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Yerushalaim 31 2002-4.pdf - Chretiens-juifs.org

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Décembre 2000<br />

Novembre <strong>2002</strong><br />

numéro <strong>31</strong> (2003-1)<br />

C.OE.U.R. a pu participer au voyage <strong>org</strong>anisé par l'A.J.C.F. en<br />

Octobre dernier, voyage <strong>org</strong>anisé à l'occasion de la remise de son prix<br />

au père abbé d'Abou Gosh, le père Gourion.<br />

Nous voyons ici celui-ci conversation au cours de la réception au<br />

monastère.<br />

Le prix de l'A.J.C.F. lui a été attribué pour marquer le soutien et<br />

l'admiration pour le rayonnement de la communauté qu'il conduit..<br />

C.OE.U.R. se joint à ses nombreux amis pour lui présenter ses<br />

félicitations et ses vœux.<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 1


Cœur<br />

a s s o c i a t i o n s e l o n l a l o i d e 1 9 0 1<br />

Comité Œcuménique d’Unité chrétienne<br />

pour la Repentance envers le peuple juif<br />

B.P. 49217 – 30104 ALES CEDEX ( France)<br />

COEUR, un nouveau sigle pour assumer un très ancien<br />

contentieux qui sépare, depuis bientôt 20 siècles, <strong>juifs</strong> et chrétiens.<br />

Ces 20 siècles furent tragiquement marqués par une continuelle<br />

opposition entre ces deux religions s'excluant l'une l'autre, bien<br />

qu'ayant un héritage commun fondamental. Dans ce conflit , les<br />

tenants de l'Évangile ont trop souvent utilisé les armes bien peu<br />

évangéliques de l'oppression et de la persécution, avec l'objectif<br />

avoué d'assimiler les <strong>juifs</strong> en les convertissant. Le peuple juif ne<br />

peut s'empêcher de voir dans la chrétienté actuelle l'héritière de ces<br />

sinistres convertisseurs séculaires, d'autant plus que l'histoire<br />

contemporaine porte l'ignominieuse trace de la shoah, tentative<br />

d'extermination perpétrée en pays "chrétien".<br />

Notre démarche première vers ceux à qui Dieu a confié les<br />

Écritures, et les Alliances, et les promesses (Rom.11:4) implique<br />

donc avant tout un aveu de ces fautes séculaires et une réelle<br />

repentance qui, seule, permettra un regard nouveau. ("Si tu te<br />

souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton<br />

offrande et va d'abord te réconcilier avec ton frère" Matthieu 5:23)<br />

COEUR est une association interconfessionnelle qui<br />

s'est donné cet objectif en <strong>org</strong>anisant des voyages en Israël<br />

notamment à l'occasion de Yom-Kippour et par son action en<br />

métropole . Elle se veut ainsi complémentaire des différents<br />

mouvements qui oeuvrent déjà en vue d'une réconciliation entre<br />

<strong>juifs</strong> et chrétiens.<br />

COEUR édite la revue YERUSHALAIM, qui est rédigée<br />

essentiellement par des chrétiens et des <strong>juifs</strong> avec le dessein de<br />

"ré-enseigner les racines hébraïques de la foi chrétienne".<br />

page 2 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

YERUSHALAIM<br />

Périodique de l’association COEUR<br />

(Comité Oecuménique d'Unité Chrétienne pour la Repentance envers le peuple juif)<br />

B.P. 49217 - 30104 ALES Cedex.<br />

Adresse électronique: association.cœur@free.fr - Site internet : <br />

Association loi 1901 - N° Siret: 410 252 555 00017 - Code APE: 913E<br />

Fondateur :Henri CATTA ( en 1994 ) Secrétaire de rédaction: Elsbieta AMSLER-TWAROWSKA<br />

Directeur de la Publication: Henri LEFEBVRE Imprimerie: A.M.Imprimerie - 75017 PARIS<br />

NUMERO <strong>31</strong> ( numéro 2003-1 ) - Janvier / Mars 2003<br />

Numéro <strong>31</strong> - 2003-1<br />

Page 3 L'histoire Editorial<br />

Page 4 Avec l'AJCF à Jérusalem Reportage<br />

Page 9 Les voies contemporaines de la Barbarie<br />

(2°partie) Joël Putois<br />

Page 15 Protestants et Juifs Jacques Gruber<br />

Page 21 Bon à savoir ...<br />

Page 22 La question juive et l'Eglise catholique<br />

Emile Poulat<br />

Page 28 Le carême: une méditation de Joël Putois<br />

Page 32 Fêtes juives et lectures juives des Ecritures<br />

YERUSHALAIM est la revue de l'association COEUR. Elle est diffusée à tous ses membres: l'abonnement-cotisation<br />

s'élève pour l'année 2003 à 23 Euros. Toute somme versée en sus pour aider à la diffusion de la revue sera<br />

considérée comme "don" et fera ainsi l'objet d'un reçu annuel permettant d'obtenir en France une déduction fiscale .<br />

L'abonnement-cotisation court du 1 er Janvier au <strong>31</strong> Décembre de l'année en cours; les numéros parus dans l’année avant la prise<br />

d’abonnement sont envoyés au nouvel abonné. L'étiquette d'envoi indique la situation de règlement de la cotisation-abonnement.<br />

Nous continuons à assurer le service de la revue à ceux qui, ne pouvant assumer le montant total indiqué, déclareront néanmoins rester<br />

intéressés à la recevoir. Par ailleurs, désirant poursuivre et développer son action, l'association COEUR remercie ceux de ses membres<br />

qui auront à coeur de lui apporter leur concours financier par des libéralités: nous rappelons que les dons ainsi effectués, au-delà de la<br />

cotisation de soutien, font systématiquement l'objet d'un reçu pour déduction fiscale en France. Ces dons nous permettront d'assurer le<br />

service de la revue à des personnes qui ne pourraient en acquitter le montant.<br />

Nous pouvons aussi vous adresser à chaque parution plusieurs numéros si vous souhaitez les diffuser autour de vous.<br />

Les articles publiés n'engagent pas la responsabilité de l'association mais seulement celle de leurs auteurs.


L ' H I S T O I R E<br />

Editorial<br />

L'histoire ? Quelle histoire ? Qu'avons-nous besoin de reparler<br />

d'un passé qui fut, à bien des égards, particulièrement sombre ?<br />

N'avons-nous pas, de notre temps, suffisamment de drames, de<br />

problèmes, de menaces, pour ne pas nous charger l'esprit avec un<br />

passé auquel, de toutes façons, nous ne pourrons rien changer ?<br />

Telle évidemment n'est pas notre conviction: si nous ignorons le<br />

passé, ne serons-nous pas condamné à le revivre, l'Histoire nous<br />

rattrape toujours !<br />

C'est pourquoi, hasard du calendrier peut-être, au moment où<br />

France et Allemagne se souviennent de leurs premiers pas vers<br />

l'Europe unie, nous avons la possibilité de placer ici côte à côte des<br />

textes évoquant largement le passé de notre continent. Une manière<br />

de nous mettre en garde sur les enjeux actuels qui ne sont pas<br />

tellement différents de ceux que nos ancêtres ont rencontrés.<br />

Le parallèle entre les réflexions catholiques et protestantes sur la<br />

"question juive" ne nous laisse pas indifférents: nous avons tous<br />

hérité d'un passé chargé, et peut-être cette constatation nous<br />

permettra-t-elle de discerner dans nos "certitudes" présentes<br />

quelques suites malsaines des tâtonnements de ceux qui nous ont<br />

précédés. Les reconnaître pour nous en purifier serait l'un des grands<br />

bénéfices de la teshouva à la quelle nous sommes appelés.<br />

A l'approche de l'échéance pascale, la méditation sur le carême<br />

nous conduit également sur le chemin de la redécouverte des racines<br />

hébraïques de notre foi chrétienne: cela nous rappellera que, loin<br />

d'être rupture et création, le christianisme plonge ses origines et sa<br />

spiritualité aux sources même de la Thora. C'est l'occasion de<br />

confirmer à nos "frères aînés dans la foi" notre solidarité et notre<br />

reconnaissance.<br />

H.L<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 3


AVEC L'A.J.C.F.<br />

CŒUR a tenu à appuyer l'action de l'A.J.C.F. (Amitié Judéo-chrétienne de France)<br />

en participant au voyage qu'elle <strong>org</strong>anisait en Israël pour remettre son prix au Père<br />

abbé d'Abou Gosh. C'est ainsi qu'Elzbieta Amsler, Joël Putois, et Michel Berger se sont<br />

joints à la délégation officielle française pour ce voyage qui eut lieu du 25 au <strong>31</strong> octobre<br />

<strong>2002</strong>.<br />

Nous rendons compte ici de cette visite en Terre Sainte, d'une part en prenant<br />

des extraits du compte-rendu qu'en fit Michel Berger, d'autre part en empruntant<br />

quelques phrases du récit qu'en fit Paul Thibault, le président de l'AJCF, dans les<br />

colonnes de la revue SENS.<br />

Tout d'abord, c'est d'un sentiment unanime que les remerciements ont été envers<br />

le père Patrick Desbois, délégué<br />

épiscopal pour les relations avec le<br />

judaïsme, <strong>org</strong>anisateur du voyage, et<br />

à Jean-Marie Allafort qui fut sur place<br />

un accompagnateur remarquable.<br />

Une messe solennelle dans la<br />

basilique permit de découvrir ces lieux<br />

marqués d'histoire. Les religieux et<br />

religieuses d'Abou Gosh ont fait de<br />

cette église, de ce couvent, un lieu de<br />

sérénité et d'accueil dans un pays et<br />

une ville où régnent la méfiance et la<br />

Le père Desbois, au centre.<br />

division. Cette institution catholique en<br />

milieu israélien — se distinguant donc<br />

des établissements religieux classiques "en Terre Sainte", aussi bien que des<br />

expressions du Christianisme arabophone - n'est aucunement une institution partisane:<br />

elle apporte à ceux qui la fréquentent, la visitent, la regardent, un peu de la confiance<br />

espérante et exigeante dont ils ont besoin pour sortir de l'intrication négative actuelle.<br />

En tout cas, dans ce milieu divisé, conflictuel, qu'est le Christianisme à Jérusalem, il<br />

nous est apparu que cette présence, cette capacité d'attention était reconnue par tous<br />

et valait au Père Gourion l'estime et l'amitié générales. Cela justifie bien le prix que<br />

page 4 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

À JÉRUSALEM<br />

Reportage


voulait lui remettre l'AJCF, prix qui<br />

rejaillit évidemment sur toute la<br />

communauté.<br />

Parmi les autorités civiles, des<br />

diplomates de haut rang avaient<br />

tenu à participer à la cérémonie<br />

religieuse. L’ambassadeur de France<br />

à Tel Aviv, son excellence M. Jacques<br />

Huntzinger, le Consul général de<br />

France à Jérusalem, ainsi que M.<br />

Gazi Golan, responsable israélien au<br />

Ministère des Affaires Etrangères<br />

pour les relations avec les<br />

<strong>org</strong>anismes religieux.<br />

A l’issue de la célébration<br />

b a s i l i c a l e , u n e r é c e p t i o n<br />

chaleureuse et amicale dans les jardins de l’abbaye a permis de nombreux partages<br />

authentiques et fraternels. Le site d’Abou Gosh est un lieu chargé d’histoire et<br />

hautement symbolique. Sa mémoire remonte à plus de trois millénaires. Bien des<br />

événements sont liés à ce site: l'un d'eux est lié au souvenir de l’Arche d’Alliance,<br />

laquelle, après avoir été restituée par les Philistins qui s’en étaient emparés, a attendu<br />

une vingtaine d’années au sommet de la colline voisine de Qiriath Yearim, que le roi<br />

David, roi messianique par excellence, vienne la chercher pour la mener en dansant à<br />

Jérusalem.<br />

Il est aussi de tradition d'y situer le lieu où les pélerins d'Emmaüs firent halte<br />

avec leur mystérieux visiteur. Après l’intermède chrétien des croisés, qui y ont<br />

construit la splendide basilique romane, la présence chrétienne a repris vie le 1 er M.J.Hunsiker, ambassadeur de France en Israël<br />

Mai<br />

1976, jour où les frères Jean-Baptiste, Charles et Alain ont célébré leur première<br />

messe en Terre Sainte. Envoyés en Israël par Dom Grammont, abbé bénédictin<br />

olivétain du Bec Hellouin, ils retrouvaient la terre des origines, celle de nos pères dans<br />

la foi. Ils étaient venus pauvrement et silencieusement, accueillants aux résonances<br />

mystérieuses de la parole de Dieu et fidèles à l’espérance eschatologique de l’Eglise,<br />

humblement à l’écoute de cette Terre Sainte, dont les pierres même crient et chantent<br />

l’attente de toute terre. Il ne s’agissait pas de judaïser, précisait alors Dom<br />

Grammont, mais de reconnaître la pierre dont nous avons été taillés et de donner à<br />

nos frères <strong>juifs</strong> le témoignage d’une vie authentiquement pénétrée d’une belle prière,<br />

dont ils nous ont donné les poèmes, spécialement dans les psaumes.<br />

Avec beaucoup de réalisme, la communauté bénédictine d’Abou Gosh, moines et<br />

moniales, a tissé des liens invisibles, parfois inattendus, par exemple avec le service<br />

culturel de l’armée israélienne, mais toujours uniques avec tous. Proche de l’église<br />

locale palestinienne et de la petite communauté hébréophone, dont le père Gourion a<br />

été promu Vicaire Episcopal, elle est aussi liée à nombre de musulmans et de <strong>juifs</strong>.<br />

Aujourd'hui, Abou Gosh est une bourgade arabe israélienne vibrante de vie.<br />

L'après-midi du dimanche fut marqué par un colloque <strong>org</strong>anisé entre les<br />

participants et quelques personnalités au Kibboutz de Maale Hachamisha. Les<br />

intervenants évoquèrent l’ensemble des initiatives de compréhension réciproques entre<br />

<strong>juifs</strong> et chrétiens en Israël même. Nous résumons ici leurs interventions :<br />

Sœur Anne-Catherine Avril : il existe de nombreuses initiatives de contact et de<br />

dialogue entre <strong>juifs</strong> et chrétiens, mais cela ne se sait pas. Il y a une carence<br />

dommageable de relais médiatique dans ce domaine.<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 5


Dans le sous-sol près du Kotel,<br />

une maquette du Temple<br />

page 6 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

L’Université de Bethléem, a été<br />

fondée par les Frères des Ecoles<br />

Chrétiennes, pour former des Guides<br />

palestiniens en terre d’Israël. De<br />

nombreuses initiatives pragmatiques<br />

fonctionnent sur le terrain pour<br />

travailler ensemble à la justice et à<br />

la paix.<br />

Le rôle des couvents est<br />

considérable dans le dialogue judéochrétien.<br />

Depuis le voyage de Jean-<br />

Paul II, les monastères chrétiens<br />

suscitent un grand intérêt chez les<br />

<strong>juifs</strong>. Ils affluent dans les couvents,<br />

avides de silence et curieux de<br />

rencontrer l’autre. Bon nombre<br />

d’étudiants <strong>juifs</strong> se lancent dans des<br />

travaux universitaires sur ces communautés et les religieux sont de plus en plus<br />

sollicités pour des collaborations et des manifestations culturelles.<br />

Pour le père Marcel Dubois, o.p. qui enseigne la philosophie à l’Université<br />

Hébraïque de Jérusalem, il semble de plus en plus que le mystère d’Israël est un<br />

mystère de silence. Or, selon lui, la vocation monastique fait apparaître comme une<br />

manière chrétienne de réaliser l’idéal juif : la louange, la prière et l’espérance.<br />

Sœur Anne-Catherine Avril témoigne encore de l’accueil de contingents de soldats<br />

de Tsahal au sein de l’abbaye d’Abou Gosh (par le frère Olivier en particulier) avec une<br />

remarquable ouverture d’esprit<br />

M. Gazi Golan, chargé des affaires religieuses au Ministère israélien des Affaires<br />

Etrangères, souligne lui aussi l’ambiance amicale et d’accueil particulièrement<br />

chaleureux d’Abou Gosh. Toutefois, il croit observer encore chez ses compatriotes, en<br />

général, une grande ignorance du catholicisme et la persistance d’un certain sentiment<br />

de crainte, voire de haine envers la croix. Il constate, d’autre part, que le nombre de<br />

chrétiens (non-arabes) est en constante augmentation en Israël (main d’œuvre<br />

immigrée temporaire, surtout philippine, ainsi que les orthodoxes issus de l’Europe de<br />

l’Est). Enfin, pour des raisons ecclésiales probablement non-dénuées d’arrières pensées<br />

politiques, il émet le souhait de l’instauration d’une église catholique israélienne<br />

autonome, non soumise à la juridiction ecclésiale du patriarche catholique latin, Mgr.<br />

Sabbah<br />

La journée du lundi 28 Octobre fut consacrée au Colloque du Cinquantenaire du<br />

