, voulurent avoir parc à la gloire,<br />

qu'fl y avoit pour eux tous, de s'emparer des côtes maritimes<br />

de cc Roïaume. En effet, ce grand fecours arriva bien i<br />

propos pour ks foulager, 6c pour rekver leurs forces abatue»<br />

par la difette de vivres, par ks travaux çontmuekj 5c par k<br />

maladie.<br />

Un fi puiffant renfort d'Hommes, Se dç vivr^, anima teflement<br />

toute PArmée, que les TrcHipes oubUèrent bientôt leurs<br />

fouffrances. EUes alloient aux affauts avec autant de gaieté,<br />

que fî c'eût été un feftin. U n'en étok pas de mênie des Affiégés.<br />

Us n'avoient rien pu recevoir,depuis la fuke de kur Soudan;<br />

Se y pendant feize mois de fîége, fls avoient confumé tou^<br />

tes leurs provifîons ; de forte qu'îfe étoient rédum à manger def<br />

chiens, des çliats, 6c tout ce qu^fl y a de plus fàle, 6cde plu»<br />

immonde. Ces mauvais alimens leur avoîent corrompu k fàng;<br />

ce qui engendra une fi cruelk maladie, qu'ils en mouroicnt<br />

iniférabkment, fans pouvok s'entre-fecourir, ni même donne»<br />

k fepulture à leurs cadavres. Enfin leur ^tat étok fî dépk^<br />

rabk, ^fu'iis n'étaient plus défendu», ^ç par leurs muraflle»,<br />

Cc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DI JE'RUSALEM. Liv. IX. CH. V, 47^<br />

Cependant, comme cUcs étoient très-difiicfles à forcer, les ArticiciK.<br />

Chrétiens ne pouvoient guères profiter de kur accablement. Us<br />

efpéroient, que la famine, ou les autres malheurs leur procureroient<br />

la prife de k Vflle. Les Affiégés eurent encore le bonheur<br />

de fake favoir au Soudan l'extrême mifère, où fls étoient<br />

réduits, lui déclarant, " que,s'fl ne fe mettoit promtement en<br />

„ état dc ks fecourir, il ne refteroit bientôt que des morts,<br />

fy OU des mourans, pour oppofer aux ennemis." Ce Prince /»*<br />

fidèle y foit qu'fl fiut véritablement touché des calamités de tant<br />

dc Sujets affedionnés, 6c fidèks, ou qu'fl craignît qu'on ne refcttât<br />

fur lui tout le bkme de leur perte, 6c de cefle de leur<br />

ViUc, fe mit alors de nouveau à k tête de fon Armée ; mais,<br />

la réfolution, qu'fl avoit prffe, de ks alkr fecourir, cédant k<br />

fon peu de courage, fl s'arrêta à environ trois Ueues au-deffous<br />

du Caire y au même endroit, où k Nilfe fêparc en deux branches.<br />

U fe contenta de faire charger abondance de provîfion»<br />

fur de groffes barques, garnks d'hommes adroits, vafllans, &<br />

bien entendus, pour les conduire à Damiettey2^sec ordre,lorsqu'As<br />

feroient à portée d'être découverts du Camp Chrétien y dt<br />

s'arrêter jusqu'à la nuit, pour introduire le fecours, qu'fl envoïoit<br />

aux Affiégés, à k faveur des ténèbres, Se ks affurer qu'il viendroit<br />

bientôt lui même les ddivrer de kur mifère.<br />

Afin de mieux affurer ce convoi, fl fit marcher une partie<br />

dc fe Cavalerie le long du Nily pour faire tête aux Chrétiens<br />

y qu'fls pourroient rencontrer ; Mak , comme l'un dc<br />

fes Amiraux lui fit comprendre , que , malgré ces précautions,<br />

ce convoi, 6c cette Cavakrie courroient grand rifque y<br />

6'fl ne s'avançoit lui même pour ks foutenir , il marcha à<br />

petites journées, pour faire réùffir fon entreprife, qui n'eut<br />

pourtant pas un meifleur fuccès.<br />

Les Chrétiens étoiené trop attcntffs à fermer les avenues dc<br />

la ViUe, tant par mer, que par terre, pour empêcher qu'il n*y<br />

pat rien entrer* Ik apprirent bientôt le» approches de la Ca*<br />

Ooo a vale-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


47


DE JE'RUSALEM. Lir.IX. CH.;V. 47?<br />

ennemk, fans même perdre un, pié_ de terrain; Et le Roi, qui<br />

y accourut promtement, avec les Templiers y Se tput le refte dé<br />

l'Armée, engagea un combat général,qui devint ^si^i^pint plus<br />

fanglant,que la nuit les furprit, fans pourtant ks emp^çJl^r de<br />

k continuer.<br />

Le* deux Armées firent également des efforts furprenans<br />

pour obtenir la Vidoire ; cependant, fait que la timidité naturelle<br />

du Soudan le reprît,ou qu'fl s'ap§erçût,que fes gens conx.,<br />

mençoient à fe relâcher, ;flfe retira le premier du. champ de<br />

bataille , .014 fl kiffa quanùtp des fiens étendus fur k pkce. Se<br />

afla fe camper fur le bord du Nil y k quelque diftance de PArmée<br />

Chrétienne. Il eft vrai,que,fi cette adion coûta un plus grand/r^7?<br />

nombre d'Hommes à M E'L E'D IN, k quaUté de ceux qu'y per- ^*"*^*<br />

dirent les Ch'étiens Pemportoit. Les Maîtres de VHopitaly Se<br />

du Tempky avec pkfieurs Chevaliers de ces deux Religions,'y<br />

perdirent la vie; ce qui diminua beaucoup la joie du gain de k<br />

bataflle.<br />

C H A P I T R E V L<br />

• •• • 1 •<br />

Quoique les Affiégés n'euffent encore reçu aucun fecours iArtîcièjr<br />

la proximité de leur Souverain les avoit fi fort ranimés ,* ^^^^li^^<br />

que, malgré Pétat déplorable, où fls étoknt réduits, fls retmime<br />

fe défendoient toujours conftamment. Leur réfiftance fit com- SiSédin -<br />

prendre au Roî de Jérufalem, qu'il ne viçndroit jamais à bout fnnfbt-^'^<br />

de ce fiége, tant que M E'L E'D IN feroit fi près de k Vifle ; c'eft ^tnt. - '•<br />

pourquoi, .dès qu'il fut affuré de^fon campement,, fl réfWut de<br />

l'aUer attaquer dans fes retranchement. Uf exécuta même avec<br />

pks de confiance, que n'auroit dû en avok un Ptkice auffi ex-<br />

Ooo i péri-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />


j^^i H I S T O I R E G Ë' N E' R A L E<br />

îériïiientc que lui ; Cétoit le 6* Odobre. U kiffa k gros de<br />

Î'Armée continuer k fiége, ôc marcha avec un corps de Troupts<br />

fort médiocre i en eoinparaifon de k multkude, qu'fl aUok<br />

attaquer.<br />

ME'LE'DIN, furpris de la hardieffe des ChrétienSy jura de<br />

punir leur témérité. En effet, fl fit bien connoître dans cette<br />

ôccàfiott, qu'un Homme fans courage, 6c fans vakur ^peut quelque<br />

fois téduire un grand, Sc vaillant Capitaine à k dernière<br />

extrémité; for tout, lorsqu'il fè hazarde à des entreprifçs trop<br />

dispropdrtionnées, comme fit k Roi de Jérufakm dans cette<br />

ttiallieureufe conjpttddre; puifque j malgré fa valeur, 66 fon ha.<br />

Il pert u bileté, fl ne fe fauva qu'avec beaucoup de peine, apr^ avok<br />

rr"« M"^ perdu k fleur des Troupes, qui l'accompagnoient; Car, dès<br />

•Sfiu^ que ks Infidèles f eurent découvert, le Soudan quitta fes retriui*<br />

/ê/J^er^ Chèmens, 6c feignk de prendre la fuite; mais c'étoit pour fé»<br />

lôîgner du Camp, 6c fattirer dans des lieux plus avantageux;<br />

perfuadé que les Chrétiens, non moins avides du butin,que de<br />

la gloire, s'amuferoient aie piller, comme ils curent en effet<br />

l'imprudence de faire. ME'LE'DIN , profitant alors de leur<br />

inadvertance, 6c de fa propre feinte, retourna fur fes pas, &<br />

les chargea avec tant de fureur, 6c d'avantage, que disperië?,<br />

comme ils étoient, fl leur fut impoffibk de fe raUier affez promtement<br />

pour lui faire tête; de forte qu'au fieu de vaincre, 6c<br />

de s'enrichir, comme ik Pespéroicnt, ils furent la plupart tafl-:<br />

lés en pièces, ou faits prffonniers , fans mêm^ que plufîeurs<br />

Sdgneurs, qui furent de cette fatale expédkion, puffent éviter<br />

ce trifte fort.<br />

&ièfuurt GAUTIER, Connétable de France y qui commandoit les Trou*<br />

trifemers. pcs dc ccttc Natiou, 6c MILON DEME'LUN,y perdirent k vie,<br />

auflfi bien que divers autres Seigneurs d'égale confîdération.<br />

L'Evêque de Beauvais y GAUTIER DE NE'IIOURS, AN­<br />

DRÉ'DE CHATILLON, HENRI DI LORHB, avec grand<br />

nombre d'autres,furent faits prifonniei:8. Le Roi, qui avok eu<br />

le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


9t JE'RUSALEM. Lir. DC CH. VL 475^<br />

k bonheur de fe débarraffer de k quantité de Sarrafins y qm<br />

cherchoient à Penveloper, penfa encore être brûlé, en fe retirant<br />

avec les miférabks débris 'de cette fonefte journée. U re*^<br />

gagna enfia kCamp, dautant plus mortifié, que le Légat, 65<br />

fes partifans, ne manquèrent pa$ de (ui ^tdribuc'r toute k Ëiute<br />

de cette grande déroute.<br />

Pour tâcher de la réparer, ce Rrince ne s'attacha plus, «^pfàArticleJfe<br />

preffer le fiége dc k Ville, 6c à empêcher que ks Affiégés ne<br />

puffent recevoir aucun fecours; periuadé qu'étant déjà rédmts<br />

à k dernière mifère, ils ne réfîfteroient pas encore long-tems ;<br />

6c que, malgré la proximité de ME'LE'DIN, 6c l'avantage qu'il<br />

venoit de remporter fur lui, ils feroient contraints de fe rendre,<br />

ou de mourir de faim; d'effet, ces Peupks opiniâtre» 6c<br />

déterminés, fe foutinrent encore prè» d'un mois. Se enduré:rent<br />

des calamités incroïables. Leur» maifons, leurs rues, 6c<br />

kurs pkces,étoientrcmpUes de cadavres,auxquels ils n'avoient<br />

pas k force de donner k fepulture ; 6c le peu de vivans, qui<br />

reftoient encore, n'étoient pas inoins empoffonnés de leur puanteur,<br />

que d«L mauvais aUmens, qu'ik étoknt obligés de man-ger<br />

, pour prolonger feur Janguiffànfe vie ; dc forte qu'il» ne<br />

purent phis continuer leurs garde», ni s'oppofer aux eifprtis des<br />

Chrétiens, Ceux-ci renverièrent une des Tours de la premièiï^<br />

enceinte, où ils remarquèrent, avec étonnement,Jque peripnoô<br />

ne paroiffoit plus pour la défendre.<br />

Oe fflence des Affiégés donna la çurioCté à qiqelques Soldat»<br />

Florentins y plus hardîs que ks autres, d'efc^ikder la feçofid^<br />

muraifle. Ils l'exécutèrent avec beaucoup de précaution-, de<br />

crainte que l'inadion des Ennemk ne fût une fdnte, pour lep<br />

attirer dans quelque piège. Ils forent cependant bien étonnés,<br />

6c leur crainte ceffa, lorsque, parvenus au fommet de la muraille,<br />

fls apperçurent la quantité de coips morts,dont les places<br />

6c les rues étoient jonchées > Se dont ik reffentirent même<br />

k mauvaffe exhalaffon.<br />

Ce»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4^0 H I S T'O I R E G E' N tf R A LE<br />

Extrémité, ^es vafllans Soldats, bien affurés de la réalité du fpedaek<br />

*i*iisfm horribk, qu'fls venoient de voir^ defcendirent inceffamment,<br />

pour en aller avertir leurs Officiers ; les affurant, qu'fl ne leur<br />

reftoit plus d'Ennemis à combattre dans la Place ; puisqu'As<br />

avoknt reconnu, avec autant d'horreur, que de furprffe, tous<br />

les Affiégés morts, ou mourans, dans les rues.<br />

Les Officiers, ne pouvant ajouter foi à une nouveUe fi extraordinaire,<br />

voulurent s'éclaircir, par eux mêmes, d'une affaire<br />

fi importante, avant de là répandre; 5c, montés fur la muraille<br />

, fls reconnurent en effet, que k, raport de leurs SoMats<br />

étoit véritable ; 5c qu'il n'y avoit plus d'autre obftacle à furmonter,<br />

que celui de faire une ouverture, ou d'abattre une des po^<br />

tes de la Place, afin que l'Armée pût y entrer avec plus de<br />

commodité. Us plantèrent en même tems, fur la muraille fétendart<br />

de la ViUe de Florence y dont les armes étoient a/ors,<br />

felon JEAN ViLLANi, Se k Continuateur de h. Guerre-Sainte y<br />

une fleur de lis dargent en champ dc gueules.<br />

'Us firent, en diligence, approcher des béliers à la porte voifine,<br />

qu'fls renverfèrent ^ientôf Le bruit s'ei^tfépandkd'abord<br />

danô tous les quartkrs ; Maîs, comme la plupart en ignoroient<br />

encore les particularités, chacun étoit réfolu de fe bien<br />

•anger fur les Infidèles y qu'fls ne trouvèrent plus en eut de recevoir<br />

kur châtiment. r<br />

^ Les Chrétiens entrèrent dans la Place le ^ Novembre; Scy<br />

bkn loin d^xercer leur colère, 5c leur indignation, fls furent<br />

tous extrêmement touchés de l'affreux fpedade, quis'offrkà<br />

kurs yeux, 6e dont fans doute, ks Hommes, les plus.cruels,<br />

auroient eu compaffion. La Vflle n'étoit rcmpUe, que de cadavres<br />

renvcrfés les uns fur les autres. U y avoit même, parmi<br />

ces Corps, quelques-uns qui refpiroîent encore, mais fi knguisfans,<br />

qu'ils n'avoient pas la force de fe débarraffer de tant der<br />

morts, dont fls étoknt entourés. Se plus prêts à en augmenter<br />

le nombre, qu'à s'oppofer à kurs Ennemi»,<br />

L»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DS JERUSALEM. LIV. IX. CH. VI. 4S1<br />

La confiance, 6c la défoktion de ces miférabks avoit été C<br />

grande i que ks Hiftoriens affurent, que, de foixante dix'mifle<br />

Peffonnes, qui fe trouvoient dan» Damiette y au commencement<br />

du fiége, à-peine cn trouva-t'on trois mflle en vic, mais qui<br />

ne pouvoient plus fe foutenir. On leur fournit d'abord de bons<br />

alimens, 6c on leur promît la Uberté, à condition pourtant,<br />

„ que, lorsque leurs forces feroient rétabUes, ils travaifleroient<br />

^y à nettoïer, 6c à purger k Vflk, dans kquefle fl étoit alors<br />

„ impoffibk d'habiter, fans s'expofer à périr du même m al, qui<br />

„ cn avoît détruit les Habitans.<br />

Auffi, à-peine les Chrétiens Peurent-fls reconnue, qu'ils s'en Articief/r<br />

retournèrent promtement dans leur Camp, afin d'éviter Pim- uliédL<br />

preffion que pouvoit faire fur eux fa dangereufe kifedion; Se y •«^^f'^fatisfaits<br />

d'être devenus maîtres de cette importante Place, même<br />

aux yeux du Soudan y fls en aUèrent rendre des adions dc ' "<br />

grâces au Tout-Puiffant,pendant que ME'LE'DIN, afliligé d'une<br />

perte fî confidérable, fit mettre k feu à fes logemens, 6c fe<br />

retka au Caire, Us redoubla fes foins, pour en augmenter ks<br />

fortifications, 6c munir cette Capitale, d'abondance de provifions,<br />

afin de foutenir un fiége, auquel fl s'attendoit. Le»<br />

Chrétiens auroient immancablement réùffi dans cette entreprife,<br />

fi leur indolence, 6c la difcorde, qui fe renouvefla, avec encore<br />

plus de chaleur, que jamais, entre k Roi Se le Légat, rieles<br />

eût empêchés de profiter de la confternation des Infidèles y ^^<br />

qui ne s'attendoient à rien moins, qu'à être entièrement chaffés<br />

de VEgypte,<br />

La mésintelligence de ce Prince, 6c de ce Prélat, fut caufe<br />

, que l'Armée demeura dans l'inadion, jusqu'au premier Février<br />

de fannée fuivante. La Vflk, fe trouvant alors purgée<br />

de toute infedion, ils y entrèrent comme en triomphe; 6c,<br />

dès le lendemain, jour de k Purification de la Fiergey ils dédièrent<br />

folemneUement à fon honneur un fomtueux Se fuperbe<br />

Tempk, qui étoit k Mosquée principale, que k Légat jaccom-<br />

Ppp pagné<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


482 HIS TOI R Ë G E' N E' R A L E<br />

pagné du Patriarche, Se de tous les autres JPrélats, avoit récon*<br />

ciUée. U y célébra pontificalement les divins miftères. LeRoi,<br />

6c tous ks Seigneurs de l'Armée, y affiftèrent en grande dévotion,<br />

6c avec des acclamations univerfeUcs des Troupes.<br />

Après cette célèbre cérémonie, tous les principaux Seigneurs,<br />

tant Eccléfiaftiques, que SécuUers,s'affemblèrent dans k même<br />

Eglffe; Se y d'un commun confentement, ils donnèrent la Ville<br />

de Damiette y Se toutes fes dépendances, au Roi JEAN DE<br />

BRIENNE, pour en jouïr,-lui, 6e fes Sueceffeurs, comme Rois<br />

de Jérufakmy à perpétuité. -^ Cependant, charmés des ridieffes,<br />

qu'ils y trouvèrent, tant en or, en argent,qu'en meubles<br />

précieux, 6c marchandifes de grand prix, fls s'y habituèrent<br />

avec autant de tranquiUté, que fi fa prife eût été l'unique but<br />

dc leurs projets ; fe contentant d'envoïer de tems-à-


DE JE'RUSALEM. Lrr. IX. Cn. VL 481<br />

de Tant y ou TaneSy anciennement Titani des GéanSy qui l'habitoient<br />

, étoit entièrement ruinée. Elle avoit autrefois furpaffé<br />

Pélufiumy en grandeur, 6c cn magnificence; mais efle n'avok<br />

conferve de fon andenne fplendeur, que cette Fortereffe, qui<br />

étok, en effet, fi.confîdérable, que toute l'Armée Chrétienne<br />

auroit eu bien de la peine à.la forcer, G elle avoit été auffi bien<br />

défendue que Damiette.<br />

Cette nouvelle conquête donna bcaucoup de joie au Roi, au<br />

Légat, Se à tous les Chefs, fans pourtant qu'ils en fiffent ufi<br />

meilleur ùfage, que de la première. La, Difcorde continuefle de Difcorde<br />

ce Prince, 6c du Cardinal, en, fut la caufe principale. Us ne entre le<br />

pouvoient jamais s'unir, lorsqu'il s'agiffoit de quelque entreprife j^'J^ ^<br />

d'importance. L'un, Sc Pautre, avoit fon parti. Us fe croïoient<br />

également en droit de commander l'Armée ; de forte qu'fls pasfoîent<br />

leur tems en conteftations inutiles, fans jamais cn venir<br />

à aucune expédition effedive. Leur désunion dégénéra enfin<br />

en animofité. Les fuites cn parurent fî dangereufes que, pour<br />

éviter d'en venir à d^fttus grandes extrémités, le Roi prit le JHetow du<br />

parti de s'en retourner en Pakfiine y avec toutes fes Troupes, ^Jfj^"^^'<br />

fous prétexte de recouvrer le Château de Blanche-Garde y que<br />

MELEC-EL-SARAF, Frère de CORADIN, avoit nouvellement furpris<br />

; 6e que, pour empêcher les Infidèles de continuer leurs courtes<br />

dans cette Province, il devoit abfolument rétabflr les fortifications<br />

dc Saphet y Sc de Céfarée y que CORADIN avoit enlevés<br />

aux Templiers, 6c aux Hofpitaliers, pendant le fiége de Damiette,<br />

U déclara néanmoins fa réfolution de revenir bientôt en<br />

lEgyptCy pour y continuer la guerre; Se même d'emploîer tous<br />

"fes foins pour engager les Arméniens y Se les Chrétiens, Sujets<br />

du Soudan dîconium y à fe joindre à lui, puisque tous ces Peuples<br />

avoient témoigné beaucoup d'empreffement pour aider les<br />

Croifés au recouvrement du St, Sépulcre,<br />

' Ceft ainfî que ks plus grands Hommes fecrffient bien foU- pfe^^<br />

-yent les intérêts communs de leur patrie à kurs paffions parti-<br />

Ppp 2 culiè-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^B4 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

cuUères, leur gloire, 6c leur réputation à des fujets de vanité<br />

inutile. Car , quelques vraifemblables, que paruffent les prétextes<br />

du Roi de Jérufakmy pour paUier le véritable motif de<br />

fon départ,on reconnut afTez,par fon féjour continuel à Ptoh-<br />

- maïde, qu'il ne fongeoit aucunement à faire la guerre aux Infidèles<br />

, ni à réparer les fortifications des Places, qu'ils avaient<br />

démolies; non plus qu'à foUiciter les Géorgiens y Se les Arméniens<br />

y à le venir joindre, comme fl favoit affuré; 6c que fon<br />

éloignement dc VEgypte provenoit uniquement du mécontentement,<br />

6c du dédain, qu'il avoit conçu contre f arrogante, du<br />

Légat.<br />

Aufll, tous les gens de bien blâmèrent ce Prince, d'avoir abandonné<br />

les affaires communes de toute k République Chrétienney<br />

pour un fujet, qui devoit être au-dcffous de fa générofité. Se<br />

de fon grand cœur ; 5e de n'avoir pas fait quelques efforts fur<br />

lui même, pour furmonter fes paffions, 6c ces obftacles, par<br />

fa pmdence, 6c par fe modération,-<br />

On ne condamnoit pas moins le Û%at, dc fe lafller afTet<br />

aveugler à fon ambition , pour voulok exercer k commandement<br />

général d'une Armée : Métier, fî oppofé à fa profeffion,<br />

6c fî fort au-delà de fes lumières, fur tout dans im pays, qui<br />

ne lui étoit point connu, Sc contre les Barbares; Sc cela, au<br />

-pr^udice d'un Princc, qui paffoit pour un des plus grands Capitaines<br />

de fon tems. Ce Prélat, rempU du zèk de Paugmen-<br />

•tation de la foi, qui Pavoit ccpdluit en Orient y Se qu'il faifoit<br />

tant valoir, auroit dp fe contenter de faire, en compagnie de<br />

tant d'flluftres Prélats, qui s'y trouvoient, comme lui, de fkcères<br />

vœux au Ciel pour la proÇîérité des armes Chrétiennes, Si<br />

en laiffer k conduite à ceux qui étoient plus favans en cet art,<br />

que lui, 6c deftuiés à cet exercice.<br />

U reconnut, enfin,bientôt, qu'fl n'étoit pas fi facfle dc fai-<br />

TCle Général d'Armée, ni de retenir dans leur devok tant de<br />

f crfoniics dc différentes Nations, 6c de différentes mœuri, qu'il<br />

fe<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D E JE'RUSALEM. Liv. IX. CH. VL 4.85<br />

ft l'étok imaginé. A-peine le Roi fut-il parti, que le Soudan^<br />

«ncouragé par fabfence d'an fi grand Chef, 6c par la diminution<br />

de PArmée Chrétienne y fortit du Caire avec fes Troupes,<br />

Se vint fe camper à une journée dc Damiette y d'où fes Soldats<br />

faifoknt des courfes jufques aux portes de k Vifle, fans que,<br />

faute d'expérience, le Légat fut remédier à ces desordres, ni<br />

ordonner ce qui étoit néceffaire pour les repouffer. Recon<br />

noiffant, enfin, fon incapacité pour la guerre; 6c craignant,<br />

par la confufion, qui s'étoit mife dans toute PArmée, quelque<br />

fâcheux inconvénient, fl délibéra, avec les principaux Chefs,<br />

fur ks moïens de fake revenir le Roi, pour en reprenilre le<br />

commandement.<br />

U lui écrivit, pour cet effet, d'une manière très-obUgcante;<br />

mais ce Prince, qui ne pouvoit oubUer fon mécontentement,ni<br />

croire que le Légat fût capable de changer fes maximes, »kxcufa<br />

de ne pouvoir encore quitter la Paleftine y Se perfîfta toujours<br />

dans fa réfolution, malgré les inftantes prières, que le •<br />

Légat, Se tous les autres Chcfe de PArmée lui réitérèrent plufieurs<br />

fois; de forte que ME'LE'DIN, profitant de fon éloignement,<br />

remportoit toujours de l'avantage fur les Chrétiens y mil- jirrvokdf<br />

gré ks grands fecours, qu'fls venoient de recevoir des Képu-^J^^l'J^j<br />

hVic^e^ de Vénife y de Gènes y Se de Pife. La nouvcUc de la i'-^mir<br />

prife dc Damiette y ks avait d'abord portées à armer kurs Flot- ne. ^^^^^^<br />

tes, pour venir aider les Chrétiens à faire l^ntière conquête de<br />

VEgypte y qui paffoit en Europe pour très-facfle.<br />

Plufieurs Princes, Se grandsJBeigneurs, s'étoient même embarqués<br />

fur ces Flottes. Entre autres Louis, Duc de Bavière^<br />

avec 300. Gentflshommes, 6c bon nombre de Troupes, que<br />

l'Empereur FRE'DE'RIC II. luî avoit données à ce fujct. >Ce<br />

Monarque écrivit même au Roi de Jérufalem y 6c aux autres<br />

Chefs des CroiléSy qu'fl viendroit bientôt ks fecourir en perfonne.<br />

U eft vrai, que k jondion de ces renforts n'empêcha<br />

4^as,que le Soudan ne continuât k ks înfulter, 6c n'eût toujours<br />

Ppp 3 Je<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


48« H I S T O I R E' G E'N E' R A L E<br />

k deffus dans fes efcarmouche», feute d'un Chef, dans l'Armée<br />

Chrétienne , à qui tous ks autres puffent obéïr avec<br />

refped. Se foumiffion.<br />

.i • ..t a»?'.. v-vOS'?;. >^eo?i. .«


DE JERUSALEM. -Liv.^X. CH.VIJ. 4&7<br />

çn donna des marques publiques, 5c témoigna, dune manière<br />

éclatante, le plaifir, que lui faifoit fon retour. Le Roi<br />

JEAN DE BRIENNE y fans beaucoup s'arrêter à toutes ces<br />

vaines démonftrations, ni aux compUmens que chacun s'empreffoit<br />

de lui fme y- affembla d'abord un Confefl général, Tenue d'un<br />

pour déflbérer for ks entreprifes, propres à réparer k tems, r^râu ^<br />

qu'ils avoient perdu dans l'inadion ; Mais, lorsqu'fl s'attendoit<br />

à trouver k Légat i 6c fes partifans, plus modérés, 6c<br />

plus docfles qu'auparavant, fl reconnut , au contraire, que<br />

ce Cardinal confervoit toujours le même efprit de hauteur,<br />

&^ de fupériorité ; 6c qu'fl prétendoit, que fon fentiment<br />

prévalut fur tous les autres. • ^<br />

En effet, fl n'eut aucun égard pour le Roi, ni pour<br />

tant d'autres Seigneurs expérimentés en fart miUtaire , qui<br />

opinoient de repaffer promtement en Paleftine y pour chaffer<br />

les Infidèles des ViUes-, Se des Châteaux, qu'ils y occupoient. ^<br />

Ceux-ci difoient, " qu'en poffédant Damiette y Se Tàniy qui<br />

„ étoient les deux Places les plus Orientales de VEgypte y<br />

„ ils n'avoknt qu'à y maintenir de bonnes garnffons, pour<br />

„ n'avoir rien à^ apréhendet de ce côté-là j Qiie cela fuffi-<br />

„ foit pour tenir les Sarrafins dans une crainte perpétuel-<br />

„ le , 6ie les empêcher de fecourir ceux de k Syrie , les-<br />

„ quels, faute de cette affiftance , feroient abfolument hors<br />

„ d'état de leur nuire ; au Ueu que cherchant à s'emparer<br />

33 du Caire y comme le Légat, Se fes adhérens, le préten­<br />

53 doient , ils ne feroient que détruke kur Armée , pour<br />

3, prendre une Vifle, qu'fl^leur feroit impoffible de confer-<br />

„ ver. " . ^ .<br />

Ce fuperbe Cardinal foutint f avec oftentation , 6c pétU- entêtefence,<br />

"qu'fl étoit plus à propos d'aller afronter le Soudan y^'^^^<br />

„ 5c lui donner bataifle, afin (difoit-fl) de ne laiffer plus ^^s^^croupir<br />

ks Troupes dans Poifivetéy Çf arr-et er celles qui vouloient<br />

repaffer* en Europe.^ U ajoutoit, _'_^ que k peu de courage,<br />

J, que<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4SS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

„ que ME'LE'DIN avoit fait paroître, dans les autres occafions,<br />

„ devoit les déterminer à prendre cette réfolution ; d'autant<br />

„ plus qu'on avoit re.çu des Troupes fraîches, qui ne refpi-<br />

„ roient que ks occafions de combattre les Infidèks ; Qu'il fal-<br />

„ Ioit profiter de leur ardeur, pour les défaire, 6c afler enfuite<br />

3, s'emparer de la Capitale, dont la conquête entraineroit im-<br />

„ mancabkment ceUe de tout k Roïaume ; après quoi il ne<br />

„ kur feroit pas difficfle de rentrer dans fentière poffeffion dc<br />

„ celui de Jéryifalem,<br />

Il apuïa ces raifons d'un Difcours fi éloquent ySefi perfuafiÇ<br />

qu'fl engagea plufîeurs des principaux dans fon opinion. Le<br />

Roi au contraire, foutenu des Maîtres de VHopital, Se du Tempky<br />

qui avoient une parfiiite connoiffance de VEgypte y où ils<br />

avoient autrefois - fait la guerre , firent tout leur poffibk,<br />

pour faire comprendre au Légat , 6c à ceux dc fon parti,<br />

„ Pévident danger, qu'fl y avoit de conduire une Armée ver»<br />

„ le Caire, dans une Saifon, où le Nil étoit fur le point de fè<br />

„ déborder, 6c d'inonder toutes les campagnes, dont fls ne<br />

„ pourroient fe débarraffer, 6c où fls courroient rffque d'être<br />

3, tous noïés, ou de mourir de faim; Que, d'aiUeurs,ksCfcr^<br />

3, fiens n'aïant pris les armes, que pour le recouvrement de k<br />

„ Terre-Sainte y Se non pour conquérir le Caire y Babilone y ni<br />

„ Thèbes y ils ne dévoient s'attacher, qu'à l'objet qu'fls s'étoient<br />

„ propofe ; Que, quant à lui en particulier, le Pape, k Roi<br />

„ de France y 6c les Seigneurs de P^/^z/z^, Païant choifî, pour<br />

„ gouverner le Roïaume de Jérufiakmy fl aimoit mieux la con-<br />

„ quête d'un pié de terrain dans cet Etat,que cefle d'unePro-<br />

„ vînce aflleurs; Et qu'enfin ,fl préfèreroit toujours le Titre de<br />

„ Roi de Jérufakm à celui de Soudan d^Egypte,<br />

Cependant, le Légat, toujours entêté de fon opinion, reprenant<br />

fes violences ordinaires, fe mit au-deffus de toutes ces<br />

bonnes raifons, Se entraina non-feulement cous les Eccléfiafti-<br />


^DE JE'RUSALEM. Liv.TX:. CH. VIL 43-^<br />

core les Chefs des Croifés y nouvellement débarqués, qui brûloient<br />

d'impatience de-combattre les-J^z/W^/i?!. Il fit plus; car,<br />

menaçant d'excommunier ceux qui feroient d'une opinion contraire<br />

à la fienne, il attira tous les autres dans fon parti ; de<br />

forte que le Roi, craignant alors de fe rendre fufped, 5c d'être<br />

accufé de ne vouloir agir, que pour fes intérêts particuliers,<br />

fut contraint, malgré lui, d'aquiefcer aux volontés du Cardinal;<br />

5c, quelque répugnance qu'il eût pour une entreprife fi<br />

dangereufe, 5c fi mal concertée,fl ne.fongea plus,qu'à fe mettre<br />

à k tête des Troupes, pour aller - attaquer le Soudan.<br />

L'événement en fut-auffi trifte, que ce Prince favoit prévu, s^dtefi-<br />

L'Armée Chrétienne y forte de foixante.dk mille Hommes, tous 'rerî^reprije<br />

bien armés, 6c en bon ordre, fortit dc Damiette yle ij«. Jufllet. ^'j^^'»'^*-<br />

•Celle des Ennemis étoit beaucoup moindre. Se comfî^ofée de<br />

gens fans difcipUne ; cependant k maUieur des Croifés fut fî<br />

grand,qu'ils y penferent tous périr, fans même pouvoir-comi)attre.<br />

Ils s'eftimèrent encore bien heureux, de pouvoir fortir<br />

du labirinte, où ils s'étoient engagés, en rendant la Place,qui<br />

leur avoit coûté tant de feng, 6c tant de peines.<br />

Le Légat cependant, qui ignoroit entièrement le danger<br />

qu'fl couroit, s'aplaudiffoit fans ceffe d'apprendre, que le 5OMdan<br />

reculoit, à mefure que les Chrétiens avançoient dans kl<br />

terres. Il louoit contînùeflement les Officiers, Se les Troupes,<br />

d'avoir fuivi fon confeil, qui alloit leur devenir fi utile, 6c fi<br />

glorieux; Et fl ne fe laffoit point.de dke, " que les Hommes<br />

55 lâches trouvoient tout difficfle; Se que la fortune étoit tou-<br />

„ jours favorable à ceux qui étoient hardis, Se entreprenans.<br />

Sa joie augmenta encore, lorsqu'il vit les Chrétiens s'emparer<br />

de tout le plat pays, 6c fe rendre maîtres, à vive force,<br />

d'un pont, que M E'L E'D I N avoît fait jetter fur le Nil; mais il<br />

ne fongeoit pas, que c'étoit, par rufe, que ce Prince Irifidèk<br />

les laiffoit avancer, fans faire aucune oppofition; 6c qu'fl ne<br />

dierchoit, qu'à ks attker dans des Ueux, où il pût faire valok<br />

Qqq le»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


45)a HIST 01 RE- G E' NE' RAL E<br />

les avantages, que lui donnoit fa fituation; perfoadé qu'fl auroit<br />

bientôt Ueu de faire un terrible ufege dc leur préfomtion,<br />

6c de leur inadvertance; ainfi qu'fl leur arriva, par leur propre<br />

faute.<br />

Us arrivèrent, fans obftacle, jufqu'à environ dix mfles du<br />

Caire; mais, au Ueu de brufquer cctte entreprife, comme ils<br />

favoient projette, avant de fortir de Damiette y ils s'amufèrent<br />

à former, Se à fortffier des logemens. Se des retranchemens à<br />

fextrémité du Delta y entre les deux bfas du il/ij/. C'étoit effectivement<br />

un lieu très-commode. Se très-déUcieux; mais, en<br />

même-tems, le plus dangereux de toute VEgypte pour fArmée<br />

Chrétienne. On fit divers détachemens, qui coururent les campagnes.'.<br />

Tout étoit ouvert. Us s'avancèrent même jufqu'aux<br />

portes dc la Ville, 5e provoquèrent, par mille bravades, le»<br />

Ennemis,• leur reprochant la timidité, 6e la lâcheté, avec la-<br />

^uefle ils demeurôient enfermés dans leurs muraifles.<br />

Les Sarrafins étoient trop prudens,;5c trop affurés dé leur<br />

fait, pour fe rifquer au hazard d'aucun combat ; puisqu'ils fe<br />

voïoient à la veflle de triompher de leurs Ennemis, fans aucun<br />

danger,"- Auffi, fe moquoient-fls de leur fotte vanité. Les<br />

, Fidèles pafferent prefque tout le mois d'Août, dans ces agréables<br />

retranchemens ; 5c, lorfque le Nil fut parvenu à fon plus haut<br />

débordement, le AS^JZ^^^?» fit fubitement couper les digues, qui<br />

JU=Ca»flp cn retenoient les eaux.^ Elles rcmpUrent, en fort peu de tems,<br />

»fens ^^ tous les canaux, dont le terrain cft entretoupé. Se inondèrent<br />

h'mT' toutela campagne. Se par confequent le Camp Chrétien; deforte<br />

que tout le pays devint alors, comme une vafte mer.<br />

Un débordement fi terrible, 5c ii imprévu, étonna mfiniment<br />

toute PArmée. Grand nombre d'Officiers, 6c de Soldats,<br />

qui fortirent de leur Camp, pour gagner quelque hauteur, furent<br />

rmiférablement fubmergés dans ces différens foffés, qffil<br />

kur étoit impoffible de difcerner, toute la terre étant également<br />

âçoadéc .^ Ceux qui ne bougèrent de kur place, outre V'^R^<br />

com-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


O K J E'R US ALE M. Lit. IX, CH. VIU 4t,L;<br />

f commodité dc fe trouver dansTcau jufqu'à la ceinture, eurent<br />

le maflieur dc perdre toutes, leurs provifions, que les eaux bourbeufes<br />

du Nil corrompirent entièrement ; deforte que, quoi-<br />

- qu'ils en euffent porté grande abondance, à-peine purcnt-fls en<br />

fubfifter trois jours ; au bout-desquels, accablés de faim, de<br />

fommefl, 6c de laffitude,ils s'attendoient tous à périr, fans que<br />

leur valeur, leurs armes, ni leur courage puffent leur fervir dc<br />

rien. Leurs feuls Ennemis pouvoient les délivrer de fétat pitoïable<br />

, où iîs étoient réduits.<br />

-Dans ces cireonftances , ME'LE'DIN, qui étoit naturelle- Humankt<br />

ment iort humain, leur envoïa offrir k paix. U ne pouvoit fe ain envers<br />

'réfoudre à voir périr fi miférablement tant de milliers de «vail­ les ChritieBS.lans<br />

Hommes, quoique fes Ennemis; d'autant plus, qu'fl étoit<br />

perfuadé, que leur perte ne lui feroit pas plutôt recouvrer les<br />

Villes de Damiette y Se de Tani; 6c que les garnffons, qu'ils y<br />

avoient kiffées, joignant alors la fureur à k bravoure, feroient<br />

les derniers efforts pour les conferver, 5c pour vanger k mort<br />

de leurs confrères.<br />

A' Pégard du Roî, 6c du Légat, Us n'eurent pas plutôt entendu<br />

les propofitions du Soudan y que, pour conferver leur»<br />

vies. Se celles de tant dc Perfonnes ifluftres, 6c de braves gens^<br />

.;qui avoient abandonné leurs maifons,,6c leur patrie,pour k recouvrement<br />

des Saints Ueux, qu'fls ks acceptèrent avec beaucoup<br />

dc joie. Us reîndirent même de très-humbles adions de<br />

grâces à Dieu, de ce qu'il lui avoit plu attendrir le cœur dc ce<br />

Prînce Infidèky jufqu'à avoîr pitié de leur nîifère, 6c à ne leur<br />

pas impofer des conditions plus dures, 6c plus hohteufes, que<br />

cefles qu'îl leur fit propofer; dé forte que, du confentement de<br />

toute l'Armée, la Paix fut étabUc dc la manière fuivante;<br />

!. „ Qu'il y auroit Paix 6c Trêve pour huit ans, entre ks f'*'*»^<br />

Chrétiens de la Pakfiine y Se ks Sarrafins des Roïaumes d'JS- uom^<br />

typtey Se de Damas,<br />

Q.qq t 11, y, Qllft<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4f 2 H:r S T 0 1 R E G E' NE Ri A L- E<br />

II» 35 Que les ChrétknS'rendroient inceffamment, ?iu Sou^<br />

yy dan ME'LE'DIN, la Ville de Damiette y Se le Château do<br />

yy Tani y Se fortiroient de fes Etats, auffi-tpt qu'fl leur au-*<br />

„ roit rendu le bois de la Cmx-, que SALADIN- leur avoit<br />

,y enlevé à la bataille dEtin. -<br />

III. „ Que les prffonniers , ^ 6c les efekves , feroient, de<br />

,,, bonne foi, rendus, départ, Sc d'autre; Se que, fi les<br />

„ Vaiffeaux des Chrétiens - n'étoient pas fuffifans pour leur<br />

„ transport en Paleftine, le Soudan leur en fourniroit fan»<br />

„. aucun fraix..<br />

Cet accord: aïant été figné-6c foknmelkment juré*, dc<br />

part, 6c d'autre, ils fe donnèrent réciproquement des otages.<br />

On le publia, à fon de trompe, 6c le Soudan fit d'abord<br />

fermer les édufes; en forte qu'avec l'affiftance des<br />

propres Sarrafins , les Chrétiens^ furent bkntôt fortis du<br />

bourbier. On conduifk toute PArmée dans des lieux fecs,<br />

6c commodes , où, par-une générofité, non encore pratiquée<br />

parniji les Barbares y Se qui feroit même glorieufe à un<br />

Prince Chrétien y MELE'DIN leur envoïa abondance de vivres<br />

, 6c. toute fortc de rafraichiffemens, obfervant fort religieufèment<br />

tout, ce qu'iLleur avoit promis, 6c même beau»<br />

coup au-delà; ^<br />

Article U. _ La nouvcUe du mallieur , arrivé k l'Armée Chrétienne,<br />

^mdTh étant parvenue à ceux qui gardoient Damktte y les rempUt<br />

^rëS^ d'une douleur,' 6c d'^ine trifteffe infinie ; mais fls furent en-<br />

»i«ttc. eore plus confternés, lorsqu'ils aprirent, qu'fl failoit rendre<br />

cette Place ^Lus-rInfidèles y felon k Traité, que k Roi, k<br />

Légat, 6c toute PArmée avoient été obligés de faire avec k<br />

Soudan^' Alors ces gens, fans confidérer, qu'fl s'agiffoit de<br />

ia ' vie , 6& de- la Uberté de ce Prince , 5e de toute fa fuite<br />

,, commencèrent à murmurer de cet accord. Les efprit»<br />

fe; partagèrent ; 6c la plupart foûtenoient, ." qu'aucune rai-?.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D Ê JE'R US A LE M. Liv. K. CH, VIL 493 ^<br />

i,-fen ne devoit les obliger à rendre un pofî^e fi important,<br />

,,- 5c fi avantageux pour le recouvrement de la Terre-SainyrtCy<br />

d'autant plus que CORADIN n'étoit point obligé de<br />

yf reftitudr aux Clfrétiens aucune des Fortereffes, qu'il leur<br />

„ avoît enlevées dans la Paleftine ; Se qu'en rendant Da-<br />

„ miette, ils feroient encore plus'réculés, qu'auparavant,^ de<br />

„ la prife de Jérufalem,<br />

U eft vrai, qu'une partie de la garnifon d,e Damiette^<br />

plus fenfible, ^que le» autres, à-la confervation de leurs confrères,<br />

rémontroient, " que , puifque Dieu avoit voulu les<br />

„ affliger d'un fi^and malheur, fl^ étoit très-jufte. Se plu»<br />

„-que raifonnable, de rendre une ,Vifle, quelque confidéra-<br />

„ bk qu'eUe fût, que de les laifïer périr miférablement: "<br />

Ajoutant, " que les Hommes faffoient. les ViUes , mais que<br />

„ les ViUes ne produifoient point les JHonunes. " Les pré"<br />

ftfiers cependant , toujours obftinés dans kur réfolution^ fe<br />

faifîrent fî promtement des armes pubUques, 6s particulières,<br />

qu'ils obligèrent^ les autres àfe ranger à leur volonté.<br />

Pendant que ces révêches fe préparoient à faire une vigoureufe<br />

réfîftance dans Damiette, au cas qi^s y fuffent attaqués, le bruit<br />

de leur refus, 6c de kur témérité parvint au Camp Chrétien, he<br />

Roî, Se toute l'Armée, en furent fî fqandaUfés 5e fî furpris, que,<br />

dans l'empreffement^ où ils étoient tous"de fortir des mains '<br />

des Infidèles, ik envoïèrent anoncer à ces mutin» , " que, -<br />

„ puifqu'ils préféroient la poffeffion de-Damiette à tant^e mfl*<br />

^ Ikrs d'honnêtes gens, qui n'avoient pas eu mokis de part^<br />

„ qu'eux, à fe conquête, au lieu de cette Place, ils remets<br />

,,-troient ^wSoudan la- Vflle de' Ptolomaïde y pour leur-rar<br />

» chat.<br />

Cette menace, jointe à f in^offibiUté, où fls fe reconnurent '^^'fi "<br />

de pouvok s'y maintenir loi^-tems, les détermina enfin kfe}eftcmèrk<br />

tendra Ik en fortirent le 8. Septembre, aprài u& an, 6c<br />

Qjl^ 2 - demiy<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


,494 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

demi, de poffeffion; 6c l'échange des.prifonniers fut fait en mfc<br />

me tems.<br />

Comme k Flottc Chrétienne étoit diminuée, par le retour<br />

de quelques Croifés en Europe y Se qu'elle ne fuffifoit pas pour<br />

embarquer toutes les Troupes, une partie de PArmée fut obUgée<br />

de traverfer le défert, pour fe rendre en Pakfiine. Afin<br />

c^e les Ç}?rétiens firent ce trajet avec plus de tranquilité, le<br />

•Soudany dont les intentions étoient droites 6c fincères, leur<br />

configna fon propre Ffls en otage, pour les accompagner,- &<br />

les fit abondamment pouvoir de tout ce qui leur étoit néceffaire,<br />

pour faire ce pénible trajet, avec commodité. U en fit<br />

de même envers ceux qlii s'embarquèrent, leur faifant donner<br />

non feulement toutes fortes dc provifions 5c dc rafraichiffemens;<br />

mais, de plus, il chargea le Rpi, 5c les autres Seigneurs, dc<br />

plufieurs riches préfens.<br />

Voilà, comme tant de mouvemens,,d'expéditions, de dépenfes,<br />

de pdries, de travaux, 6c de fang répandu, devinrent<br />

inutiles, 5c infrudueux à la Chrétienté y par la vanité, la préfomtion<br />

, 5c f entêtement chimérique du Cardinal PE'LAGIUS;<br />

kquel, s'imaginant d'être deftiné à la délivrance du St. Sépulcre<br />

y à conquérir VEgypte y Se à exterminer la Sede Mahomé*<br />

tancy fut, au contraire, la véritable caufe de la décadence des<br />

affaires dés Chrétiens y 6c leur fit perdre l'efpérance de jamais<br />

reccuvfer les Saints Ucux. Il n'y eut qiie le recouvrement de<br />

h. vr^ie Croix y qui diminuât, en partie, la honte, le blâme.<br />

Se l'ignominie du mauvais fuccès dc Pentreprife dEgypte, 6c<br />

de k reftitution de Damiette y Se de Tani,<br />

Mécènten- hes Chrétknsy parvenus k Ptolomaîdey bien loin d'être en<br />

cbiéticns. ^t^t de rien entreprendre contre les Infidèks y fe trouvèrent fî<br />

mortifiés. Se fi abattus dc leur malheureux fort, qu'fls fc féparèrent<br />

inceffamment ; les Croifés, pour s'en retourner en Eu"<br />

rope y les Chypriots dans kur Ue, Se ceux de la /^r/# dans leur»<br />

Tiiles. Leu»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM, Lm IX. Cu. VJI. ^pf<br />

Ltur départ, 6c k dépkifir d'avoir per^u l'occafion de ren- Mtrt dei»<br />

tifer dans la poffeffion du Roïaume de Jérufakmy ne fut pas fic^Epti^j'e<br />

k feule mortification, qu'eut alors le Roi JEAN DE BRIENNE. U ^" ^"^<br />

cut encore la doukur de perdre, peu de tems après, la Reine Brienne.<br />

MARIE J fa Femme, qui ne laiffa , de leur mariage, qu'une IÊ2$/<br />

Fifle, nommée YOLANDE.-- , ,<br />

La mort de cette Princeffe, qui natureUement kiffoit la couronne<br />

à fa Fflle; la paix qu'on venoit d'étabUr, par néceffi té, ;<br />

avec les Infidèles ; Se Pengagement, qu'avoit pris fEmpereur<br />

FRE'DE'RIC II. de paffer lui mênie en Syrie y déterminèrent<br />

HERMANS SALTZA, Maître des T


45r5 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

ment un fecond mariage avec la Princeffe YOLANDE , 5c à Taire<br />

l'expédition de h..Palefline avec vigueur, lui avoit donné<br />

une haute idée des richeffes des Pays Orientaux y principalement<br />

de VEgypte y dont il lui vantok la fertilité. U lui faifoit,<br />

en même tems, envifager la facflité, qu'fl y avoit à fubju-<br />

. guer ce Roïaume, 5e celui de Jérufakmy dont la conquête<br />

éterniferoit fa niéiiîoire, 6c k rendrok arbitre de tout PUnivers.<br />

L'Empereur, natureflement avide, frapé de ces vaftes projets,<br />

5e en même tems porté-à époufer la Princeffe YOLANDE,<br />

fit comprendre à SALTZA, " qu'en fàilant les avances, il<br />

„ craignoit de.commettre fa réputation: " Mais fl lui répondit<br />

, avec une admirable prefence d'efprit, " qu'fl avoit fi bien<br />

„ prévu tous les inconveniens, que, fi Sa Majefté vouloit s'en<br />

,^ raporter à lui, quelque mécontent que fût le Pape de fa<br />

„ conduite paffée, fl fe flattoit de porter le St. Père à le re-<br />

„ chercher lui même, pour le bien commun.de k Chrétienté;<br />

„ de forte que fon honneur ne courroit aucun .rifqua de ce<br />

3, côté-là, 6c que fes avantages feroknt affurés.<br />

L'impe- FRE'DE'RIC, à qui les propofîtions de SALTZA avoient pa-<br />

/mt. ru d'autant plus agréables, qu'elles fkttoient fon ambition, &<br />

fe cupidité, puisqu'en acquérant de nouveaux Etats, 5c une<br />

nouvelle gloire, fl pouvoit fe racommodcr avantageufement<br />

avec le St. Siège y le remercia de fon affeétion. Se le pria de<br />

fe fervir de toute fa prudence, pour conduire cctte grande affaire<br />

à une heureufe fin; l'affurant en même-tems, qu'fl lui ea<br />

demeureroit fort obligé.<br />

U n'en fallut pas davantage au Maître des Teutoniques î<br />

pour le déterminer à tout entreprendre, pour perfedionner fon<br />

ouvrage. U fe rendit inceffamment auprès du Pape, qu'il<br />

fevoit avoîr un extrême défir dc voir recouvrer ks Sts. Lkux.<br />

En effet, dés la première audience, le St> Père lui demanda,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


flE JE'RUSALEM. Liv.IX. CH.VIÏ. ^.^f<br />

da y comment on pourroit réùffu: au recouvrement de k<br />

Terre - Sainte, SALTZA lui répondit d'abord, "qu'fl ne<br />

„ connoiffoit point de plus fur, ni de plus promt moïen,<br />

„ que celui d'intéreffer fi fort l'Empereur dans cette entre-<br />

„ prife, que non feulement Ton vœu l'engageât à s'en char-<br />

5, ger, mais encore qu'fl entreprît le voïage de Paleftine,<br />

yy par des motifs d'honneur , qui ne lui permettroient plus<br />

„ de laiffer le Roïaume de Jérufakm entre les mains des<br />

„ Infidèles,<br />

Le Pontife , qui ne comprit pas d'abord de quelle manière<br />

on pouvoit engager l'Empereur, pour la déUvrance,<br />

6c la poffeffion d'un Etat, qui avoit fon Prince légitime,<br />

lui demanda , avec empreffemènt, Pexplication de fon difcours.<br />

SALTZA, fans héfiter, lui répartit, " que Sa<br />

„ Sainteté n'avoit qu'à faire marier fEmpereur avec fhéri-<br />

„ tière du Roïaume de Jérufalem, 6c engager le Roi<br />

,3 JEAN DE BRIENNE à le lui remettre , en faveur de<br />

„ cctte alUance ; Que cek feroit facile, en faifant venk ce<br />

„ VrincekRomey 6c, avec lui, GUE'RIN DE MONTAGU,<br />

„ Maître des Hofpitaliers , par les confefls duquel il fc<br />

„ gouvernoit entièrement; Bt que, pour cet effet, on de-<br />

„ voit prétexter un nouveau projet, touchant la reprffe de<br />

„ la Terre - Sainte, " Il affura le St, Pèrey " qu'après cet-<br />

5, te démiffion , ilfe faifoit fort de difpofer l'Empereur à<br />

„ accepter les autres Conditions.<br />

Quoique k St, Père eût entrèmement à cœur le recouvrement<br />

de la Paleftine y la crainte de priver ce pays-là<br />

du Roi JEAN DE BRIENNE, Se du Maître de VHopital<br />

y qui en étoient le foutien , le fit long-tems balancer à<br />

les faire venir en Italie ; mais, enfin , l'adreffe, avec laqueUe<br />

SALTZA lui fit entendre, que la Trêve, qui avoit<br />

été condue avec les Infidèks y affuroit fî bien les affaires,<br />

Rrr qu'il<br />

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4P 8 HISTOIRE GE'NE'R. DE JE'RUSALEM. Liv. IX. Cii.riL<br />

qu'fl n'y avoit rien à crandrçi, fit enfin réfoudre HONO­<br />

RIUS à leur écrire de preffantes Lettres,- aulfi. bien qu'au<br />

Maître du Tempk y pour les faire venir à- Rbikry aulfi-tôt<br />

qu'fls pourroient le faire, fans rifquer les intérêts du pays,<br />

afin de délibérer fur un projet d'importance.. Quelques-uns<br />

ont même écrit, que, pour accélérer leur venue, l'Empe-<br />

|cur kur envoïa une Efcadre de fes propres Galères..<br />

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H IS t o IRE GÉNÉRALE<br />

D E S<br />

R O Ï A U M E S<br />

D Ê<br />

CHYPRE, DE JÉRUSALEM.<br />

D' E G Y P T E .<br />

• L I V R E X.<br />

CHAPITRE PR E'M I E R.<br />

^^^a^^^ A tranquflité , dont jouïffok k Roïaume de Article/.<br />

. 5^ï3l?X;^^^^ ^^ypfc y depuis quatre ans, fut cepen-^J^*^'<br />

^5 Y X^ dant troublée par ks démêlés ordinaires des ^^toffrftf<br />

Sk L ^^5 deux Ckrgés, fans quek Reine ALIX, ni Stjr^^-<br />

^^^^^^^^^ les Seigneurs d'IsELiN, puffent l'empêcher. ^^^'^^<br />

cÇ^^^^^r Les brouîUeries des^ Eccléfiaftiques cn vin- '^"'<br />

rent à un tel point, que tous les Habitans<br />

du Roïaume s'armèrent pour Pun, ou pour l'autre parri. Dés-<br />

Rrr a Qrdrc^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


500 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

ordre,qui auroit eu des fuites très-funefles, fî le Cardinal Pif.<br />

LAGius , qui fe trouvoit encore à Ptolomaîdey ne s'y fut<br />

promtement tranfporté, avec ks Maîtres du Temple Se de VHâ^<br />

pital<br />

JbfoHt ' Ce Prélat fe fervît fi utflement de fautorité du 5/. 5/^^^, qu'a-<br />

»mifit- pj,^g diverfes conférences il appaifa enfin les troubles, dont<br />

l'Etat étoit agité. Il expédia une Bufle, datée de Famagoufte y<br />

le 18. Septembre, 1222; par laquelle U régla ks différends,<br />

qui aigriffoient, depuis fi long-tems, les efprits des Eccléfiaftiques<br />

des deux rites, 6c calma entièrement tous les Peuples.<br />

Cet accord fut enfin caufe, que, malgré k haine invétérée, qui<br />

régnôit entre les Grecs y Se les Latins y fls demeurèrent,<br />

- au moins, en repos, pendant quelque tems, quoi que les<br />

uns 5c les autres fuffent toujours dflpofés à renouvellcr leur<br />

querelle, dès que foecafion s'en préfenteroit ; de forte qu'on<br />

peut dire, que, pendant la minorité du Roi HENRI, la paix,<br />

6c la tranquilité du Roïaume ne fut jamais troublée, que par<br />

leurs contefiarions, à la réferve pourtant des violences quePEinpereur<br />

FRE'DE'RIC voulut exercer, lorsqu'fl paffa en Pakfiine<br />

y où il parut plutôt aller pour tourmenter les Chrétiens y que<br />

pour faire la guerre aux Infidèles, comme nous aflons le voir.<br />

Article //. Lc Cardinal Légat, 6c les Maîtres de VHopitaly Se du Tem-<br />

"*^' pky trouvèrent, à leur retour k Ptolomaîdey ks Brgfs du Pape,<br />

6c le Roi occupé à donner les ordres néceflaires touchant<br />

le gouvernement de PEtat, afin qu'il n'y arrivât aucun désordre<br />

pendant fon abfence. Us fe préparèrent à accompagner cc<br />

Prince en Italie y en conformité des ordres du Souverain Ponti-<br />

P^gjàu fc. Le Patriarche de Jérufakmy Se PEvêque de Bethekm y<br />

jàJufaiem voulurcut auffi être du voïage. Us s'embarquèrent tous à Pto-<br />

«Rome. jQffiaîdcy Sc arrivèrent hcurcufement à Rome y où le St. Père<br />

les reçut avec beaucoup d'honneur, 6c de grands témoignages<br />

d'amitié.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LmX .Qi.1 yoi<br />

Ils eurent diverfes conférences avec le Pontffe, oii chacun<br />

propofa les moïens, qui lui paroiffoient ks plus propres pour<br />

chaffer les Infidèks du Roïaume de Jérufakm, Après avok<br />

écouté, 6c péfé toutes les propofirions, le St, Père fit au Roi<br />

cefle du mariage de la Princeffe, fa Fîfle , avec fEmpereur<br />

FRE'DE'RIC, que cette Alliance engageroit*à agk, avec plus Cw/«^#.<br />

de chaleur, pour les intérêts de la Paleftine, Le Roi JEAN, KM««qui<br />

avoit une déférence aveugle pour la volonté du Souverain ^^i^<br />

Pontife, perfuadé d'ailleurs par le Patriarche, par l'Evêque de/«Yoian.<br />

Bethekm y Se par les Maîtres des Ordres Mflitaires, y confen-^^Séik.<br />

tit facilement. U ne prévoïoit pas ks cliagrins, que ce mariage<br />

lui cauferoit, ni le grand préjudice qu'fl en recevroit dans la<br />

fuite.<br />

Après ce réfultat, ils fe rendirent danS la Province de Campanie<br />

y où fe trouvoit l'Empereur, lequel, en prefence du Pape<br />

, de plufieurs Cardinaux, du Roi JEAN , du Patriarche, de<br />

l'Evêque de Bethekm, 6c des trois Maîtres des Ordres Militai- •<br />

res , promit folemneUement d'époufer k Princeffe YOLANDE,<br />

Fille du Roi JEAN DE BRIENNE , 6c de k Reine MARIE , 6c jura<br />

fur les Sts. Evangiles d'aller, cn perfonne, dans deux ans,<br />

à k tête d'une puiffante Armée, en Paleftine y Se de n'en point<br />

partir, fans recouvrer enrièrement le Roïaume de Jérufalem,<br />

Après la conclufion de cet Engagement, Se de cette AlUance<br />

, que le St. Pire, Se toutes ks Perfonnes, qui affiftèrent à '**''•<br />

cette célèbre affemblée, crurent fî utfle, 6efi néceflàke aubien^rticie/xr.<br />

commun de toute h. Chrétienté, ils commencèrent à travaiUer |ricW«<br />

aux préparatifs néceffaires pour la grande entreprffe de la Guer-^*^'***'<br />

re Sainte. Le Pape, qui défiroit ardemment cette expédition,<br />

envoïa d'abord prêcher la Croifade dans toutes les Provinces de<br />

VEurope, U écrivît aux Princes, 5c aux Evêques ; Aux premiers,<br />

pour ks exhorter à fe réconcflier, 6c à fe jomdre à l'Empereur<br />

; Se aux Pafteurs, pour engager les Peuples à s'armer<br />

pour la ddivrance du Sépulcre de Jefus-Chrift,<br />

Rrr 3 TB*-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


joa HISTOIRE G E'N E'R A L E<br />

FRE'DE'RIC , foît par affedation, ou dans une intention<br />

fincère de fake le voïage de Pakftinéy non content de fe donner,<br />

de grands ^mouvemens en Italie y envoïa foflicitcr tous ks<br />

Princes d Allemagne .à prendre part .à fon projet U dépêcha,<br />

cn mSme tems, PEvêgue de CàpouCy avec une Efcadre de Galères<br />

5 à Ptolomaïde, pour y recevoir la Princeffe YOLANDE,<br />

afin de confommer fon mariage, avant départir lui même pour<br />

ce pays4à.<br />

Quant au Rôi JÈAK DE BRIENNE , qui ne pouvoit, que follicîter<br />

les Puflfances Chrétiennes de contribuer au recouvrement<br />

de fon Roïaume, comme fl avoit fait vœu d'aller vifiter la fameufe<br />

EgUfe de St. Jaques, en Galice y fl prit cette occafîon,<br />

pour s'en aquiter. H paffa premièrement en France y tant pour<br />

faluër le Roi PIIILIPPE-'AUGUSTE , que dans fefpérance d'obtenir<br />

quelque puiffant fecours de ce Monarque, qui avoit été<br />

fauteur de fon élévation, 6c qui confervoit toujours un grand<br />

^èk pour le recouvrement du St. Sépulcre ; mais fl eut le mal-^<br />

heur dc le trouver atteint d'une maladie, dont fl mourut peu<br />

de jours après fon arrivée. Ce grand, 6c pieux Prince avoit<br />

légué, par fon teftament, trois cens mifle Livres, pour être<br />

emploïées à k Guerre Sainte, dont cent mille furent comptée»<br />

au même Roi JEAN ," 6e les autres deux cens mille aux Maîtres<br />

de VHopitaly Se du Temple.<br />

h'Rofde*^ Le Roi de Jérufalem, après avoir rendu les derniers de-<br />

France, ««Voirs à celm de France, paffa cn Angleterre y Se enfuite en<br />

^SoïùïJ*-Ffpagney où il acomplit fon Pèlerinage, Se époufe, en fecondés<br />

noces, B E RA N G E'R E , Fflle d'ALPHONSE IX. Roi de Leon ;<br />

de lorte que , s'il ne put emporter dc ce pays-là aucun fecours<br />

pour le recouvrement de la Terre-Sainte, flcut au moins lafaï^i^-<br />

tisfadion d'en ramener une Compagne, qui ne lui étoit pas moms<br />

chère,6equi l'aida à fupportér les grands fujets de chagrin,que<br />

fEmpereur, fon Gendre, lui caufa quelque tems après.<br />

L'Eve.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. Liv.X. CH.I. 5^03<br />

L'Evêque de Capoue y étant arrivé à Ptolomaîdey avec les'<br />

Galères de l'Empereur, la Princeffe YOLANDE fut couronnée<br />

à Tyr des mains de SIME'ON, Archevêque de cette Vifle,, 5c<br />

s'embarqua,, peu de jours après, pour fe rendre à Rome. El!e<br />

aborda en Chypre y où la Reine ALIX, fa Goufine, la reçut*^<br />

avec beaucoup de magnificence,- 6e k retint plufieurs jours en*<br />

réjouïffances continuelles y Se fuperbes feftins,^- Après une heureufe<br />

navigation, elle arriva* enfin au port d'O/7/V, où l'Empereur<br />

alk la recevoir, 65 la conduifît, comme en triomphe, à Rome,-<br />

Le Pape fit lui même la cérémonie de leur mariage dans PEgUfe<br />

de St.PiertCyV^ec la plus éclatante pompe, qu'on eût jamais vu. •<br />

Ces célèbres fondions, 5c les réjouiffances de ces noces,fu-A^m^<br />

rent bientôt fuivies d'amertumes pour le Roi JEAN DE BRIENNE, de, ^ de<br />

qui étoit; retourné k Rome. FRE'DE'RIC; OU indigné du ma-^^^'^'^^^*^*<br />

riage, que fon Beau-Père venoit de contrader; ou impatient<br />

dc pofféderV avec PImpératrice fon Epoufe, les Etats, qui lui<br />

appartenoient, déclara au Roi JEAN, même avec hauteur,<br />

„ que comme le Roïaume de Jérufalem étoit la dot de fa Fem-<br />

„ me, fl prétendoit, qu'fl renonçât desrlors à toutes fes pré--<br />

„ tenfîons fur cet Etat, dont fl voulok avok feul ks Titres,.<br />

„ Se tous les droits de Souveraineté.-<br />

Ce bon Prince fut d'autant plus étonné d'une prétenfîon fî^„'"*J"J,.<br />

fière 6c fî orgueilleufe, qu'en traitant du mariage de fa Fifle, je^n de<br />

on lui avoit promis, qu'fl jouïroit, pendant fa vie, du Titrey^^^'^c^^n-<br />

Se de Padmmîftration du Roïaume. Cependant, malgré la du-^J'J'^reté<br />

de l'Empereur, fon Gendre, 6c ks moïens, qu'fl auroît<br />

pu trouver, pour fe maintenir dans fe'poffeffion, foît parfe"<br />

propre vdcur; foit par le fecours de divers Princes dEjÀropey<br />

qui l'cftimoîcnt;: ou par k fidéUté des Peiq)ks' de la Pakftinéy ^<br />

qui le chériffoient infiniment, fl fut affez généreux, pour facrifier<br />

fes propres intérêts à la tendreffe; qu'fl avoit pour fa Fflle,<br />

plutôt que d'en venir à des extrémités, qui auroient pu détruizt<br />

entièrement ks affaires des Chréfiem Orientaux, Auffi,<br />

pout<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


2225.<br />

Î04 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

pour éviter ce fcandale, U renonça, fans difficiflté, au Tkre<br />

de Roi de Jérufakmy qu'il portoit fi légirimement. Se à tous<br />

les droîts, 6c prétenfîons, qu'il pouvoit avoir fur cette Couronne;<br />

ce qui donna occafîon à l'Empereur d'ajouter à fes autres<br />

Titres celui de Roi de Jérufalem, que les Rois dc Sicik<br />

ont depuis toujours continué de prendre.<br />

Quelque fenfible, que fût au Pape îe procédé injufte, Se vio.<br />

knt de FRE'DE'RIC, la paffion, qu'fl avoit de furmonter tous<br />

les obftacles, qui auroient pu rétarder la Guerre-Sainte y fît<br />

qu'fl exhorta le Roi J E A N à fupportér cette injure, pour Pamour<br />

de Jefus-Chrift; puffqu'fl s'agiffoit de fa gloire; 5e,quelque<br />

mécontent que fût le St, Père de la conduite de l'Empereur,<br />

Ja même raifon f engagea à prendre fes intérêts, pour<br />

appaifer quelques Provinces d^Italie y qui s'étoient révoltéeia<br />

contre lui, afin que ce Prince n'eût plus aucun prétexte, qui<br />

pût rétarder fon départ pour k Pakfiine; mais fl fe trompa;<br />

car les bontés, les foins, ni les grands mouvemens qu'fl fe doifr<br />

na, ni fempreffement, qu'avoit eu F R E'D E'R I c, de dépowUer<br />

fon Beau-Père, ne fervirent de rien ; puifque, malgré Paffectation,avec<br />

laquelle il continuoit fes préparatifs, fa conduite fit<br />

bien voir, que c'étoit la çhofe, à kquefle fl penfoit le moins.-<br />

C H A P I T R E II.<br />

Article 't. "pendant que F RE'D E'R i c amufoit airifi le Pape, 6c • toute k<br />

La Reine<br />

rfe Chypre ^/e X Chrétienté, la Régence _ des Seigneurs _ d'IfiteLlN en Chypre y<br />

"^Mame. ^^^ n'avoît cncore. été troubléc, que par les querelles du Clergé,<br />

le fut alors par une affaire, qui devoit être de bien moindre<br />

importance; mais qui eut cependant des fuites beaucoup plus<br />

fàcheufes. La bonne iffteUigence, Se Punion, qui régnôit tou-<br />

^'^ jours<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


UE'JÊ'RUSALEM.^ LIT.X. C«.IÏ. ^ fhi^i<br />

|burs entre la Reine, 6c eux, fe convertit cn une haine fi grande,<br />

que cette Princeffe, fans réfléchir au tort, qu'dle aUoit faire<br />

à fa réputation, Se à fes intérêts, fortit brufquement da<br />

Roiaume; cc qui fit refoudre les Seigneurs d'IBELIN de fe déliiettrc<br />

de leur Régence, .6c de leur adminiftration, entre les<br />

mains de k Cour fupérieure.<br />

Cc désordre fut caufé par un démêlé, qui furvint entre CAlîERiN<br />

DE BARLAS, Favorî de la Reine, 5c k Chevalier To-<br />

RiNGELLo, Parent des Seigneurs d'fBELIN , pendant qu'ils don-»<br />

lioient une fête dans leur Maifon. On y jouoit au jeu de k<br />

Chouette y ou Civette. Le premier fe fâcha, de ce que l'autre<br />

Pavoit frappé trop rudement,5clui dit quelques paroles piquantes.<br />

ToRiNGELLO luî répondit, avec k même vivacité ; furquoi<br />

ils s'échauffèrent fi fort, que, fans la confîdération, qu'ils avoient<br />

pour la maifon, 6c pour ^ la compagnie, compoféê de toutcc<br />

qu'il y avoit de plus confidérable à k Cour, ils en feroient venus<br />

aux dernières extrémités.<br />

CAMERIN, qui, malgré le grand bruit qu'il avoit fait, man-^^*''^'<br />

quoit apparemment de courage pour tirer vangeance p?Lr lui'Roiaume,<br />

même, de Pinjure, qu'fl prétendoit avoir reçue, engagea, dès<br />

le lendemain, quatre de fes amis à le foutenir. L'adion,qu'fls<br />

firent, marqua, en effet, qu'ils n'avofent pas plus de cœur,<br />

que celui qui avoit redierché leur alfiftance. Us affaiUirent To-<br />

RiNGELLO tout feul;6c, foît qffîls agiffcut, à l'envi, poiir bien<br />

fervir leur ami, ou qu'ils vouluffent tous avoir part à cet affaflUnat,<br />

fls le percèrent de plufieurs coups, 6c ne le quittèrent,<br />

que lorsqu'fls le crurent mort.<br />

Un attentat, fî lâche, 6e fî indigne, révolta toute la Cour.<br />

Les Seigneurs dlBEHN, en parriculicr, en furent extrêmement<br />

irrités. Us étoient trop équitables, pour ne pas faire punir une<br />

C noire adion, felon la rigueur des loix, quand même f offenféo'auroit<br />

pas été leur Parent. AuflU, firent-fls d abord pourfui-<br />

Ssi vre<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fo* H I s T o ï R E G E' N E' R A t «<br />

Yre avec chaleur, ces Affaffins, malgré l'appui, 6c les foUiclt«i<br />

tions de la Reine, qui prétendoit, qu'on fît grâce à fes amis^<br />

^quelques criminels qu'fls fuffent. Les Régens, au contrake,<br />

vouloient, que les affaffins fuffent châtiés ; deforte que cette Prin-?<br />

ceffe,oubliant la modération,Se la prudence, avec kqueUe eUe,<br />

s'étoit toujours conduite, s'emporta jufqu'à leur dire en iface,<br />

qu'étant Reine y elle vouloit être obéîe.<br />

Ces Seigneurs lui répondkcnt,fans héfîter, quCyfi elk vouhit<br />

y que fes ordres fuffent exécutés yil ne failoit rkn commander<br />

êînjtfte. Une répoiffe fî vive lui aïant fait comprendre, qu'flf<br />

ne défîfteroient pas de kur pourfuite, 6c n'ignorant pas d'aflleur»<br />

que kur crédit étoit affez grand, pour contre-bakncer fon pou-,<br />

voir, efle fit inceffamment évader les criminels, qui paflerent à<br />

Tripliy fens pourtant rien diminuer de la haine, 6c du dépit>.<br />

que fà paffion désordonnée pour fon Favori lui avoit fait concevoir<br />

contre ks Seigneurs d'IsELiN, malgré la juftice, qu'eUa<br />

avoit toujours rendue à leur mérite, 6c à leur probité.<br />

Cette Princeffe fit plus ; car, après avoir mis tout en uiàge<br />

pour les chagriner, 5e pour leur marquer k reffendment, qu'cUe<br />

confervoit de leur refus, par une l^èreté, 6c une inconfidé^<br />

ration, bien indigne, non feulement d'une Rekie , mais encore<br />

de la momdre Femme dhonneur, efle qifltta le Roïaume pour<br />

fuivre fon Favori à Tripliy où fl s'étoit réfugié avec fes com*<br />

pUces. Une fuite fi honteufe, jointe à fhprégularité de la vie,,<br />

qu'on aprit bientôt, qu'eUe menoit en cette ViUe, offenfa, 6c<br />

fcandalifa extrêmement toute la Nobkffe de Chypre y Se lui fit<br />

entièrement perdre l'eftime finguUère, qu'elle avoit toujours eue<br />

pour elle. Les Seigneurs dlBÉLiN en furent fi outrés, qu'Ut<br />

fe démirent d'^abord des aflSaires de l'Etat, dont ils n'avoient<br />

accepté fadmmiftration, que par un pur zèle pour k jeuneRoi,<br />

Isur Neveu, Se pour le bien de fes Sujets.<br />

LaJUkie,


M JE'RUSALEM. Liv. X, Cn. U, • joy<br />

•er à la Régence, dans Pefpérance, que la,Nobleffe du payi<br />

refpederoit trop fa Perfonne, pour s'oppofer à fes volontés,<br />

prit k mauvais parti d'envoïer CAMERIN DE BARLAS en ChyprCy<br />

pour prendre, en fon nom, le gouvernement du Roïaume. Elk<br />

fe flattoit, que les grandes richeffes, qu'fl poffédoit, 6c la ^vcur,<br />

dont efle f honoroit, lm attireroit affez de parrifans, pour<br />

s'y faire inftafler ; mais fa mauvaife conduite favoit rendue ch r^ -.<br />

dieufe, Se avoit teflement aliéné l'efprit des Peuples, que cetteg^sdtidémarche<br />

ne fervit qu'à les irriter davantage ; d'autant plus que ^^j'2/JJ!<br />

CAMERIN , quoique fort riche, n'étoit point d'une Maifon affez Ç'^^r*.<br />

iUuftre, pour porter la Nobleffe à fe foumettre à un Homme, tratim du<br />

qui luî étoit inférieur. Se généralement méprifé pour fes vices, ^•»*«'*-<br />

6c fes débauches. Auffi, bien loin devoir aucun égard pour<br />

ks ordres de la Reine, ni pour la perfonne de fon Favori, ils<br />

refuferent abfolument de f admettre, 6c prièrent, au contraire,<br />

avec tant d'inftance, les Seigneurs d'iB^ELiN, de reprendre<br />

la Régence, qu'ils fe rendirent enfin à leurs preffantes foUkitations.<br />

Comme les Seigneurs du Confefl foprèmc ne doutoient pas,<br />

fue la Reine ne mît tout en ufage, pour fe vanger de leur rér<br />

flis, 6c du rapel au gouvernement des Seigneurs d'iBELiN, ils<br />

fugèrent à propos d'envoïer des Ambaffadeurs au Pape, pour<br />

prier Sa Sainteté de prendre le jeune Roi fous fa protedion, 5c<br />

de vouloir ordonner aux Chevaliers de VHopital de f affifter de<br />

leurs forces, en cas de befoin. Le Pontife, qui ne défiroit, que<br />

la concorde parmi les Chrétiens Orientaux, afin que leslnfidèlet^<br />

ne profitaffent point de leur desunion, écrivit d'abord au Chotalier<br />

de MONTAGU , Maître des Hofipitaliers , la Lettre fuivante<br />

, qui fe trouve enregkrée dans la Bibliothèque du Faftcan.<br />

S$i « HO-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f oS H IST O I R E G: E' N E^ R A? L E<br />

HONORIUS y au Makre, & aux Religieux de P/ïo/>i/ï<br />

de St. Jean de yérufalem, [ fatut, iÇT' ' ''. '^<br />

RénéHiffiori Apoflolique;,,<br />

XT^tre cher Filï, HENRI' DE LUZIGNAN, iHûllre Roi de Q\vfi<br />

^"^ pre, Nous a nouvellement envoïé fon Ambaffadeur, pour Nous<br />

faire favoir, que votre Confeil, g^ votre'affiftance; lut étant'y<br />

Ê^ h fon RoïaMie, entrêniement néceffaire, Comme Nous làHhoni<br />

avec fincérité, ^ qffeâion, Sf que Nous dé lirons làugmbnfdtion<br />

. de jQfi honneur, gcp dé /a gloire; Nous vous exhortons'y ^ prions i<br />

avec inftance, que, pour Pamour de Nous-, ^ par reJpe&'pùUn<br />

léSt, Siège Apqfloliqià'', Fous P aidiez lui, •^'^les Ré^-èns dé fon<br />

Roïaume ,de vos confeils \ gs? de toutes vos forces, tOîts' les fois ' qÛ<br />

Fous en ferezréqitisy lés aïant reçus Jous M)tre "prâtéliion, ^<br />

fims celle du St. Siégé Apoftolique, contre tous ceux qui vôudrèfft<br />

les inquiéter, afin qtte, par le promt fecours^ queFouS'leur dorfi<br />

nerez, en cas^ de béfi)in, ils reffentent les effets de mtr^ récom^<br />

mandat ion; ^ que ce jeune Prince putffe-croîrre, ^ vivrez dans<br />

Pattachementy du à notre Perfonne, ^ à lÈgiiJe Romaine. Ce '<br />

que Nous ne doutons pas, que Pous ne Jajffiez dlune manière, qui<br />

Nous oblige à Fous confirver notre reconnoiffance, ., Donné a Sti<br />

Jean dé Latran le i^, Fé.vrier, 6e la.dixicmc. année de notre<br />

PtxntifKati-<br />

^rtierejr.' Laprécautiou-des Seigneurs dlBELiN, 6e de la Cour fupé-<br />

'^1mf7i rieure, ne fut point inutfle. Car la Reine, qui ne refpiroit que<br />

Je rémarier vaugeance xoutre eux 1 toujours aveuglée par fa paflion, coair«Vrf#<br />

noiffant» queâ pour venir à bout de les deffems , fl lui failoit<br />

Oîxipoii. qudque Perfonne de pkis grande auioritê, que fon Favori, 5«<br />

fes adhérens, s"'cngagea légèrement à un mariage avec le Comte<br />

de Tripoli, qui étoit auffi Veuf, Se en état défaire valoir<br />

Ic)^droits, .6c fes prétenfions.-<br />

« L'an><br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


' fit JÏ'RUSALEM; LIV.X CICH. • jro^<br />

L'ambition déméfuréè qu'avôif ce Comte de dokiiner, jointe ^miitoi<br />

kfori caradère fourbe 5e entreprenant, 5e enfin fa mauvaife ^"^ "^^'*<br />

foi, plutôt que Pamour, qu'^fl eût pour cette Princeffe, le portèrent<br />

à lui faire la Cour, 6e la rechercher avec empreffemènt^<br />

des qu'elle fiit débarquée dans fes Etats;-perfuadé^ -que c'étoit<br />

là plus favorâWé oCcafîdn,'qu^it^pût défirer, pour s'introduire<br />

dans le Roïaume de 0&)'/>ri?-, 5c i]ui lui procureroit les moïens dc<br />

profiter de la facilité de la Mère, 6c dek jêuneffe du Fils, piour ufiu><br />

per cet Etat^ ainfi qu'fl avoit voukK-fake de la Principauté d'-


f IO H I S TOIRE GE'NE'RAtB<br />

déclara, qu'fls ne pouvoient fc marier enfembk, fans contrevcnk<br />

aux facrés Canons de PEgUfe; 6c, par confequent, fl caffa^<br />

6c annuUa toutes les promeffes, qu'ils s'étoient faites réciproquement.<br />

Articler/L Après ccttc diffolurion, qui offeûfa vivement k Comte, k<br />

UR^ine'en Rcinè uc fongca^ plus, qu'à repaffer en Chypre y pour réparer,<br />

«hjrpre. s'fl lui étoit poffiblc, par une conduite plus prudente, 6c plus<br />

folide, fes légèretés paffées. Elle étoit fâchée de ne pouvok<br />

auffi remédier aux désordres, que pouvoient caufer les mécontentemens<br />

du Baron GAVAN DE ROSSI, qui ne pouvoit digérer,<br />

que les Seigneurs dlBEUN, Peuffent obligé, felon les loix<br />

du pays,;a combattre, en diamp-clos, contre le Chevalier<br />

de LA TOUR, auquel Rossi prétendoit être fupérieur en naïf;<br />

fance. La Reine, qui foûtenoit ce dernier, étoit entrée<br />

dans fon reffentiment ; 5c, dans k fureur dc fes emportemens,<br />

elle lui avoit confeiUé d'aller trouver f Empereur,qui devoit bientôt<br />

venir en Paleftine y zfin déporter à ce Monarque des plaintes<br />

contre ks Seigneurs d'iBELiN, Se Pengager à les priver du gouvernement<br />

de PEtat, 6c de la tutelle du jeune Roi, Se même à leur<br />

enlever la Seigneurie de Baruth, partie du Royaume de Jérur<br />

falem, qu'fls s'étoient appropriée.<br />

Cette Princeffe, qui avoit étéPaUteur de ce malin projet, 6c<br />

^i connoiffoit Rossi capable d'envenimer affez les chofis, pour<br />

engager PEmpcrcUr à quelque grande extrémité, non feulement<br />

contre la Maifon d Ibelin y mais encore contre le Roïaume, ne<br />

fut pas plutôt arrivée à AVro^f, qu'après s'être racommodée avec<br />

le Seigneur d'iBELiN, elle travaiUa , de tout fon pouvoir, à<br />

obtenir k grâce, 6c k rapel • dc CAMERIN DE BARLAS , 6c.de fei<br />

amis, afin qu'fl s'emploïât efficacement à appaifer Rossi,<br />

6c à le faire revenir en Chypre y avant qu'fl portât fes plaintes à<br />

l'Empereur ; perfuadée, que ce Prince, qui écoutoit favorablement<br />

tous ceux qui lui fourniffoient des prétextes pour envaiik<br />

des Etats, ne chercheroit pas une meflkure occaîbn*<br />

Maig<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Bl JE'RUSALEM. Lrr.X. CHVTI. }I9<br />

Mais fes précautions, Zc fes foins furent inutfles. ll lui<br />

fut impoffible dc dflfiper f aigreur, Se le reffentiment, quo<br />

ces mécontens confervoient contre la Maifon d Ibelin ; dc<br />

forte qu'au Ueu de retirer quelque avantage de la grâce,<br />

que la Reine venoit d'obtenir pour eux, tout cek ne fervit<br />

qu'à augmenter ks désordres, qui 'arrivèrent peu de tems<br />

a^rès, par fempreffement qu'eurent ces mécontens de favorffer<br />

f injufte attentat de l'Empereur for k jeune Roi, fur<br />

fon Tuteur, Se fur fes Enfans. Ce.qui ne prouve que trop,''^^'»*»'^<br />

que, lorsque les Perfonnes d'autorité fe laiffent aUer à leurs<br />

caprices, 6c à leurs paffions, fl n'eft plus en leur pouvoir<br />

de détourner les dépkifirs qu'ils caufent, ni les ^maflieurs<br />

qui cn arrivent, qudque repentir qu'fls conçoivent de leurs<br />

fautes , Se quelque mouvement qu'fls fe donnent pour ea<br />

•mpêchcr les fàcheufes fuites.<br />

FRE'DE'RIC , après avoir long-tems amufé le Pape par dc AxticicJW>.<br />

fauffes promeffes, affeda enfin de vouloir véritabkment accom«<br />

pUr fon voïage en Pakftine. Lc St. Père y qui le crût fincère,<br />

fit d'abord defeendre en Italie tous ceux qui s'étoient voués k<br />

la guerre Sainte. Le nombre s'en trouva fi confidérable, 6c<br />

tous paiement bien pourvus du néceffaire, par l'exaditude,<br />

avec laqueUe les ViUes, qui s'étoient vokntakcment taxées, y<br />

avoient mis ordre, qu'ils auroient été capables dc conquérir tout<br />

^Orient y fi on avok promtement profité de leur ardeur à afler<br />

combattre les Infidèles.<br />

Mais deux accidens fécondèrent fi bkn fEmpereur, dont le ^M^^ i*<br />

ckffcin étoit d'enaploïer tous ces grands préparatifs de terre, 6c "<br />

de mer, à tourmenter VItalie, 6c non à faire la guerre aux Infir<br />

ééks y Se à recouvrer k Terre-Sainte, que les peines, les foins, 6c<br />

les dépenfes prodigkufes de tant de Croifés, furent non-feul&.<br />

ment inutiles zux ( hrétiens Orientaux y mzis encore très-fâchei:^<br />

fts pour ceux de VEurope; puisque la plupart de ces braves gens<br />

l^rkent, kt uns à caufe def exceffives chaleurs de VApouilléy<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fii Hî ST O ï R E iG F N E R ArL E<br />

