Histoire et mémoire de l'immigration en Bretagne - Odris

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88 Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : la mémoire Les projets, de plus en plus nombreux depuis les années 2000, se développent principalement dans les zones urbaines traditionnelles de l'immigration dans la région, Rennes, Brest ou Saint-Brieuc. Des actions développées selon le territoire d'implantation ou selon la population d'origine Les projets présentés ont trois modes d'entrée dans la thématique, soit par l'histoire d'une population immigrée en Bretagne (Laos, Hmongs, Cambodgiens, Espagnols, Tunisiens, Congolais, Camerounais, Portugais, Turcs, Maghrébins…) ; soit par le territoire de la ville et/ou du quartier et "ses" populations (Maurepas, Villejean, Bréquiny ou le Blosne à Rennes ; Le Plateau à Saint-Brieuc ; Pontanézen à Brest), d'un "pays" (le Pays briochin par exemple) ; soit par une réflexion plus large sur l'émigration/l'immigration, l'exil, la colonisation, l'esclavage mais aussi les civilisations et les échanges culturels dépassant alors les frontières de la région bretonne. Les objectifs de ces actions sont diverses et impliquent plus ou moins directement les immigrés et leurs descendants qui vivent en Bretagne. Très en vogue actuellement du fait des chantiers de rénovation urbaine, les actions autour de la mémoire d'un quartier vise à collecter et sauvegarder la mémoire des habitants tout en valorisant l'image d'un quartier. A Rennes, même s'il est peu ou pas question de démolition/reconstruction du fait du bon entretien du parc d'habitat social, chaque quartier "populaire" a son "action mémoire". Ces initiatives considèrent le plus souvent les immigrés ou descendants d'immigrés comme des "habitants du quartier comme les autres", sans pour autant négliger la particularité de leur parcours et de leur situation. Ainsi, par exemple, pour expliquer l'attachement particulier des immigrés "maghrébins" au quartier du Blosne, il est fait mention de leur forte mise à contribution pour la construction des tours et petits collectifs. A cet égard, d'aucuns pensent que c'est un argument somme toute commode pour expliquer leur faible mobilité résidentielle et masquer les discriminations connues dans l'accès au logement. A Brest, les questionnements et parti pris sont un peu différents. Le projet centré sur la mémoire du quartier de Pontanezen a plutôt démarré autour du bâti qui allait disparaître pour ensuite s'intéresser aux personnes qui y habitaient. Au début, les immigrés et leurs descendants n'y occupaient pas une place particulière. Au fur et à mesure cependant, leur place singulière dans la cité a été interrogée avec la mise en place, courant 2007, d'un atelier d'écriture animé par une conteuse professionnelle qui se trouve avoir vécu à Pontanezen pendant son enfance. L'objectif est certes d'inscrire l'histoire de ces habitants dans celle du quartier, mais aussi d'aller au-delà, pour comprendre leur parcours migratoire, les raisons de leur installation à Brest et leurs conditions de vie dans le quartier de Pontanezen 1 . Soulignons qu'un tel projet ne fait pas forcément l'unanimité parmi les acteurs politiques de la ville qui, avec cet intérêt "spécifique", craignent la stigmatisation des habitants de tout un quartier. Les associations d'immigrés ou de descendants d'immigrés considèrent, d'une part, que la mémoire de l'immigration favorise l'intégration des personnes immigrées et de leurs descendants 1. A noter que tous les habitants du quartier de Pontanezen n'y seront pas relogés une fois les travaux terminés. Ils le seront dans d'autres quartiers brestois. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007

Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : la mémoire dans la cité et, d'autre part, qu'elle permet de conserver, valoriser et diffuser l'histoire des immigrés et des réfugiés pour promouvoir les relations interculturelles et le "vivre ensemble". Autrement dit, en valorisant l'histoire de l'immigration et en y contribuant, ces associations entendent faire accepter la présence des immigrés dans la Cité. A Rennes, l'Union des associations interculturelles de Rennes (UAIR) est notamment missionnée par la municipalité pour valoriser la diversité culturelle de la ville. Ainsi, au moment du lancement du projet de la CNHI, des représentants de l'UAIR se sont rendus à plusieurs réunions nationales et régionales. Pour eux, il était "naturel" d'inscrire l'association dans un projet qui permettait de repenser la citoyenneté française dans toute sa diversité. Il s'agit pour l'UAIR de constituer un relais local aux activités de la CNHI. Leur intérêt pour cette thématique s'est par ailleurs manifesté par le soutien au centre culturel espagnol de Rennes dans sa démarche de publication aux éditions Ouest-France de l'ouvrage La mémoire retrouvée des Républicains espagnols. Paroles d'exilés en Ille-et-Vilaine de Gabrielle Garcia et Isabelle Matas, deux filles de réfugiés espagnols et à l'Association Khmère d'Ille-et-Vilaine (AKIV) dans la collecte d'histoire de vie d'immigrés rennais qui a conduit, fin 2005, à la publication du recueil Témoignages de Rennais d'origine étrangère, Parcours de vie illustré par le peintre rennais Mariano Otero. Quelques actions cherchent, par le biais de l'art et de la culture, à promouvoir les relations interculturelles et à montrer un visage à la fois plus complexe et plus positif des phénomènes migratoires. Ainsi, en 2004-2005, le projet Babel porté par le théâtre Lillico à Rennes (spécialisé dans le spectacle jeune public) et l'association Relais Etrangers s'est-il inscrit dans cette perspective. C'est un projet culturel autour de la programmation du spectacle "Babel France" (qui retrace l'histoire de l'immigration en France) de la Compagnie strasbourgeoise Flash Marionnettes au sein du quartier de Maurepas, quartier dit "prioritaire de la politique de la ville" caractérisé par une assez grande présence immigrée. A l'origine, le projet, qui associait des plasticiens de l'association 16, rue de Plaisance, proposait une action artistique de qualité à un public diversifié (mixité sociale, culturelle et générationnelle) afin de favoriser l'expression, la valorisation individuelle et collective, la communication avec pour support l'œuvre d'art à travers "la Friche" (produire, avec les habitants du quartier, une œuvre d'art). Faute de financements suffisants, le projet n'a pas pu être entièrement mené à bien, notamment dans sa dimension artistique. Le spectacle a toutefois été diffusé avec un accompagnement pédagogique spécifique porté par l'association Relais Etrangers centré sur l'histoire de l'immigration, la situation juridique actuelle des étrangers en France, les difficultés rencontrées par les étrangers "sans-papiers", les évolutions possibles, etc.. Enfin, un certain nombre de productions littéraires et artistiques (photographique notamment) 1 autour des réfugiés, immigrés et habitants d'un quartier rendent compte d'une réflexion autour de la construction des mécanismes de clichés. 1. Par exemple, Carret M.-J.-C. et Billion P., Laotiens en Armorique, Editions ASA, 2000, 95 pages ou encore Rétif S., Lumineau S. et Jan S. Exils, , Rennes, L'œil électronique Editions, 2006, 128 pages. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007 89

<strong>Histoire</strong> <strong>et</strong> Mémoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne : la <strong>mémoire</strong><br />

dans la cité <strong>et</strong>, d'autre part, qu'elle perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> conserver, valoriser <strong>et</strong> diffuser l'histoire <strong>de</strong>s<br />

immigrés <strong>et</strong> <strong>de</strong>s réfugiés pour promouvoir les relations interculturelles <strong>et</strong> le "vivre <strong>en</strong>semble".<br />

Autrem<strong>en</strong>t dit, <strong>en</strong> valorisant l'histoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>et</strong> <strong>en</strong> y contribuant, ces associations<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt faire accepter la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s immigrés dans la Cité. A R<strong>en</strong>nes, l'Union <strong>de</strong>s<br />

associations interculturelles <strong>de</strong> R<strong>en</strong>nes (UAIR) est notamm<strong>en</strong>t missionnée par la municipalité<br />

pour valoriser la diversité culturelle <strong>de</strong> la ville. Ainsi, au mom<strong>en</strong>t du lancem<strong>en</strong>t du proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

CNHI, <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong> l'UAIR se sont r<strong>en</strong>dus à plusieurs réunions nationales <strong>et</strong> régionales.<br />

Pour eux, il était "naturel" d'inscrire l'association dans un proj<strong>et</strong> qui perm<strong>et</strong>tait <strong>de</strong> rep<strong>en</strong>ser la<br />

citoy<strong>en</strong>n<strong>et</strong>é française dans toute sa diversité. Il s'agit pour l'UAIR <strong>de</strong> constituer un relais local aux<br />

activités <strong>de</strong> la CNHI. Leur intérêt pour c<strong>et</strong>te thématique s'est par ailleurs manifesté par le souti<strong>en</strong><br />

au c<strong>en</strong>tre culturel espagnol <strong>de</strong> R<strong>en</strong>nes dans sa démarche <strong>de</strong> publication aux éditions Ouest-France <strong>de</strong><br />

l'ouvrage La <strong>mémoire</strong> r<strong>et</strong>rouvée <strong>de</strong>s Républicains espagnols. Paroles d'exilés <strong>en</strong> Ille-<strong>et</strong>-Vilaine <strong>de</strong> Gabrielle<br />