CNRS à Jérusalem, présidé par M. D. Bourel et intitulé : « 50 ans de recherches<br />

françaises en sciences sociales, archéologiques et études juives ».<br />

En fin d’après-midi, nous avons bénéficié de la chance exceptionnelle (compte<br />

tenu de la situation politique) de pouvoir visiter le Kotel, Mur Occidental, et toute sa<br />

partie souterraine spécialement ouverte pour nous. Celle-ci a été l’objet de fouilles<br />

archéologiques récentes très importantes, mises à jour et conservées sous forme d’un<br />

musée. Il s’agit, sur environ 450 m, d’une succession linéaire de couloirs et de pièces,<br />

qui borde le soubassement du Mur Occidental, longe par conséquent la plate-forme du<br />

Temple et emprunte très exactement le tracé de la rue principale de l’époque qui reliait<br />

l’extrémité de la Cité de David, sur le Mont Sion, au centre de la cité. Le couloir<br />

débouche aujourd’hui au cœur de la Vieille Ville, à proximité de la Via Dolorosa. Au<br />

dernier moment, pour des raisons de sécurité, nous n’avons pu avoir accès à cette


sortie en ville arabe.<br />

On parcourt ces lieux avec<br />

émotion et respect, les vieilles pierres<br />

(plus de 2500 ans) témoignent de<br />

l’histoire et constituent une mémoire<br />

irréfutable de la foi vivante de ce<br />

peuple juif, nos frères aînés dans cette<br />

foi.<br />

La matinée du mardi fut<br />

consacrée à une visite du site de<br />

Qumran avec le père Jean-Baptiste<br />

Humbert o.p . chercheur archéologue,<br />

Vue de la maquette du Temple<br />

l’un des meilleurs spécialistes de ce<br />

site. Les équipes sont israélofrançaises.<br />

Qumran est d’intérêt<br />

mondial et son site est complexe. Il<br />

n’y a pas de plan d’ensemble. L’hypothèse ancienne d’une sorte de monastère juif<br />

essénien, ou d’une école de copistes (travaux du père de Vaux) est aujourd’hui remise<br />

en question. Le site serait plus vraisemblablement une sorte de lieu de culte central<br />

(d’importance régionale), ou de pèlerinage, le monde essénien se composant d’un<br />

réseau, couvrant l’ensemble de la Terre Sainte, de petites communautés très fermées<br />

sur elles-mêmes, mais réalisant de nombreux échanges entre elles. Les grottes de<br />

Qumran dans les falaises sont de deux types : soit naturelles, soit creusées de main<br />

d’homme. Elles étaient utilisées pour éviter à des objets sacrés de toutes sortes les<br />

profanations venant des romains ou d’autres envahisseurs ou prédateurs, voire de<br />

certains <strong>juifs</strong> impurs.<br />

C'est l'après-midi qu'eut lieu la réception à la Knesseth: ce fut d'abord une<br />

rencontre amicale d'échanges avec de nombreuses personnalités israéliennes et<br />

françaises, suivie à 17h. de la remise solennelle du prix de l’A.J.C.F. au père Jean-<br />

Baptiste Gourion. La cérémonie a été inaugurée par le chœur des moines et moniales<br />

d’Abou Gosh au grand complet chantant en hébreu à quatre voix les versets du Psaume<br />

122 :<br />

‘’ Appelez le bonheur sur Jérusalem,<br />

Paix à ceux qui t’aiment !<br />

Que la paix règne dans tes murs,<br />

Le bonheur dans tes palais’’.<br />

La qualité d’écoute était impressionnante. Et l’on se met à rêver d’une terre où<br />

justice et paix s’embrassent. Tel est sans doute le véritable secret d’Abou Gosh : nous<br />

donner à espérer !<br />

Les interventions successives sont restées, peu ou prou sur le même registre :<br />

M. Hubert Heilbronn, fondateur du prix de l’A.J.C.F., M. Jean Guéguinou, président de la<br />

Société des Amis d’Abou Gosh, M. Paul Thibaud, président d’A.J.C.F., son Exc. M.<br />

Jacques Huntzinger, ambassadeur de France à Tel Aviv, M. le Consul Général de France<br />

à Jérusalem. Pour éviter les critiques des chrétiens arabes qui souffrent<br />

quotidiennement de la politique israélienne, Paul Thibaud a bien souligné que la remise<br />

de ce prix dans l'enceinte de la Knesset n'impliquait de la part de l'A.C.J.F. aucune prise<br />

de position particulière quant à la politique de l’actuel gouvernement israélien. La<br />

Knesset est le siège de l'Assemblée d'une nation démocratique, non celui du<br />

gouvernement.<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 7


Le père Gourion, récipiendaire du prix, dans sa réponse, résume ainsi la<br />

quintessence de son action apostolique : « Un chrétien ne veut pas et ne peut pas<br />

choisir parmi les hommes. Faire choix, c’est d’une certaine façon amoindrir ou éliminer<br />

l’autre (ou les autres). Le seul choix évangélique possible, c’est d’aimer son prochain,<br />

c’est à dire tous les hommes rencontrés sur le chemin et de reconnaître dans ces frères<br />

le visage même du Christ ».<br />

--------------------<br />

De tels contacts au sein de cette terre si meurtrie, ne sont pas sans signification<br />

concrète: les tensions sont extrêmes et les chrétiens n'échappent pas à l'ambiance de<br />

controverse et d'oppositions. En dépit de ces difficultés, de tels contacts doivent être<br />

poursuivis, ne serait-ce que pour affirmer notre solidarité peinée avec tous ceux qui y<br />

souffrent et guettent le moindre signe d'espérance.<br />

Soulignons qu'au moment des fêtes de fin d'année, une délégation des évêques<br />

de France s'est également rendue en Israël, y rencontrant des personnes des deux<br />

bords. Ce qui a frappé, ce fut leur volonté affichée d'écouter avec la plus grande<br />

attention, sans aucunement prendre parti, mais en apportant leur sympathie à tous<br />

ceux qui y souffrent, quelle que soit leur souffrance.<br />

--------------------<br />

Ce voyage fut également l'occasion de nombreux contacts avec les amis<br />

rencontrés dans le passé. Ci-dessous, on découvre deux des délégués de C.OE.U.R. ,<br />

Joël Putois et Elzbieta Amsler, en compagnie de frère Elihai Yohanan de la communauté<br />

catholique de rite hébraïque de Jérusalem. Le frère Yohanan est membre de l'équipe de<br />

rédaction de "L'Echo d'Israël" (Cf.page 20). Il est aussi l'auteur d'un petit livre que nous<br />

ne saurions trop recommander à nos lecteurs car il constitue une mine de données<br />

indispensables dans le travail de C.OE.U.R.: il s'agit de :<br />

" JUIFS ET CHRÉTIENS, D'HIER A DEMAIN" (Ed.Cerf Collection Foi Vivante)<br />

page 8 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong>


LES LES VOIES<br />

VOIES<br />

CONTEMPORAINES<br />

CONTEMPORAINES<br />

DE DE LA LA BARBARIE<br />

BARBARIE<br />

(Deuxième partie – suite du n°30)<br />

par Joël PUTOIS<br />

Dans une première partie, Joël Putois nous a introduit à cet aspect terrifiant et<br />

humiliant de l'Histoire qui souligne la véracité de l'adage "L'homme est un loup<br />

pour l'homme". Encore faudrait-il rectifier ce jugement sévère à l'égard des loups<br />

qui peuvent faire preuve d'une remarquable vie en société ...<br />

Cette réflexion à but didactique – l'auteur rappelle ci-dessous son aspiration à<br />

être entendu de la génération qui vient aux responsabilités – nous a conduits<br />

jusqu'au XX°siècle. Il nous faut maintenant affronter lucidement la genèse, et les<br />

conséquences jusqu'à nos jours, de la folie nazie.<br />

Non pour porter une condamnation – qui serait bien inconséquente – sur ceux<br />

qui nous ont précédés, mais pour discerner dans nos réflexes actuels, les nôtres<br />

et ceux de la société, les germes de la maladie mortelle qui a conduit aux<br />

catastrophes que nous payons encore très cher.<br />

Mein Kampf<br />

Il est bon que la génération, qui vient aux responsabilités du monde, prenne connaissance<br />

de cet homme monstrueux, ce fou intelligent, ce fou lucide, la pire espèce de fou, maniacofanatique,<br />

consciemment fanatique, faisant du fanatisme une vertu civique fondamentale. Il a écrit<br />

Mein Kampf en 1924, et l’a publié en 1926. Tout le programme d’Hitler, la description du nazisme,<br />

de l’<strong>org</strong>anisation, même administrative, du Parti National Socialiste, tous les objectifs du racisme,<br />

du pangermanisme, des conquêtes nécessaires, tout a été décrit, annoncé par lui en détail.<br />

L’Occident frappé lui aussi de cécité est inexcusable de ne pas avoir lu ce livre et de ne pas en<br />

avoir tiré les conséquences. Peut-être un seul l’a lu et a préparé l’antidote, du moins il a essayé :<br />

de Gaulle, avec son armée de métier et son armée blindée.<br />

Il faut donc revoir l’histoire contemporaine et réinsérer Hitler dans son contexte. Il n’est pas<br />

né Allemand mais Autrichien, membre de la minorité Allemande (10 millions d’Allemands) au sein<br />

de l’empire d’Autriche-Hongrie de François-Joseph qui comptait 52 millions d’habitants et ceci est<br />

d’une importance capitale.<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 9


Hitler n’est pas né raciste, ni surtout antisémite, mais pangermaniste et viscéralement antimaggiar-slave.<br />

Car la majorité des sujets de François-Joseph étaient hongrois, yougoslaves,<br />

polonais. Et c’est cette majorité-là qui faisait la loi au Parlement de Vienne. Les intérêts allemands<br />

étaient minorés, la langue et la culture allemande étaient concurrencées. Durant toute sa jeunesse<br />

Hitler a rêvé d’une unification des Allemands appartenant à toutes les minorités allemandes<br />

d’Europe avec le Reich Impérial de l’empereur Guillaume. Il haïssait la dynastie des Habsbourg et<br />

le favoritisme qu’ils avaient toujours déployé pour s’attacher les Slaves.<br />

Il ne détestait nullement les Juifs. Au début de Mein Kampf, il écrit que dans sa jeunesse il<br />

ne voyait dans le Juif qu’un homme d’une confession différente et réprouvait au nom de la<br />

tolérance et de l’humanité toute hostilité issue de considérations religieuses. En particulier lorsqu’il<br />

arriva de son village natal à Vienne, il fut choqué par le ton de la presse anti-sémite qui lui<br />

paraissait indigne d’un grand pays civilisé. Il était obsédé par le souvenir des persécutions du<br />

Moyen Age, qu’il n’aurait pas voulu voir se répéter.<br />

Mais un jour dans un quartier de Vienne, il croise un personnage en long kaftan noir avec<br />

des boucles de cheveux noirs. On lui dit que c’est un Juif et qu’il y en a tout un quartier à Vienne. Il<br />

comprend qu’il s’agit de tout autre chose que des allemands ayant une confession particulière. Il<br />

commence à lire la presse anti-sémite et devient violemment anti-sémite. Et il écrit alors :<br />

‘’ Sitôt qu’on portait le scalpel dans un abcès quelconque de la vie sociale, on<br />

découvrait, comme un ver dans un corps en putréfaction, un petit youtre tout ébloui par cette<br />

lumière subite’’.<br />

Il ajoute que les neuf dixièmes des ordures littéraires, du chiqué dans les arts, des<br />

stupidités théâtrales, des mensonges dans la presse, du patronage de la prostitution, devaient être<br />

porté au débit de ce peuple qui représente à peine le centième de la population du pays. Sa fureur<br />

est portée à son comble pour une raison supplémentaire.<br />

Devant travailler comme manœuvre dans une entreprise, il se voit sommé d’adhérer au<br />

syndicat ouvrier d’obédience socialiste, qui groupe des travailleurs allemands, slaves, hongrois, etc.<br />

dont le discours est internationaliste. Et il s’aperçoit que parmi les dirigeants de ce syndicat il y a<br />

des Juifs. Alors son anti-sémitisme devient fanatique. Il assiste à des séances publiques du<br />

Parlement de Vienne et est saisi d’effroi en voyant la multiplicité des langues qui s’expriment et des<br />

intérêts qui sont défendus, autres que les intérêts allemands. Il prend en haine le principe même du<br />

système parlementaire où les décisions sont arrêtées à la majorité. Il déteste ce système<br />

parlementaire qui ne vise qu’à maintenir la permanence de l’Etat monarchique des Habsbourg ;<br />

alors que pour lui, de plus en plus le but suprême de l’existence des hommes n’est pas la<br />

conservation d’un Etat, mais la conservation de leur race.<br />

Il y a bien dans l’empire autrichien un parti pan-germaniste d’optique raciste, mais celuici<br />

ne recherche le soutien que des classes moyennes, alors que, estime Hitler, il faut conquérir les<br />

masses. Et ce parti pan-germaniste lutte contre l’Eglise Romaine qui favorise l’influence slave<br />

dans l’empire, alors qu’il faudrait conquérir l’Eglise Romaine. Les Eglises Protestantes défendent<br />

mieux les intérêts allemands, mais ne sont guère anti-sémites.<br />

Hitler regarde donc vers le Parti Social Chrétien qui, lui, vise les masses et évite de s’en<br />

prendre à l’Eglise Catholique, mais fonde son anti-sémitisme sur des considérations religieuses,<br />

et non racistes. Et ce parti ne se soucie pas de régénération du germanisme. Il est donc<br />

inutilisable. Hitler décide donc de faire lui-même de la politique et pour cela de sortir de l’empire<br />

d’Autriche-hongrie. La solution ne peut venir qu’au sein du Reich Allemand. Hitler part donc<br />

s’installer à Munich au printemps de 1912.<br />

page 10 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong>


Il s’intéresse à la vie politique du Reich et, voyant monter les tensions qui vont conduire à<br />

la guerre en 1914, il trouve dérisoire la confiance que l’Allemagne semble mettre dans l’alliance<br />

avec cet empire de François-Joseph qu’il méprise de plus en plus. Puis la guerre vient. Hitler<br />

s’engage dans l’armée allemande et fait part à ses camarades de ses réflexions politiques<br />

A partir de 1916, l’Etat Major allemand estime que la guerre ne peut plus être gagnée. Les<br />

privations imposées à la population allemande sont très sévères. Beaucoup accusent les Juifs<br />

d’être les affameurs du peuple et de profiter de l’effort de guerre pour s’enrichir. Après l’écroulement<br />

militaire et social de la Russie un espoir renaît, mais l’idéologie bolchevique gagne les travailleurs<br />

allemands. Des grèves éclatent au début de 1917 dans les usines d’armement. Là encore<br />

beaucoup accusent les Juifs de répandre la révolution (on fait l’amalgame avec Marx Juif) et de<br />

saboter l’effort de guerre, de trahir l’armée.<br />

A partir du printemps 1918 Hindenburg et Ludendorf envoient des messages secrets au<br />

gouvernement pour lui demander d’ouvrir des négociations de paix. Mais, ils déclarent bien haut en<br />

public qu’ils n’accepteront jamais une paix honteuse. Des Conseils de soldats se constituent dans<br />

l’armée, des mutineries apparaissent dans la flotte de guerre amarrée dans les ports de la Mer du<br />

Nord et de la Baltique.<br />

Finalement, à bout de force, l’Allemagne demande l’armistice; en fait, c’est le<br />

gouvernement civil, dont le chancelier est un socialiste, qui s'engage dans cette démarche, car le<br />

Commandement militaire ne veut pas endosser les conséquences de la défaite; l’empereur<br />

Guillaume a abdiqué et la République a été proclamée. Les négociations sur les conditions de<br />

l’armistice sont discutées pendant des mois et sont finalement très dures, bien trop dures. Le<br />

peuple allemand est à la fois épuisé et humilié. La misère est grande et la révolution monte. L’idée<br />

se généralise que l’armée allemande n’a pas été vaincue sur le champ de bataille, aucun pouce du<br />

territoire allemand n’a été envahi par l’ennemi. L’armée a été trahie par l’arrière et beaucoup<br />

ajoutent, à l’instigation des Juifs qui contrôlent la finance et le marxisme.<br />

Hitler démobilisé à Munich fréquente des réunions nationalistes et ses exceptionnels dons<br />

d’orateur le font remarquer. Le Commandement militaire de Munich l’embauche pour des sessions<br />

de formation civique pour soldats et démobilisés et il lui demande d’aller enquêter sur un petit<br />

groupe qui s’intitule « Parti National Ouvrier Allemand » Il y va , trouve cela médiocre, mais<br />

finalement il y adhère et se fait donner les fonctions de responsable de la propagande. Il <strong>org</strong>anise<br />

des réunions publiques et chaque fois fait un « tabac ».<br />

En Février 1920 il paye d’audace, loue une grande salle de Munich, lance des invitations et<br />

publie des placards dans les Journaux. Dans la salle vont s’entasser 2000 personnes, dont environ<br />

la moitié sont des communistes et marxistes divers venus pour faire du tapage et saboter. Mais<br />

Hitler a mobilisé des membres musclés du parti pour rétablir l’ordre. La première partie de la<br />

réunion connaît un pugilat. Mais les gardes du corps musclés restent maîtres de la situation et le<br />

Parti progresse. Bientôt Hitler est nommé chef de ce Parti et ré<strong>org</strong>anise tout à son idée.<br />