Se de la Calabrcy que ces Ultramont ains nepou voient fouffrir, 5c lei<br />

autresdc faim. Se de mffére en cherchant à regagner leur Patrie.<br />

*^^Lc premier lujet, qui'fervit de prétexte à F R ED ER i c, pour<br />

tetardèr fon vo agç doutre:.mer, fut f accouchement 6c la mort<br />

de f Impératrice fa Femmes après avoir mis au monde un Prince,<br />

qui fut nommé CONRAD. La plupart des Hiftoriens attribuent<br />

la mort de cette Princeffe, plutôt aux mauvais traitement<br />

6c-aux chagrins,qufélle recevoit dcf Empereur, foa Epoux, qu'aux<br />

•".' doukurs de l'enfantement.<br />

* - L'autre accident, aufl[i funefte, que *le premier, fut li, mort<br />

du bon Fape HONORIUS. U décéda à Rome , le 8. Mars de<br />

.^7. cette année 4 22^7. après avoir gouverné faintement l'Eglife do<br />

Dieu, pendant dix ans ;6c huit mois. U avoit fait humainement<br />

tout ce qui avoit dépendu de lui, pour faire rentreriez Chrétiens<br />

dans le Roïaume de Jefus-Chrift. GK E'G O I R E IX. de l'illuflr^<br />

Maifon de Conti y que les Cardinaux élurent deux jours après<br />

fon décès, lui fuccéda.<br />

ScftprciK -Ce nouveau Pontife, auffi zélé pour le recouvrement de la<br />

rTdaller 'Terre-Sointey maisijeaucoup plus vif, 5e plus réfolu, qtie fou<br />

•n<br />

m.<br />

Faiejlt- Prédéceffeur, preffa d'abord FRE'DE'RIC d accomplir, fens plus<br />

de déki, les promeffes, qu'fl avoit fi folcmncUeincnt juré^g, d'aller<br />

en Pakftine y à la tête d'une puiffante Armée; le ménaçspit,<br />

** que, s'fl tardoit davantage à s'en aquiter y fl knceroit con^<br />

» tre lui les foudres dc l'Eglffe, 6clc.déclareroit déchu defEm-<br />

^ pire, Se de fes autres Etats.<br />

Ces terribles menaces, 6e k hauteur de G R E'G OI R E , aïant<br />

fait comprendre à F R E'D E'R I c, qu'fl ne Pamuferoit pa^ fi facilement,<br />

qu'fl avait fait HONORIUS , fl cxcufa fon retardement par<br />

toutes kl raifons, dont fl put s'avifer, 6c fit de grandes proteftations<br />

au St. Père, qu'fl alloit inceffamment fc mettreen état<br />

de fatisfaire à fon obligation. Il écrivit, poiic cet effet, au<br />

Çrincc HENRI, fon Fils; de convoquer une Diète kJix la-CbOt<br />

felle y pour foUidtcr les Princes 6ç Seigueius, ^ui vouçjro^enç<br />

i'acco»*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DR JE'RUSALEM. Lïv. X. CH. IL jij<br />

l'accompagner à la Guerre Sainte, dc s'y préparer promtement.<br />

Se ks Villes d Allemagne de contribuer à cctte Sainte entreprife.<br />

U recommença lui même à.faire affembler du monde. Se à combiner<br />

fon Armée Navale, qui fe rendit toute dans le Port dc<br />

Brindes y où étoit le rendez-vous général, pendant que le Pape<br />

fîi ifoit de nouveau prêcher la Croifade dans toutes les Provinces<br />

de la Chrétienté.<br />

Néanmoins ,. tous ces grands préparatifs furent auffi infrudueux<br />

, que les précédens, 5c ne fervirent, qu'à faire périr<br />

encore grand, nombre de Croifés Allemands y qui.étoient defcendus<br />

dans VApuille , malgré les malheurs , arrivés à ceux qui<br />

ks avoient précédés, tant la fureur des Peuples étoit grande<br />

, en ce tems-là , pour k voïage de la Terre-Sainte. La<br />

perte de tant de beau monde, qui accouroit avec empreffemènt,<br />

pour avoir part à la déUvraUce du St. Sépulcre, irrita d'autant<br />

plus le Pape, qu'il, voïoit que ce malheur n'étoit caufé, quepar<br />

k mauvaife foi, 5c les détours malicieux de l'Empereur. ••<br />

Tant de tromperies obligèrent enfin G R E'G o i R E à redou- j'^«"^<br />

bkr fes menaces contre F R E'D E'R I c, d'une nmnière fi violente, ?^^ ^^J^"que<br />

celui-ci fe rendit enfin à Brindes, où il s'embarqua avec le Patriarche<br />

Patriarche de y^nf/^/(?/»,k Landgrave de Thuringe y Se plufîeurs £if'^'*^*'<br />

autres Princes 5c grands Seigneurs ; mais fa navigation ne fut<br />

pas de long cours. A-peinc fut-fl arrivé au Cap St. Ange y dans<br />

la Morée y qu'fl ordonna à PEvêque dAmalfiy 6e à deux de fes<br />

principaux Officiers, de pourfuivre, avee fa Flotte, le voïage de<br />

Paleftine; car, fait qu'il fût éffèdivement malade, ou qu'fl feignît<br />

de Pêtre ; ou qu'enfin k mort du Landgrave de Thuringe,<br />

qui étoit arrivée d'abord après fon départ, lui fît abandonner la<br />

pourfuite de fon voïage, il s'en retourna en Italie y fans fonger<br />

davantage Tiux Croifés y qu'fl avoit embarqués, ni à faire k guerre<br />

aux Infidèles, AHalbLe'<br />

Une conduite fî extraordinaire, Sc un chans-ement fî fubit, ne f^^'% .<br />

laiffa plus lieu au Pape de douter de la mauvaife foi de F RE'D E- décic.<br />

Ttt RIC.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fi.l, H I S T O I R E G E'N E'R A L E<br />

RIC. U crut s'appcrcevoir, qu'au Ueu de s'aquiter de fon vœu,<br />

5c dc fes promeffes, fl ne cherchoit qu'à fe jouer de lui, 5e de<br />

toute la Chrétienté. Sur cela, ce Pontife ne s'amufa plus à exhorter,<br />

ni à foUiciter un Prince, dont le cœur étoit trop endurci<br />

, pour fe rendre à fes remontrances ; 5e il fulmina contre lui<br />

fanathême, dont fl Pavoit menacé en prefence du Sacré-Collége.<br />

U écrivit en même tems à tous les Princes 0^r^^/f«jks raifons<br />

, pour lesqueUes il s'étoit porté à cette extrémité.<br />

^ettZttt " Premièrement, parce que F R E'D E'R I C , par fa vie molle,<br />

me, 3, 6c fcandaleufe, avoit caufé la perte de Damiette, où il s'était<br />

„ engagé d'aller en perfonne. II. Que,pour avoir négligé Pé-<br />

„ quipement d'une Flotte, pour tranfporter les Croifés y Se a-<br />

„ voir, par fes faux fermens, trompé le Pape HONORIUS , qui<br />

„ les avoit fait defcendre en Italie y fl avoit fait périr une in-<br />

„ finité de ces bons, 6e zélés Chrétiens. III. Qiie, bien loin<br />

„ d'obferver la parole, 6c le ferment folemnel, qu'il avoit fak,<br />

„ d'afler lui même, à la tête d'une puiffante Armée, déUvrer<br />

„ la Terre-Sainte du joug des Infidèles, fl venoit d'abandoiîher,<br />

„ en chemin, tous les Croifés y qui s'étoient rendus auprès de<br />

„ lui, pour le féconder dans cette Sainte entreprife. IV. Qu'fl<br />

,, s'étoit fervi du prétexte d'une feinte maladie, pour rompre<br />

„ fon voïage, 6c retourner cn Italie y où Pon favoit, à n'en<br />

„ pouvoir douter, qu'fl n'étoit revenu, que pour s'emparer des<br />

„ riches dépouifles du Landgrave de Thuringe y Se fe plonger<br />

„ dans la débauche, 6c dansk désordre. V. Qu'fl avoit vio-<br />

„ lé une DemoifeUe de PImpératrice YOLANDE, fon Epoufe.<br />

„ VI. Qu'il avoit plufieurs fois maltraité cette Princeffe, 5c<br />

„ l'avoit fait enfermer dans une étroite prifon, où elk étoit<br />

„ morte de doukur, 6cde chagrin.<br />

CMA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


»E JE'RUSALEM. Lrr. î. CH. m. jij<br />

C H A P I T R E III.<br />

SI la douceur, les prières, 6c les exhortations, n'avoient pu per- rangegnee<br />

ter fEmpereur FRE'DE'RIC à entreprendre le recouvre-^f^.^^^'^'*'<br />

ment du Roïaume de Jérufakmy les foudres dc l'Eglife, que<br />

GRE'GOIRE venoit de lancer contre lui, firent encore moins<br />

d'effet. Ce Prince, irrité, au dernier point, de la démarche<br />

violente du Pontife, bien loin de fc mettre en peine de fanathême<br />

qui avoit été folminé contre lui, ou dc chercher à s'en<br />

faire abfoudre, ne fongea, au contraire, qu'à s'en vanger. Auffi,<br />

fans fe contraindre davantage, 6cgarder aucunes mefures, ilcnvo'a<br />

un gros détachement de fes Troupes,pour ravager VEtat*<br />

Eccléfiaftique y Se perfécuta crueUement toutes les Perfonnes, qui<br />

étoient attachées au Saint Siège. U auroit entièrement défolé<br />

les Vflles de Spkte, de Bcnevent, 5e toute la Marche d Ancone,<br />

C le Pontife n'y eût promtement oppofé le Roi dc JEAN DA<br />

BRIENNE.<br />

Ce Prince, qui demeurait à Bologne, avec k Reine fon Epoufe,<br />

depuis qu'il avoit été contraint de renoncer à fon Roïaume<br />

, nourriffoit une haine irréconciUable contre fon Gendre,<br />

qui favoit traité avec mépris, 5e n'avoit eu que des duretés pour<br />

PImpératrice fe FiUe. Lc Pape ne pouvoit choifîr un Général, "*••<br />

qui foutint mieux fes intérêts, comme, f événement le juftifia.<br />

D.ans ces entrefaites, le St. Père reçut des Lettres du Patriardie<br />

, Se des Seigneurs Croifés de la Paleftine, qui lui dcmandoient<br />

du fecours, avec beaucoup d'inftance. Le Pontife travailloit<br />

déjà à faire embarquer le Roi JEAN DE BRIENNE fur la Flotte<br />

Fénitienne y avec grand nombre de Troupes, pour y aUercom-<br />

Ttt 2 znanderf<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


5^16 H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />

mander, lorsque fEmpereur en fut averti. Ce Prince, qiû<br />

craignoit, que fon Beau-Père ne rentrât cn poffeffion du Roïaume<br />

de Jérufalem ; Se qu'il ne fût approuvé des Puiffances Chrétiennes<br />

y aux quelles lui même avoit écrit, qu'fl accompUroit fon<br />

vœu, fitôt que fa fanté le lui permettroit ; Se preffé d'ailleurs par<br />

tous fes amis, qui fouhaitoient de mettre fa réputation à couvert<br />

, fe détermina enfin à ne plus différer fon départ.<br />

Mais, comme il ne fe croïoit point encore affez vangé de<br />

faffront, que lui avoit fait le Pape, il laiffa une partie de fes<br />

Troupes au Duc de Splettty fon Lieutenant en Italie y pour<br />

y exercer les hoftiUtés, qu'fl avoit commencées, fur les terres<br />

du St. Siège. Ainfi, la divifion de fes forces fit, qu'il s'embarqua<br />

à Brindes y la veille de St. Pierre y Se St. Paul y avec une<br />

Armée fi médiocre, qu'elle étoit indigne, Se de la Majefté d'un<br />

Empereur, Se de l'entreprife qu'fl allait faire ; Car, outre qu'il<br />

n^avoit que vingt Galères » 6c quelques Bâtimens de tranfport?,<br />

k peu de Troupes de débarquement, qu'fl conduifoit, faifoit<br />

affez comprendre, que fon deffein n'étoit pas de faire beaucoup<br />

de mal aux Infidèks ; Auffi, peut-on affurer, qu'au lieu d'aider'<br />

les Chrétiens de la Terre-Sainte k fe relever de leurs malheurs,<br />

fl ne fit que reculer, 5c affoiblir kurs affaires.<br />

qu'il fait" Les Chypriots furent les premiers, qui éprouvèrent les effets:f'ff<br />

de la mauvaife intention de FRE'DE'RIC Ce Prince s'était<br />

l lie de<br />

Chypre, kîffé tromper par les malins raports du Baron DE ROSSI , 5e de<br />

CAMERIN DE BARLAS. Ce dernier étoit forti de nouveau du<br />

Roïaume, pour une nouveUe quereUe, qu'il avoit eue avec AN-<br />

RiAN DE BRIES, Parent du Seigneur deBaruth, U s'étoit rendu<br />

auprès de l'Empereur, auquel il avoit raporté miUe fauffeté^<br />

pour Pirriter davantage contre ce Seigneur, qu'il affuroit être<br />

ennemi juré de fe Majefté Impériale, 6ede tous fes bons Serviteurs<br />

; ajoutant, que ks IBELINS n'avoient recherché la tuteUe<br />

du jeune Roi HENRI, que pour s'enrichkeux mêmes des deniert<br />

de la Couronne.<br />

Tous<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. X. CH. III. 517<br />

Tous ces faux raports con venoient parfaitement à f humeur sonarrivk<br />

inquiète de FRE'DE'RIC. Dès fon arrivée à lAmifioly où flabor- '^Lunifoi.<br />

da, fl écrivit une Lettre, rempUc d'affedion, 5e de civflité, au<br />

Seigneur de JS^r«//j, afin de le furprendre, 5e defe faifir, avec<br />

plus de facflité, de fa Perfonne, de celle de fes Enfans, 6c du<br />

Roi même, pour s'emparer enfiiite de fes Etats. U gagna même,<br />

par les cabales criminelles des mécontents, les Gouverneurs<br />

de quelques Places, 5e les engagea à favorffer fes deffeins. C'efV<br />

ainfi que ces Traitres à.leur Prince, 5e à leur Patrie, machbioient<br />

la perte de fun 5e de l'autre, 5c que FRE'DE'RIC, pour parvenir<br />

à fes fins, vouloit tromper le Seigneur dc Baruth, proche<br />

Parent de k feue Impératrice YOLANDE.<br />

MONSIEUR, ET TRES-HONORE'<br />

ONCLE,<br />

T A préfente fei^vira, pour Fous faire part de notre arrivée à ^f^'cie u<br />

Limifol, en paflant pour aller en Paleftine, afin de fecourir tieu/e'de^<br />

Us Serviteurs de Jeius-Chrift, ^ pour Fous dire qu^avant notre ^^^^<br />

départ pour ce pays là , Nous défirons d'avoir la fatisfalïion de 'DeBaruth.<br />

Fous voir y avec le Roi y ^ vos Enfans, tous nos chers, £^ bienaimés<br />

Coufins, afin d'avoir le plai fir de les embraffer, ^ de les<br />

connoître perjonnclkmet. Nous défirons encore y de Fous confulter<br />

fitr la conduite, que Nous devons tenir pur le recouvrement de la<br />

Terre-Sainte, eftimant infiniment les avis, £«? les confeils d'un<br />

Homme au fli fage y i^ aufli expérimenté y que Fous; £«?, perfuadé<br />

que T alliance y qui eft entre Nous y doit Fous faire pr^endrepart<br />

à Pheureux fuccès de nos entreprifes. Ceft pourquoi, Nous Fous<br />

prions de venir inceffamment à Limffol, puisque la néceffltéde nos<br />

âfifaires ne Nous permet pas dy faire un long féjour, A Lirnifol, le<br />

17. Septembre, 1228.<br />

Fotre très-affeUionné Neveu,<br />

:f RE'D E'R IC, Empereur;<br />

' Ttt 3 Le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


jiS H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Le Seigneur de Baruth y qui n'ignoroit ni les mauvais offices,<br />

que lui avoient rendu les mécontens Chypriots y ni les deffeins dc<br />

F R E'D E'R I c, communiqua fa Lettre à la Cour fupérieure , pour<br />

prendre fon avis fur la réponfe, qu'fl avoit à lui faire. U fit<br />

cette démarche plutôt, pour découvrir fi quelcun du Confefl<br />

trempoit dans la cabale, que pour fe régler fur leur fentiment.<br />

Tous les Barons de P Affemblée, qui, bien loin d'avoir quelque<br />

intefligence avec ces perturbateurs du repos pubUc, eftimoient<br />

infiniment le Régent, dont ils connoiffoient le mérke.<br />

Se Péquîté, le diffuadèrent de fe rendre aux follicitations de<br />

fEmpereur, dont fl devoit craindre la malice, malgré f inclination<br />

, qu'fl lui témoignoit pour le Roî, pour lui même, &<br />

pour fes Enfans, 6c lui confeiUerent unanimement de lui envoler<br />

feulement quelques Perfonnes de diftindion pour îe complimenter<br />

, avec abondance de rafraichiffemens, 5c offre dc<br />

toutes ks provifions, dont il avoit befoin pour fon Armée.<br />

Le Seigneur de Baruth, qui étoit trop éclairé pour ne pas<br />

reconnaître, par la bonté de ces avis, la fincérité des Perfonnes,<br />

qui les lui propofoient, les en remercia, 5c les pria, avec<br />

fe cordiaUté naturelle, de perféverer dans l'attachement, qu'ils<br />

avoient pour leur Prince légitime, 5c pour la tranquillité de fon<br />

Roiaume ; Mais fa générofîté, 5e fon grand cœur, ne lui permirent<br />

pas de croire, qu'un auffi grand Prince, que l'étoit l'Empereur<br />

, pût être capabk d'ufer d'aucune violence dans un pays,<br />

fur lequel fl ne pouvoit avoir aucune jufte prétenfîon, ni qu'fl<br />

voulût fe fervir de fes armes aifleurs, que contre les Infidéks,<br />

Dans cette perfuafîon, fl fe rendit, avec le jeune Roi, fes propres<br />

Enfans , 5e plufîeurs des principaux Barons, auprès de<br />

FRE'DE'RIC, afin qu'on ne pût lui reprocher d'avoir rétardé,<br />

d'un moment, le fecours, qu'fl conduifoit en Pakftine,<br />

Mais il ne tarda pas à s'apercevoir, qu'il avoit jugé trop<br />

avantageufement de FRE'DE'RIC, puis qu'après les témoigna-,<br />

ge»,de la plus cordiale amitié, Se des émbràffemens, qui paroiffoient<br />

^ rem-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lrr. X. Ca. III. ' fif<br />

remplis de joie, 6c de fincérité, fl en expérimenta bientôt Jes<br />

effets contraires.<br />

Car, après beaucoup d'affurances d'eftime, Sede confîdération<br />

, fl leur propofa de quitter le deufl, qu'ils portoient pour<br />

k mort du Seigneur PHILIPPE D'IBELIN , Gouverneur du Roïaume<br />

, parce qu'il fouhaitoit, que la joie de fon arrivée effaçât leur<br />

trifteffe. U joignit divers beaux préfens à ces gracieufes expref^<br />

fions, Se les invita tous à dîner pour le lendemain. ^ Un procédé<br />

fî diffimulé trompa les Seigneurs Chypriots y à la réferve<br />

de CAMERIN , GAVAN , 5e des autres conjurés, qui n'ignoroient<br />

pas les feintes careffes, 5c les mauvaifes intentions de l'Empe- •<br />

reur. Le jour fuivant, ils fe rendirent à l'heure du dîner. Ce<br />

Prince s'étant placé au haut de la table, fit affeoir le Seigneur<br />

de Baruth à fe droite, 5c le Seigneur de Céfarée, Connétable<br />

de Chypre y à fa gauche. U fit placer le petit Roi HENRI à Pautre<br />

bout de la table, le Marquis de Montferrat à fa droite, 6c<br />

un Prince Allemand à fa gauche, 5cvoulut que tous les Barons<br />

Chypriots fuffent affis d'un même côté, afin de les mieux obferver.<br />

Les principaux Officiers de l'Empereur entrèrent dans la fak ^ priten.<br />

fur la fin du repas, après avoir entouré la Maifon de Soldats."SeS^'"^<br />

Alors F R E'D E'R I c, adreffant la parole au Seigneur de Baruthy<br />

lui dit, d'un ton bien différent du premier, qu'il lui demandoit<br />

deux chq/esy 6? qu''il le croïoit trop avifé pour les refufer. Ce<br />

Seigneur répondit, fans s'émouvoir, que Sa Majefté n''avoit<br />

qu'à commander, £«? quelle trouveroit furement en lui beaucoup<br />

d empreffemènt àla fatisfaire y en tout ce qui dépendoit dun Hom-<br />

' me y qui avoit Phonneur de lui appartenir, F R E'D E'R I c lui repartit,<br />

d'un air impérieux, '' qu'fl lui demandoit, prémière-<br />

^ ment, qu'il lui remît la Ville 5e le Château de Baruth, comme<br />

" une portion du Roïaume de Jérufakmy qui appartenoit à fon<br />

" Fils, Se dont cette Ville ne devoit point être démembrée, ni<br />

^ demeurer au pouvoir d'aucun ParricuUer ; fecondement qu'il<br />

„ lui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


J20 H ï S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

'.' lui rendît compte des revenus de la Couronne dc Chypre y<br />

" dont lui, 6efon Frère, avoient eu fadminiftration, pendant<br />

" dix ans ; puisque , félon les droits de l'Empire, dont ce<br />

" Roïaume rekvoit, c'étoit à lui feul qu'en appartenait la con-<br />

" noiffance.<br />

Ce difcours, quoi que forprénant pour le Seigneur de Baruthy<br />

ne l'empêcha pas de répliquer fur le champ, "qu'il n'au-<br />

" roit jamais cru, que la malignité de fes Ennemis eût été ca-<br />

" pable de tromper fa pénétration, 5c de porter Sa Majefté<br />

" Impériale à des recherches fî injuftes ; mais que, puis qu'il<br />

" paroiffoit que leurs faux raports, Se leur malignité avoient<br />

" fait affez d'impreffion fur fon efprit pour le porter à cette ex-<br />

" trémké, ii vouloit bien lui faire connoître , qu'ils avoient<br />

" apparemment oublié de finformer, qu'fl poffédoit la Ville de<br />

" Baruth à jufte titre ; Qu'elle lui avoit été cédée par ISABELLE,<br />

" Reine de Jérufalem, fa Sœur utérine, Se unique Héritière<br />

" du Roïaume, en échange de la Charge de Connétabk,dont<br />

" îl s'étoit démis entre fes mains, Se qui valoit alors beaucoup<br />

" plus que cette Place, laquelle fc trouvoit tellement ruinée,que<br />

" les Chevaliers du Temple, ni ceux de VHopitaly auxquels elle<br />

" favoit offerte, gratis, n'avoient jamais voulu s'en charger,<br />

" de peur d'être accablés de la groffe dépenfe, qui aurok été<br />

l^ néceffaire pour k"réparer. Se pour la conferver,<br />

" Que, de plus, comme fl avoit emploïé le revenu des au-<br />

" tres Terres qu'il poffédoit en Chypre y Se dans la Pakfiine y<br />

" pour la mettre en état de défenfe, il ne croïoit point que<br />

" perfonne fût en droit de la lui ôter ; Que cependant, fi Sa<br />

" Majefté Pentendoit autrement, il vouloît bien s'en remettre<br />

" à la décifîon du Confefl fuprême de Jérufalem, Se aux Maî-<br />

" tres des Ordres Mflitakes, qui avoient une entière connoiflàn-<br />

" ce de ce qu'il avançoit, 6c qui favoient, en même tems,<br />

" avec combien de juftice cette Place lui appartenoit.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ûE JE'RUSALEM. Liv.X. Cn,m. f2$<br />

« Qu'à fégard de la Régence du Roïaume de Chypre y donc<br />

i, Sa Majefté lui demandoit compte, fl fe trouvoit en fa pré-<br />

„ fence plufîeurs témoins, qui pouvoient affurer, que fonFrè-<br />

,5 re. Se luî n'avoient eu que la peine. Se les foins de l'admi-<br />

„ nîftration des affaires de l'Etat, dont ils avoient bien voulu<br />

„ fe charger, par la pure affedion, qu'ils avoient pour le jeu-<br />

„ ne Roi leur Neveu, même en négligeant leurs propres af-<br />

,, faires, fans avoir jamais mis la main aux revenus de la Cou-^<br />

„ ronne,dont la RCUICALIX avoit toujours difpofé feule,com-<br />

„ me Mère, Se Tutrice du Roi, fon Fils. Que, fî cet aveu<br />

„ ne le fatisfaifoit pas, fl étok également difpofé à s'en remet-<br />

„ tre *àu jugement du Souverain Confeil de Chypre : " Ajoutant<br />

avec fermeté, '* qu'aucune crainte,'ni aucune menace ne feroit<br />

„ jamais capable de lui faire abandonner fes droits, ni de com-<br />

„ mettre aucune adion indigne de fa naiffance.<br />

La vivacité, avec la quelle fl proféra ces dernières paroles,<br />

ne contribua pas peu à modérer Pemportement de l'Empereur.<br />

U reconnut, qu'fl lui feroit acheter chèrement les ufurpations,<br />

qu'fl entreprendroit fur fes Terres, 6e fur les Etats de fon pupile.<br />

Auffi, il confentit de s'en remettre au jugement des deux<br />

Cours de Jér-ufiakmy Se de Chypre; mais, comme fl ne défesperoit<br />

point encore, qu'fl ne réduifit quelques Fortereffes à fà<br />

dévotion, qui le mettroient en état de s'emparer du refte dc<br />

file, ainfî que ks calomniateurs Ven fiattoient ; 5e que fa cupidité.<br />

Se fa mauvaife foi femportoient fur toute forte de juftice,<br />

'6e de confîdération, il attendit que k Seigneur de Baruth s'en<br />

retournât à Nicofie y pour demander, fous prétexte d'amitié,<br />

qu'on lui laiffât k jeune Roi, avec les deux Ffls du Seigneur<br />

de Baruth; Se y fans fe mettre en peine du retardement de fon<br />

paffage en Pakftine, il travailla ouvertement à faire réùAlr fon<br />

projet, faifant garder ce jeune Prince,5c ces jeunes Seignors,<br />

tomme des véritables prifonniers.<br />

Vvv L»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fia H l S T O I R î^ G E'H E'R AXE<br />

La diligence, avec laquelle Iç Seigneur dé Baruth affomblf<br />

du monde, pour vanger cette perfidie ; 5c. fempreffement,avec<br />

lequel k Nobleffe, 5c le Peuple accoururent, pour le féconder,<br />

6c déUvrer leur Souverain, obligèrent bientôt F R E'D E;'R Ï c, qui<br />

fe trouva afliégé. dans Limijol, non feulement à lui rendre le<br />

Roi, 5c fes Enfans, mais encore à fe défîfter de lès prétenfions<br />

Con/u>n fur ks Fortcreffes du Roïaume, 6c à^en fortir inceffamment,<br />

' avec la confufîon d avoir commencé fes opérations en Orient y<br />

par une démarche, qui lui aliénoit les efprits de tous les Chré*<br />

tiens de ces pays-là, lesquels,, ff efpérant phis rien de bande<br />

fon voïage, après la tirannie, qu'fl avoit voulu exercer eniby-,<br />

pre. Se la mauvaife commiffion, qu'il avoit donnée à RAYNAUD<br />

de Bavière, Général de fa Cavakrie, commencèrent à le regarder<br />

j plutôt comme Ennemi, que comme Protedeur.<br />

En effet ,ks ordres, dont fl ^voit chargé ce Général, en lui<br />

- faifant prendre le devant,avec une partie de fes Troupes, mé»<br />

ritoient bien Pindignation des Peuples ; Car, fur les avis, que<br />

BRE^DE'RIC reçut en Chypre de la mort de CORADIN, Soudan<br />

de Damas; Se que les Chrétiens de Palefline y trop foibles pour<br />

rien entreprendre, s'étoient attachés à fortifier quelques Place8|.<br />

Se avoient prolongé la Trêve pour deux ans avec M E L E'D I N,<br />

Soudan dEgypte y que fon Frère avoit nommé Tuteur de fes<br />

Enfans, l'Empereur avoit chargé RAYNAUD de commencer fé-<br />

.crettement à traiter la Paix avec ce Prince Infidèle ; déforte qu'il<br />

n"'eft pas furprenant, fî, lorfque les Habitans de Ptolomàide<br />

découvrirent cette intrigue, ils fc révoltèrent contre ce Général,<br />

6c méprifèrent fEmpereur lui même, n'aïant plus lieu de<br />

douter de fes mauvaifes intentions.<br />

f^flfJIi ^^^t pourquoi, lorfqu'fl y aborda, après avoir été contraint<br />

éement re- d'àbàndonncr 1 Ile de ChyprCy il n'y fut pas re:,u avec grand applaujgawïder<br />

diffement, Sc perfonne ne fe mit en peine de lui faire la cour.<br />

Le Patriarche même, qui l'avoit re uavec les cérémonies accoutumées,<br />

iui déclara en même tems, que, s'ilnejefaijoit abfouf.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ht JE'RUSALEM. Liv. X. CH. III. ^23<br />

foudre du Pontée, on ne pouvoit continuer à lui rendre les honneurs<br />

y qui convenoient à fia Dignité; Mais cette déclaration,<br />

non plus que k froideur des Seigneurs du Levant, 6c des Croifés<br />

même, ne Pempêcha pas de perfîfter dans fon premier def^<br />

fein, qui étoit de ne fe point arrêter long-tems enPukftiney<br />

pour faire la guerre aux Infidèles, avec lesquels il étoit réfolu<br />

de faire un promt accommodement, à quelque prix que ce fût,<br />

d'autant plus qu'fl reconnut, qu'il n'avoit point affez de forces,<br />

pour rien entreprendre contre ME'LE'DIN, qui, au bruit de<br />

ïà venue, avoit mis fur pié une puiffante Armée, 5c s'étoit avancé<br />

]ufo^k NicopoVis y VEmails de la Ste. Ecriture.<br />

Ce fut-là que F R E'D E'R J c envoïa à M E'L E'D I N , le Comte<br />

THOMAS DE CELANO , fon Confident, avec fon Prémier-Sécrétaire,<br />

pour lui déclarer, " qu'fl n'étoit point venu en Paleftine^<br />

5, pour lui faire la^ guerre ; mais feulement, pour vifîter les Sts,<br />

„ Lieux y Se prendre poffeffion du Roïaume de Jérufakmy qui<br />

„ appartenoit à fon Ffls ; deforte que, s'fl voulok lui rendre<br />

5, amiablement cet Etat, comme fl l'en priait, fl fe difpoferoit<br />

„ à retourner en Europe y fans qu'fl fe paffât aucun ade d'hos-<br />

„ tilité entre eux, fon intention étant de vivre en bonne in-<br />

„ telUgence, tant avec lui, qu'avec fes Neveux; Que cepen*<br />

„ dant, s'il refufoit de le fatisfaire fur une demande fi jufte,<br />

„ il ne pourroit fe dffpenfer de commencer une guerre, xjui<br />

^ ne feroit pas moins fanglante, que celles qui s'étoient fai-<br />

„ tes auparavant pour le même fujet<br />

ME'LEDIK, qui étok naturellement plus enclin au repos, J'^*'*?^^<br />

6c à la tranquiUté, qu'au tumulardc la guerre, écouta favo-M^iédi.<br />

rabkment ces Ambaffadeurs; Mais, foit qu'il eût pénétré que<br />

FRE'DE'RIC défkoit de repaffer promtement en Italie y ou que<br />

fon Armée ne fût point affçz confîdérable pour l'épouvanter,<br />

îl les renvoïa froidement, fans kur faire aucune réponfe»<br />

FRE'DE'RIC, furpris d'un procédé fi fier, 6c fi méprifant,<br />

comprit, ^uil n'étoit pas plus confidéré des Sarrafins, que<br />

Vvv 1 (kf<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f2f HIST O LR E G E' N r R A L E<br />

dès Chrétiens. C'eft pourquoi, il réfolut fur le champ d'aï*<br />

1er fordfier la Ville de Jafiay afin de s'affurer le chemin dc<br />

Jérufalem. U affembla fon Confefl, 5e communiqua fon deffein<br />

aux Seigneurs du pays, qui f approuvèrent, 6c lui promirent<br />

leur affiftance., Les feuls Chevaliers de VHopitaly Se du Tempky<br />

refuferent dé fe joindre à lui, for les ordres qu'ils avaient*<br />

nouvellement reçus du Pontife. Noirveau fujet de déplaifir,<br />

où ir efpéroit dé recevoir-un appkudiffement'général.<br />

Mais , comme le tems ne lui paroiffoit pas propre à en<br />

témoigner fon reffentiment, il le diffimula ; 5e, marquant autant<br />

d'indifférence pour faffront, que pour Paffiftancé, qu'fl.<br />

auroit pu recevoir de ces deux Religions, ilfe rendit à<br />

Jaffa y avec fes feules Troupes, 6c en fit commencer la ré*^<br />

paration. U fe trouvoit cependant fort embarraffé de com-"<br />

mencer la guerre contre les Infidèles y fans l'affiftance dc ces<br />

ChevaUers, qui étoient, non feulement puiffans par eux mê-.<br />

mes, m.ais encore très-expérimentés dans la manière de les<br />

combattre. Se d'éviter leurs furprifes; Mais , comme fl ne.<br />

Touloit pas s'abaiffer à les rechercher, fl préféra le parti de.<br />

renvoïer le'même Comte de CELANO, 6C fon Secrétaire, au.<br />

Soudan y pour, tâcher de renouer quelque efpèce d'accommodement.<br />

Cette fecondé tentative fut encore plus malheureufe, que<br />

k première. ME'LE'DIN, piqué de ce qiul lui envooit<br />

faire des propofitions de paix , ^pendant qiffl faifoit travailler<br />

aux fortifications d'une Place fi importante , 5e que fes<br />

Troupes couruffent, 6c ra^(|ëaffent les Terres de fes Su-<<br />

jets , tourna, le dos à ces Minifires, Se leur fit dire de fe<br />

^w^ retirer promtement, FRE'DE'RIC, qui avoit appréhendé le<br />

mépris de ce Prince Infidèky commença alors à rédouter fes<br />

armes. Il craignoit, qu'il ne vint l'attaquer avec toutes fes Forces,<br />

6c cefles de Damas y qui dévoient k joindre inceffamment;<br />

-cafortè. qu'^o^yanté}. fl,eut4a foibleffe de faire res-<br />

; titua;<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D E J E'R U S A L EM. : IJÎV.X Cfr.* IIL ;. j^ '<br />

titucjr ^uj^-Sarrafins y non féulçUient tout ce que fes Soldats<br />

kur avoient enlevé, mais encore d'envoïer préfenter au Soudait<br />

fa propre épqp, fa cuiraffe, 5c fon boucUer, afin de lui mar- •<br />

qu^r par-là, qu'fl ne vouloit point combattre contre lui;fe flat-^<br />

tant qu'une démarche fi humiliante fappaiferoit, 5c le feroit enfin<br />

confentir à un accommodement.<br />

L'empreffement de F R E D E'R I c était d'autant plus-grand, smeti^^<br />

^u'fl avoit apris, que la guerre d Italie y qui étoit celle qui lui'/««'"» ^<br />

tenait le plus au cœur, ne fe faifoit pas à fon avantage. Le Europ*.<br />

Roi JEAN DE-BRIENNE, à qui le Pape avok donné k<br />

commandement de fpn Armée, avoit défait ks Troupes Impériales<br />

,.^ en plufîeurs rencontreSi- •<br />

Il eft à croire, que ces mauvaifes nouvelles rendirent^'^/^^^<br />

l'Empereur infenfible aux injures , 5c aux mépris dc M E'L E'-fra/rf^


fiS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

En effet, ME'LE'DIN, qui avoit été fi revêche auparavant<br />

6c qui avoit refufé avec tant de hauteur, 6c de fierté, d'écouter<br />

aucune propofition fur ce fujet, fe rendit enfintraitabk, 66<br />

fe difpofa à un accommodement avec les Chrétiens, U eft vrai,<br />

que le manque de parole de fon Neveu, qui lui avoit promis de<br />

le venir joindre avec les mflices de Damas, contribua beaucoup<br />

à fa dociUté. Ce jeune Prince Sarrafin, reconnoiffant, qiie le<br />

Soudan, fon Oncle, difpofoit de fon bien avec trop d'autorité,<br />

6c fe conformant au confefl ^ que lui donnèrent fes Amiraux, fc<br />

retira dans fa Capitale, 5e fit Un grand amas de provifions, pour<br />

être en état de réfifter aux attentats, que ME'LE'DIN pourrait<br />

faire contre lui, 5c fempêcher de difpofer de fes E'tats, comme<br />

il faifoit, non comme Tuteur, mais .en véritable firan, qui<br />

vouloit les ufurper.<br />

Les Ordres Militaires fcependant, qui, pour ne pas contrevenir<br />

aux ordres du Pontife, n'avoient point voulu fuivre fEmpereur<br />

à Jaffa y n'aprirent pas plutôt la mauvaife démarciie<br />

qu'fl venoit de faire, cn quittant un pofte fî avantageux, &;lc<br />

péril que couroit fon Armée, 5c les Barons de Paleftin^;, qui<br />

je fëcondoient, d'être tous taillés en pièces, allèrent fe pofter à<br />

quelque diftance de fon Camp, afin d'être à-portée de les fecourir<br />

, en cas de befoin ; ce qui contribua beaucoup à réfréner finfolence<br />

des Infidèles, qui, malgré la Paix, qu'on négociait fortement.<br />

Se dont on étoit déjà presque convenu, infultoient continueUement<br />

le Camp Chrétien y fans que les Troupes de ffmpereur<br />

fiffent aucun mouvement pour fe défendre. Mais F R E-<br />

D E'R I c, s'étant enfin aperçu du grand danger, où il s'étok<br />

expofé, envoïa prier les Ordres Mflitaires de vouloir bien fe<br />

joindre à lui ; Et, les trouvant toujours fermes à ne point vouloir<br />

fervir fous fes ordres, fl fut obligé de fe rendre à leur volonté,<br />

qui fut, que, fans faire aucune mention de l'Empereur,<br />

fes Officiers commandâffent, Se donnaffent les ordres, au nom<br />

de Dieu, Se de h République Chrétienne.<br />

Mai,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DB JE'RUSALEM. LIV.X. ÇH. m. ;2?<br />

Mais, fi la jondion de ces deux puiffans cprps fit ceffer la A«icîe r.<br />

crainte de FRE'DE'RIC,elle ne fut point capable de lui infpirer<br />

fon retour à Jaffa, pour y terminer les ouvrages, qu'fl y avoit<br />

commencés, ni de faire aucune autre eptreprife, malgré l^ffurancc<br />

qiul avoit donnée aux Chevaliers, en recherchant leur afliftance,<br />

qu'fl commenceroit inceffamment la guerre. Bien loin d'y<br />

penfer,il déclara quelques jours après, " que,fe trouvant trop^î^'J^-J<br />

„ dépourvu de cc qui auroit été néceffaire pour faire aucun M^ » ""*<br />

„ progrès d'importance en Paleftine, fl étoit réfolu de s'en re- roie, qu'U<br />

„ tourner en Europe, où fl avoit des intérêts, qui ne lui per l^^^^^<br />

„ mettoient pas d'être plus long-tems abfent; c'eft pourquoî il<br />

„ ne vouloit pas différer davantage à établir la Trêve avec<br />

„ ME'LE'DIN, d'autart plus qu'il confentoit à lui rendre la<br />

„ Ville dc Jérufakm, qu^il pourroit faire fortifier. Se y mettre<br />

„ telle garnifon, qu'fl jugeroit à propos. '<br />

Le Maitre dts Teutoniques, Se quelques principaux Officiers,<br />

qui rcccmnurent, que toutes leurs remontrances feroient inutiles<br />

pour l'arrêter plus long-ten>s, lui répréfentèrent, " que><br />

„ puifqu'fl ne pouvoit faire venir d Europe les provifions néces-<br />

„ faires, 5c que fes affaires le preffoient fi fort de s'en retour*<br />

„ ner, fl leurparoiffoit, qiul pouvoit le faire fans fcrupulej<br />

„ pourvu que le Soudan lui remît de bonne foi la Ste, Cité, Se<br />

„ les autres lieux des environs.<br />

Sur ce raifonnement, qui avok été concerté avec fEmpereur,<br />

il,fit affembler un Confefl général, dans lequel, aprèiJ<br />

avoir déclaré ce qu'il avoit déjà fait publier touchant la nécelfité<br />

de fon départ, 5e liir celle d'un accommodement avec les<br />

Infidèles, au grand étonnement de toute l Affemblée, fl fit lire Conditimi<br />

les Articles de là Paix, que fes Ambaffadeurs avoient conclue iHtn^,"^<br />

avec M E L E'D I N. Ils portoient : , ^« ^muot'<br />

\. „ Qu'il y auroit Trêve pour dix ans entre fEmpereur AéSie<br />

ERE'DE!RJC, Se k Soudan MM^LtDia, Î^J^**<br />

11. ., aue<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fa9 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

•II. I, Que ME'LE'DIN rendroit à l'Empereur la Vifle dc Jé^<br />

^, r(^/p/« dans l'état, où efle fe tiouvok; Qu'fl cn pourrait<br />

.„ faire rebâtir les muraflles, 6c en difpofer à fe volo ité, à k<br />

„ réferve* du Temple de Salomon y qui demeureroit au pouvoir<br />

„ des Sarrafins y fans, qu'fl fût permis à aucun Chrétien d'y<br />

,„-entrer.<br />

III. „ Que ME'LE'DIN lui cèderôit encore les Villes de A^i^-<br />

,„ zarethy Bethekm y Se Sidon y avec leurs dépendances; 5e qu'il<br />

„ lui feroit également permis de ks fortifier, auffi bien que<br />

„ les Villages, fitués fur Jes, chemins, qui conduifent^de J'^T^<br />

„ k Jérufàkm; mais qu'il ne pourr.oit faire aucune fortifica-<br />

,„ tion à ceux qui font entre Nazareth 5e Ptolomaïde,<br />

IV- 5, Qif à l'égard de la Principauté dAntioche, du Co rnté de<br />

„ Tripoli, Se des autres Vifles, qui n'étoient pas du Roïaume<br />

,, dc Jérufalem, elles ne feroient pas comprifes dans ce Trai.<br />

^, té; ,6c que l'Empereur n'y pourrok envoïer aucun fecours.<br />

|{jA^**i i>. ,»\t* (jjL ^it*j5)ji> .1^^<br />

PTWÏJ''' '(«àV'iï'éÇV'''(93*^<br />

^Ç H A P I T R E IV.<br />

•<br />

Ariitie/. T a plupart des Seigneurs Croifés y Se ceux de Syrie y mais<br />

particulièrement les if^//^//Vrj, .5e les Templiers y qui<br />

trouvoient ces , conditions , non moins désavantag^fes, que<br />

déslionorantes, eurent beau repréfenter à F R E'D E'R I c, " qu'une<br />

„ Paix fi honteufe, 5c fi dommageable,intéreffoit fort fe répu-<br />

-35 tation, ,5c l'honneur de toute la Chrétienté; puisqu'on pou-<br />

5, voit efpérer, d'enlever ^ux Infidèles tout ce qu'ils poffédoient<br />

.M daas k Royaume de Jérufalem y même de les chaffer de leurs<br />

„ propres Etats, par raport à la dffcorde, qui venoit de fe mettre<br />

4ji .entre pux, 6c qui, félon les apparences les occuperait long-<br />

» temsi<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«t JERUSALEM. Ltv. X. CH. ly. ftp<br />

tems; 6c détruire ainfî leurs meilleures farces ; Que, d'ailleurs,<br />

fl devoit confidérer, que cette Paix ne pouvoit être, ni fo*<br />

»<br />

->5 lide, ni durable, attendu que le Soudan de Damas, Neveu<br />

95 de M ELE DIN, n'approuvoit point la ceffion, que fon Oncle<br />

faifoit aux Chraiens du Roïaume de Jérufakmy dont il<br />

•>5<br />

«5 ne pouvait, en effet, difpofer ; puifqu'fl ne lui appartenoit<br />

^5 pas,6e que k premier feroit toujours en droit de recommen­<br />

^9 cer la guerre contre eux , Se de les en diaffer , lorfque<br />

»5 bon lui fembkrok ; Que, de plus, fl leur paroiffoit ,• qu'une<br />

•9 affaire de cette importance ne devoit point fe conclurre,<br />

»5 fans en faire part au Patriardie de Jérufalem, qui étok<br />

"•5 Légat du St. Siège.<br />

Toutes ces raffons, quoique bannes, ne purent cependant O'iHinstim,<br />

ébranler ce Prince. Au contraire , perfuadé, que les fenti- ric,' ^''<br />

ment ,du Patriarche ne feroit pas différent de celui des Ordres<br />

Militaires, 6e qu'il ne confentiroit point à cette Paix,<br />

ilfit brufquement appeller les Ambaffadeurs de ME'LE'DIN,<br />

cn prefence desquels il jura d'obferver les Articles de Paix, que<br />

\e Comte THOMAS DE CELANO, Se fon Secrétaire, avaient,<br />

de fon confentement, établis avec le Soudan leur Maître<br />

FRE'DE'RIC figna, en même tems, ce Traité, 5c envoïa k<br />

M E'L E'D I N le Maître des Teutoniques , le même Comte de<br />

CELANO , 6e le Seigneur de Sidon , afin qu'ils le lui fiffent<br />

auffi figner, 6c jurer; ce qu'ils obtinrent fans aucune difficulté.<br />

Le Seigneur de Sidon, que PEmpereur envoïa enfuite à Da*<br />

mas, pour k faire approuver du Soudan de ce Roïaume, bien<br />

loin d''y trouver la même facilité, y rencontra des obftacles<br />

qu'il lui fut impoffible de furmonter , Car ce jeune Prince,<br />

indigné de la conduite de M E'L E'D I N , fon Oncle, refufa non<br />

feulement de foufcrire l'accord, qu'il venoit de faire avec les<br />

Chrétiens, mais encore protefta d'invalidité de tout ce que fon<br />

Onde avoit fait contre fes intérêts, 5c s'apUqua avec encore<br />

3^^x plus<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f5o H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />

plus d'attention, qu'auparavant, à faire des préparatifs de<br />

guerre, afin de fempêcher de difpofer davantage de fes<br />

E'tats, 5c pour lui faire connoître , qu'fl n'avoit désormais<br />

plus befoin de Tuteur.<br />

^ Son mécontentement, ni fes menaces, n'empêchèrent pas<br />

l'exécution du Traité, que ME'LE'DIN avait fait avec PEmpereur.<br />

U lui remit exadement toutes les Vifles, 5e Terres, qu'il<br />

lui avait promifes ; de forte que ce Monarque, fatisfàit de cet<br />

Accommodement, quelque mauvais, 5c ignominieux, qu'fl fût<br />

pour lui, 5e pour le Nom Chrétien, fut infenfible aux murmures<br />

5e au mécontentement des Chevaliers de VHôpital, Se du<br />

Temple, Se de quantité d'autres Perfonnes de diftindion,qui,<br />

n'en pouvant fouffrir l'indignité, quittèrent le Camp , pour<br />

s'en retourner à Ptolomaïde , pendant que FRE'DE'RIC fe<br />

préparoit à faire fon entrée dans Jérufalem. ^<br />

Article//. Il fitj pour cet effet, écrire au Patriarche', par k Maître<br />

des Teutoniques , pour le prier de fe rendre ?âu Camp, afin<br />

d'entrer fokmnelkment , en compagnie de PÉttpereur, dans<br />

k Ste. Cité, dont ce Monarque défîroit d'aller- inceffamment<br />

prendre poffeffion. Ce Prélat, qui avoit étf^ inftruit de k<br />

Paix honteufe, 5e préjudidabk, qu'il venait dç^xonclurre, répondit<br />

au Maître des Teutoniques, " qu'fl fouliàitoit,qu'on lui<br />

„ donnât connaiffance du Traité, qu'on avoit conclu avec les<br />

„ Infidèles ; parce qu'fl ne jugeoit point à propo^ de fe livrer lé-<br />

„ gèrement entre les mains de gens, qui auraient pu faire, un<br />

„ mauvais ufage de fa faciUté. " Cependant ^lorfqu'il en eut<br />

reçu la copie, qu'on lui envoia par un Religieux Dominiquain^<br />

il fut pénétré de douleur, de voir, que le plus grand Prince<br />

de la Chrétienté eût confenti de laiffer le plus antique, 6c<br />

le plus confîdérable fanduaire au pouvoir des Infidèles y pour y<br />

exercer leur Religion, fans même qu'fl fût permis aux C/?r///>«J<br />

d'y entrer, 5e qu'fl fe fût contenté d'un Accommodement ignoçikiicux,<br />

qui même ne pouvoit fubffller, 6c que tant de grandes<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv.X. CH. IV. ^31<br />

des entreprifes échouaffcnt. Auffi, bien loin dc fe rendre au Toutes tt»<br />

Camp, pour entrer, en compagnie de ce Prince, dans Jérufa-ffffç^^f^<br />

km y fl interdit toutes les Eglifes decette Ville, 6c défendit'•"^«''^';"<br />

abfolument à tous les Ecdéfîaftiques d'y célébrer ks Divins Ofli-fiéd/rTc.*<br />

ces, jufqu'à ce qu'il eût confulté le Souverain Ponrife, 6c reçu<br />

fes ordres là-defms.<br />

Tout cela n'empêcha pas F R E'D E'R I c de pourfuivre fon pro- Frédéric<br />

jet. II fit pompeufement fon entrée dans Jérufalem un Samedi '^tre^ant<br />

I7^ Mars de fan 122p. efcorté par h g^rde Sarrafine y quWejc^rtVp^r<br />

avoit été obligé de demander à ME'LE'DIN pour la fureté dcfi^s^*"*'<br />

fa Perfonne ; attendu que les Arabes, Se les Sarrafins mêmes<br />

dévalifoient, 5c affaffinoicnt impunément, de jour , Se de<br />

nuit, tous les Chrétiens, qui s'éloignaient du Camp; 5e, comme<br />

perfonne ne s'oppofoit à leurs brigandages, ils pouffèrent<br />

leur infoknce, jufques dans les Tentes. lis en piflerent quelques-unes,<br />

6c maffacrèrent ceux qu'ils y trouvèrent.<br />

Ce fut pour éviter la continuation de ces désordres, que FRE'-<br />

DE'RIC eut encore la foibleffe d'envoïer rechercher quelques<br />

compagnies de Soldats à M E'L E'D IN, qui les lui accorda, k<br />

condition qu'fl les foldoieroit, pendant tout le tems, qu'elles k<br />

garderoient : Et, malgré l'interdit du Patriarche, Se le léfus<br />

que firent les Eccléfiaftiques de célébrer les Divins Offices, 5e de<br />

faire la cérémonie du couronnement de l'Empereur, dès k lendemain<br />

de fon entrée dans Jérufalem, revêtu de fes habits<br />

Roïaux, accompagné du Maître Teutonique, 5e fuivi de fes<br />

Allemands y il alla à l'Eglife du St. Sépulcre y où, après avok<br />

fait fa prière, fl prit lui même la couronne, qu'fl avoit fait pofer<br />

fur f Autel, 6e fe la mit fur la tête. Enfuite de quoi, par<br />

une adion, non moins condamnable, que le refte de fa con-duîte,<br />

il exhorta les Chrétiens du pays,que là curiofité y avoit<br />

attirés, de contribuer, chacun felon fon pouvoîr, au rétablîsfement<br />

des fortifications de la Vflle.<br />

Xxx a II<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fl% HÏS TOIRE GE'NE'RALË<br />

II'dépêcha, en même tems, le Maître Teutonique aux Maîtres<br />

du Tempk, Se de VHopital,pour les foUickerà faire la même<br />

chofe. Ces Religieux y confentirent, fans héfîter; 5e, afin<br />

qu'on ne pût leur reprocher d'avoir manqué, ou rétardé cette<br />

bonne oeuvre,MONTAGU> Maître de VHopital,Se le Prieur du<br />

Temple, avec bon nombre de leurs Confrères, allèrent inceffamment<br />

à Jérufakmy pour affurer l'Empereur,qu'ils fourniraient,<br />

avec tant de libéraUté, 5c de promtitude, tout ce qui dépenpendait<br />

d'eux pour cette réparation, que toute la Chrétienté ferait<br />

farisfaite de leur zélé, 5e de leur empreffemènt à mettre la-<br />

Ste. Cité en état de défenfe ; mais fls trouvèrent, que ce Prince,<br />

bien loin de fonger à une chofe fî néceffaire, 5c fî importante<br />

, cn étoit déjà parti pour fe rendre à Jaffai Ils le fuivirent<br />

, avec tant de diligence, qu'fls le joignirent encore en chemin<br />

, Se lui proteftèrent, qu''il ne tiendroit pas à eux, que les<br />

murailles dé ^érn^àlem ne fuffent bientôt rétablies, ^ qu^ elles ne<br />

fuffent auffi fortes, qiCelks Pétoient auparavant.. F R E'D E'R-I C<br />

loua fort leur zèle,5c leur générofité,fe contentant de leurré'^<br />

pondre, quils en par leroient une autre fors. Il continua fa<br />

marche, fans s'arrêter un feuf moment; ce qui fit bien cannois<br />

tre à ces Chevaliers, qu'il n'avoit pas deffein de s'occuper d'aucun<br />

foin; puifqu'à-peine fut-fl arrivé k Ptolomaïde, qu'il ne fongea,<br />

qu'aux préparatifs pour fon départ.<br />

Atticie//r. Cependant, fok qu'fl- reconnût, que cela Parrêteroit encore<br />

RiyMud h)"g-tems , ou qu'fl s'ennuïât de la vue de tant de Perfonnes,<br />

de Bavièreqpi né luî faifoicut pas plaifîr, 6c qui, de leur côté,n'avaient<br />

ji^r'ii pas beaucoup de confîdération pour fa Perfonne, fl laiffa RAT-<br />

Jér«faiem. j^^^jjj jg Bavièrc^ ion Lieutenant, 6o Gouverneur du Ro aume<br />

dc j^/rz(/«3'/(?w;5c,fansfe mettre en peine du blâme, 5e de»<br />

réproches du public, fl abandonna la 5/?.C//^', 5e les autres^<br />

Villes,dans le même état, que ME'LE'DIN les lui avait remifes,^<br />

6c partit avec deux feules galères, accompagné d?EERMANS»<br />

ï SALIÎ^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D'E JE'R U S ALE M. Liv. X. Cn. IV. f 3f<br />

SULTZA , Maître des Teutmiqûes, 6c de la plupart de fes Chevaliers<br />

, qif il emmena, fous prétexte qu'ils n'avoient plus rien<br />

à faire en Pakftinéy par raport à la Trêve, quil venoit d'étabUr<br />

; mais, en effet, pour les envoïer contre les Infidèles de Prufi<br />

fCy OÙ ils firent enfuite défi grands progrès, que leur Ordre<br />

demeura enfin maître de cette Province.'<br />

Le départ précipité de PEmpereur F R E'D E'R I c, 6c fes dernières<br />

adions en i'^ï/g/?/»^, obligèrent le Patriarche à écrire une<br />

longue Lettre au Pontife, pour finformer de la conduite feandaleufe<br />

de ce Prince, 6c du préjudice infini, qu'il avoit fait aux<br />

Chrétiens de la Terre-Sainte y dont les affaires fe trouvoient en<br />

beaucoup plus mauvais état, qu'elles ne Pétoient avant fa ve»<br />

nue; affurant le St. Père y "que, s'ils jouïffaient alors d'un peu<br />

„ de tranquiUté, cen'étoit point laTrève, qu'il avoit conclue avec<br />

,, les InfidèkSy qui la leur procuroit, puisqu'elle n'avoit fait que<br />

„ les des-honorer; Mais feulement la guerre ouverte, quiavoife<br />

„ fuivi leurs démêlés, dont les Chrétiens auroient pu tirer dé<br />

„ grands avantages ; Qu'ils leur auraient m :mc pu procurer _<br />

3, les moïens de les chaffer de tous les pays, qu'ils kur avoienf<br />

„ enlevés, fî FRE'DE'RIC ne les eût facrifiés, 5e trahi la<br />

„ caufe commune, en s'accordartt avec eux d'une manière fi'<br />

„ lâche, 5e fî honteufe, qu'il avait donné Ueu à tous les Croi-^<br />

,^ fies de s'en retourner en EttrîpCy fans avoir rien entrepris;<br />

Ajoutant, "qu'outre Pignominie d'avoir partagé la 5/f. OV^ avec<br />

„ les Sarrafins, comme fl étoit parti, fans en avoir relevé les<br />

„ muraflles, non plus que celles des autres Places, fl n'y avoir<br />

„ point Ueu dé douter, qu'il n'eût laiffe une partie de fesTroi*.<br />

„ pes en l a kftine, plutQt pour y tourmenter les Chrétiens, que<br />

„ pour s'oppofer aux entreprifes que pourroient faire les Infi^<br />

„ dèks, lors qu'ils feroient en paix; puisque les Officiers-^//?*-<br />

3, mands commen(^oientdé]k à traiter les Peuples avec beaucoup'<br />

„- de violence.<br />

Xxx ^. CctCc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


y3'4. H I S T O I R E G E' N E' RALE<br />

Cette Lettre fe voit dans k Bibliothèque du Fatican ; le Pa*<br />

be en envoïa copie à toutes les Puiffances Chrétiennes, Elle<br />

diminua beaucoup le crédit, que les Princes avoient donné à<br />

celles que FRE'DE'RIC leur avoit écrites de Jérujalemy Sep^rles-^<br />

qucUes il les conviait à rendre des adions de grâces à Dieu, dc<br />

ce qu'fl lui avait fait cefle de recouvrer les faints Lieux, fans aucune<br />

effufîon de fang, Se d'avoir mis les Chrétiens dans la poffeffion<br />

d'un pays, qui leur étoit fî précieux, 5e qui leur avoit<br />

coûté tant de beau monde, fans en pouvoir venir à bout ; Mais,<br />

comme il ne fongeoit, qu'à recouvrer ce que les Troupes du Pape<br />

hii avoient enlevé dans le Roiaume de A'ifl'/)/?^, pendant fon volage<br />

de Palefline y fl ne s'embarraffa point du tout de détruire les<br />

mauvaifes impreffions, que les Lettres du Patriarche, 5e celles<br />

de la Cour de Rome pouvoient avoir données aux Princes Chrétiens<br />

de fa mauvaife conduite ; 5c il ne s'attacha uniquement,<br />

qu'à faire k guerre à outrance à VE'tat Eccléfiaftique.<br />

C H A P I T R E V.<br />

Article t- TJ our revenir aux affaires de f^hypre. Quoi qu'après k départ<br />

JL de PEmpereur, le Seigneur de Baruth eût d'abord fait punir<br />

ks Rébelles, 5e fortifier les Places, où fl étabUt des Gouverneurs<br />

fidèles à leur Prince, 5c à leur Patrie, 5c qu'fl eût mis le<br />

Connivence . „ , i , • i . , ^<br />

entrequ;i- k Roïaumc CU état de ne plus craindre, m les attentats des<br />

uescht' Impériaux, ni k révolte des Chypriots y dont fl s'efforça, en<br />

priots, 6? j^^j^g tems, de dflfiper le mécontentement, fl ne put cepenrfffiîaviè<br />

dant empêcher ces Traitres de continuer leurs cabales avec le<br />

J^;,/'rff''Lieutenant, que FRE'DE'RIC zvo'it Mifé en Paleftine y 5c avec<br />

rEmpe- diverfes Perfonnes du Roïaume , qui avoient les inclinations<br />

aufli<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ï>E JE'RUSALEM. Lir.X. CIL V. JBJ<br />

àuffi méchantes qu'eux, ou qui avoient k foibleffe de fe kif^ ^231.<br />

fer féduire par eux ; ce qui caulà, peu de tems après, des malheurs<br />

infinis à tous les Habitans.<br />

Car, après que fEmpereur eut repris ce qu'fl avoit perdu en ^^p*J"^^<br />

Italie, Se fait fa paix avec le Pape, par fentremife de l'Evêque Frédéric.<br />

de Meffine, 5c du Maître des Teutoniques, moïenant fîx mille<br />

livres d'or, qu'fl donna à la Chambre AppftoUque, pour la dédommager<br />

des dépenfes, qu'elle avoit faites à cette occafîon,<br />

fl ne fut pas plutôt abfoùs de l'anathême, qui avoit été fulminé<br />

contre lui, qu'à la folUcitation du Pontife, fl envoïa 300.<br />

Hommes d'armes, Se quelque nombre d'Infanterie en Palefline y<br />

fous la conduite de RICHARD FELiNGHER,Fils d'AUGER, Grand- Mauvaife<br />

Maréchal de VEmpire; Homme propre à féconder le défîr,qu'il, j^prédéavait<br />

conçu dc fe vanger des IBELINS , 5c de leur enlever la Vil- \'i]^^^'<br />

le de Baruth; perfuadé que l'avidité, qu'avoit FELINGHER de .Chypre,<br />

s'enrichir dans cette expédition, lui feroit tout entreprendre ;<br />

de forte qu'en fe faifant un mérite, auprès du Pape, du renfort<br />

qu'il envoïoit, il fatisfaifoit, en même tems, fa paffion contre le<br />

Seigneur de Baruth.<br />

U eft vrai,que les Lettres envenimées,que lui écrîvoient continueflement<br />

les Mécontens Chypriots, par lesquelles fl f affuroient,<br />

que c'était ce Seigneur, dont k crédit étoit fort grand, qui engageoit<br />

les Principaux du Roïaume de Jérufalem à méprifer fes<br />

ordres, Se fes Officiers ; 5c les Peuples à n'avoir pour eux ni<br />

refped, ni obé "ffance ; cc qui faifoit craindre que Sa Majefté ne<br />

perdît entièrement un pays, dont k poffeffion lui étoit fî chère,<br />

d'autant plus que les Barons, 5e les Ordres Militaires de VHôpl*<br />

tai,Se du Temple, avaient déjà ufurpé toute l'autorité, 5e dispofoient,<br />

à leur volonté, des affaires du Gouvernement.<br />

Ces efprits inquiets, 5e turbukns, non contens d'augmenter<br />

la mauvaife humeur de l'Empereur,parleursmaUns raports,agirent<br />

avec tant de malice auprès de FELINGHER, lorsqu'fl aborda<br />

cn Chypre y qu'ils lui perfuadèrent, qu'fl ne pouvoit rien entrepren-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


5S^ HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

prendre de plus avantageux à-ce Prince, ni dc plus utfle à lui<br />

même, que k furprife de k Ville de- Baruth, qui avait été<br />

'^M»» démembrée du Roïaume de Jérujalemy Se dans .k Château<br />

. de Iaquelk fe tfouvoient renferm.ées toutes les richeffes des<br />

Seigneurs d'IBELIN. FELINGHER, qui s'étoit engagé au voïage<br />

de Pakftine, plus par intérêt, que pour aucun motif de<br />

dévotion, ou de gloire, 6c qui n'ignoroit pas la haine de<br />

• PEmpereur contre le Seigneur de Baruth, 5c le pkifîr qu'il<br />

lui feroit de le dépouiller de fes biens, cingla, fens héfiter,<br />

vers cctte Place. Il arriva au port, fans trouver aucune oppofîtion<br />

, 5e entra dans la Ville, où f Evêque le reçut même<br />

fort favorablement. Les Habitans, tous gens de commerce,<br />

fuivirent fon exemple, 5c r firent un bon accueil aux<br />

Allemands. Ce fut ainfi que FELINGHER demeura maître<br />

de la Ville, fans avoir occafion de tirer fépée; Mais, com^<br />

me -C'étok au Château, qu'il en vouloit, 5e qfffl n'y trouva<br />

pas k rnême facflité , fl fit fommer le Baron JEAN GOjtEME,<br />

qui y commandoit, de le lui rendre.<br />

Cc Gentilhomme , dont Pintégrité, 5c la bonne foi égalaient<br />

ia valeur, fit réponfe, *'qu'fl ne remettrait jamais cet-<br />

„ te Place , qu'à celui qui la lui avok eoiffiée , 5c qu'il la<br />

„ défendrait, jusqu'à la dernière goûte de fon fang, pour<br />

„ k lui conferver. " Il fit en même tems fon poffible,<br />

pour amaffer de plus de provifions ^ qu'fl put , 5e dépêcha<br />

d'abord une Frégate en Chypre , pour donner avis au Seigneur<br />

dc Baruth, du danger, où il fe trouvoit, par raport<br />

au peu de Troupes qu'il avoit , pour défendre cette Fortereffe,<br />

qui 5 fdon toutes les apparences, allwt être affiégéé<br />

dans les formes.<br />

^Vrticîe //. £n effet, FELINGHER , après s'être inutUebent fervi dc<br />

Attaque . , -, • A , .^ t /i'^cbitem<br />

tous les inoiens, dont il put savifer, pour gagner le Oou-<br />

^rlJcf"^^''"^"^' auquel fl fit même des offres au dAk de fon poufwra/<br />

de yoir > fit avancer les Troupes Akmandes, qui fe trouvoient<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


iE^jrRtfSAtËM.^ Crv.X. 6LV. Jar<br />

â Ptobmaïde, lesqueUes fl augmenta encore de quelque^ petits<br />

corps, que lui envoïèrent les Mécontens Chypriots. U<br />

commença ks attaques, 6c fit donner quel


ns HISTOttlE GE'NE'RALË<br />

Mère, fe trouvok depuis quelque tems en France y où elle étoît<br />

allée demander raifon du Comté de Champagne y que THIBAUD,<br />

fon Coufin, lui avoit ufurpée.<br />

La Flotte Chypriote partit de Famagoufte y 6e aborda peu do<br />

jours après entre Buftron y Se Népbriny qui eft à envfron vingt<br />

mfles de la Ville deBaruth, Us y débarquèrent, tant par raport<br />

au mauvais tems, que pour tâcher de mieux furprendre ks Im»<br />

périaux ; Mais le Roi Se le Seigneur de Baruth avoîent trop<br />

de Traîtres en leur compagnie, pour pouvoir réùffir dans leur<br />

deffein ; Car le Roi, qui comniençok à gouverner par, lui-même,<br />

avoit été confeiUé d'amener de Cibj'prf' toute k Nablefk,<br />

qui étoit. foupçonnée de trahifon , Se furtout BERNARD DB<br />

ROSSI, CAMERIN DE BARLAS, 8C leurs adhérens. Dès que ces<br />

perfides eurent mis pié à terre en Paleftine, ils ne \ manquèrent<br />

pas d'aller furtivement joindre FELINGHER, qui conîfaSx<br />

^ tinuoit le fié^ du Château de Baruth, U en avoit même aba-<br />

Chy- tu un affez grand efpace de muraflle. IT15 Pinformèi^t de<br />

''"°''' toute chofe; mais heureufement leur trahffoii. Se leur joiiâion<br />

ne lui furent d'aucune utiUté.<br />

'Cmpagnk Car, au bruit de la violence des Allemands y contre une des<br />

de St [aques'can-<br />

prîncîpaks Maîfons de k Paleftine, joint aux extorfîons, &<br />

^Frélé^ aux vexations, qu'ils exerçpient continueUement à Ptolomaîdey<br />

J^ic- Sc dans fes envkons, les Habitans fe révoltèrent, 6c firent entre<br />

eux une confédération, à kquelle ils donnètent le Nom de<br />

Compagnie de ST. JAQUES. Le Seigneur de Céfarée y Se divers<br />

autres Barons, kvèrent des Troupes, Se eurent même favantage,<br />

en allant joindre le Seigneur deBaruth y de défaire un<br />

p^rti d Allemands y quileiur avaient dreffé une embufcade aux<br />

confins du territoire de Tyr ; avec d'autant plus d'efperance de<br />

forcer FELINGHER à fe défifter de fon entreprife, que fa Cavalerie<br />

ne pouvoit plus fubfifter , faute de fourage.<br />

Après la jondion de tant de braves gens, le Roi Se le Seigneur<br />

de Baruth parvinrent à k vue de la ViUe, 6c campèrent<br />

. li<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DI JE'RUSALEM. Liv. X. Ci^ V. $29<br />

G près de la ftace, qu'il n'y ayoit qu'une rivière, du çôtç jip<br />

VOccident y entre eux, 6c ks Allemands. FJILJNGHER , qui,<br />

par PaUénatîon des Peupks pour toute fa Nation, ignoroit que<br />

cctte rivière fût guakble, méprifa l'armée du Roi; Se y par<br />

uneoftjentation, condamnable à un Homme de guerre, flfit d'abord<br />

fortir toutes fes Troupes de k Vilk, Se les rangea en bataflle,<br />

visrà-vis des ChyprwtSy comme pour les înfulter ; maig<br />

il fe trouvoit auprès du Rpi des Perfonnes de valeur, 6c d'expérience,<br />

lesquefles ne tardèrent pas à profiter de la fanfaronnade<br />

du Général Alkmand,<br />

Lc Seigneur de Baruth n'ignoroit point la mauvaife fîtya- yS^*'*<br />

tion,. où fe trouvoit k Baron de GONE^ME. CÇ dernier avok maitr».<br />

reçu diverfes bleffures dans la défenfe du Château; 6e fl ne fç '^*<br />

trouvoirplus cn état d'agir, que foiblement. Ceft ce qui engagea<br />

le Seigneur de Baruth de fe mettre à la tête de mifle<br />

Chevaux, avec autant de Fantaffms en croupe; Se y par dcf<br />

fentiers détournés, il afla paffer la .rivière à un gué, dont il<br />

avoit connoiffance. Pendant que le Roi, avec Je refte dc PArméc,<br />

amufoit ks Ennemis, par des mouvemens conrinuels,<br />

comme s'il avoit éffèdivement voulu en tenter le paffage ; de<br />

•forte que le Seigneur de Baruth tomba fur les Allemands avec<br />

tant de fureur, qu'fl en fit un grand maffacre; iSc fl les auroît<br />

enrièrement défaits, s'fls ne foffent promtement rentrés dans<br />

la Vifle, où fls auroient même été pourfuivis, fi FELINGHER,<br />

qui reconnut fe faute, n'en,eût d'abord fait fermer les portes,<br />

£c abandonné une partie des Cens à la dffcrérion des ennemis.<br />

Le Seigneur de Baruth, fatisfàit de cet avantage, qui lui<br />

procura la commodité de faire .entrer le Baron d'AssuR, fon<br />

Ffls, avec un bon renfort dans le Château, repaffa enfuite la<br />

TÎvière, Se fe rendit au Camp, pendant que BALIAN d'iBELiN,<br />

fon Fils aîné, qu'fl avoit envoie k Ptolomaïde y emprunter dc<br />

•Fargent, faire Jes provifions, 6c du monde, y travaUloit, avec<br />

Yyy 2 fuc-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


*y40 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

fuccès, à Pun, 6c à Pautre. Alors, FELINGHER, déconcerté<br />

de ces futcès, commença àdésefperer de fon entreprffe, 6c ne<br />

favoit plus quel parri prendre; Cependant, comme.fl étoit le<br />

maître dans la Vifle, 5c que fes Troupes n'y manquoient de<br />

rien, pendant que celles de Chypre'étoient expofées à la rigueur<br />

de Phyver dans une campagne ftérile, fl fe flattoit encore<br />

de les y voir périr, fi le Seigneur de Baruth s'opiaiâtroit à y<br />

demeurer davaEK:age, Se de réparer, par une conduit^plus circonfpede,<br />

ce qu'il avoit perdu par fon trop de confiance. .<br />

Article///. C'eft pourquoi tous les efforts, que fit ce Seigneur pour Patj^'^^^éV^tirer<br />

à une bataille, furent inutiles.' Bien loin de,quitter la<br />

Allemand Viflc, îl défendît rigour^fement à tous les Officiers, 6c aux<br />

Utauu! Soldats, de reparoître fur le rivage, 6c s'^apUqua uniquement à<br />

battre le Château, fans que fes attaques, ni fes batteries fiffent<br />

de plus grands progrès, par la vigoureufe réfîftance duJBaron<br />

d'AssuR, qui, en même tems,-avertiffoit fon Père du peu de mal,<br />

qu'il recevoit des Allemands.<br />

Le peu d'apparence de les attirer au combat, joint à-la défertion<br />

des Soldats Chypri^sy f3.ute de paie, 6c dc nourrkure,<br />

ks fouffrances de l'Armée, Se enfin la crainte, que la fanté<br />

du Roi n'en fût altérée, firent réfoudre le Seigneur de Baruth<br />

à conduire ce Prince dans un lieu plus commode. U décampa<br />

avec toute l'Armée, 6c aUa fe pofter au ViUage de Rus y laisfent<br />

le commandement des Troupes au Baron dé BRIES , pendant<br />

que lui, avec k Roi, 6c un gros détachemen*: v s'avança<br />

au Château Gomberty pour être plus à portée de foUiciter les<br />

fecours que BALIAN,, fon Fils, étoit aflé chercher kPtoh-<br />

Ce jeune Seigneur, après avoir emprunté de groffes fommes<br />

des Négociant Fénitiens y Se Gémis y établis dans cette Place,<br />

avoit paffé à Tr^liy pour y faire du monde. U engagea deux ^<br />

cens braVes Cav^iers, Se huit cens Fantaffins, avec lesquels il<br />

partit d'abôïd pour fe rendre à Baruth, EEUNGHER, informé,<br />

' - paî<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. X. CH. V. i^t<br />

par les Alkmands de Ptolomàide y des emprunts qu'fl y avoît<br />

faits, 6c de fon retour, dégoûté d'aiUeurs de PinudUté de fes<br />

tentatives; par un excès de rage. Se de désefpoir, abandonna<br />

la Ville au pfllage de fes Troupes, malgré ks bons traitemens,<br />

qu'il avoit reçus des Habitans, 6c y fit enfuite mettre le feu, X(^BJII«<br />

qui en confuma k plus grande partie. Ses Soldats, auffi p«r-4iJI^«<br />

fides,6e ingrats, que ki, non contens d'y avoir podfé l'impie-'^^^'^**"<br />

té, l'avarice, 6e lUmpudidté, à l'excès, exécutèrent fî ponc-y/«tme*tueUement<br />

fes ordres, qu'fl ne tint pas à eux, qu'eUe ne fût ^'^^^*^*"*<br />

entièrement réduite en cendres. *<br />

Les Rébefles Chypriots, étonnés du mauvais fuccès du Siège J^Irritin<br />

de Baruthy Se de la retraite du Général Allemand à Tyr y lui<br />

demandèrent quelques Galères, 6c une partie de fes Troupes<br />

pour repaffer en Chypr'Cy où fls f affurèrent d'avoir encore affez<br />

de crédit, 6cde partifans, pour s'emparer de toute Pile, 6c la<br />

réduire fous Pobéïffance de l'Empereur, avant même que le<br />

Roi, 6c le Seigneur de Baruth puffent s'y oppofer.<br />

FELINGHER , qui ne cherchoit qu'à fe dédonimager du tems<br />

perdu y Sek fatisfaire fa cupidité, kur. s^xorda: d'abord quatre<br />

Vaiffeaux, 6c autant de Galères, avec ksquels fls pafferent en<br />

Chypre,<br />

.- L'embrafement de Baruth aïant fait connoître au jelme Seigneur<br />

d'IBELIN, que ks Allemands avoient abandonné la ViUe,<br />

-Il forrit du Château avec la meilleure partiede k garnifon, pour<br />

ks pourfuivre. Il atteignit encore une partie de leur arrière<br />

garde, qu'fl maltraita fort. Content de ce petit avantage, il<br />

rebrouffa chemin, pour afler fecourir les Habkans de Baruthy<br />

& leur aider à arrêter l'incendie, 5c remédier,aux défojiaûons<br />

que les Allemands y avoient caufées.<br />

BALIAN d'iBELiN, fon Frère , revint de Tripliy avec les<br />

-Troupes, qffil avoît levées. Comme il ig^ioroit le pajti, ^iie<br />

FELINGHER avoit pris, fl n'av.pit pu fempêcher de gàgp^i^Ty;'*<br />

Auifij il fo rendit auffi à Baruth\ d'où fl parût deux jours<br />

Yyy 3 après.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


54.a H I S T O î R E G E' N E' R A L E<br />

• après,, cn compagnie de fon Frère, pour aller informer k Roi,<br />

6c kur Père, de k retraite des Ennemis, 6c du bonlieur, qu'avoit<br />

eu le Baron d'AssuR de défaire une partie de leur arrièregarde<br />

; mais, comme fls s'arrêtèrent, avec un peu trop de confiance,<br />

au Ciiâteau


M JE'RUSALEM. Liy. X. CH. V. ^45<br />

U ne tarda pas long-tems à découvrk plufieurs fukrds, dont<br />

îun fot affez mal-avffé pour lui dire, que fes deux Fils avoient<br />

été tués. Ce Seigneur lui répondit froidement, que tel de-><br />

voit être le fort des bons Soldats ; mais que ee ne ferait jar<br />

mais celui des lâches y comme lui, U ne parla pdnt avec la même<br />

indifférence à un autre, qui, faifant l'officieux, eut l'impm-^<br />

dence de lui dire, qu'on pourroit peut-être ks trouver parmi<br />

ceux qui s'étoient fauves y s'offrant mêmedaUer les reconnoitre;<br />

Car il lui fépohdit avec emportement, qu'Une croïoit point y que<br />

Jès Enfans puffent être parmi ksfe^ards'y bien perfuadé que y fi<br />

la néceffité ks eût i)bligés aprendre ce parti y ils n''auroient jamais<br />

pris une route y ou ils Peuffent pu rencontrer.<br />

Le difeours, 6c la contenance de ce Grand-Hoiiime ranima i>xAiie.<br />

tellement les Soldats effrayés, 6c éparè,*qù'ikfe ralUèrentdeux frisÀns^û<br />

mêmes, 6e le fuivirent avec autant de hardieffe, qu'fls avoient Jj^j^"^*<br />

témoigné de lâcheté auparavant. Parleur courage, ils k mirent<br />

en état de ffirprendre,à fon tour, les^//pw^^/z^j, qui, aveuglés<br />

de l'avantage, qu^ils venoient de remporter, s'étoient amufés<br />

à butiner, & à faire bonne chère desiM*ovifîons, Se de l'exceUent<br />

vin, qu'ils avoient trouvé. Ainfi, leur défaite ne lui donna<br />

pas plus de peine, qu^ils en avoient eu eux mêmes, à mettre<br />

en fuite les Troupes de Chypre y 6e de Paleftine.<br />

FELINGHER , qiii étoit à table, avec la plupart de fes Ojfficiers,<br />

cut bcaucoup de peine à fe feuver avec quelques débris de fes<br />

Troupes. U gagna le détroit de Polariy où il s'arrêta pour<br />

prendre haleine!; perfuadé que, fî on k pourfuivoit jiffques-îà,<br />

favantage du fieu fàideroit à fe défendre de leurs attaques.<br />

Lè Sdgneur de Baruthy qui fe poffédoit parfaitement, content<br />

d'avoir, en fi peu de tems, réparé fa perte, vangé k mort<br />

des fiens. Se dégagé fes Enfans avec les autres Seigneurs, qui<br />

fc trouvoient en feur compagnie , bien loin de pourfuivre les Ap.^<br />

kmands y ne penfa plus, qu'à réunir toutes fes Forces, 6c à bien<br />

demeurer fur fes gardes^<br />

QuoÎK<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


544- HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

Quoique les Allemands euffent beaucoup plus perdu, que gagné,<br />

dans l'affaire du Château Gomberty leur nouvel attentat<br />

fut caufe, que le Patriarche rencontra dc grandes difîkultés,<br />

pour appaffeij^k révolte, 6c le mécontentement des Peuples de<br />

Pakftine ; mais, enfin, ce Prélat, fecondé par les Maîtres des<br />

Ordres Milkakes, auxquels le Pape avoît auffi écrit, les fit<br />

rentrer dans l'obéïffance de PEmpereur, dont fls s'étoient fi<br />

ouvertement fouftraits ; ce qui procura la. paix, 6c le repos à<br />

tout le pays. Ce ne fut néanmoins , qu'à condition que ce<br />

Monarque rappefleroit inceffsÊmment FELINGHER, avec les 300.<br />

Hommes d'armes, 6c les autres Troupes, parce qu'on regardoit<br />

ce Général,. comme fAuteur principal des désordres, 6c<br />

desfcanddes, qui n'étoient arrivés, que par fon avarice, 6c<br />

par finfolence de fes Soldats.<br />

^ - C H A P I T R E VI.<br />

Depuis cet accommodement, le jeune Roi, qui étok fati1234gué<br />

de tant d'embarras, ne fouhaita, que le moment de<br />

de s'en'retourner enChypre. U étoit prêt à s'embarquer, lorsqu'fl<br />

aprit, avec autant de douleur, que d'étonnement, les révolutions,<br />

qui y étoient arrivées, par k continuation de l'infi-<br />

Excèscom- déUté de fes Sujets mécontens. Ces traitres étaient abordés<br />

^^ "*^ aux Salines, avec les Vaiffeaux, 6c les Galères, que FELINGHER<br />

par les mi- Icur avoit coufiés.^ Commc ils trouvèrent le pays entièrement dé-<br />

"'^'"^* garni de gens de guerre, ils n'eurent pas beaucoup de peine à<br />

s'emparer de la plupatt des Fortereffes. Les feuls Châteaux de<br />

Buffavento y Sc Dieu d^Amour y leur réfiïïérent. Le premier par<br />

le courage, Sc la prudente conduite de Dame CIVE DE MONT­<br />

BEILLARD, Femme dcBAUANd'lBELiN, kqueUe s'y tranfporta,<br />

dé-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D E JE'RUSALEM. Liv. X. CH. VI. j^y<br />

déguffée en habit de Francifcainy Se munit, à fes propres dépens,<br />

cette Fortereffe de toutes les provifîons nécefkires ; mais,<br />

ni elle', ni le Gouverneur de NAVARRE ,• ne purent empêcher<br />

ks Allemands de courir toute Pile, Se d'y commettre des cruau­<br />

tés , 6c des violences inouïes ; laiffant par-tout de terribles marques<br />

de leur avarice, 6c de leur impiété. Les Vieux les plus Cnmtis<br />

Saints n'en furent pas exemts. En effet, ils violèrent ks Ke-lZ^t^Mligieufes,<br />

jusques dans leurs propres Temples, dont fls empor- i^"^^"'*'^tèrent<br />

tous les vafes Sacrés, avec les plus riches ornemens.<br />

Pendant ces excès de cruauté, FELINGHER , que fEmpereur t^e Générai<br />

avoit fait rappefler de Paleftine y aborda en Chypre; ce qui aug- rapp^ehplt<br />

menta confidérablement le tumulte , 6c le désordre du pavs. ^^^^'-<br />

• ^~t r* feur.<br />

PHILIPPE DE NAVARRE, qui en étoit Gouverneur, avoit fi peu<br />

de Forces à kur oppofer, qu'fl s'eftima bien-heureux de pouvoir<br />

fe feuver dans le Château Dieu d'Amour; Se le Commandant<br />

Allemand y ravi de trouver une fî promte occafîon de<br />

fe vanger du Roi, 5c du Seigneur de Baruth, qui avoient été<br />

k caufe de fon rapel, s'apliqua tout entier à chercher les moïens<br />

d'entretenir le pays dans 'un foulèvement contmuel.<br />

Son premier foin fut de créer, aunom de l'Empereur, ks<br />

cinq Chefs dés Rébelles, qui étoient GAVAN DE ROSSI, CAMB-<br />

RiN DE BARLAS, ALME'RIC DE BEZAN, GUILLAUME RIVET, 6C<br />

HUGUES GIBLET , Gouverneurs du Roïaume ; Sc, foit pour<br />

n'en mécontenter aucun, ou qu'fl crût que c'étoit le véritable<br />

moïen de parvenir plus facilement à l'entière deftrudion de cet<br />

Etatjil leur attribua une égale autorité; perfuadé que cette pluralité ^" «'«i<br />

de Chefs, ne manqueroit pas d'y entretenir le trouble, Se la confu- Rébeiie"<br />

fîon. U partit, enfm, fatisfàit des richeffes, qu'il attrapa, leur laiffant ^^w"^"<br />

k meilleure partie de fes Troupes, fous le commandement du gens de<br />

Comte ETIENNE , auquel îl ordonna de mettre tout en ufege pour ^ **<br />

fe rendre maître des deux Fortereffes, qui reftoient encore attachées<br />

au Roi; Seil affura les nouveaux Gouverneurs, "qu'fl<br />

" ne manqueroit pas de faire valoir leur zèle auprès de fEm- . ,^<br />

Zzz » " pereur,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />


54.6 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />

" pereur, 6c qu'il folUciteroit ce Monarque à leur envoïer efc<br />

" nouveaux renforts, pour fe foutenir dans le gouvernement,<br />

" qu'il leur laiffoit en- fon nom.<br />

FELINGHER ne fut pas plutôt parti, que les Régens, qui<br />

fouhaitoient, avec paffion, de devenir maîtres des deux Châteaux,<br />

afin de fatisfake à la haine, qu'fls portoient à diverfes FamiUes<br />

nobles, qui s'y étoient retirées, obligèrent d'abord les Payfans<br />

à prendre les armes, pour leur aider à les réduire, particulièrement<br />

celui de Dieu d'Amour y qu'ils vouloient affiéger le premier.<br />

Les affaires de Cfsypre fe trouvoient dans ce trifte, 5c déplorable<br />

état, lorsque le Roi en fut informé; deforte qu'fl n'eft<br />

pas furprenant, fi ce jeune Prince en fut d'abord frappé, 5e fî<br />

le Seigneur de Baruth reconnut, mais trop tard, qu'fl n'avoit<br />

point affez fait d'attention àla conduite, ni à la démarche<br />

des mécontens, lorsqu'ils avoient déferté. C'eft pourquoi, réfolu<br />

de réparer cette faute, il s'apUqua extraordinairement aux<br />

préparatifs néceffaires pour rétablir la tranquiUté du Roïaume,<br />

6e pour punir k félonie des RébeUes, qui favoient fî fouvent<br />

troublé.<br />

Article//. U frctta d'abord plufîeurs Vaiffeaux, 5c autres Bâtimens Fénitiens<br />

y Se Génois y qui fe trouvoient dans le port de Ptolonu&<br />

àcy lesquels, joints à ceux de Chypre y compofèrent une Flotte<br />

affez confidérable. Les dépenfes extraordinaires, qu'il failoit<br />

faire pour lever de nouveUes Troupes, 6e pour tout le refte de<br />

cette expédition, contraignirent le Roi à faire de nouveaux<br />

emprunts; Et, afin que les Impériaux de Paleftine ne puffent<br />

fecourir ceux de Chypre y le Seigneur de Baruth s'empara de<br />

plufieurs de leurs Bâtimens, qui étoient reftes dans le port de<br />

Twy presque dégarnis d'équipages; ce qui fit bien augurer au<br />

u^atti Roi du fuccès de fon entreprife.<br />

chyp're' En effet, fl partit, Se fon bon droit fut accompagné d'un<br />

fortifié con- grand bonheur; Car, fitôt qu'fl fut à la vue de Famagmfte y fl<br />

*beuef.


