Yerushalaim 31 2002-4.pdf - Chretiens-juifs.org
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aux chrétiens de «reconnaître les péchés<br />
commis par nombre des leurs», à travers les<br />
souffrances endurées de leur fait au cours de<br />
l'histoire par le peuple juif. Puis Jean-Paul II en<br />
a demandé pardon pour tous au « Dieu<br />
d'Abraham », prenant devant lui l'engagement<br />
public de «vivre une fraternité authentique avec<br />
le peuple de l'alliance». Son «Jamais plus» fait<br />
écho à celui de Paul VI à l'ONU en 1965 - «No<br />
more war; never more war», mais sur un registre<br />
proprement religieux. Une prière et une<br />
demande de pardon qu'il reprendra dans les<br />
mêmes termes, deux semaines plus tard à<br />
Jérusalem, au Mur des Lamentations.<br />
En vingt ans, un chemin considérable a<br />
ainsi été parcouru, et un pas décisif a été<br />
franchi, en grande partie par la volonté<br />
personnelle du pape polonais. Et pourtant, si<br />
l'essentiel a été dit, le principal reste à faire, et<br />
même à penser. Pour les Juifs, ce n'est pas<br />
suffisant, du moins avant le dépôt par le pape du<br />
texte de sa prière dans les interstices du Mur.<br />
Pour beaucoup de catholiques, c'est trop. Il ne<br />
suffit pas d'aller de l'avant. Il faut d'abord<br />
expliquer, justifier. Le pape a confié ce soin à la<br />
Commission théologique internationale placée<br />
sous la responsabilité du cardinal Ratzinger. Le<br />
Qu'il me soit permis, au terme de ces<br />
propos, d'évoquer ici la mémoire d'un pionnier<br />
bien<br />
Qu'il me soit permis, au terme de ces<br />
propos, d'évoquer ici la mmoire d'un pionner<br />
bien oublié de cette longue marche, Elie<br />
Benamozegh (1823-1900), le grand rabbin de<br />
Livourne qu'Émile Touati a situé<br />
"incontestablement dans la grande lignée des<br />
Docteurs d'Israël". Il laissait à sa mort un<br />
manuscrit inachevé de près de 2000 pages,<br />
rédigé en français. Son disciple Aimé Pallïère<br />
(1875-1949) en a tiré fidèlement un gros livre<br />
d'un millier de pages paru en 1914, Israël et<br />
l'humanité, dont une édition révisée et allégée a<br />
paru en 1961, puis en 1977 chez Albin Michel<br />
(11).<br />
Deux grandes intuitions avaient inspiré<br />
sa vie et nourri sa pensée. D'une part, en amont<br />
de l'alliance de Dieu avec Abraham et sa<br />
postérité, il fallait remonter, au lendemain du<br />
déluge, à son alliance avec Noé et sa<br />
descendance - l'entière humanité actuelle - sous<br />
le signe de l'arc-en-ciel et (pour Benamozegh)<br />
sous le nom de Melchisédech : un lien<br />
indissoluble entre le noachisme laïc et le<br />
mosaïsme sacerdotal. D'autre part, se fondant<br />
page 26 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />
document qu'elle a publié (8) apparaîtra trop<br />
frileux et laborieux. On pouvait escompter un<br />
texte fort et simple sur la signification et la portée<br />
de ce geste. Les membres de la commission ont<br />
cru plus urgent ou plus opportun de prévenir<br />
incompréhensions et dérives, insistant en<br />
particulier sur les précautions historiques qui<br />
s'imposaient avant tout jugement.<br />
Peine perdue : ce langage expert n a pas<br />
touché l'opinion publique, tout au moins en<br />
France, où se sont exprimés plus d' accusateurs<br />
que de pénitents et où les clivages traditionnels<br />
ont décidé des réactions, même en milieu<br />
catholique (9). Pourtant, que l'on y prenne<br />
garde : Jean-Paul II a scié la branche sur<br />
laquelle étaient assis ses détracteurs et il laisse<br />
à découvert en première ligne une société<br />
séculière qui ne pourra plus imputer à une<br />
instance religieuse tant de crimes, de misères et<br />
de fléaux dont la liste ne cesse de s'allonger<br />
dans le monde. Il ne donne pas seulement un<br />
exemple à tous et. à l'Église, une longueur<br />
d'avance dans la quête de cet «esprit nouveau»<br />
qu' exige l'ordre social et international : il ouvre<br />
un débat de société de plus en plus difficile à<br />
éluder (10).<br />
sur sa «pleine confiance dans les destinées<br />
religieuses d'Israël», il s'était tôt convaincu qu'il<br />
fallait «travailler avec ardeur à préparer la<br />
réconciliation du christianisme et du judaïsme».<br />
Plaçant ainsi le judaïsme au centre de la religion<br />
universelle, il voyait tout naturellement<br />
Jérusalem comme la capitale de tous les<br />
croyants et le centre religieux du monde : «Ainsi<br />
Israël et l'humanité ne sont point des termes qui<br />
s'excluent l'un l'autre... Entre la vocation Israélite<br />
et l'unité humaine, entre la patrie palestinienne<br />
et la fraternité des nations, il n'y a aucun<br />
antagonisme véritable.-.».<br />
Un siècle sépare Elie Benamozegh et<br />
Jean-Paul II, tous deux animés de la même<br />
conviction, portés par la même espérance, et<br />
pourtant aux antipodes l'un de l'autre.<br />
«Comment cela se fera-t-il ?» Ce fut la réaction<br />
d'Abraham et de Sara selon le livre de la<br />
Genèse, comme celle de Zacharie et de Marie<br />
dans l'évangile selon Luc.<br />
C'est aussi la demande qui vient aux<br />
Israéliens et aux Palestiniens qui veulent la paix<br />
dans leur pays et entre leurs pays.<br />
Emile POULAT