Notamment, on va le voir, il transforme et développe ces groupes de gardes du corps musclés qui<br />

deviendront les « Sections d’ Assaut » de sinistre mémoire.<br />

A chaque élection les partis nationalistes et racistes progressent aux dépens du parti<br />

socialiste au pouvoir. L’opinion reproche à ce gouvernement, la crise économique, les désordres<br />

de la révolution marxiste, la soumissions devant les exigences des puissances alliées pour<br />

l’armistice, puis découlant du Traité de paix de Versailles. Presque tous les partis de droite et du<br />

centre ratissent les électeurs à coup de surenchères nationalistes et anti-sémites. En novembre<br />

1923 Hitler tente un putch à Munich. Il est arrêté, emprisonné et jugé (dans sa prison, il écrit Mein<br />

Kampf). Mais à l’audience, sa fougue et ses dons d’orateur retournent le tribunal, soulève<br />

d’enthousiasme l’assistance. Il est acquitté et quitte la salle porté en triomphe.<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 11


La crise économique et financière de 1929 et la déconfiture de la République de Weimar à<br />

la tête de laquelle il y a un certain nombre de Juifs, accélère cette montée nationaliste et raciste.<br />

Aux élections de 1933, beaucoup de petits partis adhèrent au Parti National Socialiste d’Hitler et<br />

celui-ci remporte la majorité relative au Reichstag. Et le Maréchal Hindenburg président de la<br />

République appelle Hitler aux fonctions de chancelier. Voilà comment il est parvenu au pouvoir par<br />

des voies légales, constitutionnelles et parlementaires, dans le cadre de « l’état de droit » ! il<br />

demande aussitôt au Reichstag les « pleins pouvoirs » et il les obtient grâce à l’appui des partis<br />

chrétiens.<br />

Arrêtons-nous dans le rappel de ces tristes événements, ce n’est pas là l’essentiel de notre<br />

sujet. Il nous faut insister sur ce qu’ est ce qu’est devenu « l’état de droit » en Allemagne, à partir du<br />

jour où Hitler a reçu ces pleins-pouvoirs. Ce qu’il a avait écrit dans Mein Kampf, il l’a mis en oeuvre<br />

point pour point. Voyons les points principaux :<br />

Conception de l’Etat<br />

Il a d’abord réalisé la conception qu’il avait de ce qu’est un Etat. Pour lui ce n’est pas :<br />

- un groupement soumis à un gouvernement, cela c’est l’adoration servile de l’Etat,<br />

- une même administration vouée au bien-être des citoyens, cela c’est bourgeois,<br />

- une masse d’homme divers réunis par une langue et une culture commune, cela c’est de<br />

l’internationalisme déguisé.<br />

Pour Hitler, l’Etat a pour tâche principale la conservation et l’amélioration de la race, c’est à<br />

dire d’êtres qui physiquement et moralement sont de la même espèce. L’Etat n’est donc pas un but<br />

mais un moyen et une condition préalable pour former une civilisation humaine de valeur<br />

supérieure. L’Etat raciste doit donc d’abord veiller à la conservation des représentants de la race<br />

primitive dispensateurs de la civilisation, qui font la beauté et la valeur morale d’une humanité<br />

supérieure.<br />

Et, à l’intérieur de la race allemande dont il reconnaît bien qu’elle est pour le moins<br />

mélangée, il introduit un super-racisme et dit qu’il convient de porter aux postes clés du pouvoir les<br />

allemands des races nordiques qui sont les plus purs. Et pour préserver l’ensemble, il affirme qu’il<br />

faut mettre hors d’état de se reproduire les individus mal bâtis, tarés, et que cet eugénisme honore<br />

Dieu dans sa création de l’homme fait à son image. Et bien sûr il faut empêcher le sang juif de<br />

continuer à polluer la race allemande par des mariages ou des relations sexuelles mixtes.<br />

Gestion de l’Etat<br />

A tous niveaux de responsabilité en tous domaines, le chef peut avoir des conseillers, mais<br />

lui seul décide et n’est responsable que devant le chef du niveau immédiatement supérieur et ainsi<br />

de suite en remontant jusqu’au Chef suprême. A aucun niveau il ne doit y avoir de décision prise<br />

par vote. Le régime de démocratie parlementaire est pour Hitler le comble de la décadence.<br />

Méthode de Gouvernement<br />

Elle doit viser à entraîner les masses par un discours simple, sans grandes idées<br />

générales, mais dans des termes concrets, simples, simplistes au besoin et selon l’axe d’une idée<br />

fixe indéfiniment répétée. Cette colonne vertébrale du discours national socialiste est la haine du<br />

Juif réputé responsable de tous les malheurs du peuple allemand, obstacle à tous ses désirs, et<br />

qu’il faut abattre par tous les moyens. Cette propagande doit être martelée en permanence.<br />

A cet égard, Hitler, maintes fois, cite en exemple l’Eglise romaine qui est dirigée par un<br />

chef, adulé par tous, qui décide tout, qui est entouré d’une hiérarchie d’exécutants qui ne discutent<br />

jamais les ordres. Cette Eglise a dominé les siècles par ce qu’elle a enseigné toujours les mêmes<br />

dogmes, détenteurs du monopole de la vérité et maintenus sans concessions ni compromis avec<br />

qui et quoi que ce soit d’autre, même quand les données de la science tendraient à les contredire.<br />

page 12 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong>


Géo-politique internationale<br />

A vrai dire, Hitler a eu un second axe-leitmotiv, à côté du racisme-antisémite. C’est le<br />

thème de l’espace vital. Il était hanté par l’accroissement de la population allemande dans la<br />

seconde moitié du 19 e siècle. Il jugeait les limites territoriales de l’Allemagne bien trop étroite pour<br />

permettre l’expansion de sa race. Il souhaitait donc une entente avec l’Angleterre à laquelle il<br />

voulait abandonner la suprématie maritime, commerciale, et coloniale, à condition qu’elle lui laisse<br />

les mains libres pour la conquête de territoires vers l’est, en Pologne et en Russie. Et pour épurer<br />

la race allemande, il projetait de refouler tous les Juifs et d’en faire une « réserve » à l’Est de<br />

l’Oural. La France, ennemie sans compromis possible avec l’Allemagne, devait être neutralisée à<br />

l’aide de l’alliance avec l’Angleterre, de même qu’avec l’Italie.<br />

Hitler a donc proclamé dès 1924-26 que la guerre vers l’est, après neutralisation de la<br />

France, était son objectif majeur et vital. Et l’un des instruments de cette politique était l’élimination<br />

radicale des Juifs. Certes, dans Mein Kampf, il n’a pas dit comment il entendait les éliminer.<br />

Mais pour l’essentiel de son programme écrit dans ce livre il l’a réalisé ponctuellement.<br />

Quelques semaines après sa nomination comme Chancelier, les structures du Parti National<br />

Socialiste ont progressivement envahi les rouages de l’Etat républicain et démocratique qu’était<br />

alors l’Allemagne et ont étouffé « l’état de droit ». Tous les pouvoirs sont devenus personnels. Les<br />

bandes des fameux gardes du corps du Parti, les S.A. ont molesté les Juifs dans les rues, pillé les<br />

demeures et les magasins Juifs, empêché les médecins, les avocats, les juges Juifs d’exercer leurs<br />

métiers, chassé de leurs fonctions les professeurs et les fonctionnaires Juifs. Et à l’approche de la<br />

guerre de 1939, tous les Juifs qui ont voulu émigrer ont été dépouillés de tous leurs biens.<br />

En 1938 à l’initiative de Roosevelt une réunion de représentants des puissances<br />

occidentales se tint à Evian, pour trouver des pays d’accueil pour 650.000 Juifs allemands qu’Hitler<br />

voulait expulser. Aucun pays ne consentit à majorer les quotas d’immigration en vigueur. La même<br />

année, fin Octobre, en pleine nuit, Heydrich chef des S.S. expulsa de leurs logements 18.000 Juifs<br />

de Silésie, hommes, femmes et enfants, qui furent menés vers la frontière de Pologne dans un état<br />

de dénuement extrême. En Novembre, la Gestapo arrêta 20.000 Juifs qui furent emmenés à<br />

Buchewald, Dachau, Sachsenhausen. Ni la population ni les Eglises ne protestèrent.<br />

Heydrich négocia secrètement avec les <strong>org</strong>anisations sionistes pour l’émigration en<br />

Palestine de 10.000 Juifs. Dès le début de la guerre de 1939, ce furent des massacres généralisés<br />

dans les villes et les villages conquis, le rassemblement puis l’enfermement des Juifs dans<br />

d’immenses ghettos en diverses villes de Pologne. Et finalement la déportation dans des camps et<br />

l’extermination par les gaz. Au début cela se passait dans des camions spéciaux en branchant les<br />

tuyaux d’échappement à l’intérieur des camions. Ensuite, dans de vastes chambres à gaz, avec des<br />

gaz spéciaux.<br />

Epilogue<br />

Comment a-t-on pu en arriver là en Europe, en Europe judéo-helléno-chrétienne ? Le<br />

simple rappel des événements montre qu’aucune génération particulière ne peut porter la<br />

responsabilité plénière de ces barbaries de 19 siècles d’histoire, et notamment de l’histoire<br />

contemporaine. Car les déviations ont été lentes, progressives, accumulées de générations en<br />

générations et de siècle en siècle… Les racines de toutes les exactions humaines sont<br />

multimillénaires. Le développement des connaissances intellectuelles ne changent pas le cœur de<br />

l’homme. Bien souvent, au contraire, elles développent en lui l’envie et le pouvoir de détruire.<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 13


Et, au stade où nous sommes parvenus de notre réflexion sur la barbarie, il convient sans<br />

doute d’en modifier un peu la définition, ou plutôt le contenu, que nous lui avons donné en<br />

commençant. Il nous faut développer une réflexion que nous avons proposée en incidente.<br />

Lorsque l’homme se conduit vis à vis d’autres hommes comme un sauvage, il est un animal comme<br />

les autres, emporté par la loi de la lutte pour la vie, qui est une loi naturelle de l’évolution des<br />

espèces. Mais il semble bien que l’homme ait inventé une forme particulière de sauvagerie<br />

génératrice de massacres de masse et gratuits. Cette forme nouvelle se fonde sur des raisons ou<br />

des finalités philosophiques, métaphysiques, idéologiques et souvent religieuses. Cela c’est<br />

spécifiquement le propre de l’homme. Et c’est cela qui apparaît mériter de façon précise le nom de<br />

barbarie.<br />

C’est bien en amont des manquements à « l’état de droit » et bien plus grave que les<br />

simples sauvageries si sanglantes soient-elles. Devant cela nous ne devons pas nous résigner.<br />

Devant les formes grossières et subtiles de barbarie moderne, et on en invente de nouvelles tous<br />

les jours, que pouvons-nous faire, qu’est-ce que chacun de nous peut faire ?<br />

Je me bornerai ici à suggérer quelques pistes judéo-chrétiennes :<br />

- la foi en l’unicité de Dieu, quels que soient le nom et les attributs qu’on lui donne ici et là,<br />

- le respect absolu de toute vie , qui est l’Etre divin manifesté,<br />

- le sens de l’unité fondamentale de la communauté humaine,<br />

- le maintien radicalement intransIgeant de tous les principes de l’état de droit, par<br />

exemple tels que Montesquieu les avait formulés,<br />

- la désacralisation des « Droits de l’Homme », au profit d’une pédagogie des « Devoirs<br />

de l’Homme ».<br />

Pour que le « plus jamais cela » soit autre chose qu’un vœu pieux, des révisions<br />

déchirantes sont nécessaires.<br />

page 14 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

Joël Putois<br />

Octobre <strong>2002</strong>


PROTESTANTS PROTESTANTS ET ET ET JUIFS<br />

JUIFS<br />

L'ignorance des médias.<br />

Juifs et catholiques se plaignent souvent<br />

du traitement que leur font subir les médias. Les<br />

musulmans pourraient sans doute en dire<br />

autant. De notre côté, comme protestants, en<br />

France, nous souffrons aussi d’une<br />

désinformation.<br />

Certes, le protestantisme n’est pas<br />

médiatique : nous ne disposons pas d’un <strong>org</strong>ane<br />

mondial central; nous nous refusons la pensée<br />

unique (sans que la pluralité conduise à un<br />

pluralisme); nous nous défions de tout ce qui est<br />

spectaculaire; nous nous refusons à mettre en<br />

scène nos dirigeants, nos actions et nos<br />

décisions; nous nous méfions de tout ce qui peut<br />

conduire à un culte de la personnalité; pour<br />

nous, le lieu d’application de la vocation<br />

chrétienne n’est pas le sacré, mais le profane, la<br />

vie quotidienne, non l’extraordinaire, mais<br />

l’ordinaire.<br />

Cela n’excuse pas les médias d’êtres<br />

ignorants, partiaux et de manquer de culture.<br />

Voici, parmi tant d'autres, quelques exemples de<br />

cette désinformation:<br />

• Arte mis à part, l‘information sur<br />

l’Irlande du Nord est présentée de manière<br />

unilatérale. Il ne fait pas de doute que les<br />

protestants s’y sont conduits en colonisateurs,<br />

mais les reportages sur l’actualité ne donnent la<br />

parole qu’au côté catholique, jamais à des<br />

familles ou des responsables protestants. Rien<br />

n’est dit des efforts des Églises tant catholique<br />

que protestante pour créer des relations<br />

pacifiques entre les communautés.<br />

• Les médias présentent Mgr Desmond<br />

Tutu, figure éminente de la lutte anti-apartheid<br />

par le pasteur Jacques Gruber<br />

Le pasteur Jacques Gruber a présenté cet exposé à une rencontre de<br />

l’AJCF Val-de-Marne Est. Il a bien voulu nous communiquer le texte de<br />

cet exposé et nous l'en remercions.<br />

en République d’Afrique du Sud, comme évêque<br />

de Johannesbourg, mais omettent de préciser<br />

qu’il s’agit d’un prélat anglican ?<br />

• Les rassemblements de tsiganes<br />

évangéliques sont présentés sous un jour<br />

défavorable faisant écho aux préjugés courants.<br />

Or ces rassemblements sont <strong>org</strong>anisés par une<br />

église tsigane qui fait partie de la Fédération<br />

Protestante de France.<br />

• Le public français ignore qu’un service<br />

religieux de repentance et conversion réunissant<br />

huit cents personnes, représentatives de tous<br />

les courants du protestantisme et des instances<br />

juives du plus haut niveau, s’est déroulé, à<br />

Jérusalem, du 17 au 20 avril 2001. (Cf notre<br />

information parue dans nos n os 25 et 29)<br />

• On entend parler de la CIMADE sans<br />

savoir qu’il s’agit d’un <strong>org</strong>anisme né au sein du<br />

protestantisme français, en 1939-40, par l’action<br />

d’une femme (Suzanne de Dietrich, relayée par<br />

Madeleine Barot) pour venir en aide aux<br />

évacués et déportés, alsaciens, et réfugiés<br />

divers, parmi lesquels des Juifs.<br />

• Tout récemment, en parlant du<br />

Rassemblement œcuménique des jeunes de<br />

Taizé, une radio très écoutée parlait d’un<br />

rassemblement de jeunes catholiques de toute<br />

l’Europe.<br />

• En revanche, on ne peut que<br />

recommander la présentation du protestantisme<br />

qui a été faite à l’émission du Jour du Seigneur,<br />

sur A 2, depuis La Rochelle, le 4 août <strong>2002</strong>.<br />

(Jour du Seigneur est une émission catholique)<br />

• Concernant les relations entre Juifs et<br />

chrétiens, en France, qu’il s’agisse des médias,<br />

des livres, de la presse écrite ou des<br />

conférences, l’identification entre ‘‘chrétien’’ et<br />

‘‘catholique’’ est constante. L’œcuménisme et<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 15


l’amitié entre les religions (ou encore la simple<br />

culture) devraient nous conduire à parler des<br />

chrétiens en général (lorsque c’est possible) ou,<br />

sinon, des chrétiens orthodoxes, catholiques,<br />

protestants, évangéliques ou anglicans.<br />

Le nécessaire rappel<br />

historique :<br />

On ne peut effectuer un travail de<br />

mémoire valable si l’on ne tient pas compte de<br />

tous les éléments. Le plus souvent, dans ce<br />

que je lis ou entend, les relations entre<br />

chrétiens et <strong>juifs</strong> sautent du Moyen Âge à<br />

Vatican II (Nostra Aetate, 1965), comme s’il n’y<br />

avait rien eu entre temps.<br />

Certes, le protestantisme européen n’a<br />

pas à sa glorifier de son attitude vis-à-vis des<br />

Juifs au cours de son histoire et,<br />

particulièrement, au cours des douze années<br />

de l’hitlérisme. Mais on ne peut pas non plus<br />

se contenter de dire : "Ils n’ont pas mieux fait<br />

que les autres". Nous avons besoin<br />

d’informations pour nous faire une idée précise<br />

et parvenir à une appréciation valable. C'est ce<br />

que nous allons faire ci-dessous en prenant<br />

chaque période, l'une après l'autre.<br />

XVI e -XVII e siècles .<br />

Les réformateurs pensaient que leur<br />

restitution du Premier Testament comme<br />

parole de Dieu et le renouveau des études<br />

universitaires hébraïques (ce qui s’est fait en<br />

France, avec le grand rabbin Sirat, dans la<br />

dernière moitié du XXe s., existait depuis<br />

quatre cents ans dans les universités de<br />

l’Europe protestante, aujourd'hui encore, tout<br />

pasteur passant par une faculté de théologie<br />

apprend l’hébreu) ainsi qu’un nouvel intérêt<br />

pour le monde Juif, éveilleraient l’intérêt des<br />

Juifs pour l’Évangile. Leur déception sur ce<br />

point a diversement marqué leurs relations<br />

ultérieures.<br />

Luther avait commencé par rappeler,<br />

dans un traité paru en 1523, que … "Jésus-<br />

Christ est né Juif". Des tentatives de<br />

rapprochements avec les communautés juives<br />

avaient eu pour conséquence qu’on l’avait<br />

surnommé « le père juif » (Foi et Vie, fév.<br />

<strong>2002</strong>, p. <strong>31</strong>). Pourtant, sur la fin da vie, Luther,<br />