5E JE'RUSALEM. Liv. X. CH.VL ^4,7<br />

fa venue. U les trouva non feulement bien difpofes à le recevok<br />

avec tout k refped, 6c Pobéïffance, qu'fls lui dévoient,<br />

mais encore à prendre les armes pour chaffer les Ennemis communs<br />

du Roïaume. Us n'étoient cependant point en état d'effeduër<br />

leurs bannes intentions, par la précaution qu'avoknt<br />

eue les Régens d'envoïer à Famagoufte une groffe bande d Allemands<br />

y avec tous les Bâtimens du pays, dont ils s'étoient<br />

faifis, pour garder k port de cette Vifle, 6e s'oppofer au débarquement<br />

des gens du Roi, dont ils foupçonnoient farrivée.<br />

L'avis de leur prévoïance, Se la bonne difpofîtion des Habitans<br />

, fit que le Seigneur de Baruth ne jugea point à propos<br />

de tenter aucune defcente, pendant le jour; perfuadé quek<br />

nuit lui feroit plus favorable. Il détacha plufîeurs Compagnies<br />

fous le commandement de BALIAN , fon Fils, 6c d'ANZiAN DE<br />

BRIES , qui abordèrent à VOccident de la Ville. Us entrèrent dans<br />

les jardins, où fls mirent le feu, Se donnèrent Palkrme à tout<br />

k quartier, afin d'y attirer les Allemands y qui ne manquèrent<br />

pas d'y acourir. Alors, profitant de leur mouvement, il s'avança<br />

lui ntême avec les Galères, 6c plufieurs autres Bâtimens,<br />

vers le port, encourageant fon monde à en forcer l'entrée, à<br />

quelque prix que ce fut. Ce fut dans cette occafion que le Sei^<br />

gneur de Baruth fit cette iiéroïque réponfe à un Officier, qui<br />

fut affez imprudent pour lui demander le nombre des Bâtimens<br />

ennemis, qui défendoient le port. Une s'agit point y lui dit fl,<br />

de J avoir leur nombre y mais feukment de ks affronter y gs? de<br />

ks faire périr.<br />

Bien loin de rencontrer de k réfiftance de k part des En- ^tte det<br />

nemis, leur défaite ne lui coûta presque rien; car, foit que les brûiée'daiw<br />

Equipages ne fuffent pas bien fur kurs gardes, ou qu'ils ne puf ^J^* ^«<br />

fent éviter la quantité de feux artificiels, qu'on leur jettoit de goufte.<br />

tous côtés, k feu prit à leurs Vaiffeaux, avec tant de violence,<br />

qu'ils s'embrafèrent, les unô, les autres, 6c furent, en peu<br />

de tems, presqu'entièrement confiimés..<br />

Zzz 1 Let<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Î4.8 HISTOIRE G E' N E' R AL B^<br />

Les Famagouftains y k la feveur de cet embrafement, profitèrent<br />

de la fortie des Impériaux, ouvrirent leur porte de k<br />

marine, 5c reçurent leur Souverain avec de grandes acclamations<br />

de joie, maffacrèrent même quelques partifans des Rébelles,<br />

qui fe trouvoient dans la Vflle, dbnt fls avoient foigneuf^lluf^'^'<br />

fement fermé ia porte de terre, afin que ks Allemands ne pusdu<br />

Roi dans (è^t pliis y rentrer. Ce changement de fcène les furprit fi fort,<br />

gouiie. que, fans voukir s'opiniâtrer à faire tête aux Troupes du Roi,<br />

qui avoient débarqué aux jardins, ils abandonnèrent tout, &<br />

prirent promtement la route de Nicofie y où le Seigneur de Baruth<br />

ne jugea point à propos de les pourfuivre.<br />

Article/7/. Le bruît de Pentrée du Roi dans Famagoufte fe répandît d'aan^ldu"<br />

bord daus toute Vile y Sc produifit des effets bien différens. fl<br />

•^^^' encouragea fes fidèles Sujets, qui, peu auparavant, fe trouvaient<br />

dans l'accablement, 6c dans k défolàtion, 5c abatit, au contraire,<br />

k fierté, 5c les forces des mécontens', qui perdoîenfctoiis<br />

les jours quelques-uns des'lieux, qu'fls avoient occupés.,; A l'imitation<br />

de ceux de Famagoufte y les Chypriots qui fe trouvoient<br />

dans le Château de Cant ara y égorgèrent k plupart delà gar*<br />

nifon Allemande y que les Régens y awient mife, s'affurèrent<br />

du refte , Sc envoïèrent inceffamment demander au Roi un<br />

Gouverneur, pour les conduire, 6c ks aider à retenir cette<br />

Fortereffe dans fon obéïffance.<br />

Les Habitans de Nicofie y de kur côté, commencèrent à fe<br />

mettre en mouvement, 5e obUgèrent le Comte ETIENNE , qui<br />

fe trouvoit dans la Vflk, Se qui craignoit d'être traité, comme<br />

•' '\ ceux de fe Nation l'avoknt été à Famagoufte y Se à Cantaray<br />

d'en fortir promtement. U afla fe camper, avec fes Troupes,<br />

dans une grande vaflée à deux Ueues au Nord de Nicofie y où<br />

fl fe croïoit d'autant mieux pofté, qu'fl pouvoit empêcher les<br />

fecours, qu'on enverroit au Château Dif « d''Amour y qui fe<br />

trouvoit fort affamé ; 6c recevok lui même, avec commodité,<br />

toutes les provifions, qu'fl voudroit tixex deCérims, qui étok<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. X. CILVI. SW<br />

entièrement à fa dévotion, 6c dont il avoît fait fa place d'ar­<br />

mes.<br />

Ce Général ne fut pas plutôt forti de la Ville de NicqfieyLa niie d^<br />

que les Bourgeois en fermèrent les portes, 6c prirent tous lesj^^oue^^ ,<br />

armes pour s'oppofer aux entreprffes des Régrens. Ils envoie- i?^ '^"^^^<br />

A 1 • • I, Régens,^<br />

rent, en même tems, quatre des principaux d'entre eux ypom prend les<br />

informer le Roi de la fidéUté de fa Capitale, Sc pour le fopUer^^^^'^<br />

d'y venir promtement, afin de diffiper entièrement,par fa pré- ^»'<br />

fence, le parti de fes Sujets rébeUes, 5c pour obliger de fortir de fon<br />

Roïaume ks étrangers, que ces mécontens y avoknt introduits,<br />

Sc qui avoient déjà tant fait de mal.<br />

Les gens de la Campagne, qui ne vouloient pas être les i>x^«u<br />

derniers à témoigner kur attachement, 6e la joie qu'fls avoîent^^^/Sl<br />

du retour de kur Souverain^ conduifirent avec empreffemènt, ^^"*<br />

une fi grande abondance de provifîons à fon Camp, qu'on n'y dTceûxde^<br />

reffentoit aucune des incommodités, qui accompagnent ordi- ^icoûe.<br />

nairement la guerre. Plufîeurs Perfonnes, qui, par foibleffe,<br />

ou par politique, avoient jusqu'alors foutenu le parti des Ré*<br />

belles, f abandonnèrent, Se aUèrent ouvertement fe ranger à<br />

Pobéïffance du Roi, lui offrant leurs vies, 6c leurs biens, pour<br />

punir leur révolte, 6c leur trahffon.-<br />

C H A P I T R E V IL<br />

ant dlieureufes difpofîtiôns engagèrent ce Prînce àfe ren-Article /.<br />

dre à Nicofie , où la tranquiUté fut d'abord rétabUe. ^«I^m<br />

Alors le Seigneur de Baruthy & le Baron dé NAVARRE, qui


f yo H I S T O I R E G E' N E' R AL E<br />

dant le faire, fans forcer les Allemands y qui étoient campée<br />

dans k vallée de Monadiy par où il fallait néceffairement paffer.<br />

C'eft pourquoi, fls s'arrêtèrent au Village Abbidcy d'où<br />

ils fe contentèrent de risquer quelques centaflies d'Hommes,<br />

chargés de provifîons, qui, guidés par quelques Bergers, à<br />

travers des fentiers inconnus, 6c presqu'impraticaMes, y entrèrent<br />

heureufement,<br />

Mais, comme ces petits fecours étoient trop, foibles, pour<br />

foutenir le grand nombre de,Perfbnnes, qui fe trouvoient enfermées<br />

dans cette Fortereffe, le,Seigneur de Baruth fe détermina<br />

à attaquer. les Impériaux.^ Ceux-ci, avertis de cette réfolution<br />

, 5c enfermés entre deux Montagnes., où, en leur coupant<br />

les vivres, on pouvoit ks faire périr de mifère, prirent le<br />

Camp des parti de defcendre dansia plaine, 6c d'^n venir aux mains avec<br />

«r«îtt


DE JE'RUSALEM. Lm X. CIL VII. sji<br />

Après avoir harangué, en peu'de mots, ks Chypriots y Se<br />

les avoir exhortés à fe réjouir de trouver le mdinent de fe vanger<br />

des outrages, qu'ils avoient reçus des Allemands, tant en<br />

kurs biens, qu'en leurs Famflles, qui en avoient été la plupart<br />

des honorées ; Il leur dît, " qu'il fefloit abfolument fe délivrer<br />

„ pour toujours de leur joug, 6c de la tyrannie des RébeUes<br />

„ qui les avoient introduits, 6c remettre leur Souveraki légi-r<br />

„ time dans la paifîbk poffefiQon de fes Etats.<br />

Cette courte harangue fut fuivie de grandes acclamations,<br />

qui firent comprendre au Seigneur de Baruth les effets, qu'elle<br />

avoit produit fur l'efprit des Ofiiciers, 6c des Soldats. .11 fit,<br />

fans héfiter, attaquer le premier corps des Allemands y que commandoit<br />

le Comte GAUTIER. Soit, que ce Capitaine.fût éton- BataiUe.<br />

né de Pimpétuofîté, dont il fbt invcfti ; ou que, peu fatisfàit<br />

des Régens, il ne voulut point faire la réfîftance, qu'fl auroit<br />

pu, l'adion ne fut pas plutôt commencée, qu'il Mcha le pié, 6c<br />

s'éloigna fi fort du champ de bataille, que le fecond Bataiflon<br />

demeura feul expofé à fArmée Chypriote,<br />

Cependant, malgré ce mauvais exemple, 6e la fermeté, avec Article ii.<br />

kquelle les Troupes du Roi continuoient le combat, les Alkmands<br />

donnèrent de fî grandes marques de leur courage, 6c de<br />

leur valeur, que, fans k mort du Comte BE'ROLD, quele<br />

Baron de BRIES tua de fa propre main, la Vidoire auroit été<br />

long-tems difputée ; car le Comte ETIENNE , 5c ks Régens, étant<br />

entrés dans la mêlée, le maffacre devint égal, de part 6ed'au-»<br />

tre; mais la mort du Comte BE'ROLD ralkntif l'ardeur des r .^<br />

Troupes, qu'fl commandoit,' 6cleur fit même prendre la fuke.<br />

Les autres d^à fort affoiblies ne furent plus en état de foutenir<br />

les efforts de toute Armée ennemie. U ne fut même pas poffi- f^^^l ^<br />

ble au Comte ETIENNE d'empêcher leur fuite précipitée, fens Aiiemanfavoir,<br />

fî la route qu'efles prenoient leur étoît favorabk, ou non ;<br />

de forte que, pour fe fauver, fl fut lui même contraint de k»<br />

muter. ' ^'"^<br />

• La<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


5 fs H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

La perte de la bataiUe ne termina pas la disgrâce des Alk*<br />

mands. Le Barbn d'AssuR, que k Seigneur de Baruthy fon<br />

Père, avoit, pour quelque dépkifîr, privé ce jour làdu commandement<br />

de fa brigade ; foit pour rentrer dans fes bonnes<br />

grâces, foit pour avoir part à une adion, qui alloit décider du<br />

repos de PE'tat, engagea) les Barons RAYMOND DE NASSAU,<br />

PIERRE DE MONTOLIF , ROBERT MAMMENI , ET EUDES DE<br />

FiTi^ES, à le féconder dans le projet, qu'il avoit formé. Ils<br />

allèrent fe pofter, avec une cinquantaine de Domeftiques, fur<br />

des hauteurs très-èfcarpées, qui dominoient le chemin par où<br />

les Impérkux dévoient paffer, à qudque prix que ce fût. En<br />

effet, ils roulèrent une fi grande quantité de groffes pierres fur<br />

ces'miférables fuïards, qu'fl en échapa bien peu de ceux qui<br />

prirent cette route. Les Payfans, de leur eôté,en affonunèrent<br />

un fi grand nombre, qu'ils achevèrent leur défaite. Un'y<br />

en eut guères de fauves^ que les premiers, qui avoient abandonné<br />

le combat, avant que le Seigneur d'AssuR, 5e fes Compagnons<br />

fe fuffent poftés. Ceux-là eurent le bonheur de fe retirer<br />

par des chemins détournés jufqu'au Château de Gaftriayqui<br />

appartenoit aux Templiers y mais leur fort n'en fut pas plus<br />

heureux.<br />

Artide///. Car k bruk de la Vidoire du Seigneur de i5^r«/i&, aïant ragneur<br />

mcué tout k pays à Pobéïffance du Roi, le Baron d'AssuR les<br />

pourfuit les pourfuîvît avcc UU bou Détachement, Se les atteignit auprès<br />

"^^fî/ ^^ même Château, dont les Chevaliers, qui fouhaitoient de<br />

truitentiè- s'entretcuîr dans les bonnes grâces du Roi, avoient refufé de<br />

rement. j^^j. Q^yj-jr fes portcs. U cn abandonna une partie au carnage^<br />

6c conduifît le refte, avec leur Commandant, prifonniers kM-<br />

' cofie y où ils périrent presque de tous de mifère, ou de leurs<br />

•- bleffures.<br />

AM'égard du Comte ETIENNE, plus heureux, ou mieux guidé,<br />

que les autres, fl gagna, avec les Chefs des Rébelles, la<br />

ViUe de Cérines y qui étok k feule Fortereffe, qui tenok-encoî<br />

rt<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm X. CH. vn. y^y<br />

'rc pour eux. Les petits corps, qu'ils avoîent laiffés aux avenues<br />

du Chitezu Dieu d^ amour y les abandonnèrent, fîtôt qu'ils apprirent<br />

la défaite de leurs compagnons, Se eurent auffi le bonheur<br />

de fe retirer à Cérines y où la garnffon, confternéê dun<br />

changement de fortune fî fubit, 6c k Comte ETIENNE lui<br />

même, ne fechant quel parti prendre, avec le peu de forces,<br />

qui lui reftoit, dans un pays , qui lui étoit devenu entièrement<br />

ennemi, 6c d'où même il ne pouvoit fortir, fans courir<br />

un grand'rffque, ne fongea à propofer aucun accommodement.<br />

Les RébeUes, de leur côté, commencèrent à trerîMer pour Pumtim<br />

leurs vies, avec d'autant plus de raifon, qu'ils aprirent, que le %beikf!"<br />

• Baron de NAVARRE avoit fait exécuter trois de leurs adhérens,<br />

qui s'étoient trouvés parmi les prifonniers de Gqftria ; ce qui<br />

leur fit comprendre, qu'ils n'avoient aucun pardon à efpérer,<br />

's'fls avoîent k malheur de tomber entre les mains des gens du<br />

Roi.<br />

Ces triftes réflexions les firent réfoudre à emploïer tout ce<br />

qui leur reftoit, pour fe procurer quelque Bâtiment, 6c s'embaitjuer<br />

avec le Comte ETIENNE , qui ne vouloît plus écouter<br />

aucune dc klirs propofitions ; mais n'y pouvant réuffir, comme'<br />

fls le defiroient, fls le firent enfin confentk à leur laiffer le<br />

peu de Troupes, qui leur reftoient, fous le commandement<br />

de GAUTIER D'AQUAVIVA, Napolitain; 6c, moïenant quelque ^f^j*"J^"<br />

fomme, qu'fls lui donnèrent, fl paffa en Caramanie y d'où il ^^^f cours.<br />

leur promit d'envoïer quelque fecours. • •<br />

• - U leur tint, en effet, parole; ôc, quoique lé-fecours qu'il'^''


5?4 H I S T O I R E G E'N E'R AL E<br />

x.,v céder le revenu des douanes du pays, 6c de leur accorder plu-"<br />

Grandes ç excmtions touchant le commerce, que ces Nations faiprêtées<br />

au foient dans fes Etats, aimant beaucoup mieux facrifier fon pro-i<br />

Roi<br />

^"^iftTens! pre domaine, que de furcharger fes Sujets de nouveaux knpôts.<br />

Vén<br />

^ lesGé<br />

sois.<br />

jR®®^. At©©)2. AîOtWj. .k^i'f'vJ.^ AOftJ^ JtOS^i; jîôÇji.^OftJfealflÇJj.AtOjïJiivVli^<br />

CHAPITRE VIII.<br />

Article/. T a Nobkffè de Paleftine, qui avoit vécu fort paUiUeipeût<br />

mands -*-*' dcpuîs k L^^tiou du Patriarche dAntioche y ne pou-<br />

•bi^Jfde vaut plus fouffrir les infolences des Impériaux, commença ende<br />

Ptolo- fin à remuer. Le Comte de Jaffa y de la Maifon d'iBELiN^ qui<br />

xyi avoit beaucoup d'autorité à i'/o/, grand Ami de FRE'DE'RIC; mais ce Prince refufa<br />

de fe mêler dans une affaire, qui auroît pu lui en attker de<br />

plus ^cheufes.- _<br />

tisUaVx- ,Le désordre des Allemands de Ptolomaide\ Se l'extrémité,<br />

Cérines où fe trouvoit réduît le Gouverneur de Cérines, qui n'en pou-<br />

'pi^elu ^^^^ P^^^ efpérer aucun fecours, l'obligea à capituler, lors que<br />

Roi, 6? ^ k Roi, 5e-le Seigneur de Baruthy s'y attendoient le moins.<br />

capitulent. Cependant, quoiqu'ils n'ignoraffent pas long-tems le^ujet, qui<br />

favoit obligé à leur demander la paix, foît qu'ils ne jugeaffent<br />

point à propos de pouffer à bout des gens, doiît ils avoient déjà<br />

tant éprouvé le courage, 6c l'opiniâtreté, ou qu'ils fiflfent<br />

fatigués de la ^offe dét^enfe,* Se de la perte, qu'ils avoient<br />

faite de leurs meifleurs Soldats, ils reçurent favorablement leur<br />

i.-^p :•• -. ~ pro-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ÔI JE'RUSALEM. Lïf.X ÇH.VItt f^f<br />

propofîtion ; 6c Paccord en fut conclu par l'entremife des Chevaliers<br />

du Tempky 6c des Barons de GIBLET,5c de NAVARRE,<br />

aux conditions fuivantes : favoir ;<br />

I. „ Que PHILIPPE GE'NARD, Gouverneur de Cérines pour<br />

„ PEmpereur, 6e GAUIIER D'AQUAVIVA, Commandant de fes<br />

„ Troupes, remettraient au Roi cette Place , dans fétat où<br />

„ elle fe trouvoit, avec toutes les armes, Sc les munitions.<br />

II. „ Que les prifonniers feroient fidèlement rendus, de part,<br />

„ 5c d'autre.<br />

III. „ Que le Roi leur fourniroit des Bâtimens à fes fraix,<br />

„ pour transporter à Tyr toute la garnifon, avec fon bagage,<br />

Lcs Chypriots révoltés furent exclus de ce Traité. Le Roî,<br />

confeiUé par le Seigneur de Baruth, ne voulut jamais leur accorder<br />

aucune grâce, malgré les grandes inftances, que lui en<br />

firent les Baroj^s GE'NARD , 5e AQUAVIVA. Voilà de quelle manière<br />

le Roïaume de Chypre fut enfm déUvré des calamités,<br />

qu'il avoit fouffertes, par la fdonie de fes propres Habitans,<br />

6c par k cupidité des Allemands y dont le nom y demeura pour<br />

toujours odieux à tous les Peuples, même à ceux, qui les y<br />

avoiept introduits.<br />

Après leur départ, le Roi congédia les Vaiffeaux, 6e les Artide//.<br />

Troupes étrangères, qui lui étoient fî fort à charge. U avoit chypî?<br />

reconnu par'expérience, combien il lui importok deln'emploïer ^ff'^f" ^'*<br />

que des Sujets fidèles dans fes affaires, fur tout pour le Gou- ment de fes<br />

vernement de fes Places. U commença par donner celui de favfurdT<br />

Cérines, qui étoit le plus confidérable, à BAUDOUIN DE BRIES , fff %'^^<br />

tant par raport à fon mérite perfonnel*, qu'en confidération affidés.<br />

d'ANRiAN, fon Frère, qui avoit été tué peadant ce Siège. U<br />

chargea, en même tems, cet Officier d'en faire téparer les fortifications.<br />

Le premier foin de ce Prince, revenu k Nicofie y fut de r^<br />

tabUr k Confefl fupérieur. Se les autres Tribunaux, qu'il-remplit<br />

de Perfonnes capabks. Se véritablement attadiées à fes in-<br />

Aa aa 2 térêts.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^Ïï6 HISTOIRE G E* N E' R A L E<br />

iiritahHt térêts, 6c au bien général dc f E'tat. Il remit dans fon premier<br />

dre'^ëfa- ordrc k police, qui avok été entièrement négligée, pendant les<br />

verifeie troubks du Roïaumc. u accorda beaucoup de fi^anchifeg,'62<br />

mmerce. ^ij^j^^^j^^^^g^ aux Négotiaus ; perfiiadé quele commerce étoit<br />

k plus fur moïen d'attirer des richeffes dans fes E tats. fl récompenfa<br />

largement, même au-delà de fes forces, les Officiers, qui<br />

s'étaient diftingués au Siège de C^r/«^j.U étabUt plufieurs étrangers<br />

de toutes fortes de conditions, qu'il avoit amenés de Pa-'<br />

leftine, Sc qui défîroient de refter en Chypre, Se leur diftribua<br />

tous les biens des Rébelles, qui avoient été confifqués, 5c dont<br />

fl n'avoit point voulu difpofer jusqu'alors.<br />

Article JJ/. Pendant que cc Prince était occupé à remettre en bon ordre<br />

ifcf AÎIC- ^^^ affaires de fon Roïaume, les Chevaliers de VHopital, Se du<br />

mands à Tcmpléy for les preffantes Lettres, qu'fls avoient reçues du Pa-<br />

•iHa^de. pe, ' travaiUoient à appaifer le nou vau foulèven^nt des Peuplés<br />

de Paleftine contre les gens de PEmpereur; 6c, felon l'intention<br />

du St. Pèrey ils fe difpofoient à les fecourir, au cas que<br />

le Comte de Rama, 5c les Habitans de Ptolomaïde entrepriffent<br />

de les inquiéter à Tyr y comme fls k craignoient; 5c qu'ils ne<br />

fe rendiffent point a leurs foflicitations. Comme la puflTancé<br />

^, de ces deux Ordres prévaloit à celle de tous les Habitans de la<br />

Terre-Sainte y la Nobleffe, 5c k Peuple acceptèrent d'abord<br />

leur médiation, 5e reçurent de nouveau les Allemands dans<br />

Ptolomaïde y où k tranquiUté fut encore rétablie, 5c maintenue<br />

par ces deuxvîReligions, qui, en effet, gouvernoient les débris'<br />

du Roïaume de Jérufakmy en véritables fouverains; car, malgré<br />

la préfénce de RAINAUD DE BAVIÈRE, c'étoit eux<br />

qui di^ofoient des charges, Se des emplois; publics, 6c qui<br />

donnoient la loi, tant aux étrangers, qu'aux gens du pays.<br />

L'empreffement, avec lequel le Pape foûtenoit les intérêti<br />

de FRE'DE'RIC en Paleftine y fait bien voir, que ks Pontifes ne<br />

fe portèrent à aucune extrémité contre lui, que lors que ce Prince<br />

fe départit entièrement du refped 6c de la révérence", que<br />

< tous<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JEJ'RUbALEM. L1Y.X Cu; VIIL Ji jyy<br />

tous'les Chrétiens doivent avoir pour le Vicaire de Jefus-Chrifti .<br />

C'eft pourquoi le Continuateur de la Guerre Sainte y 5c l'Au- ><br />

teur du Livre intitulé , Militaris Ordinis Jmitarum , n'ont Î"» f^t ^<br />

pas eu raifou de vouloir le juftifier, en attribuant fes excès, Seji^J^<br />

la longue perfécution, qu'fl a faite en divers tems contre l'Égli-^'^^^f^^*<br />

fe, à la rigueur des Papes, pour l^quels fa conduite â toujours<br />

jEait connoître qu'fl.n'avoit de confidération, qu'autant que fes<br />

intérêts le demandaient, puisque le terme de la Trêve, qu''fl<br />

avoit établie avec les Sarrafins y ét^t fur le point d'expirer, 5c<br />

que d'aflleurs, de tems-^à-autre, les Peuple* de Pakftine^ fe foule<br />

voient contre fes Officiers, 5c ch»çhoient à fe ^uftrâire à<br />

fon obéïffance, fl la prolongea encore, pour dix ans, avec les<br />

Infidèles y contre le fentiment, 6e l'inclination de GRE'GOIRE,<br />

malgré les grands fervices, qu'fl venoit dc lui rendre i 5e quoique<br />

les troubks d'//


Îî8 HISTOIRE GÏN. DE JFRUS. LIV.X.Cft.Vm.<br />

Difi„^ nement, avec lequel les Hojpitaliers, Sc les Templiers, qui demtreies<br />

voîcnt être les plus fermes foutiens de k Terre-Sainte, cherdeux<br />

Or- . ^ t, • i « / ^ - i<br />

drcsMiii- choient à fe detrrare entre eux, pour des intérêts de peu d'imwJnîL^f^portance;<br />

que les Seigneurs du pays ne vivoient pas dans une<br />

tre les Sei- meiUeurc harmonie ; & que, d'aiUeurs, la guerre contre les,<br />

Spaiiemi Infidèks étoit beaucoup plus utfle aux Chrétiens, que la paix,<br />

"^* puisque le repos. Se làtanquflité ne faifoit, que ks animer, k<br />

îe faire la guerre^ les uns contre les autres.<br />

Car ks Chevaliers de VHopitaly Se du Tempky après avok<br />

agi de concert, 6e de bonne intefligence, pour appâifè^les Peu-<br />

, 'pks de la Paleftine , Se les faine rentrer dans leur devotf^ revefllêrent<br />

d'abord leur* ancienne difcorde, 6G cette jalouÉfe invétérée,<br />

qui les avoit toujours *agités, 6c que k mifère des tems,<br />

ni aucune autre confidération n'avoît pu diffiper. Ce qui-y donna<br />

lieu étoit bien peu dediofe. Il ne s'agiffoit que de la joui^ance<br />

de certains mouUns, pour lesquels ils avoient déjà eu pro<br />

Guerre ou- cès. ' Us ne kifïèrcnt Cependant pas d'en venir aune guerre ou-<br />

?//Hofpi- verte, même fi cruelle, 5c fi fanglante, que, fans l'autorité du<br />

fcjTem-^^^P®' 6c l'entremife des Ahhés du St. Sépulcre y Se de St. Sapiiers.<br />

muel de Ptolomaïde, ces deux Religions fe feroient entièrement<br />

détruites.<br />

Peu de tems apifes. Une fallut rien moins que l'autorité de<br />

l'Archevêque de Ravenne y Légat du St. Siège y les bons offices,<br />

k crédit, 5c la dextérité de l'Archevêque de Tyr y Se de PEvêque<br />

de Faloniey pour appaifer k quercfle,qui étoitfurvenue entre<br />

les Hofipitaliers y le Prince d'Antioche y 6e'k Comte de Tripoliy<br />

au fujet du Cliâteau de Maraclée, que les uns, 5eles autres<br />

prétendoient leur appartenir, 6c qui auroît eu des fuites<br />

auffi fàcheufes, Sc auffi funeftes, que Pavoit eu peu auparavant<br />

cefle des Ordres MiUtaires.<br />

HISTOI-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R"O Ï A° U M E S<br />

DE<br />

CHYPRE. DE JÉRUSALBM,<br />

^i! ' -^i<br />

D'aÉ G^Y^P T E.<br />

L I r R Ë XI<br />

C H A P I T R E PR E M ÎER.<br />

^-^>^^ Lix, Reine de Obyprf, qui avoit paffé en Francey j^^^^^ ><br />

«l*


S6o H I S T O I R E G E' N E' R* A L E<br />

à Méluny en 1206. où le Roi PHILIPPE-AUGUSTE tenok alors<br />

fon lit de juftice. Ces Pairs, à la folUcitation de Louïs de<br />

France y Ffls aîné de ce Monarque, décidèrent en faveur du<br />

Comte, avec lequel cette Princeffe s'accommoda enfm, 5c termina<br />

cette importante-affaire , moïennant une groffe fomme<br />

d'argent. Se une penfion annuelle. EUe contrada enfuite un<br />

Af«a//irtn- troifième mariage avec RAOUL DE SOISSONS , 6c s'en retourv^ife<br />

con- na CU Chypre ; Mais Elle n'y trouva plus les mêmes agrémens,<br />

iStiixi^ caufe dc cette AlUance, qui ne convenoît, ni à foQ^âge, ni<br />

•à fa dignité. La Cour blâma fi fort cette adion, qu'oubUant cn-<br />

. tferement le fouvenir du mérite,qu'eUe s'étoit acquife, durant<br />

les premières années de fon veuvage, 6e de fa Régence, on n'avoit<br />

plus aucune confidération pour Elle. • ^ ,<br />

Cette Princeffe fût 'fi indignée de ce rfiépris^ qu'elk quitti<br />

kCour, 5e fè retiraJ)rufquèmèftt à la campagne; mais foabx*<br />

meur hautaine, 6cambiticufe, ne lui permettant point! de s'accommoder<br />

dc cette*vk privée, malgrék licence, avec kquôUe,<br />

, elle y paffoit fon tems, jufqu'àfcandafifer tous les gens du lieu,<br />

Se les étrângiÉs., qui alloient? la vifiter, cUe ne tarda^pas à prendre<br />

des mefures pour fc remettre à la tête des aflfaires de<br />

PE'tat. . ;[ M' q V<br />

Ses intrigues allarmèrelot d'autant plus le Roi,'5c k Seigneur<br />

Baruthy qu'flsia connoiffofent capable de tout entreprendre,<br />

pour parvenir à fes fins. Ils n'ignoroient pas en même tems,<br />

qu'à y avoit encore ^juelquc levain de mutinerie dans les Famflles<br />

intérefl^s^à la ruflie, 6c à Pexfl des Rébelks; 5c que ces<br />

Perfounes; n'auroient pas manqué -^e, fçipondeî fes deffeins, &<br />

d'embraffer avidement une nouvelle occafion de tumulte, afin<br />

de fe dédommager du tort, qu'ils prétendoient qu'on avoit fait<br />

à leurs Parens. - > /- ., \. • ^<br />

&yM««-- Pourrprévenir les. fuîtes fachci^s., qu'auroit pu caufer le<br />

&.{nV* ^mécontentement-de cette PrineejQfe, ,6c l'éloigner de ^Chyprey<br />

ifjérufaï ^jyçc quelque apparence "de* raffon , 6c de' bienféance, on lui '<br />

"' fit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


î)! JE'RUSALEM. Uv.XI. OÎ, I. . i6i<br />

fit adroitement irifpkerks juftes Droks, qu'efle pouvoit prétendre<br />

fur le Roïaume de Jérufakmy dont les loix fondamentales<br />

excluoient de la fucceffion les Souverains, qui ne fe rendoient<br />

pas for les lieux, pour cn prendre finveftiture, 6c en<br />

donnoient, au contrake, le gouvernement au plus proche Parent<br />

, qui fe préfèntoit pour la recevoir.<br />

L^adreffe des Perfonnes, que la Cour emploïa pour perfuader<br />

la Reine , qu'eUe parviendroit immancabkment à cette<br />

Souveraineté, fit fur fon efprit tout feffet, qu'on pouvoit en<br />

défirer. Cette efperance flattoit trop fon inclkiation de dominer<br />

, pour ne pas mettre en ufage tout ce qui pouvoit f y faire<br />

parvenir. Dans cctte impatience, eUe en parla au Roi, fon<br />

Ffls. EUe lui demanda faffiftance, qui lui étoit néceffaire, pour<br />

paffer en Pakftine, 6c pour fe mettre en état de foutenir fes<br />

droits. C'eft dc cette manière que ce Prince trouva le moïen<br />

dc fe déUvrer de k Reme, fa Mère, 6c de l'éloigner d'auprès de<br />

lui, avec autant d'honneur pour lui, que de fatisfàdion pour<br />

eUe. U fit promtement équiper divers Bâtimens pour fon paf Sm départ<br />

fage, la fit accompagner avec d'autant plus de pompe, 6c de £i?.<br />

magnificence, que fes Etats fe trouvoient entièrement rétablis<br />

des mifères paffées, 6cmême plus opulens, par faccroiffement<br />

des Peuples", 6c par l'augmentation du commerce. Il étoit<br />

devenu fi floriffant, que les Bâtimens du pays ne pouvoient<br />

plus fuffire, pour le tranfport des marchandifes dans les pays<br />

étrangers. G'eft pourquoi le Roi accorda à fes Sujets, de couper,<br />

dans fes forêts, tout le bois, qui kur feroit néceffaire pour<br />

en conftruire ; cc qui ne contribua pas peu à remplir fes<br />

coffres. . ^ . Article //.<br />

Cette opulence lui donna le moïen d'acquiter les dettes,^j|^"<br />

qu'fl avoit contradées en Pakftinéy Se dégager les douanes, qu'il ww dnjew<br />

ne Roi de<br />

re,<br />

avoit remifes aux Fénitiens, Se aux Génois. Tant d'aifance clyp<br />

l'invita auffi à augmenter le nombre des Chevaliers, que le Roi'*'^*"^"<br />

GUI, fun des fes Prédéceffeurs, avoit établis, afin d'engager les Perr merce.<br />

Bb bb fonnes,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


t62 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

fonnes, qu'fl honorok de cette dignké, à le fervk avec !zèlé,^<br />

6c fidélité, dans les occafions.<br />

La confolation, que reffentok le Seigneur de Baruth y de toutes<br />

ces profpérités, d'avoir eu k deffus dans tous ks contre^<br />

tems, qui étoient furvenus pendant fa Régence, 6c enfin d'avoir<br />

mis fon Pupile en état de gouverner fon Roïaume par<br />

lui-même, le fit • déterminer à paffer cn Pakfiine y pour aller<br />

mettre ordre à fes affaires domeftiques, qui avoient grand befoin<br />

dc fa prefence, par le dérangement, que les Impériaux y<br />

avoient caufé, particuUèrement k Vflk de Baruth, dont les<br />

flammes avoient confumé la meflkure partie. Le Roi, qui<br />

eftimoit infiniment une Perfonhe, qui lui avoit tenu Ueu de<br />

Père , voulant lui témoigner fa réconnoiflance, 5c combifen<br />

fa féparation lui était fenfible, lui donna toutes "les marquèB<br />

poffibks dc fon affedion, Se voulut Paccompagnèr avecltoute<br />

fa Cour, ]ufqu\ Famagoufte y où fl s'embarqua. '<br />

^^ - Là Reine ALIX, de fon côté, avoit déjà fait plufieurs intiensdeia<br />

ftauccs aux Batous du Roïaumc de Jérufalem , Se aux Orch^re/wrdres<br />

Militaires, pour être inftallée dans le gouvernementHe<br />

Térùfaiem p£'tat, qu'cflc prétcudoît luîappartenir, avec d'autant plusde<br />

juftice, que k Prince CONRAD'n'étoit jamais venu cn prendre<br />

poffeffion, ni recevoir f hommage des Peuples. C'était à elle,<br />

en effet, comme Fflle, 6c légitime Héritière de la Reine ISA­<br />

BELLE, qtfappartenoit cette Couronne. Cependaî^, quoique<br />

chacun reconnût fon bon droit, toutes fes foUicitations, 5e fes<br />

remontrances furent inutflesl Les Barons ,> 6s les Ordres Mi­<br />

Utaires lui répondirent, " qu'ils n'avoient point affez de pou-<br />

„ voir, pour décider une affaire fi importante, d'autant pks<br />

„ que le Patriarche, qui étoit un des principaux Membres de<br />

5, PE'tat, fe trouvoit en .E«^o/>^; Que, d'ailleurs, Pengagement,<br />

„ qu'fls avoient pris, en reconnoiffant fEmpereur, pour leur<br />

3, Koi, Sc par confequent le Prince CONRAD, fon Fils, Sel^<br />

5, gitime Héritier du Roïaume de Jérufakmy ne kur perniettoit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D'E JKRUSALEM. vL|V.Xt. ÇH.L . ^ ^6^<br />

'^ toit pohit dcpipndre d'autce parti; Qifauffi, ils étoient rc-<br />

„ folus de l'attendre encore un an; après quoi,fi ce Prince ne<br />

„ venoit point, ils prendroient favk du,Pontffe, cejuidu Pa-<br />

,3 triarche, 6c de tous les Ord^'es du Roïaume ; Et qu'fls fépon-<br />

„ droient alors favorablement à fes demandes,<br />

r U eft néanmoins fur,., que ce n'étoit point pour confdter les<br />

abfens, ni par fcrupule de kur engagement gpvcrs fEmpereur,<br />

qu'Us ne vouloient point recoiinokre cette Princeffe. Ils fer<br />

voient tous , qu'un Etat auiji délabré, Se auffi expofé aux<br />

invafions des Infidèks y avoît plus befoin dW Guerrier, que du<br />

gouvernement d'une Femme. Je raporte ce fak, comme je l'ai<br />

trouvé dans les Auteurs les plus approuvés; quoique LORE­<br />

DAN prétende, que k Reine ALIX fût non feulement admife au<br />

gouvernement des affaires d&^ Jérufalem, mais encore qu'elle<br />

gouvernât cet Etat, pendant qudques années ; qu'elk en cjiaffât<br />

même les Impériaux, qui avoient voulu s'y oppofer; 5c enfin<br />

qu'eUc y gouvernoit encore, lorfque THIBAUT , Roi de Navarre<br />

y fon Coufin, arriva en Paleftine y à k tête de cette fameufe<br />

Armée de Croifés y qui s'étoient ajfemblés de toutes les Provinces<br />

d'£i!


J6+ H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Mort fii. velle, qu'fl en mourut, peu de jours après dans la Maffon des<br />

2|«f2r Chevaliers du Tempky où fl fut tranfporté. Ce fut une perte<br />

«


DE JE'RUSALEM. Liv. XI. CH.1 y5j<br />

bleffe de France y de Navarre y Se de Bretagne y qui tous dé- t^«n>eïïe<br />

férèrent unanimement le fouverain Commandement au Roi de v^nJiKih<br />

Navarre. /**<br />

Leur Armée étok très-nombreufe, n'étant'guèro^ moins forte,<br />

ni moins bien pourvue , que ceUes que ks plus grands<br />

Princes de la Chrétienté avoient conduites contre les Ir^dèles'^<br />

ce qui faifoit d'autant plus de plaifir au St. Père y qu'il étoit<br />

perfuadé, que le repos, dont jouïffoient alors les Chrétiens de<br />

la Pakfiine y ne pto^enoit que des guerres inteftines, dans losif.^quçUes<br />

les Barbares étoient plongés entre eux, 6c point 3u<br />

tout de la bonne intention qu'fls euffent d'obferver la Trève ;<br />

Mais malheureufement, 6c par une fataUtè incom^tji^ëÉffibk,<br />

cette Croffade n'eut pas un plus heureux fuccès, que toutes les<br />

premières, par les contretems qui y furvinrent, mêae avant<br />

que les Croifés fe miffent en chemin. Malheur, quelle Pape,<br />

non plus que les autres Princes, n'avoient pu prévoir.<br />

Car les Empereurs Latins deQ^antinopkziznt toujours été £^''<br />

en guerre contre les Grecs y & contre les Bulgares y fe trou-''£»»?»«<br />

voient teUement affoibUs par les pertes, qu'ils avoient feites cSa^<br />

dans les diverfes adions, qui s'étoient pajDKes, que, quoiqu^a-'^"^P**près<br />

la mort de ROBERT DE COURTENAI, les Seigneurs JRrii»fôis<br />

euffent appeflé le Roi JEAN DB BRJENNE, pour gouverner<br />

l'Empire, durant la mmorité de BAtJDOuiN II. 5c que ce grand<br />

Capitaine eût, en quelque manière, rétabU les affakes,fesibrces<br />

étoient fi médiççw, que, malgré fa conduite, 6e fa valeur,<br />

fl lui étoit knpoffibk de réfifter aux puiffans Ennemisj<br />

qu'fl avoit fur les bras. . •<br />

Bb bb 3 CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


J,6* H r s T o I R E G E' N E' R A L E<br />

G H A P IT? R E II.<br />

Article/. T^ans cette extrémité, flfit paffer k^Rome BAtmoéiN, foa<br />

JL/ Gendre,'pour informer lef^apc, 5c les autres Puiffances<br />

d Europe y du danger, où étoit l'Empiit de retomber au pouvoir<br />

des Grecs y à moins qu'ils ne lui envoïaffent un promt, &<br />

puiffant fecours. *^ j<br />

.<br />

Le St, Père y attendri à k.mic dei ce jeune Princ^ 6c touché<br />

des remontrances de fon^Bère, qu'fl voïoit à la veflle d'être<br />

dépoufllé de l'Empire, Paffura.de l'affifter, non feulement de<br />

feit propres Forces, 5c de folUciter les Puiffances Cbrétienné^ï<br />

smurs ^^ faire autant; mais encore dc faire enforte que PArmée des<br />

promspar CtoiféSy j^Xii fe prépaTOÎt à partir pour hPaleftiney changeai fon<br />

i'Empergur vpïâgc, & s'cmpiçïât toutc entière à fon affermiffement, k à<br />

deCom^ réparer les pertes, qu'fl avoit faites. U l'exécuta effedivcBïcnt;<br />

tmtinopie-<br />

\, défortfe qu'une grande partie des Croifés y foit pour faire plaifir<br />

au Pontffe, fok qu'fls cruffent là guerre'de Grèce moins dan-<br />

Cefecours gcreufe, quc Celle jà&Pàl0iney s^'attachèrent à BAUDOUIN, 5C<br />

'"'"'''' affbiblirent confidâ^bkSent l^rm^.^ ^•<br />

Article//. La difcè'rde, 5c mêpe la guerre^'dans laquelle touteVltalk<br />

prit part, fe renouvefla alors entre le Pape, jSc fEm^eur, au<br />

croifadÈ fiijet du Roïaume de Saré&ffié. F R E'D ER I c, malgré les droits<br />

'Si^^î ^^ ^^- ^^^iJ^-i e^ avokinVefti ÊNTius, fon Fils naturel:' U avok<br />

vavagjtii- même fait foukver tous les Barons Tîow/ïmj contré k Pontife,<br />

qui ne pu0|rentrer dans Riome, que par; Paffedibn particulière,<br />

, 6c la dextérité de JAQUES CAFUCCIO, qui eut affez de crédit<br />

pour appaifer. la colère du Peupk; nx^ le St. Père, pour s'y<br />

maintenir, fut obligé de pubUer une nouveUe Croifade coi^e<br />

FRE'DE'RIC, qui venait, avec une puiffante ArÉiée, attaquer<br />

ri^tat-Mcléfiaftique, Ce fut-là k féconde caufe de f affoibliffement<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Dt J E'R tr s AL E M. Lm Xï. CH. Tl, if6f<br />

ment de ceUe qui étoit deftinée pour la Terre-Sainte, Quantké<br />

de Croifés crurent d'avoir fuffifàmment accompU leur vœu, en<br />

prenant parti au fervice du St. Siège, Plufieurs autres, plus<br />

dévots, qui vouliirent,de bonne foi, terminer leur pderinage,<br />

furent obUgés de demeurer, faute de pouvoir s'embarquer. Les<br />

Fénitiens s'étoient engagés à porter ks Troupes, deftinées<br />

pour Coriftantinopk; Se les Génois y qui foutcncûeiifc le Pape,<br />

avoient befoin de toute leur Flatte, pour faire tête à ccUe d€s<br />

Pifans y qui favorifoient FRE'DE'RIC. •^^>. .-<br />

Tous,ces contretems obUgèrent le plus grand nombre dâs^'j/^'J^^<br />

Croifés fcrupuleux à prendre la route de tcrr^, qui ne leur futauxCroîpas<br />

moins funefte, qu'à ceux des Croifades précédentes. La plu-o/L^"'<br />

part périrent de faim, 6c de milèrcrde forte que leur entreprife «'^^*^eftir<br />

fut entièrement inutile aux Chrétiens de k Pakftine;^ puifque '1239.<br />

k petit nombre de ceux qui eurent k bonheur d'y parvenir,<br />

étoient exténués," Se fi foibles,"qu'fls fe trouvèrent hors d'état<br />

dc rendre aucun fervice. LeRoi de Navarre y avec quelques . r<br />

Seigneurs, Se nombre dc troupes, qui s'étoient embarquées à<br />

Marfeilky Se à AiguemorlCy furent les feuls, qui y arrivèrent<br />

heureufement. **•<br />

Ce renfort, quoique médiocre, en comparaifon de k grande<br />

Armée, qu'on avoit efpérée,fit un^ extrême plaifîr aux Habitans<br />

de PtohmaïdCy 6e aux ChevaUers du Tempky lesquds, à l'instigation<br />

du Seigneur d'iBELiNf ne vivoient pas en fort'bonne<br />

intelligence avec les Officiers de P&î^ereur, dont fls ef^roient<br />

de fecouër entièrement k fujettion. Auffi, cette mésintelU--^'^««f


i6S H l s T o I R E G E' N E' R A L E<br />

Nouvelle pflkr, 6c ravager indifféremment tout le pkt-pays de la dépenvéTpart<br />

dance du Roi de Dama% Sc du Soudan dEgypte, Ce dernier,<br />

s^dan informé du débarquem^tit d'une nouvelle Armée dc Chrétiens<br />

contre les CU Pakftine y 6c ne doutant pas que, malgré la TrèveVeUe ne<br />

Chrétiens.^^j. ygnug pour iàîrè k guerre à ceux de fa croïance,auffi bien,<br />

qu'à lui même, outre fArmée, qu'fl tenoit en campagne, contre<br />

le Soudan d& Damas y eri leva promtement une autre, qu'fl<br />

envoïa au Gouverneur de Gaza y pour défendre cette Place, 5c<br />

les autres Terres, qui luî appartenoient dans cette Province;<br />

6c'ce fut la précaution de ce Prince Infidèky qui fit échouer<br />

J24'^- toutes les entrcptifes, que les Croifés auroient pu faire contre<br />

fes Etats.^^, *" — . ,^^.<br />

Lcs Croifés s'étoient campés aux environs dAfcakmey dans<br />

le deffein de relever les murs de cette Place; mais la jaloufie,<br />

qui ne manque jamais de fe gUffer parmi k pluraUté des Chefs,<br />

furtout lorfque ks uns font indépendans des aRptres, les désunit<br />

fi fort, qu'au lieu de s'attacher à un ouvrage, auffi utfle, que<br />

^^ ^, ^néceffaire, Se dans lequel ils n'auroient rencontré aucun obfta-<br />

^mauvai-cXey par faport à la difcorde des/«^^^/ifj, ils ne penferent, au<br />

•f,/chl?/contraire, qu'à courir, 5c butiner la campagne, chacun avec<br />

tiens. fes Troupes'^particulières i 6c felon fon caprice; de forte qu'il<br />

y avoit autant de bandes différentes, .qu'fl y avait de Chefs.<br />

La jaioujîe Lc Roi de Navarrc y Sc le Duc de Bourgogne y piqués des<br />

Princi" louanges extraordinaires , qu'on donnoit au Duc de Bréta-<br />

Croifés. gne, Se à qudques autres* Seigneurs, qui avoient fak de<br />

riches butins dans kurs courfes, voulijrent auffi faire parler<br />

d'eux, contre le fentiment des TemplierSy Se des Seigneurs<br />

du pays , qui désaprouvoient ces .brigandages. Ils s'unirent<br />

avec les Comtes de 5tfr, 5c de Montfort y 6c fe jettèrent du<br />

côté de Gaza y dont ils ravagèrent les environs, fans trouver<br />

aucun obftade. Ces avantages, leur faifant croire, que la<br />

garnffon de la Vflle ne feroit pas plus de réfiftance, ils fe mirent<br />

en état de la furprendre; perfuadés qu'une adion fi ècla-<br />

4— tante<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LIV. XI. CH. H. $6p<br />

tante effaceroit les appkudiffémens, que s'étoient attirés leurs<br />

dvaux.<br />

Le Gouverneur de Gaza, quî étoît grand-Homme de guer- article IK<br />

rc, informé par les Payfans, qui couroient s'y réfugier, des l^^^f^f^'<br />

préparatffs, que faifoient les Chrétiens y fortit avec la garnifon, ^""Ï'"'-<br />

6c afla fe pofter avantageufement. Après avoir bien reconnu Gaza,<br />

leur manœuvre, fl les attaqua fi brufquement, 6e avec tant de<br />

fuccès, qu'ils forent effrayés de voir en armes, Se en fureur,<br />

des gens, qu'ils s'étoient flattés de furprendre. Hs ne penferent<br />

plus, qu'à fe retirer ; mais fl n'en furent pas quittes,<br />

auffi facilement qu'fls le croïoient. Le Commandant Sarrafin<br />

y qui s'apperçut dc leur embarras, les fit attaquer par fe<br />

Cavalerie , quî, étant toute fraiche , les dardoit de loin à<br />

coup de flèches, fans qu'fls puffent l'aprodiet, par taport à<br />

la laflkude de kurs chevaux, qui ne pouvoient plus remuer<br />

dans le fable mouvant, dont ce pays eft entièrement cou^<br />

vert.<br />

Après avoir paffé prefque toute k journée dans un com»bat<br />

fi étrange , 6c fi funefte , les Chrétkns furent encore<br />

^obligés de paffer la nuit fous les armes dans un endroit<br />

auffi incommode , 6c fans aucune nourriture pour les gens,<br />

ni pour les chevaux. U n'eft donc pas furprenant, fi, malgré<br />

leur bravoure , 6c leur courage , ils furent enfin contraints<br />

de fuccomber, fous le grand nombre d'Ennemis, qui<br />

les environnoient.<br />

Pour comble de disgrâce , ÎOrà que le jour Commença à ^"^^^<br />

parokre, Se qu'fls efpéroient de fe retirer d'un auffi mauvais maibeurs,<br />

pas , où leur trop de confiance ^ 6c leur témérité les avoit<br />

engagés, le Gouverneur de Gaza fut renforcé par les Troupes<br />

, qui lui vinrent dEgypte, Alors fl ne craignit plus de<br />

faire attaquer,de près, des gens, dont la laffitude, le fommeil,<br />

la faim, 6c la foif, avoit entièrement épuifé les fôr^<br />

ces. En effet, ils étoient fi accablés, qu'à-peine pouvoient-<br />

Cc cc fls<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^70 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

ils foutenir leurs armes. Us ne laifferent -cependant pas de<br />

vendre bien cher leur vie , 5c dc faire;, dans cette malheureufe<br />

occafîon, tout ce qu'on peut attendre des plus fameux<br />

Guerriers , Se des Soldats les plus déterminés. Ne<br />

pouvant enfin plus réfifter à la quantité de gens frais, qui<br />

les chargeaient de toutes parts, leur défaite fut fî grande,<br />

que le Roi de Navarre y Se le Duc de Bourgogne y avec un<br />

petit nombre d'autres Perfonnes, furent les feuls, qui fe fauverent<br />

de cette horrible boucherie.<br />

Les Comtes de Bar y Se de Clermont y avec plufîeurs autres<br />

Seigneurs de la première condition, y perdirent la vie;<br />

le Comte de Montfort y avec divers Barons Ff^ançoiSy furent<br />

mis aux fers, 5e conduits prifonniers au Caire.\ A' Pégard<br />

du Roi de Navarre y Se du Duc de Bourgogne y après avoir<br />

erré, pendant deux jours, 5e deux nuits, par des fentiers,<br />

qui leur étoient entièrement inconnus , ils parvinrent enfin<br />

à Jaffa y Se enfuite au Camp dAfcalone, où la nouvelle du<br />

funefte accident ;, qui venoit de leur arriver , confterna, fi<br />

fort le refte de l'Armée , que , fans plus fonger à aucune<br />

autre entreprife, efle reprit, fur le champ , k chemin de<br />

Ptolomaïde.<br />

Article V. La malheurcufe, 5c fatale avanture des Croifés, dans un<br />

^ . tems, qui leur aurait été fî favorable à faire de grands<br />

Conjlerna- v r i r Y-J,, I • A t rr<br />

nation à progres lur les Infidèles, chagrina extrêmement les lem-<br />

KuSde. pliers y qui n'avoient eu aucune part à leur mauvaife conduite.<br />

Ces Chevaliers ne furent pas moins fâchés, peu de<br />

'jimance î^"^^ après, que le Roi de Navarre, 5e les autres SeirffyXera-<br />

gneurs Croifés y commencèrent à parler de s'en retourner en<br />

VsouS.n Europe ; d'autant plus qu'ils allaient demeurer feuls expofés<br />

è^wHo- ^^ reffentiment des EgyptieriSy dont on avoit ravagé les Terfpitaiiers<br />

rcs. Dans cette crainte, les Templiers firent fecrettem^ent Al-<br />

Soudan fiance avec le Soudan de Damas, Les principales condiii-Egpyte.<br />

tions du Traité furent ; " QLi'il kur rendroit ks Châteaux<br />

de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. XI. CH. II. ^71<br />

„ de Beaufort y Se de Saphet y Se qu'ils s'entre-fecourroient récî-<br />

„ proquement contre le Soudan dEgypte , leur Ennemi com-<br />

,) mun. 11 eft vrai , que cette Alliance n'était pas moins<br />

condamnable, que les courfes incônfidérées , qu'avaient fait<br />

ks Croifés.<br />

Les Hofpitaliers ne tardèrent pas à découvrir ce Traité.<br />

Leur haine invétérée contre les Templiers leurs rivaux, fit, que,<br />

pour leur être toujours oppofés, ils firent, de leur côté, une ligue<br />

avec le Soudan d Egypte ;çe qui n'étoit pas moins déshonorant,<br />

que pernicieux. Ces Afliances capricieufes, 5c três-blamables<br />

attirèrent bien tôt des Ennemis à ces deux Religions, qui<br />

faillirent à les détruire Pune, 5c l'autre ; mais c'eft à quoi les<br />

Hommes les plus fages, 5c les plus prudens, ne font guères d'attention,<br />

lorsqu'il s'agit de fatisfaire à leurs palfions déréglées.<br />

C H A P I T R E III.<br />

Cependant le Roi de Navarre y non moins dégoûté du mal- Article/,<br />

heureux fuccès de fes entreprifes, que de la mésintelligence,<br />

5e des ligues, que venoient de faire les Ordres Militaires<br />

, après avoir vifîte le St. Sépulcre, en compagnie des autres<br />

Seigneurs Croifés, s'embarqua avec eux, fans que la mauvaife jyf^^^j. ^^^<br />

iffue de leur expédition pût empêcher les Chrétiens d'Europe Seigneurs<br />

1 3 1 ^ ' ' 1 - 1 Croifés.<br />

de prendre la Croix, pour en commencer une autre. Tant leur<br />

'zjdey Se leur empreffemènt étoit extraordinaire en ce tems-là<br />

pour le recouvrement du Roïaume de Jéfus-Chrifl; Se pour le<br />

Saint voJage, dont aucune difficulté, ni aucun danger ne pouvoit<br />

les dégoûter.<br />

En effet, prefque dans le même tems, RICHARD, Comtc<br />

de Cornouaille y Frère d'HENRi III. Roi dAngkterre, fe mit à<br />

k tête de quarante mille Hommes de fa Nation, qui avoient<br />

Cc cc 2 „ pris<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f72 H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />

pris la Croix y à la folUcitation du Patrkrche de Jénrfalemy &<br />

de divers autres Prédicateurs, que k Pape avoit envoïés en ce<br />

pays-là, pour exhorter les Peuples à fecourir k Terre-SairUe^<br />

Tant ce Ponrife étoit attentif à profiter de f occafion-de la guer*<br />

re,que les Infidèles fe faifoient entre eux; malgré les embarras ><br />

où il fe trouvoit lui même de réfîfter à F RE'D E R IC, qui sétoit<br />

avancé, avec fon Armée, jufqu'aux portes de Rome, dans Pintention<br />

d^en exterminer k Peuple ; mais, au lieu d'être reçu<br />

avec magnificence, comme il s'y attendoit, il i reu va qu'on<br />

Visite- avoit pris les armes, pour lui en difputer l'entrée. Auffi, fe<br />

wurFré- colère fut fi grande, qu'fl fit fendre la tête en croii!: à pludéric<br />

«1^<br />

|eRome, fieurs Prifonnicrs. Il eft vrai, que, connoiffant enfin, qu'il<br />

rE'tatlEc- lui étoit impoffibk de forcer cette Capitak du Monde Chrétien^<br />

nu?^^' que les Habitans défendoient, avec une vigueur, 6e N une opiniâtreté<br />

extraordinaire; furtout pour la confervation des Tètes<br />

de St. Pierre y Sc de St,Paul y que le Pape fit porter proceffionrellement<br />

, en les tenant toujours embraffées , FRE'DERIC<br />

abandonna cette entreprife. Se ravagea, de dépit, k campagne<br />

de Rome y les Vflks de Eenevento^y Sora, Montcaffm, &<br />

plufieurs autres Terres de VE'tat Eccléfiaftique.<br />

Article//. La défolation de ces lieux, non plus que le pfllage^ 5cle<br />

facagement des maifons,'5c autres biens, que poffédoient les<br />

Templiers dans cet E'tat, dont il s'empara, fous prétexte qu'ils<br />

avoient été les infradeurs de la Trêve avec les Sarrafins, ne<br />

fut encore rien, en comparaifon des maffacres, des incendies,<br />

. Se des terribles ravages, qui fuivirent cette cruelle guerre.<br />

J^GueU ^^ ^^ forma en Italie deux partis confîdérables, & puiffans,<br />

u^,^des fous les Noms de GUELFES, 5C de GIBELINS. Les premiers tenoient<br />

pour le Pape, 5e les autres pour l'Empereur. Us penferent<br />

renverfer toute VItalie de fond en combk, 5c enfévelir<br />

tous les Peuples fous les ruines de ce beau, mais malheureux<br />

pays. Le Pontife extrêmement fenfibk à tant de calamités publi-<br />

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DE JE'RUSALEM. Lrv. XL CH. IIL STJ<br />

bliques, 6c particuUères, réfolut de convoquer un Conole gé-Cmdu gth<br />

néral à 5/. Jean de Latran, afm de diercher les moïens d'en Zltizi.<br />

arrêter le cours. Il envoïa, pour cet effet, deux Cardinaux<br />

Légats en France y Se en Angleterre y Se d'autres Nonces aux<br />

autres Puiffances Chrétiennes y pour y inviter ks Princes, 6&<br />

Prélats, 6c poiur en accélérer f Affemblée.<br />

FRE'DE'RIC, bien informé des démarches, 6c des deffeins ^««^^<br />

-I r» 1 • /-> -1 OA -v Frédéric<br />

du Pape, ne douta point, que ce Concile ne fut entièrement cmtre «<br />

contraire à fes intérêts, 6c convoqué pour fulminer contre lui ^^*^quelque<br />

nouvel anathême.^ U ne s'en mettoit pas, à k vérité,<br />

fort en peine en fon particuUer ; mais fl apréhendoit qifil ne<br />

lui aUenàt ks efprits des Peuples, Sc n'augmentât la difficulté<br />

où fl fe trouvoit de réduire diverfes Provinces mal-intentionnées»<br />

U réfolut dé tout mettre en ufege, pour en interrompre la te»<br />

nue, Se poiu s'oppofer au paffage des Perfonnes, qui devoknt<br />

fe rendre à Rome y pour y afiifter.<br />

Dans ce deffein il ordonna à ENTIUS, fon Fils naturel. Roi<br />

de Sardaigne, de renforcer fa Flotte, 6e de fe joindre aux Pifans,<br />

pour attaquer celle du St. Siège, Se des Génois, qui, à.<br />

k foUicitation de GRÉGOIRE, favoient beaucoup augmentée,<br />

afin de mieux affurer le chemin aux Légats, aux Ambaffadeurs,<br />

Evêques, Abbés, 6c autres Perfonnes, qui s'étoient rendus k<br />

Gi'nes, pour le m me fujet. Plufîeurs des Prélats, qui fe trouvoient<br />

dans cette Ville, 5e qui avoknt rencontré quelque diffi*<br />

CMlté dans leur route, apréhendant d'en trouver encore de plua<br />

fàcheufes dans le chemin, qui leur reftoit à faire, refuferent<br />

d'abord de s'embarquer ; Mais ils furent encouragés par les Lettres<br />

du5/. Fère,p^r les remontrances des Légats,5c par les affurances<br />

des Commandans Génois, qui leur diloient, qu'fl n'y avoit<br />

rien à craindre; 6c que, quand même ils rencontreroient k<br />

Flotte ennemie, k kur étoit affez forte pour k disfiper.<br />

Cc cc 5 Ik<br />

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Ç7^ HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

jLrticie/rf 'Us s'embarquèrcut enfin cous, mais les Génois ne fiirent pas<br />

\^^^' J fi heiweux dans cette occafîon, qu'ils s'en étoient flattés. Us<br />

rencontrèrent ENTIUS, 6C les Pifans, dans la mer de Tofcane.<br />

Le Combat' fut rude, 5c û fatal aux Génois y que trois de leurs<br />

Galères coulèrent à fond, 5e k plupart des autres furent prifes<br />

avec les Cardinaux Légats, les Ambaffadeurs j Evêques, Ab-<br />

* bés, • 5e autres Perfonnes. Us furent tous conduks prifonniers<br />

'^^d?tns les Qhite2iux"de Naples ; Se, malgré leurs caradères, on<br />

les traita fî indignement, 5e avec tant de rigueur,que plufieurs<br />

^rdinaux, mourureut de mifère, 5e de douleur. Celle que GRE'GOIRE<br />

^aMre's rcffentît de leur difgrace fut très vive; 6c fl ne put vok, fans<br />

ffifj"^;-. mourir,, le malheur, qui leur était arrivé, 5e qui renverfoit<br />

fonniers. fous fes projets, auffi bien que la Paix, qu'fl s'étoit flatté de<br />

Mort de donner à f Eglife. U décéda p'eu de tems après. Ce Pontife<br />

Grégoue. ^^Q\^ gouvemé PEgUfe un peu plus de quatorz,e ans, avec un<br />

!z,êle, 5e une fermeté incomparable, malgré fon grand âge, la<br />

perfécution continuelle, qu'fl fouifrit de fEmpereur FRE'DE'­<br />

RIC, 5c tous les autres troubles, qui affligèrent fî cruellement<br />

Céleftin PEgUfe, 5e VItalie, pendant le cours de fon Pontificat. CELES-<br />

/r. luijuc- Yjj^ ly Milanois de nation, qui lui fuccéda, n'eut ni le tems<br />

de remédier à ces désordres, ni celui d'accomplir la tenue du<br />

Sa mort, Concflc, qu'fl avoît convoqué ; car il ne vécut, que dix-huit<br />

jours après ffon exaltation ; cette haute dignité n'aïant pu le<br />

guérir des infirmités, dont fl étoit atteint depuis loftg-tems. fl<br />

ne fut pas pofliible aux Cardinaux de s'affembler après fa mort,<br />

pour procéder à une nouvefle éledion. Ceux qui fe trouvoient<br />

au pouvoir de PEmpereur , proteftoient contre toutes celles<br />

qu'on pourroit faire en leur abfence ; Se ce Monarque, s'obftinant<br />

toujours à ne les point rélâcher, le St. Siège vaqua près<br />

de vingt-un mois. Mais FRE'DE'RIC, s'étant enfin rendu aux<br />

foUkitations de BAUDOUIN II. Empereur de Confiantinopk, qui<br />

fe trouvoit alors en Italie, il rendit k Uberté aux Cardinaux,<br />

6c aux autres Prélats; ce qui donna le moïen au Sacrê-Collégt<br />

. dc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LÏV. XL CH. m. sy^<br />

de s'affembler à Agnani, où le 24.. Juin ', jour dédié à St. sulafiùn<br />

Jean-B tifte, ils élurent, d'un commun confentement, le '^'Jnno-<br />

Cardinal FIESQ^UE, Génois de Nation, qui prit le nom d'iN- rceieftin.<br />

NOCENT IF, ^^•<br />

Pendant que les affaires du St. Siège fe trouvoient dans une Trifie fifi<br />

déplorable fituation, par la perfécution de F R E'D E'R I C , cel- ^^^^^ffl^ '^^A<br />

les de la Terre-Sainte n'étoient pas dans un état moins afi3î- la Paieiiîgéant.<br />

La difcorde des Ordres MiUtaires, qui continuait, "^*<br />

Se f averfion des gens du pays contre les Allemands, ne permettoient<br />

pas à cet infortuné pays • de fe relever , malgré les<br />

puiffans fecours, qui y aUoient d Europe. Ces désunions les<br />

rendoient entièrement inutfles, 5c donnoient Ueu aux Ennemis<br />

de triompher ; de forte que le voïage du Comte de Cornouaille<br />

fut aufli infrudueux, que l'avoit été celui du Roi de<br />

Navarre, Se des autres Seigneurs de la Croifade,<br />

Quoique ce Comte eiit le malheur deffuïer une forieufe^'J^J^j/*<br />

bourafque fur les côtes de la Caramanie, qui fit périr plufieurs comouaiide<br />

fes Vaiffeaux, 5e quantité de monde, 5e qu'fl abordât à ^ ^'^*<br />

Tyr en affez mauvais équipage, fl lui reftoit encore affez de<br />

Forces, pour faire quelque entreprife de confidération contre<br />

les Infidèks; mais, par malheur, fl trouva, 5c RAINAUD DE<br />

B A VIE R E, 5c les Ordres MiUtaires, fi mal difJDofés à le feconder,<br />

qu'fl prit le parti de s'en retourner, fans rien tenter, après<br />

avoir vifite les Saints lieux, 5e retiré de captivité quelquesuns<br />

des Seigneurs, qui fe trouvoient prifonniers au Caire y depuis<br />

f affaire de Gaza, ll les débarqua en Italie y Se continua<br />

fa route vers VAngleterre, auffi peu fatisfàit de fon expédition,<br />

que tant d'autres Princes, qui avoient entrepris le Saint voïage<br />

avant lui, 6c également perdu leurs foins, leurs dépenfes.<br />

Se leurs armées, fans aucune utiUté.<br />

CH4^<br />

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57^ HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

C H A P I T R E IV.<br />

^1^2.^' T E Roi de Chypre y qui, malgré k tranquflité, cïont jouiA<br />

|^>««^ X^ foient fes E'tats , craignoit toujours , qu'après que les<br />

s'enretmr- Sarrofins auroîcnt terminé leurs querelks, ils ne s'accordaffenC<br />

"'* enfin , pour envahir ce que ks Chrétiens poffédoient dans<br />

hPakftiney Se ne Pattaquaffent enfuite lui-même, profita de<br />

l'opulence de fes Peuples, afin de fe mettre en état de réfifter<br />

aux attentats des Infidèles. U taxa les affés de fon Roïaume,<br />

le Qergé, la Nobleffe, la Bourgeoifîe, Scie menu Peuple,<br />

chacun felon fon pouvoir,6e rempUt en peu de tems fes coffres;<br />

perfuadé que c'étoit-là le véritable moïen de foutenir la guerre.<br />

Il fit auffi réparer les fortifications de fes Places, fur tout celles<br />

de Limifol, que fon Prédéceffeur n'avoit pas eu k tems<br />

d'achever.<br />

Il avoit bien raifon d'aprèhender k perte entière du Roïau*<br />

Erttret>rUe mc dc Jérufakm, 6c le voifinage des Sarrafins. Le SouM<br />

d^E^^pte" dEgypte y extrêmement indigné contre les Templiers y à caufe<br />

pafeftine. ^^ la Uguc, qu'ils a voient faite avec celui de Damas y fon En»<br />

nemi, fè fervit utflement des Corafmins y que LE BLOND, danâ<br />

fon Livre de la décadence de lEmpire Romain, nomme Grofi<br />

fons y pour fe vanger de ces ChevaUers. Il eft vrai, qu'en en* •<br />

voïant ces Peuples cruels, 6e barbares, dans h Pakfiine y flaccabloit<br />

également les gens de PEmpereur, 6c les Hofpitaliers;<br />

quoique ceux-ci, bien loin d'avoir été infradeurs de la Trève^<br />

avoient fait avec lui une Ugue contre le Soudan de Damas.<br />

rfaSoïdan Maîs, outrc Ic défir de vangeance, quiPanimok, VEgyP'<br />

-^'Egypte, fjgf^ étoit bien aife d'éloigner de fes Etats une Nation furieufe,<br />

6c vagabonde, queles Tartares avoîent chaffe de Perfe y où<br />

elle<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


* E J E'R u s A L E M. Lïv. XL CH. IV. y^Y.<br />

efle s'étoit emparée d'une Province, dans laquelle elle s'étoit<br />

enrichie ; de forte que, comme ils fe trouvoient pour lors fans<br />

terres 6e fans rétraite, le Soudan apréhendoit, qu'fl ne leur prît envie<br />

de faifir dc quelque partie de VEgyptey dont il auroit eu bien<br />

de la peine à les chaffer. Ceft pourquoi, en déchaînant ces brutaux<br />

contre fes Ennemis, fl fe donnoit la commodité de fortifier<br />

k ViUe de Belbeis, anciennement Pélufium, qui eft la<br />

principale ckf de VEgypte, du côté de la Paleftine, 5c dont<br />

les fortifications, jointes aux marécages, qui fe trouvent entre<br />

cette Place, 5e le Défert, affuroient fi bien fes Etats de ce côte-là<br />

, qu'fl n'auroit plus à craindre leur invafion ; bien perfuadé,<br />

que, s'ils entreprenoient de forcer un paffage fi dangereux,<br />

ils y périroiejît immancablement, comme il étoit arrivé, felon<br />

DIODORE^ à ARTAXERXES, dont l'Armée étoit incomparablement<br />

plus grande. Se plus floriffante, que celle des Corafmins y<br />

lorfque ce Monarque Perfan faifoit la guerre à NECTABO , Roi<br />

dEgypte.<br />

Ces Peuples, qui joignaient à leur férocité naturelle favidité Article //.<br />

de fe dédoÀimager des rkheffes, dont fls avoient été dépbuil- corat^'<br />

lés en Perfe y traverfèrent fi proîntement les trois Arables, ^^^^Pew<br />

qu'ils arrivèrent en Paleftine y même avant qu'on y fût informé wa,^<br />

de leuï marche, 6e fe jettèrent avec tant de foreur fur la ViUe ^""^a pade<br />

Gaza y que Bosio raporte, qu'ils s'en enfparèrent en peuieiiine.<br />

de jours. Se maffacrèrent, tous les Templiers y qu'ils y trouvèrent;<br />

foit que le Soudan en eût retiré la garnifon, avant d'y/îa^^M,<br />

envoïer ces Barbares y ou que les mêmes Chevaliers Pen euffent f^jj^^<br />

diaffée.<br />

Enfin,après l'entière défolàtion de cette Villeyks Coî-afm^s<br />

^avancèrent à Afcalone y où les Chrétiens avoient nouvellement<br />

bâti une Fortereffe, qui ne leur réfifta pas plus long-tems. Us<br />

y exercèrent les mêmes cruautés, qu'ils avoient fait à Gaza.<br />

Le ravage inopiné de ces désefperés, fit fur le champ ce que la<br />

'raifon, 6c la crainte des armes des Sarrafins, n'avoient pu<br />

Dd dd fake.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7S HISTOIRE G E- N F R A-L E'<br />

faire, à l'égard. des Ordres Militaires, dont les indfliations, &<br />

les fentimens avoient été jufqu'alors fi oppofés.<br />

V/frmie Car ks Corafmins, ne faifant aucune dflHndion entre les<br />

^•^'i^^*^"; Amis, ouïes Ennemis du. Soudan y qui les avoit envoïés, k<br />

ne ^T ctlle ' x , J —<br />

(fM Soudan péril étqit devenu commun pour tous les Clfrétiens de la Pakstams'p^r<br />

tine. Lcs Hofpitaliers y avec GAUTIER DE BRIENNE, Frère utejfijCoras-<br />

j-in, OU Neveu du Roi JEAN, qui étoit alors Comte de Jaffa^y.<br />

unirent leurs Forces. Les Templiers, par une néceffité indispenfable,<br />

5c. les Barons du pays, fe joignirent à eux, pour arrêter<br />

le torrent, qui les alloit tous inonder. Le.Soudan.de Damas<br />

y qui n'était pas moins intéreffé, que les C^r^-^Vcj, à fa<br />

deftrudion dc cette maudite race, leur envoïa un. renfort de<br />

4000. Chevaux.- Ils réfolurent alors d'afler combattre les Co*<br />

rafminSy qui étoient campés près du pont de Tibériade. Lea<br />

Officiers de la Cavalerie de Z)tf/«/7i n'étoient point du fentiment,.<br />

qu'on allât afronter des gens désefperés, qui tenoient pliis'de la<br />

Bête féroce, que de PHomme. Ils propofèrent, de les réferrer<br />

dans les endroits les plus ftériks, pour les voir bientôt fc<br />

débander eux mêmes, faute de fubfiftânce; defort^e'qu'ils auroient<br />

alors la commodité de les défaire j fans fe rffquer à l'événement<br />

incertain d'un combat général; Mais, malgré ces fages<br />

remontrances, les Chrétiens n'écoutèrent, que leur ardeur, fe<br />

rangèrent en bataiUe, 6c. aUèrent la leur préfenter.<br />

Ces Barbares y qui y tous groffiers qu'ils étoient, n'ignoroient<br />

pas entièrement les rufes delà guerre, reconnoiffant que Pendroit<br />

, où ik fe trouvoient, n'étoit point affez fpacieux, pour pouvoir<br />

combattre à leur aife, paflerent promtement le Jourdain y<br />

6ç aflèrent camppr dans une vafte plaine à deux lieues de-Ei.<br />

JwtprudertifLes Chrétiens, eurent l'imprudence de confidérer ce mouvement,<br />

tisM. ^ comme une vérkabk fuite; deforte que, fatisfaits de les avok<br />

épouvantés, ils campèrent eux mêmes dans le pofte, queles<br />

Corafmins venoient de quitter, avec autant de tranquilité &<br />

de xonfiaiice, que s'fls avoient été dans une Pkce bien fortifiée.<br />

N6^<br />

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»<br />

tit JE'RUSALEM. Liv. XI. CH. IV. j?a<br />

NégUgence impardonnable à des gens auffi expérimentés dam<br />

'4'art miUtaire, dont fls faifoient profeffion !<br />

Mais eUe leur coûta bien cher. Les Corafmins, auffi diUgens,<br />

que les'Ci&r^//V«j avoient été mal-avifés, profitèrent de<br />

• quelques barques de Pêcheurs, qu'ils rencontrèrent fur k rive<br />

du Lac de Genazareth y3.yec lesquefles ils firent paffer, pendant<br />

k nuit, une partie de leur Infanterie fur l'autre bord; pendant<br />

que leur Cavalerie traverfoit le Jourdain^un peu au-deffus de k<br />

fontaine de Capharnaon. ' Leurs Troupes s'unirent juftement<br />

au point de jour, 6c aflàfllkent fi furieufemient'les C/)r^//m,<br />

que, malgré la diUgence, avec laquelle ils s'armèrent, 5c fe<br />

mirent en bataille, fl leur cn coûta beaucoup de monde ; mais<br />

ils eurent enfm le bonheur de repouffer ces cruels Ennemis, 5c<br />

de les mettre en fuite. V<br />

Cependant, par une continuation de mauvaife conduite, au •<br />

lieu de profiter,de leur avantage, 5e de combattre félon ks règles,<br />

ils fe déroutèrent entièrement. Lès uns pourfuivirent<br />

les fuïards. Les autres s'amufèrent au pfllage de ceux qui avoient<br />

été renvcrfés; 6e aucun d'eux ne s'avifa de remarquer, qu'fls<br />

alloient bientôt avoir des Ennemis frais fur les bras. Bsndant Perte ai%.<br />

qu'ils en étoient aux mains, le refte de flnfanterie Corafmine desChiétraverfa<br />

la mer Tibériade fur les niêmes barques. Il y forma ^'^"'*<br />

d'abord un gros Bataillon, accueilUt une bonne partie des fuïards,<br />

Sc attaqua les Chrétiens, ^wec tant d'anîmofité, 6c de promtitude,<br />

qu'il leur fut impoffible de fe Rejoindre, ni de fe râUier,<br />

pour leur faire tête; deforte qu'ils âs^ijurcrit ks vidimes dc<br />

ceux, dont îls pouvoient triompher ; 5c leur défaite fut fî grande<br />

, que très-peu échapèrent au fer des Ennemis. La Cavalerie<br />

du Roi de 2)^w^.f combatit même, de fî bonne foi, dans cette<br />

occafion, qu'fl ne s'en fauva pas la quatrième partie, ni la<br />

dixième des Chrétiens, • Ces miférables reftes s'enfuïrent à Ptolomaîdey<br />

où k confternation devint exceffive, par l'imminent<br />

ianger, où cctte Vflle fe voïoit expofée, faute de défenfeurs. ><br />

Dd dd z En<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


fSo H I S T O I R E G E' N E R A L E<br />

En effet, les Maîtres du Timpky Sc des Teutoniques y avec<br />

grand nombre de leurs Chevaliers, 5e de ceux de VHopital,<br />

moururent fur le champ,de bataille. Le Maître de ces derniers,^<br />

Se GAUTIER DE BRIENNE, furent faits prifonniers. GUIRBOCA,<br />

ou BARBACA , que quelques-uns nomment BARAT, Chef des<br />

Corafmins y les envoïa enchaînés au Caire, pour donner ^VL Soudan<br />

des marques de fa Vidoire, 5e lui faire connaître, avec<br />

quelle ponduaUté fl.exécutoit fès ordres.. Ges deux" Seigneurs<br />

périrent miférablement dans les fers,» peu de téms après.j<br />

Article///. Après une vidoire fi complette, les Corafmins y ne trouvant<br />

Jérufalem plus aucuu obftack à kur entreprife, aflèrent fe jetter fur Jét^ufa--<br />

^iC^' ^° ^^^' ^^ ^^^^ ^^^^^ d'autant plus facile de s'en emparer, que RAI­<br />

NAUD DE BAVIE'RE venoit de mourir, 5e que ks Troupes jt/I^<br />

mandes y qui reftoknt encore dans le Roïaume, avaient été diA<br />

tribuées dans les Vifles de Tyr Se de Ptolomaïde. D'ailleurs,<br />

ks Habitans de la" Sainte - Cité n'étoient capables d'aucune réfiftance<br />

; fur tout dans k mauvais état, où elle fe trouvoit alors.<br />

Auflû, devint-elle d'abord la proie dé ces inhumons, lesquels<br />

furpaffant encore toutes les, autres Nations Barbues en cruauté<br />

, 5e en violence, après favoir pfllée , 5e facagée, affouvi<br />

leur brutaUté-, 5c exercé tout ce que la rà^e, 5c la fureur<br />

la* plus infernale peut .infpirer de plus exécrable aux plu»'<br />

méchans des Hommes , maffacrèrent, ou égorgèrent indifféremment<br />

toutes les Perfoniiés, qui eurent le malheur de s'y trouver,<br />

fans diftindion d'âge, ni de fexe, même jufques fur les<br />

Autels du St. Sépulcre y où les pauvres Chrétiens s'étaient réfugiés,<br />

comme dans un lieu fecré,5e qui jufqu'alors avoit toujours'<br />

été refpedé par les Nations ks plus Barbares y Seles plus dé-'<br />

naturées.<br />

Non contens de tant d'excès exécrables, ks Corafrnins ren-<br />

Ycrferent encore*tous les plus beaux Edifices,qui reftoient dans<br />

cette ancienne Ville, 5e la réduifirent enfin dans un état.fî déplorabk,<br />

qu'on n'y reconnoiffoit plus aucune marqua de fafplçndeur,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE J E' R U S A L E M: ' LIV. XL CIL IV. f^ r<br />

