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Histoire et mémoire de l'immigration en Bretagne - Odris

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<strong>Histoire</strong> <strong>et</strong> Mémoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne : synthèse historique<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s accusations, <strong>de</strong>s "étrangers" sont aussi agressés ou tués au nom <strong>de</strong> l'épuration.<br />

Des Algéri<strong>en</strong>s sont ainsi abattus dans le Morbihan ; dans le c<strong>en</strong>tre Br<strong>et</strong>agne, <strong>de</strong>s marchands<br />

ambulants le sont égalem<strong>en</strong>t. Ces marchands allai<strong>en</strong>t dans les marchés <strong>et</strong> les foires <strong>de</strong> la région <strong>et</strong><br />

leurs activités commerciales les m<strong>et</strong>tai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mauvaise posture face à une opinion exaspérée par<br />

les pénuries <strong>et</strong> les restrictions. Ils étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce soupçonnés par les autochtones <strong>de</strong> trafic<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> marché noir avec l'occupant. F. Lambert constate que les homici<strong>de</strong>s relevant du processus<br />

d'épuration n'ont donc pas épargné les "étrangers" <strong>et</strong> la Br<strong>et</strong>agne semble témoigner d'un niveau<br />

<strong>de</strong> brutalité dont les "étrangers", <strong>et</strong> particulièrem<strong>en</strong>t les Nord-Africains, fur<strong>en</strong>t les victimes à la<br />

Libération. Surtout, il est avéré que le phénomène <strong>de</strong> suspicion à l'égard <strong>de</strong>s "étrangers" est<br />

<strong>en</strong>core plus prés<strong>en</strong>t <strong>et</strong> diffus <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne au l<strong>en</strong><strong>de</strong>main <strong>de</strong> l'Occupation. Les individus originaires<br />

d'Italie, d'Algérie, d'Allemagne, <strong>de</strong> Belgique <strong>et</strong> <strong>de</strong> Pologne ont clairem<strong>en</strong>t focalisé la méfiance <strong>et</strong><br />

les soupçons <strong>de</strong> voisinage au sortir <strong>de</strong> l'Occupation.<br />

La population "étrangère" soupçonnée a égalem<strong>en</strong>t fortem<strong>en</strong>t connu la dét<strong>en</strong>tion : un sur<br />

<strong>de</strong>ux dans les Côtes-du-Nord ou le Finistère, soit parce qu'ils étai<strong>en</strong>t considérés comme<br />

dangereux soit pour les protéger <strong>de</strong>s viol<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> la population locale. Dans les Côtes-du-Nord,<br />

154 étrangers ont été soupçonnés <strong>de</strong> collaboration, accusés d'être <strong>de</strong>s indicateurs au service <strong>de</strong><br />

l'occupant ou d'avoir été <strong>de</strong>s "profiteurs <strong>de</strong> guerre". Sur ces 154, 87 dossiers n'ont pas été<br />

transmis à la justice par les pouvoirs publics, dont un tiers pour lesquels l'accusation était<br />

clairem<strong>en</strong>t non fondée au regard <strong>de</strong>s critères du CDL. Les autres ont connu <strong>de</strong>s sanctions<br />

administratives (expulsion) <strong>et</strong> économiques. Ainsi, la répression <strong>de</strong> la collaboration a été un<br />

phénomène social <strong>de</strong> masse, touchant les personnes nées <strong>en</strong> France ou ailleurs. Le nombre <strong>de</strong><br />

dossiers ouverts à l'<strong>en</strong>contre d'individus soupçonnés <strong>de</strong> collaboration (4 100 dans les Côtes-du-<br />

Nord, 5 008 dans le Finistère) est assez significatif <strong>de</strong> l'ampleur sociale du processus. Certes,<br />

numériquem<strong>en</strong>t minoritaires dans la société br<strong>et</strong>onne sous l'occupation <strong>et</strong> à la Libération, les<br />

"étrangers" ne pouvai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du pas former le gros <strong>de</strong> la population épurée. Toutefois,<br />

l'épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'épuration <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne apparaît, <strong>de</strong> fait, comme particulièrem<strong>en</strong>t répressif <strong>et</strong><br />

discriminatoire à l'égard <strong>de</strong>s "étrangers". Ils sont désignés d'emblée comme coupables. Le<br />

décalage est important <strong>en</strong>tre le nombre d'individus suspectés par les communautés locales <strong>et</strong> bi<strong>en</strong><br />

souv<strong>en</strong>t inquiétés par <strong>de</strong>s mesures privatives <strong>de</strong> liberté <strong>et</strong> les étrangers sanctionnés, peu<br />

nombreux, <strong>de</strong>vant les tribunaux <strong>de</strong> l'épuration civile. La défiance <strong>de</strong>s autochtones est clairem<strong>en</strong>t<br />

focalisée <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne sur certains "étrangers" : les individus d'origine itali<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> ceux d'origine<br />

alleman<strong>de</strong> ou supposés tels (originaires d'Europe du nord <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'Est). Un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t anti-arabe est<br />

aussi très prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne à la Libération. Plus généralem<strong>en</strong>t, le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t xénophobe fait<br />

peser un soupçon généralisé <strong>et</strong> globalisant sur les "étrangers" prés<strong>en</strong>ts dans la région.<br />

A la Libération, l'image dominante <strong>de</strong> l'étranger est celle <strong>de</strong> l'espion <strong>et</strong> du traître. La<br />

trahison, assimilée à une déviance, ne peut être le fait que d'individus <strong>en</strong> marge or les étrangers<br />

sont souv<strong>en</strong>t d'implantation réc<strong>en</strong>te <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> mèn<strong>en</strong>t parfois un g<strong>en</strong>re <strong>de</strong> vie<br />

incompréh<strong>en</strong>sible pour les voisinages. F. Lambert voit là la g<strong>en</strong>èse <strong>de</strong>s accusations, parfois les<br />

plus irrationnelles. Ainsi, pour les Algéri<strong>en</strong>s, leur itinérance – marchands forains – est mal vue <strong>et</strong><br />

source d'inquiétu<strong>de</strong>. Autre point <strong>de</strong> friction <strong>en</strong>tre les autochtones <strong>et</strong> les Nord-Africains <strong>en</strong><br />

Br<strong>et</strong>agne : leur prés<strong>en</strong>ce dans <strong>de</strong>s <strong>en</strong>droits mal famés <strong>et</strong> quartiers louches <strong>de</strong>s villes (par exemple,<br />

<strong>Odris</strong>, RFSM <strong>et</strong> Génériques, juin 2007

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