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Dictionnaire argot-français - Vidocq - Éditions du Boucher

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FOUR CHAUD<br />

La question était venue remplacer en<br />

France les <strong>du</strong>els judiciaires, qui euxmêmes<br />

avaient été précédés par les<br />

épreuves que l’on nommait jugements<br />

de Dieu. Ceux de mes lecteurs qui ne<br />

connaissent pas parfaitement les anciens<br />

usages de la France, ne seront peut-être<br />

pas fâchés de trouver ici quelques<br />

détails sur la manière dont se rendait<br />

autrefois la justice.<br />

Les ecclésiastiques qui tenaient des<br />

fiefs à titres féodaux, et qui, par conséquent,<br />

possédaient sur leurs terres,<br />

comme tous les tenanciers <strong>du</strong> roi, le<br />

droit de haute et basse justice, mirent<br />

les premiers les épreuves en usage.<br />

L’accusé qui n’avait pas cessé de protester<br />

de son innocence y était soumis<br />

sur sa demande. Il y en avait de plusieurs<br />

sortes, mais les plus usitées<br />

étaient les épreuves de l’eau et <strong>du</strong> feu.<br />

Dans le premier cas, on liait l’accusé de<br />

manière à ne point lui laisser la liberté<br />

de faire un seul mouvement, et dans cet<br />

état il était jeté dans une vaste cuve<br />

pleine d’eau, s’il allait au fond il était<br />

déclaré coupable, si, au contraire, il surnageait,<br />

personne ne songeait à douter<br />

de son innocence. Dans le second, il<br />

devait, pour donner la preuve de son<br />

innocence, tenir entre ses mains, <strong>du</strong>rant<br />

un certain temps, et sans en être brûlé,<br />

une barre de fer rougie au feu. On conçoit<br />

tout ce que ces épreuves avaient<br />

d’incertain, aussi elles ne furent pas<br />

longtemps en usage et furent remplacées<br />

par les <strong>du</strong>els judiciaires. Celui qui<br />

accusait ou qui était accusé pouvait<br />

demander à prouver par le combat la<br />

vérité de son accusation ou de sa<br />

défense. L’histoire fait mention d’un<br />

grand nombre de combats de ce genre,<br />

parmi lesquels on cite celui de Jarnac<br />

contre La Chataigneraye, qui a donné<br />

60<br />

naissance à un proverbe, et celui <strong>du</strong><br />

chien d’Aubry de Montdidier contre le<br />

chevalier Macaire.<br />

Je me suis un peu éloigné <strong>du</strong> sujet<br />

principal de cet article, auquel je me<br />

hâte de revenir. J’ai dit que lorsque la<br />

question fut abolie, l’expérience avait<br />

prouvé depuis longtemps son inutilité et<br />

son inefficacité, et que pour acquérir la<br />

preuve de ce que j’avançais, il ne fallait<br />

que feuilleter le recueil des Causes célèbres,<br />

on y verrait en effet que la question<br />

n’arracha pas un aveu à la plupart des<br />

grands criminels qui y furent soumis, et<br />

que des accidents imprévus amenèrent<br />

seuls leur condamnation. Que l’on me<br />

permette de citer à l’appui de ce que<br />

j’avance, un fait encore récent, et dont<br />

j’ai été témoin oculaire et auriculaire.<br />

En l’an V de la République, il y avait<br />

au bagne de Brest, salle Saint-Antoine,<br />

un Breton surnommé le Rifodé, qui avait<br />

été condamné aux travaux forcés à perpétuité<br />

par la cour de justice de Nantes;<br />

cet homme avait fait partie d’une troupe<br />

de voleurs et d’assassins de grande<br />

route, et si ses aveux étaient venus corroborer<br />

les charges qui s’élevaient<br />

contre lui, il aurait été rompu vif; mais il<br />

avait supporté avec une constance inaltérable<br />

la question ordinaire et extraordinaire,<br />

de sorte que les magistrats,<br />

quoique bien convaincus de sa culpabilité<br />

(que <strong>du</strong> reste il ne cherchait pas à<br />

mettre en doute lorsque je le vis,<br />

puisqu’il montrait avec une sorte<br />

d’orgueil ses membres mutilés et brûlés,<br />

et sa poitrine que l’eau, en tombant<br />

d’une grande hauteur, avait creusée)<br />

n’avaient pu le condamner au supplice<br />

de la roue ainsi que ses complices. Le<br />

Rifodé assurait que deux personnes<br />

compromises dans son affaire, et qui,<br />

moins vigoureuses que lui, avaient

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