«<br />

deur, ni de'fa magnificence. Malheur ir:éparable, que k dés- Re/t^noif'<br />

union, 5e le manque de bonne foi,fi contraires à l'honneur, 6e '""'*^^'<br />

à h probité, attirent ordinairement aux Habitans, qui cn font<br />

coupables; Car on ne fauroit disconvenir,que la jaloufîe. Se.h<br />

difcorde des Templiers, 5c des Hofpitaliers y ne fuffent les caufes<br />

de cette nouvelk défolation dansia i*tf/^/>2^,principalement<br />

les ligues incônfidérées, que ks uns firent avec le Soudait de Damas<br />

y Se les autres avec celui d'Egypte:'<br />

Cependant, foit que ks Corafmins ne fuffent point fatisfaits Article/r.<br />

dés pays, dont ils s étoient emparés, Se qui font, en effet, c>ra(rains<br />

fort ftériks ; ouque leur naturel inquiet, brutal. Se orgueil-^^'^'^'^<br />

léiix', ne leur permît pas d'être longtems Unis, plufi^eurs d'en- Nations'.tre<br />

eux commencèrent à fe mutiner, 5c à fe fouftraire à Pobéïffance<br />

de kur Chef. Ils s'avancèrent, fans ordre,ni précaution,<br />

jufqu'aux confins de VEgypte y dans k vue de fe jetter fur quelque<br />

canton de cc beau Roïaume, qui leur plaifoit par fon abondance,<br />

5c par fes richeffes. Leur voifînage allarma le Soudan:<br />

Il n'en fut pas plutôt informé, qu'fl mit des Troupes en campagne,<br />

pour les empêcher de prendre pié dans fes Etats; Se<br />

fls furent contraints de rebrouffer cliemin.<br />

Leur désordre donna 2iux Chrétiens ^"de h Paleftine le tèms de ^^ Co^<br />

refpirer, 5c de fe mettre, autant qu'il leur étok poffible, en fmTlntiè.<br />

état de défenfe contre ces inhumains, dont ks maximes diabo-'î"?""^<br />

, 1 • / ^ ^M etetntsdans<br />

liques avoient egalem^ent excite contre eux les Chrétknii Se ks »« o»-<br />

Sarrafins. Us fc trouvèrent enfin enfermés dans des Ucux fecs,<br />

6e arides, où une partie périrent de faim 5e de mifère, fans<br />

que les autres fuffent quel parti prendre, pour fortir de ce labi-" ^<br />

rinte. Us s'étoient rendus fî odieux à toutes les Nations, que ^<br />

les y.'râbes, les lurcs, les Sarrafins y Se les Chrétiens'y ks regardoient<br />

comme leurs Ennemis communs; 5c chacun,s'empref^<br />

foit à les détruire, 5c à éteindre une Nation, qui n'étok pas<br />

moins cruelle envers les uns, qu'envers les autres.<br />

Dd dd 3. Auffi,.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


.fSî H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Auffi, tout déterminés, qu'ils étoient, ils ne purent ré^<br />

lîfter aux pièges. Se aux embûches,qu'on leur tendit de toutes<br />

:parts.* Selon tous les Hiftoriens, qui s'accordent en ce point,<br />

)ils furent entièrement exterminés, 6c anéantis-, dans une<br />

feule année , fans qu'il en reftât d'autre mémoire, que cel-<br />

:1e des ravages, Se des impiétés, qu'fls avoient commis en<br />

..P^/^/«^, 6c particulièrement à Jérufakm, Le Pape en fut<br />

fenfîbkment touché. Ce Pontife , qui, pour éviter la perfécution<br />

de l'Empereur FRE'DE'RIC , lequd continuok à dé-<br />

.foler V Italie , fut obligé de fe réfugier à L^on , y convoqua<br />

un Concfle univerfel., pour tâcher de remédier aux<br />

maux de l'Eglife, 6c de faire -rentrer .ce Prince dans fon<br />

devoir, 5c pour procurer quelque fecours CLUX Chrétiens Orientaux<br />

y dont le. foulagement ne lui tenoit pas moms au<br />

cœur, que fes Prédéceffeurs y avoient été'fenfîbks.<br />

F RE'D ERIC y fut excommunié. Se privé de VEmpirey<br />

te de fes autres E'tats , dont il fut déclaré déchu pour<br />

plufieurs crimes. Ses Sujets furent abfous du ferment dc<br />

fidéUté , Se les Ekdeurs mis en liberté de procéder à une<br />

nouveUe éledion ; Se Vun des principaux Décrets de cc<br />

Concfle porta, qu'on précheroit la Croifade contre' les Infi-<br />

.dèles y qui occupoient la Terre-Sainte y Se qu'on affifteroit<br />

puiffamment B A u D o u i N IL Empereur de Conftantkopk^<br />

qui s'étoît rendu en perfonne au Concilç , pour folficiter<br />

l'affiftance 3 dont fl avoit befoin, {)Our fe maintenk fur le<br />

Trône, 6c empêcher fes Etats de retomber au pouvok des<br />

iGrecs.<br />

Cvi^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


K E- J E'RU SA L E-M. Lrv. XL CH. V. f 3>'<br />

dM!>>fe;^^t«*'ii.iô9)...tôÎJi. . / J?^rope '<br />

6c aux Peuples, fiaffent- très-fortes. Les nouveaux troubks, qui '^'^^l' ^<br />

r • r J n f- . V mauvats<br />

furvinrent, preique dans toute VEurope y. ne permirent a aucu- /uccè; de lê^<br />

ne Puiffance de fonger à-k Pakftine^ ^'°'''^*^-<br />

En effet, ksEledeurs aïant apris, que le Concile avoit con- Extrémidanmé<br />

FRÉDÉRIC, 5e l'autorité qu'il leur donnait de procé- ^porieFxi<br />

der à une nouvelle éledion, s'affemblèrent à/^/r/z^r^, 5c «^^"«•"<br />

élurent Empereur HENRI , Landgrave de- Thuringe ; ce qui<br />

augmenta fi fort l'animofitê dc FRE'DE'RIC contre le Pape,<br />

6c contre fes.par^fens, qu'fl n'y eut forte de violence, dont il<br />

n'ufat envers eux, .6c où il-rfèmpjoîàt le fer, 6c le feu, pour<br />

les accabler; de forte que V Italie y SefAliènagne fe trouvèrent<br />

dans un fi grand désordre, 6c par ce fchisme,'.6c par cette<br />

guerre, que perfonne ne put s'engager pour fecourir la Tèrre-<br />

SarrUCy ni Conftantinople y ni-même h Hongrie y quife trouvoit<br />

égakment-rempUC' de Tartares y lesquek avoient aufli entamé<br />

la Pologne. V<br />

Ges Peuples, qui;-avoient épouvanté VEurope y Se VAfté, ^^^}^Y ^<br />

étoient fortis, felon les meiUeurs Autairs, de la Taurique- Xartarei.<br />

Cherfon^fe, 5e s'étoient habitués en Scithie. Ils s'y étoient tel- '*^'<br />

lement»mukipUés; que n'y pouvant plus fubfifter, ils furent<br />

obfir<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


|8+ HISTOIRE C E' N E' R AL E<br />

obligés d'en fortir, environ Pan 124.1, Leur multitude étoit<br />

fl grande, qu'ils fe partagèrent en trois corps. L'un entra<br />

dans la Perfe, faccagea ce Roïaume, 5e en chaffa les (orafi<br />

mins. Les autres fe jettèrent fur ks Roïaumes^ dc Font Se de<br />

Colchos, qu'ils ravagèrent de fond cn comble, de même que<br />

VlbériCy Se VArménie y 5e pénétrèrent enfuite ]uiQÙ'k Iconium,<br />

Capitale de la Lycaonie y 5e fiége Roïal des Turcs y qu'fls reni24


•E JE'RUSAXEM. LIV.XL CILV. jSç-<br />

le. U travaifla dabord à fe mettre en état de partir. Les<br />

Princes fes Frères, plufieurs Archevêques, Se Evêques, 6e les<br />

principaux Seigneurs, 5c Barons de fon Roïaume fuivirent fon<br />

exemple, peur l'accompagner dans cette Sainte expédition.<br />

Cependant, malgré la dfligence, avec laquelle ce Monar- «^t.<br />

que faifoit travaifler aux préparatifs de ce grand voïage, fl luî ^^/'^<br />

fut impoffibk de pouvoir partir, qu'après la Pentecôte de l'an parâtes:<br />

1*4.8. De forte que les pauvres Chrétiens de la Terre-Sainte £^v^<br />

curent encore bien des malheurs, 5c des mifères, à effuïer, avant Palefline.<br />

fon arrivée. A-peine furent-ils déflvrés des Corafmins y qu'un £.„Tur-<br />

^rand nombre d'autres Barbares y appcUés TurcomaniSy entré- comanrs<br />

rent dans la Province dAntioche y où ils ravagèrent, 6c mirent iansu<br />

tout à feu, Sek fang. Les Ordres Mflitaires s'unirent prom- 4^^^^<br />

tement. Se fe mirent en campagne, pour arrêter ce nouveau ^^^> ^ytorrent.<br />

Ils rencontrèrent ces Barbares y près de Bethzan y fi fut * feu,<br />

chargés de butin , Se embarraffés de bêtafl, qu'fls n'eurent ^V*'^.<br />

pas le tems de fe mettre en défenfe. Rufieurs tombèrent d'à- combtt<br />

bord fous le fer des ChevaUers : mais les autres fe défendirent /""ff^"»<br />

1 1 n n entre ewtf<br />

enfuite avec tant de bravoure, que ce ne fut pas fens peine, &iesOr.<br />

Sc fans effufîon de fang, qu'ils demeurèrent maîtres .du champ i^n^"^^<br />

de bataifle.<br />

Il en coûta la vîe à BERTRAND DE COMPS , Maitre de l'^opital<br />

y Sc à plufîeurs ChevaUers des deux Ordres; mais ks Ennemis<br />

furent k plupart tués. Se perdirent tout leur butin. Lc<br />

peu de ces Barbares y qui fe fauverent, furent fî épouvantés<br />

du maffacre de leurs compagnons, 5e de la valeur des Cb^étiensy<br />

qu'ils fortirent à la hâte de leurs terres, 6c n'eurent plus<br />

envie d'y fake aucune irruption.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

Ee ee CHA-


^S6 HIST O I R E G E' N E' R A I- E<br />

C H A P I T R E VL<br />

Article /. Tï Eudaut quc ks mîférabks débris dû Roïaume de Jér'ufa-<br />

Henri. Roi X km étoîent fî fouvent pfllés, Se ravagés, celui de Chfpre<br />

de Chypre . • s . .. i, r o Ji^ •/»•.. ^ •<br />

fait des coutinuoit a jouir dfun grand' repos, & a une parraite tranqui-<br />

2^7/,f Uté.- Le Roî HENRI étoit alors k feul Prince dOrient y dont<br />

pourfe 'les Etats fuffent paifîbks 5c.opulens; c'èft pourquoi fl n'eft pas<br />

ïoufsix. furprenant, fî fes Peuples firent des réjouïffances fi extraordi-<br />

Fiance. maires à la réception de PLAISANCE D'IBELIN , Sœur de BOÉ­<br />

MOND , Comte de Tripoliy qu'fl avoit époufée. Ge Prince<br />

voulut préférer la grande vertu, 5e le mérite de cette Princeffe<br />

à d'autres alUances, quir lui auraient été plus-avantageufes, du<br />

côté de l'intérêt. Il fit, cn même tems, de grands préparatifs<br />

de guerre, pour fe joindre'à ST.Louis,, dont îLavoit apris<br />

k réfolution, 5c qu'fl attendoit avec l^emcoirp d'impatience.<br />

En effet, ce St. Monarque, après avoir mis ordre aux affaires dc<br />

fon Roïaume, dont fl'déclara Régente la Reine BLANCHE, fa Mè-<br />

*^'' re, partit de Paris, accompagné de la Reine fon Epaule ; de<br />

ROBERT, Comte d'Artois y Se deXiiARLES, Comtc d'^wjoM,<br />

fes Frères. HUGUES, Duc de Bourgognè ; PIERRE, Duc de*<br />

Bretagne;GuiLLAmiE,Comtc de Flandres;lesComtesde SAINT-<br />

PoL, de la MARCHE, de DREUX, de BAR, dé SOISSONS, 6c plufieurs<br />

autres Seigneurs;, ks Archevêques de Rheims Se de<br />

Bourges; les Evêques de Beauvais y de Laon, Se dOrkans, fiirent<br />

auffi de ce voïage.. Le Roi fe rendit à Lyon, où fl reçut<br />

h bénédidion du Pontife, quî y faifoit alors fa réfidence.<br />

Le St. Père le fit accompagner par le Cardinal EUDES DB<br />

CHATEAUROUX, Evêque de Tufculum^ fon .Légat. Ce Monarque<br />

fe mit fur le Rhône ^ Sc defcendit à AiguemorteSy où il<br />

i-'em?<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LIT. XL CH. VI. s^T,<br />

•'embarqua fur la Flotte Génoife y qu'fl avoit frettée. Il fit mettre<br />

à la voile le 2$. Août, jour qui fut enfuite confacré à fa<br />

mémoire, pour célébrer fa Fête, lorfque l'Eglffe feut mis au<br />

nombre des Saints,<br />

Le gros de fon Armée s'embarqua à Marfeilky Se fe navigation<br />

fut fi heureufe, que le 21. Septembre, fl aborda àla<br />

rade de Limifol y en Chypre, Le Roi HENRI, quî s'y étok<br />

rendu avec toute fa Cour, le reçut avec de grands témoignages<br />

d'une parfaite, 6c cordiale amitié. U le conduifît enfuite<br />

à Nicofie y où îl le traita toujours avec une magnificence vraiment<br />

Roïale. HENRI ne fut pas moins attentif à faire conduire<br />

à Limifol abondance de provifions, 6c de rafrachiffemens VAmk<br />

pour PArmée Françoife y qui s'étoit campée aux environs dei'jjSfoî.<br />

cette Vifle. La'profufîon de vivres étoit fî grande, queles<br />

Troupes Françoifes en furent furprifes.<br />

La Reine de France ne fut pas moins fatisfaite de fempreffement<br />

, avec kquel la Reine ALIX , Mère du Roi de Chypre,<br />

qui étoit auffi revenue de Paleftine y Se la Reme PLAISANCE,<br />

cherclîoient à la dékffer des fatigues du voïage,5eà la dédommager<br />

des déUces, qu'Elle avoît quittées en France y pour Pentreprendre.<br />

Cependant 'ces deux Rois, quoiqu'égakment ztàés pour k-'^'^'^^ic//.<br />

recouvrement du Roïaume de Jérufakmy firent une faute bien<br />

grande, 6c qui, fansdoute., empêcha les progrès, qu'ils au-22m«rf


f S^ ÏI I S T 0 I R Ë G E' N E' R A L E<br />

de tous les Vaiffeaux, qui étaient à fon fervice, dont quelquesuns<br />

, chargés d'armes, 5e de munitions, n'étoient point encore<br />

arrivés; ces deux Princes réfolurent de remettre kitr départ<br />

jufqu'au printems, quoique la Saifon fût encore très-propre à<br />

commencer leur entreprife.<br />

Ce retardement des Chrétiens donna le tems, 5e la commo^<br />

dite aux Sarrafins y non feulement de terminer leurs querelles.<br />

Se de fe racomm'oder, mais encore d'unir lelirS' Farces, pour<br />

leur faire tête, 5c s'oppofer à leurs deffeins ; au lieu que, s'ils<br />

étoient allé» d'abord attaquer VEgypte y ils auraient trouvé le<br />

pays dépourvu de gens de guerre, 5c fans chef, parce que le<br />

Soudan fe trouvoit alors en Syrie y avec fes meilkunss Troupes,<br />

occupé au Siège dEmeffe, ou Camelle, ViUe apartcnante à MB^<br />

LEC-NASSER , Soudan dAlepyC^i s'étoit ligué avec les petits Souverains<br />

des environs. Ceux-ci craignoient d'autant plus la puiffence<br />

de V Egyptien, qu'fl s'étoit emp2xé d%iyamas quelque tems<br />

auparavant. 11 étoit même malade en cette dernière Ville,<br />

lorfque VArmée Françoife aborda en Chypre y Se par confequent<br />

hors d'état d'empêcher les progrès, qu'elle auroit pu faire en<br />

£gypte. C'eft le fentiment de tous les Auteurs contemporains*<br />

Mais le tems, qu'efle confuma- inutilement dans cette fie, en<br />

donna affex à ce Prince Infidèle, pour informer le Calife de Bagdet<br />

y Sc le Fieux de la Montagne y du danger qu'il couroit encore<br />

de perdre le Temple de Salomon y ficher, 6e. fî précieux<br />

à tous les vrais Croïans. Uleur fit repréfenter fi vivement l'intérêt,<br />

qu'fls avoient tous,d'unir leurs Forces , pour conferVer<br />

un Ueu fî refpedable. Se empêdier, qu'il ne tombât entre les<br />

mains de gens indignes de le pofféder, que le Calife, 5c le<br />

Fieux de h. Montagne envoïèrent des Ambaffadeurs au Soudantous<br />

les in- dAlep. Ccs Mûiiftrcs agirent efficacement auprès de lui.<br />

«dèiies«n- i^e Calife emploïa: même l'autorité, qu'fl avok fur tous ks Ma^<br />

Cïbrétiens. hométans ; deforte que, malgré la répugnance, qu'avoit ce Soudan^<br />

à. fàke k Paix, avec celui dEgypte y ïl y confentit enfin, naoïenânt<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM.- Liv. XL CIL VL' fS><br />

fiant la levée du Siège dEmeffe. Ce~ dernier fut charmé dé<br />

pouvoir retirer les Troupes avec honneur ; fait, par raport aiî<br />

peu de progrès, qu'elles avoient fadt devant cctte Place; fait,<br />

par le befoin qu'il en avoit cn Egypte, où fl étok informé que<br />

devoit tomber le premier effort des Chrétiens.<br />

Ceft pourquoi auffi il s'y tranfporta, dès que fe fanté put<br />

k lui permettre, 5c que la ligue avec MELEC-MASSER , 5c les autres<br />

Turcs de fon parti, fut établie. U s'apliqua très-foigneufement<br />

à augmenter fes Troupes, à fe renforcer de ceUes de<br />

fes Alliés, Se enfin à amaffer de grandes provifîons de guerre,<br />

6c de bouche, pendant que celles du Roi de France fe<br />

confumoient fans fruit ; 5c que fon Armée s'affoibliffoit, tous<br />

les jours, par les maladies;, qui emportaient Soldats, 5s<br />

Officiers, même ks Perfonnes le plus diftinguées, puifque les<br />

Evêques dc Beauvais, Se de Noïon, les Comtes de BOUR­<br />

BON, dc VENDÔME, de MONTFORT, deDREux, 6B<br />

deSAiNT-PjOL, avec pdufieurs autres Seigncius, en moururent.<br />

On auroit, peutrêtre, pu éviter ces pertes, fî l'on avait<br />

eu la précaution d'éloigner le camp des côtes maritimes, çà<br />

Pair, beaucoup moins pur', que dans les terres, caufe ordinairement<br />

, aux étrangers, des fièvres malignes, 5c très-dangercufes.<br />

On diftribua enfuite les François, dans divers Bourgs, 66<br />

Vfllages des montagnes. Cette mauvaife influence ceffa alors de<br />

les affliger;5e ceux qui en avoient fouffert,s'y rétabUrent bientôt.<br />

Marque évidente, que, fi on les y eût d'abord envoyés,<br />

ils n'auroient pas eu Ueu de fe plaindre , ni d'augmenter k<br />

mauvaife réputation de fair de C/^jpr^.<br />

Le bruit, qui s'étoit répandu dans tout VOrkrtt,de Parrivée<br />

du Roi de f"rance en Chypre y Sc du dcffda qu'il avoit de chaf^<br />

fer les Sarrafins de Roïaume de Jérufakmy fit plus d'effet,<br />

que les expéditions de fes Prédéceffeurs, 6c celles des Empereurs ,<<br />

quoique les ims, 6c ks autres, y fuffent aUés avec des Armées<br />

Ee ee % in*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f^o HISTOIRE GENERALE<br />

incomparablement plus nombreufes que la fienne, qui n'étoit<br />

compoféê que d^environ quarante miUe Hommes; foit que la<br />

renommée de fes grandes vertus eût difpofé les Princçs Orientaux<br />

à,feconder fes entreprifes; ou que le parti, qu'avoit pris,<br />

quelque tems auparavant, Pun des principaux d'entre eux, d'embraffer<br />

le Chriftiamfme, les eût engagés à concourir à la deftrudion<br />

des Ennemis de Jefus-Chrifi.<br />

Article///. ^. Ce fut ERCALTAI, Prince Tartare y dont le Roî de Frams<br />

Mclw^/i-reçut, vers les Fêtes de JV(?


-DB JE'RUSALEM. Liv, XL C:L VL -. 5(51<br />

k Rôi de France cgreffa extrêmement ces Miniftres, 6c leur<br />

fit des honneurs extraordinaires. Non content de ks avoir<br />

conduits, avec lui, aux Offices Divins, pendant les jours fokmnels<br />

, • 6c de leur en faire obferver toute la beauté, 5e la<br />

magnificence, en leur inipkant ïe re£pe&y Se la vénération,<br />

ajvec laquelle on doit y alfifterv6c adorer les St s.,Mift ères y qvV on<br />

y repréfenté; fl les fit encore manger à fa table, 5c n'oublia<br />

rien de tout ce qui pouvoit les engager à'perfèvérer dans la^<br />

Religion Chrétienne.<br />

Par le retour des mêmes Ambaffadeurs, ce pkux Roi envoïades<br />

Religieux Cordeliers Se Dominiquains, a>ec deux de fes<br />

Gentilshommes , 6c de riches préfens, pour le Prince ERCAL­<br />

TAI, 6c pour k Grand-Can. Parmi ces préfens, il y avoit<br />

une magnifique Tente d'écarlatc, fur kqueUe étaient artiftement<br />

brodés en or tous les miftères de la paffion de Jefus-<br />

Chrift; le tout accompagné de Lettres pour ces deux Princes,<br />

remplies d'exhortations vives, 5e touchantes, pour ktfjanimer à<br />

vivre conftamment dansk candeur de la foi Catholique y dont<br />

ils avoient cu le bonheur de connaître la vérité i daiis le tems<br />

qu'fls avoient reconnu l'abus, 6e k fauffeté de celle qu'ils avoient<br />

quitée; les affurant,,que,s'ils en fuivoient exadement les maximes,<br />

elles leur procureraient cette féUcité éterncUcy qu'on ne<br />

peut acquérir autrement, 6c qui eft préférable à tous les piaifirs<br />

grofliers y Sek toutes les grandeurs pafïagères du monde.<br />

Le Cardinal Légat ne manqua pas auffi décrire à l'Empereur<br />

Tartare y Se à l'Impératrice fa Mère; ks animant, par<br />

des raifons très-fortes. Se très-convaincantes, à le maintenir<br />

avec foin dans k Sainte ReUgion, qu'fls avoient embraffée, Seà<br />

fe conferver dans Punité de PEgUfe Ibmainey Se dans la foumiffion<br />

qu'ils dévoient au Souverain Pontife, qui écoit le Vicaire<br />

de JéfuS'Chrift en terre, auprès duquel fl affuroit ces<br />

Princes, qu'il ne manqueroit pas dê.fàke valok k zek, q /fls<br />

témoignoient pour la di^ftrudion du Mahomitifme y, non^ plus<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ypj HISTOIRE G E' N E' R A L B<br />

^ que dc leur ménager le rang, qu'fls méritoient parmi lesplus<br />

grands Princes Chrétiens,<br />

kî^doir. Le Roi d'Arménie y Sc le Prkice dAntioche y qui avoient auffi<br />

envoïé des Ambaffadeurs à ST. Louis, pour le compflmenter<br />

fur fon arrivée. Se pour lui offrir kurs fervices, 6e leur affiftance,<br />

dans la guerre Sainte, occupèrent affez long-tems ce Monarm.<br />

Louis ^ue. U ne vouRit point congédier leurs Miniftres, fans termi-<br />

TnnJs^ ner auparavant les différends, que ces deux Princes avoient en*<br />

entre le . fembk, Sc quî Ics engagcoîcnt à avoir prefque toujours les ar-<br />

«TAnSo- ïnes à la main fun contre fautre, au grand préjudice dc leurs<br />

âi'rf^/' Sujets, 6c de tous les Chrétiens dek Terre-Sainte y que leur<br />

inénie. difcordc fes empêchoit de fecourir dans les occafîons. Enfuite<br />

dc cet accommodement, il fit paffer fix cens dc fes arbalétriers<br />

dans la Principauté d'Antioche y pour aider BOÉMOND à réprimer<br />

Pinfoknce d'une groffe bande de Turcs, qui la ravageoient.<br />

Le Saint Boi s'emploïa, avec la même charité, à appaifer<br />

ks troubles, qui s'étoient renouveflés en Chypre y entre le Clergé<br />

Grec y Sc Latin y lefquels avoient même obligé SIMEON,<br />

Archevêque Grec y à fortir de PUè. Dans le même tems, il<br />

envoïa le Patriarche de Jérufalem, PEvêque de SoiffofiSy Sc k<br />

Seigneur de Beaujeu , Connétable de France y à Ptohmdièe*,<br />

pouf accommoder un différend, furvenu entre le Bayle de Chjfre<br />

y Se celui des Fénitiens y Se une querelle encore plus confidérable<br />

entre ks Génois y Se les Pifans y qui réfîdoient en cette<br />

Ville. Ces deux Nations en vinrent aux mains, avec tant d'anîmofité,<br />

qu'fl en coûta la vie à plufieurs Perfonnes de l'une, 5c dc<br />

l'autre, principalement au Conful G^'^m, qui fut tué fur la place.<br />

La déférence, 6c le refped, que chacun avoit pour le Saint<br />

Roi, firent que fes Emiffaires raccommodèrent les Génois, Se<br />

les Pifans y avec bcaucoup moins de difficulté, qu'ils ne favoient<br />

efpéré; mais ils.ne trouvèrent pas la même facflité, lorfqu'fls<br />

voulurent traker du noliffement des Vaiffeaux, 5c des Galèrei<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


M JE'RUSALEM. Liv. XI. CH. VL 593<br />

lères de ces Républiquains, pour le paffée de PArmée Françoife<br />

y en Egypte. Leurs prétenfîons furent fi exorbitantes,<br />

qu'ils eurent bien de la peine à s'accommoder; encore fut-ce<br />

à un prix extraordinaire ; tant fls furent fe prévalok du befoin<br />

qu'on en avoit !<br />

Le Maître du Temple ne penfoit, qu'aux avantages de fe<br />

Religion. U défiroit ardemment de lui conferver les Châteaux,<br />

Terres, Bourgs, Se Villages, qu'efle s'étoit injuftement appropriée<br />

, depuis k départ de fEmpereur F R E'D E'R i c, 5e dont<br />

plufîeurs appartenoient à la Couronne de Jérufalem, ou à d'autres<br />

Seigneurs particuUers du pays. U n'aimoit pas à voir,<br />

qu'il fe fît aucun changement, ni nouveau règlement en Paleftine;<br />

perfuadé qu'fl ne pouvoit être que tres-préjudiciabk à<br />

fon Ordre, qu'on obligeroit de rendre ce qu'fl avoit ufurpé.<br />

Dans ces fentimens, fl s'avifa d'écrire une grande Lettre au Roi<br />

de France y par kquefle il lui mandoit, " que le Soudan dE-<br />

„ gypte luî avoit envoïé un dc fes principaux Officiers, pour<br />

„ le prier de vouloir être médiateur de la Paix entre Sa Ma-<br />

„ jefté, Se lui. " U ajoutoit, " que ce Prince Sarrafin témdi-<br />

„ gnoit, non feulement ja défîrer ardemment, mais offroit en-<br />

„ core de l'accepter, à tefles honnêtes conditions, qu'efle vou-<br />

„ droit la lui accorder ; Que cette démarche lui aïant paru fîn-<br />

„ cère 6c de bonne foi, 6c plus avantageufe, qu'une guerre,<br />

„ dont les évènemens font toujours incertains, fl n'avoit pas<br />

„ jugé à-propos de différer à luî en faire part, afm que Sa<br />

„ Majefté lui ordonnât, de quelle manière fl devoit répondre au<br />

„ Soudan.<br />

Cette Lettre ne produifit pas feffet, que le Maître du Temple en<br />

avoît attendu. Le Saint Roi la fit lire en plein Confefl. Celui de<br />

Chypre y Se le Patriarche de Jérufalem, qui connoiffoient la<br />

paffion dominante de ce Chevalier , s'écrièrent d'abord, cw^/oiv^<br />

„ qu'fls ne croïoient nuflement, que le Soudan eût fait de tel- p


5P4, H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

piiers re- „ été k Makre lui même, qui eût eu la lâcheté de faire la prés'tfLods.<br />

3, mière démarche auprès de ce Prince /«^^^/(?,fans cônfîdérer,<br />

„ qu'fl commettoit la réputation des Chrétiens; puifque, quel-<br />

„ que perte, ou quelque difgrace, qui leur fût arrivée aupa-<br />

„ ravant, ils n'avoient jamais été les premiers à rechercher,<br />

3, ni Paix, ni Trêve , avec les Infidèles ; c'eft pourquoi fls<br />

„ prioient le Roi de fe défier d'un Homme, qui leur paroiffoit<br />

„ fufped.<br />

U n'en fafloit pas tant, pour faire connokre au Roi de France<br />

y que les Templiers fongeoient beaucoup plus à fe maintenir<br />

dans leurs ufurpations, qu'à foutenir fhonneur, 5e les intérêts<br />

des Chrétiens Orientaux. Auffi, après s'être bien éclairci du<br />

fait, Se avoir reconnu la fourberie du Maître de leur Ordre, fl<br />

témoigna, qu'fl étoît fâché, qu'on pût croire dans le monde,<br />

qu'il fit rechercher la Paix avec les Infidèles, avant même d'arriver<br />

en Paleftine; Se fl fit écrire, avec beaucoup de reifentiment,<br />

au Makre du Tempk y " qu'fl fe gardât à l'avenir de<br />

„ faire de femblables démarches, Sc d'avoir aucun commerce<br />

„ avec les Infidèles y dont la deftrudion devoit être Punique ob-<br />

„ jet des bons ChrétienSy Sc furtout des perfonnes de fa pro-<br />

„ feffion, qui s'y étoient engagées par des vœux fi folemnels."<br />

Il f exhortoit enfuite , " d'être plus circonfped à remplir fes<br />

„ devoirs, Se à donner de bons exemples à ceux de fa Reli-<br />

„ gion, s'fl vouloit attirer fur ki, Se fur eux, les bénédic-<br />

„ tions de Dieu, qui, tôt ou tard, ne manque pas de pu-<br />

„ nir ceux qui ne s'en acquitent point, 6c qui en font un mau-<br />

„ vais ufage.<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Dt JE'RUSALEM. Liv. XL CH. VIL ypj<br />

C H A P I T R E VIL<br />

Le Comte de SALISBURI étant enfin arrivé en Chypre y avec Article/,<br />

cent Hommes d'armes de fa Nation , 6c peu après lui<br />

GUILLAUME DE VILLEHARDOUIN , Prince dAchaie, Se de Bitbinie<br />

y en compagnie dHuouEs, Duc de Bourgogne y qui avoit<br />

paffé Phyver avec lui ; Se le tems, auquel ST. LOUIS avoit réfolu<br />

de commencer à agir contre les Infidèks étant venu, fl fit réunir<br />

toutes fes Troupes, Se les Vaiffeaux, qui avoient hyverné<br />

dans les Iles voifines, auxquels vinrent auffi fe joindre ceux qu'fl<br />

avoit fait fretter à Ptolomaïde, afin d'être en état de partir au<br />

commencement du mois de Mai. Il faifoit cependant achever<br />

quantité de petites Frégattes, 6c autres Bâtimens plats, qu'il<br />

avoit fait conftruire, pour faciliter le débarquement des Troupes.<br />

Celles qu'on avoit diftribuées dans les Bourgs Se Villages f ^^'JjJ**'<br />

de k Montagne defcendirent à la marine. On embarqua tou- Rois nemi<br />

tes les provifions. Se les machines, qu'on avoit conftruites en é'Loui?*<br />

Chypre. Le Roi HENRI en fit faire autant des fiennes. Toute ^^J/^l^^*<br />

l'Armée fe rendit à bord, 5c les deux Rois s'embarquèrent eux miette,<br />

mêmes le Samedi après VAfcenfion.<br />

Après un grand Confefl, qu'fls tinrent fur la galère, qui portoit<br />

ST. Louis, Se auquel affiftèrent tous les Princes, Seigneurs,6c<br />

principaux Ofiiciers de fArmée, on ordonna aux Pilotes de<br />

faire route vers Damiette, qu'ils avoient réfolu d'affiéger ;<br />

mais à-peine furent-ils doignés de cinq, ou fix miles de la rade<br />

de Limifol y que le vent leur devint fi contraire, qu'ils furent<br />

obligés d'y remouiUer, Se d'y demeurer à Pancre, jufquà la fecondé<br />

Fête de la Pentecôte. Le vent leur fut alors fi favorabk,<br />

qu'fls ks conduifit trois jours après à la vue de Damiette,<br />

Ff ff 2 Lc<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Î9(5 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

i^Egypte" ^^ Soudan y qui n'îgnorokpas leur deffein, avok eu foin d'y<br />

Tarife jes envoïcr fes meilleures Troupes, pour s^bppofer à leur defcente.<br />

S^ïïr* U avoit auffi fait pofter quantité de Navires, 6c autres Bâtiti'p^r^<br />

mens, à Pemboudiure du Nily pour en défendre Pentrée; De<br />

forte que le préhiier objet, que découvrirent les Chrétiens^y fut<br />

PArmée Sarrafine, qui couvroit le rivage, 6cune forêt de Mâts,<br />

Sc d'antennes, à Pentrée de la rivière.<br />

Article//. Cette vue, ni k bonne contenance des Barbares y n'empêcha<br />

pas k Flotte Chrétienne de s'avancer, autant que cette rade<br />

baffe, 6c fablonneufe le lui permît. Alors, on mouilla Pancre,<br />

Se on mit en mer ce prodigieux nombre d^Efquifs, de Frégatines,<br />

de Felouques, Se autres petits Bâtimens, deftinés à<br />

débarquer les Troupes. Les Soldats, à fexempk des OfUciers,<br />

s'y jettèrent, avec un empreffemènt extraordinaire; mais, foit<br />

que ces petits Bâtimens foffent trop chargés, ou que le fable<br />

mouvant les empêchât d'approcher du rivage, ICIB: ardeur étoit<br />

fi grande, que,malgré la pefanteur de leurs armes,fls fautèrent<br />

dans Peau, avec une intrépidité étonnante ; 6c, quoiqu'ils en euffent<br />

jufqu'à la ceinture, 6e plufieurs^ même jufqu'aux épaules,<br />

ils s'avancèrent courageufement fur là plage. Se attaquèrent les<br />

InfidèkSy au travers d'une grêle de dards, 6c.de flèches, qu'il?<br />

kur décochoknt; tant kur impatience étoit grande d'en, venir<br />

aux mains avec eux.<br />

Cmiatepi' La valcur, Se la réfolution, avec laquelle ils s'efforcoient<br />

Ze Zr' de les enfoncer. Se de fe rendre maître du terrain, ne décon-<br />

Oirétiens, ^.gj.^^ aucunement les Barbares; non plus que le maffacre, qu'ils<br />

Egyptiens, voïoient fàîrc de leurs compagnons. Au contraire, ils paroiffoient<br />

encore plus animés à vanger leur mort, Se à repouffer<br />

leurs Ennemis. Mais, enfin, le Gouverneur d& Damiette y qui<br />

combattoit à kur tête, 6c deux de leurs Amiraux, aïant été<br />

renvcrfés, ils commencèrent à reculer. Se y peu de tems après, à<br />

prendre une fuite fi précipitée vers la Ville, qu'ilis jettèrent la<br />

confternation, 6c l'épouvante parmi les Habitans, pendant que<br />

les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. XL CH. VIL . ^py<br />

hs ChrétienSy animés par le grand avantage, qu'fls venoient de<br />

remporter, achevoient de fe débarquer, 5cde fe bien loger fur<br />

le rivage, afin d'être en état de bien recevoir les Infidèks y au<br />

cas qu'fl leur prît envie de revenir à k charge.<br />

Les deux Rois, le Légat, Se les autres Princes, Se Eccléfiaftiques<br />

, aïant enfin débarqué , la Fktte Chrétienne alloit<br />

s'avancer vers l'embouchure du fleuve, pour inveftir cefle des<br />

Sarrafins , mais la déroute des Troupes de terre de ces derniers<br />

les avoit déjà fi fort étonnés, qu'fls leur en épargnèrent<br />

la peine, puffqu'fls n'eurent pas k courage de ks attendre, 6c<br />

qu'ils fe retirèrent fort avant dans la rivière, dès qu'ils les virent<br />

manœuvrer. De forte que les Chrétkns demeurèrent victorieux<br />

fans combattre. Se entièrement maîtres du fleuve , 6c<br />

de la rade, où îls ancrèrent fens peine, 6c avec commodité.<br />

Bonheur bien extraordinaire, qu'une flotte, fur laquelle Une^^"^'^'^^<br />

reftoit plus que les feuls matelots, eût fait prendre la fuite à des chréune<br />

autre plus nombreufe, 6c incomparablement mkux armée;, ^^^"^*<br />

6c qu'un nombre médiocre de Chrétiens y tous dégoutans d'eauj<br />

euffent, en fi peu de tems, défait, 6e diffipé une Armée frair<br />

che, Se qui combattoit pour défendre fes propres terres.<br />

Ces heureux commencemens furent fuivis de la jondion de<br />

divers Seigneurs, 6c de la plupart des ChevaUers de VHopitaly<br />

Se du Tempky qui étoîent demeurés en-arrière avec kurs Troupes.<br />

Renfort, dont on faffoit d'autant plus dé cas, qu'outre la<br />

valeur, avec laqueUe ces deux Ordres s'étoient toujours diftingués^<br />

ils avoient une parfaite connoiffance des rufes, des détours.<br />

Se de la manière de combattre des Infidèles. Cependant, malgré<br />

cette union, 5c Pefpérance, que les Chrétiens dévoient concevoir dc<br />

tant d'avantages,ils ne pouvoient encore fe flatter de fe rendre maîtres<br />

d'une Place, dont les fortificationsquoique déjà très-cpnfidérablès,<br />

avoient été nouveUement augmentées>6c qui fe trouvoit abondamment<br />

munie de toute forte de provifions, 6c défendue par<br />

une forte garnffon, accoutumée depuis longtems à combattre<br />

Ff ff 5 con-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ypS .HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

contre les Latins, U s'y trouvait encore parmi elle quantité<br />

de Soldats, qui fe fouvenoient du fiége, qu'en avoit fait trente<br />

ans auparavant le Roi JEAN DE BRIENNE , 6e qui n'avaient<br />

point oublié les fouffrances, 5e les mifères,qu'ils y avoient endurées<br />

pendant dix-huit niais qu'fl dura,5c que ce Prince n'auroit<br />

peut-être jamais terminé, fi la famine. Se la pefte ne s'en<br />

fût mêlée,puifque la force, 5e les affauts, y furent prefqu'en^<br />

tièrement inutiles.<br />

Article///. Il eft vraî auffi, que le fouvenir de ces calamités leur faifoit<br />

tulne les craludrc un femblable fort, 6c qu'ils n'ofoient s'y expofer. Conf-<br />

Wde^Soi- ^^^^^ d'aifleurs de k perte de leur Gouverneur, Se de fe troudatfrfeDa-ver<br />

fans un Chef, capable de faite agir la garnifon, fls réfolu-<br />

"*^"^* rent unanimement d'abandonner la ViUe , Se f exécutèrent<br />

pendant la même nuit. Us emportèrent, avec eux, ce qu'ils<br />

avoient déplus précieux. Se en fortirent au point du jour,<br />

'7 après avoir mis le feu aux principaux édifices, afin que leurs<br />

Ennemis n'en puffent profiter. Ils pafferent, fur un pont de<br />

hateaux, le bras du Nily qui rendoit la Vflle ifolée. fls le<br />

rompirent enfuite avec beaucoup de foin, pour avoir le tems<br />

de fe fauver dans le centre du pays. Voflà, comme la lâcheté<br />

de ces Peuples rendit inutfles les foins, les précautions, 56 les<br />

grands préparatifs du Soudan y pour la confervation d'une Place<br />

fî importante. Se comme ils firent triompher leurs Ennemis,<br />

fans rifquer un feul Homme , 5c lorfp'ils s'y attendoient le<br />

moins.<br />

Les Chrétiens aïant aperçu les flammes en divers endroits<br />

de la Ville, allèrent promtement reconnoître ce qui pouvoit<br />

avoir donné Ueu à cet incendie. Se ne tardèrent pas à s'ape^<br />

cevoir que les Sarrafins l'avoient abandonnée. Dès que les<br />

deux Rois en furent informés, ils détachèrent d'abord quelques<br />

Compagnies de vaiflans Hommes, pour en afler abatre les<br />

portes. Toute l'Armée fe mit en bataiUe, pour les foutenk;<br />

mais fls ne trouvèrent plus d'autre Ennemi à combattre, que<br />

le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LiV.XL CH.VIL ^pp<br />

k feu, qui la confùmoit; ni d'autre obftack à formonter, que<br />

la peine de Péteindre. Ils y travaiUêrent avec tant de dfligence,<br />

qu'ils en vinrent bientôt àbout. Alors, les deux Rois,<br />

6e les autres Prmces, eurent la fetisfadion d'y entrer triomplians,<br />

fans tirer fépée. Leur premier foin. Se celui du Légat<br />

, fut de purifier k Mofquée principale, qui fut convertie<br />

en une célèbre EgUfe, 5e confacrée à Dieu, fous le titre de k<br />

Mère-de-Dieu, Us rendirent enfuite de très-humbles adions<br />

dc grâces à fa toute-puiffance d'un événement fi favorable,6cfi<br />

inopiné, puifqu'fl les mettoit en état, non feulement d'afler at-^<br />

taquer la Capitale du Roïaume, mais encore de pouvoir s'y<br />

affermir, 5c d'y faire fleurir la Religion Chrétienne,<br />

Le Roi SAINT LOUIS , à qui cette bonne œuvre faffoit un<br />

plaifir extraordinaire, 6e qui défîroit, qu'on fît un bon ufage<br />

de fabondance des provifîons, qui fe trouvèrent dans la ViUe,<br />

Se qu'on profitât de fardeur, que donnoient aux Troupes les<br />

richeffes, qu'elles y avoient piflées , Se qui avoient parfaitement<br />

accommodé, 5c Officiers, Sc Soldats, fit inceffamment<br />

affembler tous les prflicipaux de l'Armée, pour prendre leurs<br />

avis, fur la manière dc conferver leur conquête, 6c de continuer<br />

la guerre avec fuccès.<br />

U y eut dans ce grand confefl, comme dans bien d'autres,<br />

une fi grande diverfité d'opinions, que, malgré k capadté,65;<br />

l'expérience des Perfonnes, qui le compofoient, on s'attacha<br />

au plus mauvais parti Faute encore plus dommageable aux<br />

ChrétienSy que le féjour qu'fls avoient fait dans Pile de Chypre;<br />

Car, quoique le Comte d'Artois y Se plufieurs autres Seigneurs<br />

fou tinffent, " qu'il failoit fe mettre promtement en campagne,<br />

3, Se pourfuivre les Ennemis, avant qu'ils puffent fe remettre<br />

yy de l'abattement, que la perte,qu'fls venoient de faire,6c de<br />

„ Pépouvante, que la fuite de la garnifon, 6e des Habitans<br />

„. de Damiette y jointe à la maladie du Soudan y venoient de jet-<br />

3, ter dans tout k pays. " Le Duc de Bretagne sWorçoit de<br />

per*-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6oo H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

perfuader , " qu'fl fallait abfolument s'emparer de la Ville<br />

„ d Alexandrie y dont l'importance. Se la bonté des ports,<br />

„ les rendroient entièrement maîtres de toute la côte Septentrionak<br />

de VEgypte y Se mettroient en fureté leur Flotte,<br />

33<br />

qui ne pouvoit hyvcrner dans aucun autre endroit de ce<br />

33<br />

„ Roïaume, fans y être toujours en danger de fe perdre,<br />

3, ou d'être tout au moins fort endommagée ; Que, d'ail-<br />

„ kurs, la poffeffion de cette Place les mettroit en état<br />

„ de recevoir facflemént tous les fecours, qui leur vien-<br />

„ droient dEurope , au Ueu que les Infidèles , privés d'un<br />

5, port fi avantageux, ne pourroient recevoir aucune affif<br />

„ tance du côté de k mer, fans s'expofer à tomber entre<br />

„ leurs mains.<br />

Cependant, quoique Pune, Se Pautre de ces opinions fuifent<br />

également bonnes, on s'attacha à une troifième, qui renverfe<br />

tous les progrès, qu'ils avoient déjà faits, 6c qui empêcha<br />

ceux qu'ils auroient pu faire. Ils réfolurent d'attendre<br />

f écoulement des eaux du Nily qui ne faifoit encore<br />

que de commencer à croître ; puifque , felon VINCENT DE<br />

BEAUVAIS, les Chrétkns entrèrent dans Damiette qmme<br />

jours après la Pentecôte ; de forte que, pour arriver au tems<br />

que ce fleuve inonde ordinairement VEgypte , îl leur reftoit<br />

encore plus de trois mois ; terme plus que fufiSfant, pour<br />

venir à bout de Pune, ou de Pautre de ces entreprifes,<br />

Se peut-être de toutes les deux ; mais , par une fatalité,<br />

dont on ne fauroit deviner k caufe, ils demeurèrent, près<br />

fefchïé- ^^ ^^ mois, dans finadion à Damiette. Cette longue oitiensnwf-<br />

fivcté douua Ucu à toutc PArméc de fe plonger dans des<br />

^akei!^^ diffolutions abominables, lesqueUes contribuèrent, fans dour<br />

te, au mauvais fuccès de leur expédition.<br />

On étoit encore enféveU dans ce dangereux repos, lors que<br />

le Comte de Poitiers y Frère de St. Louis, arriva devant D^miette,<br />

U conduffoit plufieurs Bâtimens, chargés d'Honunes,<br />

•^^ darr<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lir. XI. CH.. VII. tfoi<br />

d'argent, 6c de munitions. U mouilla, le 27. Odobre, à l'embouchure<br />

du fleuve. Ce Prince ne fut pas plutôt débarqué,<br />

qu'on tint un nouveau Confefl. Il fut réfolu d'afler attaquer k<br />

Soudan, qui étoit campé près de la Vifle de Maffmra,<br />

L'Armée Chrétienne fortit enfin de Damiette, le 20. Novembre,<br />

6c marcha vers cette Ville, qui eft fituée à trente miles<br />

du Caire y fur le bras Oriental du Nil. Comme ce fleuve<br />

fe trouve coupé un peu au-deffus de Maffouray par un grand<br />

canal , qu'on prendroit facilement pour un de fes véritables<br />

bras, fl y formoit une prœqu'Ik ; ce qui obligea PArmée Chrétienne<br />

de s'arrêter pour chercher un gué, Se aller attaquer celk<br />

des Sarrafins, Chacun était d'autant plus impatient, qu'on<br />

venoit d'apprendre la mort du Soudan ; Se que M E'L E C-S A L A. Mort du<br />

fon Ffls, qu'il avoît envoïé en Syrie, quelque tems auparavant, ^°"'^^"pour<br />

y 'lever des Troupes, 6c pour demander du fecours aux<br />

Princes fesAlUés, n'étoit point encore de retour.<br />

Mais k profondeur de ce Canal, 5e la hauteur de fes bords,<br />

ne permettant point aux Chrétiens de le traverfer, on emploïa<br />

quantité de monde à couper des arbres, à faire des fafcines, à<br />

tranfporter dc k terre, 6càpillater, afin de faire une digue, qui<br />

en détournât feau, Se qui la retint dans fon Ut ordinaire.<br />

L'ardeur, 6e l'affiduité, de ceux qui étaient occupés à cet<br />

ouvrage, à k faveur d'un grand château de bois, qu'on avoit<br />

conftruit, pour les mettre à couvert, leur faifoit efpérer d'en<br />

venir bientôt à bout; Mais l'Amiral SACCARDIN, à qui le Soudan<br />

avoit kiffé, en mourant, le gouvernement de fes Etats,<br />

6e le commandement de fon Armée, pendant fabfence de fon<br />

Ffls, Se qui connoiffoit combien fl lui étoit important d'empêcher<br />

k continuation de cette digue, trouva le moïen de mettre<br />

le feu à leur château, Sc fit jetter fur les travaflkurs une fî<br />

grande quantité de flèches, 6c de feu grégeois, qu'fl en périffoit<br />

tous les jours un très-grand nombre, fans qu'on pût remédier<br />

à fun, ni à l'autre de ces fâcheux mconyeniens.<br />

Gg gg Ou-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^02 H I S'Y o I R E^ "G E' N E' RALE<br />

Articic'/r. Outre ces grands obftacles, les Infidèles leur gâtoient encô*<br />

re plus d'ouvrage, en une heure de tems , qu'ils n'en pouvoient<br />

faire en plufieurs jours ; 5e, fi les Clorétiens étaient conftans,<br />

5c réfolus à tenter ce paffage, les Ennemis n'étoient<br />

pas moins fermes, 5e attentifs à fempêcher, lorfque, par une<br />

avanture affez fingulière, un Sarrafin même les tira d'embarras.<br />

On ne fait, pour quefle raifon cet Homme-quitta le Camp<br />

Bon office Egyptien y pour venir, de fon propre mouvement, leur indici"rétîcns,<br />

quer un gué, à quelque diftance de Pendroit, où fls étoient<br />

sïraL. campés. Le canal y formait une efpèce d'étang, qui, parfà<br />

grande étendue, rendait les eaux beaucoup plus baffes, & par<br />

confequent. moins difficiles à traverfer.<br />

Les Perfonnes, que le Saint Roi envoïa pour reconnoître ce<br />

paffage, le trouvèrent, en effet, tel que le transfuge ^S^rr^fin<br />

Pavoit affuré. Après leur raport, ce Prince ordonna fur ie<br />

champ, qu'on difpofât toute PArmée, pour le traverfer le lendemain.<br />

Le Comte dArtôis, avec les Chevaliers de XUôfitaly<br />

Se du Tempky qui étoient à la tête de Pavant-garde, le<br />

frandiirent le premier, malgré le limon gluant, 5e profond,<br />

où les Chevaux s'enfonçoient. Apeine, en furent-ils fortis,<br />

qu'ils rangèrent leurs premiers Efcadrons en bataiUe ; Sey fans<br />

attendre la jondion du refte de la Cavalerie, ils s'avancèrent<br />

courageufement contre les Sarrafins. Ils firent, dans cette occafion,<br />

ce que toute fArmée enfemble auroit eu peine à fou**<br />

tenir. ^<br />

:ï'\iitepréci. Ils affailUrcnt fi brufquement les Infidèles, 5e eu renverfereât<br />

îmidéfes. ^^ fî grand nombre, qu'étonnés d'un fi prodigieux maffacre,<br />

Se croïant d'avoir toute fArmée Chrétienne fur les bras, ils<br />

prirent une foite précipitée vers Maffourà , 5c abandonnèrent<br />

leur Camp, avec toutes les machines, qu'ils avoient conftruir<br />

tes, pour oppofer à cefles des Chrétiens , 5c quantité de pièces<br />

de bois. Se autres matériaux; Mais, fait que cette grande<br />

pro^érité aveuglât ks Chrétiens y ou que fardeur du Coror<br />

te<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. LiV.XL Cir. Vit 6oi<br />

te 'dArtois Pemportât for fa conduite, 6c fur fa prudence ordinaire<br />

, fl pourfuivit fi inconfidérément les Infidèles, ( même<br />

contre le fentiment des Ordres MiUtaires, qui lui repréfentoient,<br />

qu'il feroit affez glorieux pour eux de conferver ce qu'ils venoient<br />

dc gagner ) qu'il fut caufe dc fa propre perte, de k<br />

leur, 5e d'un grand nombre d'autres Perfonnes de diftindion, «50.<br />

6c de mérite.<br />

Car les Barbares'y qu'ils avoient pourfuivis jufqu'aux portes<br />

de Maffourà , revenus de leur terreur panique , 5c piqués<br />

qu'un fi petit. nombre de Chrétiens euffent eu la témérité<br />

de leur donner la chaffe jufques dans leurs propres maifons,<br />

firent tout d'un coup volte face, 6e fe ralUèrent fi promte-^<br />

ment, que, fans Parrivée des Hofpitaliers y Se des Templiers y<br />

qui s'étaient avancés pour foutenir le Comte, il aurait fuccombé<br />

plutôt, 5e peut-être avec, lui, tous ceux qui favoient fuivi.<br />

C H A P I T R E VIIL<br />

Cependant, ni ces Chevaliers, ni la valeur de la No- AtUcie /.<br />

bleffe Françoife, ne purent foutenir la multitude de<br />

Sarrafins , qui arrivoient à tout moment ; 5c qui, comme<br />

furieux, les preffoient de toutes parts. Le Comte d Artois<br />

fut tué d'un coup de flèche ; furquoi fes gens prirent le parti<br />

de la retraite, 5e Pexécutèrent en fort bon ordre, malgré la perte<br />

confidérable, qu'ils venaient dc faire, 5c l'affoibUffement<br />

de leurs forces ; puifqu'outre le Comte d Artois , le Comte<br />

ERALD DE BRIENNE , RODOLPHE DE COUCI , quantité d'autres<br />

Seigneurs , 5e près de trois cens Chevaliers des deux<br />

Ordres, demeurèrent fur le champ de bataiUe ; ce qui ne<br />

les empêcha pas de regagner les retranchemens , que les<br />

Infidèles leur avoient abandonnés. Us y joignkent le corps de<br />

Cavalerie, qui avoît paffé après eux , Se s'y maintinrent,<br />

Gggg z non<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


(5o4 H I S T O I R E G E' NE'RALE<br />

non obftant tous les efforts , que firent les Barbares pour<br />

les en chaffer. Us eurent même le bonheur d'achever à<br />

kurs yeux, S^ de leur propre bois, un pont dans le même<br />

endroit , où ils avoient commencé k chauffée, fur lequel<br />

les deux Rois , Se tout le refte de PArmée paflerent<br />

à Pentrée de la nuit, fans y faire aucune perte.<br />

Ce fut à la defcente de ce pont que le ChevaUer HENRI<br />

DE RouAï, que les ChevaUers de VHopitaly Se du Tempky<br />

avoient envoïé au-devant, annonça à SAINT-Louis la mort<br />

du Comte d'Artois , fon Frère. Ce Monarque reçut cette<br />

trifte nouvelle, avec une conftance, 5c une réfîgnation^vraiment<br />

digne de fe piété; 5e, quelque fenfible, que lui fût une ft<br />

grande perte, fl continua trànquilement fon chemin, fans donner<br />

aucune marque de la véritable douleur, qu'il en reffentoit,<br />

6e afla fe loger dans le Camp, dont le Comte fon Frère, &<br />

ks Ordres MiUtaires avoient chaffe les Infidèles,<br />

Satwe^"^ A' peine le Saint Roi eut-fl le tems de le reconnoitre, &<br />

de nouveau, f Anuéc cclui d'y arriver, que les Sarrafins y enflés de k vicpane!^^<br />

toire, qu'fls avoient remportée le jour précèdent, 5c qu'ils<br />

Sarrafins. croïoicnt d'autant plus complette, qu'fls s'imagînoient davoir<br />

trouvé, au Ueu du Comte d Artois y le Roi même parmi les<br />

morts, fuivirent les Chrétiens, Le Général ennemi faifoit porter<br />

devant lui la côte d'^Armes de ce Prince, comme un glorieux<br />

trophée,afin d'encourager les fiens, 5c donner dé la terreur<br />

aux Fidèles, U les attaqua, dès le point du jour, avec<br />

des cris, 5c des hurlemens épouvantables, 6c avec tant de fureur,<br />

qu'il en fit d'abord un grand carnage.<br />

Car, foit que k laffitude de ceux, qui avoient combatu, les<br />

incitât au repos; ou que l'embarras, 6c la fatigue qu'avaient<br />

cu les autres, en paffant le pont, pendant la nuit, les portât<br />

à en faire de même, fl eft certain, que les Chrétiens étoient<br />

encore endormis, lorfque les Sarrafins affaiflirent kur Camp;,<br />

6c que > fi ks Barbares avoient fu profiter de f étonnement,<br />

que<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lm XL CIL VUI. Cof<br />

que leur caufa une attaque fi imprévue, fls les auroient entièrement<br />

taiflés en pièces. Mais, par bonheur pour eux, les /«/î^<br />

dèks y extrêmement avides du butin, s'amufèrent au piUage du<br />

Camp, 6c leur donnèrent k tems de fe mettre en défenfe, de<br />

les arrêter,6c de les charger enfuite,à kur tour,d'une manière<br />

fl brufque. Se fi vigoureufe,qu'ils les forcèrent à fe retirer plus<br />

vite, qu'fls n'y étoient entrés, Se enfin à prendre une fuite fi<br />

précipitée, que les Soldats abandonnèrent kurs Officiers, dont<br />

plufieurs périrent, en voulant les ralUer, pour faire tête aux<br />

Chrétiens. SACCARDIN même,avec quatre dc leurs Amkaux, 6c<br />

k fleur des Mammelucs, y perdirent k vie.<br />

Les Auteurs contemporains affurent, que les Seigneurs d'i­<br />

BELiN, Pun Sénéchal, 6c fautre Connétable de cc Roïaume,<br />

contribuèrent beaucoup à cette vidoire ; Car, foit qu'ils fe<br />

trouvaffent plus voifins de l'endroit, que ks Sarrafins attaquèrent<br />

, ou qu'fls fuffent plus promts à prendre les armes, ce furent<br />

eux qui foutinrent le mieux fadion, 6c qui procurèrent k<br />

tems aux autres Troupes de fe mettre en défenfe.<br />

Le nouveau Soudan M E'L E C-SALA arriva fur ces entrefaites. Arrivée-<br />

Il ne trouva aucune altération dans les affaires, Se plus au fait soS'^<br />

que fes Amiraux, après s'être fait rendre compte dc tout ce qui Mé'ecs'étoit<br />

paffé pendant la guerre, il ne vouhit jamais donner,, ni qui neveut^<br />

accepter aucune bataifle, malgré la quantité de Troupes qu'fl Ï^^J^;^"*<br />

avoît amenées de fes Etats de Syrie y ou de celles que lui avoient aucune ba^<br />

fourni fes Afliés ; perfuadé que, pourvu qu'fl empêchât les Chré- ***<br />

tiens d'avancer davantage vers le Caire y les incommodkés que<br />

kur cauferoit leur féjour dans une campagne auffi humide, 5c<br />

dont Pair de la mût eft très-pernicieux, fl ne manqueroit pas<br />

de leur caufer de grandes maladies, qui feroient plus d'effet,,<br />

que tout Peffort de fes armes ; 6c que ces fouffrances, jointesà<br />

la difette de vivres, leur feroient bientôt éprouver des miferes,<br />

qui les obligeroient à fortir de fes Etats, fans qu'il lui en<br />

coutât la perte d'un feul Homme<br />

Gg gg 5 Cefl<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«o6 HÏSTOÏREGE'NFRALE<br />

C'eft pourquoi, comme Damiette étoit le feul lieu, d'oùïf<br />

pouvoient recevoir du fecours, il détacha une groffe partie de<br />

fe Cavalerie, pour faire une garde exade le long du Nily Se<br />

pour s'emparer dc tputes les avenues. Non content de cette<br />

précaution, il fit encore tranfporter diverfes barques fur la rivière<br />

entre Damiette, Se le Camp Chrétien y qu'fl fit remplk<br />

de gens de guerre, fi réfolus, 5e fî promts à exécuter fes ordres,<br />

qu'il fut impoffible à un convoi chargé de provifions,<br />

que le Patriarche de Jérufalem envoïoit aux Chrétiens y de pal^<br />

fer, ni à aucune des barques, dont fl étoit compofe, d'échaper<br />

AoaMtage aux Ennemis. Lcs unes furent prifes. Les autres caulèrent à<br />

insfurXs fond; Se tous les Soldats, 5c Matelots qui les conduifoient,<br />

€hréci.=ns.furent tués,ou faits prifonniers. Diverfes autres barques,qu'on<br />

envoïoit, de tems à autre, au Camp Chrétien, eurent un parefl<br />

fort; deforte, qu'on ne tarda pas à éprouver k difette, 5c<br />

les maladies, que le Soudan avait prévues.<br />

Grand nombre de Soldats fe trouvèrent toi^t d'un coup les<br />

jambes, 5c les piés enflés d'une manière à ne pouvoir fe foutenir.<br />

Us furent accablés enfuite d'une grande douleur de tête,<br />

5e de dents, avec une fièvre fî violente, qu'ils en mpuroient en<br />

peu de jours. Cette dangereufe maladie fe répandit fi extraordinairement<br />

dans tout le Camp', qu'fl n'y avoit plus pavfllon,<br />

ni tente, où fl ne fe trouvât, tous les jours, des morts, 5c des malades<br />

, fans que la fcience, ni tous les foins des Médecins, &'<br />

des Chirurgiens, puffent remédier à cette efpèce de contagion,<br />

que les Phifîciens nommoient Scorbut.<br />

Article // L'évident danger , que couroit toute PArmée de périr dc<br />

cette infirmité,, ou de la famine,qui augmentoit tpus les jours,<br />

fit que le Saint Roi, 5e les autres Princes firent, plus d'une<br />

fois, mettre en bataille le peu de Troupes, qui fe trouvoient<br />

encore en état de manier les armes, pour préfenter le combat<br />

7iu Soudan y'Tifm de mourir glorieufement, ou de fe tirer des<br />

calamités, dont ils étoient accablés. Mais tous leurs mouvej<br />

meni<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^ DE JE'RUSALEM. Liv. XL Cu. VIIL (^o?<br />

mens furent inutiles. M E'L E c - S A L A demeura toujours conf Dépr des<br />

tamment réfolu de n'en point venir aux mains, à quelque prix de Tomet<br />

xjue ce fût ; perfuadé fur le raport de fes efpions, qu'il ne tar- ^«^ûtii^.<br />

deroit pas long-tems à cn triompher, fans être obligé d'expofer<br />

fes Soldats au désefpoir, oùfl fevoit que les Chrétiens étoient<br />

réduits.<br />

En effet, les Princes, les Seigneurs, 6c les principaux OfiS*ciers,"<br />

outre l'infirmité, dont la plupart étoient atteints, man-<br />

•quoient également de nourriture ; deforte que le peu de Soldats,<br />

que le mal avoit épargnés jufqu'alors, périffoient, faute<br />

de fubfiftânce, 5e par la laffitude, que leur caufoit la dure néceffité,<br />

où fls étoient de fupléer aux fondions de ceux que la<br />

maladie avoit emportés.<br />

Lc Saint Roi même, après y avoîr réfifté quelque-tems par<br />

k force. Se la grandeur de fon courage, fut enfin contraint<br />

de céder à la violence des douleurs, 5c de s'aliter ; ce qui achejva<br />

dc mettre la confternation dans toute l'Armée. L'intérêt<br />

que chacun prenait à fe confervation étoit très-fenfîbk ; 5e ils<br />

étaient tous pénétrés de le voir en cet état. Lcs Princes fes<br />

Frères 5e tous les Seigneurs de PArmée le foflicitèrent inutilement<br />

de fe mettre fur une petite Frégate légère bien pourvue,<br />

dc rameurs, 5c de gardes, qui, à la faveur des ténèbres, k<br />

conduirait promtement à Damiette. Ce grand Prince répondit<br />

toujours, avec autant de générofîté, que de réfolution, "qu'fl<br />

„ n'abandonneroit jamais une Armée, qu'fl chériffoit fî fort,<br />

^y 6c à la tête de laquelle fl s'étoit mis pour la gloire de Jéfus*<br />

3, Chrift ; Qu'il voulait partager tous les pérfls avec elle, 6c<br />

.,, encourir la bonne, ou mauvaife fortune, qu'il plairoit à Dieu<br />

„ dc leur envoïer. " Cc fut alors qu'on fit les derniers efforts,<br />

pour fe retirer à Damiette.<br />

Le lendemain 5. Avrfl, ils firent embarquer les plus infirmai<br />

fur quelques Bâtimens, qui leur reftoient encore, 5c les amenèrent<br />

fur k Nily à l'entrée de la nuit, à la faveur du cou^<br />

; rant><br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6oS HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

tant de Peau. Les triftes reftes de cette Armée, fi floriffaa;<br />

te quatre mois auparavant, quittèrent leur Camp, 5c fe mirent<br />

en marche ; mais à peine l'eurent - fls perdus de vue , qu'fls<br />

donnèrent dans la Cavalerie Sarrafine , 6c furent affaiUis par<br />

toute PArmée du Soudan, contre laquelle ils fe défendirent fî<br />

bien, que, malgré leur langueur, 6c leur épuifement, ils foutinrent<br />

, pendant plus de trois heures, fes terribles, 5c furieux<br />

afïàuts, 6c renverfèrent un fi grand nombre dInfidéleSy<br />

que ce n'étoit pas fens raifon, que ME'LEC-S ALA avoit apréhendé<br />

de combattre contre des gens, dont le désefpoir augmentoit<br />

infiniment la bravoure.<br />

Cependant tous les prodiges de valeur, que firent les Chrétiens<br />

dans cette fanglante journée, furent inutiles. Les plus<br />

vigoureux tombèrent fous le fer des Barbares, Les autres furent<br />

contraints de fucomber à la mifltkude, qui ks accahloit<br />

de tous côtés. Les Comtes d'Anjou, 6c de Poitiers ; los Métrés<br />

de VHopitaly Se du Tempky Sc tout ce qui reftoit de ChevaUers<br />

de ces deux Ordres, qui étoient à k tête de l'Armée,<br />

furent auffi les premiers prifonniers, après avoir vu pérk tous<br />

Les Rois kurs coufrércs. La déroute, 6c le maffacre devmt alors fî<br />

^^de^chy-ë^^^^y quc k Roî de France y Sc celui de Chypre y avec tous<br />

pre, faits ccux qui Ics cnvironnoicnt, furent également arrêtés. Tout le<br />

W^^ne. refte de PArmée eut enfin le même fort. Perfonne n'échapa à<br />

ce malheureux coup. Les uns furent tués fur le champ de bataille.<br />

Les autres devinrent la proie des Infidèks y qui ne les<br />

épargnèrent, que dans l'efpérance de s'en fervk dans Pefclavage,<br />

ou d'en retirer de bonnes rançons.<br />

Les.pauvres malades, qu'on avoit rifqués for le Nih ne furent<br />

pas moins malheureux. Toutes les barques, où on les<br />

avoit mis, furent prifes. Les Sarrafins eurent k cruauté d'en<br />

égorger une partie, 6c brûlèrent ks autres tous vffs, comme<br />

Paffure VINCENT DE BEAUVAIS. Cet Auteur dit auffi, que SAINT<br />

LOUIS, 66 les autres Princes, aïant été préfentés au Soudan,<br />

C9<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


CE JE'RUSALEM. Liv.îî. CM.VITE. tog^ •<br />


6îo HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

V. „ Que tous les effets, que les Chrétiens avoient à 2)44<br />

i, miette y leur feroient bien conferves, fous la fauvegarde du<br />

„ Soudan y 6e fidèlement rendus, lorfqu'fls les rechercheroient<br />

VI. „ Que le Soudan feroit efcorter les Chrétiens, qui, fau«<br />

5, te d'embarquement, feroient obligés de fe rendre par terre<br />

„ en Pakftinéy où fls jouïroient en Uberté,5c fans aucun trou-<br />

„ ble, de toutes les Villes, Châteaux, Bourgs,-5c Vfllages,<br />

„ qui fe trouvoient adueflement en leur pouvoir.<br />

VIL „ Qiie les malades, Se tous les Chrétiens, qui auroient<br />

„ encore des affaires à Damiette, après fa reftitution, pour-<br />

„ roient y demeurer en fureté. Se fans y être aucunement in-<br />

„ quiétés, non plus que lorfqu'fls voudroient fe retirer en Eià*<br />

„ rope y ou en Paleftine,<br />

Ce Traité aïant été étabU, 6c approuvé de part 6c d'autre,<br />

afin de le rendre plus foUde, Se plus inviolable, le Soudan voulut<br />

le confirmer, par un jurement terribk 6c folemnel. Il prononça,<br />

que y fi jamais iî contrevenoit à aucun de fes articles, il<br />

gntendoit avoir renié fon Prophète Mzhomet,(i^ confentoit qu'on<br />

k regardât comme un fcélérat y Ç^ comme un parjure; Mm flfut<br />

fort étonné, que, lorfqu'fl voulut exiger un parefl ferment du Roi<br />

de France;c'efi à dire, " qu'fl jurât de fon côté,que,s'fl man-<br />

5, quoit d'obferver les articles, dont ils étoient convenus, fl<br />

5, entendoit également avoir renié Jefus-Chrifî: ce fàge y 5c<br />

pieux Prmce, à qui cette propofition fit horreur,répandit avec<br />

une fermeté, 5c une conftance digne de fefprit de Dieu, dont<br />

fl étoit rempli, qu'il fouffriroît plutôt la mort, quede proférer<br />

une chofe fî impie, 6c fî exécrable.<br />

Cependant, quelque fâché que fut k Soudan de ne pouvok<br />

parvenir à la fin, qu'fl s'étoit propofée, tov^t Sarrafin qu'il<br />

était, fl ne put s'empêcher d'admirer la confiance, avec lamelle<br />

SAINT-LOUIS foutint fa ReUgion ; Se de voir enfin, qu'aie<br />

cun danger n'étok capable de l'ébranler fur ce point: deforte<br />

^ue, reconnoiffant qu'fl étoit impoflQbk d'^ arracher quefà<br />

fimple parok, û s'en cajot^ata^ perfoadé J^u'ilne ferot pas moins<br />

leli-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


OE JE'RUSALEM. Liv. XL ÇH. VIIL 6it<br />

religieux à k tenir , qu'il avoit été ferme envers fon Dieu.<br />

Ceft pourquoi fl fit inceffamment publier la Trêve, qu'il venoit<br />

de condure avec lui. Ce qui eft bien contrake au fentiment imprudente<br />

de quelques Hiftoriens, qui, fans aucun fondement, ont eu ài^vrSZ<br />

fifmprudence d'avancer que SAINT-LOUIS avoit laiffe k faint Ciboire,<br />

avec l'hoftie confacrée, en otage aux Sarrafins y comme<br />

C ces Infidèles euffent connu k valeur , Se l'importance d'un<br />

gage fi prédeux.<br />

Opinion fî oppofée à k vérité du fait, qu'efle doit rendre<br />

leurs ouvrages fufpeéts à ccux qui écrivent après eux, 6c qui ne<br />

feuroient être trop circonfpeds, lorfqu'fls font obligés de raporter<br />

des faits fî confîdérables, principakment loriqu'ils intéreflent<br />

la réputatîon d'un Prince, dont k vertu, 6c k fainteté à<br />

été fî généralement reconnue de tout le monde.<br />

C H A P I T R E IX.<br />

PDur reprendre le cours dc notre Hiftoire, lorfque le Saint Article/.<br />

Roî, 6c tous les autres Princes, 5c Seigneurs Chrétiens<br />

efpéroient de recevoir leur liberté. Se qu'ils croïoient que rien<br />

n'étoit plus capable d'empêcher l'exécution du Traité, fl arriva<br />

parmi les Infidèks un foulèvement, fî grand, 6c fî fubit, qu'il<br />

renverfe toutes leurs efpérances, 6c les mit même dans un extrême<br />

danger de perdre la vie.<br />

Ce changement fut caufé par ks Mammelucs y dont les Sou- tj^s MWians<br />

avoient fait leur garde ordinaire. Le corps de cette mi- ^^.j^î^.<br />

lice, quoique compofe defch.\esRuffienSy Se Circaffiens,^che- w«.<br />

tés des Tartares , qui les cnkvoknt de ces Provinces ; ou<br />

d'Enfans, nés des efclaves des Grands d'Egypte; ou de Garçons<br />

prk en guerre,comme je l'ai expliqué, en pariant dc leur<br />

Hh hh z orit<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6î2 H I S T O I R E G E'N*E'R ALE<br />

origine, dès le règne du grand SALADIN, Pan 1176. ce corpff<br />

de milice , dis-je, était pourtant devenu fî puiffant enEgyptCy<br />

par la faveur des Soudans leurs Maîtres, 5e par les befles adions,<br />

qu'ils avoient toujours faites, que leur crédit, 6c leur valeur,<br />

les avoient randus fufpeds à leurs Princes. Quelques-uns de<br />

ces Chefs en furent même fî jaloux, que, fous divers prétejj^<br />

tes, ils fe défirent affez fouvent de ces Officiers étrangers, fans<br />

pourtant que les Soldats en témoignaffent alors aucun reffentiment,<br />

foit qu'ils ne fe fentiffent point encore affez forts pour<br />

s'en vanger; ou qu'ils ne fuffent point affezfenfibles,à la perùe<br />

de leurs Officiers. , V: ,<br />

M E'L E c-s A L A, par une poUtique plus mauvaife, que celle<br />

de fes Prédéceffeurs, ne fit que dépouifler les Mammelucs des<br />

grands emplois, qu'fls poffédoient, 6c en gratifia les Officiera,<br />

IwT^'^" ^^^^ ^^^^^ amenés de SYRIE. Cet affront leur fut fi fenfible,<br />

**" qu'ils confpirèrent d'abord contre fa Perfonne, 5e réfolurent<br />

de le facrifier à leur reffentiment, fans aucun égard pour<br />

Paffedion, que ce Prince avoit pour leur corps. Il favoit fort<br />

augmenté d'un grand nombre de jêuneffe Chrétienney nouvellement<br />

achetée, Sc foigneufement inftruite dans Religion MO'<br />

hométancy 6:r aux exercices miUtaireSw<br />

Méiec-Sa- Cc fut après la publication de la Trêve, qu'ils exécutèrent<br />

f^Sr^ leur projet. Plufieurs d'entre eux entrèrent furieuferaenfe dvas<br />

Mamme- \^ ^Q^^Q JU Soudany lorfqu'il fortoit dc table, 6c le percèrent<br />

de plufieurs coups. Cependant, malgré fes bleffures, fl eut<br />

encore affez de force, Se de courage, pourfe dégager de leurs<br />

hiains, Se prendre la fuite ; mais ces ' affaffins le pourfuivirent<br />

fî vivement, qu'fls ne tardèrent pas à l'atteindre, Se achevèrent<br />

de le maffacrer, à la vue de toute l'Armée, fans qu'il fe<br />

trouvât aucun Officier, ou Soldat, qui ofât s'y oppofer, ni<br />

qui eût affez de hardieffe pour vanger fa mort. Tant la<br />

miUce des Mammelucs s'étoit rendue puiffante 5e redoutable à<br />

toutes les autres Troupes. Aufll ne trouva-t-eUe aucune difficulté<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. XL Cn. IX. ôi^<br />

culte à fîirmonter, lorfqu'après ce meurtre eUe ufiirpala fouveraineté,<br />

qu'elle a depuis confervée fans aucune interruption, pendant<br />

Pefpace de deux cens cinquante ans.<br />

TuRcoMAN, ou TURCOMANI , Pun de leurs Emirs, avoit déjà<br />

tant d'autorité, 6c fur ks Mammelucs fes confrères, 5c fur ks<br />

Sarrafins mêmes y qu'fl empêcha, par fa feule préfénce, le tumulte,<br />

qui commençoit à s'élever parmi ces derniers. U fit d'abord<br />

écarter les meurtriers de M E L E c-S A L A , lesquels fépée<br />

a la main, 6e teinte encore du fang de leur Souverain, étoîent<br />

entrés tumultueûfement dans la tente de SAINI^Louis,<br />

6c menaçoient de le traiter, comme ils avoient fait le<br />

Soudany s'fl refufoit de renouvellcr avec eux le Traité, dont<br />

fl étoit convenu avec le Soudan maffacre.<br />

Après k retraite de ces furieux , 5c pendant que TUR- Article //.<br />

COMANJ raffuroit ce grand Prince, lui proteftant, qu'on ne<br />

changeroît rien au Traité, 5e qu'on ne manqueroit pas d'avoir<br />

toujours , pour fa Perfonne , beaucoup de refped , Se T"^


614. H I î5 T O I R E G E' N E' R A L E<br />

vir de cette fomme, pour la diftribuër aux Troupes, 6c commencer<br />

à fe captiver leur bienveillance par cette libéralité;<br />

6c que, pour affurance de fautre moitié, il lui kiffât en ôta»<br />

ge le Comte de Poitiers. Condition bien dure pour le Roi,<br />

qui ne pouvoit fe réfoudre à laiffer fon Frère au pouvoir<br />

des Infidèles ; maîs fl ne pouvoit k réfufer, fans s'expofer à<br />

dc plus grands malheurs. U y confentit, 6c la Trêve fut dc<br />

nouveau ratifiée, départ, 6c dautre, 6c de nouveau pubUée<br />

dans tout le Camp, à fon de trompe.<br />

Pour, accélérer fa délivrance 6c celle du Comte de Poitiersy<br />

Damiette<br />

wrJu au le Roi envoïa promtement le Seigneur de Sergines à Damiett-<br />

Soudan. ^^^ ^^çç ^j.^j.g ^y^ CM'^/^»j d'évacuer cette Place, 6c dek<br />

configner aux gens du Soudany félon la convention. L'extrême<br />

aifiidion, que reffentit la Reiôe, lorsqu'elle aprit la trifte<br />

nouveUe de la prffon du Roi fon Epoux, fut caufe<br />

, qu'eUe acoucha, avant le terme , d'un Ffls , qu'elle voulut<br />

qu'on nommât JEAN-TRISTAN, pour marque de la<br />

doukur , dont elle étoit pénétrée. Cependant, cette Prin.<br />

ceffe, quoique foible encore , Se extrêm.erâent abatue , s'embarqua<br />

avec le Légat, le Patriarche, 6c la garnifon; car, à<br />

la referve des malades , toutes les Perfonnes , qui fe trouvoient<br />

k Damiette y profitèrent des Vaiffeaux, qui avoient été<br />

prépares pour cet effet; 5c ils firent inceflamment vofle pour<br />

Ptolomaîdey où ils arrivèrent heureufement en peu de jours.<br />

Les InfidèkSy abrutis par la quantité de vin, Sc d'autres liseurs,<br />

qu'ils avoîent trouvées dans JktmiettCy dont îls étoient<br />

d'autant plus altérés, qu'ils n'en avoient pomt Pufage,y égorgeoient<br />

impitoïabkment les pauvres infirmes , qu'on y avoit<br />

laiffés. Us piUêrent les effets des François y qui y doient demeurés<br />

fous la fauvegarde du Soudan, Sc commirent des désordres<br />

infinis. Le Roî même, 6c tous les autres Princes, forent<br />

en danger de leurs vies. Ces brutaux ne les épargnèrent péritêçre,<br />

qu'rai confidération des groffes fommes, qu'fls dévoient<br />

cnco-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


©B JERUSALEM. LIT. XI. CH. ES. ^i^<br />

encore en recevoir pour kur rançon. SAINT-LOUIS fe trouvoit<br />

fort en peine ; car, après avoir affemblé tout Pargent qu'il put,<br />

U lui manquoit encore plus de trente mflle Ecus, pour y fupléer.<br />

Ce qui obligea ce gTand Prince de fe fervir de fon autorité,<br />

pour tirer cette fomme des coffres des Templiers y qui<br />

avoient eu la malhonnêteté de k lui réfufer. U étoit bien réfolu<br />

de ne point partir d''Egypte y fans emmener fon Frère avec<br />

lui, parce qu'fl n'avoit déjà que trop éprouvé, qu'on ne pou- .<br />

voit fb fier aux paroles, ni aux fermens de ces Infidèks,<br />

C'eft pourquoi il étoit fort impatient de finir avec eux, tant ^^^f^^*<br />

pour arracher le Comte de Poitiers de leurs mains, que pour ment de st.<br />

s'éloigner d'un pays, qui lui avoit été fi funefte, auffi bien^^**^*<br />

qu'à toute fon Armée, qui fe trouva réduite à environ fîx mflic<br />

Hommes, de plus de quarante mifle, dont elle étoit compofee^<br />

en y arrivant. Enfin, k Saint Roi n'eut pas plutôt achevé de<br />

payer TURCOMANI , qu'fl s'embarqua avec les deux Princes fes<br />

Frères, tous les Seigneurs François y ceux du Roïaume de Jérufakmy<br />

avec les Ordres Mflitaires , 6c les triftes débris de<br />

leurs Troupes, fur k lélotte Génoife y qui étoit toute prête, 6c<br />

qui fit inceffamment voile pour Ptolomaïde, Le Roi de Chypre<br />

y avec fes Barons, Se les miférables reftes de fes Soldats,<br />

s'embarqua auffi fur fes Vaiffeaux, Se partit, dans le même inf- ^«*«f (^<br />

tant, pour fes Etats, où k Reine fon Epoufe, Se tous fes Su- Chypre<br />

jets, qui avoient été très-allarmés dc fa captivité, le reçurent ^^y/*'<br />

avec des acclamations de joie inexprimables.<br />

Les habitans de Ptolomaïde n'accueillirent pas avec moins de ^'^^^ j ^<br />

jok le Roi SAINT-Louis, 6c toute fa fuite. A', peine ce grand Louis*<br />

Prince fut débarqué, qu'fl fit mettre en liberté tous les prifon- m^»^<br />

niers Sarrafins, qui fe trouvoient au pouvoir des Chrétiens, Se<br />

ks fit conduire en Egypte y comme fl s'étoit engagé. Tant il<br />

étoit religieux obfervateur de fa parole, aux Infidèles mtmes.<br />

Cependant, malgré l'exaditude,avec laquelle il leur avoit payé<br />

tout l'argent, dont ils étoient convenus^ ;Xnalgré kieftitution<br />

de<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«î6 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

de la vifle de Damiette y Se le renvoi de tous les prifonniers<br />

Sarrafins y fl lui fut impoffible d'arracher des makis des Barbares<br />

y c^ environ quatre cens ChrétienSy de plus de douze mille,<br />

qu'iîs avoient pris en différentes occafions,depuis laTrève,<br />

que PEmpereur FRE'DE'RIC avoit faite avec le Soudan ME'LE'­<br />

DIN; encore fut-fl obligé de payer beaucoup d'argent pour<br />

leur rançon.<br />

Les Infidèles firent plus. Us eurent la perfidie de retenk<br />

tous les effets, qui étoient reftes à Damiette y de faire pérk<br />

quantité de malades, 5e de contraindre les plus jeunes, dont<br />

la fanté s'étoit rétablie, k rénier Jefus- Chrift, 5c à embraffer<br />

le Mahométifme ; de forte que les Perfonnes, les machines, les<br />

munitions, 5c les autres effets, qu'on avoit laiffés à Damiette,<br />

felon le Traité, fous la bonne foi du Soudany furent entièrement<br />

perdus, excepté les Chrétiens y qui fe laifferent égorger,<br />

pour ne pas changer de Religion.<br />

C H A P I T R E X.<br />

Af^ie/. TL eft pourtant vrai, que les Sarrafins n'exercèrent ces cruau-<br />

X tés, Se ne contrevinrent à l'accord, qu'après la mort du<br />

Soudan TURCOMANI , qui fut affaffinê par fes propres confrères,<br />

peu de tèms après qu'fl eut été confirmé. Les Mammelucs élurent<br />

Cathos à fa place un autre de leurs Emirs, appelle CATHOS , qui prit<br />

i^TmcQ- le nom de ME'LEC-MAÈS. Celui-ci, qui nefe crut point<br />

uiani, obligé d'obferver les engagemens de fes Prédéceffeurs, encore<br />

plus intéreffé, 6c plus inhumain qu'eux, s'empara violemment<br />

dc tout ce qui appartenoit aux Chrétiens y Se fit traiter cruellement<br />

tous ceux qui avoient eu le malheur de refter en fon pouvok,<br />

ïï protefta même, qu'fl étoit très-fâché d'avoir rf<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


t È JE'RUSALEM. Lm XL CH. X. 6if,<br />

échaper le Roi de France y celui de Chypre y Sc tant dautre»<br />

Perfonnes de confidération, qui les accompagnoient, 6c de n'avoir<br />

pas, tout d'un coup, abatu de fi puiffans Ennemis de fe<br />

Religion, -afm que les autres Chrétiens perdiffent l'envie d'aUer<br />

troubler le repos de fes Etats.<br />

U feroit difficfle d'exprimer la douleiu", que le Saint Roî r^<br />

fentit à ces triftes nouveUes, 5c combien fl fut fenfible à la perte<br />

de tant de -braves Chrétiens y quî avoient fi généreufement<br />

expofé leurs vies pour le fervice de Jefus-Chrift , 5e enfin de<br />

voir, que k Trêve, qu'fl avok conclue avec les Infidèles y n'af^<br />

furoit en aucune manière, la Pakftinéy que ces Barbares ne feroient<br />

aucune difficulté d'attaquer, quand bon leur fembkroit.<br />

C'eft pourquoi, bien loin de faire continuer les préparatffs,<br />

qu'fl avoit déjà commandés, pour s'en retourner en France y<br />

il tint d'abord un grand Confeil, pour confuker fur les mefures,<br />

qu'on devoit prendre, pour s'oppofer aux attentats des<br />

Infidèles. U exhorta tous les Seigneurs de l'Affemblée à dire cenfeiite^<br />

librement leurs fentimens fur un fujet fi. important, 6c qui les LO£^**^<br />

•intéreffoit tous également. *<br />

Les Sei2:neurs François y qui fouhaitoient ardemment de s'en P^^^^^^^<br />

^, r r • J r r i-- tton lur h<br />

retourner chez eux,pour le retaire des loutrances extraordinai- retour de<br />

res, qu'fls avaient endurées en ^j^vf/^,opinèrent fur k champ, fa^'f^T<br />

^, que, comme le Roi fe trouvoit fans Trouves, Sc fans ar- '^*'»^'-<br />

„ gent, Sc par confequent hors d'état de rien entreprendre<br />

„ de glorieux pour lui, ni d'avantageux pour les Chrétiens de<br />

„ la Terre-Sainte y fl leur paroiffoit qu'fl devoit, fans balancer,<br />

„ .retourner dans fes Etats, où fa préfénce étoit fort néceffair<br />

„ re, Se d'où fl pouvoit leur être plus utfle, en leur envoiant<br />

„ dc bons, 6c promts fecours, que s'fl y féjournoit plus long- .<br />

„ tems.<br />

. Le Patriarche, 6c les Barons de Jérufalem, auffi bien que<br />

les Ordres MiUtaires, répréfentèrent au contraire, avec chaleur,<br />

^e donunage infini, que k départ du Roi cauferoit aux Chréli<br />

ii tiens<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


dis H I S T O I R E G E'N E'R ALE<br />

tkns de la Paleftine y Se le grand bien, qu'un plus long féjour<br />

kur procureroit. Ils alléguoient, " qu'ils avoient tout à crain-<br />

„ dre, non feulement des Egyptiens y enflés du fuccès de leurs<br />

,5 affakes, mais encore du Soudan dAlep y qui, après s'être<br />

„ emparé de Damas y fe trouvoit en campagne avec une puif^<br />

„ faute Armée, avec laquelle fl ne manqueroit pas de fe ren-<br />

„ dre makre des miférables reftes du Roïaume de Jérufakmy<br />

„ avant que de paffer en Egypte y où fl avoit réfolu de porter<br />

„ la guerre, pour vanger la mort, de M E'L E c - S A LA , fon Pa-<br />

„ rent. Se arracher ce Roïaume des.mains de ces perfides 5c<br />

„ vils Mammelucs y qui l'avoient ufurpé, en maffacrant leur k-,<br />

„ gitime Souverain." Ajoutant, "que", pendant que les 7^/-<br />

„ J^/« feroient eh guerre entre-eux, on pourroit réparer, en<br />

„ tranquflké, ks fortifications de Céfarée y de Jaffa y de Si-<br />

„ don y 5e des autres Pkces, qui avoîent été ' démolies, alfu-<br />

„ rer par ce moïen ce qu'ils poffédoient. Se faciUter k recou-<br />

„ vrement du refte du Roïaume.<br />

& rifeiu- Ces lémontranccs, qui étoienÉ, en effet, felon ks befoins<br />

u7en?t de la Terr'e-Sainte y touchèrent vivement le Saint Roi, qui étoit,<br />

ïïr^Vfl- daflfeurs, comme retenu en ce pays-là, par k douceur, qu'il<br />

vis des Sei- trouvoît à.contemplcr ks lieux, où k Sauveur du Monde s'étok<br />

françois. fàcrifié pour Ic felut des Hommes, auffi bien que par fefpérance<br />

de retirer des mains des Barbares tant de pauvres Chrétiens y<br />

qui languiffoient dans fefclavage ; de forte qu'après huit jours<br />

de terme , qu'fl avoit pris, pour fe réfoudre, il déclara dans un<br />

fécond Confeil, " qu'il étoit enfin réfolu de ne point abandon-<br />

„ ner les Chrétiens de Paleftine d^ns le trifte état, où flsfe trou-<br />

„ voient;5e qu'fl vouloit encore s^ arrêter quelque-tems,pour<br />

• „ tâcher de rétablk leurs affaires. " U donna, en même-tems,<br />

la Uberté à tous ceux qui n'y voudroient pas demeurer, avec<br />

lui, de s'en retourner Ubrement, fon intention nétant point de<br />

gêner perfonne»<br />

Ll<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liy. XI. CH. X. ^i^<br />