qui estimait ne pas être entendu par les Juifs, a<br />

page 16 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

publié plusieurs traités outranciers à l’endroit<br />

des Juifs. L’histoire n’a cependant pas retenu<br />

que ces textes aient donné lieu à une<br />

aggravation de la condition des Juifs en<br />

Allemagne, ils seront même désapprouvés par<br />

certains (Magistrat de Strasbourg, 1543, Michel<br />

Leplay, in "La Racine qui te porte" p. 48). Il a<br />

fallu que Goebbels (issu d’une famille<br />

protestante) s’en serve pour instrumentaliser<br />

les chrétiens évangéliques dans l’Allemagne<br />

nazie. Depuis, les instances luthériennes<br />

mondiales ont officiellement désavoué ces<br />

propos.<br />

Pour Luther (suivi par la Réformation<br />

dans son ensemble), le Premier Testament est<br />

tout autant Parole de Dieu que le Nouveau<br />

Testament, mais il distingue entre ce qu’il<br />

appelle la Loi et l’Évangile. Il oppose ce qui est<br />

de l’ordre du commandement et ce qui est de<br />

l’ordre de la promesse. La Loi caractérise plus<br />

le Premier Testament et l’Évangile plus le<br />

Nouveau Testament, mais les deux se trouvent<br />

aussi bien dans le Premier Testament que<br />

dans le Nouveau.<br />

Calvin, tout en maintenant l’idée que<br />

les observances rituelles de la Torah et le culte<br />

israélite ont été accomplis en Jésus-Christ,<br />

reconnaît que la Loi, comme contenu éthique<br />

exprimant la situation de l’être humain devant<br />

Dieu, reste une source permanente de vie. Il<br />

sera accusé de judaïser. Les États acquis à la<br />

réformation calviniste (France, Suisse, Pays-<br />

Bas, Grande Bretagne - à partir d’Edouard III,<br />

l’Église anglicane adopte une théologie<br />

calviniste -, Hongrie, puis États Unis) ont eu<br />

une forte imprégnation du Premier Testament.<br />

À titre d’illustration, l’usage répandu des<br />

prénoms bibliques tirés du Premier Testament,<br />

le recours aux appellations de ‘‘désert’’ et<br />

d‘‘exil’’ (ou ‘‘refuge)’’ par les protestants<br />

français pour la période qu’ils ont vécue après<br />

la révocation de l’édit de Nantes, l’utilisation<br />

des épisodes du Premier Testament dans les<br />

gospels des noirs américains pour exprimer<br />

leur expérience.<br />

XVII e -XVIII e siècles.:<br />

Cette période a été appelée celle des<br />

"Lumières" (anticléricales et antireligieuses<br />

chez certains comme Condorcet) et vit la<br />

naissance de la critique biblique (Louis Cappel<br />

du côté protestant, Baruch Spinoza du côté<br />

Juif, Richard Simon du côté catholique). Elle vit<br />

aussi le développement des mouvements


protestants évangéliques, Frères Moraves et<br />

piétistes, qui furent des artisans d’une amitié<br />

entre Juifs et chrétiens.<br />

C’est le pasteur Paul Rabaud-Saint-<br />

Étienne qui exigera que la Déclaration des<br />

droits de l’homme de 1789 ne comporte pas la<br />

tolérance, mais la liberté religieuse dont les<br />

Juifs de France bénéficieront aussi<br />

(l’Émancipation).<br />

XIXe siècle.<br />

En France , les dernières mesures<br />

vexatoires à l’encontre des protestants datent<br />

du Second Empire:<br />

- en ville, les temples doivent être bâtis<br />

dans l’alignement sans rien, comme un<br />

clocher, qui rappelle une église,<br />

- alors que Napoléon III confie au<br />

préfet Hausmann, qui est protestant, la<br />

rénovation de Paris.<br />

- la droite nationaliste fait un<br />

amalgame entre Juifs et protestants (Jean<br />

Baubérot, L’anti-protestantisme politique à la<br />

fin du XIXe siècle).<br />

En Angleterre, en revanche, il existe un<br />

courant philosémite dans lequel s’inscrira la<br />

Déclaration Balfour de 1917 qui pose le<br />

principe d’un foyer national Juif créé sur la<br />

terre d’Israël.<br />

Remarque : Si nous n’avons jamais<br />

parlé de « peuple déicide », c’est pour les<br />

mêmes raisons théologiques qui nous<br />

retiennent de faire de Marie la « Mère de<br />

Dieu ». Brièvement dit : on peut donner tout<br />

son sens à l’incarnation sans souscrire à l’idée<br />

d’une continuation de celle-ci dans l’Église<br />

comme institution ecclésiastique.<br />

Le discours sur la substitution a marqué<br />

le protestantisme, dans la théologie et dans la<br />

philosophie comme chez Hegel. Mais au plan<br />

théologique et pratique, il a rencontré une<br />

certaine limitation du fait que, pour nous,<br />

l’Église n’est pas première, c’est la Parole de<br />

Dieu et la foi qui le sont. De plus, chez nous, la<br />

réalité de l’Église n’est pas dans sa tête, mais<br />

dans les églises locales unies par le lien<br />

synodal. Enfin notre théologie est plutôt celle<br />

de l’accomplissement d’Israël réalisé une fois<br />

pour toutes en Jésus Christ et en lui seul (le<br />

pro nobis de Luther) . Donc, non dans l’Église,<br />

Corps de Christ en vertu de sacrements<br />

agissant par eux-mêmes, mais dans l’Église,<br />

corps de Christ dans la mesure où ses<br />

membres ont intériorisé leur être en Christ (voir<br />

la revue Sens 9-10/2000, pp. 417-462,<br />

Réflexions protestantes, documents<br />

rassemblés par Michel Leplay, texte de la<br />

Commission Foi et Constitution du Conseil<br />

œcuménique des Églises, Bristol, février 1967,<br />

pp. 437-438).<br />

XX e siècle :<br />

Dans tous les pays d’Europe et dans le<br />

protestantisme européen, aux XIX e et XX e<br />

siècles, hormis les courants antisémites<br />

déclarés, les entreprises de conversion des<br />

Juifs ou, au contraire, les personnes<br />

intéressées par le dialogue avec les Juifs et les<br />

études juives, les Juifs sont ignorés,<br />

discrédités, ou méprisés, même si ces attitudes<br />

sont, le plus souvent, vécues de façon non<br />

agressives.<br />

En Allemagne et sans doute aussi<br />

ailleurs, les Juifs convertis au protestantisme<br />

ne sont pas parfaitement intégrés aux Églises,<br />

ils forment un groupe à part, attitude qui sera<br />

condamnée par l’Assemblée du Conseil<br />

œcuménique des Églises, à Amsterdam, en<br />

1948.<br />

En France, toutefois, on peut noter que<br />

la première personne à dénoncer la<br />

machination dont le capitaine Dreyfus avait été<br />

l’objet fut un protestant alsacien, le député<br />

Scheurer-Kestner.<br />

Les ‘‘années de plomb’’ :<br />

En Allemagne , les chrétiens<br />

protestants dans leur grande majorité optent<br />

pour l’<strong>org</strong>anisation hitlérienne des ‘‘Chrétiens<br />

allemands’’. Lors des élections ecclésiastiques<br />

de juillet 1933 (trois mois après l’accession<br />

démocratique au pouvoir du chancelier Adolf<br />

Hitler) plus de 75 % des suffrages se portent<br />

sur le choix d’une Église évangélique de la<br />

nation allemande (Encyclopaedia Universalis,<br />

édition électronique, 2001, clé : Barmen). Si<br />

Hitler n’est pas protestant d’origine, la plupart<br />

des hauts dignitaires nazis le sont, des<br />

théologiens protestants éminents signent le<br />

manifeste des universitaires et intellectuels<br />

allemands, en faveur d’Hitler.<br />

On peut y voir le résultat du<br />

Kulturprotestantismus qui identifie<br />

protestantisme et messianisme de la nation<br />

allemande, avec, pour aggraver la situation, la<br />

misère dans laquelle le traité de Versailles<br />

avait plongé l’Allemagne et la menace que le<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 17


