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Dictionnaire argot-français - Vidocq - Éditions du Boucher

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langage est presque inintelligible; mais<br />

grâce à l’attention avec laquelle il<br />

l’écoute, son auditeur finit par parfaitement<br />

comprendre tout ce qu’il dit.<br />

L’étranger est le dernier rejeton d’une<br />

illustre famille polonaise. Tous ses<br />

parents ont été tués au siège de Varsovie<br />

ou à celui de Praga, ad libitum. Pour lui,<br />

il fut blessé dangereusement, fait<br />

prisonnier et envoyé en Sibérie. Grâce à<br />

la force de sa constitution, il fut bientôt<br />

guéri. Mais, dans l’espoir de mettre en<br />

défaut la vigilance de ses gardes, il<br />

feignit d’être toujours malade et souffreteux.<br />

Cette ruse eut un plein succès;<br />

ses gardes, croyant qu’il était incapable<br />

de faire seulement deux lieues, ne le<br />

surveillèrent plus. Cette négligence lui<br />

facilita les moyens de s’évader, ce qu’il<br />

ne manqua pas de faire à la première<br />

occasion. Après avoir supporté toutes<br />

les peines et toutes les fatigues possibles,<br />

il atteignit enfin la frontière de<br />

France; mais la route longue et pénible<br />

qu’il vient de faire l’a beaucoup fatigué,<br />

et il se sent incapable d’aller plus loin.<br />

Arrivé à cet endroit de son récit, le<br />

Polonais dit qu’il aurait pu se procurer<br />

quelques soulagements en vendant un<br />

bijou précieux qu’il a sauvé <strong>du</strong> pillage,<br />

au moment où son infortuné père est<br />

tombé sous les baïonnettes russes; mais<br />

pour vendre ce bijou il aurait fallu qu’il<br />

se découvrît, ce qu’il ne pouvait faire;<br />

« mais, ajoute-t-il pour terminer son<br />

discours, aujourd’hui que je suis à l’abri<br />

de toutes craintes, je suis décidé à me<br />

séparer de ce bijou; mais je n’ose cependant<br />

le vendre moi-même, car je ne<br />

crains rien tant que d’être forcé de me<br />

réunir aux autres réfugiés polonais ».<br />

Après avoir achevé son discours, le<br />

malheureux proscrit baise mille fois le<br />

précieux bijou qui vaut, dit-il,<br />

95<br />

NEP<br />

100 000 francs au moins; cent mille<br />

francs! ces trois mots éveillent la cupidité<br />

de celui, ou de celle, auquel il parle;<br />

le bijou est examiné avec soin; c’est, le<br />

plus souvent, une étoile de Rose-Croix<br />

semblable à celles dont se parent les<br />

francs-maçons, et qui peut bien valoir<br />

60 à 80 francs. On en est là lorsque le<br />

joaillier retiré entre; on lui présente la<br />

croix, il la prend et à peine l’a-t-il entre<br />

les mains qu’il jette un cri d’admiration :<br />

« Voilà, dit-il, un bijou magnifique; que<br />

ces diamants sont beaux! ces rubis sont<br />

d’une bien belle eau; ces émeraudes<br />

sont parfaites. » La <strong>du</strong>pe émerveillée lui<br />

raconte à l’oreille ce qui vient de se<br />

passer entre elle et l’étranger; alors un<br />

nouvel examen a lieu, et il est accompagné<br />

de nouvelles exclamations.<br />

Pendant que tout cela se passe, le<br />

Polonais n’a pas cessé de pleurer; il<br />

prévoit, le malheureux, qu’il est sur le<br />

point de se séparer de son bijou chéri; il<br />

baise encore une fois la croix, et enfin<br />

il offre de la donner pour 5000 ou<br />

6 000 francs; nouvel examen <strong>du</strong> joaillier,<br />

qui soutient à la <strong>du</strong>pe que cet objet<br />

vaut au moins 30 000 francs; il regrette<br />

de n’avoir sur lui que 400 ou 500 francs,<br />

et de n’avoir pas le temps d’aller chez lui<br />

chercher de l’argent, car il ne manquerait<br />

pas une aussi bonne affaire; il<br />

engage alors la <strong>du</strong>pe à faire cette affaire<br />

de compte à demi avec lui, il lui donne à<br />

cet effet les 400 ou 500 francs qu’il a dit<br />

avoir sur lui. On s’empresse de remettre<br />

au Polonais la somme demandée par lui;<br />

le joaillier laisse la croix entre les mains<br />

de la <strong>du</strong>pe et ne revient plus.<br />

Des fermiers, des vignerons, chez lesquels<br />

celui des deux fripons qui est<br />

chargé de préparer les voies se présente<br />

pour acheter de l’avoine ou <strong>du</strong> vin, sont<br />

quelquefois les victimes des neps; c’est

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