La réfolution de ce Prkice pieux, Sc dèbonnake, étonna<br />

la Nobleffe Françoife y qui étoit autant dégoûtée de la Gf^rre-SainlCy<br />

que le Roi étoit rempli de zèle, 5c d'ardeur, pour<br />

la continuer; deforte que, malgré les avantages, qu'il promettoit<br />

à ceux qui voudroient fuivre fa fortune , plufieurs<br />

des principaux Seigneurs s'embarquèrent avec les Comtes de<br />

Poitiers y Se d Anjou y fes Frères, qu'il renvoïa en Francey<br />

pour la confoktion de k Reine fa Mère. Il kur ordonna<br />

de lui dke de fa part, " qu'çlk devoit-extrêmement fe re-<br />

" jouïr, Se rendire grâces à Dieu, de ce que, de quatre de<br />

'' fes Enfans, qui avoient pris la Croix pour k gloire de<br />

'' Jéfus-Chrift y trois étpient encore cn vie. Se en bonne<br />

" fente ; Se que k quatrième , encore plus heureux, que<br />

" les autres, avoit acquis, dans cette Sainte expédition, la<br />

" couronne du martire, 6e k joie des bienheureux, dont fl<br />

". jouïffoit. . U k'faifoit, en ipême tems , .prier de lui envoïcr<br />

, le plus promtement quil feroit poffible, fargent 6c<br />

ks gens de'guerre, qui lui étoient néçej[^rcs , pour CRécuter<br />

fes projets; 6c fl leur enjoignit. d'exhorter , cn fon<br />

Nom , fes Sujets à venir partager, avec lui, k gloire de ,<br />

rétablir îe Roïaume de Jéfus-Cbrifty Se y abattre l'orguefl,<br />

6c Pinfolence des Ennemis de fon Saint Nom.<br />

Comme k Saint Roi avoit trop peu de monde, pour 125^.<br />

entreprendre la réparation dos-Places, 5e qu'fl avoit, d'ail-'^'^^**^**^^"<br />

leurs , tout à craindre, du Soudan d'Alep , fl fit lever k<br />

plus de Troupes, qu'fl put, dans ks payscirconvoifins, pendant<br />

qu'fl s'occupoit à faire mettre en état de défenfe les Fauxbourgs<br />

de Ptolomaïde. Il rççut, dans^ce même tems, lesAm^<br />

baffadeurs, que le Pape luî envoïa, pour lui témoigner la dou- Saintkur,<br />

qu'fl reffentoit de k difgrace qu'fl avoit effuïée en Egyp-^^^^l^'<br />

te. Le St. Père lui faifoit, en même tems, offrir tout ce qui^"*^"-^*dépendoit<br />

du St. Siège y pour.le feconder dans la guerre-Sain-Pap«,e^ *<br />

Ii ii 2 ^^^VEmpenm<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6io H I S T O I R E G È' N E' R ALE<br />

te, 6e dans fa généreufe réfolution démettre h Terre-Sainte h<br />

couvert de finfulte dès Infidèles,<br />

U reçut pareiflement une Ambaffade dé k part dé PEmpereur<br />

FRE'DE'RIC , qui le complimentoit fur le même fu.<br />

jet. Se lui offroit' fes bons offices 3.upré& du Soudan ME-<br />

L B'D IN, dont fl ignoroit-la. mort, 5c^ au- pouvoir duquel il le<br />

croïoit encore. Gômnrre on doutait de là fincérité des affres<br />

de ce Monarque, on fot ravi-, que fes Minifti-cs ne fuffent<br />

arrivés en Syrie, qti'àprès-la délivrance du Saint Roi, dontles<br />

grandes occupations^ ne pouvoient diminuer fardent défir<br />

d'aller- vifiter les faints • lieux. Il fe- rendit partant aux^<br />

feges remontrances de fon Confefl , qiu lui_ fit comprendre,<br />

„ qu'fl ne pouvoit, fans intéjeff^r fa gloire, aller vifiter lé<br />

y^ St. sépulcre y ni Jérufakm ,'qu'U ne fe fut rendu maître<br />

3><br />

33!<br />

de..cette Ville , dont les' Sarrafins avoient nouvellement<br />

relevé ks muraflles ; puisgue , s'il- y • allait ^ avec le paffe-<br />

„ port du Soudan y comme fl"^'auroit pu lè faire, tous les<br />

,, Princes Cibr^z/if^ 5 qui-entreprendroient k guerre Sainte a-<br />

„, près luî, fuivroient le même exempfe , •&Maifferofônt au-<br />

„. pouvoir des Barbares la Sainte-Cité , Se le St. Sepulcrtfy<br />

„ dont le 'recouvrement étôit le but principal de toutes les»<br />

„ Croifades. f *ii'foitie<br />

Ce grand Frince, quî ne vpulôit poifit, que fa dévotion<br />

;^^^«^^^* particulière put être préjudiiSiSfc à k Terre-Sainte y fe conde<br />

la grotte tent?L de faite le Yoizge de Thabor, Sede la fainte grotte de<br />

»çtï.^" Nazareth IP vifita ces faints lieux , avec un refped ,'^ 5o<br />

une dévotion ff exempkire, qu'fl' auroit édifié ' ks perfonneS'<br />

dû mondé les plus libertines , 6c les moins attachées au»<br />

fecrés miftères de notre Rdigion.<br />

TjLrticie///. A' fon retour de ce pèlerinage, fl trouva u ne nouvelk A mbaifade<br />

à Ptolomaï^. Efle étoit de la part du Fieux de la Montagfày<br />

Pxince des^Affajfitis. Au.Ueu-de compUmens, il lui faifciD<br />

• ' faiif-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


B 9 JE'RU s AL E M.. Lïv. XL Cn, T.. ^i^r-<br />

faire des reproches^ " *dir peu de cas, qu'il, faffoit de fa. perfon- AirMffade-<br />

„ ne; 6c de ce 'que, contre la coutume des autres Princes'^''yaMow-<br />

„ ChrétienSy qui étoientvenus^^avant kû en ce pays-là,r. ^-Swis^t^Ltufs/»<br />

„ tous lui avoient envoïé des préfens, fl n'avoit pas feulement<br />

55 daignérlui faire part de fa^venue ; que, cependant, il avoit<br />

bien voulu Penvoïer prier» de &ire délivrer^ fes Sujets du tri-<br />

„ but, qu'ils payaient aux'7m/)//Vr^,-6e aux Hfl/^i/5tf//^ri^ s'fl*<br />

„ vouloit épargner le maffacre des Chefs dç^ees deux Religions,<br />

„ Se de leurs autres ClaévaUers , qu'il ferait affurément poi-<br />

» gnarder dans leurs propres maffons, afin de ddivrer fes Peupks -• *<br />

„ de leur tyrannie.<br />

Le Roi, qui n'était point accoutumé à des manières fi;groffieres,<br />

6e fr barbares, fut extrêmement furpris d"un2 pareilk'<br />

Ambaffade. . Auffi, ne voulut-il point y répondre alors. Il fit<br />

appeller le fendemain GUILLAUME DE SOWNAT-, Maître des<br />

Templiers , 5c PIERRE DE VILLEBRIDE- , Makre des Hofpitaliers<br />

y afin que, commepartksintéreffées,, fls répondjffentr eux^<br />

mêmesà ces impertinens Miniftres. Ceux-d répétèrent leur commiffion<br />

dans ks mêmes termes du jour précédent, foivant l'ordrequ'ils<br />

en avoient dc leur Maître. Les Ghevaflers, à.qui ces infokns '<br />

difcours n'étpient pas nouveaux , leur répondirent tranquflement<br />

, -, " que leur Ambaffade étoit fv incivik, Se leur- demande •<br />

„ fi éloignée de k raifbn, qu'elk ne méritoit pas la réponi^'<br />

„ d'un auffi, grand Prmce, qu'étoit k Roi de^France ; Qu'ain-<br />

„ fi, fls leurconfeilloient de raporter-au^/V«a: de laJ/o«/^^«f,<br />

„ leur Maître, qu'fl tachât d'acquérir la grâce de Dieu, en fe '<br />

„ faifant Chrétien y Se la bienveillance-de ce Monarque, en fe<br />

„ faifant C«^/W/^«^.. .,<br />

Quoique le peu de fuccàs- de cette Ambaffade altérât ddhordi<br />

le Fieux dt la Montagne y il-ne tarda pas à revenk de fon era-î<br />

portement ; car, foit qu'il craignît d-attirer fiir- fes Terres les ar-<br />

^es (bré tiennes y qu'fl- n'étok point en'état de repouffer; ou*<br />

q^jela réputation de k vertu, 6cdeS'grandes adions de-chari-li<br />

ii h té^^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«i2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

té, que ST. LOUIS exerçoit tous les jours, non feulement<br />

k fégard 'des Chrétiens, mais envers les* Infidèks mêmes,<br />

lui fit fouhaiter d'entrer dans fes bonnes grâces, fl ki<br />

envo'ii, quelques jours après , les mêmes Ambaffadeurs, qui<br />

^ lui demandèrent, avec beaucoup de refped , fon amitié , 5c<br />

fa protedion, pour le Princc leur Maître , Sc lui préfentèrent<br />

, de fa part, ce qui fe trouvoit de plus rare, 5c<br />

de plus curieux dans fon pays^ Parmi les préfens les plus remarquables<br />

fe trouvoient la figure d'un Eléphant, 6c celle d'un<br />

Chameau de Criftal de Roche, travaillé avec beaucoup d*e délicatcffe,<br />

S>e d'artifice, embelU de fleurs, 5c de feuillages d'or.<br />

Se rempU d'ambre gris du plus précieux. Raretés, que le Saint<br />

Roi ' reçut avec d'autant plus de plaifir, qu'il commençoit à<br />

efpérer dc pouvoir attirer dans le giron de l'Eglife ce Prince<br />

abufé, avec tous-fes Peuples, enivrés, comme lui, de fuperftition<br />

, Se de fauffes croïances,<br />

'ïuËrlâZ L^ ^^^^ ^^ JoïkviLLE ajoutc CCS proprcs paroles,prononcées<br />

iSt.Louis; par les Ambaffadeurs du Prince des Affaffins, U Fous envoie fa<br />

WiaMon- cbemifty dont il Fous fait préfent y pour marque du grand dé-<br />

«gne. ^^^ ^^11 ^ de Fous voir y £5?, pour plus grande affurance, fa<br />

article IF* propre bague de fin or, que voici,^ Fous époufe comme fon Seigneur.<br />

Afin de parvenir plutôt à cette bonne oeuvre, le Saint Roi<br />

'«fit accompagner ces Miniftres pàt de très-fevans Reflgieux ; perfuadé<br />

que ces obns fervitcurs de Dieu n'oubUeroient rien pour fa<br />

converfion ; Se, pour reconnoiffance de fes préfens, il lui envoïa<br />

quelques pièces d'écarlatc, avec plufieurs vafes, 5e autres pièces<br />

de vaiffeUe d'or, 5c ;dargent, très-curieufes, 5c de valeur.<br />

Rien ne fit avorter les pieux deffeins de ST. LOUIS , que la cupidité<br />

des Ordres MiUtaires, particuUèrement des Templkrs y<br />


DE JE'RUSALEM. L1T.XL CH.r 62%<br />

qu'ils avoient fait paroître depuis longtems d'embraffer le Chriftianifme<br />

y ainfi que nous favons raporté fous le R^pe du Roi<br />

A L 3i E^R I c, cn 1172. Deforte. que le§ nouvefles Ambaffades du<br />

Fieux de la Montagne à ST. LOUIS, cefles de ce Monarque^<br />

ce Prince Infidèky ni les prefens; réciproques, qu'ijs fe firent,<br />

ne fervirent qu'^à entretenir une bonne eorfe^ondance entre<br />

eux, pendant k féjour des François en Pakftine,-<br />

ST. LotJi5 fe trouvant enfin aifez de Troupes ^ pour paroi- "^<br />

tre en campagne, fortit. dc Ptolomaîdey 5c alk d'abord camper<br />

i^rès de Céfarée, qu'il fit ceindre de groffes nuiraiUes y<br />

flanquées de bonnes tours, de diftance, en diftance. U y mit<br />

une bonne garnifon, Se la fit munir de toutes fartes dc provifîons.<br />

U en fit autant à Nazareth y Se à la Fortereffe du Mont<br />

Thabor y qu'fl fit êgaléulent redreffer, fans être aucunement<br />

troublé dans ces opérations, ni par les Egyptiens, ni par ks<br />

gens du Soudan dAlep, Ces deux Soudans avoient également<br />

recherché P Afliance du Saint Roi, 6e lui avoient offert de grands<br />

avantages. Celui dEgypte s'engageoit non feulement à lui rendre<br />

, tous les ChrétienSy Se. les effets, qui étpknt demeura<br />

en fon pouvoir, mais encore à fentière refÛtution du Roïaume<br />

de Jérufakmy Sc même ccUe de tous les Chrétiens y qui avoient<br />

embraffé le Mahométifme. Le Soudan dAlep y Se de Damas y<br />

offroit de le mettre. Se de le maintenir, dans k paifible pof^<br />

feffion du Roïaume de Jérufalem, dont jl avoit déjà pris quelques<br />

Places fur les Egyptiens. Voilà les raifons, pour lesqudles<br />

les uns, 5e les autres , efpérant d'attirer ce Monarque dansiQ^ir<br />

parti, n'avoient point entrepris dc l'inquiéter dans les fortifications,<br />

qu'fl avoit entreprifes.- ^ •<br />

Auffi , les Egyptiens , qui craignoient extrêmement fo».<br />

union avec le Soudan d'Alep y s'empreffèrent de lui envoïer tous<br />

les prifonniers, qu'fls avoient retenu au pr%dice du Traité.<br />

Celui-ci, au contraire, désefpérant enfin de pouvoir l'attirer<br />

dans fon ' parti, détacha promtement une groffe partie de fa<br />

Cava^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


.»t4 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

Cavalerie afin d'empêcher la continuation; des ouvrages qu'^l<br />

avoit commencés. Cependant, malgré Paproche de ces Troupes,<br />

Se tous les njouvemens, qu'elles fe donnèrent pour cela, ïk<br />

^«ffâ prifi^e purent-fempêcher de fe rendre maître de Jaffa^nlde faire,<br />

'â-^st. ^"1^'^rs yeux, entourer cette Place d'une double enceinte de<br />

Xouis. -muraifles, 6e d'un large. Se profond foffé. Le Saint Roi, qui<br />

la confidéroit comme une clef très-importante pour avancer vers<br />

Jérufalem, 5c en faciUter 4a prife, y fit encore d'autre dépenfes.<br />

Il fit ré^Darer les EgUfos, 6c autres édifices publics, uns<br />

^' -queles menaces des Barbares y qui fe préièntèrcnt fouvent,<br />

-fuffent capables de l'en détourner.<br />

C H A P I T R E XL<br />

.-^rtide/. /^c fut-là tout l'avantage , que ST. LOUIS put tirer dek<br />

V-.^ guerre,que les Barbares fe faifoient entre eux , outre ce-<br />

Jui d'avoir recouvré les prifonniers Chrétiem^y qui étaient reliés<br />

cn Egypte; Car ks Sarrafins s'étant enfuite entre-choqués plufieurs<br />

;jfois, en vinrent à une bataifle, à J'entrée du défert, qui<br />

féparé l'JE^yp/


it JE'RUSALEM. Liv. XI. CH. XI. 52f<br />

»<br />

Pune, ou fautre de ces deux Puiffances, entièrement détruite ; -^nimce<br />

Mais, après avoir perdu cette befle occcafîon, ce fut encore af dans JEfez,<br />

qu'après leur accommodement le Saint Roi pût venir à bout f^H^J^<br />

de fortifier la Vflle de Caiphas, 5c celle de Sidon, comme il fit. contre St.<br />

Car fl fut attaqué, dans cette dernière, par le Soudan dA- 1253.<br />

^ep y qui la lui fit quitter. Il ne put pourtant point le forcer<br />

dans le Clmteau, où fl fe retira avec le peu dc Troupes, qui fe<br />

trouvaient auprès de lui, parce que peu auparavant il en avoit<br />

détaché k meilleure partie, à la foflicitation des Seigneurs du<br />

pays, avec ks Chevaliers de VHopital Se du Temple, pour aUer<br />

s'emparer de la Vifle de Beilinas, ou Céfarée de Philippe. Le<br />

Soudany irrité d'avoir manqué fon coup, déchargea fa colère<br />

fur les fortifications.de Sidon y qu'fl fit entièrement détruire.<br />

•Grand nombre de Vivandiers, dc Payfans, 5e d'autres Perfonnes<br />

, qui s'y étaient réfugiés, furent inhumainement tous<br />

égorgés. II.tenta enfuite de ravager les environs de Ptolomaïde<br />

y en quoi il aurait fans doute réûffi, par féloignement des<br />

Perfonnes, qui auraient pu lui faire tête, fans la promtitude,<br />

avec kquefle le Seigneur d'AssuR, Connétable de Jérufakmy<br />

fortit de cctte Place, avec le plus de monde, qu'fl put ramaf^<br />

fer, 5e le repouffa. * :<br />

La nouveUe, que le Soudan venoit de recevoir, que les Chrétiens<br />

s'étoient'emparés de la Ville de Beilinas y contribua beaucoup<br />

à fa- retraite, quoiqu'fl n'eût rien à craindre de ce côté-là.<br />

Car, fi k garnifon, qu'il âvoit laiffée dans cette Place, eut k<br />

lâcheté de Pabandonner,à l'approche des ChrétienSy pour fe retirer<br />

dans le Château, efle fe défendit fi bien,qu'il kur fut impoffible<br />

de la forcer, ni de profiter du bonheur, qu'ils avoient<br />

eu d'entrer dans la Vflle, fens tirer fépée; deforte, qu'au lieu<br />

•dc fonger à rien entreprendre fur Damas y comme le Soudan<br />

f apréhendoit, fls furent obUgés de s'en retourner, fans rien<br />

tenter. Les Ordres MiUtakes fe retirèrent à Ptolomaïde; Sc le<br />

Comte de Montfort y JEAN d'iBELiN, Comte de Jctffa-y JULES<br />

Kk kk LE<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


626 H I S T O I R E. G E' N E' R A L E<br />

LE BRUN; OLIVIER DE TRÈ'MET, 6C plufîeurs autres Sei<<br />

gneurs, qui avoient été de cette expédition, allèrent rejoindre<br />

k Roi.<br />

• ST. LOUIS étoit encore à Sidon, dont fl avoit voulu recommencer<br />

les fortifications, après la retraite du Soudany qui les<br />

avoit démolies. On trouva les cadavres des ChrétienSy que les<br />

Sarrafins avoient égorgés, à-demi corrompus; Et ce fut dans<br />

Ze/ff^e St. cette occafion, que ce St. Prince fit cette grande œuvre de<br />

vnTls^' chmté Chrétienne y qui étonne encore aujourd'hui ceux qui U-<br />

Tefmf ^^^^^^ ^i^' Pour exciter ceux de fa fuite, qui témoignoient<br />

vcsOné- beaucoup de répugnance à approcher de ces corps infedes,pour<br />

^^^'^^' leur donner fepulture, il porta lui-même les plus corrompus fur,<br />

fes épaules Roïales, jufcju'à un endroit, qu'il avoit fait préparer<br />

hors la Ville , pour les enterrer ; ce qu'il fit avec un courage,<br />

6c une gaieté, qui furprit d'autant plus ceux de fa fuite,<br />

que ks moindres des Soldats ne fouffroient, qu'avec peine,<br />

cette infedion.<br />

n rétablît Après cette adion pieufe, Se bien digne de k Sainteté de<br />

cntîons^de CC Mouarquc, il fit travaflkr, avec tant d'affiduité, aux murs<br />

fift"relier ^^ &Wo«, qu'îl mit bientôt cette Vflle en état de défenfe. Les<br />

beaucoup Troupcs du Soudan*d'Alep s'étoient retirées de cette Place fur<br />

Chrétiens, kurs terres, fans qu'on en fût la raifon ; ce qui procura quelque<br />

peu de tranquiUté aux Chrétiens; Sc au Saint Roi, la commo*<br />

dite d'envoïer diverfes Ambaffades aux Souverains dèJa Syrie y<br />

pour ménager le rachat des Efekves, qui fe trouvoient en leur<br />

pouvok; deforte qu'fl eut la confoktion d'en faire délivrer grand<br />

nombre, qui auroient péri dans les fers , ou couru rifque de<br />

rénier .7^/«j-C&rj#, leur Rédempteur.<br />

Article//. Pendant que ce Prince faifoit un fi bon ufege de fes richeffes,<br />

(^ w;rt' & du tems, qu'fl paiïbit dans k Terre-Sainte, où les exceffi*cbJ^ref<br />

^^^psnfèsvt|u'fl avok faites, pour la réparation des Placçs,<br />

poar l}e»Êrctien d'une Armée, pour k rachat de tant d'Efclares»<br />

6c ies groéks pertes qu'il avoit fouffertes en Egypte y door<br />

noient<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. XI. CH. XL 6i^<br />

noient de Padmîration aux Barbare^ mêmes, le bon Roi dc<br />

Chypre, qui travaUloit, avec beaucoup d'empreffement, à amafïèi<br />

des Troupes, pour rempkcer celles qu'fl avoit perdues dans cette<br />

maUieureufe expédition, afin d'alkr féconder k Roi de France danf<br />

fes feintes opérations, fut forpris d'une violente maladie. U eut<br />

àrpdne le tems d'informer la Reine, fon Epoufe, des affaires de<br />

l'Etat, Se de récommander cette Princeffe, Se fon Ffls unique,<br />

nommé HUGUES, à la Cour fupérieure, afin que,par ks foins,<br />

6c faffiftance des Seigneurs, qui la compofoient, fl n'arrivàç<br />

aucun trouble, ni aucun changement, durant la minorité de<br />

cejeunePrince.il craignoit, avec raffon, qu'fl ne fe trouvât expofé<br />

aux mêmes mallieurs, qu'il avoit éprouvés lui-même, qui f avoknt<br />

fouvent mis en ^angejde perdre k Couronne, Se la vie, 6c.qui,<br />

enfin, lui avoient fait trouver, à fon avènement, les affaires de fbn<br />

Roïaume dans un état, aufli trifte, que déplorable. Dansks derniers<br />

momens de fa vie, fl exhorta tendrement k Clergé, 6c la<br />

Nobleffe, à vivre dans une parfaite union, afin que leurs paffions,<br />

6c leurs difeordes particulières ne caufaffent aucune altération<br />

dans les affaires de l'Etat, ni aucun préjudice à leur légitime<br />

Souverain.<br />

Le Règnô de ce Prince fyt de 31. an. .Dès qu'fl avoît été en^'«^* ,<br />

âge de prendre lui-même les Rênes du gQuvernement.de fon/joirf""<br />

Roiaume, il avoit gouverné fes Peuples avec tant de doi)i;eair, ^^^P^<br />

6c d'affedion, 6c réparé fi bien, par fe& foins, les malheurs,<br />

qu'ils avoient foufferts, pençJant ks guerres inteftines, dont fls<br />

avoient été fi long-tems affligés, qu'fl leur avoit procuré f opulence.<br />

Ainfi, ils avoient grand fiijet d'êtrçfenfibks à la perte d'un fî<br />

bon Prince. Auffi, lorfqu'on célébra fes funéraiUes dans l'Eglife<br />

de Ste. Sophie y fls firent retentir ce Temple de leurs gé-tiejl inbu.<br />

miffemens. Sa mort n'apporta cependant aucune ^Itér^tionTempTde<br />

dans ks affaires de l'Etat, ni à la félidté des Habitans, cam-^,[fjç^°- •<br />

me ils favoient apréheiidé-, en rappellant le fouvenir des disgrâces<br />

6c des calamités, qu'ils voient fouffertes pendant fa<br />

Kk Kk 2 mino-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


623 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

minorité. La Reine PLAISANCE fut affiftée des fages, 5e prudens<br />

confefls du Seigneiu JEAN d'iBELiN, Sénéchal du Roïau-^<br />

me, qui, non moins zélé. Se affedionne pgur la Maifon Roïale,<br />

que pour le bien général du pays, qite l'avoit été f Ifluftre<br />

Seigneur de Baruthy fon Aïeul, s'y appUqua fans réferve.<br />

Cette Princeffe gouverna avec tant de foin, 5c d'attention,:<br />

pendant toute fa Régence, qu'elk empêcha les nouveautés, que<br />

les efprits inquiets. Se turbukns, auroient pu caufer; 5e, foit<br />

pour les mieux retenir dans leur devoir, ou pour quelque au-<br />

^ - tre raifon particulière, elk fit, du confentement de la Cour<br />

fupérieure', folemneUement couronner le petit Prince fon Ffls,<br />

quoique dans un âge fi tendre,qu'il n'avoit encore aucune connoiffance.<br />

Cependant on k portoit auGi)nfeil; 5c placé fur k<br />

trône, on lui kvok k main, pour approuver les déUbératkns de<br />

f Affemblée, comme s'fl avoit été capable de jugei»; fi efles convenoient,<br />

ou non, à fes intérêts. FuéfiUtés peu convenables à<br />

une Affemblée, auffi célèbre, que Pétoit ceUe du Grand-Confefl,<br />

dans lequel on n'admettoit que k Nobkffe la plus expérimentée;<br />

Mais ces Seigneurs les fouffroient fans murmures,foit<br />

pour ne point déplaire à la Reine, 5e au Sénéchal, qui le defiroient<br />

ainfî, ou pour ne point donner Ueu à f altération de la<br />

tranquflité de PEtat.<br />

Artîcie//r. Dans ce même tems,la Reine ALIX, Mère du feu Roi HEN-<br />

U^Mn^ RI, qui ne trouvoit pks en Chypre aucun agrément, qui pût la<br />

Alix, Mère fetisfaîrc, repaffa à Ptolomaïde y dans Pefpérance que le Roi ST.<br />

Henr^r Loùis, qui étoit fou Parcut, Paideroit à entrer en poffeffion<br />

•^idc. » ^Près. Son corps fut tranfporté enChypre y comme eUe l'avok or-<br />

'^^cr^'^'e ^^^"^^ ' ^ inhumé dans PEgUfe des Hofpitaliers y auprès de celui du<br />

^^'^*''Roi-HUGUES, fonEpoux^ Le»<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


.DE JE'RUSALEM. Liv. XL CH. XL 62f<br />

Les maux , que k conduite inconfidérée de cette Princeffe<br />

avoit caufés au Roïaume, 5c qui n'avaient pu être réparés,<br />

que par le zèle de Pincomparabk Seigneur de Baruthy Se par<br />

Pamour , Se Paffedion du Roi pour fes Peuples, firent,<br />

que perfonne ne témoigna aucun regret de fa mort, malgré<br />

les belles qualités, qui brilloient d'ailleurs daris fa perfonne.<br />

Se dont elk avoit fait un bon ufage, tant que fes paffions déréglées<br />

ne favoient point dominée^ Car, dans les commencemens<br />

de fa Régence, elle avoit mérité ks appkudiffémens des<br />

• Perfonnes les phis fages, 5e ks plus éckirées. Artide/r<br />

Cc fut, à peu près, dansk mêmetems, que ST. Louis reçut k E^nbarquetrifte<br />

nouvelle de la mort delà Reme BLANCHE, fa Mère; ce quik Louis,po«r<br />

fit enfin réfoudre de retourner dans fes Etats, makré fattrait *"^^f "^''<br />

•' o . «i-r rance.<br />

qu'avoit pour lui le féjour de k Terre-Sainte, U craignoit,<br />

que la mort de cette vertueufe Princeffe, qui avoit gouverné fon<br />

Roïaume, avec tant de bonheur, pendant fon abfence, ne caufât<br />

quelque changement contraire à fes intérêts, 5c préjudiciable<br />

à fes Peuples;. Et, comme fl reconnut que, malgré les fortifications<br />

qu'il avoit faites en Paleftine , les Chrétiens n-y<br />

avoient point affez de Troupes pour faire tête aux Infidèles,<br />

s'ils entreprenoient de les inquiéter, 6e que les Places, qui lui<br />

avoient tant coûté, retomberoient bientôt en kur pouvoir, fl<br />

y laiffa, pour leur foreté, une bonne partk de fes Farces, fous<br />

le commandement du Seigneur de SERGINES^, 5C s'embarqua k<br />

24.. Avril fur la Flatte Génoife, avec la Reine fon Epoufe, 6c<br />

les Princes fes Enfens ; ce qui caufa autant de fetisfadion aux<br />

Seigneurs François y que de douleur aux Habitans de la Terre-Sainte.<br />

Us apréhendoient, avec raffon, que ks Barbares y<br />

qui paroiffoient n'être retenus, que par k préfénce de ce grand<br />

Prince, n'entrepriffent de kurenlever ce qu'il avoit fi bien étabU.<br />

En effet, la vie exemplaire, qu'fl mena, pendant près deSesiçnr<br />

cinq ans, qu'fl demeura en Paleftine y Se ks grandes adions de ll^g^.<br />

piété, qu'fl. e^rça dans toutes les occafions, 6cmdifféremment^"^^^-<br />

Kk kk 3 poux<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


630 H I S T O I R E G E'NE'RALE<br />

fidèles à pour tout(? forte de Perfonnes, édifièrent fi fort les Infidèles<br />

fiomé- mêmes, que plufieurs d'entre eux quittèrent le Mahométifme y<br />

ffai^'"^ pour embraffer k ReUgion, qu'fl profeffoit.<br />

Chrétiens.<br />

C H A P I T R E XIL<br />

Article/. TL auroit été à fouhaiter pour les Chypriots y qui avoient été fi<br />

frZbieTm -*- édifiés, pendant le féjour, que ST. Louis avok fak dans leur<br />

Cfiyor:, jjg^ ^ qyi Q^ avoient reçu de fi grands biens, par la bonté.<br />

Grecs, ^f avcc laqucflc fl avoît appaife les troubles, que les deux Cierles<br />

Latins. ^^^ ^ avoiciit fî fouvcut cxcîtés, Se accommodé les diffenfions,<br />

6c les difcordes de plufîeursparticuUers, qu'fl y eût encore abordé,<br />

en s'en retournant, afin d'exercer fa charité à appaifer les<br />

nouveaux démêlés,qui s'étoient reveillés entre les Gr^^^î,5c ks<br />

Latins, 6c qui les avoient teflement animés les uns contre les<br />

autres, que fautorité Roïale, 6c celle du Grand-Confefl, étok<br />

à-peine fuflSfante pour les contenir, 6c les empêcher d'ea-venir<br />

Article//. à une guerre ouverte. ^ ^<br />

Refferai- ^gg Qrecs y quî fe rcffentoient toujours de fafron|: que PAr-<br />

Qergé c\\evéque Latin y par fon efprit inquiet, 5c turbulent, avoit<br />

^'^^^' ^it à leur Nation, en excommuniant S i M E'O N, leur Archevêque,<br />

qui, à caufe de ces maltraitera ens, avoit été obligé d'abandonti^f<br />

^" o^^ ^^ P^y^ > ^^ vouloient plus s'en tenir à aucun accommode-<br />

Latin, ment. "L^s Latins y de leur côté, qui' fe fentoknt apuïés de la<br />

Cour de Bjomcy 6c favorifés de celle de Chypre y qui fuivoit leur<br />

Ambaffa- rîtc, étoicHt toujours plus orgudUcux , Se voulaient étendre<br />

deurs en- * ' n i • • > n i • ' t - - ^ - ^<br />

voies au leur fupériorité fur qudques points, qui n avoient point enco-<br />

Vape, pour^ ^Q ^^^ agîtés ; de forte que, pour évit^^r les fuites funeftes de cetdiférent.<br />

te divifiou, 5e faire entendre raifon à f Archevêque Latin y h<br />

^^^^' Rçkie avoit été obligée d'envoïer des Ambaffadcurs au Pape»<br />

pour<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D E J E'R U SALEM. Liv. XL CH. XIL 631<br />

pour le prier d'interpofer fon autorité. Cet accord étoit d'autant<br />

plus néceffaire au bien de l'Etat,qu'fl étoit à craindre, que<br />

les GrecSy dont k nombre étoit incomparablement plus grand, ne<br />

fe révoltaffent enfm contre les Latins, 5c ne miffent tout le Roïaume<br />

en combuftion. Ces Miniftres avoient ordre de repréfenter<br />

au St. Père, que la Religion n'avoit aucune part dans les démêlés<br />

du Clergé, Se que le feul intérêt faifoit naître les trou-»<br />

bks, qui arrivoient à PEtat.<br />

Le Pontife fit examiner cette affaire dans diverfes Conerré- ^grfg»^<br />

. /« ^'""^ tenues<br />

gâtions, Se donna enfin à ce fujet une Bulle, qui, par raport à fon à ce fujet.<br />

nom, fut nommée Alexandrine. U f envok à fon Légat en<br />

Syrie, pour la faire exécuter. Cette Bulle, à propreipent parler<br />

, ne faifoit que renouveUer celles qu'avoient rendu fes Prédéceffeurs<br />

, pour étouffer ks diffenfions feandakufes, qui étoient<br />

arrivées autrefois pour le même fojet. Elle partoit :<br />

L „ \Qiie Archevêque Grec de Nicofie.porteroit à f avenir le ^^f/f'*^^^*<br />

„ titre d Archevêque de 5o//>, auquel fl ajouteroit feulement ce- Aiexan-<br />

„ lui d Adminiftrateur du Peupk de la Capitak ; Se qu'fl feroit %fArti.<br />

„ fa réfidence dans la vieifle Vflk de Solie, afin d'éviter les *^^'^-<br />

„ conteftations, qui pouvoient furvenir entie lui 6e l'Archevê-<br />

„ que Latin y dans les fondions Paftorales.<br />

IL „ Que, pour la même raifçn, PEvêque Grec de Baffo feroit<br />

„ fa réfîdence à Arfos y celui de Limifol à L^'caray Se celui de<br />

„ Famagoufte à Carpaffo y dont ils prendroient également les<br />

„ Noms, avec celui dAdminiftrateurs des feupks des Vifles,<br />

„ qu'fls gouvernoient auparavant.<br />

IIL „ Qiie les différends, qui naîtroient entre les Eccléfiaftiques<br />

„ Grecs y fe traiteroient,en première inftance, devant leurs Eve-*<br />

„ ques, 6c reffortkoient aux tribunaux des Evêques Latins ^l^^<br />

y, quels décideroient pareiflement des affaires, qui furviendroient<br />

„ entre les Ecdéfiafliques Grecs y Se Latins y fariB quç les Eve-<br />

„ ques Grecs puffent en prendre connoiffance.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Ï32 HISTOIRE CEN. DE JE'R US. Liv.XL CH.XII.<br />

IV. „ Que les Evêques Gr^f.y feroient à la nomination de la<br />

„ Côur fupérieure, avec Pagrément du Roi; 6e qu'ils feraient<br />

„ fecrés par les Evêques Latins des mêmes Diocèfes, pourvu<br />

'„ qu'il ne s'y rencontrât aucune oppofition légitime, auquel cas<br />

,, le Confefl feroit une autre nomination,' . .t<br />

': V. „ Qiiè tous les Evêques Grecs y avant d'être* facrés, &<br />

'„ inftallés dans la dignité Epifeopak, feroient obligés de prê-<br />

„ ter ferment, entre ks mains de l'Evêque Z^^//?, de vivre dans<br />

V ' „ la Religion Orthodoxe, en la- manière fuivante,<br />

• -- ' Je N. N. Evéqiiè-Grec d'une telk Filk y jure y y^ promets<br />

fur ces Saints Evangiles y £«? à Fous y MONSEIGNEUR KK. Evêque<br />

Latin, d'être fidèle dans la foi Catholique y ^ Orthodoxe,<br />

Il inftruire mes Ouailles dans k même efprit de Religim Orthodoxe,<br />

Ê«? Catholique , ^ d'être obéïffaêt au Pontife Romain, à<br />

Fous y MONSEIGNEUR N. N., ^ à vos Sueceffeurs ; fatf mes<br />

droits. ': • .<br />

VL „ Que les Evêques Grecs y qui feroient pourvus, recon-<br />

„ noîtroient les Latins, qui les facreroient,par quelques petits<br />

„ préfens, pour njarque feulement de leur dépendance, 5c dç<br />

5, la fupériorité des Latins fur eux.<br />

Article/r. Ccttc Biflk fit autant de plaifir aux Latins y qu'elle caufa de<br />

fondes' chagrin aux Grf^j, parce que, malgré les murmures, qu'elle<br />

Grecs, excîta cutrc eux, 6e finjuftice, qu'ils publioient hautement qu'on<br />

Joie des Is^ir faffoit, ils n'étoient point en état de s'oppofer à fon exécuroc!afi(^^<br />

tion, attendu qu'après la décifion du Pontife, la Reine prit de<br />

de cette tcflcs mcfurcs, qu'cllc ks Contraignit à s'y foumettre,5c à fubir<br />

"*• enfin le joug des Latins, qui las ont tenu dans cette efface d'efckvage,<br />

jufqu'en Pannée 14^7. qif HE L E^N E PA L E'O L O G UE,<br />

qui avoit époufé le Roi JEAN IL 5e qui fuivoit le rke Grec y<br />

voulut abfolument remettre ks Evêques, 6e le Clergé de cette<br />

Nation, dans les biens, les honneurs, 5c les dignité^', dont on<br />

les avoit grives, 6c abaiffer, à fon tour, le crédk,5c l'autorité<br />

des Latins,<br />

HIS-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R O Ï A U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />

E T<br />

D' É G Y P T E.<br />

L I V^ K E XII,<br />

C H A P I T R E PR E'M ÎER.<br />

^i^>^i<br />

E S Chrétiens de k^ Terre-Sainte reconnu- Article Jl<br />

rent, en effet, que les Infidèles . n'atten­<br />

L<br />

doient, que le départ du Roi ST. Louis,<br />

pour recommencer leurs ho/UUtés. MELEC-<br />

^^•z^'^-^'^^^ MAËS, Soudan dEgypte y n'en fut pas plu-<br />

)^^^y||j '^\^^%//xj:r p^j.gj. ^ç 1^ Pakftine ; perfoadé que kur<br />

affoibUffement étoit une conjondure très-favorable à les fob-<br />

Ll 11 juguer.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6î4. HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

juguer. Afin de ne pas manquer une entreprife, auffi glorieufe<br />

pour lui, qu'utile à tous ceux de fa croïance , il engagea le<br />

'Entreprife Soudan de DamaSy avec lequel fl s'étoit racommodé, à entrer,<br />

dans^^flnire dc fou côté, dans ks Tcrrcs, que poffédoient les Chrétiens y<br />

les Chré- ^fiu dc Ics obliger à partager leurs Forces, Se accabla plus prommyres'iedi-<br />

tcmcut uuc Natiou, qui kur faifoit, depuis fî long-tems, une<br />

ïou£^*^ fi cruelle guerre, même dans le fein de kurs propres Etats.<br />

Ces remontrances firent fur fefprit du Soudan de Damas tout<br />

feffet, que celui dEgypte pouvoit en attendre. Ce premier,<br />

comme plus à portée, commença à exécuter ce grand projet. U<br />

entra, avec toute fa Cavalerie, dans la Province de Phénicie y<br />

1257. oii fl ravagea d'abord les deux gros Bourgs de Degno 5c deRecordenery<br />

Se emporta d'affaut la Ville de Subna, dont lagar-<br />

Leurs pro- uifou étoit 'trop foibk pour défendre -les fortflications. ll y<br />

«'•^^- maffacra huit cens Habitans, Se en conduifit 4.60. en efclavage.<br />

M E L E c-M A ES le • joignit enfuite. ^Ils ravagèrent enfemble le<br />

refte de la Provint. Ils s'a^ancèrdtlt pfqifk Sidony qu'fls forcèrent<br />

également, malgré les fortes muraflles, dont ST. Louis<br />

avoit .'fait entourer cette ViHe. Ils fe préfentèrent même devant<br />

PiôhmàÛey qu'fls^ auroient affiégéé, fans la nouvelle imprévue,<br />

qu'ils reçurent du "puiffant armement, qu'avoient fait<br />

les Tartares, à k foUidtation d'AvTON, Roi dArménky pour<br />

venir fecourir la Terre-SàinteySc iShr faire la guerre à eux mêmes.<br />

C'eft pourquoi ces deux Soudans terminèrenti leur campa^<br />

gne. Se ne penferent plus, qu'à fe mettre en état de faire tête<br />

à de fi puiffans Ennemis.<br />

crueiit Mais, par une fatalité inconcevable, ks Chrétiens de Paléf<br />

frTies Vé- tine y qui n'ignoraient pas les bonnes ^intentions du Roi dJr-<br />

^f^l^^f méniéy Se h difpofitiùn des Tartares, bien loin de travailler<br />


»K JE'RUSALEM. L?v* 3pDr. CH. L 62f<br />

«uellc guerre entre les Fénitiens y Sc les Génois de Ptohmatdey<br />

au fujct de PEgUfe, 6c du Monaftère de Saint-Sabas y que les<br />

Rois de Jérufalem avoient accordé à ces Républiques pour leur<br />

ufege commun. Cette difcorde penfa caufer la perte entière dç<br />

tout ce que les Chrétiens poffédoient encore en Syrie y ainfi qui<br />

la plupart des Hiftoriens le rapportent; auffi bien que ceUç dç<br />

PEmpire de Grèce y par f acharnement, avec lequel ces deu^<br />

Nations continuèrent à fe faire la guerre, malgré les remontrances<br />

des Papes, 6c fentremife des autres Puif&nces CbrétieineSy<br />

qui s'efforcèrent inutflement de les racommoden<br />

Pour éclairck le fujet de cette grande, 5c funefte querellç,<br />

il faut fevoir, qu'après que les Chrétiens eurent pçrdu la Vil(ç<br />

de Jérufakmy les Rois, ks Princes, 6c les Seigneurs du Pays,<br />

les Ordres Militaires, Se tous les autres ChrétienSy qui fç trouvoient<br />

dans ccttc Capitale, fe rçtkèrent à Ptolornaïdèy Se j<br />

étabUrent leur réfidence.<br />

Comme les RépubUques de Fénife y de GifieSy Se dç fife<br />

«voient été utfles par leurs Flottes, pendant toutes Içs Cf^wjfadesy<br />

Se qu'elles Rs^ent rendu de graiids lèfvicçs aiix'Roïsj^<br />

Jérufakm en particulier, ces Prmces les en avoien,t recônipe^fés<br />

par divers beaux privilèges , qu'ijs leur ^voient acçor4#;<br />

entre autres celui d'avok ^dxacune kur quartier particuUer


636 H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

ce fujet, 6e s'addreffèrent enfuite à la Cour de Rome y pour y<br />

faire décider'leurs prétenfions. Leur caufe y futplaidée, avec<br />

une égale animofité. Le Pape, qui voulut éviter k désordre,<br />

' 6e k fcandale, qUi pouvoit en arriver, déclara, qu'en attendant<br />

la décifion, l'Eglife, 5e le Cloître de St. Sabas y demeureroit,<br />

comme auparavant, bommun aux deux Nations ; 6c, afin que<br />

^efsdu chacune d^^elles en jouît. Sa Sainteté expédia deux Brefs, l'un<br />

cette affai- pour les'Féniticnsy adreffé au Patriarche de Jérufalem,SeTml'u^mp.<br />

^^6 pour les Génois y adreffé au Prieur de PEgUfe des Hofpita-<br />

^reen- Uer S y doht Ic Crédit n'étoit pas de moindre importance; or­<br />

tiire.<br />

donnant à ces deux Prélats de tenir k main à l'exécution dc<br />

fes Prefs, 6e à faire jouïr chacune des parties, qu'il leur recommandoit,<br />

de la paifible poffeffion de cette Eglife, afin d'empê­<br />

itsZ. cher les uns 5e les autres d^en venir à des extrémités; mais ki<br />

bonnes intentions, qu'avoit Ic St. Père, de calrîier les efprits de<br />

ces Républicains, ne fervit qu^ en accélérer PentièrÇ-rupture.<br />

Car les Génois, qui, les premiers, reçurent la nouvelle du<br />

Mandement Apoftolique, engagèrent adroitement le Prieur des<br />

Hofpitaliers à le^ inftaUer dans k poffeffion de PEgUfe;, dont il s'a^<br />

giiîbit. Soit que ce Prélat ne réfléchit pas d'abord à la conféquence<br />

de la démarche, qu'fl aflok f lire, ou qu'fl ne fût pomt aifez<br />

ami des Fénitiens y pour ménager leurs intérêts, fl leur accorda<br />

ce qu'fls dcmandoient. Les Génois y après kur inftalktion, agir<br />

rent avec grande dextérité auprès du Comte PmLiPPE DI<br />

MONTFORT, qui, après k mort de l'Empereur F R E'B E'R I C ,<br />

avoît été fait Gouverneur de Ptolomaîdey foit par raport à fon<br />

mérite perfonnel, foit en conlîdénition dé fes Ancêtres, qui<br />

avoient rempU IdAfiey Se ^Europey de kurs belles adions. Us<br />

engagèrent ce Seigneur à leur permettre de fortifier ce Cloître..<br />

Hs s'y appUquèrent avec tant d'ardeur, qu'ils réduifirent biei><br />

tôt cc Ucu de dévotion en véritable fortereffe, fans que les ré*<br />

montrances du Patriarche , ni du Noble NICOLAS MICHELF,<br />

MaikdQt Fénitiens y Homme d'une grande prudence, fufTent<br />

cap»:<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM, Liv. XIL CH.L 62r<br />

capables de les faire défifter de leur entreprife, ni d'arrêter leur<br />

vioknce.<br />

Le Comte dc MONTFORT fit phis; Car, fans confidérer k<br />

grand préjudice, que fa partiaUté aUoit caufer aux affaires des<br />

Chrétiens Orientaux ^ qui lui avaient unanimement confié leur^intérêts,<br />

fl ordonna aux Fénitknfy qui commençoient à fe reffentir<br />

de finjuftice, qu'on kur faifoit, de fortir inceffamment<br />

de Ptolomaïde, Cette conduke violente, Sc précipitée, dans une<br />

perfonne, .où réfidoit toute l'autorité. Se qui devoit s'en fervir<br />

pour y entretenir la paix Sc Punion, fut généralement ^blâmée;<br />

Se fon peut affurer, que la partialité de ce Chef ternit beaucoup<br />

fa gloire, 6e fa réputation, par raport aux maflieurs, qui la<br />

fuivirent.<br />

Quoique fe Baik Fénitien emplaïât toute fe prudence. Se fe Suites fèmodération,<br />

pour faire revenir k Comte de MONTFORT de fa fem'rt^<br />

pernicieufe réfolution, Se pour faire rentrer ks Génois dans la f^^'<br />

raifon : qu'il empêchât même ceux de fa Nation, qui n'étoknt<br />

pas moins puiffans que leurs concurrens, d'en venir aux mains<br />

avec eux ; dès que le Sénat de Fénifi fut informé du tort, qu'on<br />

faifoit à fes Sujets, Se de leur retrake à Tyr y il réfolut de ne<br />

point fouffrk une injure fi préjudidabk à l'honneur, 6c aux intérêts<br />

de fa RépubUque,6c projetta d'abord d'en tirer vengeance.<br />

Pour cet effet, les Fénitiens contradèrent promtçnent<br />

deux Afliances, l'une avec EMPHROI, Roi de IS/«7I?, •6C fautre<br />

avec ks Pifans; crainte que les Génois ne les prévinffent, 6t<br />

ne les engagea&nt dïfns kur parti.<br />

Et, comme la modération dc leur Baik kur parut trop grande<br />

dans une occafîon fi intéreffante, le Sénat dépêcha d'abord<br />

MARC JUSTINIANI , Homme plus réfolu , 6c plus capable dis<br />

foutenir leurs intérêts, pour rempfir fe pkce. Il ordonna,- en<br />

même tems ,àLAURENS TIE'ÏOLO, quife trouvok dans les<br />

mers du levant y avec une Efcadre de treize gilères, dc "paffer<br />

inceffamment en Paleftine y pour tirer raffon de l'afront, que les<br />

Ll 11 3 Génois<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6iS HISTOIRE G E' NE'RALE<br />

Gémis avoient fait à kur Nation, en attendant qu'ils fiffent<br />

préparer un plus grand armement, pour aller le foutenir.<br />

Ce Commandant fe rendk à Tyr y renforça fes galères, 5c<br />

entra, pendant la nuk, dansk port de Ptolomaïde y avec tant<br />

de réfolution, qu'après en avoir brifé k chaine, qui k fermait,<br />

flprit, brûla, ou coula à fond deux Galères, 6c vingttrois<br />

Navires , ou autres Bâtimens Génois, qui s'y trouvoient<br />

à l'ancre. Il força, avec la même rapidké, la fortereffe,<br />

qu'ils avoient conftruite dans ie Cloître de^fit.SabaSy<br />

à laquelle ils avoient donné k nom de Montjoy, la rafa<br />

entièrement, 6c chaflà enfin à fon tour tous les Génois de<br />

Ptolomaîdey qui fe réfugièrent à. Tyr y dès que les Fénitiens y<br />

à qui cette Ville avoit fervi d'afile , eri furent partis, pour<br />

• retourner dans leurs Maifons. Ils eurent lè chagrin de les<br />

trouver facagées, par ordre de SA LION GRIMALDI, Conful Gér<br />

nois y qui, non content dWoîr engagé le Comte de MONT­<br />

FORT à tant d'extrémités , avoit encore renchéri fur toutes<br />

fes vioknces. . i .<br />

Article!//, ^ou^gg ^es ûffultes, 6c toutes ces pertes, n'empêidièrent<br />

pas ks Fénitiens vidorieux de confentir à un accommodfement,<br />

que la Reine de Chypre y le Seigneur: d'IsELiN Sénéchal<br />

du Roïaume, 6c les Maîtres de VHopitaly Se du^Tem-<br />

'''J^°^^°-^ pk, €herchéren.t à ménager, afin d'arrêter les animalités de<br />

pofé, e? CCS deux puiifentes RépubUques, dont k difcorde étok ca-<br />

'''^^"' pabk de caufer l'entière perte du Roïaume de Jérufalem,<br />

au Ueu que Punîbn de leurs forces , 'avec «ceUes des Clnitkns<br />

du pays étoient encore fuffifantes pour le foutenir.<br />

Cet accommodement étoit fur k point de fe conclurre,<br />

iorfqiie Rossi DE LA TURQUE, fameuxCapitame Génois, arriva<br />

à Ptolomaïde, avec une puiffante Flotte, Se le fit entièrement<br />

échouer ; Car fa Nation, encouragée par des Forîces<br />

iî confidérables, ne fongea plus, qu'à fe dédommager de<br />

la<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


*E ^JE^RUSALEM. JLiv.XIL CH.X ^3f<br />

fe prife, Ze dt feaibl^aiëment de kurs Vaiffeaux, 6c à crecoa-<br />

Vrer le CMtï^e de St. Sabas y dont on les avoit chaffés.<br />

Leur réfolution fut Caufe, que k Reine de Chypre, de Médiatrice,<br />

qu^eUe étoit, fe rendit partie, parce que le Comte<br />

de MONTFORT , 6c ks Génois '4)renoknt trop d'empke dans ks<br />

Vflks du Roïaume de Jérufalem y que les Chrétiens poffédoient<br />

encore ; ce qui auroit pu devenir préjudidabk aux intérêts du jeune<br />

Roi, fon Ffls, fur cette Couronne. Cette Princeffe joignit plufieurs<br />

de fes Bâtimens, bien armés, à la Flotte Fénitknne'y ^ui<br />

fut encore renforcée par une Efcadre de Galères, que commandoit<br />

ANDRÉ' ZEN. Leur Flotte, quoique forte de cinquantequatre<br />

voiles, fut néanmoins attaquée par les Génois, qui fortirent<br />

de Tyr y avec un nombre à peu près égal. Le combat<br />

fexionna entre Caïphas y Se Ptohmaïde, Il fut très-rude. Se<br />

très-fenglant. Les deux Armées firent égakment des efforts extraordinaires<br />

, pour remporter la vidoire ; Mais, enfin, après<br />

s'être longtems batus, avec beaucoup de courage, Se d'opiniâtreté,<br />

6c avoir perdu quantité de monde de part. Se d'autre<br />

; foit que les équipages des Génois fuffent plus foibles, ou<br />

moins heureux, que leurs Ennemis, ils furent enfin vaincus,<br />

.6c perdirent, dans cette journée, vingt-cinq Galères, queles<br />

Fénitiens conduifirent en triomphe k Ptolomaïde y d'oiiTiEPO- ^.^^^^^<br />

LO envoïa les prifonniers k'Fenife y avec deux belles Colonnes Vénitiens,<br />

de marbre, qui faifoient Pornement du Cloître de St. Sabas y fa^ic^<br />

Se que le Sénat fit placer à côté de l'Eglffe de St. Marcy où^'"^^'^'<br />

cUes fubfiftent encore aujourd'hui.<br />

' La bonne conduite du Commandant T i E'P o L o, ni les foin j<br />

du Baile JUSTINIANI , • ne purent cependant empêdifer ceux de<br />

leur Nation, de fe jetter tumultueûfement fur les Maifons des<br />

Génois de Ptolomaîdey Scy par droit de reprefailles, deks faccager<br />

entièrement, en revanche de ce qu'avoit fait SALION<br />

GRIMALDI, lofs qu'il les obligea à fortir de cette Vilk Ainfi,<br />

entre ces deux Nations, c'étoit à qui pourrok fe traker avec le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


tf+D HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

plus de fureur, Sc de cruauté. Voilà ce qui donna Ueu à la<br />

longue, 6c ruineufe guerre de ces deux RépubUques, qui engagèrent<br />

enfuite dans leur querelle, non feulement les Prmces,<br />

6c les Seigneurs d'outre-mer, mais encore les Puiffances defEurope;<br />

Sc qui ne fe termina enfin, qu'après plufieurs fanglantes<br />

bataflles, oii la vidoire favorifoit, tantôt les uns, tantôt les<br />

autres, Se par fentière perte de ce que les Latins poffédoient<br />

en Orient,<br />

Remar^Mtf C'eft uuc chofe affcx remarquable, que ces deux puiffantes<br />

S'^CrS'-' Républiques, qui avoient tant contribué à faire acquérk aux<br />

«w. Chrétiens ce qu'fls avoient gagné en Paleftine y fuffent enfuite<br />

efles mêmes Punique caufe de la perte, qu'fls en firent, 5e que<br />

leur domination fe renfermât encore dans un coin de VEurope,<br />

11 n'eft pas moins vrai, que, fans faffiftance, ^ que les Génois<br />

donnèrent àMicHEL PAL E'O LO GUÉ, afin de contre-carrer les<br />

Fénitiens, il n'auroit pas été difiEcfle à ces derniers de chaffer<br />

ce Prince Grec def Empire de Conftantinopk y Se d'y maintenk<br />

BAUDOUIN IL qu'fls favx)rifoient, 6e fur lequel MICHEL Pavoit<br />

ufurpé.<br />

•s<br />

^**l'ii^!?>®'4^*.*)4j«®®>>;j


uk JFRtrsALEM. LÏV; Xïï. CH. E 64.1<br />

auparavant avec MANGON, Grand-Can des Tartares y 6c''pour<br />

engager ce Prince à.le feconder dans ce projet.<br />

' Qiielques Hiftoriens écrivent même, qu'AYTON fut fi heureux<br />

dans ce voïage, qu'il en obtint non feulement tous les fecours,<br />

qu'fl lui demanda, mais encore qu'fl eut le bonheur de<br />

perfuader à MANGON d'embraffer la ¥oiCatholique;'EtqueVEyè-erreur des<br />

que Grand-ChanceUer d Arménie yqui avait accompagné AYTON da^rTÂ'"^<br />

dans ce voïage, bâtifa MANGON, avec toute fa Cour. Oufl^^T^^^'*<br />

faut, que ces Ecrivains aient erré dans la Chronologie, ou que<br />

les Tartares n'aient pas perféveré dans le Chriftianifme, puifque<br />

dès l'année 124.9. le Roi ST. Louis reçut en Chypre P Ambaffade<br />

du Prince ERCALTAI, qui fe dffoitr être Chrétien depuis<br />

long-tems, '6e qui faffuroit, que le Grand-Can fétoit auffi depuis<br />

trois ans, comme je Pai raporté.<br />

• Mais, enfin, que ce fut le même Souvermn des Tartares y Ayton Roi,<br />

ou un autre, qui embraffât k Chriftianifme y fl eft certain, q^efa^^^^jum-<br />

MANGON, ne pouvant fe mettre lui même à la tête de la puif-««^«


«4.2 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

USB. prindpaux Officiers, pour la tenk bloquée, jufqu'à ce quek<br />

faim contraignit ces voleurs à fe rendre. .<br />

11 mit enfuite les ordres néceffaires' pour k confervation dc<br />

fes conquêtes, Se conduifit fon Armée vidorieufe dans VJfjyriCy<br />

où ks grandes chaleurs rie lui j)ermettant pas de rien entreprendre<br />

, il alla paffer cette faifon dans la Province de<br />

iS'^r/(!?f de la grande Arménie; Sc ce fut-là que le Roi AYTON<br />

prit congé de lui, pour retourner dans fes Etats, d'où fl étoit<br />

abfent depuis trois ans 5e demi. Il y afla affembler le plus de<br />

Troupes, qu'fl lui étoit poffible,pour le rejain'(^5c exécuter<br />

leur entreprife en faveur de la Terre-Sainte. '<br />

Quoi-que la faifon obligeât le Prince AOLON de demeurer<br />

dans l'inadion, malgré la grande envie, qu'il avoit d'attâfief<br />

d'abord les Mabométans y en commençant par le Calife de Bagdet<br />

yleur Chef,fl fut pourtant bien aife de n'avoir p^ continué<br />

lui même le fiége'de Sarmacande y à caufe de'd'opiniâtreté, avec<br />

laquelle les voleùr-s î^ qui s'étoient emparés de cette Ville, fatiguoient<br />

fes gens,fans qu'fls puffent rien avancer. En effet,leur<br />

réfiftance fut fi grande. Se fi extraordinaire. Se la fermeté des<br />

Tartares fiperfévérTintey que, felon la plupart des Hiftoriens,<br />

qui parlent de ce fiége, il dura dix-fept ans ; Mais, felon AY­<br />

TON d Arménie y qui doit naturellement en être mieux inftruit,<br />

ce fiége fi extraordinaire fut cehii du Château de TYGADO, ap-^<br />

partenant aux Affaffins. Il affure même, qu'fl dura 27.'ans;<br />

Mais,que ce foit fun,ou fautre,ils conviennent tous de la durée<br />

, qui eft une chofe affez digne de mémoke,,Iv<br />

Article//. Lc tcms dc fe remettre en campagne', étant'enfin venu, le<br />

iÙnZt vidorieux Tartare "aM y fans héfiter, affiéger la Vflle dc ^^^iTlffiéger<br />

^^^^ réfTdence du Calife y que tous les autres. Princes Mahomé'<br />

Kagdet. tans révéroient 6c reconnoiffoient pour leur Chef, Se Souverain<br />

Pontife.<br />

saprifepar Quelque grande, forte, 6c riche, que fût alors cette Vflle,<br />

6c même capable de réfîfter longtems aux attaques de fes Ennemi»)<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


»B JE'RUSALEM. LIV.XILCH. IL ^4;<br />

nemis, elle tomba pourtant très-fadlement au pouvoir du Tartare<br />

y par f avarice fordide du Calife y qui n'ofa jamais entamer<br />

fes tréfors, pour la mettre, par fes Troupes, en état de défenfe,<br />

ni pour fe garantir lui-même du malheur, qui lui arriva,<br />

malgré k danger, qui le menaçoit, 5e qu'fl n'ignoroit pas, puisqu'il<br />

y avok long-tems que le bruit des deffeins d'AOLON s'étoit<br />

répandu , fans que tout cela fût capable de tirer le Calife de<br />

(à léthargie. Tant les avares font incapables d'être touchés<br />

de quelque autre objet, que de la contemplation de leurs richeffes!<br />

Efles lui devinrent bien funeftes. Car le Prince Tartare<br />

y étonné de la quantité prodigîeufe d'or, d'argent, de per- Caiife de<br />

les, de pierres précieufes, 6e d'autres bijoux rares, 5e de grand puvowTu<br />

prix, qu'fl trouva dans fon Palais,conçut tant de mépris pour j^"'^«<br />

le mauvais ufage, qu'il en avoit fait, que f aïant fait venir en<br />

(à prefence, il lui demanda, avec indignation, fi tous ces grands<br />

tréfors lui appartenoient; Se y fur la réponfe que le Calife lui<br />

fit, qit'ils avoient été a lui y il lui répondît, avec autant d'emportement,<br />

que de dédain. Pourquoi donc, miférable que tu es y<br />

vlas^tu pas mis fur pié une Armée y capable de réfifter à la mienne<br />

y ^ de te les coriferver?<br />

Ceft, lui répondit-il encore, parce que fai toujours cru mes<br />

Sujets fitfilifans y pour me garantir de Tmfulte de toutes les Nations<br />

du Monde, A> quoi fon Vainqueur répUqua d'abord; Qifil ri étoit<br />

pas poffible, que le premier Doâeur de la. Loi Mahométane fut<br />

afféz ignorant fur fes intérêts particuliers y pour s'être imaginé<br />

qtlune troupe de gens y fans difcipUne y fût capable de réfifter a la<br />

puiffance des Tartares; Qui il devoit avouer y que la cupidité de<br />

richeffes Pavoit aveuglé y fe? conduit dans le précipice; Ceft pourquoi<br />

y comme il avoit préféré la confervation de fes tréfors à fa<br />

propre vie y il étoit bkn jufte y que cette même vîe y qui. en avoit<br />

été efclave y en devint aufft la vidime. Il ordonna, fur le champ,<br />

à fes Gardes d'enfermer cc grand, 5c digne Prince, l'incomparable<br />

Chef des Mufulmans y dsns l'appartement de fes tréfors;<br />

Mm mm 2 6c<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6U H I S T OIRE G E' N E' R A L E<br />

6c que, comme tout autre mets, que Par, Pargent, 5c les chofes<br />

précieufes,étok incapable de le raffafîer,fl faUoit l'en laiffer repaître<br />

à loifîr, fans lui donner aucune autre nourriture.<br />

TeUe fut la fin déplorable de ce malheureux avare, qui mourut<br />

de faim, au milieu d'une infinité de richeffes ; ce qui termina<br />

la Majefté, 5c la grandeur des Califes de Bagdet y qui<br />

finirent par la lâcheté, 6c f avarice de ce dernier^ de la même<br />

manière que k moUeffe , 5c Poifiveté avoient caufé Panéantiffement<br />

de ceux dEgypte y dès l'année 116p; que k grand<br />

SALADIN s'empara de cette Souveraineté. .<br />

Article///. Lamort du Calife de Bagdet ne fauva pas la vie à fes mirm//fl<br />

*^ férables Sujets. L'Armée Tartare ne fut pas plutôt entrée dans<br />

'JS%r" ^^ Ville, qu'elle paffa au fil dé Pépéè tous ceux qu'elle yrenconmdiiic.<br />

tra. Efle ne traita pas mieux les Habitans des Ueux d'alentour,<br />

où. tout fut inhumainement maffacre. Le Prince AOLON s'arrêta<br />

quelque tems dans ce délicieux pays, tant pour Padmi- -<br />

rer, 6c en jouïr avec tranquilké, que pour s'en affurer la conquête,<br />

5e attendre la jondion, du Roi d Arménie y ^uç^el fl avok<br />

fait favoir, que, voulant paffer promtement en Syrie y pour<br />

chaffer les Infidèles de la Terre-Sainte y Se fouhaitant de fè conduire<br />

dans cette entreprife félon fes bons confeils, flk priok<br />

de venir k joindre inceffamment.--<br />

T^url^' Comme fl fallait du tems à VArménkny pour affembler fesprogrès.<br />

Forces, fl fe pafla près d'Un an, avant qu'AOLON:: fortk de Bagdet.<br />

Il entra enfin dans la Méfoptamie y ou le Roi AYTON k<br />

joignit, près de la Ville de RohaiSy3.vec dôme mille Chevaux,<br />

Se quarante mille Hommes d'Infanterie. Ils s'emparèrent conjointement<br />

d'^^


DE JE'RUSALEM. Lrv. XIL Gif. IL é^r<br />

pliis de peine à réduire fon fameux Château; mais fls en vinrent<br />

enfin à bout, 6c firent main baffe fur tous les Sarrafins y<br />

qui s'y trouvèrent. Ils kiffèrent enfuite rafraîchir leurs Armées,<br />

des abondantes provifîons, qu'ils trouvèrent dans-cette^ande<br />

Vflle, dont le butin fut ineftimabk;<br />

Pourfuivant le cours de Tes Vidoires, A OLON s'avança i'<br />

dans la Syrie , où il s'empara dû* Château dAréthufe, Se<br />

de toutes les Villes, 6c Bourgs de la Principauté dAntioche y ><br />

dont les Sarrafins s'étoient rendus maîtres peu auparavant. Il<br />

ravagea également tout ce qu'occupoient les Affaffins d^xis h<br />

Province de Phénicie y détruifk entièrement leurs Châteaux, 6c<br />

autres habitations, 6c fit paffer toute cette race fous le tranchant<br />

du Sabre, de manière qu'fl ne demeura plus aucune femence,<br />

veftige,ni mémoire de cette cruelle 5e barbare Nation.<br />

U fit mourir le Fieux de la Montagne y leur Frince, 5c les prin- -^<br />

cipaux d'entre-eux dans des tourmens effroïables, 6c ne par- /?«/«vieux<br />

donna aux Femmes, ni aux Enfans, afin.qu'on n'en entendk Jjjj^°*^<br />

jamais parler.-<br />

Il s'empara, avec là même rapidité, dès Vifles dé MalbeCy^^^^^^^*<br />

de Camélia, Se de Sidon. Ne trouvant enfin plus aucune Ville,<br />

ni Château, à prendre dans la Paleftine y fl alla affiéger k<br />

grande 6e déUcieufe ViUe de Damas; où, foit que lès Habitans ^f^^as<br />

fuffent intimidés du bruit de fes conquêtes, ou qu'un bonlieur Aoi»î!<br />

extraordinaire, accompagnât toutes fes'entreprifes, iPentra<br />

fans beaucoup de conteftation, malgré k'réfiftance, que voulut<br />

faire le Soudan MELEC-NASSER. Il le fit prifonnier,<br />

avec fa Femme, Se. fes Enfans, 6e les envoïa d'abord en-<br />

Perfe.<br />

Quelques-uns prétendent pourtant, que ce Soudan fut fait'<br />

prifonnier à Alep, 5e que le Prince Tartare le fit conduire devant<br />

Damas y où fl le fit fouetter de verges ,àk vue des Habitans<br />

, qjji fe difpofoient à |è bien défendre | pour intimider fa '<br />

P^mme, 6c fes Enfans, qui-s'y trouvoient enfermés, 6c qu'fl '<br />

Mnaumm 9„ " mena?-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6^6 HISTOIRE G E' NE'RALE<br />

menaçoit de faire mourir dans les tourmens, s'fls ne luî rendoient<br />

promtement la Vflle. D'autres ont encore écrk, que<br />

ce ne fut, ni à Akpyvii kDamaSy queMp/LEC-NAssER fut<br />

fait prifonnier; mais qu'aïant apris la prife de cette première<br />

Place, 6c la captivité de fa Femme, Se de fes Enfans, un effet<br />

de la grande tendreffe, qu'fl avoit pour fa famille, le porta à<br />

afler fe jetter aux piés d'AOLON, pour implorer leur délivrance;<br />

6e que fa foumiffion n'aïant point été capable d'émouvok leVamqueur,<br />

fl les envoïa en Perfe y diargés de fers, félon l'ordre<br />

de PEmpereur, fon Frère, qui luî avoit commandé de ne laiffer<br />

en Syrie aucun Prince Mabométan,<br />

C H A P I T R E III.<br />

Article/. A près UU fi loug cours de proi{)érités, les Chrétiens dePa-<br />

Aoionn- f^ j^j-^^ ^^ croïaut à k veilk de vok foumettre h Ste. Citourne<br />

en<br />

Tartarie. /^^ AoLpîf fe préparoît, CU cffct, à CU faite la conquête,lorfque,<br />

par un malheur inopiné, fl reçut avis, que l'Empereur,<br />

fon Frère, qui faifoit la guerre dans le Catai, où il avoit<br />

iit- même fait quelques progrès, s'y étoit noïé. Pendant qu'il<br />

.îittaqjipit une Ile, fes Ennemis eurent faddreffe de faire percer,<br />

par. des plongeons, la quiUe du Vaiffeau , à bord duquel fl<br />

étoit embarqué. L'avis de fa mort fut caufe,qu'AOLON ne fongea<br />

plus, qu'à s'en retourner en Tartarie; parce qu'il étoit de<br />

fon intérêt d'y arriver promtement, de peur que ceux qui pouvoient<br />

avoîr quelque prétenfîon à PEmpire ne profitaffent de fon<br />

abfence, pour s'en emparer. Il donna les gouvernemens dei<br />

Villes, 6c des Provinces conquffes, à des Officiers de fidélité,<br />

l^ffa le gros defon Armée en Syrie y fous le commandement<br />

(dç GuiBORCA, ou GuiRBOÇA, Puu dc fes Généraux ,^avec ordre<br />

4e pourfuivre la guerre, 6c de coSCgncr Jérufalem^ les autres<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. XIL CH. IIL 6^r<br />

tres Ueux aux Cprétiens de h. Terre-Sainte, Enfm, il partit,<br />

avec une fuite fort médiocre, pour faire plus de dfligence.<br />

Cette vigilance, 6c cette précaution ne purent cependant k<br />

garantir du contretems, qu'fl appréhendoit. A-peine fot-fl entré<br />

dans la Perfey qu'il aprit, que les Tartares avoient devé<br />

fur le Trône un de fes Frères, qui fe nommoit COBILA , 6c<br />

que PAUL EMILE appelleCUBLAL 11 fut auffi informé, que BAR-<br />

CAT, Fils de BATTON, OU BAIDE, autre Prince de fa Nation,<br />

•lequel, après avoir ravagé la Hongrie y Se la Pologne y s'étoit<br />

noïé, en paffant la Dr ave y s'avançoit avec une puiffante Armée<br />

, pour s'oppofer à Pentrée d'AOLON dans fes Etats.<br />

La découverte d'un ennemi, qu'fl ne s'attendoit point de rencontrer,<br />

fobligea de ramaffer promtement le plusde Troupes, qu'il<br />

lui fût poffible, pour n'en être point furpris, 5c fe trouver en état<br />

de le ranger plus facflemént à fon devoir. Il le rencontra aux<br />

confins de cet Empire, 6c au paffage d'une grande rivière entièrement<br />

glacée. Ces deux rivaux, pouffes d'une égale fureur,<br />

rangèrent d'abord leurs Troupeg en bataille fiir la glace, où le<br />

combat ne fut pas moins funefte à Pun, qu'à Pautre ; car k gkce<br />

n'aïant pu foutenir un fi pefant fardeau d'Hommes, 5c de Ciievaux,<br />

s'enfonça tout d'un coup, 6c fit périr plus de trente<br />

mifle Hommes, de part 5e d'autre.<br />

Un fpedade fi affreux étonna teflement le refte des deux Armées,<br />

qu'efles ne penferent plus à renouveUer le combat. Après<br />

s'être féparées, chacune reprit fa route ; de forte que la conquête<br />

, qu'AoLON avoit faite de la Perfe, lui fut d'un grand avantage,<br />

puisque cet Etat lui fervit d'afile, le dédommagea, en<br />

quelque façon, de k perte de la Tartarie y Se l'empêcha de<br />

devenir la vidime de fes Ennemis.<br />

A' l'égard de GUIRBOCA, qu'fl avoit kiffé en Syrie y il paroiffoit<br />

fî bien difpofé à exécuter fes ordres en faveur des<br />

ChrétienSy qu'ils avoient tout Ueu d'efpérer, qu'fl les mettroit<br />

bientôt en poffeffion du Rojaume de Jérufalem, Ce qui ferok<br />

arri'i<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


64.S H rs TOI R E G E'N E'R A LE<br />

arrivé, fi leur mauvaife conduite n'eût fait changer la bonne<br />

inclination de ce Général, 5c ne Peut convertie en une haine<br />

idipkcabk contre eux ; teUement qu'au lieu de travaiUer à leur<br />

avantage, il les auroit entièrement dépouillés.de ce qu'ils pof^<br />

fédoient, fila mort ne l'eût prévenu.<br />

Article//. Cc grand changement fut produit par favidité, 6c Pinfolen-<br />

'XssZts. ce des Soldats Chrétiens de la garnifon du Château de Beau-<br />

^uaï^f^^^ fitué-dans ^k Comté de Sidon. Tranfportés par la fu-<br />

,deïiem- reur de butiner, ils fortirent confufément, 5cravagèrent plu- .<br />

°"' fieurs lieux, habités par des.payfans-S^rr^sf/zw, quiydemeu-<br />

. raient, fous la fauvegarde des Tartares, .aux quels fls payoient<br />

quelque tribut. A' ces brigandages fls joignirent d'autres excès.<br />

Les Sarrafins y dontles maifons avoient été facagées, 5c<br />

le bétafl emmené, aflèrent fe plaindre de ces violences à<br />

GUIRBOCA, leur protedeur. Il envoïa, fur le champ, un de<br />

fes Neveux, pour faire entendre raifon à la g^fnifondQ Beaufort<br />

y Se la prier de reftituër à ces miférables, qui vivoient fous<br />

fa pri3tedion , ce qu'ils leur avoient enlevé; Mais ces gens,<br />

qui, felon le Continuateur de la Guerre - Sainte y étoient Allemands<br />

y ^ avoient paffé peu aupara^iant en Pakftinéy fous la<br />

conduite de SJFFRIT DE MONCHI , Se d'HERMANS SCALERS,<br />

Gentilshommes de cette Nation, bien loin d'être touchés de<br />

la civflité, 5c des remontrances du Commandant Tartare y fe<br />

jettèrent furieufement fur fon Neveu, Se le maffacrèrent, fous<br />

prétexte, que ce jeune OfiSder leur avoit parlé avec trop,<br />

de hauteur.<br />

Il eft vrai, que le même Auteur raporte cette affaire un peu<br />

, diverfement des autres, apparemment pour couvrir la mauvaife<br />

adion de fes compatriotes. Il convient pourtant, qu'ils<br />

irritèrent fi furieufement GUIRBOCA , qu'il alla d'abor^ fc jetter<br />

fur la Vifle


DE J E'R U S A L E M. LIV. XH. CH. IIL 6^.^<br />

démolir les murs , Sc les maffons de cette Vflle. Quelquesuns<br />

ont écrit, que ce fut cefle de Céfarée, qu'il traita fi cruel*<br />

lement ; 5e d autres affurent, qu'elles furent exterminées toutes<br />

les deux dans cette occafîon. GUIRBOCA étoit fî outré, qu'il<br />

n'auroit pas borné-là fa vangeance, fî Dieu n'eût permis, que les •<br />

Egyptiens, qui n'avoient ofé remuer, pendant qu'AoLON avoifc, Les E^ypété<br />

à la tête de fes Troupes, n'euffent, fur la nouvefle de fori S*^?<br />

départ, 6c du mécontentement de fon Général contre les Chré- ^f^^^J^<br />

tiens, repris courage, 5e mis fur pié une Armée, avec laquelle res.<br />

le Soudan M E'L E C-M A É s traverfa promtement k défert, entra<br />

dans k Pakfiine, Se rencontra d'abord les Tartares dans la<br />

Pkine de Tibériade, où il leur Uvra bataiUe. EUe fut fî heureufe<br />

aux Egiptiens, que les Tartares y furent la plupart tués fur le<br />

champ de bataille, de même que leur Général. Ce fut ainfî f^Jpftite<br />

^ue, par une avanture affez fîngulière, les Chrétiens eurent le «^.^ '^sy-i''<br />

bonheur d'être délivrés, 5e vangés d'un cruel Ennemi, par un<br />

autre, qui n'étoit pas moins redoutable.<br />

La défaite des Tartares fut fî complette dans cette occafîon,<br />

que M E'L E C-M A Ë S , profitant, à fon tour, des faveurs de k<br />

fortune, s'empara, fans difiBculté, de toutes les Places, qu'fls<br />

avoient conquifes dans la Syrie. Aprèsquoi, fatisfàit de fon<br />

expédition, fl s'en retourna triomphant en Egypte y Se chargé<br />

de leurs dépouifles. ^<br />

A O L O N cependant, toujours rempli de zèle, pour la dé- ^^lolf ^^<br />

li vrance du St. Sépulcre y Se pour la deftrudion des Sarrafin,^, pi^y\de<br />

n'aprit pas plutôt la défaite de fon Armée par les Egyptie.iSy ,» G^.îî!f<br />

que, maîgré les grands.embarras, que lui. fufcitoient en Per-^""^-'fe<br />

les attentats de B A R c A T , qui lui faifoit toujours la guerre,<br />

il réfolut de fe mettre en chemin, pour retourner en Sy^<br />

rie. Il fit fevoir fon deffein au Roi d^^rméniCy 5c à celui<br />

de Géorgie , afin qu'ils fe miffent en état de venir k joindre<br />

, 5e partager avec lui la gloire de l'entreprife, qu'fl méditoit.<br />

Sa Femme même étoit fî animée contre les Infidèles y<br />

Nn nn que.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^jo HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

que, felon AYTON d'^rwé^mV, pendant fabfence de fon Ms^<br />

ri, elle faifok abatre kurs Temples, dans tous les lieux do<br />

fa dépendance.<br />

Cependant le projet d'A o L o N demeura encore fans effet.<br />

A'-peinè ce pieux Prince avoit quitté fes Etats, qu'il fut attaqua<br />

^mort. ij'une maladie fi violente, qu'fl en mourut en chemin, au bout<br />

de quinze jours. Se emporta avec lui toutes ks efpérances des<br />

Chrétiens de la Paleftine, parce que les Puiffances d'Europe<br />

étoient fi occupées de leurs intérêts: particuliers, Se fi accabléef<br />

de guerres, 6c de difcordes, qu'aucune d'h.Ues ne penfoit plus^<br />

ni au recouvrement de la Terre-Sainte y ni au foulagement 4e«<br />

des Peuples, qui Phabitoient.<br />

rreuiiesen L'Empire dOccideniy qui, depuis féledion du Land-grî^ve<br />

Occident. ^Q Thuringe y Se enfuite du Comte ÇUILLAUME de Hol/unde,<br />

avoit été continuelkment agité, fe trouvoit encore dans un<br />

plus grand desordre que jamais, après la mort de ce dernier,<br />

par la divifion qui s'étoit mife parmi ks Ekdeurs, dont une<br />

partie avoit nomme ALPHONSE , Roi de Caftille, furnommé le<br />

Sage y le même qui compofe, ou fit compofer les Tables ^r^<br />

miques, dites Alphonfines. Le^ autres avoient élu à l'Empire<br />

RICHARD, Comte de Cornuailky Frère du Roi dAngkterre;<br />

de forte que ces deux Princes, dont chacun avoit un fort parti?<br />

voulant fe maintenir dans la Dignité Impériale, mettoient<br />

toute VAllemagne en combuftion.<br />

\JItalie n'étoit pas moins remplie de fadions,de guerres,5e<br />

de ruines, par les divers partifans, qui k déchiroient. Le Tyran<br />

EzELiN, les VISCONTI y les TORREGGIANI, les SCALIGERS,<br />

ks EsTENSES, les Florentins yles Pifans y Se enfin, ks GuelpbeSy<br />

Seles Gibelins y k défoloierit detoutes parts.<br />

Le Pape, de fon côté, tiès-mécontent des Romains y ç^<br />

vouloient, malgré lui, maintenir la Dignité Sénatoriale,avec 11<br />

même autorité, que dans les fiècles paffés, avoit été obligé de<br />

ibrtk de Rx^mey Se avok d'aflkuiis beaucoup de peine à réC/Jer<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DI JE'RUSALEM. Uv.XïL CH. IIL 6^r<br />

