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WILSON RUIZ<br />
L<br />
e ler pm 1981, Octavio Veliz, 12<br />
ans, est conduit d’urgence à I‘hôpita1<br />
Hermanos Almeida, à La<br />
Havane Sa mère raconte au personne1<br />
de santé que son fils s’est<br />
éveillé avec de la fièvre des “auséci<br />
et mPme qu’il a vomi. Le garçon se plaint<br />
de douleurs abdominales et des éruptions cutanées<br />
~owrent mn visage et ses jambes.<br />
Le medecin en charge du service des consultations<br />
externes ordonne alors une série<br />
d’analyses. Le diagnostic tombe cinq heures<br />
plus tard : Octavio souffre de la dengue, u”<br />
infection virale transmise par un moustique,<br />
Medes aegypti.<br />
la.çan*é.<br />
L‘hôpnal alerte aussitôt l’Institut de médecine<br />
tropicale Pedro Kouri et, en quelques heures,<br />
le ;ystème de soms de sa& &onal. bien<br />
rodé, entre en action. À la radio et à la télévi-<br />
sion, on demande à toutes les personnes qui<br />
ont les mêmes symprômes quUcravio Veliz de<br />
se présenter immédutement à l’hôpital ou au<br />
cemre médical le plus près. Vmgt-quatre heu-<br />
res plus tard, plus de mille adultes et enfants<br />
sont hospiralisés et le ministère de la Santé<br />
déclare que Cuba vient d’être frappée par une<br />
épidémie de dengue.<br />
Plusieurs maladies sont causées par des arbo-<br />
16<br />
<strong>UNEDENGUE</strong><br />
<strong>MORTELLE</strong><br />
<strong>ii</strong> <strong>CUBA</strong><br />
rot. La peau du parient devenait d’un noir violacé,<br />
II vom~sa~t une substance noir%re,<br />
ressemblant a de la mouture de café, la température<br />
de son corps tombait, sa peau était<br />
moite et froide, et il transpmxit fortement.<br />
Le mois de juin avan$ait. Les autoriués médlcales<br />
décidèrenr qu’il fallan s’attaquer aux SO”Tces<br />
mêmes de l’épidémie. C’est ainsi que, trois<br />
semaines apr& la découverte du premier cas<br />
de dague, 10 000 volontaires divisés en peotes<br />
brigades de deux ou trois personnes, envahissaient<br />
tout le pays dans un effort pour<br />
exterminer I’AAedex aegypti. Les bidons utilisés<br />
pour l’entreposage de l’eau dans les foyers p”vés<br />
d‘eau courante constituaient un milieu de<br />
prédilection pour la reproduction de l’insecte.<br />
Et comme les volontaires opéraient dans leur<br />
propre qwtier, ils avaient radement accès aux<br />
logements pour vérifier la présence du vecteur<br />
de la dague.<br />
Grâce 2 une participation et à une caopératien<br />
publiques massives, Cuba a réussi à<br />
virus (des virus surtout transmis par des insec- enrayer l’épidémie et 2 se débarrasser de<br />
tes), mais les fièvres hémorragiques comptenr l’insecte en six mois. Au cours de l’épidémie,<br />
parmi les plus dangereuses parce qu’elles ont 350 000 adultes et enfants ont été atteints par<br />
sowen~ une issue fatale. Les autorités cubai- la dague, et 116 000 d’entre eux ont été hos-<br />
“es de la santt ne croyaient pas que I’épidé- pitalisés. Sur les 10 000 cas de dengue hémormie<br />
qui frappait le pays charriait wx elle la ragique, 158 personnes sont mones, donc 101<br />
forme parfois mortelle de la dengue hémorra- enfants. Selon les experts cubains de la santé,<br />
gique. Mais le 5 juin, Octavio Veliz mourait et c’est la grande participanon du public qui a perle<br />
ministère de la Santé déclarait Yétar d’urgence mis de contrôler l’épidémie, offrant du même<br />
dans tout le pays.<br />
coup aux spécialistes une excellente occasion<br />
La Protection civk et les comités révolution- de faire une étude approfondie des cas de de”naires<br />
de quartier étaient alors mobilisés. Grâce gue hémorragique.<br />
à une parnclpation massive du public, une A la smte de l’épidémie de 1981. les chercampagne<br />
antidengue, prkise comme une opé- cheurs de 1‘Instxut Pedro Kouri. subventionration<br />
militaire, était lancée. Les personnes déjà nés par le CRDI. se sont mis 2. étudier tant les<br />
diverses caractéristiques du virus à l’origine de<br />
la maladie contagieuse que ses victimes.<br />
L’équipe de l’lnstirut, dmgée par Gustava Kauti,<br />
entreprit d‘identifier les facteurs de risque possibles<br />
en fonction de la race, du sexe, ou de<br />
la présence de certaines maladies chroniques<br />
antérieures.<br />
Lors d’une interview réalisée 2 1’Institut. le<br />
professeur Kouri a déclaré que ses travaux<br />