communisme de l’Union soviétique faisait<br />

peser sur elle. D’une façon générale, personne<br />

(en Allemagne et hors d’Allemagne) n’a<br />

suffisamment pris au sérieux le programme<br />

développé dans Mein Kampf, ni compris qu’on<br />

avait affaire à des manieurs de foules et des<br />

manipulateurs émérites.<br />

Pourtant une opposition publique<br />

apparaît dès le début dans les milieux<br />

protestants, celle de l’écrivain Thomas Mann et<br />

du théologien Paul Tillich qui choisissent<br />

l’émigration aux États Unis. En Allemagne<br />

même, il faut citer la revue Theologische<br />

Existenz heute autour de Karl Barth, Martin<br />

Niemöller et d’autres. Un an plus tard, le <strong>31</strong><br />

mai 1934, un synode clandestin se réunit à<br />

Barmen, dans le Wuppertal, il vote un texte<br />

appelée Confession de Barmen, qui appelle à<br />

la résistance spirituelle au nazisme, dénonce le<br />

Führerprinzip, affirme la liberté de la parole de<br />

Dieu face aux pouvoirs et aux idéologies. Karl<br />

Barth est expulsé d’Allemagne et sera accueilli<br />

en Suisse. Martin Niemöller sera interné en<br />

camp de concentration, d'où il ne sortira que<br />

dix ans plus tard, quand le camp de Dachau<br />

sera libéré; le jury du Nobel l’ignorera, mais les<br />

Soviétiques lui décerneront un prix Lénine de<br />

la paix.<br />

Ce texte sera l’acte de naissance de<br />

l’Église confessante, une institution<br />

évangélique de refus du pouvoir hitlérien, non<br />

séparée de l’Église officielle, mais existant en<br />

son sein. Bien qu’elle n’ait pas eu de rapport<br />

direct avec une lutte contre le programme<br />

d’anéantissement des Juifs exécuté par le<br />

régime hitlérien, à titre d’acte collectif de<br />

résistance spirituelle, l’Église confessante a<br />

créé un milieu et offert un appui pour des<br />

prises de conscience et des actions en faveur<br />

des Juifs, comme cela s’est produit dans divers<br />

protestantismes européens hors d’Allemagne.<br />

Outre Niemöller, cette Église sera celle de<br />

Dietrich Bonhoeffer, de l’amiral Canaris, de<br />

Kurt Gerstein et d’autres, moins connus ou<br />

anonymes.<br />

En Allemagne, les Églises en général et<br />

les Églises protestantes en particulier ont-elles<br />

moins bien réagi que les autres corps<br />

constitués (Université, Magistrature,<br />

Administration, Armée) ?<br />

En dehors de l’Allemagne, dans<br />

l’Europe occupée, rappelons que le roi<br />

Christian X du Danemark (luhérien) portera<br />

l’étoile jaune en signe de protestation, que la<br />

page 18 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

reine Juliana des Pays-Bas (réformée et<br />

conseillée d’ailleurs par le pasteur Boegner)<br />

donnera l’exemple d’un refus de collaborer<br />

avec les occupants.<br />

En France, dans les années 1930-1938,<br />

on note plusieurs textes et déclarations de<br />

protestants en faveur des Juifs. En 1938-1939,<br />

la revue du Christianisme social publie une<br />

série de notes et d’articles sur la question juive,<br />

en rapport avec le martyr subi en Allemagne<br />

(Patrick Cabanel, Les protestants et la<br />

République, p. 178). Le 6 avril 1933, le pasteur<br />

Freddy Durrleman prononce à Radio-Paris un<br />

‘‘Plaidoyer pour Israël’’ qui comporte trois<br />

volets : repentance, reconnaissance et<br />

espérance.<br />

Le Commissariat aux affaires juives est<br />

créé début mars 1941. Le Conseil national de<br />

l’Église Réformée de France, réuni à Nîmes,<br />

demande au pasteur Boegner (président de la<br />

Fédération protestante de France) d’écrire en<br />

son nom au Grand rabbin Isaïe Schwartz et à<br />

l’amiral Darlan. Ce qui est fait le 26 mars et la<br />

seconde de ces lettres est rendue publique. Le<br />

même pasteur Boegner (pourtant acquis à la<br />

révolution nationale et membre du Conseil<br />

social) rencontrera plusieurs fois le maréchal<br />

Pétain pour protester contre les dérives<br />

racistes de l’État français. Le même avait dit, le<br />

23 octobre 1940, dans une réunion de<br />

responsables protestants, à Vichy : « Le statut<br />

imposé le 3 octobre aux citoyens israélites<br />

nous appelle à tenir notre rôle [de chrétiens]<br />

avec une grande fermeté » (Les protestants<br />

français pendant la seconde guerre mondiale,<br />

p. 198).<br />

Comme dans le cas de l’Église<br />

confessante allemande, il ne s’agit pas d’actes<br />

isolés: il y a eu, en France, une prise de<br />

position ecclésiale collective, officielle. En mai<br />

1941, le synode national de l’Église réformée<br />

de France, réuni à Alès, approuve les<br />

démarches du pasteur Boegner et dénonce les<br />

lois racistes de l’État français. Le 16 septembre<br />

de la même année1941, sont rédigées les<br />

Thèses de Pomeyrol qui ajoutent aux thèses<br />

de Barmen, celle qui concerne les lois contre<br />

les Juifs :<br />

« thèse 7 : Fondée sur la Bible, l’Église<br />

reconnaît en Israël le peuple que Dieu a élu<br />

pour donner un Sauveur au monde et pour être<br />

au milieu des nations un témoin permanent du<br />

mystère de la fidélité de Dieu. C’est pourquoi,<br />

tout en reconnaissant que l’État se trouve


devant un problème auquel il est tenu de<br />

donner une solution, elle élève une protestation<br />

solennelle contre tout statut rejetant les Juifs<br />

hors des communautés humaines » (Libre<br />

Sens, déc. 2001, p.3).<br />

L’impact de ce texte est différemment<br />

apprécié par les historiens : il est jugé<br />

déterminant pour Patrick Cabanel (Les<br />

protestants et la République, p. 181), il est<br />

minimisé par Jean Loignon (Libre Sens, déc.<br />

2001, pp. 10-12); il a, sans doute, été<br />

inégalement reçu dans les églises et, en tout<br />

cas, dénoncé par le groupe Sully qui<br />

rassemble alors, en France, une frange de<br />

protestants maurassiens et qui publie des<br />

contre-thèses.<br />

À partir de 1942, quand le port de<br />

l’étoile jaune est imposé, le pasteur Boegner<br />

proteste à nouveau, au nom des Églises<br />

protestantes, auprès du maréchal Pétain, une<br />

véritable mobilisation des pasteurs et des<br />

paroisses en faveur des Juifs persécutés<br />

s’<strong>org</strong>anise: le cas le plus connu est celui du<br />

Chambon-sur-Lignon où se retrouveront, entre<br />

autres, Daniel Isaac, fils aîné de Jules, André<br />

Chouraqui, Léon Poliakov,( André Kaspi, in<br />

Jules Isaac ou la passion de la vérité-). Le<br />

journal collaborationniste Je suis partout parle<br />

du protestantisme comme d’une vaste<br />

<strong>org</strong>anisation de secours aux réfractaires du<br />

STO (Service du travail obligatoire, 1943) et<br />

qualifie le pasteur Boegner de « champion de<br />

la juiverie » (Les protestants et la République,<br />

p. 182).<br />

Aujourd’hui, les choses paraissent<br />

relativement claires et simples, il ne pouvait en<br />

être ainsi à l’époque. Que diront nos<br />

descendants quand viendra le temps<br />

d’apprécier le message et les comportements<br />

des chrétiens d’aujourd'hui dans le conflit<br />

israélo-palestinien, face au terrorisme et au<br />

contre-terrorisme, en réponse aux défis<br />

génétiques et aux revendications des minorités<br />

de tous ordre ? Il a fallu la puissance militaire<br />

des Alliés pour en finir avec le régime hitlérien.<br />

Face aux totalitarismes et au nihilisme, les<br />

Églises et les chrétiens n’ont pas d’autre<br />

possibilité que d’opposer leur témoignage en<br />

forme d’actes de résistance.<br />

Après la guerre,<br />

Les protestants seront partie prenante<br />

aux Entretiens de Seelisberg.<br />

Le 18 octobre 1945, le Conseil des<br />

Églises évangéliques d’Allemagne, à Stuttgart,<br />

vote une « confession de nos fautes » qui<br />

inaugure les actes de repentances des Églises.<br />

Il faudrait ensuite citer tous les textes<br />

que nous donne la revue Sens des 9-10/2000,<br />

précitée. J’en extrais ici les éléments<br />

principaux émanant du Conseil œcuménique<br />

des Églises (CŒE qui associe orthodoxes,<br />

protestants et anglicans), de l’Église<br />

évangélique allemande (EKD), de la<br />

Fédération protestante de France (FPF) :<br />

- dénonciation de l’antisémitisme<br />

comme péché contre Dieu et contre les<br />

hommes (CŒE 1948, CŒE et FPF 1961);<br />

- renouvellement de l’acte de<br />

repentance (EKD 1950, 1960, 1961) ;<br />

- les coupables de la solution finale sont<br />

appelés à se présenter d’eux-mêmes à la<br />

justice, toute les personnes ayant participé de<br />

près ou de loin à la persécution nazie devront<br />

être écartées de toute fonction dirigeante (EKD<br />

1961) ;<br />

- prise de position en faveur des<br />

réparations des États pour les victimes<br />

survivantes de la Choah (EKD 1961);<br />

- entendre la compréhension que le<br />

peuple Juif a de lui-même, réviser la théologie<br />

concernant Israël, s’ouvrir à toutes les religions<br />

vivantes (CŒE 1967, EKD 1971) ;<br />

- indépendance et sécurité des nations<br />

du Proche Orient, limitation des armements<br />

nationaux, les grandes puissances ne doivent<br />

pas poursuivre leurs intérêts particuliers dans<br />

le secteur, favoriser les négociations, discerner<br />

la part des facteurs religieux de celle des<br />

facteurs non religieux ( CŒE, 1968), solidarité<br />

avec l’État d’Israël (EKD 1971) ;<br />

- que la prédication et l’enseignement<br />

chrétien, à tous les niveaux, veillent au respect<br />

du peuple dont Jésus fait partie (FPF 1973);<br />

- le sionisme n’est pas un racisme,<br />

Israël et l’État palestinien doivent pouvoir<br />

coexister (CŒE, 1975).<br />

À partir de 1967 paraissent des textes<br />

importants qui redéfinissent, du côté du CŒE,<br />

la théologie chrétienne dans le respect de<br />

l’élection et de la vocation d’Israël pour<br />

l’humanité (Romains 11/1-11) et dans la<br />

perspective de se retrouver avec les Juifs sur<br />

le terrain de la justice, de la paix et de la<br />

réconciliation. Il faut citer : L’Église et le peuple<br />

Juif (CŒE, Bristol, 1967, 16 pp.), Les Églises<br />

et le peuple Juif . Vers une entente nouvelle (7<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 19


pp, CŒE,1988), mais aussi, du côté<br />

strictement protestant : l’article ‘‘Judaïsme’’ de<br />

l’Encyclopédie du protestantisme (Le Cerf-<br />

Labor et Fides, 1995, pp. 790-809), co-rédigé<br />

par David Banon (Juif) et Denis Müller<br />

(protestant) et le travail sur elles-mêmes des<br />

Églises protestantes de Suisse, de 1980 à<br />

1997 : Origine et but du cheminement chrétien<br />

aux côtés du judaïsme (3 pp.).<br />

En France, depuis les années<br />

cinquante, la revue Foi et Vie donne<br />

régulièrement des ‘‘Cahiers d’études juives’’, il<br />

lui appartenait de publier en français la<br />

réflexion historique et théologique de fond sur<br />

l’Église et Israël résultat d’une réflexion menée<br />

de 1996 à 2000 par les Églises de la Concorde<br />

ecclésiale de Leuenberg (qui regroupe<br />

luthériens, réformés et anglicans européens au<br />

plan ecclésial). Ce document de 70 pages<br />

présente la réflexion la plus approfondie et la<br />

plus développée à ce jour sur le sujet des<br />

rapports entre Israël et l’Église.<br />

La situation actuelle des protestants est<br />

double :<br />

a/ ils ne sont pas reconnus comme<br />

interlocuteurs et partenaires à part entière par<br />

les Juifs qui, dans leur pratique du moins,<br />

semblent identifier christianisme et<br />

catholicisme.<br />

b/ ils sont intérieurement partagés parce<br />

qu'ils ne retrouvent pas le message universel<br />

d'Israël et la finalité du peuple Juif auxquels ils<br />

veulent adhérer (et qui sont l'arme la plus<br />

efficace à long terme) dans les moyens mis en<br />

œuvre aujourd'hui par l'État d'Israël pour<br />

garantir sa sécurité immédiate, sécurité dont ils<br />

reconnaissent tout à fait qu'elle est menacée<br />

par delà même le conflit avec les palestiniens.<br />

Du côté des protestants fondamentalistes,<br />

la pensée est passée par plusieurs<br />

étapes (Sébastien Fath, Réforme, numéros<br />

2973 à 2976). Avant la guerre de 1967 :<br />

Israéliens et Palestiniens sont tous deux fils<br />

d'Abraham, ils sont appelés à s'entendre. Au fil<br />

des années la balance penche du côté d'Israël,<br />

page 20 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

l'un des fils d'Abraham l'est plus que l'autre.<br />

Après que Jérusalem soit tout entière passée<br />

aux mains des Israéliens, en 1967, une<br />

ambassade chrétienne internationale y est<br />

ouverte, c'est le signe des temps annoncé<br />

dans Le 21/24, le temps de l'Église apparaît<br />

presque comme une parenthèse.<br />

La situation est comprise à travers la<br />

notion de "dispensation" élaborée, au XIXe<br />

siècle, par John N. Darby : l'unique Alliance se<br />

développe en des dispensations successives<br />

au cours de l'histoire du salut et, une fois le<br />

temps de l'Église parvenu à son terme. Dieu<br />

restaurera Israël. Il faut savoir que les chrétiens<br />

"évangéliques" modérés représentent quarante<br />

millions de membres aux Etats-Unis et sont<br />

influents sur Ge<strong>org</strong>e W. Bush.<br />

Le sionisme chrétien né aux États Unis<br />

sous l'impulsion de William E. Blackstone<br />

(1841-1935) (en France, actuellement, le<br />

pasteur Fruhinsholz) rassemble aujourd'hui des<br />

in-conditionnels de ce que Shmuel Trigano<br />

appelle le "camp de la nation" israélien (Z<br />

'Ébranlement d'Israël. Philosophie de l'histoire<br />

juive, pp. 1<strong>31</strong>-135). Israël étant l'épicentre<br />

bibliquement désigné de la manifestation<br />

dernière du Christ. Le sionisme "evangélical"<br />

finance des projets israéliens et passe pour<br />

être devenu le principal appui d'Israël aux États<br />

Unis.<br />

Mais si la fin des temps est marquée<br />

par la restauration d'Israël, elle l'est aussi par la<br />

reconnaissance de Jésus comme le Messie par<br />

les Juifs. Le mouvement des Juifs<br />

messianiques qui reconnaissent le Messie en<br />

Jésus de Nazareth, qui a pris forme outre<br />

Atlantique, vient confirmer les analyses<br />

eschatologiques et la pensée fondamentaliste<br />

des chrétiens sionistes. On comprend que cela<br />

puisse être une cause d'irritation pour les Juifs.<br />

Jacques Gruber<br />

rencontre AJCF du 6.10.<strong>2002</strong> à Sucy-en-Brie.


L'Echo d'Israël poursuit sa route.<br />

Nous avons salué dans notre précédent numéro la parution de ce nouveau journal dont la diffusion se fait par<br />

internet, et que vous pouvez recevoir, si vous avez un ordinateur, par e-mail (courrier électronique).<br />

Le numéro 5 de Janvier 2003 (12 pages) vient de paraître. Il contient notamment:<br />

• un dossier très bien documenté sur les institutions de l'État d'Israël. Nous pouvons ainsi avoir une meilleure<br />

connaissance du fonctionnement de cette démocratie (la seule au Moyen-Orient) et ainsi mieux saisir les enjeux des<br />

élections qui viennent d'avoir lieu.<br />

• un dossier donnant concernant un théâtre conçu comme moyen pédagogique pour améliorer les relations entre<br />

<strong>juifs</strong> et arabes: malgré la situation violente qui règne dans la région, les initiatives pour que les deux peuples se<br />

rencontrent et apprennent à se connaître ne manquent pas. Elles sont peu connues par les médias, ce qui est sans doute une<br />

cause de leur réussite ! Myriam Selz, de l’équipe de « l’écho d’Israël » est une amie d’Ouriel et Martine Zohar qui ont<br />

accepté de partager leur expérience qui semble révélatrice de ce qui peut être fait. Ce projet a débuté en fin d’année 1987<br />

au début de la première intifada.<br />

• un dossier historique retraçant la "préhistoire" d'Israël depuis 1919 jusqu'à la Résolution de l’Assemblée de<br />

l’ONU du 29 novembre 1947 , avec le texte de cette Résolution<br />

Pour contacter l'équipe de l'Echo d'Israël:<br />

Par courrier : Echo d’Israël - P.O.B 28.<strong>31</strong>7 - 91283 Jérusalem - Israël<br />

Par mail : echo_israel@hotmail.com<br />

Vous pouvez aussi consulter le journal sur le site internet : http://echodisrael.free.fr<br />

Nous vous recommandons de soutenir financièrement cette initiative:<br />

Libellez vos chèques à l'ordre de: "Millet - CCP 689416N038 Lyon". Indiquez au dos: "pour ECHO". Mais<br />

l'équipe tient à préciser que cette participation n’est pas une condition pour recevoir le bulletin.<br />

Remarque: Comme tous nos lecteurs ne sont pas équipés d'un ordinateur, nous proposons de leur tirer chaque<br />

numéro par photocopie. Si vous êtes intéressés, écrivez-nous à : CŒUR - BP 49217 - 30104 ALES.<br />

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~<br />

Des sessions de formation:<br />

La session "CONNAISSANCE D'ISRAEL" au Centre Chrétien de Gagnières (Tél.04.66.25.02.67) du 21 au<br />

25 avril. Intervenants: le pasteur Matthias Helmlinger et Me Elzbieta Amsler. Thème: L'Alliance.<br />

"24 HEURES" DE LECTURE BIBLIQUE EN HÉBREU: <strong>org</strong>anisées pour des personnes lisant déjà<br />

l'hébreu par l'association "Vers l'Olivier de la Réconciliation", avec le pasteur Matthias Helmlinger.<br />

(Renseignements : Tél: 03.85.48.36.72)<br />

- Les 21 et 22 mars à l'Oasis Montéléger près de Valence : Les alliances: Abraham, Moïse, David et les<br />

prophètes.<br />

- Les 14 et 15 juin à La Porte Ouverte—Lux/Chalon sur Saône : Le Qohélet (Ecclésiaste)<br />

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~<br />

Le site internet de l'association:<br />

Il se met peu à peu en place: nous invitons tous les amis qui ont accès à l'internet à le visiter à l'adresse<br />

suivante < www.asso-cœur.<strong>org</strong>/ >, et de nous faire part de leurs suggestions.<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 21


LA LA LA QUESTION QUESTION JUIVE JUIVE<br />

JUIVE<br />

ET ET L'ÉGLISE L'ÉGLISE CATHOLIQUE*<br />

CATHOLIQUE*<br />

La Question juive évoque pour beaucoup<br />

un opuscule de Marx, en fait un article : Zur<br />

Judenfrage, paru en 1844 dans les Annales<br />

franco-allemandes en réponse à Bruno Bauer<br />

sur le même sujet, où l'on peut voir un lieu de la<br />

philosophie allemande. C'était l'époque où Heine<br />

n'hésitait pas à écrire: « L'argent est le dieu de<br />

notre temps et Rothschild est son prophète, »<br />

C'est un texte qui a été beaucoup commenté, à<br />

sens et à contresens, tant l'époque, surtout<br />

après la Seconde Guerre mondiale, nous est<br />

devenue lointaine et difficile à comprendre.<br />

C'était aussi un siècle riche en Questions : de la<br />

« question sociale » à la « question d'Orient »,<br />

de la question scolaire à la question religieuse et<br />

bien d'autres.<br />

La « question juive », c'est aussi, pour<br />

l'Église catholique en particulier, une grosse<br />

épine et une vieille affaire, qui remonte aux<br />

origines chrétiennes. De plus, elle s'est trouvée<br />

transformée et contaminée par la naissance d'un<br />

antisémitisme à prétention scientifique, lui-même<br />

récupéré par le racisme nazi. L'Amitié judéochrétienne,<br />

née de la dernière guerre, et<br />

l'historien Jules Isaac, l'un de ses fondateurs,<br />

avaient œuvré pour un changement d'attitude et<br />

un réexamen de la question.<br />

Vatican II avait pris acte de cette<br />

ouverture et agrandi la brèche. L'évolution s'est<br />

brusquement accélérée en 1997, et voici que la<br />

Librairie éditrice du Vatican sort les Actes d'un<br />

colloque qui s'était tenu, au Vatican même, du<br />

30 octobre au 1er novembre 1997, sur « les<br />

racines de l'antijudaïsme en milieu chrétien ».<br />

page 22 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

par Émile POULAT<br />

Cet article a été publié dans la revue Istina volume XLVII de <strong>2002</strong>. Nous<br />

remercions son directeur, le père Bernard Dupuy, ainsi que l'auteur de nous<br />