& MAIMFROI, Ffls naturel de PEmpereur FRE'DE'RIC, qui ratageoit<br />

le Roïaume de Napks,<br />

Lcs Républiques de Fénife y Se de Gènes y continuoient à fe<br />

fàke une cruelle guerre. \JEfpagne étoit toujours, en armes ,j^j<br />

contre les Maures y qui occupoient une grande partie de ce<br />

Roïaume; Se h. France y enfin, n'avoit point encore réparé les<br />

pertes, qu'elle avoit faites en Egypte y Se les dépenfes excefiflves,<br />

que cette guerre avoit coûté au Roi SAINI^ LOUIS. Il<br />

n'eft pas étonnant, que perfonne ne penfàt aux affaires de k<br />

pakftinéy ni à Pabaiffcment des Sarrafins, Les Seigneurs de<br />

la Terre - Sainte même, quoique fens efpoir d'auCunc affiftance<br />

étrangère, pour les taifons, qu'on vient d'expUquer, au lieu<br />

de vivre de bonne ititeUigence, pour s'qjpofer à leurs dange^<br />

reux voifins, étoient fi désunis, depuis k part qu'fls avoient<br />

prffe dans la querelle des Fénitiens y 6c des Génois ^ qu'ils s'affoibliffoient,<br />

tous les jours, par leurs animofités inteftines. artide/r<br />

Auffi, fens Pexaltation au Pontificat de JAQUES, Patriarche urbainiv!<br />

de Jérufakmy François de Nation, qui prit le nom dU^^ki^^^^^fi^<br />

tv. ks perfonnes, qui aimoient k tranquilké. Se qui ét-oknf^^^f***'•-<br />

. ^ ... i l - 1 1 /Tl r\ ' , ' cwplectmvéritablement<br />

zélées pour le bien de la Terre-Sainte, auroient rage des<br />

entièrement perdu courage; Mais Pefpérance,qu'fls «ônçtireht, 2^ixe?*<br />

que ce Pontife , qui connoiffoit parfaitement leurs befoins Sc le fe-sainte^<br />

danger, où fls étoient expofés, travafllcroit à kur procurer du<br />

fecours, les ranima affez, pour fc flatter que, bien loin de fucomber<br />

fous k joug des Infidèles, ils pourroient encore leur arracher<br />

ce qu'ils occupoient dans le Rbïaumé.<br />

L'ékdion de ce Pontife fut comjne miracukufe. Lcs Cardinaux<br />

ne /pouvoient s'accorder après la mort d'ALEXANDRE<br />

IV. pour la nomination d'aucun dentre-eux; ce qui fut caufe,<br />

Gu'iLs fe réunirent, tout à coup en fa fevcur, 6c félev


6s^ H I S, T O I R E G E' N E' R A L E ><br />

avok été abandonné par PAbbé, 6e par les Religieux,qui Phj-*<br />

bitoient, lesquels ne pouvoient fuporter les incommodités qu'ils<br />

fouffroient, fans ceffe^ de la part des Sarr'aftns. Le St. Père n'accorda<br />

point cette fortereffe 5 5e fes dépendances, à ces Chevaliers,<br />

fans les engager à faire réparer, 5c bien fortifier le Château,<br />

6e à y entretenir une bonne garnifon, avec quarante Chevaliers<br />

5 pour fa confervation, 5c pour mettre les Terres d'alentour<br />

126%. à fabri des infultes des Infidèles,<br />

Comjue le nouveau Pontife follicita, en même tenfe, les Barons,<br />

qui y poffédoient des Châteaux, d'être attentifs à les maintenir en<br />

bon état,5e les pourvoir de tout ce qui étoit néceff^ire,diversBarons,<br />

qui nétoient point en état de fubvenir aux dépenfes extraordinaires,<br />

prirent le parti de vendre les Terres, qui leur appartenoient.<br />

JEAN d IBELIN fut du nombre. Il vendit aux Hofpitaliers le<br />

Château d Affur, . JULIEN DE SIDON s'accommoda, avec les<br />

Templiers,' pour celui de Beaufort, malgré lès prétenfionis, que<br />

le Roi d Arménie avpit fur cette Fortereffe. Ce qui caufa dans<br />

la fiflte de grands troubles entre ce Prince, 6c ces Religieux.<br />

Les attentions du Pontife ne permettaient pas de douter, qù'fl<br />

i ne mît tout en ufege pipur remettre les Cbr'étiens dans fentière<br />

jouiffance du Roïaume de Jêrufakn^<br />

C H A P I T R E IV.<br />

Méiec^'" T * conjondure aurok été d'autant plus favorabk, que PJ?-<br />

Maë^Min -•—^ gypte fe trouvoit dans de grands embarras, par la catas-<br />

TaTt'art' ^rophc , quî vcuok d'y arriver au Soudan ME'LEC-MAËS.<br />


DE JE'RUSALEM. Lïv. XIL CH. IV. 6i%<br />

^'AYTON d'Arménie appelle B E'N E'D E c L A R. Cet affaffin agit<br />

avec tant d'adreffe, qu'il gagna la faveur dc fes confrères. Après<br />

avoir ufurpé k fouveraineté de VEgypte, fls avoient fait une<br />

Ipi, par laquelle aucun Turc,, ni Sarrafin y ne pourroit à. l'avenir<br />

être admis à k dominatfon du Roïaume, qui feroit désormais<br />

éledif entre eux Mammelucs. Ceft pourquoi, malgré le<br />

meurtre, que BENDECLAR venoit dc commettre, fls le faluèrent vaher,/on<br />

d'abord Soudan y fous le nom de ME'LEC-EL-VAHER. Swcejfeur.<br />

. Ce nouveau Souverain, également bon poUtique, 6e brave<br />

fbldat,5c qui fouhaitoit d'acquérk faffeétion de fes Sujets,pour<br />

affermir fon autorité, crut, que rien n'étoit plus capable de la<br />

lui attirer, que de les fatisfaire fur l'empreffement, qu'ils témoignoient<br />

, fans ceffe, de retirer des mains des Chrétiens grand<br />

nombre de leurs parens, ou amis, qui fe trouvoient en leur pouvoir.<br />

Il envola, pour cet effet, des Ambaffadeurs aux Seigneurs<br />

de Paleftine, 6e aux Ordres Militaires, entre les mains desquels<br />

s'en trouvoit le plus grand nombre, pour leur propofer f échange<br />

desprifonniers ; les affurant, que, s'fls vouloient donner la<br />

liberté aux Turcs, Se aux Sarrafins, fl la donneroit, de fon<br />

côté, à tous les Chrétiens, qui étoient en Egypte,<br />

On tint Confefl là-deffus k Ptolomaïde, Les Barons Chrétiens<br />

, qui n'avoient en vue que le bien de fEtat, offrirent d'abord<br />

de relâcher lç§ Mabométans, qui leur appartenaient ;<br />

Mais cène fut pas le fentiment des Ordres Militaires, qui, pour '<br />

couvrir leur avarice, répréfentèrent ^ que k prapofitiondu5o«^<br />

dan étoit trop inégale, puisque les ChrétienSy prffonniers en<br />

Egypte, étoient en beaucoup plus petit nombre'. Se très-inférieurs<br />

en qualité aux Sarrafins, qui fe trouvoient en leur pouvoir.<br />

Les premiers n'étoient tous que fimples Soldats, ou Payfens,<br />

au lieu qu'fl fe trouvoit parmi les. autres quantité d'Officiers<br />

, 5c gens diftingués , capables de leur Caufer des maux<br />

ûlfinis, par la parfaite connoiffance, qu'fls avoient pris de leurs<br />

Forces, 6c de toutes kurs affaires, depuis le tems qu'fls étoient<br />

Nn nn 3 en<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«y+ HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

. en Pakftine, Voilà comme Pdpérance d'une foibfe rançon<br />

Pemt)orta fur le bien commun de f Eeat; 6c comme le refus, qu'oh<br />

fit de confentk à cet échîtftgfe, devint très-fknefte à hrakfiint,<br />

krtidiii. Ce nouveau Soudan violent, 6c vindicatif, fut fi irrité du<br />

peu de cas que les Chrétiens avoient fait de fa propofition, &<br />

du mépris qu'il crut qu'fls faifoient de fa puiffance, qu'fl entra<br />

bien-tôt après for leurs Terres, à la tête dc trente mifle Chevaux.<br />

Il fondit d'abord fur Béthelem ; Ueu, à la vérîté, de peu<br />

d'imf)ortante, mais daflkurs très recommandâbk, par raport<br />

Excès com- à k uaiffancC du Sauveur du Monde. Comme ce Barbare n'imuvelu^<br />

gnoroit pas la vénération, que les Chrétiens avoiertt pour cet<br />

Soudan/wr eudroit, fl kfit renverfer de fond en (l^ftible. Conteiltdeleur<br />

des Chré- avoir fek épr^iver fon reffcntinàent, par cet effai de fa fureur,<br />

tiens. il s'en retourna enEgypte, dans k deffein d'âugrtienter fes FON<br />

ces, 6c dc recommencer de pfesgrandes cntreprifeé, au retour<br />

de la befle faifon.<br />

L'affiidion , que ks Chrétiens reffentirent de k deftru6fioii<br />

de Bethekm y Sc les plus grands maux, qu'ils avoient lieu d'ag*<br />

préhender, firent repentir les Ordres Militaires de leur avok attiré<br />

ce malheur; d'autant plus qu'ils n'étoient point affez forte<br />

pour réfifter aux entreprifes du Soudan. Leur feule reffource<br />

étoit alors en Chypre y où ils envoïèrent une Ambaffade à la Reine<br />

PLAISANCE , pour k prier de vouloir les fecourir dans un fi<br />

preffant befoin. Cette Princeffe, qui joignoît à PîncUnationde<br />

foutenir h Terre-Sainte y k défîr d'éloigner de la Cour HucuEi<br />

DE BRENNE, premier Prmce du Sang, 6e Héritier préfomptif<br />

de la Couronne, au cas que le jeune Roi vint à mourir fans Enfans;<br />

fâchée d'aiUeurs que HUGUES n'eût pas pour eUe affez de<br />

confîdération, 6c qu'fl voulût prendre un peu trop de connoiÇ<br />

fance des affaires du gouvernement, crut ne pouvoit jamais rencontrer<br />

une occalîon plus favorable de féloigner avec honneur,<br />

6c d'une manière, dont fl ne pouvoit pas même avoir lieu d^<br />

fe pbmdroi ^<br />

Elle<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv.XIL CH.IV. 6ff<br />

EUe promit aux Miniftres des Sdgneurs de Paleftine, non<br />

feulement faffiftance, qu'ils lui dcmandoient ; mais efle fit même<br />

inceffamment marcher la Cavalerie du Roïaume,qui étoit,cn cc<br />

tems-là, fort dtimée. Elle y joignit deux mille Hommes de pié, 6c<br />

cn donna le commandement au Prince HUGUES , qui, foit par<br />

un principe de dévotion, ou pour avoir UeU de fe fignaler dans<br />

une fi belle conjan(Jkure, fit des préparatffs extraordinaires, Sc<br />

ij'embarqua avec quantité de Nobkftî, qui voulut avok part à<br />

El glorieufe expédition.<br />

Son arrivée à Ptolomaïde r^oiiit extrêmement les Chré- „^^^^<br />

/i/f«i de ce pays-là. Ils djaéroient, qu'avec fon fecours ils pourroient voU de' '<br />

fç.dédommager de k perte, qfffls venoient défaire. Ils ne fe pî^J^î^^^ïf<br />

trompèrent pas. Le Prince HUGUES , rempli de %êk, Se, d'ardeur, de.<br />

fe mit en campagne avec les Ordres Militaires. Ils forcèrent le -<br />

Château deLilion, où iffirent trois cens prifoniers. Se d'où<br />

Us emmenèrent une grande quantité de beftiaux; mais kurs forces<br />

étant trop médiocres, pour faire de plus grandes entreprifes,<br />

ils fe retirèrent à Ptolomaîdey Sc n'en reffortirent que le<br />

1 J. Juin, pour aller fecourir k Vflle de Rama y qu'un dét^<br />

chement Sarrafin avoit feccagée. Se dont fl avoit fait prifonniers<br />

la plupart des Habitans. Cependant, qudque diligence<br />

, qfffls fiffent, ils ne purent empêcher ce malheur. Ils eurent<br />

, en revanche, k confolation de rencontrer deux Emirs, qui<br />

couroient la campagne avec leurs brigades. Ils les attaquèrent<br />

fî brufquement, qu'fls ks. tafllèrent en pièces, fans qu'il en<br />

échapât un feul.<br />

Mais ces petits avantages, ni ks bonnes difpofitions du<br />

Prince HUGUES, ne pouvant mettre les Forces des Seigneurs<br />

de h Paleftine, en ét2it de faire tête ^u Soudan dEgyptty ûsréfokirent<br />

d'envoler quelque perfonne de capacité, pour informer k<br />

Pape du preffant danger, où fe trouvoit k Terre-Sainte, Ils ^^7 **<br />

chcnfirent, pour cet effet, le ChevaUer de BEAUJEU , Maître fape,<br />

du Tempky qui partit pour fijomey pen


'6^IS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

"avec les'Hofpitaliers y le Prince HU'GUES , 6c les Barons du pays,<br />

voulant conferver la réputation de leurs armes, 5e cacher leur<br />

foibleffe aux Ennemis, faifoient de fréquentes courfes fur leurs<br />

Terres. Ils ravagèrent, 6c brûlèrent les VaUéès de Bethzan y<br />

Se de Botteron, avec tous les Villages d'alentour.<br />

Article///, ç^g irruptious, qu^on peut nommer brigandages , ne firent<br />

qu'augmenter la colèti; du Soudan. Il fe mit en campagne<br />

,. 6c fe jetta for la ViUe de Céfarée, qu'il emporta d'affaut.<br />

Il fit main baffe fur tous les Habitans; mas fl n'eut pas le<br />

même fuccès fur le Château Pèlerin y non plus que fur la Ville<br />

de Caïphas y qu'fl affiégea enfuite. Il fit inutilement tous fes<br />

efforts pour les réduire, fans pouvoir en venir à bout, malgré<br />

1265. ^* quantifié de monde qu'fl avoit.<br />

LffSoudan Après avoîr mauqué fon coup fur ces deux Places, flréù*<br />

prend uît toutcs fes Forccs, pour allcr furprendre le Château dJffury<br />

P^rJtouf ^^"^ ^^' Hofpitaliers étoient propriétaires. U en prelfa fi fort<br />

«j^fii le fiége y Sele bâtit avec tant de violence, que la bravoure, 5c<br />

l'intrépidité dc fes défenfeurs ne purent le fauver , ni même<br />

empêcher ce Prince Infidèle d'y entrer de vive force le 26. Janvier,<br />

6c d'y facrifier à fon reffentiment tous les CJievaUers, 5c<br />

les autres défenfeurs, qui s'étoient feuvés des attaques, 5c des<br />

affauts.<br />

Il ne traita pas mieux les Habitans dAffoto, qu'fl alla<br />

affiéger enfuite. Ce Fort appartenok auffi aux Hofpitaliers,<br />

Ils y perdirent le refte-de leurs plus vaillans Chevahers. Auffi,<br />

CLÉMENT IV. Provençal de Nation, qui avait foccédé à<br />

URBAIN IV. mort le 2. Odobre de l'année précédente, Informé<br />

de toutes ces disgrâces , par le Makre du Temple y 5c<br />

par les ^.ettres , que HUGUES REVEL, Makre de VHopitaly<br />

avoit écrites au Doge de Fénife y dépêcha d'abord en Palefline<br />

le Père ELIE , Dominiquain, avec des Lettres pour le Patriarche<br />

de Jérufalem, pour le Maître d^VHùpital, Se pour GEOF­<br />

FROI DE SERGINES, Sénéchal du Ro-aume, afm deks confoler,<br />

ca<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE. JE'RUSALEM. Ltv. XIL CH. IV. 6sT<br />

en leur faffant favoir, qu'il avoit envoïé en France y Se dans<br />

les autres Provinces de la Chrétienté y divers Légats, pour exhorter<br />

ks Princes, Se les Peuples à les fecourir promtement, Sc<br />

pour en raporter fargent, qu'on avoit récueifli de fimpofition,<br />

nommée le centième y qu'fl avoit étabUe en faveur de<br />

la Terre-Sainte.<br />

Le St. Père écrivit, en même tems, au Roi d Arménie y le<br />

priant très-affedueufement de ne point abandonner les Chré*<br />

tiens de Paleftine y dans Pétat, où ils fe trouvoient ; 6c, afin<br />

d'y mieux engager ce Prince, fl lui rapefla le zèk. Se l'ardeur<br />

, ^u'il avoit toujours témoigné à les foutenir, 5e le pria<br />

de fe reffouvenir de la promtitude, avec faqueUe fls avoient fecouru<br />

fes Etats, lorsque leurs Ennemis communs les avoiçnt attaqués.<br />

Plufieurs Seigneurs François unirent leurs forces, 6e en défé- secours verèrent<br />

k commandement au Duc de NEVERS. Ils ne tar- ""fp^J^^^<br />

dèrent pas de faire éprouver aux Peuples de Pakftine y combien maïde.<br />

avoient été efficaces les follicitations du Pontife. Ils arrivé- *^^^*<br />

rent à Ptolomaîdey le 20. Odobre, au nombre de cinquante<br />

Gentflshommes, avec quelques Régimens d'Infanterie, 5c<br />

de Cavalerie^ mais, malgré ce fecours, les Chrétiens demeurèrent<br />

dans finadion, pendant le refte de Phyver, au Ueu que<br />

les Ennemis Pemploïèrent à faire des préparatifs pour les battre. Ils<br />

en donnèrent des marques, dès le commencement de fannée<br />

1266. que M E'L E C-EL-V A N E R, fier de favantage qu'fl avoit remporté<br />

Pannée précédente, vint fe montrer devant Ptolomaîdey avec<br />

une puiffante Armée, comme s'fl avoit voulu affiéger cette Pkce.<br />

Cependant, foit, qu'fl n'eût fait cette démarche, que pour Article/r.<br />

faire oftentation de fes Forces, ou qu!après cn avoir bien exa- ^^^-«"^«s"<br />

, . •* . * ^ - remportes<br />

miné les fortifications, fl ne jugeât point a-propos de commen- par Méieccer<br />

une entreprife, qui lui paroiffoit trop difficile, fl en dé-^^^''^"'<br />

campa huit jours après , fans faire aucun mouvement, Se alla<br />

attaquer k Château de Montfort, appartenant aux Teutoniques<br />

y qui reçurent fes premiers affauts fî vigoureufement, 6c<br />

Oo 00 lui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


6y8 H I S T Ô I.R E G E'N E' R A L E<br />

lui tuèrent tant de monde, quMÎ perdit Pènvie de continuer efc<br />

fiége ; de forte qu'fl en délogea d'abord, pour commencer celui<br />

de Saphet. Il n'y trouva, ni la même réfiftance, ni presque aucun<br />

obftack, quoi quil eût dû s'y attendre; Car, fait que la<br />

ièule vue de PArmée Sarrafine étonnit le Gouverneur, ou que<br />

la garnifon refufât de fe battre, on capitula dès le premier jour,<br />

Se le Commandant lui remit cette importante Place le 24.. Juilkt,<br />

contre l'attente de tous les Chrétiens y qui fe fiattoient,<br />

avec quelque apparence de taifôn, que le Soudan échoueroit<br />

dans cette entreprife, puisque ce Château étoit une des plus<br />

confidérables Places^ de^ k Pakftinéy Se paffoit pour'imprenable.<br />

•Lichetides Auffi, k conduitQ duSoudàn cnverS ks lâches, qui l'avoient<br />

Sfiarl 1^1 fnal défendu, fit bien connoître le mépris, qu'il faifok de<br />

Soudan, feur-poltronnerie ; car, quoiqu'fl leur eût promis la liberté, à lareddition<br />

de la Place, fl les fit'tous maffacrer; Cruauté, qui<br />

ne fut aucunement fenfible aux Chrétiens , tant k mauvaife<br />

adion dé cès perfides les avoit rendus odieux ! Ce qu'on regreta<br />

le plus fut le malheur des pauvres Habitans, qui n'avoient euaucune<br />

part à k lâcheté'des gens de guerre, à qiji on en avoît<br />

confié la défenfe.<br />

• € H A P I T R E V.<br />

Article/.<br />

m^df Q^ ^^ Chrétiens ne faifoient aucun mouvement-, pour arrêter<br />

Nevers >^ Ics progrès dcff^^y/j^/W,. c'étoit, premièrement, parce<br />

wïdc?' 9ue le Duc de NEVERS étok tombé dangereufëifi^ft malade.<br />

Il mourut k Ptolomaïde y après avoir langui queli^ues mois;<br />

6c après fa mort , les autres Seigneurs François , bien loin de<br />

jowlok aider ceux de Pakftinéy contre ks Infidéks^ preffèreni<br />

leur<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liy. XIL CH. V. 6i^<br />

leur retour en Francey fans avoir kiffé autre mémoire de.kur<br />

expédition, que k peu d'affiftance, qu'ils donnèrent aux Chrétiens<br />

de k Terre-Sainte, qu'fls étoient allés fecourir. Secondement,<br />

parce que, dans le même tems, le Prince HUGUES fe<br />

trouva aufïi malade. Se hors d'état de fe mettre en campagne,<br />

6c que fes Troupes refulêrent de fervir fous aucun autre Clief,<br />

que lui. Cependant ce Clief s'étant enfin remis de fon indifpofition<br />

, fut averti, que le Soudan avait envoïé une partie de fon<br />

Armée en ^r/»^'m>, dans le deffein de profiter de fabfence du Roi<br />

••• AYTON, qui étoit retourné en Perfe, pour folUciter ABAGAS , Fils, it6].<br />

Se Succeffeur du fameux AOLON, à imiter fexempk de fon Père<br />

en faveur de la Terre - Sainte ; 5c que Pautre partie de fes<br />

Troupes campoit aux environs de Tibériade.<br />

Sur cet avis, HUGUES tint Confefl, avec les Seigneurs du<br />

pays, Se les Ordres Mflitaires. Chacun affembla fes Troupes ;<br />

Se on partit de Ptolmiàïde, pour allcr furprendre les Infidèks \<br />

mais, par une fâtaUté affcz ordinaire, autant que cette union,<br />

6c ce deffein étoit généreux, 6c louable, autant la cdnteftatîon,<br />

qui furvint entre les Chefs, fut pernicieufe, Se. condamnable. Ils<br />

ne purent s'accorder entre eux fur l'endroit, par où fls dévoient<br />

attaquer les Ennemis. Leur désunion devint fi grande, que<br />

la confufion, 5c le désordre fe mirent dans leur marche.<br />

Auffi, les Infidèles qui, à leur approche, fongeoient à la Jj^jj""f*<br />

retraite, informés'par leurs efpions de la mésintelligence des camp des<br />

Chrétiens, leur épargnèrent une partie du chemin, 6c les attaquèrent<br />

fi brusquement, que, dans le mauvais ordre, où fls Leur dif ailes<br />

furprirent, ils les trouvèrent fans réfiftance, 6c hors d'état<br />

de foutenir leur premier choc; dc forte qu'ils en firent un grand<br />

carnage , 6c beaucoup de prffonniers. Le petit nombre de<br />

ceux qui évitèrent k fer des Sarrafins y en fut pourfiiivi jusqu'aux<br />

^rtes de Ptolomaïde'y qu'ils eurent bien dek peme à<br />

gagner.<br />

Oo 00 % Fk*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


66o HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

Plufieurs fuïards, qui s'étoient réfugiés dans les Viflages',<br />

appartenans aux Ordres Militaires, dans fefpérancc-^'y être en<br />

foreté, .y rencontrèrent des Ennemis encore plus cruels, que<br />

les Barbares , qu'ils avoient évités. Car les Habitans de ces<br />

lieux, fatigués delà dure domination des Chevaliers,' préférant<br />

le joug des Infidèles , 'furent affez inhumains pour maffacrer<br />

ces pauvres fugitifs. Vpik conime la jaloufie, qui a toujours<br />

régné parmi les Chrétiens de Paleftine, aété, de tout tems,<br />

la vraie caufe du mauvais fuccès de leurs affaires, 5c enfin<br />

celle de leur perte totale , comme nqus verrons dans la<br />

foite. y<br />

Article /T. L^ profpérîté n'acompaguolt pas feukment les armes d)! Sou-<br />

Armes du dan en Paleftine ; les Troupes, qu'fl avoit envoïées en Ar^<br />

Soudan, j^^^jg^ y avaient été encore auffi heureufès. Elles y défirent<br />

les deux Ffls du Roi AYTON en bataifle rangée. L'un y fut<br />

fait prifonnier , 5c l'autre tué. Tous ks meiUeurs endroits<br />

' du Roïaume furent détruits. Le butin fut ineftimable, 5c<br />

'<br />

le Prince TivoN, ou LIVON, conduit au 5o«to M E'L E C-EL-<br />

VAIIER, qui fe trouvait à Saphet y 5e qui, après: tant d'heureux<br />

fuccès, voulut encore furprendre Ptolomaïde , par un ftratagême<br />

, dont il s'avifa.<br />

Il fit cacher le gros de fon Armée dans des vallées, &<br />

autres lieux couverts , les plus à portée de ^ la Place, qu'fl<br />

lui fût poffible, 5e s'avança lui même, à la tête de quelques<br />

Efcadrons, qu''fl avoit fait traveftir en gens des Ordres Mflitaires.<br />

Il leur avoit fait prendre ks Enfeignes mêmes' des Chevaliers;<br />

fe flattant de pouvoir, fous cette fauffe apparence', slntroduke<br />

dans la Ville, Se gagner-l'une des portes; mais,.fok<br />

que leur déguifement ne fût point affez vraifemblable, ou que<br />

ks Habitans fuffent affez fur leurs gardes, pour s'en douter,<br />

ils fe mirent d'abord en défenfe, 6c le Soudany qui s'apperçut,<br />

qu'on avoit découvert fa rufe, rebrouffa chemin, 5e s'en retourna<br />

fans rien entreprendre. Cependant cet Infidèk fe répcntk<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE'JERUSALEM. L|y. XIL CH. V. 66M<br />

pentit bientôt d'être forti des Terres des Chrétiens y fens y hif-Effets de<br />

fer des marques de fon inimitié ; car fl y revint, peu de jours-^ ^*^'^**<br />

après, ouvertement, ravagea tous ks environs db Ptolomaïde,<br />

coupant, Se brûlant les blés, les arbres, les granges, 6e généra*<br />

lement tout ce qu'il y rencontra. Il s'avança, même jufqu'auprèy<br />

des murs de la Ville, comme s'il avoit voulu en former<br />

le fiège , fans que les Chrétiens ofaffent en fortir, pour lui<br />

faire aucune oppofition.<br />

Ces dégâts affligèrent d'autant plus les Fidèles, qu'ils étoîent<br />

à k veiUe de leur moiffon, 5e que k Vflle fe trouvoit Jî dépourvue<br />

de-provifions, qu'fl leur auroit été impoffible de foutenir<br />

le mpindre fîége. A tous ces malheurs fe joignit celui de<br />

la privation du Prince HUGUES , que la nouvefle de la makdie<br />

du Roi avoit obligé* de repaffer en Chypre. Les Barons cLaveTie<br />

de Paleftine y 5c les Ordres Militaires, cédant alors à la néceffi-^°"'**°*'<br />

té du tems, s'avifèrent de propofer une Trêve au Soudan, qui<br />

accepta leur offre, dans l'extrême befoin, où fl fe trouva lui<br />

même de repaffer promtement en Egypte y pour. appaifer une<br />

révolte, qui lui faifoit tout craindre.<br />

Qiioique la Trêve, qu'ils conclurent, ne fût pas fort honorable<br />

aux Chrétiens i néanmoins, dans Pextrémité, où ilsf||^^^"*<br />

fe trouvoient ^ ils s'eftimèrent encore trop heureux d'avoir<br />

pu l'obtenir, dans Pefpérance, qu'elle leur donneroit le tems<br />

de rétabUr kurs Forces, 5e remédier à leur indigence.<br />

Le Roi d Arménie y qui avoit apris, avec une extrême dou-Attide/Zî.<br />

leur, la disgrâce de fa famifle, 6e la défolation de fes Etats, 6c<br />

qui n'avoit même pu obtenir aucun fecours du Roi ABAGAS , à caufe<br />

des embarras, où ce Prince fe trouvait lui même en Perfe, s'en re- ^wv


Ui H I S T O I*R E G E'N E'R A L E<br />

. mé SAfTce^ASCAR, qui avoit été fak prifonnier3par les Tartares^<br />

Se dont le Roi ABAGAS lui avoit fait préfent.<br />

L'empreffcmçnt qu'avoit eu le Prince HUGUES de fe rendre<br />

en Chypre fut très-avantageux .à fes intér^s, puisqu'à-pcine<br />

fut-fl arrivé à Nicofie y que le Roi, fon Coufîn, y mourut à<br />

-fiugucs l'âge de quatorze ans. Sa préfénce empêcha, qu'fl n'arrivât<br />

ST aucune altération dans les affaires du gouvernement. CePrmchypre.<br />

ce étoit fî aimé de la Nobleffe, 5e du Peuple, qu'ils le reconnurent<br />

d'abord pour leur légitime Souveraùii, quoi qu'fl portât<br />

le Nom de BRENNE, 6C non celui de LUZIGNAN, qu'fl ne prit,<br />

felon la plupart des Auteurs, qui en parlent;, qu'à fon avènement<br />

à la Couronne, 6c pour fe rendre plus agréable à fès Peupks.<br />

On ne put s'empêcher de murmurer contre k Reine<br />

PLAISANCE , Sc contre le Seigneur de Baruth , Sénéclial du<br />

Roïaume, touchant Pimpatience, avec laquelle fls firent précipiter<br />

k confommation du mariage de leiars Enfans ; Car tout<br />

le monde attribua la mort du jeune Roi aux excès, qu'il fit au<br />

commencement de fes Noces ; de forte que favidité que laReiîie,<br />

6e lui, avoient eue d'affurer la Couronne dans leur famille,<br />

k leur fit perdre entièrement.<br />

Le Roi HUGUES IL que quelques uns ont auffi' nommé HU­<br />

GUET , fut inirumé dans une ChapeUe de PEglffe de St. Dominique<br />

y où étoit la fépiflture ordinaire des Scigrasurs d'IsELiN-, *<br />

qui avoient non feulement fondé ce Couvent , mais qui fa^<br />

voient encore enrichi de tout ce qu'il y avoit de plus précieux.<br />

^Génia- Le Prîncc HUGUES, qui hérita de la Couronne, étok Fils,<br />

^** feâon le Père LUZIGNAN, de JEAN DE LUZIGNAN, Connétable<br />

de Chypre y Fils du Roi ALME'RIC, 6C Frère de HUGUES L<br />

iScnon du Comte de BRENNE, Prince d'Antioche y 6c dc l'JpouiHcy<br />

qu'ISABELLE DE LuziGNAN avoît époufé. Cette Princeffe,<br />

félon le même Auteur, fe remaria, après la mort de ce<br />

Comte, avec JEAN DE LUZIGNAN, foo Onde, de qui eUe eut<br />

k<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM: Liv.XIL CH, V. éôy.<br />

k Prince HUGUES, dbnt nous parlons. Il fut folemneUement<br />

couronné dans gEglife Cathédrale de Ste^SêphiCy par ks mains<br />

de GUILLAUME ,' Patriarche de Jérufakm y quife trouvoit alors<br />

en Chypre; Se il reçut le Serment de fidélké de tous les Ordres<br />

du Roïaume, a^^ec des ackmations 6c des réjouiffances, qui^<br />

marquoient affez f affedion, que tous lesChypriots^N oient pour<br />

lui, 6c leur efperance d'être bientôt 'fbnhigés' dès gabeUes^<br />

dont on les avoit furchargés, pendant k minorité du feiLRoi;<br />

Car la Reine PLAISANCE, dont k générofité étoit infinie, prévoïant<br />

que fon autorité ne feroit pas de longue durée, répan*<br />

doit des libéralités de toutes parts, pourfe faire des«réatures;.<br />

c'eft pourquoi il trouva le tréfor Roïal entièrementépuife, dans<br />

le tems même qu'fl en avoit k pks de befoin; puisque le»<br />

malheurs, qui.affligèrent le pays, dès k eommencement de<br />

fbn Règne, ne lui permirent pas de fiiire, pour fes nouveaux<br />

Sujets, tout ce que fa tendreffe, 6cfe générofîtéiiaturefle lui<br />

infpiroient.- La Pefte, qui f^découvrit en quelques Ueux maritimes,<br />

s'y répandit par-tout avec tant de violence, qu'il ne<br />

fe trouva bientôt aucun endroit, qui n'en fût infedé, 621 dont<br />

les maifons ne fuffent remplies de morts, ou de malades. La^'^'î?*'.*<br />

. tien afaire-<br />

première attention de ce nouveau Souverain fut de chercher c^riapc/les<br />

moïens d'arrêter ce terrible fléau, 5c de foukger les Peu- %au!^'^<br />

pies, qui en étoîent accablés. Il fit. bâtir de hôpitaux^ en plufieurs<br />

endroits de flk, 6e les fit pourvoir abondamment de tout j^J^^<br />

ce qui étoit néceffaire. Il fit difïribuër aux pauvres familles de Jf^ ^"-/^^<br />

• • r LP/r ,M . V '^ . dans leurs<br />

quoi pouvoir luDliiter; ce quil continua a pratiquer, tant qv^ecoiamMf^<br />

dura cette contagion.<br />

A'-peine fes Etats en^ furent-ils délivrés, qu'fl eut une nouf<br />

velle occafion d'exercer fa piété. Une multitude innombrable<br />

de fauterellès inondèrent toutes ks campagnes, dont efles dé*<br />

vorèrent entièrement ks fruits Se les plantes, St caufèrent enfin<br />

.une fi grande difette, que les Peuples, qui avoient eu» le<br />

bonheur d'échapper de la-pefte, fc trouvèrent accablés dune<br />

faxai'*<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

*


66i. HISTOIRE G E' N E' R A L E.<br />

famine, qui les auroit tous faitpçrir, f^Lns la promtitude, avec<br />

kqueUe fl fit venir des pays étrangers abondance de provifions,<br />

qu'fl kur fit gratuitement, diftribuër. Il fut mêmeobUgé, pour fubvenir<br />

à ces dépenfes extraordinaires, d'aUéner^ pour plufieurs<br />

années, divers Fiefs delà Couronne, afin de ne pas furcharger<br />

fes Peuples de nouveaux impôts, qu'fls n'auroient poii^t été en<br />

état de payer, dans Pextrémité où îls fe trouvoient.<br />

Dans ce même tems mourut la Reine PLAISANCE , moins accablée<br />

d'années, que ' du chagrin de fe voir fans commandement<br />

, 5c fens fuite. Cette Princeffe étoit naturellement fi fière, fi<br />

réfolue, Se fi généreufe, qu'efle difoit, que la nature lui avoit fait<br />

tort y en la faifant naître de fon fexe. En effet, elle avok le<br />

don de fe faire aimer, Sc craindre, tout enfemble ; Punir, 5c<br />

pardonner égaJtenent; en forte qu'à l'ambition près, on peut<br />

dire, qu'efle a été une des plus grandes Reines, de fon fiècle.<br />

Se HUGUES IIL un des meifleurs Princes, qui aient régné ea<br />

Chypre.<br />

;-•••.<br />

C H A P I T R E VL<br />

Artjcie/. IV/Tais uuc fi grande fuite de malheurs,quiprivoieiit cePrin-<br />

Trh^ejm- XM. ce d'Hommcs, Se de Finances, f afiiigeoît dautant plus<br />

Hvïher ^"'^^^^^^ mettoit hors d'état de fuivre l'inclination, qu'fl avok<br />

"' de fecourir les Chrétiens de Paleftine y


DE JE'RUSALEM. LIV.XILCH.VL 66$<br />

par la mort du Seigneur d'iBELiN , à qui jdle appartenait,<br />

qu'il s'en empara facilement, auffi-bien que du Château.<br />

Il furprit, avec kmême rapidité, la fameufe Fortereffe, que<br />

les Templiers avaient achetée du Comte de SIDON ; de icitc<br />

qu'engagé par défi heureux commencemens, fl penfa à des<br />

entreprifes encore plus rdflvées. Il marcha droit à Tripoliy<br />

qu'fl affiégea dans les formes ; mais, comme fl étoit accoutumé<br />

à ne pas trouver beaucoup de réfiftance, îl fe rébuta bientôt<br />

de celle que firent les Habitans, 6c la garnffon de cette Ville,<br />

Se fe contenta de faire éprouver fa colère aux fauxbourgs.<br />

Se aux délicieux jardins, dont efle étoit environnée. Il ne détruifit<br />

pas,. avec moins de fureur, toutes les campagnes voifines.<br />

Après ces ravages, comme MAINFROI , ou CONRAD , Prince<br />

dAntioche, étoit allé en Italie, avec tout ce qu'i> avoit de<br />

gens de guerre, pour fecourir CONRADIN , Petit-Fils de l'Em­<br />

pereur FRÉDÉRIC IL dans la guerre, qu'fl faifQk à CHARLES<br />

D'ANJOU, déclaré, par le Pape, Roi de Naples y ce Soudan al- Antiociie<br />

la affiéçcr Antioche; perfuadé, que fabfence du Prince lui en Kf,^-,<br />

_ . , . & . , ' ^ \ ?. ^ • . ^ ;• Melec-EIfaciliteroit<br />

la conquête, en quoi fl ne fe trompa point. Vahcr.<br />

En effet, le Patriarche OPISON FIESQUE, Génois de Nation,<br />

à qui k Prince en avoit confié le gouvernement, plus propre à<br />

la Utérature, qu'aux affaires d'Etat, négligea, par ignorance,<br />

la défenfe de cette grande Ville; deforte que le Peupk, qu'elle<br />

renfermoit, fe trouva d'abord dansia confufîon, 6c dans k<br />

désordre ; 6c que, faute d'un Chef, capable de fes commander<br />

, fls devinrent la proie de f Ennemi, qui s'empara de leur<br />

Ville, avec autant de facflité, qu'elle avoit coûté de fàng, de<br />

peines, 6c de travaux^ aux Chrétiens Croifés y pour la conque*<br />

rir en iop8.<br />

Il eft vrai, que la faute, que fit le Patriarche, d'en laiffer<br />

fortir la meflleure partie des Habitans, qui gagnèrent les montagnes<br />

, en accdéra confidérablement k perte. Leur fuite<br />

découragea fi fort les autres, qu'fls ne fkent prcsqu'aucune<br />

Pp pp réfîr<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


666 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

Ses Hahî- réfîftancc. Se fe kiffèrent égorger. Quelques Hiftoriens prétentans^<br />

egor. ^^^^^ ^^^ quarantc-fept miflc de ces miférables périrent dans<br />

Sentimefïs ^^^^^ occafîon ; 5e que plus de cent mflle fiireut faits prifonpartagés<br />

fur niers. Cependant d'autres, plus modérés, affurent, que les<br />

desZmf. 'Infidèles n'en maffacrèrent que dix-fept mifle; mais qu'ifs en<br />

conduifîrent, en effet, plus de cent mifle en captivité.<br />

Après cette fameufe conquête, ME'LEC-EL-VAHER, qui ne voulok<br />

point affoiblir fon Armée, ni dépeupler VEgyptCy pour peupler<br />

cette vafte ViHe , fe contenta de l'abandonner au pillage<br />

de fes Soldats, qui y commirent tous les excês.de cruauté, d'avarice<br />

, 5c de luxure, dont leur brutale Nation eft capable. 11<br />

en fit rafer les fortifications, jusqu'aux fondemens, 5e mettre<br />

le feu aux maifons, afin qu'eUe fût plutôt détruite. Ce fut pendant<br />

le déplorable , 5e affreux faccagement dAntioche, que<br />

les ReUgieufès de Ste. Claire , firent une Adion héroïque, 5c<br />

digne d'éternelle mémoire. -><br />

Ces généreufes Filles, confacrées àDieu, aïant apris, que<br />

rot>?dw les Barbares étoien^t entrés dans la Vflle, 5e bien perfuadées<br />

^'^^f^^"-^" qu'elles n'en feroient pas épargnées, voulurent, au péril de<br />

Claire, kurvie, conferver leur virginité, 5c eurent toutes affez de courage,<br />

pour fe couper le nez, afin que leur difformité ôtât aux<br />

Barbares fenvie de les approcher. En effet, ceux-ci conçurent<br />

tant de dépit de les trouver fî affreufes, qu'fls les immo- •<br />

•lérent,fans héfîter,à leur rage, 5c à kur reffentiment. Réfolution<br />

vraiment généreufe , 5e fans exemple , qui, avec le<br />

triomphe de la virginité, leur acquit k palmé du martire.<br />

Quelques Auteurs, avec le P. MAIMBOURG, ont attribué cette<br />

adion extraordinaire aux Religieufes du même Ordre dc Ptolomaïde<br />

y Se non à celles dAntioche ; cependant, que ce fpedade<br />

foit arrivé dans Pune, ou dans l'autre de ces deux Villes,<br />

leur vertu, 5c leur fermeté n'en eft pas moins digne d'admiration,<br />

6c doit fervir d'exemple non feulement aux ReUgieufès,<br />

^ , qui<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. XIL CH. VL 66^<br />

qui pourroient avoir le malheur de fe trouver en fembkble cas, 1259.<br />

mais encore à toutes les Femmes qui aiment la pudeur.<br />

Enfin, ME'LEC-EL-VAHER, auffi chargé de richeffes, 6c defckves,<br />

que de gloire, ne trouvant plus rien qui pût lui réfîfter,<br />

s'empara, fans peine, de plufieurs Châteaux, que les Chrétiens<br />

poffédoient encore dans k Principauté dAntioche y Se par k<br />

rapidité de fes conquêtes étonna fî fort tous ceux de la Paleftine<br />

y que les Templiers, auffi abatus, que les autres, abandonnèrent<br />

les Forts de Gafton, de, Ruffelies, 6e de Portbonely qui<br />

kur appartenaient , Se qu'fls défefpéroient de pouvoir conferver.<br />

Le bruit de tant de disgrâces, joint àla nouvelle, que le Roî de ^^'^cie//.<br />

Chypre reçut presqu'en même tems, de la mort funefte du Prince<br />

CONRADIN, légitime héritier de la Couronne de Jérufalem, le<br />

fit déterminer à paffer promtement en Paleftine, pour prendre<br />

poffeffion d'un Etat, qui, faute de Defcendans de f Inapératri- Chypre'^<br />

ce YOLANDE, lui étoit dévolu. Cependant, malgré la jufticeM'^'^''*<br />

de fes prétenfîons, fl ne kiffa pas de trouver quelques obftacles, rfc jérufaaux<br />

quels il ne s'étoit point attendu. ^^^'<br />

Lad*rinceffe MARIE dAntioche, qui avoit auffi fes prétenfions<br />

, protefta de nullité de tout ce qu'on entreprendroit à fon<br />

.préjudice ; Mais le Patriarche , les Barons du Roïaume, 6c<br />

les Ordres MiUtaires, qui favoient, que le droit de cette Dame<br />

n'étoit pas auffi bien fondé, que celui du Roi HUGUES, 5C qui,<br />

d'ailleurs, avoient plus befoin d'un vafllant Guerrier, que d'une<br />

Femme, pour conferver les débris de fEtat ; fans s'arrêter aux<br />

raifons, ni aux oppofîtions de k Princeffe, fe rendirent àTjrr,î|,^^Roi<br />

où HUGUES avoit débarqué, 6e le firent folemneUement eouron-f'^ J^^^^*ner,<br />

au grand contentement de tous les Peuples, qui efpéroient,<br />

qu'étant gouvernés par un Prince belliqueux, 5c qui poffédoit<br />

d'autres Etats voifins, fls feroient plus fûrs, 6c mieux à l'abri<br />

des infultes des Infidèles,<br />

Pp pp 2 ' Ils<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


66S H I S T O I R E G E' N E R A L E<br />

Ils le conduifîrent enfuite, en triomphe, à Ptolomaïde, oè<br />

ils .tinrent plufîeurs Confefls fur ks moïens d'arrêter ks pro.<br />

grès du Soudan y qui, pendant kurs déUbérations, avançoit toujours<br />

fes affaires. En effet, après s'être rendu makre du platpays,<br />

fl étoit allé affiéger Pimportante Fortereffe du Crac; ne<br />

pouvant fouffrir que les Hofpitaliers, auxquels elle appartenok<br />

poffédaffent un pofte fî confîdérable au milieu de fes ppopres Etats.<br />

Il k battit, jour, 5c nuit, avec tant de force, que,<br />

1470. malgré fon avantageufe fîtuation , les fortifications,. que ces<br />

CMteiudu^^^^^^^' y avoient faites, 5c k bravoure, avec laquel-<br />

Crac^«r/c Je ils k défendirent, il leur fut impoffibk de réfifter aux fiépmc<br />

tfW-queutes attaques de k puiffante Armée du Soudan, qui<br />

Tfoaé- ^^ ^'^^ renditpourtant maîtfe , qu'après que tous les Chetiens.<br />

vaUers , k garnifon, 6c les Habitans eurent entièrement<br />

péri.<br />

'• Si les Hofpitaliers reffentirent vivement la perte d'une Place,<br />

qu'fls n'avoient pu conferver jufqu'alors, qu'avec des dépenfes<br />

exceffives, les autres Chrétiens de h Paleftine n'en furent pas<br />

moins confternés. Le Château du Crac étoit fitué fi avantageufement,<br />

que fa garnffon tenoit en crainte les Infidèleêy .qui<br />

n'ofoient trop s'avancer fur leurs Terres; D'ailleurs cette FOrte-<br />

^ ' reffe mettoit à l'abri ceux qui cuîtivoknt ks campagnes voifînes<br />

; deforte qu'après avoir perdu tant de Places, 5c leurs plus<br />

braves Soldats, fl ne leur reftoit plus d'autre efperance, que<br />

cefle des fecours d'Europe. #<br />

Maîs res fecours étoient bien éloignés.- Lcs troubles, qui<br />

continuoient en Italie, Se en Allemagne y ne permettoient, ni<br />

aux Princes, ni aux Peuples, de fonger à k Pakftine y ni même<br />

de faire attention aux ferventes exhortations des Prédicateurs,<br />

que les Papes envoïoiént, de tems à autre,-pour leur<br />

prêcher la Croifade, Qiù plus eft, la guerre, que les Pontffes<br />

vivoient toujours avec la Maifon de Suabe y ks obUgeoit à fe ferait<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ivE JERUSALEM. Liv. XII. Cn. VL 66f^<br />

vir des Croifés y pour défendre V Etat-Eccléfiafti^ie y 6c arrêtoit<br />

ccux qui vouloknt paffer en Paleftine.<br />

On étoit à cesextrénîités^ lorfque ST.Louis, toujours rem- ^^^^^ç^Jl^'<br />

pU de zèk pour k recouvrement du Roïaume de Jefus-Chrift y entreprife-<br />

Se non obftant les malheurs, qui liii étoient arrivés en Egypte, ^LIJI'<br />

avoit nouveUement repris k Croix des mains du Cardinal de<br />

Ste. Cécile y que' CLE'MENT IV. avoît envoïé Légat en France y<br />

pour exhorter ce Monarque.à ne point abandonner les Chrétiens<br />

de la Terre-Sainte. PliÉeurs Princes, Se grands Seigneurs<br />

de fon Roïaume avoient fuivi fon exemple. Il avoit même engagé<br />

le Prince EDOUARD d'Angleterre, dont il eftimoit la va- .<br />

leur, d^acomplir le vœu du Roi fon Père, à qui fon grand âge<br />

ne permetoit plus de faire le voïage.<br />

Rien ne retarda le départ du Saint Roi, que k manque de<br />

parole des Fénitiens, qui s'étoient engagés à lui fournir ks<br />

Vaiffeaux néceffaires pour le tranfport de fes Troupe». Il eft<br />

vrai, que ce manquement n'étoit pas fans raffon. La guerre, SonEntrti<br />

qu'fls avoient toujours avec les Génois, qui étoient très-puif^ J2^**^^<br />

fans fur mer, ne leur permettoit pas de fe priver de leur Flot- *<br />

te ; 6c ce retardement engagea ST. LOUIS à foutenir le Comte<br />

d'ANjou, fon Frère, à qui le Pape avoit donné finveftiture des<br />

Roïaumes de Naples y Se de Sicile y moïenant un tribut annuel<br />

de quarante mflk ducats, à f exdufîon de CONRADIN , légitime<br />

héritier de ces Etats.<br />

La guerre, quéfe faifoient ces deux concurrens, fit encore<br />

différer le voïage-de ST. LOUIS. CHARLES D'ANJOU défit enfin<br />

CONRADIN dans une bataifle, qu'fls fe donnèrent près de Celana<br />

dans le Roïaume de Napks; Se ce dernier fut fait prifonnier r<br />

furquoi CHARLES en informa d'abord le Pape , Sc le pria de<br />

lui mander, de quelle manière fl devoit le traiter. Le Pontife<br />

lui répondit, félon COLENUCTO , Fita Conradini mors Caro».<br />

M; Mors Conradinr vita Caroli, 11 n'en fallut par davantage<br />

pour porter CHARLES à s'en défaire.. Il lui fit couper k tête;<br />

Bp PP 1 6c;r<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


670 HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

6c, par une adion, qui ternit le bruit de fes Vidqpeg, 6c fa<br />

propre réputation, il demeura poffeffeur de ces deux Roïaumes,<br />

5e procura Ja paix, au St. Siège, Se à V Italie.<br />

hes Génois'^lors y pour fe montrer plus généreux, 5e plus zélés<br />

, que les Fénitiens, pour le bien de la RépubUque Chrétienney<br />

ofîrirent leur Flatte à ST. Louis, qui s'en accommoda, fl<br />

afloit accomplir le pieux deffein, qu'fl avoit de délivrer la Pakftine<br />

de Poppreifion des Infidèles, lorsque le Roi CHARLES,<br />

plus attentif à affurer. Se à^agrandtr fes Etats, qu'au recouvrement<br />

de Jérufalem, lui fit adroitement comprendre, que l'entreprife<br />

de Tw/z/i, qui étoit incomparablement plus facile, ne lui<br />

feroit par moins utile, puisqu'en fe rendant maître des côtes<br />

d Afrique, les Soudains dEgypte feroient privés des grands fecours<br />

, qu'ils en .retiroient, 5e que cette conquête le mettroit<br />

enfuite en état de les fubjuguer entièrement.<br />

Article/F. Le Saint Roi, qui ne pouvait douter de la fincérité de fon<br />

^hofeTlé- Frère, goûta facilement ces bonnes, ou mauvaifes raifons, 5c<br />

tardent les s'cmbarqua à Aiguemortes le premier jour de Mars, fur la flotmi's^wf''te<br />

Génoife, avec les trois Princes, fes Enfans; PHILIPPE fur-<br />

^l'^îîl^L ^ommé LE-BEL ; PIERRE, Comte dAlençon ; Sç JEAN-TRISftine.<br />

TAN , Comte de Nevers. THIBAUT , Roi de Navarre , fon<br />

Gendre; ALPHONSE, Comte dePwW^ri, fon Frère; ROBERT,<br />

Comte d Artois, fon Neveu; Gui, Comte de i^^Wr^j, 5c plufieurs<br />

autres grands Seigneurs de fon Roïaume, Paccompagne*<br />

rent en Afrique y pendarit que ks pauvres Chrétiens de hPakftiney<br />

qui l'attenda:ent avec tant d'avidité,. fouffroient avec<br />

conftance les plus dures calamités.<br />

- Car, quoique le Roi d Arragon, qui avoit auffi pris la Croix<br />

long-tems auparavant, eût fait équiper une grande Flotte, 5c<br />

qu'il fe fût embarqué lui même à Barcelone, pour aller accomplir<br />

fon vœu, la furieufe tempête,. dont il fut forpris peu après<br />

fon départ, Yétonna fi fort, qu'fl s'en retourna dans fes Etats,<br />

des qu'il put prendre terre; de forte, qu'fl n'y eut de cette puiffante<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM.' Liv. XIL CH. VÏ. 6ri<br />

fente Flotte, que quelques Vaiffeaux, qui arrivaffent k Ptolomaîdey<br />

avec E>on FERDINAND, fon Fils, qui s'en retourna prèsqu'auffitôt,<br />

fens y rien entrepten^e. . *<br />

L'expédition du Prince EDOUARD ne fut pas plus avantageufe<br />

à la Pakftinéy que celle des Jrragonois. Il partit dAngkterre<br />

y avec une floriffante Armée, que lui donna le Roi fon Père.'<br />

Elle étoit parfaitement bien fournie d'Hommes, d'argent, 6c<br />

de munitions. Le Prince EDMOND, fon Frère, 5e THIBAUT,<br />

A rchi-Diacre de LrégCy l'accompagnèrent. JEAN DE BAYEUL,<br />

Seigneur Ecoffois, S'y joignit avec bon nombre de Troupes de<br />

fa Nation. Plufieurs Gentilshommes Frifons y Se autres de la.<br />

Baffe-Allemagne y furent auffi du voïage, avec des Troupes fort<br />

leftes. EDOUARD avoit fur fa Flotte deux mille Chevaux, 6c<br />

dix "mille Hommes de pié, qui tous arrivèrent heureufement à<br />

Ptolomaïde y Tcu commencement du mois de Mai.<br />

Mais,foit que ce Prince eût ordre du Roi,fon Père, de ne<br />

rien entreprendre, avant Parrivée du Roi de France y ou qu'il<br />

ne trouvât point les C^7"^//^«i de Paleftine affez unis, poiu s'accorder<br />

fur les entreprifes, qu'ils pourraient faire, *fl y demeura,<br />

pendant tout l'Eté, dans l'inadion, fans même que les conquêtes<br />

du Soudan ME'LEC-EL-VAHER fiiffent capables de retirer les<br />

Chrétiens de leur léthargie, ni de les engager à fe mettre en<br />

campagne, pour en arrêter le cours, comme ils auroient pu<br />

le faire avec ce puiffant fecours. Le Soudan attaqua à leurs<br />

yeux, 5e emporta d'affaut les Châteaux de Giblet y de'Montfort<br />

y Se Château-Blanc y appartenant aux Teutoniques y qu'fl<br />

fit rafèr jufqu'aux fondemens, apparemment pour fe vanger<br />

de la peine, que lui avoit autre fois donné ce dernier, fans<br />

qu'fl pût le forcer. Ainfi, les grands préparatifs, qu'on avoit<br />

faits en Europe y pendant près de trois ans; les grandes Armées<br />

qu'on y avait mifes fiir pié, fur tout en France ; Sc les grandes<br />

Flottes, qu'on y avoit équipées pour la Guerre fainte, n'auroient<br />

pas empêché ME'LEC-EL-VAHER de s'emparer du refte de<br />

k<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


4^i HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

k pakftine y fî la furprife des Places, que le Roi AOLON avok<br />

conquffes dans le Turqtkftany Se dont ME'LEC-EL-VAHER s'étoit<br />

enfuite rendu maître, par la trahffon d'un Sarrafin y nommé<br />

PARVÂNA, à qui le Prince Tartare en avoit confié le gouvernement,<br />

n'eût fait plus d'impreffion fur J'efprit du Roi ABA-<br />

:ÎGAS , fon Ffls, que n'avoient pu faire toutes ks foflicitations<br />

du Roi d Arménie.<br />

C H A P I T R E VII.<br />

Article f. T^ ^8 qu'ABAGAS put fe déUvrer des guerres, qu'il avoit con-<br />

Abagas/ê 1_^ tre fes voifîns, fl fortit de Perfe à k tête d'une Armée<br />

'«r*/eSou- formidable, 5c marcha, avec tant de diligence, pourfurpren-<br />

'**'*• dre le Soudan, Se pour fe vanger du trakre PARVANA , qui lui<br />

avoit Uvré fes Places, 6e fes Sujets, qu'au raport d'A YTON d'-^rménicy<br />

ABAGAS fit, en quinze jours, le chemin, qu'on ne fak<br />

ordinairement qu'en quarante.<br />

Cependant, quelque cachée Se précipitée, que fut fa marche,.<br />

eUe ne put être féçrette, 6c eUe parvint aux oreilles du<br />

Soudan, • Il abandonna fi promtement k Syrie, malgré le bonheur,<br />

qui y acompagnoit toujours fes armes, que les Tartares<br />

UM défait ne purent atteindre, que fon arrièrerp,rde ; encore fut-ce aux<br />

jm arrière- coufins de k Paleftine, llsk défirent entièrement, prkent deux<br />

mifle Chevaux, 6Gtout k bagage, qui étoit d'autant plus confidérabfe,<br />

que les Sarrafins emportoient toutes les dépouilles<br />

d'Antioche , 6c de pkileurs autres ViUes, qu'ils ^voient facagées.<br />

Mais, qijelque heureux que fût ce commencement pour les<br />

Tartares y ils ne purent pourfoivre leur Vidoire, ni traverfer<br />

k défert, où Us ne trouvoient aucune nourriture pour ks Hommes,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DÉ JE'RUSALEM. Uv.XH. CH.VIL 673<br />

mes, ni pour les Chevaux : Difette qui obUgca ABAGAS à rebrouffer<br />

chemin. U ne s'arrêta, que dansk Turqueftan y où il<br />

voulut abfolument recouvrer ks Places, que PARVANA avoit livrées<br />

à M E'L E C-EL-V A H E R ; ce qui ne ki fut pas difiicfle, tant<br />

par raport aux faibles garnifons, que le Soudan y avoit kflfées,<br />

qu'à la révolte des Habitans, qui préféroient la domination Tartare<br />

à celle des Sarrafins. Le bonheur d'ABAGAS fut fi compkt<br />

dans cette occafion, qu'fl eut le plaifir de s'emparer du<br />

perfide PARVANA, qu'fl fit, furk champ, hacher en petits morceaux<br />

, Se manger aux complices de fa révolte. AYTON d Arménie<br />

2Sfure , que, dans le tranfport de fa fureur, ABAGAS<br />

en mangea lui même, 6c en fit manger à fes principaux<br />

Officiers.<br />

Après avoir entièrement recouvré cette Province, îl l'offrît,<br />

en pur don, au Roi d Arménie, qui Pen remercia. Sur fon refus<br />

, ABAGAS fit démoUr les Pkces fortifiées, y laiffa quelques<br />

OflSciers, pour gouverner le pays, Se voulut s'en retourner en<br />

Perfe , fans qu'fl fût poffible au Roi d Arménie de f engager<br />

à entreprendre le recouvrement de Jérufalem, Il fe contenta<br />

d'envoïer des Ambaffadeurs en Europe y pour inviter les Princes<br />

Chrétiens à venir profker de la terreur, qu'fl avoit mife<br />

parmi les Egyptiens ; 6c ce fut ce que le Roi d Arménie put en<br />

obtenir. ujn<br />

Ainfî, la venue du Roi Tartare en Pakfitine ne procura aux<br />

Chrétiens le recouvrement d'aucune Place. Tout favantage,<br />

qu'ils en reçurent, fe réduifît à être délivrés, pour un tems,<br />

de f oppreffion d'un Ennemi, qui était prêt à les accabler;<br />

Car, pour le Prince EDOUARD, bien loin de fonger à faire la<br />

guerre aux Infidèks, fl ne penfoit uniquement, qu'à s'éloigner<br />

d'un pays, où fon avoit voulu l'affalliner. Un inconnu, qui<br />

s'étoit introduit dans fon appartement , lui avoit donné trois<br />

coups de poignard, fans qu'on pût en découvrir l'auteur, ni k<br />

caufe.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


674- H I S T O I R E G E'N &R A LE<br />

•> Les domeftiques de ce Prince mirent, fur k champ, en pièces<br />

cet affaffin. Quelques Ecrivains ont attribué cet horrible<br />

attentat au Fieux de la Montagne, en quoi ils ont erré trèsgroffièrement,<br />

puisque le Prince des Affaffins y 6c toute fa Nation<br />

, avoient été entièrement détruits , 6c anéantis par k<br />

Roi AOLON, dès l'année 12^8. D'autres ont foupconné<br />

, avec quelque vraifembknce, que cet affaffinat avoit été<br />

commis, par ordre de Gui DE MONTFORT , pour fe vanger de<br />

la mort d'un de fes Frères, ou de fon propre Père, qu'EnouARD<br />

avoit tué dans un combat. Qudques autres enfin prétendent,<br />

que ce fût un Sarrafin y que le Prince EDOUARD avoit fak prifonnier,<br />

6e avec lequel fl s'étoit enfuite familiarifé, qui avok<br />

voulu fe défaire de fon bienfaiteur.<br />

Article//. Quoiqu'il en foit, le bon tempérament du Prince, 6e l'habileté<br />

des Chirurgiens le tirèrent bientôt d'affaires, fans que faguérifon<br />

lui fit changer la réfolution, qu'il avoit prife de s'en retourner<br />

en Angleterre ; d'autant plus qu'fl avoit apris^ que ST.<br />

Louis , après s'être emparé du port, Se du Château dc Carthage<br />

y avec affez de faciUté, avoit trouvé tant de réfiftance,<br />

en approchant la ViUe de Tunis y qu'il avoit été obligé de camper<br />

dans une vallée voifîne, pour y attendre la venue du Roi<br />

de Siciky fon Frère, dont le retardement caufa tous les malheurs<br />

, qui arrivèrent à l'Armée Françoife. Comme on doit<br />

Mifères des au fort dc l'Eté, 6e qu'elle manquoit de provifîons, 5c de bon-<br />

£!r°chr? ne eau, les maladies commencèrent à faifîr les Troupes, 5c detiens,<br />

vinrent, en peu de tems, fî générales, que la fleur des Soldats<br />

, Se des OfiSciers, en étoient' emportés à vue d'œfl.<br />

Mo-t de Le Prince JEAN-TRISI^AN fut un des premiers que cette con-<br />

SE. LOUIS, ^^^[Q^ culcva. Lc Cardinal Légat ne lui furvécut, que de<br />

quelques jours ; Et le Roi ST. Louis k fuivit bientôt après.<br />

Malheur, qui laiffa toute l'Armée dans une fî grande confternation<br />

, qu'elle étoit fur le point de s'embarquer, pour s'en retourner<br />

en France y lors que le Roi de Siciky 6e HENRI, Comte<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lnr. XIL CH. VIL 67^<br />

té de Cornuailk arrivèrent avec de gros renforts, Se d'abondantes<br />

provifîons. La prefence de ce Prince, 5e la vigueur, que<br />

tant de rafraichiffemens rendirent à PArmée, fit qu'efle s'arrêta,<br />

continua le fiège, ,6c vint enfm à bout du projet, qu'fl avoit<br />

infpiré au feu Roi, fon Frère, 6c qui fut malheureufement fi<br />

fonefte à ce grand Prince, 6e à toute la France.<br />

On n^a point ignoré, que le but principal du Roi CHARLES /î^yf,j„-«<br />

étoit d'affujetir le Roi de Tunis, 5c de le rendre fon tributaire, poutitjue.<br />

afin qu'il le dédommageât des quarante mille Ecus d'or, qu'il<br />

payoit à la Chambre Apoftolique, En effet, ce Prince Infidèky<br />

dont les Forces commençoient à s'épuifer, par les pertes continuefles<br />

, qu'il faifoit dans les foi^ies, Se aux défenfes de la Ville<br />

, appréhendant enfin de perdre fon Roïaume ,* Se fa liberté^<br />

demanda de lui même à capituler ; 5c la paix fut étabUe, aux<br />

conditions fuivantes.<br />

„ I. Que le Roi MULAI, OU MULE NE, rendroit tous ks<br />

„ efclaves , 6c prifonniers Chrétiens, qui fe trouvoient dans<br />

„ fes Etats.<br />

„ IL Qu'fl permettroit aux ReUgieux 6c Eccléfiaftiques La-<br />

„ tins d'y bâtir des Maifons, 5c des Eglifes, d'y prêcher U-<br />

„ brement l'Evangile, 6c de n'inquiéter, en aucune manière,<br />

„ ceux de fes Sujets, qui, touchés de leurs exhortations, vou-<br />

„ droient embraffer le Chriftianifme.<br />

„ IIL Qu'fl paieroit au Roi de Naples y Se de Siciky un tribut<br />

„ annuel de quarante mflle Ecus d'or.<br />

C'étoit juftement la fomme, que le Roi CHARLES s'étoit obUgé<br />

de payer à la Chambre Apoftolique y pour les Roïaumes de<br />

Napks y Se de Sicile ; ce qui fit bien connoître, que ce Prkice<br />

n'avoit travaiUé, que pour fes intérêts particuliers, dont les<br />

Perfonnes les mieux fe;iféesne purent s'empêcher de murmurer,<br />

fans qu'fl s'en mît autrement en peine.<br />

PHILIPPE-LE-BEL, Ffls, 6c Succeffeur du Roi ST. Louis, ^^*j='^^^avoit<br />

auffi été malade; c'efî pourquoi iVpxefk fon départ dA- leÈéîp?^.<br />

Clq qq 2 frique^^^'^'''<br />

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676 H I S'T O I R E GE'NE'RALË<br />

Miment de frique y dès que le Traité fut condu. Se fit embarquer promte«i<br />

fesTrou- j^enj- {gg Troupes pour s'en éloigner, dans Pelpérance, que k<br />

^** changement de climat feroit ceffer la pefte, qui avok fuccédé<br />

à la diffenterie, 6eaux fièvres malignes, dont elks avoient été<br />

attaquées. Se contribueroit au rétabliffement de fa propre fanté.<br />

Cependant la mauvaife fortune, qui avoit perfécuté l'Armé<br />

Françoile fur ks côtes d Afrique y ne lui fut pas plus favorable<br />

en Europe. Après avoir effuïé une furieufe tempête, dont<br />

plufieurs Vaiffeaux furent engloutis à la vue de la ^Sicile, les<br />

Perfonnes qui en échapèrent n'eurent pas plutôt mis pié à terre<br />

dans cette Ile, qu'au Ueu que la pefte ceffât, elle augmenta<br />

à tel point, que les Soldats y mouroient, comme des mouches,<br />

Les Soldats que k rigucur du froid fait tomber. Le Comte de Flandres, k<br />

^bar^ilés Roi ^e Navaire y Sc k Reine BLANCHE fon Epoufe cn mouru-<br />

«n Sicile ^ent, avcc quantité d'autres Perfonnes de la première quaUté;<br />

éprouvent i^» .* r»" * • \ t • •<br />

une pefie de forte quc f Armec en fut presqu entièrement détruite.<br />

*T^* La perte des Troupes mit k Roi PHILIPPE hors d'dat d'entreprendre<br />

le voïage de Palefline y comme il Pauroit fouhaitè.<br />

Il étoit d'aiUeurs fort preffé d'aller prendre poffeffion de fes propres<br />

Etats. G'eft pourquoi, il ne tarda pas à s'embarquer avec<br />

k Roi CHARLES, fon Onde ; 6c, abordant à Civita-Fecchiay<br />

foit par dévotion, fait par curiofité, ils voulurent afler vifiter<br />

les célèbres EgUfes de Rome, Se pafferent enfuite à Fiterbcy<br />

éù ks Cardinaux étoient encore en conteftation, pour donner<br />

un Succeffeur à C L E'M E'N T IV. La préfénce de ces deux grands<br />

Prkicés parut les déterp^iner. Ils entrèrent de nouveau au Cont^tàvè;<br />

Se y au grand étonnement de toute la Chrétienté yle pré*<br />

Inier jour de Septembrb, ils élurent au Pontificat T H E'O BAL-<br />

DÉ, Arehi-Diacre de Liège y quife trouvoit Légat ^yîb/f^ttf<br />

en Pakftinéy où fl avoît paffé avec k Flotte du Prince EDOUARD,<br />

6c où la nouvelk de fon exaltation , qu'on ne tarda pas à y<br />

apprendre, remplk tous fes Peuples d'une joie incroïable, &<br />

:v léfi fdeva, en quelque manières de la défolation, 6cde l'abat^<br />

tement,<br />

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'" DE JE'RUSALEM. Lïv. XII. CH. VH. é'rf<br />

tement, où ils étoient plongés, dans Pefpérance que ce nouveau<br />

Pontife, qui étoit témoin oculaire de leurs mifères, ne<br />

manqueroit pas d'emploîer tout fon crédit, Se toute fon autorité<br />

, auprès des Princes Chrétiens, pour kur procurer les puiffans<br />

fecours , dont fls avoient befoin.<br />

C'étoit bien auffi l'intention du nouveau Pontife d'y travailler<br />

, avec chaleur. Il leur en donna des affurances dans un<br />

Difcours élégant, 6c touchant, qu'fl leur fit avant fon départ,<br />

tant pour leur propre confolation, que pour encourager les CmféSy<br />

qui fe trouvoient encore en ce pays là, à pcrfévérer dans<br />

le généreux deffein d'y combattre les Ennemis de Jefus-Chrïfty<br />

6e d'aider à reconquéiir les Ueux , qu'fl avoit fendifiés par fa<br />

vie miracukufe, Se par fa mort glorieufe. U prit, pour texte<br />

de fon Dffcours, ce beau verfet du Pfeaume cxxxvi. Si oblitus<br />

fuero tui y Jérufakmy oblivioni detur dextera mea; qui convevenoit<br />

fi bien à fon fujet, à fon élévation, 6c à f étet déplorable<br />

de la Ste, Cité.<br />

Il s'embarqua enfuite k Ptolomaïde fur les Vaiffeaux du Prince<br />

EI>OUARD, qui eftimoit infiniment fon mérite perfonnel, 6c fon<br />

illuftre naiffance. Il étoit de la Maifon de VISCONTL Le Patriarche<br />

de Jérufakmy divers autres Prékts,6e Seigneurs,l'accompagnèrent.<br />

Il aborda à Cypontode VApouilky où k Roi CHAR­<br />

LES alla d'abord le recevoir, 6c l'accompagna avec beaucoup de<br />

magnificence jufqu'aux confins de fes Etats. Les Cardinaux, qui<br />

l'attendoient à FiSerbe yVy reçurent, avec toutes les marques de<br />

révérence 6c de refped imaginable. Il fut enfuite couronné avec<br />

les cérémonies accoutumées, 6cprit le Nom de GRE'GOIRE,<br />

qui fut. le dixième Pape de ce Nom.<br />

Ce Pontffe, qui vouloit, en effet, donner fes foins.au fonkgement<br />

de k Terre-Sainte y s'apUqua d'abord à réconciUer les<br />

Fénitiens avec les Génois, dont ks Flottes étoient néceffakes<br />

au tranfport des Troupes qu'fl défîroit y envoïer. \l engagea le<br />

Roi de France à k féconder dans ce pieux deffein; Se y avec<br />

ft.^ 99 2 faffiftaa-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


673 HISTOIRE C'EN, DE JEU US. Liv.Xn. CH.VIÎ.<br />

l'affiftance de ce nouveau Monarque, fl condut entre ces denx<br />

RépubUques une Trêve pour cinq ans. Cet accommodement<br />

lui procura d'abord k commodité de renvoïer le Patriarche de<br />

Jérufakmy avec cinq cens Hommes à la folde de la Chambre<br />

Apoftolique y en attendant qu'fl pût lui procurer des fecours plus<br />

confîdérables.<br />

Article/r. Cc Tcufort arriva même heureufement à Ptolomaïde, avant la<br />

S^^anfèf fill ^^ Pannée du départ de GRÉGOIRE, 5e dans le tems que<br />

dix mois \ç Prince EDOUARD, à la foUicitation du Roi HUGUES, des<br />

Soudan. Scigncurs du pays, 6c des Ordres Mflitaires, venoit de ménager<br />

une Trêve entre les Chrétiens, Sc le Soudan ME'LEC-EL-<br />

VAHER, qui, felon LOREDAN, fut établie pour dix<br />

ans, 6c dix mois, mais dans laquelle il n'y avoit de ftabilité,<br />

que de k part des Chrétiens , parce que les Sarré^tfs ne s'abstenoient<br />

jamais entièrement de les înfulter ; Et ' fon endurok<br />

patientent leurs infolences, jufqu'à ce qu'on fût en état<br />

de les réprimer.<br />

Le Prince EDOUARD partît enfuite de Ptolomaîdey avec tout<br />

fon monde, 6c aborda en Italie f pour avoir la fetisfadion d'y<br />

voir le Pape, qui, rempU de reconnoiffance pour la générofité<br />

avec laqueUe il favoit accommodé d'argent, de Vaiffeaux, 5c<br />

de tout ce qui avoit été néceffaire pour fon voïage, le reçut<br />

avec toutes les marques d'honneur, d'affedion, 6cd'eftime, dont<br />

il put s'avifer. Enfin, content, 6c fatisfàit de tant dc magnifiques<br />

trakemens, le Prince EDOUARD continua fon voïage<br />

en Angleterre y où H arriva à-propos, pour prendre la couronne,<br />

que le Roi HÇINJ^I, fon Père, lui avoit laiffée peu aupai<br />

ravant.<br />

HISTOI-:<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


HISTOIRE GÉNÉRALE<br />

R O Ï A U M E S<br />

D E<br />

CHYPRE, DE JÉRUSALEM.<br />

ET<br />

D^ E G Y P T E .<br />

L I V R E XIII.<br />

CHAPITRE PR E'M ÎER.<br />

^?.gCSfiCj|/XV HILIPPE-LE-BEL, Roi de Francey qui a^'okArticle/.<br />

ÎS2?13)Sw ^îb^ ^^ les fâcheux acddens,qui avoient fuivi latw>t;^ en prenant la Croix avec le feu Roi fon Père j<br />

o> v;o ^


«80 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

en Paleftine OLIVIER DE TREMOILL», avec cent Arbalétriers,<br />

Se peu après GILLES DE SANCI avec trois cens autres. Ces<br />

deux Seigneurs arrivèrent à Ptolomaïde y presqu'en en même<br />

tems, 5e pendant que le Pape, qui n'oublioit point les calamités<br />

des Habitans, ni les périls, ou la Pakftine étoit expoja73.<br />

fée, convoquoit un Concile général à Lyon y tant pour enga-<br />

Owtie^w- ggj. ]gg Princes Chrétiens à faire une nouvelle union pour les<br />

Lyon, en CH délivrer, que pour remédier auxgrands abus, qui s'étoient<br />

"L^Terrt. iutrpduits en Italie y p^x la langue vacance du St, Siège y Se en<br />

Sainte- Allemagne y à caufe des troubles de VEmpire.<br />

Ce Concfle fut encore plus célèbre, que ne Pavoit été celui<br />

qu'lNNOCEN'T IV. avoit tenu dans la niême Ville vingt-nçuf<br />

ans auparavant ; puisqu'outre le Souverain Pontife, qui y préfida<br />

e^ perfonne, avec presque tous les Cardinaujt,' il s'y trouva<br />

les Patriarches de Jérufakmy Se de Conftantinople y plus de<br />

iBoflle Archevêques, -Evêques, ou autres Prékts, Se dieux cens<br />

' 4quarante-ïx Abbés; Les Amiaffadewrs des Empereurs d'Onw^<br />

& d Occident; ceux des KCÀS de France y de CBfpf'ey Sede<br />

tous ks autres Trinces dEurope y Se d'Outremer y divers Princes,<br />

Sc autres Seigneurs Tartares y qui y reçurent le Bâtême<br />

des mains du Pontife, Se le Roi dArragon en perfonne, felon<br />

quelques Ecrivakis.? L'Eimpeièur MICHEL PALE'OLOGUE,<br />

pour fe délivrer de l'inquiétude, que lui donnoient les Sarra^<br />

fins d'un côté, 6e les Z^///2X de Pau tre, parce qu'il craignok toujours<br />

, que x}CHx-ci ne vouluffent remettre BAUDOUIN fur le Trô-<br />

' ' àe 3, dont fl l'avoit dépouillé , quelques années auparavant,<br />

«•avife , par une politique, aufîi une , que fourbe, de foumettre<br />

, dans ce même Concfle, PEgUfe Grecque à la Latine<br />

y afin d'engluer k Pape, Se les autres Princes, à le laiffer<br />

en repos, 6c à tourner leurs armes contre ks Infidèles y en quoi<br />

il offirk de les ieœndbr.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JERUSALEM. Liv.Xm. CH.I. dSi<br />

- GRE'GOIRE, qui-fouhaitoit ardemment d'unir les Puiffances<br />

Chrétiennes contre le Soudan dEgypte y fans trop approfondir<br />

, fi la démarche de P A L E'O L o G u E , 5c la réunion de fon<br />

Eglffe à la Latine était bien fincère, eut la facilité de le confirmer<br />

, dans cette Augufte Affemblée, Empereur de Conftantinopk<br />

y à condition pourtant qu'il enverroit fes Farces au fecours<br />

de la Terre-Sainte ; Se qu'il favorifèroit, de tout fon<br />

pouvoir, le voïage des Croifés y qui pafferoient fur fes Terres.<br />

Ce fut dans k même vue, que le Pape reconnut Empereur<br />

d Occident RODOLPHE , qui, de fimple Comte de Hapsbourgy<br />

avoit été élu à VEmpire y par ordre du même Concile. Ce nouveau<br />

Monarque fut couronné à Aix-la-Chapelle , à la charge<br />

néanmoins, qu'avant la fin de Pannée il iroit à Rome recevoir<br />

k couronne Impériîfle des. mains du Pontife, 5c qu'il pafferoit<br />

enfuite cn Pakftine, à la tête de fArmée, que les Puiffances<br />

Chrétiennes.'Siffemhleroient contre les Sarrafins: Et, afin qu'fl<br />

pût faire le voïage d Italie y Sc celui d Outremer y2iy>ec plus d'aifance,<br />

le St. Père s'engagea de lui faire payer, dès qu'il entreroit<br />

dans VItalie y deux cens mifle Ecus par les Banquiers Fkrentins<br />

, établis à Milan. *<br />

Le même Concfle impofe , pour dix ans , une décime fur 1275;<br />

tous les biens Eccléfiaftiques, dont le produit devoit être emploïé f^t/ttîm'<br />

k Pentretien des Troupes deftinées pour la Guerre-Sainte ; 6c, afin «? «« dtxièqu'on<br />

pût Pexiger avec plus de fuccès, 5c que les Chrétiens de TelCsEi!-<br />

Pakftine commençaffent à prendre courage, 5e puffent fe main- ^'jj^'^j^^<br />

tenir pehdant la durée du Concile , le St, Père y envoïa d'à-,/avofi/ir/»<br />

bord GuiLALUME DE RoNciLLON , 5c quantité de Nobleffe f^„7/.<br />

Italienne y avec 400. Arbalétriers, qui arrivèrent k Ptolomaïde<br />

au mois d'Odobre de cette même année 1275;. Quoi que ces<br />

Gendarmes n'y fuffent pas alors fort néceffaires, par raport à<br />

la tranquiUté, dans laquelle vivoient les Sarrafins à leur égard,<br />

parce que ME'LEC-EL-VAHER s'était 'acharné contre le Roi<br />

d'Arménie y 6c voulok fe vanger des ra^%^esJ que les Tartares,<br />

Rr rr à<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


dS2 H I S T O I R E G E' N F R A L E<br />

à fon inftigation,•avoient faites dans fes Etats. • Auffi, lui fit.<br />

fl bien reffentir les effets de fa colère ; car fl entra lui même<br />

dans cette Province, à la tête de toute fa Cavalerie, ravagea<br />

avec* précipitation tout le pkt-pays, emmena plus de trentemiUe<br />

Arméniens prifonniers , dont il en choifît dix mflle des<br />

• plus jeunes, qu'fl fit circoncire, 5c les incorpora dans k miUcc<br />

des Mammelucs.<br />

Nt a ence ' Lc Concilc s'étaut enfin terminé, 6e le Pontife voïant, que,<br />

de Rodoi- malgré fempreffement, avec lequel Jl avoit fait foUiciter les pré-<br />

^rfl'Z' paratifs pour k Guerre-feinte , fEmpereur RODOLPHE ne traiagemens.<br />

vaillok poîut, avcc affcz de diligence, pour fe difpofèî^à aller<br />

commander l'Armée, qu'on y deftinoit; l'envoïa citer, afm<br />

qu'il fe rendît en Italie avec fes Troupes, avant k commencement<br />

du printems. Il le fit , en njême ^têms, menacer des<br />

foudres de l'Eglife, s'fl manquoit à fon-vœu Se à fes engage-<br />

1276. mens ; ajoutant à ces menaces, qu'fl le priveroit abfolument de<br />

V Empire.<br />

Mais, malheureufement pour les Orientaux, ce bon -Pontife<br />

n'eut, ni la confolation de voir effeduër Punion des Princes<br />

ChrétienSy qu'fl avoit ménagée avec tant de foin, ni la peine<br />

d'en venir aux extrémités de Pexcommunication, dont fl avoit<br />

menacé PEmpereur ; Car, en retournant à Rome, avec la<br />

Mort du plupart des Cardinaux, qui avaient affifté au Concfle, fl tom-<br />

«oî/eî^ ba malade à ArezzQ en Tofcane, où fl mourut le 10. Janvier,<br />

^nocent j 276. IN N O CE N T V. luî foccéda, dîx jours après fon décès ;<br />

cide. mais fl ne vécut, que jusqu'au 22. Juin, 6c ADRIEN V. de la<br />

AdrTen V. M^i^on dcFiESQUE,


DE JE'RUSALEM. LmXIII. CH. H. 683<br />

C H A P I T R E II.<br />

Pendant qu'il arrivoit de fi fréquchs changemens dans k Pon- Article/,<br />

tificat, k Roi HUG&ES , vouknt profiter de la Trêve,<br />

que le Prince EDOUARD avoit étabUc avec fi E'L E C-EL-VAHER, 5e<br />

que les Sarrafins gardoient alors affez réguUèrement, repaffe ^^^'^f^"<br />

en Chypre, tant pour rétablir kr affaires de ce Roïaume, que gués en<br />

pour pourvoir à celles de fa famiUe, qui étoit affez nombreu- ^^^P'^*<br />

fe. Il avoit eu plufieurs enfans de la DemoifeUe d'iBEUN,<br />

Sœur du Grince de Galilée, qu'il avoit époufée , avant fon<br />

avènement à k couronne<br />

Ce Prince travSilloit, avec avantage, aux affaires dc fa Maifon,<br />

6c pour k tranquilité dc fes Sujets; mais fl étoit, en mê-i<br />

me tems, fort peu fatisfàit des Ordres Mflitaires, qui, enflés<br />

de leurs Forcer en Paleftine, y vouloient trop dominer. Les<br />

Templier S'y en particulier, étoien^fi orgueiUeux, par raport<br />

aux grands biens, dont plufîeurs Princes les avoient enrichis,<br />

que, méprifant fautorité du Roi HUGUES, fls achetèrent, à<br />

fon info, le Fief, nommé la Fakonièrey qui appartenoit à un<br />

de fes Vaffaicf. Cc bien étant une fois kicorporé dans un Ordre,<br />

qui ne rtieurt jamais, privoit le Souverain du droit dp rcverfîon,<br />

6c des autres prérogatives, faute d'Héritiers.<br />

Il craignit, d'ailleurs, qu'on lîc lui reprochât dc ne s'être<br />

point affez fervi defon autorité, 5c de n'avoir point kiffé à<br />

Ptolomaïde un Gouverneur, capable de foutenir fes droits. Ces<br />

griefs, Se ces réflexions Pengagèrent à envoïer un Ambaff^ideur<br />

au Pape, pour fe plaindre au St. Père de l'arrogance des<br />

ReUgions, 6c de k désobéïffance des Peuples de Ptobmaïde,<br />

Les plaintes, que ce Miniftre porta au Pontffe contre les<br />

Ordres Mflkakes, 6c contre lesfeiseplés de Pakftine y furent<br />

Rr rr 2 d'autant<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

t<br />

é


684. H I S T Ô I R E G E'N E'R A L E<br />

fflS"'rfi d'autant plus utiles aux intérêts, 6c a k réputation du Roi HUGUES,<br />

Templiers que, pcu après fou départ de Ptolomaïde, il furvint quelque diffé-<br />

'^I.pl'i^mt rend entre le Comte de Tripoli, Se PEvêque de cette Ville.<br />

Ao^Hu-'^" Les Templiers prirent fî ouvertement le parti de ce Prélat, qui<br />

fiues. avoit été de kur Ordre, 5e irritèrent fî fort ce Comte, qu'fl<br />

kur ordonna de fortir ihceffamn^nt de fes Etats, 6c dit<br />

eonfifquer tous ks* biens, qu'ils y^offédoient.<br />

Ces yiolences excitèrent une guerre ouverte entre le Comte<br />

de Tripoli, Se les Templiers y qui n'eurent pas lieu de fe louer<br />

de leur partialité. Car , voulant fe vanger fur les Etats du<br />

Comte, ils armèrent fix galères pour aller furprendre le Château<br />

de Nephin, que ks Grecs nommoient Tholpràropon ; Sc<br />

les Latins, Face-de-Dieu, où elles furent forprifes dd'une tempête<br />

fi furieufe , qu'elles périrent entièrement fur le rivage.<br />

. r . .<br />

Article//. Cc n'étoîent pas-là .les feuls désordres, qui ^rrivoient'kPtolomaïde.<br />

Chaque Nation vouloit y commander, fans reconnoître<br />

aucun fupérieur. Extravagance , qui y caufa une confufion<br />

fi affreufe, que,, fi le^drrafins s'y étoient,feukment préfentés<br />

, ils s'en feroient rendus maîtres fans beaucoup depeine.<br />

, . À^<br />

formées^m. ' Lcs Ambaffadcurs du Roi HtrouES arrivèrent enfin à Fitev-<br />

%^k^au- ^^ auprès du Pontife, 5c trouvèrent une mati^r^,bien plus inronnedejé-<br />

téreffautc pour cc Princc, qiic la commiiïîon, dent fl les avait<br />

chargés. La Princeffe MARIE avoit fî bien fait valoir (es prétenfions<br />

a^rès du St. Père, Se étok fî fortement appuïée par k Sacré<br />

Collège, qu'on y étok fur le point de décider, en fa faveur,<br />

touchant la Couronne de Jérufalem; Sele jugement n'en fut<br />

r fofpendu, que fur les fortes remontrances de ces Miniftres. Us<br />

poftèrent enfin k Cour dé Rpme ^ en remettre la décifion<br />

au Patriarche de Jérufalem , % TLWX. Barons du .Roïaume,<br />

parce que ceux-ci fe trouvant fur les lieux, 6e parfaitement informés<br />

des droits, que pouvoient avok l'un 6c l'autre de ces<br />

deux<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ivE JERUSALEM. Lrv. XIII. CH. II. 6^t<br />

