Les Spécificités Architecturales des Mosquées au Maroc

1ExposésMassajidFr5 5/03/08 23:47 Page 105
sont surtout des mosquées qui effacent l’empreinte de l’Islam dans sa durée et son
historicité. Les petites mosquées de village ont souvent été les premières victimes de ce
«modernisme», mais également les plus prestigieuses Zawyas comme celle d’Assa
(Fondation : au XIIe siècle miladiya), ou celle de Sidi Wagag (Fondation : au XIe siècle
miladiya, Aglou près de Tiznit) qui ont été rasées puis reconstruites selon un archétype
urbain en béton qui retire toute historicité aux lieux. Ces rénovations et non restaurations
effacent irrémédiablement les marques d’usage que les siècles ont imprimé en elles. Le
devoir de mémoire et le respect aux générations précédentes ne devraient-ils pas être plus
forts encore pour un édifice sacré que pour un édifice profane ?
L’empreinte de l’Islam sur la durée
Le cénotaphe de Sidi Abdelkader ben Mohamed [photographie 3, à gauche] qui se
dresse à la frontière entre le Maroc et l’Algérie correspond à la limite jamais franchie par
l’Empire Ottoman sur la limite Sud-Est du Sultanat du Royaume. La lutte des Figuiguis
contre les armées ottomanes au XVI e siècle, c’est-à-dire l’attachement de la population à
des lieux emblématiques qui subsument sa résistance vient incarner une identité locale,
voire nationale. Avec ce lieu saint, haut-lieu architectural et lieu emblématique, nous
comprenons que ces lieux historiques incarnent aussi l’historicité de l’Islam. Ces lieux
sacrés sont des lieux de mémoire à travers lesquels la population locale maintient des
pratiques et des discours qui sont des composantes de son identité et du lien social.
Restons à Figuig et observons la mosquée Kbir et son fameux minaret octogonal qui est
toujours associé à la tradition racontant de la fixation des premiers nomades ayant
découvert l’oasis. La mémoire de la sédentarisation et de la mise en valeur des eaux
d’irrigation est liée à l’édification d’une mosquée. Tous les habitants rappellent que le
minaret fut édifiée grâce aux bois des tentes dont ils n’auraient dès lors plus eu l’usage. Et
à chaque marche lors de l’ascension, ils commentent la forme des bois qu’ils comparent
aux structures des tentes. Le minaret est par conséquent un marquage mémoriel : il fait
référence à une communauté ancrée dans la umma, depuis des temps lointains et glorieux.
A l’instar du Nord, on pourrait multiplier les exemples (méridionaux, Ma El Aynîn et
Smara, Sidi Ahmed Ou Moussa et Illigh, Moulay Brahim du Tamanart, etc.) autour de la
figure d’une personnalité, et autour de la construction d’un lieu saint, s’érigent ainsi les
contours d’une spécificité marocaine.
3
Deux marquages mémoriels à Figuig
: Sidi Abdelkader, symbole de la
limite matérielle entre l’Empire
Ottoman et le Sultanat de Fès, et le
minaret octogonal, symbole des
origines du groupe.
Un patrimoine sacré en péril ...
105