Dictionnaire argot-français - Vidocq - Éditions du Boucher
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LETTRES DE JÉRUSALEM<br />
lui-même à votre secours, et vous offrit,<br />
par le moyen de l’enterrement, la voie<br />
de salut que vous me demandâtes, et<br />
que, par un excès d’humanité, je vous<br />
promis. Pourquoi donc, Monsieur, après<br />
votre aveu et votre prière : « Sauvezmoi,<br />
âme sensible, Dieu vous en tiendra<br />
bon compte », ne continuâtes-vous pas<br />
à me dire : « Vous sauvez un malheureux<br />
qui n’a pas trempé dans le crime<br />
dont il a été accusé, et qui l’a plongé<br />
dans l’abîme dont il est si difficile, mais<br />
non impossible de se relever! » Cette<br />
déclaration aurait redoublé en moi<br />
l’intérêt qui me portait à vous aider, et<br />
aurait laissé en moi cette sécurité, et<br />
cette satisfaction que l’on éprouve à la<br />
suite d’un bienfait qui est ignoré de tout<br />
le monde. Mais, hélas! comme les<br />
temps sont changés, depuis lors, pour<br />
nous! Vous, en butte alors à la plus<br />
cruelle destinée, manquant de tout,<br />
obligé à fuir la société des hommes, et<br />
moi qui menais une vie paisible,<br />
quoique veuve d’un maître marin mort<br />
au service <strong>du</strong> roi Louis XVI, par le<br />
moyen d’un modique commerce, et une<br />
conscience pure, qui me mettait, ainsi<br />
que mes deux demoiselles en bas âge, à<br />
l’abri des premiers besoins. Depuis que<br />
cette faible ressource m’a manqué, n’en<br />
ayant pas d’autres, je n’ai fait que<br />
languir.<br />
Atteinte une des premières par le choléra,<br />
je croyais toucher à la fin de mes<br />
maux, mais le ciel en a disposé autrement.<br />
La volonté de Dieu soit faite.<br />
Dieu a voulu m’épargner en prolongeant<br />
mon existence; Dieu y pourvoira.<br />
Je souhaite, Monsieur, que Dieu continue<br />
à prospérer vos affaires, et que<br />
vous soyez toujours le soutien des malheureux.<br />
84<br />
Agréez, Monsieur, les sentiments de<br />
ma considération, avec lesquels je suis,<br />
Votre dévouée servante,<br />
GENEVIÈVE PEYRON<br />
Ve Diaque.<br />
Rue <strong>du</strong> Pradel, 19.<br />
Voici en quels termes je répondis à<br />
cette lettre; car, quoique bien convaincu<br />
qu’elle n’émanait pas de la personne qui<br />
m’avait ren<strong>du</strong> l’important service de<br />
favoriser mon évasion, mais bien de<br />
quelque arcasineur pensionnaire <strong>du</strong><br />
bagne de Toulon, qui avait appris la circonstance<br />
qu’il me rappelait, par mes<br />
Mémoires, je ne voulais pas, si contre<br />
toute attente mes prévisions étaient<br />
fausses, m’exposer à manquer de reconnaissance.<br />
Je serais mille fois heureux, Madame,<br />
si le hasard me faisait retrouver la<br />
femme qui m’a si généreusement aidé, à<br />
Toulon, lors de mon évasion; je suis tout<br />
prêt à reconnaître, comme je le dois, ce<br />
qu’elle a fait pour moi, mais je ne veux<br />
point m’exposer à être <strong>du</strong>pe.<br />
Ce que vous me dites, Madame, me<br />
prouve jusqu’à l’évidence que vous<br />
n’êtes pas la femme généreuse qui me<br />
procura les moyens de sortir de la ville<br />
de Toulon, et que vous ne connaissez<br />
cette circonstance de ma vie que par la<br />
lecture de mes Mémoires. Au reste, si<br />
vous êtes réellement la personne en<br />
question, vous pouvez aisément m’en<br />
donner la preuve, en me rappelant un<br />
incident qui m’arriva lorsque j’étais chez<br />
vous; incident que la mémoire la moins<br />
locale ne peut avoir oublié; si vous<br />
pouvez faire ce que je vous demande, je<br />
suis prêt à vous envoyer 500 francs, et<br />
même plus, etc., etc.<br />
L’arcasineur ne se tint pas pour battu,<br />
et il me répondit en ces termes :