3eux Princes, îls ne. manqueroient pas db donner la Couronne<br />

à celui à qui elle devoit légitimement appartenir.<br />

Le renvoi dc cette importante affaire à la décifion des Seigneurs<br />

de Paleftine, chagrina k Princeffe MARIE ; Et, comme<br />

eUe ne fe fentoit pas alors plus de pouvoir auprès d'eux,<br />

que dans le tems, qu'elle voulut s'oppofer au couronnement du<br />

Roi HUGUES , 6c que fon grand âge, joint à ion peu d'aifance,<br />

oc lui permettoit pas de faire un auffi long voïage, avec commodité,<br />

ni^de vivre en Paleftine, d'une manièce proportionnée<br />

à fa naiffance , elle prit le parti d'embraffer Pexpédient,<br />

que lui propofèrent quelques ChevaUers du Temple y qui fut de<br />

tranfporter à CHARLES D'ANJOU , Roi de Naples, Se de Sicile,<br />

tous ks droits, raifons, Se adions, qu'efle pouvoit prétendre<br />

fur le Roïauitoe d^Ljérufakm, moïenant une groffe fomme d'arget^t.<br />

Se quelques autres avantages, qui furent expUqués dans<br />

P Ade juridique, qui en fut paffé Se qui fut enfuite approuvé<br />

par le Pape, 5e par tous ) ^ Cardinaux.<br />

L'Auteur de Vd^ Continuation de la Guerre-Sainte y qui,, felon<br />

IQS apparences, n'a pas bien approfondi f origine de cette Princeffe,<br />

la Tait Fflle de FRE D E'RI c. Fils naturel de l'Enapereur<br />

FRÉDÉRIC il. qui avait été Prince dAntioche, 5c après lui<br />

CoNRAD-LE-TêTU, fon Fîls ; Et fl ajoute, que les prétenfions<br />

de MARIE fur le Roïaume de Jérufakmn!étoient fondées, que<br />

furies droits de l'Empereur FRÉDÉRIC, fan AieuL COLE-<br />

Nucio, 5e CARAFFA', Auteurs deVHiltoire de Naple^, quoique<br />

d aifleurs trcis-bon?, 6c dfligens Ecrivains, pouvoient l'un, 5c<br />

fautre n'avoir Jamais lu, ni apris, qui étoit cette Princeffe MA­<br />

RIE, qui rént)nça fes droks en faveur du Roi CHARLES ; Renonciation,<br />

qui autoriia ce Prince, 6cfes Sueceffeurs, aprendre<br />

k Titre de Rois de Jérufalem,<br />

^ Cependant, que fes prétenfions fuffent juftes, ou non, fe<br />

renonciation caufa bien des troubles dans la Terre-Sainte; Car<br />

CHARLES, qui eftimoit infiniment ce Titre, 6c qui crut avok<br />

Rr rr 3 acquk<br />

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^8« H I S T O I R E G E' N E' RA L E<br />

Dîmînutîon^^^^^^ UU doublc droit fur le Roïaume de y^a/^/pw, puis qu^il<br />

dei'nutori, favoît déjà CU quaUté de Roi de Sicile y envoïa inceffamment à<br />

gu'ef>r le Ptolomaïdc k Comte ROGER DE ST. SE VÉRIN, avec fix galères bien<br />

l^/'""'"^'^'armées,pour en prendre poffeffion,5cpour y gouverner en fon<br />

nom. Les TentpUery, qui cherchoient toujours à traverfer le<br />

Roi HUGUES dans la jouïffance de cet Etat, favorifèrent non<br />

feulement ce Comte, mais encore engagèrent ALÎERT MOROsiNi,<br />

Baile des Fénitiens , à fe ranger de fon parti. Ce fut<br />

à leur faveur, que ST. SEVERIN entra dans Ptolomaîdey au<br />

grand préjudice du légitime Souverain, qu'ils avoient eux mê^<br />

mes reconnu'peu auparavant, 6e qui eut enfuite bien de k peine<br />

à empêcher fon concurrent d'abforber. toute fautorité.<br />

Cette nouveauté, 6c Pabfence du véritable Chef, augmentèrent<br />

extrêmement le désordre, 6c la mésintelligence, qui ne<br />

régnôit déjà que trop parmi les Habitans de Ptolomaïde. Les Bvons<br />

dupays,leSiAr^//tf//^rj,ks Teittoniques y les Génois y SelttPifans<br />

y -> qui tous fouhaitoient d'y remédier, avant que k mal de^<br />

vint plus grand, envoïèrent unanimement des Ambaffadeurs<br />

Hugues en Chypre y pour foUiciter k Roî HUGUES à aller pramteSwnt<br />

Jollicitéde i i • j n-r^ c • 1 1 / *j -<br />

repaifertn reprendre k gouvernement de 1 Etat, ôc terminer les désordres<br />

Paleftine. ^^^,y ^^^-j. ^^^£v ç^^ abfencc ; faffurant qu'fls Paideroient, 5c<br />

k ferviroient, avec tant d'affedion , Sc de zèk , dans cette<br />

louable entreprffe, qu'il auroit tout Ueu d'être fatisfàit de leur<br />

attachement pour fa perfonne, 6c pour lé bien commun des<br />

Chrétkns. ,<br />

Cette Ambaflikde déplut extrêmement aux Templiers, qui n'avoient<br />

jamais voulu fe joùidre aux autres. Ils en vinrent à de<br />

groffes paroles avec les Hofptaliers ; de forte que ces deux<br />

corps, qui faifoient égakment profeffion des armes, 5c qui ne<br />

s'amufoient guères à difputer leurs prétenfions en pardes, firent<br />

fur lepoint d'en venir aux mains. ^ Mais le Patriarche, &<br />

tous les principaux Seigneurs, qui prévoïoient k grand prêJ6dice,<br />

• que kur désunion alloit caufer à PEtat, kur remontrèrent fî<br />

efHca-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JEB^USALEM. LIV. XIJÏ. CH. Il 687<br />

efficacement les malheurs, qui en arriveroknt, qu'fls ks portèrdt<br />

enfin à facrifier kius paffions particuUèrey au bien d^ k<br />

caufe commune.<br />

-^-Oiioique le Roi HUGUES ne fït pas moins de cas du Titre d^<br />

Roi de Jérufakmy que le Roi de Naples y, Sc qu'fl en fût mê-^<br />

me très-jakuK , il ffe fe rendit pourtant point aux folUeitations<br />

des Seigneurs de Ptolomaîdey pour y* retourner. Il parut<br />

fort indifférent fur la venue du Comte de ST. SE'vE-^'^^^f'^-<br />

RIN, 6c fur la commiffion, dont fl étoit chargé. Tant ce maintenir<br />

Prkicc étoit dégoûté de la confufîon, qui régnôit dans cette^^J!i^^'H<br />

ViUe, 6c du peu durrefped , avec lequel on y recevoit fes or-Tx""'f if^<br />

dres. Il étoit, d'aflkurs, fort attaché à Pétablifïçment de fes<br />

Enfans, dont plufîeurs étoient en âge d'être pourvus, auffibien<br />

qu'à faire perfedionner une fameufe Abbaye, qu'fl avoit .<br />

fondée entre k ViUe de^ Nicofie y Se celle de Cérines, 5e à attirer<br />

des gens de -I^ettres dans fes Etats. Il aprit même, fans<br />

fe donner aucun mouvement les progrès, que faifoit le Comtc<br />

ROGER à fon préjudice, Se ne témoigna aucun mécontement de<br />

l'affiftance, queles Fénitiens y Se les Templiers lui prêtoient;<br />

perfuadé que la haine cachée , ou découverte 4es particuliers,<br />

6c enfin fémulation, qui avoit toujours régné parmi les Ordres<br />

Mflitaires, contribueroient à lui conferver fes droits ; 5c que, fv<br />

ksuns s'étoient dédairés en faveur defon rival, les autres ne manqueroient<br />

pas dc prendre fon parti.<br />

Il ne fe trompa point ; car, lorsque le Comte dc ST. S E'V E-<br />

RIN voulut exiger des Hofpitaliers le ferment de fidélité pour le<br />

Roi fon Maître, ils lui répondkent, " qu'fls auroient fort fouhaitè<br />

„ de fervir leRoi CHARLES, auffi-bien que kRoi HUGUES, étant<br />

„ Pun, 6c Pautre également amis de leur ReUgion; mais que les<br />

„ Statuts,de kur Ordre leur défendaient abfolument de fe mckr<br />

5, des différends, qui furvenoient entre ks Princes ChrétienSy Se ne<br />

^ leur permettoient de fc fervir de kurs armes, que pour le foutkn,,<br />

„ 6c l'augmentation de k foi, 6c pourfextkpation des Ir^dèks,<br />

Les<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«88 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Les Barons du Roïaume, encore plus réfolus, que ces Che]<br />

valkrs , répondirent au Comte , qui leur fit la même propo*<br />

fitibn, "qu'ils ne pouvoient faire hommage, 6c prêter fer-<br />

„ ment de fidélité, qu'à un feul Souverain ; 15e que l'aïant jurée<br />

„ depuis long-tems au Roî HUGUES , avec toute la fokmnké,<br />

„ Se toutes les cireonftances, qui fe pratiquent en pareilles oc-<br />

„ cafions, fls ne pouvoient en reconnaître aucun autre, fans fe<br />

.„ rendre parjures.<br />

' Le dépit que le Comte ROGER conçut de ce refa$; dont fl<br />

attribuoit la caufe aux brigues des Hofpitaliers, fit qu'il en écrivit<br />

avec beaucoup de chaleur au Roi CHA|EILES, lequel, irrité<br />

que des Religieux, qui poffédoient de fi beaux biens dans fes<br />

Etats, en agiffent d'une manière fi oppofée à fes intérêts, fit<br />

1277. d'abord eonfifquer tous ks revenus, dont fls jouïffoient, fans<br />

même vouloir écouter aucune de leurs juftifications. • U en porta,<br />

de plus, de grandes plaintes au Pape JEAN XXL qui n'eut<br />

pas le tems de lui faire donner fatisfàdion fur ce fujet, étant<br />

Sxxi ^^^^ ^' ^^^^^^^ 5 P^^ ^^ ^^^^ après. Son Succeffeur, qui<br />

NicoiasiiL fut NiCOLAS IIÏ. dc flUuftre Maîfou des URSINS, ne lui en proluifuccède.<br />

^yj.^ p^g davantage.* •'<br />

Articie/r. PrcsqUc cn même tems les Habîtans dc h, Pakfiine furent délivrés<br />

d'un Ennemi d'autant plus redoutable, 6c plus à craindre,<br />

qu'fl avok été plus acharné à leur deftrudion, qu'aucun de<br />

fes Prédéceffeurs. Le 5aw^tf« ME'LEC-EL-VAHER , qui, felon<br />

quelques-uns, étoit aflé fecourir k^Château dElvir, nommé<br />

aujourd'hui Elbiry fitué fur le bord de VEufrate y que les Tartares<br />

avoient affiégé, en fut attaqué à la fortie de ce fleuve,<br />

avec tant de force, que fe Cavalerie n'en put foutenk le choc<br />

Efle prit îa fuite avec tant de précipi&tion. Se de désordre, que<br />

n'aïaht pu regagner k gué, kplus grande partie s'y npïa. Le<br />

Soudan m.ême ne dut fon falut, qu'à la bonté, 6c à la vigueur<br />

de fon cheval, qui traverfa cette grande rivière à la nage, 5c<br />

k porta fur Pautre rive ; mais l'altération, 6c la frayeur que lui<br />

caufa<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


; HE JE'RUSALEM. Lrv.XIII. CH. f L 6Sp<br />

caufe le grand danger, qu'il avoit couru, joint à la douleur de ^f^î[J^.<br />

fentière défaite de fon Armée, lui cauferent une diffenterie, Vuhcr.<br />

dont fl mourut peu de jours après.<br />

Lc Continuateur de la Guerre-SaintCy Se quelques autres Auteurs<br />

prétendent, que ce fût dans une expédition dArménie y que<br />

PArmée de ME'LEC-EL-VAHER fut défaite, pendant qu'efle s'amufoît<br />

à ravager, fans fonger àfe garder des embûches, qu'on^^^j.^^<br />

pouvoit lui tendre ; 6e que ce fut dans cette occafîon, que ce partages<br />

Soudan reçut un coup de flèche dans un œfl, dont fl mourut àC^tf^f<br />

Damas y ou fès gens le tranfportèrent. AYTON dArménie affure, •^^/t^JJJJ"<br />

que ME'LEC-EL-VAHER fut empôifonné. dan*.<br />

L'opinion des Auteurs cft fi différente fur les Règnes, Se fur<br />

les Noms des Soudans y qu'il cft fouvent bien diflScik de démêler<br />

celui qui a parlé le plus jufte de leurs adions. Le fentiment<br />

d'AiTON paroît pourtant le plus for, puisqu'fl était contemporain<br />

, originaire de cc pays-là, 5c par confequent mieux informé,<br />

qu'aucun autre, de ce qui s'y paffoit Auffi le dode, 5c<br />

favant Chevalier DE L A V I N A U D I E R E^ Secrétaire de CLAU­<br />

DE DE LA SANGLE, Grand-Maître de Malte y fa entièrement<br />

fuivi dans le Livre , qu il nous a kiffé , 5e qui a pour titre<br />

Aureum Turcicum Imper i ique Ottomanici défieriptio, dans lequel<br />

il raporte exadement la fucceffion, 5e la mort des Soudans<br />

dEgypte. Les Mammelucs prirent pour Chef ALMAC , Fils de<br />

ME'LEC-EL-VAHER. Il prit le Nom de ME LEC-EL-SAID , qui fî- ^^^^<br />

gnifie Roi- Déliré. Il n'aurait pas été moins a^ide de la<br />

ruine des Cfjrétiens , que l'avoit été fon Père, fans les embarras,<br />

qu'fl eut à démêler dans fes Etats, 6c avec fes propres<br />

Sujets.<br />

Ss ss CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


«po HISTOIRE G E' N E' R A L E<br />

C H A P I T R E III.<br />

LÎS/HU- T ^ ^^^ HUGUES avoit cependant eu beaucoup de canfolation<br />

gues;»flttr' JLA de fes Enfans, à qui tout alloit félon fes défirs. Il avok<br />

fesEnfam. fait unc doubk alUancc enArméniCyen mariant la Princeffe MA-<br />

RiEl^TE , fa Fille aînée, avec le Roi LIVON , ou TIVON, 5C<br />

ALME'RIC, fon troifième Fils, avec ISABELLE dArménity Sœur<br />

de ce Prince ; MARIE, au Roi d'Arragon ; ALIX, à BALIAN<br />

D'IBELIN, Prince de Galilée; Sc CHELVIS, à THOROS, autre<br />

Prince Arménien. Il avoit auffi pourvu CAMERIN, fon quatrième<br />

Fils, de la Charge de Connétable de ChyprCy 5c donné celle de<br />

Connétable de Jérufalem à Gui, fon cinquième^ Il fit auffi<br />

faire profeffion à BOÉMOND , fon fixième Ffls, qui étoit entré<br />

dans l'Ordre de St. Dominique. Comme le Prince JEAN, fon<br />

aîné, ne jouïffoit pas d'une bonne fanté ,fl ne jugea point encore<br />

à-propos de le marier, Se deftina HENRI , fon fécond Fils, à •<br />

'. lui fuccéder à la Couronne.<br />

Ne pouvanf aprendre, fans inquiétude, les grandes vexations<br />

que le Comte de ST. SEVERIN exerçoit fur les Peuples<br />

de Paleftine, 5e la Ucence, avec laqueUe il y laiffoit vivre fes<br />

Soldats, il fe rendit enfin aux remontrances de NICOLAS DE<br />

LORGUE, Maître des Hofpitaliers. Celui-ci, rempU de zèle,<br />

6c d'affedion, pour le bien commun des ChrétienSy de peur<br />

qu'fls ne fe détruifîffent eux mêmes par leurs difcordes, avok,<br />

par fes foins,5e par fa prudence,non feulement étabU une bonne<br />

intelligence entre fon Ordre, 5e celui de Templiers y mais<br />

encore accommodé le différend, qui régnôit entre le Comte de<br />

Tripoliy Se ces ChevaUers, 5cmis fin à la guerre, qu'ils fe faifoient<br />

depuis deux ans. Il avoit, de plus, fait de fi fréquentes<br />

inftances au Roi HI;GUES, qu'il détermina enfin ce Prince à<br />

repaf-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Liv. XIII. CH. III. 691<br />

repaffer en Pakftine, pour faire ceffer les désordres, qu'y caufoient<br />

ks gens du Roi de flftipks.<br />

Il s'embarqua avec fes meifleures Troupes, malgré ks ré- LIM Hamontrances<br />

de la Nobleffe Chypriote y qui n'oubUa rien pour lui yf,'„^'ff '<br />

infpirer d'abandonner un Etat, qui lui coûtoit plus de dépen- Ftoiomaife<br />

, 6c d'kicommodké, qu'fl n'en recevoit d'honneur, 5e de<br />

profit, 6c qui pourroit, dansia fuite, caufer la perte entière de<br />

cdui de Chypre. Ce Prince aborda à Tyr y où les Habitans,<br />

qui n'étoient pas moms mécontens du Comte de ST. SEVERIN,<br />

que ccux dt Ptobmaïde y le reçurent avecbeaucoup de joie, de<br />

refped, 6c de foumiffion. Il eft vrai, que, comme fl ne s'étoit<br />

pas oppofé affez-tôt aux entreprifes de ce Comte, ce dernier<br />

avoit eu le tems de fortifier fon parti, Sc même de s'em-'<br />

parer du Château de Ptolomaïde. Il ne jugea point à-propos<br />

ie l'en chaffer à force ouverte, afin de ne point augmenter la<br />

défolation des Peuples, qui n'étoient déjà que trop accablés de<br />

mifère.<br />

Il demeura donc tranquflement dans la ViUe, 5c fe contenta 1279.<br />

d'empêcher fes Ennemis d'ufurper^ une plus grande autorité ; u Vmor- '<br />

perfuadé que, fi ce Comte ne recevoit pas bientôt quelque puif- Jf^,;.^,[^'<br />

fant fecours d Italie y ceux qui avoient embraffé fon parti, 6c Chypre.<br />

qui étoient obligés de pourvoir à la fubfiftânce de fes Troupes,<br />

f abandonneroient. HUGUES demeura quatre mois à Ptolomaïde;<br />

Se y après y avoir rétabli l'ordre dans les affaires, autant<br />

qu'il lui fut poUTible, fl repaffa en Chypre y pour augmenter fes<br />

Troupes, Se punir ks Templiers de leur partiaUté en faveur de<br />

fon rival. Il fit eonfifquer tous les biens, qu'fls y poffédoient,<br />

6c en employa le produit à la levée de gens de guerre.<br />

Dans ce même tems, les ChevaUers de VH-jpital y o^i.^Sl'i'.<br />

étoient à la garde de leur Château de Margat y informés, qu'un ^""^^"^'^<br />

,, '/. • 1 -x A J-. t • Jut(és dis<br />

Emir Sarrafin couroit les campagnes, avec de la Cavalerie,*ii..ipitii<br />

llClii.<br />

Se ravageoit tous les lieux ouverts, fortirent decette Fortereffe<br />

, Se le furprirent fi à-propos, qu'ils k défirent totale-<br />

Ss ss 2 ment.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lrv. XIII. CH. m. 692<br />

pagnes dEmeffe y bien réfolu de donner bataflle à fes Ennemis,<br />

avant qu'ils s'emparaffcnt d'aucune Fortereffe, ni qu'fls ravageaffent<br />

les Terres de fes Sujets.<br />

Ce fut dans cette plaine fpacieufe, que les deux Armées fe<br />

rencontrèrent. Elles en vinrent d'abord aux mains. La bataflle<br />

fut fort fanglante. Lc Roi dArménie, qui commandoit f aile<br />

droite , commença Padion , 5c fut très-bien fecondé par un<br />

Capitaine Tartare, nommé ALMAK , qui conduifoit fafle gauche.<br />

Ils mirent d'abord toute l'Armée Sarrafine en désordre,<br />

^ Pobligèrcnt à prendre une fuite précipitée. Le Soudan demeura<br />

avec quatre feuls hommes à fes côtés , avec lesquels il eut<br />

le bonheur de fe retirer fur une émmence, qui f écartoit du danger<br />

, 5c où même il fe conferva, par le peu d'expérience, ou<br />

par la lâcheté de MANGODAKIOR. Celui-ci, qui commandoit<br />

le corps de bataille, au lieu de profiter du grand avantage des<br />

fiens ; fait qif il ne fe fût jamais trouvé dans aucun combat,<br />

ou que natureflement il n'eût point affez, de courage pour donner,<br />

fl trouva fi étonné des premiers coups, que ks deux ailes<br />

déchargèrent, qu'fl fe retira, fans rien entreprendre. Il n'attendit<br />

pas même le retour du Roi dArménie, 5e d'ALMAK,<br />

qui avoierrt pourfuivi les fuïards, le premier jusqu'aux portes<br />

dEmeffe y Se ALMAK jufqu'à celles de Tara y dans l'efpérance<br />

que ce jeune Général acheveroit la Vidoire, qu'ils avoient fi<br />

bien commencée.<br />

Ces deux braves Généraux, après avoir fait une grande boucherie<br />

des Sarrafins, revinrent fur le champ de bataifle. Ils furent<br />

très-furpris, 5e très-mortifiés de n'y plus trouver, que les cadavres<br />

de ceux qu'fls avaient défaits ; 5c que MANGODANIOR,<br />

qu'ils croïoient d'y rencontrer triomphant, eût laiffer échapper<br />

une fî belle


6pi. H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

campé fur le bord de ce fleuve; réfolu de retourner en Perfe,<br />

comme fl l'exécuta peu de jours après; de forte que fon vojage<br />

en Syrie fut plus funefte, qu'avantageux au Roi dArménk;<br />

car, bien foin d'être ymgé des Sarrafins, û perdit la plus grande<br />

partie de fon Armée, en s'en retournant.<br />

Comme tout le pays avoit été ravagé par les Barbares, 5c<br />

que les Arméniens n'*y trouvoient plus de quoi fubfîfter, ils furent<br />

obligés de marcher par pelotons, 6c d'aller plus loin chercher<br />

des vivres ; mais fls furent presque tous maffacres par les<br />

Infidèles y qui les pourfuivirent. C'eft ainfi que le raporte AY-<br />

1 ON dArménie, qui fe trouva dans cette maUieureufe expédition.<br />

Néanmoins PAUL EMILE , JEAN VILLANI , TRACAGNOTA,<br />

6c le Continuateur de la Guerre-Sainte y ont fuivi un fendment<br />

bien contraire ; car fls prétendent, que ce ne fut, ni par crainte,<br />

ni par lâcheté, que MANGODANIOR abandonna la bataille,<br />

mais pour favorifer le Soudan, qui Pavoit gagné à force d'argent<br />

, 6c qui lui donna le fîgnal de fa retraite, en defcendant<br />

de cheval pendant le fort du combat, ainfî qu'fls en étoient<br />

convenus; ce qui donna le tems à ME'LEC-EL-SAID de rallier fes<br />

Troupes , qui avoient lâché le pié , de reprendre le terrain,<br />

qu'elles avoient abandonné, Se de contraindre le Roi dArménie<br />

à fe retirer, fans pourtant perdre beaucoup de monde, quoiqu'il<br />

eût tout le gros de l'Armée Sarrafine fur les bras.<br />

Ces mêmes Auteurs affurent, qu'AsAGAS fut fî irrité de la<br />

lâcheté de MANGODANIOR , qu'il lui fit couper-la tête, aufll-bien<br />

qu'à tous fes OflSciers, dès qu'fls furent de retour en Perje;<br />

Se qu'fl ordonna, que les Soldats, qui avoient été de cette expédition,<br />

allaffent, k refte de leur vie, en habit de femmes,<br />

afin qu'fls ferviffent d'exemple à fes autres Troupes. Ils dflfèrent<br />

encore, en ceci, beaucoup d''Arr o^i dArménie y qui af-<br />

Mortd'A- fure y que ce fut le Soudany qui, pour fe délivrer des fréquen-<br />

^^^^* tes attaques des Tartares y Se {ur tout de l'apprdienfion, que<br />

ki<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. XIII. CH. IIL (Jpj<br />

lui donnoient les grands préparatifs que faffoit adueUement A-<br />

BAGAS, pour revenir en Syrie réparer k tort, que fon Frère<br />

avoit fait à fa réputation, eut l'adreffe de corrompre fes principaux<br />

donaeftiques, lefquels furent affez perfides pour empoifonner<br />

ABAGAS , 6c MANGODANIOR , qui moururent prefque<br />

en même tems.<br />

C H A P I T R E IV.<br />

1283.<br />

LA mort de ce Prînce, qui chériffoit fi fort les Chrétiens y-^^^^^^^ t.<br />

Se qui arrêtait fouvent ks entreprifes des SarrafinSy obUgea<br />

le Roi HUGUES à conduire promtement toutes fes Forces<br />

en Paleftine, ne dautant pas, que MELEC-EL-SAID, enflé du fuccès<br />

d'en avoir chaffe lesTartaresy 6eprefque détruit les Arméniens<br />

, n'entreprît d'envahir ce qui reftoit encore aux Fidèles. Il<br />

le craignoit avec d'autant plus de raifon, qu'fl n'y avoit rien à<br />

compter fur les Forces des partifans du Roi CHARLES, qui fe<br />

trouvoit dans de très-grands embarras en Sicile. JEAN DE PRO-<br />

CIDA , par fes intrigues, avoit porté les Peuples à fe foukver<br />

contre les François y Se à faire, le jour de Pâques y à l'heure de<br />

Vêpres, cette terrible, 5e cruelle exécution, qu'on a depuis . • „..<br />

appellée, par fingularité, les Fêpres Siciliennes, uemL^'^'<br />

Auffi, le Roi CHARLES, bien loin de fonger, à envoïer aucun<br />

fecours à Ptolomaîdey en avoit même rappelle le Comte de<br />

S T. S EV E RIN, pour s'en fervîr dans la guerre, qu'il préparoit<br />

contre ces Infulaires, afin de vanger f affreux maffacre,<br />

qu'ils avoient fait des François , 6c les punir de leur rébellion.<br />

HUGUES DE PE'LE'QTJIN fuccéda au Comte ROGER, 5c<br />

prit, comme lui, le Titre de Gouverneur du Roïaume Jérufalem,<br />

Il fut égakment foutenu des T


69S H ÏS'^T OIRE G E' N E' RAL E<br />

les LuziGNANS, qui leur faifoient ombrage. La partialké de<br />

ces Chevaliers, qui étoient. puiffans, fit rencontrer au Roi HU­<br />

GUES beaucoup plus de difficultés, qu'fl ne s'étoit attendu d'en<br />

trouver, après féloignement. de ST. SEYERIN , qui avok<br />

kiffé peu d'argent pour foutenk k guerre. Lc Roi fit débarquer<br />

fa Cavakrk à Baruth , où il avoit abordé, 5c ordonna,<br />

qu'elle marchât vers Ptolomaïde,<br />

Débarque- A- pcinc fut-cllc parvcuuc en un Ueu, nommé k pas pé-<br />

RTH!J''milieux y qu'efle fut entièrement défake par ks Infidèles y qui<br />

gues^Ba-y étoicnt CU cmbufcade. Il fut d'autant plus fenfible à ce<br />

si Cavale^ mdlheur y que le bruit fe répandk, que ç'avoit été •l'ouvrage<br />

!i!m7i?' ^es Templiers , qui avoient averti les Sarrafins de leur défaitepnr^<br />

barqucmcut, 5c de leur marche. ^<br />

iS. " '*^ Après cette nouvelle offenfé, qui ne marquok que trop k<br />

Article//. ^Qjjç^j^y^jJQj^ de leur mauvaife volonté envers ce Prince, au<br />

lieu d'aller débarquer à Ptolomaïde, comme il Pavait projeté,<br />

flalladroit à Tyr, pour être mieux informé des aft aires, 5e prendre<br />

des mefures convenables à fes intérêts.<br />

Cependant l'inquiétude féçrette, qui lui étoit reftée de deux<br />

accidens, arrivés à fon débarquement, 5e que rien ne pouvoit<br />

tudes"r^^' ^^^^^ ^^ efprit, Pagitoit fans ceffe Le pavfllon du VaifTeau,<br />

troublent, qu'fl montoit, tomba dans la mer, fanS qu'fl fût poffible aux<br />

Matelots de le reprendre , malgré toute la diligence , qu'ils<br />

firent, 5e le nombre d'entre eux, qui fe plongèrent pour cet effet.<br />

Le fecond préfage, qui Pinquiéta, fut la chute de la Croix,<br />

qui tomba, des mains de celui qui la partoit au-devant du Clergé<br />

, lorfqu'il alla le recevoir. Ces accidens le frapèrent fi forÇ,<br />

qu'ils ne lui permirent pas de faire un long féjour à Tyr, ni<br />

aucune tentative pour chaffer de Ptolomaïde les genS du Roi<br />

CHARLES.<br />

Aûifi, voulant s'éloigner d'un lieu, où il avait rencontré<br />

des préfages, qu'il cro :oit funeftes, fl recommanda fes mtérêts<br />

au ChevaUer NICOLAS DE LORGUE, Mûtre dé VHopitaly dont<br />

'k<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JEltÛÎSXLÈii. Liy.Xm. CH.IV. "' 6^f<br />

le tèle lui étoit connu. ïl donna, félon LOREDAN, le Gouveiîieraent<br />

de Tyrk EAIFROI DE MONTFORT, 6C repaffa promtement<br />

enChypre. Soit que la mékncoUe, qui favok faifî, lui<br />

eût gâté le feng, ou qu'fl s'éclïaufàt trop à Pétîkle, 6c à la<br />

chaffe, qu'fl aimoit extraordinairement, fl y fût attaqué d'une<br />

pléùrefie, dont il mourut le 7. Mars, après avoir réghé dix- ^â^*<br />

fept ans, 6c embelli le Roïaume de divers beaux édifices,dans iioge,<br />

lesquds fa pieté n'éclata pas moins, que fon amour pour les<br />

fciences. '^*' . . , •<br />

Il avoit fait bâtir des Eglifes €ans les Vifles principales. H<br />

y avoit étabU des écoles publiques-pour Pinftxudion de k jêuneffe<br />

j 6c fait venir de très-fevans hommes des pays étangers,<br />

pour f «rffeigiier. Il fonda auffi cette befle 6c fomtueufe Abbaye,'<br />

nommée de lâptéïSy dans une des plus agrêabks. Se<br />

délicieufes fituations de Plie, 6e la


6fB>, H LS T OjLR B G E' N Î^R A hr^<br />

Article///. • Ueft étpnnant que ksEçïîvains modernes, 6c ? fortout Bio-?.<br />

sio, qui d'aiUeurs eft fort jexad, ait cherché, dans fon Hiftoire<br />

de Malte, à ternir k mémoke des Rpis LUZIGNANS , prin*<br />


WB JERUSALEM, tir. XIII. C». IV;' i%<br />

le chagkier, 6c pour fake ailgngienter les ùifkmités, dont il<br />

étoit atteint dès fon enfance^ j.BoRMONb même, qui avoit fait<br />

profeffion dans l'Ordre de St.Hknmiquey quita k jg-oc, 6c non<br />

moins ambitieux que les.autres, prit k titre de Prince de Galilée,<br />

jj; :^<br />

Cependant ce nouveau Sôuveram, fans s'arrêter à leurs mau- Anideiy,<br />

vaifes manières, ni chercher à les en punir, que par fon indif- rmié^^iHài<br />

férence, paffa en Pal^ney Se fut couronné à Tyr Roi de Je- fe,J^J"^*"<br />

rufalem y avec d'autant moins d'oppofîtion, que k Roi de Na- la vme ie<br />

pks étoit mort ài^(5g;g:âaj quelque tems auparavant, 6c que CHAR- ^^^'<br />

LES, fon Fils, furnoramék B«teux, qui lui avoit fiiçcédé, •5^


700 H ï S T O I Kt 'G E' H E' R A L E<br />

breufe Armée, avec kqùelk il* vkit'à DtfW^^j. Il la groffit<br />

encore des Troupes de ce pays, 6c de quantité d Arabes,<br />

Il fe trouva enfin, fous fes ehfè%nfes , foixante mifle Chevaux,<br />

6c pareil nombre d'Infanterie, quantité de machines,<br />

6c abondance de provifions. Il affiégea le Château de Mar^gatysVl^ce<br />

très-forte, Sc qui appartenoit mx Hofpta^erSy<br />

Se la battit par terre, pendant que fa Flotte, qui étoit entrée<br />

par le fleuve Ekuftère , ou Falande, fur le bord du<br />

quel elle eft fituée, la battok de fon*côté; mais , malgré<br />

fes fréquentes attaques qu'il lui doipa, efle, étoit fî bien<br />

défendue, 6e fès murailles fi diflRciles à entamer, qu'fl n'en<br />

ferok jamais venu à hout, fans l'invention, dont cet habile<br />

Soudan s'avifa. • -<br />

Comme fl voïoit, que fes continuefles batteries, ni fes<br />

fréquens affauts n'avançôknt "point, fl fit travailler à un<br />

fouterrain , qui fut conduit avec tant de diligence , qu'en<br />

peu de jours les ouvriers parvinrent aux piés du mur, qu'fls<br />

pillotèrent avec tant de promtitude, fans que* les Affiégés<br />

s'en apperçuffent, qu'fl n'aurait tenu qu'à lui de les enfévé­<br />

Ur fous leurs-ruines; Sc rien ne l'en empêcha, que Papprehenfion<br />

qu'fl avoit encore de kur valeur , 6c de leur cou-<br />

•rage. Cette confidération


T)E ^JERUSALEM. Liv. XIII CH. V. 701<br />

jèurs à la guerre, 6cque ces beUes quaUtés veulent être accompagnées<br />

de beaucoup de vigflance, 6c de cirooii(|)ediori, pour<br />

éviter les rufes, 6e les embûches de l'ennemi. ., .<br />

L'acquifîtion d'une Place, qui rendok ME LEC-EL-SAID, maître ^"j'gj''*<br />

d'une étendue -de pays affez confîdérable, 6c fur tout • des ave- siège de<br />

nues de Tripliy du côté de VOrient y le fit bientôt penfer à pfrmiçzs'emparer<br />

de cette Ville ; de forte que, pour ne point perdre ^^Said.<br />

de tems, pendant qu'fl faifoit travaifler aux réparations de J^^rgaty<br />

il envoïa un de fes principaux Amiraux, appelle LÊFTE-<br />

RATiN, avec k meilleure partie de fon Armée, pour en commencer'<br />

le fiége, 5c s'y rendit enfuite lui-même, avec le refte<br />

de fes Troupes ; Mai^, heureufement pour les Chrétiens y à<br />

peine eut-il dreffé fon camp autour de cette Place, qu'il re^ut<br />

un Courier dEgyptCy qui lui aprit la mort de fon Fils unique,<br />

auquel il avoit kiffé le gouvet'nement de ce Roïaume, 6e en<br />

même tems la révolte d'un de fes Amiraux, nommé HELPI,<br />

ou, félon AYTON d'^rw^/2/^, ERSI, qui y agflfok d^à,en Souverain,<br />

par la quantité de monde, qu'il avoit attiré dans fon<br />

parti. Cette révolution lui paroifknt plus importante que la<br />

conqiïête de Tripli, ni même du refte de la Pakftimy fl en -^«'«*rf«


^03 H I s T O I R E-G E'N E'R'A^L E<br />

celui que les Trêves, 6c les autres divifions, entre les Ir^Oi^<br />

Iqs^y leur avoient autrefois procuré; fok qu'ils,njeo euffent pas<br />

k force, ou que leur propre méshitefligence les empêdiât d'en<br />

profiter ; Car ce nowje^iuSqudan ne /e fut^ pas plutôt déUvré de<br />

Siège de fon rival, que, pour flluftrer le commencement de fpn règne,<br />

>r'Melec. par quejq^ie adion écktante, -il alla affiéger la Vfllç de Tripliy<br />

^^nfor. jjpjj^ M E'L E c - E L - S \i D avoit abandonné Pentreprffe, pour<br />

aller s'oppofer à fon ùfurpation. ; , . ,<br />

. . Çe fut pendant que les Marnmeîucs fe diiputôien|t.,k domination<br />

de VEgyptey Sede hi Syrie y que le boj^.Roi de Chypre,<br />

JEAN , préipier du Nom, mourut à Nicofie, âgé de 3 3. ans, non<br />

moins accablé des chagrins, que lui donnoient continuellement<br />

S1^ fes Frère?, qui furent même foupçonnés de l'avoir empoifonoéii<br />

mier. Roi dé quc dc fes inJPirmités. Il régna deux ans, 6c ne fut jamais ma-<br />

§'rf?jértt- rié. Son corps fut inhumé dans f Eglife de St. Dominique y avec<br />

laieiii. ui^e pompe funèbre fort médiocre. Les Princes, fes Frères,<br />

n'étoient occupés que de leur paifion, 6c de leurs propres intérêts<br />

, 6c les Peuples adulateurs , qui foivent ordinîiirement<br />

PincUnation de ceux qui doivent les gouverner, fens rendre juftice<br />

au mérite de ceux qu'ils perdent, 6c qui n'ont, point été<br />

heureux, ne témoignèrent aucun regret de fa mort ; De forte<br />

que peu de gens plaignirent la deftinée de ce Prince infortuné.<br />

^^<br />

Henri f(^ HENRI , fon Frère, qui lui fuccéda à la Couronne, 5c qui,'<br />

Smeeffeur. pcnd^^fon règne, avoit vécu en bonne intelligence avec fès<br />

' autres Frères, eut, à fon tour, le chagrin de voir ceffer cette<br />

union, fi-tôt qu'fl y fut parvenu, fi n'eut pas Ueu d'être<br />

. plus fatisfàit de leur conduite, que l'avoit été fon Prédéceffeur;<br />

•'' piûsque, pendant que dura fon règne, ils ne cefl!èrent jamais<br />

de le traverfer toutes ks fois, qu'ils purent en trouver Voce<br />

cafion. à<br />

Si/r""' ^^ ^^^^^® -r^^ ^'abord k .couftnne de Chypre dans PEgUfe<br />

de Ste, Sophie, des makis de l'Archevêque, de .cette Capitale,:<br />

avec<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D E JE'RU S AL E M, ^ Liv. XIII. CH; V; j^oj<br />

jvec des acclamations d'autant pks grandes de fes Sujets, qu'il<br />

y avoit piès d'un an , qu'ik étoient privés de k vue de kur<br />

Souverain, dont les infirmités ne hii avaient pas permis de palokre<br />

en pubUc. U reçut le ferment de fidéUté de tous les Ordres<br />

du Roïaume, 6ç atojbarqua peu de tems après,, pour aUer<br />

prendre poffeffion des reftes du Roïaume de Jérufalent,. Le<br />

Ckt^é^k Nbbkffe,6c ks Peupks le reçurent à Ptolomaïde 2Nec<br />

tant de moques de joie, que P E'L E'G u IN, quiy réfidoit pour k<br />

Roi dé Naples, connoiffant par ces appkudflfcmens, Se par cette<br />

fetisfadion générale, qu'fl auroit de la peine à foutenk les préteur<br />

fions du Roi, fon Makre, fe retira dans k Château, 6c attir<br />

ra dans fon parti quelques compagnies de Sold-sits François y cpp<br />

PHILIPPE-LE-BEL entretenoit à Ptûlomatde ; Mais ks OfiSciers, qui<br />

voifloient éviter toutes ks occafîons de fcandale, refuferent d'y<br />

entrer; Scy comme le Roi HENRI, qui Pavoit fait affiéger, le<br />

preffoit vivement, les Soldats, qui s'y trouvoient fans Chefs',<br />

abandonnèrent P E'L E'G u IN, qui fut obligé de rendre ce Fort an<br />

Roi HENRI, lequel n'eut pas plutôt terminé cette affaire, qu'it<br />

paffa à Tyr y où il reçut la couronne de Jérufalem, Se rendit<br />

aux Templiers les biens, que le feu Roi, fon Père, leur avoit<br />

cohfifqués ; de forte que les Ordres MiUtaires, 6c les Barons<br />

entrèrent tous dans fon parti, 6c, abandonnèrent entièrement<br />

celui du Roi de Napks,.<br />

C H A P I T R E VL<br />

SA prefence n^étant pas fort néceflàire à 7)r, il confirma à Artide /i.<br />

EMFROI DE MONTFORT k Gouvernement de cette ViUe,'<br />

Se retourna à Ptolomaïde, Comme k peu de Forces, qui restoient<br />

aux Chrétiens y étoîent kiçapables de fàke tête aux&zrrafins^y^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


?ô4. HIS T O IRE G E' N E' R A L E<br />

rafins, fl envoïa le Baron GREGLI en Ambaffade en Europe i<br />

Ambfijfa- tant pour informer k Pape; Sc les autres Princes, de fon avèr<br />

Hcnrî en Hcmcnt à k couronue, que pour leur faire part du trifte état,<br />

Europe, dâns Icqufel fl avoit trouvéks affaires de'k Terr^e-Saipte, Seles<br />

prkr de lui envoïer quelque promt 6c puiffïuit fecours, afin de<br />

l'aider à conferver aux Chrétiens h peu qui en reftoit. nU<br />

mfieT^- ' ^^ Prince donna k gouvernement de Ptolomaïde, Se dumi-<br />

A^ ^WE ^^^*^^ ^^^ ^^ Roïaume à PHILIPPE D'I B E L I N. -^ Il cortàts,<br />

rigea ' lui-même divers abus, qui s'étoient introduits ' dans<br />

cette Ville > pendant les désordres paffés. Il fit plufieurs<br />

beaux règlemens pour la tranquflité publique ; 6c il exhorta les<br />

Peupks à obéïr à ku^s Chefs, ks Barons du pays , les Ordres<br />

Mflitaires, les Magiftrats étrangers, 6egénéralement tout<br />

le monde, à une'parfaite union, afin d'éviter les malheurs,<br />

qui fuivent ordinairement la difcorde, 6c la mésintelligence,<br />

principakment dans une Place, comme Ptolomaîdey continuellement<br />

expofée à l'invafîon des Infidèles. Après quoi fl repaffa<br />

en Chypre y afin d'y envoïcr le plus de Troupes, 5c de provifions,<br />

qu'U lui feroit poffibk, pour réfîfter à kurs attentats.<br />

1^88. Ces précautions, 6e ces préparatifs vinrent fort à propos.<br />

ME'LEC-MENSOR, auffi porté que fes Prédéceffeurs; à chaffer entièrement<br />

les Chrétiens de-h Syrie y n'avok pas plutôt été affermi<br />

dans la fouveraineté de f£^i^/^, ^qti'fl étok allé, comme<br />

nous venons de le dire, afliléger laVilk deTnpo/i, dans Pefpérance<br />

de Pempprter; d'autant plus qu'fl avoit apris queles trois<br />

. ^. plus fortes Républiques de VEurope y dont les Flattes avaient<br />

affégé]^ toujours fervî au paffage des Troupes, que les Princes Cbré-<br />

MéTec"'" ^^^^^ envoïoiént eri ce pays-là, étèient acharn^s'à fe-faire k<br />

Mçnfor. gucrrc cutrc elles. Cependant,. comme fl n'ignoroit point,<br />

que les Habitans de Tripli étoient bien pourvus d'armes. Se<br />

de munkions, 6c qu'il éprOuvoit-•aduellement la force de leurs<br />

muraiUes, fl ks fatigua tellement, par des affauts continuels,<br />

fit jouer fes machines" avec tant, de fureur, qu'fl fit<br />

diver-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE JE'RUSALEM. Lïv. XIII. CH. VI. 705-<br />

diverfes brèches, 6c les obUgea enfin à luî demander un mois<br />

de Trêve, à condition d'en fortir, avec ce qu'fls pourroient<br />

emporter fur kurs épaules , s'fl ne leur arrivoit aucun fecours,<br />

avant ce tems-là.<br />

Lc Roi de Chypre, Sc de Jérufakmy à qui les Habitans de<br />

Tripli y envoïèrent demander du fecours, fe trouvoit fi embarraffé<br />

lui-même à pourvoir Ptolomaïde, Se les autres Vflles, qui<br />

lui reftoient encore dans la Paleftine y qu'fl ne put, en aucune<br />

manière, les fecourir ; Mais, par un bonheur inefpéré , ils ' •<br />

furent fecourus, lors qu'ils s'y attendoient le moins.<br />

B E'N o IT ZACARIE, Génois de Nation, fe trouvait avec ^ns><br />

une Efcadre de cinq Galères, 6c un Navire, à Conftantinopk y coum.<br />

où fl avoit conduit la Princeffe YOLANDE, Fflle dc GUILLAUME,<br />

Marquis dc Montferrat y qui fut mariée à fEmpereur ANDRO­<br />

NIC Ce Capitaine Génois y aprit, que les Sarrafins preffoient<br />

vivement k Vifle de Tripli. Avide d'acquérir de la gloire, en<br />

fervant la République Chrétienne , il fit promtement voile vers<br />

cette Place, 6c entra heureufement dans le port, avant que la<br />

Trêve fut expirée. Les Habitans, encouragés par k prefence de<br />

ce généreux Commandant, réfolurent


7C«^ H I S T O IR E G E'N E'R A LE<br />

ufage au fiége deMirr^tf^; En effet, il'ne luifutni moms fà^<br />

vorable, ni moins funefte aux Chrétiens^-<br />

Pendant qu'il ks amufoi^, par k-continuation-de fes batteries,<br />

5e de fes affauts, fl emploïa quantité de monde à creufer<br />

un fouterraiir, qui fut bientôt conduit j ufqu'aun centre dé k Vflle.<br />

Qiielques Auteurs» prétendent pourtant, qu'fl ne fit que<br />

fëire élargir un égoût, qui lui fut indiqué par un Renégat;<br />

Mais, que ce fût par la méchanceté de cet Apoftat, ou par fe.<br />

propre kivention, fl eft certain, qu'après avoir conduit cet ouvrage<br />

à fa perfedion, fl fit donner un affaut général le ^Avrfl,<br />

afin dé bien fatiguer les Alfiégés, 5e les mettre hors d'état<br />

de réfifter aux gens, qu'fl difpofa à entrer, dans la Ville par<br />

ce fouterrain. Ils en-fortirent, au point du jour-i: en fi grand<br />

nombre, qu'fl ne leur fut pas difiGcile de furprendre. les Habi-<br />

Cruautèdu taus, qui, accablés dc kflitudc , 5c dc fommcfl , UC purent<br />

Saudan plus foutenir k c-ombat; Ils firent, en vaiii, tous ks efforts,.<br />

exertee lur ^ . - *<br />

kj Tripo- qu'fl leur fut poffibk.. Tout y fut maffacre, à la referve de<br />

^plèlTapH- ceux qui purent fe feuver*au port, Sc. qui eurent le bonheur de<br />

-^riie^^^ s'embarquer, à demi vétus^-, fur quelques Bâtimens, qui s'y<br />

trouvoient-, 5e fur ks Galères de ZACARIE , où ils furent acueii'<br />

Us avec une générofité digne de fon grandxœur; Il les conduifît<br />

en Chypre^y tmle Roi HENRI ks reçut favorablement, 5c avec:<br />

tant de bonté, qu'il foukgea> en quelque, manière, leur, disrgrâce,<br />

5è leur affiidion;<br />

Article///.. Sept mille d'entre eux périrent par le fer des Infidèles. Les au^<br />

tres furent conduits en eldavage. Le Soudan. ne manqua pas •<br />

d'^acGomj^-fon ferment ;. car, après avoir abandonné la Ville<br />

Ll me au pillage de fes Soldats, qui y firent un butin ineftimable, ea<br />

ejîpuiée, or, en argent, 6e en marchandifes précieufes,al fit abatre tou^<br />

*fS tes ks-Eglifeg, & les plus - beaux Edifices, rafer les muraflles,,<br />

Se enfuite mdtre le feu au refte de cette malheureufe Vflk<br />

Cependant il ne jugea point à propos d'entreprendre k fiége<br />

• du, Cliâteau nommé JVi^^ibro^. Sa fituation avantageufe. Se fes.<br />

fcrtiU-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


T>ï JE'RTJSALEM. LIT. XIII. CH.Vr. rot<br />

Mortifications extraordinaires, lui firent craindre d'y confumer<br />

fon Armée, fans pouvoir en venir à bout. Il fe contenta de k<br />

bloquer , perfoadé qu'en faifant bien garder les avenues , fl<br />

tomberoit enfin cn fon pouvoir, fans qu'fl risquât un feul homme.<br />

Il n'y réùffit que trop ; car, foit que les Affiégés ne fuffent<br />

pas bien pourvus de munitions, ou qu'fls manquaffent de<br />

courage pour fe bien défendre, ou pour fupportér du mokis<br />

ks incommodkés d'un long fiége, fls fe rendirent beaucoup ^. cbâtem<br />

plutôt, que le Soudan même ne l'avoit efpéré; Encore s'cfti-/* ^*^'<br />

mèrent-ils affez heureux d'avoir obtenu, parcapkuktion, d'emporter<br />

leurs effets, 6e de fe retirer où bon leur fembkroit.<br />

On dkmême, que, pour accélérer la prife d'une Fortereffe,<br />

dont ME'LEC-MENSOR faifoit tant de-cas, fl rendit aux Affiégés<br />

tous les prifonniers, qu'il avoit faits à Tripliy Se qu'auffitôt<br />

après k prife de ce fameux Cliâteau, fly mit une forte garnifon<br />

de gens clioifîs, Se le pourvut abondamment du nécef^ Menfor<br />

feire. Après quoi, profitant du bonfieur de fes armes, 6c de prend sik<br />

confiernation des ChrétienSy il afla s'emparer des Vflles de ruf"i, ^*'<br />

Sidon y Sede Baruth y qu'fl fit faccager, brûler, 5c détruire en-^jj-^^'î<br />

tièrement. 11 conduifit enfuite fon Armée triompliante devant vjf lyr,<br />

Tyr y qvlil affiégea, par mer 5c par terre. parmr!§<br />

Les Fidèles voïoient, avec douleur, la perte de toutes ces^^Y"^*^*!/<br />

Pkces; le danger, que couroit la célèbre Ville de Tyr, d'être,<br />

également emportée ; le grand nombre de Chrétiens y qui avoient<br />

péri dans cc fiége ; 5c enfin le peu de fuccès de f Ambaffade<br />

du Baron GRIGLI, qui avoit "trouvé ks Puiffances de f£^«rOpe<br />

entièrement occupées de leurs propres affaires : les Génois<br />

cn guerre contre les Pifans y à caufe de file de Corfe; les Fé"<br />

mtiens à-peine racommodés avec ceux d Ancone y Se qui avoient<br />

été obUgés de porter leurs armes dans Vlftrie contre MEINARD,<br />

Comte de Goritie ; ks Florentins attachés à détruire les Aretins;<br />

ks partifans des Guêpes y Se des Gibelins y 2Lttent£s à défoler<br />

le refte de VItalie; h France déclarée, pour k foutien dc<br />

Vv vv 1 k<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7oS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

la Maffon d Anjou y contre ceUe dArragon y qui lui avoit enlc^<br />

vé la Sicik; le Pontife embarraffé à racommodcr tous ces grands<br />

diSérends;V Allemagne toute en mouvement pour la guerre, que<br />

PEmpereur faffoit aux Bo^rguigons ; Se VAngleterre fatiguée de<br />

foutenir celle qu'eUe avoit contre VEçoffe. Tous ces troubles<br />

communs de VEurope avoicAtété caufe, que le Miniftre du Roi<br />

de Chypre y Se 4^ Jérufalem y n'avoit pu obtenir, que quelques<br />

Compagnies d'Infanterie, que lui donna le Pape NICOLAS IV.<br />

qui avoit fuccédé à HONORIUS IV.<br />

Article/r. L'Affligeant fuccès de cette Ambaffade confterna tellement<br />

les Habitans de Pakftine y dont les farces étaient abfolument<br />

trop foibles, pour faire tête aux Sarrafins.y que k Roi<br />

HENRI lui même, tout rempU de zèle qu'fl étoit pour fecourir<br />

Tyr y Se s'oppofer à fentreprife du Soudan , n'ofa jamais<br />

fe mettre en campagne, crainte d'expofer fa Perfonne, 5c le<br />

peu? de Troupes,'qu'fl avoit, à une perte manifefté; de<br />

forte qu'après trois mois de fiége , non moins fanglant, que<br />

terrible, tant du côté des Affiégés, que des Infidèles y EMFRCI<br />

DE MONTFORT, Gouverneur de la Place , aïant perdu tout<br />

efpoir de fecours, fe trouva dans la dure néceffité de la rendre,<br />

afin de conferver la vie , Se ks biens des Chrétkns y qui<br />

Phabitoient. ' Ceitx-ci eurent la permiffion de s'embarquer avec<br />

tous leurs effets, fur les Bâtimens, qui fe trouvoient au port, ou de<br />

Jtoiomaï- fe tranfporter par tei're à Ptolomaïde y feule Vflk qui reftoit aux<br />

refie aux Chréticnsy non feulement du Roïaume de Jérufakmy mais de<br />

Chrétiens. ^^^^ j^^ autrcs Etats, qu'ils avoient poffédés en Syrie.<br />

Le Roi HENRI reffentit d'autant plus vivement cette nouvelle<br />

perte , qu'elle aprochoit f Ennemi de fes Etats, 5c qu'fl fe^<br />

trouvoit dans Pimpoffibflité dereihédier à tant de maflieurs, 5c<br />

de conferver long-tems Ptolomaïde, Cette afliidion, jointe aux<br />

déplaffirs, que lui donnoient journellement fes Frères, qui ne<br />

tramoient rien moins, que de le renverfer du Trône, altéra<br />

extrêmement fa fanté. Cependant fe générofité, 6c fa<br />

prudcH-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DB JE'RUSALEM.'-Lir. XIII. C^. VI. ; ^95^<br />

prudence, l'emportèrent encore fur fon indifpofition, 6c furfè?<br />

juftes mécontentemens.<br />

Il affembla promtement toutes les milices du pays, pour pas- ucmipaffe<br />

fer à Ptolomaïde ; d'autant plus qu'il venoit d'apprendre, que k ^H^l'^avec<br />

feuk efperance, qui reftoit aux Habitans de cette Vifle, s'étcit toutosies<br />

évanouie par la mort d ARGON, Fils d'ABAGAS, qui, auffi zé- ^jx"^<br />

lé que favoient été,fes Prédéceffeurs, pour le bien de la Terre-<br />

Sainte y s'étoit révolté contre TANGODANIOR, fon Oncle, que<br />

les Tartares y dont la plupart étoient Mabométans, avoient<br />

reconnu pour leur Roi, après la mort d'ABAGAS, fon Frère,<br />

parce que TANGODANIOR , bien loin de pcrfévérer dans la Religion<br />

Chrétienne, avoit embraffé ouvertement k Mahométifme,<br />

changé k Nom de NICOLAS , qu'il avoit reçu au batêm.e, en<br />

celui dc MAHOMET , Se converti toutes les Eglffes en Mofquées,<br />

où fl faifoit prêcher ks rêveries de VAlcoran,. Il vouloit, de plus,<br />

obliger tous les Peuples à fuivre fon pxemple. C'eft ainfî que le<br />

raporte AYTON dArménie, j<br />

ARGON aïant enfin triomphé dc f Apoftat TANGODAI^OR, ^<br />

par Paffedion , 5c la fidélité d'un des principamc OflEciers de<br />

PArmée, qui avoit toujours été très-attaché au Roi ABAGAS,<br />

fon Père, fit entièrement changer la face des affaires. TANGO­<br />

DANIOR avoit donné à cet OfiSder, au Connétable, Se à d'autres<br />

OflRciers, la commiffion de poignarder ARGOU , Sc de lui<br />

en aporter la tête à Tauris, alors Capitale de Perfe. ARGON<br />

, s'étoit retiré dans un Château,. pour éviter k fureur de fon<br />

Ennemi ; mais il fut contraint de fe rendre à ceux qui avoient<br />

Pordre de TANGODANIOR : Cependant f Officier, qui avoit gagné<br />

fes amis, aflaffina k Connétable, qui étoit le chef de la<br />

confpiration, 5c n'exécuta point k commiffion.<br />

Il eut même affez de crédit parmi les principaux Chefs de A''^^" f^l'Armée,<br />

pour les faire confentir à dédarer ARGON leur. Roi; 6c Tanariè.*<br />

tous Pengagèrent à pourfuivre fon Onde, avec tant de diligence,<br />

qu'fl l'atteignit, avant qu'fl pût entrer d^s Tauris. Dès<br />

Vv vv 3 qu'fl<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7TO H 1 s T O I R F G E' N E' R A L E<br />

^û'fl feut en fon pouvoir, flk fit fcier par le miUçu xlu corps,^<br />

felon Pufage de fa Nation.<br />

ARGON , après cette exécution, envoïa des Ambaffadeurs à Co-<br />

Way leur Grand-Can, pour l'informer de la mort de TANGO­<br />

DANIOR, Se du choix que les Peupks de Perfe avoient fait de<br />

fe perfonne pour gouverner ce Roïaume. L'Empereur Tartare<br />

aprit, avec fetisfadion , le renverfement, de TANGODANIOR,,<br />

-dont 11 avoit deffein de punir l'apoftafie. Iî approuva f éledion<br />

d'ARGON, Se lui donna même fur les Tartares plus d'autorité^<br />

que n'en avoit eu aucun-de fes Prédéceffeurs. _<br />

AtVi). orO'î)). .it©»». .*©9>i. .*ôôrtiO«05J2i''. AIÔSJ*. Ar©9J>. A(,«9J;; -A©»». At«ÎW. A99i>t. jS*'*.<br />

CH API TRE VIL<br />

Article 7. A' P^^^s Paffermîffcment d'ARGON fur le Trône de Perfe, I<br />

ArgoTi


D E' J E'R u S A LE M. tiv. XIIL CH. V». ? i f<br />

pour kur confervation, 6c^ travaillèrent à fe fortifier eux-mêmes,<br />

afin de pouvoir réfifter aux efforts de ce conquérant.<br />

Le Roi HENRI, qui s'étoit rendu à Ptolomaîdey avec kplu»<br />

de monde quil avoit pu affembler, tint plufîeurs Confeils, auxquels<br />

fl avoit fak appeller, non feulement ks perfonnes, qui y en-<br />

Croient ordinairement, mais encore les principaux Habitans de<br />

cette Place. Il reconnut bientôt, qu'fl ferait impoffible de k'<br />

défendre longtems ,.fî les Sarrafins V^iffiégeoiient; De forte que,<br />

de l'avis,. 5c du confentement de toute f Affemblée j il traita<br />

VL^ec le Soudany 5c établit avec lui une Trêve pour cinq ansv<br />

H eft furprenant, que, malgré fon incUnation beUiqueufe, les<br />

grands.avantages qu'fl venoit de remporter, 5c la foif qu'fl avoit<br />

du fang Chrétien y fl y confentit ; Mais on affure, que ce fut rrive de<br />

par la crainte, qu'il eut, de s'attkcr fur les bras toutes les Forces JJ,"J/Jj<br />

deV Europe. Cependant


7ii H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

qu'ils n'attaquaffent cette Place, dès qu'ils en auroient k commodité;<br />

Sc que, ni lui, ni les Chrétiens qui Phabitoient, n'étoient<br />

pas en état de la conferVer, à moins qu'ils ne reçuffent<br />

promtement quelque puiffant fecours d'Hommes, 6c d'argent;<br />

ce qu'il remettoit à la confidération dc Sa Sainteté.<br />

CeMmiftre n'eûtpas beaucoup de peine à attendrir le St,<br />

Pèrey fur k recit des malheurs de la Terre-Sainte ; car, PEvêi^ue<br />

de Tripliy qui, après la perte de cette Flace, avoit paffé<br />

b:Rome y Pavoit déjà informé de la défolation de ce pauvre pays,<br />

Se de l'évident danger des Chrétiens y qui s'y trouvoient encore,'<br />

de devenir les vidimes des Barbares, Les remontrances<br />

de cc Prélat avoient teflement affligé, 6cen même tems redoublé<br />

fardeur du St. Père y qu'fl avoit écrit les Lettres du monde<br />

les plus fortes, 5c les plus touchantes, à tous les Princes de<br />

êeeeursfoi- YEuropc , afin de les émouvoir , par un principe de charité<br />

les Chré- Chrétienne y à ne pas abMidoimer le Roïaume, 6c le fépulcrc<br />

Pakiiine'." ^^ Jéfus-Chrifty non plus que les Fidèles y qui favoient maintenu<br />

jufqu'alors, 6c qui fe trouvoient à la veille de fuccomber<br />

fous le fer, ou fous k tirannique joug des Infidèks.<br />

Maîs, comme, quelques preffantes que fuffent ces foflicita^<br />

tions, elles n'avoient pas fait grande impreffion fur l'efprit des<br />

Puiffances Chrétiennes, Se qu'elles ne fe donnoient aucun mouvement<br />

pour une œuvre fi fainte, 5c fi louable, le Pontife avait<br />

fait lever, • à fes propres dépens, quinze cens Hommes d'armes ;<br />

6c il avoit ^envoie le même Evêque de Tripoli à Fénife y pour<br />

traiter, avec le Sénat, des Bâtimens néceffaires à les tranfporter;<br />

de forte que, lorfque le Baron GRIGLI arriva en Italie y fl<br />

trouva ces Troupes prêtes à partir fur vingt Galères, que les<br />

Fénitiens avoient armées, à ce fujet , pour le fervice du<br />

Pape.<br />

Elles piïtïrent d Ancone y fous la conduite du même Evêque<br />

de Tripoli, 5c dc J A Q^U E s TT E p o L i, Noble Fénitien, Homme<br />

de grande expérience dans k marine, que le Pape, 5c le<br />

Sénat,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DB JE'RUSALEM. Liv. XIII. CH.VIL 713<br />

Sénat, avoient choifi pour commander cette Flotte, à laquelle<br />

la Republique ajouta cinq autres Galères à fes propres fraix.<br />

Comme le Pape jugea, que les folUeitations de l'Ambaffadeur<br />

du Roi HENRI ne feroient pas plus d'effet, auprès des Prin- / ^ p^.^<br />

ces Chrétiens y que fes propres exhortations, 6c fes prières, il fait donn^<br />

le fit embarquer for la même Flatte, auffi bien que ROGER DE baffadeurs<br />

SuLLi, qui fe trouvoit auffi à Rome y de la part des Seigneurs ^e 25!^^<br />

de Palfftine, he St, Père eut la générofité de faire donner à ^


714. H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

Auffi, les Hiftoriens, les plus approuvés, conviennent,<br />

• qu'elle le perdit plutôt parla différence d'intérêts, 5c par la<br />

diverfité d'inclinations des Chefs des Nations , qui Phabitoient<br />

, que par la force , ou la valeur des Sarrafins. En<br />

effet, outre leRoi HENRI, qui auroit dû y commander feul,<br />

ils s'y trouvait ks gens du Roi de Naples , les François y les<br />

Anglois y le Légat du Pape, le Patriarche, le Prince dAntioche<br />

y le Comte de Tripoli, les trois Ordres Mflkaires de VHô-<br />

Caufesdeia pital y du Tcmplè, Se les Teutoniques y outre les Agens des Réd^fwiiende<br />

pubUqucs dc Fénife y de Gènes, Se de Pife; les Arméniens, Se<br />

Ptolomai- ^ J^ y ^ . ' -^ '. ç ,<br />

d«. les Tartares y qui tous y avoient leurs quartiers, ÔC leurs jurisdidions<br />

particuUères, leurs tribunaux, leurs Magiftrats, Officiers,<br />

5c exécuteurs de Juftice, avec la même autorité, 5c la<br />

même indépendance les uns des autres, que s'ils'avaient été<br />

autant de Souverains.<br />

Cette grande diverfité de Peupks compofoit autant de différentes<br />

Villes, qu'il y avoit des quartiers, dans Ptolomaîdey<br />

Se faifoit que cette Ville infortunée, remplie de tant de Chefs,<br />

tous également pleins d'émulation , Se de vanité', demeuroit<br />

fans gouvernement, 6c fans juftice.- Auffi, la corruption<br />

des mœurs y étok fi grande , que les crimes les abominables<br />

, 6c les<br />

punis.<br />

plus infâmes, y étoient tolérés, 5c im­<br />

^ffr7ux"à ^^^ ^^^ quelque malfaiteur avoit commis, dans un quartier,<br />

ptoioinaï- d». un délit, quelque grand qu'il fût, fl n'avoit qu'à fe retirer fous<br />

une autre jurisdidion, il y vivoit en fureté, fanS qu'on ofât le<br />

rechercher; de forte qu'on n'entendoit parler que de Violences,<br />

d'enlèvemens , d'affafîinats , 6c de toute " forte d'adions, les<br />

plus atroces, les plus infâmes, 6c les plus feandakufes, dont<br />

les /«^^^/f5 même n'auroient pas été capables. *<br />

Il n'eft donc pas étrange, que la plupart des Hiftoriens affurent<br />

, que , de toutes les Nations, qui habitoient la Syrk y<br />

ks<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE J E'R u S A LE M. Liv. XIII. CH. VIL 71


i6 HISTOIRE G E'NE'RALE<br />

à fes Sujets, 6c le dédommagement des maux, que l'infradion<br />

de k Trêve leur avok caufés. Il exigeok, de plus, que, pour<br />

fa propre fetisfadion, on lui envoïât les principaux auteurs de<br />

ces violences, afin qu'fl en fît juftice lui même, 5e qu'ils ferviffent<br />

d'exemple à ceux qui oferoient, à Pavenk, enfraindre la<br />

foi des Traités.<br />

Cependant, quelque jufte, 6c raifonnable que fût la réparation<br />

, que demandoit le Soudan ; quelque blâmée, que tût à<br />

Ptolomaïde, finfolence de ces vagabonds ; Se enfin, qudque<br />

Le refus_ appréhcnfion qu'on dût y avoir d'irriter ce Prince, dans un<br />

Te°aiui tems, où fa puiffance étoit forlSklable, fans qu'ils puffent fe<br />

f""'''r flatter d'aucun fecours dEurope y k diverfîté d'intà'êts, 5cd'o-<br />

Je une nou- ^ JL ' ^ ^ •*<br />

velle guer- pinious dcs pcrfonncs, qui compofoient le Confefl, les aveugla<br />

teflement, qu'ils renvoïèrent f Ambaffadeur Sarraflny fans autre<br />

fetisfadion, que celle de quelques bonnes paroles, qui ne décidoient<br />

de rien, 6c qui ne fervirent qu'à augmenter la colère<br />

de ME'LEC-MENSOR.<br />

Cet Infidèle, profitant du f^rétexte de leur refus, 5cdonnant<br />

Peffor à l'inclination qu'il avoit de devenir poffeffeur de ce qui<br />

1291. reftoit aux ChrétienSy affembla inceffwramnt fes Troupes, fit<br />

travailler, avec la même diligence, à la çonftrudion de plufieurs<br />

machines de guerre, 5e fortit dEgypte, à la^ tête d'une<br />

Armée de foixante mifle Chevaux, Sc de-cent foixante mille<br />

Hommes d'Infaôterie. Après avoir traverfe le défert, fl s'arrêta<br />

en un lieu délicieux, nommé Salachie ,,pour s'y dékffer de<br />

la fatigue de ce pénible trajet ; mais, au lieu d'y trouver le foulagement,<br />

qu'fl s'étoit propofe, fl y rencontra fa mort.<br />

Mort lie Lc principal de fes Emirs, qu'fl avoit fait fon Lieutenant-<br />

Menfor, Général, s'étant flatté de pouvoir ufurper le trône, à la fapTun'd^<br />

veur des Troupes, dont il était fort aimé, f cmpoifonna; mais<br />

ffsEmixs. fon adion n'eut pas l'effet, qu'il en attendoit. Car, foit que<br />

k poifon, qu'il lui donna , ne fût pas affez violent pour opérer<br />

promtement, ou quek bon tempérament du Soudan'le ût<br />

réfi-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


BE JE'RUSALEM. Liv. XIH. CH. vm. ?!><br />

réfîfter à fe malignité, par le fecours des remèdes qu'on lui<br />

donna, fl n'en mourut que quelques jours après ; 6c fl eut encore<br />

la fetisfadion de découvrir fauteur, 6c ceUc de le voir<br />

mettre en pièces à fes yeux par les Troupes.<br />

Pendant le peu de vie, qui reftoit au Soudan, il recommahda ^^^^^^ ^^'<br />

à fon Fils de fe fervir utilement des grands apparefls, qu'fl avoit<br />

faits, pour fe rendre maître de la Vifle de Ptolomaïde, Se pour<br />

chaffer entièrement les Chrétiens de la Syrie, parce que c'étoit<br />

f unique moïen de pofféder tranquflement fes Etats. Il voulut<br />

même avoir la confolation de le voir partir de Salachie, avant<br />

qu'il expirât. Ce jeune Prince Sarrafin arriva devant Ptolomaîdey<br />

avec toute fon Armée,5e y planta le fiége k ^. Avril.<br />

Les machines ne tardèrent pas à jouer furieufement. La nouvelle<br />

de la mort de fon Père ne ralkntit aucunement fon àijdeur.<br />

Les Troupes k faluèrent d'abord Soudan, félon AYTON dArménie<br />

y fous le Nom dp M E'L E C-T A s SE R A F , ou, fdon d'autres<br />

, M E'L E c-S A R A F, qui fignific Roi-refplendifiant.<br />

Les Alfiégés ne firent aucune oppofition à fes approches. Ils<br />

fe fiattoient , que la mort du Soudan apporteroit du chan^<br />

gement parmi les Infidèles ; Sc qu'ils feroient obligés de lever le<br />

fiége ; mais leur efperance fut vaine. L'exaltation du Ffls fut<br />

faite avec tranquihté, 6c du confentement généraf des Troupes<br />

; de forte que les affaires ne furent aucunement altérées.<br />

Elle augmenta même la réfolution,. 6eTardeur des Mammelucs,<br />

qui, pour plaire à leur nouveau Souverain, non moins avide<br />

de gloire, que paffionné de réùffir dans fa première entreprife,<br />

s'expofoient à l'envi aux dangers les plus pérflleux, 5c faifoient<br />

des prodiges de valeur, pour le fake triompher des ennemis<br />

de leur croïance.<br />

Il eft vrai, que les Chrétiens , qui combatoient pour leurs<br />

vies, Se pour leur Uberté, les repouffoient, avec tant de courage,<br />

6e d'intrépidité, que tous leurs efforts, 5e leurs affauts, ^'^9^<br />

ttoient prefqu'inutiles. Ils y perdaient toujours incora^arabk-<br />

Xx XX 3 ment<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7iS HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

^^j,„,,„j-, ment plus, que les Affiégés, lesquels, fous la conduite du Chedéfenfe<br />

des valicr dc B E AUJEU, Maître des Templiers y qu'fls avaient unaretiens.<br />

j^jj^gj^^j^^ ^|y pQ^j. jg^r Général, continuoient, non feufcment<br />

à repouffcr toutes leurs attaques, mais encore à leur t'uer tant<br />

de monde, que le Soudan reconnut enfin, qu'il ne feroit qu'envo<br />

er fes gens à la boucherie, tant que les murailles de la Place<br />

fubfifteroient. C'eft pourquoi, fl fit ceffer les affauts 5e les efcalades,<br />

Sc s'apUqua entièrement à faire miner la Tour-Maudite.<br />

Entreprife qui lui fut auffi avantageufe, que funefte aux Chrétiens.<br />

Article/// ' ^^ ^^^ HENRI , quî avoit apris, avec autant d'étonnement,<br />

que de douleur, la venue de PArmée Sarra fine devant Itolomaïde<br />

y s'y rendit inceffamment avec 200. Cavaliers, 5e 5^00. Hommes<br />

^'Infanterie ; perfuadé que la Place ne manquerait pas, faute<br />

de défenfeurs, mais par la difcorde, Se par la difette.<br />

En effet, la confufîon y étoit toujours extrême. ^ Les Chefs<br />

ne pouvoient s'accorder entre-eux. Vn Sarrafin, piqué de ce<br />

que le Soudan Pavoit privé de fon emploi, "pour le donner à un<br />

autre, voulut s'en vanger, cn faifant échpuër fon entreprife.<br />

Il avertit fécrettement les Chrétiens du malheur, qu'on leur<br />

préparoit, 6c de fe bien tenir fur leurs gardes pour ne point<br />

être furpris. Cependant, malgré cet avis, ils ne firent aucune<br />

diligence pour munir k Place des provifions néceffaires à<br />

foutenir la quantité de nîonde, qui s'y trouvoit enfermé.<br />

Auffi , à-pcine le Roi HENRI y fut-il arrivé , qu'ils furent<br />

obligés de faire fortir les Femmes, les Enfans, 5c les autres<br />

bouches inutiles, qu'on fit embarquer pour Chypre fur divers<br />

Bâtimens, commandés par ANDRÉ' P E'L A T O. Plufieurs Perfonnes<br />

qui n'aimoient pas à fe trouver dans le danger, profitèrent<br />

fécrettement de cette commodité, pour fe tranfporter en<br />

Ueu de fureté. Ce Prince reçut, presque en même tems, une<br />

Lettre du Soudan ,l?iquelle fervit de réponfe à l'Ambaffade, que<br />

les Barons du Roïaume, les Ordres MiUtaires, 6c les Miniftres<br />

des<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


D E J E'R u S A L E M. Liv. XIIL CH. VIIL ^.ip<br />

des autres Puifïances, qui avoient leurs jurisdidions dans Ptolomaïde<br />

, lui avoient envoyée, dès le commencement du fiége. Ils<br />

lui avoient fait offrir le dédommagement de fès Sujets, Se toutc<br />

la fetisfadion, qu'il auroit pu raifonnabkment prétendre.<br />

LETTRE de ME'LEC-TASSERAF au Roi de Chypre y<br />

Se de Jérufakm.<br />

T e Soudan des Soudans, le Roi des Rois , le Seigneur des Contenu<br />

Seigneurs, ME LEC-TASSEKAF y kpuijfiint y k rédouté y k Pu- f^l^Êu<br />

niffeur des rébelks , le Deftrudeur des Francs , des Tartares,<br />

£^ Arméniens ; le Conquérant des Châteaux des mains des Infidèles<br />

; le Dominateur des deux mers, le Confefvateur des deux<br />

Saints Pèlerinages y Mèque, £«? Médine, à Fous Noble HEN-<br />

Ri, Roi de Chypre, falut, £«p bienveillance.<br />

Parce que Nous Fous connoiffons Homme brave y ^ fincère y<br />

Nous Fous écrivons nos Lettres, ^ mandons notre volonté.<br />

Fous faifant favoir , que Notés fommes venus fur vos Terres,<br />

pour vanger les 'injures faites à nos Sujets contre la paix, £=?<br />

T amitié, que Foi^s aviez établie avec notre Père. Ceft purquoi,<br />

Aous ne voulons point, que la Fille de Ptoloniàide Nous envoie<br />

ni Lettres, ni Ambaffadeurs ; ^ Nous avons juré de rien<br />

point recevoir, ni écouter de fia part.<br />

Enfin,le fouterrain de la Tour-Maudite,ii^mt été conduit à<br />

fa perfedion, fans que les Affiégés s'en fuffent aperçus, ce fameux<br />

édifice , fur la folidité duquel fls fondoient une bonne<br />

partie de leur efperance, tomba tout d'un coup, Se leur donna<br />

autant de terreur, qu'fl caufa de joie aux Ennemis; perfuadés<br />

que fa chute ne feroit pas pour eux d'un moins mauvais préfage,<br />

qu'dle l'avoit été pour les Sd^rafins, lors qu'en 1191.<br />

ks Chrétiens leuf enlevèrent Ptolomaïde, après un fîége de trois<br />

ans, ainfi que nous l'avons raporté.<br />

Cepen-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


720 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Cependant, malgré le renverfement de cette Tour , qui<br />

avoit encore entraîné un grand efpace de muraiUe, 6c quoique<br />

les Infidèles l'occupant d'abord, 6c travaiUaffent, en dfligence,<br />

à un nouveau fouterrain, pour miner l'autre enceinte, fls<br />

ne purent pourtant, ni fe maintenir dans la brèche, ni parvenir<br />

à la féconde muraille. Lcs Chrétiens, qui avoient apris à<br />

devenir circonfpeds, 6c attentifs aux mouvemens des Ennemis,<br />

firent, de leur côté, des contre-mines fi à propos, qu'ils rencontrèrent<br />

les travaflkurs Sarrafins. Ils en firent un terrible<br />

carnage, auffi bien que de ceux qui les foûtenoient, 6c fls<br />

s'attachèrent enfuite, avec tant de ardeur, à tranfporter de la<br />

terre, des poutres, 6c d'autres matériaux, pour réparer la brèche,<br />

qu'ils cn formèrent une efpèce de montagne; ce qui les<br />

rendît fupérieurs aux Affiégeans. Ils les accabloient, d'un côté,<br />

par les feux artificiels, l'huile bouillante, la poix fondue.<br />

Se le fable enflamé ; de l'autre, fls les tuoient, ou les eftropioient,<br />

par le fer. Se par les pierres, dont ils kur déchargeaient des<br />

coups fi furs, 6cfi furieux, qu'fl n'en échappoit aucun de ceux<br />

qui étoient affez hardis pour en approcher. Ce cette manière<br />

les Ennemis perdirent un fi grand nombre dc leurs pks braves<br />

Soldats , qu'fls furent obligés, non feulement d'abandonner<br />

leurs ouvrages, mais encore de fe retirer hoiiteùfement.<br />

.<br />

Articie/r. Cc mauvais fuccès fit réfoudre le Soudan, qui voulait un peu<br />

mieux ménager fon monde, à ne plus donner d'affauts, 5e à<br />

à ne fake jouer que fes pierriers, fes béliers. Se fes autres machines,<br />

qu'on recommença à mettre en œuvrer avec encore<br />

plus de violence, qu'auparavant. La prodigieufe quantité de<br />

pierres, qu'eUes lancèrent, fracaffa teUement k muraiUe en plufieurs<br />

endroits, qu'fl crut ne devok pas balancer davantage,<br />

abonner un affaut général, afin de ne pas kiffer k tems aux Affiégés<br />

de réparer kurs brèches.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

Ce


D E J EU u s A L E M. LIV. XIIL Cn. VIIL 721<br />

Ce fut un Vendredi 18.Mai, que les Barbares fortirent de ^/r««


722 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

-. .V Leur perfévérance à attaquer k Vflk de tous les côtés, fzn»<br />

" " que k danger, ni k nïort de kurs Compagnons ralkntît aucunement<br />

leur ardeiw, fit comprendre au Roi, 5c aux Makre»<br />

" des Ordres^ Mflitaires, qu'ils couroient grand rifque.de focomber<br />

dans cet affaut. C'eft pourquoi, du confentement de ce<br />

Prince, les Makres montèrent d'abord à chev^, avec k plupart<br />

de kurS ChevaUers, 6c toute k Cavalerie, qui fe trouvait<br />

dans k Place. Ilsfortirenten bon ordre, 6caflêrent hardiment fe<br />

jetter fur ks tentes des Infidèks y dans le deffein d'y mettre le<br />

feu,* afin de les obliger à quitter l'affaut; iflais, malheureufement<br />

, cette fortie fut beaucoup j^s dommageable, qu'utile aux<br />

Chrétiens,<br />

4ffîégè" ^-^ le Soudan y qui voulbit emporter la Pkce, à queRifueprix<br />

peuavanta- quc CC fut, avoit CU k précaUtîort dy naettre fi boa ordre, en<br />

^'"•^'* redoubknt par tout les corps de garde, qu'en un moment toute<br />

fa Cavalerie tomba fur* les bras des Chrétiens, Ils en foutinrent<br />

poiKtant le premier choc. Se lui nièrent même beaucoup<br />

de monde ;. Mais, comme fls en perdirent auffi de leur côté,<br />

k partie étoit trc^ difproportionné pour pouvoir réfifter<br />

plus longtems ; de forte quife prirent k parti de fe retirer,<br />

k moins mal qu'il kur fut pofliibk.<br />

Quoique ks Barbares perdiffent incomparablement î^us de<br />

monde, que les Chrétiens, k retraite de ces derniers, enor*<br />

gueiUit tellement les premiers, que criant vidoire de tous côtés,<br />

fls augmentèrent la vigueur de ceux qui étoient à faffaut^<br />

6c découragèrent fi,fort lès Alfiégés, qui défendoient ks brèches<br />

de la Tour^Mkudite, qu'ils les abandonnèrent, 6e furent<br />

même chaffés de la féconde muraflle, 6c dès retranchemens,<br />

qu'fls avoient faits pour s'*y maintenir.<br />

LaCavalerie4$^rr^«tf pourfuivit ceUe des Ordres Mflitaires,<br />

jufqu'aux portes de la ViUe. Elle y fit un effort extraordinai*<br />

re, 6c tua k vaiflant PIERRE DE BEAUJEU, Maître de*s TmplkfSi<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