Garcia <strong>et</strong> Isabelle Matas, <strong>de</strong>ux filles <strong>de</strong> réfugiés espagnols <strong>et</strong> à l'Association Khmère d'Ille-<strong>et</strong>-Vilaine<br />

(AKIV) dans la collecte d'histoire <strong>de</strong> vie d'immigrés r<strong>en</strong>nais qui a conduit, fin 2005, à la<br />

publication du recueil Témoignages <strong>de</strong> R<strong>en</strong>nais d'origine étrangère, Parcours <strong>de</strong> vie illustré par le peintre<br />

r<strong>en</strong>nais Mariano Otero.<br />

Quelques actions cherch<strong>en</strong>t, par le biais <strong>de</strong> l'art <strong>et</strong> <strong>de</strong> la culture, à promouvoir les relations<br />

interculturelles <strong>et</strong> à montrer un visage à la fois plus complexe <strong>et</strong> plus positif <strong>de</strong>s phénomènes<br />

migratoires. Ainsi, <strong>en</strong> 2004-2005, le proj<strong>et</strong> Babel porté par le théâtre Lillico à R<strong>en</strong>nes (spécialisé<br />

dans le spectacle jeune public) <strong>et</strong> l'association Relais Etrangers s'est-il inscrit dans c<strong>et</strong>te<br />

perspective. C'est un proj<strong>et</strong> culturel autour <strong>de</strong> la programmation du spectacle "Babel France" (qui<br />

r<strong>et</strong>race l'histoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> France) <strong>de</strong> la Compagnie strasbourgeoise Flash Marionn<strong>et</strong>tes<br />

au sein du quartier <strong>de</strong> Maurepas, quartier dit "prioritaire <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong> la ville" caractérisé par<br />

une assez gran<strong>de</strong> prés<strong>en</strong>ce immigrée. A l'origine, le proj<strong>et</strong>, qui associait <strong>de</strong>s plastici<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

l'association 16, rue <strong>de</strong> Plaisance, proposait une action artistique <strong>de</strong> qualité à un public diversifié<br />

(mixité sociale, culturelle <strong>et</strong> générationnelle) afin <strong>de</strong> favoriser l'expression, la valorisation<br />

individuelle <strong>et</strong> collective, la communication avec pour support l'œuvre d'art à travers "la Friche"<br />

(produire, avec les habitants du quartier, une œuvre d'art). Faute <strong>de</strong> financem<strong>en</strong>ts suffisants, le<br />

proj<strong>et</strong> n'a pas pu être <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>é à bi<strong>en</strong>, notamm<strong>en</strong>t dans sa dim<strong>en</strong>sion artistique. Le<br />

spectacle a toutefois été diffusé avec un accompagnem<strong>en</strong>t pédagogique spécifique porté par<br />

l'association Relais Etrangers c<strong>en</strong>tré sur l'histoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong>, la situation juridique actuelle<br />

<strong>de</strong>s étrangers <strong>en</strong> France, les difficultés r<strong>en</strong>contrées par les étrangers "sans-papiers", les évolutions<br />

possibles, <strong>et</strong>c..<br />

Enfin, un certain nombre <strong>de</strong> productions littéraires <strong>et</strong> artistiques (photographique<br />

notamm<strong>en</strong>t) 1 autour <strong>de</strong>s réfugiés, immigrés <strong>et</strong> habitants d'un quartier r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt compte d'une<br />

réflexion autour <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> clichés.<br />

1. Par exemple, Carr<strong>et</strong> M.-J.-C. <strong>et</strong> Billion P., Laoti<strong>en</strong>s <strong>en</strong> Armorique, Editions ASA, 2000, 95 pages ou <strong>en</strong>core Rétif S.,<br />

Lumineau S. <strong>et</strong> Jan S. Exils, , R<strong>en</strong>nes, L'œil électronique Editions, 2006, 128 pages.<br />

<strong>Odris</strong>, RFSM <strong>et</strong> Génériques, juin 2007<br />

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