avoir autorisés à le publier dans nos colonnes.<br />

Quelques semaines plus tôt, le cardinal Lustiger<br />

avait inauguré en Israël, à Jérusalem, un<br />

mémorial juif en hommage au cardinal<br />

Decourtray qui avait été un acteur influent de ce<br />

nouveau cours.<br />

C'est alors que s'est répandu comme une<br />

traînée de poudre le mot repentance. Trois<br />

événements récents nous aideront à jalonner ce<br />

déblocage imprévu, à réfléchir sur ses enjeux et<br />

ses exigences. Comment peut-on passer de la<br />

détestation des <strong>juifs</strong> et du judaïsme à une<br />

repentance dont l'intention morale ne va pas<br />

sans difficulté doctrinale ? Le courage, ici, est<br />

aussi celui de la pensée.<br />

Détester a été, dans la langue française,<br />

un mot très fort. Ce n'était pas haïr, mais écarter<br />

en invoquant Dieu. C'était maudire, réprouver<br />

avec un sentiment d'horreur religieuse. On peut<br />

bien dire que cette surdétermination a pesé de<br />

longs siècles sur les rapports de la chrétienté<br />

avec les <strong>juifs</strong>: un mélange de religion et de<br />

passion, qui a débouché sur une passion sans<br />

religion au nom, cette fois, de la science, du<br />

sang et de la nation. Le réveil de cette folie<br />

meurtrière a été difficile, mais aussi, force est de<br />

le constater, insuffisant pour éradiquer cette<br />

néfaste et funeste passion. Dès lors, la question<br />

reflue et nous renvoie aux origines:<br />

L'antijudaïsme est-il essentiel et consubstantiel<br />

au christianisme ? Deux polémiques récentes -<br />

sur une Bible des communautés chrétiennes,<br />

devenue après révision Bible des peuples et<br />

mondialement diffusée; sur un missel paru sous<br />

le nom de Kephas en trois volumes - montrent


ien qu'il s'agit d'une question réelle et<br />

récurrente : que faire de textes fondateurs qui<br />

paraissent légitimer ce que nous condamnons<br />

aujourd'hui et comment les entendre pour<br />

dépasser une histoire qu'il n'est pas possible<br />

d'effacer ?<br />

L'Église Catholique est désormais<br />

engagée dans cette démarche, sans retour<br />

possible en arrière, avec une force qui était<br />

imprévisible voici seulement deux ou trois ans,<br />

avec des résistances liées à des situations<br />

régionales (par exemple au Proche-Orient) ou à<br />

des habitudes mentales venues de loin. C'est ce<br />

qui incite à faire retour sur trois événements<br />

récents: les évêques français à Drancy (1997) ;<br />

le cardinal Lustiger à New York (1998); le pape<br />

Jean-Paul II à Rome et à Jérusalem (2000).<br />

Les évêques français à Drancy<br />

Drancy, dans la banlieue parisienne, a<br />

été, pour les <strong>juifs</strong> résidant en France, un lieu de<br />

transit vers les camps de la mort. Des évêques<br />

français - ceux qui ont sur leur territoire des<br />

camps d'internement pendant la dernière guerre<br />

mondiale - ont pris l'initiative d'un geste<br />

symbolique et d'une déclaration collective qui n'a<br />

pas fait l'unanimité dans l'épiscopat. Le geste<br />

était éloquent, mais muet. La déclaration<br />

entendait expliquer le geste: un exercice<br />

doublement délicat, qui n'était assuré ni de bien<br />

dire, ni d'être bien entendu et bien reçu.<br />

II n'y a de péché - et donc de<br />

repentance - que devant Dieu, dans une vision<br />

religieuse de l'homme et du monde qui ne sont<br />

pas radicalement mauvais, mais qui vivent en<br />

permanence l'emprise et l'épreuve du mal: un<br />

problème pour les philosophes, un mystère pour<br />

les théologiens. Et nous autres, qui ne sommes<br />

ni l'un ni l'autre ? Nous flottons entre des<br />

représentations archaïques du diable - le Malin -<br />

et le tragique de notre temps.<br />

Simul justus et peccator, (1) disait Luther,<br />

déchiré par ce drame intérieur: juste et pécheur,<br />

sauvé par grâce et incapable d'échapper au mal,<br />

le chrétien reste rivé à sa condition terrestre, la<br />

nôtre à tous. Hors de cette perspective, tout<br />

devient plus simple et plus léger, du moins en<br />

première instance: il ne peut plus y avoir que<br />

crimes, délits ou contraventions, sanctionnés par<br />

la loi civile, préjudice à l'égard d'autrui ou de la<br />

société. Il suffit de payer.<br />

Demander pardon aux autres pour la<br />

peine ou le tort qu'on leur a causé, c'est dur.<br />

Autrefois, les prédicateurs de retraite de<br />

communion solennelle invitaient les enfants à<br />

faire ce geste, la veille du grand jour, auprès de<br />

leurs parents. Je ne l'ai pas fait. Un sociologue<br />

comme Erving Goffman aurait pu faire la<br />

phénoménologie de cette démarche et de ses<br />

effets en climat chrétien. Elle ne pouvait être<br />

qu'une réparation, un préambule: l'essentiel était<br />

au-delà de cette pédagogie.<br />

L'affaire se complique quand elle engage<br />

des groupes sociaux. Comme le salut, la<br />

culpabilité ne peut être que personnelle, du<br />

moins pour des modernes. Pie XII l'avait<br />

rappelé, en 1947, dans le grand débat sur la<br />

culpabilité collective du peuple allemand devant<br />

les crimes du nazisme. Mais, dans la pensée<br />

catholique, "personnel" n'a jamais signifié<br />

"individuel". L'homme n'est pas une monade: il<br />

n'existe que dans la solidarité et la réciprocité.<br />

De là le titre merveilleusement ambigu donné<br />

par André Cayatte à son film en 1952: Nous<br />

sommes tous des assassins. Chacun de nous<br />

porte en soi quelque chose de cette potentialité,<br />

comme chacun de nous est responsable de ses<br />

frères et porte sa part du malheur qui arrive par<br />

eux.<br />

À ce point, on est mieux à même de<br />

comprendre la démarche des évêques de<br />

France demandant pardon à la communauté<br />

juive niée dans son être et dans sa chair voici<br />

plus d'un demi-siècle, alors qu'aucun d'entre eux<br />

n'a eu part à cette tragédie. Il s'agit de beaucoup<br />

plus que d'excuses et de regrets, et de tout autre<br />

chose que d'accabler des morts privés de voix.<br />

Et il ne s'agit ni d'un coup de presse - attirer<br />

caméras et médias -, ni d'un cours d'histoire -<br />

prendre position dans l'interminable procès de<br />

ces années noires.<br />

Pour l'essentiel, il s'agit d'une affaire<br />

interne entre l'Église catholique et le peuple juif:<br />

une vieille, très vieille affaire, qui remonte aux<br />

origines du christianisme et qui, au fil du temps,<br />

s'est chargée de scories de plus en plus<br />

étrangères à la foi chrétienne, au service de<br />

causes de plus en plus ouvertement<br />

antichrétiennes, jusqu'à provoquer l'intolérable et<br />

l'imprescriptible.<br />

Par son enseignement, par son<br />

comportement, l'Église Catholique a sa part de<br />

responsabilité dans ce fatal engrenage: grande<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 23


ou petite, décisive ou limitée, on peut en<br />

discuter, sereinement ou passionnément, nous<br />

avons tout le temps académique devant nous.<br />

En revanche, ce qui urge. c'est bien de briser<br />

l'engrenage multiséculaire, alors que le débat<br />

historique - universitaire ou médiatique - est<br />

encore parasité par les souvenirs et les<br />

engagements de l'époque. Le procès reste<br />

ouvert : je n'y suis ni avocat, ni procureur. Je<br />

rappelle simplement que nous n'avons encore<br />

aucune étude sérieuse sur Ï'épiscopat français<br />

dans la décennie 1936-1946 (2). C'est une<br />

déplorable lacune, mais ce n'est pas le problème<br />

présent et je ne m'y attarderai pas (3).<br />

Ce serait déjà davantage le problème de<br />

se demander pourquoi tant de gens qui ne sont<br />

ni <strong>juifs</strong> ni catholiques, et pour qui la religion doit<br />

rester affaire privée, font obstinément grief de<br />

leur silence aux évêques en France et à Pie XII<br />

à Rome. Mais quelle voix s'est alors élevée ?<br />

Quel chef de gouvernement a-t-on entendu ?<br />

Quel mouvement français de résistance a crié<br />

son indignation ? On le comprend: l'heure était<br />

aux héros, non aux victimes. En vérité, c'est une<br />

étude de tous ces silences autorisés qu'on<br />

attend.<br />

En ces circonstances, que des chrétiens<br />

aient été à la pointe de l'aide et de l'amitié aux<br />

<strong>juifs</strong> traqués par les polices ne change rien. Les<br />

lois raciales du gouvernement de Vichy n'ont pas<br />

été d'abord une soumission complaisante aux<br />

page 24 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

exigences nazies, mais bien un effet à<br />

retardement de l'Affaire Dreyfus, quand La Croix<br />

et bien des catholiques se flattaient d'être<br />

«antisémites» (5) sans besoin d'une référence<br />

pseudo-scientifique.<br />

Comme les Lumières du dix-huitième<br />

siècle sont sorties du christianisme, le<br />

christianisme est sorti du judaïsme. Dans les<br />

deux cas, la querelle est originelle et elle a pris<br />

un caractère inexpiable. Nous assistons<br />

aujourd'hui à la naissance d'un nouvel esprit<br />

religieux qui laisse au fondamentalisme et à<br />

l'intégrisme, ainsi qu'on dit, le soin de trancher<br />

ces querelles par la violence aveugle. Dans le<br />

christianisme occidental, ce nouvel esprit<br />

s'enracine loin, sans doute en François d'Assise.<br />

Vatican II a éveillé une conscience neuve de son<br />

urgente nécessité.<br />

Le geste symbolique des évêques<br />

français à Drancy (octobre 1997) s'inscrit dans<br />

ce lent cheminement. Il ne résout pas - et n'y<br />

prétend pas - l'insurmontable divergence entre<br />

<strong>juifs</strong> et chrétiens sur la question messianique. Il<br />

ne liquide pas les inépuisables contentieux<br />

comme en connaissent tant de familles et de<br />

villages. Mais il purge une mémoire malade de<br />

son passé et il dispose à une méditation<br />

nouvelle du « mystère d'Israël » dont le<br />

christianisme est inséparable. Sans ghettos,<br />

sans pogroms, sans bûchers ni fours,<br />

Le cardinal Lustiger à New York<br />

Deux hommes, dans l'Église catholique,<br />

auront particulièrement contribué au<br />

déverrouillage d'une question bimillénaire, les<br />

relations judéo-chrétiennes : Jean Paul II et le<br />

cardinal Lustiger, le pape polonais et<br />

l'archevêque de Paris.<br />

Du premier, en vingt ans de pontificat, on<br />

compte une bonne trentaine d'interventions<br />

publiques. Des discours ou des lettres, mais<br />

aussi des gestes: au camp de Birkenau<br />

(Auschwitz) le 7 juin 1979; à la synagogue de<br />

Rome, le 13 avril 1986; au colloque tenu au<br />

Vatican le <strong>31</strong> octobre 1997 sur « les racines de<br />

l'antijudaïsme en milieu chrétien », précédé, le<br />

4 mai, par son discours à la Commission<br />

biblique pontificale sur « l'enracinement de<br />

Jésus dans le judaïsme » ; à la canonisation<br />

(critiquée, discutée) d'Edith Stein...<br />

C'est devant les théories et les lois<br />

raciales, quand personne n'imaginait encore les<br />

camps d'extermination, que l'Église catholique a<br />

commencé de s'interroger : avant les États, il<br />

faut bien le dire; sans proportion avec la tragédie<br />

qui se préparait, il faut aussi le dire. On se<br />

souvient du cri échappé à Pie XI en septembre<br />

1938, peu avant les accords de Munich : «Nous<br />

sommes spirituellement des sémites. » Mais la<br />

pensée n'est pas un cri et le temps de la<br />

réflexion ne marche pas au sentiment. Il faudra<br />

Vatican II et près de trente ans pour en arriver à<br />

la Déclaration conciliaire Nostra aetate (8 déc.<br />

1965) : Pie XI et Pie XII auraient pu la signer,<br />

non la produire. Et il faudra encore plus de trente<br />

ans pour en arriver au document romain. Nous<br />

nous souvenons. Une réflexion sur la Shoah (16<br />

mars 1998).<br />

La réflexion passe par la «repentance »:<br />

un vieux mot français riche d'une résonance<br />

biblique (teshouvà) qui excède toute approche<br />

phénoménologique et qui ne se réduit pas à un


simple repentir. Elle est un éveil de conscience<br />

qui entraîne un changement d'esprit, au-delà de<br />

tout « devoir de mémoire », au-delà de tout<br />

jugement d'histoire. C'est bien le paradoxe; nous<br />

devons nous souvenir et nous ne le pouvons<br />

que de ce que nous avons peu à peu appris et<br />

compris d'un drame et d'un crime dont la plupart,<br />

alors, n'ont eu qu'une idée faible et lointaine.<br />

Nous sommes embarqués dans une affaire de<br />

très longue haleine, coextensive à la totalité de<br />

l'histoire chrétienne.<br />

Qui en doute n'aura qu'à lire, récemment<br />

publiée (6), la conférence du cardinal Lustiger,<br />

prononcée le 20 octobre 1998 à la synagogue<br />

de New York où lui était remise la médaille<br />

Nostra aetate du Centre pour la compréhension<br />

entre <strong>juifs</strong> et chrétiens en même temps qu'au<br />

grand rabbin René-Samuel Sirat. Un texte fort,<br />

jailli du plus profond de lui-même, acte de<br />

théologien plus encore que de pasteur. Un texte<br />

audacieux et même étonnant dont la portée, par<br />

la force des choses, déborde le sujet. En effet,<br />

l'avenir des relations entre <strong>juifs</strong> et chrétiens ne<br />

suppose pas seulement qu'on apure le passé : il<br />

engage une conception de l'Église et de sa<br />

tâche dans le monde de ce temps.<br />

A l'origine, la séparation n'a pas été<br />

immédiate (un bon demi-siècle). Elle fut<br />

l'aboutissement d'une double et radicale<br />

divergence: la messianité de Jésus, le Christ; la<br />

gentilité, ouverte, de l'Église, qui explique sa<br />

pénétration dans la société païenne et sa<br />

reconnaissance publique au quatrième siècle.<br />

Chacun revendiquait seul la totalité de l'héritage.<br />

La suite n'est que l'histoire envenimée de ce<br />

désaccord originel, avec ses dérives jusqu'à<br />

nous, dans « un rapport de force totalement<br />

inégal ».<br />

C'est ainsi que <strong>juifs</strong> et chrétiens se sont<br />

«méconnus et méprisés dans l'obscurité de<br />

l'histoire» explique Mgr Lustiger. La douleur de<br />

l'histoire et ses aveuglements nous ont obscurcis<br />

au point de ne reconnaître ni Israël en son<br />

Messie, ni le Messie caché en Israël... ». Dès<br />

lors, « la figure du Juste souffrant (...) demeure<br />

le lieu commun aux <strong>juifs</strong> et aux chrétiens, mais<br />

où la contradiction atteint en même temps sa<br />

plus grande intensité ».<br />

Aujourd'hui, les <strong>juifs</strong> rentrent dans<br />

l'histoire commune ; par leur contribution à<br />

« l'universalisme séculier » et, désormais, l'État<br />

d'Israël, À l'inverse, l'Église, qui avait tant misé<br />

sur une histoire glorieuse, se redécouvre<br />

engagée dans une histoire douloureuse et<br />

renonce à occuper « l'espace des pouvoirs<br />

temporels » et à se présenter comme « la<br />

réalisation ici-bas du Royaume d'En-haut ».<br />

Sans la moindre concession au libéralisme<br />

moderne, elle sort d'un intégralisme triomphant<br />

où son espérance s'était laissé absorber par le<br />

temps de l'histoire et des nations.<br />

Cette compréhension neuve n'en est qu'à<br />

ses débuts; il lui reste à produire ses effets et à<br />

pénétrer les esprits. Elle est un chapitre<br />

essentiel de cet « esprit nouveau » apparu<br />

petitement en France à la fin du siècle dernier et<br />

aussitôt mis en échec par l'affaire Dreyfus.<br />

Le pape Jean-Paul II à Rome et à Jérusalem<br />

L'évolution suivait son cours. Et voilà<br />

qu'elle s'est précipitée de façon décisive: à<br />

Rome, le 12 mars 2000, premier dimanche de<br />

Carême, avec la grande liturgie pénitentielle<br />

voulue et conduite par Jean-Paul II, précédant<br />

d'une semaine son voyage en Terre sainte,<br />

achevé à Jérusalem.<br />

Il existe, au cœur du judaïsme et du<br />

christianisme, une tradition ininterrompue de<br />

conversion du cœur et de pénitence qui a pris,<br />

dans l'Église catholique, des formes<br />

particulières : la prière latine «Confiteor» aux<br />

usages variés, la confession privée auriculaire,<br />

les jubilés qui scandent l'histoire chrétienne<br />

depuis le Moyen-Age, les pardons populaires<br />

associés à des lieux de pèlerinage, etc. C'est<br />

ainsi que Jean-Paul II a promulgué, à l'occasion<br />

du passage au troisième millénaire, une grande<br />

année jubilaire, novatrice à un double titre. En<br />

premier lieu, frappe l'ampleur des demandes<br />

qu'il a adressées à l'entière humanité ( à<br />

commencer par la remise de leur dette aux pays<br />

les plus pauvres ), et dont l'écho est resté fort<br />

modeste (7). En second lieu - et il a déclenché là<br />

un considérable tapage médiatique -, au pardon<br />

accordé par l'Église à ses fidèles il a ajouté, fait<br />

sans précédent, le pardon demandé par<br />

l'Église ; sur sept points dont le quatrième<br />

confesse «les fautes commises dans les<br />

relations avec Israël».<br />

Selon le rituel de la cérémonie, le<br />

cardinal Cassidy a commencé par demander<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 25


