Histoire et mémoire de l'immigration en Bretagne - Odris

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05.07.2013 Views

68 Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : synthèse historique la guerre de 14-18. La "guerre-éclair" des troupes allemandes le 10 mai 1940 sur le front occidental entraîne la déroute de l'armée française et change la donne sur le territoire français, en Bretagne notamment. Le choc majeur pour la population est l'arrivée des Allemands. Ils pénètrent à Fougères le 17 juin 1940, ce même jour la gare de triage de Rennes est bombardée par la Luftwaffe. Un train de réfugiés est touché, plus de 800 tués identifiés et des centaines de disparus et blessés. Le 18 juin, Rennes, ainsi que tout le département d'Ille-et-Vilaine, est occupée. La Débâcle et l'arrivée des réfugiés du Nord de mai à septembre 1940 L'attaque allemande amène son flot de réfugiés en Bretagne (peut-être 1,2 million à la mijuin et encore plus de 750 000 un mois plus tard 1 ) et notamment dans le département d'Ille-et- Vilaine, à la fois département refuge (département agricole et pourvu en logements) et lieu de transit vers les autres départements bretons. Le gouvernement avait établi dès 1938 la carte des départements menacés et désigné les départements jumelés avec eux pour accueillir des réfugiés. On avait prévu que l'évacuation des réfugiés se ferait à une vitesse de 20 à 30 kilomètres par heure, mais les Allemands avancent bien plus vite. C'est donc l'exode brutal, dans la panique. Les premiers réfugiés, des départements du Nord-Pas-de-Calais, de la Somme, de l'Aisne, des Ardennes, mais aussi de Belgique, arrivent à Lécousse, à quelques kilomètres de Fougères, le 17 mai 1940, le 11 juin ils sont 550 2 . Le maire s'affole car la commune n'a pas les moyens financiers ni les logements pour accueillir ces réfugiés. Il demande une aide financière à la Trésorerie générale. De 1940 à 1944, le nombre de réfugiés a été très fluctuant ; certains sont restés trois jours, d'autres dix, voire un mois. Le département d'Ille-et-Vilaine connaît des problèmes de ravitaillement car les trains de réfugiés arrivent de manière imprévisible. Difficile à évaluer, le nombre de réfugiés semble être de 140 000 en Ille-et- Vilaine fin juin 1940 : près de la moitié d'entre eux viennent de la région parisienne, plus du quart du Nord et plus de 15 % de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg 3 . Ces réfugiés sont répartis très inégalement dans le département : sur la côte, ils représentent plus de 100 % de la population habituelle, ainsi qu'à Redon, nœud ferroviaire, peu restent à Rennes. Le mouvement de reflux ne se fait que lentement et en octobre 1940, d'après les rapports allemands, on compte encore 3 000 réfugiés originaires du Nord-Est de la France. Le Morbihan est aussi département d'accueil en mai 1940 4 . En 1938, en raison de son éloignement probable des opérations, le Morbihan, comme les autres départements bretons, est pensé comme un département de repli pour le département du Nord, population civile (femmes, vieillards et enfants principalement) et services administratifs. L'évacuation ne se déroule pas selon le plan prévu, d'une part, elle n'a pas l'ampleur escomptée et, d'autre part, des évacués volontaires, en provenance de la région parisienne surtout, se dirigent en grand nombre vers la Bretagne. De même, l'afflux de Belges, Hollandais et Luxembourgeois n'avait pas été prévu. Le 1. J. Sainclivier, La Bretagne de 1939 à nos jours, op. cit., p. 24. 2. M. Salün, "Les réfugiés à Lécousse durant la seconde guerre mondiale", Le Pays de Fougères, n° 86, 1992, p. 12-13. 3. J. Sainclivier, L'Ille-et-Vilaine dans la guerre 1939/1945, Editions Horvath, 1986, p. 8. 4. M. Daligault, Les Réfugiés dans le Morbihan pendant la deuxième guerre mondiale, mémoire de maîtrise d'histoire, Université Rennes 2, 1987. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007

Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : synthèse historique Morbihan reçoit plus de 130 000 personnes entre le 10 et 20 juin 1940, chiffre ne cessant de croître jusqu'en août 1940, puis régressant avec l'organisation des premiers retours des réfugiés. Le chiffre le plus important relevé dans les archives étant de 150 000 personnes recensées le 15 juillet 1940, dont 29 300 réfugiés belges, hollandais et luxembourgeois. Toutefois, il est difficile d'évaluer le nombre et la répartition des réfugiés étrangers par nationalité, la documentation étant partielle et mentionnant ces réfugiés en les rattachant aux départements du Nord dont ils ont été évacués, en même temps que le reste de la population. Des nationalités sont évoquées telles que Polonais, Russes, Yougoslaves, Italiens, Roumains… Les étrangers embauchés sur les chantiers côtiers de l'organisation Todt Située en première ligne en cas de débarquement allié sur les côtes de La Manche, la Bretagne revêt une position stratégique pour les belligérants. A partir de l'été 1940, les chantiers allemands (aérodromes, bases sous-marines de Brest et Lorient, fortifications côtières) attirent des milliers d'ouvriers de la région mais aussi de l'extérieur (Espagnols, Hollandais, Italiens, Nord-Africains…) dans une période de chômage massif en raison de la fermeture de nombreuses entreprises. Mais nombre de travailleurs ne restent guère longtemps dans les chantiers Todt, comme le montrent les avis de recherche de travailleurs ayant "déserté" les chantiers 1 . Les travailleurs étrangers, requis ou volontaires, sont logés dans des camps et comblent les besoins croissants en main-d'œuvre dans les usines et sur les chantiers de construction de l'organisation Todt. En raison des milliers de prisonniers de guerre bretons envoyés en Allemagne dès l'automne 1940 et du fiasco de la réquisition de la main-d'œuvre locale, la main-d'œuvre bretonne n'est pas suffisante et l'apport extérieur est nécessaire aux besoins de l'occupant. En février 1943, les Allemands accélèrent en effet la construction du Mur de l'Atlantique, réquisitionnant davantage de main-d'œuvre, d'entreprises et de matières premières. Les Bretons refusent massivement de travailler sur les chantiers allemands si bien que l'occupant réquisitionne la population côtière plusieurs jours par semaine (fin 1943) et procède à des rafles de maind'œuvre en 1944 2 . Beaucoup d'hommes, mobilisés en 1939, sont toujours prisonniers mais les Bretons refusent également en masse de partir travailler volontairement en Allemagne. Les Allemands exigent pour l'effort de guerre du IIIè Reich 250 000 travailleurs français supplémentaires. Pour y répondre, le gouvernement de Pierre Laval décrète le Service du Travail Obligatoire : deux ans en Allemagne pour tous les jeunes gens nés entre 1920 et 1922. Les enfants d'agriculteurs, les inscrits maritimes, les étudiants sursitaires, un temps protégés, sont à leur tout concernés à partir de l'été 43 car le STO est rejeté. Nombre de réfractaires au STO vont rejoindre les rangs de la résistance. Dans plusieurs villes, notamment du centre et de l'ouest de la Bretagne, la riposte au STO s'organise spontanément ou à l'appel de la résistance (tracts, affichettes), en particulier du Front National (FN) créé en 1941 par le PCF. 1. AD 35 43 W 121 à 268 Commissariat régional de la République. 146 W 20 : [Secrétariat d'Etat au travail, service de la MOI à Vichy, "recherche des travailleurs nord-africains employés au service de l'Oberlauleitung de Saint-Malo" : instructions et liste (mai 1943) dressée "à l'occasion de la désertion d'un certain nombre de travailleurs nord-africains employés par l'organisation Todt" et composée "de 18 indigènes nord-africains demeurant tous en région lyonnaise".] 2. C. Bougeard (dir.), Bretagne et identités régionales pendant la seconde guerre mondiale, Brest, CRBC, 2002. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007 69

<strong>Histoire</strong> <strong>et</strong> Mémoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne : synthèse historique<br />

Morbihan reçoit plus <strong>de</strong> 130 000 personnes <strong>en</strong>tre le 10 <strong>et</strong> 20 juin 1940, chiffre ne cessant <strong>de</strong><br />

croître jusqu'<strong>en</strong> août 1940, puis régressant avec l'organisation <strong>de</strong>s premiers r<strong>et</strong>ours <strong>de</strong>s réfugiés.<br />

Le chiffre le plus important relevé dans les archives étant <strong>de</strong> 150 000 personnes rec<strong>en</strong>sées le 15<br />

juill<strong>et</strong> 1940, dont 29 300 réfugiés belges, hollandais <strong>et</strong> luxembourgeois. Toutefois, il est difficile<br />

d'évaluer le nombre <strong>et</strong> la répartition <strong>de</strong>s réfugiés étrangers par nationalité, la docum<strong>en</strong>tation étant<br />

partielle <strong>et</strong> m<strong>en</strong>tionnant ces réfugiés <strong>en</strong> les rattachant aux départem<strong>en</strong>ts du Nord dont ils ont été<br />

évacués, <strong>en</strong> même temps que le reste <strong>de</strong> la population. Des nationalités sont évoquées telles que<br />

Polonais, Russes, Yougoslaves, Itali<strong>en</strong>s, Roumains…<br />

Les étrangers embauchés sur les chantiers côtiers <strong>de</strong> l'organisation Todt<br />

Située <strong>en</strong> première ligne <strong>en</strong> cas <strong>de</strong> débarquem<strong>en</strong>t allié sur les côtes <strong>de</strong> La Manche, la<br />

