Histoire et mémoire de l'immigration en Bretagne - Odris

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100 Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : la mémoire Un rappel à la mémoire du passé migratoire des Bretons Le 29 septembre 2006, l'association organise un nouveau Bistrot de l'Histoire pour évoquer les migrations bretonnes. Il se tient à Plaintel, commune située à une dizaine de kilomètres de Saint-Brieuc, dans un secteur plutôt rural qui a connu une émigration précoce à la suite de l'effondrement de l'industrie du lin 1 . La projection d'un film sur les jeunes femmes de l'Ile Grande employées comme bonnes en région parisienne 2 agrémente la soirée ponctuée de témoignages et de récits sur des migrations bretonnes à l'étranger (Canada ou plus proche à Jersey) et vers d'autres régions françaises (Le Havre – ligne régulière du Port du Légué à Saint-Brieuc vers le port du Havre –, La Dordogne, Le Lot-et-Garonne, Le Tarn et, bien sûr, la région parisienne). La parole est largement laissée au public qui a de multiples expériences à rapporter sur le sujet, avec des propos souvent amers. Selon leurs lieux de destination, les migrants bretons ont été employés dans l'agriculture, l'industrie (automobile, notamment) ou la domesticité et les services. Leurs migrations étaient saisonnières (par exemple, les saisons betteravières en Beauce ou les pommes de terre à Jersey) ou plus définitives, faisant souche dans les pays ou les régions de leur destination, sans toutefois couper totalement leurs racines avec leur terre natale. La soirée connaît également un vif succès (350 personnes), illustrant l'intérêt des habitants pour une histoire qui leur est proche et pour participer à la mémoire du passé migratoire du pays briochin et de la Bretagne en général. Historiens et sociologues montrent les parallèles à établir entre les migrations, qu'elles concernent l'immigration des étrangers en France et l'émigration des Bretons. La chaîne de télévision Demain enregistre la soirée et diffuse des extraits sur l'Internet dans la semaine du 14 octobre. Une rencontre entre l'immigration étrangère et l'émigration bretonne sur le thème de l'exil Enfin, le 27 avril 2007, l'association est de retour au centre social le Plateau à Saint-Brieuc pour présenter une synthèse des deux bistrots, sous la forme d'un spectacle, et non plus la Table ronde habituelle. Création originale, le spectacle est préparé depuis plusieurs mois par la comédienne Estelle Etienne. Il est "joué" par de multiples acteurs (adultes et collégiens) sur le thème de l'exil, à partir des récits d'immigrés et d'émigrés bretons, de poésies et de chants en français et en breton... Ce spectacle prend à nouveau place dans le cadre de la fête Tissé Mêlé. Intitulé "Les valises de Racine, chemins d'exil", le spectacle tourne autour du projet d'établissement du collège, piloté par l'association les Bistrots de vie, sur le thème de "partir" que les élèves ont travaillé en classe avec leurs professeurs d'histoire-géographie et de français. Le Bistrot du 27 avril a ainsi pour but de valoriser les quartiers populaires de Saint-Brieuc environnant le collège Racine (quartiers de l'Europe, Balzac, Ginglin, Gouédic, Sainte-Thérèse, la prison) en faisant découvrir leur histoire aux habitants. L'histoire des quartiers se confond en fait avec celle 1. Voir les recherches de l'historien Roger Toinard sur les Côtes d'Armor, son passé rural et industriel. 2. Film de Thierry Campain, Nous n'étions pas des Bécassines. Saint Louis Production, France 3, 57', 2005 (a eu le prix Circom). Odris, RFSM et Génériques, juin 2007