aux chrétiens de «reconnaître les péchés<br />

commis par nombre des leurs», à travers les<br />

souffrances endurées de leur fait au cours de<br />

l'histoire par le peuple juif. Puis Jean-Paul II en<br />

a demandé pardon pour tous au « Dieu<br />

d'Abraham », prenant devant lui l'engagement<br />

public de «vivre une fraternité authentique avec<br />

le peuple de l'alliance». Son «Jamais plus» fait<br />

écho à celui de Paul VI à l'ONU en 1965 - «No<br />

more war; never more war», mais sur un registre<br />

proprement religieux. Une prière et une<br />

demande de pardon qu'il reprendra dans les<br />

mêmes termes, deux semaines plus tard à<br />

Jérusalem, au Mur des Lamentations.<br />

En vingt ans, un chemin considérable a<br />

ainsi été parcouru, et un pas décisif a été<br />

franchi, en grande partie par la volonté<br />

personnelle du pape polonais. Et pourtant, si<br />

l'essentiel a été dit, le principal reste à faire, et<br />

même à penser. Pour les Juifs, ce n'est pas<br />

suffisant, du moins avant le dépôt par le pape du<br />

texte de sa prière dans les interstices du Mur.<br />

Pour beaucoup de catholiques, c'est trop. Il ne<br />

suffit pas d'aller de l'avant. Il faut d'abord<br />

expliquer, justifier. Le pape a confié ce soin à la<br />

Commission théologique internationale placée<br />

sous la responsabilité du cardinal Ratzinger. Le<br />

Qu'il me soit permis, au terme de ces<br />

propos, d'évoquer ici la mémoire d'un pionnier<br />

bien<br />

Qu'il me soit permis, au terme de ces<br />

propos, d'évoquer ici la mmoire d'un pionner<br />

bien oublié de cette longue marche, Elie<br />

Benamozegh (1823-1900), le grand rabbin de<br />

Livourne qu'Émile Touati a situé<br />

"incontestablement dans la grande lignée des<br />

Docteurs d'Israël". Il laissait à sa mort un<br />

manuscrit inachevé de près de 2000 pages,<br />

rédigé en français. Son disciple Aimé Pallïère<br />

(1875-1949) en a tiré fidèlement un gros livre<br />

d'un millier de pages paru en 1914, Israël et<br />

l'humanité, dont une édition révisée et allégée a<br />

paru en 1961, puis en 1977 chez Albin Michel<br />

(11).<br />

Deux grandes intuitions avaient inspiré<br />

sa vie et nourri sa pensée. D'une part, en amont<br />

de l'alliance de Dieu avec Abraham et sa<br />

postérité, il fallait remonter, au lendemain du<br />

déluge, à son alliance avec Noé et sa<br />

descendance - l'entière humanité actuelle - sous<br />

le signe de l'arc-en-ciel et (pour Benamozegh)<br />

sous le nom de Melchisédech : un lien<br />

indissoluble entre le noachisme laïc et le<br />

mosaïsme sacerdotal. D'autre part, se fondant<br />

page 26 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

document qu'elle a publié (8) apparaîtra trop<br />

frileux et laborieux. On pouvait escompter un<br />

texte fort et simple sur la signification et la portée<br />

de ce geste. Les membres de la commission ont<br />

cru plus urgent ou plus opportun de prévenir<br />

incompréhensions et dérives, insistant en<br />

particulier sur les précautions historiques qui<br />

s'imposaient avant tout jugement.<br />

Peine perdue : ce langage expert n a pas<br />

touché l'opinion publique, tout au moins en<br />

France, où se sont exprimés plus d' accusateurs<br />

que de pénitents et où les clivages traditionnels<br />

ont décidé des réactions, même en milieu<br />

catholique (9). Pourtant, que l'on y prenne<br />

garde : Jean-Paul II a scié la branche sur<br />

laquelle étaient assis ses détracteurs et il laisse<br />

à découvert en première ligne une société<br />

séculière qui ne pourra plus imputer à une<br />

instance religieuse tant de crimes, de misères et<br />

de fléaux dont la liste ne cesse de s'allonger<br />

dans le monde. Il ne donne pas seulement un<br />

exemple à tous et. à l'Église, une longueur<br />

d'avance dans la quête de cet «esprit nouveau»<br />

qu' exige l'ordre social et international : il ouvre<br />

un débat de société de plus en plus difficile à<br />

éluder (10).<br />

sur sa «pleine confiance dans les destinées<br />

religieuses d'Israël», il s'était tôt convaincu qu'il<br />

fallait «travailler avec ardeur à préparer la<br />

réconciliation du christianisme et du judaïsme».<br />

Plaçant ainsi le judaïsme au centre de la religion<br />

universelle, il voyait tout naturellement<br />

Jérusalem comme la capitale de tous les<br />

croyants et le centre religieux du monde : «Ainsi<br />

Israël et l'humanité ne sont point des termes qui<br />

s'excluent l'un l'autre... Entre la vocation Israélite<br />

et l'unité humaine, entre la patrie palestinienne<br />

et la fraternité des nations, il n'y a aucun<br />

antagonisme véritable.-.».<br />

Un siècle sépare Elie Benamozegh et<br />

Jean-Paul II, tous deux animés de la même<br />

conviction, portés par la même espérance, et<br />

pourtant aux antipodes l'un de l'autre.<br />

«Comment cela se fera-t-il ?» Ce fut la réaction<br />

d'Abraham et de Sara selon le livre de la<br />

Genèse, comme celle de Zacharie et de Marie<br />

dans l'évangile selon Luc.<br />

C'est aussi la demande qui vient aux<br />

Israéliens et aux Palestiniens qui veulent la paix<br />

dans leur pays et entre leurs pays.<br />

Emile POULAT


Notes:<br />

1. "En même temps juste et pécheur" (NDLR)<br />

2. La thèse de Jacques-Olivier BOUDON , Paris capitale<br />

religieuse sous le second Empire, Cerf, 1996, 558 pages, couvre la<br />

période concordataire , et celle de Marc minier l'entre-deux<br />

guerres. Le rôle éteignoir de Mgr Chappoulie (qui n'était pas<br />

évêque), qui assurait la liaison avec Vichy, reste sous-estimé.<br />

3. Cf. ma préface à L'Encyclique cachée de Pie XI (La<br />

Découverte. 1995).<br />

4. En dernier lieu, Annie LACROIX-RIZ, Le Vatican, l'Europe<br />

et le Reich. de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (A.<br />

Colin, 1996), qui impute à Pie XII « une haine viscérale contre les<br />

<strong>juifs</strong>, toujours assimilés au judéo-bolchevisme». À l'opposé, Pierre<br />

blet, Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d'après les archives du<br />

Vatican (Perrin, 1997).<br />

5. Pierre SORLIN, «La Croix» et les <strong>juifs</strong> (Grasset, 1967).<br />

6. J.-M. LUSTIGER, «Juifs et chrétiens, demain». Nouvelle<br />

Revue théologique, octobre-décembre. 1998.<br />

7. Emmanuel LAFONT, Le Jubilé en actes, Paris, Ed. de<br />

l'Atelier, 2000. (Le P. Lafont a longtemps été curé de Soweito en<br />

Afrique du Sud).<br />

8. Commission théologique internationale. Mémoire et<br />

réconciliation. L'Eglise et les fautes du passé, Paris, éd. du Cerf.<br />

2000, 93 pages.<br />

9. De «Grandeur et limite de la repentance», (Joseph<br />

VANDRISSE, Le Figaro, 6 décembre 1999) à «La repentance<br />

suscite des réactions nuancées», (La Croix 14 mars 2000:<br />

entretien avec Elie Wiesel). - «L'Église doit demander pardon pour<br />

Pinochet» (Jean-Claude PETIT, La Vie. 9 mars 2000, éditorial).<br />

Pinochet, Galilée (à travers la pièce de Brecht), Giordano Bruno,<br />

tout est bon pour allonger la liste " Putain, sorcière, bécassine.<br />

Quand on diabolisait la femme au nom de Dieu" (Marianne, 21<br />

février 2000)... En exorcisant ses démons, l'Église réveille les<br />

démons de ses détracteurs (Joseph VANDRISSE, Le Figaro, 11<br />

mars 2000).<br />

10. Dossier sur « Le Pardon », ouvert par Jacques DERRIDA,<br />

Le .Monde diplomatique, décembre 1999, pp. 10-19 avec réponse<br />

d'Edgar MORIN. « Pardonner, c'est résister à la cruauté du<br />

monde », ibid; février 2000, pp.24-26.- «Pardonner, n'est-ce pas se<br />

donner bonne conscience ?», Témoignage chrétien, 10 février<br />

2000 (réponse protestante d'Olivier ABEL, réponse juive de<br />

Philippe HADDAD). - « Faut-il pardonner ? Le pardon et<br />

l'impardonnable», L'Actualité des religions, mars 2000. - Albert<br />

LONGCHAMPS, «Repentances en chaule; pardon ou bonne<br />

conscience ?» dans Témoignage chrétien, 9 mars 2000 - Débat du<br />

CERI et de Critique internationale sur «Mémoire, justice et<br />

réconciliation» (21 mars 2000. au Salon du livre de Paris)… Autre<br />

débat : la «conscience universelle» (qu'est-ce à dire et qu'en est-il<br />

de cette notion inchoative ?) s'interroge de plus en plus sur les<br />

limites de la «violence légitime» assumée par les États, sur le bienfondé<br />

d'une « raison d'État, discrétionnaire, sur la portée<br />

d'expressions nouvelles comme «crime contre l'humanité».<br />

Troisième question : la notion de «personne morale» ( publique ou<br />

privée) a été f<strong>org</strong>ée pour exercer des droits et des responsabilités<br />

qui excèdent la capacité des personnes physiques. Quand il s'agit<br />

de personnes transgénérationnelles comme la République, l'État,<br />

la Nation, la France, quelles peuvent être l'étendue et la charge<br />

dans la durée des griefs qu'on est en droit de leur adresser ? Pour<br />

un peuple fier de son patrimoine, qu'est-ce qu'assumer son<br />

passé ? On se souvient que sur les «rafles du Vel d'Hiv» (juillet<br />

1942), les présidents Mitterrand et Chirac ont pris des positions<br />

différentes. Enfin, que pèsent les «crimes» passés de «l'Église» et<br />

des «couvents»,, (voire des États et de leurs armées) devant les<br />

«horreurs» en tous genres développées par le «progrès»<br />

moderne ?<br />

11. Élie BENAMOZEGH, Israël et l'humanité,, préface d'Aimé<br />

PALLIÉRE, Paris, Albin Michel, 1961 et 1977, 396 p. (Avantpropos<br />

d'Emile TOUATI). Les <strong>juifs</strong> de Livourne jouissaient de<br />

privilèges que Montesquieu aurait voulu voir accorder aux <strong>juifs</strong> de<br />

France. E.BENAMOZEGH était originaire d'une famille marocaine.<br />

Voir aussi Lionel LÉVI, La Communauté juive de Livourne, Paris,<br />

éd. L'Harmattan. 1996, 216 pages.<br />

Des cassettes . . .<br />

2448-2449 : Accueil – Présentation<br />

G. MAURICE / M. BOURGEOIS<br />

2450 Regards chrétiens sur Jésus juif, Ge<strong>org</strong>es MAURICE :<br />

2451 Regards chrétiens sur Jésus juif, aujourd'hui: 2 témoins<br />

Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

2452 Comment Jésus juif lit l'Écriture. Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

2453 Une communauté chrétienne hébreuphone en Israël.<br />

Michel BOURGEOIS<br />

2454 Regards <strong>juifs</strong> sur Jésus juif: témoignages anciens.<br />

Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

2455 Regards <strong>juifs</strong> sur Jésus juif: au 19° et 20° siècles.<br />

Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

2456 Textes du Talmud sur Jésus: Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

Approches juives de Jésus.<br />

SESSION SESSION "CONNAISSANCE "CONNAISSANCE D'ISRAEL" D'ISRAEL" CENTRE CENTRE CHRETIEN CHRETIEN DE DE GAGNIERES—Avril GAGNIERES<br />

Avril <strong>2002</strong> <strong>2002</strong><br />

2457/2458 Rencontre avec un rabbin. Philippe HADDAD<br />

2459 Regards <strong>juifs</strong> sur Jésus en Israël aujourd'hui.<br />

Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

2460 Regards <strong>juifs</strong> sur Jésus en France aujourd'hui.<br />

Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

2461 Les racines juives du "Notre Père".<br />

Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

2462 Qui sont les "Juifs messianiques" ?<br />

Michel BOURGEOIS<br />

2463 Entre Juifs et Chrétiens, questions croisées sur Jésus.<br />

Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

2464 Dire Jésus aux Juifs ? Ge<strong>org</strong>es MAURICE<br />

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<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 27


Le Carême est, à juste titre, présenté comme un nécessaire passage au désert, pour y rencontrer Dieu de façon<br />

plus intime qu'à l'ordinaire et faire repentance devant lui de tous les manquements, à son égard et à l'égard du prochain, en<br />

pensée, par action ou omission, dont nous nous sommes rendus coupables.<br />

Il ne s'agit pas de sous-estimer cet aspect fondamental du Carême. Mais il est bon, aussi, de souligner un tout<br />

autre caractère, qui s'inscrit également, on va le voir, dans la ligne de l'Ecriture Sainte.<br />

Nous pouvons citer, alors, en exergue, cette parole de Jésus, au tout début de son ministère public. Assoiffé et<br />

fatigué par la chaleur du jour, il s'est assis près du Puits de Jacob et demande à une femme, samaritaine, venue puiser là<br />

avec sa cruche: ‘’Donne-moi à boire‘’. Comme elle s’étonne de cette demande, car d’ordinaire un juif n’adresse pas la<br />

parole aux samaritains qu’il considère comme des hérétiques impurs, Jésus lui dit :<br />

page 28 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

A propos du<br />

‘’ Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dis « donne-moi à boire » c’est toi qui aurais<br />

demandé et il t’aurait donné de l’eau vive ... celui qui boira de cette eau n’aura plus jamais soif et l’eau<br />

que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle’’. (Jean 4.10 et 14)<br />

Cette parole de Jésus décrit merveilleusement ce qu’est le Carême et les voies par lesquelles Dieu déroule<br />

toujours son Plan de Salut pour l’Homme. Car Jésus parle à la fois d’un Don-Promesse de Dieu, celui de ‘’l’eau vive’’, et<br />

nous savons bien qu’il s’agit de l’Esprit Saint. Puis, il annonce que ce Don-Promesse trouvera ultérieurement un<br />

Accomplissement, puisque l’être qui le recevra, deviendra lui-même une fontaine-source d’Esprit Saint jusque dans la vie<br />

éternelle.<br />

Mais, on comprend dans la suite du récit de Jean, qu’entre cette promesse et son Accomplissement, une<br />

transformation radicale du coeur et de la vie de cette femme de Samarie devra intervenir. Toujours entre les semailles et la<br />

moisson une période plus ou moins longue de germination doit prendre place: il faut que la semence disparaisse pour<br />

devenir tout autre chose, selon une métamorphose qui reste pour notre entendement humain l’un des grands mystères de la<br />

vie.<br />

Toute l’histoire biblique est le dévoilement du processus trinitaire par lequel se manifeste inlassablement le Plan<br />

de Salut (le Don) de Dieu pour l’Homme. Toujours trois phases. Nous allons le vérifier dans les épisodes suivants qui sont<br />

bien les jalons majeurs de cette histoire du Salut.<br />

ABRAHAM<br />

CAREME<br />

Une méditation de Joël PUTOIS<br />

Dieu lui fait une double promesse, celle d’une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et d’une terre<br />

qui lui sera réservée. Cette promesse comporte le don d’un fils, « le fils de la promesse » qu’il va avoir en dépit du grand<br />

âge du couple Abraham-Sarah. Toute l’histoire biblique qui va suivre cette ‘’saga’’ d’Abraham-Sarah est celle de<br />

l’Accomplissement de cette promesse-don. Nous sommes, d’ailleurs, à la suite du Peuple Hébreu notre frère ainé, les<br />

vivantes preuves de cet Accomplissement puisque, par notre baptême, nous sommes, en Jésus, héritiers de cette promesse,<br />

co-héritiers avec Jésus, comme le dit l’apôtre Paul (Romains 8.17)<br />

Mais, le même Livre de la Genèse nous apprend qu’un jour Dieu après avoir donné ce fils à Abraham, lui a dit :<br />

" Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va-t-en au pays de Moriya et, là, offre-le en<br />

holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai’’ (Genèse 22 1 et 2)<br />

Entre le don-promesse, et son Accomplissement a, donc, pris place une "épreuve", c'est à dire un "test". Dieu a


dit, en substance, à Abraham : " Ce fils que je t'ai donné, le considères-tu comme le simple agrément de tes vieux jours,<br />

ou reconnais-tu qu'il m'appartient et qu'il est un instrument de mon Plan de Salut pour l'Homme ? Abraham est, par<br />

bonheur pour nous (et pour lui !), sorti vainqueur de ce test. Mais ce fut son Carême à lui, vécu dans la foi; l'espérancecertitude<br />

et l’amour de Dieu.<br />

LE PEUPLE HEBREU ET MOISE<br />

Par l’intermédiaire de Moïse, Dieu a fait aux descendants d’Abraham la promesse-don de la délivrance de<br />

l’esclavage en Egypte, de la terre promise à Abraham et d’une Alliance qui ferait d’eux le Peuple Elu de l’Eternel, un<br />

peuple différent de tous les autres. Cette promesse a eu son Accomplissement: un jour, sous la conduite de Josué, les<br />

Hébreux ont franchi le Jourdain et, avec l’aide de Dieu ont conquis la Terre Promise.<br />

Mais, entre temps, il s’est passé 40 ans. Ce fut la phase nécessaire de germination, pendant laquelle ce peuple<br />

brutal et idolâtre sorti d’Egypte a du faire l’apprentissage d’une discipline consentie, d’un contrat d’Alliance avec le Dieu<br />

UN, d’une morale élevée. Il a vécu cette épreuve-test au travers d’innombrables péripéties, de révoltes temporaires, de<br />

retour à l’idolâtrie (veau d’or), puis de repentance. Mais, au total, il a été suffisamment renouvelé humainement et<br />

spirituellement pour pouvoir entrer en Terre Promise.<br />

N’oublions pas qu’à l’intérieur de ces 40 ans de test, il y a eu un épisode de 40 jours d’un test plus précis et<br />

dramatique. Car, lorsque ce Peuple Hébreu, évadé d’Egypte 18 mois plus tôt, fut parvenu aux lisières de la Terre Promise,<br />

Dieu ordonna à Moïse d’envoyer douze ‘’observateurs’’ pour reconnaître le pays avant d’y entrer. Ceux-ci parcoururent la<br />

terre de Canaan pendant 40 jours et revinrent devant Moïse et le Peuple faire leur rapport.<br />

Ils dirent en substance « C’est une contrée qui reg<strong>org</strong>e de lait et de miel, mais ses habitants sont de haute taille<br />

et auprès d’eux nous faisons figure de sauterelles. Leurs villes sont des forteresses puissantes ... » Sur les douze, dix des<br />

observateurs conclurent « Nous ne sommes pas de force pour nous mesurer à ces hommes et si nous entrons dans ce<br />

pays, nous serons massacrés. Mieux vaut retourner en Egypte ! »<br />

Seuls deux ‘’observateurs’’, Josué et Caleb, répliquèrent « si l’Eternel nous a conduits ici par la force de son<br />

bras et nous a sauvés par mille prodiges, ce n'est pas pour nous abandonner maintenant. Ayons confiance, entrons sans<br />

hésiter. Il fera tomber ce pays entre nos mains »<br />

Mais le Peuple gémit et refusa de les suivre. Dieu prit acte de leur lâcheté et de leur manque de foi. Il décida<br />

qu'ils erreraient dans le désert jusqu'à ce que tous ceux d'entre eux qui étaient sortis adultes d'Egypte, soient morts, à<br />

l'exception de Josué et de Caleb. Ainsi seuls ces derniers et les jeunes entrèrent, le moment venu, dans la Terre Promise.<br />