î)E JE'RUSALEM. Liv. XIIL CH. VIÎL • 723<br />

f Tiers, Se plufîeurs autres Chevaliers des trois Ordres. Ceux-ci<br />

faifoient, de leur côté, des prodiges de valeur, pour repouffer<br />

les Barbares, qui cependant entrèrent pêle-mêle dans k Ville,<br />

5c fe rendirent maîtres de k porte. Tout ce que purent faire<br />

les Makres de VHopitaly Se des Teutoniques y avec le peu de<br />

Chevaliers qui kur reftoient, fut de fe retirer, peu à peu,<br />

dans la Ville, fans fe déranger, 6c de gagner un quartier,<br />

à la faveur des rues , qui y étoient fort étroites. Ils fe<br />

maintinrent affez de tems , pour donner la commodité aux<br />

Troupes, que leRoi y avoit conduites, de:Çiire des barricades;<br />

de forte que, par le moïen de ces retranolemens, 6c par l'affiftance<br />

des bourgeois, qui jettoient, de leurs fenêtres, pierres,<br />

briques, tuiles, 6e tout cc qu'fls pouvoient attraper, fur<br />

les Infidèles, dont le nombre augmentoit fens ceffe, ce combat<br />

dura jufqu'à l'entrée de la nuit.<br />

On fe battoit également dans plufieurs rues ; Mais les Bar*- ^.^ Sarrthares<br />

s^ét^nt enfin emparés des portes, 6c des murailles, ils «nsmafcommencèrent<br />

à mettre le feu aux maffons. Le Roi voïant rS^, "édes<br />

alors que la ViUe étoit perdue, ordonna à ce qui reftoit desJJ",7^j";<br />

Ordres MiUtaires, de la Nobleffe, 6c de quelques gens d'éUte, feu aux<br />

de foutenir Pimpétuofîté des Infidèles; Sc à tous les Habitans, "^^'""'<br />

-d'aller promtement s'embarquer fur ks Bâtimens, qui étoient<br />

au port, dont Paccès leur étoit entièrement Ubre. Cet ordre<br />

fut exécuté avec tant dc diUgence, 6c en fî bon ordre, qu'il<br />

n^y périt perfonne. ,C.<br />

C H A P I T R E IX.<br />

Le Roi, mformé de l'embarquement de k bourgeoifie, 6cArticle/»<br />

de tout k refte, fit placer des Arbalétriers fur ks chsdoupes,<br />

afm d'en écarter k Cuvalerie Sarrafine; 6c il fe rendit au<br />

Yy yy 1 port<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


724. H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

ScmsduRoî port avec toute fa fuke, mais non pas avec la même coramo^<br />

iZque-'" dké qu'avoient fait ks autres ; car ks Ennemis, qui k pourmentdes<br />

foivircnt, lancèrent une fi grande quantité de dards, 5e de<br />

"'''^"^* flèches, que, malgré * celles que décochaient les Arbalétriers<br />

qu'on avok placés fur les barques, ce généreux Prince, courue<br />

rifque d'être bleffé. Plufieurs ck fes gens, 5e divers Arbalétriers<br />

furent tués à fes côtés.<br />

. , Enfin, le vent. Se ks ténèbi/és^ aïant favorifé le départ du<br />

iilbitmsde Roi, Sc dcs malhcurcux Habitans de Ptolomaîdey tous les Bâ^<br />

dc'^Jn Chy- timens arrivèrent heureufement e^ Chypre , hors-mis une Fré-<br />

"ë}^' ' gatte légère , furHiquelle le Patriarche s'étoit embarqué avec<br />

fes amis, 5e fa Famifle, 5c qui était partie quelques heures auparavant.<br />

Cette Frégatte fut furprife d'un vent fi forcé ; 5i<br />

ks mariniers, qui en formoient l'équipage, étoient fi ignorans,<br />

• qu'fls ne furent, pendant la nuit, ni prendre port, ni s'éloigner<br />

de la côte; de forte qu'au raport de tous les Auteurs, ce<br />

Bâtiment fut cngloutL Le feul Père LUZIGNAN prétend,<br />

que ce Pirékt ne fit que fouffrir une grande bourafque.<br />

Refierxon H faut pourtaut convcuir, que la désunian,-.5c-peut être le<br />

mi^k. pçy d'expérience contribua beaucoup à la perte de Ptolomaîdey<br />

puifqu'àpréS' l'embarquement des bouches inutfles ,il y reftoit en^<br />

core , outre iiooo. Hommes de Troupes; réglées, plus de<br />

trente mille Habitans capables de porter les armes, qui auraient<br />

tout au moins dû k défendre plus longtems; mais fl femble,<br />

que Dieu, qui vouloit les punir de leurs crimes;, les avok entier<br />

rement privés de jugement-<br />

Article //. Pehdant que, par une générofîté i digne d'étefnèlk mémoire,<br />

le bon Roi HENRI cherchoit à confoler les Chrétiens, échapés de<br />

h. Paleftine y en leur diftribuant de quoi fobfîfter, felon leur rang,<br />

5e leur condition, k Maréchal du Tempky qui, avec plufîeurs<br />

de fes Chevaliers, n'avoit pu, ou n'avoit point voulu"s'eiubar-<br />

-quer, s'étoit retiré dans la-groffe Tour de kur Palais, bien ré-<br />

.,": ^ fbk<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


i^t JE' RU S A L E M. Liv. XIÏÏ. CH. IX. ? 7 2f<br />

• folu d'y vendre tous chèrement kurs vies. Et, quoi que, dès îe iour<br />

d'après k prife de la Ville, le Soudan kur fît offrir de les L'iiTer<br />

partir en fureté ,^ ils. ne voulurent point écouter des propofîtions,<br />

qu'ils ne croïoient pasfmceres; Mais trois jours après, aïant re- ZwTem.<br />

connu, qu'ils alloient fucomber fous les efforts des //2/î^,?/?y, qui ^ll^gj"^^<br />

avaient commencé à miner cette Tour, 5e ne pouvant d'ailleurs at- Soudan,<br />

tendre aucun fecours humain, ils fe rendirent, la vie fàuve. ME'­<br />

LEC-TASSERAF obferva religieufement les conditions du Traité, Scy LeSoudande<br />

plus, les pourvut d'un Brigantin, pourles tranfporter auprés ^^tm^ride<br />

leurs confrères en Chypre, Tant fl fouhaitoit de fe voir libre gantin,peur<br />

poffeffeur de Ptolomaïde y qu'il abandonna entièrement au piflage Chypre,<br />

de fes Soldats, comme il le leur avoit promis. Ils s'y enrichirent<br />

tous, au-delà de leurs efpérances. Cette Vifle était alors la plus<br />

opulente du Levant y foit par raport à fes Habitans,-foit par raport<br />

au grand commerce, qui s'y faifoit detoutes parts.<br />

Il fit enfuite démoUr les magnifiques maifons des OrdresMfli- Articie/iz:<br />

taires, pour fe vanger fur ces chofes infenfibles des maux, que mluruf<br />

ces Chevaliers avoient fi fouvent caufés àfes^ujets. Des plus befles Q'^^A'<br />

-Eglifes, il en fit des Mofquée ; Se fl renverfe enfin les fortes murafl- lUaires,<br />

les, Se les fameufès tours, dont cette Ville étoit enceinte, afin que<br />

les Chrétiens n'y puffent jamais rentrer, ou n'y affiégeafïent un<br />

jour la garnifon qu'il auroit été obligé d'y tenir.<br />

Je n'ignore,pas, qu'on ne trouve des relations de ce fiége,fort Wérmtes<br />

différentes de celle que je donne. Les Hiftoriens ne s'acordent, lefté^e,^<br />

que fur fon peu de durée ^ qui fut, en effet, bien courte, puifque p/o^mlïk<br />

Place ne tint que quarante trois jours. Marque évidente, com- de, pari*<br />

me, je viens de k dire, que Dieu voulait punir la vie abominable uéÛl^ ^<br />

de ceux qui l'habitaient, puîfqu'efle étoit alors incomparablement Tafleraf.<br />

plus peuplée, mieux fortifiée, 5c fes Habitans mieux aguerris,<br />

que lors qu'elle réfifta trois ans à toutes les Forces de VEurop,<br />

que l'Empereur F R E D E R I c, furnommé Barberouffe, PHILIPPE-<br />

AUGUSTE, Roi de France y 5c RICHARD, dit Cœur-de-Lion y Roi<br />

Yy yy i dAxh<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


ft6 HISTOIRE C'EN, DE JEHUS. LIV.XHL CaK.'<br />

d'Angleterre y y avoient conduites pour afiSfter Gui DE LUSI­<br />

GNAN, Roi de Jérufialemy qui en avoit entrepris k fiége.<br />

Mais je ne puis être du fentiment de ceux qui difent, que k<br />

Maréchal du Temple fut enféveli fous ks ruines de la Tour, que<br />

Jes Sarrafins avoient fappée par les fondemens, 5e dans kquelle<br />

fl s'étoit de nouveau renfermé, après k capitulation faite avec le<br />

Soudan y pzrce^ que les Mammelucs avoient voulu attenter à l'honneur<br />

de quelques Femmes, qui s'y étoient réfugiées. Les autres<br />

foutiennent, que ce Maréchal fit piloter la Tour, 5cque,<br />

comme un autre SANSON, fl s'enfévélit fous fes ruines, 5c avec lui<br />

tous fes ChevaUers, 6e nombre infini d'Infidèles y auxquds fl en<br />

avoit fait ouvrir ks portes. Les autres enfin prétendent, qu'fl fe<br />

rendk au bout de trois jours, comme je viens de k raporter.<br />

Ce dernier fentiment étant le plus fuivi, 6cvle plus approuvé,<br />

je crois devoir m^y attacher. Je l'ai tiré, aufilî-bicn que toute<br />

k relation du fiége, d'un vieux Manufcrit en parchemin, qui fut<br />

1293. apporté à Rome par THOMAS BOSIO, Evêque de Malte y krsfîî'^'î^'<br />

q^i'iJ y vint avec k Grand-Makre PHILWPE DE VILLERS-LISIE-<br />

Çhjf tiens ÀDAM, après k perte de Rhodes y Sc qu'on affure être unFrag--<br />

«n Paleftine.<br />

ment de VHiftoire Jérofolimifaine y écrite par k Chevalier MEL­<br />

CHIOR BANDINI, Chancelier de cet Ordre, fous k Magiftère<br />

de JEAN DE LASTIC, dont le refte fut malheureufement perdu,<br />

lors que les Tw


HISTOIRE GENERALE<br />

R O ï A" U M E S<br />

CHYPRE, DE JÉRUSALEM,<br />

ET<br />

D* EGYPTE.<br />

LIVRE XIV,<br />

C H A P I T R E PR E'M ÎER.<br />

/v^jj^/^^a A trifte épreuve, que le Roi HENRI venoit de 'fff^^^^^-<br />

Scî;^>Cï^^>fe3 faire, Païant perfuadé, que les PuiffancesHenrU«i.<br />

T ^ÎÉ ^'^'^^^ "^ penfoient phis à faire aucune ex- ^^^^<br />


^8 HISTOIRE GE'NE'RALË<br />

'W •valeur defquels il comptoit beaucoup, à donner aux Chevaliers<br />

^e VHopital, Se du Templ^, Pagreabk Vilk de Limifol y avec<br />

toutes fes fertiles dépendances, pouty étabUr leurs Convens. H<br />

offrit d'autres Terres également bonnef aux Teutoniques; mais<br />

SiFRiT DE FoRiivANG, kur Maître, fen remercia, fait que<br />

ces ChevaUers fuffent rébutés du mauvais fuccès dcs guerres de<br />

Paleftine, ou qu'fls préféraffent leur féjoUr en Pruffe à un nouvel<br />

établiffement.<br />

Les Fénitiens , les Génois y Seles Pifans , que le profit du<br />

commerce, qui étoit tout entre leurs mains, avait plutôt retenus<br />

à Ptolomaïde y que fenvie d'acquérir de là gloire, en défcn-<br />

• dant le Roïaume de Jérufakmy fe retirèrent auffi dans leurs<br />

pays. Cependant, malgré le départ de toutes ces Nations,<br />

ce Priiitc elit'encore la fatisfàdion voir fon Roïaume extrêmement<br />

peuplé des débris de la Pakfiine y &e des autres lieux de<br />

ISL Syricy que les Infidèles avoient fubjugués.<br />

Le Roi .'tour procurer à ces nouveaux Sujets la commodité'du comaggrmdTr<br />

uiercc, 5c'les corifôlcr, en quelque façon, deh perte de PtoûTW/or-<br />

^^^^^^^>^1 s'apUqua à faire aggVandir,5c fortifier la Ville de Fatifier<br />

comme magouftc y for k modèle de celle de ftolomaîdé; 5e fl là fit auffi<br />

Ptolomai- entourer d'un large, 5c profond foffé, de treize grandes Tours,<br />

6c d'un Baftion.<br />

Il accorda divers privilèges, 5c immunités aux Habitans de<br />

cette ViUe, auffi bien qu'aux étrangers qui s'y étàbUroient ; 5e,<br />

afin de la rendre encore plus célèbre par elk même,*fl ordonna<br />

que fes Sueceffeurs y prendroient la Couronne de Jérufalem<br />

y après qu'fls auroient reçu celle de Chypre à Nicofie; ce<br />

qui fut toujours obfervé depuis, puifque ks Chrétiens iVeurent<br />

point k bonheur de reprendre la i^^/


BE CHYPRE. LIV. XIV. Cn. I 72^<br />

alors l'He de Chypre, quoi qu'il fe peut que ce mot ait écé cor<br />

rotespu par les Grecs, qui k nomment encore aujourd'hui Amot<br />

Kouftay qui fignifie couverte de fabk y par raport à fa fituation<br />

baffe, Se remplie de fable , où elle paroît comme<br />

enterrée.<br />

Ce Prince embelUt,5c fortifia fon Roïaume, du côté,qui re- Article u,<br />

garde h Syrie y Sc le Midi y Sc trouva k moïen de fenrichk par mmiduRn^<br />

k commerce, qu'il y attira, 6c que les Chrétiens y firent, au Jîf'rt du<br />

lieu qu'ils le faffoient auparavant dans la Syrie y Sc ia Paleftine. cité de u<br />

Le Pape NICOLAS FV. travaflloiè depuis Ibtigtems, avec un J^ MÎiF<br />

ïèle inBitigabk,^ réunir, Sc engager les Puiffances Chrétiennes<br />

à une nouvelk Croifade, 11^ avoit même engagé EDOUARD<br />

I. Roi dAngkterre y à en être k Chef; Et ce Princc avoit<br />

déjà fait de grands préparatifs dans tous fes Etats, lorfque<br />

le Pontife aprit, avec une doukur inconcevable, la perte dc<br />

Ptolomaïde; Mais, comme le Monarque .^«l^ibw n'étoit ppint<br />

encore en état de partir, 6c que le St. Père craignoit que les<br />

InfidèkSy après être devenus entièrement maîtres du Roiaume<br />

de Jérufalem , n'entrepriffent • k conquête de celui de<br />

Chypre, qui étoit fi fort à leur bienféance , fl envoïa promtement<br />

un Légat à PEmpereur RODOLPHE , pour f exihorter<br />

à paffer lui-même en Syrie y avec toutes ks Forces de T Empire<br />

y afin de recouvrer , s'fl étoit poffibfe , tqut , ou partie<br />

du Roïaume dc Jérufakmy ou du moins empêcher les Infidèks<br />

d'envahir ce que ks Chrétiens poffédoient encore en<br />

Afie.<br />

Mais le- Légat dut le malheur de ]voir mourir à Spire l'Empereur<br />

RODOLPHE , peu après fon arrivée. Ses foins furent inutiles<br />

, auffi bien que les foflicitations qju'il fit enfuite à ADOLPHE s^ieitade<br />

NASSAU, fon Succeffeur, qui, de petit Seigneur qu'il étoit, sS^^^<br />

fut élevé à VEmpirey parles bons ofiîces de fArchevêque c[e JîoJgJ'ç"*<br />

Maïence ; maîs, dès k commencement de fon règne , ce ftmiiêt.<br />

Prince fe trouva fi embarraffé dansks guerres civfles, qu'il ne lui<br />

Zt iz fut<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


"tji H I S T O I R E G E" N E' R A L E<br />

fut pas poffible de porter la guerre hors de V Allemagne, Ainfî,"<br />

ce n'étoit pas, fans raifon, que k Roi HENRI ne comptoit plns^^<br />

fur l'affiftance des Princes de VEurope'y Se qu'fl travailloit, fans<br />

relâche, à fortifier fes Etats, à amaffer de f àrgerit, 5e à aguerrir<br />

fes Peuples,, afin-d'être en état de les défendre, par lui mê^<br />

me, dès attentats desinfidèks.<br />

Lé St. Père y de fon côtév perdit également^ toute efpéïariè'è<br />

de pouvoir réuffir dans le recouvrement des*Saînts UeUx. Il en<br />

fut fl aflSîgé, dit-oii, qu'fl,en mourut de douleur. Sa mort ne<br />

fut pas feulement préjudiciable 3.ux Ch'rétiéfh Orientaux, pour<br />

le rétabUffement defquels fl auroit enfith fait quelque forte expédition,<br />

mais encore pour tpute'k Rèptitffiqué Chrétienne. Les<br />

Cardinaux n'aïant pu accorder, pour lui donner un Succeffeur,<br />

le St. Siège va^ua vingt-fept mois. Sur ces entrefaites,<br />

MICHEL P A L E'O LO G U E , Empereur de CohfiantMple,<br />

mourut ; Se le Clergé de cette Capitale de VOrient y irrité contre<br />

ce Prince, pouffa là barbarie, julî^u'à empêcher îa fepulture'de<br />

fon corps dans les lieux Sainte, fous prétexte qu'il avôit Vécu<br />

en fchismatique. Se en excommunié, pour avoir foiimis, au<br />

cfef^L ^^^^^^ de Latran y VEglife Grecque à la Latine; Se fl fe lépa-<br />

:tueie ra,en même tems, de la communion avec le St. Siège y malgré<br />

mg<br />

St, !^sié"c. finclmation d'ANDRONic, Fils 6e Succeffeur de MICHEL, qui<br />

voulait fuivre ks traces de fon Père, 6c vivre dans la foumiffion<br />

due à PEgUfe Romaine y 6e au fouverain Pontife, vrai Vicaire<br />

1293. de Jéfus-Chrift,- Ce qui ne feroit peut être pas arrivé, s'fl y<br />

avoit eu un. Pape, qui, par fes exhortations^, Se fon autorité<br />

Peut aidé à perféverer dans ces bons fentimens..<br />

feceue<br />

CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


OE .CHYPRE. L.ir.XlV. CH; H. 75.<br />

C H A P I T R E II.<br />

ME'LEC-TASSERAF, qui n'ignoroit pas entièrement ce Article/,<br />

qui fc paffoit en Europe y Sc qui ne fouhaitoit pas moins<br />

de fe rendre maîtire de Chypre y qu'fl avoit été avide de pofféder<br />

la JP^/^/«^, paffa, bientôt après la prife de Ptolomaîdey<br />

en Egypte y pour travaflkr à un puiffant armement maritime,<br />

qu'fl deflinoit à attaquer cette Ile, avant que les Chrétiens y qui<br />

s^y étoient retirés, euffent le tems dc s'y affermir ; mais, heu- ^^^^ ^<br />

rcufement pour le Roi HENRI , Se pour fes Sujets, k mort de Méiecce<br />

Soudan interrompit fes grands projets ; car, lorfqu'fl était le ^ ^" '<br />

plus occupé dc cette expédition, il fut affaffinê dans un jardin,<br />

pendant qu'il chaffoit, par un de fes Mammelucs, nommé Sp-<br />

MERi, qui s'étoit flatté def* pouvoir occuper fa placc. Néanmoins,<br />

foit que fon parti ne fût point affez fort, ou que fes<br />

confrères fuffent véritablement fâchés de la mort tragique de j^^^^^^<br />

leur Prince, fls maffacrèrent Paffaffin, Sc mirent fur le TrôneNaflcr/or<br />

BEÈJEIZEMI , Frère du défunt, auquel ils donnèrent le nom dc < Egypte.<br />

M E'L E C-N A S S E R , qui fignifie Roi-FiHorieux,<br />

Mais , comme ce nouveau Soudan étok encore trop jeune<br />

pour gouverner par lui même, les Amiraux furent affei impru- ^<br />

dens pour le mettre fous k diredion d'un Tartare, nommé<br />

GuiBOCA, qui avoit été efclave de fon Père. Lorfque celui-ci ;.".<br />

fe vit élevé à un pofte fi confidérable, 6c comme maître abfolu<br />

des affaires, fl oublia bientôt. Se fa condition. Se la confiance<br />

, qu'on avoit eue en lui. 11 ne penfe plus, qu^à ufurper<br />

k fouveraineté. Pour y parvenir , il fit conduire le jeune<br />

Soudan dans le Château de Mmtréaly où fl le faifoit étroite^<br />

ment garder. Après quoi, fl fe mit à fa placc, fous le Nom<br />

ye ME'LEC-D A É'R, fans que les Mammelucs, s'en miffent en<br />

Zz zz 2 peine.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


^52 HISTOIRE G E' N m A L •<br />

peme. C^^dant > comme il vonlut trop favorHor eeiflt d^<br />

fk Nation, au préjudice des MarrmelucSy ^ en conçurent fant<br />

de jaloufie, qu^ils le dépoferent, 6c élurent un d'être tint<br />

nommé LAtouîN. Ce dernieV, nefe fiant pas trop à fes confrèr«^<br />

malgré la déférence qu'fls venoient de ki marquer, s'enfermR<br />

dans k Château du Caire, fans avoir aucun commerce avec eux.<br />

Cette précaution ne put k garantir d^êtrc un jpur affaffinê, avec<br />

fe propre épée, par un Mommekc, fon confident, avec lequel<br />

il jouoit aux échecs , ni celui-ci d'éviter k fureur des<br />

autres, qui ne manquèrent pas de le mettre en pièces, ai^<br />

qu'ils favoient pratiqué à Ji'é^rd de ceux, qui avoient attenté<br />

fur k vie de leurs Souverains.<br />

j^ jcitnt Après k mort de ce dernier, 6c toutes ces brutales cata-<br />

Nalrer'e/f ^^^P^®* > ^^^c Milicc- fiit longtcms en conteftation, 6e ea<br />

tiw*


^ BE CHYPRE. Liy.XÏV. CK.a ?ss<br />

U n'en étwt pas de même en Arméme; car, C cc pays étoit "*••<br />

tranquik da côté des Infidéks y k divifion de fes propres Princes<br />

le déchkoit fi fort, que les terra y demera-oicnt catièrement<br />

en friche, & le commerce tout-à-fait perdu. Le bon Roi<br />

LïvOM étant mort, pendant qu'ArroN, fonFiksdné, 6c THO­<br />

ROS , fon fecond Fils, fe trouvoient à Conftantinopk, pour condurre<br />

le markge d'un Ffls du même AYTON, avec uneFiUc de/têmeFusd^<br />

PEmpereur ANDRONJC, SABAT, leur Frère, profita de kur abfen-J.^J^jJ'^^^<br />

ee,6cs*empara de la Souveraineté, fans même faire aucun compte nie,/uri«<br />

de CONSTANT, quatrième Fils du Roi LIVON. Il s^y maintint, J'î^?^<br />

^elqae tems, à la faveur de divers Seigneurs du pays, quii»'»"''^^-<br />

' «Voient embraffé fon parti, 6c fit alliance, avecks Tartares,<br />

fur le fecours defquels fl comptoit beaucoup.<br />

AYTON, à qui le Roïaume appartenoit, étonné de ce desordre,<br />

demanda du fecours à ANDRONIC, pour en chaffer Pufurpateur<br />

; cependant k lenteur de cette afl[îftânce, Sc l'impatience<br />

de Pen* chaffer, firent, qu'il s'embarqua pour Chypre, dans Pe^è- ^^<br />

rance que le Rc» HENRI, 6C ks Ordres Militaires Paideroient à Arménie<br />

chaffer fon Frère de fes Etats ; mais ffle de Chypre étok trop C^^r<br />

expofée aux Sarrafins, pour la dégarnir des gens de guerre;<br />

de forte' que ce Prince auroit demeuré longtems exdus de fes<br />

Etats, s'il ne fut arrivé de nouvelles xévolutions en Arménie<br />

y qui lui euffent procuré ks moïens de parvenir à la Souveraineté,<br />

CONSTANT, jeune, 6c ambitieux, qui ne pouvoit voir, fens<br />

jaloufie, Pdevation de fon Frère, ni fouffrir k peu de cas qu'il<br />

faifoit de lui, affifté des confeils , 6c de fépée de quclqucsuns<br />

de fes amis, qui haoient SABAT, Pattaqua à l'imprévu,<br />

fe faifit de fa Perfonne ; Scy malgré le fort parti, qu'il s'étoit<br />

fait, il le fit enfermer dans une Tour, pù il mourut peu de<br />

tcms après.<br />

A' la nouvelle dc cc changement, AYTON fit de fi preffante»<br />

inftances au Roi de Chypre, qu'fl cn obtint enfin quelques<br />

ZK 22C 3 Tro;:-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


734- H I S T O I R E CE' N E' RALE<br />

. Troupes. Les Ordres Militaires, fuivant fexempk de ce Prince,<br />

y contribuèrent auffi, Se irilrent le Frince ArïnéHkn en état<br />

de paffer dans fpn Roïaume ; perfuéié que fa préfénce lui<br />

attireroit bientôt*" la méiUeure partie de fes Peuples, avec<br />

l'aÛiftance des quels fl fe mettroit en poffeffion du Trône.<br />

Quoi qu'fl ne fe trompât point dans fon efperance, 5e que<br />

quantité de Perfonnes de toute forte de conditions fe rangeaflent<br />

d'abord de fon parti , fl lui faflut néanmoins,' travafller<br />

long-tems, avant de pouvoir réduire fon Frère, Tant<br />

la Nobleffe du pays étoit partagée entre eux deux, fans con-<br />

*ij^5. fidérer que leur divifion caufoit des maflieurs infinis à ce pauvre<br />

Rpïaume, queles Infidèles défoloïent de toute part, par<br />

leurs courfes continuelles.<br />

Ayton,F«7j pufin , AYTON cut Je'»bonheur de furmonter toutes les dffvon,^^ffn,i<br />

ficultès, Il valuquit fon Frère, prit poffeffion du Roïaume,<br />

pojfejfiondu ^ en rétablit fi bien les affàfrcs, qu'fl ne tarda pas à être<br />

lioiaume '- , , (. K\ ' * i .<br />

rfArmé- entièrement pacifie. Alors , ce Prince , pour témoigner au<br />

^^' * Roi HENRI la reconnoiffance, qu'fl confervoit du fignalé fervice<br />

, qu'il en avoit reçu , engagea une de fes FiUes, qui<br />

^rThY- ^vok été mariée à CASSAN , Roi de Perfe , à folUciter fon<br />

tonj^fcaf- Epoux dc prcudrc les armes en faveur des ChrétienSy pour<br />

Perle, lesChré­ powr lès rcmcttrc CU p'bffeffion du Roïaume de Jérufakm. En­<br />

tienstreprife<br />

, à laquelle, cette Princeffe, qui étoit une des plus<br />

belles Femmes de VOrient y n'eut pas beaucoup de peine à<br />

réùffir , tant par raport à l'amour' y Se ?i Peftiftie, que fon<br />

Epoux avoit pour eUe, que par Pinclinatioii qu'il avoit lui-<br />

1296. même de rendre fervice aux ChrétienSy dont il avoit toujours<br />

profeffé la Religion^ ^<br />

Pour éclaircîr mon Ledeur des progrès de ce Prince, 5e<br />

de la manière, dont fl étoit parvenu à la fouveraineté de la<br />

Perfey fl me faut reprendre fon hiftoire d'un peu plus haut.<br />

J'en raporterai ce qu'en dit AYI^ON dArménie.<br />

«<br />

C H A-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XIV. CH. m. y^f<br />

C H A P I T R E IIL<br />

ARGON, Roi Tartare y étant mort dès l'année ii28p. ^'Mdelis^nr<br />

GAiTE, fon Frère, lui fuccéda à la Couronne; mais .fl lesquels<br />

avoit des incUnations fi baffes, 6e le& mœurs fl corrompues, toltp^rveque<br />

les Tartares y natureUement fiers, 6c belliqueux, ne pu- ""'*/''i


Y26 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

Paudace de CASSAN. Alors, tous les Mabométans y dont ie<br />

nombre étok le plus confidérable dans fon Armée, au Ueu d'attaquer<br />

ce prétendre rebelle, fe rangèrent de fon côté, 6c abandonnèrent<br />

fi fubkement BAIDON, qu'fl fut obligé de prendre k<br />

fuite, afin de ne pas tomber au pouvoir des féditieux. Ils le<br />

pourfiiivirent,avec tant de promtitude,qu'fl ne put kur échapper,<br />

ni éviter d'être mken pièces par fes propres gens, qui felu^ent,<br />

fur le champ, CASSAN pour leur Roi.<br />

Comme l'élévation de ce Prince n'étok arrivée qu'en I2f y.<br />

6ç que, pour s'affermk fur k Trône, fl avoit été obUgé, non<br />

feulement de tolérer les Mabométans y mais encore de parokre<br />

fuivre lui même leur croïance, il fe paf& près de trois ans,<br />

«98. • avant qu'fl pût fatisfaire ks folUckations de la Reine, fon Epoufe,<br />

qui k preffoit continuellement de porter la guerre contre<br />

les Sarrafins,<br />

Ilfe défit, peu à peu, des OSkiers Tartares y qui fuivoient<br />

VAlcoran y Se mit en kur pkce de bons, 6c îcèlés Chrétiens. II<br />

détruifit auffi fes autres Sujets, qui étoient entêtés de cctte<br />

fauffe croïance, 6c qui aufoient pu contre-balancer fon'autorité.<br />

De forte qu'il fe trouva en état de faire éclater fe piété, 5c<br />

ft religion, pour entreprendre k recouvrement du St.Sépulcre.<br />

Aufll, ordonna-t'fl à tous fes Sujets dc préparer promtement<br />

tout çe qu'fl failoit pour PacompUffement de fon projet ; 6c^ il<br />

fit,- en même tems, informer de fon deffdn le Roî dArménity Se<br />

celui dc Géorgie, afin qu'ils k fecondaffent dans cette glorieufe<br />

entreprife, qui ne devoit pas les intéreffer moins', que lui.<br />

1499 Tout Pappardl, qui convenoît pour Pexpédition de Syriiy étant<br />

caffalf ' prêt. Se les Troupes affemblées, fc Grand CASSAN fe mit à leur<br />

l!réedfi^ tête, au commencement de l'année 129p. 6c s'avança à gransyncjoin-<br />

des joumécs vers VEufrate. Le bruit de fa formidable Armée<br />

îrÂr^éî"" ifàifoit déjà trembler les Infidèles. Efle étok forte de deux cens<br />

rtl'^* mille Combatans, outre ks Troupes , que conduifoicnt ks<br />

Rois dArménk y Sf, der Géorgie, qui le joignirent, à l'entrée de<br />

k<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XIV. CH m. 73^<br />

k Syrie. Le Roi de Chypre, qui avoit été informé de cette entreprife,<br />

fit auffi partir les fiennes, avec ks ChevaUers des deux<br />

Ordres , qui débarquèrent à Antarde , pour y attendre leurs<br />

inftruétions, 6c favoir de -quel côté les AUiés commenceroient<br />

leurs opérations»<br />

Ils ne tardèrent pas à en être mformés. M E'L Ê C-N A S S E R,<br />

^ui avoit apris la marche des Tartares,. Se la ligue, que ks<br />

Chrétiens dAfie avoient faite avec eux, confidérant qu'fl lui<br />

étoit plus avantageux -d'aller à leur rencontre, que d'attendre<br />

qu'ils euffent pénétré dans fes Etats, pour ks combattre, fortit<br />

promtement dEgypte, avec k plus de monde qu'fl put affembler.<br />

Il groffit encore fon Ajrméc des Troupes de Damas, 6c<br />

des autres Ueux de la Syrie; fe flattant, qu'il empêcheroit, au<br />

moins, la jondion des Chypriots, 6c des Ordres MiUtaires,<br />

dont fl craignoit extrêmement k valeun<br />

Il s'avança dans k Province dApamée, Se rencontra PArmée<br />

Tartare y prèsde k ViUe dEmeffe. Il engagea d'abord Méieck<br />

bataifle, qui lui fut auffi funeftej quelle fut heureufe à fes S^^^/^'<br />

Ennemis. Malgré l'intrépidité, avec laquelle les Sarrafins com-Rois mis,<br />

battirent ce jour-là, ils y furent entièrement défaits. Le combat<br />

commença au lever du folefl, 6c finit à fon coucher. Le<br />

Soudan eut le bonheur de fe fauver, à k faveur des dromadaires,<br />

6c fut conduit jufqu'en Egypte, par quelques Bédouins, que<br />

k hazard lui fit rencontrer.<br />

Plus de quarante mille Egyptiens furent tués for le champ de Dtferiptkti<br />

bataflle, outre ceux que CASSAN luî même, le Roi d''Arménie y dls\^dl,<br />

Sc celui de Géorgie, qui les pourfuivkent jufqu'à nuit clofe, ^^*renverfèrent<br />

dans les campagnes. CASSAN détacha , dès le<br />

point du jour , MOLAÏ , l'un de fes Lieutenans-Généraux,<br />

avec quarante mifle Chevaux, afin de pourfuivre les fuïards,<br />

jufqu'à Pentrée du défert. Il Pexécuta avec tant de fuccès,<br />

qu'fl en défit encore une quantité prodigieufe. D'autres furent<br />

siSomiaés p^ les Chrétiens, qni habitoient le Mont-Liban. Les<br />

Aaa aa Cbf^<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


738 H I S T O I R E G F N E' R A L E<br />

Chypriots , 6c les Ordres Mflitaires cn attrappèrent aufll leur<br />

part ; de forte que ME JLEC-NASSER fut prefque le feul, qui éch^<br />

pât de cette terrible, Se fanglante joumée.-<br />

Articie///. ^^^^ grande Vidoire fut fuivie de k prife êEmeJ^y dont<br />

les Habitans fe rendirent à CASSAN, fans coup férir, 5c lui remirent<br />

tout k tréfor, que le Soudam3.voit dépofe dans leur Vflle,<br />

auffi bien que tous fes riches équipages, qu'fl eut la généme^c&<br />

^^^^^^ ^^ ^^^^^ diftribuar aux Troupes Tartares y Se ChrétienneSy.<br />

tréfor] que feus vouloit rcteuîr pour lui, qu'une épée, 5c une bourfe en<br />

yavw/" broderie, qui renfermoit un caliier, dans lequel étoknt écri-<br />

^A tes toutes les Terres de k haute y Sc de k baffé-Egypte.y avec<br />

le nombre de Troupes, que les Soudans avoient coutume d'entre^<br />

tenir. Après quoi, réfolu d'aller affiéger Damas y avant que<br />

ks Sarrafins puffent revenir de kur terreur, fl rappeUa le Roi^<br />

dArménie y qui s'étoit avancé jufqu'à Gaza y où MOLAÏ demeura<br />

avec une partie de la Cavakrie, 6cpartit pour afler attaquer<br />

cette ViUe, fans avoir donné que cinq jours de repos à fes Soldats.<br />

Ils s'étoient telkment enrichis des dépouifles des Ennemis,<br />

qu'ils fe trouvoient affez dédommagés des fatigues du voïage<br />

, 6c de celles du combat.<br />

La plupart des Vifles de h Syrie p qui n'efpéroient plus aucune<br />

fecours dEgyptCy Sc qui craignoient d'être prifes d'affaut, fe<br />

^l'mdT '^î^^^^^^o^^t^^^'^^^i^^^ CASSAN, f^ns même attendre lesap-<br />

Caffan,îw pTOchcs de fou Armée. Jérufalem fut de ce nombre, fi n'y fut:<br />

^!tm-P^^ P^^^^ entré, qu'il vifita, avec beaucoup de révérence, 5c<br />

u$airt^en dcdévotioH, k St.SépulcrcySc les autres lieux Saints, fiy laflfai<br />

îTlT'^^les Troiapes du Roi de Chypre y avec ks Ordres MiUtakes, en<br />

Î7Ï/ ^"^^"^^fony 6c^k ênftiicefe préfenter devant kfemeule Ville de<br />

Chypre. DamaSy que ks Habitans lui épargnèrent la peine d?affiéger,<br />

Ilfe prifen- o i i . * TI * • « 1 , 1 1 . ^ « . •<br />

te devant ^ «6 battre.. lls 1»! CH ouvrircHt dabord fes porCe», 6c lui en<br />

fa7usHa- «ï^^i^rent feselcfs par des Députés, qui lui demandèrent grabuans<br />

lui ce pour kurs vies. Se pour kurs effets. Ce grand Prince"fut<br />

^Z"^ " fi fenfiW© k km fôumiffi-ofl', qii^il ne voulut pas- feukment permettre-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XIV. CH. Ht. 739<br />

mettre à fes Soldats d'y entrer. Il fit camper toute fbn Arniée<br />


74.0 H I S T O I R E G E' N E' R A L E<br />

bord àretourner en Perfe. Il communiqua fon deffein au Roi dJrménky<br />

Se lui dit, " qu'fl aurok volontiers remis aux Chrétiens.^<br />

„ Latins toutes ks Places, qu'il avoit conquifes ; mais que^<br />

„ comme ils*n'avoient point affez de Forces, pour les confer-<br />

„ ver,.il y laiffok CATHALUSE, Pun de fes Lieutenans-Géné-<br />

„ raux, avec une partk de fon.Armée,. 6c MOLAÏ, qui fe<br />

„ trouvoit à Gaza, avec quarante'mille Chevaux.,, tant pour<br />

,5 maintenk fes conquêtes, que pour continuer la guerre can^<br />

„ trc les Infidèks. Il ordonna pourtant à ces-deux Chefs deremettre<br />

aux Princes Chrétiens les Places, qu'il avoit conquifesy<br />

6e de les féconder dans toutes kurs entreprifes contre les Sarrafins<br />

y en cas qu'ils envoïaffent du fecours, pour aider à fubjuguer<br />

les pays occupés p^r les Infidèks y pour maintenk le Roi<br />

de Chypre en poffeffion de ces conquêtes.- De l'avis du Rot<br />

dArménie y, il voulut envoïer à ces Princes des Ambaffadeurs,<br />

pour les. informier, de fes.progrès, Se du deffein, qu'fl. avait formé,<br />

dc ne pas remettre encore au Roi de Chypre ce qu'fl avait<br />

conquis, dans la crainte de perdre le fruit de fes travaux. Se<br />

de fes. vidoires,. parce que ce Princc étoit trop faible par lui<br />

même^ 5<br />

maiffefes If doima., en même tems, k gouvernement des principales.<br />

paleftine." Places,qu'fl avoît couquifes, àdcs officiers fidèles; mais îLeut<br />

Pinadvertance de confier cefle de Damas à un Sarrafin y nommé<br />

CAPECHEC, qui s'étoit depuis longtems attaché à fon fervice, ^<br />

Se partit. A' peme fut-fl'arrivé au paffage de VEufiratCy<br />

qu'il reçut un nouveau courier de Perfey par lequel on lui faifoit<br />

favoir, "que le désordre avok fert augmdhté; 6c que k:<br />

„ rebelle BAIDE. s'étoit tellement fortifié, qu'fl lui feroit mal-<br />

„ aifé de k réduire. ' Cette trifte nouvelk obligea CASSAN d'é»<br />

crire à CATHALUSE de kiffer k gouvernement^iâ SyriekMo-<br />

LAÎ, avec vingt miUe Chevaux feulement, 6c devenir inceffamment<br />

lè-joindre,'| avec, k refte de fçs Troupes; Ce çhange-<br />

' ^ ''' • .V, ' meiitn<br />

a<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XIV. Cri. IV. 741<br />

ment ôta bkntôt aux Chrétiens, 6c la poffeffion de Jérufialemy<br />

Se Pefpérance de fe rétablir dans la Paleftine,-<br />

MOLAÏ, avoit quitté Gazay Se s'étoit campé, avec fes vingt- Article//.<br />

miUe Chevaux, aux environs-de Damas.- CAPECHEC, CfOUYCr-^lf^^^<br />

neur de cette Ville,• qui, plus fin que lui, àvoitdéjà réfolu de f«r««"^^.<br />

trahir fon bienfaiteur, pôurr^rendrek parti de fon ancien câiran^/u-<br />

Maître, lui perfuada d'abandonner k fi*ontière de cetteProvin-^^^^î^^^<br />

ce, 6e d'aller hiverner.dans la grande vallée de GauTy beaucoup<br />

plus abondante en pâturages, 6c plus commode pour k<br />

Cavalerie; de forte que Péloignement de MOLAÏ, aïant donné<br />

à CAPECHEC occafion de négocier avec ME'LEC-NASSER, ce perfide<br />

lui fit propofer de lui remettre la ViUe de Damas y Se fes<br />

dépendances, à condition qu'illui en laifferoit k Gouvernementr,<br />

fa vie duramr. . ,<br />

Le Soudany ravi de recouvrer un pays, dont k perte lui<br />

avoit été fi fenfibk, 6e qu'fl >n'ofoit fe flatter de pouvok )reprendre<br />

à force ouverte , lui accorda non feulement fa demande<br />

, mais encore, pour le mieux engager dans fes intérêts-,<br />

lui promit une de fes fœurs en-mariage,; 6c une fomme d'or<br />

ta*ès-canfidérable.<br />

Enfuke de cet accord, les Troupes Egyptiennes trv^rftrent 1301.<br />

le défert y au commencement du printems, Se furent introdui-<br />

.tes dans le Roïaume de Damas y fans que MOLAÏ en eût aucune<br />

connoiffance, que lorfqu'fl n'était plus tcms d'y remédier,<br />

puifqu'il n'avoit point affez de Farces y pour cliâffer hs Sarrafins<br />

y qui avoient pris poffefijon de k Ville, 6cde tout le pays; Damas «de<br />

fotte que, fe voïant même hors d'état de fe maintenir dàns^^^^l*<br />

la Paleftine, où toutes les Places étoient démantekes, il reprit<br />

le chemin de k Méfioptamicy kiffant le Prince ALME'RIC, SC<br />

ks Ordres MiUtaires, qui avoient toujours demeuré à la garde<br />

de Jérufakmy dans k dure néceffité de Pabandonner, 6c de<br />

t'en retourner en Chypre y très-afifigés du malheur, qui avok,.<br />

en., un moment, renverfé tous leurs projets.<br />

Aaa aa i, AHITI,<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


74-^ H I S T O I R E G E'N E'R ALE<br />

Article///. Auffi, lorfque , quelque tems laprès, fls aprirent que k<br />

p^oîJ']e? Grand CASSAN, toujours également zélé pour le recouvrement<br />

Jj^ Or^m ^Q la Terre-Sainte y après s'être déUvré de la rébellion de BAIniarcbent<br />

DE, avoit tenvôïé CATHALUSE, avec trente mflk Chevaux, en<br />

ASe!** '^yt'ie y pour reparer k faute ^ qu'avoit commiïè MOLAÏ ; 5c<br />

fur^i'avis q^i'ii avoit dcffdu d'y venir lui imême en perfonne, les Chy-<br />

\Vc:!ïîzvi priots y Se les Ordres MiUtaires repaffèrent à Antarde, ou Torfoint^<br />

/q/^, avec beaucoup plus de lenteur, 6e moins d'efperance,<br />

revenir, qu'auparavant. En effet, la venue de CATHALUSE ne fit que<br />

leur caufer beaucoup d'eriib^ras, %e de la dépenfe inutfle. A-<br />

•peine fut-fl arrivé kAntiochey qu'il s'en retourna à grandes jour*<br />

nées en Perfey fur l'avis, qu'M4"eçut, que le Roi CASSAN fe trouvoit<br />

dangereufcment malade. De forte que les Rois d^Arménie<br />

Se de Géorgie y qui favoient joint avec leurs Troupes, fuient<br />

obUgés de s'en retourner dans leurs Etats, Se le Prince AL­<br />

ME'RIC, 6e les Ordres MiUtaires, de repaffer en Chypre y où fl<br />

ne tarda pas4 recommencer les complots, qu'fl trâmok, depuis<br />

long­tems, contre IcRoi fon Frère, dont fl n'avoit été détourîîé,<br />


DÉ CHYPRE. Liv. XIV. CH. IV: 7+^<br />

ïesrChypriots de k prudence, Sc de raffediony avec kquelle<br />

ce bon Souverain les gouvernoit ; quoi-qu'fls euffent devant les<br />

yeux les beaux étabUffemens, qu'fl avoit faits,pour leur procurer<br />

favantage du Commerce , 6c k bon- ordre qu'il faifoit obferver<br />

dans tout k gouvernement'; plirfieurs d'entre eux, tanr<br />

de la Nobkffe, que du menu Peuple, furent affex ingrats, pour"<br />

foivrc les mauvais fentimens des Princes fes Frères, jufqueslà<br />

même que k Roi devkit k fujet de leurs railleries, 6c de leurs<br />

infolences.<br />

Cependant, quelque criminelk que fût kur conduite, il k Artïde/r.<br />

toléra toujours, dans Pefpérance que fa générofîté, 6c fa dou- j^e;,^^^^.<br />

ceur les obUgeroient enfin à fe ranger à kur devoir ; mais fa f". ^""'^<br />

bonté, 6c fon indulgence, nefirent, au contraire, qu'augmenter<br />

leur audace, 6c leur témérité. Ils la pcwfEèrent même, juf^<br />

qu'à entreprendre ouvertement de le dépofer^<br />

C H A P r T R E V.<br />

Pendant que fc bon, 6c généreux Roi HENRI fouffroit ton- 1302.<br />

tes-ces révoltes, domeftiques, les Ambaffadeurs, que k Roi ^"^^^^^^<br />

CASSAN avoit envoïés cn Europy rempUffoient la Cour de Rome<br />

de joie. Se d'efperance. Chacun y prenoit paît au recouvrement<br />

dii Roïaume de: Jérufalem-, Sek f abaiffement d8^^ ifc*<br />

fidèles. BONIFACE VHP. Souverain Fontife, reffentoit une fetisfadion<br />

infinie, de ee que fes Chrétiens y qui en avoient étéchaffés,<br />

fous ks règnes de fes Prédéceffeurs, euffent eu k bonheur<br />

de rentrer, fous k fien, dans la poffeffion de cet Etat, «<br />

Sc des faints lieux, dont la perte avoit été fi fenfibk à tous ks<br />

Fidèks, C?cft pourquoi, afin de contribuer à leur affermiffe--<br />

Ktoflt, il fit faire db grandes provifîons^ d'armes, pour ks kur<br />

envoïer,;<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


Fxhortatiens<br />

du<br />

Pape aux<br />

Princes<br />

Chiétiens<br />

pour la<br />

guerre<br />

fainte.<br />

.Son EnViXé<br />

en i'rance >î<br />


D E CH Y p RE. LIV. XIV. CH. V. ' us<br />

de SciARRA COLONNE, Ennemi juré du Pape, qui perfécutoit<br />

furieufement fe Maifon; 6e de GUILLAUME DE NOGARET, qu'fl<br />

envoïa en Italie, Ils gagnèrent fi bien les Gibelins y dont les no%<br />

COLONNES foûtenoient le parti, qu'fls firent ce Pontife prifonnier,<br />

dans fa propre Maifon dAnagniy où fl mourut comme<br />

furieux , foit de faffront, qu'fl Rvoit reçu d'un fouflet, que<br />

SciARRA lui avoit donné, ou des douleurs qu'fl reffentit.; de for­ Aucun<br />

Prince de<br />

te que tous les projets, qu'fl avoit formés-, d'unir les Princes ^Europe<br />

Clfrétiens dans une nouvefle Croifade y Se tous les préparatifs "rntam]'»<br />

qu'fl avoit faits, en fon particulier, pour la foutenir, furent in-g^*^<br />

utiles; parce qu'aucun Prince d'Europe ne fongeoit plus, ni à<br />

feconder k R®i CASSAN, ni à aider les Chrét iensGrient aux, pour<br />

maintenir les conquêtes, qu'fl avoit faites en leur faveur.<br />

Leur indifférence n'empêcha pas CASSAN de pcrfévérer dans caîfan^/c *<br />

la réfolution, qu'fl avoit prife, de délivrer Jérufalem des mains JJ^^J'J"']'"<br />

des Infidèles. Il vouloit abfolument réparer les contretems, qui féconde fois<br />

étoient 2irrïf es en Paleftine y parla faute ^e fes Généraux. Il iSidè/es.<br />

marcha, pour la féconde fois, vers la MéfioptamiCy avec une<br />

Armée fi formidable, qu'au raport d'AvTOn dArménie y elle<br />

occupoit trois journées de chemin; c'eft-à-dire, depuis le Château<br />

de Cacabéy jufqu'à celui dElbirydont fl s'empara; mais fl<br />

fut obligé de s'y arrêter, par raport au dégât, que ks Sarrafins<br />

avoient faits dans toutes les campagnes, dès qu'ils avoient<br />

été informés de fa venue. Il lui fut im­poffible de continuer fa<br />

marche dans un pays, où il ne trouvoit point de vivres pour<br />

les Hommes, ni pour les Chevaux, dont les Tartares ne font<br />

pas moins foigneux, que de leurs propres perfonnes.<br />

CASSAN , pendant fon féjour à £/&/r, communiqua fes deffekis "J*^^^^^]"^<br />

aux Rois de Chypre y dArménie, 6e de Géorgie. Il les foflicita MS d-hrk<br />

le venir joindre, pour entreprendre la défaite du Soudan d'^-Géorgie/<br />

gypte y leur Ennemi commun. Ces deux derniers, qui étoient ^'^'^'^i'*<br />

le plus à portée, le joignirent avec leurs Troupes, avant la fin<br />

de .f hyver. Celui de Chypre fit promtement paffer les fiennes,<br />

B b b b b avec<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


74.6 H I S T O I R E G E'N F R A L E<br />

avec les Ordres MiUtaires aux Côtes de k Syrie, Cependant k<br />

mouvement de tous ces Princes ne fut gucres moins inutfle,<br />

que tous ceux qu'ils avoient faits auparavant. CASSAN reçut avis<br />

d'un nouveau foulèvement en/'fi^^y^, dans le tcms qu'fl fe difpofoit<br />

à traverfer J'^2^^/^; ce qui Pobligea à rebrouffer diejnin :<br />

5e tout ce qu'il put feke fut de kiffçr; encore le même .CATHA­<br />

LUSE , avec quarante mille Chevaux , dans l'efpà*ance que ce<br />

grand corps de Cavalerie, joint aux Forces-des autresrPric^ces,<br />

pourrait faire des entreprifes affez .confklécables fur les Sarrafins.<br />

"'.:•' . . "'-<br />

J304. Ces Troupes Perfanes entreront dans la ^y^e.y .Se ijuient<br />

tous les lieux, par où eUes pafferent, à feu., 5c à feng", iScv^avancèrent<br />

aux environs de Camélia, o^'ûs crurent, que k Sou*<br />

dan feroit arrivé, comme k prémkre fois; mais j^iant api'is,<br />

qu'il s'étoit retiré k Gazay ils affiégèrent Cmmlla, ^''ils^pùr<br />

rent d'affaut, 5e dont ils pafferent tous les-fiabitans ^u.fiLde<br />

Pépée. Les Troupes Chypriotes y T&rles^Ordres MiUtaires, arrivèrent<br />

fur ces entrefaites. Ils marciièrent enfemble vecs Damas<br />

y qu'ils auraient emporté, s'ils n'euffent eu fimprudenee<br />

d'accorder aux Habitans trois jours de trêve, pendant ksquels<br />

le Soudan arriva, avec fon Armée, Se fe canipa dans un lieu<br />

fort avantageux.<br />

Articie/r. Alors le Général 7}7r/^r^, en particulier, fâché d'avoir temporifé,<br />

fit une faute encore plus grande, que la première. Il<br />

voulut, contre favis du Roi dArménie, Se des Ordres MiUtaires<br />

, aller attaquer le Soudan dans fes retranchemens. Us étoient<br />

fi bien défendus, par une haute montagne d'un côté, 5e par<br />

un grand lac de l'autre, qu'fl lui fut impoffible de les forcer,<br />

oud'abliger le Soudan à en fortir. CATHALUSE fut obligé de<br />

regagner la plaine, où il trouva, à la vérké, abondance d'eau,<br />

Se de pâturages; mais fl y fut en danger de périr avec toutes<br />

fes Troupes, dès le même fok qu'il y arriva.<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong><br />

Les


:: DE CHYfR'K. Lir.^XIV. CH.V. nt<br />

Les Habitans de Damas , encouragés par k proximité de<br />

leur Souverain , profitèrent fi à propos de la mauvaife démarche<br />

du Général T/sr/^r^, qu'ils lâchèrent plufieurs édufes, dont<br />

ils fe ferment pour arrofer kurs jardins. .Ils inondèrent tout fon<br />

Camp, 6c la campagne d'alentour ; de forte que, comme Pobfcurité<br />

de k nuit augmentok la confufion, que caufa cet «fticTdént<br />

irtiprévu, lés Tartares y ni les Chrétiens y ne purent difcerner<br />

ni difemins, ni fentiers. Il cn périt un grand nombre dans<br />

ks'foffés', en vouknt évker d'être fubmergés : Et, quoi que le .jour JmuT£'<br />

fuivant, ils fortiffent avec beaucoup de peine de .cet embarras, ^^^7"^^ fç<br />

ks Perfes y en particulier, perdirent, outre leur bagage, une<br />

fi grande quantité de Chevaux, que CATHALUSE fe trouva obU- ^^'l'^T^^^^<br />

gé de reconduire ce qui lui reftoit en Perfe. Les Rois deGéor- chez fou<br />

gie y Se dArménie y auffi bien que les Troupes Chypriotes y<br />

s'en retotimèrent chez eux, tous-^akitient fatigués des grandes<br />

peines,. 6c des îdépènfes exceffives, 5c infradueufeis, qtie<br />

leur avoient Hamfées ks mouvemens des Tartares, qui fe ter- isoyminoient<br />

toujours d'une manière fî desagréable.<br />

Cependant, quelques rebutés qu'ils en fuffent', ils ne purent<br />

s'emp'êdier xle rf^re tous dé aoUveaux préparatifs, lorsqu'ils<br />

reçurent, quelque tems après, la ^nouvdle, que le Roi CASSAN<br />

fe difpofoit à faire une ,troifîème tentative, pour chaffer les Infidèles<br />

de la Terre-Sainte. En effet, ce Grand Prince z-^oitMortdu<br />

cette entreprife fî fort à cœur, qu'fl avoît affemblé une Armée faï.<br />

auffi nombreufe, que la précédente, pour retourner en Syrie;<br />

Se fl Pauroit exécuté, fî la mort n'avoit interrompu fon généreux<br />

deffein , 6o terminé Pefpérarice , qu'avoient encore les<br />

Chrétiens y de rentrer dans la. poffeffion du Roïaume de Jéru^<br />

falem y d'autant plus qu'un de fes Frères, nommé CARABAGAN-<br />

DA, qui lui fuccéda à k Couronne de Perfe, avoit embraffé<br />

le Mahométifme y 6c s'étoit ouvertement déckré leur Ennemi.<br />

Bbb bb 2 CHA-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


748 H r S T O r R E G E' NE' RALE<br />

e H A p I T R E VL<br />

PfpgrlvL"Pendant que les affaires des Chrétiens Orientaux tombaient<br />

Tmci dans X. ainfî CU décadcncc, 5c qu'fls fe confumoient infrudueufe^<br />

Grrt/^ ment, celles des Infidèles prenoient, au contraire, plus de vigueur,<br />

que jamais ; car,fî les Soudans s'étoient entièrement emparés<br />

de la Pakftine y les Turcs ne faifoient pas moins de progrès<br />

de leur côté. Ils commencèrent même à étendre leur domination<br />

dans VEurope. OSTROGULE ,- ou ESDRAGUL , Fils<br />

d^AuGusALPE., encore plus belliqueux, 6c • plus • entreprenant,<br />

que n'avoit été fon Père, mit ^ feu, 5c à feng, ks principales<br />

Iles de VArchipel y le Peloponèfe y Négrepnty Se tout k pays<br />

d!Athènes.' U fut enfuite élu Capitaine-Général de leur Nation,<br />

6t fut fî bien profiter- des embarras des Empereurs Grecs, qu'en<br />

moins de deux ans, fl fe rendit maître de toutes les Provinces,<br />

qui confinent la Mer-Majeure.<br />

Naifance OTTOMAN, fou Ffls, qu'fl avoît couduit daus toutes fesexottomar<br />

péditions, ne démentant point Pefpérance, qu'fl en avait conçue,<br />

continua, après-Ta mort, la guerre , avec tant de bonheur, 5c<br />

devint fi puiffant, 6e fi chéri des Troupes^ qu'ALADiN, leur<br />

Souverain, qui avoit étabUfon fiége Roïal à Iconiumy Vflle ca-<br />

Srr P^^^^ ^^ ^^ Lycaonie, commença à craindre fe valeur ; de fortc<br />

Aladin. qu'aprehendant, qu'il ne fe joignît aux Tartares y qui incommodoient<br />

extrêmement fes Etats, fl aima mieux fe priver defon<br />

affiftance, que de fouffrir l'inquiétude, que lui caufoit fon cré-<br />

3300. dit^ 5c fon autorité. Il lui donna une partie de fes Troupes,<br />

6c lui permit de continuer à pouffer fes conquêtes contre. ks<br />

Grecs. Il Pexécuta avec tant de fiiccès, qu'fl leur enleva bientôt<br />

d'autres Provinces, Se s'étabUt enfin fî puiffamment dans fes<br />

cQnquêtes, que le même ALADIN confentk, qu'fl prit le nom<br />

'^ ' de.-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIV. XIV. CH. VI. U9<br />

de Sultan; ce qui arriva vers Pannée 1300. de Jéfus-Chrift.^^^^f^^^<br />

Ce fut là le commencement de PEmpire Ottoman y qui fe trou-mm de<br />

ve aujourd'hui fî puiffant, 5e fî confîdérable, 6c qui a été la ^"'"°* '<br />

terreur, 6c l'entière deftruétion des C/?r^//tf«i Orientaux y tant<br />

Grecs y que Latins. Ceux-ci contribuèrent eux mêmes à' k<br />

grandeur, 5c à f affermiffement dc leurs Ennemis communs,<br />

par la difcorde, 5e la mes-intelUgence,-qui a toujours régné<br />

entre eux.<br />

En effet, les ANDRONICS , d'un côté, ^paroiffoientvbien plus ^"î^ie //.<br />

difpofes à s'entre-détruire, qu'à défendre kur Empire de finvafion<br />

des Infidèles. Les Latins y de l'autre côté, foit par ]^--^ffo^'^ploufie,<br />

par mtérêt, ou par ambition, n'agiffoient jamais derRouumede<br />

concert ,paur fe maintenir dans les beUes Provinces, qu'fls avoient ^^^^^^'<br />

conquifes ; Et , enfin , la Maifon de LUZIGNAN , au Ueu de<br />

penfer, qu'elle étoit environnée de ces dangereux voifins,-con»<br />

tre ksquels fl lui faUoit être continuellement fur fes gardes, ne<br />

s'occupoitqu'à diminuer fes propres forces, par la dffcorde, qu'elle<br />

entretenoit dans fon fein.<br />

ALME'RIC, que k mort de Gui, fon Frère, approchoife<br />

encore de la Couronne, réfolu de tout mettre en ufage pour<br />

la pofféder, fans attendre qu'elle lui parvint naturellementy^.^^*'"^5T<br />

s'accommoda avec fon Frère CAMERIN , égakment amateur de Chypre,<br />

nouveautés, 5e fe déclara Chef d'un parti de mécontens, qu'il<br />

trouva difpofes à priver le Roi du gouvernement, 6e à k lui<br />

remettre entre les mains. lisprirent-pour.prétexte, que ce Prince<br />

n'avoit pas fait pourfuivre trois Corfàires Génois y qui avoient<br />

facagé le Bourg de Pifcopie, où ils avoient fait defcente, fous<br />

ombre'd'y vouloir faire quelque commerce. Les excès de cr Haute,<br />

6e de brutalité, que ces Pirates avoient commis, avoient fi<br />

fort offenfé Gui DE ZIMBLET, qui en étoit k Seigneur, qu'fl<br />

ne put digérer f indifférence, aveckquelfe le Roi aprit ce désordre,<br />

6c. k ruine de fes Vaffaux. Il révolta tous fès amis, qiû<br />

Bbb bb 3 étoient :<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7p H I S T O I R E GE'NE'RALË<br />

étoient en graAd nombre, 5e s'adreffa au Prince ALME'RIC,<br />

pour f exciter à prendre fon parti.<br />

JIKS Soit qu'ils euffent déjà concerté l'affaire entre eux, ou par<br />

rf'Aiméric, jjafard , l'occafion parut fi favorable à ALMÉRIC, qu'aïant<br />

m! " le commandement desTi'oupes, fl obUgea tous ks Barons, qui<br />

fe trouvoient alors à Nicofie y à s'affembler dans fa Maifon. 11<br />

kur repréfenta par^un long Difcours, bien étudié , " Pinterêt<br />

qu'ils avoient tous de prévenir promtement les mal­<br />

33<br />

heurs , qui menaçoient le Roïaume, aux quels la nonchalan-<br />

3)<br />

3, ce, 5e les indifpôfitiôns du Roi ne lui permettaient pas de '<br />

„ remédier; Que, ce Frince devenoît .même infenfiblç aux<br />

,, désaftrçs de fès Sujets ; Qite k désordre, qui venait d'arri-<br />

„ ver à Pifcopie, augmenteroit la hardieffe, 5e la témérité des<br />

„ Pirates; de forte que toUtes les cotes de l'Ile en feraient bien-<br />

„ tôt inondées , 5c expofées aux mêmes ravages, 5c tout le<br />

,, Roïaume en danger d'être envahi par les Infiàèks, qui ne<br />

„ manqueroient pas de profiter de k foibleffe du Souverain."<br />

Ajoutant, " que, comme fl était lui même plus intéreffé, qu'aucun<br />

autre, à la confervation d'un Etat, que fes Ancêtres avoient<br />

35<br />

fibienétabU, 5e fi glorieUfement maintenu jusqu'alors, ils<br />

33<br />

3, les avoit convoqués, pour leur en demander fadminiftratîon,<br />

„ 5c le gouvernement , tant pour foukger le Roi fon Frère,<br />

„ qui ne pouvoir y vaquer davantage, fans altérer entièrement<br />

„ fa fanté, que pour garantir les Peupks des défolations, aux-<br />

„ quelles ils étoient expofés tous les jours.<br />

Article///. Quoi quc CC Difcours furprît plufieurs de ces Sdgneurs, qui<br />

aimoient la juftice, 6c la fidéUté, qu'ils dévoient à leur Souve-^<br />

rain, la manière, dont ALME'RIC venoit de s'expliquer, 5c<br />

§'£T"'lîl violence, avec laqueUe fl les avoit affemblés, leur fit comgneurs<br />

,fé- prcudrc, què kur réfiftance ferait inutile ; qu'fl n'avoit recher-<br />

Aiméric. clié kurs foffragcs, qu'en apparence; Ôcque fon parti n'étoit<br />

dHéyà que trop puiffant, pour faire réûffir fes mauvais deffeins. Us<br />

con-<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE C H Y P RE. LIV. XIV. CH. VI. 7 n<br />

confentkent à fes volontés, 5e lui prêtèrent le ferment de fidélité,<br />

qu'fl voulut abfolument en exiger, en quaUté de Régent<br />

du Roïaume. 11 les contraignit même de foufcrire un Ade,<br />

qui portoit, "que le Roi n'aurok plus que le Titre Roïal y fans<br />

„ fe mêler d'au cune affaire du gouvernement, lequel, pgur plu-<br />

„ fieurs raffons, qui y étoient expliquées amplement, demeu-<br />

„ reroit entièrementà la difpofîtion du Prince ALMÉRIC, fon<br />

„ Frère, qui lui paierait tous les ans cent quarante raille be-<br />

„ zans pour l'entretien de fa Maifon, .Se difpoferoit.des autres<br />

•„ revenus de k couronne-pour les.befoins de l'Etat.<br />

Après ces formalités, fans avoir aucun égard aux remontrances<br />

de la Reine fa Mère, qui s'y étoit rendue, 5e qui, pour<br />

arrêter fa violence, fe fçrvit de tout ce qu'une Mère tendre, 5c -<br />

•affedionnée'pour le repas de .fes Enfans, peut dke de plus toiicchant,<br />

ce Prince ambitieux 5c dénaturé fe.fit accompagner de<br />

toute l'Affemblée; 5e, fuivi des Troupes, dont fl avoit fait entourer<br />

fa Maifon, flalla trouver le.Roi, auquel fl déclara ouvertement<br />

, " que le Confeil aïant confidéré, que.-Sa. Majefté n'étoit<br />

yy -point en état de vaquer aux affakes du gouvernement, avoit<br />

„ jugé à propos,tant pour ménager fa fanté,.que pour k bien<br />

55 w commun de fes Peuples, de le décharger de ce. pefant far-<br />

,5 deau, 6e de lui en donner fadminiftration avec ki Régence<br />

„ du Roïaume; qu'ainfî, il le priait de ratifier ce que ce fage<br />

5, Corps avoit établi à,ce fujet. En même tems, fl lui préfenta Aimëric<br />

PAde, que tous ks Barons avoient figné, avant de fortk de ^fg««


7J2 H I S T OIRE "G E' N E' R A L E<br />

fa Perfonne, 6efur fon autorité, fl n'avoit donné aucun ordre,<br />

pour détourner leurs attentats. Par .cette nonchalance, fl fe<br />

trouva hors d'état de s'y oppofer; 6c tout ce qu'fl.put faire,<br />

dans cette trifte fituation, fut de dire à fon Frère, "que,cam-<br />

„ me le Confefl fupérieur ne pouvoit être convoqué, que par<br />

fon ordre exprés, 6e que fes délibérations n'avoient aucun<br />

33<br />

pouvoir, fans fon confentement, ce qu'il venoit de faire ne<br />

3)<br />

pouvoit fubfifter, puifqu'il Pannulloitdès-à-prefent, -5e le re-<br />

..93<br />

„ voquoit entièrement. " Il s'addreffa enfuite aux Barons, 5c<br />

leur dit, " qu'fls dévoient tous fe reffouvenir, que ccux du<br />

Roïaume de Jérufalem n'avoient jamais fongé à rien entrepren-<br />

33<br />

•dre fur fautorité Roïale, ni nommer aucun Régent, durant<br />

33<br />

le règne de BAUDOUIN IV. quoi que, dès fon enfance, ce<br />

53<br />

Prince eût étéffi aflftigé de la lèpre, qu'elle l'avoit rendu en­<br />

33<br />

tièrement incapable de vaquer aux affaires du gouvernenient,<br />

35<br />

„ Se même réduit à ne vivre qu'à demi.' ^<br />

33 Que, quanta lui, grâces à Dieu, les indifpôfitiôns, qu'il<br />

„ reffentoit, ne l'avoient jamais empêché de fe trouver à la tête<br />

„ de fes Troupes , Jors que fa Perfonne y avoit été néceffaire,<br />

„ 6c même d'y remplir les devoirs de Prince, Se de ban Sol-<br />

„ dat, dans les occafîons les plus périUeufes ; Qu'ils étoient<br />

„ enfin tous témoins de Paffedioff, avec laquelle A avait tou­<br />

33 jours gouverné fes Sujets, 5c cherché à leur procurer Jes com­<br />

^3 modités , 6c l'abondance ; Qu'à Pégard de l'irruption, que<br />

„ les Corfàires Génois avaient faite à Pifcopie, c'était au Prince<br />

„ A L M E'R I c, 6c non à lui, qu'il fallait s'en prendre, puis-<br />

„ qu'fl lui avoit confié le commandement de fes Troupes, pour<br />

„ vefller à la confervation de tout k Roïaume.<br />

Articie/r. Lc Roî alloît continuifr fon Difcours, lorsqu'A L M E'R I c f interrompit.<br />

Il craignoit, que fes bonnes raifons ne fiffent revenir<br />

ks Seigneurs. Il lui repartit brusquement, " qu'il derAUnénc.<br />

M ^oît être fatisfàit de fa modération, puisqu'fl fe contentok<br />

„ de k Régence, 6c qu'fl avok refufé le Trône, pù tous les Ordres<br />

33 du<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


OECHYPHE. LIV,XIV, CH.VI rH<br />

,î du Roïaume, vouloient le placer ; Que Pamîtié Sc îa défô-<br />

„ rence, qu'fl avoit pour fa Perfonne, lui avoient fait refufer<br />

„ cet honneur: Et, fans voulok plus rien écouter,, fl alla,, fur<br />

le champ, fe faifir des deniers Roïaux, 6c de tous les tréfors dc<br />

la Couronne, pendant qu'il faifoit publier fe Régence, à fon dc ^<br />

trompe, dans toutela ViUe, 6e qu'il faifoit jetter au Peuple beaucoup<br />

plus d'argent, qu'on n'enr^andoit à l'avènement des Rois.<br />

Alors HENRI, ne fe croïant pas affez en fineté dans l'appartement<br />

de la Reine, fe Mère, où fl s'étoit retiré, 6c confidérant<br />

, que Pambition dc régner étoît capable de tout faire<br />

entreprendre àfon Frerc; de l'avis dc cette Princeffe, 6c<br />

accompagné, dc quelques vieux Courtikns, aUafe réfugkr daps<br />

la Maffon du Seigneur d'IsELiN. Celui-d , qui avoit prévu ^îf'^J'Iï<br />

l'orage, qui venoit d'éckter, s'étoit déjà bien fortifié, perfu^.-Seigneur<br />

dé que fon attachet^içnjt pour le Roi lui attireroit immancable- ^^^^^^^'<br />

ment la perfécution d'A. L M E'R I c , 6c fon inimitié ouverte ;<br />

mais la confolation, qu'A eut de recevoir ce Prince dans un<br />

meflleur état, qu'fl n'avoit ofé fefpérer, lui fit Iiardiment redoubler<br />

fes foins, Sc fa prévoïance, pour k défendre jufqu'à k<br />

dernière goûte de fon fang.<br />

La quantité de Perfonnes de diftindion, que k Roi rencontra<br />

chez k Sénéchal, lui fit d'abord concevoir k deffein d'afler,<br />

Pépée à la main, arracher à fon Frère k gouvernement, dont<br />

il venoit de k dépouifler fi injuftement. Il trouva cette flluftre Âéfehaim<br />

compagnie fi bien difpofée à k feconder, qu'fl afloit fortir pour SS^^iJ.<br />

Pexécuter, 6e punir Pinfolence d'A L M E'R I c, lorsque la Reine leur ]ff'J'f.i^<br />

Mère,qui appréhendoit,que cette fédition ne fe termmât enfin def»Min-,<br />

par la mort tragique (de fes Enfans, l'arrêta, lui rcpréfentant,<br />

'^ que fon entreprife ne pouvoit avoir Ueu, par la précaution,<br />

" qu'avoit eu ALME'RIC d'engagcrks ChevaUers deV Hôpital,<br />

" 6c du Tempky à le foutenir. Ils étoient même vem» à Nicofie<br />

y Sc avoient joint leurs Troupes à cefles du pays, qui étoient<br />

entièrement dévoilées à ALME'RIC. Ceft pourquoi eUe pria<br />

Ccc cc le<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


1f^ H I SiT O IRE G EN]E'R:A.-L E<br />

k'Roi d'attendre, qu'dle eût pariétaux Maîtres des deux ReUgions,<br />

pour les engager à rentrer dans leur devok, 6c pour les<br />

exhorter à y ramener fon ambitieux Frère*<br />

C H A P I T R E VIL<br />

Article/, ^^ette prudente Princeffe fit fi tien fentir à ces ChevaUers,<br />

V^ qu*ils agiffoient, en cette occafion, contre les Statuts de<br />

de leur Orcke, 6c contre la reconnoiffance qu'ils devoknt conferver<br />

pour les bontés, que k Roi avoit eues pour eux,, qu'el-<br />

%Tnet^. le les obligea enfm à renvoïer leurs Troupes à Limifoly Sc à<br />

eifîertout, agir de concert avec Elle pour remettre k paix dans la famflle<br />

««r. ""Roïale; Maîs on n'y put réùffir. AL M E'RI c, endurci dani<br />

fe'révolte, étqit réfolu de'fe conferver le commaroieniènt,' à<br />

quelque prix que ce fût. Il fut même fî piqué du changement<br />

des Chevaliers, qu'fl n'eut plus pour eux aucune confîdération.<br />

Se chercha, au contraire , toutes les occafîons de les chagriner..<br />

^ '*<br />

Le peu de foccès dés Négociations de k Reine, aïant fait<br />

connokre au Roi, qu'il rifquoit la vic, 6cla fortunie de tantde<br />

Seigneurs, qui s'étaient offerts à lui, le fit réfoudre de céder<br />

à la neceflfîté , 6e d'envoïer k plus fécrettement qui lui fut<br />

. poffibk des Ambaffadeurs au Pape,- pour le prier de l'aider à<br />

/iaiistro. rentrer dans la domination d'un Etat,'dont Dieu Pavoit fait<br />

fe PnWr Jisiître légkime Souverain; 6c,'afin de donner à fes Miniftres<br />

Hugues, le tems d'agir auprès du Poikife, 6ff d'ôter à fon Frère tout<br />

*^^"'foupçon, qu'fl fongeât'- à lè troutler dans^ fe Régence,, fl<br />

remercia ces Seigneurs de leur bonne volonté, 6cfe retka'au<br />

Vfllage de 5/r(?î?//7(7, lieu délideur, oùfl s'occupait des plàflîrs<br />

diampètres, de kdiaffe, 6c de'k pêche, cn compagnie d$<br />

jeunet<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE. CHYPRE. LivrXIV. CH. VII. ^jçf<br />

jfeime Prince HUGUES, fori Neveu, qu'fl y avoit conduit, &<br />

pour k vie duquel .il ne craignoit pas moins, que pour k .<br />

fienne<br />

Mais cette innocente retraite, hien loin de mettre l'efprit r&^^^.<br />

d'ALME'Ric en repos, ne fit qu'augmenter fon inquiétude.*^Jp«^î«"*<br />

Il ne pouvoit s'imaginer,que leRoi paûàt fi promtement d'une îfo.<br />

extrémité à l'autre, fans quelque miftère ; de forte que, pour<br />

empêcher, que kRoi, ou la Reine n'envoïaffent quelque Emif^<br />

faire aux Princes dEurope y pour fe plaindre de lui, fl défendit<br />

expreffément dans tous les Ports du Roïaume, de laiffer partir<br />

aucun Bâtiment fans fa permiffion, 6c.fens être cxadenaent -<br />

vifite par des Perfonnes affidées, qu'fl y prépofeJ U mit de<br />

plus des efpions auprès d'eux, afin d'être également informa<br />

de toutes leurs démarches , 6c du commerce qu'fls pouvoient<br />

avoir au dedans, Sc au dehors; de manière qu'fl ne tardt-pas<br />

à pénétrer l'expédition, que k Roi avoît faite à la Cour de Rome<br />

; ce qui augmenta fi fort fes aUarmes, qu'fl en devint comme<br />

furieux. Ceux même qui.l'avoient aidé à s'emparer du<br />

gouvernement, n'étoient plus à Pabri de fes emportemens, ni<br />

dé fes infultes. Il faffoit emprifonner les uns, exiler les autres,<br />

ou eonfifquer kurs bkns, for le nïoindre foupçon.<br />

Cependant, comme ALME'RIC craignoit beaucoup plus Article//.<br />

Pîmpreffion, qu'on auroit pu donner de fe conduite aux Princes<br />

dEurope y que tous les mouvemens intérieurs des Chypriots y<br />

Sc que,tout méchant qu'fl étok,il appréhendoit ksCenfuresdu f'^^f^<br />

Pape, fl fit inceffamment équipa* une galère, fur laquelle fla«/'ûi'ff.<br />

fit embarquer ks Barons HUGUES FISCAL, 6C GUILLAUME DE<br />

ViLLERs , avec le Père NICOLAS , Cordelier, qu'il envoia en<br />

qûaUté d'Ambaffadeurs au Pape, pour lui reprdènter, "queles<br />

„ infirmités du Roi fon Frère, 6c fon peu d'attention aux af-<br />

„ faires de l'Etat, aïant été caufe de plufieurs désordres, qui<br />

,, y étoient arrivés, par l'invafion des Pirates, qui avoient ra-<br />

„ vagé les côtes de l'Ile, k Cour Supérieure, 6c tous les Orv.^<br />

Ccccc2 „ dres<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


f ïtf H I s T o I R E G E' N E' R A L E<br />

5,'-dresdu Roïaume l'avoknt foUidté à en prendre k gouver-<br />

5,.nement, afin de remédier à tant de maux, Sc veiller à.k<br />

„ confervation d'un pays, qui, après la perte de la Pakftinéy<br />

jj^^,5^ étoit devenu k boulevard de la Chrétienté;'" Et, pour mieux<br />

fadeurt apufer CCS raifoDS, 6c ks rendre recevabks kk Cour de^Romey<br />

éTp^ifeni. .fl eutfoin de munk ces Miniftres de plufîeurs riches, préfenis, 5e<br />

de beaucoup d'argent comptant, pour en répandre dans les<br />

occafions.<br />

Mais, foit que Dieu ne voulût pas bénir le voïage de gens j,<br />

qui alloient folUciter une fî mauvaife caufe, ou que les mariniers<br />

manquaffent à leur devoir, cette Galère échoua fiir ks écueils<br />

d'une petite Ik de V Archipel y Se s'.entre-ouvrit fî fubitement,<br />

qur'fls y périrent tous avec kurs richeffes. - Cependant les Ambaffadeurs<br />

du Roi, étoient Jieureufement arrivés auprès de<br />

CLE»ffîNT V. qui avoit fuccédé à BE'NOIT XL. après, dix mois,,<br />

6c huit jours de fîège vacant. Ils folUcitoient; fort ce nouveau:<br />

Pontffe à interpofcffj fon autorité, pour faire rentrer le...<br />

«07. Prince ALME'RIC dans l'obéïflknce,, qu'il devoit à. foo. Souverain.<br />

' '<br />

C L E'M ENT, qui, avant»-fon jexaltatibn , étoit Evêque de.<br />

Bordeaux, 6c originaire de cette Province , après avoir été.<br />

couronné k Lfon y où les Cardinaux s'étoient rendus, voulut<br />

remédier aux fcandales, qui étoient arrivés fous le Pontificat<br />

de BONIFACE VIII. Il étoit occupé dc- ces grandes affaires, 6c<br />

'^ à récondlier l'Eglife avec PHILU»PE^LE-BEL, Roi de i^r^»^^. II.<br />

donna à ce Prince PabfoktiQU-des. cenfures fulminais par BO­<br />

NIFACE, 6c ki accordâmes 4écimes fur tout fon; Roïaume, pendant<br />

cinq ans. Il rétahUt les Cardinaux JAQUES. , 6c PIERRE<br />

^^gj,j^^ COLONNE dans ks dignités , les honneurs , Sc les bénéfices,,<br />

Rome e dont îls avoieut été privés. Il créa plufieiurs Cardinaux, 6ç^.<br />

îSa« inveftit enfm Dom JMME, Roi dArragon y du. Roïaume de<br />

"»^' Sardaigne; Ainfi, malgré les preffantes-foUicitations des Ambafiàdcurs<br />

du Roi deChypre^ il fe paffa près de trois, ans, avant<br />

que<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


DE CHYPRE. LIT. XIV. CH. VIL 7Jr.<br />

que k Pontffe pût travafller au rétabUl^nent de ce Prince.<br />

ALME'RIC , qm, pendant ce tems, éprouvoit le fort ordi- Article///,<br />

naire des Tyrans, qui eft de ne jamais goûter auCun repos, /^K*<br />

méditoit inceffamment les moïens de fe défaire du RoL C'étoit furiavie<br />

k feul remède, qu'il croïoit néceffaire, pour terminer fçs in- j^frJ^<br />

quiétudes. Dans ce deffein, fl afla kStrovillOy avec unc bande<br />

de fcélérats, pour l'affaffiner ; mais , heureufenaent, la<br />

Reine, qui avoit pénétré la confpiration, fen fit promtement<br />

avertir par un Religieux Dominicain, Le Roi, qui eut le tems<br />

de fe retker k Nicofie y par des diemins détournés, fe réfugia<br />

de nouveau dans la Maifon du Sénéchal d'iBELiN, où A L- J^^<br />

ME'RIC l'affiégea, 6c le réduifît à l'extrémité. Les Evêques<br />

de Famagoiflcy de Limifoly Se de Baruthy agirent cependant<br />

fi eflScacement auprès d'A L M E'R I c, qu'ils Pappaifèrent enfin y<br />

Se obtinrent, par grâce fpéciak, que le Roi pourroit fe retirer<br />

dans fon Palais-, .65y vivre, trànquilement avec la Reine fa Mè^<br />

re; 6e que les Seigneurs, qui avoient pris fon. parti, pourraient<br />

également aller vivre fur kurs terres.<br />

Mais ce Tyran ne fut pas moins parjure dans cette occafion,<br />

qu'il Payoit été dans toutes les autres. Contre la parole qu'il<br />

avoit donnée aux Prélats, fl obligea le Sénéchal, 6c tous les ornons<br />

autres Seigneurs, qui fe trouvoient auprès de lui, d'aUer à pié, jj?f^^j^<br />

6e fans, armes, 6c fit mener à fon Palais les domefiiques, ou<br />

autres gens, qui étoient aux gages de ces Seigneurs, piés, 6c<br />

tête nue, 6c les mains derrière k dos, pour lui faire amende<br />

honorabk. Non content de cette vioknce, il les rélégua tousdans<br />

les Châteaux de file, où fl leur fit endurer une prifon trèsrigoureufe.<br />

Il traita pourtant, avec plus de douceur, le Sénéchal,<br />

les Barons DA^IERRE, Se RUFFIN DE MONTFORT, qu'il<br />

rélégua, Pun à Carpaffo y l autre à Lapathos y Se le Sénéchal<br />

kAHmerio; Mais, malgré les prières d'une des DemoifeUes<br />

de Madame de BARUIH, qu'ALME'RIC efthnoit mfiniment,<br />

Ccc cc 3, il<br />

<strong>ΚΥΠΡΙΑΚΗ</strong> <strong>ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗ</strong>


7^8 H I S T O I R E G E' N E' R ALE<br />

il l'envoïa quelque tems ^ràs prifonnier en Arménie y avec<br />

BALIAN D'IBELIN, fon Neveu, dont fl ne craignoit pas mains<br />

ks entreprifes. U avoit obtenu la permiffion du Roi d'Arménie<br />

y dont fl avoît époufé k Sœur, d'exiler dans fes Etats tous<br />

ceux qu'il voulott, parce qu'il faifoit efpérer à ce Roi, que les<br />

Enfans qu'il auroit de fa Sœur, pourroient parvenir à la Couronne<br />

de Chypre. \<br />

Alméric -NoD contcut dc toutcs CCS vlolences, 6c toujours inquiet,<br />

reie^Roi k fl'afla lui-mêmc, pendant la nuit, fe faifir de la perfonne du<br />

\ç'Wd^^ià ^^^ ^^^ Frère, le fit mettre dans une Utière bien fermée^5c<br />

en Armé- conduirc à Fàmagoufte-y fous fefcorte d'une Compagnie de Ca-<br />

""^'- ^ Valérie, commandée par CAMERIN, fon autre Frère, 5c le fit<br />

d'abord embarquer fur une Galère, qui k conduifit enArménie,<br />

où, à fon arrivée, fl reçut d'affez bons traitemens; mais, fait<br />

qu'on craignît , qu'fl ne fût enlevé par le Baron JAQUES DE<br />

MONT-OLIF, qui, de Baffo y où fl étok exilé, s'étok<br />

fahvé à Rhodes y avec une Galère de l'Etat , ou qu'on crût<br />

d'abfêger fes jours, en ajoutant, à fa mauvaife fanté le chagrm<br />

d'une étroke prifon, où fcnfçrma dans le Château de Lambrouy<br />

où il étok fi bien gardé, qu'il ne lui étoit pas permis de recevok,<br />

ni vifités, ni Lettres, de qui que ce fût. Traitement,<br />

que ce Prince infortuné trouva fi infuportable, qu'fl difoit fouvent,<br />

que la perte defa liberté lui étoit infiniment plus fenfibk,<br />

que celle de fa Couronne,<br />

CH.A P I T R E VIII.<br />

Aim^fc' S^" éloignement fit cependant changer de maxime à ALME':<br />

rapeiieies ^ RIC, fon Frèrc. Commc fl défirok d'appaffer Ics mécontcu-<br />

7eidiew^^^^^^^ qu'fl avok donnés aux Grands du Roïaume, fl rendk<br />

la<br />

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DE CHYPRE. LIV. XIV. CH. VIU. r^p<br />

k Uberté à tous ceux qui étoient détenus dans fes Fortereflfe8,6c J^î^'^f^*<br />

rappefla à la Cour tous ceux qui étoient exilés fur leurs terres. cemMe<br />

11 lour reftitua, en même tems, les biens qu'fl leur avoit fait<br />

eonfifquer, leur fit plufieurs gratflications, 6eenfin ks combla tous<br />

d'honneurs, Sc de careffes, dans la vue de leur faire oublier,<br />

par ces bons traitemens, les pertes, 6cles incommodités, ^11<br />

leur avoit fait foufi&'ir; mais la plupart de ces Seigneurs n'ofent<br />

fe fier à ces fauffes démonftrations d'amitié ; perfustdés' que k<br />

poUtique y avoit plus de part, quelalmcérité, s'arrêtèrent, ou<br />

fe retirèrent fur leurs terres, en attendantquelque heureux changement<br />

dans les affaires de fEtat, qui fe trouvoit alors dans<br />

unc fort trifte fituation,. qui devint encore plus mauvaife.<br />

Car Dieu, qui vouloît apparemment diâtier les Chypriots<br />

de leur foulèvement contre leur Roi, aflifigea le pays d'une fi<br />

grande féchereffe, qu'eUe caufa k perte de tous les fruits de k<br />

terre, 6edes beftiaux, qui, faute de pâturages, languiffoient,<br />

6c mouroient "dans les champs, ou dans les étables. Enfin, la Difette<br />

difette y devint fi grande pour les Habitans, que lesplus grands i^^^%<br />

Seigneurs étoient réduits à fe nourrir de pain d'orge. Se que, p»ien/ait' •<br />

malgré k foulagement, qu'ils reçurent de quelques Bâtimens jj^^j/^^<br />

étrangers, chargés de grains, grand nombre de (amiUes furent ^^^' .<br />

contraintes d'abandonner k pays ; les unes pour ne pouvoir<br />

plus y fubfîfter. Se les autres dans l'appréhenfîon que cette féchereffe<br />

n'y durât auffi longtems, 6c n'y fût auffi funefte que<br />

celle des fîèdes paffés, laquelle avoit fait périr les Habitans,<br />

qui avoient voulu s'opkiiâtrer à y demeurer.<br />

Le Régent étoit feul infenfîbk à ces défolations publiques, ^"'*^^*^ ^^'<br />

6c n'en appréhendoit k fuite, que dans k crainte que les Peu- Alméric<br />

pies déjà las de la dureté de fa domination, Sc qui publioient hau- (/Arménie<br />

tement, que c'étoit lui qui attiroit la colère de Dieu fur k l'^'j^JJ^u-<br />

Ro'aume, 5c les calamités, dont ils étoient affligés, ne fe ré- Pf^^» *"<br />

vali:iflent enfin contre lui. Se ne remiffent fe Roi fur le Trô- * ^^^^<br />

ne, dont il Pavoit renverfé. Ceft pourquoi fl écrivit au Roi<br />

dAr-<br />

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7


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V'^^'j.iP'^^: ,. V T••,•f*^••A^'^''t^*••«^l••*'*•'^^^-<br />

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