Histoire et Mémoire de l'immigration en Bretagne : la mémoire de leurs habitants, qui prend ainsi une coloration "touristique et patrimoniale" 1 . Les habitants ont ainsi été invités à circuler dans un bus dans lequel des historiens et des témoins relatent l'histoire de ces "morceaux de ville" : une course internationale d'automobile en 1927, l'attaque de la prison le 1 er août 1944, la libération de la ville le 1 er août 1944, le camp d'internement des Espagnols en 1937, les ponts de Saint-Brieuc et les barres HLM, la cité Jardin, etc. Au cours du trajet, les élèves de 3 e du collège Racine descendent à différents arrêts pour lire des poésies et textes écrits par eux-mêmes sur les quartiers et le thème de l'exil. Le spectacle rassemble donc des participants des deux autres bistrots, plus d'une vingtaine de personnes au total, des immigrés de différents pays (Europe, Asie, Afrique) ou leurs enfants et émigrés bretons (dans les différentes régions de France ou à l'étranger) ainsi qu'une dizaine d'élèves de 3 e du collège Racine. Buffalo Kawongolo, zaïrois-breton, ponctue musicalement la soirée avec son saxophone et des photographies illustrant les moments d'exil sont projetées sur grand écran. Comme pour les deux premières soirées, le public est venu nombreux et le contenu du spectacle est dense. Commencé vers 20 h 30, le spectacle s'achève après minuit. La chaîne de télévision Demain filme toute la soirée et le sujet est diffusé comme précédemment sur l'Internet, le mois suivant. L'association a choisi de travailler deux ans sur le thème des migrations qui sont "au cœur de l'identité du pays briochin". Donner la parole aux habitants est essentiel dans le projet associatif des Bistrots de vie, et sur ce thème en particulier, méconnu, mais aussi souvent illégitime, autrement dit peu reconnu. C'est pourquoi l'association a souhaité rendre compte d'un thème qui est aussi "un grand problème d'actualité et un enjeu majeur" pour le "vivre ensemble" 2 . Elle envisage aujourd'hui de faire éditer sous forme de recueil les témoignages des "migrants et immigrants" collectés. 3. CONCLUSION Dans l'état actuel de nos connaissances, ces deux projets nous paraissent les plus avancés dans la réflexion et l'action sur l'histoire et la mémoire de l'immigration. Des éléments forts ressortent des deux : en premier lieu, l'ancrage dans un espace – le quartier, la ville, le pays - de l'histoire de l'immigration pour la transformer/la construire en mémoire. En second lieu, la participation des habitants – plus visible dans l'action des Bistrots de Vie, conformément à leur objectif de donner la parole aux habitants pour faire résonner des appartenances – semble aussi déterminante dans la réalisation du projet. Les relations intergénérationnelles sont également fondamentales à la transmission de l'histoire et de la mémoire comme on le voit avec l'implication des collégiens dans ces deux projets. Enfin, ils mettent en parallèle l'immigration étrangère et l'émigration bretonne (plus largement les migrations intérieures) présupposant, d'une part, que ces expériences migratoires peuvent se rejoindre, d'autre part, que cette communauté d'expérience peut servir au "vivre ensemble", à la "tolérance". Soulignons par ailleurs que ces actions ne sont pas portées par des associations d'immigrés 1. Cf. Journal publié par l'association, n° 8 "Une belle aventure". 2. Ibid. Odris, RFSM et Génériques, juin 2007 101

<strong>Histoire</strong> <strong>et</strong> Mémoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> <strong>en</strong> Br<strong>et</strong>agne : la <strong>mémoire</strong><br />

<strong>de</strong> leurs habitants, qui pr<strong>en</strong>d ainsi une coloration "touristique <strong>et</strong> patrimoniale" 1 . Les habitants<br />

ont ainsi été invités à circuler dans un bus dans lequel <strong>de</strong>s histori<strong>en</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s témoins relat<strong>en</strong>t<br />

l'histoire <strong>de</strong> ces "morceaux <strong>de</strong> ville" : une course internationale d'automobile <strong>en</strong> 1927, l'attaque <strong>de</strong><br />

la prison le 1 er août 1944, la libération <strong>de</strong> la ville le 1 er août 1944, le camp d'internem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

Espagnols <strong>en</strong> 1937, les ponts <strong>de</strong> Saint-Brieuc <strong>et</strong> les barres HLM, la cité Jardin, <strong>et</strong>c. Au cours du<br />

traj<strong>et</strong>, les élèves <strong>de</strong> 3 e du collège Racine <strong>de</strong>sc<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à différ<strong>en</strong>ts arrêts pour lire <strong>de</strong>s poésies <strong>et</strong><br />

textes écrits par eux-mêmes sur les quartiers <strong>et</strong> le thème <strong>de</strong> l'exil.<br />

Le spectacle rassemble donc <strong>de</strong>s participants <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux autres bistrots, plus d'une vingtaine<br />

<strong>de</strong> personnes au total, <strong>de</strong>s immigrés <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ts pays (Europe, Asie, Afrique) ou leurs <strong>en</strong>fants <strong>et</strong><br />