Br<strong>et</strong>agne revêt une position stratégique pour les belligérants. A partir <strong>de</strong> l'été 1940, les chantiers<br />

allemands (aérodromes, bases sous-marines <strong>de</strong> Brest <strong>et</strong> Lori<strong>en</strong>t, fortifications côtières) attir<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>s milliers d'ouvriers <strong>de</strong> la région mais aussi <strong>de</strong> l'extérieur (Espagnols, Hollandais, Itali<strong>en</strong>s,<br />

Nord-Africains…) dans une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chômage massif <strong>en</strong> raison <strong>de</strong> la ferm<strong>et</strong>ure <strong>de</strong> nombreuses<br />

<strong>en</strong>treprises. Mais nombre <strong>de</strong> travailleurs ne rest<strong>en</strong>t guère longtemps dans les chantiers Todt,<br />

comme le montr<strong>en</strong>t les avis <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> travailleurs ayant "déserté" les chantiers 1 . Les<br />

travailleurs étrangers, requis ou volontaires, sont logés dans <strong>de</strong>s camps <strong>et</strong> combl<strong>en</strong>t les besoins<br />

croissants <strong>en</strong> main-d'œuvre dans les usines <strong>et</strong> sur les chantiers <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> l'organisation<br />

Todt. En raison <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> prisonniers <strong>de</strong> guerre br<strong>et</strong>ons <strong>en</strong>voyés <strong>en</strong> Allemagne dès<br />

l'automne 1940 <strong>et</strong> du fiasco <strong>de</strong> la réquisition <strong>de</strong> la main-d'œuvre locale, la main-d'œuvre br<strong>et</strong>onne<br />

n'est pas suffisante <strong>et</strong> l'apport extérieur est nécessaire aux besoins <strong>de</strong> l'occupant.<br />

En février 1943, les Allemands accélèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eff<strong>et</strong> la construction du Mur <strong>de</strong> l'Atlantique,<br />

réquisitionnant davantage <strong>de</strong> main-d'œuvre, d'<strong>en</strong>treprises <strong>et</strong> <strong>de</strong> matières premières. Les Br<strong>et</strong>ons<br />

refus<strong>en</strong>t massivem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> travailler sur les chantiers allemands si bi<strong>en</strong> que l'occupant réquisitionne<br />

la population côtière plusieurs jours par semaine (fin 1943) <strong>et</strong> procè<strong>de</strong> à <strong>de</strong>s rafles <strong>de</strong> maind'œuvre<br />

<strong>en</strong> 1944 2 . Beaucoup d'hommes, mobilisés <strong>en</strong> 1939, sont toujours prisonniers mais les<br />

Br<strong>et</strong>ons refus<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> masse <strong>de</strong> partir travailler volontairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Allemagne. Les<br />

Allemands exig<strong>en</strong>t pour l'effort <strong>de</strong> guerre du IIIè Reich 250 000 travailleurs français<br />

supplém<strong>en</strong>taires. Pour y répondre, le gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Pierre Laval décrète le Service du Travail<br />

Obligatoire : <strong>de</strong>ux ans <strong>en</strong> Allemagne pour tous les jeunes g<strong>en</strong>s nés <strong>en</strong>tre 1920 <strong>et</strong> 1922. Les<br />

<strong>en</strong>fants d'agriculteurs, les inscrits maritimes, les étudiants sursitaires, un temps protégés, sont à<br />

leur tout concernés à partir <strong>de</strong> l'été 43 car le STO est rej<strong>et</strong>é. Nombre <strong>de</strong> réfractaires au STO vont<br />

rejoindre les rangs <strong>de</strong> la résistance. Dans plusieurs villes, notamm<strong>en</strong>t du c<strong>en</strong>tre <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'ouest <strong>de</strong> la<br />

Br<strong>et</strong>agne, la riposte au STO s'organise spontaném<strong>en</strong>t ou à l'appel <strong>de</strong> la résistance (tracts,<br />

affich<strong>et</strong>tes), <strong>en</strong> particulier du Front National (FN) créé <strong>en</strong> 1941 par le PCF.<br />

1. AD 35 43 W 121 à 268 Commissariat régional <strong>de</strong> la République. 146 W 20 : [Secrétariat d'Etat au travail, service <strong>de</strong><br />

la MOI à Vichy, "recherche <strong>de</strong>s travailleurs nord-africains employés au service <strong>de</strong> l'Oberlauleitung <strong>de</strong> Saint-Malo" : instructions <strong>et</strong><br />

liste (mai 1943) dressée "à l'occasion <strong>de</strong> la désertion d'un certain nombre <strong>de</strong> travailleurs nord-africains employés par l'organisation<br />

Todt" <strong>et</strong> composée "<strong>de</strong> 18 indigènes nord-africains <strong>de</strong>meurant tous <strong>en</strong> région lyonnaise".]<br />

2. C. Bougeard (dir.), Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> i<strong>de</strong>ntités régionales p<strong>en</strong>dant la secon<strong>de</strong> guerre mondiale, Brest, CRBC, 2002.<br />

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