Histoire et mémoire de l'immigration en Bretagne - Odris

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05.07.2013 Views

26 Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : synthèse historique Audierne, Le Conquet, Roscoff, Perros-Guirec ou Cancale connaissent aussi une augmentation du nombre de voyageurs étrangers. Le port est enfin le lieu de surveillance et de contrôle par excellence. Surveillance d'abord, de la part des autorités, des mouvements de voyageurs et de navires, en particulier des entrées et sorties d'étrangers 1 ; surveillance sanitaire, ensuite, avec les risques d'épidémie 2 que la police maritime tente de prévenir par les mises en quarantaine, l'instauration de périmètres de cantonnement ou les projets de lazarets comme à Saint-Malo, Saint-Servan, Cancale, Lorient et Brest 3 . Surveillance, enfin, des tensions qui, partant des quais, menacent de refluer vers la ville et ses quartiers plus "paisibles" ou qui risquent de peser sur les relations diplomatiques entre États lorsqu'elles se portent contre un vaisseau battant pavillon étranger 4 . Ainsi, les espaces citadins et portuaires restent en Bretagne les lieux privilégiés de séjour ou d'installation des étrangers, même si, par "osmose territoriale", certaines communes rurales situées en périphérie des villes accueillent déjà quelques étrangers. Alors que le mouvement des étrangers dans les ports bretons s'intensifie en ce milieu de XIX e siècle et atteint des niveaux inégalés en ce qui concerne les populations civiles circulant librement, la Bretagne assiste à une certaine sédentarisation des étrangers présents dans l'espace urbain. En témoignent, entre autres, les naturalisations. Selon les dossiers répertoriés dans la base "NAT" du Centre historique des archives nationales 5 , les admissions à domicile et naturalisations intervenues de 1814 à 1851 représentent, pour l'ensemble des quatre départements de la région, un peu moins de 300 dossiers, dont 40 % pour le Finistère, 24 % pour le Morbihan, 21 % pour l'Ille-et-Vilaine et 15 % pour les Côtes-du-Nord. Les nationalités les plus représentées sont les Allemands et Prussiens, les Belges et Hollandais, les Suisses, les Italiens et Sardes, dans des proportions à peu près équivalentes ; ces groupes sont suivis par les Britanniques, les Espagnols et les Polonais. Ces naturalisations concernent des populations implantées dans les villes et dans les ports : artisans ou commerçants, employés ou officiers de l'État : travaux publics, douanes, contributions directes, marine, gendarmerie… 1. Par exemple, en 1829, le service de surveillance des étrangers de la sûreté générale invite les préfets maritimes de Cherbourg, de Brest et de Lorient à empêcher le départ vers la colonie de Saint-Pierre-et-Miquelon des personnes sans ressources : CAOM, FM SG Saint-Pierre-et-Miquelon. 2. Les ports de Lorient et de Brest, en raison de la présence des bagnes et des arsenaux, font office de "laboratoire", comme Marseille et Toulon en Méditerranée, pour l'observation des maladies. En témoignent par exemple les thèses dedecine sur l'épidémie de choléra-morbus asiatique à Brest en 1849 ou sur les maladies les plus fréquentes au quartier d'artillerie de la Marine et des colonies à Lorient. 3. Les documents sur la police sanitaire maritime sont conservés en sous-série 5M des archives départementales. 4. À l'automne 1848, des émeutes éclatent à Saint-Malo, Saint-Servan, et Lannion pour empêcher l'embarquement de pommes de terre sur des bateaux anglais et prussiens : CHAN, BB18/1467 et 1469. 5. http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/arn/ (sous réserve que les dossiers enregistrés dans la base représentent l'ensemble des naturalisations et admissions à domicile intervenues). Odris, RFSM et Génériques, juin 2007

Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : synthèse historique 5. APPROCHE HISTORIQUE DE L'IMMIGRATION EN BRETAGNE APRES 1850 : PREMIERES IMMIGRATIONS "INDUSTRIELLES" ET ATTRAIT DE LA BRETAGNE POUR LES ARTISTES ETRANGERS 1851-1913 : le temps des premières immigrations "industrielles", des artistes et de la villégiature Recensement général de la population en 1851 1 Population totale Français (dont naturalisés) Odris, RFSM et Génériques, juin 2007 Étrangers 27 % d'étrangers dans la population totale (arrondi) Côtes-du-Nord 632 613 632 109 (29) 504 0,08 Finistère 617 710 617 178 (67) 532 0,09 Ille-et-Vilaine 574 618 573 960 (32) 658 0,11 Morbihan 478 172 477 997 (14) 175 0,03 Total Bretagne 2 303 113 2 301 244 (142) 1 869 0,08 France entière 35 781 628 35 402 339(13525) 379 289 1,06 Avec moins de 2 000 personnes recensées, constituant seulement 0,08 % de la population totale, la Bretagne compte peu d'étrangers y résidant durablement. D'autre part, les étrangers comptabilisés en Bretagne ne représentent que 0,5 % des étrangers présents en France à la même date, alors que la population totale des départements des Côtes-du-Nord, du Finistère, de l'Ille-et- Vilaine et du Morbihan constitue 6,5 % de la population totale de la France ! La présence des étrangers reste encore circonscrite au monde des villes. Par exemple, dans le Finistère 2 , dans la décennie 1850, 90 % des étrangers vivent à Brest, Lambézellec, Landerneau- Pencran, Morlaix, Quimper, Quimperlé. Ce sont des Britanniques à près de 70 %, des Suisses à hauteur de 15 %, des Allemands, Belges et Italiens pour 10 %. Cependant, la Haute-Bretagne connaît déjà une pénétration dans les arrondissements ruraux, notamment le département d'Illeet-Vilaine : Le sous-préfet de Redon écrit en 1854 : "pour les divers corps de métiers, nous avons à peine 25 ouvriers étrangers dans le canton" 3 . Les années 1850-1860 sont marquées en Bretagne par le développement du chemin de fer qui atteint Rennes en 1857 et Brest en 1865, facilitant les déplacements et les migrations 4 . Avec la mécanisation de l'industrie, des étrangers sont sollicités, dans les petits centres industriels qui se développent en Bretagne, pour conduire les machines, mener les travaux ou former une main- 1. Ministère du Commerce, Statistique générale de la France, Paris, impr. Impériale, 1856. 2. Recensement effectué en exécution de l'arrêté préfectoral en date du 20 septembre 1851 prescrivant les mesures de surveillance des étrangers résidant dans le département, Bulletin administratif, n° 1118. 3. AD 35, 3Z46. 4. À la différence de la situation que connaissent d'autres régions de France, peu d'étrangers semblent travailler à la construction des lignes du chemin de fer breton ; par exemple, dans le Finistère, l'enquête sur les ouvriers italiens employés sur les chantiers de travaux publics en 1881 n'en mentionne qu'un sur la ligne de Concarneau à Rosporden. AD 29, 10M16.

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<strong>Histoire</strong> <strong>et</strong> Mémoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne : synthèse historique<br />

Audierne, Le Conqu<strong>et</strong>, Roscoff, Perros-Guirec ou Cancale connaiss<strong>en</strong>t aussi une augm<strong>en</strong>tation<br />

du nombre <strong>de</strong> voyageurs étrangers.<br />

Le port est <strong>en</strong>fin le lieu <strong>de</strong> surveillance <strong>et</strong> <strong>de</strong> contrôle par excell<strong>en</strong>ce. Surveillance d'abord,<br />

<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s autorités, <strong>de</strong>s mouvem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> voyageurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> navires, <strong>en</strong> particulier <strong>de</strong>s <strong>en</strong>trées <strong>et</strong><br />

sorties d'étrangers 1 ; surveillance sanitaire, <strong>en</strong>suite, avec les risques d'épidémie 2 que la police<br />

maritime t<strong>en</strong>te <strong>de</strong> prév<strong>en</strong>ir par les mises <strong>en</strong> quarantaine, l'instauration <strong>de</strong> périmètres <strong>de</strong><br />

cantonnem<strong>en</strong>t ou les proj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> lazar<strong>et</strong>s comme à Saint-Malo, Saint-Servan, Cancale, Lori<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

Brest 3 . Surveillance, <strong>en</strong>fin, <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>sions qui, partant <strong>de</strong>s quais, m<strong>en</strong>ac<strong>en</strong>t <strong>de</strong> refluer vers la ville <strong>et</strong><br />

ses quartiers plus "paisibles" ou qui risqu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> peser sur les relations diplomatiques <strong>en</strong>tre États<br />

lorsqu'elles se port<strong>en</strong>t contre un vaisseau battant pavillon étranger 4 .<br />

Ainsi, les espaces citadins <strong>et</strong> portuaires rest<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne les lieux privilégiés <strong>de</strong> séjour ou<br />

d'installation <strong>de</strong>s étrangers, même si, par "osmose territoriale", certaines communes rurales<br />

situées <strong>en</strong> périphérie <strong>de</strong>s villes accueill<strong>en</strong>t déjà quelques étrangers. Alors que le mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