Là encore, il apparaît donc que Dieu a soumis son Peuple à un test décisif, signifiant en résumé : "Le Plan que<br />

j'ai formé pour vous, allez-vous le mesurer à la dimension de vos forces humaines ou en fonction de ma puissance ? Estce<br />

votre entreprise ou mon Plan de Salut qui est en cause ?" Et, le résultat de ce test décisif a été un désastre pour Israël.<br />

Tous les adultes, sauf Josué et Caleb, ont laissé leurs os dans le désert ! Ce fut un Carême, de 40 ans et de 40 jours,<br />

manqué, mais nécessaire !<br />

JESUS<br />

Le ministère public de Jésus a commencé par son baptême dans le Jourdain. Et lorsqu'il en émerge, la voix du<br />

Père se fait entendre disant :<br />

"Celui-ci est mon fils bien aimé en qui j'ai mis mon affection " (Matthieu 3 . 17)<br />

Une meilleure traduction du texte grec de Matthieu conduit à interpréter la fin de cette parole comme suit : "...<br />

Celui-ci est mon fils bien aimé à qui je remets les pleins pouvoirs". Car c'est bien de cela qu'il s'agit dans la vie et la<br />

mission du Messie. Jésus dira, d'ailleurs, plusieurs fois à ses disciples : Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la<br />

terre..."<br />

C'est le pouvoir et la mission de re-créer à neuf une humanité déchue et esclave du Serpent, et de lui ré-ouvrir<br />

la voie, jusque là obstruée, vers la vie éternelle en Dieu. Et, nous le savons, l'Esprit Saint, sous la forme d'une colombe,<br />

vint reposer sur Jésus pour l'aider à exercer sa mission et ses pouvoirs comme il faut.<br />

Ceci est pour le Christ, au début de son ministère public, le Don-Promesse du Père. A la fin de ce ministère<br />

terrestre, Jésus pourra dire avant d'expirer :"Tout est Accompli". A vues humaines, la mission de Jésus se termine sur la<br />

croix par un désastre. Sur le plan spirituel, au contraire, tout est accompli. Par la fidélité de Jésus jusqu'à la mort, la mort<br />

de l'Homme est vaincue et l'empire du Prince de ce monde détruit. C'est bien là l'Accomplissement du ministère du<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page 29


Messie et du Plan de Salut de Dieu.<br />

Mais, entre le Don-Promesse-Semailles et l'Accomplissement-Moisson, une phase intermédiaire, celle des<br />

Germination-Préparation-Test...est incontournable, pour Jésus lui-aussi. L'Evangile de Matthieu poursuit, donc, le récit du<br />

baptême dans le Jourdain par le verset suivant :<br />

page 30 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

"Alors, Jésus fut conduit dans le désert par l'Esprit Saint, pour y être tenté par le diable"<br />

(Matthieu 4 . 1)<br />

Là encore, une meilleure traduction du grec donnerait : "... pour y être testé par le diable." Oui, Jésus, luiaussi,<br />

en tant qu'il est vis à vis de Dieu un homme libre, dernier Adam comme le dit l’apôtre Paul, doit être testé, comme<br />

bien d'autres l'ont été avant lui et le seront après lui et comme le Premier Adam l'a été par le Serpent.<br />

Le Père veut savoir si Jésus, Homme intégral (aussi), va user des pouvoirs qu'il vient de recevoir, selon le Plan<br />

divin de Salut et pour la seule Gloire de Dieu, ou, au contraire, pour sa propre gloire, s'il va employer les seules voies<br />

spirituelles de l'Amour et de la conversion des cœurs, ou, au contraire les méthodes de puissance et de violence qui sont<br />

habituelles aux hommes de pouvoir, à l'égard des choses, à l'égard de leurs semblables et, parfois en confisquant à leur<br />

guise la puissance même de Dieu. !<br />

Grâce à Dieu et à la plénitude de l'Esprit Saint qu'il avait reçu, Jésus, à la différence d'Adam, sort vainqueur de<br />

ce triple test de 40 jours au désert, qui fut son Carême...<br />

ET NOUS CHRETIENS ?<br />

En Jésus, nous avons donc été "sauvés". Mais nous avons été, aussi, investis par notre Baptême de la mission<br />

d'être témoins de ce Salut en Jésus Christ partout où nous vivons. Et, nous avons également reçu de notre Baptême et de<br />

toute notre vie en Eglise, les pouvoirs mêmes de Jésus pour exercer cette mission et ces pouvoirs surnaturels.<br />

Et Dieu nous teste à chaque instant pour nous rappeler la manière dont il attend que nous en fassions usage,<br />

pour Son Plan et pour Sa Gloire. C'est le secret du Carême auquel L'Eglise nous appelle pendant 40 Jours chaque année.<br />

Et, Jésus qui est passé par cette épreuve, et qui en connaît bien, à la fois, la nécessité et les fruits, nous y accompagne,<br />

d’auprès du Père où il siège. Il nous en a donné l’assurance juste avant sa Passion en disant à Pierre :<br />

‘’ Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous secouer dans un crible comme on fait pour le blé. Mais moi,<br />

j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas (Luc 22.<strong>31</strong>)<br />

Ce Carême prend place dans notre liturgie entre l’immense Don-Promesse-Semailles de Noël, où nous fêtons<br />

l’incarnation de la divinité de Dieu dans notre humanité et le ‘’Tout est accompli’’ du Golgotha, confirmé par le<br />

tombeau vide du matin de Pâques et, bien sûr, par la Pentecôte.<br />

Oui, entre ce Don-Promesse et ces Accomplissements, doivent prendre place ces 40 jours de rendez-vous<br />

intime avec notre Père céleste, comme des "fondés de pouvoirs" revenant devant leur "patron" pour faire rapport sur leur<br />

gestion, remettre leurs comptes, recevoir ses avis et directives, demander pardon pour les innombrables manquements,<br />

renouveler le mandat ...<br />

Mais, cela va aussi bien plus loin, car à chaque instant nous sommes tentés de nous approprier les dons de<br />

Dieu, oubliant d’où ils viennent. C’est la vieille tentation d’Adam séduit par le Serpent, la tentation de transgresser le<br />

contrat qui lie le ‘’Fondé de Pouvoir’’ à son ‘’Patron’’. Sans cesse, l’Adversaire nous dit « Transgresse, alors, tes yeux<br />

s’ouvriront, tu connaîtras toi-même ce qui est bien et mal, tu seras comme Dieu, tu n’auras plus besoin de Dieu ...! »<br />

C’est l’histoire humaine ! Inlassablement, Dieu se lamente de l'ingratitude et de la folie de l'Homme et l'appelle<br />

à la conversion-retour, comme il l'a fait au Paradis après la Faute: ‘’Adam, où es-tu ?". Oui, depuis l’aube de la<br />

Création, Dieu se lamente, en son coeur paternel de l'ingratitude, de la présomption et de la folie de l'Homme, sa créature,<br />

plus que sa créature, son Fils... :<br />

" Oui, il est double le péché de mon peuple : Ils m"ont abandonné, moi, la source d'eau vive, pour se<br />

creuser des citernes, des citernes fissurées, qui ne retiennent pas l'eau". (Jérémie 3 . 13 )<br />

C'est bien la tentation permanente de l'Homme de se creuser des citernes, pour ne plus être dépendant des<br />

pluies venant du ciel, pour prendre une assurance contre les "fantaisies" ou volontés du ciel, contre le mystère des voies de<br />

Dieu, bien plus élevées que les voies humaines et souvent si déconcertantes !<br />

Le Carême est, donc, un retour-repentance de l'Homme à l'égard de Dieu, mais, pas seulement un retour en<br />

pensée, ni une simple réflexion de la conscience, mais l'occasion d'un changement de vie et d'orientation. C'est le véritable<br />

sens du mot "retour" (Teshouva), c'est la vraie signification de "conversion".


Dans la pensée hébraïque le nombre 40 signifie précisément une période de temps bien délimitée durant<br />

laquelle il se produit un événement ou une évolution spécifique, bien différente de la période qui a précédé et de celle qui<br />

suivra.<br />

Selon le livre de la Genèse, (Genèse 7 12), après un déluge de 40 jours et 40 nuits, est sortie de l'arche, avec<br />

Noé, une autre humanité que celle qui y était entrée, une autre humanité prête à une alliance nouvelle avec l'Eternel. Il a<br />

fallu 40 ans dans le désert pour que le Peuple Hébreu devienne un autre Peuple que celui qui était sorti d'Egypte, un<br />

Peuple renouvelé, capable de vivre l'Alliance du Sinaï, (plus élaborée et exigeante que celle conclue avec Noé) avec le<br />

Dieu UN....et apte à assumer la Terre Promise à Abraham.<br />

C'est dans l'épreuve de 40 jours au désert que Jésus a pleinement demandé et reçu de Dieu le contenu et les<br />

charismes de son investiture en tant que Messie, Dernier Adam spirituel (1 Corinthiens 15. 39), Image du Dieu invisible et<br />

Premier-Né de toute la création nouvelle (Colossiens 1 . 15).<br />

C'est dans nos 40 jours de Carême au désert spirituel que, comme Jésus, nous avons à demander et à recevoir<br />

de l'Esprit Saint notre investiture de témoins du Salut en Jésus Christ, purifiés au feu de la tentation-test, de la prière et de<br />

la repentance.<br />

Nos frères Juifs, eux, font Carême chaque semaine. C'est leur Shabbat. Ils cessent tout ce qui a constitué leur<br />

activité des six premiers jours de la semaine, pour se placer devant Dieu, élever son Nom comme Créateur, Père et Maître<br />

de toutes choses. C’est la reconnaissance que tout ce que l’Homme est et tout ce dont il reçoit l’usage sur cette terre, vient<br />

de Dieu, retourne à Dieu et, donc, lui appartient. Dieu doit être loué de tout. Et l’Homme est appelé à se repentir sans<br />

cesse de tous les manquements et appropriations dont il se rend coupable devant Dieu et le prochain. Et toute la semaine<br />

qui suit doit rester illuminée par la flamme-lumière du Shabbat.<br />

Il en est de même pour les chrétiens, sous d’autres formes, mais dans le même esprit. Si, à la fin du Carême<br />

nous redevenons celui ou celle que nous étions en y entrant, c’est que nous n’avons pas accueilli l’essentiel du Don de<br />

Dieu qui nous était fait.<br />

Notre Père du Ciel n’attend pas de nous un jeûne pour le jeûne, des privations pour l’agrément de notre bonne<br />

conscience, mais une conversion authentique, qui change radicalement notre manière de vivre, notre regard sur notre vie,<br />

sur notre Dieu, sur le Plan d'Accomplissement personnel qu'il a pour nous, comme pour tous ceux, proches ou plus<br />

lointains, qui vivent autour de nous....<br />

N'ayons pas une vue rétrécie du Carême. Il n'est pas constitué de "sacrifices" avec lesquels nous puissions<br />

"acheter" des grâces particulières, ou, encore moins, mériter le ciel ! On ne marchande pas avec Dieu, comme on le fait<br />

avec des idoles ! Depuis près de 4000 ans l'Eternel nous le rappelle, par la voix des prophètes. Celle d’Isaïe est<br />

particulièrement significative :<br />

‘’ ...le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci: dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher<br />

les courroies du joug, renvoyer libres les opprimés ? N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ? Et<br />

encore ceci:les pauvres sans abri, tu les hébergeras ...si tu cèdes à l’affamé ta propre bouchée, si tu<br />

rassasie le gosier de l’humilié ... alors, ta lumière se lèvera dans les ténèbres ...Sans cesse le Seigneur<br />

te guidera ..Tu appelleras et le Seigneur répondra, tu hèleras et il dira : Me voici ‘’ ( I s a ï e<br />

58. 6 à 10)<br />

Rien de tout cela ne se réduit à de simples observances religieuses ; ce n'est pas un code d'obligations<br />

théoriques à appliquer ; c'est tout autre chose qu'un Code de la Route. C'est une autre dimension de la vie, c'est<br />

l'acceptation par le Vieil Homme, en nous, de mourir, de « revêtir » le Seigneur Jésus (Romains 13 . 14), de « revêtir »<br />

l’Homme Nouveau ( Ephésiens 4 . 24).<br />

Dans ce Carême, il ne s’agit donc pas d’une étape quelconque de notre vie religieuse. Au terme de ces 40 jours,<br />

comme ce nombre le suggère, c’est une ère nouvelle qui commence, c’est une transformation radicale qui doit apparaître,<br />

c’est une métamorphose ouvrant sur un cycle de vie tout nouveau.<br />

Le Vieil Homme, en nous, doit mourir et laisser place à l’Homme Nouveau. Jésus l’a bien précisé à ses<br />

disciples peu de temps avant sa Passion :<br />

‘’ En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé jeté en terre ne meurt pas, il reste seul. Si au<br />

contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. Celui qui aime sa vie, la perd, et celui qui cesse de<br />

s’y attacher en ce monde la gardera dans la vie éternelle… » (Jean 12 . 24 et 25)<br />

J.Putois<br />

<strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong> - page <strong>31</strong>


Calendrier des fêtes juives<br />

et des lectures juives des Écritures<br />

page 32 - <strong>Yerushalaim</strong> n°<strong>31</strong><br />

LLLL<br />

LES FETES JUIVES<br />

LES FETES de l'an 5763<br />

YERUSHALAIM<br />

YERUSHALAIM<br />

ISSN: 1252 - 5839<br />

Novembre 2001<br />

numéro 27 (2001-3)<br />

Roch-Hachanah 7-8.09.<strong>2002</strong> Hannouka 30.11.<strong>2002</strong> Yom Ha Ha'atzmut 7.05.2003<br />

UUUU<br />

Yom Kippour 16.09.<strong>2002</strong><br />

Soukkot 21.09.<strong>2002</strong><br />

Tou Bishevat<br />

Pourim<br />

Périodique de l’association CŒUR<br />

18.01.2003 Yom Ha Zikaron 16.05.2003<br />

(Comité Oecuménique d'Unité<br />

Chrétienne 18.03.2003 pour Yom la <strong>Yerushalaim</strong> Repentance 30.05.2003<br />

envers le peuple juif)<br />

Hochana Rabba 27.09.<strong>2002</strong> Pessah 17.04.2003 CŒUR - B.P. Chavouot 49217 -<br />

30104 ALES Cedex.<br />

6.06.2003<br />

Simhat Torah 29.09.<strong>2002</strong> Yom Ha Shoah Adresse 29.04.2003 électronique: association.cœur@free.fr<br />

Tisha Beav 7.08.2003<br />

Compte postal: Association CŒUR :<br />

Montpellier 4.982.93 U<br />

Association loi 1901 -<br />

PPPP Paracha<br />

N° Siret: 410 252 555 00017 - Code APE: 913E<br />

LES LECTURES Fondateur :<br />

Henri CATTA ( † en 1994 )<br />

Secrétaire de Haftara rédaction:<br />

Date<br />

Elsbieta AMSLER-TWAROWSKA<br />

Va-Yicra<br />

Tsav<br />

Livre<br />

OOOO<br />

du Lévitique - VA YICRA Directeur : ET de la IL Publication: APPELA<br />

Henri LEFEBVRE<br />

1,1 - 5,26 Et il appela Imprimerie: Isaïe 43,21 - 44,23<br />

A.M.C.Imprimerie - 75017 PARIS<br />

6,1 - 8,36 Ordonne ! Jérémie 7,21 - 8,3 ; 9,22-23<br />

15.03.2003<br />

22.03.2003<br />

Chémini<br />

UUUU<br />

9,1-11,47 Dans le huitième jour 2 Samuel 6,1 - 7,17 ( 6, 1 - 19) 29.03.2003<br />

YERUSHALAIM est la revue<br />

de l'association C.Œ.U.R. Elle<br />

est diffusée à tous ses<br />

membres: l'abonnementcotisation<br />

est fixé, pour<br />

l'année <strong>2002</strong> à :<br />

• taux normal : 20<br />

Euros.<br />

• taux de soutien : 40 Euros.<br />

Tazria 12,1-13,59 La femme qui concevra 2 Rois 4,42 - 5,19 5.04.2003<br />

Metsora 14,1- 15,33<br />

RRRR<br />

Le lépreux * 2 Rois 7, 3-20 12.04.2003<br />

Aharé mot 16,1- 18,30 Après la mort Ezéchiel 22,1-19 (1-16) 26.04.2003<br />

Qedochim 19,1- 20,27 Soyez saints Amos 9,7-15 b(Ezéchiel 20,2-20) 3.05.2003<br />

Emor 21,1-24,23 Parle aux prêtres Ezéchiel 44,15-<strong>31</strong> 10.05.2003<br />

L'abonnement-cotisation court du 1 er Be-Har 25,1-26,2 Au mont Sinaï Jérémie 32,6-27<br />

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17.05.2003<br />

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Selon mes décrets numéros parus dans Jérémie l’année 16,19 avant - 17,14 la prise 24.05.2003<br />

d’abonnement sont envoyés au nouvel<br />

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