Histoire et mémoire de l'immigration en Bretagne - Odris

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58 Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : synthèse historique Les étrangers font l'objet de mesures de surveillance. Une note préfectorale secrète appelle à inscrire sur le "carnet B spécial" les étrangers qui, sans se livrer à des actes illégaux, "paraîtront néanmoins sujets à devenir des agitateurs" 1 . I. Cabrera détaille les mesures de surveillance des étrangers qui concernent surtout plusieurs fascistes italiens, notamment réunis autour de la Fascio créée à Lorient. Le commissaire central de Brest multiplie les rapports et les notes de 1937 à 1940 sur les réunions organisées par des Italiens. Pour exemple, cette note du commissaire central de Brest au maire de Brest, en date du 23 février 1937 transmettant le "tract annonçant une réunion organisée par le Mouvement Populaire Paix et Liberté de l'Union Populaire Italienne" le 26 février, appelant les "travailleurs, brestois et immigrés" à participer à la réunion contre le fascisme 2 . Le jour même de la dite réunion, tenue en matinée, le commissaire fait son rapport au sous-préfet de Brest en observant l'absence d'incident à cette réunion à laquelle ont assisté environ 500 personnes et fait part du contenu de la réunion 3 . Ou bien encore, le commissaire central de Brest indique dans une note datée du 11 février 1940 que lors de réunion de l'association franco-italienne, dans la matinée au café de l'Etoile du Nord, la discussion a porté sur les démarches à accomplir pour s'engager dans l'armée française et que "nombreux sont d'ailleurs ceux des assistants qui ont déjà contracté un engagement". La réunion, en langue italienne, n'a donné lieu à aucun incident 4 . D'autres documents (Ligue des Droits de l'Homme, Parti socialiste) font part dans cette période de réunions fascistes. Enfin, le comité antifasciste de Brest dénonce à plusieurs reprises (1936 – 1937) les conditions d'accueil des réfugiés espagnols (hygiène et nourriture ; femmes insultées) et en octobre 37 leur expulsion pour des raisons soi-disant économiques. Le "placement" des réfugiés sarrois en 1935 L'annexion de la Sarre par l'Allemagne entraîne la venue de réfugiés en France où les autorités tentent d'organiser leur hébergement dans les régions et de les faire employer dans les entreprises en mal de main-d'œuvre. Dans le Finistère, par exemple, des échanges de courrier entre le directeur de l'office départemental et municipal de la main-d'œuvre et le préfet du Finistère, témoignent de ces efforts. Dans un courrier daté du 26 septembre 1935 adressé au préfet, le directeur de l'office indique qu'une lettre circulaire a été adressée aux employeurs du département sur le nombre de réfugiés sarrois disponibles pour le travail et leurs qualifications professionnelles. Telle entreprise a demandé un menuisier, telle autre trois tourneurs sur métaux. Cette dernière, l'entreprise Gourio, ayant besoin de main-d'œuvre pour le carénage du sous-marin Nivose, le directeur précise qu'il a réussi à faire embaucher huit à dix Sarrois, mais se pose le problème de l'accès à l'Arsenal or nul étranger admis à travailler ne peut entrer dans l'Arsenal, soit pour le compte de l'Etat, soit pour le compte d'une entreprise privée, sans avoir été l'objet d'une enquête préalable. Le directeur demande au préfet s'il est possible d'avoir une autorisation spéciale par le Ministère de la Marine pour ces Sarrois étant donné "l'urgence du placement" et la 1. I. Cabrera, op.cit. 2. AM Brest P 1000 921 et 922. 3. AM Brest P 1000 914, 915 et 916. 4. AM Brest P 1000 918. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007

Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : synthèse historique courte durée (quelques jours) du travail à accomplir. Dans le civil, le directeur a fait embaucher "quatre travailleurs dans une situation stable correspondant à leurs aptitudes professionnelles et dix autres vont exercer un métier qui n'est, certes pas le leur, mais dans lequel ils trouveront à gagner, temporairement du moins, leurs moyens d'existence" 1 . Deux jours plus tard, le directeur de l'office annonce au préfet que l'entreprise Balmain aurait besoin dans les prochains jours de main-d'œuvre pour un chantier au Poulmic en Lanvéoc. "L'appoint des Sarrois est donc le bienvenu et M. Brill demande qu'il lui en soit réservé dix qu'il promet de rendre sitôt qu'il le pourra c'est-à-dire sous quelques jours à peine". Le directeur ajoute que ce monsieur a même promis de les embaucher plus tôt, sur le chantier de l'école navale, pour limiter les frais d'entretien des réfugiés pour l'Etat 2 . Enfin, en octobre 1935, le directeur informe le préfet que les quatre Sarrois parmi les huit derniers à placer ont été embauchés sur les chantiers du Fort de La Pointe à Brest et d'autres placements sont en bonne voie de réalisation 3 . Les archives départementales du Finistère recèlent diverses notes relatives à l'embauche des réfugiés sarrois. Au mois d'octobre 1935, le ministère du travail rappelle ainsi au préfet la nécessité de pourvoir le contingent de réfugiés sarrois arrivant dans le département d'un emploi dans les professions où la main-d'œuvre française est déficitaire 4 . Il est également précisé dans les courriers administratifs que les travailleurs sarrois, pour le régime d'assurance, doivent bénéficier des mêmes droits que les Français après la convention passée avec le gouvernement du territoire de Sarre. Néanmoins, en octobre 1935, les autorités s'interrogent sur l'existence de la nationalité sarroise après la réunion de la Sarre au Reich 5 . L'accueil ambivalent des exilés espagnols de 1937 à 1939 Le 16 février 1936, les élections en Espagne donnent une forte majorité aux groupes de gauche. Pour la première fois, les communistes sont au gouvernement, le Fronte Popular espagnol précède de quelques mois le Front Populaire français (mai 1936). Le triomphe du Front populaire aux élections de février ouvre une période d'agitations et de violences dans toute l'Espagne. En juillet 36, c'est l'insurrection militaire déclenchée par le général Franco, bientôt déclaré chef du gouvernement espagnol. L'Espagne est déchirée par une guerre civile, fratricide, opposant les "insurgés", se qualifiant de "nationaux" (les carlistes, les fascistes et les catholiques) et les "gouvernementaux", qualifiés de "rouges" par leurs adversaires, regroupant divers éléments du Front populaire (gauche républicaine, socialistes, communistes, syndicalistes, anarchistes…). Fuyant les massacres de la guerre civile et les représailles franquistes, ils sont des milliers à passer la frontière, en particulier lors de la débâcle républicaine en février 1939. Ouvriers, paysans, intellectuels, anciens fonctionnaires, ils ont en commun leurs idées républicaines, leurs convictions communistes ou anarchistes. L'accueil du gouvernement Daladier, hostile aux communistes français, n'est guère chaleureux envers les réfugiés espagnols. Leur accueil est d'abord organisé dans le sud du pays. Puis la situation s'aggravant en Espagne, la zone 1. AM Brest P 1000 823 et 824. 2. AM Brest P 1000 825 et 826. 3. AM Brest P 1000 827. 4. AD 29 P 1000 817 à 819. 5. AD 29 P 1000 820. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007 59

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<strong>Histoire</strong> <strong>et</strong> Mémoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne : synthèse historique<br />

Les étrangers font l'obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong> surveillance. Une note préfectorale secrète appelle<br />

à inscrire sur le "carn<strong>et</strong> B spécial" les étrangers qui, sans se livrer à <strong>de</strong>s actes illégaux, "paraîtront<br />

néanmoins suj<strong>et</strong>s à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s agitateurs" 1 . I. Cabrera détaille les mesures <strong>de</strong> surveillance <strong>de</strong>s<br />

étrangers qui concern<strong>en</strong>t surtout plusieurs fascistes itali<strong>en</strong>s, notamm<strong>en</strong>t réunis autour <strong>de</strong> la Fascio<br />

créée à Lori<strong>en</strong>t.<br />

Le commissaire c<strong>en</strong>tral <strong>de</strong> Brest multiplie les rapports <strong>et</strong> les notes <strong>de</strong> 1937 à 1940 sur les<br />

réunions organisées par <strong>de</strong>s Itali<strong>en</strong>s. Pour exemple, c<strong>et</strong>te note du commissaire c<strong>en</strong>tral <strong>de</strong> Brest au<br />

maire <strong>de</strong> Brest, <strong>en</strong> date du 23 février 1937 transm<strong>et</strong>tant le "tract annonçant une réunion organisée<br />

par le Mouvem<strong>en</strong>t Populaire Paix <strong>et</strong> Liberté <strong>de</strong> l'Union Populaire Itali<strong>en</strong>ne" le 26 février, appelant<br />

les "travailleurs, brestois <strong>et</strong> immigrés" à participer à la réunion contre le fascisme 2 . Le jour même<br />

