Histoire et mémoire de l'immigration en Bretagne - Odris
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<strong>Histoire</strong> <strong>et</strong> Mémoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne : synthèse historique<br />
la v<strong>en</strong>ue au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> tous les milici<strong>en</strong>s gardés dans les camps du Midi 1 . Le c<strong>en</strong>tre va servir <strong>de</strong><br />
refuge jusqu'<strong>en</strong> mai 1940 2 .<br />
La mobilisation <strong>de</strong>s nationaux amène aussi les autorités à utiliser les réfugiés espagnols<br />
comme "main-d'œuvre <strong>de</strong> remplacem<strong>en</strong>t". Dans les camps, les ouvriers spécialisés espagnols sont<br />
triés sur le vol<strong>et</strong> : plus d'une c<strong>en</strong>taine sont employés à l'ars<strong>en</strong>al <strong>de</strong> R<strong>en</strong>nes comme bourreliers <strong>et</strong><br />
cordonniers, bi<strong>en</strong> payés, ils font v<strong>en</strong>ir femmes <strong>et</strong> <strong>en</strong>fants ; d'autres sont placés chez <strong>de</strong>s<br />
particuliers, d'autres <strong>en</strong>core construis<strong>en</strong>t le futur aéroport <strong>de</strong> Saint-Jacques-<strong>de</strong>-la-Lan<strong>de</strong> à<br />
quelques kilomètres <strong>de</strong> R<strong>en</strong>nes ou sont employés dans les Travaux publics 3 . On compte 170<br />
travailleurs libres à R<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> 1939. A partir <strong>de</strong> février 1940, les Espagnols <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />
réfugiés politiques <strong>et</strong> non plus <strong>de</strong> simples étrangers. Mais pour rester, il faut travailler <strong>et</strong> une<br />
commission française est créée pour constituer les compagnies <strong>de</strong> travailleurs. Travailleurs libres<br />
<strong>et</strong> manœuvres <strong>en</strong>rôlés constitu<strong>en</strong>t donc <strong>de</strong>ux catégories <strong>de</strong> travailleurs espagnols. Les seconds ne<br />
sont pas rémunérés <strong>et</strong> sont surexploités, ne pouvant pas faire v<strong>en</strong>ir leur famille <strong>et</strong> allant <strong>de</strong><br />
chantiers <strong>en</strong> chantiers au gré <strong>de</strong>s besoins 4 . Quant aux femmes, une quarantaine v<strong>en</strong>ues <strong>de</strong> Vieux-<br />
Vy sont placées comme bonnes ou employées chez <strong>de</strong>s particuliers pour éviter le rapatriem<strong>en</strong>t<br />
avant d'obt<strong>en</strong>ir le statut <strong>de</strong> réfugié politique.<br />
A la Libération, <strong>en</strong>viron 600 Espagnols, hommes, femmes <strong>et</strong> <strong>en</strong>fants, <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t à<br />
R<strong>en</strong>nes 5 . Ils connaiss<strong>en</strong>t la dur<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s restrictions d'après-guerre, r<strong>en</strong>due plus difficile par la<br />
précarité <strong>de</strong> leur situation administrative car ils doiv<strong>en</strong>t établir une carte <strong>de</strong> travail trimestrielle à la<br />
préfecture <strong>de</strong> police. Et doiv<strong>en</strong>t, pour cela, éviter d'être "subversifs". Malgré tout, <strong>de</strong>s<br />
organisations anti-franquistes se form<strong>en</strong>t, souv<strong>en</strong>t dans la désunion <strong>en</strong>tre communistes,<br />
anarchistes, socialistes, cénétistes dont chacun possè<strong>de</strong> un local <strong>et</strong> un journal à R<strong>en</strong>nes,<br />
<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t tournés vers les événem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> Espagne. Mais l'acceptation du régime franquiste par<br />
les puissances alliées, à la fin <strong>de</strong>s années 1940, inaugure une certaine démobilisation <strong>de</strong>s militants<br />
<strong>de</strong> gauche espagnols <strong>et</strong> leur <strong>en</strong>trée dans <strong>de</strong>s partis français. Puis, à partir <strong>de</strong> 1950, arriv<strong>en</strong>t<br />
d'Espagne les premiers émigrés économiques qui n'ont pas le même vécu politique que leurs<br />
aînés réfugiés <strong>en</strong> France. Finalem<strong>en</strong>t, ces réfugiés d'avant guerre se sont s<strong>en</strong>tis délaissés par les<br />
démocraties occi<strong>de</strong>ntales dans leurs luttes <strong>et</strong> oubliés <strong>de</strong> la population française <strong>et</strong> br<strong>et</strong>onne. Car<br />
celle qui vit à proximité <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s camps a gardé peu <strong>de</strong> souv<strong>en</strong>irs, si ce n'est ceux <strong>de</strong> "bons<br />
travailleurs", "tout compte fait […] <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s comme les autres" 6 . La situation <strong>en</strong> Ille-<strong>et</strong>-Vilaine<br />
n'a donc pas été différ<strong>en</strong>te <strong>de</strong> celle du reste <strong>de</strong> la France, conclut I. Guépin, "ni bi<strong>en</strong>veillance <strong>de</strong><br />
sa part, ni charité, ni amabilité, ni compréh<strong>en</strong>sion" 7 .<br />
1. J. Cucarull, "Un épiso<strong>de</strong> oublié : les réfugiés espagnols dans le pays <strong>de</strong> Fougères (1936-1940)", Le Pays <strong>de</strong> Fougères,<br />
n° 72, 1989, p. 5.<br />
2. Ibid., pp. 3-10.<br />
3. I. Guépin, La vie <strong>de</strong>s émigrés espagnols <strong>de</strong> 1936 à 1960 <strong>en</strong> Ille-<strong>et</strong>-Vilaine, Maîtrise <strong>Histoire</strong>, Université R<strong>en</strong>nes 2, 1981.<br />
4. Ibid., p. 83.<br />
5. Ibid.<br />
6. Ibid., p. 139.<br />
7. Ibid., p. 140.<br />
<strong>Odris</strong>, RFSM <strong>et</strong> Génériques, juin 2007