Histoire et mémoire de l'immigration en Bretagne - Odris

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05.07.2013 Views

82 Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : synthèse historique nouvelles. Un centre AFPA ouvre en 1973, attirant des Réunionnais qui restent sur place à la fin de leur stage. La ville voit aussi arriver des travailleurs portugais puis turcs et africains dans le bâtiment et dans le secteur forestier. Enfin, le Centre Hospitalier a également attiré des employés d'origine étrangère. La répartition professionnelle se fait par origine nationale : les Vietnamiens travaillent dans la restauration, les Turcs sont ouvriers forestiers ou du bâtiment, les Sénégalais sont ouvriers d'usine (excepté un surveillant de lycée), les Marocains ont un emploi plus diversifié (ouvriers, interne d'hôpital…). Notons la présence dans la commune de sept étrangers du corps médical travaillant comme internes à l'hôpital (excepté l'un d'entre eux qui est chirurgien). Aucune équivalence de diplôme n'est demandée à ces internes qui viennent parfois directement d'universités étrangères. Les ouvriers turcs sont les plus touchés par le chômage mais restent dans la ville car la capacité de logement demeure importante, de même que les potentialités du secteur forestier. Dans les années 1980, les logements sociaux se dégradent et les "Français" ont tendance à les fuir pour leur préférer des logements neufs dans des lotissements. Comme il n'y a plus de création d'emploi, il n'y a pas d'arrivée de nouvelles populations et les appartements demeurent vides. Le mémoire de licence de J. Josso 1 décrit la vie de quatre familles de nationalité turque (et d'appartenance ethnique "turque" et kurde) vivant à Redon, commune rurale de 10 000 habitants (en 1990) en Ille-et-Vilaine où vivent environ 150 personnes de nationalité turque. Cette commune comporte quelques usines (constructions de pièces détachées pour automobile, maçonnerie, fonderie) où travaillent la majorité des hommes turcs de la ville. Le "quartier turc" de Redon est le quartier de Bellevue, le seul à offrir des logements HLM. Dévalorisé et souffrant de représentations négatives, sa réhabilitation au moment de l'étude est susceptible d'améliorer son image. Les trois communes rurales citées ont en commun l'implantation des familles immigrées dans des "quartiers d'habitat social" stigmatisés et souvent fuis par la population locale, évoquant ainsi des problématiques très "urbaines". Des observations récentes laissent penser que le secteur agroalimentaire, implanté dans des zones rurales, recrute aujourd'hui une main-d'œuvre étrangère. Par ailleurs, les ressortissants de l'Union Européenne s'installent plus souvent dans le milieu rural que les autres immigrés et que les Bretons : 35 % habitent cet espace contre 29 % des Bretons. C'est vrai surtout pour les ressortissants britanniques particulièrement attirés par le Centre Bretagne et le département des Côtes d'Armor. Le foyer "Guy Houist" et l'accueil des réfugiés à Rennes et en Ille-et-Vilaine Les années 1970 : l'accueil des "boat people" d'Asie du Sud-Est L'année 1975 marque l'arrivée à Rennes de plusieurs centaines de réfugiés d'Asie du Sud- Est. Le premier accueil a lieu dans les centres de transit de la région parisienne, initialement destinés aux travailleurs immigrés. A Rennes, le Centre Provisoire d'Hébergement "Foyer Guy 1. S. Josso, Manières de faire et manières de penser de familles turques et kurdes dans une petite ville bretonne, mémoire de licence de sociologie, Université Rennes 2 / Ceriem, 1991, 104 pages. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007

Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : synthèse historique Houist" 1 a ouvert ses portes aux réfugiés le 13 août 1975 pour répondre à la politique nationale de dispersion de l'accueil sur le territoire français. Parmi les 1 116 personnes originaires d'Asie du Sud-Est accueillies dans ce centre entre 1975 et 1980, on compte 377 Cambodgiens, 431 Laotiens (et Hmong) et 188 Viêtnamiens. Dès la fin 1975, quelques personnes isolées quittent le foyer pour rejoindre des compatriotes à Paris et l'association France Terre d'Asile – gestionnaire au plan national de l'accueil des réfugiés – demande au différents centres d'envisager la sortie des familles hébergées au plus tard en février 1976. Les familles, mécontentes, s'organisent pour protester contre la fin de leur prise en charge et médiatisent leur situation. La Presse locale se fait l'écho de leur situation conduisant au déblocage rapide par les offices HLM de fonds pour les reloger, avec la consigne politique de les disperser dans tout Rennes 2 . Entre le second semestre 1976 et le début de l'année 1977, le Foyer "Guy Houist" voit arriver plusieurs groupes de jeunes Cambodgiens et Viêtnamiens (18 à 30 ans). Dans un mémoire pour leur diplôme d'infirmier, M.- A. Allio et M. Legaret 3 décrivent les heurts fréquents entre ces jeunes réfugiés et les travailleurs immigrés. En juin 1979, la Presse française entame une campagne d'information sur la situation humanitaire des boat people et partout en France, et surtout en Bretagne et en Ille-et-Vilaine précise L. Mainguy 4 , des groupes d'accueil se constituent, non sans difficulté, autour des mairies, des paroisses et des associations humanitaires : 180 pour toute la Bretagne et une centaine pour le seul département d'Ille-et-Vilaine. Les relations entre les "parrains" et les familles accueillies sont teintées de pitié puis de paternalisme et furent souvent ambiguës, parfois conflictuelles lorsque les comportements des chefs de famille n'allaient pas de le sens de la définition de l'"intégration" selon les accueillants 5 . Les années 1980 : une diversification des origines nationales des réfugiés A partir du second semestre 1978, des réfugiés d'autres zones géographiques sont accueillis au Foyer "Guy Houit": Afrique noire (Zaïre, Angola, Ghana, etc.), Europe de l'Est, Amérique latine (Chili, Argentine), Inde, Sri-lanka, Afghanistan, Iran, Turquie, etc. Par exemple, dans son mémoire de maîtrise consacré à l'accueil des réfugiés zaïrois au Foyer "Guy Houist", A. Morillon comptabilise 247 familles originaires d'Afrique noire hébergées au foyer entre 1978 et 1992 et souligne que sur la période, leur part est variable (minimum en 1984 avec 1,8 % et maximum en 1992 avec 36,5 %) et connaît une évolution en dents de scie 6 . Autre exemple, au début des 1. Le foyer "Guy Houist", géré par l'association Aftam, est construit en 1973-1974 par l'Office municipal de la ville de Rennes pour loger des travailleurs immigrés. Il ouvre ses porte en décembre 1974. En juin 1975, à la demande de la Préfecture d'Ille-et-Vilaine, son organisation est transformée pour abriter également un centre provisoire d'hébergement pour réfugiés (CPH). Le foyer dispose dans un premier temps de 108 places pour les réfugiés (réparties dans 72 chambres) et de 48 places pour les travailleurs immigrés (dans 36 chambres). Notons que l'Aftam a ouvert pendant quelques années un CPH également à Brest qui s'est transformé dans les années 1980 en foyer pour travailleurs immigrés, faute de demandeurs d'asile. 2. L. Mainguy (ancien responsable du Foyer "Guy Houist"), "L'accueil des "boat poeple" à Rennes entre 1975 et 1985", Hommes et Migrations, n °1234, novembre-décembre 2001, p. 33. 3. M.-A. Allio et M. Legaret, Les réfugiés indochinois au foyer "Guy Houist" ou l'apprentissage d'une nouvelle vie, rapport de stage pour l'obtention du diplôme d'infirmier, 1978, 13 pages. 4. L. Mainguy, art. cit., p. 36. 5. C. Robineau, "Réfugiés d'Asie du Sud-Est : les groupes d'accueil en Ille-et-Vilaine", Pluriel, n° 28, 1981, p. 61. 6. A. Morillon, L'accueil des demandeurs d'asile et réfugiés originaires d'Afrique noire en France. Un exemple : les demandeurs d'asile zaïrois au Foyer Guy Houist à Rennes, mémoire de maîtrise de sociologie, Université Rennes 2 / Cériem, 1994, pp. 115-116. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007 83

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<strong>Histoire</strong> <strong>et</strong> Mémoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne : synthèse historique<br />

nouvelles. Un c<strong>en</strong>tre AFPA ouvre <strong>en</strong> 1973, attirant <strong>de</strong>s Réunionnais qui rest<strong>en</strong>t sur place à la fin<br />

<strong>de</strong> leur stage. La ville voit aussi arriver <strong>de</strong>s travailleurs portugais puis turcs <strong>et</strong> africains dans le<br />

bâtim<strong>en</strong>t <strong>et</strong> dans le secteur forestier. Enfin, le C<strong>en</strong>tre Hospitalier a égalem<strong>en</strong>t attiré <strong>de</strong>s employés<br />

d'origine étrangère. La répartition professionnelle se fait par origine nationale : les Vi<strong>et</strong>nami<strong>en</strong>s<br />

travaill<strong>en</strong>t dans la restauration, les Turcs sont ouvriers forestiers ou du bâtim<strong>en</strong>t, les Sénégalais<br />

sont ouvriers d'usine (excepté un surveillant <strong>de</strong> lycée), les Marocains ont un emploi plus diversifié<br />

(ouvriers, interne d'hôpital…). Notons la prés<strong>en</strong>ce dans la commune <strong>de</strong> sept étrangers du corps<br />

médical travaillant comme internes à l'hôpital (excepté l'un d'<strong>en</strong>tre eux qui est chirurgi<strong>en</strong>).<br />