émigrés br<strong>et</strong>ons (dans les différ<strong>en</strong>tes régions <strong>de</strong> France ou à l'étranger) ainsi qu'une dizaine<br />

d'élèves <strong>de</strong> 3 e du collège Racine. Buffalo Kawongolo, zaïrois-br<strong>et</strong>on, ponctue musicalem<strong>en</strong>t la<br />

soirée avec son saxophone <strong>et</strong> <strong>de</strong>s photographies illustrant les mom<strong>en</strong>ts d'exil sont proj<strong>et</strong>ées sur<br />

grand écran.<br />

Comme pour les <strong>de</strong>ux premières soirées, le public est v<strong>en</strong>u nombreux <strong>et</strong> le cont<strong>en</strong>u du<br />

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télévision Demain filme toute la soirée <strong>et</strong> le suj<strong>et</strong> est diffusé comme précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t sur l'Intern<strong>et</strong>,<br />

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L'association a choisi <strong>de</strong> travailler <strong>de</strong>ux ans sur le thème <strong>de</strong>s migrations qui sont "au cœur<br />

<strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité du pays briochin". Donner la parole aux habitants est ess<strong>en</strong>tiel dans le proj<strong>et</strong><br />

associatif <strong>de</strong>s Bistrots <strong>de</strong> vie, <strong>et</strong> sur ce thème <strong>en</strong> particulier, méconnu, mais aussi souv<strong>en</strong>t<br />

illégitime, autrem<strong>en</strong>t dit peu reconnu. C'est pourquoi l'association a souhaité r<strong>en</strong>dre compte d'un<br />

thème qui est aussi "un grand problème d'actualité <strong>et</strong> un <strong>en</strong>jeu majeur" pour le "vivre<br />

<strong>en</strong>semble" 2 . Elle <strong>en</strong>visage aujourd'hui <strong>de</strong> faire éditer sous forme <strong>de</strong> recueil les témoignages <strong>de</strong>s<br />

"migrants <strong>et</strong> immigrants" collectés.<br />

3. CONCLUSION<br />

Dans l'état actuel <strong>de</strong> nos connaissances, ces <strong>de</strong>ux proj<strong>et</strong>s nous paraiss<strong>en</strong>t les plus avancés<br />

dans la réflexion <strong>et</strong> l'action sur l'histoire <strong>et</strong> la <strong>mémoire</strong> <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong>. Des élém<strong>en</strong>ts forts<br />

ressort<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux : <strong>en</strong> premier lieu, l'ancrage dans un espace – le quartier, la ville, le pays - <strong>de</strong><br />

l'histoire <strong>de</strong> <strong>l'immigration</strong> pour la transformer/la construire <strong>en</strong> <strong>mémoire</strong>. En second lieu, la<br />

participation <strong>de</strong>s habitants – plus visible dans l'action <strong>de</strong>s Bistrots <strong>de</strong> Vie, conformém<strong>en</strong>t à leur<br />

objectif <strong>de</strong> donner la parole aux habitants pour faire résonner <strong>de</strong>s appart<strong>en</strong>ances – semble aussi<br />

déterminante dans la réalisation du proj<strong>et</strong>. Les relations intergénérationnelles sont égalem<strong>en</strong>t<br />

fondam<strong>en</strong>tales à la transmission <strong>de</strong> l'histoire <strong>et</strong> <strong>de</strong> la <strong>mémoire</strong> comme on le voit avec l'implication<br />

<strong>de</strong>s collégi<strong>en</strong>s dans ces <strong>de</strong>ux proj<strong>et</strong>s. Enfin, ils m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t <strong>en</strong> parallèle <strong>l'immigration</strong> étrangère <strong>et</strong><br />

l'émigration br<strong>et</strong>onne (plus largem<strong>en</strong>t les migrations intérieures) présupposant, d'une part, que<br />

ces expéri<strong>en</strong>ces migratoires peuv<strong>en</strong>t se rejoindre, d'autre part, que c<strong>et</strong>te communauté<br />

d'expéri<strong>en</strong>ce peut servir au "vivre <strong>en</strong>semble", à la "tolérance".<br />

Soulignons par ailleurs que ces actions ne sont pas portées par <strong>de</strong>s associations d'immigrés<br />

1. Cf. Journal publié par l'association, n° 8 "Une belle av<strong>en</strong>ture".<br />

2. Ibid.<br />

<strong>Odris</strong>, RFSM <strong>et</strong> Génériques, juin 2007<br />

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