Yerushalaim 31 2002-4.pdf - Chretiens-juifs.org
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communisme de l’Union soviétique faisait<br />
peser sur elle. D’une façon générale, personne<br />
(en Allemagne et hors d’Allemagne) n’a<br />
suffisamment pris au sérieux le programme<br />
développé dans Mein Kampf, ni compris qu’on<br />
avait affaire à des manieurs de foules et des<br />
manipulateurs émérites.<br />
Pourtant une opposition publique<br />
apparaît dès le début dans les milieux<br />
protestants, celle de l’écrivain Thomas Mann et<br />
du théologien Paul Tillich qui choisissent<br />
l’émigration aux États Unis. En Allemagne<br />
même, il faut citer la revue Theologische<br />
Existenz heute autour de Karl Barth, Martin<br />
Niemöller et d’autres. Un an plus tard, le <strong>31</strong><br />
mai 1934, un synode clandestin se réunit à<br />
Barmen, dans le Wuppertal, il vote un texte<br />
appelée Confession de Barmen, qui appelle à<br />
la résistance spirituelle au nazisme, dénonce le<br />
Führerprinzip, affirme la liberté de la parole de<br />
Dieu face aux pouvoirs et aux idéologies. Karl<br />
Barth est expulsé d’Allemagne et sera accueilli<br />
en Suisse. Martin Niemöller sera interné en<br />
camp de concentration, d'où il ne sortira que<br />
dix ans plus tard, quand le camp de Dachau<br />
sera libéré; le jury du Nobel l’ignorera, mais les<br />
Soviétiques lui décerneront un prix Lénine de<br />
la paix.<br />
Ce texte sera l’acte de naissance de<br />
l’Église confessante, une institution<br />
évangélique de refus du pouvoir hitlérien, non<br />
séparée de l’Église officielle, mais existant en<br />
son sein. Bien qu’elle n’ait pas eu de rapport<br />
direct avec une lutte contre le programme<br />
d’anéantissement des Juifs exécuté par le<br />
régime hitlérien, à titre d’acte collectif de<br />
résistance spirituelle, l’Église confessante a<br />
créé un milieu et offert un appui pour des<br />
prises de conscience et des actions en faveur<br />
des Juifs, comme cela s’est produit dans divers<br />
protestantismes européens hors d’Allemagne.<br />
Outre Niemöller, cette Église sera celle de<br />
Dietrich Bonhoeffer, de l’amiral Canaris, de<br />
Kurt Gerstein et d’autres, moins connus ou<br />
anonymes.<br />
En Allemagne, les Églises en général et<br />
les Églises protestantes en particulier ont-elles<br />
moins bien réagi que les autres corps<br />
constitués (Université, Magistrature,<br />
Administration, Armée) ?<br />
En dehors de l’Allemagne, dans<br />
l’Europe occupée, rappelons que le roi<br />
Christian X du Danemark (luhérien) portera<br />
l’étoile jaune en signe de protestation, que la<br />
page 18 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />
reine Juliana des Pays-Bas (réformée et<br />
conseillée d’ailleurs par le pasteur Boegner)<br />
donnera l’exemple d’un refus de collaborer<br />
avec les occupants.<br />
En France, dans les années 1930-1938,<br />
on note plusieurs textes et déclarations de<br />
protestants en faveur des Juifs. En 1938-1939,<br />
la revue du Christianisme social publie une<br />
série de notes et d’articles sur la question juive,<br />
en rapport avec le martyr subi en Allemagne<br />
(Patrick Cabanel, Les protestants et la<br />
République, p. 178). Le 6 avril 1933, le pasteur<br />
Freddy Durrleman prononce à Radio-Paris un<br />
‘‘Plaidoyer pour Israël’’ qui comporte trois<br />
volets : repentance, reconnaissance et<br />
espérance.<br />
Le Commissariat aux affaires juives est<br />
créé début mars 1941. Le Conseil national de<br />
l’Église Réformée de France, réuni à Nîmes,<br />
demande au pasteur Boegner (président de la<br />
Fédération protestante de France) d’écrire en<br />
son nom au Grand rabbin Isaïe Schwartz et à<br />
l’amiral Darlan. Ce qui est fait le 26 mars et la<br />
seconde de ces lettres est rendue publique. Le<br />
même pasteur Boegner (pourtant acquis à la<br />
révolution nationale et membre du Conseil<br />
social) rencontrera plusieurs fois le maréchal<br />
Pétain pour protester contre les dérives<br />
racistes de l’État français. Le même avait dit, le<br />
23 octobre 1940, dans une réunion de<br />
responsables protestants, à Vichy : « Le statut<br />
imposé le 3 octobre aux citoyens israélites<br />
nous appelle à tenir notre rôle [de chrétiens]<br />
avec une grande fermeté » (Les protestants<br />
français pendant la seconde guerre mondiale,<br />
p. 198).<br />
Comme dans le cas de l’Église<br />
confessante allemande, il ne s’agit pas d’actes<br />
isolés: il y a eu, en France, une prise de<br />
position ecclésiale collective, officielle. En mai<br />
1941, le synode national de l’Église réformée<br />
de France, réuni à Alès, approuve les<br />
démarches du pasteur Boegner et dénonce les<br />
lois racistes de l’État français. Le 16 septembre<br />
de la même année1941, sont rédigées les<br />
Thèses de Pomeyrol qui ajoutent aux thèses<br />
de Barmen, celle qui concerne les lois contre<br />
les Juifs :<br />
« thèse 7 : Fondée sur la Bible, l’Église<br />
reconnaît en Israël le peuple que Dieu a élu<br />
pour donner un Sauveur au monde et pour être<br />
au milieu des nations un témoin permanent du<br />
mystère de la fidélité de Dieu. C’est pourquoi,<br />
tout en reconnaissant que l’État se trouve