Aucune équival<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> diplôme n'est <strong>de</strong>mandée à ces internes qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t parfois directem<strong>en</strong>t<br />

d'universités étrangères. Les ouvriers turcs sont les plus touchés par le chômage mais rest<strong>en</strong>t dans<br />

la ville car la capacité <strong>de</strong> logem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>meure importante, <strong>de</strong> même que les pot<strong>en</strong>tialités du secteur<br />

forestier. Dans les années 1980, les logem<strong>en</strong>ts sociaux se dégra<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> les "Français" ont t<strong>en</strong>dance<br />

à les fuir pour leur préférer <strong>de</strong>s logem<strong>en</strong>ts neufs dans <strong>de</strong>s lotissem<strong>en</strong>ts. Comme il n'y a plus <strong>de</strong><br />

création d'emploi, il n'y a pas d'arrivée <strong>de</strong> nouvelles populations <strong>et</strong> les appartem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t<br />

vi<strong>de</strong>s.<br />

Le <strong>mémoire</strong> <strong>de</strong> lic<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> J. Josso 1 décrit la vie <strong>de</strong> quatre familles <strong>de</strong> nationalité turque (<strong>et</strong><br />

d'appart<strong>en</strong>ance <strong>et</strong>hnique "turque" <strong>et</strong> kur<strong>de</strong>) vivant à Redon, commune rurale <strong>de</strong> 10 000 habitants<br />

(<strong>en</strong> 1990) <strong>en</strong> Ille-<strong>et</strong>-Vilaine où viv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>viron 150 personnes <strong>de</strong> nationalité turque. C<strong>et</strong>te commune<br />

comporte quelques usines (constructions <strong>de</strong> pièces détachées pour automobile, maçonnerie,<br />

fon<strong>de</strong>rie) où travaill<strong>en</strong>t la majorité <strong>de</strong>s hommes turcs <strong>de</strong> la ville. Le "quartier turc" <strong>de</strong> Redon est le<br />

quartier <strong>de</strong> Bellevue, le seul à offrir <strong>de</strong>s logem<strong>en</strong>ts HLM. Dévalorisé <strong>et</strong> souffrant <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>tations<br />

négatives, sa réhabilitation au mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> est susceptible d'améliorer son image.<br />

Les trois communes rurales citées ont <strong>en</strong> commun l'implantation <strong>de</strong>s familles immigrées<br />

dans <strong>de</strong>s "quartiers d'habitat social" stigmatisés <strong>et</strong> souv<strong>en</strong>t fuis par la population locale, évoquant<br />

ainsi <strong>de</strong>s problématiques très "urbaines".<br />

Des observations réc<strong>en</strong>tes laiss<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>ser que le secteur agroalim<strong>en</strong>taire, implanté dans <strong>de</strong>s<br />

zones rurales, recrute aujourd'hui une main-d'œuvre étrangère. Par ailleurs, les ressortissants <strong>de</strong><br />

l'Union Europé<strong>en</strong>ne s'install<strong>en</strong>t plus souv<strong>en</strong>t dans le milieu rural que les autres immigrés <strong>et</strong> que<br />

les Br<strong>et</strong>ons : 35 % habit<strong>en</strong>t c<strong>et</strong> espace contre 29 % <strong>de</strong>s Br<strong>et</strong>ons. C'est vrai surtout pour les<br />

ressortissants britanniques particulièrem<strong>en</strong>t attirés par le C<strong>en</strong>tre Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> le départem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

Côtes d'Armor.<br />

Le foyer "Guy Houist" <strong>et</strong> l'accueil <strong>de</strong>s réfugiés à R<strong>en</strong>nes <strong>et</strong> <strong>en</strong> Ille-<strong>et</strong>-Vilaine<br />

Les années 1970 : l'accueil <strong>de</strong>s "boat people" d'Asie du Sud-Est<br />

L'année 1975 marque l'arrivée à R<strong>en</strong>nes <strong>de</strong> plusieurs c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> réfugiés d'Asie du Sud-<br />

Est. Le premier accueil a lieu dans les c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> transit <strong>de</strong> la région parisi<strong>en</strong>ne, initialem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>stinés aux travailleurs immigrés. A R<strong>en</strong>nes, le C<strong>en</strong>tre Provisoire d'Hébergem<strong>en</strong>t "Foyer Guy<br />

1. S. Josso, Manières <strong>de</strong> faire <strong>et</strong> manières <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> familles turques <strong>et</strong> kur<strong>de</strong>s dans une p<strong>et</strong>ite ville br<strong>et</strong>onne, <strong>mémoire</strong> <strong>de</strong> lic<strong>en</strong>ce<br />

<strong>de</strong> sociologie, Université R<strong>en</strong>nes 2 / Ceriem, 1991, 104 pages.<br />

<strong>Odris</strong>, RFSM <strong>et</strong> Génériques, juin 2007

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