avaient résoiu plusieurs émgmes fascInantes<br />
qui, tomes, rournaient autour des fièvres<br />
hémonagiques causées par les virus de la dengue.<br />
II a expliqué que des virus semblables aux<br />
types sérolog,ques 1 et II de la dengue, qui<br />
jusqu’à présent étaient considérés comme ne<br />
tra”smenant que la dengue classique, pouvaient<br />
aussi être à l’angine d’une forme hémorragique<br />
fatale. Une telle situation se produisair<br />
généralement lorsqu’une personne, déjà frappée<br />
par la dengue une première fois. était de<br />
“ouveau atteinte par un type sérolagique dit<br />
férent dans les cinq années s”wa”tes.<br />
Une telle rhéone s’accorde bien avec les<br />
observarions fates durant les épidémies de<br />
dague que Cuba a connues ces dernières<br />
infecrées étavat m’es en quarantaine dans des<br />
hôpitaux réservés à cetue fm Cependant, les<br />
équipes médicales n‘étaient pas prêtes à faire<br />
ann&s, spécialement l’épidémie de 1977, de<br />
type sérologique 1, et celle de 1981, de type<br />
sérologique II.<br />
Les groupes à haut risque<br />
face à une telle maladie, la forme hémarragi- Le travaux de recherche ont aussi révélé que<br />
que de la dague n’ayant jamais auparavant le nsque d’être atteint d’une forme de dengue<br />
frappé l’Occident.<br />
hémorragique grave était plus élevé chez les<br />
Pour diagnostiquer les cas de dague hémorragique<br />
parmi les victimes de l’épidémie, les<br />
persannes de race blanche, de sexe féminin,<br />
et souffrant déjà de certaines maladies chromédecins<br />
appliquaient un garrot SUT l’un des niques telles que l’asthme ou le diabète. Ils ont<br />
bras des patients pendant quelques minutes.<br />
Ceux er celles qui souffraient de fièvres éprouaussi<br />
montré que la maladie évolue différemment<br />
chez les adultes et les enfants, et que le<br />
vaient alors une recrudescence hémorragique virus semble étre plus virulent durant<br />
sous-cutanée, même à bonne distance du gar- l’épidémie.
La recherche s’est donc aver& un succès non<br />
seulement du point de vue scientifique, mais<br />
parce qu‘elle a aussi permis à l’Institut Pedro<br />
Kouri d’affiner ses comp&ences et d’améliorer<br />
ses équipements. Toutefois, comme c’est sou-<br />
vent le cas, les résultats de l’étude ont soulevé<br />
plus de quesrions encore.<br />
Une deuxième phase du projet, subvention-<br />
née par le CRDI, est en cours. L’institut pour-<br />
suit ses travaux sur les facteurs de risque<br />
associés à la dengue hémorragique et sur les<br />
caractéristiques du virus. Le professeur Kouri<br />
et mn équipe tentent de savoir pourquoi ter-<br />
taines régions de I?le ont été plus ou moins<br />
touchées par les formes les plus sérieuses de<br />
la maladie. Deux régmns ont été choisies par<br />
les chercheurs. Dans chacune d’elles, des tech-<br />
niciens procéderont à des analyses du sang<br />
_--. FÉVRIER 198Z .".._--.--------<br />
F<br />
d’environ 1 200 personnes pour y dépister la<br />
présence des anncorps de la dengue; chaque<br />
personne devm. également remplir un question-<br />
naire fournissant des informations générales et<br />
retrapnt ses antécédents médicaux.<br />
Les techniques de pointe utilisées par les<br />
chercheurs cubains <strong>ii</strong>went des renseignements<br />
sur les origines du VLIUS non seulemenr dans<br />
leur propre pays, mais aussi en d’autres pays<br />
du Tiers-Monde. En intégrant la recherche<br />
cubaine aux activités d’autres pays de la région,<br />
le projet fait donc “ne percée.<br />
Les résultats de la recherche des Cubains et<br />
l’expérience de mobilisation du public dans la<br />
lutte contre l’épidémie de 1981 auront d’impor-<br />
tantes répercussions dans toute l’Amérique<br />
centrale et les Caraïbes. A” mains trois des<br />
quatre types sérolagiques de la dengue exis-<br />
tent dans la région : le risque d’une épidémie<br />
persiste donc.<br />
Des cas de dengue hémorragique ont déjà été<br />
signalés au Nicaragua, et plus d’un million de<br />
Brésiliens vivant à Rio deJaneiro et à Saa Paulo<br />
ont souffert du type 1 de la dengue. «II semble<br />
que le moustique Aedes aegyti descende main-<br />
tenant vers le Sud, prévient le professeur Kouri.<br />
Nous devons encourager “ne coopération<br />
régionale encore plus grande pour prévenir “ne<br />
autre épidémie mortelle de dague hémarra-<br />
gique.» n