<strong>de</strong> la dite réunion, t<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> matinée, le commissaire fait son rapport au sous-préf<strong>et</strong> <strong>de</strong> Brest <strong>en</strong><br />

observant l'abs<strong>en</strong>ce d'inci<strong>de</strong>nt à c<strong>et</strong>te réunion à laquelle ont assisté <strong>en</strong>viron 500 personnes <strong>et</strong> fait<br />

part du cont<strong>en</strong>u <strong>de</strong> la réunion 3 . Ou bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core, le commissaire c<strong>en</strong>tral <strong>de</strong> Brest indique dans<br />

une note datée du 11 février 1940 que lors <strong>de</strong> réunion <strong>de</strong> l'association franco-itali<strong>en</strong>ne, dans la<br />

matinée au café <strong>de</strong> l'Etoile du Nord, la discussion a porté sur les démarches à accomplir pour<br />

s'<strong>en</strong>gager dans l'armée française <strong>et</strong> que "nombreux sont d'ailleurs ceux <strong>de</strong>s assistants qui ont déjà<br />

contracté un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t". La réunion, <strong>en</strong> langue itali<strong>en</strong>ne, n'a donné lieu à aucun inci<strong>de</strong>nt 4 .<br />

D'autres docum<strong>en</strong>ts (Ligue <strong>de</strong>s Droits <strong>de</strong> l'Homme, Parti socialiste) font part dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> réunions fascistes. Enfin, le comité antifasciste <strong>de</strong> Brest dénonce à plusieurs reprises (1936 –<br />

1937) les conditions d'accueil <strong>de</strong>s réfugiés espagnols (hygiène <strong>et</strong> nourriture ; femmes insultées) <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong> octobre 37 leur expulsion pour <strong>de</strong>s raisons soi-disant économiques.<br />

Le "placem<strong>en</strong>t" <strong>de</strong>s réfugiés sarrois <strong>en</strong> 1935<br />

L'annexion <strong>de</strong> la Sarre par l'Allemagne <strong>en</strong>traîne la v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong> réfugiés <strong>en</strong> France où les<br />

autorités t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t d'organiser leur hébergem<strong>en</strong>t dans les régions <strong>et</strong> <strong>de</strong> les faire employer dans les<br />

<strong>en</strong>treprises <strong>en</strong> mal <strong>de</strong> main-d'œuvre. Dans le Finistère, par exemple, <strong>de</strong>s échanges <strong>de</strong> courrier<br />

<strong>en</strong>tre le directeur <strong>de</strong> l'office départem<strong>en</strong>tal <strong>et</strong> municipal <strong>de</strong> la main-d'œuvre <strong>et</strong> le préf<strong>et</strong> du<br />

Finistère, témoign<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ces efforts. Dans un courrier daté du 26 septembre 1935 adressé au<br />

préf<strong>et</strong>, le directeur <strong>de</strong> l'office indique qu'une l<strong>et</strong>tre circulaire a été adressée aux employeurs du<br />

départem<strong>en</strong>t sur le nombre <strong>de</strong> réfugiés sarrois disponibles pour le travail <strong>et</strong> leurs qualifications<br />

professionnelles. Telle <strong>en</strong>treprise a <strong>de</strong>mandé un m<strong>en</strong>uisier, telle autre trois tourneurs sur métaux.<br />

C<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière, l'<strong>en</strong>treprise Gourio, ayant besoin <strong>de</strong> main-d'œuvre pour le carénage du sous-marin<br />

Nivose, le directeur précise qu'il a réussi à faire embaucher huit à dix Sarrois, mais se pose le<br />

problème <strong>de</strong> l'accès à l'Ars<strong>en</strong>al or nul étranger admis à travailler ne peut <strong>en</strong>trer dans l'Ars<strong>en</strong>al, soit<br />

pour le compte <strong>de</strong> l'Etat, soit pour le compte d'une <strong>en</strong>treprise privée, sans avoir été l'obj<strong>et</strong> d'une<br />

<strong>en</strong>quête préalable. Le directeur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au préf<strong>et</strong> s'il est possible d'avoir une autorisation<br />

spéciale par le Ministère <strong>de</strong> la Marine pour ces Sarrois étant donné "l'urg<strong>en</strong>ce du placem<strong>en</strong>t" <strong>et</strong> la<br />

1. I. Cabrera, op.cit.<br />

2. AM Brest P 1000 921 <strong>et</strong> 922.<br />

3. AM Brest P 1000 914, 915 <strong>et</strong> 916.<br />

4. AM Brest P 1000 918.<br />

<strong>Odris</strong>, RFSM <strong>et</strong> Génériques, juin 2007

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