étrangers dans les ports br<strong>et</strong>ons s'int<strong>en</strong>sifie <strong>en</strong> ce milieu <strong>de</strong> XIX e siècle <strong>et</strong> atteint <strong>de</strong>s niveaux<br />

inégalés <strong>en</strong> ce qui concerne les populations civiles circulant librem<strong>en</strong>t, la Br<strong>et</strong>agne assiste à une<br />

certaine sé<strong>de</strong>ntarisation <strong>de</strong>s étrangers prés<strong>en</strong>ts dans l'espace urbain. En témoign<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre autres,<br />

les naturalisations. Selon les dossiers répertoriés dans la base "NAT" du C<strong>en</strong>tre historique <strong>de</strong>s<br />

archives nationales 5 , les admissions à domicile <strong>et</strong> naturalisations interv<strong>en</strong>ues <strong>de</strong> 1814 à 1851<br />

représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t, pour l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s quatre départem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la région, un peu moins <strong>de</strong> 300<br />

dossiers, dont 40 % pour le Finistère, 24 % pour le Morbihan, 21 % pour l'Ille-<strong>et</strong>-Vilaine <strong>et</strong> 15 %<br />

pour les Côtes-du-Nord. Les nationalités les plus représ<strong>en</strong>tées sont les Allemands <strong>et</strong> Prussi<strong>en</strong>s, les<br />

Belges <strong>et</strong> Hollandais, les Suisses, les Itali<strong>en</strong>s <strong>et</strong> Sar<strong>de</strong>s, dans <strong>de</strong>s proportions à peu près<br />

équival<strong>en</strong>tes ; ces groupes sont suivis par les Britanniques, les Espagnols <strong>et</strong> les Polonais. Ces<br />

naturalisations concern<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s populations implantées dans les villes <strong>et</strong> dans les ports : artisans ou<br />

commerçants, employés ou officiers <strong>de</strong> l'État : travaux publics, douanes, contributions directes,<br />

marine, g<strong>en</strong>darmerie…<br />

1. Par exemple, <strong>en</strong> 1829, le service <strong>de</strong> surveillance <strong>de</strong>s étrangers <strong>de</strong> la sûr<strong>et</strong>é générale invite les préf<strong>et</strong>s maritimes <strong>de</strong><br />

Cherbourg, <strong>de</strong> Brest <strong>et</strong> <strong>de</strong> Lori<strong>en</strong>t à empêcher le départ vers la colonie <strong>de</strong> Saint-Pierre-<strong>et</strong>-Miquelon <strong>de</strong>s personnes<br />

sans ressources : CAOM, FM SG Saint-Pierre-<strong>et</strong>-Miquelon.<br />

2. Les ports <strong>de</strong> Lori<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong> Brest, <strong>en</strong> raison <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s bagnes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ars<strong>en</strong>aux, font office <strong>de</strong> "laboratoire",<br />

comme Marseille <strong>et</strong> Toulon <strong>en</strong> Méditerranée, pour l'observation <strong>de</strong>s maladies. En témoign<strong>en</strong>t par exemple les thèses<br />

<strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine sur l'épidémie <strong>de</strong> choléra-morbus asiatique à Brest <strong>en</strong> 1849 ou sur les maladies les plus fréqu<strong>en</strong>tes au<br />

quartier d'artillerie <strong>de</strong> la Marine <strong>et</strong> <strong>de</strong>s colonies à Lori<strong>en</strong>t.<br />

3. Les docum<strong>en</strong>ts sur la police sanitaire maritime sont conservés <strong>en</strong> sous-série 5M <strong>de</strong>s archives départem<strong>en</strong>tales.<br />

4. À l'automne 1848, <strong>de</strong>s émeutes éclat<strong>en</strong>t à Saint-Malo, Saint-Servan, <strong>et</strong> Lannion pour empêcher l'embarquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

pommes <strong>de</strong> terre sur <strong>de</strong>s bateaux anglais <strong>et</strong> prussi<strong>en</strong>s : CHAN, BB18/1467 <strong>et</strong> 1469.<br />

5. http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/arn/ (sous réserve que les dossiers <strong>en</strong>registrés dans la base<br />

représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s naturalisations <strong>et</strong> admissions à domicile interv<strong>en</strong>ues).<br />

<strong>Odris</strong>, RFSM <strong>et</strong> Génériques, juin 2007

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